Audience publique tenue le mardi 7 avril 2009, à 16 h 30, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Owada, président, en l'affaire relative à des Questions concernant l'obligation de poursuivre o

Document Number
144-20090407-ORA-01-00-BI
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
2009/10
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Non-Corrigé
Uncorrected

CR 2009/10

Cour internationale International Court
de Justice of Justice

LAAYE THHEGUE

ANNÉE 2009

Audience publique

tenue le mardi 7 avril 2009, à 16 h 30, au Palais de la Paix,

sous la présidence de M. Owada, président,

en l’affaire relative à des Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader
(Belgique c. Sénégal)

________________

COMPTE RENDU
________________

YEAR 2009

Public sitting

held on Tuesday 7 April 2009, at 4.30 p.m., at the Peace Palace,

President Owada presiding,

in the case concerning Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite
(Belgium v. Senegal)

____________________

VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -

Présents : M. Owada,président
ShiMM.

Koroma
Al-Khasawneh
Buergenthal
Simma

Abraham
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skotnikov

TCinçade
Yusuf
Greugesood,
SurMM.

jugissch, ad hoc

Cgoefferr,

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -

Present: Presiewtada
Judges Shi

Koroma
Al-Khasawneh
Buergenthal
Simma

Abraham
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skotnikov

Cançado Trindade
Yusuf
Greenwood
Judges ad hoc Sur

Kirsch

Registrar Couvreur

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -

Le Gouvernement du Royaume de Belgique est représenté par :

M. Paul Rietjens, directeur général des affaires juridiques du service public fédéral des affaires
étrangères, du commerce extérieur etde la coopération au développement,

comme agent ;

M. Gérard Dive, conseiller, chef du service de droit international humanitaire du service public
fédéral de la justice,

comme coagent ;

M. Eric David, professeur de droit international public à l’Université Libre de Bruxelles,

sir Michael Wood, K.C.M.G., membre du barreau d’Angleterre, membre de la Commission du

droit international,

comme conseils et avocats ;

S. Exc. M. Yves Haesendonck, ambassadeur, re présentant permanent du Royaume de Belgique
auprès des institutions internationales à La Haye,

M. Philippe Meire, magistrat fédéral, parquet fédéral,

M. Alexis Goldman, conseiller, direction du dr oit international public, direction générale des
affaires juridiques du service public fédéral des affaires étrangères, du commerce extérieur et de
la coopération au développement,

Mme Valérie Delcroix, attaché, direction du dro it international public, di rection générale des
affaires juridiques du service public fédéral des affaires étrangères, du commerce extérieur et de
la coopération au développement,

Mme Fanny Fontaine, attaché, service de droit international humanitaire duservice public fédéral de
la justice,

Mme Julie de Hults, attaché, service de droit international humanitaire du service public fédéral de la

justice,

M. Benjamin Goes, attaché, chancellerie du premier ministre,

comme conseillers.

Le Gouvernement de la République du Sénégal est représenté par :

S. Exc. M. Cheikh Tidiane Thiam, professeur, am bassadeur, directeur des affaires juridiques et
consulaires au ministère des affaires étrangères,

comme agent ; - 5 -

The Government of the Kingdomof Belgium is represented by:

Mr.PaulRietjens, Director-General of Legal Affa irs, Federal Public Service for Foreign Affairs,
Foreign Trade and Development Co-operation,

As Agent;

Mr. Gérard Dive, Head of the International Humanitarian Law Division, Federal Public Service for
Justice,

Cso-Agent;

Mr. Eric David, Professor of Public International Law at the Université Libre de Bruxelles,

Sir MichaelWood, K.C.M.G., member of the En glish Bar, member of the International Law

Commission,

As Counsel and Advocates;

H.E. Mr. Yves Haesendonck, Ambassador, Permanent Representative of the Kingdom of Belgium
to the International Organizations in The Hague,

Mr. Philippe Meire, Federal Prosecutor, Federal Prosecutor’s Office,

Mr. Alexis Goldman, Adviser, Public International Law Directorate, Directorate-General of Legal
Affairs, Federal Public Service for Forei gn Affairs, Foreign Trade and Development
Co-operation,

Ms Valérie Delcroix, Attaché, Public International Law Directorate, Directorate-General of Legal
Affairs, Federal Public Service for Forei gn Affairs, Foreign Trade and Development
Co-operation,

Ms Fanny Fontaine, Attaché, International Humanitarian Law Division, Federal Public Service for
Justice,

MsJulie de Hults, Attaché, International Human itarian Law Division, Federal Public Service for

Justice,

Mr. Benjamin Goes, Attaché, Office of the Prime Minister,

Asdvisers.

The Government of the Republicof Senegal is represented by:

H.E. Mr. CheikhTidianeThiam, Professor, Ambassador, Director of Legal and Consular Affairs,
Ministry of Foreign Affairs,

as Agent; - 6 -

M. Demba Kandji, magistrat, directeur des affaires criminelles et des grâces au ministère de la
justice,

comme coagent ;

M. Serigne Diop, professeur, ministre d’Etat,

M. Ndiaw Diouf, professeur,

M. Alioune Sall, professeur et avocat,

M. El Hadji Amadou Sall, ministre,

M. Oumar Gaye, magistrat,

M. Abdoulaye Dianko, agent judiciaire de l’Etat,

M. Richard Meese, avocat à la cour d’appel de Paris,

M.Hery Frédéric Ranjeva, avocat à la c our d’appel de Paris et membre du cabinet

Winston & Strawn LLP,

MT. homas Bevilacqua, avocat à la cour d’appel de Paris et membre du cabinet
Winston & Strawn LLP,

comme conseils et avocats ;

M. Talla Fall, chargé d’affaires par intérim, ambassade du Sénégal à Bruxelles,

Mme Anna Niang, assistante en communication,

M. Souleymane Ndoye, assistant administratif,

Mme Laurie Dimitrov, juriste,

comme conseillers. - 7 -

Mr. Demba Kandji, Judge, Director of Criminal Affairs and Pardons, Ministry of Justice,

as Co-Agent;

Mr. Serigne Diop, Professor, Minister of State,

Mr. Ndiaw Diouf, Professor,

Mr. Alioune Sall, Professor and Avocat,

Mr. El Hadji Amadou Sall, Minister,

Mr. Oumar Gaye, Judge,

Mr. Abdoulaye Dianko, agent judiciaire de l’Etat,

Mr. Richard Meese, Avocat à la Cour d’appel de Paris,

Mr. Hery Frédéric Ranjeva, Avocat à la Cour d’appel de Paris, Winston & Strawn LLP,

Mr. Thomas Bevilacqua, Avocat à la Cour d’appel de Paris, Winston & Strawn LLP,

as Counsel and Advocates;

Mr. Talla Fall, Chargé d’Affaires a.i., Embassy of Senegal in Brussels,

Ms Anna Niang, Information Assistant,

Mr. Souleymane Ndoye, Administrative Assistant,

Ms Laurie Dimitrov, Jurist,

Asdvisers. - 8 -

Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour est réunie cet

après-midi pour entendre le second tour d’observati ons orales de la Belgique sur la demande en

indication de mesures conservatoires en l’affaire relative à desQuestions concernant l’obligation

de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal) . Je donne la parole à M. Paul Rietjens, l’agent

du Royaume de Belgique.

M. RIETJENS :

E XPOSÉ INTRODUCTIF DES RÉPLIQUES DE LA B ELGIQUE

1. Monsieur le président, Messieurs les Membres de la Cour, je serai très bref. Hier, lors de

mon exposé introductif aux questions soumises à votre haute juridiction, j’avais souligné que la

Belgique n’entendait nullement mettre en cause les excellentes relations d’amitié et de coopération

qu’elle entretient depuis longtemps avec le Sénégal.

2. Aujourd’hui, je tiens formellement à réité rer ce souhait sincère. En effet, comme cela est

consacré dans la déclaration de Manille sur le rè glement pacifique des différends internationaux du

1novembre 1982: «le recours à un règlemen t judiciaire des différends juridiques,

particulièrement le renvoi à la Cour internationale de Justice, ne devrait pas être considéré comme

un acte d’inimitié entre les Etats» (II, par. 5 in fine). Il importe donc de faire une claire distinction

entre la qualité des relations bilatéra les existant entre deux Etats et le fait de porter devant la Cour

internationale un différend né entre ces mêmes Etats, à la suite d’une divergence de vues sur une

question de droit.

Car, comme nous l’avons démontré hier, il exis te bien un différend entre la Belgique et le

Sénégal sur la manière d’interp réter et d’appliquer la règle de droit international, tant

conventionnelle que coutumière, «poursuivre ou extrader».

3. Soumettre cette question importante à la pl us haute juridiction mondiale, témoigne d’une

attitude responsable et respectueuse de l’état de droit et ne résu lte donc nullement d’une prétendue

«précipitation à saisir un organe juridictionnel», ni d’un manque de volonté à «coopérer réellement

avec le Sénégal». - 9 -

4. Au contraire, comme indiqué hier, la Belgique a proposé, dans le cadre des règles

applicables en matière de coopération judiciaire internationale, de recevoir les magistrats

instructeurs sénégalais et de leur transmettre une copie du dossier d’instruction à charge de

l’inculpé. Cette proposition est malheureusement restée sans réponse.

5. De plus, la Belgique a toujours Œuvré au sein de l’Union européenne pour que cette

dernière apporte une solution substantielle et constructive à l’appel lancé par l’Union africaine afin

de rassembler les moyens budgétaires nécessaires pour financer le procès de M. Hissène Habré au

Sénégal, sur le sol africain. Mais cette même Union européenne, tout en montrant sa disponibilité à

contribuer financièrement et en offrant son appui technique pour travailler sur un projet de budget

réaliste, n’a pas manqué de rappeler chaque fois que nécessaire que la procédure concernant

M.HissèneHabré demeurait ouverte en Belgique et que celle-ci se réservait, entre autres, au titre

de l’article30 de la convention de1984, le droit d’évoquer l’affair e devant la Cour internationale

de Justice.

La Belgique n’a nullement éprouvé un prétendu besoin de se singulariser ou de se détacher

de l’Union européenne.

6. C’est donc avec un sentiment de profond re gret que nous avons entendu hier la délégation

sénégalaise prétendre que l’approche belge pouva it être qualifiée de «fallacieuse, inappropriée,

inopportune et sans fondement».

7. Monsieur le président, avec votre permission, le professeur EricDavid répondra dans

quelques instants à la question posée hier par M. le juge Simma et reviendra sur un certain nombre

d’affirmations exposées par les distingués représentants du Sénégal.

Ensuite, toujours avec votre permission, Monsieur le président, sir Michael Wood évoquera à

nouveau le bien-fondé de la demande belge en indication de mesures conservatoires.

Et finalement, si vous le permettez, Monsie ur le président, le coagent de la Belgique,

M.GérardDive, exposera les conclusions de nos plaidoiries et répondra à cette occasion à la

question posée hier par M. le juge Greenwood.

8. Mais avant de terminer mon intervention, je voudrais encore éliminer un malentendu

persistant. A plusieurs reprises, nos distingu és collègues sénégalais ont déclaré que les mesures - 10 -

conservatoires demandées par la Belgique «remettraient en cause», voire «anéantiraient» le droit du

Sénégal de juger M. Hissène Habré.

Ces affirmations sont inexactes.

9. Ainsi que nous l’avons répété systématique ment dans nos différents exposés, la Belgique

voudrait que le Sénégal poursuive et juge lui-même M.HissèneHabré, notamment pour les faits

faisant l’objet de la procédure devant les autorités judiciaires belges. Ce n’est qu’à défaut de le

poursuivre que le Sénégal devrait extrader M.Hi ssèneHabré vers la Belgique pour que celui-ci

puisse répondre des faits qui lui sont imputés, comme le prévoient aussi bien le droit international

conventionnel que le droit international coutumier.

L’affirmation entendue hier que «la réalité est que la Belgique n’a jamais voulu d’un

jugement de M. Hissène Habré au Sénégal» est donc dépourvue de tout fondement.

En vous remerciant de votre aimable attention, je voudrais vous demander, Monsieur le

président, de bien vouloir appeler à la barre maintenant le professeur Eric David.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Paul Rietjens, de votre exposé introductif. Je

donne maintenant la parole au professeur Eric David.

M. DAVID : Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je vous re mercie de me donner à

nouveau la parole. La Belgique a écouté avec atten tion, hier, les exposés de l’agent, du coagent et

des conseils du Sénégal. Ces exposés ont abordé des questions fort nombreuses qui touchaient,

notamment, tantôt à la recevabilité de la demande belge en indication de mesures conservatoires,

tantôt au fondement même des demandes de la Belgique, qu’il s’agisse de la requête introductive

d’instance, ou de la demande en indication de mesures conservatoires.

Eu égard au temps qui nous est imparti, je me bornerai, en substance, à examiner certaines de

ces questions, celles qui concernent, d’une part , le fondement de la requête introductive

d’instance(I), d’autre part, celles qui se rapportent au fondement des mesures conservatoires

sollicitées par la Belgique (II). - 11 -

I.L E FONDEMENT DE LA REQUÊTE INTRODUCTIVE D ’INSTANCE

1. Dans leurs plaidoiries, les agents et conseils du Sénégal ont notamment évoqué

l’application prétendument correcte par le Sénégal de la règle aut dedere aut judicare, le fait que le

Sénégal était mieux placé que la Belgique pour poursuivre M. Hissène Habré et l’imprécision de la

requête introductive d’instance quant à la nature d es droits dont la Belgique affirme qu’ils sont

préjudiciés en raison de l’inexécution par le Sénéga l des obligations qui lui incombent en vertu de

la convention de 1984.

A l’évidence, Monsieur le président, Messieurs de la Cour, toutes ces exceptions se

rapportent au fond du différend. J’en reprends que lques-unes qui sont revenues à diverses reprises

dans les exposés de nos contradicteurs pour mieux vous montrer leur rapport, leur lien avec le fond

du différend et la relation extr êmement légère avec une procédure incidente en indication de

mesures conservatoires.

2. Ainsi, lorsque le Sénégal invoque les modifications qu’il a apportées à sa législation

pénale afin de pouvoir poursuivre M.HissèneHabré 1, le Sénégal tente de démontrer qu’il est

désormais capable de poursuivre M.HissèneHabré. Cette argumentation concerne l’objet même

du différend, donc, le fond de la présente affaire ; cette argumentation sort donc du cadre réservé à

une demande en indication de mesures conservatoir es. Si la Belgique répondait à l’argument, elle

sortirait des limites de l’épure que la Cour assigne aux parties dans le cadre d’une procédure en

indication de mesures conservatoires et ces limite s, vous le savez, figurent à l’instruction de

procédure n oXI que la Belgique entend respecter ainsi qu’elle l’a dit hier, à plusieurs reprises.

3. Même chose quand le Sénégal déclare que la soumission de l’affaire à l’Union africaine

satisfait les exigences de la convention de 1984 2: là aussi, le Sénégal plaide à nouveau sur le fond

de la cause, non sur la validité ou l’invalidité des mesures conservatoires sollicitées par la

Belgique.

4. Le Sénégal observe aussi que l’Union a fricaine l’a félicité, en février2009, pour les

efforts qu’il a consentis en vue d’appliquer la décision qui avait été prise à Banjul en juillet 2006,

décision par laquelle l’Union africaine avait mandaté le Sénégal aux fins «de faire poursuivre et

1
CR 2009/9, p. 15, par. 36 (Thiam).
2Ibid., p. 13, par. 29. - 12 -

3
juger, au nom de l’Afrique, M. Hissène Habré» . A nouveau, on ne voit pas très bien le rapport de

ces félicitations avec la question de l’admissibilité ou du fondement d’une procédure incidente en

indication de mesures conservatoires.

5. Même constatation lorsque le Sénégal d éclare qu’il est mieux placé que la Belgique pour

poursuivre M. Hissène Habré 4: sans doute, la Belgique est prête à admettre que le Sénégal

constitue un for plus approprié que la Belgique pour poursuivre pénalement M.HissèneHabré,

mais cela concerne aussi le fond du différend, non l’indication de mesures conservatoires.

J’ajouterai, puisque le Sénégal nous entraîne sur ce terrain, que pour être ce qu’on pourrait appeler

un «forum conveniens» plus adéquat, le Sénégal devrait intenter vraiment des poursuites contre

M.HissèneHabré. Pour l’instant, cela reste, dans le meilleur des cas, un espoir, non une réalité,

5
comme le Sénégal l’a d’ailleurs lui-même implicitement laissé entendre hier .

6. Le Sénégal évoque, systématiquement, les difficultés financières que soulève

l’organisation du procès de M. Hissène Habré, pour justifier son inaptitude à mener ce procès pour

l’instant6 . La question de savoir si ces difficultés financières sont une justification à l’
inexécution

par le Sénégal de ses obligations conventionnelles ou coutumières est à nouveau une question de

fond; ce n’est pas un problème de mesure conserva toire. Ce n’est donc pas le moment d’en

débattre devant la Cour. Comme le dit le dict on populaire, un temps pour chaque chose et chaque

chose en son temps.

7. Enfin, le Sénégal se réfère au caractère vague ou évasif des prétentions de la Belgique

fondées sur les articles 5, 7, 8, paragraphe 2, et 9, paragraphe 1, de la c onvention de 1984, articles

7
qui avaient été cités par la Belgique dans sa requête introductive d’instance . La Belgique s’est,

principalement, référée au cours de cette phase de la procédure aux articles 7 et 30 de la convention

de1984, et elle ne voit pas ce que le Sénéga l affirme ne pas comprendre des développements

succincts qui ont été consacrés à l’article 7. Quan t aux autres dispositions citées par le Sénégal, la

Belgique ne les a pas invoquées à ce stade de la pro cédure. En tout état de cause, il s’agit encore

3 Ibid., p. 48, par. 11 (Sall).
4
Ibid., p. 45, par. 29 (Dianko).
5
Ibid., p. 44, par. 19 et suiv. (Dianko).
6 Ibid., p. 16, par. 38 et suiv., passim (Thiam) ; ibid., p. 29, par. 47 et suiv., passim (Kandji).

7 Ibid., p. 56, par. 23 et suiv. (Gaye). - 13 -

de problèmes de fond sans rapport avec les sources clairement invoquées par la Belgique pour une

demande en indication de mesures conservatoires.

8. C’est pourquoi je crois utile, Messieurs de la Cour, de lire le texte de l’instruction de

o
procédure n XI où la Cour ⎯ et vous le savez bien sûr mieux que nous ⎯ dit ceci :

«Dans leurs exposés oraux sur les demandes en indication de mesures

conservatoires, les parties devraient se limiter aux questions touchant aux conditions à
remplir aux fins de l’indication de mesures conservatoires … Les parties ne devraient
pas aborder le fond de l’affaire au-delà de ce qui est strictement nécessaire aux fins de
la demande.»

9. Je souhaite maintenant apporter une réponse à la question de M. le juge Simma concernant

la nature du droit coutumier invoq ué par la Belgique et la nature du préjudice que la Belgique

8
subirait . Toutefois, cette réponse sera succincte étant donné qu’elle relève essentiellement du fond

de l’affaire. Je vais donc simplement dire quel ques mots sur la source et le contenu des droits

basés sur la coutume internationale.

10. La source du droit invoqué par la Belgique se trouve dans le droit conventionnel et dans

le droit coutumier liant la Belg ique au Sénégal. En ce qui concerne le droit international

coutumier, celui-ci, comme la Belgique l’a dit hier, est énoncé, entre autres, dans la

résolution 3074 (XXVIII) de l’Assemblée générale des Nations Unies et dans le projet de code des

crimes contre la paix et la sécurité de l’ humanité adopté en1996 par la Commission du droit

international. Deux mots à ce sujet: d’un côté , la règle est énoncée par l’ensemble des Etats

Membres des Nations Unies ⎯en tout cas par tous ceux qui étaient présents à l’Assemblée

générale des Nations Unies lorsque celle-ci a adopt é la résolution 3074 (XXVIII) ; de l’autre côté,

la règle coutumière invoquée par la Belgique est adoptée par un organe, la Commission du droit

international, dont la f onction consiste justement ⎯ aux termes mêmes de son statut ⎯ à codifier

le droit international (statut de la CDI, artic le1, 18 et suiv., A/Rés.174/II, 21novembre1947,

modifié en 1950, 1955, 1956, 1961 et 1981). Je vous épargne les références du statut de la

Commission. Il existe d’autres sources qui confor tent cette position et qui seront développées lors

de la procédure sur le fond. La Belgique estime que ce faisceau de sources remplit les conditions

requises pour qu’on puisse parler de coutume, à savoir, «une pratique générale acceptée comme

8
Ibid., p. 58. - 14 -

étant le droit» ⎯un texte que la Cour connait évidemment par cŒur puisque c’est la fin de

l’article 38, paragraphe 1 b), du Statut de la Cour.

11. Je voudrais quand même ajouter une précision : la règle coutumière évoquée ici, par la

Belgique, est l’obligation de lutter contre l’impunité. Or cette règle qui oblige les Etats, soit à lutter

contre l’impunité, soit à traduire en justice les auteurs de crimes de droit international ⎯ les

expressions peuvent varier ⎯, ne figure pas seulement dans les textes que j’ai mentionnés hier et

que je viens de rappeler ; on la retrouve dans près d’une quarantaine de résolutions adoptées par le

Conseil de sécurité depuis 2003 jusqu’à aujourd’hui 9.

12. En ce qui concerne, après la source, le contenu du droit invoqué par la Belgique, ce droit

n’est pas différent de celui qui figure dans le dr oit international conventionnel, à savoir, le droit

pour la Belgique de voir les Etats respecter leur obligation de poursuivre ou d’extrader l’auteur

d’un crime de droit international. Ce droit n’est finalement rien d’autre que la transcription en

termes de droit, par la communauté internationa le, d’une valeur morale et sociale essentielle,

désormais élevée au rang d’exigence juridique ⎯ celle de ne pas laisser impunis les crimes les plus

graves parmi les plus graves.

13. Quant à la nature du préjudice subi par la Belgique, elle se confond avec le préjudice que

subit tout titulaire d’un droit, même si ce droit ne représente qu’un symbole éthique ou

philosophique et non une valeur mobilière ou im mobilière, marchande ou commerciale. Les Etats

se sont donné pour règle de lutter contre des cr imes qui représentent, Monsieur le président,

Messieurs de la Cour, la quintessence de l’horreur : ils en ont fait une obligation légale. Ne pas la

respecter, c’est porter atteinte au droit qui est , pardonnez-moi de me répéter, simplement le

corollaire ou la résultante logique de cette obligation.

14. M.le jugeSimma demande ég alement s’il s’agit d’une obligation erga omnes . La

Belgique pense pouvoir répondre par l’affirmative. Le Sénégal semble d’ailleurs partager cet avis

puisque, comme je l’ai indiqué hier, si vous lisez l’exposé des motifs de la loi sénégalaise

incorporant dans le code pénal sénégalais les pr incipaux crimes de droit international humanitaire,

vous constaterez qu’il est précisé qu’il s’agit d’une «intégration de règles internationales d’origine

9Puisse la Cour excuser cette référence de l’orateur à ses propres Œuvres, mais on trouvera une liste exhaustive
des résolutions évoquées in David, E., Eléments de droit pénal international et européen , Bruxelles, Bruylant, 2009,

par. 13.2.19. - 15 -

10
conventionnelle et coutumière» . Je souligne les mots «et coutumière». Les règles coutumières

auxquelles le Sénégal se réfère sont des règles coutumières générales, non des règles locales ou

régionales.

Mieux, en affirmant, «le caractère de jus cogens» 11 de ces règles, le Sénégal, toujours dans

l’exposé des motifs de sa loi, admet, lui aussi, de manière implicite, leur caractère erga omnes car

on sait, sans vouloir entrer dans de longues consid érations académiques et théoriques, que si toute

règle de jus cogens est, par définition ⎯et je me réfère ici, bien sûr, vous l’aurez deviné, à la

définition de l’article53 de la conventi on de Vienne sur le droit des traités ⎯, une règle

erga omnes, l’inverse n’est pas vrai. Toute règle erga omnes n’est pas nécessairement une règle de

jus cogens.

Alors, même si certains peuvent discuter du sens et de la portée de la coutume, il est, en tout

cas, clair que sur le caractère coutumier et erga omnes de la règle aut dedere aut judicare ou

judicare vel dedere, la Belgique est heureuse de consta ter qu’au fond elle partage la même

conviction que le Sénégal.

II. Le fondement des mesures conservatoires sollicitées par la Belgique

15. Le Sénégal a reproché à la Belgique d’avoir déformé ou dénaturé les propos du

président Wade 12. La Belgique, Monsieur le président, Messieurs de la Cour, n’a rien à retirer des

extraits d’interviews qu’elle a cités hier ; il n’y a eu ni caviardage, ni citation tronquée. Toutes les

citations attribuées à M. Wade se trouvent dans des relations de presse reproduites in extenso dans

le dossier de documents joints pa r la Belgique à son exposé oral. La Cour possède ces textes, elle

peut vérifier leur exactitude, juger de leur pertinence et de leur contexte.

16. En revanche, l’interview du président Wa de produite, hier, par le Sénégal et datée du

2février2009, interview qui est d’ailleurs présentée comme une «retranscription non officielle»,

semble se rapporter à une émission de Radio-France-Internationale qui, en effet, n’est pas

10
Loi n° 2007-02 du 12 février 2007 modifiant le code pénal,Journal officiel de la République du Sénégal ,
10 mars 2007, p. 2377.
11
Ibid.
12CR 2009/9, p. 9, par. 7 (Thiam) ; p. 46, par. 3 et suiv. (Sall). - 16 -

mentionnée par la Belgique. Deux petites observati ons sur cette interview dont le Sénégal fait

grand cas :

1) Cette interview ne dément pas formellement les trois interviews citées par la Belgique,

interviews où le président Wade affirmait clairement, comme je l’ai montré hier, qu’il était prêt

à laisser partir M. Hissène Habré si on ne lui donna it pas les moyens financiers de le poursuivre

pénalement ; le Sénégal ne démontre cependant pas que la Belgique aurait déformé ou dénaturé

le contenu de ces trois interviews ;

2) L’interview produite par le Sénégal aurait été accordée par le président Wade à Radio-France-

Internationale. La Belgique admet que le pr ésidentWade semble, dans cette interview,

s’engager à poursuivre M.HissèneHabré. Si tel est le sens exact des paroles du

présidentWade, si c’était, comme le préside nt Wade le dit lui-même, «pour pousser un peu

pour qu’on accélère» qu’il affirmait dans les au tres interviews citées par la Belgique se

désintéresser de M.HissèneHabré au cas où la communauté internationale ne financerait pas

son procès, la Belgique ne peut que se réjouir et prendre acte de cette explication ; encore faut-il

le dire clairement. Vous connaissez la citati on attribuée à l’écrivain français Albert Camus

«mal nommer les choses, c’est ajouter à la misère du monde».

Conclusion

17. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, j’en arrive à la conclusion. Le Sénégal et la

Belgique n’interprètent pas de la même manièr e la fonction d’une procédure en indication de

mesures conservatoires : pour la Belgique, cette phase de l’instance n’a pas pour objet principal de

discuter des questions de fond, sinon, comme le précise la Cour dans son instruction de procédure

no XI, uniquement dans la mesure, «de ce qui est strictement nécessaire aux fins de la demande».

La Belgique pense que le Sénégal, hier, est souvent sorti de ce cadre, en abordant des questions qui

appartiennent au fond du différend.

Par ailleurs, la Belgique maintient qu’elle n’a ni dénaturé ni déformé les propos du

présidentWade et que le Sénégal n’a pas démontré le contraire. Il reste que si la Belgique a mal

interprété lesdits propos à la lumière de l’interview citée hier par les représentants du Sénégal, et si

le Sénégal annonce à la Cour que le présidentWade en réalité n’avait pas du tout l’intention de - 17 -

laisser M.HissèneHabré quitter le territoire du Sénégal, la Belgique en prend acte avec

satisfaction.

Monsieur le président, ceci clôture mon exposé. Je remercie la Cour de son écoute comme

toujours patiente et attentive et je voudrais vous demander à présent, Monsieur le président, de bien

vouloir céder la parole à sir Michael Wood. Merci, Monsieur le président.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, professeur EricDavid, de votre exposé. Je donne

maintenant la parole à sir Michael Wood.

Mr. WOOD: Thank you, Mr. President.

A PPLICATION OF THE LAW AND PRACTICE ON PROVISIONAL MEASURES
TO THE FACTS OF THE CASE

1. Mr. President, Members of the Court, I shall respond to what our friends on the other side

said yesterday afternoon about the criteria for the indication of provisional measures
. I found it

very striking that there was no significant difference between us on the legal principles that apply,

which are based on your extensive case law. Senegal’s citations from your case law were similar in

substance to my own. That being so, I do not think it is necessary, at this stage, to address the case

law again, with which you are anyway familiar.

2. Even on the facts we largely drew atte ntion to the same things. Where we have

differences, of course, is on the interpretation of some of the facts, and on the application of the

legal principles to the facts.

3. The Agent of Senegal said that their presentation yesterday afternoon would be

exclusively directed at Belgium’s Application a nd Request, as well as the documents that Belgium

submitted to the Registrar last Friday. He said that they would try to respond tomorrow,

13
Wednesday, to the presentation that we made on Monday morning . That is to some degree

understandable. But what it means is that many of the points that they made in their first round

yesterday had already been answered by what we had said in the morning. And I do not propose to

repeat now all that I said yesterday morning. I think the Court will appreciate that we have already

13
CR 2009/9, p. 9, para. 5. - 18 -

answered many of the points made. The further r esult, of course, is that we shall not have the

opportunity to reply to what Senegal may say tomorrow in response to what Belgium said

yesterday. But that perhaps is inevitable given the timetable for provisional measures hearings.

4. For example, our colleagues from Senegal made much of the fact that, in their view, there

had not been real negotiations 14, and that it could not be said that negotiations had failed 15. Two

remarks on that. First, I did in fact explain, at some length, that negotiations had taken place,

through an extended exchange of diplomatic No tes, and through other contacts on diplomatic

channels 16. Second comment, the question of non-settlement of the dispute through negotiations is

only relevant to jurisdiction under Article30 of th e Torture Convention. It is not a condition for

jurisdiction under the optional clause in this case. In fact, it is to be noted that Senegal has so far

said remarkably little about the optional clause, or a bout the dispute in so far as it arises other than

under the Torture Convention.

5. As my colleague ProfessorEricDavid has just said, a number of the points made by

Senegal yesterday belong to the merits and I shall not address these. The Agent of Senegal

17
suggested that Belgium’s request for an interim measure itself prejudiced the merits . This is

certainly not the case. I described yesterday how narrowly drawn our request was, and how it bore

no resemblance at all to those cases where an appl icant has sought to achieve at the provisional

measures stage what it was asking for on the merits 18.

6. Senegal’s argument on this point is somewhat convoluted 19. It seems to amount to this. If

Senegal is required to prevent Mr.Habré from leaving Senegal except pursuant to Belgium’s

extradition request, this will force Senegal to extr adite him to Belgium. The reasoning appears to

be that he will not receive a fair trial within a reasonable time in Senegal, as required by

international human rights law, since lack of fundi ng will lead to unacceptable delays in his trial.

In the same breath, we were also told, and told for the first time, that it is no longer possible as a

14Ibid., pp. 35-38, paras. 22-34 (Diouf).
15
Ibid., pp. 38-39, paras. 35-42 (Diouf).
16
CR 2009/8, p. 48-50, paras. 46-50.
17CR 2009/9, p. 19, para. 51 (Thiam).

18CR 2009/8, p. 38, para. 5.

19CR 2009/9, p. 20, para. 56 (Thiam). - 19 -

matter of Senegalese law, to extradite Mr.Habré to Belgium. This convoluted line of argument

begs a lot of questions. As the Agent for Belg ium explained at the outset of this afternoon’s

hearing, it is not Belgium’s primary object, in bringing these proceedings, that Mr. Habré should be

extradited to Belgium. And the line of argument seems to be based on the assumption that what we

are requesting is that Mr. Habré should be placed under a form of arrest by the judicial authorities

that can only take place if the criminal proceed ings are commenced, and that if this is done

prematurely ⎯ I note, that this is a relative expression in the present context ⎯, there may be

unreasonable delay in the trial making his extradition inevitable. But that was not at all the

intention behind Belgium’s request for a provisional measure. What we are interested in is that

Senegal should take the necessary steps, whatever they may be within its system, to ensure that

Mr.Habré is not able to escape justice. Perhap s, Mr. President, the wording of our request for

provisional measures was responsible for this misunderstanding.

7. We are grateful for the explanations, give n yesterday by our colleagues from Senegal, of

the various forms of control and surveillance available in Senegal. Our reference to Mr.Habré

being kept under the control and surveillance of the judicial authorities of Senegal was not intended

to suggest any particular form of control and su rveillance. One possibility would be that Senegal

would continue the present arrangements, which do see m to be effective. In any event, as I said

yesterday 20, the particular wording of a provisional measure would be a matter for the Court.

8. I now address the points made yesterday by Professor Ndiaw Diouf regarding the criteria

that have to be met before the Court will indicate provisional measures.

9. First, as regards prima facie jurisdiction. Professor Diouf appeared to argue that none of

the four conditions under Article 30 of the Torture Convention were met. As I have said, neither he

nor his colleagues addressed in any detail the opti onal clause requirements, so I shall have to

assume that they do not dispute that these are met, except perhaps on the point they sought to make

about the absence of a dispute, to which I have already referred and which I dealt with yesterday.

10. ProfessorDiouf began by making the point that an indication of provisional measures

followed by a decision of the Court that there is no jurisdiction is awkward, and he cited the

20
CR 2009/8, p. 38, para. 4. - 20 -

Anglo-Iranian case. He could have equally cited the much more recent interpretation of a

judgment in the Avena case. I would agree, which is why the requirement for a finding of at least

prima facie jurisdiction is important, and why I dealt with it at some length yesterday. But the risk

is inherent in this incidental jurisdiction, and cannot be totally avoided.

11. The distinguished Agent for Senegal, Mr. Thiam, made the rather surprising claim that

there was no dispute between the Parties over the interpretation or application of a rule of

21
international law, because, as he put it, they were speaking the same language . His argument

seemed to be that “Belgium wanted Senegal to prosecute Mr. Habré or, by default, to extradite him;

Senegal was saying, we cannot extradite him, but we will judge him”. And therefore he said that

Senegal and Belgium interpreted the Torture Convention, and in particular its Article 7, in the same

way 22.

12. ProfessorDiouf, citing the Mavrommatis language, continued the theme that there was,

in his view, a manifest absence of a dispute be tween Belgium and Senegal within the meaning of

23
Article 30 of the Torture Convention .

13. But, as I explained yesterday, there is a fundamental difference between the Parties.

Senegal considers that its decision to transmit the case to the African Union (“la décision de le

24
transmettre à l’Union africaine”) (that is a quote from its document proposing the item to the

African Union), to transfer the His sène Habré case to the African Union ⎯ which is what Senegal

said in its Note of 9May2006 ⎯ somehow fulfils Article7, while Belgium disagrees. What

Senegal repeatedly said on this point confirms that there is in fact a dispute, and that Senegal’s

present commitment to move, albeit slowly, towards a criminal trial derives in its view from the

African Union “mandate”, not directly from its obligations under the Torture Convention.

14. Before leaving this issue, I would just say that I am not sure what point was being made

by the Agent of Senegal yesterday, when he insisted on speaking of “saisie” or “saisine” , not a

21CR 2009/9, p. 19, para. 54.
22
Ibid.
23CR 2009/9, pp. 32-35, paras. 4-21.

24Assembly/AU/8(VI) Add. 9, p. 2. - 21 -

transfer of the proceedings to the African Union 25. As I have just pointed out, Senegal itself

referred to the transfer of the case to the Union, in the documents to which I have just referred.

15. ProfessorDiouf then turned to the two questions of the non-settlement by negotiation,

and the request for arbitration. While he d escribed his arguments on these points as going to the

question of “admissibility” (recevabilité), what he seemed to be saying was that the conditions for

applying to the Court under Article 30 of the Tort ure Convention were not met. I note in passing

that there is no question of prior requirements of non-settlement through negotiation, or a request

for arbitration, under the optional clause.

16. It was in this connection, that the Agent of Senegal, Mr.Thaim, indicated that Senegal

26
could not locate the Belgian Note of 20June2006 in its archives ⎯ this, you will recall, is the

Note in which Belgium formally proposed recourse to arbitration. As a former bureaucrat, I can

sympathize with that! The Note in question most certainly was delivered, to the Foreign Ministry

in Dakar, in person and at a high level. Ther e is in the Belgian archives a contemporaneous

internal report, from the Embassy in Dakar to the Foreign Ministry in Brussels, stating that the

Note in question was delivered, in person, by th e Ambassador of Belgium, Luc Willemarck, to the

Secretary General of the Foreign Ministry on 21June2006. This wa s done, according to the

report, in the absence of the Minister and his chef de cabinet who were at that time on an official

mission in China. So the Note was delivered on 21June2006 to the Secretary General of the

Ministry.

17. Professor Diouf, for his part, made a further point about this Note of 20 June 2006. He

suggested that the request for arbitration was “su rreptitious”, that it was somehow buried within a

Note of which it was not the principal point 27. In fact, the request for arbitration in the Note

of20June could not have been clearer. It was the sole purpose of the Note. The first five

substantive paragraphs describe the circumstances leading up to the request for arbitration, and the

sixth and final substantive paragraph contained the formal request. It is simply not the case that the

request was hidden away in a letter dealing with other matters.

25CR 2009/9, p. 12, .para. 24.
26
CR 2009/9, p. 14, para. 34.
27CR 2009/9, p. 39, para. 39. - 22 -

18. Moreover, the possibility of arbitration had been invoked before, in Belgium’s Note

of4May2006, of which Senegal took due note in its reply of 9May2006. And a reminder was

sent by Belgium on 8May2007, of which Senegal was certainly aware. Even if the six-month

period is measured from the date of the reminder, it had long passed when Belgium commenced the

present proceedings before the Court.

19. Mr. Dianko suggested that the measures sought by Belgium were not in accordance with

the Torture Convention; would prejudice the me rits; and would deprive Senegal of its right ⎯ we

would say, of its obligation ⎯ to try Mr. Habré under the Torture Convention. All these arguments

seem to be based on the same convoluted train of thought that I referred to earlier, which may itself

be based on a misunderstanding of the provisional measure sought by Belgium.

20. ProfessorAliouneSall addressed urgency. Urgency is not, of course, a separate

requirement. It emphasizes the need for a real risk of irreparable prejudice which must be present

before provisional measures are indicated. ProfessorDavid has already explained why, not

withstanding the brave attempt ⎯ by our colleagues on the other side ⎯ to put PresidentWade’s

remarks to the press in the most favourable light, we are inevitably deeply concerned by what he

said, and not only in the Radio France International interview, but on other occasions as well that

are included in the documents submitted by Belgium.

21. The Agent of Senegal, Mr.Thiam, drew attention to the Banjul Decision by the

Assembly of Heads of State and Government of the African Union and pointed out that it made

28
reference to the fact that Senega l had ratified the Torture Convention . He deduced from this

reference that efforts now to prosecute Mr. Habré in Senegal were based on ⎯ s’appuie sur ⎯ the

obligations for Senegal flowing from its ratification of the Torture Convention. Quite apart from

the fact that that contradicts his previous asser tion that Article7 had been implemented in2000,

with the abortive criminal proceedings at that ti me, there is nothing in the language of the African

Union Decision that supports the consequences that he now seeks to derive from it.

28
CR 2009/9, p. xx, para. xx. - 23 -

22. Mr. Oumar Gaye suggested yesterday that Belgium had not specified the rights which it

sought to protect, and cited the Democratic Republic of Congo v. Rwanda case. On that I can

simply refer you to what I said yesterday 29.

23. Mr.OumarGaye then addressed the need fo r a real risk of irreparable prejudice. He

described the risk that Mr.Habré woul d be set free as “very far from likely” 30. He claimed that

Belgium had failed to explain why the release of Mr. Habré would cause irreparable damage to his

rights. He tried to show that Belgium no longer had any rights under the provisions of the Torture

Convention to which it referred. In doing so he brought out clearly the differences over the

interpretation of the Convention when he sought to argue that our Application was without

substance because Senegal had already fulfilled its obligations under the Convention. We were

told that, in the case of none of the provisions we had cited was there a real risk of irreparable

prejudice. And why was this? Article 5 (2) w as no longer an issue since Senegal had now passed

the necessary legislation. That was a year or two ago. Article7 was equally no longer an issue

because Senegal had complied with it in 2000, when it had placed Mr.Habré on trial. This is a

remarkable interpretation of the Convention. Th at prosecution failed because the legislation was

not in place. For Articles 5 and 7 to be properly applied the State must ensure that the legislation is

in place before the trial, not after. He went on to say that “[h]aving regard to the decision of the

African Union, Senegal has never had, and has, no intention to terminate the measures of control

31
and surveillance taken in respect of Mr. Habré” . Mr. President, these words “having regard to the

decision of the African Union” are significant. They confirm the point I made yesterday and I have

repeated today, that Senegal only regards itself as under an obligation not to release Mr.Habré

because of the mandate given to it by the African Union, not because of its obligations owed to

Belgium under the Torture Convention. That is the essence of the dispute between Belgium and

Senegal, a dispute which originated in 2005 and which persists today.

24. Mr.Gaye went on to describe the effectiveness of the measures taken in regard to

Mr.Habré. Belgium does not doubt that the me asures have proved effective. Our concern,

29CR 2009/8, p. xx, para. xx.
30
Para. 7.
31Para. 14. - 24 -

provoked by the recent statements of PresidentWade, is that they may at any moment be

32
discontinued. Mr. Gaye suggested that that risk was “distant and hypothetical” . I hope we said

enough yesterday and today to convince you that this is not the case 33. The risk is real and urgent.

25. Mr. Gaye further says that at no moment before 2009 did Belgium call upon Senegal to

take particular measures to prevent Mr.Habré’s flight. If the point he seeks to make is that this

shows it is not urgent, it is, with respect, a bad point. The simple fact is that it was only towards

the end of 2008 that Senegal threatened to send Mr. Habré out of the territory.

26. Mr.President, Members of the Court, we heard from Mr.Abdoulaye Dianko that new

proceedings were instituted in respect of Mr.Ha bré before the African Court of Human Rights.

This is in addition to proceedings in the ECOWAS Community Court of Justice. Mr. Dianko told

us of the need for Senegal “to defend itself agains t the attempts by Mr. Hissène Habré to make fail

Senegal’s determination to respect its obligations under the Torture Convention . . . and to put into

effect the mandate conferred upon it by the African Union”. This was the first that Belgium had

heard about the action in the African Court of Human Rights, but it can only increase our concern

about a possible order from a regional court that could prejudice Belgium’s rights in these

proceedings, unless provisional measures are indicated and it is accepted, either as a matter of

judicial comity or because of the United Nations Charter, that the obligations under such

provisional measures prevail. Mr .Dianko himself talked of an effort to prevent Senegal from

carrying out its obligations under the Torture Conv ention. That was a welcome and all too rare

acknowledgment by Senegal of its current obligations under the Convention in respect of

Mr. Habré.

27. Mr. President, Members of the Court, that concludes my intervention in reply. I would

now ask you to give the floor to the Co-Agent of Belgium, Mr.GérardDive, who will conclude

Belgium’s oral submissions. Thank you.

LE PRESIDENT : Je vous remercie, sir Michael Wood, de votre exposé. J’invite maintenant

à la barre M. Gérard Dive pour donner son exposé de conclusions.

32
16.
3CR 2009/8, xxx - 25 -

M. DIVE : Merci, Monsieur le président.

C ONCLUSIONS FINALES

1. Monsieur le président, Messieurs les Membres de la Cour, l’honneur me revient, en ma

qualité de coagent, de prononcer les conclusions finales du Royaume de Belgique, dans le cadre de

cette procédure de demande en indication de mesu res conservatoires. Ces conclusions incluront,

très logiquement, la réponse à la question posée hier par M.
le juge Greenwood.

2. Monsieur le président, Messieurs les Membres de la Cour, comme le soulignait hier

sirMichaelWood, l’adéquation des mesures cons ervatoires demandées par mon pays dans cette

affaire est notamment confirmée par la décision du Comité contre la torture rendue en 2001.

Celle-ci, rappelons-le, répondait au recours individuel introduit devant ce comité par des personnes

se déclarant victimes des crimes imputés à M. HissèneHabré et demandait au Sénégal, à titre

conservatoire «de ne pas expulser Hissène Habré et de prendre toutes les mesures nécessaires pour

empêcher que ce dernier ne quitte le territoire».

3. Comme nous l’avons précisé hier et aujourd’hui, la Belgique considère :

1. que la Cour dispose bien d’une compétence prima facie dans cette affaire, sur la base, à la fois

de la convention de 1984 et des déclarations reconnaissant la compétence de la Cour, effectuées

par le Royaume de Belgique et la République du Sénégal ;

2. qu’il existe un lien clair entre les droits invoqués par la Belgique dans cette affaire et les droits

qui doivent être protégés par les mesures conservatoires demandées par la Belgique ;

3. que, sauf si des mesures conservatoires sont accordées, il existe un risque de préjudice

irréparable aux droits invoqués par la Belgique.

4. Ce faisant, la Belgique invite respectueusement la Cour à donner effet, par son

ordonnance, au principe issu de la jurisprudence de la Cour permanente de Justice internationale,

principe selon lequel les parties à une affaire doivent s’abstenir de toute mesure susceptible de

causer un préjudice irréparable quant à l’exécution de la décision qui pourrait être finalement

adoptée par la Cour ( Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie, ordonnance du

5 décembre 1939, C.P.J.I. série A/B n o 79, p. 199). - 26 -

Si M. Hissène Habré devait quitter le territoir e sénégalais, autrement que pour être jugé pour

les crimes dont il est accusé en Belgique, il y aurait, de toute évidence, violation de ce principe

fondamental.

5. Monsieur le président, Messieurs les Memb res de la Cour, hier, M.le jugeGreenwood a

posé deux questions, une à chacune des Parties. Il souhaitait savoir, au regard de ce qu’ont dit hier

les agents et conseils du Sénégal, si le Sénégal ét ait prêt à déclarer solennellement devant la Cour

qu’il ne laisserait pas M.Habr é quitter le Sénégal aussi longtemps que la présente affaire est

examinée par la Cour.

Par ailleurs, M.le jugeGreenwood a demandé à la Belgique cette fois, si elle pouvait

accepter une telle déclaration comme une garantie suffisante pour les droits qu’elle invoque dans

l’affaire portée devant la Cour.

6. Monsieur le président, Messieurs les Membres de la Cour, au nom du Gouvernement

belge, je suis autorisé à répondre à cette question de la manière suivante. Une telle déclaration

solennelle, prononcée par l’agent du Sénégal deva nt la Cour, au nom de son gouvernement,

pourrait suffire au Royaume de Belgique pour cons idérer que sa demande d’indication en mesures

conservatoires n’aurait plus d’objet, moyennant les précisions suivantes.

Cette déclaration devrait être claire et san s condition: il devrait s’agir d’une déclaration

selon laquelle toutes les mesu res nécessaires seront prises par le Sénégal pour que

M.HissèneHabré ne quitte pas le territoire sénég alais tant que la Cour n’aura pas rendu son

jugement final dans le cadre de la présente instance.

Ayant notamment à l’esprit l’impact potentiel de certaines instances en cours devant d’autres

juridictions, dont la Cour de la CEDEAO et la Cour africaine des droits de l’homme, la Belgique

souhaiterait que la Cour re prenne cette déclaration dans le di spositif de son ordonnance, afin que

cette déclaration ait la même force qu’une mesure conservatoire indiquée par la Cour.

7. Monsieur le président, Messieurs les Membres de la Cour, ce sont des déclarations

récentes, multiples et, de ce fait, alarmantes du président sénégalais qui ont conduit la Belgique à

demander, par le biais de la procédure en indication de mesures conservatoires, le maintien des

mesures empêchant M. Hissène Habré de quitter le territoire sénégalais. Dès lors, une déclaration

solennelle, telle que précisée il y a un instant, donne rait, sous cet angle, tout apaisement à la - 27 -

Belgique sur la préservation de ses droits, tant que la présente affaire sera pendante devant cette

Cour.

8. Bien entendu, si, entre-temps, d’autres circons tances devaient mettre ses droits en péril, la

Belgique considère intact son droit à dema nder de nouvelles mesures conservatoires aussi

longtemps que la présente instance est examinée devant la Cour.

9. Monsieur le président, Messieurs les Memb res de la Cour, sous réserve de ce que j’ai

indiqué il y a un instant au sujet de la seconde qu estion posée hier par M. le juge Greenwood, seule

l’indication par la Cour des mesures conservatoir es demandées par la Belg ique serait de nature,

selon notre avis, à protéger nos droits dans cette affaire.

10. Par conséquent, la Belgique prie resp ectueusement la Cour d’indiquer les mesures

conservatoires suivantes : il est demandé à la République du Sénégal de prendre toutes les mesures

en son pouvoir pour que M.HissèneHabré reste sous le contrôle et la surveillance des autorités

sénégalaises afin que les règles de droit internati onal dont la Belgique demande le respect puissent

être correctement appliquées.

11. Conformément à l’article 60, paragraphe 2, du Règlement de la Cour, une copie du texte

écrit que je viens de lire signé par l’agent sera communiquée à la Cour et transmise à la Partie

adverse dans quelques instants.

12. Monsieur le président, Messieurs les Memb res de la Cour, par ces mots se terminent les

interventions du Royaume de Belgique au présent stade de la procédure devant la Cour.

Par ma voix, c’est l’ensemble de la déléga tion belge qui remercie la Cour de l’aimable

attention qu’elle a portée à ses propos au cours de ces deux dernières journées. Merci, Monsieur le

président.

LE PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Gérard Dive, de votre exposé de conclusions.

Cela met fin au second tour d’observations orales de la Belgique. La Cour se réunira demain

à 16 h 30 pour entendre le second tour d’observations orales du Sénégal. La séance est levée.

L’audience est levée à 17 h 40.

___________

Document Long Title

Audience publique tenue le mardi 7 avril 2009, à 16 h 30, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Owada, président, en l'affaire relative à des Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal)

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