L'Allemagne introduit une instance contre l'Italie au motif que cette dernière n'a pas respecté son immunité de juridiction en tant qu'Etat souverain

Document Number
183-20220429-PRE-01-00-EN
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
2022/16
Date of the Document
Document File

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
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Communiqué de presse
Non officiel
No 2022/16
Le 29 avril 2022
L’Allemagne introduit une instance contre l’Italie au motif que cette dernière n’a pas respecté son immunité de juridiction en tant qu’Etat souverain
LA HAYE, le 29 avril 2022. La République fédérale d’Allemagne a introduit aujourd’hui devant la Cour internationale de Justice une instance contre la République italienne au motif que cette dernière n’a pas respecté son immunité de juridiction en tant qu’Etat souverain.
Dans sa requête, l’Allemagne rappelle que, le 3 février 2012, la Cour a rendu son arrêt sur la question de l’immunité de juridiction en l’affaire relative aux Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)). La demanderesse indique que «[n]onobstant [les] conclusions [énoncées dans cet arrêt], les juridictions italiennes ont, depuis 2012, connu d’un nombre considérable de nouveaux recours contre l’Allemagne, en violation de l’immunité de juridiction de celle-ci».
L’Allemagne se réfère en particulier à l’arrêt no 238/2014 du 22 octobre 2014, dans lequel la Cour constitutionnelle italienne «a reconnu «[l]’obligation pour les juridictions italiennes … de se conformer à la décision rendue par la Cour le 3 février 2012», mais «a subordonné cette obligation au «principe fondamental de protection judiciaire des droits fondamentaux» inscrit dans le droit constitutionnel italien qui, selon elle, permet à des victimes de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité de présenter des réclamations individuelles contre des Etats souverains».
L’Allemagne fait valoir que l’arrêt n° 238/2014 de la Cour constitutionnelle italienne, «adopté en violation consciente du droit international et de l’obligation incombant à l’Italie de se conformer à un arrêt rendu par l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, a eu des conséquences de grande ampleur». Elle ajoute que, depuis le prononcé de l’arrêt, «pas moins de 25 nouvelles affaires ont été portées contre l’Allemagne [devant des juridictions italiennes]» et que «dans 15 procédures au moins, [ces dernières] ... ont eu à se pencher et à statuer sur des recours contre l’Allemagne en rapport avec le comportement du Reich allemand pendant la Seconde Guerre mondiale».
Dans sa requête, l’Allemagne prie la Cour de dire et juger que :
«1) L’Italie a manqué, et continue de manquer, à son obligation de respecter l’immunité souveraine de l’Allemagne, en permettant que soient intentées contre celle-ci des actions civiles fondées sur des violations du droit international humanitaire commises par le Reich allemand entre 1943 et 1945, notamment, mais sans s’y limiter, dans le cadre de 25 procédures, énumérées à l’annexe 6 [à la requête], engagées contre l’Allemagne depuis l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle italienne le 22 octobre 2014.
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2) L’Italie a manqué, et continue de manquer, à son obligation de respecter l’immunité souveraine de l’Allemagne, en prenant, ou en menaçant de prendre, des mesures de contrainte à l’égard de biens sis en Italie appartenant à l’Etat allemand, notamment le Deutsches Archäologisches Institut Rom (Institut archéologique allemand de Rome), le Goethe Institut Rom (Institut culturel allemand de Rome), le Deutsches Historisches Institut Rom (Institut historique allemand de Rome) et la Deutsche Schule Rom (Ecole allemande de Rome).
3) L’Italie est tenue de veiller à ce que les décisions déjà prises par ses juridictions et celles rendues par d’autres autorités judiciaires qui portent atteinte au droit à l’immunité souveraine de l’Allemagne cessent de produire leurs effets, notamment, mais sans s’y limiter, les 15 décisions énumérées à l’annexe 7 [à la requête].
4) L’Italie est tenue de prendre immédiatement des mesures effectives pour faire en sorte que les juridictions italiennes ne connaissent plus d’actions civiles intentées contre l’Allemagne à raison de violations du droit humanitaire international commises par le Reich allemand entre 1943 et 1945.
5) L’Italie est tenue de réparer intégralement tout préjudice causé par des violations du droit à l’immunité souveraine de l’Allemagne, notamment, mais sans s’y limiter, en indemnisant celle-ci pour tout préjudice susceptible d’évaluation financière résultant de procédures menées et de mesures de contrainte prises en violation de son immunité souveraine.
6) L’Italie est tenue d’offrir à l’Allemagne des assurances et des garanties concrètes et effectives que les violations de l’immunité souveraine de l’Allemagne ne se répéteront pas.»
L’Allemagne invoque comme base de compétence de la Cour le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut et l’article premier de la convention européenne pour le règlement pacifique des différends adoptée le 29 avril 1957, à laquelle les deux Etats sont parties.
La requête de l’Allemagne contient une demande en indication de mesures conservatoires, déposée conformément à l’article 41 du Statut de la Cour et aux articles 73, 74 et 75 de son Règlement. Dans sa requête, l’Allemagne prie notamment la Cour d’ordonner à l’Italie de veiller à ce que les biens allemands visés dans la requête «ne fassent pas l’objet d’une vente aux enchères publiques avant que la Cour ne se prononce sur le fond» et à ce qu’«aucune autre mesure de contrainte ne soit prise par [l]es juridictions [italiennes] contre des biens allemands».
Aux termes de l’article 74 du Règlement de la Cour, «[une] demande en indication de mesures conservatoires a priorité sur toutes autres affaires».
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Remarque : Les communiqués de presse de la Cour sont établis par son Greffe à des fins d’information uniquement et ne constituent pas des documents officiels.
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La requête introductive d’instance et la demande en indication de mesures conservatoires qu’elle contient sont disponibles sur le site Internet de la Cour.
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La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé ses activités en avril 1946. La Cour est composée de 15 juges, élus pour un mandat de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). La Cour a une double mission, consistant, d’une part, à régler conformément au droit international, par des arrêts qui ont force obligatoire pour les parties concernées et sont sans appel, les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du système dûment autorisées à le faire.
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Département de l’information :
M. Andreï Poskakoukhine, premier secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
Mme Joanne Moore, attachée d’information (+31 (0)70 302 2337)
M. Avo Sevag Garabet, attaché d’information adjoint (+31 (0)70 302 2394)
Mme Genoveva Madurga, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396)

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