Réponse des experts aux observations respectivement formulées par le République Démocratique du Congo et l'Ouganda

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116-20210301-OTH-01-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
Réponse des experts aux observations respectivement formulées par les Parties en l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda) Le 1er mars 2021
[Traduction]
TABLE DES MATIÈRES
Page
Introduction ........................................................................................................................................ 2
Rapport n° 1 : Réponse concernant les pertes en vies humaines : morts directement causées par le conflit (M. Henrik Urdal) .................................................................................................... 3
Rapport n° 2 : Réponse concernant les morts indirectement causées par le conflit (Mme Debarati Guha-Sapir) ......................................................................................................... 6
Rapport n° 3 : Réponse relative à la section intitulée «évaluation  montants recommandés : vies humaines et dommages causés aux biens» (M. Geoffrey Senogles) ................................... 13
Rapport n° 4 : Réponse concernant l’exploitation des ressources naturelles (M. Michael Nest) ....................................................................................................................... 28
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INTRODUCTION
1. Le présent document est composé de quatre rapports qui répondent aux points soulevés par la République démocratique du Congo (ci-après la «RDC») et par l’Ouganda dans leurs observations respectives (ci-après les «observations de la RDC» et les «observations de l’Ouganda») concernant le rapport d’expertise du 19 décembre 2020 sur les réparations présenté à l’intention de la Cour internationale de Justice en l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda) (ci-après le «rapport d’expertise»).
2. Chaque rapport contient la réponse de l’un des experts avec, à la dernière page, la signature de l’auteur.
3. Les notes de bas de page, les paragraphes et les pages sont numérotés consécutivement sur l’ensemble de la présente réponse compilée et ne sont pas renumérotés dans chaque rapport.
4. Le tableau A figurant dans l’introduction du rapport d’expertise n’a pas été révisé aux fins de la présente réponse aux Parties. Des précisions sur les quantités retenues et les dommages estimés sont fournies dans les rapports respectifs des experts.
5. Il appartiendra à la Cour de rendre ses propres conclusions juridiques sur ces questions, y compris sur toutes les questions éventuelles d’attribution, et donc de calculer à sa discrétion tout montant des indemnités qu’elle pourrait souhaiter adjuger.
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RAPPORT NO 1 RÉPONSE CONCERNANT LES PERTES EN VIES HUMAINES : MORTS DIRECTEMENT CAUSÉES PAR LE CONFLIT M. Henrik Urdal
(Oslo, le 1er mars 2021)
6. Dans le présent rapport, j’exposerai à la Cour ma réponse aux observations (en date du 15 février 2021) formulées par les Parties quant à mon rapport initial.
7. Pour mémoire, mon mandat consistait à fournir dans mon rapport initial une estimation globale des pertes civiles (ventilées selon les circonstances du décès) dues au conflit armé sur le territoire de la République démocratique du Congo pendant la période pertinente.
8. Mon rapport initial portait exclusivement sur les morts directement causées par le conflit, c’est-à-dire sur les pertes résultant directement des événements constitutifs du conflit armé dont la RDC a été le théâtre entre le 1er août 1998 et le 2 juin 2003.
9. Dans ses observations sur mon rapport, l’Ouganda relève que mes estimations, qui sont basées sur des données de l’Uppsala Conflict Data Program (UCDP), une source reconnue et indépendante d’informations sur les conflits, sont comparables et, dans une large mesure, conformes à celles présentées dans son contre-mémoire de 2018. Je suis d’accord.
10. Mes estimations reposent sur une agrégation des données relatives à des événements isolés qui figurent dans le fichier de données de l’UCDP sur les événements géoréférencés (GED). J’ignore pourquoi mes estimations globales diffèrent légèrement de celles de l’Ouganda (j’ai établi le nombre de morts directes à 28 981 dont 14 663 civiles, contre 29 376 morts directes dont 14 663 civiles pour l’Ouganda  des chiffres qui concernent l’ensemble du territoire de la RDC et toute la période pertinente). Ces écarts peuvent être dus à de légères divergences dans la manière de définir le cadre spatio-temporel ou (comme l’indique l’Ouganda dans ses observations) à des mises à jour intervenues dans la base de données de l’UCDP.
11. A la différence de l’Ouganda, j’ai fourni dans mon rapport initial, s’agissant à la fois des morts civiles et des morts militaires, des chiffres séparés pour la province de l’Ituri, qui était sous le contrôle de facto de l’armée du Gouvernement ougandais lors de la période pertinente. L’Ouganda n’a pas contesté ces chiffres dans ses observations.
12. L’Ouganda renvoie à d’autres sources possibles pour chiffrer les morts directement causées par le conflit (à savoir l’Armed Conflict Location and Event Data Project (ACLED) et le rapport Mapping de l’ONU). Ces sources n’étaient pas examinées dans mon rapport initial.
13. L’Ouganda affirme que les chiffres totaux fournis par ces autres sources n’entament pas, en substance, les conclusions formulées dans mon rapport. Je suis d’accord.
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14. S’il est possible que les différents ensembles de données, bien qu’établis de manière indépendante, soient largement tirés des mêmes sources, les campagnes de collecte menées par le passé dans le cadre d’autres conflits donnent toutefois à penser que certaines situations sont probablement propres à chaque ensemble de données. De ce fait, les estimations basées sur un seul ensemble de données peuvent tendre à sous-évaluer le véritable nombre de victimes, comme il était indiqué dans le rapport initial.
15. Pour autant, bien que de multiples sources soient disponibles en la matière, le fait qu’elles ne donnent pas de données au niveau individuel empêche d’en déduire par agrégation un nombre unique de victimes, que les sources soient considérées isolément ou conjointement.
16. L’Ouganda déclare dans ses observations que, dans mon rapport, je «recommande qu[’il] verse une indemnité pour chaque civil tué pendant le conflit, sans rechercher si les événements concernés» lui sont attribuables. C’est faux. J’ai clairement dit dans mon rapport que la synthèse des réparations estimées était fondée sur un calcul de toutes les morts civiles directement causées par le conflit en Ituri et en dehors pendant la période pertinente, et qu’il «appartien[drait] exclusivement à la Cour de rendre ses propres conclusions juridiques sur ces questions et [de] calculer[] donc, à sa discrétion, tout montant des indemnités qu’elle pourrait souhaiter adjuger». Aucun nombre particulier de morts n’a été attribué à l’Ouganda.
17. La RDC relève quant à elle, dans ses observations sur mon rapport, que les morts causées par les activités armées en cause n’ont probablement pas toutes été déclarées et que les estimations doivent donc être considérées comme prudentes. Je suis d’accord avec ce constat général. Il n’est toutefois pas possible d’établir de manière fiable dans quelle mesure le nombre de morts a été sous-évalué.
18. La RDC fait en outre valoir que mon rapport concerne exclusivement les morts civiles et ne comprend pas les morts militaires. C’est exact puisque le barème d’indemnisation a été calculé exclusivement sur la base du nombre de civils morts (conformément au mandat confié par la Cour). Cela étant, j’ai fourni dans mon rapport des estimations des morts militaires intervenues aussi bien sur tout le territoire de la RDC (6494 morts) qu’en Ituri (1036 morts) pendant la période pertinente, laissant à la discrétion de la Cour le soin d’apprécier si cette catégorie de morts devait ou non faire l’objet de réparations.
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Appendice 1.1 : Signature de l’expert
Signature de l’expert
Le présent rapport a été établi par Henrik Urdal le 1er mars 2021, dans le respect du mandat énoncé par la Cour internationale de Justice.
(Signé) Henrik URDAL.
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RAPPORT NO 2 RÉPONSE CONCERNANT LES MORTS INDIRECTEMENT CAUSÉES PAR LE CONFLIT
Mme Debarati Guha-Sapir (Bruxelles, le 1er mars 2021)
19. Introduction : J’ai lu attentivement les observations de l’Ouganda sur mon rapport concernant les morts indirectement causées par le conflit en République démocratique du Congo entre 1998 et 2003, et pris dûment connaissance de leur contenu et des remarques formulées.
20. Les observations de l’Ouganda s’articulent autour des grands axes suivants :
A. La méthode de Mme Guha-Sapir relative aux «morts en surnombre» est totalement dépourvue de pertinence aux fins de la présente procédure judiciaire. (Par. 31-35)
B. Appliquée à bon escient, la méthode de Mme Guha-Sapir ferait apparaître une absence de surmortalité pendant la période pertinente. (Par. 36-40)
C. L’estimation de Mme Guha-Sapir concernant le taux brut de mortalité de référence repose sur des données trop anciennes. (Par. 41-43)
D. L’estimation de Mme Guha-Sapir concernant le taux brut de mortalité a posteriori est trop élevée. (Par. 44-59)
21. J’examinerai ci-après un certain nombre de points soulevés par l’Ouganda dans ses observations sur le rapport d’expertise du 19 décembre 2020. Celles-ci se limitant essentiellement à quelques grandes questions, j’y répondrai en me référant aux paragraphes pertinents desdites observations. S’agissant des observations de la RDC, je n’ai aucune remarque particulière à faire à cet égard.
Réponse de Mme Debarati Guha-Sapir aux observations de l’Ouganda sur le rapport d’expertise
A. Observation générale concernant les morts indirectement causées par le conflit sur l’ensemble du territoire de la RDC et partiellement attribuées à l’Ouganda
22. Ma première observation, qui porte sur un point fondamental, a trait à l’estimation de 4 958 775 morts indirectement causées par le conflit. Cette estimation se rapporte à l’ensemble du territoire de la RDC et vaut pour la période de cinq ans durant laquelle la RDC était en proie à un conflit armé aux fronts multiples. Le mémoire fait état de 45 % de morts attribuables à l’Ouganda (mémoire, p. 15, par. 25), étant précisé que dans 10 % des cas (mémoire, p. 49, par. 64), les violences sont à incriminer, les autres causes de décès étant essentiellement des «maladies pour lesquelles existent … des moyens accessibles de prévention et de traitement» (mémoire, p. 50, par. 64). Les sources à l’origine des chiffres avancés sont citées intégralement ci-dessous. Si les clés de répartition venaient à être modifiés, il conviendrait manifestement d’ajuster mes estimations en conséquence.
«1.24. D’abord, on rappellera la distinction qui sera opérée entre :
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 les dommages causés par les organes de l’Etat ougandais eux-mêmes, dommages pour lesquels une réparation intégrale sera demandée ;
 les dommages causés par les forces irrégulières soutenues par l’Ouganda en violation du droit international, dommages pour lesquels une réparation intégrale sera également demandée, dans la mesure où, sauf circonstance exceptionnelle et imprévisible, ces dommages découlent logiquement de ce soutien illicite, en ce sens qu’ils n’auraient pas pu être causés sans ce soutien ; dans cette hypothèse, il ne s’agit pas d’imputer les actes de forces irrégulières à l’Ouganda, mais de réparer un dommage qui présente un lien de causalité ininterrompu avec le comportement illicite que constitue le soutien apporté par l’Ouganda à ces forces ;
 les dommages causés à la fois par le comportement illicite de l’Ouganda et par celui d’autres Etats ou de groupes qui n’ont pas été soutenus par l’Ouganda, dommages pour lesquels une réparation partielle sera demandée, tenant compte de la pluralité des causes ; plus spécifiquement, au vu de l’importance du rôle du Rwanda dans le conflit, et de l’existence du rôle — plus limité — qu’y a joué le Burundi, la RDC estime raisonnable de considérer que l’Ouganda ne peut être tenu de réparer que 45 % des dommages correspondant à cette dernière catégorie.»
(Extrait du mémoire, p. 15, par. 25.)
«2.64. La plupart des études réalisées après la fin du conflit n’ont fait que le confirmer. Le International Rescue Commitee (IRC) a ainsi établi un bilan de 3,9 millions de morts, faisant de la guerre au Congo le conflit le plus meurtrier depuis la deuxième guerre mondiale : «[…] 3.9 million people had died since 1998, arguably making DR Congo the world’s deadliest crisis since World War II. Less than 10 percent of all deaths were due to violence, with most attributed to easily preventable and treatable conditions such as malaria, diarrhea, pneumonia and malnutrition».»
(Extrait du mémoire, p. 49-50, par. 64.)
23. J’ai présenté mon estimation pour l’est de la RDC et appliqué les clés de répartition mentionnées dans le mémoire. Suite à l’utilisation des coefficients indiqués dans le mémoire, il est apparu que 224 449 morts étaient attribuables aux actions armées sur l’ensemble du territoire de la RDC. Il n’était pas prévu dans mon mandat que je procède à une ventilation des morts par auteur des faits, comme l’illustre le tableau 2.2 du rapport d’expertise (par. 66, p. 30), dont un extrait simplifié est reproduit ci-dessous.
Extrait simplifié du tableau 2.2, figurant dans la deuxième partie du rapport d’expertise, p. 30 : application des coefficients indiqués dans le mémoire de la RDC à la mortalité en Ituri, dans l’est de la RDC et sur l’ensemble du territoire de la RDC, 1998-2003
Ituri
Est
RDC
Morts de civils indirectement causées par le conflit
390 668
3 690 130
4 958 775
45 % * 10 % = 4,5 % du total des morts en surnombre
18 048
167 088
224 449
1.1.1. Au vu de l’explication ci-dessus, l’Ouganda se fourvoie lorsqu’il affirme ce qui suit :
1.1.2. P. 13 et 14, par. 29, point 5 : «le montant des réparations recommandé dans le tableau A du rapport d’expertise à raison des morts indirectement causées par le conflit est fondé sur le
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postulat erroné que l’Ouganda serait responsable de l’ensemble des morts attribuables au conflit.»
1.1.3. P. 14, par. 29, point 6 : «l’octroi à ce titre d’une indemnité d’un montant approchant un tant soit peu celui qui est préconisé dans le rapport d’expertise irait à l’encontre de la règle non ultra petita, puisque ce serait aller bien au-delà de ce qu’a demandé la RDC.»
B. Critique de la méthode
24. L’Ouganda conteste essentiellement deux paramètres utilisés aux fins de l’estimation de la mortalité indirecte, à savoir le taux brut de mortalité de référence retenu et le recours aux enquêtes à petite échelle.
B.1. Taux brut de mortalité de référence
25. L’Ouganda laisse entendre que les taux bruts de mortalité de référence et a posteriori représentent des estimations pleines d’incertitudes (par. 32). Il convient de souligner tout d’abord que le nombre de morts indirectement causées par le conflit dépend du taux de référence. Plus celui-ci est élevé, plus le nombre de morts indirectement causées par le conflit est bas, et inversement. J’ai retenu le taux brut de mortalité de référence fourni par l’UNICEF pour l’année 1997 et donc privilégié les sources onusiennes, comme le préconise l’Ouganda. Il s’agit par ailleurs d’informations faisant partie du domaine public.
26. L’UNICEF fait état d’un taux brut de mortalité de référence de 14 décès pour 1000 habitants par an, l’Ouganda se basant sur un taux de 16 décès pour 1000 habitants par an. Si nous prenons pour référence le taux retenu par l’Ouganda, le nombre total de morts indirectement causées par le conflit que j’ai initialement indiqué (soit 4,9 millions) est réduit de 5,8 %, soit 288 460 morts en moins.
27. Les estimations de l’UNICEF pour l’année 1997, sur lesquelles je me suis appuyée, précèdent d’un an le début de la guerre (1998). Il me semble que ce taux de référence reflète mieux la réalité de la situation que les projections ultérieures (2019).
B.2. Recours aux enquêtes à petite échelle
28. L’Ouganda estime que, pour établir la mortalité indirecte dans l’est de la RDC entre 1998 et 2003 ou pendant la deuxième guerre du Congo, il convient de se fonder sur des éléments de preuve documentaires de sources diverses, comme les dossiers des morgues, les actes de décès ou les systèmes d’enregistrement des faits d’état civil et de statistiques de l’état civil (par. 31-35) : «Elle ne fait ni «démon[stration]» ni n’«apport[e] la preuve» d’aucun décès. Elle ne se base pas directement sur un quelconque acte de décès ou sur quelque autre élément de preuve documentaire à cet effet.»
29. Si cette méthode est indiquée dans des cas où les décès sont systématiquement répertoriés au moyen d’un système d’enregistrement des décès faisant partie du domaine public et régulièrement mis à jour, elle est purement et simplement inenvisageable dans le contexte de l’est de la RDC entre 1998 et 2003. Les sources de données mentionnées par l’Ouganda (dossiers des morgues, actes de décès ou systèmes d’enregistrement des faits d’état civil et de statistiques de l’état civil) sont notoirement de parti pris et sous-estiment largement le nombre de décès dans les pays africains,
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même en situation optimale
1, 2. En 2017, la Division de statistique de l’ONU a indiqué qu’elle ne disposait pas de la moindre donnée concernant l’enregistrement des décès en RDC3. Selon la BBC, «[d]ans 14 pays, pas plus d’un décès sur dix est enregistré, et il en est notamment ainsi au Nigeria, en République démocratique du Congo et au Cameroun»4. Les registres des décès ne sont clairement pas une source fiable, à supposer même qu’on puisse les qualifier de «source» dans une zone de conflit telle que l’est de la RDC. Même s’il y avait eu une administration fonctionnelle chargée de l’enregistrement des décès dans l’est de la RDC pendant la guerre, force est de constater, comme le fait l’Ouganda, que les coûts liés au transport d’un corps et à l’enregistrement d’un décès sont prohibitifs pour la plupart des familles de la région, lesquelles, par ailleurs, n’auraient aucun intérêt réel à prendre pareilles dispositions.
30. Afin d’illustrer l’importance du recours aux éléments de preuve documentaires, l’Ouganda cite une affaire jugée devant la Cour pénale internationale (CPI) (par. 30, note 43), dans laquelle Germain Katanga a été déclaré coupable d’un chef de crime contre l’humanité (meurtre) et de quatre chefs de crimes de guerre (meurtre, attaque contre une population civile, destruction de biens et pillage) commis le 24 février 2003 lors de l’attaque lancée contre le village de Bogoro, situé dans le district de l’Ituri en RDC (CPI)5.
31. La CPI est une organisation intergouvernementale et une juridiction internationale chargée de juger les personnes accusées de crimes de guerre, de génocide, de crimes contre l’humanité ou d’agression. La CIJ, l’un des six principaux organes de l’ONU, connaît des différends entre Etats conformément au droit international et donne des avis consultatifs sur des questions de droit international.
B.3. Opportunité du recours aux enquêtes à petite échelle et renvoi à mes publications sur les limites de ce type d’enquêtes
32. L’Ouganda conteste l’opportunité du recours aux enquêtes à petite échelle aux fins de l’obtention de données sur la mortalité en RDC, notamment dans l’est du pays. Ces enquêtes s’appuient sur des méthodes standard de type SMART dont la fiabilité est reconnue par les spécialistes. Des experts de l’UNICEF, les centres de contrôle et de prévention des maladies des Etats-Unis et des universitaires réputés les ont mises au point afin de contrôler et de prévenir les maladies.
33. La méthode que j’ai employée répond en partie aux inquiétudes suscitées par le recours à de telles enquêtes. Ainsi, les allégations relatives aux niveaux d’incertitude formulées par l’Ouganda aux paragraphes 28 et 32 ne tiennent pas. Dans mon estimation du taux brut de mortalité a posteriori, je définis de manière claire et transparente les limites liées aux incertitudes. Je constate que les projections de l’ONU relatives aux taux bruts de mortalité, recommandées par l’Ouganda, ne
1 Osman Sankoh et al., «Births and deaths must be registered in Africa», The Lancet Global Health : https://www.thelancet. com/journals/langlo/article/PIIS2214-109X(19)30442-5/fulltext.
2 Setel, Macfarlane et al., «A scandal of invisibility: making everyone count by counting everyone», www.thelancet.com, publié en ligne le 29 octobre 2007. https://www.unhcr.org/4b0ba6e39.pdf, DOI : 10.1016/S0140-6736(07)61307-5.
3 https://unstats.un.org/unsd/demographic-social/crvs/
4 «Measuring Africa’s Data Gap: The cost of not counting the dead», BBC, 23 février 2020, https://www.bbc.com/news/world-africa-55674139?xtor=AL-72-%5Bpartner%5D…
5 Le Procureur c. Germain Katanga, affaire no ICC-01/04-01/07, fiche d’information sur l’affaire (Chambre de première instance II de la CPI), mise à jour le 20 mars 2018, disponible à l’adresse suivante : https://www.icc-cpi.int/ CaseInformationSheets/katangaFra.pdf
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prévoient pas d’intervalles de confiance ni, par conséquent, d’incertitudes, contrairement à mes estimations pour la période du conflit. Les enquêtes à petite échelle offrent un certain degré de précision qui fait défaut dans les éléments de preuve documentaires comme dans les projections de l’ONU.
34. Au paragraphe 47, l’Ouganda soutient que les 38 enquêtes sur lesquelles je me suis appuyée n’étaient pas indépendantes et que la plupart ont été effectuées par la même organisation militante. S’il est vrai que certaines de ces enquêtes ont été menées par la même organisation humanitaire, l’indépendance, telle qu’on l’entend dans le domaine des statistiques, a été respectée sur le plan méthodologique. La taille des échantillons et la sélection des observations provenant des différentes zones géographiques/sanitaires sont indépendantes l’une de l’autre, comme il est d’usage en matière d’échantillonnage aux fins d’enquête. Les organisations concernées comptent parmi les plus crédibles en matière de réalisation d’enquêtes à petite échelle, et certaines des enquêtes en question ont été supervisées par des professeurs d’universités prestigieuses du monde entier. Au vu de l’excellente réputation des experts sollicités en la matière et de mes nombreuses années d’expérience dans le domaine, je suis fermement convaincue que ces enquêtes offrent toutes les garanties de rigueur au plan statistique et qu’elles ont été menées en bonne et due forme.
B.4. Appliquée à bon escient, la méthode de Mme Guha-Sapir ferait apparaître une absence de surmortalité pendant la période pertinente (par. 36-40)
35. L’Ouganda soutient que la mortalité a pu en réalité baisser pendant la deuxième guerre du Congo, ce qui n’est pas plausible. L’ONU et bon nombre d’autres sources fiables présentent un tableau radicalement différent de la situation. L’Ouganda affirme en outre que la population de l’est de la RDC a bénéficié de meilleures conditions de vie pendant la guerre, notamment, dit-il, en raison de l’afflux de l’aide humanitaire internationale. Cette affirmation ne reflète pas la réalité du terrain pendant la deuxième guerre du Congo.
36. L’aide humanitaire fournie alors était essentiellement destinée aux réfugiés arrivés dans l’est de la RDC en provenance de l’Ouganda et non à la population locale. Qui plus est, il est largement admis qu’une partie considérable de l’aide envoyée n’est pas parvenue à ses destinataires ou n’a pas été distribuée en raison de considérations liées à la sécurité6. De nombreuses organisations humanitaires, dont Médecins sans Frontières (MSF), rompues à la fourniture de services dans des zones en proie à de violents conflits et auxquelles les instances onusiennes prêtent une oreille attentive, sont allées jusqu’à quitter la zone pour protester contre les pertes massives d’aide. Le rapport annuel 1998 du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sur la protection mentionne ceci : «A la fin de l’année [1998], l’est de la RDC demeurait dans la pratique inaccessible au personnel de l’ONU»7. A l’époque, il était impossible pour la plupart des travailleurs humanitaires d’accéder à l’est de la RDC et les fonctionnaires internationaux ne pouvaient s’y rendre sans escorte armée de l’ONU. Il est plus qu’improbable que les conditions de vie de la population locale pendant la guerre se soient améliorées et l’affirmation selon laquelle l’aide fournie a contribué à réduire la mortalité au sein de la population locale est incompréhensible.
6 S.K. Lischer, «Collateral Damage: Humanitarian Assistance as a Cause of Conflict», International Security, 2003, vol. 28, no 1, p 79-109. http://www.jstor.org/stable/4137576
7 HCR, Center for Documentation and Evaluation, Democratic Republic of the Congo: 1998 Annual Protection Report.
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C. Conclusion
37. Les arguments présentés par l’Ouganda sont souvent simplistes, fallacieux et redondants. Je me suis toutefois employée à répondre aux préoccupations soulevées de manière consciencieuse et transparente.
38. En bref, mon estimation de 4,9 millions de morts en surnombre indirectement causées par le conflit porte sur l’ensemble du territoire, toutes causes confondues. Il n’était pas prévu dans mon mandat que je procède à une ventilation par auteur des faits. Ainsi qu’il est indiqué plus haut (section A, tableau 2.2 et texte s’y rapportant), si j’applique les clés de répartition retenues dans le mémoire, je parviens à un total de 167 088 morts indirectes en surnombre dans l’est de la RDC et de 18 048 morts indirectes en surnombre en Ituri pour la période de 1998 à 2003.
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Appendice 2.1 : Signature de l’experte
Signature de l’experte
Le présent rapport a été établi par Debarati Guha-Sapir le 1er mars 2021, dans le respect du mandat énoncé par la Cour internationale de Justice.
(Signé) Debarati GUHA-SAPIR.
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RAPPORT NO 3 RÉPONSE RELATIVE À LA SECTION INTITULÉE «ÉVALUATION  MONTANTS RECOMMANDÉS : VIES HUMAINES ET DOMMAGES CAUSÉS AUX BIENS» M. Geoffrey Senogles
(Nyon, le 1er mars 2021)
Dommages causés aux personnes
39. Dans la présente section, je présente à la Cour mes réponses aux observations que la RDC et l’Ouganda ont respectivement soumises par écrit le 15 février 2021.
40. Mes commentaires sont adressés à la Cour.
41. En substance : la RDC soutient, dans ses observations, que les montants que je recommande sont trop modestes, l’Ouganda, dans les siennes, que ces montants sont trop élevés.
42. D’emblée, je tiens à souligner que j’ai parfaitement conscience que c’est à la Cour (et à elle seule) qu’il revient de déterminer quelles sont celles des pertes alléguées qui peuvent donner lieu à indemnisation, et de fixer le montant de toute indemnité qu’elle pourrait décider d’accorder. La Cour prendra connaissance des avis que j’aurai exprimés par écrit ou à l’oral, et aura ensuite toute discrétion pour décider dans quelle mesure ceux-ci pourraient, le cas échéant, l’assister dans ses délibérations. Mon rôle est des plus restreints  je le sais, j’en ai bien conscience et j’agis dans le respect des limites de mon mandat.
43. Contrairement à ce qu’affirme l’Ouganda8, je n’ai pas soutenu dans mon rapport du 20 décembre 2020, ni ne pense, que les montants individuels que j’ai préconisés devraient être appliqués par la Cour pour toutes les victimes à raison desquelles la RDC demande à être indemnisée. L’Ouganda, au lieu de citer mon rapport, a choisi d’en présenter une interprétation erronée, affirmant que j’avais «recommand[é] d’adopter pour toutes les victimes dont la RDC fait état les montants fixes … ci-après» (Les italiques sont de lui.)
44. Ces mots n’ont pas été puisés dans mon rapport  et en tout état de cause, cette affirmation est tout simplement fausse. Elle n’est pas le reflet de mon opinion.
45. En réalité, les montants individuels que je recommande en ce qui concerne les préjudices causés à des personnes9 sont destinés à être pris en compte uniquement dans le cas de pertes en vies humaines ou d’atteintes aux personnes dont la Cour aura conclu qu’elles résultaient de faits attribuables à l’Ouganda. Je n’ai en aucun cas mon mot à dire sur toute conclusion à laquelle la Cour pourrait parvenir à cet égard.
8 Observations de l’Ouganda sur le rapport d’expertise, en date du 15 février 2021, par. 69.
9 Rapport d’expertise en date du 20 décembre 2020, tableau de synthèse présenté au paragraphe 139.
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46. En outre, je peux ici renvoyer la Cour, comme je le ferai ailleurs, au paragraphe 12  le troisième paragraphe substantiel  de notre rapport en date du 20 décembre 2020, dans lequel nous avons dès l’abord exposé clairement le principe qui nous guidait, en rappelant «qu’il appart[enait] exclusivement à la Cour de rendre ses propres conclusions juridiques sur ces questions et qu[e celle-ci] calculera[it] donc, à sa discrétion, tout montant des indemnités qu’elle pourrait souhaiter adjuger»10.
47. Tant la RDC que l’Ouganda commentent le choix que j’ai fait de me référer à la CINU dans notre rapport en date du 20 décembre 2020.
48. Dans les observations qu’elle a soumises11, la RDC remet en question l’applicabilité des évaluations auxquelles la CINU est parvenue, alors même que je note, dans les paragraphes de mon rapport qu’elle cite12, qu’elle a elle-même pris pour référence, dans son mémoire, les montants adjugés par ladite Commission13.
49. La RDC fait valoir que l’exemple de la CINU va à l’encontre de la pratique de ses propres juridictions, lesquelles ne fixent pas le montant des indemnisations qu’elles adjugent eu égard à l’acte constitutif de l’infraction14.
50. La RDC se demande  m’attribuant cette appréciation  «[p]ourquoi seules les évaluations de la CINU présenteraient … un caractère raisonnable»15. Or, telle n’est pas ma position, et j’y reviendrai. La Cour, selon moi, a la difficile tâche de statuer alors que sont en cause un très large éventail de victimes alléguées d’un très large éventail de pertes. Dans ces circonstances, je lui recommande de retenir, aux fins de l’indemnisation, des montants fixes par personne applicables aux pertes de chaque type qu’elle aura jugées attribuables à l’Ouganda  étant entendu que la question de l’attribution est d’ordre juridique et, partant, ne me concerne pas.
51. En ma qualité d’expert indépendant désigné par la Cour, je considère, à l’instar de mes collègues, que celle-ci est appelée à rendre ses propres conclusions quant à l’évaluation des montants qu’elle pourrait choisir d’adjuger sur la base des éléments de preuve, des avis et des méthodes qui lui auront été soumis et qu’elle aura jugés pertinents et fiables. Dans ce cadre, il paraît raisonnable de penser qu’elle pourrait estimer insuffisant de se contenter des (seules) évaluations de la CINU ou, du reste, de n’importe quelle autre référence unique. Ce sera à elle d’en décider.
52. Je n’en continue pas moins de penser que les chiffres retenus par la CINU dans les cas d’atteintes aux personnes constituent des repères capables de guider utilement la Cour dans ses délibérations sur le montant de toute indemnité qu’elle pourrait être amenée à adjuger.
53. Dans tous les cas, et c’est un aspect fondamental de ma démarche, chacun des montants individuels que j’ai recommandé d’adopter aux fins de l’indemnisation dans mon rapport est inférieur
10 Rapport d’expertise en date du 20 décembre 2020, par. 12.
11 Observations de la RDC sur le rapport d’expertise, en date du 15 février 2021, par. 35.
12 Rapport d’expertise en date du 20 décembre 2020, par. 137 et 138.
13 Ibid., par. 137, note 64, citant le MRDCR, par. 3.24.
14 Observations de la RDC sur le rapport d’expertise, en date du 15 février 2021, par. 39.
15 Ibid., par. 35.
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ou égal au montant réclamé par la RDC. Il serait inapproprié de recommander des montants individuels supérieurs à ceux que celle-ci a avancés.
54. L’Ouganda, dans ses observations, semble faire valoir que la pratique de la CINU est dépourvue de pertinence et ne devrait donc pas être prise en compte par la Cour16. Je ne suis pas d’accord. Je considère que la CINU offre à la Cour un exemple de pratique utile, contemporain et pertinent en matière de demandes de réparation concernant des dommages causés dans le cadre d’un conflit armé, et un précédent quant aux indemnités octroyées pour des pertes analogues à celles ici en cause. La CINU n’est en aucun cas présentée comme l’unique référence, mais comme la source d’une pratique pouvant utilement guider la Cour.
55. Quoi que puisse en dire l’Ouganda17, la CINU demeure en activité à ce jour et ce que j’ai pu voir de ses méthodes de travail, en étant amené à participer personnellement à ses procédures d’évaluation, ne cadre pas avec la description qu’en donne l’Ouganda sur la foi d’une déclaration du 2 mai 1991 faite au nom du Secrétaire général de l’ONU, dans un rapport établi exactement deux mois après la date  le 2 mars 1991  du cessez-le-feu officiel, et avant que la Commission n’entame ses travaux18. Pour ne citer qu’un exemple, lorsque je travaillais à la CINU, j’ai participé à plusieurs procédures orales dans le cadre desquelles l’Iraq et certains plaignants ont comparu, aux côtés de représentants juridiques externes et de témoins-experts.
56. L’Ouganda voit dans la pratique de la Commission des réclamations entre l’Erythrée et l’Ethiopie «un précédent plus pertinent»19 que ne le serait celle de la CINU.
57. S’agissant des exigences en matière de preuve, l’Ouganda décrit comme suit la pratique de cette Commission :
«Suivant la méthode classique consistant à exiger que soient produits des éléments convaincants permettant d’établir, à un degré élevé de certitude, la matérialité du préjudice et le bien-fondé de l’évaluation correspondante, la Commission des réclamations entre l’Erythrée et l’Ethiopie a examiné de près et utilisé une masse considérable de moyens de preuve spécifiques et corroborés, comprenant : des preuves documentaires, des dossiers médicaux ou d’hospitalisation, des justificatifs de dépenses, des photographies et des images satellites, ainsi que des déclarations signées et sous serment. L’Ouganda estime surprenant que, ayant pris sur lui d’aller au-delà du mandat que lui avait confié la Cour, M. Senogles ait concentré toute son attention sur les travaux de la CINU, sans faire le moindre cas de la pratique autrement plus pertinente de la Commission des réclamations entre l’Erythrée et l’Ethiopie.»20 (Les italiques sont de moi.)
16 Observations de l’Ouganda sur le rapport d’expertise, en date du 15 février 2021, voir, par exemple, par. 68.
17 Ibid., par. 72.
18 Ibid., par. 71 et note 125.
19 Ibid., par. 74.
20 Ibid., par. 75.
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58. A cet effet, pour assister la Cour, je ne demande pas mieux que de me référer à la sentence finale rendue par la Commission des réclamations entre l’Erythrée et l’Ethiopie sur la question des indemnités, datée du 17 août 200921.
59. La Cour n’est pas sans savoir que ladite Commission a précisé quelles étaient ses exigences en matière de preuve, compte tenu des circonstances propres à l’Erythrée et à l’Ethiopie. Bien qu’elles soient longues, j’inclurai donc in extenso les citations ci-après car elles sont pertinentes aux fins de la question soulevée par l’Ouganda :
«35. Au stade de la détermination de la responsabilité, la Commission a exigé des preuves claires et convaincantes permettant d’établir celle-ci. Elle l’a fait parce que les Parties, dans le cadre de leurs réclamations, avaient fréquemment mis en cause la responsabilité de l’Etat pour faute, voire violation, grave. Un constat en ce sens, lourd de conséquences pour les intérêts et la réputation de l’Etat mis en cause, ne saurait être dressé à la légère. Aussi ne peut-il l’être que sur la base d’éléments de preuve suffisants et convaincants. C’est pourquoi la Cour internationale de Justice et d’autres juridictions internationales imposent, dans de telles circonstances, l’obligation d’établir les faits à un degré élevé de certitude.
36. A l’occasion des audiences consacrées aux réclamations du «groupe 1», l’Ethiopie a fait valoir que les décisions relatives à l’indemnisation devaient être fondées sur le critère de la prépondérance des preuves. L’Erythrée a quant à elle exhorté la Commission à continuer d’utiliser le critère de la preuve «claire et convaincante». A l’instar d’autres juridictions, la Commission estime que la juste position réside dans une combinaison de ces deux thèses. Elle a, dans ses sentences partielles, exigé des preuves claires et convaincantes de l’existence du dommage, aux fins de l’établissement de la responsabilité. Toutefois, aux fins de la quantification du dommage, elle a exigé des preuves moins rigoureuses. Les considérations dictant l’application du critère de la «preuve claire et convaincante» sont nettement moins impérieuses s’agissant des questions moins brûlantes et politiquement chargées mises en jeu au stade de l’évaluation monétaire du préjudice. En outre, la Commission a conscience des difficultés pratiques énormes qu’ont eues les deux Parties à quantifier l’étendue des dommages à l’issue de la guerre de 1998-2000. Exiger à cet égard des preuves claires et convaincantes rendrait bien souvent  sinon dans la quasi-totalité des cas  l’octroi de réparations impossible, ce qui reviendrait à faire échec au mandat qui a été confié à la Commission aux termes du paragraphe 1 de l’article 5 de l’accord [de paix entre l’Erythrée et l’Ethiopie signé à Alger le 12 décembre 2000], et qui consiste à remédier «aux conséquences socioéconomiques négatives de la crise pour la population civile».
37. Il ne s’agit pas ici de déterminer si les deux Etats parties ont commis de graves violations du droit international. Cela a déjà été fait. La Commission doit à présent décider, dans la mesure du possible, du juste montant de l’indemnisation due à raison de chacune de ces violations. Sont ici en jeu des questions d’un autre ordre, requérant le recours à des appréciations et approximations. Ainsi que mentionné plus bas à propos de réclamations particulières, s’agissant d’aspects tels que l’atrocité ou la gravité de tel ou tel acte illicite, le nombre de personnes blessées ou de biens détruits ou endommagés de ce fait, et les conséquences financières qui en découlent, les éléments de preuve sont souvent incertains ou ambigus. Dans de telles circonstances, la Commission a réalisé les meilleures estimations possibles sur la base des moyens de
21 Eritrea-Ethiopia Claims Commission  Final Award  Ethiopia’s Damages Claims, 17 August 2009, volume XXVI, p. 631-770. Le texte peut être consulté, en anglais, à l’adresse Internet suivante : https://legal.un.org/ riaa/cases/vol_XXVI/631-770.pdf.
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preuve dont elle disposait. A l’instar de certaines juridictions nationales ou de certains législateurs internationaux, elle a reconnu que, lorsqu’elle était appelée à déterminer le montant des indemnités à adjuger, elle devait le faire quand bien même le processus supposerait de procéder par estimation, voire au juger, dans la limite des possibilités offertes par les éléments de preuve. Dans certains cas, ceux-ci n’étaient néanmoins pas suffisants pour justifier l’octroi d’indemnités.
38. La Commission a également tenu compte de la solution de compromis déterminante retenue dans le cadre des récentes procédures visant à réparer des préjudices touchant un large nombre de victimes. Des institutions telle que la Commission d’indemnisation des Nations Unies («CINU») et diverses autres commissions créées pour connaître de réclamations mettant en jeu des questions de banque, d’assurance ou de travail forcé remontant aux pratiques du régime nazi ont adopté des critères d’établissement de la preuve moins rigoureux, que ce soit s’agissant d’établir l’existence du préjudice individuel subi, ou l’étendue de celui-ci. En contrepartie, les montants des indemnités accordées ont également été moindres, de sorte à contrebalancer les incertitudes découlant de l’application d’un critère d’établissement de la preuve moins strict. Si les réclamations dont il est question dans la présente sentence sont des réclamations étatiques, et non des réclamations collectives, la Commission n’en a pas moins, dans certains cas, appliqué un raisonnement similaire s’agissant de préjudices ou de dommages subis par un nombre important, mais incertain, de victimes, lorsque les éléments de preuve versés au dossier étaient restreints.»22 (Les italiques sont de moi.)
60. Il ressort des décisions des juridictions congolaises23, à tout le moins dans la mesure restreinte où celles-ci ont été présentées et documentées dans le mémoire, que celles-ci ont adjugé des montants individuels plus élevés que ceux réclamés en l’espèce par la RDC. Dès lors qu’ils ne sont pas justifiés, et qu’ils sont supérieurs à ceux que la RDC avance ici par référence à cette source, les montants adjugés par les juridictions congolaises ne devraient pas, selon moi, être tenus pour concluants dans les délibérations de la Cour.
61. Dans mon rapport, j’ai traité des montants individuels réclamés à raison de pertes en vies humaines et d’atteintes aux personnes, afin d’assister la Cour. Comme nous l’avons spécifié dans notre expertise24, nous avons pleinement conscience qu’il reviendra exclusivement à celle-ci de décider si ou dans quelle mesure elle voudra prendre en compte les avis que j’ai exprimés à cet égard. La Cour est entièrement libre de prendre en considération, ou non, mes avis sur tels ou tels des préjudices personnels allégués.
62. Pour être parfaitement explicite : il n’est pas question, dans mon rapport, du nombre d’individus victimes de décès, de dommage corporel, de viol, d’utilisation en tant qu’enfant-soldat, ou de déplacement de population. Certains de ces thèmes sont traités par mes collègues Henrik Urdal et Debarati Guha-Sapir. En revanche, c’est à la Cour qu’il appartiendra de se prononcer sur le nombre éventuel de victimes afin de calculer le montant total des indemnités qu’elle pourrait éventuellement adjuger. Toutes les décisions qu’elle rendra et tous les calculs auxquels elle procédera, le cas échéant, sont de son seul ressort.
22 Eritrea-Ethiopia Claims Commission  Final Award  Ethiopia’s Damages Claims, 17 August 2009, par. 35-38.
23 Que l’Ouganda a commentées de manière relativement détaillée dans ses observations sur le rapport d’expertise, en date du 15 février 2021, par. 62.
24 Rapport d’expertise en date du 20 décembre 2020, par. 12.
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63. En outre  et là encore j’entends éviter qu’il y ait le moindre doute à cet égard , la Cour aura déjà noté que je ne dis rien dans mon rapport des éventuelles victimes qu’auraient pu causer les actes qu’elle a attribués à l’Ouganda  il s’agit là d’une question juridique qu’il lui appartient à elle de trancher.
64. Dans sa sentence finale sur les réclamations de l’Ethiopie, la Commission des réclamations entre l’Erythrée et l’Ethiopie a choisi, dans les cas de pertes en vies humaines ou d’atteintes aux personnes, d’attribuer des indemnités  en l’occurrence des sommes arrondies  applicables à des groupes prédéfinis de victimes, sans toujours spécifier le nombre d’individus concernés, en raison des contraintes en matière de preuve déjà mentionnées, dont elle avait reconnu qu’elles constituaient un «énorme problème pratique» pour les deux pays25.
65. A titre d’exemple, le paragraphe suivant, que je citerai in extenso, illustre la logique qu’a suivie la Commission des réclamations entre l’Erythrée et l’Ethiopie aux fins de décider des montants à attribuer :
«e) Sentence
103. Compte tenu de la manière dont l’Ethiopie a présenté ses réclamations, la Commission a dû réaliser les meilleures estimations possibles, au regard des éléments de preuve dont elle disposait, de la gravité et de l’ampleur des violations du jus in bello que l’Erythrée a commises sur les trois fronts, et qui ont été à l’origine de morts, de préjudices corporels, de disparitions, et de cas de travail forcé ou de conscription forcée de civils. Ce faisant, elle a accordé une grande importance à la gravité des atteintes à la vie et à la dignité humaine établies au stade de la responsabilité. Sur la base de son analyse des éléments de preuve, la Commission adjuge à l’Ethiopie 11 millions de dollars des Etats-Unis au titre de ces réclamations.»26
66. Dans les paragraphes qui précèdent, où elle expose son analyse des différents volets de la demande et des éléments de preuve versés au dossier, la Commission ne détaille pas la manière dont elle a abouti à ce chiffre, arrondi, de 11 millions de dollars des Etats-Unis, ne spécifiant pas de nombre précis d’individus victimes pris en compte pour chaque chef de préjudice (par exemple a) homicide ; b) coups et blessures ; c) enlèvements et disparitions ; d) travail et conscription forcés) ni de montant retenu à titre d’indemnités par individu et par chef de préjudice27.
67. S’agissant des cas allégués de viol, la Commission des réclamations entre l’Erythrée et l’Ethiopie a de même statué ainsi :
«109. En dépit des failles que présentent les méthodes employées par chacune des Parties, la Commission considère que ces graves violations du droit international humanitaire appellent une véritable réparation. Des dommages-intérêts nominaux ou symboliques ne sauraient suffire, compte tenu de l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale ou de la souffrance morale que subissent, on le sait, les victimes de viol.
110. En conséquence, la Commission adjuge à l’Ethiopie (comme elle le fait à l’Erythrée, dans la sentence correspondante) la somme de 2 millions de dollars des
25 Eritrea-Ethiopia Claims Commission  Final Award  Ethiopia’s Damages Claims, 17 August 2009, par. 36.
26 Ibid., par. 103.
27 Ibid., par. 82-102.
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Etats-Unis à titre d’indemnités, l’Erythrée ayant manqué d’empêcher les viols qu’ont ainsi subis, dans les woredas d’Irob, de Dalul et d’Elidar, des victimes identifiées ou non. Ce faisant, elle exprime l’espoir que l’Ethiopie (et l’Erythrée) utilisera les fonds alloués pour développer et appuyer des programmes d’action sanitaire destinés aux femmes et aux jeunes filles dans les régions concernées.»
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68. La méthodologie qu’a suivie la Commission des réclamations entre l’Erythrée et l’Ethiopie, consistant à allouer à telle ou telle catégorie de victimes des montants globaux correspondant à des chiffres ronds29, ne saurait me guider dans mes recommandations à la Cour. La raison en est simple : je n’ai pas à me prononcer sur le nombre des personnes victimes, le cas échéant, de faits de l’Ouganda. Il m’appartient uniquement d’exprimer un avis sur les montants en dollars «par personne» des indemnités que la Cour pourrait envisager de retenir dans le cadre de ses délibérations globales.
69. Il incombera ainsi à la Cour de parvenir à ses propres conclusions à l’issue d’un processus en deux étapes consistant à déterminer le montant de toute indemnité qu’elle pourrait adjuger pour toute personne qu’elle pourrait considérer comme victime de tout acte ou omission qu’elle pourrait attribuer à l’Ouganda  une phrase qui comporte nécessairement beaucoup de verbes au conditionnel.
70. L’Ouganda considère que la catégorie B définie par la CINU est plus pertinente au vu des (faibles) éléments de preuve fournis à l’appui des demandes soumises en l’espèce par la RDC30. Cela dit, précise-t-il,
«d’après l[ui], même les montants adjugés dans le cas des réclamations de la catégorie B ne sont pas transposables à la présente espèce, la RDC n’ayant pas même satisfait aux exigences en matière de preuve autrement moins strictes appliquées à cet égard par la CINU et consistant simplement à indiquer le nom de la victime, sa nationalité et la date des faits»31.
71. Le montant de l’indemnité adjugée par la CINU, dans le cas de la catégorie B, était fixé à 10 000 dollars des Etats-Unis par famille de personne décédée ou à 2500 dollars des Etats-Unis par personne  et ces chiffres sont cités par l’Ouganda32.
72. Ainsi qu’indiqué dans notre rapport33, je considère de manière générale les preuves documentaires fournies par la RDC comme assez minces. L’Ouganda reprend à son compte de longues citations de mon expertise sur ce point dans ses observations34. Les avis que j’exprime, quant à moi, sur les éléments de preuve produits par la RDC sont fondés sur mon expérience dans le
28 Eritrea-Ethiopia Claims Commission  Final Award  Ethiopia’s Damages Claims, 17 August 2009, par. 109-110.
29 Une méthode qui, selon moi, n’a rien de déraisonnable.
30 Observations de l’Ouganda sur le rapport d’expertise, en date du 15 février 2021, par. 91.
31 Ibid.
32 Ibid., par. 90.
33 Rapport d’expertise en date du 20 décembre 2020.
34 Observations de l’Ouganda sur le rapport d’expertise, en date du 15 février 2021, voir par exemple par. 62.
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domaine du règlement des différends juridiques depuis 1995, et exprimés en des termes que l’on peut  pour parler rondement  qualifier d’impartiaux.
73. Les formulaires de réclamation individuels35 soumis par la RDC que j’ai examinés permettent dans une certaine mesure d’établir l’identité de la victime, ainsi que la nature de la valeur des pertes alléguées. Tout professionnel indépendant conviendra néanmoins qu’ils sont loin de constituer des éléments de preuve parfaits ou idéaux aux fins d’une procédure judiciaire.
74. Je renverrai la Cour à un paragraphe cité plus haut de la sentence finale rendue par la Commission des réclamations entre l’Erythrée et l’Ethiopie sur la question de l’indemnisation, qui mérite d’être répété en tant qu’il revêt à cet égard une pertinence directe.
«37. Il ne s’agit pas ici de déterminer si les deux Etats parties ont commis de graves violations du droit international. Cela a déjà été fait. La Commission doit à présent décider, dans la mesure du possible, du juste montant de l’indemnisation due à raison de chacune de ces violations. Sont ici en jeu des questions d’un autre ordre, requérant le recours à des appréciations et approximations. Ainsi que mentionné plus bas à propos de réclamations particulières, s’agissant d’aspects tels que l’atrocité ou la gravité de tel ou tel acte illicite, le nombre de personnes blessées ou de biens détruits ou endommagés de ce fait, et les conséquences financières qui en découlent, les éléments de preuve sont souvent incertains ou ambigus. Dans de telles circonstances, la Commission a réalisé les meilleures estimations possibles sur la base des moyens de preuve dont elle disposait. A l’instar de certaines juridictions nationales ou de certains législateurs internationaux, elle a reconnu que, lorsqu’elle était appelée à déterminer le montant des indemnités à adjuger, elle devait le faire quand bien même le processus supposerait de procéder par estimation, voire au juger, dans la limite des possibilités offertes par les éléments de preuve. Dans certains cas, ceux-ci n’étaient néanmoins pas suffisants pour justifier l’octroi d’indemnités.» (Les italiques sont de moi.)
75. En ma qualité d’expert indépendant, je demeure à la disposition de la Cour pour revenir sur ce point lors de la procédure orale.
76. La RDC n’ayant présenté que des éléments de preuve documentaires limités, la Cour pourrait raisonnablement être fondée à retenir une somme moins élevée que le montant de 30 000 dollars des Etats-Unis que j’ai recommandé dans mon rapport pour la famille d’une personne tuée dans le cadre d’une action ciblée attribuable à l’Ouganda (NB : l’attribution est une question juridique sur laquelle je ne me prononce pas). Cette somme pourrait, mettons, être de 10 000 dollars des Etats-Unis, ce qui correspond au montant adjugé dans le cadre de la catégorie B, supposant un seuil de la preuve moindre, que l’Ouganda prend pour référence.
77. Toutefois, pour être parfaitement clair, je continue de penser que, compte tenu des difficultés rencontrées par les Congolais complétant les «fiches d’identification de victime»  qui ne différaient guère des contraintes en matière de preuve auxquelles l’Ethiopie et l’Erythrée ont été soumises, et dont la Commission des réclamations a clairement tenu compte (ainsi que le montre la citation ci-dessus) , le montant des 30 000 dollars des Etats-Unis à titre d’indemnisation due à raison de la mort d’un individu délibérément visé dans le cadre d’une action militaire peut raisonnablement être recommandé à la Cour. Celle-ci devra, lors de ses délibérations, apprécier quels
35 Appelés «fiches d’identification de victime»
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sont les seuils qu’elle entend appliquer en matière de preuve à cet égard  et je demeure à sa disposition pour toute assistance dont elle pourrait avoir besoin à cet effet.
Dommages causés aux biens
78. La RDC déclare s’interroger sur l’utilisation des divers «facteurs de minoration» que j’ai appliqués dans mon rapport pour revoir à la baisse les montants réclamés, compte tenu des lacunes en matière de preuve constatées36.
79. L’Ouganda exprime lui aussi des doutes à cet égard37.
80. Pourtant, la méthode que j’ai adoptée est raisonnable, motivée, et constitue une pratique courante aux fins de l’évaluation de réclamations dans des circonstances comparables.
81. J’ai passé en revue les éléments de preuve et, à partir de là, j’ai calculé les ajustements que je recommande (en appliquant des taux de minoration38) en me reportant à l’expérience qui est la mienne, puisqu’il ne m’avait pas été prescrit de suivre telle ou telle méthode ou instruction qui aurait été préalablement énoncée par la Cour.
82. La Commission des réclamations entre l’Erythrée et l’Ethiopie, à la pratique de laquelle l’Ouganda a invité la Cour à se référer comme étant «plus pertinente»39, a elle aussi procédé à des ajustements (sans spécifier comment elle avait abouti à chacun des pourcentages qu’elle a jugés applicables) pour contrebalancer les lacunes en matière de preuve, lorsqu’elle a calculé les montants des indemnités dues à raison des pertes de biens alléguées. Les passages ci-après en offrent des exemples :
«144. L’étude rendant compte de l’étendue des dommages physiques causés à Zalambessa a permis d’évaluer à 149 441 206 birrs les coûts de réparation et de reconstruction d’églises, d’habitations et de différents bâtiments publics au mois de décembre 2000. Ainsi que noté ci-dessus, un responsable éthiopien des travaux publics a anticipé que les coûts réels après le mois de décembre 2000 seraient plus élevés, en raison de l’augmentation des frais de construction après la guerre. Afin de déterminer le montant des indemnités dues à raison des réclamations de l’Erythrée portant sur la destruction ou la détérioration d’un large nombre d’édifices identifiés, la Commission a pris en compte les évolutions des taux de change et les hausses des coûts de construction en Erythrée constatées après la guerre. Afin de réserver un traitement égal aux Parties, elle devrait en faire autant en ce qui concerne l’Ethiopie. A défaut de données claires, dans le dossier, permettant de chiffrer l’augmentation des coûts de construction en Ethiopie après la guerre, la Commission l’a évaluée à 20 %. En majorant de 20 % l’estimation obtenue dans le cadre de l’étude de décembre 2000, elle aboutit à 179 329 400 birrs. La Commission adjuge 75 % de cette somme, soit
36 Observations de la RDC sur le rapport d’expertise en date du 15 février 2021, par. 81.
37 Observations de l’Ouganda sur le rapport d’expertise, en date du 15 février 2021, voir par exemple, par. 107.
38 Ainsi, un facteur de minoration de 10 % pour manque de preuve pourrait être appliqué dans le cas d’un dossier comportant des preuves relativement «solides», contre 50 % dans le cas d’un dossier relativement «pauvre».
39 Observations de l’Ouganda sur le rapport d’expertise, en date du 15 février 2021, par. 75.
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16 815 000 dollars des Etats-Unis, à titre d’indemnités pour les destructions ou détériorations de bâtiments commises à Zalambessa en violation du jus in bello.»
40
«149. L’Ethiopie a réclamé 107 355 dollars des Etats-Unis à titre d’indemnités pour le pillage d’un entrepôt de grains démontable (Rubb hall) appartenant à la société de secours du Tigré. Il ressort du dossier que la société de secours, qui avait reçu cette structure en don du Secours catholique en 1993, avait initialement porté dans son registre de comptabilité la valeur de 858 840 birrs. Ce bien étant vieux de plusieurs années au moment de sa perte, la Commission adjuge 80 % du montant réclamé, soit 86 000 dollars des Etats-Unis.»41
«150. L’Ethiopie a réclamé 167 578 dollars des Etats-Unis pour le pillage de biens appartenant au bureau agricole régional du Tigré, à la suite de l’invasion de Zalambessa. Cette évaluation était fondée sur la déclaration d’un haut responsable du bureau de l’agriculture et du développement des ressources naturelles, et sur les listes y annexées de biens perdus à différents emplacements. Le responsable a indiqué que ces listes avaient été «compilées sur la base de l’inventaire et des estimations de la valeur de ces biens au moment de la guerre», mais sans préciser la valeur des pièces qui auraient été pillées à Zalambessa. Les tableaux fournis semblaient fondés sur les niveaux de fourniture autorisés, et non sur les quantités effectivement présentes. Ils recensaient également des fournitures perdues non seulement à Zalambessa, mais aussi à Badme (et peut-être encore ailleurs). Les pertes alléguées ne paraissent pas déraisonnables, compte tenu des circonstances. Toutefois, les éléments de preuve étant fondés sur des évaluations (fût-ce d’un responsable compétent), et étant à d’autres égards imprécis, la Commission adjuge 75 % du montant réclamé, soit 126 000 dollars des Etats-Unis.»42
«151. L’Ethiopie a soutenu que l’Erythrée avait pillé au début de la guerre, dans la zone de Zalambessa, des machines et matériaux de construction utilisés par les services de l’infrastructure routière rurale de la région du Tigré, d’une valeur consolidée de 1 132 694 dollars des Etats-Unis. Plus de la moitié du montant réclamé l’était sur la base du coût d’acquisition initial de trois bulldozers et de deux camions à benne dont le pillage était allégué. Or, rien ne permettait d’établir que ceux-ci avaient effectivement été pillés par l’Erythrée ; les éléments de preuve montraient que, avant la guerre, ils étaient pour l’essentiel entreposés dans un bâtiment situé à plusieurs kilomètres au sud de Zalambessa. Les matériaux et équipements de construction routière auraient été précieux de part et d’autre, aux fins de la construction de tranchées ou d’autres travaux d’ingénierie militaire, sur le front statique de Zalambessa. A cet égard, des éléments de preuve incontestés montrent que, à la mi-mai 1998, les deux armées utilisaient des bulldozers pour creuser des tranchées dans la zone en question, avant l’attaque de l’Erythrée. Compte tenu de l’ambiguïté des éléments de preuve, la Commission adjuge à l’Ethiopie l’équivalent en dollars des Etats-Unis de 50 % du montant réclamé, soit 566 000 dollars des Etats-Unis.»43
«152. Enfin, l’Ethiopie a réclamé 3269 dollars des Etats-Unis à titre d’indemnités pour le pillage de tables, de chaises, d’une table et de raquettes de ping-pong, et d’un billard appartenant au bureau de l’association jeunesse du Tigré. Si les preuves apportées à l’appui de cette réclamation étaient limitées, le type de dommages allégués
40 Eritrea-Ethiopia Claims Commission  Final Award  Ethiopia’s Damages Claims, 17 August 2009, par. 144.
41 Ibid., par. 149.
42 Ibid., par. 150.
43 Ibid., par. 151.
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et l’évaluation avancée semblent raisonnables au vu des circonstances. La Commission adjuge en conséquence 3000 dollars des Etats-Unis au titre de cette réclamation.»
44
83. Dès lors qu’un plaignant n’a pas fourni de preuves documentaires complètes et adéquates, il revient, selon moi, et sur la base de mon expérience, à un tribunal, une cour ou un arbitre de rendre ses propres conclusions sur le montant des indemnités en tenant compte d’au moins deux aspects :
a) l’ampleur des lacunes en matière de preuves, eu égard à ce qu’une juridiction s’attendrait à trouver dans un dossier «normal» ;
b) les éventuelles circonstances ou raisons justifiant ou expliquant lesdites lacunes.
84. Je continue de penser que la méthode que j’ai recommandée, consistant à ajuster, compte tenu des lacunes en matière de preuves produites, les montants réclamés au titre des diverses pertes de biens alléguées par la RDC permettra à la Cour de procéder à l’analyse et aux pondérations voulues.
85. La Cour a toute discrétion pour apprécier comme elle l’entend les éléments de preuve produits par la RDC et, partant, pour appliquer, aux fins du calcul des montants individuels qu’elle pourrait adjuger à titre d’indemnités, le facteur d’ajustement pour manque de preuve de son choix.
86. Si la Cour devait estimer une réclamation totalement infondée45, cette méthode lui laisse suffisamment de marge pour décider d’appliquer un facteur de minoration pour manque de preuve de 100 %, ce qui reviendrait à ne pas adjuger d’indemnités.
87. La RDC a posé la question de savoir pourquoi je n’ai pas traité des lieux de culte à raison desquels elle affirme avoir demandé à être indemnisée46, alors que, dans mon rapport, j’ai passé en revue chacun des chefs de demande exposés au chapitre 7 de son mémoire. Or, s’il est parfois fait référence à des dommages qui auraient été causés à des lieux de culte au chapitre 4 du mémoire, auquel la RDC renvoie dans ses observations47, il n’en est, pour des raisons inexpliquées, plus question dans le chapitre du mémoire48 où celle-ci indique, en les détaillant dans la mesure où elle le peut, les montants qu’elle réclame. Ainsi, j’ai bel et bien traité des chefs de demande que la RDC a spécifiés dans son mémoire, et toute lacune que pourrait présenter à cet égard mon rapport résulte de la manière dont la demanderesse elle-même a présenté sa réclamation.
88. S’agissant de la réclamation de la RDC relative à des pertes de biens en Ituri, l’Ouganda avance des observations erronées au sujet de l’analyse et des recommandations que j’ai formulées dans mon rapport.
44 Eritrea-Ethiopia Claims Commission  Final Award  Ethiopia’s Damages Claims, 17 August 2009, par. 152.
45 C’est-à-dire si la Cour estime que la teneur de la réclamation, et les éléments de preuve censés étayer celle-ci, sont entièrement absents ou déficients, ou encore qu’ils ne sont, pour toute autre raison, pas convaincants ou suffisants.
46 Observations de la RDC sur le rapport d’expertise, en date du 15 février 2021, par. 78.
47 Ibid., note 93.
48 Chapitre 7.
26
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89. L’Ouganda me reproche ainsi, à mauvais escient, de n’avoir «pas tenu compte … des documents venant contredire la version de la RDC»49, quand il apparaît qu’il n’a pas, lui, pris connaissance de tous les éléments du dossier. Bien que l’analyse qu’il développe dans ses observations ne soit pas claire, il semblerait, si je l’ai bien comprise, qu’il postule  mais sans le dire ouvertement, et à tort  qu’à chaque «habitation» mentionnée dans la liste détaillée des biens répertoriés aux fins de l’indemnisation correspondrait une valeur unitaire50. Or, l’examen des éléments de preuve fournis par la RDC révèle que ce présupposé est erroné, puisqu’en de nombreuses occasions, une seule et même personne51 se déclare propriétaire de plus d’une habitation.
90. L’Ouganda [affirme également, à propos des] éléments de preuve soumis par la RDC, que «l’annexe 1.3 du mémoire … n’est constituée que du tableau de synthèse ci-après :» (tableau non reproduit)52. Cette dernière affirmation est inexacte, puisque l’annexe 1.3 du mémoire contient de multiples dossiers et listes détaillant les pertes à raison desquelles la RDC demande à être indemnisée, réparties en quatre catégories (y compris les pertes de biens) et que, plus particulièrement, en ce qui concerne les biens, ces listes détaillées couvrent cinq localités53. La liste de 11 pages54, dont l’une est jointe par l’Ouganda dans ses observations55, est en réalité accompagnée d’un fichier détaillé de 194 pages, établi à l’aide d’un logiciel56, qui énumère les biens qu’auraient perdus 1313 propriétaires différents basés en Ituri.
91. L’Ouganda a fait des remarques raisonnables s’agissant de l’absence de preuves présentées par la RDC en ce qui concerne les coûts de remplacement unitaires allégués. L’Ouganda a raison de relever que, étant donné que dans la très grande majorité des cas, les valeurs de remplacement sont estimées à 300 dollars des Etats-Unis, il est légitime pour moi de retenir ce montant  en dépit de l’absence de preuves documentaires.
92. En résumé, eu égard au manque de justificatifs permettant d’établir le bien-fondé des valeurs de reconstruction avancées, et aux pourcentages des catégories d’habitations tels que réajustés, il me semble raisonnable de proposer, aux fins des délibérations de la Cour, le montant de 5 270 200 dollars des Etats-Unis57 (soit 40 % du montant  12 956 200 dollars des Etats-Unis  réclamé par la RDC).
93. S’agissant des réclamations relatives à des biens situés à Kisangani, Beni, Butembo et Gemena, l’Ouganda, dans ses observations, formule une remarque tout à fait pertinente, qui appelle une correction de ma part.
49 Observations de l’Ouganda sur le rapport d’expertise, en date du 15 février 2021, par. 119 et par. 111-126, de manière générale.
50 Ibid., par. 118 et note 170.
51 Ou «victime», pour reprendre le terme employé.
52 Observations de l’Ouganda sur le rapport d’expertise, en date du 15 février 2021, par. 116.
53 Beni, Butembo, Gemena, Ituri et Kisangani.
54 «Liste Biens Perdus et leurs frequences ITURI.pdf» à l’annexe 1.3.
55 Observations de l’Ouganda sur le rapport d’expertise, en date du 15 février 2021, par. 116.
56 «Victimes_PerteBien_ITURI.pdf», à l’annexe 1.3.
57 Rapport d’expertise en date du 20 décembre 2020, par. 152.
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94. L’Ouganda relève en effet à juste titre une erreur matérielle dans mon rapport, à savoir que je n’ai pas tenu compte des montants réclamés par la RDC tels que corrigés par celle-ci dans sa réponse à la question 1[3] posée par la Cour.
95. Ayant déjà explicité qu’il convient, dans l’optique méthodologique que je préconise, de procéder à des ajustements pour tenir compte des lacunes en matière de preuve, je suis en mesure de recommander ici les montants révisés ci-après, calculés en appliquant aux chiffres corrigés de la RDC les mêmes facteurs de minoration que dans mon rapport initial. Ces montants sont les suivants :
96. Le tableau ci-après doit donc également être ajusté, compte tenu de ces changements.
Synthèse des montants recommandés  dommages causés aux biens
97. En résumé, les montants que je recommande d’adopter pour chaque catégorie sont présentés en regard des montants réclamés dans le tableau ci-après :
Montants réclamés, tels que corrigés (dollars des Etats-Unis)
Montants recommandés, tels que révisés (dollars des Etats-Unis)
Dommages subis dans quatre localités désignées67
22 933 368
14 912 055
Dommages causés à la Société nationale d’électricité
97 412 090
56 974 865
Dommages matériels subis par les forces armées congolaises
69 417 192
41 650 315
189 762 650
113 537 235
58 Réponses de la RDC aux questions posées par la Cour, par. 13.3.
59 Le montant recommandé est calculé ainsi : 15 197 287 dollars des Etats-Unis (montant réclamé par la RDC) x 60 %.
60 Le montant réclamé ajusté (revu à la baisse) figure à l’annexe 1.10 D de la RDC.
61 Le montant recommandé est calculé ainsi : 5 022 087 dollars des Etats-Unis (montant réclamé par la RDC) x 75 %.
62 Le montant réclamé ajusté (revu à la baisse) figure à l’annexe 1.6 D de la RDC.
63 Le montant recommandé est calculé ainsi : 2 616 444 dollars des Etats-Unis (montant réclamé par la RDC) x 75 %.
64 Le montant réclamé ajusté (revu à la baisse) figure à l’annexe 1.7 D de la RDC.
65 Le montant recommandé est calculé ainsi : 86 380 dollars des Etats-Unis (justifié et inchangé) x 75 %.
66 Le montant réclamé pour Gemena n’a pas changé.
67 Conformément aux ajustements indiqués plus haut.
Montants réclamés, tels que corrigés58 (dollars des Etats-Unis)
Montants recommandés, tels que révisés (dollars des Etats-Unis)
Kisangani59, 60
15 197 287
9 118 372
Beni61, 62
5 022 087
3 766 565
Butembo63, 64
2 616 444
1 962 333
Gemena65
97 55066
64 785
22 933 368
14 912 055
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98. En conclusion, pour ce qui concerne ce volet de la demande la RDC, le montant réclamé a été minoré de 2 694 707 dollars des Etats-Unis68, et le montant recommandé l’a été, en conséquence, de 1 720 721 dollars des Etats-Unis69.
99. Tous les autres montants recommandés demeurent inchangés.
68 Correspondant à 192 457 357 – 189 762 650 dollars des Etats Unis = 2 694 707 dollars des Etats-Unis.
69 Correspondant à 115 257 956 – 113 537 235 dollars des Etats-Unis = 1 720 721 dollars des Etats-Unis.
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Appendice 3.1 : Signature de l’expert
Signature de l’expert
Le présent rapport a été établi par Geoffrey Senogles le 1er mars 2021, dans le respect du mandat énoncé par la Cour internationale de Justice.
(Signé) Geoffrey SENOGLES.
29
30
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RAPPORT NO4 RÉPONSE CONCERNANT L’EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES
Michael Nest (Montréal, le 1er mars 2021)
TABLE DES MATIÈRES
A. Introduction
29
B. Réponse aux observations de la RDC
30
C. Réponse aux observations de l’Ouganda
37
D. Révision de la quantité estimée d’or produit
45
Appendice 4.1 : mandat
49
Appendice 4.2 : liste des références
50
Appendice 4.3 : tableaux révisés relatifs à l’or
53
Appendice 4.4 : signature de l’expert
59
LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX
Figures
4.B1
Prix des rondins (logs) et des planches (boards), en pourcentage des prix de 1996
36
4.C1
Echelons de la chaîne de valeur du coltan : pourcentage du prix sur le marché international
41
4.C2
Observations sur les prix (RDC) exprimées en pourcentage du prix de référence donné dans le rapport Nest
42
Tableaux
4.B1
Ituri : les deux catégories de valeur extraite, 1998-2003
31
4.D1.1
Contre-mémoire de l’Ouganda : exportations d’or (kilos) : tableaux 8.1 et 8.2 (année complète)
45
4.D1.2
Contre-mémoire de l’Ouganda : exportations d’or (kilos) : tableaux 8.1 et 8.2 (cinq mois seulement pour 1998 et 2003)
45
Tableaux tirés de mon rapport comportant des données révisées relatives à l’or
D4.1
Estimation des quantités de ressources produites, 1998-2003 (révisé)
46
D4.2
Prix annuel moyen de la ressource, par année (non révisé)
46
D4.3
Ressources produites en dollars des Etats-Unis (dollars de 2020) avant exploitation de leur valeur (révisé)
47
D4.4
Estimation de la valeur exploitée par les éléments concernés : ZIO, Ituri et ZIO hors Ituri (repris du corrigendum et révisé)
47
D4.5
Estimation des taxes indicatives pour le vol de ressources et les droits et redevances et de la taxe sur la valeur, exprimées en pourcentage (non révisé)
47
D4.6
Taux estimatif de la taxe indicative pour le vol (non révisé)
48
D4.7
Taux estimatif de la taxe indicative pour la valeur des droits et redevances (non révisé
48
D4.8
Fourchettes des taux mentionnés dans la documentation et des taux adoptés dans ce rapport pour les taxes sur la valeur (non révisé)
48
D4.9
Valeur exploitée ventilée par méthode d’exploitation de la valeur, Ituri et ZIO hors Ituri, en dollars des Etats-Unis (dollars de 2020) (révisé)
48
31
32
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A. INTRODUCTION
100. Le présent rapport répond aux commentaires formulés dans les observations de la République démocratique du Congo sur le rapport d’expertise du 19 décembre 2020 (ci-après les «observations de la RDC») et dans les observations de l’Ouganda sur le rapport d’expertise en date du 19 décembre 2020 (ci-après les «observations de l’Ouganda») en ce qui concerne le rapport no 4 : exploitation des ressources naturelles, établi par mes soins et figurant dans le rapport d’expertise sur les réparations, Cour internationale de Justice, affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), en date du 19 décembre 2020.
101. Les commentaires de la République démocratique du Congo (RDC) sont traités dans la partie B et ceux de l’Ouganda, dans la partie C.
102. La RDC et l’Ouganda ont cependant tous deux soulevé une préoccupation analogue concernant le mandat de la Cour relatif à mon rapport. Il y sera répondu immédiatement ci-après.
103. Dans leurs observations respectives, les deux Parties ont une interprétation différente des données qu’il conviendrait de retenir pour définir le montant en dollars des réparations considérées comme résultant de l’«exploitation illégale» :
103.1. Dans son contre-mémoire (RDC 2018) puis dans ses observations, la RDC avance que les réparations devraient constituer la valeur du quantum total de la production, et procède à une estimation de la valeur totale des «préjudices causés par l’Ouganda à ses richesses naturelles» dans une zone correspondant approximativement à celle que j’ai qualifiée dans mon rapport de zone d’influence ougandaise (ZIO) (RDC 2018 : par. 5.190). Ces montants sont de 657,5 millions de dollars pour l’or, de 7,1 [millions de] dollars pour les diamants, de 2,9 millions de dollars pour le coltan, de 2,7 milliards de dollars pour la faune et de 100,0 millions de dollars pour la déforestation.
103.2. Dans ses observations, l’Ouganda avance que les réparations devraient être un sous-ensemble de la valeur du quantum total de la production, et propose deux méthodes permettant d’estimer ce sous-ensemble :
«le préjudice subi par la RDC correspondrait à la valeur des minéraux extraits diminuée des coûts encourus pour leur extraction et leur transport (et même peut-être leur affinage) en vue de les vendre. [OU] Si c’est un propriétaire privé qui possède la mine, le préjudice subi par la RDC sera limité à son manque à gagner en termes d’impôts, de redevances et d’autres droits exigibles par l’Etat» (par. 184).
103.3. Conformément au mandat, j’ai estimé les deux montants et les ai communiqués à la Cour dans mon rapport : 1) la valeur du quantum total de la production (comme l’a proposé la RDC) ; et 2) un sous-ensemble de la valeur exploitée illégalement par des personnes non autorisées à le faire (comme l’a proposé l’Ouganda). Ainsi que cela sera examiné plus en détail dans la partie C, j’ai suivi dans mon rapport, aux fins de la détermination d’un sous-ensemble de la valeur du «préjudice», une approche semblable à celle suggérée par l’Ouganda (une estimation fondée sur les taxes et droits).
103.4. C’est à la Cour qu’il appartient de décider si la valeur de l’«exploitation illégale» devrait être le montant 1), le montant 2) ou quelque autre montant.
33
- 30 -
B. LES OBSERVATIONS DE LA RDC
104. La présente section contient les réponses aux observations de la RDC, organisées selon les titres qui figuraient dans cette pièce.
Section intitulée «La non-prise en compte de la faune et de la déforestation» (par. 44-49)
105. Dans ses observations, la RDC relève qu’elle a réclamé dans son contre-mémoire (2018) une réparation d’un montant de «près de deux milliards 700 millions» (par. 46) au titre de la faune et de la déforestation, et que mon rapport «ne comporte ... aucune explicitation des raisons pour lesquelles [je] n’a[i] pas inclus la faune et les ressources forestières (hormis le bois d’oeuvre) dans [m]on examen» (par. 47).
105.1. Ma tâche consistait à soumettre des réponses écrites aux questions correspondant à mon domaine d’expertise. Dans mes communications avec la Cour, je me suis présenté comme étant un expert en minéraux des conflits.
105.2. Bien que le bois d’oeuvre et le café  tous deux inclus dans mon analyse  soient des produits non minéraux et, partant, qu’ils débordent manifestement le domaine de compétence d’un spécialiste en «minéraux des conflits», le processus de quantification de la production et de détermination des prix des produits non minéraux est analogue à celui afférent aux produits minéraux. Dans un cas comme dans l’autre, il existe des marchés internationaux établis ainsi que des jeux de données et autres références de sources ouvertes concernant la production, les exportations, les importations et les prix.
105.3. En revanche, les compétences et connaissances requises pour apprécier la valeur économique de la faune ou le coût de la déforestation sont fort différentes70. A titre d’exemple, une évaluation de ladite valeur ou des dommages causés par la déforestation pourrait théoriquement nécessiter ce qui suit : une connaissance d’études de référence concernant les populations d’espèces ; des méthodes d’estimation des morts directes ou indirectes d’animaux ; une évaluation des écosystèmes et des services écologiques rendus par des personnes dans ces écosystèmes ; ou encore un examen de la valeur des produits illégaux de la faune tels que l’ivoire (expressément mentionné aux paragraphes 46 et 48 des observations de la RDC) qui devrait revenir à l’Etat. Je ne possède pas ces compétences et connaissances, pas plus que je n’ai cherché à faire croire le contraire à la Cour.
105.4. Conformément à ce que j’ai déclaré à plusieurs reprises à la Cour au sujet de mon domaine de compétence, je ne suis pas à même de me faire une opinion sur la valeur de la faune ou la déforestation (au-delà des échanges commerciaux de bois d’oeuvre), et n’ai pas d’avis sur ces questions.
70 Dans mon rapport, j’ai interprété la «déforestation» comme une activité différente de la «production de bois d’oeuvre», considérant la première comme la destruction d’une forêt dans quelque but que ce soit et la seconde, comme l’abattage d’arbres en vue de la production de bois d’oeuvre commercialisable.
34
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Section intitulée «Les faits imputables à l’Ouganda : la non-prise en compte par l’expert de l’exploitation illégale des ressources naturelles par des civils en Ituri» (par. 50-56)
106. Dans ses observations, la RDC indique que le mandat relatif à la quantification et à l’évaluation des ressources naturelles devrait
«englobe[r] non seulement le pillage ou l’exploitation des ressources naturelles par les agents de l’Ouganda, ou par d’autres forces armées alliées de l’Ouganda, mais aussi l’exploitation illégale par des civils, occasionnée par le manquement de l’Ouganda à ses obligations internationales en tant que puissance occupante de l’Ituri» [les italiques sont de moi] (par. 51).
Elle formule par conséquent deux commentaires : les civils ont été exclus de l’analyse, et toute valeur extraite par eux devrait être définie comme «exploitation illégale».
106.1. Dans mon rapport (par. 115), je n’ai pas expressément inclus la valeur extraite par les civils. Au surplus, il est aisé d’estimer la valeur des ressources que ceux-ci ont conservée : il s’agit de ce qui reste après que le personnel militaire et administratif a procédé à ses extractions. Le tableau 4.B1 représente ces deux catégories de valeur pour chaque ressource (il est fondé sur les tableaux D4.3 et D4.4 de la présente réponse).
Tableau 4.B1 : Ituri : les deux catégories de valeur extraite, 1998-2003
A
B
C
Personnel militaire/administratif
Valeur conservée par les civils
Total
Dollars des Etats-Unis (2020)
Part en % de C
Dollars des Etats-Unis (2020)
Part en % de C
Dollars des Etats-Unis (2020)
Or
35 359 097
36,4
61 914 898
63,7
97 273 995
Diamants
1 013 897
28,8
2 512 701
71,3
3 526 598
Coltan
63 038
28,8
156 225
71,3
219 263
Etain
43 258
28,8
107 204
71,3
150 462
Tungstène
13 791
28,8
34 178
71,3
47 969
Bois
2 793 301
10,8
23 022 794
89,2
25 816 095
Café
2 046 568
9,9
18 604 977
90,1
20 651 545
Total*
41 332 950
28,0
106 352 977
72,0
147 685 927
* L’arrondissement peut entraîner des différences inférieures ou égales à un dollar dans les totaux du présent tableau, ainsi qu’entre les chiffres de celui-ci et ceux de la feuille Excel aux calculs révisés.
106.2. La RDC a raison de dire que, dans mon rapport, j’ai interprété la valeur estimative extraite par le personnel militaire et administratif uniquement comme «exploitation illégale» et que je n’ai pas défini la valeur conservée par les civils dans cette même catégorie. Si j’ai exclu cette seconde valeur, c’est parce que j’ai supposé que les civils avaient été volontairement associés à la production, au commerce et à l’exportation des sept ressources de 1998 à 2003, et que les bénéfices qu’ils avaient conservés, après le vol et le paiement des taxes, étaient demeurés sous leur contrôle.
106.3. La question de savoir si la portion conservée par les civils de la valeur recensée dans la colonne B devrait également être définie comme «exploitation illégale», et donc comme faisant partie du «préjudice subi», doit être tranchée par la Cour et lui est soumise ici pour examen.
35
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Section intitulée «L’estimation des ressources volées sur la base d’une «proxy tax»» (par. 58-61)
107. Dans ses observations, la RDC
«s’interroge quant à la pertinence du «taux de la taxe indicative (équivalent fiscal approximatif ou «proxy tax»)» pour calculer le préjudice en cause. Plus spécifiquement, [elle] se demande pourquoi l’expert a évalué les ressources considérées sur la base de cette «proxy tax» plutôt que sur la base des exportations ougandaises des ressources considérées qui ne peuvent être justifiées par la production nationale de l’Ouganda, comme la République démocratique du Congo l’avait fait dans son mémoire, à la suite du Panel d’experts des Nations Unies» (par. [61]).
107.1. Ce point semble avoir trait à la définition du mot «vol». Il est vrai que, dans mon rapport, j’ai décrit le «vol» comme l’une des trois méthodes employées pour extraire de la valeur des ressources (par. 116), et non le quantum total d’une ressource présumée être parvenue en Ouganda. La Cour y trouvera cependant différentes estimations de la valeur visant à l’aider à déterminer les éléments constitutifs du «vol».
Section intitulée «Le mode de prise en compte des exportations ougandaises» (par. 62-63)
108. La préoccupation exprimée dans cette section n’est pas tout à fait claire. Dans ses observations, la RDC semble demander des précisions sur les raisons pour lesquelles, dans mon rapport, je n’ai pas strictement limité les estimations des ressources en provenance de la ZIO à l’équation suivante : «Exportations ougandaises moins production ougandaise égale ressources provenant initialement de la ZIO».
108.1. Si cette interprétation est exacte, je répondrai qu’il est toutefois possible que l’Ouganda ait importé puis réexporté certains produits de pays autres que la RDC. De telles réexportations seraient incluses dans les données relatives aux exportations ougandaises même si les produits n’étaient pas provenus de la ZIO, ni n’avaient été fabriqués en Ouganda.
108.2. Les données relatives aux exportations ougandaises peuvent également être incomplètes en ce qui concerne certaines ressources, telles que les diamants, ce qui jette un doute sur leur fiabilité globale.
108.3. Pour ce qui est d’autres ressources, soit les données relatives à la production comportent des lacunes singulières, soit de telles données existent mais il n’existe pas de données relatives aux exportations pour la même année, soit les données relatives à la production sont inférieures à cette dernière. Tous ces cas de figure jettent un doute sur la fiabilité des données concernant l’Ouganda. (Des minerais tels que la tantalite, la cassitérite et la wolframite ne pouvant être utilisés qu’après avoir été coulés dans du métal, il est peu probable qu’ils aient été consommés au niveau national).
108.4. Il a donc fallu estimer la production probable de ressources dans la ZIO, indépendamment des données ougandaises, puis apprécier la qualité des deux jeux avant de procéder à des estimations de la production.
36
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Section intitulée «La fixation du prix des ressources» (par. 65-71)
109. Dans ses observations, la RDC émet deux réserves au sujet de la fixation du prix des ressources dans mon rapport, qui portent «d’abord sur l’importante réduction par rapport aux prix du marché (moins 35 %), et ensuite sur la période de référence retenue (1998-2003)» (par. [65]).
109.1. S’agissant de la réduction de 35 % appliquée pour obtenir le prix adopté  point auquel il sera répondu plus en détail dans la partie C de la présente réponse , la RDC a demandé pourquoi le même chiffre avait été appliqué à l’ensemble des ressources (par. 67). Il est probable qu’un prix adopté (réduit) qui représente de manière raisonnable la valeur ajoutée nationale dans la ZIO varie d’une ressource à l’autre, mais le degré de cette variation est incertain. Dans mon rapport, j’ai suivi une approche plus circonspecte  et aussi plus simple sur le plan méthodologique  qui a consisté à employer un taux de réduction unique et prudent, afin de pouvoir affirmer avec davantage de confiance que toute estimation de valeur est à tout le moins raisonnable.
109.2. Dans ses observations, la RDC relève ensuite que,
«si le prix estimé pertinent dans la zone d’influence ougandaise est jugé inférieur aux prix de référence, ceci est la conséquence des activités armées illicites de l’Ouganda sur le territoire de la République démocratique du Congo. Du point de vue juridique, cette baisse ne peut pas être opposée à la République démocratique du Congo. Le prix pertinent est celui qui aurait été appliqué en l’absence des violations du droit international par l’Ouganda» (par. [68]).
109.3. Je suis d’avis que la valeur moindre des ressources dans la ZIO n’est pas principalement une «conséquence des activités armées illicites de l’Ouganda». La valeur nationale d’une ressource au niveau du producteur, du petit négociant ou du gros négociant, pour tout produit dont l’Etat ne contrôle pas la production, l’échange et les prix, est toujours inférieure au prix sur le marché international ; si tel n’était pas le cas, il n’y aurait pas de marché d’exportation.
110. Dans ses observations, la RDC soulève une objection contre la méthode que j’ai employée dans mon rapport et qui consiste à utiliser une moyenne annuelle pour chaque année de 1998 à 2003, précisant ceci : «cette approche pose problème du point de vue juridique. Elle n’a pas égard aux comportements commerciaux dans la zone d’influence ougandaise qui ont été causés par la violation du droit international par l’Ouganda» (par. 71). Elle ajoute que, pendant la période en question, le prix de l’or était historiquement bas. Selon la RDC, il aurait fallu adopter un prix moyen unique pour chaque ressource pendant l’intégralité de la période 1998-2003.
110.1. Le «prix» auquel il est fait référence dans les observations de la RDC est celui pratiqué sur le marché international. S’il est vrai que le prix de l’or était historiquement bas au cours de la période pertinente, le fait que le prix sur le marché international l’ait été n’a pas été causé par les conditions du marché dans la ZIO.
110.2. La RDC indique également que, de 1998 à 2003,
«les ressources aurifères congolaises ont logiquement été exploitées et vendues dans l’urgence, sans avoir égard aux conditions du marché. Dans le cadre d’une exploitation et [d’une] commercialisation légales, les opérations auraient en revanche pu être postposées dans l’attente d’une restauration du marché» (RDC 2018 : par. 5.57).
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La plupart des producteurs artisanaux et des petits négociants étant pauvres, ils cherchent généralement, lorsqu’ils possèdent un produit, à le vendre aussitôt que possible parce qu’ils ont besoin d’argent, et non à en retarder la vente (voir Johnson et Tegera 2005 ; Garrett 2008). Il relève de la spéculation de laisser entendre que, entre 1998 et 2003, le conflit ayant fait rage a contraint les producteurs et les négociants congolais à vendre l’or plus rapidement qu’ils ne l’auraient fait normalement, ce qui les aurait empêchés de tirer profit des prix plus élevés en vigueur après 2003. Il est en outre toujours difficile de prédire si les prix internationaux de l’or vont augmenter ou baisser, de sorte que, en 2000 par exemple, un producteur ou un négociant n’aurait eu aucun moyen de connaître leur évolution après 2003.
Section intitulée «L’évaluation des quantités d’or et de bois d’oeuvre» (par. 72-74)
111. Dans ses observations, la RDC exprime certaines préoccupations quant aux quantités d’or et de bois d’oeuvre que j’ai estimées dans mon rapport.
112. S’agissant de l’or, la RDC soulève, au paragraphe 73 de ses observations, deux préoccupations quant à la source des données utilisées à la ligne 4 du tableau A4.5.1.3 de mon rapport au sujet des exportations d’or depuis l’Ouganda pour 1998, 1999 et 2000. Ces préoccupations sont les suivantes : 1) pourquoi je ne me suis pas servi des données ComTrade, pourtant «utilisées pour les autres ressources» ; et 2) pourquoi je n’ai pas fait usage, à la ligne 4, des «statistiques produites par le [G]ouvernement ougandais lui-même, auxquelles [la RDC] elle-même s’est référée dans son Mémoire». (Les données dont la RDC fait mention émanent du ministère ougandais de l’énergie et de la mise en valeur des ressources minérales).
112.1. Pour ce qui est du point 1), je ne me suis pas servi des données ComTrade pour deux raisons. Premièrement, il existe des divergences importantes entre ces données et celles émanant tant du ministère ougandais de l’énergie et de la mise en valeur des ressources minérales que du Bureau ougandais de la statistique. Deuxièmement, ComTrade ne fournit aucune donnée relative aux exportations ou aux importations faisant intervenir les Emirats arabes unis ou l’Inde, bien que ces pays soient l’un et l’autre des destinations connues de l’or en provenance de l’Ouganda (Mthembu-Salter 2015 : p. 7, 12 ; HRW 2005 : p. 109). Compte tenu de ces deux facteurs, il est probable que les données ComTrade soient incomplètes et, partant, peu fiables.
112.2. Pour ce qui est du point 2), les données de la ligne 4 sont bien fondées sur des «statistiques produites par le [G]ouvernement ougandais lui-même», c’est-à-dire par le Bureau ougandais de la statistique, comme il est précisé dans le contre-mémoire de l’Ouganda et dans la note c) relative à la ligne en question du tableau A4.5.1.3 de mon rapport.
112.3. Si, dans mon rapport, j’ai utilisé les données relatives aux exportations d’or du Bureau ougandais de la statistique plutôt que celles du ministère de l’énergie et de la mise en valeur des ressources minérales, c’est parce que, dans son contre-mémoire (par. 8.63-8.66), l’Ouganda indique que les données concernant 1998-2000 dont il est fait état dans le rapport GENU (2002a) sont, en réalité, les quantités pour lesquelles l’autorisation d’exporter a été accordée en théorie, et non les quantités réelles ayant quitté le pays. L’Ouganda a précisé que son Bureau de la statistique publiait des données relatives aux quantités réellement exportées et que cette source, et non le ministère de l’énergie et de la mise en valeur des ressources minérales, était la plus fiable. J’ai admis cet éclaircissement et l’ai incorporé dans les méthodes sur lesquelles repose mon rapport.
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113. S’agissant de l’estimation des quantités de bois d’oeuvre, la RDC relève au paragraphe 74 de ses observations que j’ai indiqué dans mon rapport (par. 245-246) que les exportations informelles de bois sciés de la RDC vers l’Ouganda, le Kenya et le Rwanda s’élevaient à 70 000 000 kilos par an en 2010 et en 2011 (source : Umunay 2011) et que, sur la base de ce chiffre, l’on estimait à 20 % (8 400 000 kilos par an) la part provenue de la ZIO de 1998 à 2003. Elle fait observer que ce paragraphe ne contient pas d’explication sur la méthode ayant permis d’estimer «la production informelle de bois d’oeuvre de la ZIO à 20 % du total de la République démocratique du Congo».
113.1. La méthode d’estimation utilisée reposait sur deux facteurs essentiels : la proportion de bois d’oeuvre informel qui était probablement parvenue en Ouganda (par opposition au Kenya ou au Rwanda) ; et les conditions en vigueur en RDC entre 1998 et 2003 qui avaient influencé la production et l’exportation de bois d’oeuvre. Cette méthode est expliquée dans mon rapport (p. 127-128), et je la précise ci-après :
113.1.1. L’estimation Umunay (2001) de 70 000 000 kilos en exportations informelles était le total combiné pour l’Ouganda, le Kenya et le Rwanda. Ces données n’étant pas ventilées par pays, il est impossible de dire avec une certitude totale quel pourcentage du bois d’oeuvre informel de la RDC est parvenu à chaque pays. Néanmoins, en procédant par déductions sur la base des facteurs tirés du rapport Baker et autres (2003), j’ai estimé que la part de l’Ouganda était d’environ 60 % (42 000 000 kilos) :
113.1.2. Taille de la population : en 2001, la population combinée des trois pays était de 63 millions de personnes, dont 49 % se trouvaient au Kenya, 38 % en Ouganda et 14 % au Rwanda (Banque mondiale 2003 : p. 14-16) ;
113.1.3. Marchés rentables : Kampala est une ville importante et relativement riche ;
113.1.4. Proximité avec la RDC (qui réduit les frais généraux de transport) : l’Ouganda et le Rwanda sont limitrophes ; le Kenya est plus éloigné ;
113.1.5. Disponibilité de sources nationales de bois d’oeuvre : limitée au Rwanda ; plus abondante en Ouganda ; moins au Kenya ;
113.1.6. Prix attrayants pour le bois d’oeuvre de la RDC par rapport aux sources locales (le bois d’oeuvre congolais était bon marché) ; et
113.1.7. Mentions de la poursuite de l’exploitation forestière, quoique à un rythme nettement réduit, en Ituri, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, qui sont limitrophes de l’Ouganda et du Rwanda.
113.1.8. En résumé, le marché ougandais est important et limitrophe (l’Ituri était une source connue d’exportations informelles de bois d’oeuvre), le bois d’oeuvre congolais est moins cher que les sources locales, et l’acajou de la RDC était préféré à d’autres bois d’oeuvre en Ouganda. Les marchés kényans sont eux aussi importants, mais les coûts des transactions sont plus élevés (distance supérieure ; une frontière de plus à franchir) et le bois d’oeuvre congolais n’est pas privilégié. Le Rwanda était historiquement une destination importante, mais il est nettement moins peuplé (sa population représentant environ un tiers de celle de l’Ouganda), ce qui dénote une demande moindre ; il possède des plantations locales et n’a pas de préférence généralisée pour le bois d’oeuvre congolais.
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Sur la base de ces observations, l’on peut estimer avec un degré de confiance raisonnable que la part ougandaise des exportations informelles de bois d’oeuvre congolais est de 60 % (42 000 000 kilos).
113.2. Cependant, les données du rapport Umunay datent de 2010-2011, et la production ainsi que les exportations informelles de bois d’oeuvre étaient probablement beaucoup moins élevées entre 1998 et 2003 du fait du conflit. Les taux de production informelle de bois d’oeuvre au cours de cette période ont été jugés inférieurs de 80 % à ceux de 2010-2011, s’établissant ainsi à 20 %. 20 % de 42 000 000 kilos égale 8 400 000 kilos. Cette estimation était fondée sur les facteurs suivants :
113.2.1. Le faible niveau des taux de production de bois d’oeuvre dans la zone correspondant à la ZIO a été relevé dans le rapport Baker et autres (2003), qui contient l’examen le plus exhaustif de la production de bois d’oeuvre congolais au cours de la période pertinente. Son auteur fait observer que l’exploitation forestière dans la province orientale
«a quasiment cessé, sauf dans la forêt de l’Ituri située dans la partie est de la province orientale, d’où le bois d’oeuvre peut être transporté par la route vers l’Ouganda. Les forêts des montagnes et plaines des provinces du Kivu comportent toujours des arbres précieux. Ces zones sont contrôlées par des rebelles, et la coupe y est actuellement réduite en raison de problèmes d’accès et de sécurité» (p. 51).
113.2.2. Baker et autres (2003) fournissent des données à la fois pour les rondins et les planches qui illustrent le recul général des exportations de bois d’oeuvre congolais  une tendance qui a probablement aussi caractérisé les exportations informelles de bois d’oeuvre. Ces données sont représentées sur la figure 4.B1 :
Figure 4.B1 : Prix des rondins (logs) et des planches (boards), en pourcentage des prix de 1996 (1996 = 100 %)71
Source : Baker et autres (2003), tableau A-2.2, p. 65.
113.2.3. Aucune donnée n’est disponible pour 2002 et 2003, mais Baker et autres (2003) font observer que les exportations de bois d’oeuvre de la RDC vers le Rwanda ont chuté «de manière spectaculaire» à la fin de l’année 2002, notant aussi que les militaires et autres officiels ont tenté de «se distancier» du bois d’oeuvre congolais après la publication du rapport GENU 2002 (p. 67). Compte tenu des violences armées auxquelles des groupes non étatiques se sont livrés dans la ZIO tout au long de cette période, ainsi que de certaines observations formulées par Baker et autres, il est
71 Les données du rapport Baker s’arrêtent à 2001 ; les données relatives à 1996 sont incluses en tant que référence antérieure au changement de régime (du président Mobutu au président Kabila).
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raisonnable de supposer que, en 2002 et en 2003, les exportations de bois d’oeuvre n’ont pas dépassé leurs niveaux de 2000-2001.
113.2.4. En résumé, l’on peut estimer avec un degré de confiance raisonnable que, pendant la période comprise entre 1998 et 2003, et compte tenu du conflit, de la demande et des contraintes en matière de transport, les exportations informelles de bois d’oeuvre représentaient 20 % environ de leurs niveaux d’avant-guerre.
C. RÉPONSE AUX OBSERVATIONS DE L’OUGANDA
Je vais maintenant répondre aux observations de l’Ouganda.
Section intitulée «Certaines parties du rapport Nest sont ultra petita» (par. 170-172)
114. Dans ses observations, l’Ouganda déclare ce qui suit : «Dans son rapport, M. Nest estime la quantité et la valeur de l’étain (cassitérite), du tungstène (wolframite) et du café. Ces estimations doivent cependant être écartées, parce qu’elles sont ultra petita» (par. 170).
114.1. J’ai exposé dans mon rapport (voir par. 200) les raisons pour lesquelles j’ai tenu compte de ces trois ressources supplémentaires. Il appartiendra à la Cour de décider si elle souhaite limiter l’indemnisation aux quatre ressources proposées dans le mandat (à savoir l’or, les diamants, le coltan et le bois).
Section intitulée «Les estimations recommandées dans le rapport Nest sont dépourvues de fondement et arbitraires» (par. 173-177)
115. Dans ses observations, l’Ouganda me fait le grief suivant :
«[M. Nest] concocte une méthode éminemment subjective qui n’a aucun rapport avec les méthodes normalement utilisées pour prouver l’existence d’un préjudice et évaluer celui-ci. En vérité, la méthode de M. Nest est tellement éloignée des pratiques normales qu’elle lui fait obtenir des chiffres arbitraires» (par. 173).
116. Et l’Ouganda d’ajouter :
«la pratique internationale pertinente exige que la preuve de l’existence et du montant d’un préjudice résultant de l’exploitation illégale de ressources naturelles soit apportée au moyen d’éléments spécifiques concernant : 1) la date ; 2) le lieu ; 3) le volume des ressources extraites ; et 4) leur évaluation [note 250]» (les italiques sont de moi) (par. 174).
117. A l’appui de l’allégation formulée au paragraphe 174, l’Ouganda renvoie dans la note 250 à la partie de son contre-mémoire intitulée «I. La RDC ne fonde pas ses demandes sur les méthodes habituellement employées pour établir l’existence et le coût de dommages tels que ceux qu’elle allègue» (par. 8.4-8.15). Selon cette section, «[u]n examen de la pratique pertinente en matière de pillage, de saccage ou de spoliation [note 1042] montre que le bien-fondé d’une demande d’indemnisation au titre de l’exploitation de ressources naturelles sera établi sur la base de plusieurs éléments» (par. 8.5) ; sont ensuite recensés au nombre de ces «éléments» 1) le lieu, 2) la date, 3) une quantité au moins approximative de ressources extraites et 4) la valeur de ces ressources. La
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note 1042 est censée étayer l’allégation faisant état d’une «pratique pertinente» concernant ces quatre éléments.
La note 1042 se lit comme suit :
«S’agissant du pillage, du saccage et de la spoliation, le mode et les critères d’établissement de la preuve ont été énoncés dans divers précédents sous la plume des tribunaux pénaux internationaux et des commissions mixtes des réclamations qui ont oeuvré de l’époque de Nuremberg à nos jours, notamment dans des situations où des ressources naturelles avaient été saisies. Voir, par exemple, Polish Forestry, Case No. 7150, commission des Nations Unies pour les crimes de guerre, History of the United Nations War Crimes Commission and the Development of the Laws of War (1948), p. 485 (dans cette affaire, la commission a déclaré les forces allemandes responsables de la surexploitation de forêts de la Pologne occupée). Voir, de manière générale, M. A. Lundberg, «The Plunder of Natural Resources during War : A War Crime?», Georgetown Journal of International Law, vol. 39 (2007-2008) ; D. Dam-de Jong, International Law and Governance of Natural Resources in Conflict and Post-Conflict Situations (2015) ; F. Ortino et N. M. Tabari, «International Dispute Settlement : The Settlement of Disputes Concerning Natural Resources — Applicable Law and Standards of Review», Research Handbook on International Law and Natural resources (E. Morgera & K. Kulovesi (dir. publ.), 2016), p. 496.»
118. En réalité, aucune des quatre sources citées à la note 1042 du contre-mémoire de l’Ouganda ne donne d’indications sur ce qui serait la pratique convenue ou la meilleure pratique concernant «le mode et les critères d’établissement de la preuve».
118.1. Pour ce qui est de la première affaire (Polish Forestry case), le document de la commission des Nations Unies pour les crimes de guerre (CNUCG (1948), p. 496) ne fait aucune mention, à l’endroit indiqué, du lieu, de la date ou de la quantité approximative, pas plus qu’il ne traite d’une manière ou d’une autre des méthodes à utiliser pour estimer la quantité et la valeur des ressources naturelles illégalement exploitées en temps de conflit. Il indique simplement que les dix Allemands qui avaient été nommés à la «tête de divers départements de l’administration forestière polonaise pendant l’occupation allemande (1939-1944) … avaient fait mener en Pologne de vastes opérations d’abattage qui allaient bien au-delà de ce qui était nécessaire pour préserver les ressources du pays en bois» et a estimé à «6 525 000 000 zlotys» la valeur totale du bois illégalement exploité [traduction du Greffe].
118.2. Lundberg (2008) analyse les lois incriminant le pillage des ressources naturelles et différentes définitions juridiques du «pillage» et du «saccage», mais sans examiner les meilleures méthodes de quantification et d’évaluation.
118.3. Dam-de Jong (2015) s’intéresse aux méthodes permettant d’empêcher la production et le commerce des «minéraux des conflits», mais sans examiner les meilleures méthodes de quantification et d’évaluation.
118.4. Le chapitre d’Ortino et de Tabari (2016) traite du cadre juridique dans lequel les différends concernant des investissements internationaux en rapport avec des ressources naturelles doivent être réglés ainsi que des normes à l’aune desquelles de telles affaires doivent être examinées, des questions qui n’ont aucune pertinence dans la présente espèce. Il n’y est fait aucune mention des meilleures méthodes de quantification et d’évaluation.
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119. En revanche, des méthodes similaires à celles que j’ai utilisées dans mon rapport ont été utilisées dans d’autres affaires :
119.1. Au Libéria, la commission «vérité et réconciliation» a examiné en détail les activités illégales de production et d’exportation de bois qui avaient été menées de 1999 à 2003 lors du conflit dans ce pays, en se basant sur les données du port de Buchanan concernant la quantité et la valeur du bois exporté (2009, par. 29-33). Aucune précision n’était donnée quant à la date et au lieu des opérations d’abattage. En outre, bien que l’emplacement des concessions forestières fût connu, la production n’a pas été estimée à partir des données disponibles au niveau des concessions. Dans mon rapport, j’ai utilisé une méthode d’estimation similaire à celle de la commission libérienne, à ceci près que j’ai apprécié les quantités et les valeurs à partir des données des partenaires importateurs, et non des données relatives aux exportations comme l’avait fait le Libéria.
119.2. Le tribunal militaire américain de Nuremberg a accepté des valeurs approximatives. Il a déclaré Paul Pleiger, le gérant de la Mining and Steel Works East Inc., coupable d’avoir pillé le charbon des mines polonaises et a apprécié les quantités en se servant d’estimations fournies par le gérant des mines de charbon polonaises, Hans Werner von Dewall (tribunal militaire de Nuremberg, 1949, p. 741). Von Dewall a fourni des estimations détaillées pour différentes mines (probablement basées sur les archives de celles-ci), mais a également considéré «que les deux tiers de ces quantités [étaient] allés en Allemagne» (les italiques sont de moi). En d’autres termes, Von Dewall a donné une estimation approximative («deux tiers») de la quantité d’une ressource (le charbon) illégalement prise à un pays à destination d’un autre en se fondant sur ses connaissances dans le domaine de la production de charbon, et non sur la date ou le volume d’exportations particulières.
119.3. Il convient de noter que, dans le mandat qu’elle m’a confié, la Cour demandait elle aussi une «quantité approximative» de ressources naturelles (voir appendice 4.1 : mandat, points a) et c)).
Section intitulée «Quantité et répartition géographique des ressources produites» (par. 178-181)
120. Dans ses observations, l’Ouganda me fait grief d’avoir utilisé la formule «exportations moins production interne», ce qui, selon lui,
«contredit manifestement la conclusion expressément formulée par la Cour dans son arrêt de 2005 concernant l’absence de «politique gouvernementale de l’Ouganda visant à l’exploitation de ressources naturelles de la RDC, ou [de preuve] qu[’il] ait entrepris son intervention militaire dans le dessein d’obtenir un accès aux ressources congolaises»» (par. 179).
120.1. Comme je l’ai expliqué plus haut dans ma réponse aux observations de la RDC, sous la section intitulée «Le mode de prise en compte des exportations ougandaises», je ne me suis pas fondé strictement sur cette formule dans mon rapport. Cela étant, l’application  ou l’application souple  de cette formule n’a aucun lien avec le point de savoir si l’Ouganda avait, ou n’avait pas, une politique gouvernementale visant à l’exploitation de ressources naturelles de la RDC, ou s’il avait entrepris son intervention militaire dans ce dessein. Je n’ai rien laissé entendre de tel dans mon rapport.
121. L’Ouganda poursuit ses observations en ces termes :
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«M. Nest s’appuie … sur des hypothèses arbitraires pour estimer les proportions respectives des ressources de la ZIO entre l’Ituri et la ZIO hors Ituri. Il suppose, par exemple, qu’«[e]nviron 45 % de la production d’or de la ZIO provenait probablement de l’Ituri, et environ 55 % de la ZIO hors Ituri» [note 265 renvoyant au par. 254 du rapport d’expertise]. Mais il n’offre aucune explication pour étayer cette supposition ou décrire comment il extrapole ces pourcentages à partir des sources qu’il cite. Le même vice entache les hypothèses qu’il formule quant aux autres ressources» (par. 180).
121.1. Cette citation relative aux hypothèses concernant l’or est immédiatement précédée dans mon rapport de deux paragraphes (par. 252 et 253) renvoyant à huit documents, dans lesquels figurent des déclarations de témoins oculaires faisant état de mines d’or à des endroits précis et des déclarations de producteurs ou commerçants quant à l’origine de leur or. C’est sur la base de ces documents que j’ai produit une estimation approximative des quantités d’or provenant respectivement d’Ituri et de la zone hors Ituri.
121.2. Les autres paragraphes de mon rapport auxquels l’Ouganda renvoie sous la note 266 de ses observations (à savoir les paragraphes 257 (diamants), 260 (coltan), 262 (étain), 264 (tungstène), 267 (bois) et 270 (café)) sont aussi précédés directement de paragraphes explicatifs.
121.3. S’agissant des diamants, du coltan, de l’étain et du tungstène, la production en Ituri était très probablement nulle72. Le fait de décrire ainsi la production en Ituri n’a rien «d’arbitraire». Qui plus est, si une ressource a été produite dans la ZIO mais ne provenait jamais d’Ituri, il s’ensuit logiquement qu’elle provenait de la zone hors Ituri. Là encore, cela n’a rien d’arbitraire.
Section intitulée «Prix annuel moyen des ressources» (par. 182-187)
122. Dans ses observations, l’Ouganda conteste la manière dont j’ai calculé les prix, déclarant : «ce qui permettrait de mesurer les éventuels préjudices subis par la RDC du fait de l’exploitation illégale de ses ressources minérales n’est pas la valeur commerciale de ces minéraux sur le marché libre, comme le suppose erronément M. Nest» (par. 184).
122.1. Je n’ai rien supposé de tel dans mon rapport. Mon mandat consistait à fournir une estimation de la quantité totale produite dans la ZIO puis à en déterminer la valeur. J’ai bien précisé que le prix adopté après «décote» (65 % du prix sur le marché international) était utilisé pour éviter d’évaluer le volume produit par rapport à «la valeur commerciale de ces minéraux sur le marché libre».
123. L’Ouganda conteste cette approche au paragraphe 184 de ses observations, déclarant que la décote de 35 % est «entièrement arbitraire». C’est faux.
123.1. Le prix payé aux producteurs et aux petits ou grands négociants «en amont» de la chaîne de valeur, quel que soit le produit, est toujours inférieur au prix final sur le marché international. Il est donc raisonnable de réduire le prix sur le marché international au prix moyen probable de la ressource concernée dans la chaîne de valeur interne de la RDC. La question à poser est : «qu’est-ce qu’une décote raisonnable ?»
72 Pour chacune de ces ressources, 5 % de la part de la ZIO ont été attribués à l’Ituri à raison du commerce supposé avoir transité par cette province (et non de la production).
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123.2. La valeur totale d’une ressource augmente (selon un «effet boule de neige») à mesure que celle-ci progresse du point de production vers le point d’exportation puisque, à chaque étape de l’échange, un acteur ajoute sa marge de profit (compte tenu de ses coûts). Cela signifie que, pour adopter un prix unique (un pourcentage du prix international) qui représente la valeur de la ressource le long de toute la chaîne, il faut s’approcher du point médian (où la valeur accumulée est égale de part et d’autre). Un prix minoré trop proche du prix international tendra à surestimer la valeur ; un prix minoré trop proche du prix des producteurs tendra à la sous-estimer.
123.3. Dans son étude sur la production et le commerce du coltan en RDC orientale à la fin des années 2000, Martineau (2003) a compilé des données sur les prix lorsque le prix sur le marché international était de 119 dollars par kilo72. Cette étude était ciblée sur la part de profit (en tant que pourcentage du prix sur le marché international) qui s’accumulait aux différents échelons de la chaîne de valeur, en indiquant la répartition entre les producteurs, les petits négociants, les négociants de plus grande envergure et les grossistes (qui recevaient le prix sur le marché international). Les pourcentages sont représentés sur la figure 4. C1 avec le prix (minoré) adopté dans mon propre rapport, à savoir 65 % du prix sur le marché international.
Figure 4. C1 : Echelons de la chaîne de valeur du coltan : pourcentage du prix sur le marché international
Source : Martineau (2003), La route commerciale du coltan: une enquête, tableau 7.
123.4. Par rapport aux différents prix retenus par Martineau (2003) dans la chaîne de valeur de la RDC pour le coltan, telle que reproduite sur la figure 4. C1, le prix que j’ai adopté après application d’une décote de 35 %, à savoir 65 % du prix sur le marché international, se révèle constituer une estimation raisonnable et prudente du point médian de part et d’autre duquel la valeur totale accumulée peut être également répartie.
123.5. Dans mon rapport (voir par. 85-113), j’ai également présenté des observations sur les prix provenant de sources indépendantes de la source principale de données que j’ai utilisée pour obtenir le prix de référence (le prix sur le marché international) correspondant à chaque ressource. Sur la figure 4. C2 ci-après, ces observations indépendantes sont converties en pourcentage du prix de référence, puis groupées par producteur, petit négociant ou négociant de plus grande envergure. La plupart des observations concernent le coltan, le café et le bois.
123.6. Il convient de noter que la figure 4. C2 est fournie à fin d’illustration ; les observations présentées ne couvrent pas toutes les ressources sur toute la chaîne de valeur. Cette figure illustre comment la valeur d’une ressource en différents points d’une chaîne peut varier du prix sur le marché international, et pourquoi un prix (minoré) adopté ne doit pas dépendre directement du producteur, du petit négociant ou du négociant de plus grande envergure mais doit représenter la valeur médiane, en considérant la chaîne sur toute sa longueur.
72 La figure 4. C1 attribue aux producteurs et aux petits ou grands négociants une part égale de taxes/redevances internes (ce qui représentait en tout 40 % du prix sur le marché international, qui était de 119 dollars par kilo).
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Figure 4. C2 : Observations sur les prix73 (RDC) exprimées en pourcentages du prix de référence donné dans le rapport Nest*
*Prix de référence = prix sur le marché international = 100 %
123.7. En résumé, mon estimation du prix adopté n’était pas «entièrement arbitraire», mais a été obtenue à partir des données sur les prix recueillies par des chercheurs ou des organisations internationales, et grâce à une connaissance du processus de valorisation observé à mesure qu’une ressource franchit les échelons de la chaîne commerciale vers le marché international. Je reste d’avis qu’une décote de 35 % appliquée au prix sur le marché international pendant toute la période (1998-2003) revêt un caractère raisonnable et prudent, tout comme la méthode suivie pour parvenir à ce chiffre.
124. Comme il a été indiqué dans l’introduction du présent rapport, l’Ouganda affirme dans ses observations que «l’exploitation illégale» des ressources minérales doit être définie comme «la perte nette de valeur subie par l’Etat [congolais] du fait de l’exploitation de ces ressources» (par. 184). Deux méthodes sont proposées pour chiffrer la «perte nette» ainsi définie : l’une pour le cas où l’Etat possède la mine et l’autre, pour celui où la mine appartient à une partie privée.
124.1. Les ressources de la ZIO avaient cessé d’être exploitées par des sociétés détenues par l’Etat avant les années 1998-2003. L’exploitation a donc été exclusivement le fait de parties privées.
124.2. L’Ouganda avance dans ses observations, au sujet de l’exploitation par des parties privées, que «le préjudice subi par la RDC sera[it] limité à son manque à gagner en termes d’impôts, de redevances et d’autres droits exigibles par l’Etat» (par. 184). Il semble suivre la même logique que celle que j’ai utilisée dans mon rapport pour chiffrer «l’exploitation illégale» (voir par. 115-154)  à ceci près que j’ai également fixé la valeur de la quantité totale de chaque ressource exploitée et ai exposé mes conclusions à la Cour aux fins de sa décision.
124.3. Dans mon rapport, j’ai évalué le coût de «l’exploitation illégale» en estimant la fourchette probable (le pourcentage) de taxes et de droits appliqués puis, sur la base de ces taux d’imposition, le montant des bénéfices engrangés. En temps de paix, ces taxes et droits seraient versés
73 Sources : obs. 1-3, 5-7 et 9 (café) : OIC (2020) ; obs. 4, 13-14 (coltan) : Martineau (2003) ; obs. 8 (coltan): Redmond (2001) ; obs. 11 (coltan) : Tegera, Johnson et Mikolo (2002) ; obs. 12 (étain) : Johnson et Tegera (2005) ; obs. 18 et 20 (bois) : ComTrade (2020) ; obs. 19 et 23 (coltan) : IPIS (2002) ; obs. 21 (coltan) : GENU (2002b) ; obs. 22 (bois) : Djiré (2003) ; obs. 24-27, 29 et 31 (bois) : Baker (2003) ; obs. 28 (or) : HRW (2005) ; obs. 30 (diamants) : Johnson et Tegera (2005).
45
- 43 -
à l’Etat mais, de 1998 à 2003, ils l’ont été à des personnes qui n’étaient pas des agents de l’Etat congolais. En d’autres termes, les montants versés à ce titre constituaient un manque à gagner pour l’Etat congolais.
125. La dernière remarque sur les prix que l’Ouganda formule dans ses observations se trouve au paragraphe 186, où il déclare que, dans mon rapport, j’ai actualisé les prix adoptés pour les exprimer en dollars de 2020 (des Etats-Unis) en les «gonflant» par l’application d’un taux standard (les coefficients d’actualisation utilisés sont énumérés à la dernière ligne du tableau 4.2, au paragraphe 274 de mon rapport) ; or, selon lui, ces coefficients auraient «été choisis au hasard», je cite : «Nulle part M. Nest n’explique sur quelle base il s’appuie pour calculer ces «coefficients d’actualisation»».
125.1. Il est vrai que le tableau 4.2 ne donne pas la source des coefficients utilisés. Cela étant, la note e) du tableau A4.5.1.5 (voir rapport Nest, p. 126) indique que les taux utilisés pour exprimer les montants en dollars de 2020 sont «tirés de l’outil US Inflation Calculator, fondés sur les données de l’indice des prix à la consommation du Gouvernement des Etats-Unis publiées le 13 octobre 2020 à partir de données du Bureau of Labor Statistics du U.S. Labor Department : https://www.usinflation calculator.com.» Cette information est ensuite répétée à six reprises dans les notes c) des tableaux A4.5.2.2 (diamants), A4.5.3.2 (coltan), A4.5.4.2 (étain), A4.5.5.2 (tungstène), A4.5.6.2 (bois d’oeuvre) et A4.5.7.2 (café).
Section intitulée «Taxes indicatives pour estimer la valeur d’exploitation» (par. 188-200)
126. S’agissant des taux d’imposition donnés dans le tableau 4.5, sur la base de l’appendice 4 de mon rapport, l’Ouganda déclare dans ses observations :
«presque toutes ces données n’ont aucun lien direct avec l’Ouganda ou les membres des UPDF, mais concernent d’autres Etats, la RDC et/ou des rebelles congolais. Les taxes et droits perçus par des tiers ne sauraient constituer une base fiable à partir de laquelle extrapoler des taxes indicatives concernant l’Ouganda ou les membres des UPDF» (par. 192).
126.1. Dans mon rapport, je n’ai pas dit que le Gouvernement ougandais avait officiellement établi ou prélevé des taxes. Mon mandat consistait à déterminer les méthodes d’exploitation utilisées et les bénéfices engrangés au moyen de ces méthodes au sein de la ZIO. S’agissant de l’Ituri, le point de savoir qui ou quelle organisation avait établi ou prélevé ces taxes importait peu aux fins de mes estimations. Pour la zone hors Ituri, j’ai utilisé des taux indicatifs pour déterminer la valeur probable exploitée par certains membres des UPDF.
127. Dans ses observations, l’Ouganda prétend que «plus de dix des références mentionnées dans le tableau [4.5] renvoient à des dates qui se situent à l’extérieur de la période pertinente, laquelle court d’août 1998 à mai 2003» (par. 193) ; que «de nombreuses références concernent des zones situées à l’extérieur de ce que M. Nest appelle la «zone d’influence ougandaise»» (par. 194) ; et que les données viennent «principalement d’une source unique, à savoir les publications de Johnson et Tegera» (par. 196).
127.1. Le tableau 4.5 contient 44 références distinctes à des taxes, droits ou paiements, qui émanent de 12 sources différentes. La majorité des références (55 %) concerne la période 1998-2003.
- 44 -
127.2. S’agissant de Johnson et Tegera (voir par. 196), ceux-ci sont les auteurs de publications datant de 2005 et de 200774. L’ouvrage de 2007 est la source de 13 des 44 références. Si l’on faisait abstraction de cet ouvrage, il resterait 31 références (soit 61 %) couvrant la période 1998-2003. Cela étant, le simple fait que de nombreuses données émanent d’une seule source reconnue ne justifie pas, à mon sens, d’écarter cette source.
127.3. Quant aux références qui, selon l’Ouganda, concernent des zones situées à l’extérieur de sa zone d’influence (voir par. 194), les taux d’imposition appliqués dans le territoire non tenu par le Gouvernement de la RDC (y compris la ZIO) ont été déterminés par le Rassemblement congolais pour la démocratie à Goma (RCD-Goma) pour la période allant d’août 1998 à mars 1999. Ce n’est qu’après mars 1999, lorsque le RCD-Goma s’est scindé en plusieurs factions, que les taux ont commencé à s’éloigner de ce taux de référence dans les zones tenues par les différentes factions. Si les taux ont probablement varié quelque peu à partir de ce moment-là, les différences ne devaient cependant pas être trop importantes car un trop grand écart aurait fait dévier le commerce d’une zone vers une autre, privant des membres du personnel militaire ou administratif de sources de profit. Comme il était indiqué dans mon rapport (par. 136.2), le groupe d’experts des Nations Unies (GENU, 2001b, par. 44) a écrit que «[l]es taux d’imposition combinés élevés appliqués par le groupe rebelle du RCD-Goma et l’Armée patriotique rwandaise [avaient en définitive] entraîné une réorientation des diamants extraits de ce secteur [le secteur de Kisangani] vers Kampala où les taux étaient plus bas». En d’autres termes, les taxes totales combinées (y compris celles tirées des droits, des redevances ou de la valeur) étaient très probablement moins élevées dans la ZIO que dans la zone d’influence rwandaise.
128. Aux paragraphes 195 à 200 de ses observations, l’Ouganda critique le taux d’imposition de 20 % adopté pour les diamants (par rapport au taux de référence de 15 % figurant dans le tableau 4.5 de mon rapport) et celui de 8 % pour le bois (par rapport au taux de référence de 6 % indiqué dans le tableau 4.5).
128.1. Dans le cas des diamants comme dans celui du bois, les taux d’imposition de référence concernaient les taxes à l’exportation uniquement. Les documents sources font bien souvent référence à l’existence de taxes et de droits en sus des taxes à l’exportation. Ainsi, le groupe d’experts des Nations Unies (GENU, 2002a) a fait état de «droits de délivrance de permis» pour les opérateurs commerciaux dans les centres urbains (par. 101) et de «patente[s] pour le commerce de produits agricoles» (par. 89) ; le groupe d’experts (2002a, par. 108) et Le Billon et Hocquart (2007, p. 90) ont évoqué des permis et des droits pour le coltan, et la commission Porter (2002) a indiqué que les mineurs artisanaux devaient payer une taxe pour entrer dans les mines d’or (par. 109).
128.2. Il est tout à fait plausible de supposer que la valeur probable tirée à la fois des diamants et du bois était supérieure à celle des taxes prélevées exclusivement à l’exportation. Dans mon rapport, j’ai majoré les taux d’imposition à 20 % (pour les diamants) et à 8 % (pour le bois) afin de tenir compte de ces taxes supplémentaires probables et, dans le cas des diamants, pour refléter les taux d’imposition vraisemblablement comparables qui étaient applicables à d’autres minéraux.
74 Mon rapport contenait une erreur de référence concernant la publication «Johnson et Tegera (2002)». Il convient de lire «Tegera, Mikolo et Johnson (2002)», comme indiqué dans la bibliographie jointe au rapport.
46
- 45 -
D. RÉVISION DE LA QUANTITÉ ESTIMÉE D’OR PRODUIT
129. Lors de l’élaboration de la présente réponse, j’ai constaté qu’une erreur s’était glissée dans l’estimation de la quantité et l’évaluation des données relatives à l’or. La présente section vise à la rectifier.
130. Cette erreur a trait aux estimations des exportations formelles d’or par l’Ouganda. Dans la note c) du tableau A4.5.1.3 de mon rapport, j’avais indiqué que certaines données de la ligne 4 (L4 ; «Exportations formelles») étaient tirées du tableau 8.2 du contre-mémoire de l’Ouganda (par. 8.65). En réalité, les données en question sont uniquement fondées sur le tableau 8.2 s’agissant des années 1998 et 1999, les données relatives à la période 2000-2003 reposant sur le tableau 8.1 du contre-mémoire de l’Ouganda (par. 8.64).
130.1. Dans son contre-mémoire, l’Ouganda explique que les données du tableau 8.1 ont été mises à jour par son Bureau de la statistique et que les chiffres actualisés figurent dans le tableau 8.2. Ces derniers auraient dû être utilisés dans mon rapport pour toutes les années de 1998 à 2003. Les deux jeux de données sont représentés dans les tableaux 4.D1.1 (années complètes) et 4.D1.2 (cinq mois seulement pour 1998 et 2003).
Tableau 4.D1.1 : Contre-mémoire de l’Ouganda : exportations d’or (kilos) : tableaux 8.1 et 8.2 (année complète)
Année complète :
1998
1999
2000
2001
2002
2003
Tableau 8.1 (ancien)
665,00
4231,00
5297,00
6161,00
7117,00
3478,00
Tableau 8.2 (mis à jour)
2247,00
4231,00
5926,00
6158,00
7086,00
3275,00
Source : Bureau ougandais de la statistique, tel que rapporté par l’Ouganda (2018), p. 366-367.
Tableau 4.D1.2 : Contre-mémoire de l’Ouganda : exportations d’or (kilos) : tableaux 8.1 et 8.2 (cinq mois seulement pour 1998 et 2003)
1998*
1999
2000
2001
2002
2003*
Tableau 8.1 (ancien)
277,08
4231,00
5297,00
6161,00
7117,00
1449,17
Tableau 8.2 (mis à jour)
936,25
4231,00
5926,00
6158,00
7086,00
1364,58
Source : Bureau ougandais de la statistique, tel que rapporté par l’Ouganda (2018), p. 366-367.
131. Les données mises à jour tirées du tableau 8.2 du contre-mémoire de l’Ouganda doivent remplacer celles de L4 dans le tableau A4.5.1.3 de mon rapport, et il convient également d’ajuster les calculs fondés sur ces données dans les tableaux suivants. Ces ajustements des quantités imposent en outre de réviser les estimations globales de la quantité et de la valeur de l’or produit dans la ZIO (tant en Ituri que hors Ituri).
131.1. Les méthodes de calcul sont les mêmes que dans mon rapport.
131.2. Les tableaux révisés représentant les calculs de valeur (tels qu’ils figurent dans l’appendice 4.5 de mon rapport) se trouvent dans l’appendice 4.3 de la présente réponse.
132. Suivront ci-après tous les tableaux de mon rapport, adaptés selon que de besoin pour tenir compte de la révision de l’estimation relative à l’or en provenance de la ZIO. Les tableaux qui ne
47
- 46 -
nécessitaient pas de révision seront néanmoins reproduits ci-après, mais assortis de la mention «tableau inchangé».
132.1. Les données ajustées sont indiquées en caractères gras de couleur rouge.
Tableau D4.1 : Estimation des quantités de ressources produites, 1998-2003  repris de mon rapport et révisé (par. 224)
* Remarque : cette version ne comprend que les données relatives à la ZIO ; les totaux pour la RDC sont omis.
Ituri
Hors Ituri
Total ZIO
Quantité
% de la ZIO
Quantité
% de la ZIO
Quantité
Or, kg
10 681
45
13 054
55
23 735
Diamants, carats
213 031
5
4 047 596
95
4 260 627
Coltan, kg
4204
5
79 878
95
84 082
Etain, kg
44 521
5
845 907
95
890 428
Tungstène, kg
16 541
5
314 284
95
330 825
Bois, kg
44 684 690
50
44 684 690
50
89 369 380
Café, kg
13 133 802
30
30 645 539
70
43 779 341
Tableau D4.2 : Prix annuel moyen de la ressource, par année  figurant au par. 304 ; tableau inchangé.
* Les prix s’entendent par kilogramme, sauf pour les diamants, où ils sont indiqués par carat.
1998
1999
2000
2001
2002
2003
Or prix de référence
9455,20
8956,22
8973,26
8714,13
9956,43
11 680,99
Prix adopté (décote de 35 %)
6145,88
5821,54
5832,62
5664,18
6471,68
7592,64
Diamants prix de référence
18,59
12,55
14,34
18,79
19,33
27,43
Prix adopté (décote de 35 %)
12,09
8,16
9,32
12,21
12,56
17,83
Niobium-Tantalite
prix de référence
12,98
47,90
114,62
86,73
47,24
14,11
Prix adopté (décote de 35 %)
8,44
31,14
74,50
55,07
30,71
9,17
Cassitérite prix de référence
3,27
2,31
2,82
3,12
3,10
6,35
Prix adopté (décote de 35 %)
2,12
1,50
1,83
2,03
2,02
4,12
Wolframite prix de référence
2,48
2,00
3,49
3,34
2,87
3,66
Prix adopté (décote de 35 %)
1,61
1,30
2,27
2,17
1,86
2,38
Bois prix de référence
0,67
0,67
0,52
0,62
0,52
0,64
Prix adopté (décote de 35 %)
0,44
0,44
0,35
0,40
0,34
0,42
Café prix de référence
2,04
1,71
1,42
1,18
1,04
1,06
Prix adopté (décote de 35 %)
1,33
1,11
0,92
0,77
0,68
0,69
48
- 47 -
Coefficient d’actualisation en dollars de 2020 (taux standard)
x 1,60
x 1,56
x 1,51
x 1,47
x 1,45
x 1,41
Tableau D4.3 : Ressources produites en dollars des Etats-Unis (dollars de 2020) avant exploitation de leur valeur  repris de mon rapport et révisé (par. 304)
Ituri
Hors Ituri
Total ZIO
Dollars des Etats-Unis
% de la ZIO
Dollars des Etats-Unis
% de la ZIO
Dollars des Etats-Unis
Or
97 273 995
45
118 890 439
55
216 164 434
Diamants
3 526 598
5
67 005 369
95
70 531 967
Coltan
219 263
5
4 165 988
95
4 385 250
Etain
150 462
5
2 858 783
95
3 009 245
Tungstène
47 969
5
911 411
95
959 380
Bois
25 816 095
50
25 816 095
50
51 632 189
Café
20 651 545
30
48 186 938
70
68 838 483
Total*
147 685 927
267 835 023
415 520 948
* L’arrondissement peut entraîner des différences inférieures ou égales à un dollar dans les totaux du présent tableau, ainsi qu’entre les chiffres de celui-ci et ceux de la feuille Excel aux calculs révisés.
Tableau D4.4 : Estimation de la valeur exploitée par les éléments concernés : ZIO, Ituri et ZIO hors Ituri, repris du corrigendum et révisé (par. 305)
Ituri
Hors Ituri
Total ZIO
Dollars des Etats-Unis (2020)
Part en %
Dollars des Etats-Unis (2020)
Part en %
Dollars des Etats-Unis (2020)
Part en %
Or
35 359 097,3
85,5
10 533 692,9
60,1
45 892 790,2
78,0
Diamants
1 013 897,0
2,5
5 025 402,6
28,7
6 039 299,7
10,3
Coltan
63 038,0
0,2
312 449,1
1,8
375 487,0
0,6
Etain
43 257,9
0,1
214 408,7
1,2
257 666,6
0,4
Tungstène
13 791,1
0,0
68 355,8
0,4
82 146,9
0,1
Bois
2 793 301,4
6,8
645 402,4
3,7
3 438 703,8
5,8
Café
2 046 568,1
5,0
722 804,1
4,1
2 769 372,2
4,7
Total*
41 332 950,8
100,1
17 522 515,6
100,0
58 855 466,4
99,9
* L’arrondissement peut entraîner des différences inférieures ou égales à un dollar dans les totaux du présent tableau, ainsi qu’entre les chiffres de celui-ci et ceux de la feuille Excel aux calculs révisés.
Tableau D4.5 : Estimation des taxes indicatives pour le vol de ressources et les droits et redevances et de la taxe sur la valeur, exprimées en pourcentage  figurant au par. 119 ; tableau inchangé.
A. Taxe indicative
Vol
B. Taxe indicative
Droits et redevances
C. Taxe sur la valeur
Ventes et exportations
Taux d’imposition total
(A+B+C)
Ituri
Hors-Ituri
Ituri
Hors Ituri
Ituri
Hors Ituri
Ituri
Hors Ituri
Or
5,0
2,0
5,0
2,0
28,0
5,0
38,0
9,0
Diamants
5,0
0,5
5,0
2,0
20,0
5,0
30,0
7,5
Coltan
5,0
0,5
5,0
2,0
20,0
5,0
30,0
7,5
Etain
5,0
0,5
5,0
2,0
20,0
5,0
30,0
7,5
Tungstène
5,0
0,5
5,0
2,0
20,0
5,0
30,0
8,0
Bois
2,0
0,5
1,0
1,0
8,0
1,0
11,0
2,5
Café
1,0
0,0
1,0
0,5
8,0
1,0
10,0
2,0
49
- 48 -
Tableau D4.6 : Taux estimatif de la taxe indicative pour le vol  figurant au par. 124 ; tableau inchangé.
Ressource
Ituri (%)
Hors Ituri (%)
Or
5,0
2,0
Diamants
5,0
0,5
Coltan
5,0
0,5
Etain
5,0
0,5
Tungstène
5,0
0,5
Bois
2,0
0,5
Café
1,0
0,0
Tableau D4.7 : Taux estimatif de la taxe indicative pour la valeur des droits et redevances  figurant au par. 143 ; tableau inchangé.
Ressource
Ituri (%)
Hors Ituri (%)
Or
5,0
2,0
Diamants
5,0
2,0
Coltan
5,0
2,0
Etain
5,0
2,0
Tungstène
5,0
2,0
Bois
1,0
1,0
Café
1,0
0,5
Tableau D4.8 : Fourchettes des taux mentionnés dans la documentation et des taux adoptés dans ce rapport pour les taxes sur la valeur  figurant au par. 147 ; tableau inchangé.
Ressource
Fourchette des taux mentionnés (%)
(voir l’annexe 4)
Taux adoptés pour les taxes sur la valeur
Ituri (%)
Hors Ituri (%)
Or
28-40
28,0
5,0
Diamants
4-15
20,0
5,0
Coltan
5-40
20,0
5,0
Etain
5-50
20,0
5,0
Tungstène
n/a
20,0
5,0
Bois
6
8,0
1,0
Café
7
8,0
1,0
Tableau D4.9 : Valeur exploitée ventilée par méthode d’exploitation de la valeur, Ituri et ZIO hors Ituri, en dollars des Etats-Unis (dollars de 2020)  repris de mon rapport et révisé (par. 154)
Vol
Droits et redevances
Taxes sur la valeur
Total
Ituri
Hors Ituri
Ituri
Hors Ituri
Ituri
Hors Ituri
Ituri
Hors Ituri
Or
4 863 700
2 377 809
4 620 515
2 330 253
25 874 883
5 825 631
35 359 097,3
10 533 692,9
Diamants
176 330
335 027
167 513
1 340 107
670 054
3 350 268
1 013 897,0
5 025 402,6
Coltan
10 963
20 830
10 415
83 320
41 660
208 299
63 038,0
312 449,1
Etain
7523
14 294
7147
57 176
28 588
142 939
43 257,9
214 408,7
Tungstène
2398
4557
2279
18 228
9114
45 571
13 791,1
68 355,8
Bois
516 322
129 080
252 998
258 161
2 023 982
258 161
2 793 301,4
645 402,4
Café
206 515
0
204 450
240 935
1 635 602
481 869
2 046 568,1
722 804,1
Total*
5 783 751
2 881 597
5 265 317
4 328 180
30 283 883
10 312 738
41 332 950,8
17 522 515,6
* L’arrondissement peut entraîner des différences inférieures ou égales à un dollar dans les totaux du présent tableau, ainsi qu’entre les chiffres de celui-ci et ceux de la feuille Excel aux calculs révisés.
50
- 49 -
Appendice 4.1 : Mandat
La Cour internationale de Justice a formulé le mandat ci-après pour servir de cadre au présent rapport :
«1) Il sera procédé à une expertise, laquelle sera confiée à quatre experts indépendants qui, les Parties entendues, seront désignés par ordonnance de la Cour.
2) Afin de déterminer les réparations que l’Ouganda devra verser à la République démocratique du Congo au titre du préjudice découlant du manquement par cet Etat à ses obligations internationales, tel que constaté par la Cour dans son arrêt de 2005, la Cour poursuit l’examen de l’ensemble des demandes et moyens de défense concernant les chefs de préjudice avancés par le demandeur. S’agissant de certains d’entre eux, à savoir les pertes en vies humaines, la perte de ressources naturelles et les dommages aux biens, la Cour estime néanmoins qu’il y a lieu de faire procéder à une expertise, conformément au paragraphe 1 de l’article 67 de son Règlement. Le mandat des experts visés au point 1) ci-dessus sera le suivant :
II. Perte de ressources naturelles
a) Au vu des éléments de preuve versés au dossier de l’affaire et des documents publiquement accessibles, en particulier les rapports de l’Organisation des Nations Unies mentionnés dans l’arrêt de 2005, quelle a été la quantité approximative de ressources naturelles, telles que l’or, les diamants, le coltan et le bois, exploitées illégalement durant l’occupation du district de l’Ituri par les forces armées ougandaises pendant la période pertinente ?
b) Sur la base de la réponse à la question précédente, quelle est la valeur du préjudice subi par la République démocratique du Congo à raison de l’exploitation illégale de ressources naturelles, telles que l’or, les diamants, le coltan et le bois, durant l’occupation du district de l’Ituri par les forces armées ougandaises ?
c) Au vu des éléments de preuve versés au dossier de l’affaire et des documents publiquement accessibles, en particulier les rapports de l’Organisation des Nations Unies mentionnés dans l’arrêt de 2005, quelle a été la quantité approximative de ressources naturelles, telles que l’or, les diamants, le coltan et le bois, pillées et exploitées par les forces armées ougandaises en République démocratique du Congo, exception faite du district de l’Ituri, et quelle valeur doit-on leur attribuer ?
3) Les circonscriptions administratives congolaises auxquelles il est fait référence ci-dessus sont celles qui existaient sur le territoire de la République démocratique du Congo pendant la période pertinente, soit entre le 6 août 1998 et le 2 juin 2003.»
51
- 50 -
Appendice 4.2 : Liste des références
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GENU (Groupe d’experts des Nations Unies), 2001a. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo. Avril, New York (A/2001/357).
GENU (Groupe d’experts des Nations Unies), 2001b. Additif au rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo. Novembre, New York (S/2001/1072).
GENU (Groupe d’experts des Nations Unies), 2002a. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo. Octobre, New York (S/2002/1146).
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52
- 51 -
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- 52 -
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Umunay, Peter, 2011. Illegal Logging in Congo Basin - Ituri Case Study. Global Forest Atlas.
- 53 -
Appendice 4.3 : Tableaux révisés relatifs à l’or
Remarque : aucun changement n’a été apporté aux tableaux A5.1.1 et A5.1.2 de mon rapport.
A5.1 Or
Tableau A5.1.1 : quantité, kg
* Cinq mois seulement en 1998 et
en 2003
1998*
1999
2000 (a)
2001
2002
2003*
Total
(Jan-juin)
(Juil-déc)
RDC - Production
1
Production formelle (b)
62,90
207,00
26,00
26,00
6100,00
7600,00
1708,33
15 730,23
2
Supposer 80 % de L1 en prov. de zone non gouvernementale (c)
50,33
165,60
20,80
20,80
4880,00
6080,00
1366,67
12 584,20
3
75 % de L2 dans ZIO jusque 06/2000 ; 70 % dans ZIO à part. de 07/2000 (d)
37,75
124,20
15,60
14,56
3416,00
4256,00
956,67
8820,78
4
Ajouter production artisanale nationale estimative (e)
2083,33
5000,00
2500,00
2500,00
5000,00
5000,00
2083,33
24 166,66
5
80 % de L4 dans zone non tenue par gouv.
1666,67
4000,00
2000,00
2000,00
4000,00
4000,00
1666,67
19 333,34
6
75 % de L6 dans ZIO jusque 06/2000 ; 70 % dans ZIO à part. de 07/2000 (d)
1250,00
3000,00
1500,00
1400,00
2800,00
2800,00
1166,67
13 916,67
7
Production totale est. ZIO
(R3 + R6)
1287,75
3124,20
1515,60
1414,56
6216,00
7056,00
2123,33
22 737,44
a. L’année 2000 est divisée en deux périodes de six mois pour tenir compte de la perte d’influence subie par l’Ouganda à Kisangani après le mois de juin 2000. Cette perte d’influence a réduit la capacité du personnel des UPDF à extraire de la valeur de l’or à Kisangani.
b. A partir de données extraites de l’annuaire le plus récent du United States Geological Survey (USGS).
c. Voir le texte pour une explication.
d. Part estimative de la ZIO : 75 % de la zone non tenue par le gouvernement jusqu’en juin 2000, puis 70 % à partir de juillet 2000.
e. Voir le texte pour une explication. Estimation de base utilisée : 5000 kg par an pour la RDC, révisée en conséquence pour la zone non tenue par le gouvernement, puis pour la ZIO.
54
- 54 -
Tableau A5.1.2 : Exportations d’or de la RDC
1998*
1999
2000 (a)
2001
2002
2003*
Total
* Cinq mois seulement en 1998 et
en 2003
(Jan-juin)
(Juil-déc)
RDC - Exportations
1
Exportations formelles (b)
419,58
241,56
412,50
412,50
887,00
527,00
1,25
2901,39
2
Supposer 80 % de L1 en prov. de zone non gouvernementale (c)
335,67
193,25
330,00
330,00
709,60
421,60
1,00
2321,12
3
Exportations formelles estimatives de la ZIO :
75 % de L2 jusque 06/2000 ; 70 %
à partir de 07/2000 (d)
251,75
144,94
247,50
231,00
496,72
295,12
0,70
1667,73
4
Production est. ZIO de L7, tableau A5.1.1
1287,75
3124,20
1515,60
1414,56
6216,00
7056,00
2123,33
22 737,44
5
Production ZIO moins exportations
(L4 – L3), c.-à.-d. or de contrebande
1036,00
2979,26
1268,10
1183,56
5719,28
6760,88
2122,63
22 069,71
a. L’année 2000 est divisée en deux périodes de six mois pour tenir compte de la perte d’influence subie par l’Ouganda à Kisangani après le mois de juin 2000.
b. A partir de données d’importation extraites de la base de données ComTrade pour «tous» les pays qui déclarent leurs importations à ComTrade.
c. Voir le texte pour une explication.
d. Part estimée de la ZIO : 75 % de la zone non tenue par le gouvernement jusqu’en juin 2000, puis 70 % à partir de juillet 2000.
55
- 55 -
Tableau A5.1.3 : Production et exportations d’or de l’Ouganda
* Cinq mois seulement en 1998 et
en 2003
1998*
1999
2000
2001
2002
2003*
Total
Ouganda - production et exportations
1
Production formelle (a)
3,33
5,00
56,00
0,00
3,00
16,67
84,00
2
Production artisanale est. (b)
416,67
1000,00
1000,00
1000,00
1000,00
416,67
4833,34
3
Production totale est. (L1 + L2)
420,00
1005,00
1056,00
1000,00
1003,00
1040,00
5524,00
4
Exportations formelles (c)
936,25
4231,00
5926,00
6158,00
7086,00
1364,58
25 701,83
5
Excédent des exportations sur la production, présumé provenir
de la ZIO (L4 - L3) (d)
516,25
3226,00
4870,00
5158,00
6083,00
324,58
20 177,83
a. A partir de données extraites de l’annuaire le plus récent du United States Geological Survey (USGS).
b. Voir le texte pour une explication de l’estimation de 1000 kg par an.
c. A partir de données du Bureau ougandais de la statistique figurant dans le tableau 8.2 du contre-mémoire sur la question des réparations déposé par l’Ouganda en l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), volume 1, 6 février 2018 (Ouganda).
d. L’on suppose que l’excédent des exportations de l’Ouganda par rapport à sa production provenait de la ZIO, car durant la période 1998-2003 : l’existence d’un commerce transfrontalier de l’or entre l’Ouganda d’une part et le Rwanda ou le Burundi d’autre part était peu probable ; le Kenya a produit et exporté de l’or, mais les négociants n’avaient aucune raison d’apporter de l’or de la RDC pour l’exporter du Kenya s’ils pouvaient le faire depuis l’Ouganda ; il est peu probable que la production d’or de la République centrafricaine ait transité par la RDC pour parvenir en Ouganda ; et il est peu probable que la production du Soudan ait été exportée via l’Ouganda.
56
- 56 -
Tableau A5.1.4 : Or de contrebande provenant de la ZIO comparé à l’«excédent» des exportations d’or de l’Ouganda
* Cinq mois seulement en 1998 et en 2003
1998*
1999
2000
2001
2002
2003*
Total
Comparaison de l’or de contrebande provenant de la ZIO avec l’«excédent» des exportations d’or de l’Ouganda sur sa production (a)
1
Or de contrebande provenant de la ZIO (tableau A5.1.2 : L5)
1036,00
2979,26
2451,66
5719,28
6760,88
2122,63
22 069,71
2
Excédent des exportations de l’Ouganda sur sa production (tableau A5.1.3 : L5)
516,25
3226,00
4870,00
5158,00
6083,00
324,58
20 177,83
3
Prendre l’est. annuelle la plus élevée de L1 ou L2 (b)
1036,00
(prov. RDC)
3226,00
(prov. Oug.)
4870,00
(prov. Oug.)
5719,28
(prov. RDC)
6760,88
(prov. RDC)
2122,63
(prov. RDC)
23 737,79
4
Quantité est. dans la ZIO :
1036,00
3226,00
4870,00
5719,28
6760,88
2122,63
23 734,79
a. L’on suppose que la différence entre l’or de contrebande de la RDC et l’excédent des exportations de l’Ouganda par rapport à sa production constitue la portion de l’or de la ZIO qui a transité par l’Ouganda vers le marché international, mais n’a été intégrée dans aucune statistique.
b. Etant donné qu’il est impossible de concilier la différence entre les données de la RDC et celles de l’Ouganda, et compte tenu du fait que nos deux jeux de données sont fondés sur des estimations prudentes de la production et du commerce informels, il était raisonnable de retenir l’estimation annuelle la plus élevée de L1 ou de L2 comme la quantité probable exportée en contrebande de la ZIO vers l’Ouganda.
- 57 -
Or : valeur, en dollars des Etats-Unis
Tableau A5.1.5
* Cinq mois seulement en 1998 et en 2003
1998*
1999
2000 (a)
2001
2002
2003*
Total
1
Quantité est. prov. de la ZIO (b)
1036,00
3226,00
4870,00
5719,28
6760,88
2122,63
23 734,79
2
Prix est., dollars/kg (c)
6145,88
5821,54
5832,62
5664,18
6471,68
7592,64
3
Total (L1 x L2) (d)
6 367 132
18 780 288
28 404 859
32 395 031
43 754 252
16 116 365
145 817 927
4
Pour un résultat en dollars 2020, multiplier L3 par … (e)
1,60
1,56
1,51
1,47
1,45
1,41
5
Valeur totale est. en dollars 2020
(L3 x L4)
10 187 411
29 297 249
42 891 338
47 620 696
63 443 665
22 724 075
216 164 434
a. Pour l’an 2000, les périodes allant de janvier à juin et de juillet à décembre ont été fusionnées en une seule année.
b. Reprise de la ligne [4] ([L4]) du tableau A5.1.4.
c. Prix fondés sur les moyennes annuelles figurant dans la base de données des prix du Conseil mondial de l’or, consultée le 6 décembre 2020 : https://www.gold.org/goldhub/data/gold-prices. Le prix annuel a ensuite été réduit de 35 % pour mieux refléter le prix probable aux points d’opportunité pour l’exploitation de la valeur en RDC. Ce prix de référence et le prix adopté initial sont indiqués dans le tableau 2.
d. Chiffres totaux arrondis (centimes omis).
e. Taux tirés de l’outil US Inflation Calculator, fondés sur les données de l’indice des prix à la consommation du Gouvernement des Etats-Unis publiées le 13 octobre 2020 à partir de données du Bureau of Labor Statistics du U.S. Labor Department : https://www.usinflationcalculator.com.
57
- 58 -
Or : répartition de la quantité et de la valeur (Ituri/hors Ituri), en dollars des Etats-Unis 2020
Tableau A5.1.6
Ituri (a)
%
Hors Ituri (a)
%
Total ZIO
1
Quantité (kg)
10 681
45
13 054
55
23 735
2
Valeur de base de la quantité (b)
97 273 995
45
118 890 439
55
216 164 434
3
Valeur estimative du vol (c)
4 863 699,8
5,00
2 377 808,8
2,00
7 241 508,6
4
Montant est. droits et redevances (d)
4 620 514,8
5,00
2 330 252,6
2,00
6 950 767,4
5
Montant est. taxes sur la valeur (e)
25 874 882,7
28,00
5 825 631,5
5,00
31 700 514,2
6
Valeur totale est. des dommages
35 359 097,3
10 533 692,9
45 892 790,2
a. Voir le texte pour une explication de la répartition de la quantité et de la valeur entre l’Ituri et la ZIO hors Ituri.
b. Reprise du total de L5 dans le tableau précédent.
c. Voir le texte pour une explication de la taxe indicative pour le vol.
d. Voir le texte pour une explication de la taxe indicative pour les droits et redevances.
e. Voir le texte pour une explication de la taxe sur la valeur.
- 59 -
Appendice 4.4 : Signature de l’expert
Le présent rapport a été établi par Michael Nest le 1er mars 2021, dans le respect du mandat énoncé par la Cour internationale de Justice.
(Signé) Michael NEST.
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58
Calculs révisés relatifs aux ressources naturelles (mentionnés aux paragraphes 131-132 de la réponse de M. Nest)

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Réponse des experts aux observations respectivement formulées par le République Démocratique du Congo et l'Ouganda

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