Exceptions préliminaires de la République française

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10873
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COURINTERNATIONALEDE JUSTICE

AFFAIRERELATIVEA LA
LICEITEDE L'EMPLOIDE LA FORCE
(YOUGOSLAVIEc. FRANCE)

EXCEPTIONSPRELIMINAIRES
DE LA REPUBLIQUEFRANÇAISE

5 JUILLET20001. Aux termesduparagraphe1" de l'article 79duRèglementdela Cour:

"Toute exceptionà la compétence dela Cour ou à la recevabilitéde la requête outoute autre
exception surlaquellele défendeurdemandeune décision avant que la procéduresur le fond se

poursuivedoit êtreprésentéepaé r crit dale délaifixépour ledépôtdu contre-mémoire".

2. La Républiquefiançaise a décidé de se prévaloir decette fàcultéet de souleverdes exceptions

préliminaires. el estl'objetdesprésentesobservations,présentéesansle délaifixépar l'ordonnancede la

Cour endate du 30jui n999pour ledépôtdu contre-mémoirede laFrance.

3. Ces exceptions préliminairesseront brèves,tant sont manifestes l'incompétenc de la Cour et

l'irrecevabildeéla requête.

A. Rappeldela procédure

4. Le 29 avril 1999,la République fédérale de Yougoslav (ci-aprèsRF.Y.) a introduitune requête

contre la France "pour violation del'obligationde ne pas recourir à l'emploide la force". Des requêtes

similaires dumême jour étaient dirigéecsontreneuf autresEtats membresde l'Organisationdu Traitéde

l'AtlantiqueNord (OTAN), l'Allemagne,la Belgique,le Canada, l'Espagne,les Etats-Unis d'Amérique,
l'Italie,lesPays-Bas,lePortugalt le Royaume-Uni

5. Simultanément,la RF.Y. a présenté,contre les mêmesEtats, des demandes en indication de
mesuresconservatoires.CellequivisaitlaFrancepriaitla Courd'indiquer lamesure suivante:

"La Républiquefiançaise doit cesser immédiatement de recourir à l'emploide la force et doit
s'abstenirde tout acte constituant unemenace de recours ou un recours à l'emploide la force

contrela Républiquefédérad leYougoslavie".

6. A la suited'audiencesoralestenues du 10au 12mai 1999,la Cour a,par desordonnancesen date

du 2juin 1999,rejetéles demandesen indication de mesuresconservatoiresde la RF.Y.. Dans deux cas,

concernant respectivement l'Espagneet les Etats-Unis,la Cour a ordonnéque l'affairesoit rayéedu rôle.
Dansleshuit autres,ellea constatéqu'elle n'avait 2
,
"pasprima facie compétence pour connaîtrede la requêtede la Yougoslavie;et qu'ellene saurait
dèslorsmdiquerquelque mesure conservatoire que ce soitàl'effetdeprotéger les droitsquiy sont
invoqués"(par. 32 de l'ordonnanceconcernantla France;les sept autres décisionssont rédigées
danslesmêmet sermes).

7. En dépit decette indication,qui, ilestvrai,ne préjuge"en rienla compétence dela Cour pour
connaîtredu fondde l'affih-esurlabase del'articIX dela conventionsur legénocide, niaucune question

relativeàlarecevabilité delarequête etau fondlui-même( "ibid, par. 33),la RF.Y. a cm devoir déposer,

le 5janvier 2000, un document intitulé"Mernoriut'et concluantàce quela Courjuge et déclareque, du
faitde diversesviolationsalléguéeds'obligationsuiincombantenvertu du droit international:

"-the Respondent isresponsiilefortheviolation ofthe aboveinternational obligations;

"-the Respondent isobligedto stopimmediatelytheviolationofthe aboveobligationsvis-à-visthe

FederalRepublicofYougoslavia;

"-the Respondentis obligedto providecompensationfor the damages,injuriesandlosses doneto
the FederalRepublicofYougoslaviaandto its citizensandjuridicalpersons"(p. 352).

B. Les défectuosités du "mémoire"de la R.F.Y.

8. Liminairement,il convientde releverles trèsnombreux défautst ,ant de forme que de fond, qui

entachent gravement ce document, qui ne répondpas aux exigences dela procédurejudiciaire devantla
Cour.Cesdéfectuositéts iennentprincipalement, d'unpeart aufaitquelaRF.Y. a crupouvoirprésenterun

mémoire uniquecontre leshuit Etats défendeurset, d'autrepart, au modede présentationdes éléments de

"preuve",quine permettent niàceux-ciniàla Cour elle-mêmd eevérifieret, le cas échéant,e contester
lavéracité deasllégationsdelaPartieyougoslave.

a) L'unicitédu "mémoire"de la R.F.Y.

9. Le mémoirede la RF.Y. porte sur le "Case [au singulier] concemhg legalityof the use of force

(Yougoslavia v. Belgium,Canada,France,Germany,Italy, Netherlands,PortugalandUnited Kingdom)"et
aucune différenciation'yest faite,tout aulong deses352 pages,entrelesdéfendeurs.

"Due to substantial and technical reasons,the Applicant has prepared an identicaltext of the
Memorialin all eightpendingcases. The substanceof disputein all eightcasesis identical.There
are some d.erences concerningthe jurisdictionof the Court among some cases which willbe
indicatedin the relevantpart of the Memorial.Whereas allRespondentsare in the sameinterest, 3
accordingto Article 31, para. 5, of the Statute of the Court, they should,for the purpose of the
nominationof ad hoc judge, be reckonedas one party only.Altematively,for the said purpose,
Belgiumand the Netherlandsare mthe samemterest; Canada,Portugal and the United Kingdom
are mthe samemterest;andFrance,GermanyandItalyareinthe samemterest" (p.8).

11. Tout en étantplemement solidaire des autres Etats contre lesquels la RF.Y. a introduit des

requêtes,laFrance estime quecesjustificationssontirrecevables.

12. Auxtermes de l'article 38,paragraphe2, du Règlementde la Cour, la requête"indiqueautant que

possibleles moyens de droit sur lesquelsle demandeurprétend fonderla compétencede la Cour; elle
indiqueen outre la nature précisede la demandeet contient un exposésuccmctdes faits et moyenssur

lesquelscette demanderepose". En outre,l'article49,paragraphe1,disposeque "Ellemémoirecontientun

exposédesfaitssurlesquelsla demandeest fondéeu , n exposé de droitt lesconclusions".

13. Or ces prescriptions ne sont nullementrespectéespar la RF.Y.. Sa requête, identiqueaux neuf

autres requêtes introduitesimultanément, n'indiquapts la "naturerécise"de la demandedirigéecontre

la République française. t,à aucunmoment, son mémoirn ee préciseles griefs adressésà celle-ci,alors
même que cette exigence découle dela rédaction del'article49 du Règlement.En outre, contrairement

l'article38 qui n'impose l'indicatides moyens de droit sur lesquelsle demandeurprétendfonder la

compétence dela Cour quepour autant .que cela soit possible,cette disposition n'autorisepas celui-cià

s'abriterderrièrede vagues allégations de"substantialand technical reasons"pour s'abstenirde spéciiïer
cesmoyens.

14. La RF.Y. ne les spécifie nullemenT.out auplusreconnaît-elleimplicitementà la page 335de son
mémoire,que la compétence de la Cour ne peut êtrefondée surl'article36, paragraphe2, du Statut de la

Cour en s'abstenant de mentionnerla France parmi les Etats ayant fait la déclaration facultative

d'acceptation de juridiction obligatoire prévue partte dispositionet semble-t-elle maintenirque cette
compétence pourrait, en revanche,êtrefondée surl'articIX de la Convention de1948 surla prévention

et la répressiondu crimede génocide puisquea,prèsavoir longuementcitédes extraitsde l'ordonnancedu

2juin 1999par laquellela Haute Juridictiona rejetésademandeen indicationde mesuresconservatoires

contre la Belgique (par. 3.4.2, pp. 346-349), elle ajoute: "The identicaltext appeared m the Orders
referredto otherRespondents"(ibid , p. 349).

15. L'imprécisiondes demandesque TEtatrequérant formule à l'encontrede la République Rançaise
nepermetni àcelle-ci,ni à la Cour elle-mêmdee déterminelr'objetprécisdu différend. t cet inconvénient

est aggravépar le fait que le fondement implicitement alléde la compétencede la Cour étantdifférent 4
ou, dumoins,pluslimitéque celuiavancé àl'appuidesrequêtes dirigéescontreplusieursautresEtats, ilest
impossiblede fiire la part des arguments defàit et de droit quipourraientêtrerattachésàcette prétendue

basede compétence.

16. De ce fait, la RF.Y. prive, sans aucundoute volontairement, la Cour de toute posslibilité

d'apprécie ri"le différenen questionentrebiendanslesprévisions de l'articleX de la Conventionsurle

génocide" (c£ l'arrêtu 11juillet 1996,affairerelativeàl'Applicationde la Conventionpour laprévention
et la répressiondu crime de génocide(Bosnie-Herzégovinc e. Yougoslavie),Exceptionspréliminaires,

Rec. 1996,p. 615, par. 30), ce qui constitue cependant uneconditionsine qua non à l'exercice desa

juridictiondanslaprésente affair(v. chapitre2, section2, infia).

17. Lemémoiredela RF.Y. nepermetni àla Cour,ni àlapartie défenderesse, de discernelr e lienque

le demandeur établitentre la base de compétencequ'il sembleimplicitementinvoquer et les faits qu'il
allègue.

b) Lesirrégularité fsrmellesdu "mémoire" dela R.F.Y.

18. L'undes aspectslesplus frappantsdu mémoiredéposé par la RF.Y. consiste dans l'absentotale

de preuvedes élémentd se fi&allégués L.eur exposése traduit parune longueénumératiod ne prétendus

"faits"regroupésen catégoiesapproximativesdontlapertinencejuridique n'est expliquéenullepart.

19. Dansla grandemajoritédescas,ces"faits"ne sont étayéspar aucué nlémen dte preuve.

20. La RF.Y. ajoint àsonmémoire trois ensemblesde documents :

-le premier est intitu"Annexes"et comporte 178 documents dontla plupart sontrédigés en serbo-
croate;

- le second,daté dejuillet 1999,est intit"NATOCrimesin Yugoslavia - DocumentaryEvidence (25
ApriI - 10June 1999) et comporte, dansun ordre différend,ertainsde ces documentstraduits en anglais

et divers commentaires;

-le troisièmeest un fascicule intitulé "Documents diplomatiqesCorrespondance concernantlesactes

de violence et de brigandage des Albanais dans la Vieille-Serbie(Vilayet de Kosovo) 1898-1899"

reproduisant uncertainnombre de documentsrédigé en serbo-croateou enfiançais.21. Cette présentation nerépondni aux exigences d'unprocès ordonné, ni aux prescriptions du

Règlementde laCour.

22. Telest évidemmenlte casdes documents rédigéesn serbo-croate(ou en allemand - c£ l'annexeno

165)dont aucunetraductionn'estfournieou dont iatraductionn'estpas certifiéeconformeàl'originalau

méprisdesdispositionsdel'article51,paragraphe2, du Règlemend tela Cour.

23. En outre et plus généralemenl t, mémoireyougoslavene respecte pas les règlesde preuve qui

s'imposent à tout Etat dans un procèsinternational.CommeTarappeléla Commissiondes réclamations
entre les Etats-Uniset le Mexiquedansl'affaireParker, dansune telle instance,les Parties "are'sovereign

Nationswho are in honor boundto makefidl disclosuresof the factsin each case sfàr as suchfacts are

within their knowledge, or can reasonablybe ascertainedby them" (Sentence arbitrale, 31 mars 1926,
R.S.A.,vol. IV, p. 39; v. aussi la décisionde la Commissiondes Réclamationsfianco-mexicaine,19

octobre 1928,GeorgesPinson, opiniondu Sur-Arbitre Verzijl,RS.A., vol. II, p. 327). "LesEtats litigants

ont non seulementle droit, mais ils ont aussi le devoir deprouver. Ils ont une véritable obligatden

collaboreràune exacteinformationdujuge international"(J.C.Witenberg,"Lathéoriedespreuvesdevant
lesjuridictions internationale, ecueildes cours, 1936-II,vol. 56, pp. 97-98;v. aussi Shabtaienne,

TheLawand Practice of theInternational Court, 1920-1996,vol. llI, Procedure, Nijhoe La Haye, 1997,

p. 1091).

24. La RF.Y. ne s'estpas acquittéede ce devoir en présentantpêle-mêd le prétendus faitsdont la

réalité n'est,ansl'immensemajoritédescas, établisur aucunélémend tepreuve.De ceiàit, elleinterdità
la Cour de s'assurerque "ledifférendest de ceux dontla Courpourrait avoir compétencpour connaître"

[ordonnancedu 2juin 1999, &ire relativeàla Licéité de l'emploide laforce (Yougoslaviec. France),

par. 251 et, en l'absence defaits avérést,oute discussionsur le lien qui pourrait exister entre les faits
alléguéest lefondement invoqué dela compétencede la Cour estvaine(v.supra, par. 16).

C. Présentationgénérale et plan des exceptionspréliminaires

25. Sous la seule réservede la nécessité danlaquelleelle serouve en principe d'apporterla preuve

que les faits (non établis) n'entrentement pas dansles prévisions de l'artielXde la Convention
de 1948 sur le génocideprobatio diabolica, la Francen'entendpas entrer dansune discussion factuelle,

quin'apas saplacedans desexceptionspréliminaires. 6
26. Elletientnéanmoms,

-d'unepart, àpréciserque ce silencene signifiepas qu'ellereconnaît,de quelque manière quece

soit,lamatérialitdesprétendus faitsénuméréspa lrRF.Y. ou qu'elleacceptel'interprétatique celle-ci
endonne et,

- d'autre part, à s'associeraux préoccupationsexprimées parla Cour au paragraphe 15 de
l'ordonnancedu 2 juin 1999 au sujet du drame humain, des pertes en vies humaines et des terribles

souffrancesque connaîtle Kosovo,et dontlaRF.Y. porte l'entièreresponsabilité.

27. Le demandeur consacre la brève troisième partie de son mémoireà la compétencede la Cour

("Jurisdictionof the Court", pp. 329-349), concisiond'autantplus surprenanteque les Etats défendeurs

avaienttous insisté, durant audiencesconsacrées àl'examendes demandesyougoslavesenindicationde
mesures conservatoires, sur l'absencede tout fondement à la juridiction de la Cour qui dans ses

ordonnances en date du 2 juin 1999, a considéré qu'elle n'avait"pas prima facie compétence pour

connaître de la requêtede la Yougoslavie"(cf le paragraphe 32 de l'ordonnancerendue dans l'affiire

Yougoslavie c.France).

28. La brève partie quelaRF.Y. consacreà cette question s'articuleen quatre sections.La première

repose sur l'affirmationselon laquelle: "The FederalRepublicof Yugoslaviais a Member State of the
UnitedNations"(pp. 329-335),allégationqu'ilne paraîtpasutileàla Francede discuter dansle cadrede la

présente affiire, sansque cette absencede discussion puisses'interprécomme impliquant enquelque

mesure que ce soit une acceptation de la thèse quis'ytrouve exposée.Les sections 2 et 3 portent
respectivementsur la compétencede la Cour fondéesur l'article36, paragraphe2, du Statut de la Cour

(pp.335-343),alors quela Francen'apas fait ladéclaration facultativeprévue pacette dispositionet sur

destraitésbilatéraux,dont aucunne lie laFrance la RF.Y. (pp. 343-346).Et la section 4 est relatàla
compétencede la Cour quiseraitfondée surl'articlIX de la Convention surle génocide(pp. 246-349)et

se borne à reproduire les passages del'ordonnancede la Cour du 2 juin 1999relativeà la demandeen

indicationdemesuresconservatoiresdela RF.Y. contrelaBelgique(v.supra, par. 14).

29. JIconvient de relever quele demandeurne £aitplus étatdu second "fondement juridiquede la

compétence dela Cour"qu'ilavait avancédanssarequête (p.9),à savoirleparagraphe5 de l'article38 du
Règlementde la Cour. Cettedispositionest rédigé ainsi:

"Lorsque le défendeur entend fonderla compétencede la Cour sur un consentementnon encore
donnéou manifestépar 1'Etatcontre lequella requêteest formée,la requêteest transmiseà cet 7

Etat. Toutefoiselle n'estpas mscriteau rôle générale la Cour et aucun acte de procéduren'est
effectuéetant que llEtat contre lequella requêteest forméen'apas acceptéla compétencede la
Cour aux fmsdel'afۉireW.

30. Ilva de soique laRF.Y. n'auraitpas initialementinvoquécette dispositiosielleavaitréellement
penséquel'articleIXdela Convention de1948constituait unebasede compétence pertinente.

31. Du reste, dansson ordonnancedu 2juin 1999,la Cour a constatéque la France n'acceptait pa,n

l'espèce,sa compétenceet ena tirélesconséquencesqus i'imposentenconsidérant

"qu'ilest manifeste que, en l'absencede consentementde la France donnéconformémentau
paragraphe 5 de l'article du Règlement,la Cour ne saurait avoir compétence dans la présente

&ire [surcefondement],mêmp erimafacie"(par. 31).

32. Il en va de mêmeen ce qui concerneles autres textes et principes de droit mternationque la

RF.Y. invoque dans sa requêteintroductive d'instanceet dans son mémoire,qui ne permettent

évidemmentpas d'attraire la France devant la Cour internationale de Justice, nimême,de hçon plus

générale, de saislr Cour.

33. C'estle caspour la ChartedesNationsUnies.C'est également lceaspourlestextes qui concernent

le droit internationalhumanitaire(laV"" Conventionde La Haye de 1907,le Protocole de Genèvede
1925,les Conventions deGenèvede 1949,la Convention deLa Haye de 1954et le Protocole 1 de 1977

additionnelaux Conventions deGenèvede 1949,auquellaFrancen'est durestepas encorepartie).

34.
La Cour a déjàprécisée ,n 1993, qu'ellen'apercevaitdans aucun des textes précit(invoqués,à
l'époquep,ar la Bosnie-Herzégovine) "delauseafférenteàsa compétence" (Applicationde la Convention

pour lapréventionet la répressiondu crimede génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie),mesures

conservatoires,ordonnancedu 13 septembre 1993,Rec. 1993,p. 341, par. 33;voir aussi, dans la même
affiire, son arrdu Il juillet 1996surlesexceptionspréliminaire, ec. 1996,p. 620,par. 39).

35. Les résolutionsde l'Assemblée générale de l'organisation des NationsUnies invoquées par la
RF.Y. (cf la deuxièmepartie du mémoire yougoslave,pp. 301 et S.),et quiconcernent respectivement le

droit international humanitaire, les droits de l'hommeou le droit de l'environnement, e constituent

évidemmenp t as non plus le fondementd'un recours au juge. Au demeurant,la Cour a rappelé queles

résolutionsde l'Assemblégeénéral"en'ontpas force obligatoire",mêmesi elles"peuventparfois avoirune
valeur normative"(Licéité dela menaceoude l'emploi d'armen sucléairesa,visconsulta* 8juillet 1996,

Rec. 1996,p. 254, par.70).36. Il en va de mêmede la résolution1244 du Conseilde sécurité, invoquéà ela section 2.6 du

mémoireyougoslave, qui, sielle constitue,en ce qui la concerne,une décision, e permet cependantpas

davantagede recourir aujuge. Au surplus, ilconvientde noter dès àprésent,maisla Républiquefiançaise
y reviendradansle chapitre2du présentmémoire(section l), que cette résolutiona été adoptée le10juiu

1999,doncpostéieurementàlarequête introductive d'instancedlaRF.Y., en date du 29 ad 1999.

37. Quelleque soit l'importancei,ndéniabled,estexteset desprincipes invoqués par la RF.Y. dans son
mémoire,"l'opposabilité erga omnes d'une norme et la règledu consentementà la juridiction sont deux

choses différentes(C.I.J., arrêtdu 30juin 1995,TimorOriental,Rec. 1995,p. 16,par. 29).

38. C'est évidemmene tn prévisiondu refùs de la Cour d'exercersa juridiction sur ces fondements

manifestement inefficacesq, uel'Etatdemandeura invoquéen outre l'article IX de la Convention de 1948

alorsmêmeque le différendt ,el qu'ille définitlui-mêmen,e porte en aucunemanière sur un quelconque

génocidemais exclusivementsurla "licéitédle 'emploidelaforce".La Courne s'yest dureste pas trompée
lorsqu'ellea décidé de l'intitlu'ilconvenaitde donneràl'affaire(par contraste, par exemple,aveccelles

introduitespar laBosnie-Herzégovine etpar la Croatie contre, précisémenla,RF.Y. ).

39. De manière significative, seule la brève section 1.6 du mémoire(pp. 282-284), qui prétend

présenterles "Factsrelatedto the existence ofanintentto commitgenocide",utilisele mot "génocide", qui

n'apparaîtpas dans le paragraphe 2 qui expose "[tlhe subject-matter of the dispute" (p. 5), et n'est
mentionnéque subrepticement dansles conclusionsau prétexteque, "the Respondent" (ce qui inclut,

collectivement,les huit Etats défendeurs - v. supra, par. 9), aurait,par son incapacitévailures) "to

prevent killing,wounding and ethnic cleansingof Serbs and other non-Albaniangroups in Kosovo and

Metohija",manquéà la fois à ses obligations d'assurer l'ordrepublic dans cette régionet de prévenirle
génocideet les autresactes énumérés àl'articleIII dela Conventionde 1948.

40. Dans son ordonnancedu 2juin 1999, la Cour a considéré

"qu'il n'estpas contesté quetant la Yougoslavie quela France sontparties à la convention surle
génocide,sans réserves;et que l'articleIX de la conventionsembleainsi constituer une base sur
laquellela compétencede la Cour pourraitêtrefondée,pour autantquel'objet du différend atirtait
à 'l'interprétation, l'applicaon l'exécution'ela convention,y comprisles différends'relatifà la
responsabilité d'unEtat en matièrede génocideou de l'unquelconquedes autres actes énumérés à
l'articleIII'deladiteconvention"(par. 24). 9
Mais elle a rappelé"que le recours ou la menace durecours à l'emploide la force contre un Etat ne
sauraienten soi constituerun acte de génocideau sensde l'article de la conventionsur le génocide"et

ajouté, citant sonavis consultatif du 8 juillet 1996 (Licéitde la menace ou de l'emploi d'armes

nucléaires,Rec. 1996 (1),p. 240,par. 26), qu'àsonavis,iln'apparaissaitpas "quelesbombardements qui
constituentl'objetde la requêteyougoslave 'comporte[nt]effectivementl'élémen dt'mtentionnalité, dirigé

contreun groupe commetel'que requiert la dispositionprécitée" (pa.7). Elle a estiméen conséquence

que l'article ne constituaitpas"unebase sur laquellela compétencede la Cour pourraitprimafacie être

fondée en l'espèce(par. 28).

41. La France montrera, dans un chapitre la, que la base de compétence que la Cour a considérée

commenon fondée primafacie est en effettotalementartificielle et les actes quelaRF.Y. impute,de
manière indiscriminéea,ux défendeurnse sont, enaucunemanière,susceptiblesd'entrerdanslesprévisions

dela Convention surle génocide.

42. Pour surplus de droit, elle établiratitre subsidiaire,dans un chapitre 2, qu'ilexiste en outre
plusieursautres motifs excluantl'examenau fondde l'aee. D'unepart en effet, dans son mémoire,la

RF.Y. transformela nature même du litigeenun autre différenddont le caractèren'estpas le mêmeque

celui faisant l'obte la requête etce changement completde la basede l'affairesoumiseàla Cour exclut
de toute manièrela compétence dela Cour. D'autrepart, la République française considèreégalement,à

titre subsidiaire,que les faits allésar la RF.Y. dans son mémoire ne lui sont pas attribuables,ce qui

exclutl'existenced'undifférendrelevant dela compétencede la Cour et que, en tout étatde cause, ilest
fait obstacleladite compétence en la présenteespèce carson exercice conduiraitla Cour à statuer sur la

licéitdu comportementd'Etats,d'organisations internationaleest de diversesentités quinesontpas et ne

peuventêtreprésents a l'instance.

43. En conséquencel ,esprésentesexceptionspréliminaires suivront llansuivant:

Chapitre1.L'absence de compétencd ee laCoursur lefondement del'articleEde
la Conventionsur legénocide

Chapitre2. Les autresmotifsfaisant obstacleàl'examen aufond de la requête CHAPITRE 1

L'ABSENCE DECOMPETENCE DE LA COURSUR LE FONDEMENT

DE L'ARTICLE M DELACONVENTIONDE1948 SURLEGENOCIDE

1. Malgré l'inexistencedoute baseplausibleàl'existencedela compétencedla Cour, dont celle-ci

n'adu reste trouvéaucunetrace, même prima facie, dans son ordonnancedu 2juin 1999relative à la
demandeen indication de mesuresconservatoiresde la RF.Y., celle-cin'ena pas moinsimaginé,à des

hs évidemmentpurement politiques, detenter d'attrairela France devant la Cou internationalede

Justice,eninvoquantle seultextelaliantelle-ciet qui contienneuneclauserelativeàla compétencede

la Cour:la Convention de1948surlegénocide.

2. La France est partie à cette convention depuisle 12janvier 1951.Quant àla RF.Y., la Cour a

constaté, dansson arrêtdu 11juillet 1996ur l'Applicationde la Conventionpour la prévention etla
répression ducrime de génocide,exceptionspréliminaires, qu'elle était égalementpartie à cette

convention(Rec. 1996,p. 610, par. 17). Dans son ordonnancedujuin 1999,la Cour a considérqu'il

n'estpas contesté quelaFranceet la.Y. sontpartiesàla Conventionde1948(par. 24).

3. L'article de cette convention est récommesuit:

"Les différenentrelesParties contractantesrelatifsàl'interprél,'applicationou l'exécution
de la présenteConvention,y compris ceux relatifs à la responsabd'unéEtat en matière de
génocideou de l'unquelconquedes autres actesénumérésl'articleIII, seront soumisàla Cour
internationalede Justice,requêted'unepartieau différend".

4. En prétendant sefondersur cette dispositionpour établirla compétencede la Cour en la présente

espèce,la RF.Y. instrumentalisela Convention de1948 et la clausecompromissoirequ'ellecontient et

manque auprincipe dela bonne foi.Elleutilisecette conventionpourttraire la France devantla Cour
alors mêmeque ses accusations portent essentiellementur les violations alléguéesa Charte des

Nations Unies etsur celles de certainsprincipeset règlesdu droit international humaapplicable

dans lesconflits armésqui ne sauraient établir,par eux-mêmesl,a compétence dela Cour (v. supra,
Introduction,pars. 3337).5. Le refûs de la Cour d'indiquerles mesures conservatoiresdemandéespar la RF.Y. l'année

dernièretémoigne, àn'enpas douter,del'impossibilitde considérel'articlIX de la Conventionde 1948

surle génocidecommeune basede compétencepertinente enl'espèce.

6. Or,ne tenant aucun compte decette constatationd'mcompétencp erimafacie, l'État demandeur

consacre àpeinetrois pages de son mémoireàla "Jurisdictionofthe Courtbmed on Article IX of the

Genocide Convention" (section 3.4, pp. 346-347). Encore ces trois pages sont-elles exclusivement
consacrées à reproduire l'essentiel de l'ordonnance ea Cour du 2 juin 1999 rejetant la demande.en

mdicationde mesures conservatoiresde la RF.Y. contre.. .la Belgique.Le demandeurse contentant

d'ajouter:"Theidenticaltext appearedin the ûrders referredto other Respondents"(par. 3.4.2, p. 349)
et d'estimerque sonmémoireapporte "the evidenceonthe intentto commitgenocidereferringto acts of

the Respondents(acts ofbombmg)andto acts of killingandwoundingof Serbsand other non-Albanian

populationinKosovoand Metohidjaafterthe 10' ofJune 1999"(par. 3.4.3,p. 349).

7. A vrai dire, aucune deces deux allégations ne trouve dans le mémoire lemoindre débutde

commencementde preuve et, au méprisdes principesapplicables(section l), le demandeurn'a,bien

évidemmenté , tabli l'existence d'une "intentiondaire"ni en ce qui concerneles fiappes de l'OTAN
antérieuresau 10juin 1999(section2), ni en ce qui concerneles événements survenu asu Kosovo après

cettedate(section3). 12

Section1 - Lesprincipes applicables

A. La nécessité d'un liepnlausible entrela basede compétence alléguée
et l'objet delaréclamation

8. La compétencede la Cour ne pourraitêtre établie sur la base de l'artiIXede la Convention de

1948 sur le génocidequ'à l'égardd'un différend se rapportant "à l'interprétation, l'applicatinu

l'exécution"de cette Convention,et non àl'égardd'autresdifférendsqui seraientrelas àde prétendues

violationspar la France de droits que laRF.Y. prétendraittenir d'autrestextes et principes du droit
international.

9. Commel'aécritl'Ambassadeur Rosenne, "[iltisnot mfücient that a valid title of junsdiction is
invokedunilaterally.Therehasto existat leasta prima-facielinkbetweenthe subjectofthe disputeas set

out inthe instrumentinstitutingthe proceedingsandthe titleofjurisdictionthaisinvoked"(me Lawand

Practice of the International Court, 1920-1996,vol. III, Procedure, Nijhoff,La HayeiBostonLondres,
1997,p. 1209).Pour que la compétence dela Cour soitétablie,il ne mfüt pas, en effet, qu'ilexiste,in

abstracto, un lienjuridictionnelentreEtatdemandeuret le défendeur,ni que celui-ci"établisseunrapport

lointainentre les faits de la réclamation"et le traitéétablissantcen; il faut encore que les arguments
avancés soient "de caractèresuffisammentplausiblepour permettrela conclusionque la réclamation est

fondée sur le traité"(cf C.I.J., arrêtdu 19 mai1953,affaireAmbatielosfond: obligation d'arbitrage),

Rec. 1953,p. 18).

10. Comme la Cour permanente l'avait déjàindiquédans l'affaire relative à Certains intérêts

allemad enHaute Silésie polonaise:

"ilest évidentque la compétence de la Courne saurait dépendre seulementde la manièredont la
requêteest formulée (...).La Cour doit, en première ligne, examine r...)si les dispositions
auxquellesil faut recourirpour décider sur la requêtesont parmi cellesau sujet desquellesla
compétencede la Cour est établie"(arrêtdu 25 août 1925, sérieA, no 6, p. 15;v. aussi l'avis

consultatifdu 23 octobre 1956,Jugementsdu Tribunal administratrfde l'OITsur requêtes contre
l'UNESCO,Rec. 1956,p. 86 ou l'arrêd tu 26novembre 1984dansl'affairedesActivités militaires
etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (compétence de la Cour et recevabilitéde la
requête)R, ec. 1984,p.427, par. 81).

11. Lorsque les Parties devantla Cour s'opposentsur la question desavoirsiun différendsurge ntre
ellesestun différend"quant à l'interprétatiet àl'applicatiod'u raitédonné,

"laCourne peut se borner àconstater quel'unedes Partiessoutientqu'ilexisteun tel Wérend et
que l'autrele nie. Elledoit rechercher siles violationsdu traité..] alléguéepsar vune d'elles] 13
entrentou non danslesprévisions de ce traitéetsipar suite,le différenest de ceux dontla Cour
est compétente pour connaîtreratione materiaepar application"

de la clausecompromissoirefigurant dansle traitéen question(C.I.J., arrêdt u 12décembre 1996a ,ffaire

desPlates-formespétrolières(exceptionpréliminaire),Rec. 1996,p. 810,par. 16). Enla présenteespèce,
il luifàut donc s'assurerque "le différenden questionentre bien dansles prévisionsde l'articleX de la

convention sur le génocide" (C.I.J.,arrêtdu 11 juillet1996, affaire relative à l'Applicationde la

Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide @osnie-Herzégovinec.

Yougoslavie),Exceptionspréliminaires,Réc.1996,p. 615,par. 30).

12. Dans i'affairerelative à l'Applicationde la Conventionpour la préventionet la répressiondu

crime de génocide,la Cour a clairement indiquéd ,ans son ordonnancedu 8 ad 1993, que,lorsquiin
Etat demandeur fonde la compétence dela Cour à l'égardd'un différend sur une dispositiond'une

convention multilatéralee,llen'acompétencepour se prononcer que surles questions entrant dans les

prévisions decette dispositionconventionnelle:

"laCour, aprèsavoir établiqu'ilexisteune basesur laquellesa compétencepourrait êtrefondée,
ne devraitpas indiquer de mesures tendant àprotéger des droits contestéa sutres que ceux qui
pourraient en définitiveconstituerla base d'unarrêt rendu dans l'exercicede cette compétence;
considérantque, par voie de conséquence,la Cour se limitera, dansson examendes mesures
demandées,et des motifsmis en avant pour justifier ces demandes, à prendre en considération
ceuxqui entrentdansle champd'applicationde la Conventionsur le génocide"(Rec. 1993,p. 19,
par. 39..

13. La Cour a confirméce raisonnementdans son ordonnancedu 13 octobre 1993, en considérant

qu'elle"ne devraitpas indiquerde mesures tendant àprotéger des droits contestéa sutres que ceux qui

pourraienten définitiveconstituerla base d'u anrrêtrendu dansl'exercicede la compétenceainsiétablie
prima facie" (Rec. 1993,p. 342, par. 36). Comme l'arappelé Sir ElihuLauterpacht,Juge ad hoc dans

cetteaffaire:

"quelle que soit la forme sous laquelle le consentement s'exprime, laCour n'est habilitéeà
connaître que desmatièrescouvertes par ce consentement.Ainsi, la compétence conféré àela
Cour par la Convention surle génocidene s'étend qu'aux affairesrelatives à l'interprétation,
l'applicationou l'exécution deladite Convention.(...la Cour ne peut examineret statuer sur un
certain nombre (...de droits substantielsprotégés par ldroit international à défàutd'unebase

quiétablissesa compétence" (opinion individuelle,Rec.1993,p. 412,pars. 14-15).

SirElihuLauterpacht ajoutait,àjuste titre, que "la simpleexistencede règlesde droitpositifpertinentes
ne suffitpasà conférer,relativement aux matières qu'ellesgouvernent, une quelconque compétenc e

quelquejuridiction internationale que ce so(ibid., p. 414,par. 19). 14

14. La Cour n'a donc pas compétencepour se prononcer sur les questionsrelativeaux violations
alléguées dela Charte desNationsUniesou àcellesde certains principeset règlesdu droit mtemational

humanitaireapplicabledans les conflitsarmés,ces questionsn'entrantpas dansles prévisionsde l'article

IX dela Conventionde 1948 sur le génocide.

15. La Coura dureste explicitementrappelécettejurisprudencefondamentaleauparagraphe25 de son

ordonnancedu 2 juin1999renduedanslaprésenteaffaire:

"Considérant que,àl'effetd'établir, mêmurimafacie, siun différendau sensde l'articIX de la
convention sur le génocideexiste, la Cour ne peut se borner à constater que l'unedes parties
soutient quela conventions'appliquealors que l'autrele nie; et que, au cas particulier,elle doit
rechercher silesviolations dela convention allégupar la Yougoslavie sont susceptibld'entrer
danslesprévisions de cetinstrumentet, si,par suite,le différendt e ceux dontla Cour pourrait
avoircompétence pour connaîtreratione materiae par application de l'arIXc(cf Plates-formes
pétrolières(République islamiquedkn c. États-unis dYmérique),exceptionpréliminaire,arrêt,

C.I.J.Recueil1996 0, p. 810,par. 16)".

16. Comme le montre clairement l'expression souligné per la Républiquefiançaise ("même prima

facie"), cette exigencevautfortiori lorsqu'il s'te déterminelra compétence dela Cour au stade des

exceptionspréliminaires.r la RF.Y. faittotalementfi de cet avertissementet n'état aucunmoment

que sarequête pourraitd,eprèsou deloin,"entrerdanslesprévisions" de la Conventionde 1948.

B. La défmitiondu génocide :
la nécessitéd'un élémenitntentionnel

17. Pour qu'ilen aille ainsi,il faudraiten effetque le demandeurétablissles actes qu'ilimpute
la France aient étaccomplis,conformément aux termes de l'articleII de la Conventionde 1948sur le

génocide,"dans l'intention deétruire,en tout ou en partie, un groupe national ethnique, racialou

religieux, comme tel".

18. La Cour elle-même a msisté,à plusieurs reprises,sur l'élémdt'intentionnaliq,ui constitue le

critèremême du génocide. Ainsi,dans son ordonnancedu 13 septembre 1993,renvoyant auparagraphe

39 de son ordonnancedu 8 avril 1993rendue dansla même affaire,dans lequelelle avaitreproduit les
passagespertinentsde l'article de la Convention de1948définissant génocide(Rec. 1993,par. 39,p.

20), ellea souligné que:

"la caractéristiqueessentielledu génocideest la destructionintentionned'un'groupenational
ethnique,racial ou religieux"'(Applicationde la Conventionpour la préventionet la répression
du crime de génocide(Bosnie-Herzégovinc e. Yougoslavie),mesuresconservatoires,Rec. 1993,
p. 345, par.42- italiques ajoutées).19. De même,dans son avis consultatifdu 8 juiuet1996 relatifà la Licéité de la menace ou de

l'emploid'armesnucléaires,la Cour, aprèsavoir, ànouveau,citél'articleII de la Conventionde 1948,a

relevéque l'interdictiondu génocidene serait une règle pertinenpour répondreàla demande d'avis de

l'Assemblég eénéraldeesNationsUniesque "s'ilétait établi qulee recoursaux armesnucléairec somporte
effectivementl'élémen dt'intentionnalitédirigécontre un groupe commetel que requiert la disposition

précitée("Rec. 1996,p. 240,par. 26 - italiquesajoutées).

20. Les autresjuridictions internationales qi nt euà connaître dela définitiondu génocidese sont

prononcées dans lemême sens.Ainsile Tribunalpénal internationaplour l'ex-Yougoslaviea estimé,dans

l'affàhLeProcureur c. GoranJelisic :

"Outre son caractèrediscriminatoire,l'actecriminelsous-jacent se caractérise parle fait qu'il
s'inscritdansun projet plusvaste visant à détruire,en tout ou en partie, le groupe commetel.
Comme l'indiquaitla CDI, "l'intentiondoit êtrede détruire le groupecomme tel, c'est-à-dire
comme entité séparée distinctee ,t non simplement quelques individus en raison de leur
appartenance àce groupe". En tuant l'individu membre du groupe visé,l'auteurn'exprimedonc

pas seulement sa haine pour le groupe auquel sa victime appartient,maisil inscrit cet acte, en
conscience,dans une volontéplus large visant à détruire legroupe national, ethnique, racialou
religieuxdont cettevictimeest membre"(Jugementdu 14décembre1999,affiire IT-95-10-T,p.
27,par. 79;lesitaliques sont duTriunal).

21. De son côté,le Tribunal pénal internationap lour le Rwanda a considéré, dans l'affàh-eLe

Procureur c. Jean-Paul Akayesu :

"Le génocidese distingued'autrescrimesen ce qu'ilcomporteun do1spécial,ou dolus specialis.

Le do1spéciald'un crimeest l'intentionprécise, requisecomme élémen ctonstitutifdu crime,qui
exige que le criminelait nettement cherché à provoquer le résultatincriminé.Dèslors, le do1
spécialdu crimede génocide réside dan "l'intentionde détruire,entout ou en partie, un groupe
national, ethnique, racialou religieux,commetel" [Jugement du2 septembre 1998, affaire ICTR-
96-4-T, p. 204,par. 498;les italiques sontdu Tribunal;voir également,sur ce point, lejugement
du 2 février1999 dansl'affaireLe Procureur c. Serashugo, affaireICTR-98-394, pars. 15 et S.,
et le jugement du27janvier 2000 dansl'affaireLe Procureur c. Musema, affiire ICTR-96-13-1,

pars. 884 et S.Dans cette dernière affair,a Chambrede première instance déclare notamme nt
"l'intentionderrièrechaqueacteparticulier était de détruilensembledu groupetutsi"(par. 933);
ellese déclare "convaincuea,u-delàdetout douteraisonnable,que Musemaétaitbien, aumoment
de la commissiondes actes susmentionnés considéré csmme établis, animéde l'intention de
détruirelegroupe tutsi entant quetel" (par.934)l.

22. Dans sonjugementdu 1" juin 2000 dans l'affaiLeProcureur c. GeorgesRuggiu,la Chambrede

premièreinstance 1du Tribunal pénal internationa plour le Rwandamet également l'accen stur l'élément
d'intentionnalité.lle souligne que l'accuséa agi avec l'intentionde détruire,en tout ou en partie,un

groupeethniqueou racialentant quetel àsavoirle groupetutsi (ee ICTR-97-32-1,dispositif).23. Pour sa part, la Commission dudroit internationalestime,dans le commentairede l'article 17 de

sonprojet de Codedescrimescontre lapaixet la sécuritdel'humanité, que:

"l'intentiongénéralede commettrel'undes actes énuméréa s,sociéeàune conscience diffusedes
conséquencesprobables de cet actepour lavictimeou lesvictimesimmédiatesn ,e sui33pas pour
qu'ily ait crime de génocide.La défhitionde ce crime exigeune disposition d'espritou une
intention spécifique concernanlts conséquences globaled se l'acte prohibé....une personnene
peut se voir imputer le crime de génocide que sielle commet liin des actes prohibés"dans
l'intentionde détruire,en tout ou en partie,un groupe national, ethnique, racialou religieux,

commetel" (Rapport de la Commissiondu droit internationalsur les travaux de sa quarante
huitièmesession, doc.A/51/10,commentairedel'article17,pp. 108-109).

La Commission souligne, àjuste titre, que l'intentioncriminellerequisepour qu'ily ait crimede génocide

doit satisfairelusieurscritères :

-il doit s'agirde l'intention dedétrunrgroupe,et non pas simplementun ou plusieursindividus
qui se trouvent êtremembres d'uncertain groupe; l'acte prohibé doitêtrecommis en raison de

l'appartenance dela victime à un certain groupe et à titre de mesure concourant à la réalisation de

l'objectifglobalde destructiondu groupe;

-l'intentiondoit être dedétruire le groupe"comme tel", c'est-à-dire commeentitéséparée

distincte,et non simplementquelquesindividusenraison de leur appartenance àcegroupe;ily a ainsi une

distinction évidente entre génocideet l'homicide;

-l'intentiondoit être dedétruireun groupe "en tout ou enpartie";le crimede génocide,de par sa
naturemêmei,mpliquenéanmoins l'intentionde détruireunpartiesubstantielledu groupeen question;

-l'intentiondoit être dedétruireun destypesdegroupesvisés parla Conventionde 1948,àsavoir

un groupe national ethnique, racialou religieux.

24. De même enfin, la Commissionpréparatoirede la Cour pénale internationaleest chargée

actuellementde rédigerles "élémentd ses crimes"qui aideront "la Cour à interpréter etappliquerles

articles6, 7 et 8" du Statut de Cour pénale internationale (cf. artiledu Statut).Ellea rédigécomme

suit les éléments des crimes concernant l'article6 c) (Génocide parsoumissionintentionnelle à des
conditions d'existence devant entraîner destructionphysiquetotale oupartielle d'ungroupe):

"1.L'accusé a soumisuneouplusieurspersonnesàcertaines conditions d'existence.

"2. Cette personne ou ces personnes appartenaientà un groupe national, ethnique, racialou
religieuxparticulier. 17

"3. L'accusé avait l'intentde détruire,entout ou enpartie, ce groupenational,ethnique, racial
ou religieux, commeteL

"4. Les conditionsd'existencedevaiententraînerla destructionphysique,totale ou partielle de ce
groupe.

"5. Le comportements'est mscritdans le cadred'une sérimanifestede comportement analogues
dirigéscontre ce groupe, ou pouvait en lui-même produire une telle destruction (document

PCNICC/2000/L.l/Rev.llAdd.2, endatedu 7 avril2000).

25. L'ensemble de ces décisions jurisprudentielleset de ces textes confirment que l'élément

d'intentionnalité est détermins'tgissant dugénocide. Danslesaffairescitéesci-dessus (pars. 20à22),

l'existencede cet élémena t étéétablie.On ne peut au contraire que constater que, dans les affaires
relativesàlaLicéitéde l'emploide laforce, qu'ils'agissede cellequi concernela Franceou de cellesqui

concernentses partenairesde l'OTAN,la RF.Y. ne démontrenullement - et pour cause- l'existencede

cet élément.

26. Cette absence totale de tout commencementde preuve concernant cetélément essentiel est

d'autantplus remarquableque, dans son ordonnancedu 2juin 1999, la Cour avait reiùséd'indiquerles
mesures conservatoiresdemandées par la RF.Y. en indiquant clairementqu'elleprenait cette décision

faute pour le demandeur d'avoirétabli, fit-ce prima facie, l'existence d'unequelconque intention

génocidaire delapart delaFrance,au sensdel'articleII dela Conventionde 1948bars. 25 à28).

27. C'est du reste la premièrefois que la Cour rejette une demande en indication de mesures

conservatoiresen raison de l'absencede compétence prima facie. En effet, dans les affiires antérieures

dans lesqueiles ellea refuséd'indiquerdesmesures conservatoires,ellel'afait soitparce qu'il n'tasvaip
urgence (Interhandel, ordonnancedu 21 novembre 1959,Rec. 1959,p. 6; Passage par le Grand Belt,

ordonnance du 29 juillet 1991, Rec. 1991, p. 12; Questionsd'interprétationet d'application de la

Conventionde Montréalde 1971résultantde l'incidentaérien deLockerbie, ordonnancesdu 14 ad
1992,Rec. 1992,p. 3 et p. 114),soitparce qu'iln'y avaitpas de risquede préjudice irrépara(Plateau

continental de la mer Egée,ordonnancedu 11 septembre 1976,Rec. 1976,p. 3). Et, dans une autre

affaire, cellede la Sentencearbitrale du 31juillet 1989, la Cour a rejetéla demandeen indication de
mesuresconservatoiresprésentée par la Guinée-Bissaucarles droitsque cette demandevisait àprotéger

n'étaientas "l'objetde l'instance pendantedevanta Cour surle fond del'affiire" (ordonnancedu 2 mars

1990,Rec. 1990,p. 70,par. 26).

28. Ilenva demême en laprésenteinstance.Lerefbsdela Courd'indiquerlesmesuresconservatoires

demandées par Belgradetémoignede l'impossibilitéde considérer l'article de la Convention de 1948 18
sur le génocidecomme une base de compétencepertinente en l'espèce.Sans doute, l'incompétence
constatéeprimafaciepar laCourn'exclut-ellepas quelaHauteJuridictionreviennesurcette constatation

àl'issue d'un examepnlus approfondi(cf le paragraphe33 de l'ordonnancede la Cour du 2juin1999),

maiselletémoigneau moinsde l'extrêm iagilitde laprétentionde la RF.Y. et, a:W, imposeà

celle-ci d'établir son bien-fonpar des arguments autres que ceux qui avaient étéavancéslors de
l'examendela demandeenindication de mesures conservatoires.

C. Le fardeaudela preuve

29. Ce faisant,la RF.Y. ne respecte pas les règlesde preuve quis'imposentàtout Etat devant une

juridiction internationale. Witenberga pourtant clairement expliqque "les Etats litigants ont non
seulementle droit, maisils ont aussile devoir de prouver.Ils ont unevéritable obligation de corlaboreà

une exacte information du juge international" ("La théorie des preuves devant les juridictions

internationales",Recueildes cours, 1936-1vol. 56, pp. 97-98, citépar ShabtaiRosenne, TheLaw and

Practice oftheInternationalCourt,1920-1996,vol. III Nijhoq La Haye, 1997,p. 1091).La Cour elle-
même a eu l'occasion desoulignerque c'eàl'Etatquichercheà établirun fait qu'incomla charge dela

preuve (Activitésmilitaires et paramilitairesau Nicaraguaet contre celui-ci,arrêtu 26 novembre

1984,Re.1 1984, p. 437, par. 101). Les conclusionsde la RF.Y. quant auxactes dont elle accuse la
Franceet sespartenairesde l'OTANauraientnécessairement dû être étayépear des preuves suffisantes.

Orteln'estpas le cas.

30. Commele rappelle avecforce D.W. Sandiferdans son ouvrage fondamental sur la preuve devant

lesjuridictionsinternationales

"The broad basic de of burden ofproof adopted, in generahby internationaltribunals resembles
the civillaw rule and maybe simplystated: That the burden of proof rests upon himwho asserts
the affirmativeof a propositionwhich ifnot substantiatwillresult in a decisionadverse to his
contention"(EvidenceBefore InternationaTl ribunals,UniversityPress ofVirginia,1975,p. 127).

"En d'autrestermes, le grand principesera d'impoàeceluimême quia avancé lf eait, la charge
de la preuve" (J.-C. Witenberg, "Onusprobandi devant les juridictions arbitrales",R G.D.I.P.
1951,p. 323).

31. Sans doute, ce principe trouve-t-il normalement s'appliquerlors de l'examenau fond d'une
affaire(cf C.I.., arrêt précéu 26 novembre 1984,Rec. 1984,p. 437, par. 101).Mais,dansla présente

espèce, il présenteune grande importancedès lestade des exceptionspréliminaire:si l'onvenait à le

négliger, n'importe quEltat pourrait introduire contren'importe quelautreune requêtesurle fondement
de l'articIX de la Conventionsur le génocideen alléguant qudes actes de génocide seraiecommis 19
par le défendeuret en obligeantahsi ce dernierà se défendrede cette accusation infamantesans que le
demandeurait eu àfournirlemoindrecommencementde preuveàl'appuide sesallégationsC . ecimettrait

gravement "en péril l'obligationmcombant à la Cour de préserverla séparationentre la phase

juridictionnelle[préliminaire]tlaphasedu fond" (opinionindividuelledu JugeHigginsjomte àl'arrêd te
la C.I.J. du 12 décembre 1996a ,ffairedes Plates-formespétrolières,Rec. 1996,p. 856) et, au-delà,le

principemême du consentement àlajuridiction dela Cour.Tel esttrèsprécisémen lt casen l'espèce.

32. La désinvolturedu Requérant,qui n'apporteaucun commencementde preuve à l'appuide ses
dires, devrait, de l'avis de la République fiançaise, conduire la Haute Juridiction à constater

sommairementque celui-cin'afourniaucune preuve àl'appuide sa prétentionConcernantla compétence

dela Courdanscette affiire et àrayerl'me de son rôle.

33. Ce n'estdonc quepar respectpour la Cour et pour ne paslaissersans réponsela grave allégation

selonlaquelleelle aurait commisun génocideque la Républiquefrançaise réfuterasommairementcette

accusation injurieuse, étant entendu qu'ilest toujours Hcile d'apporterla preuve d'unfait négatif
(probatio diabolica), surtout lorsquel'accusationn'est établier aucun faitprécis(ou, ce quirevientau

même, sur desallégationsvagues etfantaisistes)commec'estle casenl'espèceC . ommeonTaécrit,

"L'objetde la preuven'estplus alorsune manifestationconcrètequi se révèle par elle-mêmem , ais
bienl'absencedetoute manifestationconcrète" (Jean Larguier,"L'absence d'un faitnégatif',Revue
trimestriellede droit civil, 1953,p. 3).

"[Ilmposer au débiteurla preuve del'absencede faute est en réalité une sohition extrêmement
généreusp eour lavictimedu dommage. [..]

"Celui qui invoque, soitcomme demandeur, soitcomme défendeur,une proposition négative
indéfiniedont la preuve a étélaisséeou mise à sacharge ne peut prouver directement sa
prétention.Et ce serait réduirà néantsespossibilitésd'attaque oude défense que d'exiged re lui
cettepreuve. Du moinslui sera-t'ilpermis de recouri r une démonstration indirecte,ar lapreuve
defaits positifs,aussinombreux quepossible, et dontla sommeaboutiraàconvaincrelejuge. [...]
"La preuve d'un faitnégatif nepeut se faire directement:elle se ramènenécessairementà la
démonstration defaitspositifs"(ibid., p.28).

"It would seemclear on principlethat a case should be dismissedwhen the claimantfails to
substantiatethe allegationsof his pleadingsevenif no evidenceis submittedby the other party"
(D.V. Sandifer,op.cit., v. aussiles nombreux exemples jurisprudentielscitéset J.-C. Witenberg,
"Onus probandi...",prec., p. 332)..

34. Au bénéfice dc eesremarques,La France montrera doncque,contrairementaux diresde la RF.Y.
(v. supra, sections2 et3),ni lesbombardements effectués palr'OTANjusqu'au10juin 1999pour éviter

une catastrophe humanitaire irréparable, ni les événements intervenua su Kosovo depuis lors ne

témoignent, à l'évidenced,'unequelconqueintentiongénocidaire de sapart. 20

Section2 - Lesbombardementsdel'OTANavant le10juin 1999
ne témoignent d'aucuneintentiog nénocidaire

35. La RF.Y. confond - ou plutôt tente d'assimile- conflit arméet génocide. Elle chercheà

démontrer,en vain, que le conflit arméqui s'estdérouléen 1999 sur son territoire a donnélieu à un

génocide.Elle laisse entendre quela commissiond'ungénocideest la conséquence inéluctable d out
conflitarmé.

36. Or, commela Francel'aétabli ci-dessus(pars. 17à25), la caractéristique essentieeu génocide

estla "destructionintentionnelle"d'ungroupenational, ethnique, racial ou religxt,nonl'emploide la
force à l'occasiond'unconflit armé.On peut du reste relever que, lorsqu'ils ont adhén 1988 à la

Conventionde 1948,les Etats-Unisd'Amérique onftormuléla déclaration interprétativesuivante"Les

actes commis au cours de conflits arméssans l'intentionexpresse énoncée à l'articleII ne sont pas
adEsants pour constituer un génocideau sens de la présente Convention" (cf Traitésmultilatéraux

déposés auprèsdu Secrétaire général. Et aut 31 décembre1999. STlLEGlSEREl18, VOL 1,p. 97).

Cettedéclarationinterprétativn'asuscité aucune objection

37. Il va de soi qu'un conflit armépourrait apparaître comme un génocidesi les actions armées

engagées sur le terraincomportaienteffectivement l'élémed'intentionnalitéque requiert l'arIIede la
Conventionde 1948; si, comme la Cour a eu l'occasionde le dire, il implique "lerefus du droit à

l'existence degroupes humainsentiers, refùs qui bouleversela consciencehumaine,infligede grandes

pertesàl'humanitée ,t qui est contraire àla fois à la morale et -àl'espritet aux finsdes Nations Unies"
(Avis consultatifdu 28 mai 1951surlesRéserves à la Conventionpour lapréventionet la répresszondu

crimede génocideR , ec. 1951,p. 23).

38. Mais, commela Courl'arappelé avec forcedanssonordonnancedu2 juin 1999:

"lerecours àla menaceou àl'emploide laforce contreun État ne sauraienten soi constituerun
acte de génocideau sensde l'articleI de la conventionsur le génocide"(par. 27; v. aussi l'avis
consultatifdu 8juillet 1996,icéitéde la menaceou de l'emplod'armesnucléaires, Rec.1996
(1),p. 240, par. 26,préc.par. 19).

39. En aucun cas,la France n'entend niequ'elleaparticipéàun conflit arméqui a opposél'OTANet

laRF.Y.. Mais il n'est,bien évidemment,jamaiesntrédansl'intentiondel'OTANet de sesÉtats membres

de détruire,en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racialou religieuxenY.. Plusieurs
déclarationsde responsables politiquesou militairesfiançaisl'attestent. 21
Ains e,27 mars 1999,le ministrede la défense,M.Alain Richard,précisaitque "l'objectifde la
40.
campagneaérienneest deréduirepuisdeparalyserlepotentieloffensifd'esforcesserbeset leur capacitéà

s'enprendre aux populationsciviles"(EntretienaccordéaujournalLe Figaro) L.e chef d'état-majores

armées françaisesl,e généraJlean-PierreKelche,déclarale 30 mars 1999,àl'occasiond'uneconférence
de presse, que"l'impératifbsolu,c'estde limiterle plusssiile lespertes dansla populationcivile".De

mêmel,e ministredes affaires étrangèrM, . HubertVédrine,expliquaitle 14avril 1999que "lesoinqui

est mis à fàire le moins possible de dégâtsdans les populations civilesfait qu'uncertaiu nombre de
missionssont aunuléesou sontmocüliées( "Entretienaccordéàlaradio FranceInter). Demême encore,le

Président dela République,M. Jacques Chirac, déclarait le3 mai 1999, lors d'une allocution

radiotélévisée:"acceptons-nousqu'aucoeur de l'Europeun régimepratique l'épuration ethniqu e Si
nousl'acceptons,nous savonsoù cettelâcheté peut conduirlees démocraties. Sious lerefusons,alorsil

fautpoursuivrerésolument l'action engagé en,faisanttout pour épargnerles populationsciviles".Enfin,

le 8juin 1999,le Premier ministre,M. LionelJospin,rappelaitdevant l'Assemblé eationalequ'ah "de
réduirelesrisquesencouruspar nos soldatsetde minimiserlesdommages auxpopulationsciviles,l'action

militaire nepouvait être totale,mais devaitêtrecontrôléeet progressive".outait:"Malgrétoutes les

précautions,plusieurs erreurs graves- sont intervenues.Même se illes sont probablement inévitables
dansun con£litde cettenature,nous devonsregrettercesvictimesciviles".

41. Tout aété fait, commeentémoignent cesdéclarationsp,ar la Franceet sespartenairesde l'OTAN,
pour éviterque les fiappes aériennes affectentla population civile enRF.Y.. Toutes les mesures

nécessaires onétéprises,par lesresponsablesdes opérationmilitaires,pour quelesfiappes aériennene

soient dirigéesque contre des objectifsmilitaires.Les précautions quiont étéprisesà l'égard dela

population civile démentent catégoriquemens t,'ilen étaitbesoin, tant sont absurdesetnfondéesles
allégationsyougoslavest,oute intention de soumettrecettepopulationesconditions d'existencedevant

entraînerla destructionphysiquetotale oupartielleungroupedéterminé.

42. Le seul argument avancépar la RF.Y. pour tenter de démontrer l'existence de l'élément

d'intentionnalitconsisteà accuser "les défendeurs" ("theRespondents") d'avoir utilisédes armes à

uraniumappauvri et d'avoir bombardé des usines chimiquesà Pancevo (mémoire,pars. 1.6.1 et S.,pp.
282-283).

43. En ce qui concernela première deces allégations, 'unepart, la Francen'ajamaisutilisé d'armes
ou de munitions àuranium appauvrià l'occasiondes opérationsmilitaires menées l'anné dernièreen

RF.Y., et le demandeurn'apportepas le moindrecommencementde preuve contraire. D'autre part,la

Cour a déjàeu l'occasion d'expliquer qu'élémen dt'intentionnalité,caractéristique essedlel'actede 22

génocide,ne peut êtremféré de l'emploi d'une armepédque. Elle déclaredans son avisconsultatifsur
laLicéitéde lamenaceoude l'emploid'armesnucléaires :

'' Il tésoutenudevantla Cour que lenombrede morts que causeraitl'emploi d'armesucléaires
serait énormeque l'onpourrait, danscertainscas, compterparmilesvictimesdes membresd'un
groupe national, ethnique, racialou religieuxparticulier;et que l'intentiondeuirede tels
groupes pourrait êtreinfiéréeu fài que l'utilisateur del'armenucléaire aurait omde tenir

compte des effets bien connus de l'emploide ces armes. La Cour relèveraà cet égard que
l'interdictiondu génocide seraitune règlepertinente en l'occurrence s'ilétait étaque le
recoursauxarmes nucléaires comport eflectivementl'élémendt'intentionnalid,irigécontreun
groupe comme tei, que requiertla dispositions sus-cit. r, de l'avisde la Cour, il ne serait
possible de parvenirà une telle conclusion qu'aprèsavoir pris dûment en considérationles
circonstancespropresàchaquecasd'espèceM(Re1 c.96,p. 224, par.26).

44. S'agissantdu bombardementdes usineschimiquesàPancevo, ilne saurait constituerun acte de

génocide.Ces usiuespouvaient êtreconsidéréecsommedes objectifsmilitaireslégitimesau regard des
principeset règlesdu droit internationalhumanitaire applidansles conflitsarmés.LaRF.Y. n'établit

en aucunemanièreque ce bombardementpourrait êtreinterprété commte émoignant de la volontéde la

France etde sespartenairesde l'OTANde soumettrelapopulationcivilehabitantprèsde cesusinesàdes

conditionsd'existencedevant entraber la destructionphysiquetotale ou partielle d'ungroupe national
ethnique,racialou religieux, commtel.

45. La RF.Y. invoque égalementdans sonmémoire(par. 1.6.1.5, p. 283)une déclarationqu'aurait
faiteun militairefiançais, le "généraJlofiet". Seloncette déclaration,"l'aviation(aurait) reçu l'ordre de

détruirela vie en Serbie". Cette allégation esttout simplementfantaisiste.Aucun militairefiançais n'a

jamais reçu un tel ordre, qui aurait étécontraire auxncipeset règlesles plus élémentairsu droit
international humanitaireapplicabledans les conflits armés.Au demeurant,l n'existepas de général

Jofiet dansl'arméefiançaise.

46. Ilconvient de rappelerque la Cour a indiqué,dans son ordonnancedu 2 juin 1999, qu'ilne lui
n'apparaissaitpas "au présent stadedea procédureque les bombardementsqui constituentl'objetde la

requête yougoslavecomportenteffectivementl'élémen dt'intentionnald,irigécontreun groupe comme

tel querequiert"l'articleII dela Conventionde1948(par.27).

47. En l'absencede l'élément d'intentionnalitui, caractérisele génocide,les actes que laY.

imputeàla Francene sontpas susceptiblesd'entrerdanslesprévisions dl'articlIXde la Convention de
1948. Celle-cine peut donc pasconstituer une baser laquellela compétence dela Cour pourrait être

fondée.48. La situationn'est nullemetomparableàcelleprévalant dansl'affairerelativeàl'Applicatde la

Conventionpour lapréventionet la répression du crimede génocideopposantlaBode-Herzégovine à

laRF.Y.. Dans cette &e, la Cour a mdiqué qu'ilavaitbienun différendàcet égardentreles Parties
car,non seulementcelles-ci "s'opposentr lesfiits del'espèc,urleurimputabilitet sur l'applicabiàité

ceux-cides dispositionsdela Conventionsurlegénocidem, ais,enoutre, sontendésaccordquant au sens

et àla portéejuridique de plusieurs deces dispositions, dontl'arIX"l(Rec. 1996,p. 593, par. 33).
Mais,en la présenteespèce,l'absencede l'élémen dt'mtentionnalirend mopérantesles dispositionsde

l'articleX de la Convention de 1948 invoquéesartificiellementpar la RF.Y. et la Cour ne peut

qu'accueillfavorablementl'exception préliminaire soulevéaela Franceet, en conséquence,se déclarer
incompétente. 24

Section3 - Les événements intervenu as Kosovo depuisle 10juin 1999
netémoignent d'aucunie ntentiongénocidaire

49. La RF.Y. a radicalementmodifiéla nature même de sa requête introductivd'instance,et ce au

méprisdes dispositionsdu Règlementet de lajurisprudence dela Cour (sur ce point,v. infia chapitreII,

section1).Lanovation se traduit,notamment,par lamise en accusationde la KFOR,dont le déploiement
au Kosovo a étéautorisé par leConseilde sécurité des Nations Unies.La RF.Y. n'accusedonc plus

seulement iaFrance d'avoir violles dispositions dela Convention de1948sur le génocideenparticipant

aux fiappes de l'OTAN,elle accuse égalementla KFOR de commettreun génocideau Kosovo. Elle
invoque,àcettefin,desévénementssurvenu aprèsle 10juin 1999, doncaprèsl'introduction dela requête

et lesordonnancesdela Courrejetantlesdemandesyougoslavesenindicationde mesures conservatoires.

50. Dans sonmémoire,la RF.Y. accuselaFrance(et sespartenairesdel'OTAN)de :

"failuresto prevent killing,wounding and ethnic cleansingof Serbs and other non-Albanian
groupsinKosovoand Metohija"(p. 352).

51. Elleestime,en conséquenceq, uelaFrance a:

"acted againstthe FederalRepublicof Yougoslaviain breach of its obligationsto ensurepublic
safetyand order in Kosovo and Metohijaandto prevent genocideand other acts enumeratedin
articleI ifthe Genocide Convention" (ibid.).

52. La RF.Y considère, dansla section3.4 de sonmémoire relativeàla compétence dela Cour surla
base de l'article de la Conventionde 1948 surle génocide("Jurisdictionof the Court based on article

IX ofthe Genocide Convention"),qu'ellea:

"submittedthe evidenceon the intentto commitgenociderefferringto acts of the Respondents
(acts ofbombing) [sur ce point,v. section1,pra]andto acts of klling andwounding ofSerbs
and other non-Albanian populationin Kosovo and Metohija after the 10th of June 1999.
Accordingly,the Applicantclaimsthat the jurisdictionof the Court, based on artiIXeof the
Genocide Convention, is established(par.3..,p. 349-italiques ajoutées).

53. Contrairement à ce qu'elleaflarmedans cette section, la RF.Y. n'apporte absolument aucun

commencementdepreuve à l'appui desesconclusionscontrairement aurèglesles mieuxétabliesdu droit
international concernantleirdeau de la preuve (v.supra,pars. 30-32).Tout auplus se contentet-elle de

dresser,dansla section 1.5de sonmémoire (p.201 et S.),une liste deprétendus "Facts relto killing,

wounding and ethnic cleansing of Serbs and other non-Albaniangroups", et d'invoquer,de manière 25

lapidaire,dans la section 1.6 de son mémoire, "Thehcts relatedto the existenceof an mtent to commit
genocideby killingand woundmg Serbs and other non-Atbaniangroups m Kosovo and Metohija"(par.

1.6.2.,p. 283), avantde déclare:

"The mtentto commit genocide isimpliedm the fict that Serbs and members of other non-

Albaniansgroups were killed,mjured or expelledas such, it is due to their ethnicity.Proof of
intentto commitgenocide isinferredfiomthe fict that the great majorityof Serbianmstitutions,
likemonasteries, churches, monumento sf culturesand Orthodoxtombstoneson cemeterieswere
destroyedor damaged"(par. 1.6.2.l., p. 283).

54. Force est de constater que les sections du mémoireyougoslave consacréesaux événements
survenusau Kosovo aprèsle 10juin 1999 sont,plus encore queles autres, particulièrement confuses.

Alors que,dans sesconclusions(pp. 351-352),la RF.Y. accusela France(et sespartenairesde l'OTAN)
d'avoir violéles dispositions dela Conventionde 1948 sur le génocide,elle s'enprend, dans les sections

1.5(danssa globalité)et 1.6(plusparticulièremenltespar. 1.6.2.et 1.6.2.1,p. 283) de sonmémoire,àla

KFORmaissurtout àceuxqu'elle appelleles "terroristesalbanais"("Albanianterrorists").

55. Dans les deux sections précitées, la RF.Y. ne dit pas - et pour cause - que la France est
responsabledes actes qu'elleinvoqueet dont ont été victimes, selonelle,des Serbes ou d'autresgroupes

non-albanais.La Francen'yest d'ailleurpas citéeentant quetelle.En revanche,le RF.Y. affinne à detrès

nombreuses reprises, dansla section 1.5de sonmémoire, que les actesdirigéscontreles Serbeset d'autres
groupesnon-albanais ("killing,woundmg andethniccleansingof Serbsand other non-Albaniangroups")

sont l'oeuvrede "terroristes albanais",et laisse entendre queces actes ont étécommis dans les zones

contrôlées parla KFOR Elle afiïrmeégalementque la KFOR a eu une attitude mdulgentevis-à-visdes
attaques (ou, du moins, vis-à-visde certaines d'entre ellesperpétrées par ces "terroristes" (voirp,ar

exemple,le par. 1.5.5.1.73,p. 239).Les deux sectionsprécitéesne concernent doncpas la France entant

que telle.

56. Les allégationsyougoslavesappellenttrois séries de remarques

- D'une part, l'incapacité alléguée d lae KFOR - qui n'est absolumentpas prouvéepar le

demandeur - àprévenircertainsactes dirigéscontre les Serbeset d'autresgroupesnon-albanaisdans les
zones contrôlées parelle, et dont des "terroristes albanais" seraient responsables,ne peut nullement

signifierquela KFORavioléles dispositionsdela Conventionde 1948.

- D'autre part, cette incapacit- mêmesi elle était démontré -ene pourrait nullement être

interprétéceommetémoignant de l'intentiondela France,entant qu'Etatparticipantàla KFOR(sur le lien 26

entrelaKFOR etla France,v. inpa chapitreII,section2, pars. 25-26), de détrui,ntout ou enpartie,
un groupenational, ethnique, racialoureligieux,commetelc£ l'articleII dela Conventionde 1948).

- Enfin c,tte mcapacit- àsupposerqu'ellesoit établi-ne peut en aucuncas apparaîtrecomme

la volontéde la KFOR de se rendre complice,de quelquemanièreque ce soit,des actes que la R.F.Y.

chercheàimputeràceuxqu'elleappelledes "terroristesalbanais"(c£ articleIII de la Conventionde 1948);
la complicitésuppose également l'existencdee l'élémendt'mtentionnalit,ui n'estpas établieni même

alléguée en l'espèce[v.supra chapitre la, section 1 B etCl; au demeurant, la RF.Y. ne démontre

absolumentpas que les actes en question, dontseraientresponsablesces "terroristes", seraienttutifs
d'ungénocide.

57. Force est deconstater,àlalecture dessectionsprécitésu mémoire yougoslave,queles actesque
laRF.Y. chercheàimputer, directement,àla KFORet, indirectement,àla Franceet à sespartenairesde

l'OTANne témoignent,en tout étatde cause,d'aucuneintention génocidaire et ne peuvent,dèslors, être

rattachésàl'application dela Conventionde 1948.

58. Plusfondamentalement,les actesque la RF.Y. tente d'imputeràla Francepar l'intermédiaiee la

KFOR,dansles deuxsectionsprécitées n,e sontpas susceptiblesd'entrer danlsesprévisions de l'arXiclIe
dela Convention de1948sur legénocidep , our lesraisons suivan:es

-les actes que la RF.Y. chercheàimputeràla KFORne sontpas attribuablesàla France et, dès

lors, ne se rapportent aucun différendentre la RF.Y. et la France (sur ce point, v. inJTachapitre 2,
section2);

-le comportement allégué de la KFOR à l'égarddes Serbes et d'autres groupesnon-albanais-

même s'ilétait démontréne peut nullementêtreinterprétécommetémoignantde l'intentionde la France,
entant qu'EtatparticipantàlaKFOR,de commettreun génocide auKosovo.

59. Enconclusionde ce chapitre,ilapparaît que:

1" s'agissantdes événements survenuasu Kosovo avant le 10juin 1999, la RF.Y. a étédans

l'incapacittotale de démontrerque la France et ses partenaires de l'OTAN avaient eu l'intentionde
commettreun génocide,c'est-à-dire,aux termes de l'articleI de la Convention de 1948, "l'intention de

détruire,entout ou enpartie,un groupenational, ethniqueracialou religieux, comme tel;uene s'yest,

à vrai dire,pas mêmeessayée; 2"l'absencede l'élémendt'intentionnalrend totalementinopérantesles dispositions del'article

IX dela Convention de1948,mvoquées demanière purement artificielar laRF.Y.;

3"il enva de même pour les événementssurvenu aprèsle10juin 1999,et enparticulierpour les
actes quela RF.Y chercheàimputeràla Francepar l'intermédiaird ee la KFOR,la encore, la RF.Y. n'a

nullementdémontré - et pour caus- que ces actestémoignaiend'une mtentiongénocidairede la part de

laFrance. LES AUTRES MOTIFS FAISANT OBSTACLEA

L'EXAMENAU FONDDELAREQUETE

1. La Républiquefiançaiseconsidère quel'incompétenee la Courpour seprononcer surla requête

introduitepara RF.Y. est établieà suffisancedansle chapitre précC.e n'estdonc qu'àtitre tout à
faitsubsidiairequ'ellemontreraen outre, dansleprésent ch,u'ilexisteégalemed'autresmot& qui

fontobstacleTexamenau fondde cetterequête.

2. Outre àsesirrégularitéormelles,aggravéesparcelles du mémoiev.supra, Introduction,pars. 8

à 24), ces obstacles,que la Républiquefiangaisen'invoquequ'àtitre subsidiaire,tiennent à trois causes

principales,distinctesmaisliées.En premier lieu,le mémoirede la. opèreune modificationde la
naturemême du différendont elleasaisliCourpar sarequêtedu29 avril 1999(section1).En deuxième

lieu,lesfaits invoquésdala requêtet dansle mémoire dla RF.Y., mêmeàles supposer avéré(squod

non) ne sontpasjuridiquementattribuablesàla France,si bienque Tonne peut parler de"difentred
les Parties contractantes", au sens de l'articlela Convention de 1948 sur le génocide,liéà

l'interprétatou à l'application deladite convention(section 2). Enfin, la Cour ne saurait exercersa

compétence enlaprésenteespèce (en admettant qcelle-ci soit étaq,uodnon), sansseprononcer,au
préalable,ur la licéitea conduited'Etatset d'organisationsinternatisbsentsàl'instance (section

3)- 29

Section1 - LemgmoiredelaRF.Y. opèreunetransformation
dela naturemême du dfiérend

3. Dans sa requête,laRF.Y. a indiquél'"objetdu différendqui, seloneue, l'opposeàla République
fiançaise(p. 9). Celui-ci, commele confirmeenltes lettres de l'Agentde l'État demandeurtransmettantla

requête auGreffierde laCour etduMinistrefédéral de Asffairesétrangèresommant l'Agent de la RF.Y.,

porte essentiellementsur la prétendue"violationde l'obligationde ne pas recouriràla force" (ibid, pp. 3
et 7). Cetobjetest enoutreconfirmé par les"demandes"formulées danslarequête (pp. 9-10).

4. Ces précisionsrépondent aux exigences del'article 40,paragraphe 1, du Statut de la Cour et de
l'article38,paragraphes 1et2, de sonRèglement. Ilne s'agitpalàdevainesformalités.

5. Commela Courl'asoulignédans son arrê dt 26 juin 1992relatifertainesterres àphmphates à
Nauru:

"Le paragraphe 1de l'article40 du Statut de la Cour stipule quel''objetdu différend'oit être
indiquédansla requête,etle paragraphe2 de l'article38 du Règlementde la Cour requiert que la
'nature précisede la demande'soit indiquéedans la requête. Cesdispositions sonttellement

essentiellesau regard de la sécurijuridique et de la bonne administrationde la justice qu'elles
figuraient déjà, en substance, dans le texte du Statut de la Cour permanente de Justice
internationaleadoptéen 1920(art. 40, premieralinéa)et dans le texte du premierRèglementde
cette Cour adopté en 1922(art. 35, deuxième alinéar)e,spectivement.La Cour permanentea, à
plusieursreprises,eul'occasion de précislaportéede cestextes.Ainsi,dans son ordonnancedu 4
février1933, rendue en l'affairerelative à l'Administrationdu prince von Pless (exceptions
préliminaires),elleaaffirmé

'qu'auxtermes de l'article40 du Statut, c'estla requêtequi indiquel'objet du diffé...

[et] quele mémoiret,out enpouvantéclaircirlestermesde la requête, ne peuptas dépasser
leslimites dela demandequ'ellecontient..(C.P.J.I.sérieA/Bno52, p. 14).

"Lamême Cour adéclaréd ,ansl'affairedelaSociété commerciad leeBelgzque:

'Iyla lieu d'observer quela facultélaisséeauxpartiesde modifierleurs conclusionsjusqu'à
lah de la procédureorale doit êtrecomprised'unemanièreraisonnableet sans porter
atteintel'article40 du Statut eà l'article 32,alinéa2, du Règlement,qui disposentquela
requêtedoit indiquerl'objet du différend.il est évidentque la Cour ne saurait admettre,

en principe, qu'un différendortépar ellepar requêtepuisse êtretransformé,par voie de
modificationsapportéesaux conclusions,en un autre différend donlte caractère neserait
pas le mêmeU . ne semblablepratique seraitdenatureàporter préjudice auxÉtats tiers qui,
conformémentàl'article 40,alinéa2, du Statut, doiventrecevoir cornunication de toute
requête afinqu'ilspuissentseprévaloirdu droitd'interventiprévupar les articles62 et 63
du Statut' (C.P.J.I. série.B no 78, p. 173; cf Activitésmilitaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-unis dxmérique), compétenceet
recevabilité,C.I.J. Recueil 1984,p. 427, par. 80)"'(Rec. 1992,pp. 266-267, par. 69; v.
aussil'arrêtu 4 décembre 1998C , ompétence en matièredepêcheriesp , ar. 29).6. Or, en la présenteespèce,la RF.Y. n'atenu aucuncomptede ces prescriptionset a radicalement

modifié la nature mêmede sa requête,dans l'espoir, probablement, d'y rattacher, artiticiellement,

l'accusationde génocide.

7. Curieusement,lerequérantlui-mêmr eeconnaîtexpressémenc tettemutation :

-Dèsleparagraphe12de sonmémoirei ,lindique:

"Sincethe ûrders of the Court, dated2 June 1999,the dispute aggravatedand extended.It got
new elements concerningfailures of the RespondentstufiIfil1 their obligationsestablishedby
Security Council resolution1244 [cette résolutiona étéadoptée le10 juin 1999 alors que la
requête a étéenregistréeau Greffede la Courle 29 avril19991and bythe 1948Conventiononthe
Preventionand Punishmentof the Crimeof Genocide.Negatingthe allegedhumanitarian motives
of the Respondents,thenewelements are of cruciai lmportancefor thesubstance ofthe dispute"
(p. 8,italiquesajoutéesv. aussi,par exemple,lepar. 3.2.11, p. 339).

-Auparagraphe 16,ilavoueingénumen t

"Dueto the fact that the disputematured,throughthenewelements,the Applicantconsidersthat
the circumstances relatedto the jurisdiction of the Court have changedsu that the Court has
jurisdictionto resolvethe dispute"(p.9, italiquesajoutées).

- D'unefaçon trèsgénéralel,es sections 1.5et 1.6.2 de sonmémoire,consacréesrespectivement

aux"Factsrelatedto killings,woundingandethniccleansingof Serbsandothernon-Albaniangroups"(pp.

201-282, soit près du quart du mémoire)et aux "factsrelated to the existenceof an intent to commit
genocideby killingand wounding Serbs and other non-Albaniangroups in Kosovo and Metohija"(pp.

283-284),portent surdesfaitspostérieursau dépôtdelarequête et quinepeuventsl rattacher.

- Et, concluantla brève sectionqu'elleconsacreà la compétence dela Cour sur le fondement de

l'articleX de la Conventionsurle génocide - la seulebase dejuridictionqu'elleinvoqueàl'encontre dela

France - ,la RF.Y. estimeavoir

"submittedthe evidenceonthe intentto commitgenocidereferringto actsofthe Respondents(acts

of bombing [sur ce point,v. supra, chapitre lm,section21andto acts of killjngand woundingof
Serbsand other non-Albanianpopulationin KosovoandMetohija after the 1~h of June1999 [sur
cepoint,v. supra,chapitrelm,section31.Accordingly,the Applicantclaimsthat thejurisdictionof
the Court isestablished"(par. 3.4.3,p. 349- italiquesajoutées).

8. La novation introduite dans le différend netient pas seulement aufait que la RF.Y. recourt
massivementàdesfaitsnouveaux,qui,de sonaveumêmes ,eraient seuls denature àétablirla compétence

dela Cour.Elle setraduit égalemenp tar: 31
- une modificationde ce quel'onpourraitappelerl'"assietteterritoriale"dulitigepuisquelarequête --

était expressémenftondée sur "l'emploide la force contre la République fédérad le Yougoslavie en

prenantpart au bombardementde cibles dansla République fédéralede Yougoslavie" (p. 11- italiques
ajoutées),alorsqueles "éléments nouveaux"mvoqués par la RF.Y. sont circonscritsàce qu'elleappellele

"Kosovoet Metohija";

- lamise en accusationdenouveaux acteursdu différende ,nparticulier,lesNationsUnies(et leurs

Membres),laKFOR(et lesEtats participants)etlesgroupesque lerequérantnomme "Alban. terrorists"
(laFranceréserveentièrement sa positionau sujetdela qualificatijuridiquede cesgroupes);

- un changementde la naturemême du litige, quemetbienen évidence l'mclusiond'une conclusion

nouvelle,ne correspondantpas à l'me des "demandes"formulées dansla requête et quiest cependant
crucialecar c'est,parmiles quatorzeconclusionsdu mémoire, la seulequiporte sur le génocidequ'aurait

commisla France ("byfàiluresto preventkilling,woundingand ethniccleansingof Serbsand other non-

Albaniangroups in Kosovo and Metohija,the Respondent has acted against the Federal Republic of
Yugoslaviain breach of its obligationto ensurepublic safetyand order in Kosovo and Metohijaand to

prevent genocideandother acts enumeratedin articleIII ofthe GenocideConvention" -p. 352).

9. Commel'arelevéla Cour (à laquelleil incombe"de définirelle-même ,urune base objective,le

différendqui oppose les parties", "tout en consacrant une attention particulière à la formulation du
différendutiliséepar le demandeur" - C.I.J., arrêtdu 4 décembre1998, Compétenceen matière de

pêcheriesp, ar. 30) dansson ordonnancedu 2 juin 1999,ce sont"lesbombardements quiconstituentl'objet

delarequête yougoslave"(par. 27). Or ceux-ciont cesséconcornitammentàl'adoption,le 10juin 1999, de
la résolution1244(1999) par le Conseilde sécuritéC . e sont cependantles faits postérieursl'arrêt des

bombardementsqui, de l'avisde la RF.Y., constituentles faits "cruciaux"sur lesquelselle s'appuiepour

établirla compétencede la Cour, tout particulièrementen ce qui concernela base de compétence
constituéeparl'articleIX de la Conventionde 1948(v. supra, par. 5). Loinde découler directement de la

question qui fait l'objetde la requête(cf C.I.J., arrêtdu 25 juillet 1974, Compétence enmatièrede

pêcheries (RFA. c. Islande) fond), Rec. 1974, p. 203, par. 72 ou arrêtdu 11juin 1998, Frontière
terrestre et maritimeentre le Camerounet leNigéria(Exceptionspréliminaires),Rec. 1998,pp .318-319,

par. 99), les faits nouveaux invoquésparla RF.Y. transformentla nature même du litige;une preuve en

est d'ailleursque l'État demandeur s'appuie sureux pour établirla compétencemêmede la Cour (cf
mémoirep , . 9par. 16ou p. 349,par. 3.4.3- v. supra, par. 5). 32
10. Ce faisant,;la RF.Y. atransformé le litige "un autre différenddont le caractère[n'est]pas le
même" que celuidont elleasaisila Cour parsarequête du 29 avril 1999(cf C.I.J.arrê tu 26 novembre

1984, Activitésmilitaires etparamilitairesau Nicaraguaet contre-celui-ci(Compétencd eela Cour et

recevabilitédela requête) ,ec. 1984,p. 427, par. 80;v. aussiles arrêts dela C.P.J.I. dansl'&ede la
Société commercialede Belgiqueet de la C.I.J. dans cellerelative à Certaines terresà Phosphates à

Nauru,précités,par. 3 et l'ordonnance dela C.I.J. du 13 septembre 1993 dans l'affairerelative à

l'Applicationde la Conventionpour la préventionet la répressiondu crimede génocide@osnie-

Herzégovinc e. Yougoslavie(SerbieetMonténégro ),ec. 1993,p. 17,par. 27).

11. Commel'arelevéla C.P.J.I. dans l'atlàkede la Sociétcommercialede Belgzque(préc.,par. 3),

une telletransformation,sielle devaitêtreadmise,"seraitde natureporter préjudiceaux États tiers qui,
conformément à l'article40, alinéa2, du Statut, doiventrecevoir communicationde toute requêteafin

qu'ils puissentseprévaloirdu droit d'interventionpréuar les articles 62et 63 du Statut"(C.P.J.I.série

ALBno 78,p. 173).Cet élémenp trend un relief particulier dansla présenteaffaire.En effet,la novation
que laRF.Y. fait subir au différendont la Cour est saisiea pour conséquence d'introduiee nouveaux

faitsauxquelsdes États qui ne sont pas parties'instance,sontpartiesprenantes.Indépendammend te la

question de savoir si ceseulfaitneàitpas obstacleàl'examenau fond dela requêtei ,ln'estpas douteux

que cettetransformationporte atteinteau droit d'intervention les Etats intéressétsiennentdes articles
62 et 63du Statut: alorsqu'ilsont reçucommunicationdelarequête (envertu de l'article40,paragraphe2,

du Statut) et que celle-cia étpubliée,les Etats membresde l'OTANet des Nations Unies et ceux qui

participentla KFOR,pour lesquelsun intérê jtridique estsansaucundoute en cause,ne peuvent avoir
connaissancedu mémoire de laRF.Y. dufàitdela confidentialitdespièces deprocédure, dont leprincipe

estposé àl'article53 duRèglement.

12. Conformémentà sajurisprudenceconstante et bien établie,la Cour ne peut donc que constater

qu'ellene sauraitse prononcersurles demandesque la RF.Y. fonde surdes élémentsnouveaux, san lisen

de connexitédirecteavec sarequête.

13. Bienque cette conclusion puisse n'apparaîtque commeune exception d'irrecevabilitépartieleln

ce qu'ellelaisse subsister, théoriquemenl,a possibilpour la Cour de se prononcer sur les fàits inclus

dans,ou impliqués par, la requête,elleconstitue,enréalité, daes circonstances de l'espèce, un obstacle
dirimantàl'exercicedetoutejuridiction.Ilsetrouve eneffet que, selonla RF.Y. elle-même (vs.upra,par.

7), seulsces fhits nouveaux, s'ilsétaient avérés, seraient susceptibles d'engaaeresponsabilité dela

France pour génocideet donc de fonder la compétencede la Cour en vertu de l'articleIX de cette
Convention.14. Au demeurant,même ces éléments nouveausx o,nt, en réalitd,épourvusde tous liens avecla

Convention de 1948. 34

Section2 - Les faits alléguén se sont pas attribuablesàla kance et, par suite,
ils ne serapportentàaucundifférend entre la Républiquefrançaise et la RF.Y.

au sujet del'applicationet del'interprétation dle a Conventionde 1948

15. Non seulementen effet, commela Francel'amontré dansle chapitre précédenl ,aRF.Y. n'établit

nullement, ratione materiae, qu'ungénocide soitcommis;mais encore, ni dans sa requête,ni dans son

mémoire, elle ne donnele momdredébut de preuve quipourrait donneràpenser queles fàits sur lesquels
sesdemandessont fondéessoientoupuissentêtre attribuésàlaRépublique fiançaise.

16. Or, enl'absenced'une telle attributio,'est l'existene ême d'un différendrelatifàl'applicationou
à l'interprétation da Conventionsurle génocide entrelesParties quisetrouveremiseen cause : même si

l'onadmettait,pour les seuls besoinsde la discussion,qu'ungénocideavaitétéo ,u était,commiscontrela

populationserbede la RF.Y., celane dlirait pas pourfonderla compétence de laCour dans ledifférend
dont le demandeur l'a saisie. Encore faudrait-il que celui-ci puissefaire étatd'éléments raisonnables

permettant del'attribueràlaRépublique fiançaise(v.supra, chapitre1,section1C).

17. Dans sarequêtel ,'État demandeur:

- a5me que "[ll'objetdu différend porte sur les actes commispar la Républiquefiançaise" en

violationd'uncertain nombred'obligationsinternationales (p. 9), mais il n'étabt i la matérialide ces

actes - questionqu'iln'ya pas lieu de discuter dansle cadre des présentesexceptionspréliminaires -, ni
quelaFranceen serait l'auteur;

- "prielaCour internationalede Justice de direetjuger" quela France"portela responsabilité dela

violation"de diverses obligations internationales luiincombant du faitd'actions auxquelelleaurait''pris
part" (pp.9 et 11);maisellene précisenil'étendue de cettepart,niles actionsconcrètesdontil s'agit;

- allègue que "P]e Gouvernement de la République fiançaise, conjointement avec les

gouvernements d'autresÉtats membresde l'OTAN,a recouru àl'emploide la force contrela République

fédérale de Yougoslavie en prenant part au bombardementde cible dans la République fédéral dee
Yougoslavie" et "prend part à l'entraînement,à l'armement,au financement, à l'équipement età

l'approvisionnement de la prétendue'armée de libératiodu Kosovo"'(pp. 11 et 13 - italiquesajoutées);

mais ellen'individualise nullemenltsfaits quiluiseraient attribuables;

- conclut que ces actes "du Gouvernement fiançais constituent une violation flagrante de

l'obligation dene pas recourir à la force contreun autre État"; qut"[enfinançant, armant, entraînantet 35
équipantla prétendue'armée de liération du Kosovo',le Gouvernementfiançaisapporteun appui à des
groupes terroristeset au mouvement sécessionnistesur le territoire de la République fédérale de

Yougoslavie, enviolationde l'obligationde ne pas s'immiscdanslesaffairesmtérieuresd'u nutreÉtat";

et que, "[dleplus, les activitésauxquellesla Républfiançaiseprendpart sont contrairesau paragraphe
1de l'article 53de la Charte des NationsUnies"p.13 - italiques ajoutéem;ais ,utre que l'onaperqoit

mal en quoi ces prétenduesviolations ontun rapport quelconque avecla Conventionsur le génocide(v.

supra, Introduction,pars. 32-37)urlaquellela RF.Y. prétend,exclusivement,établirla compétence dla
Cour,cesallégationsne sontpas établiepar lemomdre commencemend te preuve.

18. La situationàcet égardn'estnullementmodifiéepar le mémoire. S'agissandte l'expodes fàits,la
France ou sesressortissantsysontcitésentoutetpourtout quatrefois.

19. Encore faut-il relever que l'une de ces allégations,qui relève du "ouï dire" concerne des
déclarationsd'uncertain généralofEet(par. 1.6.1.5,p.283), quine figurepas dansles effectifsde l'armée

fiançaise(v.supra, chapitre1,par. 45).Quant auxdeuxautrescas,les faitsalléguésconcernennton pas la

France entant quetelle,maisles soldatsfiançaisdelaKFOR :

-le paragraphe 1.5.1.1.64du mémoire(p.206)mentionne l'annonce àleurfamillepar desmembres
du contingentfiançaisdela KFORdu décès de deuxpersonnes, tombées dansune embuscade(dont iln'est

pas allégq ué'elle aitétenduepar des soldatsfiançais);

- à la page 208, il est indiquédes membresdu contingentfiançais de la KFOR ont emmenéà
l'hôpitalde Mitrovica des victimes serbes d'un incidentayant eu lieu dans le village de Banje (par.

1.5.1.1.94);et

-plusloin,la RF.Y. £aitétatd'incidentsayanteulieule 10 septembre 1999àMitrovica:

"Albanianterrorists and Albaniancitizens stonedmembersof the French KFOR contingent,who
separated them fiom Serb citizens onthe otherbank of the river. At about 1.30 p.m Albanian
terrorists opened fke fiom bazookas at the northern part of the city. French membersof KFOR
threw tear gas on them, tryingto scatterthemin smallergroups.The attack of Albanianterrorists
lasted untillate eveninghours. severalSerbcitizenswere slightlyinjuredby the explosionof rifle
grenades. To prevent trailic towards Kosovska Mitrovica,KFOR members blocked Ribarice-
Kosovska Mitrovica arterial road in the village of Zupce, Zubin Potok municipality" (par.
1.5.5.1.75,pp. 239-240);

20. Loin d'établique la Républiquefiançaise ou ses ressortissantsmembres de la KFOR auraient

manqué à quelque obligationinternationaleque ce soit,ces faits, sur la desquelsla Francen'entend 36

pas prendre.position,démententen outre de manièreéclatantetoute intention génocidaire de sapart (v.
supra, chapitre la, section 1B).

21. Du reste, la France n'estpas mentionnéeune seulefois dansla seule sectiondu mémoire(v. supra,
Introduction, par. 39) qui fasse expressémentallusionàun prétendugénocide(1.6. Facts related to the

existenceof an mtentto commitgenocide", pp.282-284), si ce n'estsousla forme,fort indirecte,etsans

pertinence pour ce qui est de l'attriiution à la France d'une prétendue intention génocidaire ,'une

déclarationimputéeàun militairefrançais(p. 283, par. 1.6.1.5 - sur ce point, v.supra, chapitre la, par.
45). Elle ne l'estpas davantagedans lestrèsrares passages du mémoirequi pourraient avoir unlointain

rapport avec l'accusationde génocide(cf les sections 1.2.5,"Factsrelated to the violationsof the des

applyingto the prohibition of attacks directed against the objects indispensableto the sumivalof the
civilianpopulation",pp. 168-169;et1.5,"Factsrelatedto killings,woundingand ethniccleansingof Serbs

and other non-AibanianGroups",pp. 201-300, sous la seuleréservedes actes des forces fiangaisesde la

KFORmentionnées ci-dessusq ,uiexcluent précisémen ttute intention génocidaire).

22. La sectionque la RF.Y. prétend consacrerau "Lawrelatedto the issue of responsibility" dansla

partie "juridique"de son mémoireet quitient en une page (2.8, pp. 327-328)n'apportepas davantagela

preuve de l'attributionàla Francedes faitsénumérésdan lspremièrepartie.Elley ahe successivement
queles actes de l'OTAN(sous-section2.8.1) et de la KFOR(sous-section2.8.2) sont imputables, dansle

premiercas aux "Respondents"(au pluriel)et, dansle second,au "Respondent"(au singulier).Ni l'une,ni

l'autrede cesallégationne sont fondées.

23. Pour ce qui est de l'OTAN, il ne sufiit pas d'a£Ermer,comme le fait le demandeur, que

l'Organisation"actsunder the politicaland militaryguidance andcontrol of its Member States" (p.327,

par. 2.8.1.1.2.)pour établirla responsabilindividuellede ceux-ci.Unetelle allégatiofai btn marchéde
la personnalitéjuridique internationale eixclutquiin Etat puisseêtrtenu pour responsabledes actes de

l'organisation dseulfait desa qualitéde membre[cf RosalynHiggins,"Legal Consequencesfor Member

States of the Non-Fulfïlmentby InternationalOrganizationsof their ObligationsTowards Third Parties"
(rapport provisoireàl'InstitutdeDroit international),Ann.I.D.I. 1995,pp. 388-389,ou les conclusions de

l'avocat général Darmon dans l'affairedu Conseil international de l'étaindevant la C.J.C.E. (&ire

Maclaine Watsonc. Commissionet Conseil, afE C-241187,Rec. 1990, 1-1819)l.L'OTANbénéficid e'une
telle personnalitéjuridique qui ne saurait être tenue pour"transparente" en matière de responsabilité

internationale(v. infia, par. 44). 37 -
24. Peut-êtrepourrait-il en aller différemmentsi un Membre pouvait, seuii,mposer sa volontéà
L'Organisation. ans ce cas, il seraitpossiblede soutenir quel'Étaten question engagesa responsabilité

mdividuelles'ilconduit l'Organisatioà commettreun acte illicite,mêmesi cela peut êtrediscuté.Mais

l'inverse n'etertainementpas exact:lefaiqu'au seindel'OTANles décisions ne puissentêtreprisesqu'à

l'unanimité, comme le souligne le défendeur (p. 326, par. 2.8.1.1.1), montre, au contraire, que la
responsabiliténdividuelledesEtats membres nepeut êtrerecherchée isolémentetque, s'ilspouvaientêtre

tenus pour responsablesmalgr a personnalitjuridiquede l'Organisation(ce qui demeurefort douteux),

cene pouait être que solidairement(v. inPa, par. 40).

25. Quant à la KFOR, dont la créationa étéavaliséepar la résolution 1244 (1999) du Conseilde

sécuritédes NationU s niesen date du 10uin 1999,cette force est composée de personnels provenant de
35 États, dont seize ne sont pas Membres de l'OTAN,etelle est soumise à la fois à la direction

opérationnellede cette dernièreet au contrôle du Conseil de sécuritéD . es règlesde responsabilité

particulières lui sont applic(v.eznJTa, ars. 46-47).

26. Dès lors,la personnalité juridides NationsUniesd'unepart et de l'OTANd'autre partforment

un "double écran"entreles actescommispar la KFORet la responsabilitéque laRF.Y. chercheàimputer

à la France. Au surplus, le demandeurn'établiten aucune manièrela part prise par celle-ci auxactes
prétendument illicitemputés àlaKFOR

27. En guise de conclusion aux très brefs développements qu'ilconsacre aux questions relatives à

l'attribution,le demandeuraffirmeque "[tlhe generalde on attributionof an actto a Stateisthat a State
is responsiblefor an actommittedunder guidanceand controlof its organas wellas for an act endorsed

by its organ" (p. 328, par. 2.8.3). Ce principen'estpas contestable.Mais la RF.Y. n'apas apportéle

moindre élémen ptermettantd'établirque des organes de l'Étatfiançais aient dirigé,ou contrôlé, ou
endossé,un acte quipuisse, deprèsou de loin,être rattachàuneviolation desesobligationsenvertu de

la Convention de1948surle génocide.

28.
Dans ces conditions,la Cour ne saurait admettre quele différque laRF.Y. lui a soumis estde
ceux dontla Cour est compétentepourconnaître ratione materiae ourationepersonae par application de

l'article de cette Convention (cf C.I.J., arrêtdu 12 décembre1996, affaire des Plates-formes

pétrolières(Exceptionspréliminaires),Rec. 1996(II),p. 810,par. 16;v. supra, par. 15). 38

Section3 - L'exercice parla Courdesa compétence la conduiraitàstatuer
surla licéitédu comportementdtEtatset d'organisationsinternationales

quine sontpasprésents àl'instance

29. La Républiquefiançaisecroit avoir démontré a,u-delàde tout doute raisonnable,que la Cour n'a

pas compétence pour se prononcersurl'affaireque luia soumisela RF.Y. À titre toutfai stbsidiaire,il

lui apparaît en outre que si, par impossiile, la Haute Juridictionestimait avoircompétence,elle serait

empêché dee l'exercer carcela conduiraitàseprononcer,au préalable,ur lesdroitsetmtérêtd s'Étatset
d'organisations internationasui ne sont pas parties à l'instanceet, pour ces dernièresen tout cas, ne

peuventpas l'être.

30. Conformément àunejurisprudenceconstantedela Cour,

"là où, comme dans le cas présent,la question essentielleà trancher a trait à la responsabilité
internationaled'unÉtat tiers, Courne peut, sansle consentementde ce dernier,rendre sur cette
questionune décision qui soit obligatoirepour aucunÉtat,i pour l'Étattiers, ni pour aucunedes

parties qui sontdevant elle"(C.I.J., arrêtdu 15in 1954, affairede l'Ormonétairepris à Rome
(questionpréliminaire),Rec. 1954,p. 33).

31. Énoncépour la premièrefois avec cette clarté dansl'aâaire de l'Or monétaireen 1954, cette
position, quela Cour a déduite"d'unprincipe de droit internatiolienétablietincorporé dans le Statut,

asavoirquela Courne peut exercersajuridictionàl'égard d'unÉtat si ce n'est avecle consentement de ce

dernier"(ibid, p. 32), a étréaffirméàemaintes reprises parla suite(cf les arrdu 26 novembre 1984,
Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (compétencede la Cour et

recevabilitéde la requête),Rec. 1984, p. 431, par. 88; du 22 décembre 1986,affaire du Dzfférend

fiontalier (Burkina Faso/Républiquedu Mali), Rec. 1986, p. 579; du 13 septembre 1990,Dztjcérend
fiontalier terrestre, insulaire et maritime (RequêtNicaragua àfin d'intervention,Rec. 1990,p. 122,

par. 73 ou du26juin 1992,Certainesterres à phosphates à Nauru (Exceptionspréliminaires),Rec. 1992,

p. 261, par. 55). Eta Cour en a fait application dans sonarrêtdu 30 juin 1995 dans1'We relativeau

Timororiental dans lequelellea constaté quel'examende la requêtedu Portugall'obligeraità "statuer à
titre préalablsur la licéitdu comportement del'Indonésie en l'absence duconsentementde cet État"

(Rec. 1995,p. 105,par. 35).

32. Tel seraitégalemenlte casen laprésenteespèce, danslaquellela Courne pourrait seprononcersur

les demandes de la RF.Y. contre la France sans statuer, à titre préalable,sur la licéd'acteset de

décisions de nombreuxacteurs des événementtsragiquesdu Kosovo, quine sontpas présents àl'instance,
parmilesquelscertainsnelepourraientdetoute manièrepas du faitde leurnaturejuridique.33. Au demeurant, la République fiançaise ne méconnaît nuilement que, comm elle l'ajugé dans

l'affairerelativeàCertaines terres aphmphates a Nauru (Rec. 1992,pp. 261-262,par. 55), la Courn'est

pas empêchée d'exerce sr compétence si son arrêtne la conduit pas à se prononcer sur la situation
juridique depersonnes du droit des gens non présentes à l'instance, quandbien mêmele raisonnement

qu'ellesuivraitpourrait êtretransposéàcelles-ci Maisce n'estpas ce dont il s'agiten la présenteespèce:

comme dans l'&e relative au Timor oriental, la Haute Juridiction ne pourrait pas déterminerla

responsabilité éventuelldee la France sans se prononcer au préalable sur la licéité(au regard de la
Conventionde 1948surle génocide puisques ,eul,cet instrument estsusceptiblede fondersa compétence)

des actes de ces acteurs majeursdu dramekosovar.Au surplus,contrairement à ce qui étaitle cas des

prétendues "partiesindispensables"dansl'affairedesActivitémilitaires (v.Rec. 1984,p. 425, par.74 et p.
431, par. 88), ces entitésn'ontpas la faculté d'introduire une instance distincevant la Cour ou de

recouriràlaprocédurede l'mtervention.

34. Tel estle cas, enparticulier, del'OTAN,de la KFOR(placéesousla direction del'OTAN maissur

laquelleles Nations Unies exercentun certain contrôle) et de ceux quela RF.Y. appelle,selonles cas,

"Albanianterrorists"ou "Albanianseparatists"et de leurs organisations,enparticulierl'Armde libération

du Kosovo (U.C.K.),auxquelsle forumde la Cour est fermé puisque,en vertu de l'article 35, paragraphe
1, du Statut, seulsles Etats y ont accès.Or la trèsgrandemajoritédes fàits décrits parle mémoirede la

RF.Y. sont avant tout le fait, et la plupart du temps exclusivement,de ces acteurs dont les actes ne

sauraient,en tant que tels, engager la responsabiliindividuelle d'aucuEtat, y comprisla République
fiançaise.

35. lin'estpas douteux,enparticulier, que l'appréciationlelicéitédesactesdel'OTAN,qui, selonla

RF.Y., serait elle-mêmr eesponsableàla fois des actesde l'U.C.K.(section 1.7,pp. 284-288) et de ceux
de la KFOR (cf 1.9.2, pp. 296-299, et 2.8.1.2, pp. 327-328), constitueun préalableindispensableà la

constatationde la prétendueresponsabilité dela France. Dansla mesureoù celle-ciauraitcommisles faits

dont l'accusele demandeur,elleaurait agienexécution des décisionpsrisesparl'OrganisationdeBruxelles.

36. Or, ces décisions ontétéprises, non pas,bienévidemmentp ,ar la Franceseule,maispar l'ensemble

des Etats membres(v. supra, par. 28). Dèslors, la Cour ne peut apprécierla responsabilitéde chacun
indépendamment de celle de tous les autres. Or, parmiles dix-neufÉtats membres de l'OTAN(et les

quatorze qui, parmi eux, ont pris part aux opérations renduesnécessairespar l'imminenced'une

catastrophehumanitaireau Kosovo),dix seulement ontété attraitsdevantla Courpar laRF.Y. et la Cour
a d'oreset déjàrayé deux de cesaffairesde sonrôle(et leshuit affairesrestantesn'ontpaà,juste titre, été 40
jointespar la Cour).A cet égard,l'appréciatiodelaresponsabilité desautresmembresde l'OTANet celle
de l'Organisationelle-mêmen ,'estpas, àproprement parler,le préalablechronologiquementnécessaireà

celledela responsabilitédelaFrance,maiselleenestindissociableet la conditionindispensable;ils'agitici

d'unpréalablelogique, en ce sens que la France ne pourrait, en tout étatde cause, êtretenue pour

responsableque d'actions collectives dontespropres actesne sontpas détachablesE . n admettantque les
décisionsde l'Organisationpuissent engagerla responsabilitde sesMembres(ce quiparaÎtfort douteux -

v. supra, par. 27 et inpa pars. 49-50), elle ne pourrait l'êtque collectivement:elle résulterait dela

conjonctiondeleurs comportementsetnon deleurjuxtaposition.

37. De toute manière,l'appréciation delalicéitdes actes quele demandeurimpute(implicitement -v.

section2,supra) àla France constitue,elle,unpréalable, anstous lessensduterme,àla miseen cause de

saresponsabilité.

38. Commela RF.Y. y insiste dansles demandesfigurant danssa requête (pp. 9-10),la Francea "pris

part" à ces actions collectives,mais sa responsabilne pourrait êtreengagée de leur fait que si la Cour

avaitdécidé, préalablemen qu,elesdécisionsde l'OTANlesayantinitiéessontillicites.

39. A cet égard,la présenteespèce est très différente del'&ire relative à Certaines terres à

phosphates àNauru. Dans celle-ci,"l'autorité chargée d l'eadministratiode Nauru, constituée destrois
gouvernements de l'Australie,de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni, "ne jouissait pas d'une

personnalité juridique internationale distinctecellesdes États ainsi désignés(C.I.J., arrêtdu 26 juin

1992,Rec. 1992,p. 258). En outre, commela Courl'aconstaté,"parmicesEtats, l'Australie jouait un rôle

tout particulierconsacrépar l'accord detutellede 1947et les accordsde 1919, 1923et 1965,ainsique par
la pratique" (ibid). Rien de tel ici. La France a jouéun rôle éminent,qu'ellene cherche nullement à

minorer,dans la préventiond'unecatastrophehumanitaire auKosovo; mais elle n'ajamais décidé ni agi

seule. En outre et surtout, l'OTANjouit, contrairement à ce qui étaitle cas de l'autoritéchargée de

l'administrationde Nauru avant son indépendance d,'unepersonnalité juridique distincte eelle de ses
États membresdont ellen'estpasla simple"addition".

40. La créationdu Conseilde l'Atlantiquenord, prévuepar l'article9du PacteAtlantique, quil'invitait
à constituer"les organismes subsidiairesquipourraient êtrenécessaires",a été àl'origined'unevéritable

organisation international(surtoutà partir dela conférencedeLisbonnedes20 et 21 février1952),dotée

d'organes, à laquelle unemissionpropre a été assignée,ayantune capacité juridique et des privilègeset

immunités,autant d'élémentq sui ont conduitla Cour, s'agissantde l'Organisationdes Nations Unies, à
conclure, dans son avis du 11 avril 1949relatif'aux Réparations desdommagessubis au service des 41

Nations Unies, que celle-ci étaitune ''personnemternationale"."Cela sigdïe que l'Organisationesun
sujet de droit mtemational,qu'ellea la capacité d'êritulaire de droits etde devoirsmtemationauxet

qu'ellea capacitéde seprévaloir desesdroitspar voie de réclamatiomternationale"(Rec. 1949,p. 179).

Et, contrepartiede ce droit, ellepeut aussi, êtredestinataire d'unemationn, otammentlorsqu'un fait
mtemationalementillicitepeut, comme en l'espèce,lui êtreattribué.La responsabilitédes organisations

intemationalesdans l'ordrejuridiquetemationaln'estplus, aujourd'hui,ontestée(c£ H. G. Schermerset

N.M. Blokker,International InstitutionalLaw,NitjhoffLa Haye/Boston/Londres,3&"éd.,1995, p. 991;
C.F. Amerasignhe,Principles of the InstitutionalLaw of International Organizations, CambridgeU.P.,

1996,p. 239 ou P. Klein,La responsabilitédes organisationsinternationales,Bruylant,Bruxelles,1998,

pp. 2 ou 311).

41. Or, enl'espèce, l'opérati"Forcealliée"a étéconçue, décidée et réalisear l'OTANen tant que

telle,sansqu'àaucunmomentlaFrance agisse àtitremdividuelou autonome.

42. La situation est devenue plus complexe, sur le plan juridique, après les décisions prises

concomitammentpar l'OTANet les Nations Unies. Dans une décision du 9 juin 1999, le Conseil de
l'AtlantiqueNord a décidéde la mise en oeuvre de l'ordre opérationnel "Join Gtuardian" relatif au

déploiemend te la KFOR auKosovo.Dans unedécision du10juin 1999,ila prisnote de la déclaration du

Présidentdu Comitémilitaire sur les préparatifsde la KFOR pour son déploiementrapide au Kosovo.
Dansune décisiondu Il juin 1999,prisele lendemainde l'adoption dela résolution 12par le Conseilde

sécuritédes Nations Unies, il a autoriséle déploiementdes forces de la KFOR au Kosovo. Par la

résolution susmentionnéa e, optée dans lecadre du chapitreVIi de la Charte, le Conseilde sécurité a
décidé"du déploiementau Kosovo, sous l'égidede l'Organisation des Nations Unies, de présences

internationalescivilea MINUK]et de sécurité [la KFOR]"(par. 5), autorisé "lesEtats Membresetles

organisations internationales compétentesà établirla présence internationalde sécurité auKosovo

conformémena tu point 4 de l'annexe" (par. 7) et défles responsabilitde celle-ci(par. 9). Quantau
point 4 de l'annexe 2,il préciseque "P]a présence internationale de sécurité, avec une participation

substantiellede l'Organisationdu Traitéde l'AtlantiqueNord, doit êtredéployéeouscommandementet

contrôleunrJiés..".

43. Ilapparaîtdoncquela KFOR

-a étécréée par l'OTAN;
-a étédéployéa euKosovosousl'égide del'0.N.U.;

-quel'OTANy participede hçon "substantielle"(mais pas seule,puisquela force est composée de

35Etats,y compris la Fédératiode Russie);et 42

-qu'elleestsoumis àeun commandementetun contrôleunitiésdel'OTAN.

44. Pour sa part, la France y participe activement,mais sous le contrôle opérationneSACEUR

(Commandantsuprêmedes forces alliéesen Europe) de l'OTAN,etsous le contrôlepolitique du NAC
(Conseil de l'AtlantiqNord).

45. Au plan international,la responsabilpour les événements survenus depuisle 10juin 1999 (en
admettantqu'ilssoientpertinentsauxfinsde laprésenteaffaire,ce quin'estpas le cas, commela Francel'a

montrédansla section 1ci-dessus)incombedonc prioritairementàl'OTANet, dansune autre mesure, aux

Nations Unies, qui ont autorisé le déploiemdte la KFOR et reçoiventdes rapports périodiquessur ses
activités,aisnon à leurs États membres,qui ne bénéficienptas d'unelibertéd'action auKosovo a qui

agissentsousun commandementet un contrôleunifiés.Dèslors, tous les actes du contingentfiançais ou

de sesmembresont été accomplisaunom del'OTAN,aupouvoirde directionetau contrôlede laquelleils
sont soumis.

46. Mutatis mutandis, le principe énoncéà l'article28, paragraphe 1, du projet d'articles surla
responsabilitédes États adoptépar la C.D.I. en première lecture en 1996 doit dès lors trouver à

s'appliquer:

"Le fait intemationalementillicitecommispar un Etat dans un domained'actividans lequel cet
État est soumisau pouvoir de directionou de contrôle d'unautre État engage la responsabilité
intemationalede cet autreÉtat" (Ann.D.I.,1996,vol. II2,-' partie, p.65).

Ce principe estpleinementtransposable aux cas dans lesquelsle pouvoir de directionou de contrôle est

assurénon pas par un autre Etat mais, comme c'estle cas en l'espèce,par une (ou deux- puisque la

"direction" de la KFOR est le fait de l'OTAN, son contrôle, des Nations Unies) - organisation(s)
intemationale(s).

47. Ilen résultenon pas seulement qu'en se prononçant sur les faits intemationalement illicites
prétendumentcommispar "lesdéfendeurs"l ,a Cour prendraitdu même coup positionsur la responsabilité

des deux organisationsinternationales concernée, ais, biendavantage,qu'ellene pourrait se prononcer

surla responsabilité dla France quesi,préalablementelleavait constatéque les décisions del'OTANet
desNationsUnies,que le contingentfiançaisdela KFORamisenoeuvresont illicites.Avant commeaprès

le 10 juin 1999, on se trouve donc bien dans l'hypothèsede l'Or monétaire:les intérêtjsuridiques de

l'OTAN et des Nations Unies "seraient non seulement touchés par une décision[au fond], mais
constitueraient l'objetmêmede la décision"(Rec. 1954, p. 32). Cette considérationfait d'autant plus 43

obstacleàl'examenau fondde la requête de laRF.Y. que, non seulement cesdeuxorganisationsn'ontpas
consenti à la compétencede la Cour, comme c'étaitle cas de l'manie en 1954, mais encore que le

voudraient-elles, ellesne le pourraient par le biais de l'acceptation desa juridiction ni par celui de

l'intervention, puisque,conformément au principfeondamentalposé parl'article34, paragraphe 1, du
Statut,"[sleulslesEtats ont qualipour seprésenterdevantla Cour".

48. En conclusiondu chapitre2, il apparaît q:e

1"la RF.Y. n'apas établi,fit-ce prima facie, que les faits énumérés dans snémoire puissent

êtreattniués àla Francequ'ellene mentionneà aucunmoment commeétant leurauteur;

2"il en résulte que cesfaitsne peuvent manifestemetas être considérécosmmeentrant dansles

prévisions de l'articleX de la Convention sur le génocide,sur lequel la RF.Y. prétendfonder la

compétence de la Cour;

3"ces faitsont étcommis soitpar desorganisationsinternationalesl'OTANet lesNationsUnies),

soit sous leur directionet contrôle,ne sauraientdonc, àles supposerétablis,engagerla responsabilité

internationale dela France,

. 4" sur laquellela Cour ne saurait, en tout étatde cause, se prononcer sans avoir détermiau

préalable cellde cesmêmes organisationsinternationale,t

5" sans porter un jugement sur la responsabilitéd'Etats non parties à l'instance dont la

responsabilitéest indissociable decelle imputéeà la France, qu'ils'agissede celle des Etats qui ont

participéà l'opération"Force alliée" avate 10juin 1999ou de ceux qui participentà la KFOR depuis
cettedate;

6" au surpluset de toute manière,ces derniersne sauraientêtre rattacsla requêteinitiale dela
RF.Y. quileur est antérieureetdont l'adjonction dase mémoiretransformelanaturemême du différend,

7" d'autant plus quele demandeurlui-même estime qu'ilssont "cruciaux"pour la détermination
même de la compétencedela Cour. 44

CONCLUSIONS

Pour lesmotifsexposésdansleprésentmémoire,et tous autres quipourraientêtre mvoquésdans la
suite delaprocédure ou soulevéds'office,la Républiqufianpaiseprie la Cour internationalede Justicede

bienvouloir décider:

- àtitre principal, qu'ellen'apas compétencepour se prononcer sur la requête introduipar la
République fédéraldeeYougoslavie,et

-àtitre subsidiaire,quelarequêteestirrecevable.

A Paris,le 4juillet2000

Ronnyf3RAHAM L
Agent e laRépublique fiangaise

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Exceptions préliminaires de la République française

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