14114
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE RELATIVE À LA DÉLIMITATION MARITIME DANS L’OCÉAN INDIEN
(SOMALIE c. KENYA)
EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES DE LA RÉPUBLIQUE DU KENYA
Présentées en application de l’article 79 du Règlement de la Cour
VOLUME I
7 octobre 2015
[Traduction du Greffe] T ABLE DES MATIÈRES
Page
INTRODUCTION ................................................................................................................................... 1
A. Résumé des exceptions préliminaires du Kenya...................................................................... 1
B. Structure des exceptions préliminaires du Kenya..................................................................... 3
I. L’ENTRÉE EN VIGUEUR DU MÉMORANDUM D ’ACCORD DE 2009..................................................... 3
A. Le contexte de la conclusion du mémorandum d’accord......................................................... 4
Les relations bilatérales entre le Kenya et la Somalie.............................................................. 4
La négociation, mode convenu de règlement du différend relatif à la frontière
maritime.............................................................................................................................. 5
Délai fixé pour le dépôt de demandes auprès de la Commission des limites du plateau
continental........................................................................................................................... 6
B. La proposition de la Somalie au Kenya de conclure le mémorandum d’accord ...................... 9
C. La signature et l’entrée en vigueur du mémorandum d’accord le 7 avril 2009...................... 12
D. L’objet, le but et le libellé du mémorandum d’accord........................................................... 12
L’objet et le but du mémorandum d’accord........................................................................... 12
Le libellé du mémorandum d’accord..................................................................................... 13
Absence de référence dans le mémorandum à la ratification ou au retrait ............................ 15
E. Le comportement ultérieur des Parties................................................................................... 15
8 avril 2009 : confirmation de la validité du mémorandum d’accord par la Somalie
dans le cadre de son dossier d’informations préliminaires destiné à la Commission
des limites du plateau continental..................................................................................... 15
Mai 2009 : confirmation de la validité du mémorandum d’accord par le Kenya dans le
cadre de sa demande à la Commission des limites du plateau continental....................... 16
Juin 2009 : enregistrement et publication du mémorandum d’accord par l’Organisation
des Nations Unies............................................................................................................. 17
er
1 août 2009 : rejet du mémorandum d’accord par le Parlement somalien........................... 17
19 août 2009 : confirmation de la validité du mémorandum d’accord par la Somalie
dans sa lettre à l’Organisation des Nations Unies............................................................. 18
Octobre 2009 : confirmation de la validité du mémorandum d’accord par le Kenya à la
vingt-quatrième session de la Commission des limites du plateau continental................ 19
Mars 2010 : lettre de la Somalie à l’Organisation des Nations Unies ................................... 20
Août 2011 : lettre de la Norvège à l’Organisation des Nations Unies................................... 21
Octobre 2011 : résolution du Parlement somalien relative à la mer territoriale de
200 milles marins.............................................................................................................. 23
Juillet 2012 : déclaration du ministre ayant signé le mémorandum d’accord pour la
Somalie............................................................................................................................. 23
Juin 2013 : déclaration du Gouvernement somalien sur son refus de négocier avec le
Kenya................................................................................................................................ 24 - ii -
[4] février 2014 : violation substantielle par la Somalie des dispositions du
mémorandum d’accord du fait de son objection à l’examen de la demande soumise
par le Kenya à la Commission des limites du plateau continental.................................... 25
F. Evénements postérieurs à la tentative faite en 2014 par la Somalie en vue de rejeter
unilatéralement le mémorandum d’accord............................................................................. 26
Mars 2014 : première réunion technique entre le Kenya et la Somalie ................................. 26
Mars 2014 : décision de la Commission des limites de différer son examen de la
demande du Kenya ........................................................................................................... 28
Juillet 2014 : dépôt par la Somalie de sa demande auprès de la Commission des limites..... 28
Juillet 2014 : deuxième réunion technique entre le Kenya et la Somalie .............................. 29
Août 2014 : saisine de la Cour par la Somalie....................................................................... 29
2 septembre 2014 : lettre de la Somalie à l’Organisation des Nations Unies........................ 31
3 septembre 2014 : confirmation de la validité du mémorandum d’accord par le Kenya
à la trente-cinquième session de la Commission des limites du plateau continental........ 31
24 octobre 2014 : confirmation de la validité du mémorandum d’accord par le Kenya........ 32
De mai à juillet 2015 : communications des Parties concernant l’obligation de non-
objection énoncée dans le mémorandum d’accord........................................................... 33
II. E MÉMORANDUM D ’ACCORD DE 2009 EXCLUT LA COMPÉTENCE DE LA C OUR ......................... 35
A. Le mémorandum d’accord constitue un accord international contraignant quant au
mode auquel les Parties doivent avoir recours pour régler leur différend relatif à leur
frontière maritime .................................................................................................................. 37
B. La Cour n’a pas compétence à l’égard des demandes de la Somalie, qui sont par
ailleurs irrecevables ............................................................................................................... 38
La réserve du Kenya à la compétence de la Cour à l’égard des différends au sujet
desquels les parties en cause ont convenu d’avoir recours à un autre mode de
règlement .......................................................................................................................... 38
Les demandes soumises à la Cour sont par ailleurs irrecevables à raison du
manquement de la Somalie aux obligations lui incombant au titre du mémorandum
d’accord............................................................................................................................ 41
III. OBSERVATIONS FINALES ............................................................................................................ 41
IV. C ONCLUSIONS ............................................................................................................................ 42
A TTESTATION ................................................................................................................................... 43 INTRODUCTION
4
1. En application du paragraphe 1 de l’article 79 du Règlement de la Cour, la République du
Kenya (ci-après, le «Kenya») présente, en l’affaire relative à la Délimitation maritime dans l’océan
Indien (Somalie c. Kenya) introduite par la République fédérale de Somalie (ci-après, la
«Somalie») au moyen de sa requête en date du 28 août 2014, les exceptions préliminaires
d’incompétence et d’irrecevabilité dont la teneur est exposée ci-dessous.
A. Résumé des exceptions préliminaires du Kenya
2. Le Kenya et la Somalie sont expressément convenus de recourir à un mode de règlement
distinct de la saisine de la Cour pour délimiter leur frontière maritime. Dans sa déclaration
d’acceptation de la compétence de la Cour déposée le 19 avril 1965 au titre du paragraphe 2 de
l’article 36 du Statut, le Kenya a précisément exclu «[l]es différends au sujet desquels les parties en
cause auraient convenu ou conviendraient d’avoir recours à un autre mode ou à d’autres modes de
1
règlement» . La Cour n’a donc pas compétence à l’égard des demandes de la Somalie, qui sont par
ailleurs irrecevables.
3. Dans le «mémorandum d’accord signé le 7 avril 2009 entre le Gouvernement de la
République du Kenya et le Gouvernement fédéral de transition de la République somalienne»
(ci-après, le «mémorandum d’accord» ou le «mémorandum») , les Parties ont accepté de s’accorder
à chacune «non-objection» à l’égard des communications adressées à la Commission des limites du
plateau continental (ci-après, la «Commission») sur la limite extérieure du plateau continental
5 au-delà de 200 milles marins, et sont également convenues de délimiter l’intégralité de leur
frontière maritime, tant en deçà qu’au-delà de 200 milles marins,
a) mais pas avant que la Commission ait formulé ses recommandations concernant l’établissement
de la limite extérieure du plateau continental ; et
b) par voie d’accord négocié et non en s’adressant à la Cour.
4. Plus précisément :
a) le différend soumis à la Cour porte sur la délimitation de la frontière maritime dan3 la zone où
se chevauchent les espaces maritimes revendiqués par le Kenya et la Somalie ;
1La déclaration du Kenya (ci-après, la «déclaration du Kenya»), déposée le 19 avril 1965, est citée intégralement
dans la note de bas de page 5 du mémoire de la Somalie (ci-après, «MS»).
2
Le mémorandum d’accord figure à l’annexe 6 du mémoire de la Somalie. Comme il est indiqué ci-dessous, il a
été enregistré par l’Organisation des Nations Unies le 11 juin 2009 et l’est encore à ce jour (Nations Unies, Recueil des
traités, vol. 2599, p. 35 (2009)). Voir aussi annexe 1 (mémorandum d’accord entre le Gouvernement de la République
du Kenya et le Gouvernement fédéral de transition de la République somalienne, afin d’accorder à chacun non-objection
à l’égard des communications à la Commission des limites du plateau continental sur les limites extérieures du plateau
continental au-delà de 200 milles marins (signé et entré en vigueur le 7 avril 2009)).
3
Voir les paragraphes 2 et 17 de la requête introductive d’instance de la Somalie. Au paragraphe 1.1 de son
mémoire, la Somalie indique ce qui suit :
«Comme il est indiqué dans la requête, la présente affaire porte sur l’interprétation et l’application
de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 (ci-après, la «CNUDM» ou la
«convention») et du droit international coutumier en vue de l’établissement de «la frontière maritime
unique séparant la Somalie et le Kenya dans l’océan Indien et délimitant la mer territoriale, la zone
économique exclusive … et le plateau continental, y compris la partie de celui-ci qui s’étend au-delà de la
limite des 200 milles marins».» - 2 -
b) c’est dans le mémorandum d’accord de 2009 qu’il est apparu pour la première fois, depuis la
proclamation présidentielle du Kenya de 1979 (dans laquelle cet Etat avait adopté un parallèle
comme limite de sa zone économique exclusive (ci-après, «ZEE»)), que la Somalie considérait
qu’il existait entre le Kenya et elle un différend relatif à la frontière maritime dans cette zone de
chevauchement ; 4
c) dans le mémorandum d’accord, le Kenya et la Somalie sont expressément convenus de ce qui
suit :
6 i) «chacun d’eux soumettra séparément une communication à la Commission
des limites du plateau continental …qui peut comprendre la zone en litige,
demandant à la Commission de formuler des recommandations à l’égard des
limites extérieures du plateau continental au-delà de 200 milles marins, sans
tenir compte des frontières maritimes qui les séparent. Les deux Etats côtiers
donnent par la présente leur consentement préalable [au sens de l’alinéa a) du
paragraphe 5 de l’annexe I du règlement intérieur de la Commission des
limites du plateau continental] à l’examen par la Commission de ces
communications portant sur la zone en litige.» (Quatrième point du
dispositif.)
ii) «La délimitation des frontières maritimes dans la zone en litige, y compris la
délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins, fera l’objet
d’un accord entre les deux Etats côtiers [à savoir le Kenya et la Somalie] sur
la base du droit international après que la Commission aura achevé l’examen
des communications séparées effectuées par chacun des deux Etats côtiers et
formulé ses recommandations … concernant l’établissement des limites
extérieures du plateau continental au-delà de 200 milles marins.» (Cinquième
point du dispositif, les italiques sont de nous.)
iii) «Le présent mémorandum d’accord entrera en vigueur à sa signature.»
(Sixième point du dispositif.)
5. Dans son mémoire, la Somalie reconnaît que le mémorandum d’accord est effectivement
5
entré en vigueur le jour de sa signature par les Parties, le 7 avril 2009 . Elle prétend cependant
7 qu’il est «non opposable» [«non-actionable»] au motif que son Parlement fédéral a «voté contre la
ratification» de cet instrument . Il n’existe manifestement dans le mémorandum aucune clause
exigeant sa ratification et la Somalie ne précise pas comment une telle exigence aurait
soudainement vu le jour après l’entrée en vigueur de ce texte. Les chefs de l’Etat et du 7
Gouvernement de la Somalie ont tous deux approuvé le mémorandum d’accord avant sa signature .
En outre, une fois ce mémorandum signé, le chef du Gouvernement somalien en a confirmé la
Au paragraphe 1.15 de son mémoire, la Somalie indique que son premier objectif est d’«obtenir la délimitation
définitive de la frontière de sa mer territoriale, de sa zone économique exclusive et de sa portion de plateau continental, y
compris au-delà de la limite des 200 milles marins».
4
Le mémoire de la Somalie ne laisse entrevoir aucune reconnaissance antérieure de l’existence entre le Kenya et
elle d’un différend relatif à leur frontière maritime.
5 Voir MS, annexe 6, «Mémorandum d’accord entre le Gouvernement de la République du Kenya et le
Gouvernement fédéral de transition de la République somalienne, afin d’accorder à chacun non-objection à l’égard des
communications à la Commission des limites du plateau continental sur les limites extérieures du plateau continental
au-delà de 200 milles marins», Nations Unies, Recueil des traités, vol. 2599, p. 35, signé et entré en vigueur le
7 avril 2009 (les italiques sont de nous). Le mémorandum d’accord est envisagé aux paragraphes 3.38 à 3.42, 3.46, 3.52
et 7.20 du mémoire.
6Voir par. 3.40 et 3.41.
7
Voir ci-dessous, part. I, sect. B. - 3 -
validité à deux reprises, notamment après son enregistrement et sa publication par le Secrétariat8de
l’Organisation des Nations Unies conformément à l’article 102 de la Charte des Nations Unies . Il
ne fait aucun doute que cet instrument revêt toujours un caractère contraignant sur le plan juridique.
6. Du fait de l’introduction de la présente instance devant la Cour, la Somalie manque
clairement à l’obligation lui incombant, au titre du mémorandum, de négocier un accord une fois
achevé l’examen de la Commission des limites du plateau continental. En outre, elle ne tient de
toute évidence aucun compte du fait que le mode de règlement auquel les Parties ont ainsi convenu
d’avoir recours entre précisément dans les prévisions de la réserve apportée par le Kenya à sa
déclaration.
7. En conséquence, la Somalie a beau prétendre que «[l]a compétence de la Cour à l’égard de
ces questions est clairement établie sur la base des déclarations faites par les Parties au titre de la
clause facultative figurant à l’article 36, paragraphe 2, du Statut» , la réserve du Kenya exclut
catégoriquement la compétence de la Cour à l’égard de l’intégralité de la présente affaire. Outre la
réserve du Kenya, les demandes de la Somalie sont irrecevables car, en faisant appel à la Cour,
8 celle-ci ne respecte manifestement pas le mode de règlement convenu dans le cadre du
mémorandum, auquel elle a l’obligation de recourir de bonne foi.
B. Structure des exceptions préliminaires du Kenya
8. Les présentes exceptions préliminaires comprennent quatre parties.
9. Premièrement, le Kenya exposera les circonstances et le contexte qui ont préludé à la
conclusion et à l’entrée en vigueur du mémorandum d’accord le 7 avril 2009, ainsi qu’à la
confirmation ultérieure de sa validité par la Somalie (partie I). Deuxièmement, il montrera que le
mémorandum d’accord a toujours revêtu un caractère contraignant au titre du droit des traités, puis
exposera pourquoi, du fait de l’accord exprès des Parties sur un autre mode de règlement, la Cour
n’a pas compétence à l’égard des demandes de la Somalie, qui sont par ailleurs irrecevables
(partie II). Troisièmement, le Kenya présentera sa position sur les faits et le droit pertinents
(partie III). Enfin, il exposera ses conclusions, dans lesquelles il priera la Cour de dire et juger
qu’elle n’a pas compétence à l’égard du différend et que les demandes de la Somalie sont
irrecevables (partie IV).
10. Les présentes exceptions préliminaires comprennent un second volume contenant les
documents auxquels il est fait référence dans le premier volume (annexes 1 à 47), ainsi qu’un
bordereau de ces documents.
I. L’ENTRÉE EN VIGUEUR DU MÉMORANDUM D ’ACCORD DE 2009
11. Dans cette partie, le Kenya revient sur le contexte ayant présidé à la conclusion du
mémorandum d’accord (section A), sur la proposition que la Somalie lui a faite de conclure un tel
instrument (section B), sur les modalités de la signature de celui-ci (section C), sur son objet, son
but et son libellé (section D), sur le comportement ultérieur des Parties puis sur la confirmation par
la Somalie de la validité du mémorandum d’accord (section E) et, enfin, sur les événements
survenus après que cette dernière a tenté de le rejeter unilatéralement en février 2014 (section F).
8
Voir ci-dessous, part. I, sect. E.
9 MS, par. 1.16. - 4 -
9 A. Le contexte de la conclusion du mémorandum d’accord
12. La conclusion du mémorandum de 2009 a été proposée pour la première fois à l’époque
où l’Organisation des Nations Unies, l’Union africaine et le Kenya accompagnaient la Somalie
dans sa transition progressive d’une période de conflit à l’installation d’un gouvernement unifié et
stable. La date de la conclusion de cet instrument a été dictée par l’échéance du 13 mai 2009 que la
Commission des limites du plateau continental avait fixée pour le dépôt des demandes relatives à la
limite extérieure du plateau continental, ainsi que par la nécessité de convenir d’une procédure
permettant de réaliser la délimitation complète et définitive de la frontière maritime.
Les relations bilatérales entre le Kenya et la Somalie
13. La conclusion du mémorandum d’accord s’inscrivait dans le cadre de la politique du
Kenya qui, très attaché à cultiver avec la Somalie des relations amicales, fournissait à celle-ci une
assistance humanitaire tout en l’aidant à se doter d’un gouvernement plus stable et en œuvrant à la
10
sécurisation de la région .
14. Depuis 1992, le Kenya a accueilli, selon les estimations, un demi-million de Somaliens
dans «le camp de réfugiés le plus vaste au monde », situé à Dadaab. «Ce que Dadaab a pu fournir
aux réfugiés depuis tant d’années et à tant de bénéficiaires n’a pu se faire que grâce au
Gouvernement et au peuple du Kenya» , a ainsi indiqué l’Organisations des Nations Unies.
15. Le Kenya a également accueilli à Nairobi le Gouvernement fédéral de transition de la
Somalie de l’institution de celui-ci, en 2004, jusqu’à ce que les conditions de sécurité permettent
12
son transfert progressif à Mogadiscio, à compter de 2007 . Ce rapatriement doit beaucoup à la
contribution kényane aux volets tant militaire que civil de la mission de l’Union africaine en
10 Somalie (AMISOM), créée en 2007 avec l’aval de l’Organisation des Nations Unies afin de libérer
13
la Somalie des militants chabab et d’y mettre en place des institutions gouvernementales stables .
L’Union africaine et l’Organisation des Nations Unies ont reconnu les sacrifices consentis par le
Kenya en Somalie, qu’elles ont qualifiés respectivement de «considérables» 14 et
d’«extraordinaires» .15
16. L’appui que le Kenya a offert au Gouvernement somalien lui a valu d’être victime
d’attentats terroristes commis en représailles par le mouvement des Chabab, y compris les odieux
massacres de civils perpétrés au centre commercial Westgate en novembre 2013 et à l’université de
10
A la suite du renversement du gouvernement du président Siad Barre en 1991, l’Etat somalien s’est effondré et
le pays a sombré dans une période de conflit armé et d’anarchie.
11Article en date du 21 février 2012 intitulé «Dadaab, le camp de réfugiés le plus vaste au monde a été créé il y a
20 ans» et publié sur le site Internet de l’Office du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés à l’adresse
suivante : http://www.unhcr.fr/4f43c6e3c.html#_ga=1.61635301.833125921.1447256692 (annexe 2).
12 Bien qu’il ait pris ses fonctions en 2004, ce n’est qu’en janvier 2007 que le président somalien,
M. Abdullahi Yusuf Ahmed, a pu retourner pour la première fois en Somalie, à Mogadiscio.
13 En 2007, face à la montée du terrorisme et de la piraterie, le Conseil de sécurité de l’Organisation des
Nations Unies a autorisé la création de l’AMISOM, mission de maintien de la paix chargée de stabiliser la Somalie et de
la doter d’institutions étatiques viables (voir la résolution 1744 (2007) du Conseil de sécurité de l’Organisation des
Nations Unies).
14
Voir, par exemple, la déclaration faite par la présidente de la commission de l’Union africaine en avril 2015
(disponible (en anglais) à l’adresse suivante : http://www.herald.co.zw/au-condemns-kenya-terrorist-attack/).
15Voir, par exemple, le communiqué relatif au mini-sommet du Secrétaire général sur la Somalie en date du
26 septembre 2012 (disponible à l’adresse suivante : http://www.un.org/press/fr/2012/SG2187.doc.htm). - 5 -
Garissa en avril 2015. La Somalie ne disposant pas des capacités d’intervention maritime
nécessaires, le Kenya a notamment mis ses forces navales au service de l’AMISOM, avec l’appui
du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies . Les patrouilles régulières effectuées
dans ces eaux vulnérables en vue d’empêcher les Chabab de se livrer au trafic d’armes ainsi que
d’arrêter et de poursuivre en justice les auteurs d’actes de piraterie ont occasionné des frais
importants au Kenya . 17
La négociation, mode convenu de règlement du différend relatif à la frontière maritime
17. Dans le mémorandum d’accord de 2009, les Parties sont expressément convenues de
fixer leur frontière maritime par voie de négociation. Cette décision était conforme à la législation
du Kenya, qui exigeait que la délimitation se fasse d’un commun accord avec la Somalie, ainsi
qu’avec les dispositions de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (ci-après, la
«CNUDM» ou la «convention»).
18. Le Kenya a initialement établi sa frontière maritime le long du parallèle au moyen de la
11 proclamation présidentielle de 1979, qui dispose que sa «zone économique exclusive ... est ainsi
délimitée : … au nord, la frontière maritime avec la République somalienne longe vers l’est le
18
parallèle passant au sud de l’île Diua Damasciaca par un point situé par 1° 38' de latitude sud» .
Par une autre proclamation présidentielle faite en 2005, le Kenya a légèrement ajusté cette frontière
dans un souci de précision . Cette frontière établie peu avant l’adoption, en 1982, de la CNUDM à
la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer était conforme à la pratique
régionale, telle qu’elle ressort des accords de délimitation maritime de 1976 et 2009 conclus entre
le Kenya et la Tanzanie ainsi que de celui conclu en 1988 entre la Tanzanie et le Mozambique . 21
Au cours des années qui ont suivi la proclamation kényane de 1979, la République démocratique
somalienne (ainsi qu’elle était alors désignée) n’a contesté ni la frontière maritime proclamée par le
Kenya ni l’exercice par celui-ci de sa compétence à la hauteur de ce parallèle. Elle n’a même pas
élevé de protestation au moment où elle a ratifié la CNUDM, en 1989. Ce n’est qu’en 2009 que la
Somalie a contesté pour la toute première fois la limite de la zone économique exclusive établie par
le Kenya en 1979. De fait, le mémoire de la Somalie ne laisse entrevoir aucune reconnaissance
antérieure de l’existence d’un différend . 22
19. Après que le Kenya eut ratifié la CNUDM en 1989 (soit la même année que la Somalie),
23
son Parlement a adopté la loi de 1989 sur les espaces maritimes , dont l’article 4 prévoyait en son
paragraphe 4 que la frontière maritime serait «délimitée ... conformément à un accord conclu entre
le Kenya et la Somalie sur la base du droit international». Cette disposition était conforme au
paragraphe 1 de l’article 74 et au paragraphe 1 de l’article 83 de la CNUDM, aux termes desquels
la délimitation d’une frontière maritime doit tout d’abord être «effectuée par voie d’accord». En
12 s’accordant dans le mémorandum de 2009 à effectuer la délimitation par voie de négociation, le
16Résolution S/RES/1846 (2008) du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (décembre 2008).
17 Voir, par exemple, la déclaration faite le 11 juin 2015 par le Kenya à la vingt-cinquième réunion des Etats
parties à la CNUDM.
18
MS, annexe 19.
19MS, annexe 21.
20MS, annexes 5 et 7.
21
Accord en date du 28 décembre 1988 entre le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie et le
Gouvernement de la République populaire du Mozambique concernant la frontière entre les deux Etats (annexe 3).
22
Voir MS, par. 3.36 et 3.38.
23MS, annexe 20 (République du Kenya, loi sur les espaces maritimes en date du 25 août 1989, chap. 371). - 6 -
Kenya et la Somalie ont donc agi de manière conforme à la fois à la CNUDM et à la législation
kényane.
20. Dans son mémoire, la Somalie note que le paragraphe 3 de l’article 4 de sa loi de 1988
sur le droit de la mer (incorporant les dispositions de la CNUDM en prévision de la ratification de
24 25
celle-ci en 1989) conférait à sa mer territoriale une étendue de 1o milles marins . Toutefois, aux
termes du paragraphe 1 de l’article premier de la loi n 37 du 10 septembre 1972 sur la mer
territoriale et les ports somaliens, «[l]a mer territoriale somalienne comprend les eaux qui
26
s’étendent jusqu’à une distance de 200 milles marins» ; or cette loi aurait été réaffirm27 le
8 octobre 2011 et le 6 juin 2013, respectivement par le Parlement fédéral et le conseil des
ministres de la Somalie . 28
21. Depuis l’établissement initial de sa ZEE en 1979, le Kenya a poursuivi une politique de
bon voisinage en ce qui concerne sa frontière maritime avec la Somalie, cette question n’ayant pas
eu d’incidence sur les relations bilatérales avant 2009. Tout au long de cette période, il s’est
attaché à négocier avec la Somalie un accord de délimitation fondé sur le droit international (ce
qu’il est désormais tenu de faire en application du mémorandum d’accord).
13 Délai fixé pour le dépôt de demandes auprès de la Commission des limites du plateau
continental
22. La nécessité de précipiter la conclusion du mémorandum d’accord de 2009 était
directement liée à l’échéance du délai imposé aux deux Parties pour soumettre leurs demandes
respectives à la Commission des limites, qui était fixée au 13 mai 2009 . 29
23. Le Kenya et la Somalie ont ratifié la CNUDM le 2 mars et le 24 juillet 1989 , 30
respectivement, et la convention est entrée en vigueur à leur égard en novembre 1994.
Conformément au paragraphe 8 de l’article 76 et à l’article 4 de l’annexe II, les deux Etats étaient
tenus de soumettre à la Commission leurs demandes relatives à la limite extérieure du plateau
continental «dès que possible et, en tout état de cause, dans un délai de 10 ans à compter de l’entrée
en vigueur de la Convention».
24. En mai 2001, toutefois, compte tenu des difficultés rencontrées par certains Etats en
développement pour satisfaire aux obligations qui leur incombaient au titre de l’article 4 de
24
MS, par. 3.3. La loi somalienne de 1988 sur le droit de la mer fixe à 12 milles marins l’étendue de la mer
territoriale de la Somalie (paragraphe 3 de l’article 4) et établit également une ZEE de 200 milles marins (article 7) : MS,
annexe 10.
25
MS, annexe 10.
26
MS, annexe 9.
27 Voir par. 86 ci-après.
28 Voir par. 90 ci-après.
29
Voir MS, par. 3.38, où il est indiqué ce qui suit : «Des discussions bilatérales sur ces questions ont eu lieu
en 2009, en prévision des demandes que les Parties s’apprêtaient à soumettre à la Commission des limites. En avril 2009,
celles-ci ont conclu un mémorandum d’accord (ci-après, le «mémorandum d’accord de 2009») portant sur ces
demandes».
30
Il y est fait référence dans le mémoire de la Somalie, aux paragraphes 3.2 et 3.7. Voir également MS,
annexe 72 (Nations Unies, division des affaires maritimes et du droit de la mer du bureau des affaires juridiques, tableau
résumant l’état au 10 octobre 2014 de la convention et des accords y relatifs, disponible à l’adresse suivante :
http://www.un.org/depts/los/reference_files/status2010f.pdf). - 7 -
l’annexe II de la CNUDM, il a été décidé à la onzième réunion des Etats parties à la convention
que, s’agissant de ceux à l’égard desquels celle-ci était entrée en vigueur avant le 13 mai 1999, le
délai de 10 ans visé à l’article 4 de l’annexe II serait réputé avoir commencé à courir à compter de
31
cette date . Le délai de 10 ans pendant lequel il était loisible tant au Kenya qu’à la Somalie
d’adresser leurs demandes respectives à la Commission venait donc à expiration le 13 mai 2009.
14 25. A leur dix-huitième réunion, tenue en juin 2008, les Etats parties à la CNUDM ont
continué à se pencher sur les
«difficultés rencontrées par un certain nombre d’Etats en développement en ce qui
concern[ait] le délai de 10 ans fixé pour la soumission de demandes à la Commission,
délai qui, pour nombre de ces Etats, arriv[ait] à expiration en mai 2009, et sur la
32
recherche d’une solution à caractère pratique» .
Il a ainsi été décidé que tous les Etats pourraient satisfaire au délai de 10 ans en soumettant au
Secrétaire général des informations préliminaires indicatives sur la limite extérieure du plateau
continental au-delà de 200 milles marins, une description de l’état d’avancement du dossier et une
prévision de la date à laquelle il serait soumis au complet . 33
26. En octobre 2008, eu égard au manque de ressources de la Somalie et à son instabilité, le
représentant spécial du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies pour la Somalie 34
(ci-après, le «représentant spécial du Secrétaire général»), M. Ahmedou Ould Abdallah , a lancé
un programme d’assistance devant permettre au pays de communiquer ses informations
35
préliminaires à la Commission dans le délai fixé par celle-ci .
27. La Somalie comptait parmi les Etats en développement qui, faute des compétences et des
ressources nécessaires, rencontraient des difficultés particulières pour satisfaire aux exigences de
l’article 4 de l’annexe II de la CNUDM, d’autant plus qu’elle était soumise à d’autres contraintes
15 liées à son instabilité du point de vue politique et sur le plan de la sécurité . 36
31MS, annexe 55, par. a) (onzième réunion des Etats parties à la convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, décision concernant la date du début du délai de 10 ans prévu à l’article 4 de l’annexe II de la convention des
Nations Unies sur le droit de la mer pour effectuer les communications à la Commission des limites du plateau
continental, Nations Unies, doc. SPLOS/72 (29 mai 2001)). Voir également Nations Unies, doc. SPLOS/73
(14 juin 2011), par. 101.
32Nations Unies, doc. SPLOS/184, par. 89. Voir également par. 90 à 99.
33Conformément aux exigences de l’article 76 de la convention, au règlement intérieur de la Commission ainsi
qu’à ses directives scientifiques et techniques. Voir MS, annexe 58, par. 1 a) (dix-huitième réunion des Etats parties à la
convention des Nations Unies sur le droit de la mer, décision relative au volume de travail de la Commission des limites
du plateau continental et à la capacité des Etats, notamment des Etats en développement, de s’acquitter de leurs
obligations en vertu de l’article 4 de l’annexe II à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, et de respecter
l’alinéa a) de la décision figurant dans le document SPLOS/72, Nations Unies, doc. SPLOS/183 (20 juin 2008)). Voir
également Nations Unies, doc. SPLOS/184, par. 99.
34 De septembre 2007 à juillet 2010, M. Ould Abdallah a été représentant spécial du Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies pour la Somalie. Avant cela, de 2003 à 2007, il était représentant spécial du Secrétaire
général pour l’Afrique de l’Ouest et président de la commission mixte Cameroun-Nigéria.
35Comme il est indiqué dans le dossier d’informations préliminaires déposé par la Somalie au mois d’avril 2009
(MS, annexe 66) et dans la demande de la Somalie en date du 21 juillet 2014 (MS, annexe 70).
36Comme il est indiqué dans le dossier d’informations préliminaires déposé par la Somalie au mois d’avril 2009
(MS, annexe 66), à la page 3 : - 8 -
28. C’est dans ce contexte que la Norvège a prêté son concours à la Somalie en l’aidant à
37
constituer son dossier pour la Commission . Au cours de ce processus, un éminent diplomate et
juriste norvégien, M. Hans Wilhelm Longva, ambassadeur en mission spéciale rattaché au
ministère norvégien des affaires étrangères, a joué un rôle essentiel en collaborant étroitement avec
le premier ministre somalien (M. Omar Abdirashid Ali Sharmarke), ainsi qu’avec le vice-premier
ministre et ministre de la pêche et des ressources marines de la Somalie
(M. Abdirahman Haji Adan Ibbi).
29. La Norvège a fourni à la Somalie un savoir-faire aussi bien technique que scientifique et
38
a exercé ses bons offices en vue de faciliter la conclusion d’un accord avec le Kenya . Elle lui a
notamment apporté «l’aide d’experts en droit international du ministère norvégien des affaires
étrangères, d’experts en géosciences de la direction des ressources pétrolières de Norvège et
d’experts du programme du 39UE sur le plateau continental, par l’intermédiaire du
16 centre GRID-Arendal» . Elle a pris à sa charge l’intégralité des dépenses pourtant considérables
découlant de la constitution du dossier . 40
30. Cette assistance s’inscrivait dans le cadre de l’«engagement de la Norvège en faveur d’un
règlement complet et durable de la situation en Somalie et traduit sa volonté de permettre au
41
représentant spécial du Secrétaire général pour la Somalie d’exercer sa mission» . La Norvège a
fourni une assistance similaire aux Etats membres de la Communauté économique des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (ci-après, la «CEDEAO»), qui ont soumis une demande conjointe à la
42
Commission des limites .
«La Somalie compte parmi les Etats en développement qui ont particulièrement du mal à
satisfaire aux exigences de l’article 4 de l’annexe II de la convention faute des ressources financières et
techniques nécessaires, ainsi que des capacités et de l’expertise voulues en la matière. En outre, la
Somalie continue de se heurter à un certain nombre d’autres contraintes liées à sa situation du point de
vue politique et sur le plan de la sécurité, qui constituent de sérieux obstacles au respect de ces
exigences.»
37
Note verbale en date du 17 août 2011 adressée au Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies par la
mission permanente de la Norvège auprès de l’Organisation (annexe 4). Voir également le dossier d’informations
préliminaires déposé par la Somalie au mois d’avril 2009 (MS, annexe 66) et la demande présentée par celle-ci en
juillet 2014 (MS, annexe 70), où il est indiqué que,
«[s]ur cette base, en octobre 2008, le représentant spécial du Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies pour la Somalie, M. Ahmedou Ould Abdallah, a entamé la constitution du dossier
d’informations préliminaires… Pour ce faire, il a accepté l’aide que lui proposait le Gouvernement
norvégien.»
38
Comme il est indiqué dans le dossier d’informations préliminaires déposé par la Somalie au mois d’avril 2009
(MS, annexe 66).
39 Communiqué de presse du ministère norvégien des affaires étrangères en date du 17 avril 2009, intitulé
«Avec l’aide de la Norvège, la Somalie soumet des informations préliminaires indicatives sur la limite extérieure de
son plateau continental» et disponible (en anglais) à l’adresse suivante : https://www.regjeringen.no/en/
aktuelt/shelf_assistance/id555771/ (annexe 5).
40 Comme il est indiqué dans le dossier d’informations préliminaires déposé par la Somalie au mois d’avril 2009
(MS, annexe 66).
41 Comme il est indiqué dans le dossier d’informations préliminaires déposé par la Somalie au mois d’avril 2009
(MS, annexe 66), à la page 4. Voir également la résolution 1801 (2008) du Conseil de sécurité du 20 février 2008 et la
résolution A/RES/63/111 de l’Assemblée générale du 5 octobre 2008.
42 Voir la demande conjointe en date du 25 septembre 2014 présentée à la Commission des limites du plateau
continental par les Etats de l’Afrique de l’Ouest. - 9 -
B. La proposition de la Somalie au Kenya de conclure le mémorandum d’accord
31. C’est la Somalie elle-même, et non le Kenya, qui a proposé de conclure le mémorandum
d’accord. Ainsi qu’il est exposé plus en détail dans la section C ci-après, la Somalie souhaitait,
avec la Norvège, s’assurer que le Kenya ne soulèverait aucune objection à l’examen de sa demande
par la Commission des limites du plateau continental. En effet, l’alinéa a) du paragraphe 5 de
l’annexe I du règlement intérieur de la Commission indique en particulier que celle-ci ne peut
formuler de recommandations concernant des espaces maritimes en litige qu’avec l’accord
préalable des Etats parties au différend . La constitution du dossier destiné à la Commission
supposait une dépense très importante. En outre, les recommandations de la Commission étaient
nécessaires pour fixer la limite extérieure du plateau continental et pouvoir ainsi parvenir à un
17 accord sur une délimitation complète et définitive de la frontière maritime. La Norvège a donc
établi le mémorandum d’accord pour le compte de la Somalie afin de l’aider à constituer son
dossier pour la Commission et à parvenir ensuite à un accord avec le Kenya sur la délimitation . 44
32. Le 10 mars 2009 s’est tenue à Nairobi entre le vice-premier ministre de la Somalie, le
représentant spécial adjoint du Secrétaire général pour la Somalie (M. Charles Petrie) et
45
l’ambassadeur norvégien (M. Longva) une réunion au cours de laquelle la Somalie a été informée
de l’initiative du représentant spécial et de l’assistance offerte par la Norvège pour la constitution
du dossier à soumettre à la Commission . 46
33. C’est lors de cette réunion que M. Longva a présenté pour la première fois au
47
vice-premier ministre de la Somalie le projet de mémorandum d’accord .
34. Le texte a été accepté, d’abord par la Somalie puis par le Ke48a, moyennant quelques
modifications mineures de nature purement technique ou formelle .
35. En mars 2009, le conseil des ministres de la Somalie a approuvé le projet de
mémorandum ainsi que le dossier d’informations préliminaires destiné à la Commission . Il a 49
18 exprimé sa gratitude au représentant spécial du Secrétaire général ainsi qu’à la Norvège pour son
43
Règlement intérieur de la Commission des limites du plateau continental, annexe I, par. 5, al. a),
Nations Unies, doc. CLCS/40/Rev. 1 (texte reproduit à l’annexe 57 du mémoire de la Somalie et disponible à l’adresse
suivante : http://www.un.org/depts/los/clcs_new/commission_documents.htm#Rules of Procedure).
44Courrier électronique adressé en mars 2009 à Mme Juster Nkoroi par M. Hans Wilhelm Longva (annexe 6) et
échange de courriers électroniques entre Mme Rina Kristmoen, M. Abdirahman Ibbi, M. Hans Wilhelm Longva et
Mme Juster Nkoroi (10–22 mars 2009) (annexe 7).
45 Le nouveau Gouvernement fédéral de transition de la République somalienne a prêté serment le
22 février 2009.
46 Voir le dernier paragraphe de la page 4 (de l’anglais) du dossier d’informations préliminaires déposé par la
Somalie au mois d’avril 2009 (MS, annexe 66).
47Courrier électronique adressé en mars 2009 à Mme Juster Nkoroi par M. Hans Wilhelm Longva (annexe 6).
48
Echange de courriers électroniques du 27 mars 2009 entre M. Hans Wilhelm Longva, M. Abdirahman Ibbi et
Mme Juster Nkoroi (annexe 8) ; échange de courriers électroniques du 30 mars 2009 entre Mme Edith K. Ngungu et
M. Hans Wilhelm Longva (annexe 9) et échange de courriers électroniques des 30 et 31 mars 2009 entre
Mme Edith K. Ngungu et M. Hans Wilhelm Longva (annexe 10).
49 Voir le premier paragraphe de la page 5 (de l’anglais) du dossier d’informations préliminaires déposé par la
Somalie au mois d’avril 2009 (MS, annexe 66) ; échange de courriers électroniques entre Mme Rina Kristmoen,
M. Abdirahman Ibbi, M. Hans Wilhelm Longva et Mme Juster Nkoroi (10–22 mars 2009) (annexe 7). - 10 -
50
aide . M. Longva a informé la représentante du Kenya que le conseil des ministres somalien avait51
approuvé à la fois le mémorandum d’accord et le dossier d’informations préliminaires .
36. Dans les jours qui ont suivi, le vice-premier ministre somalien, M. Longva et la
représentante du Gouvernement kényan ont pris des dispositions en vue de la signature du
52
mémorandum d’accord . Le premier ministre de la Somalie a confirm53à M. Longva qu’il se
rendrait le 2 avril 2009 à Nairobi pour signer l’accord . Toutefois, en raison de difficultés
d’organisation, M. Longva a par la suite écrit au vice-premier ministre somalien pour lui indiquer
ce qui suit :
«Dans l’éventualité où le premier ministre ne serait pas en mesure de se rendre
à Nairobi comme prévu, je suggère que M. Abdirahman Abdishakur Warsame,
ministre de la planification nationale et de la coopération internationale, qui se trouve
actuellement à Nairobi, se voie conférer l’autorisation nécessaire pour signer le
54
mémorandum d’accord afin que la signature puisse avoir lieu le 3 avril 2009.»
37. Le 5 avril 2009, à l’invitation du premier ministre 55 du vice-premier ministre de la
Somalie, M. Longva s’est rendu à Mogadiscio . Il a également été reçu par
19 M. Sharif Sheikh Ahmed, président de la Somalie, et a eu la possibilité de tenir une réunion avec le
56
conseil des ministres pour examiner plus avant les questions relatives au plateau continental .
38. Le lendemain, le 6 avril 2009, le consei57des ministres somalien a réaffirmé qu’il
approuvait le mémorandum et sa signature . Cette décision a été entérinée par le président
somalien, et le ministre de la planification nationale et de la coopération internationale a été
autorisé 58r le premier ministre à signer le mémorandum au nom du Gouvernement de la
Somalie .
39. Le Kenya a été informé par M. Longva que le président de la Somalie avait approuvé la
conclusion du mémorandum et que, «[e]n ce qui concern[ait] cette dernière, ce document sera[it]
50 Voir le premier paragraphe de la page 5 (de l’anglais) du dossier d’informations préliminaires déposé par la
Somalie au mois d’avril 2009 (MS, annexe 66).
51 Echange de courriers électroniques entre Mme Rina Kristmoen, M. Abdirahman Ibbi, M. Hans Wilhelm
Longva et Mme Juster Nkoroi (10–22 mars 2009) (annexe 7).
52 Echange de courriers électroniques du 27 mars 2009 entre M. Hans Wilhelm Longva, M. Abdirahman Ibbi et
Mme Juster Nkoroi (annexe 8).
53
Courrier électronique adressé à M. James Kihwaga par M. Hans Wilhelm Longva (annexe 11) et courrier
électronique du 2 avril 2009 adressé à M. Abdirahman Ibbi par M. Hans Wilhelm Longva (annexe 12).
54
Courrier électronique du 2 avril 2009 adressé à M. Abdirahman Ibbi par M. Hans Wilhelm Longva
(annexe 12).
55
Comme il est indiqué à la page 5 (de l’anglais) du dossier d’informations préliminaires déposé par la Somalie
au mois d’avril 2009 (MS, annexe 66).
56 Comme il est indiqué à la page 5 (de l’anglais) du dossier d’informations préliminaires déposé par la Somalie
au mois d’avril 2009 (MS, annexe 66).
57 Communiqué de presse de M. Abdirahman Abdishakur, ancien ministre somalien de la planification nationale
et de la coopération internationale, daté du 7 juillet 2012 et publié (en anglais) sur le site d’information Al Shahid à
l’adresse suivante : http://english.alshahid.net/archives/30036 (annexe 13).
58 Ibid. - 11 -
signé par le ministre de la planification nationale et de la coopération internationale,
M. Abdirahman Abdishakur Warsame» . 59
40. Un communiqué norvégien le confirmait en ces termes :
«Le Gouvernement fédéral de transition de la République somalienne et le
président ont donné leur approbation finale à [la signature du mémorandum] le
6 avril 2009, à la suite de réunions tenues à Mogadiscio en présence de
M. Hans Wilhelm Longva, représentant du ministère norvégien des affaires
étrangères.»60
20 41. Le ministre somalien de la planification nationale et de la coopération internationale a, de
même, confirmé ce qui suit :61
«Le 6 avril 2009, le Gouvernement fédéral de transition alors en fonction a
examiné la question des droits de la Somalie sur le plateau continental à la demande
du ministre de la pêche et des ressources marines, M. Abdirahman Ibbi. Après avoir
entendu les comptes rendus d’experts de l’Organisation des Nations Unies et du
Gouvernement norvégien, le conseil des ministres a approuvé la signature du
mémorandum d’accord puis a soumis la question au président, qui a rencontré les
experts et donné son aval. Il convient de préciser que tous les ministres étaient alors
62
encore en vie, cet épisode étant antérieur à l’attentat de l’hôtel Shamo[ ] et à
l’assassinat du ministre Omar Hashi. Je ne saurais dire si les trente-neuf ministres ont
tous assisté à ce conseil puisque j’étais moi-même à Nairobi, de retour d’une
conférence à laquelle j’avais assisté au Botswana.»
42. Et le ministre de poursuivre :
«Une fois la décision prise par le gouvernement et le président, j’ai été appelé
par le premier ministre de l’époque, M. Omar Abdirashid, qui m’a chargé de signer le
mémorandum d’accord avec le Kenya en précisant que cela devait être fait d’ici au
7 avril 2009 car, si cette date butoir était dépassée, la Somalie risquait de perdre tout
droit sur le plateau continental … J’ai prié le premier ministre de consigner
formellement par écrit la teneur de la mission qu’il entendait me confier pour le
compte du Gouvernement fédéral de transition, ce à quoi il a consenti. J’ai également
appelé le président, qui m’a confirmé avoir rencontré les experts de l’Organisation des
Nations Unies et de la Norvège et approuver le mémorandum d’accord.»
59
Courrier électronique adressé à M. James Kihwaga par M. Hans Wilhelm Longva (annexe 14).
60Communiqué de presse du ministère norvégien des affaires étrangères en date du 17 avril 2009, intitulé
«Avecl’aide de la Norvège, la Somalie soumet des informations préliminaires indicatives sur la limite extérieure de son
plateau continental» et disponible (en anglais) à l’adresse suivante : https://www.regjeringen.no/en/aktuelt/
shelf_assistance/id555771/ (annexe 5).
61Communiqué de presse de M. Abdirahman Abdishakur, ancien ministre somalien de la planification nationale
et de la coopération internationale, daté du 7 juillet 2012 et publié (en anglais) sur le site d’information Al Shahid à
l’adresse suivante : http://english.alshahid.net/archives/30036 (annexe 13).
62
En décembre 2009, un attentat-suicide a été commis par un membre du mouvement des Chabab dans
l’hôtel Shamo à Mogadiscio, tuant vingt-cinq personnes dont quatre ministres du gouvernement. - 12 -
43. Le ministre a en outre déclaré ceci :
«Le premier ministre m’a exposé comment la décision avait été prise et, lorsque
21
je lui ai demandé si des juristes avaient été consultés sur la question, il a mentionné
M. Abdikawi Yussuf (sic), juge somalien siégeant à la Cour internationale à La Haye,
lequel avait selon lui été consulté et avait recommandé de signer le mémorandum
d’accord.»
44. En conséquence :
a) c’est la Somalie elle-même qui a proposé au Kenya de conclure le mémorandum d’accord ;
b) le texte du mémorandum a été rédigé et revisé par des experts norvégiens et somaliens ;
c) il a été approuvé par le premier ministre de la Somalie, ainsi que par le conseil des ministres et
le président de cet Etat ; et
d) le premier ministre de la Somalie a autorisé le ministre de la planification nationale et de la
coopération internationale à le signer au nom du Gouvernement somalien.
C. La signature et l’entrée en vigueur du mémorandum d’accord le 7 avril 2009
45. Le 7 avril 2009, le ministre kényan des affaires étrangères et le ministre somalien de la
planification nationale et de la coopération internationale, l’un et l’autre dûment autorisés à ce faire
par leurs gouvernements respectifs, ont signé le mémorandum d’accord lors d’une cérémonie
formelle tenue à Nairobi. Le mémorandum prévoyait qu’il «entrera[it] en vigueur à sa signature».
D. L’objet, le but et le libellé du mémorandum d’accord
L’objet et le but du mémorandum d’accord
46. L’objet et le but du mémorandum de 2009 étaient d’établir un accord sur une méthode
permettant de fixer de manière définitive la frontière maritime entre le Kenya et la Somalie, tant en
22 deçà qu’au-delà des 200 milles marins. Dans le mémorandum, les deux Etats ont reconnu la
nécessité de donner leur consentement préalable à l’examen par la Commission des limites du
plateau continental de leurs demandes respectives de sorte que celle-ci puisse formuler ses
recommandations, et ce, sans préjudice d’un accord ultérieur sur la frontière maritime. Il était en
effet évident que toute objection entraînerait un gaspillage considérable, la collecte et l’analyse des
informations à soumettre à la Commission étant très onéreuses, et créerait une impasse inextricable.
Les Parties sont également convenues que, une fois que la Commission aurait achevé son examen
et que la limite extérieure du plateau continental pourrait être établie définitivement, elles
procéderaient à la délimitation de l’intégralité de leur frontière maritime par la voie de
négociations, et non en ayant recours à une procédure contraignante. - 13 -
47. Cette méthode en deux temps est conforme à la jurisprudence de la Cour, qui subordonne
63
la délimitation d’un plateau continental étendu à l’examen préalable de la Commission .
Nonobstant la limite de la ZEE établie en 1979, il s’agit là d’une considération importante car la
forme concave de la côte africaine donnant sur l’océan Indien produit, au détriment du Kenya, un
effet d’amputation amplifié au-delà de la limite des 200 milles marins. Il y a donc lieu de
circonscrire avec précision l’ensemble de la zone maritime à délimiter pour parvenir à une
«solution équitable» conformément au droit international.
Le libellé du mémorandum d’accord
48. Le libellé du mémorandum d’accord est clair et dépourvu d’ambiguïté. Son caractère
juridiquement contraignant l’est tout autant.
23 49. Le premier point du dispositif du mémorandum d’accord se lit comme suit :
«La délimitation du plateau continental entre la République du Kenya et la
République somalienne (ci-après dénommées collectivement «les deux Etats côtiers»)
n’a pas encore été fixée. Cette question non encore résolue de la délimitation entre les
deux Etats côtiers doit être considérée comme un différend maritime. Les
revendications des deux Etats côtiers couvrent une zone de chevauchement du plateau
continental qui constitue la «zone en litige».»
50. Il est souligné au deuxième point du dispositif que le mémorandum est sans préjudice de
la délimitation définitive de la frontière maritime et qu’il reflète l’«intérêt commun» des Parties à
fixer la limite extérieure de leurs portions respectives de plateau continental :
«Les deux Etats côtiers sont conscients que l’établissement des limites
extérieures du plateau continental au-delà de 200 milles marins est sans préjudice de la
question de la délimitation du plateau continental entre des Etats ayant des littoraux
adjacents ou qui se font face. Bien que les deux Etats côtiers aient des intérêts
divergents en ce qui concerne la délimitation du plateau continental dans la zone en
litige, ils ont un sérieux intérêt commun à établir les limites extérieures du plateau
continental au-delà de 200 milles marins, sans préjudice de la future délimitation du
plateau continental entre les deux Etats. Sur cette base, les deux Etats côtiers sont
déterminés à travailler ensemble à la sauvegarde et à la promotion de leur intérêt
commun en ce qui concerne l’établissement des limites extérieures du plateau
continental au-delà de 200 milles marins.»
51. Le troisième point du dispositif indique que, n’étant pas prête à déposer un dossier
complet, la Somalie ne soumettrait à la Commission que des informations préliminaires avant la
date butoir du 13 mai 2009, qui était imminente, et que le Kenya n’y ferait pas objection :
24 «Avant le 13 mai 2009, le Gouvernement fédéral de transition de la République
somalienne entend soumettre au Secrétaire général des Nations Unies des informations
préliminaires indiquant les limites extérieures du plateau continental au-delà de
63Dans l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) (arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II),
p. 669, par. 126), la Cour a réaffirmé la conclusion qu’elle avait formulée dans l’affaire du Différend territorial et
maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras) (arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 759, par. 319), à savoir que «toute prétention [d’un Etat partie à la CNUDM] relative à des
droits sur le plateau continental au-delà de 200 milles doit être conforme à l’article 76 de la CNUDM et examinée par la
Commission des limites du plateau continental constituée en vertu de ce traité». - 14 -
200 milles marins. Cette communication pourrait comprendre la zone en litige.
Celle-ci aura uniquement pour but de se conformer à la période mentionnée à
l’article 4 de l’annexe II de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
Elle n’influera pas sur les positions des deux Etats côtiers en ce qui concerne le
différend qui les oppose et sera sans préjudice de la future délimitation des frontières
maritimes dans la zone en litige, y compris la délimitation du plateau continental au-
delà de 200 milles marins. Sur la base de cet accord, la République du Kenya ne voit
aucune objection à faire figurer les zones en litige dans la communication par la
République somalienne des informations préliminaires indiquant les limites
extérieures du plateau continental au-delà de 200 milles marins.»
52. Au quatrième point du dispositif, il est précisé que le Kenya déposera son dossier
complet dans le délai venant à expiration le 13 mai 2009 et la Somalie, à une date ultérieure,
aucune des Parties ne devant faire obstacle à l’examen du dossier de l’autre :
«Les deux Etats côtiers conviennent que, à un moment approprié, dans le cas de
la République du Kenya avant le 13 mai 2009, chacun d’eux soumettra séparément
une communication à la Commission des limites du plateau continental (ci-après
dénommée «la Commission»), qui peut comprendre la zone en litige, demandant à la
Commission de formuler des recommandations à l’égard des limites extérieures du
plateau continental au-delà de 200 milles marins, sans tenir compte des frontières
maritimes qui les séparent. Les deux Etats côtiers donnent par la présente leur
consentement préalable à l’examen par la Commission de ces communications portant
sur la zone en litige. Les communications formulées devant la Commission et les
recommandations approuvées par cette dernière à cet égard n’influenceront pas la
position adoptée par les deux Etats côtiers concernant le différend maritime qui les
oppose et seront sans préjudice de la future délimitation des frontières maritimes dans
25
la zone en litige, y compris la délimitation du plateau continental au-delà de
200 milles marins.»
53. Au cinquième point du dispositif est ensuite exposé le mode de règlement du différend
qui sera utilisé après l’examen de la Commission et ce, à l’égard de l’intégralité de la frontière
maritime, tant en deçà qu’au-delà des 200 milles marins :
«La délimitation des frontières maritimes dans la zone en litige, y compris la
délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins, fera l’objet d’un
accord entre les deux Etats côtiers sur la base du droit international après que la
Commission aura achevé l’examen des communications séparées effectuées par
chacun des deux Etats côtiers et formulé ses recommandations … concernant
l’établissement des limites extérieures du plateau continental au-delà de
200 milles marins.» 64
54. Enfin, le mémorandum d’ac65rd indique dans des termes dépourvus d’ambiguïté qu’il
«entrera en vigueur à sa signature» . Les signatures des ministres kényan et somalien figurent sur
64
Le mémorandum d’accord n’exclut pas la tenue de négociations parallèlement à l’examen de la Commission,
mais prévoit qu’aucun accord définitif ne pourra être conclu tant que celle-ci n’aura pas formulé ses recommandations.
65Comme il a déjà été relevé, ce paragraphe n’est pas mentionné dans le mémoire de la Somalie. - 15 -
la dernière page, précédées de la mention selon laquelle ceux-ci ont été «dûment autorisés par leurs
66
gouvernements respectifs» à cet effet .
26 Absence de référence dans le mémorandum à la ratification ou au retrait
55. Dans son mémoire, la Somalie ne conteste pas que le mémorandum d’accord est
effectivement entré en vigueur à sa signature, le 7 avril 2009 . Elle se contente d’affirmer que son
Parlement fédéral de transition a voté contre la «ratification» du mémorandum sans produire ne
fût-ce qu’un compte rendu, que ce soit du vote ou des débats, ou autre document démontrant que la
ratification formelle était réellement requise –– quod non, celle-ci n’ayant donc aucune importance
en l’espèce et faisant état des motifs avancés pour rejeter cet instrument. Tout au plus est-il
indiqué à titre incident, dans une lettre datée du 10 octobre 2009, que le69ejet par le Parlement
fédéral du mémorandum d’accord rendait celui-ci «non opposable» .
56. En tout état de cause, l’affirmation de la Somalie est totalement dépourvue de pertinence.
Le texte du mémorandum ne fait référence à aucune obligation de ratification ultérieure. Au
contraire, ainsi qu’observé précédemment, il y est indiqué en des termes catégoriques que le
mémorandum «entrera en vigueur à sa signature». Les échanges ayant conduit à l’adoption de cet
instrument ne donnent pas davantage à penser que les Parties aient jamais envisagé d’établir une
obligation de ratification.
27 57. En outre, aucune possibilité de dénonciation ou de retrait unilatéral n’a été ménagée dans
le mémorandum, ni même simplement envisagée, et pour cause : une telle possibilité aurait de toute
évidence été à l’encontre de l’objet et du but précis de cet instrument, à savoir établir une méthode
permettant de régler de façon complète et définitive le différend relatif à la frontière maritime.
E. Le comportement ultérieur des Parties
8 avril 2009 : confirmation de la validité du mémorandum d’accord par la Somalie dans le
cadre de son dossier d’informations préliminaires destiné à la Commission des limites du
plateau continental
58. Le 8 avril 2009 (soit le lendemain de la conclusion du mémorandum), le premier ministre
somalien a transmis au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies des informations
70
préliminaires indicatives sur la limite extérieure du plateau continental de la Somalie .
66Comme il est indiqué plus loin, cette autorisation a été ultérieurement confirmée par le premier ministre de la
Somalie à deux reprises au moins.
67 Voir MS, annexe 6, «Mémorandum d’accord entre le Gouvernement de la République du Kenya et le
Gouvernement fédéral de transition de la République somalienne, afin d’accorder à chacun non-objection à l’égard des
communications à la Commission des limites du plateau continental sur les limites extérieures du plateau continental
au-delà de 200 milles marins», Nations Unies, Recueil des traités, vol. 2599, p. 35, signé et entré en vigueur le
7 avril 2009 (les italiques sont de nous).
68Voir MS, par. 3.40.
69
Voir MS, note de bas de page 117. Le sens du terme «non opposable» [«non-actionable» en anglais] n’est pas
précisé. Comme il est indiqué plus loin, lors d’une réunion de membres de la diaspora somalienne qui s’est tenue à
Londres le même mois, le signataire du mémorandum d’accord, ministre de la planification nationale et de la coopération
internationale (M. Abdirahman Abdishakur Warsame), a confirmé en présence du premier ministre de la Somalie
(M. Omar Abdirashid Ali Sharmarke) que le mémorandum avait été approuvé par celui-ci. Voir la transcription de cette
réunion (annexe 15) et l’enregistrement vidéo (annexe 47).
70
MS, annexe 66. - 16 -
59. La Somalie savait bien que, en application du troisième point du dispositif du
mémorandum, le Kenya n’élèverait pas d’objection contre ces informations. De fait, elle a
reproduit le texte intégral du mémorandum dans sa communication, et y a également joint une
copie de l’instrument original signé . 71
60. Elle y confirmait en outre expressément que le mémorandum d’accord avait été
validement conclu :
«Le 7 avril 2009, à l’issue de consultations entre les deux parties, le ministre de
la planification nationale et de la coopération internationale du Gouvernement fédéral
de transition de la République somalienne et le ministre des affaires étrangères de la
28 République du Kenya, l’un et l’autre dûment autorisés à ce faire par leurs
gouvernements respectifs, ont signé à Nairobi un mémorandum d’accord…» 72 (Les
italiques sont de nous.)
Mai 2009 : confirmation de la validité du mémorandum d’accord par le Kenya dans le cadre
de sa demande à la Commission des limites du plateau continental
61. Dans le respect du délai fixé au titre du paragraphe 8 de l’article 76 de la CNUDM et de
73
l’article 4 de l’annexe II, le Kenya a soumis son dossier complet à la Commission le 6 mai 2009 .
L’Organisation des Nations Unies en a accusé réception le 11 mai 2009, puis le président de la
Commission a déclaré que la demande du Kenya serait inscrite à l’ordre du jour provisoire de la
74
vingt-quatrième session de cette dernière .
62. Le Kenya a investi des ressources considérables dans la préparation de sa demande à l75
Commission, s’assurant le concours des experts techniques et scientifiques voulus . Selon sa
déclaration à la dix-neuvième réunion des Etats parties à la CNUDM, tenue en juin 2009 : 76
«la délégation kényane … tient à rappeler que des ressources considérables ont été
consacrées à la détermination de la limite extérieure du plateau continental au-delà de
200 milles marins, en particulier par les Etats en développement et les petits Etats
29 insulaires. Il a fallu notamment former du personnel, collecter et analyser des
données, et établir les rapports qui viennent d’être soumis.»
71 MS, annexe 66, p. 8-9. Comme il a été indiqué précédemment, la Somalie n’en fait pas mention dans son
mémoire, se bornant à déclarer ce qui suit au paragraphe 3.28 : «Le 14 avril 2009, dans le délai convenu par les Etats
parties à la convention, la Somalie a soumis à la Commission des informations préliminaires indicatives sur la limite
extérieure de son plateau continental au-delà de 200 milles marins.»
72
Ibid., p. 8.
73
MS, annexe 59 (demande soumise par la République du Kenya à la Commission des limites du plateau
continental concernant la limite de son plateau continental au-delà de 200 milles marins, résumé, avril 2009).
74 MS, annexe 60 (Nations Unies, division des affaires maritimes et du droit de la mer, réception de la demande
présentée par la République du Kenya à la Commission des limites du plateau continental, doc. CLCS.35.2009.LOS,
11 mai 2009) et annexe 61 (Nations Unies, déclaration du présidenerde la Commission des limites du plateau continental
sur l’état d’avancement des travaux de la Commission, doc. CLCS/64, 1 octobre 2009).
75 La constitution du dossier destiné à la Commission a nécessité la collecte de données bathymétriques et
géophysiques (sismique, magnétisme et gravité) ainsi que leur analyse, faisant appel à des connaissances techniques
hautement spécialisées et à des ressources financières importantes, notamment pour l’affrètement de navires
hydrographiques.
76 Déclaration du Kenya à la dix-neuvième réunion des Etats parties à la [Convention] des Nations Unies sur le
droit de la mer tenue du 22 au 26 juin 2009 (annexe 16). - 17 -
63. S’attendant à ce que, conformément au quatrième point du dispositif du mémorandum, la
Somalie n’élève pas d’objection, le Kenya a fait observer ce qui suit :
«[L]es deux pays ont signé un mémorandum d’accord en date du 7 avril 2009
dans lequel ils s’accordent réciproquement non-objection à l’égard de leurs demandes
à la Commission des limites du plateau continental concernant la limite extérieure de
leur plateau continental respectif.» 77
Juin 2009 : enregistrement et publication du mémorandum d’accord par l’Organisation des
Nations Unies
64. Le 11 juin 2009, conformément à l’article 102 de la Charte des Nations Unies, le
78
mémorandum d’accord a été formellement enregistré au Secrétariat de l’Organisation , qui a émis
un certificat à cet effet le 14 août 2009 . Il a ensuite été publié au Recueil des traités des Nations
80 o 81
Unies (vol. 2599, 2009) et au Bulletin du droit de la mer (n 70, 2009) .
er
1 août 2009 : rejet du mémorandum d’accord par le Parlement somalien
65. Quelque temps après sa signature, le mémorandum d’accord est, contre toute attente,
devenu l’objet d’une vive controverse dans les médias et les milieux politiques somaliens, la
rumeur voulant qu’il s’inscrive dans le cadre d’une machination (entre la Somalie, le Kenya, la
82
Norvège et les Nations Unies) visant à «brader la mer» au Kenya . Ces accusations incendiaires
30 auraient été lancées par le mouvement des Chabab afin d’attiser la colère populaire à l’encontre du
Gouvernement somalien. Le 11 avril 2009, on pouvait ainsi lire ce qui suit dans le Somaliland
Times :
«Dans la capitale somalienne, Mogadiscio, les opposants au Gouvernement
fédéral de transition ont répandu des informations et accusé les dirigeants somaliens
de «brader la mer» à la République du Kenya voisine. A tort ou à raison, ces
informations ont été prises pour argent comptant par la population somalienne déjà
aux prises avec une guerre civile qui dure depuis près de vingt ans, des prévarications
endémiques et un lourd héritage colonial.» 83
77
MS, annexe 59, par. 7-3.
78 Message en date du 20 août 2009 adressé au service juridique du ministère des affaires étrangères par
Mme Jacqueline K. Moseti concernant l’enregistrement du mémorandum d’accord entre le Gouvernement du Kenya et le
Gouvernement fédéral de transition de la République somalienne, et accompagné d’une note verbale du Secrétariat de
l’Organisation des Nations Unies en date du 14 août 2009 et du certificat d’enregistrement (confirmant l’enregistrement
du mémorandum d’accord le 11 juin 2009) (annexe 17).
79
Ibid.
80
MS, annexe 6.
81Nations Unies, Bulletin du droit de la mer, n 70 (2010) (annexe 18).
82Article en date du 11 avril 2009 intitulé «Exclusif : la Somalie et le Kenya concluent un mémorandum d’accord
portant sur la zone maritime «en litige»» et publié dans The Somaliland Times, n 376, disponible (en anglais) à l’adresse
suivante : http://www.somalilandtimes.net/sl/2009/376/14.shtml (annexe 19). Voir également l’article de
M. Aburahman Hosh Jibril en date du 10 septembre 2009 intitulé «Mémorandum d’accord entre la Somalie et le Kenya :
une sérieuse mise au point s’impose» et publié (en anglais) sur WardheerNews.com (annexe 20).
83
Article en date du 11 avril 2009 intitulé «Exclusif : la Somalie etole Kenya concluent un mémorandum d’accord
portant sur la zone maritime «en litige»» et publié dans The Somaliland Times, n 376, disponible (en anglais) à l’adresse
suivante : http://www.somalilandtimes.net/sl/2009/376/14.shtml (annexe 19). - 18 -
66. La Norvège, qui avait investi des ressources considérables dans son assistance à la
Somalie, était désormais dépeinte comme l’ennemi du peuple somalien. D’après des menaces
reçues par son ambassade à Nairobi, il lui était reproché d’avoir soutenu «le Kenya dans son
dessein de s’approprier les eaux baignant les côtes somaliennes voisines pour l’exploration
pétrolière», ce dernier devant, en tant qu’«ennemi de l’Islam … se préparer à essuyer la vengeance
et les attaques imminentes d’Al-Qaida» . La crainte d’actes de terrorisme était si grande qu’elle a
85
entraîné la fermeture de l’ambassade de Norvège à Nairobi pendant plusieurs jours en mai 2009 .
67. A la faveur de cette campagne de désinformation, le mémorandum d’accord a fait l’objet,
au Parlement somalien, de débats houleux qui ont abouti à son rejet à l’issue d’un vote tenu le
1 août 2009. Comme il a déjà été dit, la Somalie affirme à présent dans son mémoire que le
31 mémorandum d’accord est «non opposable» parce que le Parlement somalien a «voté contre [s]a
ratification» . Il a été relevé plus haut que la Somalie ne produit avec son mémoire ni le compte
rendu du vote ou des débats de son Parlement ni aucun autre document démontrant que le rejet de
celui-ci était lié à sa ratification formelle ou même qu’une telle ratification était réellement
nécessaire . Comme le reconnaît la Somalie dans son mémoire, le mémorandum était déjà entré
en vigueur, dès la date de sa signature . 88
19 août 2009 : confirmation de la validité du mémorandum d’accord par la Somalie dans sa
lettre à l’Organisation des Nations Unies
68. En dépit de cette âpre controverse, la Somalie n’a pas remis en question la validité du
mémorandum d’accord. Au contraire, tout juste quelques jours après le vote parlementaire du
1 août 2009, le premier ministre somalien en a confirmé la prise d’effet au Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies . Dans une lettre en date du 19 août 2009 (dans un paragraphe
dont il n’est fait aucun cas dans le mémoire de la Somalie), le premier ministre somalien déclarait
en effet ce qui suit :
«Le 7 avril 2009, le ministre des affaires étrangères de la République du Kenya
et le ministre de la planification nationale et de la coopération internationale de la
République somalienne, l’un et l’autre dûment autorisés à ce faire par leurs
84Article en date du 27 mai 2009 intitulé «Menace d’attentat contre la Norvège au Kenya» et publié (en anglais)
sur le site de l’agence Reuters à l’adresse suivante : http://www.reuters.com/article /2009/05/27/idUSLR986749
(annexe 21).
85Article de M. Rolleiv Solholm en date du 29 mai 2009 intitulé «Réouverture de l’ambassade de Norvège à
Nairobi» (annexe 22).
86
Par. 3.40-3.41.
87
Voir par. 3.40. Comme il a été indiqué ci-dessus, la Somalie se contente de citer la
lettre OPM/IC/00./016/11/09 en date du 10 octobre 2009 adressée à S. Exc. M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies, par S. Exc. M. Omar Abdirashid Ali Sharmarke, premier ministre du Gouvernement
fédéral de transition de la République somalienne (MS, vol. III, annexe 3). Les comptes rendus du vote que l’on trouve
dans les médias somaliens, y compris l’enregistrement vidéo de ce qui paraît être le débat parlementaire, indiquent qu’il a
été décidé de «rejeter» le mémorandum d’accord, mais sans fournir la moindre explication quant aux fondements
juridiques du vote ou d’une quelconque obligation de «ratification» : voir le compte rendu et la transcription des débats
du parlement fédéral de transition de la République de Somalie au sujet d’une motion relative au mémorandum d’accord
de 2009 (août 2009) (annexe 23). L’enregistrement vidéo figure à l’annexe 46.
88Voir MS, annexe 6.
89 MS, annexe 37 (lettre en date du 19 août 2009 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies, S. Exc. M. Ban Ki-moon, par le premier ministre du Gouvernement fédéral de transition de la République
somalienne, S. Exc. M. Omar Abdirashid Ali Sharmarke). - 19 -
32 gouvernements respectifs, ont signé à Nairobi un [mémorandum d’accord]. Une copie
de ce mémorandum d’accord … est jointe aux informations préliminaires.» 90
69. Qui plus est, s’agissant précisément du «différend maritime» opposant le Kenya et la
Somalie, le premier ministre somalien confirmait dans la même lettre au Secrétaire général la
méthode de règlement en deux temps convenue entre les Parties, en reprenant l’intégralité du
cinquième point du dispositif du mémorandum d’accord, comme suit :
«Selon le mémorandum d’accord, la délimitation des frontières maritimes dans
la zone en litige, y compris la délimitation du plateau continental au-delà de 200
milles marins, fera l’objet d’un accord entre les deux Etats côtiers sur la base du droit
international après que la Commission aura achevé l’examen des communications
séparées effectuées par chacun des deux Etats côtiers et formulé ses
recommandations … concernant l’établissement des limites extérieures du plateau
continental au-delà de 200 milles marins.»
70. Dans sa lettre au Secrétaire général, le premier ministre confirmait une nouvelle fois le
91
consentement de la Somalie à l’examen de la demande du Kenya par la Commission des limites .
33 71. De plus, en août 2009, la Norvège a, à la demande du Gouvernement somalien, entrepris
d’aider la S92alie à compléter son dossier pour en permettre le dépôt auprès de la Commission en
juillet 2014 .
Octobre 2009 : confirmation de la validité du mémorandum d’accord par le Kenya à la
vingt-quatrième session de la Commission des limites du plateau continental
72. C’est à la vingt-quatrième session de la Commission des limites tenue à New York que le
93
Kerya a fait une présentation de sa demande complète . Dans une déclaration datée du
1 octobre 2009, le président de la Commission a rendu compte en ces termes des informations
données par la représentante du Kenya :
«en attendant les négociations avec le Gouvernement fédéral de transition de la
République de Somalie, des arrangements provisoires d’ordre pratique [ont] été
conclus, conformément au paragraphe 3 de l’article 83 de la Convention. Ces
arrangements sont consignés dans un mémorandum d’accord signé le 7 avril 2009, par
lequel les parties s’engagent à ne pas faire objection à l’examen de leurs demandes
90
Un passage de cette lettre est cité au paragraphe 7.15 du mémoire de la Somalie, mais sans aucune référence au
mémorandum d’accord.
91
Voir la note verbale en date du 24 octobre 2014 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies par la mission permanente du Kenya auprès de l’Organisation (annexe 24), où l’on peut lire ce qui suit :
«Par lettre datée du 19 août 2009 et adressée au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies sous la cote XRW/00506/08/09, le Gouvernement fédéral de transition de la République
somalienne a confirmé la raison d’être, le but et la légitimité du mémorandum d’accord puis réaffirmé son
consentement, conformément à l’alinéa [a)] du paragraphe 5 [de l’annexe I] du règlement intérieur de la
Commission, à ce que celle-ci examine la demande du Kenya et répété que la délimitation des frontières
maritimes dans la zone en litige, y compris la délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles
marins, ferait l’objet d’un accord entre les deux Etats côtiers sur la base du droit international après que la
Commission aurait achevé l’examen des communications séparées effectuées par chacun des deux Etats.»
92Demande déposée par la Somalie en juillet 2014, p. 2 (résumé) (MS, annexe 70).
93
Nations Unies, déclaration du président de laerommission des limites du plateau continental sur l’état
d’avancement des travaux de la Commission, doc. CLCS/64, 1 octobre 2009 (MS, annexe 61). - 20 -
respectives. A cet égard, Mme Nkoroi a indiqué que l’une des notes verbales de la
Somalie, datée du 19 août 2009, était conforme au mémorandum d’accord et
confirmait qu’au moment opportun un mécanisme serait mis en place pour mener à
terme les négociations sur la frontière maritime avec la Somalie.» 94
73. Le Kenya a donc confirmé la méthode de règlement en deux temps établie au cinquième
point du dispositif du mémorandum d’accord, qui consistait pour les Parties à négocier en vue de
parvenir à un accord complet et définitif sur leur frontière maritime une fois que la Commission des
limites aurait examiné leurs demandes respectives.
34 74. Le mémorandum d’accord consignant le consentement de la Somalie aux fins de
l’alinéa a) du paragraphe 5 de l’annexe I de son règlement intérieur, la Commission a décidé de
créer une sous-commission chargée d’examiner la demande du Kenya , qui était la suivante sur la
liste à devoir être examinée à la trente-cinquième session de la Commission . 96
75. La procédure convenue par les Parties pour délimiter leur frontière maritime se déroulait
donc comme prévu. Le Kenya a déposé sa demande en mai 2009 et la Somalie devait déposer son
dossier complet en juillet 2014, à la session où serait examinée la demande du Kenya. La
Commission formulerait ensuite des recommandations sur la limite extérieure du plateau
continental, puis les Parties concluraient un accord définitif sur leur frontière maritime.
76. A l’occasion d’une conférence panafricaine sur les frontières maritimes et le plateau
continental tenue le mois suivant, en novembre 2009, M. Longva a salué le mémorandum d’accord
qui, selon lui, représentait une «avancée importante dans le traitement des questions de délimitation
maritime non résolues entre Etats voisins dans le cadre de l’établissement de la limite extérieure du
plateau continental au-delà de 200 milles marins» . 97
Mars 2010 : lettre de la Somalie à l’Organisation des Nations Unies
77. Le 2 mars 2010, près d’un an après l’entrée en vigueur du mémorandum d’accord et sa
publication dans le Recueil des traités des Nations Unies et le Bulletin du droit de la mer, la
mission permanente de la République somalienne auprès de l’Organisation des Nations Unies a
35 transmis au Secrétaire général de l’Organisation une lettre datée du 10 octobre 2009 (dont il a été
fait mention au paragraphe 55 ci-dessus) dans laquelle le premier ministre somalien informait
celui-ci que le mémorandum d’accord «a[vait] été examiné par le Parlement fédéral de transition de
la Somalie et que les membres du Parlement [avaient] voté contre sa ratification le 1 août 2009».
Il était demandé aux «services compétents de l’Organisation des Nations Unies de prendre note de
cette situation et de considérer le mémorandum d’accord comme non opposable [«non-actionable»
en anglais]» , sans toutefois fournir aucune explication quant au sens à donner à ce terme.
94
Nations Unies, déclaration du président de la ermmission des limites du plateau continental sur l’état
d’avancement des travaux de la Commission, doc. CLCS/64, 1 octobre 2009 (MS, annexe 61), par. 95.
95Ibid., par. 97.
96Celle-ci devait se tenir du 2 juillet au 5 septembre 2014. Voir état d’avancement des travaux de la Commission
des limites du plateau continental, déclaration du président en date du 31 mars 2014, Nations Unies, doc. CLCS/83,
par. 18 (MS, annexe 65).
97
Allocution de M. Hans Wilhelm Longva lors de la conférence panafricaine sur les frontières maritimes et le
plateau continental tenue à Accra les 9 et 10 novembre 2009 (annexe 25, p. 5).
98
Cette lettre est mentionnée aux paragraphes 3.40 et 3.41 du mémoire de la Somalie. - 21 -
78. Dans son mémoire, la Somalie affirme que la lettre a été initialement envoyée le
99
10 octobre 2009 . Sur le site Internet de la division des affaires maritimes et du droit de la mer de
l’Organisation, toutefois, il n’est fait référence qu’à une note verbale du 2 mars 2010, date
présentée comme celle à laquelle la communication aurait été reçue pour la première fois . 100
79. Il semble que, à un moment donné après l’envoi par le premier ministre somalien de sa
lettre du 19 août 2009 confirmant la validité du mémorandum d’accord, des pressions politiques
croissantes ont conduit le Gouvernement à tenter de s’en retirer unilatéralement. Pourtant, dans sa
note verbale du 2 mars 2010, la Somalie ne précise pas si ou en quoi le vote de son Parlement
36 «contre» le mémorandum d’accord répondait à une obligation supposée de «ratification» formelle,
pas plus qu’elle n’explique le sens ou l’effet du terme «non opposable» [«non-actionnable» en
anglais] au regard du droit des traités, ni ce qu’elle attendait (éventuellement) de l’Organisation des
Nations Unies. Surtout, la Somalie n’a pas élevé d’objection contre l’examen de la demande du
Kenya par la Commission des limites.
80. Dans so101émoire, la Somalie fait valoir que «[l]e Kenya n’a formulé aucune objection»
à la note verbale . Elle omet de préciser que cette note, bien qu’ayant trait à un accord bilatéral,
n’était adressée qu’à l’Organisation des Nations Unies (et non au Kenya). En outre, le
comportement de la Somalie était alors toujours conforme aux dispositions du mémorandum
d’accord. N’ayant pas objecté à l’examen de la demande du Kenya par la Commission, la Somalie
n’avait commis au regard du mémorandum d’accord aucun manquement appelant une réponse du
Kenya. Ce n’est qu’en février 2014 qu’elle a formulé pour la première fois une telle objection.
Août 2011 : lettre de la Norvège à l’Organisation des Nations Unies
81. A la suite de la note verbale du 2 mars 2010 de la Somalie, la Norvège a adressé au
Secrétariat de l’Organisation une lettre en date du 17 août 2011 . Il est utile de rappeler que le
mémorandum d’accord avait été conclu grâce aux bons offices de la Norvège, qui prenait à sa
charge les frais importants alors engagés pour constituer le dossier que la Somalie devait soumettre
à la Commission des limites en 2014. Dans sa lettre, dont le mémoire de la Somalie ne fait aucune
mention, la Norvège affirmait que le mémorandum d’accord demeurait en vigueur et qu’elle
continuerait à fournir son assistance à la Somalie à condition que les dispositions de cet instrument
soient respectées.
99Au paragraphe 3.40 du mémoire, il est indiqué ce qui suit : «Le 10 octobre 2009, la Somalie a informé le
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies que le 1 août 2009, le parlement somalien avait voté contre la
ratification du mémorandum de 2009.» Ainsi qu’il a été observé ci-dessus, c’est en octobre 2009, lors d’une réunion de
la diaspora somalienne tenue à Londres, que M. Adbirahman Adishakur Warsame, ministre de la planification nationale
et de la coopération internationale de la Somalie et signataire du mémorandum d’accord, a confirmé, en présence de
M. Omar Abdirashid Ali Sharmarke, premier ministre de la Somalie, que celui-ci avait approuvé le mémorandum
d’accord (annexe 15). L’enregistrement vidéo figure à l’annexe 47.
100Page sur la Somalie figurant sur le site Internet de la division des affaires maritimes et du droit de la mer de
l’Organisation des Nations Unies (mise à jour le 16 décembre 2014) à l’adresse suivante :
http://www.un.org/depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/STATEFILES/SOM.htm (annexe 26). La note pertinente
indique ce qui suit : «Par une note verbale en date du 2 mars 2010, la mission permanente de la République somalienne
auprès de l’Organisation des Nations Unies a informé le Secrétariat que le mémorandum d’accord avait été rejeté par le
Parlement somalien et que celui-ci «d[evait] donc être considéré comme non opposable».» Voir également le site
Internet de la Commission des limites du plateau continental, où figure la note verbale du 2 mars 2010 accompagnant la
lettre du 10 octobre 2009.
101
Voir par. 3.41.
102Note verbale en date du 17 août 2011 adressée au Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies par la
mission permanente de la Norvège auprès de l’Organisation (annexe 4). - 22 -
82. La Norvège soulignait en particulier le caractère juridiquement contraignant du
mémorandum :
37 «L’article 46 de la convention de Vienne sur le droit des traités se lit comme
suit :
«Le fait que le consentement d’un Etat à être lié par un traité a été
exprimé en violation d’une disposition de son droit interne concernant la
compétence pour conclure des traités ne peut être invoqué par cet Etat
comme viciant son consentement, à moins que cette violation n’ait été
manifeste et ne concerne une règle de son droit interne d’importance
fondamentale.»
Indépendamment de la question de savoir si et le cas échéant, dans quelle
mesure cette disposition reflète le droit international coutumier, la Norvège
considère que la Somalie et le Kenya demeurent tous deux liés par les dispositions du
mémorandum d’accord.»
83. Elle précisait ensuite que le maintien de son assistance à la Somalie était subordonné au
respect de l’accord :
«C’est sur le fondement de ce principe qu’elle a décidé de continuer à fournir
son assistance à la Somalie, tant dans le cadre de la demande de celle-ci auprès de la
Commission des limites du plateau continental, visant à étendre son plateau
continental au-delà de 200 milles marins, qu’aux fins de l’établissement d’une zone
économique exclusive dans les eaux situées au large des côtes somaliennes.»
La Somalie avait probablement conscience de ce que, en acceptant que la Norvège continue
à lui fournir son assistance, elle reconnaissait que le mémorandum d’accord demeurait en vigueur.
De fait, elle a continué à bénéficier de l’assistance de la Norvège dans la préparation de sa demande
pour la Commission, et à lui exprimer sa gratitude à cet égard.
84. La Norvège déclarait enfin dans sa lettre du 17 août 2011 que la tentative de la Somalie
de se retirer unilatéralement du mémorandum d’accord jetait certains doutes quant à la capacité du
Gouvernement somalien de contracter des engagements juridiquement contraignants, et qu’il
importait de trouver une occasion de réaffirmer le caractère juridiquement contraignant du
mémorandum :
«Si la lettre susmentionnée du premier ministre somalien [la note verbale du
2 mars 2010] semble être dénuée d’effets juridiques, elle n’en a pas moins créé une
nouvelle situation politique qui fait douter de la détermination du Gouvernement
38 fédéral de transition à respecter le mémorandum d’accord conclu entre la Somalie et le
Kenya, ainsi que de sa capacité à conclure des engagements internationaux
juridiquement contraignants. Nonobstant le caractère sensible, sur le plan politique,
de cette question, il reste donc à espérer qu’un moyen pourra être trouvé en temps
voulu pour réaffirmer la nature juridiquement contraignante du mémorandum
d’accord.»
85. En octobre 2011, peu de temps après que la Norvège eut adressé cette lettre à
l’Organisation des Nations Unies, son ambassade à Nairobi a de nouveau été la cible de menaces - 23 -
103
terroristes . M. Longva aurait déclaré à l’époque : «Ceux qui sont derrière tout cela cherchent à
fragiliser le Gouvernement somalien et la Norvège se trouve entraînée dans cette théorie du
complot.»
Octobre 2011 : résolution du Parlement somalien relative à la mer territoriale de 200 milles
marins
86. Alors que l’indignation de l’opinion publique somalienne à l’égard du mémorandum
d’accord ne retombait pas, la campagne de désinformation s’est étendue et a politisé encore
davantage le différend concernant la frontière maritime. Ainsi, le 8 octobre 2011, le Parlement
somalien aurait prévenu que proclamer une ZEE reviendrait à renoncer à une mer territoriale de
104 105
200 milles marins et constituerait une «trahison» . Quelques jours auparavant, le représentant
spécial du Secrétaire général pour la Somalie avait fait observer devant le groupe de contact
international sur ce pays 106que «[d]es progrès rest[aient] … à faire pour gagner le cœur et l’esprit
39 de nombreux Somaliens (en particulier au Parlement), qui pens[aient] que la proclamation d’une
ZEE constituerait en quelque sorte une perte de souveraineté pour la Somalie» . 107
Juillet 2012 : déclaration du ministre ayant signé le mémorandum d’accord pour la Somalie
87. La controverse politique ne désenflant pas, le ministre somalien qui avait signé le
mémorandum d’accord a été contraint, en juillet 2012, de se justifier dans une déclaration
publique 108 :
«Etant juriste, bien que non spécialiste du droit maritime, j’ai pris soin de lire
plusieurs fois le document avant d’y apposer ma signature, et je puis vous assurer que
celui-ci ne constituait ni un accord sur la frontière maritime ni, à mes yeux, une erreur
de la part du Gouvernement fédéral de transition. Mesdames et Messieurs, mes chers
compatriotes, soyez assurés qu’il n’a jamais été dans mes intentions de prendre part à
103
Article de Mme Elisabeth Rodum, M. Anders Nordstoga et M. John Harbo en date du 16 octobre 2011
intitulé «La Norvège fait les frais d’un complot somalien» et publié sur Aftenposten, disponible (en anglais)
à l’adresse suivante : http://www.aftenposten.no/nyheter/uriks/--Norge-er-trukket-inn-i-en-som…-
5577035.htmll (annexe 27).
104
Voir ci-dessus, par. 2[0].
105
Article de M. Mohamud M. Uluso en date du 22 octobre 2011 intitulé «Le Parlement somalien avertit les
dirigeants du Gouvernement fédéral de transition qu’ils risquent de commettre une trahison» et publié sur Hiiraan Online
(annexe 28).
106
Constitué de représentants de l’Organisation des Nations Unies et d’institutions intergouvernementales, le
groupe de contact international sur la Somalie a été créé au siège de l’Organisation en juin 2006, à l’initiative des
Etats-Unis, après que le Gouvernement fédéral de transition eut perdu le contrôle de Mogadiscio au profit de l’Union des
tribunaux islamiques, afin de promouvoir la paix et la réconciliation en Somalie et d’aider celle-ci à renforcer ses
capacités dans le domaine de l’application de la loi.
107
Déclaration relative à la piraterie prononcée le 29 septembre 2011 par le représentant spécial du Secrétaire
général pour la Somalie devant le groupe de contact international sur la Somalie, disponible (en anglais) à l’adresse
suivante : http://eunavfor.eu/wp-content/uploads/2011/10/SRSG-STATEMENT-ON-PIRACY-…
(annexe 29).
108
Déclaration de M. Warsame publiée sur le site Mareeg.com, «Mise au point sur le mémorandum d’accord
entre la Somalie et le Kenya», disponible (en anglais) à l’adresse suivante (annexe 30). M. Warsame a déclaré :
«Je tiens aujourd’hui à faire la lumière au sujet d’un incident qui a été évoqué à plusieurs reprises
ces derniers temps et que certains médias tendent à présenter sous un faux jour. Par le présent
communiqué, j’entends faire moi-même une mise au point pour ne pas laisser d’autres le faire à ma place.
L’incident en question a trait à un mémorandum d’accord concernant la délimitation du plateau
continental entre la Somalie et le Kenya que j’ai signé au nom du Gouvernement fédéral de transition
lorsque j’étais ministre de la planification nationale et de la coopération internationale.» - 24 -
un quelconque acte susceptible de porter préjudice à mon pays et à son peuple ;
l’histoire m’en est témoin. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour vérifier la
teneur du document que je signais, ayant notamment consulté plusieurs personnes à ce
sujet … La question du bien-fondé du mémorandum d’accord doit être laissée à
l’appréciation des experts et des juristes spécialistes du droit de la mer … Toujours
est-il que cette affaire ne doit pas être prétexte à la calomnie, à la diffamation et à de
fausses accusations … J’ai pardonné à toutes [les personnes] qui ont eu des propos
désobligeants à mon endroit en raison de leur méconnaissance des faits.»
40 Juin 2013 : déclaration du Gouvernement somalien sur son refus de négocier avec le Kenya
88. Le 31 mai 2013, la ministre des affaires étrangères du Kenya (Mme Amina Mohamed) et
son homologue somalienne (Mme Fawzia Yusuf Adam) ont indiqué dans une déclaration conjointe
qu’elles avaient «souligné la nécessité de réfléchir aux modalités de la démarcation maritime à
entreprendre» , puis «passé en revue les accords précédents ainsi que le mémorandum d’accord
signé entre le Kenya et la Somalie et examiné également dans quelle mesure ceux-ci avaient été
mis en œuvre».
89. La référence à la délimitation maritime faite dans cette déclaration conjointe a été
rapidement reprise par les médias somaliens, ce qui aurait contraint la ministre des affaires
étrangères de la Somalie à nier la signature par cet Etat d’un quelconque accord sur la frontière
maritime : le Kenya a «demandé si des po110arlers pouvaient être rouverts sur cette question, mais
j’ai refusé», a-t-elle ainsi souligné . De plus, malgré la référence au mémorandum d’accord
clairement contenue dans la déclaration conjointe, la ministre a ajouté avoir informé le Kenya que
«le rejet [du mémorandum] par le Parlement somalien en 2009 ne serait pas remis en question».
90. Le 6 juin 2013, le conseil des ministres de la Somalie aurait lui aussi fait une déclaration
41 en ce sens, rejetant toute négociation avec le Kenya : «Le Gouvernement fédéral de la Somalie
estime inapproprié d’ouvrir de nouvelles discussions sur la démarcation maritime ou les limites du
plateau continental avec toute partie.» 111
109Communiqué de presse conjoint de Mme Amina Mohamed, ministre des affaires étrangères du Kenya, et de
Mme Fawzia Yusuf H. Adam, vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale
de la Somalie, en date du 31 mai 2013 (annexe 31) et article en date du 10 juin 2013 intitulé «Le Gouvernement somalien
rejette l’appel au dialogue concernant le différend frontalier avec le Kenya» et publié sur Hiiraan Online, disponible
(en anglais) à l’adresse suivante : http://www.hiiraan.com/news4/2013/Jun/29774/somalia_cabinet_rejects_app…
for_talks_on_border_dispute_with_kenya.aspx (annexe 32).
110Article en date du 10 juin 2013 intitulé «Le Gouvernement somalien rejette l’appel au dialogue concernant le
différend frontalier avec le Kenya» et publié sur Hiiraan Online, disponible (en anglais) à l’adresse suivante :
http://www.hiiraan.com/news4/2013/Jun/29774/somalia_cabinet_rejects_app…
ya.aspx (annexe 32).
111Le Kenya n’est pas parvenu à trouver l’original de ce document, qui est probablement en la possession de la
Somalie. Voir le communiqué de presse du conseil des ministres de la Somalie en date du 6 juin 2013 intitulé «Somalie :
le Gouvernement fédéral somalien clarifie sa position sur les eaux territoriales» et publié sur Horseedmedia, disponible
(en anglais) à l’adresse suivante : https://horseedmedia.net/2013/06/06/somalia-somali-federal-government-c…-
position-on-territorial-waters/ (annexe 33) ; article en date du 6 juin 2013 intitulé «Le Gouvernement fédéral somalien
clarifie sa position sur les eaux territoriales» et publié sur le site de Radio Kulmiye (annexe 34) ; article de M. Malkhadir
Muhumed en date du 9 juin 2013 intitulé «Le Gouvernement somalien rejette l’appel au dialogue concernant le différend
frontalier avec le Kenya» et publié sur Wardheer News, disponible (en anglais) à l’adresse suivante :
http://www.wardheernews.com/somalia-cabinet-rejects-appeal-for-talks-on…(annexe 35) ;
déclaration du service de presse du premier ministre de la Somalie en date du 6 juin 2013 intitulée «Le Gouvernement
fédéral somalien clarifie sa position sur les eaux territoriales» et publiée sur Somalitalk, disponible (en anglais) à
l’adresse suivante : http://somalitalk.com/2011/badda/difaac96.html (annexe 36). - 25 -
[4] février 2014 : violation substantielle par la Somalie des dispositions du mémorandum
d’accord du fait de son objection à l’examen de la demande soumise par le Kenya à la
Commission des limites du plateau continental
91. A sa session de septembre 2009, la Commission des limites du plateau continental avait
décidé de créer une sous-commission chargée d’examiner la demande du Kenya, qui était la
suivante sur la liste, selon l’ordre de réception . La demande kényane est arrivée en tête de liste à
la trente-quatrième session de la Commission, qui s’est tenue du 27 janvier au 14 mar113014, et
devait être examinée à la trente-cinquième session prévue en septembre 2014 .
92. Malgré la controverse politique entourant les questions maritimes, le Gouvernement
somalien n’avait jamais donné à entendre d’une manière ou d’une autre qu’il pourrait faire obstacle
à cet examen. Conformément au paragraphe 5 de l’annexe I du règlement intérieur de la
Commission, le mémorandum d’accord disposait clairement que les recommandations sur les
42 limites du plateau étendu seraient «sans préjudice» de la délimitation de la frontière maritime.
C’est donc à la surprise du Kenya que, le 4 février 2014 (quelque cinq ans après l’entrée en vigueur
du mémorandum d’accord), le ministre somalien des affaires étrangères et de la coopération
internationale a envoyé au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies 114une lettre dans
laquelle la Somalie retirait son consentement antérieur en s’opposant pour la toute première fois à
115
l’examen, par la Commission, de la demande du Kenya .
93. Dans son mémoire, la Som116e prétend que sa lettre «découlait» de la demande adressée
par le Kenya à la Commission . Toutefois, cette lettre est datée du 4 février 2014, alors que le
Kenya a soumis sa demande en mai 2009.
94. Dans sa lettre, la Somalie s’opposait également à l’enregistrement, auquel l’ONU avait
pourtant procédé cinq ans plus tôt, de ce qu’elle désignait désormais comme le «prétendu
117
mémorandum d’accord». Une note verbale accompagnant la lettre indiquait les raisons pour
lesquelles «le prétendu mémorandum d’accord était considéré comme nul et non avenu». Le
Gouvernement somalien priait en outre instamment le Secrétaire général de faire en sorte que le
mémorandum soit «immédiatement» supprimé du registre tenu par le Secrétariat de l’Organisation
des Nations Unies, une demande à laquelle il n’a pas été donné suite.
112MS, annexe 61, par. 97 :
«S’agissant des modalités d’examen de la demande, [la Commission] a décidé que, comme prévu
au paragraphe 5 de l’annexe II à la Convention et à l’article 42 de son règlement intérieur, la demande
serait examinée par une sous-commission qui sera créée conformément au paragraphe 4 ter de l’article 4
du Règlement intérieur à une prochaine session. La Commission a décidé de reprendre l’examen de la
demande en plénière lorsqu’arrivera le tour pour celle-ci d’être examinée dans l’ordre dans lequel elle a
été reçue.»
113MS, annexe 65, par. 18.
114
Lettre MOFA/SFR/MO/259/2014 en date du 4 février 2014 adressée au Secrétaire général de l’Organisation
des Nations Unies, S. Exc. Ban Ki-moon, par le ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la
Somalie, M. Abdirahman Beileh (MS, annexe 41) ; lettre MOFA/SFR/MO/258/2014 en date du 4 février 2014 adressée
au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, S. Exc. Ban Ki-moon, par le ministre des affaires étrangères et
de la coopération internationale de la Somalie, M. Abdirahman Beileh (MS, annexe 42). Voir également MS, annexe 41,
qui contient la note verbale accompagnant cette lettre.
115Le mémoire de la Somalie ne fait référence à aucune objection antérieure.
116
MS, par. 7.20.
117MS, annexe 41. - 26 -
95. Dans sa note verbale, la Somalie invoquait à nouveau le vote de son Parlement du
1 août 2009. Toutefois, elle y affirmait pour la première fois, de façon singulière,
«[qu’a]u moment de la signature, [son] ministre de la planification nationale et de la
coopération internationale a[vait] informé les représentants du Gouvernement du
43 Kenya que, conformément aux dispositions de la Charte fédérale de transition du
Gouvernement de la Somalie de février 2004, le mémorandum devait être ratifié par le
Parlement fédéral de transition de la République de Somalie».
Il n’existe aucune trace d’une telle déclaration et, selon le Kenya, celle-ci n’a en réalité jamais été
faite. En outre, cette déclaration supposée irait clairement à l’encontre de la disposition du
mémorandum d’accord indiquant expressément que ce dernier «entrera en vigueur à sa signature».
96. La note verbale contenait une autre affirmation stupéfiante, elle aussi formulée pour la
118
toute première fois , à savoir que le ministre qui avait été «dûment autoris[é]» à signer le
mémorandum d’accord au nom de la Somalie ne l’était en fait pas du tout. La nouvelle théorie de
la Somalie consiste en effet à soutenir que, nonobstant l’autorisation qui lui avait tout d’abord été
accordée puis confirmée par le chef du gouvernement, le ministre signataire ne détenait pas les
«pleins pouvoirs» requis par l’article 7 de la convention de Vienne sur le droit des traités car il
«n’a[vait] pas produit les documents appropriés établissant son pouvoir de représenter la
République de Somalie aux fins de convenir du texte du mémorandum pour le compte de [celle-
119
ci]» .
97. En tout état de cause, la lettre et la note verbale n’ont jamais été envoyées au Kenya. De
fait, comme il sera exposé ci-après, la Somalie n’a à ce jour adressé au Kenya aucune notification
en bonne et due forme de son prétendu retrait du mémorandum d’accord.
44 F. Evénements postérieurs à la tentative faite en 2014 par la Somalie en vue de rejeter
unilatéralement le mémorandum d’accord
Mars 2014 : première réunion technique entre le Kenya et la Somalie
98. A la suite de l’objection du 4 février 2014, le Kenya a eu recours à la diplomatie pour
tenter de convaincre la Somalie de se conformer aux obligations qu’elle avait contractées dans le
mémorandum d’accord. Les ministres des affaires étrangères des deux Etats se sont réunis le
21 mars 2014. Selon un rapport conjoint, ils sont convenus de la tenue d’une réunion «au niveau
120
technique» entre les autorités compétentes . Les Parties se sont ainsi entendues pour tenir, au
118Dans sa communication d’avril 2009, la Somalie avait expressément affirmé que le mémorandum d’accord
avait été signé par les représentants dûment autorisés des gouvernements des deux Etats (MS, annexe 66, p. 8). Voir
également la lettre du premier ministre somalien datée du 19 aout 2009, dans laquelle il était de nouveau confirmé que les
représentants «dûment autorisés» du Kenya et de la Somalie avaient signé le mémorandum d’accord (MS, annexe 37).
119Le paragraphe 1 de l’article 7 se lit comme suit :
«Une personne est considérée comme représentant un Etat pour l’adoption ou l’authentification
du texte d’un traité ou pour exprimer le consentement de l’Etat à être lié par un traité :
a) Si elle produit des pleins pouvoirs appropriés ; ou
b) S’il ressort de la pratique des Etats intéressés ou d’autres circonstances qu’ils avaient l’intention de
considérer cette personne comme représentant l’Etat à ces fins et de ne pas requérir la présentation de
pleins pouvoirs.»
120
MS, annexe 31, par 1. - 27 -
niveau technique, leur première réun121 bilatérale au ministère des affaires étrangères du Kenya, à
Nairobi, les 26 et 27 mars 2014 .
99. La Somalie ayant fait objection à l’examen de sa demande, c’est le Kenya qui avait
demandé la tenue de cette première réunion technique . Partant, conformément à la procédure en
deux temps convenue, «le Kenya a soumis un projet d’ordre du jour auquel étaient notamment
123
inscrits les points de fond suivants : a) le mémorandum d’accord, b) la frontière maritime ». Le
principal objectif de la réunion de mars 2014, pour le Kenya, était d’obtenir le consentement de la
Somalie à l’examen de sa demande par la Commission des limites afin de revenir au mode de
règlement convenu dans le mémorandum d’accord et de pouvoir enfin mener les négociations à
terme.
45 100. Dans son rapport concernant cette réunion, la Somalie indique elle-même avoir refusé
d’emblée toute discussion sur le mémorandum et avoir demandé que le point y relatif soit rayé de
124
l’ordre du jour . Sa délégation a là encore soutenu que, le Parlement somalien ayant rejeté le
mémorandum d’accord en 2009, celui-ci était «nul et non avenu».
101. La Somalie a toutefois encore avancé une nouvelle théorie pour justifier son prétendu
retrait du mémorandum d’accord. Tentant de toute évidence de justifier rétroactivement l’absence
de la moindre notification en bonne et due forme, la Somalie a ainsi soutenu pour la toute première
fois, de façon singulière, qu’elle avait préalablement informé le Kenya «oralement». Là encore,
cette prétendue notification «orale» va directement à l’encontre des termes mêmes du
mémorandum d’accord. Il n’en existe absolument aucune trace, et aucun responsable kényan n’en
a souvenir.
102. Les représentants du Kenya ont été surpris par le refus de leurs homologues somaliens
de discuter du mémorandum d’accord. Toutefois, dans un esprit de compromis et afin de pouvoir
engager les premières discussions d’ordre technique, ils ont accepté de rayer le point relatif au
mémorandum de l’ordre du jour, étant entendu qu’il en serait débattu lors d’une réunion
ultérieure . Dans son mémoire, la Somalie note que «[l]e Kenya en a convenu et a modifié
121 L’annexe 24 du mémoire de la Somalie indique que la délégation somalienne était composée de
Mme Mona Al-Sharmani (conseillère principale et chef de la délégation) et de M. Omar Mohamed (conseiller principal),
et que celle du Kenya était conduite par Mme Juster Nkoroi et comptait quinze autres membres appartenant à différentes
branches du Gouvernement de cet Etat. L’ambassadeur du Kenya auprès de la Somalie, S. Exc. M. Josephat Maikara, et
le directeur adjoint pour la corne de l’Afrique, M. Daniel Tanui, ont participé à l’ouverture et à la clôture de la réunion.
122Voir le rapport conjoint des gouvernements somalien et kényan concernant la réunion sur la frontière maritime
entre les deux Etats, 26-27 mars 2014 (1 avril 2014) (MS, annexe 31) ; rapport de la République fédérale de Somalie sur
sa réunion avec la République du Kenya au sujet du différend relatif à la frontière maritime, Nairobi, Kenya,
26-27 mars 2014 (1 avril 2014), dans lequel il est indiqué que la réunion avait été convoquée «[à] la demande du
Gouvernement du Kenya» (MS, annexe 24).
123MS, annexe 31, p. 1.
124MS, annexe 24. Voir également l’annexe 31, qui contient le rapport conjoint de la réunion.
125
Selon l’annexe 24 du mémoire de la Somalie, la délégation somalienne avait confirmé que les discussions
porteraient notamment sur «le refus du Gouvernement somalien de consentir à l’examen de la demande de plateau
continental étendu soumise par le Kenya à la Commission des limites du plateau continental (ci-après la
«Commission»)». Toujours selon l’annexe 24, «[l]a délégation somalienne s’[était] déclarée disposée à faire le tour, dans
le cadre d’une analyse globale, de toutes les questions liées à la délimitation maritime, et notamment de l’opposition de la
Somalie à l’examen de la demande du Kenya par la Commission, afin de régler le différend existant avec célérité». «La
délégation kényane a accepté de procéder ainsi», est-il précisé. - 28 -
l’ordre du jour en conséquence» . Mais le Kenya a simplement convenu de reporter la discussion
sur le mémorandum d’accord, sans pour autant accepter le rejet de celui-ci par la Somalie.
46 Mars 2014 : décision de la Commission des limites de différer son examen de la demande du
Kenya
103. Face au refus de la Somalie de lever son objection lors de la première réunion
technique, la Commission des limites a déclaré le 31 mars 2014 que, nonobstant sa décision
antérieure d’examiner la demande du Kenya à sa trente-cinquième session , elle «n’était pas
encore en mesure de créer [une] sous-commission» à cet effet . 128
104. A la vingt-quatrième réunion des Etats parties à la CNUDM, qui s’est tenue du
9 au 13 juin 2014, le Kenya a exprimé ses préoccupations quant au refus de la Somalie de lever son
objection. Son représentant a fait valoir qu’«il [était] très important que ces demandes soient
examinées en temps utile» par la Commission, et que «le moindre retard, si bref soit-il, dans
l’examen de la demande d’un pays signifi[ait] que celui-ci d[evrait] engager des dépenses
considérables en ressources humaines et matérielles pour pouvoir continuer à défendre son
dossier». Le Kenya a souligné qu’il
«[était] préoccup[é] par les situations où la conduite d’un Etat membre ne sembl[ait]
pas guidée par le principe de bonne foi. Tel peut être le cas lorsqu’un Etat refuse
simplement de donner son accord sans raison manifeste, ou, plus grave encore, lorsque
des Etats parties ont donné leur accord et le retirent ensuite, peu avant ou pendant
l’examen d’une demande par la Commission.» 129
47 Juillet 2014 : dépôt par la Somalie de sa demande auprès de la Commission des limites
105. Alors qu’elle faisait obstacle à l’examen de la demande du Kenya, au mépris du
mémorandum d’accord, la Somalie a soumis sa propre demande à la Commission des limites le
21 juillet 2014, lors de la session même où celle du Kenya devait être examinée . Dans sa 130
demande, la Somalie reconnaît que
«[l]e Gouvernement norvégien [lui] a apporté son concours et ses conseils … lors de
l’établissement de la présente demande, le ministère des affaires étrangères du
Royaume de Norvège, la direction des ressources pétrolières 131le service
cartographique norvégiens étant également intervenus» .
132
106. Elle note que sa demande «comprend les zones en litige entre les deux Etats côtiers» .
126
MS, par. 3.46.
127La trente-cinquième session s’est tenue du 21 juillet au 5 septembre 2014.
128MS, annexe 65, par. 18 (état d’avancement des travaux de la Commission des limites du plateau continental,
déclaration du président en date du 31 mars 2014, Nations Unies, doc. CLCS/83).
129Déclaration du Kenya à la vi-quatrième réunion des Etats parties à la Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer tenue à New York du 9 au 13 juin 2014 (annexe 37).
130
MS, annexes 69 et 70. Le mois précédent, et plus précisément le 30 juin 2014, la Somalie avait publié les
coordonnées de sa zone économique exclusive (MS, annexes 14 et 15).
131
MS, annexe 70, p. 4.
132MS, annexe 70, p. 9. - 29 -
107. La Somalie se déclare ensuite
«disposée à engager des consultations avec la République du Kenya en vue de
parvenir à un accord ou à une entente permettant à la Commission d’examiner les
communications de chacun des deux Etats côtiers concernant les zones en litige et de
formuler des recommandations à cet égard sans préjudice de la délimitation définitive
du plateau continental qui pourra être effectuée à un stade ultérieur dans lesdites zones
par les deux Etats».
Que la Somalie se déclare disposée à «parvenir à un accord ou à une entente» avec le Kenya sur un
consentement préalable avait de quoi surprendre. En effet, elle avait précisément déjà conclu un tel
accord quelque cinq années auparavant, à savoir le mémorandum d’accord de 2009. Toujours est-il
48 que, dans sa déclaration, la Somalie a clairement admis que toute délimitation n’aurait lieu
qu’«à un stade ultérieur», c’est-à-dire une fois que la Commission des limites aurait achevé son
examen.
108. Malgré le non-respect du mémorandum d’accord par la Somalie, le Kenya ne s’est pas
opposé à ce que la demande de celle-ci soit examinée le 20 avril 2015, à la trente-septième session
de la Commission . Il a continué de tenter, par la voie diplomatique, de convaincre la Somalie de
lever son objection, comme elle y était tenue par le mémorandum d’accord.
Juillet 2014 : deuxième réunion technique entre le Kenya et la Somalie
109. Les 28 et 29 juillet 2014, soit exactement un mois avant que la Somalie n’introduise la 134
présente instance devant la Cour, les Parties ont tenu une deuxième réunion technique à Nairobi .
Le Kenya s’attendait à discuter enfin du mémorandum d’accord. Cependant, la Somalie a encore
une fois refusé d’envisager la levée de son objection. Au lieu de cela, elle a tiré parti de la réunion
pour avancer une argumentation détaillée présentant l’équidistance comme seule solution possible
au différend relatif à la frontière maritime . 135 Le Kenya a répondu en exposant ses vues
préliminaires afin de poser le cadre d’autres discussions. Les Parties sont convenues de se réunir à
nouveau les 25 et 26 août 2014 pour une troisième réunion technique.
49 Août 2014 : saisine de la Cour par la Somalie
110. La troisième réunion technique n’a pas eu lieu. Dans son mémoire, la Somalie indique
que le Kenya n’a tout simplement pas «envoyé sa délégation à Mogadiscio» . En déclarant cela,
elle ne tient absolument aucun compte des très mauvaises conditions de sécurité qui existaient alors
sur son territoire et du fait que la délégation kényane ne pouvait s’y rendre sans que des mesures
appropriées ne soient prises en la matière. De fait, le 4 août 2014, juste après la conclusion de la
deuxième réunion technique le 29 juillet, le ministère des affaires étrangères du Kenya avait
133Etat d’avancement des travaux de la Commission des limites du plateau continental, déclaration du président
en date du 20 avril 2015, Commission des limites du plateau continental, trente-septième session, Nations Unies,
doc. CLCS/88, disponible à l’adresse suivante : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N15/112/56/
PDF/N1511256.pdf?OpenElement (annexe 38). Le paragraphe 6 indique que la Commission a examiné l’ordre du jour
provisoire (doc. CLCS/L.38) et l’a adopté, tel que modifié (doc. CLCS/87). La demande de la Somalie était inscrite au
point 15 de l’ordre du jour provisoire, Commission des limites du plateau continental, trente-septième session,
Nations Unies, doc. CLCS/L.38, 26 novembre 2014, disponible à l’adresse suivante : https://documents-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/323/66/PDF/N0432366.pdf?OpenElement (annexe 39).
134Rapport conjoint des Gouvernements somalien et kényan concernant la réunion sur la frontière maritime entre
les deux Etats, 28-29 juillet 2014 (juillet 2014) (MS, annexe 32).
135MS, annexe 32, par. 3.
136
MS, par. 3.54. - 30 -
consulté les services de renseignement kényans. Ceux-ci lui avaient fait savoir que, «compte tenu
de l’instabilité de la situation en matière de sécurité à Mogadiscio, il était déconseillé à une
délégation compo137 de membres aussi importants de se rendre dans ce pays en pareilles
circonstances» .
111. La Somalie était parfaitement consciente de cette situation. Le Kenya avait déjà
exprimé son inquiétude par le passé, lorsqu’il avait été proposé que la deuxième réunion technique
de juillet 2014 ait lieu à Mogadiscio. La Somalie avait de toute évidence un problème
d’incidents attentats terroristes à l’explosif, assassinats et prises d’otages , comme le célèbre
attentat-suicide perpétré en 2009 par des militants chabab à l’hôtel Shamo à Mogadiscio, qui avait
coûté la vie à quatre ministre somaliens .138
112. Le Kenya attendait clairement la troisième réunion technique avec impatience. Des
documents internes de l’époque font état de son intention de «discuter de la frontière maritime, y
50 compris de la levée de l’opposition de la Somalie à l’égard du mémorandum d’accord portant
139
non-objection à l’examen de la demande du Kenya» . Lors des deux premières réunions
techniques, le Kenya n’était pas parvenu à convaincre la Somalie ne fût-ce que d’envisager la levée
de son objection. Or, si la Commission des limites ne pouvait procéder à son examen, la
délimitation resterait au point mort.
113. A la stupéfaction du Kenya, le 28 août 2014 (soit la semaine même où les Parties
avaient prévu de tenir la troisième réunion technique), la Somalie a introduit à son encontre la
présente procédure devant la Cour. Elle n’avait jamais indiqué auparavant qu’elle y songeait. Le
Kenya était raisonnablement parti du principe que la question de l’objection de la Somalie à
l’examen de la Commission devait être réglée avant même que des négociations formelles ne
puissent commencer. De plus, en déposant sa requête, qui avait vraisemblablement été établie plus
tôt en 2014 alors même que les réunions techniques préliminaires avaient lieu, la Somalie n’a pas
respecté le mode qui avait été convenu dans le mémorandum pour régler le différend relatif à la
frontière maritime. Dans ces conditions, il est fallacieux de sa part de prétendre qu’elle s’est
tournée vers la Cour parce qu’elle avait été «[d]éçue par l’absence à la fois de réponse du Kenya et
de progrès au cours des deux séries de négociations précédentes» et qu’elle estimait «inutile de
continuer» .40
137 Note confidentielle MFA.INT.8/15A en date du 23 août 2014 adressée à Mme Juster Nkoroi par
M. Karanja Kibicho concernant la «proposition tendant à ce que la ministre des affaires étrangères et d’autres
responsables du Gouvernement kényan se rendent à Mogadiscio pour discuter de la frontière maritime, y compris de la
levée de l’opposition de la Somalie à l’égard du mémorandum d’accord portant non-objection à l’examen de la demande
du Kenya» (annexe 40).
138Voir, par exemple, http://news.bbc.co.uk/2/hi/8392468.stm.
139
Note confidentielle MFA.INT.8/15A en date du 23 août 2014 adressée à Mme Juster Nkoroi par
M. Karanja Kibicho concernant la «proposition tendant à ce que la ministre des affaires étrangères et d’autres
responsables du Gouvernement kényan se rendent à Mogadiscio pour discuter de la frontière maritime, y compris de la
levée de l’opposition de la Somalie à l’égard du mémorandum d’accord portant non-objection à l’examen de la demande
du Kenya» (annexe 40), et note confidentielle MFA.INT.8/15A en date du 4 août 2014 adressée au directeur général des
services de renseignement par M. Karanja Kibicho concernant la «proposition tendant à ce que la ministre des affaires
étrangères et d’autres responsables du Gouvernement kényan se rendent à Mogadiscio pour discuter de la frontière
maritime, y compris de la levée de l’opposition de la Somalie à l’égard du mémorandum d’accord portant non-objection à
l’examen de la demande du Kenya» (annexe 41).
140
MS, par. 3.56. - 31 -
2 septembre 2014 : lettre de la Somalie à l’Organisation des Nations Unies
114. En déposant sa requête devant la Cour, la Somalie n’a pas clos la question du
mémorandum d’accord. Apparemment troublée par la lettre en date du 4 février 2014, dans
51
laquelle la Somalie rejetait le mémorandum et faisait objection à l’examen de la demande du
Kenya, la Commission des limites a conclu dans son rapport de mars 2014 qu’elle ne pouvait plus
141
constituer une sous-commission chargée d’examiner cette demande , mais n’en a pas moins 142
inscrit la présentation de celle-ci à l’ordre du jour provisoire de sa trente-cinquième session .
115. Cette démarche lui a valu une seconde note verbale de la part de la Somalie, le
2 septembre 2014 . Dans une lettre datée du même jour et adressée au Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies, la Somalie soulignait qu’elle «n’a[vait] pas donné (et ne
donn[ait] pas par la présente) son accord à l’examen par la Commission des communications déjà
déposées (ou à venir) ou déjà présentées (ou à présenter) par le Gouvernement kenyan» . Le 144
Secrétaire général y était également informé que «[l]a Cour internationale de Justice [était alors]
saisie du différend maritime entre la Somalie et le Kenya, la Somalie ayant introduit une instance
devant elle le 28 août 2014» . 145
3 septembre 2014 : confirmation de la validité du mémorandum d’accord par le Kenya à la
trente-cinquième session de la Commission des limites du plateau continental
116. Le 3 septembre 2014, le Kenya a fait une présentation de sa demande à la
Commission . 146 Le chef de la délégation, M. Githu Muigai, Attorney General du Kenya, a
52 réaffirmé les obligations qui incombaient aux Parties au titre du mémorandum d’accord, à savoir
celles de ne pas s’opposer à l’examen de leurs demandes respectives et d’attendre que la
Commission ait achevé ses travaux avant de conclure un accord :
«[L]e Kenya n’a pas encore conclu un accord de délimitation de la frontière
maritime avec la Somalie, mais ... des négociations sont en cours ... [D]es dispositions
provisoires pratiques ont été prises conformément au paragraphe 3 de l’article 83 de la
Convention, comme il est indiqué dans un accord signé le 7 avril 2009, par lequel les
parties ont pris l’engagement de ne pas faire objection à l’examen de leurs demandes
141MS, annexe 65, par. 18 (état d’avancement des travaux de la Commission des limites du plateau continental,
déclaration du président en date du 31 mars 2014, Nations Unies, doc. CLCS/83).
142 Ordre du jour distribué le 4 août 2014, Commission des limites du plateau continental, trente-cinquième
session, Nations Unies, doc. CLCS/84, disponible à l’adresse suivante : http ://daccess-dds-ny.un.org/
doc/UNDOC/GEN/N14/494/70/PDF/N1449470.pdf?OpenElement (annexe 42, point 17).
143Etat d’avancement des travaux de la Commission des limites du plateau continental, déclaration du président
en date du 24 septembre 2014, Commission des limites du plateau continental, trente-cinquième session, Nations Unies,
doc. CLCS/85, disponible à l’adresse suivante : http ://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N14/547/71/
PDF/N1454771.pdf?OpenElement (annexe 43). Voir par. 65.
144MS, annexe 48.
145
MS, annexe 48.
146
Etat d’avancement des travaux de la Commission des limites du plateau continental, déclaration du président
en date du 24 septembre 2014, Commission des limites du plateau continental, trente-cinquième session, Nations Unies,
doc. CLCS/85, disponible à l’adresse suivante : http ://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N14/547/71/
PDF/N1454771.pdf?OpenElement (annexe 43). Au paragraphe 57, il est indiqué que la présentation a été faite par le
chef de la délégation, M. Githu Muigai, Attorney General, et par M. Michael Gikuhi, géophysicien et membre du groupe
de travail sur la délimitation de la limite extérieure du plateau continental du KenyaLa délégation de cet Etat
comprenait également le représentant permanent du Kenya auprès de l’Organisation des Nations Unies,
M. Macharia Kamau, et la représentante permanente adjointe, Mme Koki Muli Grignon, ainsi que plusieurs conseillers
scientifiques, juridiques ou techniques. - 32 -
respectives ... [L]a note verbale de la Somalie datée du 19 août 2009 affirme la
position mutuellement convenue par les deux Etats dans le mémorandum d’accord.»
117. Compte tenu du mémorandum d’accord, le Kenya a instamment prié la Commission des
limites de constituer une sous-commission chargée d’examiner sa demande. Toutefois, eu égard à
l’objection élevée par la Somalie au titre du paragraphe 5 de l’annexe I de son règlement intérieur,
la Commission a «réitéré sa d147sion de reporter l’examen de la demande et des communications
du Kenya et de la Somalie» .
118. La Commission a pris note de la seconde note verbale de la Somalie mais n’a pas jugé
148
nécessaire de revenir sur sa décision antérieure .
53 24 octobre 2014 : confirmation de la validité du mémorandum d’accord par le Kenya
119. Le 24 octobre 2014, le Kenya a adressé au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies une note verbale dans laquelle il exprimait sa «surprise» quant au fait que la Somalie
maintienne son objection à l’examen de la demande qu’il avait soumise à la Commission et qu’elle
tente de faire retirer le mémorandum d’accord du registre tenu par le Secrétariat de
149
l’Organisation . Il y confirmait une fois de plus le mode de règlement convenu dans cet
instrument :
«Le Kenya confirme que, avant de déposer sa demande auprès de la
Commission le 6 [mai] 2009 –– une demande dont l’Organisation des Nations Unies a
accusé réception et dont elle a publiquement annoncé le dépôt le 11 mai au moyen de
la Notification plateau continental CLCS.35.2009.LOS puis d’en faire une
présentation à la Commission le 3 septembre 2009, il avait, dans un esprit d’entente et
de coopération, négocié avec le Gouvernement fédéral de transition de la République
somalienne les arrangements de caractère pratique visés au paragraphe 3 de l’article
83 de la convention. Ces arrangements sont consignés dans un mémorandum d’accord
(ci-après le «mémorandum d’accord») signé le 7 avril 2009 par lequel les deux parties
se sont engagées à ne pas faire objection à l’examen de leurs demandes respectives.
A l’époque, le Kenya avait fait savoir à la Commission que, en attendant de futures
négociations, un mécanisme serait mis en place pour mener à terme les négociations
sur sa frontière maritime avec la Somalie.»
120. Le Kenya se référait en particulier à la lettre de la Somalie en date du 19 août 2009, par
laquelle
«le Gouvernement fédéral de transition de la République somalienne a[vait] confirmé
la raison d’être, le but et la légitimité du mémorandum d’accord puis réaffirmé son
consentement, conformément à l’alinéa [a)] du paragraphe 5 [de l’annexe I] du
54 règlement intérieur de la Commission, à ce que celle-ci examine la demande du Kenya
14Etat d’avancement des travaux de la Commission des limites du plateau continental, déclaration du président
en date du 24 septembre 2014, Commission des limites du plateau continental, trente-cinquième session, Nations Unies,
doc. CLCS/85, disponible à l’adresse suivante : http ://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N14/547/71/
PDF/N1454771.pdf?OpenElement (annexe 43), par. 64.
14Ibid., par. 65.
149 o
Note verbale n 586/14 en date du 24 octobre 2014 adressée à S. Exc. M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies, par la mission permanente de la République du Kenya auprès de l’Organisation des
Nations Unies (MS, annexe 50, p. 1). - 33 -
et répété que la délimitation des frontières maritimes dans la zone en litige, y compris
la délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins, ferait l’objet d’un
accord entre les deux Etats côtiers sur la base du droit international après que la
Commission aurait achevé l’examen des communications séparées effectuées par
chacun des deux Etats» .150
121. Le Kenya soulignait que
«[l]a République fédérale de Somalie a[vait] tenté de revenir sur cette entente mutuelle
et cet accord de manière unilatérale et sans l’avoir consulté, en sa qualité de
cosignataire du mémorandum d’accord, ni avoir obtenu son consentement. Après ce
premier revirement, elle est allée plus loin encore dans une communication, portant la
cote MOFA/SFR/MO/1258/14 et la date du 4 février 2014, dans laquelle elle
prétendait faire annuler le mémorandum d’accord précédemment conclu et faisait
désormais objection à l’examen de la demande du Kenya en raison de l’existence d’un
différend relatif à la frontière maritime entre les deux Etats.»151
122. Le Kenya priait instamment la Commission des limites d’examiner sa demande
conformément au mode de règlement convenu dans l’«accord bilatéral conclu avec la République
fédérale de Somalie» :
«Compte tenu de ce qui précède, le Kenya dénonce les actes de la République
fédérale de Somalie, qui sont non seulement regrettables et fâcheux mais ne sont en
outre dans l’intérêt d’aucun des deux Etats. Le Kenya est d’avis que ces derniers, de
même que l’ordre international, auraient tout intérêt à ce que la Commission procède
aussitôt que possible à l’examen de la demande qu’il lui a soumise, ce qui permettrait
55 précisément aux deux Etats d’effectuer la délimitation du plateau continental au-delà
de 200 milles marins de la manière initialement prévue dans le mémorandum d’accord
152
du 7 avril 2009 et la communication du 19 août 2009.»
De mai à juillet 2015 : communications des Parties concernant l’obligation de non-objection
énoncée dans le mémorandum d’accord
123. Le 4 mai 2015, l’intransigeance de la Somalie ainsi que la continuation de sa violation
substantielle des dispositions du mémorandum d’accord ont finalement conduit le Kenya à
s’opposer à ce que la Commission des limites examine la demande somalienne . Son action 153
diplomatique ayant échoué, il entendait, en suspendant temporairement et partiellement
l’application du mémorandum d’accord, convaincre la Somalie d’honorer ses obligations. Peu
après, dans une note verbale en date du 30 juin 2015, le Kenya a mis fin à cette suspension. Dans
un esprit de compromis, il a invité la Commission à procéder à l’examen de la demande de la
150
P. 2.
15P. 2.
15P. 3.
153 o
Note verbale n 141/15 en date du 4 mai 2015 adressée à S. Exc. M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies, par la mission permanente de la République du Kenya auprès de l’Organisation des
Nations Unies (MS, annexe 51). - 34 -
Somalie, mais à condition que ce154-ci se conforme pleinement à la procédure de règlement
convenue dans le mémorandum .
124. Dans sa note verbale, le Kenya a exposé ainsi le fondement de cette suspension
temporaire :
«L’objection de la Somalie constitue une violation substantielle des dispositions
du mémorandum d’accord conclu entre le Kenya et elle le 7 avril 2009 et enregistré au
Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies le 11 juin 2009 conformément aux
dispositions de l’article 102 de la Charte des Nations Unies. Selon ce mémorandum
d’accord, les Parties sont tenues de ne pas s’opposer à l’examen de leurs demandes
respectives par la Commission puis de conclure un accord sur la délimitation de leur
56 frontière maritime après que la Commission aura achevé l’examen de chacune des
demandes et formulé ses recommandations sur la fixation de la limite extérieure du
plateau continental au-delà de 200 milles marins. Le Kenya était en droit de répondre
à ce manquement substantiel de la Somalie à son obligation de ne pas élever
d’objection à la demande kényane en suspendant temporairement, en tout ou en partie,
l’application du mémorandum d’accord. Par note verbale n 141/15, le Kenya a fait
savoir qu’il suspendait partiellement l’application du mémorandum d’accord en
faisant objection à l’examen de la demande de la Somalie par la Commission.»
125. Dans sa note verbale, le Kenya précisait également que la levée de son objection à
l’examen par la Commission de la demande de la Somalie était subordonnée à la condition que
celle-ci respecte la procédure de règlement convenue dans le mémorandum :
«Dans ces conditions, le Kenya a étudié de près la possibilité de permettre à la
Commission de reprendre rapidement ses travaux, sans préjudice des droits et intérêts
du Kenya ou de la Somalie dans le cadre de leur différend relatif à leur frontière
maritime. Il considère que, dès lors qu’elle a connaissance de la zone de
chevauchement des revendications et examine avec toute la diligence voulue les
demandes soumises par les deux Etats concernant cette zone, la Commission peut
formuler des recommandations sur la limite extérieure du plateau continental au large
des côtes de la Somalie et du Kenya conformément à la procédure convenue dans le
mémorandum d’accord. En conséquence, et sur cette base, le Kenya lève son
objection à l’examen par la Commission de la demande soumise par la Somalie.»
126. Le 7 juillet 2015, soit une semaine après que le Kenya eut adressé sa note verbale à la
Commission des limites, la Somalie a soudainement fait volte-face. Moins d’une semaine avant le
dépôt de son mémoire auprès de la Cour, et après un an et demi d’obstructionnisme et
d’intransigeance, elle a adressé au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies une lettre
57 dans laquelle elle déclarait «donne[r] par la présente son accord pour que la Commission puisse
procéder à [son] examen [de la demande du Kenya]» . 155
127. Ensuite, le 16 juillet 2015, trois jours à peine après le dépôt de son mémoire, la Somalie
a soumis à la Commission des limites un résumé modifié destiné à remplacer celui du
154
Note verbale n° 210/15 en date du 30 juin 2015 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies par la mission permanente du Kenya auprès de l’Organisation (annexe 44).
155Lettre en date du 7 juillet 2015 adressée à S. Exc. M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies, par S. Exc. M. Abdulsalam H. Omer, ministre des affaires étrangères et de la promotion des
investissements de la République fédérale de Somalie (MS, annexe 52). - 35 -
21 juillet 2014 . Dans ce nouveau résumé, elle déclarait «a[voir] décidé qu’il n’exist[ait] plus
aucun empêchement à ce que la Commission examine les demandes kényane et somalienne et
157
formule des recommandations à leur sujet» .
128. La Somalie a justifié ce revirement subit en arguant qu’une objection n’était plus
158
nécessaire puisque la Cour était désormais saisie de son différend avec le Kenya . Toutefois, cela
faisait alors déjà près d’un an que l’instance avait été introduite. Peut-être la Somalie a-t-elle pris
conscience, à ce stade, des conséquences de son manquement aux obligations lui incombant au titre
du mémorandum d’accord, et notamment de l’impasse inextricable dans laquelle se trouveraient les
deux Parties si chacune d’elle s’opposait à l’examen de la demande soumise par l’autre à la
Commission. Elle a probablement aussi pris conscience de ce qu’elle ne pouvait continuer de faire
obstacle à l’examen de la demande du Kenya tout en priant la Cour de délimiter la frontière
maritime au-delà de 200 milles marins dans la zone du plateau continental étendu, l’examen de la
Commission constituant un préalable incontournable. En tout état de cause, les Parties étaient
58 convenues, dans le mémorandum d’accord, de régler leur différend par voie de négociation à
l’issue de cet examen.
129. Le Kenya se félicite de ce revirement de dernière minute de la Somalie quant à son
consentement au titre du paragraphe 5 de l’annexe I du règlement intérieur de la Commission des
limites, mais les obligations qu’elle tient du mémorandum ne s’arrêtent pas là. En consentant à ce
que la Commission examine la demande du Kenya, la Somalie a mis fin à son manquement
substantiel à l’obligation que lui faisait le mémorandum de ne pas élever d’objection. Cela étant,
du fait même de l’introduction de la présente instance devant la Cour, elle a commis un
manquement substantiel à deux autres obligations qui lui incombent relativement au mode de
règlement convenu entre les Parties : en effet, celles-ci doivent tout d’abord attendre que la
Commission des limites formule des recommandations sur la limite extérieure du plateau
continental, puis conclure un accord concernant la frontière maritime, et ce, par voie de négociation
et non en faisant appel à la Cour.
II. E MÉMORANDUM D ’ACCORD DE 2009 EXCLUT LA COMPÉTENCE DE LA COUR
130. Malgré le rôle central du mémorandum d’accord pour la compétence de la Cour, la
Somalie ne s’y réfère dans son mémoire que de manière sporadique et incidente . Elle tente assez
curieusement d’en éluder l’importance pourtant directe en l’espèce en affirmant que, «quel que soit
son statut, [le mémorandum] n’était pas censé résoudre le différend entre les Parties concernant
leur frontière maritime» . Cet argument est totalement dépourvu de pertinence. Il est évident que
le mémorandum d’accord n’a pas réglé le différend relatif à la frontière maritime, mais il est tout
aussi évident que cet instrument constitue un accord juridiquement contraignant quant au mode à
utiliser pour régler ce différend toujours irrésolu.
156
Demande de la République fédérale de Somalie en date du 16 juillet 2015 concernant le plateau continental.
Résumé modifié, doc. 2015-07-16_SOM-DOC-001, disponible (en anglais) à l’adresse suivante : http ://www.un.org/
Depts/los/clcs_new/submissions_files/som74_14/2015-07-16_SOM-DOC-001.pdf (annexe 45). Il y est indiqué que «[c]e
résumé modifié remplace le résumé déposé le 21 juillet 2014 à la division des affaires maritimes et du droit de la mer [de
l’Organisation des Nations Unies]» (p. 2).
157
Ibid., p. 6.
158Voir MS, par. 7.27.
159Comme il a déjà été indiqué, le mémorandum d’accord n’est mentionné que brièvement aux paragraphes 3.38
à 3.42, 3.46, 3.52 et 7.20 du mémoire.
160
Par. 3.42. - 36 -
59 131. La Somalie a beau s’efforcer de jeter le doute sur le statut du mémorandum d’accord,
elle admet dans son mémoire que cet instrument est bel et bien entré en vigueur 161et n’en conteste
pas expressément le caractère contraignant en droit. Elle se contente d’affirmer vaguement que,
son Parlement fédéral ayant «voté contre la ratification du mémorandum», celui-ci est «non
opposable» . Il convient de relever que, dans son mémoire, la Somalie cite le dispositif du
mémorandum d’accord dans son intégralité, à une seule exception près : elle en omet la disposition
finale, qui stipule que cet instrument «entrera en vigueur à sa signature». En outre, elle ne fournit
aucune explication ni aucun document démontrant en quoi le vote de son Parlement serait
juridiquement fondé ou pertinent, comme elle le prétend, et pourquoi la ratification serait
subitement devenue une condition préalable à l’entrée en vigueur du mémorandum, alors que
celui-ci était déjà en vigueur. C’est au prix de ces omissions flagrantes que la Somalie peut se
référer au mémorandum d’accord de façon évasive, «quel que soit son statut». De fait, absolument
rien de ce qui est dit dans le mémoire ne vient réfuter la validité du mémorandum d’accord sur le
plan juridique.
132. Il convient également de relever que la Somalie se garde de reprendre l’argument
qu’elle avait avancé (sans toutefois le développer) dans sa note verbale du [4] février 2014 adressée
à l’Organisation des Nations Unies, à savoir que le ministre signataire du mémorandum d’accord
n’aurait, pour une raison ou pour une autre, été ni investi des «pleins pouvoirs» ni «dûment
60 autoris[é]» à agir pour le compte du Gouvernement somalien . Cet argument totalement intenable
a, à juste titre, été abandonné.
133. Le caractère juridiquement contraignant du mémorandum d’accord de 2009 ne saurait
faire de doute. Il s’agit purement et simplement d’un accord international. Comme il sera exposé
ci-après, l’application du droit des traités aux faits de l’espèce permet clairement d’établir ce qui
suit :
a) le mémorandum d’accord constitue un accord international contraignant quant au mode auquel
les Parties doivent avoir recours pour régler leur différend relatif à leur frontière maritime ;
b) le mode de règlement convenu consiste à négocier un accord à l’issue de l’examen de la
Commission des limites, et non à saisir la Cour ; et
c) en conséquence, la Cour n’a pas compétence pour régler le différend relatif à la frontière
maritime et les demandes de la Somalie sont par ailleurs irrecevables du fait du mémorandum
d’accord.
161Voir MS, annexe 6, «Mémorandum d’accord entre le Gouvernement de la République du Kenya et le
Gouvernement fédéral de transition de la République somalienne, afin d’accorder à chacun non-objection à l’égard des
communications à la Commission des limites du plateau continental sur les limites extérieures du plateau continental
au-delà de 200 milles marins», Nations Unies, Recueil des traités, vol. 2599, p. 35, signé et entré en vigueur le
7 avril 2009 (les italiques sont de nous).
162
Voir par. 3er0 («Le 10 octobre 2009, la Somalie a informé le Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies que le 1 août 2009, le parlement somalien avait voté contre la ratification du mémorandum de 2009») et
par. 3.41 («Le 2 mars 2010, la Somalie a de nouveau écrit à l’Organisation des Nations Unies pour lui demander de
«prendre note» du rejet, par le Parlement somalien, du mémorandum d’accord et de le traiter comme un document «non
opposable».»). Voir également par. 7.20, où est mentionné «le rejet par le Parlement somalien du mémorandum
d’accord».
163
La lettre du 4 février 2014 est citée dans le mémoire et annexée à celui-ci (par. 3.41, annexes 41 et 42), qui ne
fait toutefois aucune mention de l’argument avancé dans cette lettre, à savoir que le ministre signataire du mémorandum
d’accord n’aurait pas été investi des «pleins pouvoirs» visés à l’article 7 de la convention de Vienne sur le droit des
traités. - 37 -
A. Le mémorandum d’accord constitue un accord international contraignant
quant au mode auquel les Parties doivent avoir recours pour régler leur
différend relatif à leur frontière maritime
134. Ni le Kenya ni la Somalie n’ont ratifié la convention de Vienne sur le droit des traités,
mais il n’est pas contesté que les principes élémentaires pertinents en l’espèce relèvent du droit
coutumier. Le mémorandum d’accord est un accord international conclu par écrit entre des Etats et
régi par le droit international. Il a été soumis à l’Organisation des Nations Unies pour être
enregistré en tant que traité et a été dûment publié à la fois dans le Recueil des traités des
Nations Unies et dans le Bulletin du droit de la mer. Dans le Manuel des traités de l’Organisation,
il est précisé que «[l]e titre et la forme des documents soumis au Secrétariat aux fins de
61
l’enregistrement sont … moins importants que l164 contenu pour déterminer s’ils constituent ou
non des traités ou accords internationaux» . L’élément capital est que les parties au mémorandum
d’accord avaient manifestement l’intention d’être liées 165par celui-ci ; en d’autres termes, «les
deux ministres ont166gné un texte consignant des engagements acceptés par leurs
gouvernements» .
135. Il est évident que l’intention de la Somalie et du Kenya était d’être liés par le
mémorandum d’accord. L’indication la plus claire en est le libellé exprès de cet instrument
lui-même, aux termes duquel «[celui-ci] entrera en vigueur à sa signature». Entrer en vigueur
signifie devenir juridiquement contraignant. Cette disposition n’a pu être insérée dans le texte du
mémorandum que parce que celui-ci était destiné à être contraignant en droit. Les Parties ont
même précisé quand, exactement, il est devenu contraignant sur le plan juridique : il l’est devenu
immédiatement, dès sa signature.
136. De surcroît, peu après son entrée en vigueur, le mémorandum a été enregistré par le
62
Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies conformément à l’article 102 de la C167te des
Nations Unies. Un certificat d’enregistrement a été établi le 14 août 2009 . S’il avait existé le
moindre doute quant à l’intention des Parties d’être liées, le Secrétariat aurait pu s’abstenir
168
d’enregistrer le mémorandum d’accord en tant que traité . De plus, ce n’est que cinq années plus
tard qu’a été émise la première protestation contre cet enregistrement lorsque, le [4] février 2014, la
Somalie a pour la toute première fois demandé le retrait du mémorandum à l’Organisation, une
demande à laquelle cette dernière n’a pas donné suite. A cela s’ajoutent l’approbation du
164
Section des traités des Nations Unies, Manuel des traités, par. 5.3.2 ; disponible à l’adresse suivante :
https://treaties.un.org/doc/source/publications/THB/French.pdf. Voir également l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2
de la convention de Vienne, qui précise qu’un accord international peut être un traité «quelle que soit sa dénomination
particulière». Voir Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn),
compétence et recevabilité, C.I.J. Recueil 1994, p. 120, par. 23 : «un accord international peut prendre des formes variées
et se présenter sous des dénominations diverses». Voir également l’avis consultatif relatif au Régime douanier entre
l’Allemagne et l’Autriche, rendu en 1931 : «Au point de vue du caractère obligatoire des engagements internationaux, on
sait que ceux-ci peuvent être pris sous forme de traités, de conventions, de déclarations, d’accords, de protocoles ou de
notes échangées» (C.P.J.I. série A/B n° 41, p. 47). Dans l’affaire du «Hoshinmaru», le Tribunal international du droit de
la mer a reconnu qu’un procès-verbal approuvé pouvait constituer un accord : «[l]e procès-verbal ou le compte rendu
d’une commission mixte, telle que la Commission russo-japonaise sur la pêche, peut fort bien être la source de droits et
obligations entre les parties» («Hoshinmaru» (Japon c. Fédération de Russie), prompte mainlevée, arrêt, TIDM
Recueil 2005-2007, p. 46, par. 86).Voir Schmalenbach, «L’article 2», Dörr et Schmalenbach (dir. publ.), Vienna
Convention on the Law of Treaties: A Commentary (2012), p. 29-30 («Dörr et Schmalenbach») : «Mémorandum
d’accord» est une dénomination couramment employée pour désigner les traités internationaux.
165Voir, par exemple, J. Crawford, Brownlie’s Principles of Public International Law (8 éd., Oxford University
Press, 2012), p. 371.
166Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), compétence et
recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 122, par. 27.
167
Annexe 17.
168Section des traités des Nations Unies, Manuel des traités, par. 5.3.1. - 38 -
mémorandum d’accord par le premier ministre, le conseil des ministres et le président somaliens 169
ainsi que la tenue formelle de la cérémonie de signature elle-même . 170
137. Il convient également de tenir compte de la pratique des Parties après l’entrée en
vigueur du mémorandum d’accord. A au moins deux occasions, le chef du Gouvernement
somalien a co171rmé la validité juridique de cet instrument de manière catégorique et dépourvue
d’ambiguïté . La Somalie n’a pas hésité non plus à accepter l’assistance de la Norvège pour
établir la demande qu’elle devait soumettre à la Commission des limites en 2014, alors même que
cette assistance était expressément subordonnée au plein respect du mémorandum.
138. Les obligations contractées par les Parties dans le mémorandum n’étaient évidemment
pas des promesses de coopération vagues ou discrétionnaires. Cet accord consignait un échange
d’engagements précis sur la manière dont les deux Etats résoudraient leur différend relatif à leur
frontière maritime . 172 La Somalie ne saurait à présent s’affranchir unilatéralement de ces
obligations.
63 139. Le mémorandum d’accord constitue de toute évidence un accord juridiquement
contraignant sur un mode spécifique de règlement. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 33 de
la Charte des Nations Unies, les parties à tout différend doivent «en rechercher la solution … par
voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire,
de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix».
De même, l’article 280 de la CNUDM dispose que rien dans la partie XV n’affecte le droit des
Etats Parties de convenir de régler leur différend par «tout moyen pacifique de leur choix». Dans le
cas du Kenya et de la Somalie, le «moyen pacifique de leur choix» consiste à rechercher une
solution par voie de négociation, une fois achevé l’examen de la Commission des limites du plateau
continental ; le mémorandum d’accord ne laisse aucun doute à cet égard.
B. La Cour n’a pas compétence à l’égard des demandes de la Somalie,
qui sont par ailleurs irrecevables
La réserve du Kenya à la compétence de la Cour à l’égard des différends au sujet desquels les
parties en cause ont convenu d’avoir recours à un autre mode de règlement
140. Le mode de règlement convenu dans le mémorandum d’accord entre manifestement
dans le cadre de la réserve par laquelle, dans sa déclaration d’acceptation, le Kenya a soustrait à la
juridiction obligatoire de la Cour «[l]es différends au sujet desquels les parties en cause auraient
173
convenu ou conviendraient d’avoir recours à un autre mode ou à d’autres modes de règlement» .
En conséquence, la requête de la Somalie se rapporte clairement à un différend à l’égard duquel le
Kenya n’a pas accepté la compétence de la Cour.
169Voir partie I, sect. B, ci-dessus.
170
Voir ibid., sect. C, ci-dessus.
171Le 8 avril 2009 et le 19 août 2009, respectivement. Voir partie I, sect. E, ci-dessus.
172Voir partie I, sect. D, ci-dessus.
173
Comme il a été noté plus haut, la déclaration du Kenya est citée intégralement à la note 5 du mémoire de la
Somalie. - 39 -
141. Le Kenya a déposé sa déclaration le 19 avril 1965, à peine deux ans après avoir accédé
64
à l’indépendance. Les réserves y énoncées sont inspirées de celles qu’on trouve dans les
déclarations du Royaume-Uni et de plusieurs autres Etats du Commonwealth.
142. La réserve liée à l’existence d’un autre mode de règlement a été formulée pour la
première fois en 1921 par les Pays-Bas, à l’époque de la Cour permanente de Justice internationale.
Elle est devenue depuis «la réserve la plus fréquente» à l’acceptation de la juridiction obligatoire de
la Cour 174 et figure non seulement dans la déclaration du Kenya, mais aussi dans celles de
175 176 177 178 179 180
l’Australie , de la Barbade , de la Belgique , du Botswana , du Cambodge , du Canada ,
181 182 183 184 185 186
de Djibouti , de l’Estonie , de la Gambie , de l’Allemagne , de la Guinée , du Honduras ,
de la Hongrie , de l’Inde , de la Côte d’Ivoire , du Lesotho , du Libéria , du 190 191
192 193 194 195 196 197
Luxembourg , de Madagascar , du Malawi , de Malte , de Maurice , des Pays-Bas , de la
65 198 199 200 201 202
Nouvelle-Zélande , du Nigéria , des Philippines , de la Pologne , du Portugal ,
174R. Kolb, The International Court of Justice, Hart Publishing, 2013, p. 464.
175Déclaration du 22 mars 2002.
176 er
Déclaration du 1 août 1980.
177
Déclaration du 17 juin 1958.
178
Déclaration du 16 mars 1970.
179
Déclaration du 19 septembre 1957.
180
Déclaration du 10 mai 1994.
181Déclaration du 2 septembre 2005.
182Déclaration du 21 octobre 1991.
183Déclaration du 22 juin 1966.
184Déclaration du 1 mai 2008.
185
Déclaration du 4 décembre 1998.
186
Déclaration du 6 juin 1986.
187
Déclaration du 22 octobre 1992.
188
Déclaration du 18 septembre 1974.
189Déclaration du 29 août 2001.
190Déclaration du 6 septembre 2000.
191Déclaration du 20 mars 1952.
192Déclaration du 15 septembre 1930.
193
Déclaration du 2 juillet 1992.
194
Déclaration du 12 décembre 1966.
195
Déclaration du 2 septembre 1983.
196
Déclaration du 23 septembre 1968.
197 er
Déclaration du 1 août 1956.
198Déclaration du 22 septembre 1977.
199Déclaration du 30 avril 1998.
200Déclaration du 18 janvier 1972.
201Déclaration du 25 mars 1996.
202
Déclaration du 25 février 2005. - 40 -
du Sénégal , de la Slovaquie , de l’Espagne , du Soudan , du Suriname 206 207 et du
208
Royaume-Uni .
209
143. Ainsi que l’a fait observer un éminent publiciste , il s’agit d’«une réserve pouvant
revêtir beaucoup d’importance, en ce qu’elle règle les rapports entre les différents engagements qui
peuvent avoir été pris concurremme210en matière de règlement des différends, faisant prévaloir le
particulier … sur le général» .
144. La Cour a reconnu de longue date que les déclarations faites au titre du paragraphe 2 de
l’article 36 de son Statut constituent «des engagements facultatifs, de caractè211unilatéral, que les
Etats ont toute liberté … [d]’assortir de conditions ou de réserves» . Il n’existe «aucune raison
d’en donner une interprétation restrictive» . La Cour doit donc donner plein effet à la réserve
formulée par le Kenya à l’égard des «différends au sujet desquels les parties en cause auraient
convenu ou conviendraient d’avoir recours à un autre mode ou à d’autres modes de règlement».
145. En 1992, dans l’affaire de Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru
66 213
c. Australie) , la Cour a confirmé que, lorsqu’un Etat avait formulé une telle réserve et qu’il
existait effectivement une «procédure agréée autre que le règlement judiciaire» , elle n’avait 214
manifestement pas compétence.
146. Telle est précisément la situation dans laquelle se trouve la Cour en l’espèce. Le Kenya
a formulé pareille réserve et les Parties disposent, en vertu du mémorandum d’accord, d’une
«procédure agréée autre que le règlement judiciaire». La saisine de la Cour par la Somalie va
directement à l’encontre de la méthode de règlement en deux temps ainsi convenue, selon laquelle
a) la délimitation «fera l’objet d’un accord», b) lequel ne pourra être conclu qu’après l’examen de
la Commission des limites du plateau continental. Aussi la Cour n’a-t-elle pas compétence.
147. Il y a lieu d’observer par ailleurs que, dans son mémoire, la Somalie se garde de toute
référence à l’assertion, formulée dans sa requête, selon laquelle «[l]a compétence de la Cour au
203Déclaration du 2 décembre 1985.
204Déclaration du 28 mai 2004.
205Déclaration du 29 octobre 1990.
206Déclaration du 2 janvier 1958.
207
Déclaration du 31 août 1987.
208
Déclaration du 31 décembre 2014.
209
La réserve du Royaume-Uni exclut en ces termes «[t]out différend que le Royaume-Uni et l’autre ou les autres
parties seraient convenus de régler selon un autre mode de règlement pacifique».
210
M. Wood, «The United Kingdom’s Acceptance of the Compulsory Jurisdiction of the International Court»,
O.K. Fauchald, H. Jakhelln et A. Syse (dir. publ.), Festschrift Carl August Fleischer, Scandinavian University
Press, 2006, p. 637 (les italiques sont de nous).
211
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 392, par. 59.
212
Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 432, par. 44.
213
Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 240.
214
Par. 11. - 41 -
titre du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut est confirmée par l’article 282 de la [convention des
Nations Unies sur le droit de la mer]» (requête, par. 5). De fait, indépendamment du mémorandum
d’accord de 2009, les modes de règlement visés dans la partie XV de cette convention auraient
également pour effet de faire jouer la réserve du Kenya et d’exclure la compétence de la Cour.
Les demandes soumises à la Cour sont par ailleurs irrecevables à raison du manquement de
la Somalie aux obligations lui incombant au titre du mémorandum d’accord
148. La Somalie est également irrecevable en son action au motif que celle-ci va directement
à l’encontre des obligations découlant du mémorandum d’accord. Il est bien établi que «[t]out
215
67 traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi» . Or la Somalie a fait
tout le contraire. En s’adressant à la Cour, elle a sciemment et délibérément bafoué le principe
pacta sunt servanda.
149. Premièrement, elle a donné, puis retiré, pour enfin redonner (juste avant le dépôt de son
mémoire) son consentement à l’examen de la demande du Kenya par la Commission des limites du
plateau continental, occasionnant ainsi des frais et des retards importants. Deuxièmement, elle a
méconnu la clause du mémorandum d’accord subordonnant précisément la délimitation à l’examen
de la Commission. Troisièmement, en décidant unilatéralement de saisir la Cour du différend, elle
a tenté de se soustraire à son obligation de négocier un accord sur la délimitation à l’issue de
l’examen de la Commission.
150. La Somalie a fait preuve de mauvaise foi en manquant systématiquement aux
obligations qu’elle tient du mémorandum d’accord . Or la partie qui demande justice à la Cour
217
doit avoir les «mains propres» , surtout lorsqu’elle a expressément convenu d’avoir recours à une
procédure autre que le règlement judiciaire. Conclure à la recevabilité des demandes de la Somalie
en l’espèce reviendrait à avaliser les agissements illicites de cet Etat, au détriment des obligations
que lui impose le droit des traités.
151. En conséquence, la Somalie est irrecevable en ses demandes.
68 III.O BSERVATIONS FINALES
152. Le mémorandum d’accord est entré en vigueur le 7 avril 2009 et demeure juridiquement
contraignant à l’égard du Kenya et de la Somalie. Conformément au mode de règlement qui y est
convenu, la Somalie a l’obligation de délimiter l’intégralité de sa frontière maritime avec le Kenya,
aussi bien en deçà qu’au-delà de la limite des 200 milles marins,
215Convention de Vienne sur le droit des traités, art. 26.
216
Voir, par exemple, Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et
recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 69, par. 94 ; Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria
(Cameroun c. Nigéria), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 275, par. 38.
217 o
Prises d’eau à la Meuse (Pays-Bas c. Belgique), arrêt, 1937, C.P.J.I. série A/B n 70 ; Projet
Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, par. 133. Voir aussi J. Crawford, Brownlie’s
Principles of Public International Law, 8 éd., Oxford University Press, 2012, p. 701. Voir également G. Fitzmaurice,
«General Principles of International Law», Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye, t. 92
(1957-II), p. 119. - 42 -
a) mais pas avant que la Commission des limites du plateau continental ait formulé ses
recommandations concernant l’établissement de la limite extérieure du plateau continental ; et
ce
b) par voie d’accord négocié et non en s’adressant à la Cour.
153. En conséquence, la Cour n’a pas compétence à l’égard des demandes de la Somalie, qui
sont par ailleurs irrecevables pour les raisons suivantes :
a) la déclaration faite par le Kenya au titre du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut soustrait à la
compétence de la Cour les «différends au sujet desquels les parties en cause auraient convenu
ou conviendraient d’avoir recours à un autre mode ou à d’autres modes de règlement» ; et
b) la Somalie ne respecte pas le mode de règlement convenu dans le cadre du mémorandum
d’accord, auquel elle a l’obligation de recourir de bonne foi.
69 IV. CONCLUSIONS
154. Pour les raisons exposées ci-dessus, le Kenya prie respectueusement la Cour,
conformément au paragraphe 9 de l’article 79 du Règlement, de dire et juger que :
elle n’a pas compétence à l’égard des demandes présentées par la Somalie contre le
Kenya, qui sont en outre irrecevables et sont en conséquence rejetées.
Le 7 octobre 2015.
L’agent de la République du Kenya,
(Signé) Githu M UIGAI , E.G.H., S.C. - 43 -
ATTESTATION
Je certifie que les quarante-sept annexes jointes aux présentes exceptions préliminaires sont
des copies conformes aux documents originaux et que les traductions fournies sont exactes.
Le 7 octobre 2015.
L’agent de la République du Kenya,
(Signé) Githu MUIGAI , E.G.H., S.C.
___________
Exceptions préliminaires du Kenya