Observations de la République Démocratique du Congo sur les réponses de l'Ouganda aux questions posées par la Cour

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116-20190102-OTH-01-00-EN
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OBSERVATIONS DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO SUR LES REPONSES ET ELEMENTS DE PREUVE SUPPLEMENTAIRES FOURNIS PAR L’OUGANDA A LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE LE 1ER NOVEMBRE 2018
2 janvier 2019
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CONTEXTE
Dans l’affaire des activités armées sur le territoire du Congo, qui oppose la République Démocratique du Congo à l’Ouganda, précisément dans la phase II, relative aux réparations des préjudices, la Cour Internationale de Justice, CIJ,avait invité, en vertu de l’article 62 alinéa 1er de son règlement d’ordre intérieur, les deux parties à lui fournir des réponses et des éléments de preuve supplémentaires.(Voir correspondance de Monsieur le Greffier de la CIJ du 11 juin 2018 contenant 17 questions.)
Répondant à cette demande de la CIJ, la RDC a déposé au Greffe, des réponses et des preuves supplémentaires en rapport avec les préjudices qu’elle avait subis, du fait des activités illicites réalisées sur son territoire par l’Ouganda, au cours de la période allant de 1998 à 2003.
Pour sa part, l’Ouganda a déposé à la Cour ses réponses et éléments de preuve supplémentaires. Ce sont ces réponses fournies par l’Ouganda aux questions posées par la Cour qui ont suscité les présentes observations de la RDC.
En effet, dans sa lettre du 11 juin 2018, la Cour avait adressé à l’Ouganda trois questions : la sixième, la septième et la dix-septième.
Le présent document contient dès lors les observations que la RDC réserve à chacune des réponses fournies par l’Ouganda.
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Observation à la réponse fournie par l’Ouganda à la question 6 :
1. Atravers cette question, la CIJ attendait d’être éclairée sur l’existence ou non, dans l’ordre juridique ougandais, des procédures permettant la détermination de l’origine des minerais et du bois importés en Ouganda ou de ceux exportés de ce pays.
2. Dans sa réponse, l’Ouganda a répondu par l’affirmative(Voir la réponse ougandaise, paragraphe 8, réponse à la question 6), considérant que certains textes législatifs et réglementaires en vigueur dans son ordre juridique, au cours de la période indiquée, particulièrement celui de 1949, instituent jusqu’à ce jour l’obligation pour tout importateur etexportateur, de fournir des renseignements sur l’origine de ses marchandises, particulièrement de l’or et du diamant.
3. Suivant les affirmations des ougandais, leur législation en vigueur dans ce secteur ne vise que l’origine de l’or et du diamant, laissant ainsi en dehors de cette procédure les autres minerais concernés par la question de la CIJ, à savoir le coltan ainsi que le bois.
4. En outre, l’Ouganda cite les engagements pris par les Etats membres de la Conférence Internationale pour la Région des Grands Lacs(CIRGL), plus particulièrement dans le cadre du protocole contre l’exploitation illicite des minerais(Voir la réponse ougandaise à la question 6, paragraphe 9).
5. Cela étant, peut-on considérer l’existence des lois et autres procédures obligeant les importateurs ainsi que les exportateurs à déclarer l’origine de leurs marchandises (diamant et or en particulier), comme ayant une incidence sur le pillage des minerais de la RDC pendant la période d’occupation du territoire congolais par l’Ouganda ? Dans quelle mesure est-ce que l’existence des procédures de certification de l’origine des minerais importés ou exportés peut influer sur l’exploitation illicite et le pillage des ressources naturelles de la RDC ? Les lois ougandaises pouvaient-elles empêcher le pillage lié à la guerre menée en RDC ?
6. Le pillage des minerais dans les parties du territoire de la RDC sous contrôle et sous occupation des ougandais doit faire distinguer deux types des trafics des minerais. En effet, en vertu des lois, dont l’Ouganda vante l’existence, qui obligeraient des
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importateurs et des exportateurs à déclarer l’origine de leurs marchandises (diamants et or), il y a de ces minerais extraits du sous-sol congolais, qui avaient pénétré le territoire ougandais par des voies contrôlées par les services ougandais, en suivant les procédures établies par les lois en vigueur dans ce pays. Ces minerais sont ceux dont les chiffres sont avancés dans des documents fournis par les experts privés et publics, notamment des documents de l’ONU. 7. Mais, à cause des activités illicites que l’Ouganda entretenait sur le territoire congolais,il y avait aussi des minerais qui traversaient frauduleusement le territoire ougandais, en violation des procédures prescrites par ce pays, la guerre ayant favorisé cette situation. Les experts ayant mené des enquêtes sur ce sujet tiennent compte de ce fait et essaye d’évaluer les pertes que ce type de pillage a causé à la RDC.
8. Le dénominateur commun entre ces deux types des trafics, à savoir celui qui faisait entrer les minerais dans le territoire ougandais par des circuits établis par l’Ouganda et celui qui faisait traverserles minerais sur le territoire ougandais par fraude, se trouve être la guerre que ce pays avait imposée à la RDC. C’est la guerre qui était le facteur à la base de ces différentes pratiques.
9. Les minerais qui traversaient le territoire ougandais profitaient injustement à ce pays, parce que la guerre illicite qu’il menait contre la RDC lui avait permis d’avoir le contrôle de la frontière de sortie des minerais du territoire congolais, en même temps qu’elle lui permettait d’être le maître des activités lucratives, notamment minières de la RDC.
10. Les minerais qui passaient frauduleusement par le territoire ougandais, ceux qui n’ont pas fait l’objet des statistiques établies par l’Ouganda, sont aussi à mettre sur le dos de l’Ouganda parce que la circonstance ayant généré cette pratique est le fait de ce pays.
11. Dès lors, la réponse ougandaise permet seulement de constater, comme le soulignaient déjà les experts des Nations Unies et bien d’autres, que certains minerais pillés en RDC passaient par des circuits établis par des autorités ougandaises pendant que d’autres prenaient des canaux frauduleux.
12. Le rapport élaboré à cet effet par Stefaan Marysse et Catherine André (Lire ANNEXE I., Guerre et pillage économique en République Démocratique du Congo, pp.10 à 23), même si ces auteurs ont reconnu ne pas disposer d’éléments à fournir pour l’ensemble des cinq années d’occupation, permet quand même de rendre compte de ce que, les règles
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existant dans l’ordre juridique ougandais n’ont eu aucune incidence sur le pillage des ressources minières et forestières de la RDC. 13. On sait qu’une grande partie de l’or produit en RDC, en Ituri en particulier, était exportée via l’Ouganda, puis réexportée, pour pouvoir passer pour une production nationale.Une démarche similaire à celle-ci était suivie pour les exportations ougandaises de diamants. (Lire à ce sujet : ANNEXE II. Global Witness, Exploitation des ressources naturelles et droits de l’homme en République Démocratique du Congo de 1993 à 2003, p.16., p.15 et suivants).
14. Concernant la malheureuse allusion faite par l’Ouganda aux engagements pris en 2006 par les Etats membres de la CIRGL, contre l’exploitation illicite des minerais dans la région, il est très important de rappeler que non seulement qu’il est superfétatoire d’évoquer un texte adopté à une date très éloignée de la période des faits illicites commis par les organes de l’Etat ougandais ainsi que par les ressortissants de cet Etat sur le territoire de la RDC, mais également que l’adoption de ce texte est essentiellement la réponse donnée par les Etats de la région aux pillages commis par les troupes agresseurs ainsi que par leurs valets à l’est de la RDC. Evoquer un texte qui avait pour but de mettre fin au phénomène dont la RDC était victime de la part, notamment, des troupes ougandaises, est plus une preuve de l’existence de cette pratique qu’un argument de défense pour ce pays.
15. Dès lors, la guerre d’agression imposée à la RDC par l’Ouganda avait réorienté le trafic des diamants vers ce pays avec comme conséquence logique, la privation au Congo d’une partie de ses recettes d’exportation (même si elles étaient frauduleuses).
16. Quant aux minerais qui n’étaient pas concernés par la législation ougandaise de 1949, le coltan et le bois par exemple, la CIJ constatera simplement que ce pays n’avait aucun moyen pour connaître leur origine, ni pour évaluer le volume de ses importations et de ses exportations. Dans ce cas, les chiffres avancés par les enquêteurs des Nations Unies et les estimations de production moyenne fournies par la RDC devraient être pris comme tels par la Cour.
17. La RDC a fourni à la CIJ des éléments en rapport avec sa production moyenne des minerais et des bois datant d’avant le début de la guerre en 1998, et partant de cela, elle a également indiqué à la Cour les pertes que la guerre d’agression lui imposée par
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l’Ougandaa provoquées du fait du changement de destination de sa production des minerais et du bois se trouvant sur la partie occupée ou sous contrôle de l’Ouganda. La RDC, à travers de nombreux rapports officiels des Nations Unies et des rapports des associations privées crédibles, a permis à la CIJ de se rendre compte de l’augmentation rapide et vertigineuse des exportations ougandaises des minerais dont sa production nationale était faible avant la guerre de 1998. Il ne fait dès lors l’objet d’aucun doute que la guerre d’agression avait permis à l’Ouganda d’exploiter illicitement, à travers ses militaires et à travers les groupes armés qu’il soutenait, les richesses de la RDC.
Observations de la RDC à la réponse ougandaise à la question 7 :
1. La question 7 tendait à savoir si les parties à cette cause ont, dans leur ordre juridique interne, engagé des poursuites ou initié des enquêtes contre des responsables des crimes internationaux graves commis sur le territoire de la RDC au cours de la période allant de 1998 à 2003.
2. L’Ouganda, dans sa réponse, affirme avoir poursuivi plusieurs individus, mais que ces procédures n’ont pas abouti, à cause de l’état de son droit interne en ce moment-là. A ce sujet, l’Ouganda soutient avoir engagé une procédure contre un de ses militaires, Sir Okello Otim Tonny, auteur des crimes internationaux graves à Gemena, en République démocratique du Congo.(Voir réponse ougandaise à la question 7, paragraphe 2.). Elle ajoute en même temps que cette procédure n’avait pas finalement abouti, le droit ougandais ne permettant pas la création des Cours martiales pour connaître des faits commis en dehors du territoire ougandais, ni de siéger en dehors de l’Ouganda.Pour les autorités compétentes, ellesn’étaient pas en mesure de présenter un dossier viable contre le soldat OkelloOtimTonny en Ouganda compte tenu des difficultés logistiques qu’une telle poursuite aurait entraînées. Par exemple, ajoutent-elles, les témoins étaient pour la plupart des citoyens de la RDC situés à Gemena, et non disponibles pour témoigner en Ouganda. Les autorités ougandaises ont donc prétendu ne pas être en mesure de déférer le soldat Tonny en justice. Il a été libéré de l’armée ougandaise avec disgrâce.
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3. L’Ougandarenchérit en soutenant que d’autres procédures similaires avaient connu le même sort que celle de Sir Okello Otim Tonny (Lire le paragraphe 5 de la réponse ougandaise).
4. Empêché par son propre droit de poursuivre et de condamner les auteurs des crimes internationaux graves commis en RDC, ce qui constitue, aux yeux de la RDC, un prétexte fallacieux, car des mécanismes juridiques existants auraient pu le rendre possible,l’Ouganda n’a donc pas voulu juger ses soldats auteurs des crimes internationaux graves, jusqu’au moment de la modification de sa loi en 2005.
5. A ce sujet, la RDC constate que l’argument selon lequel les autorités ougandaises compétentes ne seraient pas en mesure de présenter, en Ouganda, un dossier viable contre le soldat Okello Otim, compte tenu des difficultés logistiques qu’une telle poursuite aurait entraînées, étant donné le fait que les témoins étaient pour la plupart établis en RDC, est fallacieux. Car, des actions judiciaires auraient pu être ouvertes en Ouganda et, grâce aux offres de réciprocité d’entraide judiciaire qui existent entre Etats, des offres de commission rogatoire par exemple, parvenir à obtenir les auditions des témoins. L’Ouganda s’est donc refusé à recourir à tout mécanisme pouvant aider à rendre justice aux victimes congolaises.
6. En outre, pour les faits commis avant l’entrée en vigueur du statut de Rome, vu leur gravité et leur ampleur, l’Ouganda n’a rien entrepris, comme l’a fait la RDC, pour solliciter et obtenir l’implication de la Communauté internationale dans la lutte contre l’impunité de ses soldats auteurs des crimes internationaux graves en RDC ; par exemple, l’Ouganda n’a pas eu la moindre volonté de formuler au Conseil de sécurité son intention de voir instituer une juridiction internationale ad hoc pour juger les auteurs des crimes graves commis en RDC par ses troupes.
7. De même, pour les crimes internationaux commis à partir de l’entrée en vigueur du statut de Rome, l’Ouganda n’en a pas déféré les auteurs à la Cour pénale internationale, alors qu’il a même déposé son instrument de ratification depuis 2002.
8. Cette lacune du droit ougandais,qui ne pouvait permettre, avant 2005, la poursuite à l’étranger des soldats auteurs des crimes graves, et tous les autres artifices avancés par ce pays pour justifier le déni de justice contre des milliers des victimes congolaises, constituent des véritables violations des engagements internationaux conclus par ce pays,
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dans le cadre de la lutte contre l’impunité des crimes internationaux graves et dans celui de l’allocation des réparations justes et équitables aux victimes des violations des droits de l’homme. Ne pas conformer son droit à des obligations internationales devenues universelles est une violation du droit international. Car, un Etat ne peut décliner sa responsabilité, en invoquant soit l’état de son droit interne, soit encore l’incompétence de ses agents. 9. Par conséquent, la RDC considère que les nombreuses victimes des crimes internationaux graves commis par les militaires ougandais(des massacres, des destructions et des pillages), n’ont pas encore obtenu réparation, et que la CIJ est à ce jour la seule instance ouverte pour ce faire.
10. Face à undéni de justice aussi avéré, il y a lieu, selon la RDC, de condamner l’Ouganda à réparer les torts causés, par ses troupes et par des groupes privés ayant profité de l’occupation par lui du territoire congolais, aux populations congolaises et donc, à la RDC.
Observations de la RDC à la réponse ougandaise à la question 17 :
1. S’agissant de cette question, la CIJ voulait s’enquérir des vues des parties à la présente cause, au sujet des réparations collectives.
2. Les réparations collectives désignent en droit, des réparations qui sont allouées, non pas à des individus considérés personnellement, à travers les préjudices qu’ils auraient subis individuellement ; elles désignent plutôt des réparations que l’on alloue à un groupe de victimes, qui auraient subi des préjudices en tant que groupe et non pas individuellement. Elles renvoient à des réparations allouées collectivement à de personnes considérées dans l’ensemble. Sur la notion des réparations collectives, la définition qu’offrent Sylvain Aubry et María Isabel Henao-Trip renseigne, après avoir constaté la rareté des définitions dans la doctrine, que « A reparation measure can be said to be collective, firstly, because it is awarded for the violation of a collective right or for the violation of a right that has an impact on a community. Secondly, a reparation measure may be collective when the subject of the reparation is a specific group of people. Thirdly, it can refer to the types of goods distributed or the
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mode of distributing them, such as an apology addressed to the victims in general.
“ (Lire à ce sujet, ANNEXE III, Collective Reparations and the International Criminal Court, University of Essex, paragraphe 4 et 5). 3. Les auteurs poursuivent leur présentation des réparations collectives en indiquant les caractéristiques et critères de reconnaissance des réparations collectives.
Ils écrivent : « A helpful characterisation of the concept is given by Friedrich Rosenfeld, who defines collective reparation as, “the benefits conferred on collectives in order to undo the collective harm that has been caused as a consequence of a violation of international law”1 He identifies four elements that constitute collective reparations: 1) the benefits given can take “very different forms”, and they are indivisible, in the sense that victims who receive the benefits are not able to enjoy them on their own; 2) the beneficiaries can be collectives; 3) it helps to undo “a collective harm”, which, to occur, implies that “the victims share certain bonds, such as common cultural, religious, tribal or ethnic roots”; and 4) there needs to be a violation of international law.” (Lire ANNEXE III, Op.cit, paragraphe 5.)
4. Quant à la RDC, elle a postulé majoritairement pour des réparations individuelles. Mais, elle a, pour quelques préjudices seulement, considéré qu’il n’y aurait aucun inconvénient de voir la CIJ faire application des réparations collectives.La RDC limite le recours à des réparations collectives à des seuls préjudices ayant atteint des communautés, ou à des préjudices qui se prêtent bien à ces types des réparations. Car, certains préjudices causés à la RDC par le fait illicite de l’Ouganda, ne s’accommodent pas à des évaluations collectives ; ils ne peuvent l’être qu’en tenant compte des contextes singuliers ayant frappés chaque victime directe.
5. En ce qui concerne l’Ouganda, il rejette en bloc le recours à des réparations collectives, quelle que soit leur définition, motif pris qu’il n’existe aucune base sur laquelle la CIJ devra s’appuyer pour les allouer.
6. Par base ou fondement, l’Ouganda soutient premièrement que la RDC, dans son mémoire en réparation, n’aurait pas fait allusion aux réparations collectives. Ensuite, il ajoute que la RDC ne sollicite dans cette cause que des réparations pour des préjudices qu’elle a elle-même subis.
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7. Dès lors, l’Ouganda trouve qu’il est sans fondement de parler des réparations collectives.
8. En réaction à ce premier argument ougandais, la RDC estime que, si les parties apportent au juge des faits, énumèrent les préjudices et formulent des prétentions de réparation, la forme et la hauteur de la réparation dépendent du pouvoir d’appréciation du juge.
9. A partir de cet instant, ce n’est pas parce que la RDC n’avait pas mentionné l’expression « réparations collectives » dans la demande formulée dans le mémoire, que la CIJ, si elle venait à considérer que les réparations collectives sont les mieux adaptées à réaliser la réparation intégrale, se priverait de faire usage de cette méthode de réparation.
10. Les demandes formulées par la RDC ne constituent que des prétentions aux yeux de la CIJ. C’est à elle, en vue de réaliser l’objectif de réparation intégrale du préjudice subi, de décider quelle méthode et quelle hauteur est-ce que la réparation devra prendre, tout en étant guidée par le principe de justice et d’équité.
11. Le droit international en général, et le droit international des droits de l’homme en particulier, consacrent la méthode des réparations collectives comme une méthode de réparation, à côté des réparations individuelles. Ces dernières constituent une méthode qui est préférée dans des cas où les réparations individuelles ne sont pas adaptées. Leur apparition en droit international se situe dans le cadre des réparations allouées par les juridictions pénales internationales, la Cour pénale internationale en particulier. Devant les instances internationales pénales, les juges allouent des réparations collectives pour se conformer à l’obligation internationale que tout fait internationalement illicite implique la responsabilité de son auteur, et que si de ce fait est apparu un ou plusieurs conséquences (préjudices), l’auteur est tenu à les réparer. Lorsque la victime est un groupe ou une communauté, à la différence d’un individu, ou lorsque le préjudice a affecté un groupe des victimes collectivement, les juridictions pénales internationales choisissent de considérer la réalité telle qu’elle se présente, en allouant des réparations collectives.
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12. En effet, soutenir qu’il n’existe aucune base pour pouvoir appliquer des réparations collectives, en s’appuyant sur le fait que la RDC n’avait pas mentionné cette méthode de réparation dans son mémoire, revient à limiter le pouvoir de décision du juge, d’allouer plus ou moins que ce que le demandeur a formulé comme demande, ou encore en décidant autre méthode de réparation que celle postulée par le demandeur, suivant les éléments de fait lui apportés par les parties.
13. Par ailleurs, l’Ouganda estime que, parce que la RDC réclame les préjudices subis par elle-même, et que le cas d’espèce s’inscrit dans le cadre des relations interétatiques, il ne peut être question des réparations collectives.
14. S’il est vrai que dans le cadre d’un différend interétatique, la victime reste l’Etat, dans le cadre de la protection diplomatique aussi, l’Etat est la victime qui apparaît sur la scène internationale, ses ressortissants, atteints par le fait illicite de l’Etat étranger, sont pour leur part des victimes directes.
15. Mais, qu’il s’agisse du différend interétatique ou du différend s’inscrivant dans le cadre de la protection diplomatique, la procédure reste celle de l’Etat et la victime considérée demeure l’Etat. La réparation est due à l’Etat et à lui seul.
16. Cependant, il y a lieu de préciser que, lorsque le préjudice dont souffre l’Etat a pour fondement les dommages causés à ses ressortissants, ce sont ceux-ci qui serviront de base de calcul de la réparation.Les préjudices dont ont souffert les nationaux de l’Etat sont des éléments constitutifs du préjudice qui frappe l’Etat.
17. Que l’Etat se décide à reverser tout ou partie de la réparation lui allouée par le juge international, à ses ressortissants, sous n’importe quelle formule (individuellement ou collectivement) ne devrait pas préoccuper le débiteur de la réparation.
18. Au contraire, l’Etat qui choisit de reverser tout ou partie de la réparation obtenue devant le juge international, à ses ressortissants, victimes au niveau interne, respecte les droits fondamentaux et tient compte de la réalité dans ce domaine.
19. Dès lors, la CIJ peut se servir des préjudices collectivement subis par les citoyens congolais du fait de l’agression ougandaise pour évaluer la hauteur de la réparation qu’elle va allouer à la RDC. Prendre en compte les principes des réparations collectives pour évaluer le quantum de la réparation à allouer à un Etat ne pêche contre aucun principe de droit et permet au contraire de le faire évoluer.
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20. Ni le caractère interétatique du litige, ni l’absence de l’expression « réparations collectives » dans le mémoire, ne peuvent constituer des obstacles à ce que la CIJ puisse partir des principes guidant les réparations collectives pour déterminer la hauteur de la réparation due à l’Etat congolais.
21. Le 10 février 1947, l'Italie avait signé à Paris le traité de paix, négocié avec le "Conseil des Quatre" puissances alliées (États-Unis, France, Grande-Bretagne et URSS), qui comportait des clauses territoriales et des stipulations concernant les réparations économiques. L’article 80 de ce traité comprenait la formulation ci-après, s’agissant des préjudices subis par l’Etat et ceux subis par les ressortissants de l’Etat : « Les Puissances Alliées et Associées déclarent que les droits qui leurs sont attribués par les articles 74 et 79 du présent Traité couvrent toutes leurs réclamations et celles de leurs ressortissants pour pertes ou dommages résultant de faits de guerre y compris les mesures prises à la faveur de l'occupation de leur territoire, imputables à l'Italie et survenues en dehors du territoire italien, à l'exception cependant des réclamations fondées sur les articles 75 et 78. » (Voir ANNEXE V, Traité de paix du 10 février 1947 entre le Conseil des quatre et l’Italie).
22. Indifféremment du cadre et du contexte dans lequel la disposition reprise au paragraphe 21 avait été élaborée, encore que de 1947 à 2018 la protection des droits par les juridictions a connu un progrès spectaculaire, il se dégage très clairement qu’en droit international, celui qui porte atteinte aux intérêts d’un ressortissant d’un Etat, viole le droit de l’Etat national de cet individu, l’Etat qui a la charge de sa défense. En vertu de cela, l’Etat peut réclamer sur la scène internationale ses droits propres nés de la violation de ses intérêts individuels ou des intérêts de ses ressortissants. Mais, que les droits de l’Etat aient pour origine ses intérêts propres ou ceux de ses ressortissants, c’est la prérogative de l’Etat de réclamer la réparation. La distinction opérée par l’Ouganda entre les droits de la RDC et ceux de ses ressortissants n’est donc pas pertinente dans la mesure où, dans le cas d’espèce, les intérêts des individus et celles des communautés victimes servent de base et de mesure d’évaluation de la réparation que l’Ouganda doit à la RDC.
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23. En second lieu, l’Ouganda développe son argument de l’absence de fondement pour allouer des réparations collectives sur la base que non seulement celles-ci ne peuvent pas être appliquées à des réparations collectives, mais aussi et surtout, qu’elles ne sont pas appropriées pour le cas d’espèce.
24. A ce sujet, la RDC affirme que non seulement les principes servant à l’évaluation des réparations collectives peuvent servir à l’évaluation des réparations dues à un Etat, lorsque les préjudices dont souffre l’Etat ont pour origine des dommages causés à des communautés ou à des personnes prises collectivement, mais elle considère également que, si les réparations collectives ne sont pas adaptées pour certains préjudices individuels pour lesquels la RDC a indiqué les principes d’évaluation, elles restent appropriées pour ceux des préjudices qui frappent les individus pris collectivement ou qui atteignent des groupes.
25. De même, l’Ouganda ne trouve aucun fondement en droit international pour les réparations collectives parce que, même les articles rédigés par la Commission du droit international sur la responsabilité internationale de l’Etat pour fait illicite ne mentionnent pas les réparations collectives s’agissant des formes des réparations ou des méthodes de celles-ci.
26. A cet argument, il convient de souligner quele projet d’articles consacre le principe de la réparation intégrale, mais ne détermine pas les méthodes que peut prendre la réparation. C’est dans le travail prétorien que se construisent et s’élaborent les méthodes de réparation. Celles-ci peuvent évoluer avec le temps et avec les contextes. Cependant, les articles de la CDI citent certaines formes de réparation (restitution, indemnisation, etc), sans dire que la liste indiquée est exhaustive.
27. Ainsi, s’agissant des méthodes, les articles n’excluent pas que si un groupe de personnes se trouve être victime d’un fait illicite, que les membres de ce groupe puissent bénéficier des réparations collectives, en considération du groupe et non en considération de chacun des individus qui composent le groupe.
28. En cette matière, le principe sacro-saint est celui posé par la Cour permanente de justice internationale dans l’affaire de l’Usine de Chorzow en ces termes :
«C’est un principe de droit international que la violation d’un engagement entraîne l’obligation de réparer dans une forme adéquate. La réparation est
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donc le complément indispensable d’un manquement à l’application d’une convention, sans qu’il soit nécessaire que cela soit inscrit dans la convention même. Des divergences relatives à des réparations, éventuellement dues pour manquement à l’application d’une convention, sont, partant, des divergences relatives à l’application».(Lire à cet effet, CPJI, Usine de Chorzów, compétence, C.P.J.I., série A, n° 9 (1927), p. 21.)
29. Le principe de droit international évoque la forme adéquate, sans préciser exactement laquelle. Il en est ainsi des méthodes de réparation. Elles doivent être adéquates en vue de réaliser l’objectif de la réparation intégrale.Telle est la substance du projet de l’article 31 qui prescrit la finalité à laquelle doit tendre toute réparation, à savoir la réparation intégrale. Le choix de la forme que doit prendre la réparation doit être motivé par l’objectif de la réparation intégrale. L’article 31 du projet de la CDI de 2001 dispose :
« L’État responsable est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par le fait internationalement illicite »
30. Il est donc vrai que l’expression « réparations collectives » n’existe pas dans le projet d’articles de la CDI. Cependant, le projet précise que la forme ou la méthode à adopter devra être adéquate, c’est-à-dire, adaptées à la gravité du préjudice et à l’objectif de la réparation intégrale.
31. S’agissant des formes de la réparation, le projet d’articles de la CDI cite :
« La réparation intégrale du préjudice causé par le fait internationalement illicite prendla forme de restitution, d’indemnisation et de satisfaction, séparément ou conjointement,conformément aux dispositions du présent chapitre. »
32. Le projet précise bien que les formes citées peuvent être appliquées seules ou être conjointement décidées avec d’autres formes. Il en est ainsi des méthodes qui peuvent aussi être appliquées seules ou conjointement à d’autres, suivant les spécificités des cas et en vue de réaliser la finalité de réparation intégrale. Les commentateurs des articles expliquent à ce sujet qu’« Il ressort aussi clairement de l’article 34 qu’il ne
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peut y avoir réparation intégrale, dans des cas particuliers, qu’en associant différentes formes de réparation. »(Voir commentaires de l’article 34, point 2, page 354.) 33. De même, les commentateurs de l’article 34 du projet évoqué par l’Ouganda écrivent que
« L’obligation primaire violée peut aussi jouer un rôle important en ce qui concerne la forme et la portée de la réparation. En particulier, en cas de restitution ne donnant pas lieu à restitution de personnes, de biens ou de territoire de l’État lésé, la notion de retour au statu quo ante doit être appliquée en tenant compte des droits et compétences respectifs des États concernés.
Tel peut être le cas, par exemple, lorsque c’est une obligation procédurale conditionnant l’exercice des pouvoirs substantiels d’un État qui est en jeu. Dans de tels cas, la restitution ne devrait pas permettre à l’État lésé d’obtenir plus que ce à quoi il aurait pu prétendre si l’obligation avait été exécutée. »(Lire les commentaires de l’article 34, point 3, page 354.)
34. Ceci démontre que la position défendue par la RDC dans cette cause, s’agissant des réparations, est la meilleure, en ce qu’elle préconise, suivant les préjudices et selon les personnes affectées, des méthodes particulières des réparations. Lorsque les réparations individuelles se présentent comme étant les mieux adaptées, on les applique, et lorsque ce sont les réparations collectives qui paraissent idoines, on les applique aussi.
35. Comme le préconisait la Cour pénale internationale, CPI, dans l’affaire Thomas Lubanga, « les réparations seront collectives, et non individuelles, au vu du nombre potentiel des victimes concernées. Et, finalement, que les programmes de réparations devront profiter aux victimes et à leurs familles et communautés, sans discrimination et dans l’objectif de favoriser la réconciliation et la réinsertion des victimes dans la vie sociale en Ituri. »
36. Vu le nombre important des victimes dont les dommages servent de base d’évaluation du préjudice subi par la RDC en tant qu’Etat, les réparations collectives peuvent être appliquées, sans transgresser ni le principe d’équité, ni celui de la réparation
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intégrale, ni encore celui de la proportionnalité. Le préjudice de l’Etat, RDC, devra être calculé sur des maux imposés aux citoyens congolais par l’Ouganda. 37. Par ailleurs, la prise en compte de la donne réaliste en droit de la réparation implique que l’on puisse tenir compte des dommages subis par les individus, même si c’est finalement, sur la scène internationale, l’Etat qui s’approprie les différents préjudices.
38. Comme l’avait souhaité le juge Concado, dans son opinion jointe à l’arrêt de la CIJ dans l’affaire ayant opposé la Guinée à la RDC (Affaire Diallo),
« Il est temps que la Cour surmonte les acrobaties intellectuelles découlant d’une confiance indue dans la vieille fiction vattélienne, ranimée par la Cour permanente de Justice internationale dans la fiction Mavrommatis.» (Lire ANNEXE IV, opinion du juge Concado Trindade, affaire Guinée c. RDC (Hamadou Sadio Diallo,paragraphe 205, p.798.)
39. Le juge Conçado réagissait au principe classique de droit international selon lequel,«C’est un principe élémentaire du droit international que celui qui autorise l’Etat à protéger ses nationaux lésés par des actes contraires au droit international commis par un autre Etat, dont ils n’ont pu obtenir satisfaction par les voies ordinaires. En prenant fait et cause pour l’un des siens, en mettant en mouvement, en sa faveur, l’action diplomatique ou l’action judiciaire internationale, cet Etat fait, à vrai dire, valoir son droit propre, le droit qu’il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants le droit international. »
40. Il n’y a donc pas lieu, à ce point de vue, de se demander si, à l’origine du litige, on trouve une atteinte à un intérêt privé, ce qui d’ailleurs arrive dans un grand nombre de différends entre Etats. Du moment que l’Etat prend fait et cause pour un de ses nationaux devant une juridiction internationale, cette juridiction ne connaît comme plaideur que le seul Etat. »( (Voir affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine (Grèce c. Royaume–Uni), arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2., p.12)
41. Lorsque le juge Concado Trindade appelle à dépasser la fiction, il préconise que, même si l’action est initiée sur la scène internationale par l’Etat, le juge tienne chaque
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fois compte de l’individu dont les droits ont été violés et celui-ci ne devrait pas totalement être effacé. 42. La CIJ devra, de l’opinion de la RDC, procéder comme le voulait le juge Concado Trindade lorsqu’il défendait l’opinion suivante : « Il est rassurant de constater que même un outil conçu dans l’optique interétatique comme la protection diplomatique peut finalement servir à garantir les droits de l’homme. »Ainsi, la CIJ peut se servir de ce différend « interétatique » pour assurer la protection des droits de l’homme qui contient, entre autres éléments, l’obligation de réparer des préjudices causés aux victimes.
43. Tout en considérant ce qu’affirmait Vattel lorsqu’il disait que«Quiconque maltraite un citoyen offense indirectement l’Etat, qui doit protéger ce citoyen » (Lire dans VATTEL(E.), Le droit des gens (1758), livre II, par. 71.), la CIJ doit aussi tenir compte de ce que « Les réparations, en l’espèce, exigent une interprétation de la conception du droit des gens axée sur la personne humaine (pro persona humana). Ce sont en effet les personnes humaines, et non les Etats, qui sont en définitive les bénéficiaires des réparations pour les violations des droits de l’homme commises à leurs dépens. »
44. Comme l’avait si bien décidé la CIJ dans l’affaire ayant opposé la Guinée à la RDC, au paragraphe 61 de l’arrêt sur la réparation, les sommes allouées étaient destinées « …à la Guinée pour les préjudices subis par Monsieur Diallo » « “…due to Guinea for the injury suffered by Mr. Diallo” » (CIJ, Affaire opposant la Guinée à la RDC, Hamadou Sadio Diallo, réparation, arrêt, 2012, §61.)
45. L’arrêt rendu par la CIJ le 12 juin 2012 marque un point de départ important dans la jurisprudence de la Cour en ce que, pour la première fois, cette juridiction interétatique avait directement sanctionné les violations des droits de l’homme perpétrées par un Etat, la RDC, et décidé d’allouer à l’Etat victime, la Guinée, des réparations, tout en indiquant que c’est pour les préjudices causés à son ressortissant, Monsieur Diallo, que les réparations étaient dues. (CIJ, Affaire opposant la Guinée à la RDC, Hamadou Sadio Diallo, réparation, arrêt, 2012, §61.)
46. La CIJ, ayant pris cette orientation dans sa jurisprudence du 19 juin 2012, fera de même dans la présente cause. Car, comme ce fût le cas pour la RDC dans l’affaire
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Diallo(arrêt de 2010 et de 2012), l’Ouganda a été notamment condamné pour des violations graves et indicibles des droits de l’homme et du droit humanitaire ( Voir arrêt RDC contre Ouganda, 19 décembre 2005, paragraphe 207, 208, 209,210, 211, ) et que les victimes de ses actes, des citoyens congolais, n’ont jusqu’à ce jour reçu aucune réparation. L’action initiée par la RDC est donc une occasion pour la CIJ de condamner l’Ouganda, à allouer à la RDC une réparation juste et équitable, pour les préjudices causés aux nombreux citoyens congolais. 47. Il n’est donc pas étonnant que la CIJ puisse, lorsque les conditions sont réunies et que les circonstances le justifient, appliquer les réparations collectives, comme base d’évaluation des dommages causés par l’Ouganda à la RDC, en violant les droits des citoyens congolais.
48. Troisièmement, l’Ouganda prétend que rien dans l’arrêt décidant du fond en 2005 n’indiquait la volonté de la Cour de décider des réparations collectives. Il poursuit en considérant que si la RDC veut postuler des telles réclamations, elle portera atteinte à la règle interdisant au juge de décider ultra petita.
49. La RDC, pour sa part, considère que ni l’arrêt au fond de 2005, ni le principe interdisant de décider ultra petita ne peuvent interdire dans le cas d’espèce l’allocation des réparations collectives.
50. En effet, l’arrêt au fond de 2005 s’était borné à constater et à établir des violations de droit international commises par l’Ouganda sur le territoire de la RDC. Il ne contenait en l’espèce rien, et ne pouvait rien contenir, qui serait en rapport avec la forme ou avec la méthode de la réparation.
51. Car, la question de la réparation est une question laissée par la CIJ, à la compétence des parties en litige. Puisque celles-ci ne sont pas arrivées à se mettre d’accord ni sur la forme, ni sur la méthode moins encore sur la hauteur de la réparation, la RDC, demanderesse dans cette cause, est revenue devant la CIJ pour que celle-ci fasse ce que les parties n’ont pas pu faire.
52. Ainsi, il n’y a pas dans l’arrêt de 2005 des éléments qui font allusion aux réparations collectives ; il n’y en pas non plus dans cet arrêt, qui interdisent quelque forme de réparation que ce soit, ni quelque méthode de réparation que ce soit.
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53. Les réclamations en réparation ont été formulées pour la première fois par la RDC dans le cadre des négociations extra juridictionnelles menées par les deux parties. Au cours de ces négociations, la RDC, partant de l’arrêt de 2005, avait toujours trouvé des bases en vertu desquelles l’on pouvait réclamer des réparations collectives.
54. A titre illustratif, l’Ouganda avait été condamné en 2005 pour violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC, notamment pour avoir occupé une bonne partie du territoire de ce pays. Dans ce cadre, la CIJ avait noté que l’Ouganda, puissance occupante, était responsable du conflit sanglant et ethnique ayant opposé des communautés voisines à savoir les héma et les lendu. (Lire dans l’arrêt RDC contre Ouganda, 19 décembre 2005, paragraphe 209.).
55. Pour la RDC, malgré le fait que de ce fait illicite peuvent découler des dommages individuels comme la perte d’un être cher ou la perte d’une habitation, mais, de ce même fait illicite retenu par la CIJ dans l’arrêt de 2005, peuvent se dégager des dommages collectifs du fait que des communautés entières ont souffert de ce comportement de l’Ouganda.
56. A ce titre, la RDC trouve approprié de procéder à l’allocation, pour ces types des dommages, qui ont frappé des communautés dans leur ensemble, à l’allocation des réparations collectives.
57. C’est ainsi qu’elle avait, dans son mémoire en réparation (phase II), postulé la création d’un fonds qui devra être financé par l’Ouganda, et affecté à la réconciliation entre diverses communautés victimes, Héma et Lendu.
58. Suivant l’entendement de la RDC, une telle postulation d’un fondsqui devra profiter non pas à des individus pris en tant que tels mais à des groupes et des communautés concernés pour leur réconciliation, constitue des réparations collectives. Sauf si l’Ouganda venait pour sa part à avoir une autre compréhension de cette notion.
59. Dès lors, l’Ouganda ne peut, pour les besoins de la cause, rejeter la notion des réparations collectives, quel qu’en soit le contenu.
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ANNEXES
ANNEXE I : MARYSSE(S.) et ANDRE(C.), Guerre et pillage économique en République Démocratique du Congo.
ANNEXE II : GLOBAL WITNESS, Exploitation des ressources naturelles et droits de l’homme en République Démocratique du Congo de 1993 à 2003.
ANNEXE III :Collective Reparations and the International Criminal Court, University of Essex.
ANNEXE IV : Opinion individuelle du juge Concado Trindade, Guinée contre RDC, phase III, réparation.
ANNEXE V : Traité de paix du 10 février 1947 entre le Conseil des quatre et l’Italie.

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Observations de la République Démocratique du Congo sur les réponses de l'Ouganda aux questions posées par la Cour

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