MINISTERE
DES
Llbsrt, • BgAllt, • Prat,mitl
AFFAIRES ETRANGERES RÉPUBUQ.UBFRANÇAISE
ET EUROPEENNES
Le directeur des affaires juridiques PARIS,le 7 avril 2009
-,
Monsieur le Greffier,
Dans le délai fixé par la Cour internationale de Justice par son ordonnance du 17
octobre 2008,j'ai l'honneur de vous adresser ci-joint l'exposé écrit de la République française
en l'affaire relative Conformité au droit international de la déclaration unilatérale
d'indépendance des institutions provisoires d'administration autonome du Kosovo (Requête
pour avis consultatConformément aux souhaits exprimés dans votre lettre du 20 octobre
2008, l'original de cet exposé écrit est accompagné de 30 exemplaires en copie. En outre, je
joins à cet envoi une version électronique sur CD-ROM de l'exposé écrit.
Veuillez agréer, Monsieur le Greffier, l'expression de ma considération distinguée.
Edwige BELLIARD
Monsieur Philippe COUVREUR
Greffier de la Cour internationale de Justice
Palais de la Paix
2517 KJ La Haye PAYS BAS COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
REQUETE POUR AVIS CONSULTATIF
CONFORMITE AU DROIT INTERNATIONAL DE LA DECLARATION UNILATERALE
D'INDEPENDANCE DES INSTITUTIONS PROVISOIRES D'ADMINISTRATION AUTONOME
Du Kosovo
EXPOSE ECRIT DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE
17AVRIL 2009 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
REQUETE POUR AVIS CONSULTATIF
CONFORMITE AU DROIT INTERNATIONAL DE LA DECLARATION
UNILATERALE D'INDEPENDANCE DES INSTITUTIONS PROVISOIRES
D'ADMINISTRATION AUTONOME DU KOSOVO
EXPOSE ECRIT DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE
SOMMAIRE
INTRODUCTION .....................................................................1..
..................................................
1.UNE DEMANDE D'AVIS NE RELEVANT PAS DE LA FONCTION JUDICIAIRE DE LA COUR ......15
Il.LES ELEMENTS QUE LA COUR DEVRAIT PRENDRE EN CONSIDERATION SI ELLE
ESTIMAIT DEVOIR REPONDRE A LA DEMANDE D'AVIS ................................35......................
CONCLUSION .....................................................................69.
....................................................
TABLE DES MATIERES .............................................................71.........
...................................... INTRODUCTION
L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté, le 8 octobre 2008, la
1.
résolution 63/3, intitulée« Demande d'avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur
la question de savoir si la déclaration d'indépendance du Kosovo est conforme au droit
international ». Par cette résolution l'Assemblée générale a adress éla Cour la question
suivante:
« La déclaration unilatérale d'indépendance des institutions provisoires
d'administration autonome du Kosovo est-elle conforme au droit international?»
2. Transmise le 9 octobre 2008 à la Cour par le Secrétaire général des Nations
Unies, cette requête pour avis consultatif a été notifiée à tous les Etats admis à ester devant la
Cour par lettres en date du 10 octobre. Par une ordonnance du 17 octobre 2008, la Cour a
décidé que« l'Organisation des Nations Unies et ses Etats membres sont[ ... ] susceptibles de
fournir des renseignements sur la question soumise à la Cour pour avis consultatif» et a fixé
au 17 avril 2009 la date d'expiration du délai dans lequel des exposés écrits pourront être
présentés à la Cour conformément à l'article 66, paragraphe 2, de son Statut. Suite à cette
ordonnance, la France estime nécessaire de faire connaître à la Cour les observations
qu'appellent de son point de vue la requête adressée à la Cour ainsi que la question qui lui a,
par ce biais, été posée.
3. Avant d'examiner les questions juridiques liées à la demande d'avis présentée
à la Cour, la France souhaite brièvement rappeler les étapes ayant conduit l'Assemblée
générale des Nations Unies à adopter la résolution 63/3 (1) ainsi que le contexte plus général
dans lequel s'inscrit cette résolution (2).
1. L'adoption de la résolution 63/3 de l'Assemblée générale
4. Le projet de résolution A/63/L.2, présenté par la République de Serbie le 23
septembre 2008, a été adopté, sans modification, en séance plénière et sans renvoi à une
1
grande commission, le 8 octobre, par 77 voix contre 6 et 74 abstentions •Ce projet de
résolution avait été inscrit sous le point 71 de l'ordre du jour de la soixante-troisième session
1V. le procès-verbal de la22"meséance plén, /63/PV.22, 8 octobre 2008, p. 11. de l'Assemblée générale, créé à l'initiative, quelques semaines plus tôt, de la République de
2
Serbie , intitulé « Demande d'avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur la
question de savoir si la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo est conforme au
droit international » et classé dans le thème F, « Promotion de la justice et du droit
international ».
5. La France s'est déclarée convaincue que la démarche entreprise devant
l'Assemblée générale, qu'elle aboutisse ou non à l'adoption de la résolution souhaitée par la
République de Serbie puis à un éventuel avis consultatif, n'était pas de nature à satisfaire les
objectifs poursuivis par cette dernière. La France ne pense pas que la distinction artificielle
que tente de faire la Serbie entre l'examen de la déclaration d'indépendance du Kosovo d'un
point de vue politique, d'une part, et son examen sur le plan juridique, d'autre part, soit une
3
manière de conjurer d'éventuelles« conséquences déstabilisantes »redoutées par la Serbie •
6. Comme elle le détaille dans le présent exposé, la République française ne croit
pas que la présentation de la proclamation d'indépendance du Kosovo sous un angle
exclusivement juridique - en admettant d'ailleurs qu'elle fût possible - puisse rendre
compte d'une question aussi singulière. A cet égard, la démarche de la République de Serbie
ne permet pas de savoir comment l'Assemblée générale pourrait agir sur la base d'un avis de
la Cour, pour autant que celle-ci soit en mesure de le donner et quel qu'en soit le sens, dès lors
qu'il appartient à chaque Etat d'apprécier s'il reconnaît ou non l'existence du Kosovo Pas 4 •
davantage, et à juste raison, la résolution 63/3 de l'Assemblée générale n'indique-t-elle en
quoi celle-ci pourrait s'appuyer sur un avis de la Cour aux fins de confirmer ou modifier la
présente situation du Kosovo.
7. Dès lors, tant du point de vue politique que sur un plan juridique, la présente
demande d'avis consultatif ne paraît pas, de l'avis de la France, offrir les voies et moyens
d'accomplir les objectifs que déclare poursuivre la République de Serbie, aussi légitimes et
incontestables que soient par ailleurs les principes dont cette dernière se réclame : la primauté
2 V. la lettre du Représentant permanent de la République de Serbie auprès de l'Organisation des Nations Unies,
en date du 15 août 2008, A/63/195.
3 V. le mémoire explicatif joint à la demande d'inscriptiondu point 71 de l'ordre du jour, ibidem: «La
République de Serbie juge que la manière la plus respectueuse des principes établis et la plus raisonnable de
surmonter les conséquences déstabilisantes que pourrait avoir la déclaration unilatérale d'indépendance du
4osovo consiste à ne plus examiner la question d'un point de vue politique, mais sur le plan juridique».
V. infra, par. 1.16.
2du droit dans les relations internationales et le rôle éminent de la Cour internationale de
Justice, en sa qualité d'organe judiciaire principal de l'Organisation des Nations Unies.
8. La volonté partagée de voir les Balkans connaître la stabilité et les peuples de
la région se réconcilier ne se réalisera pleinement qu'à la condition de se réunir autour d'un
avenir commun, et non en maintenant ouvertes les cicatrices du passé. Comme elle a eu
l'occasion de le rappeler à de nombreuses reprises, et notamment lors du vote de la résolution
63/3, la France est guidée par l'objectif essentiel de proposer cet avenir commun aux peuples
des Balkans occidentaux dans le cadre de l'Union européenne. Aussi la République française,
tout en respectant et saluant l'engagement de la République de Serbie d'agir avec la plus
grande retenue possible « en faisant appel à la diplomatie et au droit international »5,nourrit
elle les plus grands doutes quant aux effets réels qu'un avis de la Cour serait susceptible
d'avoir.
2. Le contexte historique de la demande d'avis consultatif
9. La France a reconnu, par une décision irrévocable, l'Etat du Kosovo dès le
lendemain de la proclamation d'indépendance, comme l'ont fait depuis plus de 55 Etats
6
membres des Nations Unies, dont 22 Etats membres de l'Union européenne • Ce faisant, la
République française a non seulement constaté la qualité d'Etat souverain et indépendant du
Kosovo et l'achèvement définitif d'un processus politique entamé en 1999, mais a également
souhaité ouvrir avec un Kosovo désormais indépendant, comme elle l'a fait avec tous les Etats
de la région, une nouvelle page de ses relations avec les Balkans après les drames des années
1990. La France a également entendu s'inscrire, plus largement, dans un engagement de
l'Union européenne en faveur de la stabilité de la région, et au service du respect des droits de
l'homme et des principes de l'état de droit7.
10. Par la déclaration d'indépendance du Kosovo, approuvée officiellement le 17
février 2008 par l'Assemblée du Kosovo, il a été mis un terme à une situation inédite qui a
trouvé son origine dans la dissolution de l'ex-Yougoslavie, la répression de la communauté
5
V. le procès-verbal de la22emeséance plénière, A/63/PV.22, 8 octobre 2008. .V. également la déclaration
du Président de la République de Serbie, M. Tadié, devant le Conseil de sécurité, S/PV.5839, 18 février 2008, p.
5.
6A la date de la rédaction du présent exposé, 56 Etats ont reconnu l'indépendance du Kosovo.
7 V. not. les conclusions du Conseil de l'Union européenne, en date du 18 février 2008, reproduitesin
S/2008/105, annexe ; v. aussi irifi·a,pars. 28-29.
3 albanaise au Kosovo et le conflit qui s'en est suivi en 1999 (a). La déclaration d'indépendance
ne saurait en outre être abordée sans rappeler les importants efforts qui ont été faits et
continuent de l'être par la communauté internationale, et notamment par l'Union européenne,
afin de garantir la paix, la stabilité et le développement des principes de l'état de droit au
Kosovo et dans la région (b).
a. La crise au Kosovo (1989-1999)
11. La large autonomie que la constitution yougoslave de 1974 avait garantie au
Kosovo, notamment par le biais de sa double appartenance à la Serbie et à la République
socialiste fédérative de Yougoslavie, progressivement remise en cause à partir de 1981, fut
supprimée en mars 1989, conduisant à l'intégration totale et forcée du Kosovo au sein de la
Serbie. Dans le contexte de la dissolution de la fédération yougoslave dans les années 1991-
1992, puis au-delà, au sein de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie-et-Monténégro),
(ci-après « la R.F.Y. »), la communauté albanaise du Kosovo a fait l'objet de mesures
discriminatoires, notamment l'interdiction d'accès à l'emploi public, dans une économie alors
complètement étatisée, la fermeture des écoles et des universités, l'interdiction de l'usage de
la langue albanaise, des violences contre les personnes qui ont fait des milliers de victimes,
avant même l'apparition d'un mouvement de guérilla, et contribué à des départs massifs. Ces
mesures discriminatoires ont suscité au sein de cette communauté un large mouvement
revendiquant l'indépendance du Kosovo, donnant ainsi naissance à une crise violente mettant
une nouvelle fois en péril, peu de temps après les drames humanitaires survenus dans l'ex
8
y ougoslavie, la sécurité dans les Balkans •
La crise au Kosovo a culminé à la fin des années 1990 après qu'ont éclaté les
12.
premiers affrontements armés. Ces événements ont conduit la communauté internationale à
multiplier les efforts afin, dans un premier temps, de faciliter un dialogue en vue d'une
8
Comme le rappellera la Mission interorganisations d'évaluation des besoins envoyée en République fédérale de
Yougoslavie du 16au 27 mai 1999par le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies,« La crise[ ...]
au Kosovo a des racines complexes sur les plans historique, politique et socioéconomique. Des violations
systématiques de longue date des droits civils et politiques et des droits de l'homme ont déclenché l'escalade de
la violence et des représailles. En particulier, des violations systématiques et graves des droits de l'homme des
Albanais du Kosovo sont établis par les rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l'homme, le Haut
Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et d'autres observateurs indépendants depuis 1993
(S/1999/662, 14juin 1999, annexe, p. 12, par. 12). V. l'arrêt de la Chambre de première instance du Tribunal
pénal international pour l'ex-Yougoslavie (T.P.I.Y.) du 26 févrie, ilutinovié et autres,aff IT-05-87-T,
vol. 1,pars. 213-230.
4solution politique, pms, face à l'aggravation de la situation, de mettre fin à une cnse
exceptionnellement grave au Kosovo et dans la région et d'en prévenir des conséquences
désastreuses.
13. En mars 1998, et alors que le conflit s'intensifiait, le Groupe de contact,
réunissant les ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne, des Etats-Unis, de la
Fédération de Russie, de la France, de l'Italie et du Royaume Uni, l'Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (O.S.C.E.), et le Conseil de sécurité des Nations Unies,
ont, entre autres, rapidement condamné tant « l'usage excessif de la force par les forces de
police serbes contre des civils et des manifestants pacifiques au Kosovo » que « tous les actes
de terrorisme commis par l'Armée de libération du Kosovo ou par tout autre groupe ou des
individus, et tout appui extérieur aux activités terroristes au Kosovo »9• Depuis cette date
jusqu'à l'action des forces de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) en
R.F.Y., qui débute le 24 mars 1999 10,la situation humanitaire n'a cessé de se détériorer
11
entraînant une augmentation considérable du nombre de réfugiés et de personnes déplacées
2
et traduisant surtout une généralisation de la violence au Kosovo 1 •
14. Le 17 mars 1999, le Secrétaire général des Nations Unies indiquait que « la
situation au Kosovo sur le plan humanitaire et en ce qui concerne les droits de l'homme
rest[ait] grave et que les enquêtes du Haut Commissariat [aux droits de l'homme] concernant
les violences ciblées ont confirmé les observations [... ] faites dans [s]on précédent rapport, à
savoir qu'au Kosovo les violences auxquelles on se livrait et qui s'étendaient maintenant aux
9 Résolution 1160 (1998), en date du 31 mars 199ime considérant du préambule. V. également la déclaration
sur le Kosovo adoptée par les membres du Groupe de contact le 9 mars 1998 (S/1998/223), et la décision 218
adoptée par le Conseil permanent de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe le 11 mars 1998
10/1998/246).
Pour une vue d'ensemble de la crise entre mars 1998 et mars 1999, v. le Rapport de la Mission
interorganisations, précité, note 8, pp. 12-14, pars. 13-17. V. également, T.P.I.Y., arrêt du 26 février 2009,
Milutinovié et autres,précité, note 8, not. vol. 1,par. 350.
11 V. la lettre du 20 février 1999 adressée au Secrétaire général plaer Président en exercice de l'O.S.C.E.,
S/1999/214 (annexe), p. 7: « Selon les estimations du HCR, il continue d'y avoir au total quelque 210 000
personnes déplacées au Kosovo». Le chiffre estimé par l'O.S.C.Eà la date du 20 mars 1999, est de 230 000
personnes au moins, v. le Rapport sur la situation au Kosovo, établi en application des résolutions 1160 (1998) et
1203 (1998) du Conseil de sécurité, adressé au Secrétaire général par le Président en exercice de l'O.S.C.E.,
S/1999/315 (annexe), 23 mars 1999, p. 7. Ce rapport fait aussi état de la poursuite du« départ des Serbes et
d'autres minorités du Kosovo» (ibidem).« Le 24 mars 1999, le HCR estimait à quelque 260 000 le nombre de
personnes déplacées», rapporte la Mission interorganisations d'évaluation des besoins envoyée en République
fédérale de Yougoslavie du 16au 27 mai 1999 (Rapport précité, note 8, p. 14,par. 16).
12
Le 29 janvier 1999, dans son Rapport au Conseil de sécurité, le Secrétaire général des Nations Unies indique
que « [l]a situation au Kosovo sous l'angle des droits de l'homme reste grave depuis près de 11 mois. [... ] Le
nouvel élément le plus troublant est la généralisation de la violence au Kosovo et le caractère que cette violence
revêt à présent» (S/1999/99, pars. 3 et 4).
5 zones urbaines prenaient des proportions telles que le nombre des personnes vivant dans la
crainte ou directement touchées par ces violences ou exposées à des traitements arbitraires ne
cessait d'augmenter » 1. Et le Secrétaire général ajoutait, à cette même date, que la
multiplication des violences visant les civils au Kosovo « contribuait à exacerber le climat de
crainte et d'insécurité, la défiance entre les communautés ne cessant de s'accroître et le tout
14
aggravant les problèmes humanitaires et sociaux au Kosovo » •
15. Durant la même période, le Conseil de sécurité des Nations Unies a exercé sa
responsabilité principale de maintien de la paix et de la sécurité internationales en adoptant
plusieurs résolutions en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, imposant
notamment un embargo sur les armes contre la R.F.Y. 15. Le Conseil de sécurité a en outre
constamment soutenu les efforts du Groupe de contact afin de parvenir à un règlement
pacifique de la crise et d'obtenir un accord sur une solution politique entre les autorités de la
R.F.Y. et les dirigeants albanais du Kosovo. Par la déclaration du Président du Conseil de
sécurité du 29 janvier 1999, le Conseil de sécurité accueillait ainsi avec satisfaction une
nouvelle initiative du Groupe de contact visant à parvenir à un règlement politique entre les
parties 1 .Cette initiative a abouti à la tenue d'une Conférence internationale, à Rambouillet et
Paris, aux mois de février et mars 1999, sans que la R.F.Y. signe les Accords qui y furent
7
négociés 1 , les autorités de Belgrade rejetant notamment catégoriquement tout déploiement de
8
forces étrangères chargées d'appliquer un accord de paix 1 •
13
14S/1999/293, 17mars 1999,par. 4.
Ibid, par. 5.
15V. les résolutions 1160 (1998), 1199 (1998) et 1203 (1998). Plusieurs déclarations du Président du Conseil de
sécurité ont en outre été adoptées,cf S/PRST/1998/25 (24 août 1998), S/PRST/1999/2 (19 janvier 1999) et
16PRST/1999/5 (29janvier 1999).
S/PRST/1999/5, 29 janvier 1999. En outre, le Conseil de sécurité« réaffirme son plein appui aux efforts
internationaux, notamment ceux du Groupe de contact et de la Mission de vérification au Kosovo de
l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, viàaréduire les tensions au Kosovo età faciliter
un règlement politique sur la base d'une autonomie substantielle, de l'égalité pour tous les citoyens et
communautés ethniques au Kosovo, ainsi que la reconnaissance des droits légitimes des Albanais kosovars et des
autres communautés du Kosovo» (ibidem).
17Les « Accords de Rambouillet - Accord intérimaire pour la paix et l'autonomie au Kosovo» sont reproduits
18us la cote officielle des Nations Unies S/1999/648.
V. le Rapport sur la situation au Kosovo, établi en application des résolutions 1160 (1998) et 1203 (1998) du
Conseil de sécurité, transmis au Secrétaire général par le Président en exercice de l'O.S.C.E., S/1999/315, 23
mars 1999, annexe, pp. 6-7. V. également T.P.l.Y., arrêt du 26 février 200Milutinovié et autres,précité, note
8, vol. 1,pars. 353-401, not. par. 397.
616. Au mois de mars 1999, la situation au Kosovo avait ainsi atteint un point de
19
non-retour alors que se confirmaient les craintes d'une nouvelle catastrophe humanitaire .La
mission envoyée par le Secrétaire général en R.F.Y., au mois de mai 1999, résumait ainsi les
résultats de la crise au Kosovo par « le déplacement et l'expulsion massifs et forcés de
centaines de milliers de civils, la destruction systématique de biens et de moyens d'existence,
l'anarchie et la violence gratuites, des milliers de meurtres établis, un nombre incalculable de
décès encore inexpliqués et des souffrances indicibles» en précisant qu'au jour du rapport,
« plus de 850 000 Albanais du Kosovo [avaient] fui la province pour se réfugier dans des pays
20
voisins et dans la République du Monténégro [... ] » . Par ailleurs, l'ensemble des moyens
diplomatiques déployés n'avaient pas permis de convaincre les autorités de Belgrade de
respecter leurs obligations précises au titre des résolutions du Conseil de sécurité 21.Les Etats
membres de l'OTAN ont alors jugé devoir recourir à la force contre Belgrade, afin de mettre
un terme à une escalade continue de la violence menaçant gravement la sécurité de l'ensemble
2
de la population civile au Kosovo et allant à l'encontre des décisions du Conseil de sécurité2 •
19
V. notamment le Rapport sur la situation au Kosovo, précité, note 18, qui fait état de« préparatifs [de l'armée
yougoslave depuis la fin de février] qui pourraient lui permettre de détruire les équipements et de bloquer les
routes permettant d'entrer au Kosovo et d'en sortir», alors que Je seul mécanisme d'observation indépendant, la
Mission de vérification au Kosovo, a été contrainte de se retirer en raison de la détérioration de la situation de
sécurité(ibid., pp. 6 et 11). La Mission de vérification au Kosovo avait été établie le 25 octobre 1998 par la
décision 263 du Conseil permanent de l'O.S.C.E. Elle était chargée de veiller au respect des dispositions de la
résolution 1199 (1998) du Conseil de sécurité en date du 23 septembre 1998. V. également le Rapport présenté
en application des dispositions de la résolution 1203 (1999) du Conseil de sécurité, communiqué par le
Secrétaire général de l'OTAN, le 23 mars 1999, S/1999/338, 25 mars 1999, annexe, p. 2: « A la suite du retrait,
le 20 mars, de la Mission de vérification au Kosovo de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe (OSCE), la République fédérale de Yougoslavie a renforcé ses activités militaires et fait un usage
excessif et disproportionné de la force, créant par là même une nouvelle catastrophe humanita».e
20 La Mission interorganisations ajoute qu'« [a]ucun des arguments avancés par les autorités de la République
fédérale de Yougoslavie, aussi plausibles et légitimes fussent-ils, ne saurait justifier le manquement du
Gouvernement à l'obligation qui lui incombe de protéger ses citoyens contre des actes généralisés de violence
interdits en vertu du droit international et tombant sous le coup du droit international, qui auraient apparemment
été commis dans une large mesure par ses propres agents», Rapport précité, note 8, pp. 5-6, par. 8. La Serbie a
elle-même reconnu que« la violence a été une réalité dans [sa] province méridionale pendant trop longtemps.
Les événements qui se sont produits sous une dictature dans les années 1990 étaient terribles et ne doivent jamais
être minimisés», S/PV.5850, 11 mars 2008, p. 3. V. également l'arrê Mtilutinovié,précité, note 8, vol. 2, not.
pars. 1150-1178.
21 V. S/PV.3988, 24 mars 1999, p. 9 (France). V. également, le Rapport sur la situation. au Kosovo, établi en
application des résolutions 1160 (1998) et 1203(1998) du Conseil de sécurité, transmis au Secrétaire général par
le Président en exercice de l'O.S.C.E., S/1999/315, 23 mars 1999, p. 6:« l'évolution de la situation sur le terrain
et la poursuite des combats montrent assez qu'il n'y a pas de volonté politique de réconciliation».
22La Cour, saisie de requêtes de la R.F.Y. contestant la licéité de l'emploi de la force par la France et d'autres
Etats de l'OTAN, s'est déclarée incompétente pour en connaître par des arrêts en date du 15 décembre 2004,
v. not. Licéité de l'emploi de la.force (Serbie-et-Monténégro c. France), exceptions préliminaires, CI.J Recueil
2004, p. 575. Cette question n'est pas enjeu - et ne pourrait l'être compte tenu des arrêts rendus en 2004 par la
Cour - dans la présente procédure consultative.
7 b. La contribution de la communauté internationale à la formation d'un « Kosovo
pluriethnique et démocratique devant contribuer à la stabilité régionale» 23
17. A l'issue de cette intervention, les premiers jalons d'un règlement définitif de
la question du Kosovo ont pu être posés par la communauté internationale avec l'adoption par
le Conseil de sécurité, le 10juin 1999, de la résolution 1244 (1999). La République française
reviendra plus en détail, dans la suite de ses observations, sur la réponse spécifique qu'a
24
apportée cette résolution à la crise au Kosovo •
18. Il suffitàce stade, enpremier lieu, de rappeler qu'en adoptant cette résolution,
le Conseil de sécurité a exigé que la R.F.Y. « mette immédiatement et de manière vérifiable
un terme à la violence et la répression au Kosovo », en entreprenant le retrait du Kosovo de
toutes ses forces militaires, paramilitaires et de police, et qu'il y a, parallèlement, autorisé le
déploiement par les Etats membres et les organisations internationales compétentes d'une
25
présence internationale de sécurité • Cette dernière, prenant le nom de Force internationale de
sécurité au Kosovo (KFOR), a été établie avec la participation substantielle de l'OTAN, afin
d'exercer les responsabilités conférées au paragraphe 9 de la résolution 1244 et, plus
généralement, afin d'assurer un « environnement sûr pour l'ensemble de la population du
Kosovo et [... ] faciliter le retour en toute sécurité de toutes les personnes déplacées et de tous
26
les réfugiés » . Elle s'est déployée conformémen t un Accord militaro-technique conclu
27
avec la R.F.Y. ,et poursuivra sa mission tant que le Conseil de sécurité n'en aura pas décidé
28
autrement .
19. En second lieu, le Conseil de sécurité a décidé de créer une présence
internationale civile au Kosovo en
« autoris[ant] le Secrétaire général, agissant avec le concours des organisations
internationales compétentes, à établir [celle-ci] afind'y assurer une administration
intérimaire dans le cadre de laquelle la population du Kosovo pourra jouir d'une
autonomie substantielle au sein de la République fédérale de Yougoslavie, et qui
assurera une administration transitoire de même que la mise en place et la supervision
des institutions d'auto-administration démocratiques provisoires nécessaires pour que
23
24V. la déclaration du Président du Conseil de sécurité, S/PRST/2005/51, 24 octobre 2005.
V. infra, pars. 2.18-2.39.
25S/RES/1244 (1999), pars. 3 et 7.
26Ibid., Annexe 2, point 4, auquel renvoie le par. 7 de la résolution.
27Cet accord est reproduit in S/1999/682, 15juin 1999, annexe.
28S/RES/1244 (1999), par. 19.
8 tous les habitants du Kosovo puissent vivre en paix et dans des conditions
normales »29•
20. Parmi les principales responsabilités conférées à la présence internationale
civile, que mettra rapidement en place le Secrétaire général sous le nom de Mission
d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK)3°, compte notamment
celle de « [f]aciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo, en
tenant compte des Accords de Rambouillet» et,« [à] un stade final, superviser le transfert des
pouvoirs des institutions provisoires du Kosovo aux institutions qui auront été établies dans le
cadre d'un règlement politique »31•
21. S'agissant de l'administration et du statut du Kosovo, la résolution 1244
prévoit ainsi clairement trois étapes, dont la première doit consister en l'administration directe
du territoire du Kosovo par la présence civile internationale et la deuxième, sous la
supervision de la présence civile, en un régime provisoire d'auto-administration par des
institutions autonomes kosovares 32. S'agissant de la troisième étape, celle du« règlement
définitif» attendu 33, le Conseil de sécurité ne pouvait en revanche - ce que prévoit la
résolution 1244 - qu'envisager, soutenir et essayer de« faciliter un processus politique » en
vue d'assurer la stabilité de la région.
22. Près de six ans après l'adoption de la résolution 1244, le processus politique
devant aboutir au statut futur du Kosovo a pu être entamé par le Secrétaire général, sur la base
34
de propositions de son Envoyé spécial , et avec l'appui du Conseil de sécurité, dans
29Ibid, par. 10. V. aussi le par. 11, al. a).
30V. notamment le Rapport présenté par le Secrétaire général en application du paragraphe 10 de la résolution
1244 (1999) du Conseil de sécurité, S/1999/672, 12juin 1999.
31
32S/RES/1244 (1999), par. 11, respectivement al. e) et f).
Ces deux étapes correspondent aux principes généraux énoncé àsl'annexe 1 de la résolution, sur lesquels le
Conseil de sécurité a décidé que devait reposer« la solution politique de la crise du Kosovo» (ibid, par 1), à
savoir, respectivement,
la« [m]ise en place d'une administration intérimaire pour le Kosovo [... ] pour garantir les conditions
permettant à tous les habitants du Kosovo de vivre en paix une existence normale »,
puis« la mise en place d'un accord cadre politique intérimaire prévoyant pour le Kosovo une autonomie
substantielle, qui tienne pleinement compte des Accords de Rambouillet et des principes de
souveraineté et d'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et des autres pays de la
région, et la démilitarisation 'ALK », (ibid, annexe 1).
33/bid,par.11, al. a).
34
V. le Rapport de M. Kai Eide, transmis par le Secrétaire général au Conseil de sécurité, S/2005/635, 7 octobre
2005.
9 « l'objectif d'un Kosovo pluriethnique et démocratique devant contribuerà renforcer la
stabilité régionale» 3•
23. A l'issue «d'intenses négociations avec les dirigeants de laSerbie[ 36l et du
Kosovo [et] après plus d'un an de pourparlers directs, de négociations bilatérales et de
consultations d'experts», l'Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Martti Ahtisaari, a
toutefois été amené à conclure que « toutes les possibilités de parvenir à une issue négociée
du commun accord des parties ont été épuisées », et que «la seule option viable pour le
Kosovo [était] l'indépendance, en un premier temps sous la supervision de la communauté
internationale »37• La communauté internationale a néanmoins poursuivi ses efforts, tout au
long de l'année 2007, afin d'obtenir un accord des parties et en n'écartant aucune solution 38.
24. La déclaration d'indépendance du Kosovo, le 17 février 2008, a
irrévocablement mis un terme au processus politique sur la détermination du statut du
Kosovo, sans remettre en cause, bien au contraire, l'engagement de la communauté
internationale au service de sa stabilité et de sa sécurité.
25. L'Organisation des Nations Unies, l'Organisation du Traité de l'Atlantique
Nord, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et l'Union européenne, entre
autres, se sont massivement mobilisées afin de servir les objectifs et de remplir les
responsabilités fixés par le Conseil de sécurité dans la résolution 1244. Grâce à une action
concertée, la MINUK, à laquelle est revenue la tâche immédiate de reconstruction en 1999, a
pu établir un Cadre constitutionnel pour un gouvernement autonome provisoire 39 et ainsi
35
V. la déclaration du Président du Conseil de sécurité, S/PRST/2005/51, 24 octobre 2005.
36 La R.F.Y. a pris le nom officiel de Communauté d'Etats Serbie-et-Monténégro après l'adoption d'une
nouvelle Constitution en 2003. Aprladéclaration d'indépendance de la République du Monténégro, le 3 juin
2006, la« République de Serbie» a déclaré assurer la continuité de l'Etat de Serbie-et-Monténégro, v. C.I.J.,
arrêt du 18 novembre 2008,Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Croatiec. Serbie), Exceptionspréliminaires,disponible à l'adresse Internet suivante: http://www.icj
37j.org/docket/files/118/l 4890.pdf, par. 23.
Rapport de !'Envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut du Kosovo, S/2007/168, 26 mars 2007, p. 2,
pars. 1, 3 et 5. A partir de ces conclusions et recommandations, M. Ahtisaari a présenté une proposition globale
de Règlement portant statut du Kosovo (S/2007/168/Add. 1, 26 mars 2007), qui «trace les structures de [la]
supervision internationale,jette les bases d'un futur Kosovo indépendant viable, durable et stable, où toutes les
communautés et leurs membres pourraient vivre dans la paix et la dignité», Rapport précité, p. 2, par. 5.
38V. infra,pars. 2.40-2.62.
39V. le Règlement de la MINUK du 15 mai 2001, UNMIK/REG/2001/9 (reproduit dans le dossier présenté au
nom du Secrétaire général conformémeà ntl'article 65, paragraphe 2, du Statut de la Cour, Partie II, F, pièce
n°156). V. aussi le Rapport du Secrétairegénéral sur la MINUK, S/2001/565, 7juin 2001, p. 1,par. 2.
10 40
conduire à l'émergence d'institutions démocratiquement élues au Kosovo Le 17 novembre
2007, le renouvellement des membres de l'Assemblée du Kosovo a ainsi marqué «la
cinquième série d'élections organisées avec succès dans la province depuis l'établissement de
41
la MINUK » .
26. C'est dans ce contexte que la déclaration d'indépendance a été approuvée au
sein de l'Assemblée du Kosovo par 109 des 120 représentants élus en novembre 2007 dans de
42
parfaites conditions démocratiques , même si les 10 députés de la communauté serbe du
43
Kosovo n'ont pas assisté à la séance . La déclaration d'indépendance traduit de façon claire
et indiscutable l'engagement de poursuivre les objectifs menés jusque là par la communauté
internationale et de permettre la poursuite des efforts entrepris. Dans la déclaration
d'indépendance, les représentants du Kosovo insistent sur leur volonté de respecter les droits
de l'homme et ceux des communautés ethniques du Kosovo; ils s'y déclarent:
« Résolus à affronter l'héritage douloureux du passé récent dans un esprit de
réconciliation et de pardon,
« Résolusà protéger, à favoriser et à respecter la diversité de [leur] peuple,
« [Désireux] de [s']intégrer pleinement dans la famille euro-atlantique des
démocraties »
et, en conséquence,
« 2. Nous, les représentants de notre peuple, démocratiquement élus, déclarons que le
Kosovo est une république démocratique, laïque et multiethnique, guidée par les
principes de non-discrimination et de protection égale devant la loi. Nous protégerons
et promouvrons les droits de toutes les communautés du Kosovo et créerons les
conditions nécessaires à leur participation effective aux processus politique et de prise
de décisions.
« 3. Nous acceptons intégralement les obligations du Kosovo découlant du plan
Ahtisaari et approuvons le cadre qu'il propose pour guider le Kosovo dans les années à
venir. Nous mettrons pleinement en Œuvre ces obligations y compris l'adoption
40«L'élection de l'Assemblée du Kosovo, le 17 novembre 2001, a dans l'ensemble été considérée comme un
grand succès», rapporte le Secrétaire général (S/2002/62, p. 1, par. 3) qui détaille en outre la mise en place des
institutions provisoires d'administration autonome. V. également le rapport oral devant le Conseil de sécurité du
Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUK, le 27 novembre 2001, S/PV.4430.
41
V. le Rapport du Secrétaire général sur la MINUK, S/2007/768, 3janvier 2008, p. 1, . Le scrutin s'est
déroulé sans incidents, à l'issue d'une campagne électorale globalement équitable et calme, et, comme l'a
confirmé le Conseil de l'Europe, dans le respect des nom1es européennes et des normes internati(ibid,»
pp. 1-2, par. 3).
42V. le Rapport du Secrétaire général sa INUK,S/2008/354, 12juin 2008, par. 3.
43Mais six de ces députés«ont mis fin le 19 mars à leur boycott des sessions plénières de l'Assemblée»
(Rapport du Secrétaire général sur la MINUK, S/2008/45 8, 15juillet 2008, annexe I, par. 1).
11 prioritaire des lois figurant dans son annexe XII, notamment celles qui protègent et
promeuvent les droits des communautés et de leurs membres.
« 4. Nous adopterons dès que possible une constitution qui proclame notre
engagement à respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales de tous nos
citoyens, tels qu'ils sont définis notamment par la Convention européenne des droits
de l'homme. La Constitution intégrera tous les principes pertinents du plan Ahtisaari
et sera adoptée dans le cadre d'un processus démocratique réfléchi »44.
27. La Constitution, adoptée le 9 avril 2008 et entrée en vigueur le 15 juin 2008,
incorpore et développe les principes énoncés dans la Déclaration :
- dès le premier alinéa du préambule, le peuple kosovar se déclare « déterminé à bâtir
un avenir pour le Kosovo en tant que pays libre, démocratique et pacifique, qui sera la patrie
de l'ensemble de ses citoyens »;
- l'article 3 proclame l'égalité de tous devant la loi ;
- les articles 21 à 56 précisent en grands détails les droits et libertés fondamentaux
garantis à tous les êtres humains 45 ;
- les articles 57 à 62, relatifs aux droits des communautés et de leurs membres, posent
en principe que :
« 1. Les habitants appartenant à un même groupe national ou ethnique, linguistique, ou
religieux présent traditionnellement sur le territoire de la République du Kosovo (les
Communautés) ont, outre les droits de l'homme et libertés fondamentales prévus dans
le chapitre II de la présente Constitution, des droits spécifiques aux termes de la
présente Constitution.
« 2. Chaque membre d'une communauté a le droit de choisir librement d'être traité ou
de ne pas être traité en tant que tel et aucune discrimination ne doit résulter d'un tel
choix ou de l'exercice des droits liés à ce choix.
44 Cf. la version française de la déclaration d'indépendance disponible à l'adresse Internet suivante:
45tp://www.assemblv-kosova.org/common/docs/declaration d independance fr.pdf.
Cf. not. l'article 22: « [Applicabilité directe des accords et instruments internationaux]
Les droits de !'homme et libertés fondamentales garantis par les accords et instruments internationaux suivants
sont garantis par cette Constitution, sont directement applicables dans la République du Kosovo et, en cas de
conflit, priment sur toute disposition des lois et autres actes des institutions publiques :
(1) Déclaration universelle des droits de l'homme;
(2) Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses protocoles;
(3) Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ses protocoles ;
(4) Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales;
(5) Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale;
(6) Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes;
(7) Convention relative aux droits de l'enfant;
(8) Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Traduction
non officielle de la version albanaise de la constitution du Kosovo disponible à l'adresse Internet suivante:
http://www.assembly-kosova.org/ common/ docs/Kushtetuta sh.pdf.
12 « 3. Les membres des communautés ont le droit d'exprimer librement, d'entretenir et
de développer leur identité et les qualités attachées à leur communauté.
« 4. L'exercice de ces droits emporte avec lui des devoirs et la responsabilité d'agir
conformément au droit de la République du Kosovo et ne doit pas violer les droits
d'autrui »46•
- et l'application effective de ces principes est garantie par un système judiciaire
moderne, une Cour constitutionnelle dotée de pouvoirs étendus et des « institutions
indépendantes » (Ombudsman, Auditeur général, etc.). A la date du présent exposé écrit, les
objectifs et conditions énoncés dans la Constitution ont commencé à être concrétisés par
l'adoption de lois et règlements offrant, dans un environnement démocratique, d'importantes
7
garanties pour la stabilité, la sécurité et la prospérité du Kosovo4 .
28. Depuis la déclaration d'indépendance, l'action de la communauté
internationale se poursuit 48 - en dépit des divergences qui existent entre les Etats sur la
reconnaissance de l'Etat du Kosovo -, et se réorganise, compte tenu d'une « réalité
totalement nouvelle »49 qui se dessine sur le terrain. Le 26 novembre 2008, le Conseil de
sécurité s'est ainsi « félicit[é] de la coopération qui existe, dans le cadre de la résolution 1244
(1999), entre l'ONU et les autres intervenants internationaux, ainsi que des efforts de l'Union
européenne pour faire progresser la perspective européenne de l'ensemble des Balkans
occidentaux, contribuant ainsi de manière décisive à la stabilité et à la prospérité de la
50
région » •
29. La France, comme l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne,
souhaite continuer à participer à ces efforts en renforçant notamment le concours de l'Union
46Ibid., article 57 [Principes généraux].
47
V. la liste des lois adoptées par l'Assemblée du Kosovoà l'adresse suivante : http://www.assembly
kosova.org/common/docs.1ligjet/matrix en.pdf (consulté le 23 mars 2009) ; v. aussi le journal officiel de la
République du Kosovoà l'adresse suivante: http://www.gazetazvrtare.com/
48Le 12juin 2008, le Secrétaire général des Nations Unies indiquait ainsi«:Durant ces neuf années, la présence
civile internationale, autrement dit la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo
(MINUK), a aidé le Kosovo à accomplir d'importants progrès vers l'établissement et la consolidation
d'institutions provisoires d'administration autonomes, démocratiques et responsables, et vers la mise en place
d'une économie qui fonctionne. Des progrès substantiels ont été faits dans l'application des normes, mais il
demeure utile d'apporter d'autres améliorations dans certains domaines, en particulier dans celui du retour des
réfugiés et des personnes déplacées. Le processus de réconciliation et d'intégration complètes des communautés
du Kosovo sera une entreprise de longue haleine et continueà poser de grandes difficultés», Rapport du
Secrétaire général sur la MINUK, S/2008/354, 12juin 2008, p. 1,par. 2.
49
50Rapport du Secrétaire général sur la MINUK, S/2008/458, 15juillet 2008, p. 1,par. 3.
Déclaration du Président du Conseil de sécurité, S/PRST/2008/44, 26 novembre 2008.
13 51
européenne, à travers la mission EULEX qu'elle déploie actuellement au Kosovo ,dans le
domaine de l'état de droit. Conformément à l'action commune du Conseil de l'Union
52
européenne du 4 février 2008 instituant cette mission , et comme le rappellera le Secrétaire
général des Nations Unies, « EULEX respectera strictement les dispositions de la résolution
1244 (1999) du Conseil de sécurité et opérera sous l'autorité générale de l'ONU et dans le
53
contexte de la neutralité de l'Organisation à l'égard du statut du Kosovo » .
*
* *
30. La République française est convaincue que l'intérêt supérieur de la stabilité et
de la prospérité de l'ensemble des Balkans occidentaux, autour duquel la communauté
internationale est parvenue à se réunir, ne saurait être utilement poursuivi en s'interrogeant
artificiellement sur la conformité de la déclaration d'indépendance du Kosovo au droit
international, alors qu'il pourrait bien au contraire être compromis par l'intervention, d'une
façon ou d'une autre, de la Cour et de l'Assemblée générale dans la question du statut du
Kosovo. Surtout, la France, pleinement confiante dans la sagesse de la Cour tout autant que
profondément attachée à la contribution de celle-ci à l'activité de l'Organisation des Nations
Unies, souhaiterait attirer son attention sur l'incompatibilité de la demande d'avis avec la
fonction judiciaire de la Cour (1) avant d'indiquer, dans l'hypothèse où la Cour déciderait
malgré tout de rendre un avis, les éléments qu'elle devrait prendre en compte à cette fin (Il).
51
V. les conclusions du Conseil de l'Union européenne, Affaires générales et relations extérieures, en date du 18
février 2008, reproduitesin S/2008/105, 18février 2008, annexe.
52V. l'action commune 2008/124/PESC du Conseil de l'Union européenne du 4 février 2008, relativeà la
mission « état de droit» menée par l'Union européenne au Kosovo, EULEX KOSOVOJ,ournal officiel de
l'Union européenne,16février 2008, L.42, pp. 92-98.
53Rapport du Secrétaire général sur laMINUK, S/2008/692, 24 novembre 2008, p. 12,par. 50.
14 1.UNE DEMANDE D'AVIS NE RELEVANT PAS DE
LA FONCTION JUDICIAIRE DE LA COUR
1.1 « Le pouvoir qu'a la Cour de donner un avis consultatif procède de l'article 65
54
du Statut » . Par contraste avec les dispositions relatives à l'exercice de la fonction
contentieuse de la Cour, les articles 96 de la Charte et 65 du Statut, sont rédigés en termes
55
permiss(fs; « [l]e pouvoir ainsi attribué a un caractère discrétionnaire » .Il en résulte que la
Cour n'est pas obligée de répondre à la demande qui lui est adressée:
« La Cour a maintes fois eu par le passé l'occasion de rappeler que le paragraphe 1 de
l'article 65 de son Statut, selon lequel « [l]a Cour peut donner un avis consultatif... »
(les italiques sont de la Cour), devait être interprété comme reconnaissant à la Cour le
pouvoir discrétionnaire de refuser de donner un avis consultatif même lorsque les
conditions pour qu'elle soit compétente sont remplies (C.l.J., avis consultatif, Licéité
de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Recueil 1996 (/), p. 234-235, par.
14) »56.
1.2 Sans doute, faut-il « des raisons décisives pour déterminer la Cour à opposer un
refus à une demande d'avis consultatif » 57•Mais la rareté des cas dans lesquels la Haute
Juridiction a exercé son pouvoir discrétionnaire de refuser de donner un avis consultatif ne
dispense pas
« la Cour de l'obligation de s'assurer, chaque fois qu'elle est saisie d'une demande
d'avis, de l'opportunité d'exercer sa fonction judiciaire, sur la base du critère des
58
'raisons décisives' ...» •
1.3 Elle doit s'assurer de l'absence de telles raisons même si elle a compétence
pour se prononcer sur la question posée. Du fait de son caractère d'organe judiciaire
« et conformément à l'article 65 du Statut, la Cour ne peut donner un avis consultatif
que sur une question juridique. Si une question n'est pas juridique, la Cour n'a pas de
pouvoir discrétionnaire en la matière : elle doit refuser de donner l'avis qui lui est
demandé. Mais, même s'il s'agit d'une question juridique, à laquelle la Cour a
indubitablement compétence de répondre, elle peut néanmoins refuser de le faire.
54C.I.J., avis consultatif du 20juillet 1962, Certaines dépenses des Nations Unies,C.I.J Recueil 1962, p. 155.
55Ibid V. aussi Karin Oellers-Frahm, «Article 96 UN Charter» in Andreas Zimmennann, Christian Tomuschat
et Karin Oellers-Frahm (eds.), The Statute of the International Court of Justice. A Commenta,y, Oxford
56iversity Press, 2006, pp. 187-188.
C.I.J., avis consultatif du 9 juillet 2004, Conséquencesjuridiques de l'édification d'un mur dans le territoire
palestinien occupé,.J.J Recueil 2004, pp. 156-157, par. 44.
57 V. C.I.J., avis consultatif du 8juillet 1996, Licéité de la menace ou de l'emploi des armes n,.1.JiresC
Recueil 1996 (1),p. 235, par. 14et lajurisprudence citée.
58
C.I.J., avis consultatif du 9 juillet 2004, Conséquencesjuridiques de l'édification d'un mur dans le territoire
palestinien occupé,précité, note 56, p. 157,par. 45.
15 Ainsi que la Cour l'a déclaré dans son avis du 30 mars 1950, le caractère permissif de
l'article 65 'donne à la Cour le pouvoir d'apprécier si les circonstances de l'espèce
sont telles qu'elles doivent la déterminer à ne pas répondre à une demande d'avis'
(Interprétation des traités depaix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie
59
(première phase), C.JJ Recueil 1950, p. 72) » •
1.4 En la présente espèce, ily a de sérieux motifs de douter de la compétence de la
Cour pour se prononcer sur la demande formulée par la résolution 63/3 de l'Assemblée
générale, tant il est apparent que la question posée ne revêt pas un « caractère juridique ».
Comme cela sera montré plus loin de manière plus détaillée le droit ,nternational se borne
en effet à constater l'existence d'un Etat indépendant sans s'intéresser aux conditions de sa
formation, en tout cas lorsque celle-ci ne résulte pas d'un recours illicite à la force armée, ni a
fortiori aux conditions de sa« proclamation ».
1.5 Dès lors, la question posée à la Cour n'a, au mieux, que l'apparence d'une
question juridique ; en réalité, on ne peut y répondre sur un terrain véritablement juridique et
la Cour n'est donc pas compétente pour y répondre. Elle ne pourrait l'être que s'il s'agissait
de rechercher si la déclaration d'indépendance s'est accompagnée d'une menace ou de
l'emploi de la force en violation de la Charte des Nations Unies. Sous cet angle, et sous cet
angle seulement, la question posée à la Cour aurait pu se voir reconnaître un caractère
juridique. Un examen sommaire, ou prima facie, des circonstances dans lesquelles le Kosovo
a déclaré son indépendance devrait cependant conduire la Courà rejeter comme
manifestement sans objet une telle interrogation et, compte tenu de l'impossibilité pour elle de
61
se prononcer juridiquement, ou « au fond » ,sur d'autres aspects de la question, à se déclarer
incompétente.
1.6 Au demeurant, comme des « raisons décisives » rendent particulièrement
inopportun, en l'espèce, l'exercice de la compétence consultative, iln'est probablement pas
utile que la Cour se prononce préalablement sur la question de sa compétence ou sur celle de
59
C.I.J., avis consultatif du 20 juillet 1962, Certaines dépenses des Nations Unies,précité, note 54, p. 155.
60V. infra, II,1.
61 Comme l'avait remarqué la Juge Higgins, dans le contexte de l'examen d'exceptions prélimina, choisir
les causes d'une réclamation quyia lieu d'examiner au fond, c'est exercer comme il convient la compétence de
la compétence» (Plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J Recueil 1996, p. 8opinion individuelle, p. 857, par. 36). En paraphrasant cette
opinion, et aux fins de la présente instance,« la Cour devrait donc chercher si, d'après les faits tels qu'ils sont
allégués par [la Serbie], le comportement [du Kosovi.ela déclaration d'indépendance] qui fait l'objet de la
[demande] risquait de violer [le droit international(ibid., p. 856, par. 33). En l'absence de toute règle
pertinente en la matière, la Cour devrait concluresence de cause juridique de la présente demande.
16la recevabilité de la demande d'avis ou distingue formellement les deux. Il apparaît en effet
non seulement que la réponse de la Cour, quel qu'en soit le sens, ne saurait en tant que telle
produire d'effet juridique sur la question du statut du Kosovo (§ 1), mais également qu'une
telle réponse ne pourrait connaître aucune suite de la part de l'Assemblée générale puisque
celle-ci n'entend pas et serait de toute manière dans l'impossibilité juridique d'en tirer la
moindre conséquence, compte tenu des dispositions encadrant sa compétence (§ 2). Pour ces
deux raisons décisives au moins, la Cour devrait, de toute manière, s'abstenir de répondre à la
question qui lui est posée.
§ 1. Tout avis de la Cour, quel qu'il soit, serait privé de tout effet juridique sur le
statut du Kosovo
1.7 Dans son arrêt de 1963 relatif au Cameroun septentrional, la C.I.J. a rappelé
que
« la Cour permanente de Justice internationale et la Cour actuelle ont toutes deux
souligné que le pouvoir conféré à la Cour de rendre des avis consultatifs doit s'exercer
dans le cadre de la fonction judiciaire. Les deux Cours ont eu l'occasion de formuler, à
propos de demandes d'avis consultatifs, des observations qui s'appliquent également
au rôle que doit jouer la Cour en matière contentieuse ; dans les deux cas, la Cour
exerce une fonction judiciaire. Cette fonction est soumise à des limitations inhérentes
qui, pour n'être ni faciles à classer, ni fréquentes en pratique, n'en sont pas moins
impérieuses en tant qu' obstacles décisifs au règlement judiciaire »62•
1.8 C'est que, lorsqu'elle exerce ses fonctions consultatives, la Cour demeure un
organe judiciaire et doit respecter les limites inhérentes à sa fonction judiciaire :
« Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la·Cour internationale de Justice, de
même que la Cour permanente de Justice internationale, a toujours suivi le principe
énoncé le 23 juillet 1923 par la Cour permanente en l'affaire du Statut de la Carélie
orientale : 'La Cour, étant une Cour de Justice, ne peut pas se départir des règles
essentielles qui dirigent son activité de tribunal, même lorsqu'elle donne des avis
consultatifs' (C.P.J.I., série B, no 5, p. 29)»63.
1.9 En d'autres termes, la Cour ne peut se prononcer sur la question qui lui est
posée qu'en l'absence de circonstances de nature à« rendre le prononcé d'un avis consultatif
64
incompatible avec le caractère judiciaire de la Cour » . Or des considérations décisives
62
63C.I.J., arrêt du 2 décembre 196, ameroun septentrional, CIRecueil 1963, p. 30.
C.I.J., avis consultatif du 20juillet 1962, Certaines dépenses des Nations Unies,précité, note 54, p. 155.
64C.I.J., avis consultatif du 16 octobre 1975, Sahara occiC.J.J.Recueil 1975, p. 25, par. 33; v. aussi, avis
consultatif du 9juillet 2004, précité, note 56, p. 157, par. 47.
17 doivent, en l'espèce, la conduire à s'abstenir de donner l'avis consultatif demandé,
indépendamment même de la nature non juridique de la question posée.
1.10 Dans l'affaire du Cameroun septentrional, la Cour a rappelé qu'
« [i]I y a des limitations inhérentes à l'exercice de la fonction judiciaire dont la Cour,
en tant que tribunal, doit toujours tenir compte. [... ] C'est à la Cour elle-même et non
pas aux parties qu'il appartient de veiller à l'intégrité de la fonction judiciaire de la
Cour » 65.
Dans ce même arrêt, la Cour a précisé q «uu'n tribunal n'a pas simplement pour fonction de
fournir une base d'action politique alors qu'aucune question juridique concernant des droits
effectifs n'est en jeu » 66et, afin de « sauvegarder sa fonction judiciaire», elle s'est refusé à
rendre un arrêt qui, quelles que soient les circonstances, ne pourrait avoir d'effet utile et serait
67
sans objet .
1.11 De même, dans les affaires des Essais nucléaires, la Cour a rappelé qu'elle
« possède un pouvoir inhérent qui l'autorise à prendre toute mesure voulue, d'une part
pour faire en sorte que, si sa compétence au fond est établie, l'exercice de cette
compétence ne se révèle pas vain, d'autre part pour assurer le règlement régulier de
tous les points en litige ainsi que le respect des 'limitations inhérentes à l'exercice de
la fonction judiciaire' de la Cour et pour 'conserver son caractère judiciaire'
(Cameroun septentrional, arrêt, C.LJ. Recueil 1963, p. 29). Un pouvoir inhérent de ce
genre, sur la base duquel la Cour est pleinement habilitée à adopter toute conclusion
éventuellement nécessaire aux fins qui viennent d'être indiquées, découle de
l'existence même de la Cour, organe judiciaire établi par le consentement des Etats, et
lui est conféré afin que sa fonction judiciaire fondamentale puisse être
sauvegardée »68•
A cette fin, la Cour a constaté que, du fait de développements intervenus postérieurement à la
requête, les demandes de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande étaient désormais sans objet et
qu'il n'y avait dès lors pas lieu à statuer 69.
65
Arrêt du 2 décembre 1963C ,ameroun septentrional, précité, note 62, p. 29; v. aussi p. 30: «Quoiqu'ien
soit, c'est toujoursla Cour qu'il appartient de déterminer si ses fonctionsjudiciaires sont enjeu» et les arrêts
du 20 décembre 1974,Essais nucléaires (Australie c. France), C.I.J Recueil 1974,p. 259, par. 23, et (Nouvelle
Zélande c. France),C.l.J Recueil 1974, p. 463, par. 23.
66Ibid., p. 37.
67Ibid., p. 38.
68
C.I.J., arrêts du 20 décembre 1974, précités, note 65s,sais nucléaires (Australie c. France),pp. 259-260,
69r. 23, et (Nouvelle-Zélande c. France),p. 463, par. 23.
Ibid., p. 272, par. 62, et p. 478, par. 65.
181.12 Sans doute la Cour a-t-elle pris ces positions à l'occasion d'affaires
contentieuses et l'objet d'un avis est-il différent de celui d'un arrêt. Mais, la Cour elle-même a
souligné que le problème de la préservation de l'intégrité de sa fonction judiciaire se posait
dans les mêmes termes dans les deux cas dès lors qu'il s'agit d'éviter un prononcé judiciaire
dépourvu d'effet utile 70, et, mutatis mutandis, les mêmes considérations doivent conduire à
des solutions identiques. Du reste, dans l'affaire du Sahara Occidental, la Cour a estimé
qu'elle ne pouvait répondre aux questions qui lui étaient posées dans le cadre d'une demande
71
d'avis consultatif que si elles avaient « un effet pratique à l'heure actuelle » •
1.13 Or, dans le cas présent, la question posée à la Cour est dépourvue de tout effet
pratique : quelle que puisse être la réponse, rien, concrètement, ne pourra en résulter.
1.14 La conformité - ou non - de la déclaration d'indépendance du Kosovo au droit
international ne peut avoir aucun effet sur l'existence de cette entité en tant qu'Etat qui est
une pure question de fait comme cela sera démontré plus précisément dans la seconde partie
de ces observations. Dès lors, le Kosovo constitue un Etat si, comme la République française
en a la conviction, il en a les attributs ; il n'est pas un Etat si ce n'est pas le cas, et cela que la
déclaration du 17 février 2008 ait été ou non licite. En tout état de cause, il ne découle
manifestement pas de la question posée à la Cour qu'il lui appartiendrait de se prononcer sur
la question de fait de savoir si le Kosovo est aujourd'hui, ou s'il était à la date de la
déclaration d'indépendance, un Etat.
1.15 Il n'en irait différemment que si cette déclaration et l'indépendance qui s'en est
suivie avaient été imposées par une intervention armée extérieure - ce qui n'est pas le cas -
puisque « [t]out Etat a le devoir de s'abstenir, dans ses relations internationales, de recourir à
72
la menace ou à l'emploi de la force[ ... ] contre l'intégrité territoriale[ ... ] de tout Etat •
1.16 Il en va en revanche de même, s'agissant de l'effet que pourrait avoir la
réponse à la question posée, pour ce qui est de la reconnaissance du Kosovo par les autres
Etats. On ne saurait contester que la reconnaissance d'un Etat« est un acte discrétionnaire que
70V. supra, par. 1.10.
71Avis consultatif du 16 octobre 1975, Sahara occidental, C.I.J Recueil 1975, p. 37, par. 73.
72
Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre
Etats conformément à la Charte des Nations Unies annexée à la résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée générale
du 24 octobre 1970, 1erprincipe.
19 les autres Etats peuvent effectuer au moment de leur choix, sous la forme qu'ils décident et
73
librement » ,limité seulement par l'interdiction de reconnaître une situation créée par une
74
violation de l'interdiction du recours à la force dans les relations internationales .
1.17 De deux choses l'une en effet:
- ou bien la déclaration d'indépendance est jugée conforme au droit international, et
cela n'oblige pas les Etats qui n'ont pas reconnu le Kosovo à le faire;
- ou bien, par impossible, la Cour estime que cette déclaration n'est pas conforme au
droit international, et cela n'oblige pas davantage les Etats à ne pas reconnaître le Kosovo
(non plus que ceux qui l'ont reconnu à retirer leur reconnaissance - en admettant que ce soit
possible) dès lors que l'on ne se trouve pas dans l'hypothèse d'une déclaration
d'indépendance qui serait le fruit d'un recours illicite à la force, cas unique où il y aurait une
5
obligation de non-reconnaissance 7 .
C'est ainsi à juste titre que certains Etats ont souligné, lors du débat préalableà l'adoption de
la résolution 63/3, que leur vote en faveur de celle-ci ne préjugeait en rien la position qu'ils
prendraient (indépendamment de l'avis de la Cour, qu'ils n'ont au demeurant pas mentionné)
quant à la reconnaissance du Kosovo 76•
1.18 Dans un cas comme dans l'autre, l'avis de la Cour serait une sorte de
consultation juridique abstraite et académique, à laquelle ne s'attacherait aucune conséquence
juridique concrète. La réponse à la question posée n'aurait et ne pourrait avoir aucun« effet
juridique utile » ni maintenant ni à l'avenir. En revanche, elle pourrait avoir des conséquences
politiques regrettables, notamment celle d'envenimer la situation en cristallisant les positions
des uns et des autres.
73 Commission d'arbitrage de la Conférence pour la paix en Yougoslavie, avis n° 10, 4 juillet 1992, par. 4,
reproduit dans laRevue générale de droit international public (ci-après« R.G.D.I. ), 1993, p. 594.
74V. la Déclaration 2625 (XXV) précitée, note 721 ,erprincipe : « [...] Nulle acquisition territoriale obtenue par
la menace ou l'emploi de la force ne sera reconnue comme légale». La France note que la Commission du droit
international a reconnu l'existence d'une obligation coutumière de non-reconnaissance d'une situation résultant
de l'emploi illicite de la force, v. le commentaire sous l'article 41, paragraphe 2, des Articles de la C.D.I. sur la
responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite, annexàs la résolution 56/83 de l'Assemblée
générale du 12 décembre 2001, pars. 6) et 7)in Rapport de la C.D.I., 53èeession (2001), Assemblée générale,
75cuments officiels, 56èmeession, supplément n° 10 (A/56/10), p. 309.
V. supra, pars. 25-27 et inji·a, pars. 2-63-2.69, sur les conditions dans lesquelles a eu lieu la déclaration
d'indépendance. V. aussi la lettre datée 1eroctobre 2008 adressée au Président de l'Assemblée générale par le
Représentant permanent du Royaume-Uni, A/62/461, annexe, par. 8.
76V. par exemple les déclarations du Panama ou de la Norvège (A/63/PV.22,8 octobre 2008, p. 7 et p. 15).Pour
sa part, le Monténégro a reconnu l'indépendance du Kosovo le lendemain dujour où il a voté en faveur du projet
de résolution serbe.
20 1.19 Dans les affaires des Essais nucléaires, la Cour a estimé que «[s]i le règlement
judiciaire peut ouvrir la voie de l'harmonie internationale lorsqu'il existe un conflit, il n'est
pas moins vrai que la vaine poursuite d'un procès compromet cette harmonie »77. Il en va de
même s'agissant de la fonction consultative de la Cour: ses avis doivent« fournir aux
organes qui les sollicitent les éléments de caractère juridique qui leur sont nécessaires dans le
78
cadre de leurs activités » , mais elle peut - et doit - s'abstenir de les donner s'il est
apparent, comme c'est le cas en la présente espèce, qu'ils ne peuvent être suivis d'aucun effet,
sinon de menacer l'équilibre trouvé sur le terrain.
1.20 Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit s'assurer qu'un
éventuel avis, non seulement n'aggravera pas les divisions entre les Etats membres, mais
encore ne rendra pas plus difficiles l'apaisement des tensions et la perspective européenne des
Balkans occidentaux. Or, comme l'ont souligné de nombreuses délégations lors du débat sur
la résolution 63/3 de l'Assemblée générale, loin de contribuer à apaiser les tensions, la
demande d'avis adressée à la Cour dans cette affaire risque d'aboutirà« créer de l'incertitude
79
quant au statut du Kosovo et de l'instabilité dans la région » .
1.21 Inutile en soi, et peut-être constitutive d'un élément supplémentaire de
divisions entre les Etats, la question posée à la Cour est d'autant plus contestable que, pour un
autre motif, elle ne répond pas aux objectifs que doit poursuivre toute demande d'avis
consultatif.
77
C.I.J., arrêts du 20 décembre 1974, précités, not5s,sais nucléaires(,4ustraliec. France), p. 271, par. 58,
et(Nouvelle-Zélande c. France),p. 477, par. 61.
78C.I.J., avis consultatif du 9 juillet 2004, Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire
palestinien occupé,précité, note 56, p. 162,par. 60.
79
A/63/PV.22, déclaration de la France, p. 13. V. aussi les déclarations de l'Albanie (p. 5), de la Turquie (ibid.),
du Canada (p. 12), de l'Allemagne (p. 13), de l'Australie (p. 14), du Danemark (p. 15) et de la Suisse(ibid.).
2122 § 2. Tout avis de la Cour interfèrerait avec une question politique à l'égard de
laquelle l'Assemblée générale n'entend et ne pourrait faire aucune
recommandation
1.22 D'autres « raisons décisives», sinon même des problèmes de compétence qu'il
appartiendra le cas échéant à la Cour de relever d'office, doivent conduire à ne pas donner
suite à la demande d'avis formulée par l'Assemblée générale. Une telle conclusion s'impose
tout d'abord à la lumière du contexte, à plusieurs égards sans précédent, dans lequel
l'Assemblée générale a adopté la résolution 63/3 portant devant la Cour la demande d'avis,
qui montre que celle-ci a été posée àl'instigation età destination exclusives des Etats (1).En
outre, un avis de la Cour serait nécessairement privé de toute portée concrète compte tenu de
l'articulation des compétences entre l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité opérée par
l'article 12 de la Charte (2).
1. La requête ne répond pas aux objectifs que doit poursuivre toute demande d'avis
consultatif
1.23 Comme les commentateurs du Statut de la Cour l'ont rappelé à très juste titre,
la procédure organisée à l'article 96 de la Charte et aux articles 65 et suivants du Statut relève
d'un mécanisme de«coopération fonctionnelle » entre la Cour et les autres organes des
Nations Unies 80.C'est uniquement en effet en sa qualité d'organe des Nations Unies que la
Cour est sollicitée dans le cadre de cette procédure afin de donner un avis à l'organe des
Nations Unies qui le lui a demandé.
1.24 Depuis 1945, la Cour a continuellement rappelé, et avec fermeté, cette nature
juridique particulière de la procédure consultative, conçue exclusivement comme un
mécanisme de collaboration fonctionnelle entre institutions rattachées à l'Organisation des
Nations Unies. Dès 1950, dans son avis du 30 mars relatif à l'Inte,prétation des traités de
paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie (premièrephrase), la Cour indiqua
en ce sens que« [!']avis est donné par la Cour non aux Etats, maisà l'organe habilité pour le
lui demander »81•En effet, devait-elle préciser notamment un an plus tard dans son avis du
28 mai 1951 sur les Réserves à la convention pour laprévention et la répression du crime de
80V. Jean-Pierre Cot, « Article 68 », in The Statute of the International Court of Justice. A Commentary, op. cil.,
note 55, p. 1460: «[ ...]Art. 96 UN Charter insists on the functional cooperation between the Court and the other
81gans of the United Nations».
C.J.JRecueil 1950, p. 71.
23 génocide, « [l]'objet de la [...] demande d'avis est d'éclairer les Nations Unies dans leur
action propre » 82•Selon la Cour, toujours, « [l]a finalité de la fonction consultative n'est pas
de régler - du moins directement - des différends entre Etats, mais de donner des conseils
d'ordre juridique aux organes et institutions qui en font la demande » 83.La Cour en a déduit
que son rôle consultatif consiste uniquement à « prêt[er] son assistance à la solution d'un
84
problème qui se pose à [l'organe demandeur] » •
1.25 La Cour ne s'est jamais départie de cette définition purement inter-organique
85
de la procédure consultative ,dont il découle certaines conséquences juridiques importantes,
comme celle selon laquelle « le consentement des Etats ne conditionne pas la compétence de
86
la Cour» lorsqu'elle est saisie d'une demande d'avis . Qu'il existe donc ou non d'autres
limites à la compétence conférée à l'Assemblée générale et au Conseil de sécurité de saisir la
Cour d'une demande d'avis consultatif, au moins est-il parfaitement établi que la procédure
consultative requiert par sa nature mêmel'existence d'un lien organique entre la Cour et
l'organe demandeur, lequel lien s'exprime doublement : seul un organe des Nations Unies (en
ce compris les institutions spécialisées) peut saisir la Cour ; et consécutivement, l'avis ne peut
être donné qu'à cet organe, à l'exclusion de toute autre personne ou entité87•
1.26 La nature inter-organique de la présente demande d'avis est loin d'être établie,
pour plusieurs séries de raisons :
(i) en premier lieu, la demande d'avis consultatif trouve son origine exclusive dans la
requête d'un Etat, la Serbie, déposée auprès de l'Assemblée générale le 22 août 2008,
82CI.J Recueil 1951, p. 19 (italiques ajoutés). Dès 1950, la Cour avait indiqué que les avis consultatifs sont
adressés aux Nations Unies pour les éclairer« dans leur action propre» (avis du 30 mars 1950, précité, note 81,
C.I.J Recueil 1950, p. 71). V. également dans le même sens l'avis consultatif du 21 juin 1971 relatif aux
Conséquencesjuridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
aji-icain)nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, C.I.J Recueil 19p,. 24, par. 32; ou sur
le Sahara occidental, 16octobre 1975,C.1.J Recueil 1975, p. 27, par. 41.
83Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléairea s,vis consultatif du 8 juillet 1996, précité, note 57,
p. 236, par. 15.
84
85Sahara occidental,avis consultatif du 16octobre 1975, précité, note 82, p. 21, par. 23.
V. ainsi Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaire,is consultatif du 8juillet 1996,précité, note
57, p. 235, par. 14.
86Applicabilité de la section 22 de l'article VI de la convention sur les privilèges et immunités des Nations
Unies, avis consultatif du 15 décembre 1989,C.I.J Recueil 1989, pp. 188-189, pars. 31-32; Conséquences
juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupéavis consultatif du 9 juillet 2004,
87écité, note 56, pp. 157-158,par. 47.
V. ainsi Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupéa,vis
consultatif du 9juillet 2004, précité, note 56, p. 164, par. 64: « [...]c'est l'Assemblée générale qui a sollicité un
avis consultatif, et un tel avis serait donnéà l'Assemblée générale et noànun Etat ou une entité déterminés ».
24quelques semaines seulement avant la saisine de la Cour, en-dehors de toute discussion ou de
88
toute activité antérieure ou actuelle de l'Assemblée sur la question ;
(ii) cette demande et le mémoire explicatif qui y est joint n'indiquent pas ce qui serait
précisément attendu de l'Assemblée générale une fois l'avis rendu. L'attention est toute
entière tournée vers les Etats membres, le mémoire soulignant que« [d]e nombreux Etats
Membres tireraient avantage de l'orientation juridique qu'un avis consultatif de la Cour
internationale de Justice fournirait. Un tel avis éclairerait en effet leur jugement sur cette
question » ;
(iii) la même démarche - interétatique plus qu'inter-organique - se retrouve dans le
projet de résolution présenté par la Serbie le 23 septembre 2008. A son tour, celui-ci, qui a été
89
adopté en l'état par l'Assemblée générale le 8 octobre 2008 , ne dit rien de l'attitude passée
ou à venir de l'Assemblée, se limitant à affirmer que la déclaration d'indépendance du
Kosovo « a suscité des réactions diverses de la part desMembres de l'Organisation des
Nations Unies »90,en dehors de l'enceinte del' Assemblée générale;
(iv) les Etats membres qui ont soutenu la proposition serbe au moment de son adoption
par l'Assemblée générale le 8 octobre 2008 ont assumé sans ambiguïté cette orientation
interétatique de la demande, au risque de dénaturer les dispositions qui régissent la procédure
consultative. Le droit de saisir la Cour a été compris en effet à cette occasion non pas comme
une prérogative del' Assemblée utilisée aux fins de ses propres activités, mais comme un droit
direct de l'Etat membre exercé en vue d'éclairer lejugement d'autres Etats membres:
- la Serbie a présenté la demande d'avis comme étant «sa» demande, que
l'Assemblée générale devait seulement« transmettre» à la Cour 91;
- l'avis sollicité a été conçu par la Serbie comme devant servd irirectement et
seulement aux autres Etats 92;
88 A/63/195, Demande d'inscription d'un point supplémentaireà l'ordre du jour de la soixante-troisième
session.
89
90Résolution 63/3.
91A/63/L.2, Projet de résolutionprésenté par la Serbi(eitaliques ajoutés).
A/63/PV.22, 8 octobre 2008, p. 1 : « Nous avons choisi de demander l'avis consultatif de la Cour
internationale de Justic(CJJ)sur la légalité de cette déclaration unilatérale d'indépendance. Aujourd'hui, nous
nous tournons vers l'Assemblée généralepour qu'elle transmette cette demandeà la Cour, conformément aux
pouvoirs et aux fonctions que lui confère la Charte des Nations Unies» (italiques ajoutés).
92
Id. : «Nous pensons également qu'un avis consultatif de la Coufrournirait un avis politiquement neutre mais
autorisé du point de vue juridique à de nombreux pays qui se demandent encore comment considérer la
déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo au regard du droit international» (italiques ajoutés).
25 - la Serbie a également allégué qu'
« [a]ppuyer le projet de résolution permettrait aussi de réaffirmer un autre
principe fondamental : le droit de chaque Etat Membre de l'Organisation des
Nations Unies de poser à la Cour une question simple, élémentaire, sur un
problème qu'il considère comme étant d'une importance vitale. Voter contre ce
projet reviendrait de fait à dénier le droit de tout pays de rechercher,
maintenant ou à l'ave93r, un recoursjudiciaire par l'intermédiaire du système
des Nations Unies » ;
- lors des débats, plusieurs Etats ont fait leur cette conception interétatique de
la demande d'avis, l'Assemblée n'étant considérée que comme un simple organe
transmetteur, exerçant apparemment une compétence liée (chaque Etat membre
disposant d'un « droit de demander un avis consultatif à la Cour», selon ces mêmes
Etats)94.
1.27 En admettant même que la demande d'avis consultatif respecte l'exigence
«inter-organique» en l'espèce, ce dont la Cour devra s'assurer, il demeure que l'avis de la
Cour ne pourra être donné qu'à l'Assemblée générale. Or, l'articulation des compétences
entre l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité, telle qu'elle résulte de l'article 12 de la
Charte, priverait un avis de la Cour de toute portée concrète.
2. L'article 12 de la Charte des Nations Unies priverait un avis de la Cour de toute
portée concrète
1.28 Dans le respect des compétences du Conseil de sécurité et de l'équilibre voulu
par la Charte, il convient de rappeler ici que l'article 12 de la Charte énonce clairement en son
paragraphe premier que
« Tant que le Conseil de sécurité remplit, à l'égard d'un différend ou d'une situation
quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte, l'Assemblée
générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à
moins que le Conseil ne le lui demande ».
93Id. (italiques ajoutés).
94V. par exemple, ibid., p. 7 (Slovaquie):« La Slovaquie, par principe, respecte le droit de tout Etat Membre de
demander des avis consultatifs à la Cour internationale de Justice»; pp. 7-8 (Egypte): « [...]tout Etat Membre
a le droit de demander un avis consultatifla Cour internationale de Justice, et l'Assemblée générale a la
responsabilité de donner suàtcette demande conformément à l'article 96 de la Charte»; p. 8 (Grèce): « Par
principe, la Grèce estime que chaque Etat a pour prérogative de demander un avis consultatif la Cour
internationale de Justice (CIJ) sur des questions importantes relevant du droit international»; p. 10 (Cuba):
« Cuba soutient le droit légitime de tout Etat Membre de l'Organisation des Nations Unies, de demander un avis
consultatià la Cour internationale de Justice»; p. 11 (Algérie):« L'Algérie considère qu'il est du droit de tout
Etat Membre de saisilaCour internationale de Justice conformémentà !'Article 96 de la Charte»; v. également
p.9 (Chypre) et p. 15(El Salvador).
261.29 Dans son avis du 9juillet 2004, la Cour a retenu une interprétation très libérale
95
de l'article 12, paragraphe 1, de la Charte .Cela ne peut toutefois avoir conduit à vider de
tout sens l'interdiction qui y figure. A n'en pas douter, cette interdiction demeure au moins
valable dans les situations particulières du type de celle qui caractérise la présente affaire. Les
circonstances qui entourent la demande d'avis du mois d'octobre 2008 sont en effet très
différentes de celles qui marquaient la demande d'avis consultatif portant sur les
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé,
même s'il existe quelques points de convergence entre elles.
1.30 Au chapitre des points communs entre les deux affaires, il faut relever que dans
l'une et l'autre, le Conseil de sécurité n'a pas demandé à l'Assemblée générale de saisir la
Cour, pas plus qu'un projet de demande d'avis consultatif n'a été soumis au Conseil pour
adoption. Autrement dit, le Conseil de sécurité n'a été aucunement impliqué dans la démarche
consultative, alors même qu'il était, et reste, activement saisi de la situation au Kosovo, et que
la Serbie est associée aux délibérations du Conseil sur cette situation.
1.31 Au chapitre des différences, plusieurs éléments essentiels méritent d'être
signalés. Ceux-ci permettent de distinguer de manière décisive la présente demande de celle
soumise à la Cour en 2004 et donc d'écarter la solution alors retenue. L'analyse attentive de la
motivation de la Cour montre clairement que la ratio legis de son avis de 2004, rapportée aux
faits de l'espèce, n'a pas vocationà faire droit dans le cas présent.
1.32 Lorsque, dans cet avis, la Cour a constaté l'évolution de la pratique relative à
l'article 12 de la Charte, elle n'a en effet pas estimé nécessaire d'envisager l'hypothèse
extrême dans laquelle le Conseil de sécurité serait activement saisi d'une question et
l'Assemblée générale totalement dessaisie de celle-ci. La Cour a uniquement fait état,
d'abord, de la pratique consistant pour l'Assemblée à agir lorsque le Conseil ne remplit pas
ses fonctions « en ce moment », ensuite, de la pratique consistant pour chaque organe à
examiner les mêmes situations «parallèlement » mais sous des angles distincts (« le Conseil
de sécurité tenda[n]t à privilégier les aspects de ces questions touchant à la paix et à la
sécurité internationales, l'Assemblée générale les envisage[ant] sous un angle plus large et en
95
Conséquencesjuridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinia,is précité, note 56,
pp. 148 et s., pars. 24 et s.
27 6
examin[ant] également les aspects humanitaires, sociaux et économiques »)9 . Dans son avis
de 2004, la Cour n'a donc visé que les situations dans lesquelles l'Assemblée générale a,
préalablement au moment où se pose la question de!'application de l'article 12,déjà exercé
une activité à l'égard de la situation en cause, en parallèle du Conseil de sécurité et dans une
perspective différente. En revanche, elle n'a nullement envisagé la situation, insolite, où
l'Assemblée générale saisirait la Cour d'une demande d'avis à propos d'une situation dont
l'Assemblée ne se serait pas préalablement saisie et à propos de laquelle le Conseil de sécurité
exercerait, lui, ses fonctions.
1.33 Lue à la lumière de ces remarques, la demande d'avis soumise à la Cour par
l'Assemblée générale le 8 octobre 2008 se distingue principalement à trois égards de la
demande d'avis formulée dans l'affaire du Mur.
1.34 En premier lieu, la présente demande d'avis n'est pas susceptible d'impliquer
un quelconque partage des tâches entre le Conseil de sécurité, qui s'occuperait des aspects de
maintien de la paix, et l'Assemblée générale, qui s'emparerait de la situation sous un angle
plus large. La question posée n'appréhende la situation au Kosovo que dans ses aspects
directement liés au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Dans sa demande
d'avis, la Serbie indique en effet qu'un avis de la Cour « contribuerait grandement à calmer
les tensions provoquées par la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo, à éviter une
nouvelle détérioration de la situation dans la région et au-delà, et à appuyer les efforts de
réconciliation entre toutes les parties prenantes »97• Lors du débat précédant le vote de la
demande d'avis, la Serbie a réaffinné que le choix de saisir la Cour« permettra de réduire les
tensions dans la région et de faciliter les efforts de réconciliation »98.Or, c'est exactement ce
à quoi s'emploie activement le Conseil de sécurité depuis le 31 mars 1998, date à laquelle il a
commencé à agir sur le fondement du Chapitre VII de la Charte à l'égard de la situation au
Kosovo 9 .
1.35 En deuxième lieu, non seulement la question du Kosovo est toujours restée
formellement inscrite à l'ordre dujour du Conseil de sécurité depuis 1998, mais celui-ci en est
toujours resté activement saisi jusqu'à aujourd'hui, malgré le caractère hautement complexe
96Ibid., p. 150, par. 27.
97A/63/195, 22 août 2008, pièce jointe, p. 3.
98A/63!PV.22, p. 1.
99
Résolution 1160 (1998).
28de la situation sur le terrain, qui a continûment requis du Conseil de sécurité, du Secrétaire
général agissant au nom du Conseil et du Chef de la MINUK, une très grande prudence dans
les décisions à prendre, dans le cadre du Chapitre VII de la Charte, pour assurer la stabilité
régionale et le maintien de la paix au Kosovo et dans la région.
1.36 Depuis la déclaration d'indépendance du 17 février 2008, cette attention
extrême portée à la situation au Kosovo ne s'est nullement démentie.
(i) Le Secrétaire général des Nations Unies a continué de faire régulièrement rapport
au Conseil de sécurité sur l'évolution de la situation sur le terrain et sur les activités de la
MINUK, organe subsidiaire du Conseil de sécurité 100.L'examen de ces rapports révèle à quel
point le Secrétaire général, qui agit au Kosovo comme mandataire du Conseil de
sécurité 101,de même que son Représentant spécial, le Chef de la MINUK, sont restés très
impliqués dans la situation de ce pays, au plan politique comme au plan opérationnel, en
2
gardant à l'esprit l'extrême complexité de leur missio 1° .
(ii) Le Conseil s'est réuni tout aussi régulièrement pour discuter, de manière
approfondie, de la situation au Kosovo, sur la base en particulier des rapports du Secrétaire
général 103.
(iii) Il a tenu par ailleurs, comme il l'avait fait à de nombreuses reprises avant février
2008, une séance à huis clos à laquelle ont été invitées à participer un très grand nombre de
délégations non membres du Conseil, de manière à associer le plus de participants possibles à
ses délibérations 104.
(iv) Il a enfin, le 26 novembre 2008, adopté une déclaration, faite par son Président au
nom de tous les membres du Conseil de sécurité, par laquelle a été avalisée la proposition du
Secrétaire général de reconfigurer les activités de la présence internationale civile au Kosovo,
100
V. les rapports S/2008/211 du 28 mars 2008 ; S/2008/354 du 12juin 2008 ; S/2008/458 du 15juillet 2008 ;
S/2008/692 du 24 novembre 2008 et S/2009/149 du 17mars 2009.
101V. le paragraphe 10de la résolution 1244 (1999).
102V. ainsi S/PV.5917, 20juin 2008, p. 2 (Secrétaire général)«:En presque 40 ans de vie diplomatique, je n'ai
jamais été faceà un problème qui cause autant d'acrimonie, un problème aussi délicat et inextricable que celui
du Kosovo. D'un point de vue juridique, politique et moral, c'est une situation d'une complexité et d'une
sensibilité énormes qui requiert que l'on fasse montre d'une objectivité et d'un sens de la mesure
extraordinaires».
103V. S/PV.5839, 18 février 2008; S/PV.5850, 11 mars 2008 ; S/PV.5917, 20juin 2008; S/PV.5944, 25 juillet
1048; S/PV.6025, 26 novembre 2008 ; S/PV.6097, 23 mars 2009.
V. S/PV.5871, 21 avril 2008 (42 invités se sontjoints aux 15Etats membres du Conseil).
29 compte tenu de la déclaration d'indépendance du 17 février 2008 et de l'implication
consécutive de l'Union européenne dans la supervision des garanties qui y sont reconnues 105.
Ainsi le Conseil de sécurité, en tant qu'organe principal des Nations Unies mais aussi à
travers les différentes missions opérationnelles successivement établies sur le terrain sous son
autorité générale, n'a-t-il jamais cessé d'être activement saisi de la situation au Kosovo.
(v) Cette activité n'a pas été interrompue par la déclaration d'indépendance, les
présences internationales établies sur la base de la résolution 1244 (1999) du Conseil de
sécurité ayant été maintenues comme le demandait d'ailleurs lui-même le nouvel Etat du
106
Kosovo sans que la Serbie s'y oppose.
1.37 A l'opposé le plus extrême de l'activité menée par le Conseil de sécurité, il est
frappant de constater que jusqu'à l'initiative de la Serbie du mois d'août 2008 visant à obtenir
la saisine de la Cour et hormis les deux seules heures de débat consacrées le 8 octobre 2008
par l'Assemblée générale à cette initiative107, cette dernière s'était, à une seule exception -
inévitable mais contingente - près, totalement dessaisie et désintéressée de la question du
Kosovo depuis 1999 (soit depuis neuf ans), compte tenu notamment, et à fort juste titre, de
l'impossibilité pour elle de faire des recommandations sur une situation à l'égard de laquelle
la Conseil de sécurité remplissait ses fonctions 108•
(i) C'est le 17 décembre 1999 en effet que l'Assemblée générale a adoptéde srnière
109
résolution sur le Kosovo, à propos du respect des droits de l'homme sur ce territoire •
Adoptée quelques mois seulement après le vote de la résolution 1244 (1999) et l'institution de
la MINUK, cette résolution 54/183 de l'Assemblée a concrétisé son effacement définitif par
rapport au Conseil de sécurité et son organe subsidiaire, aux décisions et aux missions
desquels la résolution de l'Assemblée fait d'ailleurs de très amples renvois.
(ii) Depuis lors, l'Assemblée ne s'est préoccupée du Kosovo qu'à un titre très
subsidiaire, par le vote annuel, en vertu de ses pouvoirs budgétaires, d'une résolution relative
105S/PRST/2008/44.
106V. leparagraphe 5 de la déclaration d'indépendance, précitée, note 44.
107A/63/PV.22.
108
La France rappellera à cet égard età titre incident que dans son avis de 1996, la Cour a réservé, sans estimer
devoir la trancher, la question de savoir si l'Assemblée générale pouvait poseà la Cour une question sans
rapport aucun avec ses travaux (avis consultatif du 8 juillet 1996, précité, note 57,C.I.J Recueil 199(!),
pp. 232-233, pars. 11-12).En l'espèce, il est incontestable que la question posée est de cette nature.
109Résolution 54/183 du 17décembre 1999« , Situation des droits de l'homme au Kosovo».
30 110
au financement de la MINUK •Dans ces différentes résolutions, et comme elle y était tenue
en vertu de la Charte, l'Assemblée s'est systématiquement limitée à ce seul aspect budgétaire
de la Mission, sans empiéter sur les aspects de fond relevant de la gestion exclusive du
Conseil de sécurité et de la MINUK.
(iii) S'agissant de ces aspects de fond, l'Assemblée, dans ces mêmes résolutions, a
reconnu dans un premier temps «la complexité des activités envisagées pour la Mission »111,
112
dans un second temps « la complexité de la Mission» ,tout en se disant consciente «qu'il
est indispensable de doter la Mission des ressources financières dont elle a besoin pour
s'acquitter des responsabilitésque le Conseil de sécuritélui a confiées dans sa résolution
, 113
pertmente » .
(iv) Ces résolutions portant financement ont été adoptées enfin sans aucun débat au
sein de l'Assemblée réunie en séance plénière, à plus forte raison par conséquent sans aucune
discussion des questions de fond 11•
1.38 Cette situation pleinement justifiée de dessaisissement total de l'Assemblée
explique qu'à la suite de l'initiative de la Serbie d'août 2008, il ait fallu - et c'est un
précédent en matière de procédure consultative -créer, ex nihilo,un nouveau point à l'ordre
du jour pour permettre l'examen par l'Assemblée générale de la demande de saisine de la
Cour.
1.39 L'ancrage choisi à cette fin est d'ailleurs tout à fait significatif de l'absence
totale de la part de l'Assemblée générale d'exercice de ses fonctions (autres que strictement
budgétaires) à propos de la situation au Kosovo depuis neuf ans. Dans la mesure où
l'Assemblée générale ne s'était saisie d'aucun aspect de fond de cette question depuis 1999, il
était impossible de raccrocher la demande d'avis aux points de l'ordre du jour de l'Assemblée
avec lesquels la situation du Kosovo aurait pu entretenir un lien effectif (c'est-à-dire le point
110
V. les résolutions 53/241 du 28 juillet 1999; 54/245A du 23 décembre 1999 et 54/245B du 15 juin 2000;
55/227A du 23 décembre 2000 et 55/227B du 14juin 2001; 56/295 du 27 juin 2002; 57/326 du 18juin 2003;
58/305 du 18 juin 2004; 59/286A du 13 avril 2005 et 59/286B du 22 juin 2005; 60/275 du 30 juin 2006;
61/285 du 29 juin 2007 et 62/262 du 20juin 2008.
111Résolution 53/241 du 28juillet 1999, alinéa 3 du préambule.
112Résolutions 54/245 à 62/262, précitées, note 11O.
113
114Résolutions 53/241à62/262, précitées, note 110 (italiques ajoutés).
V. par exemple, pour la résolution 62/262, A/62/PV.I 09, 20 juin 2008, p. 8.
31 A consacré au maintien de la paix et de la sécurité internationales) 115•Pour contourner la
difficulté, la Serbie a proposé l'inscription de sa demande d'avis au point F ( « Promotion de la
justice et du droit international») de l'ordre du jour de l'Assemblée, ce que l'Assemblée a
116
avalisé, sur recommandation du Bureau •
1.40 Il suffit toutefois de parcourir la liste des questions inscrites au point F de
l'ordre du jour pour saisir à quel point la question du Kosovo n'y est qu'artificiellement
rattachée. Celui-ci ne couvre que l'examen de rapports de juridictions ou d'organes des
Nations Unies et l'étude de questions juridiques générales abstraites comme « les océans et le
droit de mer», la« nationalité des personnes physiques et [la] succession d'Etats» ou« l'état
de droit aux niveaux national et international». Le décalage est flagrant avec l'objectif très
117
concret assigné à la demande d'avis par la Serbie ainsi qu'avec les effets politiques, eux
aussi très concrets, que celui-ci ne manquerait pas d'avoir, s'il était rendu, pour la paix et la
sécurité dans la région.
1.41 La résolution 63/3 par laquelle l'Assemblée générale a saisi la Cour de la
présente demande d'avis (votée d'ailleurs à une majorité toute relative est rema)quable sur
un dernier point, son caractère excessivement sibyllin quant au contexte dans lequel la
demande s'inscrit. Alors que la pratique de l'Assemblée générale (comme du Conseil de
sécurité) en matière consultative a toujours été d'indiquer dans la résolution saisissant la
Cour, sinon ce qu'elle entendait faire de l'avis, du moins quel était le lien concret entre ses
activités et la question posée, la résolution 63/3 ne précise absolument rien de tel. Cela traduit
de nouveau l'absence d'activité effective de l'Assemblée générale à l'égard de la situation au
Kosovo, laquelle doit conduire à déclarer pleinement applicable en l'espèce l'interdiction
énoncéeà l'article 12, paragraphe 1, de la Charte.
1.42 Certes, dans son dernier avis consultatif, la Cour a déclaré qu'aux fins de
l'article 12 de la Charte, « [u]ne requête pour avis consultatif ne constitue pas en soi une
115
116V. A/63/251, Ordre dujour de la6i"'esession de l'Assemblée générale,9 septembre 2008.
V. A/63/250, Premier rapport du Bureau, 17 septembre 2008, par. 61 ; A/63/PV.2, 19 septembre 2008, p. 4.
117V. supra, par. 1.34.
118Sur les 192 Etats membres, 158 ont participé au vote. 77 ont voté pour la saisine de la Cour ; 7 contre (mais le
vote du Liberia n'a pas été pris en compte, en vertu de l'article 19 de la Charte - v. A/63/PV.22, p. 11); et 74 se
sont abstenus. Les Etats ayant voté pour la saisine de la Cour ne représentent donc qu'une minorité de 77 Etats
sur les 192 que compte l'Organisation mondiale.
32 119
'recommandation' de l'Assemblée générale 'sur [un] différend ou [une] situatio »n' .Elle a
par ailleurs rappelé qu'elle « ne saurait refuser de répondre à la question posée au motif que
son avis ne serait d'aucune utilité » dès lors qu'elle « ne peut substituer sa propre appréciation
de l'utilité de l'avis demandé à celle de l'organe qui le sollicite »120• Cependant le cas de
figure est ici très différent. Non seulement, l'Assemblée générale n'a pas indiqué quelle
pourrait être l'utilité de l'avis, mais en outre, il ressort clairement du libellé de la demande
que celle-ci n'intéresse que les Etats membres, à l'exclusion de l'Organisation, que cette
demande a été adoptée par ailleurs en dehors de toute activité de l'Assemblée sur la question
du Kosovo et qu'enfin, l'Assemblée ne peut de toute manière pas agir dans cette situation
sans porter atteinte à l'article 12 de la Charte. Ces circonstances doivent, selon la France,
conduire la Cour à refuser de répondre à la demande d'avis qui lui a été soumise.
11Conséquencesjuridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien a, is précité, note 56,
p. 148, par. 25.
120
Ibid., p. 163, par. 62.
3334 II. LES ELEMENTS QUE LA COUR
DEVRAIT PRENDRE EN CONSIDERATION SI ELLE ESTIMAIT DEVOIR
REPONDRE À LA DEMANDE D'AVIS
2.1 Si la Cour devait néanmoins décider de répondreà la demande d'avis, elle
devrait soigneusement tenir compte du fait qu'aucune règle ne permet de mesurer la
conformité au droit international de la déclaration d'indépendance du Kosovo. Cette seule
considération devrait conduire la Cour à répondre que la déclaration d'indépendance n'était
pas contraire au droit international (§ 1). La France ne doute pas, néanmoins, que la Cour
n'arriverait à une telle conclusion qu'en ayant acquis une parfaite connaissance des
circonstances sans précédent qui ont conduit le Kosovoà se déclarer indépendant. Il paraît dès
lors nécessaire de compléter le présent exposé en soulignant combien non seulement ces
circonstances font du Kosovo un cas sui generis, en aucun cas transposable à d'autres
situations connues du droit international, mais confortent la seule conclusion juridique à
laquelle doit aboutir la question adressée à la Cour, à savoir que la déclaration
d'indépendance, en l'absence de règle pertinente du droit international, ne saurait faire l'objet
d'un contrôle abstrait de licéité et, partant, ne peut être jugée comme contraire au droit
international (§ 2).
§ 1.Rien ne permet d'affirmer que la proclamation de l'indépendance du Kosovo
ne serait pas « conforme au droit international »
2.2 Comme la République française l'a indiqué ci-dessus, la question de savoir si
une entité constitue un Etat repose sur une appréciation de pur fait si bien que, par voie de
conséquence, la Cour ne peut, dans le cadre de ses fonctions exclusivement judiciaires, entrer
121
dans l'examen au fond de la question posée . Si néanmoins la Haute Juridiction décidait
d'entrer en matière, elle ne pourrait que constater que rien n'empêchait le Kosovo de
proclamer son indépendance puisque le droit international ne comporte aucune règle
qu'elle soit prohibitive ou permissive - en ce qui concerne l'accession d'un Etat à
l'indépendance par sécession d'un Etat préexistant (1) si, du moins, l'indépendance ne résulte
pas de la violation de l'interdiction du recours à la force armée dans les relations
internationales conformément à la Charte des Nations Unies (2).
121V. ci-dessus, par. 1.14.
35 1. Le droit international n'interdit pas par principe la proclamation de l'indépendance
d'un Etat nouveau
2.3 Si la Cour décidait de rendre un avis consultatif, elle devrait évidemment se
limiter à répondre à la question posée par l'Assemblée générale. Elle ne devrait, en particulier,
pas décider si, d'une façon générale, le peuple kosovar bénéficiait d'un droit
l'indépendance, ni rechercher si le Kosovo remplit les conditions pour être considéré comme
un Etat mais elle devrait seulement déterminer si la déclaration d'indépendance du 17 février
2008 est conforme au droit international.
2.4 Pour en juger, il convient de partir du principe fondamental selon lequel le
droit international n'encourage ni n'interdit la sécession : il la constate. Comme l'a relevé la
Commission d'arbitrage de la Conférence pour la paix en Yougoslavie les« principes du droit
international [...] permettent de définir à quelles conditions une entité constitue un Etat»,
122
mais « l'existence [ou la disparition] de l'Etat est une question de fait » . Le droit
international prend acte de ce « fait primaire » (de la même manière que le droit national
prend acte de la naissance de l'individu) mais, bien qu'il s'agisse d'une personne morale,
d'une «juridical persan », il ne la crée pas ; il constate son existence et en tire les
conséquences en ce sens que, du seul fait de son existence et dès qu'il existe, l'Etat a tous les
droits et toutes les obligations que le droit international attache à la qualité d'Etat. Les
conditions ou les critères de son existence peuvent faire l'objet d'une définition juridique,
123
mais leur réalisation est une question de pur fait dont le droit prend acte • « The formation of
124
a new State is [... ] a matter of fact, and not of law » . « Le droit international ne favorise pas
la sécession ; mais, il consacre une sécession réussie. Le droit prend acte du fait, comme cela
a été le cas au Bangladesh ou dans l'ex-Yougoslavie. Le droit s'incline devant le fait
etat1que » 125.
122
Avis n° 1, 29 novembre 1991, reproduit in R.G.D.I.P. 1992, p. 264. V. aussi Joe Verhoeven, Droit
internationalpublic, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 59.
123V. Alain Pellet,« Le droit international à l'aube duXXIèeiècle (La société internationale contemporaine -
Permanences et tendances nouvelles)», in Cours euro-méditerranéens Bancaja de droit international,vol. I,
1997, Aranzadi, Pampelune, 1998, p. 55. V. aussi, par exemple, Vladimir-Djuro Degan, « Création et disparition
de l'Etat (à la lumière du démembrement de trois fédérations multiethniques en Europe),ecueil des cours de
l'Académie de droit international,1999,. 279, p. 227.
124Oppenheim 'sInternational Law(15ted.), vol. 1,p. 264§ 209 ; 8 ed., 1955, vol. 1,p. 544§209. V. aussi 9th
ed. par Sir Robert Jennings et Sir Arthur Watts, 1992, vol. 1,p. 677,§ 241 (cité par James Crawford, The
Creation of States in International Law, Clarendon Press, Oxford,ed., 2006, p. 3).
125
Alain Pellet, op. cit., note 123,p. 59.
362.5 Une déclaration d'indépendance n'est que l'un des éléments factueq lsm
conduisent à l'établissement d'un nouvel Etat. Par elle-même, elle n'est ni illicite ni licite.
Sauf cas exceptionnel, l'Etat prédécesseur n'encouragera évidemment pas une sécession et,
dans la très grande majorité des cas, il s'emploiera à l'empêcher par des moyens pacifiques
(comme c'est le cas en la présente espèce) ou par la force; mais on ne saurait poser en
principe que le droit international s'incline devant sa position, faute de quoi toute sécession
devrait être réputée condamnée par le droit international, ce qui n'est pas le cas : le principe
est la neutralité du droit international à cet égard - la condamnation de la proclamation de
l'indépendance étant l'exception; mais, comme on le verra ci-après (2), les circonstances
exceptionnelles qui entraînent l'illicéité d'une déclaration d'indépendance ne sont pas réunies
en la présente espèce. Comme l'a écrit le professeur James Crawford, « The position is that
secession is neither legal nor illegal in international law, but a legally neutral act the
consequences of which are regulated internationally. As Lauterpacht pointed out
'[i]ntemational law does not condemn rebellion or secession aiming at the acquisition of
independence'[ 126l» 127•
2.6 Il n'est pas contestable cependant, et hormis le cas spécifique d'un territoire
colonial 128,qu'une sécession remet en cause l'emprise territoriale de l'Etat prédécesseur aux
dépens duquel elle se réalise. Toutefois, en droit international, le principe de l'intégrité
territoriale de tous les Etats concerne non pas les rapports entre un Etat et sa propre
population, mais les relations des Etats entre eux comme ceci ressort de la rédaction de
l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies, disposition centrale qui fonde et
réglemente ce principe :
« Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales,
de recourir à la menace ou à l'emploi de la force [...] contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout Etat[ ...] »129.
Ainsi que le rappelle le professeur James Crawford, « [t]his position was affirmed by the
International Law Commission in its discussion of the principle of non-recognition of
territorial acquisition by illegal force. Article 11 of the Draft Declaration on Rights and Duties
126Recognition in International Law, Cambridge University Press, 1947, p. 8, et «Revolutionary Activities
Against Foreign States», American Journal ofInternational Law, 1928,p. 128.
127James Crawford, op. cit., note 124,p. 390.
128
Cf. le4èmeprincipe de la Déclaration 2625 (XXV) précitée, note 7«:Le territoire d'une colonie ou d'un
autre territoire non autonome possède, en vertu de la Charte, un statut séparé et distinct de celui de 1'Etat qui
l'administre».
129Italiques ajoutés.
37 of States, which embodied that principle, was amended by limiting it to acquisition 'by
another State' so as to deal with [l30Jthe case of secession » 131. Il s'en déduit que le principe
de l'intégrité territoriale, tel qu'il est conçu par la Charte des Nations Unies, exclut toute
intervention étrangère ayant pour objet le démembrement d'un Etat, y compris par le biais
132
d'un appui armé donné à un mouvement sécessionniste ;mais ceci n'implique nullement
que la sécession par elle-même soit condamnée par le droit international (pas davantage que le
droit international ne l'encourage).
2.7 Une telle conclusion s'impose également aux yeux de la doctrine des
publicistes les plus qualifiés comme l'illustre l'étude dite « des cinq juristes» faite à la
demande del' Assemblée nationale du Québec. Emettant l'avis que les Etats tiers se réservent
un droit de contrôle par le biais de la reconnaissance, qui sera refusée au nouvel Etat si son
existence est douteuse ou s'il doit celle-ci à l'usage illicite de la force armée, surtout si celle
133
ci est assortie d'une aide extérieure , les cinq juristes aboutissent à la conclusion que les
règles existantes en droit international ne permettent pas de juger de la licéité d'une
sécession : le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ne crée pas un droit d'accéder à
l'indépendance en dehors des situations coloniales, mais à l'inverse le principe de l'intégrité
territoriale ne fait pas obstacle à l'accession à l'indépendance de peuples non coloniaux 134.
2.8 En d'autres termes, s'il est tout à fait clair qu'il n'existe aucun droit à la
sécession en droit international, il est tout autant établi que celui-ci n'interdit pas la sécession
ni, par voie de conséquence, une proclamation d'indépendance par une partie de la population
d'un Etat. Toute position contraire reviendrait à remettre en cause la licéité de l'accession à
l'indépendance de très nombreux Etats dont l'existence est aujourd'hui indiscutable et qui
sont tous devenus membres des Nations Unies, qu'il s'agisse des successeurs de la « Grande
Colombie», de la «partition» de l'Inde et du Pakistan, de l'Erythrée, du Sénégal (qui s'est
130
En réalité,d'exclure le cas de la sécession: « The CHAIRMAN proposed the following text: 'Every State has
the duty to refrain from recognizing any territorial acquisition made by another State through force or the threat
of force.' The addition of the words 'by another State'eliminated the case of secession C.(Yearbook 1949,
vol. I, 15meeting - 4 May 1949, p. 113, par. 131 - italiques ajoutés). li n'existe pas de version française de
cette édition de l'annuaire de la C.D.I..
131
132ames Crawford, op. cil.note 124, p. 390.
133. infra, par. 2.13.
Cas de la« République turque de Chypre du Nord». V. not. les résolutions 541 (1983) et 550 (1984) du
Conseil de sécurité.
13Thomas M. Franck, Rosalyn Higgins, Alain Pellet, Malcolm N. Shaw et Christian Tomuschat, « L'intégrité
territoriale du Québec dans l'hypothèse de l'accessionà la souveraineté», Assemblée nationale du Québec,
Commission d'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la souverainetExposés et études,vol.
· I, Les attributs d'un Québec souverain,1992, p. 383, pp. 428-430.
38retiré de la Fédération du Mali), de la Syrie (qui a suscité l'éclatement de la République arabe
unie), de Singapour ou des Républiques issues de la dissolution de l'U.R.S.S. d'une part ou de
la Yougoslavie d'autre part.
2.9 En l'absence de règle du droit international interdisant la sécession d'une partie
du territoire et de la population d'un Etat préexistant - et, par voie de conséquence, la
proclamation de l'indépendance de ce territoire - la Cour de céans :
- devrait s'abstenir de répondre à la question qui lui a été posée par la résolution 63/3
de l'Assemblée générale des Nations Unies, qui ne se prête pas à une réponse de caractère
juridique ; et
- si, malgré tout, elle s'employaità y répondre, elle ne pourrait que constater que la
déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo n'est pas contraire au droit international.
2.10 Cette dernière conclusion s'impose tant du fait de l'absence d'interdiction ou
d'autorisation posée en vertu du droit international concernant l'accession à l'indépendance
d'un territoire que de l'absence manifeste de circonstances spéciales révélant la violation, à
l'occasion de la proclamation d'indépendance du Kosovo, de certaines règles par ailleurs bien
établies du droit international.
2. Aucune autre règle de droit international n'interdisait la proclamation de
l'indépendance du Kosovo
2.11 Quand bien même le droit international n'interdit pas toute sécession par
principe et de manière générale, il n'en comporte pas moins certaines règles prohibitives dont
la violation à l'occasion d'une proclamation d'indépendance pourrait entraîner l'illicéité de
cette dernière.
2.12 Il est inutile aux fins des présentes observations de dresser une liste de ces
règles prohibitives, tant l'examen prima facie des circonstances dans lesquelles le Kosovo a
déclaré son indépendance doit conduire à écarter toute hypothèse de contrariété avec l'une
que1conque edces reg es 13.
135
V. supra, par. 2.5, et infra, pars. 2.63-2.69.
39 2.13 Il ne peut certes être contesté qu'une déclaration d'indépendance et la
constitution d'un nouvel «Etat» sur le territoire d'un Etat préexistant peuvent s'inscrire dans
un contexte de menace ou d'emploi de la force incompatible avec la Charte des Nations
Unies, voire s'accompagner de violations massives du droit international, imposant à tous et à
chacun de ne pas reconnaître comme licites les violations commises et la situation qui en a
résulté136• Ainsi par exemple, c'est la contrariété des proclamations d'indépendance des
«Bantoustans» par l'Afrique du Sud 137 ou de la« République turque de Chypre-Nord » 138
avec des principes aussi fondamentaux du droit international que ceux interdisant l'apartheid
et le recours à la force qui expliquent et justifient les réactions hostiles de la communauté
internationale à leur encontre.
2.14 Si la proclamation d'indépendance du Kosovo pouvait être considérée comme
la conséquence de la violation de l'un de ces principes fondamentaux ou comme un élément
d'un fait complexe constitutif d'une telle violation, il appartiendrait assurément à la Cour de
constater sa contrariété avec le droit international. Mais, précisément, aucune de ces règles
prohibitives n'est pertinente en la présente espèce. Nul ne saurait prétendre 139 que
l'indépendance du Kosovo est le fruit d'une intervention armée extérieure illicite, alors que la
déclaration du 17février 2008 a été proclamée à l'issue d'un long processus politique, conduit
sous la supervision du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies et avec l'appui
du Conseil de sécurité, au cours duquel toutes les options quant au statut définitif du Kosovo,
y compris l'indépendance, ont été envisagées.
136Dans un autre contexte, la Cour s'est dite d'avis «vu la nature et l'importance des droits et obligations en
cause », à savoir le droit du peuple palestinien à l'autodétermination ainsi que certaines obligations en vertu du
droit international humanitaire, que «tous les Etats sont dans l'obligation de ne pas reconnaître la situation
illicite de la construction du mur dans le territoire palestinien» (C.I.J., avis consultatif du 9 juillet 2004,
Conséquencesjuridiques del 'édijication d'un mur dans le territoire palestinien ocpr,écité, note 56, p. 200,
par. 159). Dans son avis consultatif du 21juin 1971 relatif à la Namibie, précité, note 82, la Cour avait déclaré
que les Etats Membres des Nations Unies avaient, en vertu des décisions prises par le Conseil de sécurité,
« l'obligation de reconnaître le défaut de validité du maintien de la présence sud-africaine en Namibie»(C./.J
Recueil 1971, pp. 53 et 54, pars. 115 et 119).
137V. la résolution 3l/6A du 26 octobre 1976 par laquelle l'Assemblée généra« lerejette la proclamation
d"indépendance' du Transkei et déclare qu'elle est nulle et non avenue»; v. aussi, par exemple, la résolution
138 (1977) du Conseil de sécurité en date du 31 octobre 1977.
V. la résolution 541 (1983) du Conseil de sécurité du 18 novembre 1983:« la tentative de créer une
'République turque de Chypre-Nord' est nulle et non avenue».
139La Serbie ne l'a ainsijamais prétendu, v. S/PV.6025, 26 novembre 2008, pp. 4-5 ; S/PV.5917, 20juin 2008,
p. 4; S/PV.5850, 11 mars 2008, p. 2; S/PV.5839, 18 février 2008, pp. 4-5. Concernant l'allégation de violation
du principe de souveraineté et d'intégrité territors.pra, par. 2.6.
402.15 Il n'existe ainsi, de l'avis de la République française, aucun motif qm
justifierait la conclusion selon laquelle la déclaration d'indépendance du Kosovo n'aurait pas
été conforme au droit international.
§ 2. La nature sui generis du processus politique ayant conduit à la déclaration
d'indépendance du Kosovo
2.16 Dans la mesure où la création d'un nouvel Etat est une question de fait, sous la
seule réserve de l'applicabilité, manifestement exclue en l'espèce, d'une obligation de non
reconnaissance, l'exposé qui précède suffit à disposer de la question soumise à la Cour par la
Serbie. La présentation des particularités du processus politique ayant conduit à la déclaration
d'indépendance du Kosovo n'est quant à elle juridiquement pas nécessaire, puisqu'elle ne
concerne pas le droit mais uniquement les faits (les circonstances et les paramètres politiques
ayant gouverné la détermination du statut définitif du Kosovo, leurs incidences sur la création
du nouvel Etat kosovar et sur la politique des autres Etats en matière de reconnaissance, toutes
choses que le droit international ne prédétermine pas).
2.17 Cela étant, il n'est sans doute pas inutile que la Cour soit dûment informée du
caractère profondément sui generis de ce processus politique, au cas où elle estimerait, par
impossible, devoir répondre à la demande d'avis.
2.18 Le caractère inédit de ce processus politique tient à plusieurs considérations,
inséparables les unes des autres :
- premièrement, tout au long de ce processus, c'est-à-dire de 1999 jusqu'au jour de la
déclaration d'indépendance, soit durant pas moins de neuf années, le Kosovo a bénéficié d'un
statut entièrement séparé et distinct de celui de la Serbie. Par leur gravité extrême, les mesures
répressives dirigées par ce dernier Etat contre le Kosovo dans les années quatre-vingt-dix ont
donné naissance à une menace contre la paix et la sécurité internationales qui a conduit en
juin 1999 le Conseil de sécurité, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte, à prendre la
décision exceptionnelle de placer ce territoire sous administration internationale provisoire
(1);
- deuxièmement, dès 1999, l'indépendance du Kosovo a été envisagée par le Conseil
de sécurité comme l'une des options possibles pour le statut définitif du territoire, compte
41 tenu en particulier de la nécessité impérieuse, réaffirmée à de nombreuses reprises, de
respecter la volonté du peuple du Kosovo (2) ;
- troisièmement, l'indépendance, proclamée en février 2008, n'est pas intervenue de
manière subite mais au contraire après que d'intenses négociations ont été menées pendant
plusieurs années, sous l'égide, l'impulsion et le contrôle du Conseil de sécurité, pour parvenir
à une solution mutuellement acceptée. Ce n'est qu'en raison de leur épuisement total et de
leur échec consommé que l'indépendance, résultant de l'expression authentique de la volonté
du peuple du Kosovo, a été finalement proclamée (3);
- quatrièmement, cette indépendance n'a pas été proclamée sans garanties ni contrôle.
Tout en se réalisant de manière pacifique, elle s'est accompagnée d'un engagement ferme de
l'Etat du Kosovo de respecter les règles les plus exemplaires en matière de démocratie, de
droits de l'homme, de droits des minorités et d'état de droit, ce qui permettra la préservation
de la stabilité de la région (4).
- cinquièmement et compte tenu des éléments qui précèdent, les Nations Unies,
comme l'Union européenne, ont très légitimement continué d'apporter leur plein soutien et
leur assistance aux autorités du Kosovo, montrant par là notamment qu'elles n'ont jamais tenu
la déclaration d'indépendance comme constituant un risque pour la paix et la sécurité
internationales dans la région (5).
2.19 Pris dans leur ensemble, ces différents éléments empêchent très clairement de
faire du cas du Kosovo un précédent invocable dans d'autres situations. Comme la France a
140
déjà eu l'occasion de l'expliquer, notamment devant le Conseil de sécurité et l'Assemblée
141
générale ,le processus politique à l'Œuvre au Kosovo depuis 1999 constitue un cas très
nettement sui generis, insusceptible, en cette qualité, d'être invoqué ailleurs dans le monde.
Dans ses conclusions sur le Kosovo du 18 février 2008, le Conseil de l'Union européenne a
rappelé très justement à cet égard que
«[...] l'Union européenne adhère aux principes énoncés dans la Charte des Nations
Unies et l'Acte final d'Helsinki, notamment à ceux de la souveraineté et de l'intégrité
territoriale, et à toutes les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Il se dit
convaincu que, compte tenu du conflit que le Kosovo a connu pendant les années 90 et
de l'administration internationale sous laquelle il a été placé longuement
140V., par exemple, S/PV.5839, 18février 2008, p. 21.
141V. S/63/PV.22, 8 octobre 2008, p. 9.
42 conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, il constitue un cas
142
sui generis qui ne remet pas en question ces principes et résolutions » .
1. Le Kosovo a été placé sous administration internationale pendant près de neuf ans,
créant dans les faits une situation irréversible
2.20 Comme la France l'a rappelé dans l'introduction du présent exposé 14, la
gravité de la crise survenue au Kosovo dans les années 1998-1999 a conduit le Conseil de
sécurité à prendre la décision, sans précédent car répondant elle-mêm àeune situation inédite,
de placer le Kosovo sous administration directe des Nations Unies, sur le fondement du
Chapitre VII de la Charte. Le caractère exceptionnel de cette crise imposait une réponse elle
aussi exceptionnelle. Ainsi s'explique que la résolution 1244 (1999), procédant au placement
du Kosovo sous administration internationale provisoire, ait été adoptée sans aucune voix
contre, en dépit du caractère extrêmement contraignant, pour la R.F.Y., de ses dispositions 14•
2.21 Dans son préambule, la résolution 1244 (1999) réaffirme « l'attachement de
tous les Etats Membres à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la République fédérale
de Yougoslavie», mais ce rappel doit évidemment s'entendre sous réserve des décisions
prises par le Conseil de sécurité dans le dispositif de la résolution.
2.22 Celle-ci a eu un double effet sur l'exercice des pouvoirs de la Serbie sur le
territoire du Kosovo.
2.23 S'agissant du statut provisoire du Kosovo, en plaçant celui-ci sous
administration internationale aux fins de la préservation de la paix et de la sécurité
internationales, leConseil de sécurité a organisé l'indépendancd eefacto de ce territoire par
rapport aux autorités serbes, qui n'ont plus été en mesure d'y exercer le moindre pouvoir
depuis cette date, soit, jusqu'au jour de l'indépendance du Kosovo, durant presque neuf ans.
142
S/2008/105, 18 février 2008, annexe. V. dans le même sens la déclaration de la Finlande, au nom de l'Union
européenne, devant le Conseil de sécurité, le 13 décembre 2006, S/PV.5588, p. 23 :ême, nous voudrions
dire clairement que nous percevons la question du statut du Kosovo comme étant sui generis. L'issue du
processus relatif au statut ne créera pas un précédent pour d'autres régions, car son statut actuel est exceptionnel,
puisqu'il est fondé sur la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité de l'ONU».
143V. supra, pars. 12-27.
144Cette résolution a été adoptée par 14voix pour, la Chine s'étant abstenue :v. S/PV.4011, 10juin O..1, p
43 Durant toute cette longue période, le Kosovo a bénéficié en conséquence d'un statut
45
entièrement séparé et distinctde celui de la Serbie 1 .
2.24 Cela n'a pu manquer de produire des conséquences quant à l'exercice effectif
du pouvoir étatique sur le territoire du Kosovo. Dans son premier avis du 29 novembre 1991,
la Commission d'arbitrage de la Conférence pour la paix en Yougoslavie a indiqué qu'il faut
prendre en considération « la forme de l'organisation politique interne [... ] pour déterminer
l'emprise du Gouvernement sur la population et sur le territoire » 146•Dans le cas présent, dès
lors que fut instituée une administration internationale sur le territoire du Kosovo et que s'est
ensuite mise en place une nouvelle « organisation politique interne», la Serbie n'a pu
concrètement exercer la moindre prérogative étatique sur le territoire du Kosovo depuis 1999.
Ces prérogatives ont été progressivement confiées aux autorités kosovares, conduisant de ce
faità déplacer de manière irrémédiable l'emprise sur le territoire et la population kosovars de
la Serbie vers les autorités du Kosovo.
2.25 S'agissant ensuite du statut définitif du Kosovo,la résolution 1244 (1999) n'a
pas exclu l'option de l'indépendance. Ce faisant, le Conseil de sécurité a admis par avance
que la création, éventuelle, d'un nouvel Etat au terme du processus politique qu'il devait
faciliter ne devait pas s'entendre comme portant atteinte au principe de l'intégrité territoriale
de la Serbie (v. infra, 2).
2.26 Dès l'adoption de la résolution 1244 (1999), la République fédérale de
Yougoslavie a eu pleinement conscience de ses implications exceptionnelles sur le statut tant
provisoire que définitif du Kosovo. Avant le passage au vote du projet de résolution, elle fit
en effet une déclaration dans laquelle elle indiqua que,
« [...] au paragraphe 11 du dispositif, la résolution établit un protectorat, prévoit la
création d'un système économique et politique séparé dans la province et ouvre la
possibilité à une sécession du Kosovo-Metohija de la Serbie et de la République
147
fédérale de Yougoslavie» •
145
Avec toutes les conséquences juridiques qui s'en suivent. Par exemple, la Cour européenne des droits de
l'homme ajugé dans les affairesBehrami c. France et Saramati c. France, Allemagne et Norvège que la Serbie
ne pouvait plus être considérée comme exerçant sa «juridiction» sur le territoire du Kosovo depuis le 10juin
1999 et qu'elle n'était donc pas comptable du respect de la Convention européenne des droits de l'homme sur
celui-ci (arrêt du 31 mai 2007, requêtes n° 71412/01 et 78166/01, pars. 66-72).
146Avis n° 1,reproduit in R.G.D.I.P., 1992,p. 264, paragraphe 1,alinéa c).
147
S/PV.4011, 10juin 1999,p. 6.
442.27 Telle était effectivement l'interprétation correcte des décisions que s'apprêtait
à prendre le Conseil de sécurité en adoptant cette résolution. Le fait que la R.F.Y. ait elle
même souligné leurs implications en tous points exceptionnelles quant au statut provisoire et
définitif du Kosovo est significatif de l'absence d'ambiguïté des décisions prises par le
Conseil de sécurité aux fins exclusives du maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Que la R.F.Y. ait contesté l'opportunité de ces décisions est une chose - et il ne revient
évidemment pas à la Cour de les examiner sous cet angle -, que ces décisions aient eu les
implications qui viennent d'être précisées et que les représentants de la R.F.Y. avaient
indéniablement perçues à l'époque de leur adoption, en est une autre.
2. En vertu de la résolution 1244 (1999), l'indépendance était l'une des options
admissibles pour le statut définitif du territoire
2.28 En rappelant la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Serbie dans son
préambule, la résolution 1244 (1999) n'a nullement eu pour effet, bien au contraire,
d'interdire l'accession du Kosovo à l'indépendance. Celle-ci a soigneusement distingué deux
statuts, l'un provisoire, l'autre définitif. En vertu de cette résolution, l'indépendance était
exclue pour le premier statut ; cette option, en revanche, n'était pas écartée pour le second.
2.29 A une époque où le grave niveau de violence de 1'année 1999 n'avait pas
encore été atteint, le Groupe de contact et le Conseil de sécurité avaient exprimé leur
préférence pour un statut à la fois respectueux de l'intégrité territoriale de la Serbie et offrant
au Kosovo « une autonomie sensiblement accrue et une véritable autonomie
148
administrative » . A l'époque, le Groupe de contact avait considéré en effet ne devoir
appuyer « ni l'indépendance ni le maintien du statu quo », mais un statut d'auto
149
administration effective et renforcée • Le conflit de 1999 devait changer radicalement la
donne en rendant désormais impossible toute réintégration du territoire du Kosovo dans le
giron serbe sans acceptation du peuple kosovar, du fait de la terrible répression que celui-ci
venait de subir et du divorce irrémédiable que celle-ci ne pouvait manquer d'avoir entraîné.
148
V. les résolutions 1160 (1998), par. 5; 1199 (1998)et 13èmalinéas du préambule;1203 (1998), 8ème
alinéa du préambule.
149V. les déclarations du Groupe de contact reproduitesin S/1998/223, 12 mars 1998, par. 9 ; S/1998/272, 27
mars 1998, par. 13 et S/1998/657, 16juillet 1998, par. 7.
45 2.30 La solution alors adoptée a consisté à mettre en place un processus politique en
deux temps:
- d'abord l'institution temporaire d'une autonomie et d'une auto-administration
substantielles du Kosovo, ne remettant pas en cause, formellement, le principe de la
souveraineté serbe sur ce territoire, mais le soustrayant tout de même temporairement et
complètement au pouvoir effectif de la Serbie par le biais de l'établissement d'une
administration internationale provisoire,
- cela dans l'attente d'un règlement définitif de la question du statut du Kosovo, lequel
devait résulter d'un processus politique pouvant aboutir, à terme et entre autres, à
l'indépendance de ce territoire. Certaines conditions furent certes posées, mais parmi celles-ci
ne figurait plus le respect de l'intégrité territoriale de la Serbie.
2.31 Cette logique fut pleinement à l'Œuvre, tout d'abord, dans le projet d' Accord
de Rambouillet du 18 mars 1999, qui se présentait lui-même comme un accord intérimaire
(« interim agreement» dans la langue de l'accord) pour la paix et l'autonomie au Kosovo.
Dans ses diverses dispositions, l'Accord envisagé aménageait, à titre temporaire, une
autonomie substantielle du Kosovo dans le cadre de la R.F.Y., comme l'indiquait sans
ambiguïté l'intitulé même de la Constitution ( « intérimaire ») du Kosovo insérée au Chapitre
1erde cet Accord. S'agissant en revanche du statut définitif du Kosovo, l'Accord de
Rambouillet modifiait les paramètres à prendre en considération, à un double titre : il ne se
référait plus au principe de l'intégrité territoriale et renvoyait seulement à «l'avis » des
autorités compétentes, tandis que corrélativement il introduisait le critère du respect de « la
volonté du peuple» du Kosovo. En vertu de l'article 1er,paragraphe 3, du Chapitre 8 de
}'Accord,
« Trois ans après l'entrée en vigueur du présent Accord, une réunion internationale
sera convoquée en vue de définir un mécanisme pour un règlement définitif pour le
Kosovo, sur la base de la volonté du peuple [« on the basis of the will of the peopl»
dans la langue de l'accord], de l'avis des autorités compétentes, des efforts accomplis
par chacune des Parties dans la mise en Œuvre du présent Accord, et de l'Acte final
d'Helsinki, ainsi que pour réaliser une évaluation d'ensemble de la mise en Œuvre du
présent Accord e150'examiner les propositions de mesures complémentaires formulées
par les Parties» •
150S/1999/648, 7juin 1999, annexe. La version originale de l'accord, en anglais, est jointe à la version anglaise
du document S/1999/648.
462.32 Le 10juin 1999, la résolution 1244 (1999) fit sienne cette séquence articulée en
deux temps. S'agissant des mesures immédiates à adopter pour résoudre la crise au Kosovo, le
Conseil de sécurité renvoya, au paragraphe 1 de cette résolution, aux principes généraux et
aux principes et conditions plus détaillées énoncés aux annexes 1 et 2 de la résolution,
lesquelles ne régissaient que le statut provisoire du Kosovo. L'annexe 1 et l'annexe 2
n'envisageaient en effet que l'établissement d'un« accord-cadre politique intérimaire». De
nouveau, celui-ci devait reposer sur les principes de l'autonomie substantielle du Kosovo et
de l'intégrité territoriale de la R.F.Y., étant précisé qu'il appartenait à une présence
internationale civile, qui deviendra la MINUK, d'assurer une administration, elle aussi
«intérimaire», du Kosovo, en vue d'assurer la mise en place de l'autonomie substantielle et
151
de l'auto-administration « provisoire» du Kosovo • Les mêmes annexes ne disaient
absolument rien en revanche du statut définitif du territoire.
2.33 Le dispositif de la résolution 1244 (1999) répondit à cette dernière
préoccupation. Le paragraphe 11 de la résolution, dont l'objet était de définir les principales
responsabilités de la présence internationale civile, scinda la question du statut autour de deux
alinéas. La présence internationale civile devait :
« a) Faciliter, en attendant un règlement définitif, l'instauration au Kosovo d'une
autonomie et d'une auto-administration substantielles, compte pleinement tenu de
l'annexe 2 et des Accords de Rambouillet (S/1999/648) 152;
[..]
« e) Faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo, en
tenant compte des Accords de Rambouillet ».
2.34 Ces deux alinéas appellent trois commentaires :
- par le fait même de distinguer les deux statuts (le statut provisoire, le statut définitif),
la résolution 1244 (1999) impliquait que les conditions encadrant 1'un n'étaient pas
nécessairement opposables à l'autre ;
- de fait, la détermination du statut futur du Kosovo, selon la résolution 1244 (1999)
elle-même, ne devait pas obéir aux principes et conditions détaillés énoncés dans l'annexe 2
de la résolution, laquelle annexe était uniquement mentionnée à l'alinéa a), et pas à l'alinéa e).
Elle devait uniquement « tenir compte » des Accords de Rambouillet. Or, 1'Accord de
151
V. le paragraphe 10 de la résolution 1244 (1999).
152Les alinéas c) et d) sont des subdivisions de la mission définieà l'alinéa a).
47 Rambouillet du 18 mars 1999 ne posait pas d'autre condition que de recueillir « l'avis des
153
autorités compétentes » et de respecter « la volonté du peuple » du Kosovo . Très
clairement, la résolution 1244 (1999), loin de fermer la porte de l'indépendance, en admettait
donc la possibilité, négativement, en ne conditionnant pas l'issue du processus politique au
respect du principe de l'intégrité territoriale de la Serbie et à son consentement, et,
positivement, en exigeant le respect de la volonté du « peuple » du Kosovo ;
- enfin, le rôle de l'ONU, aux termes de l'alinéa e), devait se résumer à « faciliter un
processus politique », ce qui supposait que le Conseil de sécurité et ceux agissant en son nom,
d'une part, restent neutres quant aux options défendues parmi celles déclarées ouvertes, sous
réserve du respect des exigences posées dans l'Accord de Rambouillet, d'autre part, fassent en
sorte que ce processus soit mené sans que la paix et la sécurité internationales soient mises en
danger. Un tel processus politique supposait bien entendu que la voie des négociations soit
d'abord tentée, mais il est à noter que le Conseil s'est bien gardé dans cette résolution
d'imposer comme une condition sine qua non de parvenir à une solution consensuelle. Le
renvoi volontaire à l'expression plus malléable d' « un processus politique » se conciliait
mieux, de ce point de vue, avec l'objet très particulier et éminemment factuel 154 d'un
processus visant àdéterminer le statut étatique définitif d'un territoire.
2.35 Les principes formulés par le Groupe de contact à partir de 2005, lorsque sera
lancé le processus relatif à la définition du statut définitif du Kosovo 155, confirment
pleinement que l'indépendance était l'une des options ouvertes par la résolution 1244 (1999).
Dans ses principes directeurs du 2 novembre 2005 15, et plus précisément dans son principe n°
6, le Groupe de contact n'exclut que les deux hypothèses de la« partition du Kosovo » et de
l'« union du Kosovo avec quelque pays ou partie de ce pays que ce soit», sans mentionner
l'indépendance. De même, si l'intégrité territoriale y fut visée, ce fut uniquement en tant
qu'elle concernait celle « des pays voisins», et pas, de manière très significative, celle de la
Serbie. Enfin, le même principe directeur précisait que « le Kosovo ne retournera pas à la
situation qui prévalait avant mars 1999 ».
153V. supra, par. 2.31.
154V. supra, par. 2.4.
155V. infra, pars. 2.40 et s.
156 Le texte anglais des pnnc1pes directeurs est disponible à l'adresse Internet suivante :
http://www.unosek.org/docref/Contact Group Ten Guiding principles for Ahtisaari.pdf. Une version française est
disponible à l'adresse suivante: http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pavs-zones-833/kosovo 650/colonne
droite 2743/textes-referer.ce 2741/principes-directeurs-du-groupe-contact-vue-un-reglement-du-statut-du
kosovo-02. l l.05 29390.html.
482.36 Le Groupe de contact confirma sa position, et la précisa dans un sens encore
plus favorable à l'option de l'indépendance, le 31janvier 2006 :
« The Contact Group Guiding Principles of November 2005 make clear that there
should be: no retum of Kosovo to the pre-1999 situation, no partition of Kosovo, and
no union of Kosovo with any or part of another country. [...] Ministers look to
Belgrade to bear in mind that the settlement needs, inter alia, to be acceptable to the
people of Kosovo. The disastrous policies of the past lie at the heart of the current
problems » 157•
2.37 L'exigence selon laquelle le règlement définitif devait êtr «eacceptable to the
people of Kosovo » fut également réaffirmée le 24 juillet puis le 20 septembre 2006 par le
158
Groupe de contact ,sans que de nouveau fût en revanche imposé le respect de l'intégrité
territoriale de la Serbie.
2.38 Dès le 15mai 2001 du reste, le Cadre constitutionnel de l'autonomie provisoire
du Kosovo, adopté par le règlement 2001/9 de la MINUK, avait indiqué dans son préambule
que l'autonomie substantielle n'était instituée qu'en« attendant un règlement définitif» et que
le processus devant aboutir au statut final « conformément à la résolution 1244 (1999) du
Conseil de sécurité, tiendra pleinement compte de tous les facteurs en jeu, notamment la
volonté dupeuple » 159•De même, la doctrine a clairement interprété la résolution 1244 (1999)
comme laissant ouverte la question du statut définitif du Kosovo, en ce compris l'option de
160
l'indépendance •
2.39 La résolution 1244 (1999) et les déclarations ultérieures du Groupe de contact
n'interdisaient donc nullement l'option de l'indépendance, puisqu'elles posaient comme
157
Déclaration disponibleà l'adresse Internet suivante: http://www.unosek.org/docref/fevrier/statement by the
158tact group on the future of Kosovo-Ernr.pdf.
Déclarations disponibles, respectivement, aux adresses Internet suivantes : http://www.unosek.org/
docref/Statement of the Contact Group after first Pristina-Belgrade High-level meeting held in
Vienna.pdf et http://www.unosek.org/docref/2006-09-20 -CG Ministerial Statement New York.pdf.
159Règlement du 15mai 2001, précité, note 39, p. 4 (italiques ajoutés).
160V. par exemple Marcelo Kohen, «Le Kosovo: un test pour la communauté internationale», in Vincent
Chetail (dir.), Conflits, sécurité et coopératio-n Liber amicorum Victor-Yves Ghébali,Bruylant, 2007, p. 372:
« [...] la Résolution 1244 (1999) ne préjuge rien sur le 'règlement définitif, autrement dit, sur la sonutioà
trouver une fois finie l'étape provisoire d'administration internationale fondée sur une 'autonomie
substantielle'»;Stefan Oeter, «The Dismemberment of Yugoslavia: An Update on Bosnia and Herzegovina,
Kosovo and Montenegro », German Yearbook of International Law, 2007, p. 506: « Should the territory be
reintegrated into the Serbian state, or should Kosovo be granted independence as a sovereign?Resolution
1244 left open this question deliberately. It stressed the persisting territorial sovereignty of Serbia over the
territory, but had at the same time reserved a different status solution to future negotiations » (notes de bas de
page omises).
49 exigence de respecter la volonté du« peuple du Kosovo» en s'abstenant par ailleurs d'exiger
que soient nécessairement pris en compte l'intégrité territoriale de la Serbie et le
consentement de ses autorités. De ce point de vue, l'indépendance du Kosovo ne relève pas
vraiment du cas de la sécession classique. De par ses traitssui generis, elle tendrait plutôt à se
rapprocher des situations d'application du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, sans
toutefois se confondre avec lui. Dans tous les cas, il reste que la déclaration d'indépendance
du Kosovo doit se lire à la lumière de l'exigence continuellement posée dans le cadre du
processus politique institué par le Conseil de sécurité de respecter la volonté du peuple du
Kosovo au détriment éventuel de l'intégrité territoriale de la Serbie.
3. Au terme du processus de négociation, l'indépendance s'est avérée la seule option
politique viable et la seule conforme aux exigences posées par le Conseil de sécurité et le
Groupe de contact
2.40 Que l'indépendance fût une option ouverte, et donc admise, par le Conseil de
sécurité à travers la résolution 1244 (1999) qui renvoyait à l'Accord de Rambouillet,
n'impliquait pas, bien entendu, qu'il s'agissait de la seule issue possible. Il appartenait, en
premier lieu, aux parties intéressées de trouver une solution mutuellement acceptable, par la
voie de la négociation. Cela étant, il n'était toutefois pas envisageable que l'échec avéré des
négociations bloque la détermination du statut définitif du Kosovo.
2.41 Sous ces différents points de vue, le processus politique ayant conduit à la
déclaration d'indépendance du Kosovo est de nouveau unique en son genre :
- de très longues négociations ont été menées, entre 2005 et 2007, sous l'égide,
l'impulsion et lecontrôle du Conseil de sécurité, agissant en vertu du Chapitre VII de la
Charte;
- celles-ci ont échoué, sans qu'il soit possible d'espérer surmonter les oppositions
entre les parties, mais sans qu'il soit possible non plus de maintenir lestatu quo ;
- compte tenu des circonstances particulières du Kosovo, l'indépendance s'est alors
avérée la seule option politique viable, parmi les différentes options ouvertes par le processus
politique.
502.42 Avant de revenir sur ces différents éléments, la France souhaiterait préciser
qu'elle n'entend nullement ici chercher à désigner quelque responsable dans l'échec des
négociations. Une telle démarche serait aussi vaine que contre-productive pour la paix dans la
région et l'avenir - notamment européen - de celle-ci. Le fait est que ces négociations ont
échoué, après que tout eût été entrepris pour les faire aboutir. C'est une réalité, dont seul
l'examen objectif des conséquences importe ici.
2.43 Le processus politique devant conduire à la détermination du statut définitif du
Kosovo a été enclenché par le Conseil de sécurité en 2005. Dans une déclaration de son
Président en date du 24 octobre, le Conseil considéra que« le moment [était] venu de passer à
la phase suivante du processus politique ». Il approuva à cette fin la désignation par le
Secrétaire général d'un nouvel Envoyé spécial « chargé de diriger le processus devant aboutir
au futur statut », se félicita de l'engagement continu du Groupe de contact« dans le processus
politique» et réaffirma enfin « son attachement à l'objectif d'un Kosovo pluriethnique et
démocratique devant contribuer à renforcer la stabilité régionale »161.
2.44 Cette décision du Conseil de sécurité fut prise sur la base du rapport rendu
quelques semaines plus tôt par l'Envoyé spécial du Secrétaire général M. Kai Eide Après I62•
une analyse approfondie de la situation prévalant au Kosovo, celui-ci avait recommandé
d'entamer le plus rapidement possible le processus politique devant conduire à la
détermination du statut futur de ce territoire, au motif que le statu quo n'était plus tenable 163•
Le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUK abonda sans équivoque
possible dans le même sens :« il doit être clair pour tous qu'en rester au statu quo actuel n'est
pas une option viable», affirmait-il quelques jours plus tard 16, avant de le redire de manière
encore plus nette au mois de février de l'année suivante :
« Comme le Conseil de sécurité l'a reconnu par le passé, lsetatu quo au Kosovo ne
peut pas durer. Il s'ensuit que le processus sur le statut ne doit pas se transformer en un
maintien du statu quo. L'accélération du processus sur le statut est actuellement la
meilleure contribution que l'on puisse aprsorter pour garantir la stabilité politique au
Kosovo et dans l'ensemble de la région »1 5•
161S/PRST/2005/51, 24 octobre 2005.
162S/2005/635, 7 octobre 2005.
163Ibid., en particulier pars. 5-10.
164S/PV.5289, 24 octobre 2005, p. 5. V. d'ailleurs déjà S/PV.5188, 27 mai 2005, p. 7.
165
S/PV.5373, 14 février 2006, p. 3 ;idem in S/PV.5588, 13décembre 2006, p. 2 et p. 4. V. également, et entre
autres exemples, la déclaration de la Finlande faite au nom de l'Union européenne devant le Conseil de sécurité
le 13 septembre 2006 (S/PV.5522, p. 24) :«Il est nécessaire de régler la question du statut pour maintenir la
stabilité dans la région des Balkans occidentaux. Lestatu quo ne peut pas durer et doit être remplacé par une
51 2.45 Au seuil de l'ouverture des négociations, l'espoir, bien entendu, était que les
parties intéressées parviennent à une solution mutuellement acceptée, et il fallait donc les
inciterà parvenir à cette solution idéale. Le Groupe de contact rappela en conséquence dans
ses principes directeurs du 2 novembre 2005 qu' « une solution négociée d[eva]it constituer
une priorité internationale» (une «priorité», pas une «obligation») et qu'il appartenait en
166
conséquence aux parties, à ce stade, de « s'abstenir de toute mesure unilatérale » .Le 31
janvier 2006, le Groupe de contact insista de nouveau sur le fait que « all efforts should be
made to achieve a negotiated settlement in the course of 2006 » et que « a negotiated
settlement is the best way forward » (là encore, le «meilleur», et pas le « seul ») 167• Dans le
même temps, le Groupe de contact rappelait qu'il importait dans tous les cas de respecter la
volonté du peuple du Kosovo 168•
2.46 Le Groupe de contact déclara de nouveau le 24juillet 2006 que
« [...] all possible efforts should be made to achieve a negotiated settlement in the
course of 2006 that is, inter alia, acceptable to the people of Kosovo and promotes a
multi-ethnic society with a future for all of its citizens. As set out in the Guiding
Principles, once negotiations are underway, they can not be allowed to be blocked.
The process must be brought to a close, not least to minimise the destabilisinî; folitical
and economic effects of continuing uncertainty over Kosovo' s future status » 6 •
2.47 Au fur et à mesure cependant de l'avancement des négociations, pourtant
intenses, l'espoir initial devait progressivement s'éteindre, contraignant à accepter l'idée
d'une solution qui ne serait pas nécessairement consensuelle, du moment qu'elle serait
réaliste, respectueuse de la volonté du peuple du Kosovo et de nature à garantir la stabilité
régionale et les droits des différentes communautés. Le 20 septembre 2006, le Groupe de
contact, réuni au niveau ministériel, devait ainsi déclarer :
« Ministers reaffirmed their commitment that all possible efforts be made to achieve a
negotiated settlement in the course of 2006. [...] Ministers express their deep
appreciation to the UN Special Envoy for conducting eight months of intensive
negotiations. [...] Regarding Kosovo's political status, Ministers recognize that
distance remains between the positions of Belgrade and Pristina, as was made clear at
the high-level meeting in Vienna on 24 July. Ministers support the Special Envoy's
solution assurant une paix durable et la stabilité dans la région et favorisant l'intégration européenne du
Kosovo».
166Principes précités, note 156.
167
168Déclaration précitée, note 157.
169V. supra, pars. 2.36-2.39.
Déclaration précitée, note 158.
52 efforts to work with the parties in cooperation with the Contact Group to arrive at a
realistic outcome that enhances regional stability, is acceptable to the people of
Kosovo and preserves Kosovo's muti-ethnic character. Striving for a negotiated
settlement should not obscure the fact that neither party can unilaterally black the
status from advancing. Ministers encouraged the Special Envoy to prepare a
comprehensive proposai for a status settlement and on this basis to engage the parties
in moving the negotiating process forward » 17•
2.48 Après plus d'un an de négociations, incluant dix-sept sessions de discussions
171
directes et vingt-six missions d'expertise à Belgrade et Pristina ,il devint clair cependant
que toute solution mutuellement acceptée était irréalisable, alors même que le statu quo était
de moins en moins tenable. L'Envoyé spécial du Secrétaire général, Martti Ahtisaari, en tira
les conséquences en soumettant, le 26 mars 2007, une proposition globale de Règlement
portant statut du Kosovo dont l'objet même était d'aboutir à un Kosovo indépendant 17•
Comme }'Envoyé spécial s'en expliqua dans son rapport sur le statut futur du Kosovo, aux
recommandations desquelles d'ailleurs le Secrétaire général des Nations Unies déclara
« souscri[re] pleinement»,
«[...] après plus d'un an de pourparlers directs, de négociations bilatérales et de
consultations d'experts, il m'est devenu évident que les parties ne sont pas en mesure
de s'entendre sur le statut futur du Kosovo. [...] J'ai la ferme conviction que toutes les
possibilités de parvenir à une issue négociée du commun accord des parties ont été
épuisées. La poursuite des pourparlers, sous quelque forme que ce soit, ne saurait
permettre de sortir de cette impasse. [... ] Il est cependant urgent de résoudre cette
question fondamentale. Près de huit années s'étant écoulées depuis que le Conseil de
sécurité a adopté la résolution 1244 (1999), le Kosovo ne saurait rester dans son état
actuel d'indétermination. L'incertitude quant à son statut futur est devenue un obstacle
majeur à son évolution démocratique, à l'avènement du principe de responsabilité, à
son relèvement économique et à la réconciliation interethnique. Cette incertitude qui
ne fait que prolonger le marasme éloignant les communautés les unes des autres, est un
ferment d'agitation sociale et économique. Prétendre le contraire, sinon refuser ou
différer le règlement du statut du Kosovo, c'est risquer de remettre en cause non
seulement sa propre stabilité mais aussi la paix et la stabilité de la région toute entière.
[... ] Le moment est venu de régler le statut du Kosovo. Ayant interrogé attentivement
l'histoire récente du Kosovo et ses réalités présentes et tenu des négociations avec les
parties, je suis parvenu à la conclusion que la seule option viable pour le Kosovo est
l'indépendance, 173 en un premier temps sous la supervision de la communauté
internationale » .
170
171Déclaration précitée, note 158.
V. Stefan Oeter, op. cit., note 160, p. 507. V. également le Rapport de !'Envoyé spécial du Secrétaire général
sur le statut futur du Kosovo, S/2007/168, 26 mars 20071.par.
172S/2007/168/Add.l, 26 mars 2007.
173S/2007/168, 26 mars 2007, pars 1-5.
53 2.49 L'appréciation portée par !'Envoyé spécial, dont la neutralité et l'implication
174
directe dans les négociations renforçaient d'autant l'autorité , était sans appel. Soucieux de
ne pas laisser s'échapper la moindre opportunité de parvenir tout de même à une solution
consensuelle, le Conseil de sécurité décida le 19 avril 2007 d'entreprendre une mission
d'information au Kosovo, sur la proposition formelle de la Russie 17• Cette mission
d'information consulta à la fin du mois d'avril 2007 toutes les parties impliquées dans la
situation du Kosovo, en se rendant dans la région. Il en ressortit très nettement que les
positions de la Serbie et du Kosovo demeuraient aussi opposées qu'irréconciliables, alors
même que lestatu quo était moins tenable que jamais 16 •
2.50 Saisis du rapport, les membres du Conseil de sécurité confirmèrent ces deux
conclusions et l'impasse qui en résultait :il subsistait un « antagonisme fort» entre les deux
177
parties, qui considéraient pourtant l'une et l'autre « que le statu quo n'[étai]t pas viable » •
Même parmi les quelques délégations qui annoncèrent malgré tout encore placer quelque
espoir dans la réussite de nouvelles négociations, il fut reconnu, non sans contradiction, que
« [l]a question du Kosovo est relativement complexe et inextricable» et que « [m]aintenir le
statu quo n'est pas une solution et n'est pas viable » 178•
2.51 Alors que cela faisait plusieurs années que le constat avait été opéré que le
statu quo ne pouvait plus perdurer, et parce que les résolutions présentées au Conseil de
sécurité en vue de lui faire endosser la proposition de Règlement de l'Envoyé spécial
n'avaient pu aboutir 179,une ultime tentative de négociation fut tout de même proposée par le
Groupe de contact à la fin du mois de juillet 2007, alors même qu'elle ne s'imposait
80
manifestement pas compte tenu des échecs déjà enregistrés 1 •
174
V., par analogie avec les règles applicables en matière probatoire, C.I.J., arrêt du 26 février7,pplication
de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et
Monténégro),disponible à l'adresse Internet suivante : http://www.icj-cij.org/docket/files/91 /l 3684.pdf, pars.
213 et s. et 227 et s.
175V. Rapport de la mission du Conseil de sécurité sur la question du Kosovo, S/2007/256, 4 mai 2007, par. 1.
176
177Ibid, en particulier les pars. 6, 12,23, 24, 26 et 59.
S/PV.5673, 10mai 2007, p. 3 (Belgique, en tant que Chef de la mission du Conseil de sécurité).
178Ibid, p. 9 (Chine).
179V. la déclaration du 20juillet 2007 de la Belgique, de la France, del' Allemagne, de l'Italie, du Royaume-Uni
et des Etats-Unis, disponible à l'adresse Internet suivante: http://www.unosek.org/docref/2007-07-20-Statement
180ued by the co-sponsors of the draft resolution.doc.
L'ampleur des négociations tenues depuis 2005 dépassait déjà de très loin le «critère» posé par la Cour
permanente dans l'affaire Mavrommatis. Dans l'affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, la Cour a
relevé en effet que« l'appréciation de l'importance et des chances de réussite d'une négociation diplomatique est
essentiellement relative. Une négociation ne suppose pas toujours et nécessairement une série plus ou moins
longue de notes et de dépêches; ce peut être assez qu'une conversation ait été entamée; cette conversation a pu
542.52 Le Secrétaire général enfit l'annonce le 1er août, en indiquant que ces
négociations seraient conduites par une Troïka composée de représentants de l'Union
européenne, de la Russie et des Etats-Unis. Le Secrétaire général précisa à cette occasion que
« La Communauté internationale doit trouver une solution qui soit à point nommé,
réponde aux préoccupations clefs de toutes les communautés vivant au Kosovo et
181
détermine clairement le statut du Kosovo. Le statu quo ne peut être indéfini » •
2.53 Le 10 décembre 2007, la Troïka devait toutefois constater l'échec de ces
ultimes négociations, menées pourtant à un rythme intense pendant pas moins de quatre
mois 182•
2.54 Le rapport que la Troïka fit de ses travaux est instructif à de très nombreux
égards:
(i) en indiquant que les négociations furent menées « dans le cadre de la résolution
1244 (1999) du Conseil de sécurité et des principes directeurs du Groupe de contact » tout en
précisant que les parties avaient « exploré un large éventail de possibilités, notamment une
183
pleine indépendance » , la Troika confirmait que la résolution 1244 (1999) avait admis la
possibilité d'une indépendance du Kosovo et ne l'avait par conséquent nullement prohibée;
(ii) la Troika avait par ailleurs indiqué aux parties que « la formule de règlement
proposée par M. Ahtisaari [était] toujours d'actualité » 184;
(iii) les négociations furent une nouvelle fois très intenses ( dix sessions, dont six
étaient des entretiens face à face, y compris une conférence finale intensive de trois jours à
Baden (Autriche), ainsi que deux voyages dans la région ») ;elles furent menées par ailleurs
185
au plus haut niveau possible (présidentiel et ministériel) ,et non au niveau diplomatique
classique 186;
être très courte : tel est le cas si elle a rencontré un point mort, si elle s'est heurntun non possumus
ou à un non volumus péremptoire de l'une des Parties [...]» (C.P.J.I., arrêt du 30 août 1924,série A,n°2, p. 13).
V. également, C.I.J., arrêt du 21 décembre 19Sud-Ouest africain, Cl.J Recueil 1962, pp. 345-346.
181
182éclaration du Secrétaire général d1ueraoût 2007, S/2007/7210 décembre 2007, annexe I.
183S/2007/723, 10 décembre 2007, pièce jointe.
Ibid., par1.
18Ibid., par. 5.
18Ibid., par. 7.
186V. Sir Robert Jennings, Sir Arthur Watts (eds.), Oppenheim 's international Law, vol. I, Peace, Parts 2 to 4,
th
Longman, 9 edition, 1992, p. 1182.
55 (iv) malgré cela, et bien que toutes les options possibles eussent été envisagéesy ,
compris celle minimale d'un« accord sur le désaccord »187,« aucun de ces modèles ne s'est
avéré être une base adéquate de compromis »; « après 120jours de négociations intenses, [les
parties] n'ont pu parvenir à un accord sur le statut du Kosovo. Ni l'une ni l'autre n'était
disposée à céder sur la question essentielle de la souveraineté » 188;
(v) or, cette impasse, comme le souligna la Troïka, était hautement problématique, dès
lors que « le règlement de la question du statut du Kosovo est crucial pour la stabilité et la
189
sécurité des Balkans occidentaux et de l'Europe dans son ensemble » •
2.55 A partir de ce moment-là, il devint plus que manifeste pour tous les
observateurs neutres impliqués dans la situation au Kosovo depuis de nombreuses années que
l'indépendance était désormais la seule option politique viable.
2.56 Aucune autre solution alternative n'existait en effet:
(i) le maintien du statu quo était impossible, non seulement parce qu'il aurait reposé
sur un faux-semblant (la relance de nouvelles négociations formelles, qui n'avaient aucune
chance d'aboutir), mais aussi parce qu'il aurait conduit à ne pas respecter la volonté du peuple
kosovar et qu'il aurait débouché par ailleurs, comme tous les acteurs impliqués dans le
processus politique l'avaient plusieurs fois relevé, sur la déstabilisation du Kosovo et de toute
la région, et donc sur la mise en danger de la paix et de la sécurité internationales ;
(ii) l'administration internationale ne pouvait d'ailleurs être maintenue indéfiniment, là
encore parce que cela aurait contribué à laisser dans l'incertitude le statut du Kosovo, avec les
effets négatifs, notamment sur le plan politique et économique, qui en découlaient 190, mais
également parce que sa vocation avait été uniquement conçue comme provisoire par la
résolution 1244 (1999) ;
(iii) la Serbie, quant à elle, ne pouvait évidemment pas contraindre le peuple du
Kosovo à se rattacher à son territoire, car cela aurait été en conflit direct avec l'exigence
187
Rapport précité, note 175,par. 1O.
188Ibid., pars. 10-11.
189Ibid., par. 14.
190V. le Rapport de !'Envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo, S/2007/168, 26 mars
2007, pars. 8-9 et 10.
56constamment imposée de tenir compte de sa volonté. L'usage de la force que cela aurait
impliqué aurait de toute manière, compte tenu des relations passées entre le Kosovo et la
Serbie, fait basculer la région dans un nouveau cycle de violences, ce qui devait être évité à
tout prix191;
(iv) quant au rattachement consensuel du Kosovo à la Serbie, il était d'autant moins de
nature à rencontrer l'agrément du peuple du Kosovo que la Serbie n'avait pas prouvé par le
passé être disposée à accepter une autonomie poussée de celui-ci (quels qu'en soient les
motifs). Elle l'avait montré en refusant en février-mars 1999 l'issue politique envisagée à
Rambouillet. Cette réticence fut confirmée par l'adoption en 2006, en plein déroulement des
négociations, d'une nouvelle Constitution refusant de garantir au Kosovo une autonomie
pérenne et authentique. Le 12juillet 2007, la Commission européenne pour la démocratie par
le droit (Commission de Venise) du Conseil de l'Europe le constatait, en toute impartialité,
dans les termes suivants :
« 6. Le Préambule [de la Constitution de 2006] considère la province du Kosovo
Metohija comme faisant partie intégrante du territoire de la Serbie et jouissant d'une
autonomie renforcée. [... ]
« 7. En ce qui concerne l'autonomie renforcée, un examen de la Constitution et plus
particulièrement de son Titre VII, montre que ce régime d'autonomie du Kosovo est
loin d'être garanti au niveau constitutionnel, car la Constitution délègue quasiment
tous les aspects de cette autonomie au pouvoir législatif. L'article 12 du Titre I, qui est
consacré aux principes constitutionnels, traite de l'autonomie provinciale et locale. II
est plutôt ambigu : d'une part, il prévoit au paragraphe 1 que le pouvoir de l'Etat est
limité par le droit des citoyens à l'autonomie provinciale et locale et d'autre part il
précise que le droit de citoyens à l'autonomie provinciale et locale est soumis à un
contrôle de constitutionnalité et de légalité. Il est donc clair qu'une loi ordinaire peut
restreindre l'autonomie des provinces.
« 8. Cette possibilité de restreindre légalement l'autonomie des provinces est
confirmée par la quasi-totalité des articles du Titre VII de la Constitution et en
particulier :
- art. 182, par. 2 : « L'autonomie renforcée de la Province autonome du Kosovo
Metohija est régie par une loi spéciale, qui sera adoptée conformément au processus
prévu pour l'amendement de la Constitution »
- art. 182, par. 4«:Le territoire des provinces autonomes et les conditions auxquelles
les limites entre les provinces autonomes peuvent être modifiées sont régis par la lo;»
- art. 183, par. 2 :« Les provinces autonomes régissent, conformément à la loi,les
questions d'intérêt provincial dans les domaines suivants»
- art. 183, par. 3« Les provinces autonomes veillent au respect des droits de l'homme
et des droits des minoritésconformément à la loi »
191Ibid, pars. 6-7.
57 - art. 183,par. 5 : « Les provinces autonomes gèrent le patrimoine provincial selon les
modalitésprévues par la loi »
- art. 183, par. 6 : « Les provinces autonomes perçoivent, conformément à la
Constitution et à la loi, des impôts directs»
- art. 184, par. 1 à 3 : « Les provinces autonomes perçoivent des impôts directs pour
financer leurs compétences. Le type et le montant des impôts directs sont prévus par
la loi. La loi précise la part des provinces autonomes dans les recettes de la
République de Serbie».
« Ainsi, à l'inverse de ce qu'annonce le préambule, la Constitution elle-même ne
garantit aucunement l'autonomie renforcée du Kosovo, car il appartient à l'Assemblée
nationale 192la République de Serbie de dire si l'autonomie provinciale sera effective
ou non » •
2.57 L'indépendance, en revanche,
(i) était conforme à la résolution 1244 (1999), qui avait réservé cette option ;
(ii) correspondait exactement à la réalité politique (elle était la seule option politique
viable, et elle existait déjà en grande partie dans les faits depuis plusieurs années) ;
(iii) elle permettait enfin, comme le montrèrent les conditions dans lesquelles
l'indépendance fut proclamée le 17 février 2008, de garantir l'existence d'un Kosovo
pluriethnique, respectueux des droits de l'homme et des minorités, conformément aux
exigences qui avaient été placées au cŒur du processus politique institué sous l'égide du
Conseil de sécurité 193•
2.58 Bien sûr, comme a tenu à le souligner la Serbie à travers la formulation de sa
demande d'avis consultatif, l'indépendance a été proclamée en définitive de manière
« unilatérale». Mais il faut veiller à ne pas commettre de contresens quant à la portée à
attribuer à ce qualificatif.
2.59 La déclaration d'indépendance importe moins tout d'abord que la réalité de
l'indépendance. Or, un Etatest ou n'est pas indépendant 14,il ne l'est pas« unilatéralement».
192Avis n° 405/2006, Avis sur la Constitution de la République de Serbie,Strasbourg, 12juillet 2007, CDL
AD(2007)004, pars. 6-8 (italiques dans l'original).
193V. inji-a,pars. 2.63 et s.
194V. supra, par. 2.4.
582.60 Il convient de rappeler ensuite la nature particulière du processus politique mis
en place en 1999 pour la détermination du statut définitif du Kosovo. La logique de ce
processus impliquait évidemment que les parties intéressées commencent par négocier. Mais
il avait été posé parallèlement comme exigence fondamentale que la volonté du peuple du
Kosovo fût en définitive prise en compte. En revanche, le consentement de la Serbie ne
constituait pas une condition à remplir absolument pour déterminer le statut définitif du
Kosovo 195. Ces différents paramètres, conjugués les uns aux autres comme ils devaient l'être,
impliquaient donc que l'indépendance ne pouvait survenir avant épuisement des négociations,
mais aussi que l'échec de celles-ci ne pouvait conduire à priver de tout effet la volonté du
peuple kosovar. Autrement dit, l'« obligation» de négocier n'interdisait pas que le Kosovo
accède à l'indépendance sans le consentement de la Serbie, dès lors en tout cas que les
negociat1ons avaient ete epmsees . , 19.
2.61 Or, de ce dernier point de vue, il était devenu plus que manifeste à la fin de
l'année 2007 que les parties avaient poursmv1 les négociations « autant que
197
possible», comme le réclame la jurisprudence de la Cour • De fait, « [t]ant que l'on
demeure inébranlable de part et d'autre[ ...], il n'y a aucune raison qui permette de penser que
le différend soit susceptible d'être réglé par de nouvelles négociations entre les Parties » 198 ;
l'impasse prolongée dans laquelle se trouvent des négociations« oblig[e] à conclure qu'il
n'est pas raisonnablement permis d'espérer que de nouvelles négociations puissent aboutir à
' 1 t 199
un reg emen » .
2.62 Conformément à ces principes, le Groupe de contact a indiqué aux parties à
plusieurs reprises que le défaut de solution négociée ne devait en aucune façon empêcher le
195V. supra, pars. 2.34-2.39.
196Mutatis mutandis, puisque l'on a affaire ici à un processus politique que le droit international ne prédétermine
pas, la situation était comparable à celle dans laquelle un Etat ne se voit reconnaître un droit de saisir
unilatéralement la Cour internationale de Justice qu'à la condition d'avoir tenté au préalable de régler le
différend par la négociation. Dans un tel cas de figure, l'existence d'une obligation de négocier n'implique
aucunement l'impossibilité d'agir unilatéralement, elle ne fait que différer l'exercice du droit unilatéral de saisir
la Cour en exigeant au préalable l'épuisement des négociations (v. par exemple C.I.J., arrêt du 27 février 1998,
Affaire relative à des questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant
de l'incident aérien de Lockerbie (Libye c. Etats-Unis), exceptions préliminaires, C.IJ Recueil 1998,pp. 121-
122,pars. 16-20).
197V. C.1.J., arrêt du 20 février 1969P, lateau continental de la mer du Nord, C.I.J Recueil 1969, pp. 47-48,
par. 87: «Définissant dans son avis consultatif sur leTrafic.ferroviaire entre la Lituanie et la Pologne la teneur
de l'obligation de négocier, la Cour permanente a dit que cette obligation«n'est pas seulement d'entamer des
négociations, mais encore de les poursuivre autant que possible, en vue d'arriver à des accords», même si
l'engagement de négocier n'impliquait pas celui de s'entendre(CP.JI. sérieAIB,n°42, 1931, p. 116) ».
198C.I.J., arrêt du 21 décembre 1962S,ud-Ouest africain, C.I.J Recueil 1962,p. 346.
199Ibid, p.345.
59 processus de détermination du statut d'avancer. Dans leur déclaration du 27 septembre 2007,
les ministres du Groupe de contact ont réaffirmé par exemple ce qui avait déjà été formulé
dans la déclaration du 20 septembre 2006, à savoir
« que la recherche d'un règlement négocié ne devrait pas masquer le fait qu'aucune
des parties n200eut unilatéralement empêcher le processus de détermination du statut
d'avancer » •
Seul était proscrit à ce titre leblocage unilatéral du processus de détermination du statut du
Kosovo. Le Groupe de contact reconnaissait ainsi expressément la possibilité et même la
nécessité en cas d'échec des négociations d'avancer tout de même dans la détermination du
statut définitif du Kosovo de manière à ce que la volonté du peuple du Kosovo soit respectée,
à condition par ailleurs que la stabilité régionale et les droits des différentes communautés
201
soient préservés - toutes exigences auxquelles la déclaration d'indépendance a pleinement
répondu.
4. L'indépendance s'est réalisée dans le respect de principes exemplaires en matière de
démocratie, d'état de droit, de droits de l'homme et de droits des minorités, sans mettre
par ailleurs en danger la stabilité régionale
2.63 Les circonstances dans lesquelles l'indépendance a été proclamée, le 17 février
2008, après l'échec consommé des dernières négociations, ont permis de concilier le respect
de la volonté du peuple du Kosovo avec les deux impératifs mis en avant tout au long du
processus politique du maintien de la stabilité régionale et de la protection des droits des
différentes communautés dans le cadre d'un Kosovo pluriethnique et démocratique.
2.64 En premier lieu, il n'est pas contestable que la déclaration d'indépendance du
Kosovo exprime de manière authentique la volonté du peuple du Kosovo, dans le respect des
règles les plus exigeantes en matière démocratique. Cette déclaration a été adoptée en effet à
une quasi unanimité par l'Assemblée du Kosovo tout juste après son élection menée
202
conformément aux standards internationaux les plus élevés en la matière • Il ne peut donc
faire de doute qu'à travers elle, le peuple du Kosovo a valablement exprimé sa volonté
d'accéder à l'indépendance, répondant ainsi au critère principal mis en avant lors du
processus politique.
200Déclaration des ministres du Groupe de contact sur le Kosovo du 27 septembre 2007, S/2007/723, 10
décembre 2007, annexe III, p. 9.
201V. en ce sens la déclaration du Groupe de contact du 20 septembre 2006.
202
V. supra, par. 26.
602.65 En second lieu, la déclaration d'indépendance contient l'engagement ferme du
Kosovo de respecter les recommandations figurant dans la proposition de l'Envoyé spécial du
Secrétaire général, Martti Ahtisaari. Ce faisant, elle intègre (comme le fera à son tour
203
quelques mois plus tard la Constitution du Kosovo ) les garanties très contraignantes qui y
figurent. Or, celles-ci sont « conformes aux normes européennes les plus élevées en matière
de droits de l'homme et de bonne gouvernance » comme le souligne avec justesse la
204
déclaration d'indépendance • Exemplaires à de nombreux égards, ces garanties vont très au
delà des principes au respect desquels certains Etats ont pu conditionner politiquement dans le
205
passé la reconnaissance de nouveaux Etats ;elles sont par rapport à elles incomparablement
plus contraignantes dans leur étendue comme dans le détail de ce qui est requis des autorités
du Kosovo. A ce titre-là aussi, le cas du Kosovo est un unicum.
2.66 L'engagement de respecter le plan Ahtisaari est d'autant plus remarquable
d'ailleurs que l'Etat du Kosovo
«affirm[e] clairement, explicitement et de manière irrévocable, par la présente, que le
Kosovo sera tenu juridiquement de respecter les dispositions contenues dans cette
déclaration, y compris en particulier les obligations qui lui incombent aux termes du
plan Ahtisaari. Dans tous ces domaines, nous agirons en accord avec les principes du
droit international et avec les résolutions du Conseil de sécurité de l'Organisation des
Nations Unies, y compris la résolution 1244 (1999). Nous déclarons publiquement que
tous les Etats sont en droit de se prévaloir de cette déclaration et nous les invitons à
nous offrir leur soutien et leur amitié » 206.
2.67 Ce faisant, la déclaration d'indépendance, bien que formellement unilatérale,
ne marque aucune rupture et aucun affranchissement avec le processus antérieur : au
contraire, elle fait sienne, en y renvoyant, la démarchede compromis et d'équilibre entre les
203
V. supra, par. 28.
204Déclaration d'indépendance, alinéa 12 du préambule, précitée, note 44.
zosV. en particulier les Lignes directrices sur la reconnaissance de nouveaux Etats en Europe orientale et en
Union soviétique adoptées par les Etats membres de la Communauté européenne le 16 décembre 1991,
A/46/804, 18 décembre 1991.
206Déclaration d'indépendance, précitée, note 44, paragraphe 12.
61 intérêts de chacun qui était au cŒur du « Plan Ahtisaari » 207•Un grand nombre d'Etats ayant
reconnu le Kosovo ont d'ailleurs pris acte de ces engagements 208.
2.68 En troisième lieu, la déclaration d'indépendance, compte tenu justement des
engagements qui y figurent, en particulier le maintien d'une supervision internationale, n'a
pas débouché sur une aggravation des tensions. L'attitude constructive de la Serbie doit être
saluée à cet égard. Celle-ci s'est fermement engagée à ne pas faire usage de la force contre le
Kosovo, ni à sanctionner économiquement celui-ci à la suite de sa déclaration
d'indépendance 209• Il est certain également que l'implication très forte des pays prenant le
plus activement part à la stabilisation des Balkans, de même que « la perspective européenne
commune qui s'offre au Kosovo et à la Serbie[, qui] constitue également un caractère
210
spécifique de la situation » ,ont joué un rôle non négligeable dans le caractère pacifique de
la transition politique. Tout cela a contribué à ce que la situation sur le terrain reste
211
relativement calme, compte tenu en tout cas de la nature particulière des circonstances .
2.69 A la lumière de ces différents éléments, il ne fait aucun doute que les
circonstances dans lesquelles le Kosovo s'est déclaré indépendant ont répondu en tous points
aux exigences fondamentales que le Conseil de sécurité a toujours placées au cŒur du
processus politique devant conduire au statut définitif du Kosovo. Comme n'a eu de cesse de
207Lors de la présentation de sa proposition globale de Règlement en mars 2007, Martti Ahtisaari avait indiqué
ce qui suit: « Ma proposition de Règlement, sur laquelle se fondera cette indépendance, s'inspire des positions
exposées par les parties pendant les négociations et opère, sur de nombreux points, un compromis au service
208ne solution durable» (S/2007/168, 26 mars 2007, par. 16).
V. ainsi les déclarations de reconnaissance des Etats-Unis, de la France, de l'Albanie, du Royaume-Uni, de la
Lettonie, du Danemark, de l'Estonie, de la Suisse, de l'Irlande, de la Suède, de l'Islande, du Japon, de la
Finlande ou de la Norvège.
209Dès le 16janvier 2008, le Président de la Serbie affirmait devantle Conseil de sécurité que« la Serbie ne
recourra pas à la violence ni à la guerre» (S/PV.5821, p. 4). Le lendemain de la déclaration d'indépendance du
Kosovo, le Président Tadié réaffirma l'engagement de son pays de ne pas recourirà la force (S/PV.5839, 18
février 2008, p. 5). Le 8 octobre 2008, le ministre des Affaires étrangères de la Serbie a déclaré devant
l'Assemblée générale que « [n]otre démocratie a réagà [la déclaration d'indépendance] avec la plus grande
retenue possible. Nous avons écarté la possibilité de recourir à la force et d'imposer des sanctions économiques à
210te province sécessionniste» (A/63/PV.22, p. 1).
211A/63/PV.22, 8 octobre 2008, p. 9 (France).
V. S/PV.5839, 18 février 2008, p. 3 (Secrétaire général)«:Le calme règne dans l'ensemble du Kosovo»;
Rapport du Secrétaire général du 28 mars 2008, S/2008/211, par. 11 :Malgré un certain nombre d'incidents
graves, les conditions de sécurité au Kosovo sont demeurées stables, quoique tendues, au cours de la péràode
l'étude»; S/PV.5917, 20 juin 2008, p. 10 (France):«[ ...] une évaluation objective montre que pendant les
quatre mois depuis l'indépendance, les scénarios pessimistes prédits par certains ne se sont pas réalisés. Au
contraire, nous observons une situation sécuritaire généralement calme et des institutions qui fonctionnent de
manière satisfaisante dans un cadre démocratique»; S/PV.6025, 26 novembre 2008, p. 3 (Représentant spécial
du Secrétaire général et Chef de la MINUK):«[ ...]il est encourageant que l'atmosphère ait été généralement
calme au Kosovo pendant tout l'été, qu'aucun incident majeur n'ait été enregistré sur le plan de la sécurité et que
la série de problèmes mineurs qui se sont présentés aient pu être contrôlés et contenus par une intervention de
faible ampleur».
62le répéter le Conseil de sécurité« , [l]a création d'une société multiethnique, tolérante et
démocratique dans un Kosovo stable demeure l'objectif fondamental de la communauté
internationale, dans le cadre de l'application de la résolution 1244 (1999) du Conseil de
sécurité »212 ;le Conseil de sécurité« réaffirme[ ... ] son attachement à l'objectif d'un Kosovo
213
pluriethnique et démocratique devant contribuer à renforcer la stabilité régionale » •
L'indépendance du Kosovo, dans les circonstances particulières dans lesquelles elle s'est
réalisée, a permis de répondre à ces différentes exigences. Elle seule par ailleurs était de
nature à le faire.
5. Les Nations Unies ont continué d'apporter leur soutien aux autorités du Kosovo
2.70 Compte tenu de ce qui précède, iln'est aucunement surprenant que le Conseil
de sécurité, comme le Secrétaire général et le Chef de la MINUK, de même que l'Assemblée
générale d'ailleurs ou encore l'Union européenne, se soient abstenus de formuler la moindre
condamnation de la déclaration d'indépendance du Kosovo. Cette abstention est pleinement
justifiée. La formation d'un nouvel Etat est en effet une question de fait et l'ONU ne dispose
d'aucune compétence particulière en matière de reconnaissance d'Etat qui relève du pouvoir
d'appréciation discrétionnaire des Etats membres lorsqu'aucune obligation de non
214
reconnaissance n'est enjeu .Dès lors que la déclaration d'indépendance était conforme à la
volonté du peuple du Kosovo, qu'elle était la seule option viable à l'issue de l'échec des
négociations, qu'elle n'enfreignait aucun des principes de base du processus politique
formulés depuis 1999 et qu'elle se déroulait enfin sans mettre en danger la paix et la sécurité
internationales, le Conseil de sécurité,le Secrétaire général et le Chef de la MINUK ont à
juste titre estimé que leur mission ne devait consister qu'à faciliter la transition politique en
s'assurant qu'elle ne mette pas la paix et la sécurité internationales en danger, en conservant
leur position traditionnelle de neutralité quant au statut définitif du Kosovo.
2.71 Cette attitude est tout à fait significative, à plusieurs points de vue.
2.72 Elle tranche tout d'abord avec les situations dans lesquelles les organes
politiques des Nations Unies ont estimé devoir condamner expressément, et dans les termes
212Déclaration du Président du Conseil de sécurité du 18 mars 2004, S/PRST/2004/5.
213Déclaration du Président du Conseil de sécurité du 24 octobre 2005, S/PRST/2005/51.
214V. supra, pars. 1.16 et 2.13.
63 215
les plus nets, certaines tentatives de sécession en raison de l'atteinte portée à un principe
fondamental du droit international ou de la mise en danger de la paix et de la sécurité
216
internationales ,avec les conséquences draconiennes s'ensuivant s'agissant des relations
désormais interdites avec l'entité incriminée 217•L'absence de toute condamnation émanant de
l'un quelconque des organes des Nations Unies dans le cas de la déclaration d'indépendance
du Kosovo confirme a contrario que ceux-ci n'ont manifestement pas tenu celle-ci comme
impliquant une violation du droit international ou comme mettant en danger la paix et la
sécurité internationales.
2.73 L'abstention des organes des Nations Unies est encore plus significative à la
lumière des pouvoirs particuliers dont disposait le Conseil de sécurité, comme le Chef de la
MINUK, de condamner toute atteinte aux principes découlant de la résolution 1244 (1999).
2.74 S'il avait estimé la déclaration d'indépendance contraire à la résolution 1244
(1999), le Conseil de sécurité, juge du respect de ses propres résolutions, aurait évidemment
eu compétence pour en condamner les termes. Le Conseil n'a pas hésité, dans le passé, à
exercer cette compétence. En 2002, à une époque où le processus devant aboutir à la
détermination du statut futur du Kosovo n'avait pas encore été déclaré ouvert, le Conseil de
sécurité avait ainsi
« déplor[é] l'adoption par l'Assemblée du Kosovo à,sa séance du 23 mai 2002, d'une
'résolution relative à la protection de l'intégrité territoriale du Kosovo'. Il partage
l'avis du Représentant spécial du Secrétaire général, selon lequel pareilles résolutions
et décisions de l'Assemblée au sujet de questions qui ne relèvent pas de son domaine
de compétence sont nulles et non avenues » 218•
Le Conseil de sécurité s'est abstenu en revanche de déclare« rnulle et non avenue » ou même
seulement de «déplorer» la déclaration d'indépendance du 17 février 2008, à juste titre
puisqu'elle n'est en rien contraire au paragraphe 11, alinéa e), de la résolution 1244 (1999),
215
V. supra, par. 2.13.
216Mais en aucun cas de la violation d'une prétendue règle internationale interdisant les sécessions : v. James
Crawford, The Creation of States in International Law, op. cit., note 124, pp. 389-390 : le langage des
résolutions du Conseil de sécurité ayant condamné certaines sécessio«does not imply the existence of an
international law rule prohibiting secession [...]. Any international concems associated with secession
movements relates to the existence of foreign intervention (as in Katanga) or the existence of a threat to
217ernational peace and security(as in Rhodes».)
Dans son avis du 21 juin 1971 concernant la Namibie, précité, note 82, la Cour a détaillé les différentes
implications de l'obligation de non-reconnaissance: v.J Recueil 1971, pp. 54 et s., pars. 119 et s. V. plus
largement James Crawford, TheCreation of States in International Law, op. cit., note 124,pp. 157-173.
218S/PRST/2002/16,24 mai 2002.
64qu'elle s'inscrit au contraire dans le cadre du processus politique qui y est défini et qu'elle
répond pleinement aux exigences qui ont été placées au cŒur de celui-ci.
2.75 Le Représentant spécial du Secrétaire général avait lui aussi la compétence de
décider, seul, du caractère éventuellement contraire à la résolution 1244 (1999) de la
déclaration d'indépendance. En vertu de l'article 8.1, alinéa b), du Cadre constitutionnel de
l'autonomie provisoire, celui-ci avait conservé en effet le pouvoir
« [e]n application du mandat qui lui est conféré par la résolution 1244 (1999) du
Conseil de sécurité ou lorsque l'on considère que les institutions provisoires
d'administration autonome n'ont pas agi conformément à ladite résolution, [de
219
dissoudre] l'Assemblée et [d'organiser] de nouvelles élections » •
Si le Représentant spécial n'a pas exercé cette responsabilité, c'est parce qu'il a considéré, là
encore à juste titre, que la déclaration d'indépendance n'était en rien contraire à la résolution
1244 (1999) ni ne mettait en danger la paix et la sécurité internationales.
2.76 Dans l'exercice de leurs fonctions, le Conseil de sécurité, le Secrétaire général
et le Chef de la MINUK ont veillé en revanche à ce que la transition politique consécutiveà la
déclaration d'indépendance ne remette pas en cause les progrès accomplis depuis 1999, en
poursuivant, d'une part, l'appui continu au renforcement de la démocratie et de l'état de droit
au Kosovo et en opérant, d'autre part, la reconfiguration de la présence internationale civile
220
pour tenir compte de la réalité produite par la déclaration d'indépendance du Kosovo .
2.77 S'agissant du premier point, ilétait conforme au Plan Ahtisaari, auquel renvoie
la déclaration d'indépendance, que les présences internationales appelées à rester
provisoirement au Kosovo continuent de soutenir celui-ci dans le renforcement de ses
structures démocratiques et de l'état de droit. Le 15 juillet 2008, le Secrétaire général
réaffirma clairement que l'indépendance du Kosovo n'avait pas mis un terme à ce soutien :
« La MINUK continuera de soutenir le Kosovo dans l'action qu'il a engagée pour
étayer les institutions de gouvernance démocratique, promouvoir la croissance
économique et progresser sur la voie d'un a221ir au sein de l'Europe au titre de son
appartenance aux Balkans occidentaux » .
219V. le Règlement de la MINUK du 15mai 2001,précité, note 39, p. 12.
220A propos de la« situation radicalement différente au Kosovo» produite par la déclaration d'indépendance, le
Secrétaire général des Nations Unies a considéré le 20 juin 2008 « fa[llai]t en tenir compte comme une
221lité de la vie» (S/PV.5917, 20juin 2008, p. 3).
S/2008/458, 15juillet 2008, par. 32.
65 2.78 Pour ce qui concerne le second point, le Secrétaire général a tout d'abord
indiqué dans son Rapport au Conseil de sécurité du 28 mars 2008 que pour faire face au
« défi» constitué par les répercussions de la déclaration d'indépendance,« guidée par la
nécessité d'assurer la paix et la sécurité au Kosovo, la MINUK a agi et continuera d'agir de
222
façon réaliste et pragmatique en tenant compte de l'évolution de la situation » • Il estimera
quelques semaines plus tard qu'il était« impératif», pour« préserve[r] la paix et la sécurité
internationales et la stabilité du Kosovo », de procéder à la reconfiguration de la MINUK 223,
224
« dans le plein respect de la résolution 1244 (1999) » • Cette reconfiguration exigeait, selon
le Secrétaire général, de passer le relais à la mission « état de droit» de l'Union européenne
225 226
(EULEX) , en restant « neutre quant au statut » • Dans deux lettres adressées
respectivement aux autorités serbes et aux autorités kosovares, le Secrétaire général rappela
de nouveau que la position de l'ONU était « une position de stricte neutralité sur la question
227
du statut du Kosovo » .Cette neutralité attendue de l'Organisation des Nations Unies a été
réaffirmée par de nombreux Etats intervenant lors des délibérations du Conseil de sécurité, y
compris certains Etats ayant voté en faveur de la saisine de la Cour pour avisconsultatiF 28 -
ce qui marque de nouveau l'absence de caractère inter-organique de la demande d'avis
229
consultatif .
2.79 La reconfiguration de la MINUK s'imposait de toute évidence. Le maintien de
sa présence n'était pas en cause, comme le Kosovo s'y était d'ailleurs engagé dans sa
230
déclaration d'indépendance , cette dernière ne pouvant mettre fin à la résolution 1244
(1999). Il fallait cependant tirer les conséquences de l'indépendance du Kosovo sur les
modalités de fonctionnement de la présence internationale.
2.80 Dans son rapport du 24 novembre 2008, le Secrétaire général a pu noter
222
223S/2008/211, 28 mars 2008, par. 30.
S/2008/354, 12juin 2008, pars. 10 et s.
224S/2008/458, 15juillet 2008, par. 30.
225Créée par l'Action commune 2008/124!PESC du Conseil du 4 février 2008, relativà e la mission « état de
droit» menée par l'Union européenne au Kosovo, EULEX KOSOVO, Journal officiel de l'Union européenne,
16février 2008, L. 42, pp. 92-98.
226S/2008/354, 12juin 2008, pars. 10et s.
227Ibid, annexes I et II.
228
V. ainsi SIPV.6025, 26 novembre 2008, p. 6 (Serbie); p. 13 (Afrique du sud); pp. 15-16 (Russie); p. 17
(Viet Nam); p. 18 (Chine); p. 19 (Libye). V. également, SIPV.6097, 23 mars 2009, p. 7 (Serbie); p. 15
(Russie); p. 21 (Chine); p. 22 (Viet Nam).
229V. supra, par. 1.26. Il est impossible de concilier en effet la volonté de voir l'ONU rester neutre sur la
question du statut du Kosovo avec le fait de demander à l'Assemblée qu'elle sollicite la Cour pour l'aiderà
exercer ses fonctions à l'égard du statut du Kosovo.
230V. leparagraphe 5 de la Déclaration d'indépendance, précitée, note 44.
66 « que toutes les parties ont accepté la réorganisation de la structure de la présence
internationale et la modification de son profil, prévues au paragraphe 16 de mon
rapport[231, afin qu'elle corresponde mieux à l'évolution de la situation et que l'Union
232
européenne puisse jouer un rôle opérationnel renforcé dans tout le Kosovo[ ... ] » .
2.81 Deux jours plus tard, le Conseil de sécurité a « accueill[i] avec satisfaction le
rapport du Secrétaire général » et «pr[is] en compte les positions de Belgrade et Pristina sur
233
ce rapport» et « leur intention de coopérer avec la communauté internationale » • Il s'est
également félicité de la coopération existant entre les différents intervenants internationaux et
des efforts de l'Union européenne « pour faire progresser la perspective européenne de
l'ensemble des Balkans occidentaux, contribuant ainsi de manière décisiveà la stabilité età la
prospérité de la région »234.A cette même fin, chacune des organisations intervenantes, en
conservant à son tour une attitude neutre à l'égard du statut du Kosovo, a apporté son plein
soutien et son assistance aux autorités kosovares dans leurs efforts pour consolider les
structures démocratiques et l'état de droit. Une telle attitude s'expliquerait de nouveau très
difficilement si la déclaration d'indépendance devait être tenue pour une violation du droit
international.
*
* *
2.82 Il est manifeste en définitive que la déclaration d'indépendance du Kosovo ne
peut être considérée à aucun titre comme « non conforme au droit international ». Le droit
international ne se prononçant pas sur la licéité de l'apparition d'un nouvel Etat, sauf
exceptions qui ne valent manifestement pas dans le cas d'espèce, il est impossible d'apprécier
la déclaration d'indépendance en termes de licéité ou d'illicéité. L'examen des nombreux
éléments qui font du processus politique ayant abouti à l'indépendance du Kosovo un cas sui
generis aboutit à la même conclusion.
231
Il s'agit du paragraphe 16 de son Rapport du 12 juin 2008, S/2008/354, dans lequel le Secrétaire général
planifiait le passage de relais entre la MINUK et la mission opérationnelle de l'Union européenne.
232S/2008/692, 24 novembre 2008, par. 28.
233S/PRST/2008/44, 26 novembre 2008.
234Ibidem.
6768 CONCLUSION
Pour l'ensemble des raisons qui précèdent, la République française considère, à titre
principal, que la Cour devrait refuser de répondre à la demande d'avis. A titre subsidiaire, au
cas où la Cour déciderait tout de même de répondre à la question qui lui a été adressée, la
France estime qu'il lui appartiendrait de constater que la proclamation d'indépendance du 17
février 2008 n'est contrairà aucune règle de droit international public.
Pour le ministre des Affaires étrangères et européennes et par délégation,
le directeur des affaires juridiques
1
~--"------
l
Edwige BELLIARD
6970 TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ........................................................................
.........1........................................
1. L'adoption de la résolution 63/3 de l'Assemblée générale ...................................1...........
2. Le contexte historique de la demande d'avis consultatif.. ...............................3.................
a. La crise au Kosovo (1989-1999) .......................................................4................
.............
b. La contribution de la communauté internationale à laformation d'un
«Kosovo pluriethnique et démocratique devant contribuer àla stabilité régionale»......8
1.UNE DEMANDE D'AVIS NE RELEVANT PAS DE LA FONCTION JUDICIAIRE DE LA COUR ....... 15
§ 1. Tout avis de la Cour, quel qu'il soit, serait privé de tout effet juridique sur le
statut du Kosovo ................................. ;........................................................................
.... 17
§ 2. Tout avis de la Cour interfèrerait avec une question politique à l'égard de
laquelle l'Assemblée générale ne pourrait faire aucune recommandation ............... 23
1. La requête ne répond pas aux objectifs que doit poursuivre toute demande d'avis
consultatif ........................................................................
..23............................................
2. L'article 12 de la Charte des Nations Unies priverait un avis de la Cour de toute
portée concrète pour l'Assemblée générale .................................................26.................
Il.LES ELEMENTS QUE LA COUR DEVRAIT PRENDRE EN CONSIDERATION SI ELLE
ESTIMAIT DEVOIR REPONDRE A LA DEMANDE D'AVIS ................................................35...........
§ 1. Rien ne permet d'affirmer que la proclamation de l'indépendance du Kosovo
ne serait pas« conforme au droit international» ........................................35..............
1. Le droit international n'interdit pas par principe la proclamation de l'indépendance
d'un État nouveau ......................................................................36
....................................
2. Aucune autre règle de droit international n'interdisait la proclamation de
l'indépendance du Kosovo de la Charte des Nations Unies ................................39..........
§ 2. La nature sui generis du processus politique ayant conduit à la déclaration
d'indépendance du Kosovo ...............................................................41.......
.....................
1. Le Kosovo a été placé sous administration internationale pendant près de neuf ans,
créant dans les faits une situation irréversible ........................................43.......................
2. En vertu de la résolution 1244 (1999), l'indépendance était l'une des options
admissibles pour le statut définitif du territoire .....................................45........................
3. Au terme du processus de négociation, l'indépendance s'est avérée la seule option
politique viable et la seule conforme aux exigences posées par le Conseil de sécurité
et le Groupe de contact ...............................................................50.......
...........................
71 4. L'indépendance s'est réalisée dans le respect de principes exemplaires en matière
de démocratie, d'état de droit, de droits de l'homme et de droits des minorités, sans
mettre par ailleurs en danger la stabilité régionale .........................................60...............
5. Les Nations Unies ont continué d'apporter leur soutien aux autorités du Kosovo ......... 63
CONCLUSION ........................................................................
...............69...................................
72
Exposé écrit de la France