Audience publique tenue le lundi 21 janvier 2008, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président, en l'affaire relative à Certaines questions concernant l'entraide jud

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136-20080121-ORA-01-00-BI
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2008/1
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CR 2008/1

Cour internationale International Court
de Justice of Justice

LAAYE THHEGUE

ANNÉE 2008

Audience publique

tenue le lundi 21 janvier 2008, à 15 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de Mme Higgins, président,

en l’affaire relative à Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale
(Djibouti c. France)

________________

COMPTE RENDU
________________

YEAR 2008

Public sitting

held on Monday 21 January 2008, at 3 p.m., at the Peace Palace,

President Higgins presiding,

in the case concerning Certain Questions of Mutual Assistance in Criminal Matters
(Djibouti v. France)

____________________

VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -

Présents : Mme Higgins,président
Al-Kh.vse-prh,ident

RanMjva.
Shi
Koroma
Parra-Aranguren

Buergenthal
Owada
Simma
Tomka

Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skoteiskov,

GuMilMu.me
juYessuf, ad hoc

Cgoefferr,

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -

Present: Presieitgins
Vice-Presi-nhtasawneh

Judges Ranjeva
Shi
Koroma
Parra-Aranguren

Buergenthal
Owada
Simma
Tomka

Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skotnikov

Judges ad hoc Guillaume
Yusuf

Registrar Couvreur

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -

Le Gouvernement de la République de Djibouti est représenté par :

S. Exc. M. Siad Mohamed Doualeh, ambassadeur de la République de Djibouti auprès de la
Confédération suisse,

comme agent ;

M. Phon van den Biesen, avocat, Amsterdam,

comme agent adjoint ;

M. Luigi Condorelli, professeur à la faculté de droit de l’Université de Florence,

comme conseil et avocat ;

M. Djama Souleiman Ali, procureur général de la République de Djibouti,

M. Makane Moïse Mbengue, docteur en droit, chercheur, Hauser Global Law School Program de
la faculté de droit de l’Université de New York,

M. Michail S. Vagias, Ph.D. Cand. à l’Université de Leyde, chercheur, Greek State Scholarship’s
Foundation,

M. Paolo Palchetti, professeur associé à l’Université de Macerata (Italie),

Mme Souad Houssein Farah, conseiller juridique à la présidence de la République de Djibouti,

comme conseils.

Le Gouvernement de la République française est représenté par :

Mme Edwige Belliard, directeur des affaires ju ridiques du ministère des affaires étrangères et

européennes,

comme agent ;

M. Alain Pellet, professeur à l’Université ParisX-Nanterre, membre et ancien président de la

Commission du droit international des Nations Unies, associé de l’Institut de droit international,

M. Hervé Ascencio, professeur à l’Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne),

comme conseils ;

M. Samuel Laine, chef du bureau de l’entraide pénale internationale au ministère de la justice,

comme conseiller ; - 5 -

The Government of the Republic of Djibouti is represented by:

Mr. Siad Mohamed Doualeh, Ambassador of the Republic of Djibouti to the Swiss Confederation,

as Agent;

Mr. Phon van den Biesen, Attorney at Law, Amsterdam,

as Deputy Agent;

Mr. Luigi Condorelli, Professor at the Faculty of Law of the University of Florence,

as Counsel and Advocate;

Mr. Djama Souleiman Ali, Public Prosecutor of the Republic of Djibouti,

Mr. Makane Moïse Mbengue, Doctor of Law, Researcher, Hauser Global Law School Program,
New York University School of Law,

Mr.MichailS.Vagias, Ph.D. Cand. Leiden Univ ersity, Scholar of the Greek State Scholarships
Foundation,

Mr. Paolo Palchetti, Associate Professor at the University of Macerata (Italy),

Ms Souad Houssein Farah, Legal Adviser to the Presidency of the Republic of Djibouti

as Counsel.

The Government of the French Republic is represented by:

Ms Edwige Belliard, Director of Legal Affairs, Ministry of Foreign and European Affairs,

as Agent;

Mr. Alain Pellet, Professor at the University of Paris X-Nanterre, Member and former Chairman of
the United Nations International Law Commi ssion, Associate of the Institut de droit
international,

Mr. Hervé Ascencio, Professor at the University of Paris I (Panthéon-Sorbonne),

as Counsel;

Mr.Samuel Laine, Head of the Office of Inte rnational Mutual Assistance in Criminal Matters,
Ministry of Justice,

as Adviser; - 6 -

Mlle Sandrine Barbier, chargée de mission à la direction des affaires juridiques du ministère des
affaires étrangères et européennes,

M. Antoine Ollivier, chargé de mission à la di rection des affaires juridiques du ministère des
affaires étrangères et européennes,

M. Thierry Caboche, conseiller des affaires étrangères à la direction de l’Afrique et de l’océan
Indien du ministère des affaires étrangères et européennes,

comme assistants. - 7 -

MsSandrine Barbier, Chargée de mission, Director ate of Legal Affairs, Ministry of Foreign and
European Affairs,

Mr.Antoine Ollivier, Chargé de mission, Directorate of Legal Affairs, Ministry of Foreign and
European Affairs,

Mr.Thierry Caboche, Foreign Affa irs Counsellor, Directorate for Africa and the Indian Ocean,
Ministry of Foreign and European Affairs,

as Assistants. - 8 -

Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. La C our se réunit aujourd’hui, en application des

articles43 et suivants de son Statut, pour entendr e les Parties en leurs plaidoiries dans l’affaire

relative à Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c.

France).

Avant de rappeler les principales étapes de la procédure en l’espèce, je voudrais indiquer tout

d’abord que le juge Abraham a estimé devoir ne pas participer au règlement de l’affaire, compte

tenu des dispositions du paragraphe 2 de l’article17 du Statut de la Cour. En application de

l’article31 du Statut et du paragraphe1 de l’article37 du Règlement, la France a désigné

M. Gilbert Guillaume en qualité de juge ad hoc en l’affaire.

La Cour ne comptant en l’espèce sur le siège aucun juge de la nationalité de la République

de Djibouti, cette Partie a usé de la faculté qui lui est conférée par le paragraphe 2 de l’article 31 du

Statut de désigner un juge ad hoc pour siéger en l’affaire: elle a désigné M. Abdulqawi Ahmed

Yusuf.

L’article 20 du Statut de la Cour dispose que «[t]out membre de la Cour doit, avant d’entrer

en fonction, prendre l’engagement solennel d’exercer ses attributions en pleine impartialité et en

toute conscience». Cette disposition est applicable aux juges ad hoc également, en vertu du

paragraphe 6 de l’article 31 du Statut.

Avant d’inviter les juges ad hoc à faire leur déclaration solennelle, je dirai d’abord, selon

l’usage, quelques mots de leur carrière et de leurs qualifications.

M.Gilbert Guillaume, de nationalité française, est licencié en droit et diplômé d’études

supérieures d’économie politique et de science économ ique de l’Université de Paris, il est aussi

diplômé de l’Institut d’études politiques de Pa ris et ancien élève de l’Ecole nationale

d’administration. Eminent juriste, il a mené une ca rrière tout à la fois de magistrat et de haut

fonctionnaire, tant au plan national qu’internati onal. Il est membre honoraire du Conseil d’Etat,

après avoir été conseiller d’Etat. Il a exercé les fonctions de représentant de la France au comité

juridique de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), qualité en laquelle il a assuré

la présidence de ce comité de 1971 à 1975. Il a été président de la commission de conciliation de

l’Organisation de coopération et de développeme nt économiques (OCDE) puis a été directeur des - 9 -

affaires juridiques de cette même organisation. M. Guillaume a été directeur des affaires juridiques

au ministère français des affaires étrangères. A ce titre, il a exercé, entre autres, des fonctions

d’agent de la France devant la Cour de justice des Communautés européennes et devant la Cour

européenne des droits de l’homme. M.Guillaume a été membre de la Cour internationale de

Justice de 1987 à 2005, et président de la Cour du 6 février 2000 au 5 février 2003. Il a été désigné

pour siéger en qualité de juge ad hoc dans l’affaire relative à Certaines procédures pénales

engagées en France (République du Congo c. France) ainsi que dans l’affaire du Différend relatif à

des droits de navigation et des dro its connexes (CostaRica c.Nicaragua) . M. Guillaume est

membre de la Cour permanente d’arbitrage depui s 1980, et il a siégé en tant qu’arbitre dans un

grand nombre d’affaires.

M.Abdulqawi Ahmed Yusuf, de nationalité somalienne, est docteur ès sciences politiques

(droit international) de l’Institut universitaire de hautes études internationales de Genève et docteur

en droit de l’Université nationale de Somalie. Il a occupé, en tant qu’enseignant, de nombreux

postes dans le monde entier, notamment à la faculté de droit de l’Univer sité de Genève; il a

également enseigné à l’Institut universitaire européen de Florence. M. Yusuf est jurisconsulte de

l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), directeur de

l’office des normes internationales et des affaires juridiques de cette organisation. Auparavant, il a

été sous-directeur général à l’ Organisation des Nations Unies pour le développement industriel

(ONUDI) et a assumé différentes fonctions à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et

le développement (CNUCED). Il a représenté à plusieurs reprises la Somalie à l’Organisation de

l’Unité africaine et à la Ligue des Etats arabes.

Conformément à l’ordre de préséance défini au paragraphe3 de l’article7 du Règlement,

j’invite tout d’abord M.Guillaume à prendre l’e ngagement solennel prescrit par le Statut et je

demande à toutes les personnes présentes à l’audience de bien vouloir se lever.

M. GUILLAUME :

«Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes

attributions de juge en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et
en toute conscience.» - 10 -

Le PRESIDENT: Je vous remercie. J’invite maintenant M.Yusuf à prendre l’engagement

solennel prescrit par le Statut.

M. YUSUF :

«Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes
attributions de juge en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et
en toute conscience.»

Le PRESIDENT : Je vous remercie. Veuillez vous asseoir. Je prends acte des déclarations

solennelles faites par MM.Guillaume et Yusuf et déclare ceux-ci dûment installés en qualité de

juges ad hoc en l’affaire relative à Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière

pénale (Djibouti c. France).

*

Je rappellerai à présent les principales étapes de la procédure en l’espèce.

Le 9 janvier 2006, la République de Djibouti a déposé au Greffe de la Cour une requête

contre la République française au sujet d’un différend

«port[ant] sur le refus des autorités gouvernementales et judiciaires françaises
d’exécuter une commission rogatoire internationale concernant la transmission aux
autorités judiciaires djiboutiennes du dossier relatif à la procédure d’information
relative à l’Affaire contre X du chef d’assassinat sur la personne de Bernard Borrel et

ce, en violation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le
Gouvernement [djiboutien] et le Gouvernement [français] du 27 septembre 1986, ainsi
qu’en violation d’autres obligations interna tionales pesant sur la République française
envers la République de Djibouti».

S’agissant du refus d’exécuter une commission roga toire internationale, la requête invoquait

également la violation du traité d’amitié et de coopération conclu entre la France et Djibouti le

27 juin 1977. La requête faisait en outre état de l’émission, par les autorités judiciaires françaises,

de convocations à témoigner adressées au chef de l’Etat djiboutien et à de hauts fonctionnaires

djiboutiens, convocations qui au raient méconnu les dispositions dudit traité d’amitié et de

coopération, ainsi que les principes et règles rela tifs aux privilèges et immunités diplomatiques

énoncés dans la convention de Vienne du 18avri l1961 sur les relations diplomatiques et les

principes relatifs aux immunités internationales établis en droit international coutumier, tels que les - 11 -

reflète notamment la convention du 14décemb re1973 sur la prévention et la répression des

infractions contre les personnes jouissant d’une pr otection internationale, y compris les agents

diplomatiques.

Dans sa requête, Djibouti indiquait qu’il ente ndait fonder la compétence de la Cour sur le

paragraphe5 de l’article38 du Règlement et était «confian[t] que la République française

acceptera[it] de se soumettre à la compétence de la Cour pour le règlement du présent différend».

Le paragraphe 5 de l’article 38 du Règlement dispose ce qui suit :

«Lorsque le demandeur entend fonder la compétence de la Cour sur un
consentement non encore donné ou manifesté par l’Etat contre le quel la requête est

formée, la requête est transmise à cet Etat. Toutefois elle n’est pas inscrite au rôle
général de la Cour et aucun acte de procé dure n’est effectué tant que l’Etat contre
lequel la requête est formée n’a pas accepté la compétence de la Cour aux fins de
l’affaire.»

En application de cette disposition, dès réception de la requête, le greffier en a transmis un

exemplaire au Gouvernement français, et a inform é l’un et l’autre Etat que, conformément à la

disposition en question du Règlement, la requête ne serait pas inscrite au rôle général, et qu’aucun

acte de procédure ne serait effectué, tant que l’Etat contre lequel la requête était formée n’aurait pas

accepté la compétence de la Cour aux fins de l’affaire.

Par lettre datée du 25 juillet 2006 et reçue au Greffe le 9 août 2006, le ministre français des

affaires étrangères a informé la Cour que «la Ré publique française accept[ait] la compétence de la

Cour pour connaître de la requête en application et sur le se ul fondement de l’article 38,

paragraphe 5», du Règlement, ce qui a permis l’inscription de l’affaire au rôle général de la Cour.

Par ordonnance en date du 15novembre2006, la Cour a fixé au 15mars2007 et au

13juillet2007, respectivement, le s dates d’expiration des délais pour le dépôt du mémoire de la

République de Djibouti et du c ontre-mémoire de la République française. Ces pièces ont été

dûment déposées dans les délais ainsi prescrits.

Les Parties n’ayant pas jugé nécessaire la présentation d’une réplique et d’une duplique, et la

Cour n’en ayant pas vu davantage la nécessité, l’affaire s’est ainsi trouvée en état.

Le 22 novembre 2007, la République de D jibouti a déposé des documents additionnels

qu’elle souhaitait présenter en l’affaire. Par le ttre du 4 décembre 2007, l’agent de la République

française a informé la Cour que son gouvernement ne voyait pas d’objection à la production de ces - 12 -

documents, tout en faisant observer, d’une part, que cette absence d’objection ne pouvait «être

interprétée comme un consentement à une extension de la compétence de la Cour telle qu’elle

a[vait] été acceptée par la France par la lettre du 25 juillet 2006» et, d’autre part, que «certains des

documents présentés constitu[ai]ent des publications facilement accessibles au sens [du

paragraphe 4] de l’article 56 du Règlement». Par lettres du 7 décembre 2007, le greffier a informé

les Parties que la Cour avait d écidé d’autoriser la production des documents en question et avait

pris dûment note des observations formulées par l’ agent de la France quant à l’interprétation à

donner à son absence d’objection à ladite production.

Conformément au paragraphe2 de l’article 53 du Règlement, la Cour, après s’être

renseignée auprès des Parties, a décidé que d es exemplaires des pièces de procédure et des

documents qui leur sont annexés seraient rendus accessibles au public à l’ouverture de la procédure

orale.

*

Je constate la présence à l’audience des agents, conseils et avocats des deux Parties.

Conformément aux dispositions relatives à l’organisation de la procédure orale arrêtées par la Cour,

les audiences comprendront un premier et un second tours de plaidoiries. Le premier tour de

plaidoiries débute aujourd’hui et se terminera le vendredi 25 janvier 2008. Le second tour de

plaidoiries s’ouvrira le lundi 28 janvier 2008 et s’achèvera le mardi 29 janvier 2008.

Je donne à présent la parole à S. Exc. M. Siad Mohamed Doualeh, agent de la République de

Djibouti. Vous avez la parole.

M. DOUALEH :

INTRODUCTION

1. Madame le président, Messieurs de la Cour, c’est un grand honneur pour moi de me

présenter devant vous en ma qualité d’agent de la République de Djibouti, pour introduire le

premier tour de plaidoiries de la République de Djibouti dans cette affaire qui l’oppose à la

République française. La présence de la République de Djibouti devant cette Cour au titre de - 13 -

Partie demanderesse témoigne de son profond attachement au principe du règlement pacifique des

différends. Depuis son accession à l’indépendance en 1977, la République de Djibouti a choisi de

participer à la vie internationale comme un Etat respectueux du droit international. Telle est la

philosophie qui a déterminé mon pays à reconnaître la juridiction obligatoire de votre Cour pour

tous les différends d’ordre juridique qui l’opposeraient à tout autre Etat acceptant la même

obligation. La soumission du présent différend à votre Cour constitue une étape majeure dans

l’histoire de ce petit Etat qu’est Djibouti et qui a accédé à l’indépendance il n’y a de cela que

trente ans.

2. Permettez-moi toutefois, Madame le président, de rendre à César ce qui est à César. Bien

que cette affaire portée devant votre Cour l’ait ét é par le biais d’une requê te de la République de

Djibouti introduite au titre de l’article40, paragraphe1, du Statut de la Cour et de l’article38,

paragraphe5, du Règlement et non par le biais d’un compromis, l’idée de la soumission de ce

différend à la plus illustre des juridictions intern ationales a germé lors d’une rencontre entre le

président de la République française d’alors et le pr ésident de la République de Djibouti. Sur cette

base, il est apparu utile et nécessaire à Djibouti de r ecourir à la Cour internationale de Justice afin

d’apporter une solution définitive au différend ju ridique ainsi qu’aux te nsions diplomatiques

auxquels a donné lieu la procédure d’entraide judi ciaire entre la République de Djibouti et la

République française dans le cadre de la fameuse «affaire Borrel».

3. Bien entendu nous ne sommes pas réunis aujourd’hui pour que la Cour juge de

l’«affaireBorrel» sur laquelle je reviendrai sous peu. Seulement, tout effet ayant sa cause, il est

important de souligner dès à présent que les relations traditionnellement fort amicales entre la

République française et la République de Djibouti se sont ternies et détériorées progressivement du

fait de l’«affaire Borrel». Sans cette affaire, dont les tenants et les aboutissants demeurent à ce jour

confus et contradictoires, la coopération entr e la France et Djibouti notamment en matière

d’entraide judiciaire ne connaîtrait aucun obstacle véritable. De même, sans cette affaire, les

autorités djiboutiennes n’auraient jamais été confrontées à la diffamation et aux atteintes diverses

dont elles ont fait l’objet durant des années en mé connaissance de leur statut et des garanties que

leur confère le droit des gens dans l’exercice de leurs fonctions. - 14 -

4. En dépit des remous déplorables qui secoue nt çà et là les relations franco-djiboutiennes

suite à l’«affaire Borrel», la République de D jibouti tient à rappeler solennellement sa foi aux

idéaux de la justice internationale et aux liens ét roits qui caractérisent les relations entre le peuple

djiboutien et le peuple français. Djibouti demeure convaincue que tant l’esprit que la lettre du droit

international triompheront encore une fois dans l’enceinte du Palais de la paix. Du fait de son

statut unique d’«organe judiciaire principal des NationsUnies», elle a pleinement confiance en

votre Cour pour donner plein effet de droit aux principes d’égalité , d’amitié et de coopération de

bonne foi entre les nations.

5. Contrairement au défendeur qui a, à la gra nde surprise de la République de Djibouti, émis

des réserves sur la compétence ratione materiae et ratione temporis de la Cour dans le présent

différend, la République de Djibouti est persuadée qu’un règlement adéquat et définitif dudit

différend dans son entièreté serait à même d’apporter des éclair cies dans le ciel devenu fort

ombrageux des relations entre la République fran çaise et la République de Djibouti. Seul un

jugement ayant vocation à faire cesser tous les faits illicites internationaux commis par les autorités

françaises est de nature à rétablir le statu quo ante dans les relations franco-djiboutiennes et à

restaurer pleinement les droits souverains de Djib outi. La République de Djibouti n’en attend pas

plus ni moins de votre Cour et elle espère que la République française, malgré son comportement

en violation manifeste du droit international, s’inscrira cette semaine dans le même état d’esprit

constructif.

6. Madame le président, Messieurs les juges, qu’il me soit permis de rappeler ici que l’ordre

juridique international contemporain est articulé et fondé autour d’un principe sacro-saint : celui de

l’égalité entre Etats. Ce principe est le garant de la stabilité des relations internationales. Il est

également fondamental pour prévenir et éviter qu’un ét at de nature dans lequel le fort domine le

faible ne puisse s’instaurer dans la société intern ationale. Or, si une chose est certaine, c’est que

dans le champ essentiel de l’entraide judiciaire a fférente au dossier Borrel, la République française

a agi aux antipodes du principe d’égalité entre Etats. Certes, la République de Djibouti n’est qu’un

petit Etat composé de 700 000 habitants faisant face à un Etat comptant une population de plus de

60millions d’habitants. Certes, la République de Djibouti est un Etat comptant parmi les plus

pauvres et les moins avancés au monde, situati on sans commune mesure par rapport à un des Etats - 15 -

les plus puissants et les plus riches au monde. Cependant, ces caractéristiques n’excluent pas de

jure l’obligation de respecter le principe d’égalité entre Etats et l’un de ses corollaires, à savoir la

réciprocité dans les relations internationales.

7. Les comportements de la République françai se en violation manifeste de ses obligations

internationales en matière d’entraide judiciaire sont constitutifs mutatis mutandis d’autant de

violations du principe d’égalité entre Etats et de remise en cause de principes ô combien essentiels

de l’ordre international que sont la réciprocité, l’amitié et la c oopération entre Etats. Tout Etat,

indifféremment de sa taille et de son degré de déve loppement a droit à ce que le respect, l’amitié et

la coopération lui soient entièrement dévolus. Parallèlement, tout Etat ⎯même puissant et

riche ⎯ a l’obligation d’assurer et de faire en so rte avec toute la diligence due que ses organes

exécutifs, législatifs et judiciaires respectent ces principes fondateurs du monde civilisé que sont

l’égalité, la coopération et l’amitié. C’est pourquoi votre Cour est plus que jamais interpellée

aujourd’hui à donner la primauté et la force à la règle de droit international.

8. Au-delà de l’aspect litigieux que revêt en général tout différend, il faut garder à l’esprit

que la présence de Djibouti et de la France devant votre auguste Cour est animée par un fort désir

de renforcement des liens de coopération et d’amitié. Cela s’inscrit en droite ligne avec le traité

d’amitié et de coopération entre la République française et la République de Djibouti signé à

Djibouti le 27 juin 1977, lequel proclame dans son préambule le souci des deux Etats «de mettre en

Œuvre les buts et principes de la Charte de l’ Organisation des Nations Unies tendant à promouvoir

la coopération internationale et les relations amicales entre les nations». La République de Djibouti

n’aura de cesse de le réitérer lors de ses plaidoiries: elle souha ite que la Cour parvienne à une

solution positive du différend afin de débloque r une situation qui perdure et qui ternit

pernicieusement la coopération intern ationale entre la France et Djibouti. Il en va des intérêts

essentiels de la République de Djibouti en tant qu ’Etat souverain. En effet, les comportements

attribuables aux autorités françaises portent préjudice au fonctionnement régulier de l’Etat

djiboutien du fait du discrédit jeté sur ses plus haut es autorités, dont le président de la République,

et empêchent certains de ses hauts responsables d’exercer en toute plénitude leurs fonctions.

9. Madame le président, Messieurs de la Cour, peu d’Etats auraient accepté de subir avec la

patience et la tolérance dont a fait montre Dji bouti durant des années les atteintes qui ont frappé - 16 -

certaines de ses plus hautes autorités. Face au manque de coopération de bonne foi mais surtout

aux manquements vis-à-vis des princi pes élémentaires de la courtois ie internationale et du droit

coutumier afférent aux immunités, la République de Djibouti a incessamment répondu par un souci

constant de bonne foi de préserve r les relations historiques d’amitié et de coopération entre les

deux peuples. Djibouti a préféré Œuvrer dans le sens du respect de ses engagements internationaux

en offrant et en facilitant à la France tous les canaux nécessaires et appropriés à la mise en place

effective de l’entraide judiciaire. Les autor ités djiboutiennes se sont ainsi singularisées par un

dynamisme et une volonté propres à accorder à la France l’entraide judiciaire «la plus large

possible», allant jusqu’à mettre à la disposition de celle-ci les moyens humains et financiers de

Djibouti et à ouvrir à deux occasions aux enquêteurs, juges, journalistes et aux parties civiles

français les portes du palais présidentiel ⎯ chose inimaginable en France !

10. La Cour est sûrement informée de l’a ttention médiatique soutenue qui accompagne et

entoure l’«affaire Borrel». Point n’est dans l’intention de la République de Djibouti de donner à la

Cour son opinion sur les relents et les conséquences de cette campagne médiatique. Toutefois, elle

souhaite attirer l’attention de la Cour sur les «Conclusions de Marie-Paule Moracchini», magistrat

français ayant instruit l’«affaire Borrel» pendant quelques années. Cette pièce qui est versée à

votre dossier, offre une vision objective des tenants et aboutissants de l’affaire y compris de son

traitement par les parties civiles et les médias. Il est aisé de constater, en outre, que les agissements

de ces derniers n’ont pas véritablement donné lie u à une prise de position nette de la part des

autorités françaises visant à garantir le respect du droit international dans les limites de leur

juridiction.

11. A cet égard, il faut souligner, Madame le président, que le respect par la République

française du droit et des engagements pris par elle a souvent fait défaut dans la présente espèce.

L’exemple le plus patent a trait à l’engagement donné dans un premier temps d’exécuter la

commission rogatoire internationale demandée par la République de Djibou ti, engagement réitéré

dans un second temps, puis réduit à néant suite au revirement inattendu de la France consistant à

opposer un niet définitif à la demande djiboutienne. Cette violation des engagements et assurances

donnés a grandement déçu les attentes légitimes de Djibouti à l’aune des règles et principes

formulés par la convention d’entraide judiciaire en matière pénale de 198 6. Et pourtant, Madame - 17 -

le président, Messieurs de la Cour, vous convi endrez avec moi qu’aucun Etat n’est en droit de

violer à sa guise ses obligations internationales contrairement au principe essentiel pacta sunt

servanda et, de surcroît, de porter atteinte aux im munités d’un autre Etat, fût-il petit, pauvre ou

faible.

12. L’«affaire Borrel» qui a servi de réceptacle à des violations du droit international de la

part de la France ne saurait éclipser ou vider de leur effet juridique les principes et règles du droit

international applicables en l’espèce et sur lesque ls Djibouti entend fonder ses plaidoiries. Je le

soulignais au début de mon intervention, à l’ «affaire Borrel» se rattachent des faits illicites

internationaux divers imputables à la République française. Cette affaire trouve son origine dans la

procédure ouverte par les autorités judiciaires fran çaises à la suite de la mort en octobre1995 du

juge Bernard Borrel sur le territoire de la Républi que de Djibouti. La mort du juge Borrel a donné

lieu à différentes thèses quant aux causes du décès, à tel point qu’il serait plus approprié de parler

des «affaires» Borrel que d’une affaire Borrel au singulier. Si la thèse du suicide a d’abord été

privilégiée notamment par les autorités françaises, celle-ci a été mise ultérieurement en doute suite

à une expertise médicolégale privée. La thèse de l’assassinat a alors surgi, assassinat qui aurait

découlé selon certaines assertions d’un complot ficelé par le pouvoir politique djiboutien en place

en complicité avec certaines autorités françaises. Une troisième thèse est également apparue,

consistant à relier la mort du juge Borrel à des réseaux pédophiles sis à Djibouti. C’est donc le flou

total qui entoure les causes du décès du juge Borre l. Ce flou impose de garder à l’esprit la

présomption d’innocence, principe fondamental reconnu par la quasi-totalité des systèmes

juridiques contemporains et inscrit dans la déclarat ion universelle des droits de l’homme. Le flou

implique également d’éviter que l’«affaire Borrel» n’influence de quelconque manière la procédure

au fond devant la Cour.

The PRESIDENT: Could I interrupt to ask if you might speak a little more slowly.

M. DOUALEH: All right. I shall do so.

The PRESIDENT: Yes. C’est plus facile pour ceux qui suivent en anglais. Merci bien. - 18 -

M. DOUALEH : D’accord.

13. Au-delà du flou évoqué, c’est par contre la clarté et la transparence totales qui ont

caractérisé l’attitude de la Répub lique de Djibouti suite à l’ouverture en France d’une information

«contre X du chef d’assassinat sur la personne de Bernard Borrel». L’ouverture de cette

information marque le prolongement d’une coopération exemplaire et de bonne foi de la part des

autorités djiboutiennes dans le cadre de l’affaire Borrel. Djibouti n’a ménagé aucun effort pour

garantir une collaboration étroite et complète dans la mise en exécution «la plus large possible» des

commissions rogatoires internationales demandées par la République française dans le cadre de

l’affaire Borrel, mettant en avant la lex scripta du traité d’amitié et de coopération ainsi que celle

de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale. En échange, lorsque Djibouti a requis de

la France la réciprocité dans l’exécution d’une commission rogatoire internationale censée

permettre de tirer au clair et une bonne fois pour toutes les circonstances de la mort du juge Borrel,

elle s’est retrouvée confrontée in fine à un refus pur et simple non motivé de surcroît.

14. Madame le président, Messieurs les juges, derrière le refus de la République française se

cache en réalité un conflit entre les pouvoirs exécutif et judiciaire français quant au traitement

adéquat à apporter à la demande de commission rogatoire internationale introduite par la

République de Djibouti. C’est un élément contex tuel que l’on ne peut ignorer. Comme il est

indéniable que les rivalités internes à la politique djiboutienne ont également joué un rôle dans le

cadre de l’«affaire Borrel». En effet, le seul témoignage impliquant les autorités djiboutiennes dans

le décès du juge Borrel, est venu d’un membre f ondateur du soi-disant «Gouvernement en exil» de

1
Djibouti , M.Alhoumekani, témoignage dont la teneur a été fortement remise en cause non

seulement par le juge Moracchini dans ses «Conclu sions» auxquelles je me référais tantôt mais

également par une ordonnance rendue par un autre juge d’instruction du tribunal de grande instance

de Paris 2. Soit dit en passant, une autre personne dont le témoignage est venu ultérieurement

1Voir extrait du site Internet du Gouvernement en exil de Djibouti, «La composition du Gouvernement en exil de

Djibouti», 12 juillet 2006, documents soumis à la Cour, 21 novembre 2007, annexe 8, p. 63-64.
2Ordonnance de non-lieu, tribunal de grande instance dParis, 7février2002, documents soumis à la Cour,
21 novembre 2007, annexe 8, p. 65-68. - 19 -

appuyer celui de M.Alhoumekani, à savoir M. Iftin, est elle aussi membre du même prétendu

«gouvernement en exil».

15. Malgré ces éléments contextuels, la Répub lique de Djibouti est d’avis que le règlement

du présent différend ne doit pas être conditionné aux tensions internes juridico-politiques que

connaissent chacune de leur côté la France et Dji bouti. La République de Djibouti souhaite que la

Cour parvienne à un jugement de nature à préser ver l’intégrité du cadre conventionnel qui régit

l’entraide judiciaire entre la France et Dji bouti. Qu’on se le dise: nous nous occupons ici de

questions de droit international. Rien de plus, ma is rien de moins ! Je me permets de le souligner

parce que la Partie défenderesse pourrait être tentée de négliger ce point.

16. En tant que demandeur, la République de Djibouti cherche à obtenir un arrêt de la Cour

internationale de Justice sur des questions qui re lèvent de l’application du traité d’amitié et de

coopération, de la convention de 1986 et des rè gles et principes coutumiers et conventionnels

applicables en matières d’immunités. La Républiq ue de Djibouti ne demande pas à la Cour de

s’intéresser à l’affaire «Borrel» en tant que telle mais aux comportements attribuables aux autorités

françaises dans l’application des diverses règles internationales qui régissent d’une part, la

coopération entre les deux Etats en matière d’entr aide judiciaire pénale et, d’autre part, la

prévention des atteintes à la personne, la liberté ou la dignité de ressortissants jouissant d’une

protection internationale. La Ré publique de Djibouti ose espérer que la République française s’en

tiendra à ces aspects de droit international.

17. Ainsi qu’indiqué dans la requête et dans le mémoire de la République de Djibouti, l’objet

du différend est articulé autour de trois types de manquements qui sont attribuables aux autorités

françaises. Primo, il s’agit de manquements dans l’application du traité de coopération et d’amitié

entre la République française et la République de Djibouti du 27juin1977. Secundo, il s’agit de

manquements dans l’application de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le

Gouvernement de la République de Djibouti et le Gouvernement de la République française du

27 septembre 1986. Tertio, il s’agit de manquements à l’égard d es règles relatives à la protection

internationale dont jouissent les autorités suprêmes de l’Etat ainsi que d’autres organes de rang

élevé. - 20 -

18. Madame le président, Messieurs les jug es, la chronologie des plaidoiries de la

République de Djibouti sera la suivante. Cet après-midi, seront présentées tour à tour la question

de la compétence de la Cour, celle de l’immunité du président de la République et celle de la

violation du traité d’amitié et de coopération. Demain, mardi matin, la République de Djibouti

présentera ses vues sur la question de la violatio n de la convention de 1986 ainsi que sur la

problématique de l’immunité de certains hauts r esponsables djiboutiens. Enfin, la République de

Djibouti consacrera l’après-midi du mardi a ux conséquences juridiques des faits illicites

internationaux imputables à la République française et aux conclusions et demandes de Djibouti

dans le présent différend.

19. Je vous remercie Madame le président po ur votre attention et vous prie de donner la

parole au professeur Luigi Condorelli.

Le PRESIDENT: Je remercie l’agent de la République de D jibouti et je donne la parole à

M. le professeur Condorelli.

M. CONDORELLI :

L A COMPÉTENCE DE LA C OUR

1. Introduction

1. Madame le président, Messieurs les juges, c’est un grand honneur pour moi de pouvoir me

présenter encore une fois devant votre Cour et je tiens à remercier vivement la République de

Djibouti de m’en donner la possibilité.

2. Madame le président, lorsque, le 9 août 2006, la requête introductive d’instance présentée

le 4janvier2006 par la République de Djibouti (e t enregistrée au Greffe le 9janvier) a pu être

inscrite au rôle général de la Cour, suite à la déclaration du 25juille t2006 de la République

française faisant formellement état de l’acceptation par la France de la compétence de votre Cour

aux fins de la présente affaire, la Partie djiboutienne a cru pour un moment que l’on pourrait ⎯ lors

des échanges écrits et oraux qui s’ensuivraient devant votre haute juridiction ⎯ faire l’économie de

tout débat sur la question de votre compétence, celle-ci apparaissant acquise au-delà de tout doute.

En effet, la France a bien exprimé le 25juillet 2006 son consentement à ce que la Cour puisse - 21 -

«connaître de la requête» de Djibouti : certes, rien de plus de ce qui figure dans ladite requête, mais

rien de moins. Or, dans son mémoire du 15 mars dernier le demandeur s’en est tenu

scrupuleusement à cela : il a illustré les tenants et le s aboutissants de sa requête et prié la Cour de

bien vouloir dire et juger que les demandes formul ées dans celle-ci, ces demandes exclusivement,

sont fondées en droit. En somme, rien de moins par rapport à la requête, mais assurément rien de

plus. Par conséquent, Djibouti était convaincue que l’on pourrait, lors de la phase orale, centrer le

débat exclusivement sur le fond de l’affaire qui vous est soumise.

3. C’est donc avec étonnement que le de mandeur a pris connaissance du contenu du

contre-mémoire français, dont le chapitre2 fa it état d’objections diverses touchant aux aspects

relatifs à la compétence de la Cour en la présente affaire. Le langage qui figure dans la toute

récente lettre de l’agent de la France au greffier (à savoir la lettre du 4décembre dernier au sujet

des documents additionnels soumis par le dema ndeur le 21novembre2007) résume de manière

particulièrement claire ces objections: en effe t, d’une part, d’après le défendeur, certaines des

demandes formulées par la République de Djibouti dans son mémoire excéderaient les limites du

différend que la France a accepté de soumettre à la Cour; et, d’autre part, elles seraient affectées

d’irrecevabilité. Au vu de ces contestations inattendues, le demandeur est donc astreint à présenter

à la Cour les raisons militant en faveur du rejet des allégations de la France que je viens à mon tour

de résumer.

4. Une mise au point liminaire s’impose toutef ois afin de délimiter avec précision l’objet sur

lequel porteront les remarques qui suivent. Il est vrai que dans sa re quête la République de

Djibouti avait indiqué qu’elle se réservait le droit d’invoquer le cas échéant des instruments

internationaux susceptibles de fonder la compétence de la Cour aux fins de la présente affaire,

au-delà du «seul fondement» reconnu par la France dans sa déclaration du 25 juillet 2006 (à savoir

l’article38, paragraphe5, du Règlement de la Co ur). Or, dans son cont re-mémoire, le défendeur

s’élève vivement contre cette thèse et fait valoir, d’ une part, que de tels instruments n’existeraient

pas et, d’autre part, qu’au stade présent de la procédure ce serait trop tard pour les invoquer.

Madame le président, qu’il me soit permis de mettre au clair que le demandeur maintient

fermement son point de vue quant à ses droits en la matière, mais préfère ne pas insister maintenant

sur cet aspect. Ceci pour deux raisons : la premiè re est que, ayant analysé le contenu des écritures - 22 -

de la France, il constate que le recours à d’autr es titres de compétence de la Cour n’apparaît pas

nécessaire en l’espèce pour que la Cour puisse décider de l’ensemble des demandes contenues dans

la requête djiboutienne; la seconde raison est qu ’il préfère éviter de créer de l’embarras à la

France, au vu du souci que le défendeur semble nou rrir de restreindre au maximum l’étendue de sa

soumission au contrôle de la Cour quant à la légalité de ses agissements.

2. Le consentement des Etats comme base de la compétence de la Cour

5. Madame le président, votre Cour a réaffirmé d’innombrables fois, avec une rigueur et une

constance indéfectibles, que «la Cour n’a de juri diction à l’égard des Etats que dans la mesure où

ceux-ci y ont consenti» ( Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002)

(République démocratique du Congo c. Rwanda), arrêt, C.I.J. Recueil 2006 , p. 32, par. 65). Dans

la richissime anthologie des expressions utilisées par la Cour pour exprimer ce principe, on trouve

parfois une phraséologie plus articulée et diffuse, mais le concept ne change pas: ainsi, par

exemple, vous avez eu l’occasion de vous exprimer en ces termes très didactiques :

«en vertu de son Statut la Cour n’a p as automatiquement compétence pour connaître
des différends juridiques entre les Etats parties audit Statut ou entre les autres Etats qui
ont été admis à ester devant elle ;… la Cour a déclaré à maintes reprises que l’un des
principes fondamentaux de son Statut est qu’ elle ne peut trancher un différend entre

des Etats sans que ceux-ci aient consenti à sa juridiction; et que la Cour n’a donc
compétence à l’égard des Etats parties à un différend que si ces derniers ont non
seulement accès à la Cour, mais ont en outre accepté sa compétence, soit d’une

manière générale, soit pour le di fférend particulier dont il s’agit». (Activités armées
sur le territoire du Congo (nouvelle requê te: 2002) (République démocratique du
Congo c. Rwanda) , mesures conservatoires , ordonnance du 10 juillt002 ,
C.I.J. Recueil 2002, p. 241, par.57. Voir aussi, Licéité de l’emploi de la force

(Yougoslavie c. Belgique) , mesures conservatoires, ordonnance du 2juin1999,
C.I.J. Recueil 1999, p. 132, par. 20.)

6. Chacun sait que, des Parties présentes à la barre de votre Cour, seule Djibouti figure parmi

les Etats ayant accepté votre compétence «d’une manière générale» par sa déclaration du

18juillet2005, conformément à l’article36, paragraphe2, du Statut. En l’absence d’une

déclaration parallèle de caractère général en vigueur du côté français, et en l’absence d’un

compromis spécial, préalable à la saisine de la Cour, la République de D jibouti a souhaité que le

consentement nécessaire pour asseoir la compét ence de la Cour aux fins du différend puisse

s’établir ad hoc et a suivi dans ce but le chemin préconisé par l’article38, paragraphe5, de votre

Règlement. Chacun sait, en effet, que celui-ci ouvre la voie à une saisine unilatérale de votre - 23 -

juridiction, qui ne saurait toutefois produire l’effet souhaité qu’en cas d’acceptation de votre

compétence par l’Etat contre lequel la requête est formulée.

7. Dans son mémoire, la Partie dji boutienne a manifesté explicitement sa vive

reconnaissance au Gouvernement français pour avoir accepté, en date du 25juillet2006, la

compétence de la Cour pour connaître de la requête introduite par le dema ndeur, et tient à réitérer

maintenant encore une fois ces sentiments de reconnaissance. C’est en effet une excellente chose

que votre Cour puisse contribuer, en exerçant sa haute mission, à restaurer les relations amicales

entre les deux pays qui ont été et sont si profondément troublées actuellement, et ce pour des

raisons tournant autour du dossier de ce qu’il est convenu d’appeler l’«affaire Borrel», ainsi qu’à

cause des insinuations et pratiques qui s’y rattachent, touchant à l’honneur et à la dignité de hautes

autorités djiboutiennes.

3. Le cas du consentement des Etats résultant d’actes séparés et successifs

8. Madame le président, dès avant que l’article 38, paragraphe 5, de votre Règlement ne fût

formulé il était reconnu ⎯grâce à un enseignement déjà ancien de votre Cour ⎯ que «rien ne

s’oppose à ce que, comme dans le cas présent, l’acceptati on de la juridiction, au lieu de se réaliser

conjointement, par un compromis préalable, se fasse par deux actes séparés et successifs» ( Détroit

de Corfou (Royaume-UniAcl.banie), exception préliminaire, arrêt, 1948,

C.I.J. Recueil 1947-1948, p.28). Or, il va de soi qu’en cas justement d’actes «séparés et

successifs» la question qui se pose à votre Cour est celle de comprendre dans quelle mesure de ces

actes distincts, formulés par des mots différents, se dégage un réel consentement, un in idem

placitum consensus (pour utiliser l’expression les Romains), c’est-à-dire un accord sur un objet

unique et précis identifiant avec exactitude la sphè re de compétence de votre haute juridiction.

Votre Cour est en somme appelée ici, comme toujours face à ce genre de questions, à exercer sa

«compétence de la compétence». En utilisant vos propres mots, on peut dire en effet que

«i)Il incombe à la Cour, tout en c onsacrant une attention particulière à la
formulation du différend utilisée par le de mandeur, de définir elle-même, sur

une base objective, le différend qui oppose les parties, en examinant
la
position de l’une et de l’autre: «c’e st donc le devoir de la Cour de
circonscrire le véritable problème en cause et de préciser l’objet de la
demande. Il n’a jamais été contesté que la Cour est en droit et qu’elle a même

le devoir d’interpréter les conclusions d es parties; c’est l’un des attributs de - 24 -

sa fonction judiciaire».» ( Compétence en matière de pêcheries (Espagne
c.Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J.Recueil1998, p.448,

par.30. Voir aussi Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c.France), arrêt,
C.I.J. Recueil 1974, p. 466, par. 30 ; Demande d’examen de la situation au
titre du paragraphe63 de l’arrêt re ndu par la Cour le 20décembre1974

dans l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c F.rance)
(Nouvelle-Zélande F c.rance), ordonnance du 2 septemb1 r995,
C.I.J. Recueil 1995, p. 304, par. 55.)

9. Le principe de base est simple. On sait que, lorsqu’une instance est introduite devant la

Cour par voie de requête unilatéra le, conformément à l’article 40 du Statut, c’est cette requête qui

délimite ratione materiae l’objet du différend et la ou les demandes présentées à la Cour. Le

contre-mémoire de la France fournit à ce sujet av ec précisions toutes les indications utiles portant

sur la jurisprudence internationale pertinente, qu’il qualifie à juste titre d’«ancienne et bien

établie»3, à commencer par l’ancêtre, constituant une sorte de véritable locus classicus du droit

international, que voici: «aux te rmes de l’article40 du Statut, c’est la requête qui indique l’objet

du différend ; le mémoire, tout en pouvant éclaircir les termes de la requête, ne peut pas dépasser

les limites de la demande qu’elle contient» ( Administration du prince von Pless, ordonnance du

4 février 1933, C.P.J.I. série A/B n o52, p. 14).

10. Or, il va de soi que, si le con sentement du défendeur n’a pas été donné ante hoc, mais

intervient post hoc, selon le scénario qui est esquissé par l’ article 38, paragraphe 5, du Règlement

(et qui est de mise dans notre cas), l’étendue de la compétence de la Cour dépendra alors

inévitablement de l’ampleur et des modalités de ce consentement post hoc. Certes, l’Etat contre

lequel la requête est formée ne pourrait pas élargir (voire transformer) le différend par rapport à la

portée de la requête ; mais cet Etat pourrait bien, par sa déclaration, ne donner qu’un consentement

partiel, retranchant par là la compétence de la Cour par rapport à ce que la requête envisageait;

comme il pourrait d’ailleurs aussi ne rien accepter du tout, et empêcher dans ce cas la Cour de

régler même une parcelle minime du différe nd, pourvu bien entendu que d’autres titres de

compétence soient absents.

11. En somme, pour déterminer la sphère de compétence de votre Cour dans le présent

différend, il vous faut d’abord analyser et interpré ter la requête pour voir quelles sont exactement

les demandes que la République de Djibouti a souha ité soumettre à votre jugement ; et il vous faut

3
Contre-mémoire de la France (CMF), p. 10, par. 2.8. - 25 -

interpréter ensuite la déclaration française du 25 ju illet 2006 afin de vérifier si la France a ou non

accepté que votre Cour exerce sa compétence sur toutes ces demandes, voire sur une partie

seulement de celles-ci. Evidemment, en cas de consentement partiel côté français, les demandes de

Djibouti non couvertes par la déclaration d’accep tation de la France échapperaient à votre

compétence.

4. Les principes relatifs à l’interprétation d es déclarations unilatérales portant sur la

compétence de la Cour

12. Vous êtes confrontés ici, Madame le prési dent, Messieurs les juges, à deux déclarations

unilatérales portant sur la compétence de la Cour qui se croisent et se combinent entre elles. Votre

jurisprudence est riche d’enseignements au sujet de l’interprétation de déclarations unilatérales de

ce type. Ainsi, la Cour a dit à plusieurs occasions qu’une telle déclaration «doit être interprétée

telle qu’elle se présente, en tenant comp te des mots effectivement employés» ( Anglo-Iranian Oil

Co. (Royaume-Uni c. Iran), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1952 , p. 105 ; Compétence

en matière de pêcheries (Espagne c.Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J.Recueil1998 ,

p.454, par.47) et doit être appliquée «telle qu’elle est» ( Certains emprunts norvégiens (France

c. Norvège), arrêt, C.I.J. Recueil 1957, p. 27) ; vous avez aussi souligné que la Cour «ne saurait se

fonder sur une interprétation purement grammaticale du texte» (Anglo-Iranian, op. cit.;

Compétence en matière de pêcheries, op. cit.), étant donné que ce qu’il convient de rechercher est

«l’interprétation qui est en harmonie avec la mani ère naturelle et raisonnable de lire le texte»

(ibid.); vous avez aussi insisté sur l’idée que de telles déclarations «doivent être considérées

comme un tout» (ibid.). Mais surtout votre Cour a mis en exergue quel est le but à rechercher,

s’agissant de pénétrer le sens de ce que vous avez défini d’«acte rédigé unilatéralement» ( ibid.,

par. 48) : c’est l’identification de l’intention réelle de l’auteur de l’acte.

13. Certes, dans la jurisprudence que je suis en train de citer il était question le plus souvent

de déclarations se rattachant à l’article36, paragraphe2, du Statut. Mais cela n’enlève rien à la

pertinence de votre enseignement pour le cas présent, s’agissant toujours de l’interprétation d’actes

rédigés unilatéralement. Permettez-moi de citer des passages particulièrement éloquents à ce sujet :

«étant donné qu’une déclaration en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut est un acte rédigé

unilatéralement, la Cour n’a pas manqué de mettre l’accent sur l’intention de l’Etat qui dépose une - 26 -

telle déclaration» (ibid.). Et encore: «La Cour interprète donc les termes pertinents d’une

déclaration… d’une manière naturelle et raisonnabl e, en tenant dûment compte de l’intention de

l’Etat concerné…» (Ibid., par. 49.) Ailleurs votre Cour a obser vé, au sujet des raisons historiques

expliquant l’origine d’une certaine déclaration unilatérale, que «de telles considérations ne

sauraient prévaloir sur l’intention d’un Etat décl arant, telle qu’elle trouve son expression dans le

texte même de sa déclaration» (Incident aérien du 10 août 1999 (Pakistan c. Inde), compétence de

la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 2000, p. 31, par. 44).

14. Est-ce que l’«intention de l’Etat déclaran t» n’est pas identifiable de façon absolument

claire et nette si l’on analyse chacune des deux d éclarations «comme un tout» en interprétant les

termes effectivement utilisés «d’une manière naturelle et raisonnabl e» et sans «se fonder sur une

interprétation purement grammaticale du texte» ? Voyons cela tour à tour, en commençant par la

requête de la République de Djibouti.

5. L’interprétation de la requête de Djibouti quant à l’étendue ratione materiae de la
compétence de la Cour

15. Madame le président, Messieurs les juges, on peut sans doute ⎯comme le fait la

France ⎯ reprocher à la requête de Djibouti une formulation imparfaite pour ce qui est des lignes

figurant sous la rubrique «objet du différend», puisque ces lignes se bornent à évoquer «le refus des

autorités gouvernementales et judiciaires françaises d’exécuter une commission rogatoire, etc.». Il

est vrai, en effet, qu’il n’y est pas fait référe nce aux atteintes aux immunités, privilèges et

prérogatives du chef de l’Etat djiboutien et d’au tres hauts responsables du demandeur. Cependant,

une telle imperfection, comme d’ailleurs certaines erreurs matérielles mineures dont la France fait

grief à la requête et au mémoire, ne sauraient d’aucune façon empêcher votre Cour d’identifier

clairement l’intention de l’Etat déclarant, la Ré publique de Djibouti, telle qu’elle se dégage on ne

peut plus nettement de la déclaration dans son ensemble, interprétée en accordant aux mots

effectivement employés leur sens «naturel et ra isonnable». Il ne faut pas d’ailleurs oublier

l’enseignement bien connu de la Cour permanente de Justice internationale que voici:«La Cour,

exerçant une juridiction internationale, n’est pas te nue d’attacher à des considérations de forme la

même importance qu’elles pourraient a voir dans le droit interne.» (Concessions Mavrommatis en

Palestine, arrêt, C.P.J.I. sérieA n o 2, p. 34. Voir aussi, Cameroun septentrional (Cameroun - 27 -

c.Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.Recueil1963 , p.28. ) En somme, le

défendeur ne saurait prétendre qu’il faille isoler certaines lignes de la requête (celles apparaissant

sous le titre «objet du différend») en les opposant à tout le restant de la requête, alors que celle-ci

forme «un tout» et que de ce tout fait partie intégrante une rubrique intitulée «nature de la

demande» dans laquelle sont justement spécifiées les diverses demandes sur lesquelles le

demandeur demande à la Cour de vouloir bien j uger. Or, ces demandes portent explicitement et

nommément, d’une part, sur les manquements de la pa rt de la France à ses obligations en matière

d’entraide judiciaire et, d’autre part, sur la viola tion des principes de droit international interdisant

les atteintes à la personne, à la liberté et à la dignité du chef de l’Etat et de hauts responsables de la

République de Djibouti. Voilà quelle était et quelle est l’intention explicite du demandeur, énoncée

par des mots dont la signification «naturelle et raisonnable» est parfaitement identifiable par

quiconque veuille bien les analyser bona fide.

16. Madame le président, qu’il me soit permis d’ insister sur ce point : la requête de Djibouti

prie la Cour de dire et juger que ces diver ses demandes sont fondées en droit et se garde bien

⎯contrairement à ce que prétend le contre-mémoire de la France ⎯ de confondre les demandes

formulées avec les moyens de droit invoqués. Il suffit, pour s’en convaincre définitivement, de

donner un coup d’Œil à la rubrique de la requête intitulée «Exposé des moyens sur lesquels repose

la demande» (par. 14-17). Comme la Cour peut aisément le constater, pour chacune des demandes

⎯ y compris celle, figurant au paragraphe 16, relative aux «atteintes à la personne, à la liberté et à

la dignité d’une personne jouissant d’une protection internationale» ⎯ sont sommairement

indiqués les «moyens sur lesquels la demande re pose». En somme, l’intention inscrite dans la

requête est indiscutablement celle de soumettre à la Cour un différend se décomposant en plusieurs

demandes, et donc plus large que la seule question de la violation par la France de ses obligations

en matière d’entraide judiciaire.

6. L’étendue ratione materiae de l’acceptation par la France de la compétence de la Cour

17. Il est temps maintenant, Madame le pr ésident, de regarder de près la déclaration

unilatérale de la France représentée par la le ttre du ministre des affa ires étrangères de la

République française du 25 juillet 2006, par laquelle la France a «accepté la compétence de la Cour - 28 -

pour connaître de la requête» de Djibouti (pour vot re commodité, cette lettre figure dans le dossier

que l’on s’est permis de vous soumettre). Comme je l’ai noté auparavant, la France aurait très bien

pu accepter la compétence de la Cour de manière partielle par rapport à la requête : elle aurait pu,

par exemple, n’accepter la compétence de la Cour que pour les seules questions de l’entraide

judiciaire stricto sensu, en excluant de son acceptation les autres demandes portées dans la requête.

L’a-t-elle fait ?

18. La réponse à cette question, Madame et Messieurs les juges, ne peut qu’être négative.

De la lecture «de manière naturelle et raisonnable» ⎯ pour utiliser votre expression ⎯ du texte de

la lettre se dégage inéluctablement la conclusion que la France n’a remis en cause ni l’objet du

différend ni la nature des demandes tels qu’indiqués dans la requête de Djibouti. La France a bien

accepté que la Cour se prononce sur toutes les de mandes présentées par Djibouti et, bien entendu,

sur rien de plus. Que peut signifier d’autre le membre de phrase d’après lequel l’acceptation de la

France vaut «pour le différend qui fait l’objet de la requête et dans les strictes limites des demandes

formulées…» dans la requête djiboutienne ? La France a donc donné son accord à ce que toutes les

demandes figurant dans la requê te entrent dans la compétence ratione materiae de la Cour et

puissent être tranchées par elle.

19. D’ailleurs, Madame le président, il faut souligner que finaleme nt le contre-mémoire

français admet cela ⎯quoique quelque peu en passant ⎯ par une phrase que le demandeur n’a

aucune hésitation à prendre à son propre compte et qui mérite d’être citée ici mot à mot : «il n’entre

pas dans les intentions de la République française d’invoquer un motif quelconque d’incompétence

de la Cour, dès lors que les demandes de Djibouti restent strictement limitées à celles qui ont été

4
formulées dans la requête» . C’est justement le cas, Madame et Messieurs les juges: rien de ce

que Djibouti a illustré à votre Cour dans son mé moire ne va au-delà d’un seul pouce par rapport

aux demandes présentées dans la requête, que la Fr ance a accepté de voir jugées par la Cour. La

République française ne saurait donc revenir mainte nant sur le consentement qu’elle a clairement

exprimé à ce sujet et doit s’incliner devant les conséquences de ce consentement, telles qu’elles ont

été indiquées magistralement par la Cour en 1985: «La Cour ne doit pas excéder la compétence

4
CMF, p. 8, par. 2.2. - 29 -

que lui ont reconnue les Parties, mais elle doit exercer toute cette compétence.» ( Plateau

continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 23, par. 19.)

20. Il convient de remarquer d’ ailleurs qu’il y a bien un domaine au sujet duquel la France a

manifesté, dans le document de 2006, le souci de limiter la portée de son acceptation de la

compétence de la Cour : cela ne concerne cependant pas l’ampleur matérielle de ladite compétence,

mais son fondement. En effet, pour la France la Cour ne saurait fonder sa compétence en l’espèce

que sur l’article38, paragraphe5, du Règlement. Cette anticip ation du refus (développé ensuite

dans le contre-mémoire) d’accepter l’argument avancé par Djibouti, d’après lequel des titres de

compétence autres que l’article38, paragraphe5, du Règlement pourraient être pertinents en

l’espèce, met encore davantage en exergue que la France, en revanche, n’a nullement voulu donner

une portée limitée à son acceptation de l’étendue ratione materiae de la compétence de la Cour

pour ce qui est du règlement des demandes formulées dans la requête de Djibouti. De toute

évidence la France s’est donc bien soumise à la compétence de la Cour pour l’intégralité du

différend tel qu’identifié et délimité par la requête dans son ensemble et la Cour ne saurait admettre

que la France change de cap main tenant et tente de réduire l’obj et du différend et d’amoindrir la

nature et la portée des demandes formulées par Djibouti dans sa requête, en rétractant partiellement

dans son contre-mémoire le con sentement qu’elle avait donné par sa déclaration de2006. Il

convient d’ailleurs que je rappelle à ce sujet un dictum très pertinent de la Cour : «C’est une règle

de droit généralement acceptée et appliquée dans le passé par la Cour qu’une fois la Cour

valablement saisie d’un différend, l’action unilatérale de l’Etat défendeur, dénonçant tout ou partie

de sa déclaration, ne peut retirer compétence à la Cour.» ( Droit de passage sur territoire indien

(Portugal c. Inde), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1957, p. 142.)

7. La question du lien entre les demandes formulées dans la requête de Djibouti

21. Puisque, par sa déclaration, la France avait accepté que la Cour se prononce sur toutes les

demandes formulées dans la requête de Djibouti, cela sert un peu d’insister ⎯comme le fait le

contre-mémoire ⎯ sur le fait que le lien entre ces demandes serait insuffisant: en effet,

allègue-t-on du côté français, les demandes de Djibouti relatives aux immunités, privilèges et

prérogatives des hauts responsables djiboutiens ne seraient pas en rapport direct avec la question du - 30 -

refus par les autorités françaises d’exécuter la commission rogatoire internationale relative au

5
dossier «Borrel» . Comme je viens de le démontrer à la Cour il y a un instant, une telle allégation,

même si elle était exacte, n’aurait aucune pertinence, étant donné que la France a reconnu la

compétence de la Cour à juger du bien-fondé ou non de toutes les demandes formulées dans la

requête de Djibouti, que le lien entre elles soit pl us ou moins intime. Mais il convient de signaler

déjà à ce stade qu’en plus l’allégation française est carrément erronée.

22. En effet, le contre-mémoire même de la France et les documents annexés mettent

clairement en évidence que l’ouverture d’une pr océdure pour subornation de témoin contre de

hauts responsables djiboutiens auprès du tribunal de Versailles (qui constitue ⎯ainsi qu’on le

démontrera par la suite ⎯ une violation en soi des principes de droit international en matière

d’immunités) a joué un rôle direct et déterminan t sur la décision de refus d’exécuter la commission

rogatoire. D’après les allégations du défendeur, en effet, le refus a été décidé, non pas par les

autorités exécutives de la République française, ma is par la juge d’instruction du tribunal de

grande instance de Paris en charge de l’«affaire Borrel», dans son Soit Transmis du 8 février 2005 6.

Or, justement dans cette décision est évoquée, comme première raison qui justifierait ledit refus, la

présence dans le dossier de documents relatifs à l’information ouverte au tribunal de Versailles

pour subornation de témoin contre le procureur de la République et le chef de la sécurité nationale

de Djibouti 7. Dans ces conditions, on ne comprend pas co mment le défendeur peut prétendre qu’il

n’y aurait «aucun rapport» entre la demande relative à la non-exécution par la France de la

commission rogatoire demandée par le demandeur et la demande relative aux manquements par la

France à ses obligations concernant les immunité s devant être reconnues en faveur des hauts

responsables djiboutiens.

8. La compétence ratione temporis de la Cour

23. L’examen des objections du défendeur analysées jusqu’ici permet donc de conclure que

votre Cour est sans l’ombre d’un doute compétente ratione materiae par rapport à toutes les

demandes formulées dans la requête djiboutienne. Il me reste ce pendant à prendre position sur une

5CMF, p. 14, par. 2.22.
6
CMF, p. 36, par. 3.66 et suiv.
7CMF, annexe 21. - 31 -

dernière objection quant aux limites que rencontrerait la compétence de la Cour : des limites, cette

fois-ci, non pas ratione materiae, mais ratione temporis. En effet, la France allègue que

«si, par impossible, la Cour reconnaissait sa compétence de principe pour se prononcer
sur la licéité des actes de procédure allégués quand bien même ils ne sont en aucune
manière liés à la commission rogatoire internationale djiboutienne de 2004, il est
8
évident qu’elle ne saurait exercer sa juridiction sur les faits postérieurs à la requête» .

Autrement dit, les demandes de Djibouti rela tives aux violations intervenues après le

9janvier2006, date de la saisine de la C our par le demandeur, seraient irrecevables.

L’irrecevabilité affecterait en particulier, d’une part, la demande concernant «l’invitation à déposer

9
adressée au président de la République de Djibouti en février 2007» et, d’autre part, la demande

portant sur les mandats d’arrêt décernés en octobre 2006 contre deux hauts responsables

10
djiboutiens en application de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 27 septembre 2006 .

24. Madame le président, la Cour ne saurait retenir une telle allégati on, qui n’est de toute

évidence pas fondée en droit. Pour commencer, il faut rappeler que dans sa requête, au

paragraphe26, le demandeur s’était bien réservé le droit de «compléter et préciser la présente

demande en cours d’instance». Or, il est vrai que, comme la Cour permanente de Justice

internationale l’a souligné dans l’affaire de la Société commerciale de Belgique et la présente Cour

l’a réitéré à plusieurs reprises, «la faculté laissée aux parties de modifier leurs conclusions jusqu’à

la fin de la procédure orale doit être comprise d’une manière raisonnable», et que «la Cour ne

saurait admettre, en principe, qu’un différend porté devant elle par requête puisse être transformé,

par voie de modifications apportées aux conclusion s, en un autre différend dont le caractère ne

serait pas le même» (Société commerciale de Belgique, arrêt, C.P.J.I. série A/B n° 78, p. 173. Voir

aussi, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.

Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , p. 427, par. 80;

Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie) , exceptions préliminaires , arrêt,

C.I.J. Recueil 1992, p. 266-267; Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c.

Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. 213-214.) Toutefois,

8CMF, p. 14, par. 2.23.
9
CMF, p. 15, par. 2.24.
10CMF, p. 15, par. 2.25. - 32 -

on ne voit pas comment on pourrait prétendre que, si votre Cour acceptait d’examiner les demandes

présentées dans son mémoire par Djibouti, y co mpris en ce qui concerne des événements

postérieurs au 9 janvier 2006, «l’objet du différend qui lui a originellement été soumis se trouverait

transformé» (Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), op. cit., p. 267, par. 70)

et que «la Cour devrait … se pencher sur une série de questions» qui «apparaissent extrinsèques par

rapport à la demande initiale» (ibid., p. 266, par. 68). En effet, aucune des demandes présentées

par Djibouti dans son mémoire n’est nouvelle et extrinsèque par rapport aux demandes initiales:

elles se rapportent toutes à celles formulées dans la requête et se fondent sur les mêmes moyens de

droit.

25. Certes, quelques-unes de ces demandes ont été mises à jour en fonction des

développements récents du différend qui oppose les Parties. Mais personne ne saurait interdire aux

parties de ce faire, et de compléter en conséque nce leurs demandes afin de prendre en compte des

événements postérieurs à la saisine de la Cour , pourvu que cela n’engendre pas une transformation

ou extension du différend. Votre Cour n’a pas manqué de reconnaître une telle faculté. Ainsi, par

exemple, dans l’arrêt en l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries, la Cour n’a pas hésité

à considérer comme recevable une demande en réparation formulée par le demandeur pour la

première fois dans son mémoire et se rapportant à des faits postérieurs à la requête : pour asseoir sa

compétence en l’espèce il a suffi à la Cour de constater que la question ainsi soulevée par le

demandeur «s’inscrit dans la controverse qui est su rvenue entre les Parties» et que la demande y

relative «se fonde sur des faits postérieurs au dépôt de la requête mais découlant directement de la

question qui fait l’objet de cette requête» (Compétence en matière de pêcheries (République

fédérale d’Allemagne c. Islande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1974 , p. 203, par.72). Madame le

président, de toute évidence il en va exactement de la même façon dans le cas présent: on ne

saurait mettre en doute que les faits postérieurs à la requête de Djibouti dont il est question dans

son mémoire sont (pour reprendre les mots de la Cour) des faits «découlant directement de la

question qui fait l’objet de cette requête». Il s’ agit, en effet, de nouvelles violations qui ne se

seraient pas produites si la France s’était scrupuleusement acquittée de ses obligations

internationales auxquelles la requête se réfère, ce lle-ci faisant justement valoir, entre autres, les - 33 -

violations par le défendeur des principes de droit in ternational relatifs au respect de la liberté, de la

dignité et des immunités des mêmes hauts responsables de la République de Djibouti.

Conclusion

26. Madame et Messieurs les juges, voici les conclusions de la présente plaidoirie. La

République de Djibouti demande à la Cour de bien vouloir rejeter toutes les objections soulevées

par la France quant à l’étendue ratione materiae et ratione temporis de sa compétence. Le

demandeur prie en conséquence la Cour de décider qu’elle est compétente à juger au fond toutes les

demandes qu’il a présentées dans sa requête et précisées dans son mémoire.

*

* *

27. Madame le président, je vous remercie et je voudrais vous prier de bien vouloir donner

maintenant la parole à l’agent adjoint de la République de Djibouti, Maître Phon van den Biesen.

Merci beaucoup.

LE PRESIDENT: Merci, Monsieur le professeur. C’est le moment pour une pause très

brève. L’audience est levée pour quelques minutes.

L’audience est suspendue de 16 h 20 à 16 h 35.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Maître van den Biesen.

Mr. van den BIESEN:

INFRINGEMENTS ON THE IMMUNITY ,THE HONOUR AND THE DIGNITY

OF THE A PPLICANT S PRESIDENT

Opening remarks

1. Madam President, Members of the Court, it is for me also a great honour as well as a great

pleasure to appear before this Court again. Su ch an honour and pleasure are even greater because

of the outside features of the current case: the Ap plicant being a tiny State, ranking at the lower - 34 -

end of the list of the poorest countries in the world, a tiny State seeking protection of its rights in a

dispute with a Respondent that is still one of the most important and influential States in the world.

So, these days here we are all invol ved in practising one of the truly royal functions of the law:

protecting the weak against the strong, a protection which in the very first place becomes visible in

a setting where both of these Parties are ⎯ as parties ⎯ entirely equal; equal in their position

before this, the World Court. Another prominent feature of this case is the fact that the Respondent

has chosen voluntarily to consent to the Court’s bei ng requested to resolve the issues at stake. The

importance of this choice cannot easily be underes timated, since through this choice the French

Republic draws the attention of the world to its pr eference to settle international disputes in a

civilized, peaceful manner and in doing so it under lines and enhances the authority of this Court as

the principal judicial organ of the United Nations.

2. In other words: however strong the diverging opinions of both Parties to this case may be,

above all they do agree that seeking justice from the Peace Palace is, indeed, the preferred way to

handle their disagreements.

Introductory remarks

3. Madam President, as recalled by the previous speakers, in this case several issues are at

stake. Issues which are strongly interc onnected and which led to a series of ⎯ partly

simultaneous ⎯ acts and failures to act by the Respondent that all, in the view of the Applicant,

violated several of its rights under international law. Among those, the infringements of the

immunity, the honour and the dignity of the Applicant’s President on the one hand and of the

dignity and immunity of two of the Applicant’s public officials on the other hand. Clearly, as the

Applicant stated in its Memorial, these infringements should be seen as running contrary to the aim

and spirit of good faith co-operation stipulated in the Treaty of Friendship and Co-operation 11,

concluded by both Parties in 1977. Although the violations involved could be perceived as being

quite similar in nature there are also principled and factual differences between them. This led us

to treat the violations with respect to the Preside nt separately from those with respect to the two

civil servants.

11
Memorial, para. 125. - 35 -

4. Today, I will focus on the appreciation of the facts relating to th e Applicant’s President,

while Professor Condorelli will discuss the same with respect to Djibouti’s Procureur Général and

its Chief of Security tomorrow.

5. Central to today’s discussions are two incidents that both aimed to draw the President of

Djibouti into the French Borrel investigations:

⎯ the convocation à témoin dated 17 May 2005, issued by the French judge of instruction in

charge of the Borrel murder investigation, Madam Sophie Clément;

⎯ a similar effort, initiated by the same judge of instruction, on 14 February 2007.

Before I have a closer look at the two incidents some issues of law may be briefly clarified.

The law

6. Madam President, this is what the Court considered in the Arrest Warrant case:

“in international law it is firmly establishe d that, as also diplomatic and consular
agents, certain holders of high-ranking office in a State, such as the Head of State . . .,

enjoy immunities from jurisdiction in other States, both civil and criminal” ( Arrest
Warrant of 11 April 2000 (Democratic Republic of the Congo v. Belgium), Judgment,
I.C.J. Reports 2002, pp. 20-21, para. 51).

12
7. The Respondent also seems to take guidance from this Judgment . And apart from that

the Respondent stated in its Counter-Memorial:

“The French Republic fully recognizes, w ithout restriction, the absolute nature
of the immunity from jurisdiction and, even more so, from enforcement that is enjoyed
13
by foreign Heads of State.”

A similar position is set out by the Respondent in its various press statements, which were issued in

14
relation to the summonses discussed in our case . Therefore, Madam President, it is fair to

conclude that there do not seem to be great di fferences between the two Parties regarding the

existence and the general meaning of the rules of international customary law protecting the

immunity, the honour and the dignity of a Head of State.

12
Counter-Memorial, para. 4.9.
13Counter-Memorial, para. 4.6.

14Communiqué de Presse, Cabinet de Garde des Sceaux, Ministre de Ju stice de la République française,
14février2007, Annex 3 of the Additional Documents submitted to the Court by the Republic of Djibouti on
21 November 2007, p. 7. - 36 -

8. The Parties do seem to disagree about th e relevance for our case of the 1973 Convention

on the Prevention and Punishment of Crimes Agai nst Internationally Protected Persons, including

15
Diplomatic Agents . However, how could anyone have doubts about the relevance of the

stipulation laid down in paragraph 3 of Article2 of this Convention, which clearly refers to the

undisputed existence of and binding nature of “the obligations of State Parties under international

law to take all appropriate measures to prevent other attacks on the person, freedom or dignity of an

internationally protected person”? This does c onfirm and this does put beyond any doubt that

attacks on the dignity of internationally protected persons falls squarely under the protection

provided by rules of international customary law protecting the immunity of a Head of State.

9. Madam President, the Arrest Warrant case provides for some additional interesting

features. In that case the Court was not asked to specifically pronounce on the level of immunity to

which a Head of State is entitled. However, at le ast five judges did. In their respective separate

and dissenting opinions, they all stated in various manners that, indeed, Heads of State are entitled

to a distinctive, higher, standard of protection, which finds its origin and its raison d’être in the

Head of State’s personifying the State ( Arrest Warrant of 11 April 2000 , (Democratic Republic of

the Congo v. Belgium ), Judgment, I.C.J. Reports 2002 , joint separate opinion of

JudgesBuergenthal, Higgins, Kooijmans, p.88, para.80; id., separate opinion of JudgeKoroma,

p. 61, para. 6; id., dissenting opinion of Judge Al-Khasawneh, p. 96, para. 2).

10. In one of these separate pinions three judg es, you, Madam President, Judge Buergenthal

and JudgeKooijmans did make reference to the resolution which was adopted by the Institut de

droit international on the occasion of its Vancouver session in 2001. This resolution, provides for

additional support for the Applicant in the presen t case, since it makes a distinction between

immunity in criminal matters, which is formulated in absolute terms 16, and immunity in civil and

administrative matters, which is not recognized as such, except for cases related to acts performed

by a Head of State while discharging his or her official functions 17. However, for those civil and

15Convention on the Prevention and Punishment of Crimes Against Internationally Protected Persons, including

Diplomatic Agents of 14 December 1973 ⎯ entry into force 20 February 1977.
16Article 2 of the resolution of the Institut de droit international on Immunities from Jurisdiction and Execution of
Heads of State and of Government in International Law, adopted on 26 August 2001 (Special Rapporteur:

Mr. Joe Verhoeven), available at http://www.idi-iil.org/idiE/resolutionsE/2001_van_02_en.PDF.
17Id., Art. 3. - 37 -

administrative matters in which no immunity is provided, the resolution explicitly provides that

“nothing shall be done by way of court proceedings with regard to the Head of State while he or

18
she is in the territory of that State, in the exercise of official functions” . Clearly, the reasons for

this protective exception to the non-protection of the immunity finds its reasons, again, in the

specific position of a Head of State. The fact that this very protection is stipulated in the context of

a régime of protection, which is substantially li ghter than the régime set out for immunity in

criminal matters, demonstrates that the summonses sent to the Applicant’s Head of State during his

official visits to France, were indeed a clear assault on the immunity, the honour and the dignity of

Djibouti’s President.

The two summonses

11. Given the substantial agreement between th e Parties on the rules of customary law that

are central to the position of the President, I will no w turn to the relevant facts related to the two

summonses and the interpretation thereof.

12. Both Parties agree that, indeed, there have been two summonses issued to the President

of Djibouti: one on 17May 2005 , the other one on 14February 2007 . This is in so many words

confirmed by the Respondent in its Counter-Memorial which reads: “In the present case, the

Djiboutian Head of State was summoned as an ordinary witness by a French investigating judge on

19
two occasions.”

13. Further, given the Respondent’s explanation of the differences between témoin and

témoin assisté, there is no disagreement either between the Parties about the meaning of these two

20
denominations . It is the view of the Applicant, that the President of Djibouti has not been called

to appear as témoin assisté, but only as témoin , and this exclusively in connection with the Borrel

murder investigation.

14. This is where the agreements seem to stop, therefore I will now look into these two

summonses in greater detail.

18
Id.
19Counter-Memorial, para. 4.8, cf. translation provided by the Registry of the Court; see also Counter-Memorial,

para. 4.16.
20Counter-Memorial, para. 4.7. - 38 -

17 May 2005

15. In May 2005 the President of Djibouti paid an official visit to the President of the French

Republic. On 17May2005 the judge of instructi on in charge of the Borrel investigation,

Madam Sophie Clément, took advantage of his being in France and sent a letter to the President of

21
Djibouti in person, c/o the Djiboutian Embassy in Paris. The letter was sent by simple fax .

16. The letter contains a heading in capital letters saying: convocation à témoin (by the way,

MadamPresident, the heading and the address do a ppear in the French or iginal, but not in the

translation provided by the Registry).

17. Through this letter the Applicant’s President was invited to present himself, in person, in

the office of JudgeClément. According to the le tter, the appearance was to take place the next

day ⎯ the next morning on 18May2005 at 9.30. The purpose of the appearance was stated as

well: the President is to be heard (“entendu”).

18. It is clear from the form of the letter that the Tribunal de grande instance uses a template

for these convocations in which, apparently, parts may be deleted or added, depending on the

specifics of the case or the preferen ces of the sender. The current file contains three of those

22
convocations: the convocation of the Dji boutian Ambassador dated 21December2004 ; the

convocation of the President dated 1M 7 ay005 23; and the convocation of

24
Madam Geneviève Foix, dated 15 October 2007 ⎯ they are all in the judges’ folder,

MadamPresident. All three of those convocations use entirely identical language including the

same opening sentence, in which the central verb used is “inviter”.

19. There is one striking difference between the convocations addressed to the Ambassador

and the President on the one hand and the one for MadamFoix on the other hand: the one for

MadamFoix contains an avertissement ⎯ a warning ⎯ explaining the legal consequences of a

refusal to appear before the judge. It says that according to Article109 of the French Code of

2Memorial, Ann. 28.
22
Memorial, Ann. 25.
2Memorial, Ann. 28.

2Applicant’s letter to the Court, 21 Nov. 2007, Ann. 7. - 39 -

25
Criminal Procedure the witness failing to a ppear may be brought in by police force . It also says

that, according to Article434-15-1 of the French Code of Criminal Law, non-appearance is

punishable ⎯ punishable by a fine of €3,750 (which by the way, equals almost two times the

annual income of an average Djibouti citizen).

20. One may only guess, Madam President, the reasons of the respective judges of

instruction to not include this avertissement in the convocations sent to the Ambassador and to the

President. However, the non-inclusion of this warning in the convocations, obviously does not

suspend Article 109 of the French Code of Crim inal Procedure nor the above-mentioned provision

of the French Criminal Code.

21. Given these features of the convocation of 17May2005 and given the message

conveyed by it through the language used, there can be no doubt that this summons is plainly

telling the addressee, the President of Djibouti, to appear in person to be heard as a witness, while

non–appearance is punishable under French law and may lead to the use of public force.

22. Now, what is the Respondent’s reading? The Respondent states that the convocation is

not what it says it is; in a clearly transformatory move the Respondent offers that rather than a

26
convocation à témoin it should be considered to be an invitation à déposer . And, next, the

Respondent continues to explain the true meaning of an entirely different provision of the French

27
Code of Criminal Procedure, Article 656, while stressing the voluntary nature thereof .

23. However, Madam President, this Article656 is part of a written procedure, i.e., a

procedure aimed to obtain a written statement of th e representative of a foreign Power. That is,

MadamPresident, an entirely different matter. For this type of request the French Criminal

Procedure requires the intermediary of the Minist er for Foreign Affairs. Since it is aimed at

obtaining a written statement, the Article656 pro cedure does not entail a request to appear in

25
Article 109: Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter
serment et de déposer sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du Code pénal... Si le témoin ne
comparaît pas ou refuse de comparaître, le juge d’instruction peut, sur les réqui sitions du procureur de la République,
l’y contraindre par la force publique.

http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/RechercheSimpleArticleCode;jsessio…
5mOwnIiaXiq5DSOCy8F52Z7U9uIx72!1357326563!iwsspad4.legifrance.tours.ort.fr!10038!-1!-
374008625!iwsspad6.legifrance.tours.ort.fr!10038!-1
26
Counter-Memorial, para. 4.8.
27Counter-Memorial, para. 4.10. - 40 -

person in the office of the judge of instruction on a given date and a given hour; it does not entail

that the requested person will be orally questione d by the judge of instruction, nor does it entail

penal sanctions in the case of a failure to deliver.

24. The Respondent may be right about the nature of the Article 656 proceedings, especially

when the Respondent stresses the voluntary nature thereof, as well as the numerous procedural

precautions involved, including all the considerati on given to the position of the requested person,

28
being a representative of a sovereign State . But all of these features are just not present in the

convocation à témoin sent to the Applicant’s President on 17May2005, which is clearly a

summons based on Article101 of the French Code of Criminal Procedure. Evidently, the

Respondent here is trying to raise a smokescreen here in order to deprive us of a clear view as to

the form and the meaning as well as the consequences of the convocation à témoin. The available

facts make it simply entirely unlikely that the Respondent may be successful here.

25. In the Tehran Hostages case the Court considered that a mere attempt “to compel the

hostages [i.e. the diplomats] to bear witness” woul d be sufficient and constitute a violation of the

relevant provision of the 1961 Vienna Convention ( United States Diplomatic and Consular Staff in

Tehran (United States of America v. Iran), Judgment, I.C.J. Reports 1980, p. 37, para. 79). Since it

is generally accepted that the immunity rules for diplomatic agents do reflect customary law, and

therefore may be applied by analogy to Heads of St ate, it is clear that this consideration of the

Court would a fortiori apply to a Head of State.

26. In a similar sense the Court considered in the Arrest Warrant case that the mere issuing

of an arrest warrant which according to the releva nt national legislation may possibly lead to the

person involved being arrested, would as such and by itself constitute an infringement of the

immunity of the Minister for Foreign Affairs ( Arrest Warrant of 11April2000 (Democratic

Republic of the Congo v. Belgium), Judgment, I.C.J. Reports 2002, para. 70).

27. Given these judgments the question that remains to be answered is, how closely the

Article101 “convocation” is linked to Article109 of the same French Code providing for the use

of public force. Who better, Madam President, c ould give an authoritative interpretation of these

28
Counter-Memorial, para. 4.11. - 41 -

provisions than the Respondent’s Cour de Cassation ? The Cour de Cassation was requested to

assess the lawfulness of a request to testify, a re quest which was addressed to PresidentChirac:

and this is what the highest French court said:

“[L]e Président de la République ne pe ut, pendant la durée de son mandat, être

entendu comme témoin assisté ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une
infraction quelconque devant une juridiction pénale de droit commun, (iii) il n’est pas
davantage soumis à l’obligation de comparaître en tant que témoin prévu par

l’article 101 du code de procé dure pénale dès lors que cette obligation est assortie par
l’article 109 dudit code d’une mesure de contra inte par la force publique et qu’elle est
pénalement sanctionnée.” 29

In other words, the Cour de Cassation judged that the linkage between the two provisions is such

that Article101 is, indeed, accompanied by the su pport of public force through Article109. And

for that reason the highest French court judged an Article 101 convocation addressed to the French

President to be unlawful.

28. Given the foregoing, there can be no doubt that also under international law the

convocation à témoin sent by fax to the Applicant’s President on 17May 2005 should be

considered to be unlawful. A similar conclusion was drawn in abstracto by

Professor Michel Cosnard in his contribution to th e 2001 Colloque de la Société Française de droit

international 30.

29. The Respondent reduces all of this to a matter of form and states:

“There is no doubt that, in terms of form, this summons did not comply with the

provisions of Article 656 of the Code of Criminal Procedure, since it was not
transmitted to the Djiboutian Head of State ‘through the intermediary of the Minister
for Foreign Affairs’, i.e., through diplomatic channels.” 31

Surely, there is no doubt that the Respondent is right on this particular, minor, point. Only, only

we are not discussing a matter of compliance or non- compliance with a certain procedural

requirement of Article656, simply because this convocation à témoin is not the request regulated

by Article656, simply because this “convocation” is a “convocation” of an entirely different

nature, regulated by a different provision, by Article101, of the French Code of Criminal

29
Cour de cassation, arrêt de l’ assemblée plénière, No. 01-84.912, 10 octobre 2001,http://archiv.jura.uni-
saarland.de/FB/LS/Autexier/skripteca/DPFStaatsexamen/klausuren/sachverhalte/klausur_7.htm.
30Cosnard, “Les immunités du Chef d’Etat”, in Actes du Colloque de la Société Française de droit international

(Clermont-Ferrand 2001), Paris, 2002, p. 255.
31Counter-Memorial, para. 4.20, translation by the Registry of the Court. - 42 -

Procedure. It is noteworthy that, actually, the raising of this smokescreen is the only, the only

response the Respondent has provided regard ing the summons of 17May 2005. The

Counter-Memorial does not contain any beginning of a position holding that using an Article101

convocation could under any circumstance be lawful under international law when the addressee of

the summons is a Head of State. Thus, the Parties seem to agree on the law, while with respect to

the facts the Respondent is having recourse to a totally unfounded and entirely unlikely

presentation in order to try and uphold its position.

32
30. As we recalled in the Memorial , upon receipt of the faxed convocation on

17May 2005, the Djibouti Ambassador in Paris imme diately sent a letter of protest to the French

33
Foreign Ministry . At that point in time, the Ambassador was entirely aware of the factual and

legal details involved, he had experience with this sort of convocation, since, not long before, he

34
himself had received one . This was on 21 December 2004. For this incident the French Chef du

Protocole did not embark on some transformatory move, but he plainly apologized, apologized

through his letter of 14 January 2005 in which he stated:

“Je vous confirme en outre que, confor mément à l’article 656 du Code de
Procédure pénale, la déposition écrite d’un représentant d’une puissance étrangère est

demandée par l’entremise du ministère des affaires étrangères, ce qui, en l’espèce, n’a
pas été le cas, ce que je déplore et qui m’amène à vous prier d’accepter mes excuses
pour cette entorse aux usages diplomatiques.” 35

In addition to this the Chef du Protocole informed the Ambassador that the judge of instruction that

had sent this convocation acknowledged the mistake and had stated that this convocation should be

considered to be null and void. So, on that occasion the Respondent did not try and hide behind

any smokescreen and did not try to tell the addresse e what the Respondent is trying to tell us now,

that this convocation is not what it says it is, but that it would be the invitation determined in

Article 656.

31. In his letter protesting the convocation sent to the President, the
Ambassador, in no

uncertain terms, invited the Minister to confirm th at this convocation should be considered as null

32Memorial, para. 75.
33
Note from the Ambassador of the Republic of Djibouti in Paris, 18 May 2007, Memorial, Ann. 29.
34Memorial, Ann. 25.

35Memorial, Ann. 27. - 43 -

and void and to confirm that he would do what ever necessary with respect to the judge of

36
instruction . The tone of this letter was clearly aimed at transmitting the distress of the Applicant;

this distress was aggravated by the fact that, as the Ambassador also informed the Minister,

21minutes after the judge of instruction had actually transmitted the fax holding the

convocation— the fax says it was at 15h51—, the French Press Agency— at 16h12—

published the news of the convocation. From a me dia point of view, clearly, this was quite an

achievement on the part of the French Press Agen cy. However, this does raise all sorts of

questions about the working of the French judiciary. Obviously, this is, as such, not Djibouti’s

concern but this particular behaviour does affect Djibouti’s relationship with the French Republic

and it also may entail the responsibility of the Res pondent under international law. In any event,

one would expect that the French Minister w ould send an immediate reply containing at a

minimum, at a minimum the same sort of apologies as were sent when the Ambassador was

unlawfully summoned, a reply offering an explana tion, giving an indication of what the French

Executive could and, therefore, would do to redress what had happened and to prevent repetition in

the future.

32. Nothing of the kind was received by the Ap plicant. However, the Ministry did respond

to the Ambassador: by sending him a transcript of a live interview given by the spokesperson of

the Ministry to a French radio station. There was no cover letter to the transcript other than a “for

37
your information” fax form . In the interview this person explains in general terms that all

incumbent Heads of State enjoy immunity and that France intends to ensure that this principle is

respected. And then, he continues to explain that the Code of Criminal Procedure contains certain

provisions with respect to written statements sought of a representative of a foreign Power.

33. Now, this is not a particularly elegant way of responding to a letter of protest coming

from the representative of a State with which the Fr ench Republic has agreed to entertain friendly

relations through a Friendship Treaty. Moreover, this response is not in substance, nor in form, let

alone in terms of good faith and constructive co-operation, to be considered as a satisfactory

reaction to the Ambassador’s letter. This do es not become any better by, two years later,

36
See above, note 24.
3Counter-Memorial, Ann. XXIX. - 44 -

submitting yet another press statement of 18 May 20 05, this time to the Court, as the Respondent

38
did with its Counter-Memorial . The latter press statement had a similar content to the transcript

which the Respondent sent to the Applicant’s Ambassador on 19 May 2005.

34. Madam President, educating the press about the contents of Article656, as the

Respondent did in the communiqué, is fine but it is not addressing the problem that this

convocation à témoin is the one determined by Article 101. Also, stating in this press communiqué

that the French Republic “entend faire respecter” the immunity principle is not to be seen either as

a proper response to the substance of the Ambassador’s letter. Clearly missing in these press

statements is any reference to the judge of instruction having made a mistake.

35. Actually, this type of response, or bette r non-response, to the Applicant’s letter further

underlines and enhances the infringements on the immunity, the honour and the dignity of

Djibouti’s Head of State. Until this very day neith er the Applicant nor the President have received

any notification in any form that the convocation of 17 May 2005 should be considered null and

void. Given the fact that, clearly, Djibouti’s Head of State refuses to respond positively to the

convocation, he is still today punishable under Fren ch law, while public force may be applied to

him to make him appear before this judge of instruction.

36. The Respondent has not used the opportunity of the current litigation either to apologize

and/or to give guarantees and assurances of non-repetition.

37. Madam President, the facts regarding the 17 May 2005 convocation cannot reasonably be

disputed. Therefore, it cannot reasonably be disput ed either that the French Republic by issuing

this convocation has indeed infringed the immunity as well as the honour and the dignity of the

Applicant’s Head of State.

38. The response, or better the non-response, gi ven by the French Republic to the letter of

protest sent by the Ambassador of Djibouti in it self should be considered as another infringement

on the immunity, the honour and the dignity of the President of Djibouti, while we also need to

conclude that the infringement continues through to this very day, since the Respondent has refused

to declare the convocation of 17 May 2005 null and void.

38
Counter-Memorial, Ann. XXX. - 45 -

14ebrua2ry07

39. As I recalled earlier, the Respondent has stated in the Counter-Memorial: “In the present

case, the Djiboutian Head of State was summoned as an ordinary witness by a French investigating

39
judge on two occasions.” The first one, we have just discussed. Now I am turning to the second

one, issued on 14February 2007, at the occasion of Djibouti’s President being in France for the

24th Conference of Heads of State of Africa and France, which was to be held in Cannes, in

France, on 15 and 16February 2007. Not only did 49delegations from Africa participate in this

conference, but it was also attended by representatives of the United Nations and of the African

Union, while MrsA . ngelaMerkel represented the European Union, in her capacity of

40
President-in-office .

40. ProfessorCondorelli has spoken on the juri sdictional issues raised by the Respondent

41
with regard to the 14 February 2007 request . I will focus on an assessment of the nature of this

second effort to obtain a witness statement from the President.

41. First of all, it is difficult to understand how it could have been possible that the

Respondent’s judicial and executive branches w ould initiate another attempt to involve the

President as a witness in the Borrel investigation, and without making any reference whatsoever to

the events of May 2005 related to the convocation à témoin.

42. Secondly, the timing and the execution of this further attempt are even more striking. In

the Counter-Memorial the Respondent takes the position that this time around only the written

procedure of Article 656 of the French Code of Crim inal Procedure was at st ake. Why is it, then,

that this request was to be brought to the Preside nt’s attention in the midst of a Conference of

Heads of State of Africa and France? Given the written form, supposedly meant to be utilized here,

one would have expected that the Article 656 request would have been transmitted to the President

through the Ambassador of the French Republic in Djibouti regardless of the whereabouts of

Djibouti’s President at the time of the transmission of the request.

39
Counter-Memorial, para. 4.8, cf. translation provided by the Registry of th e Court; see also Counter-Memorial,
para. 4.16.
40
http://www.ambafrance-uk.org/Africa-France-summit-Final.html.
4CR 1/2008, paras. 23-25. - 46 -

43. Apparently, the judge of instruction favoured the widely publicized event of the African

Heads of States convening in France as the prefe rred venue to, again, invite the Applicant’s

President to play a role in the Borrel murder investigation. Apparently, the French Foreign

Minister did not see any reason to inform Judge Clément that he would transmit the request through

the French Ambassador in Djibouti to the Preside nt, so the President could attend to it upon his

return to Djibouti the day after the conference was over. After all, the Article 656 procedure does

not provide for an obligation of the Foreign Mini ster to follow the judge’s suggestions regarding

the timing and the logistics of the transmission of the invitation.

44. Again here, one may only guess why both th e judge and the Minister chose to do as they

did. Without guessing, we know for a fact that here, again, the French judiciary informed the Press

at a very early stage, this ti me even before the message was transmitted to the representatives of

Djibouti.

45. We have sent to the Court, on 12N ovember2007, three press clippings. The first

clipping demonstrates that l’Express was able to publish this news as early as 13 h 41. The report

says that Judge Clément asked to hear the witness on Friday, in Paris. The second clipping shows

that Le Monde had a similar message at 14h02. This article uses similar language to the one in

l’Express. It says that JudgeClément wants to hear the President on Friday, in Paris. The third

clipping, produced by Associated Press at 14h50, contains an updated article stating that

JudgeClément “a convoqué comme témoin” the Appli cant’s President. The article further states

that the President was called for Friday. The source of this piece of information is mentioned twice

in the article: “sources judiciaires”. Now, these are respected media, not known for publishing any

news without double-checking and not known for mentioning a particular source, if that would,

indeed, not be the correct source.

46. Upon the release of this news the Djiboutian Ambassador issued a communiqué voicing

protest and referring back to the earlier similar incident of May 2005 42.

47. This protest did not lead to any sort of direct communication from the French authorities

to the Ambassador of Djibouti offering an apology or at least a clarification. The Ministry of

4Communiqué de l’Ambassade de la République de Djibouti à Paris affé rente à la demande d’audition de
S.E.M. Ismail Omoar Guelleh, 14 février 2007, Ann. 1 of the Additional Documents submitted to the Court by the

Republic of Djibouti on 21 November 2007, p. 1. - 47 -

Justice did, however, issue a press communiqué that same afternoon, in which the Ministry referred

to the “convocation adressée ce jour au Président de la République de Djibouti à titre de témoin” 43.

Also, the Ministry recalls that Heads of State cannot be forced to testify. As was the case in the

press clippings, the Minister of Justice here, in so many words, refers to a “convocation . . . à titre

de témoin”, while also stating that this convo cation is addressed, addressed to the President. The

language used in this communiqué is more or less identical to the language used in the

communiqué issued by the Ministry of Foreign affairs on 19 May 2005, on the occasion of the first

convocation à témoin 44.

48. These various documents of 14 February 2007 show that the situation at hand is a clear

repetition of the events that took place on 17Ma y2005. Apparently, the judge of instruction

started out to, again, try and obtain a witness st atement from the Applicant’s President, to be

delivered, in person, in Paris, two days after the request was sent.

49. As mentioned before, the Respondent agr ees that the President was summoned twice.

Since the Applicant had not submitted the second convocation ⎯ simply because the Applicant had

never received it ⎯, the Respondent stated in its Counter-Memorial that it would to do so in our

45
place ⎯ it would do so for the convenience of the Court as Annex IV . In the list of annexes the

title of this Annex IV is entirely identical to that of Annex III, except for the date. Thus, Annex III

was to be the convocation of 17May2005, Annex IV was to be the one of 14February2007.

Since the actual AnnexIV turned out not to be the “Invitation à témoin” indicated in the

description of this Annex provided by the Counte r-Memorial, but rather the “Lettre en date du

14février2007 adressée par le ministre des affaires étrangères au ministre de la justice”, which

clearly points to something other than a convoca tion addressed to the President and which letter

appears under precisely this title as Annex XXXIV, for these reasons the Applicant asked the Court

on 3 January of this year to invite the Respondent to correct this apparent mistake and to submit the

actual document indicated in the title of Annex IV. A similar question was raised by the Applicant

43
Communiqué de Presse, Cabinet de Ga rde des Sceaux, Ministre de la Jstice de la République française,
14février2007, Ann.3 of the Additional Documents subm itted to the Court by the Republic of Djibouti on
21 November 2007, p. 7.
44
Counter-Memorial, Ann. XXX.
45Counter-Memorial, para. 4.24. - 48 -

with respect to Annex III. The Respondent, then, on 7 January 2008 informed the Court that it had

mentioned Annex IV once in its Counter-Memorial, in paragraph 1.6, which is not entirely correct,

since the same annex was also mentioned in paragraph4.24, where the Respondent notes that it

46
“pour la commodité des Juges de la Cour, fi gure en annexeIV du présent contre-mémoire” .

Also, the Respondent states that there is no separate “invitation” in Annex IV, but that there is only

the letter which was also submitted as Annex XXXIV.

50. The confusion present in the listing and naming of these annexes to the

Counter-Memorial may very well be a reflection of the apparent tensions between the French

executive and the French judiciary which seem to be present around the various incidents discussed

in this case. In any event, from the news clippings discussed earlier, as well as from the text of the

press communiqué issued by the Ministry of Justice shortly after the news of the convocation was

published, it becomes clear that at the beginning of the afternoon, indeed, a convocation à témoin

must have existed. The communiqué clearly implies that the Ministry found several shortcomings

in the initial convocation.

47
51. Several hours after that, but still on 14 February 2007, at 18h59 , judge of instruction

Sophie Clément, sent a fax message to the French Mini ster of Justice in order to have the Minister

request the French Minister for Foreign Affairs to invite the Applicant’s President to testify in the

Borrel murder investigation. It is clear that this letter is not the convocation that was central in the

reporting by the media and to which reference was made in the press communiqué.

52. The follow up to these events on 14 Febr uary 2007 seems to have developed into an

approach which would come close to the Article656 procedure, which I discussed earlier. This

eventually, resulted in the refusal of the President to testify, a refusal that was communicated to the

48
French authorities on 16 February 2007 .

53. The letter of 14February2007 does not state that the judge wishes to obtain a written

statement from the President. The letter advises that the President would be staying in a hotel in

Cannes for several days. The conclusion must be that all of these facts taken together do

46Id.
47
See fax information on top of the letter, Counter-Memorial, Ann. XXXIV.
48Counter-Memorial, Ann. XXXIII. - 49 -

demonstrate another clear attempt of the judge of instruction to call the President in to be heard, in

person, as a witness in the Borrel murder investigation. Thus, the attempt was, at least initially,

again aimed at following the procedure laid down in Article101 of the French Code of Criminal

Procedure. As we have seen, according to this pr ocedure, the refusal to appear is punishable under

French law and may lead to the use of police force 49.

54. As we have also seen, this Court has judged in the Tehran Hostages case that a mere

attempt to bring the hostages to testify would come down to the violation of the immunity rules for

diplomats, rules which reflect customary law and may, by analogy, be applied to Heads of State.

55. The fact that, later, the procedure seemed to have changed into an Article 656 procedure,

does not change the facts demonstrating that the attempt was, indeed, made and that it was even

communicated to the press before it developed, which obviously was an embarrassment to the

Applicant’s President who had at that time arrived in France to attend a conference to which he was

explicitly invited by the French President. This is especially so, since the Respondent at the time

did not see any need to apologize, to clarify or to do anything in direct communication with the

Applicant’s representatives, which could have b een seen as trying to make up for the damage

inflicted on the immunity, the honour and the dignity of the President of Djibouti.

56. The fact that the 14 February 2007 events were actually repetitious to the events of

17 May 2005 enhances the seriousness of these infringeme nts. This fact also demonstrates that the

Applicant has every reason to fear that this behavi our on the part of the Respondent is not going to

stop if the Court does not tell the Respondent to do so.

Duty to prevent

57. Madam President, it is generally accepted under international law that States are under a

duty to take all necessary measures for the prot ection of the person, freedom and dignity of

internationally protected persons, including Heads of State. Article29 of the Vienna Convention

on Diplomatic Relations, to which both France and Djibouti are parties, provides that “[t]he person

of the diplomatic agent shall be inviolable. He shall not be liable to any form of arrest or detention.

The receiving State shall treat him with due respect and shall take all appropriate steps to prevent

49
Article 109 of the FCCP, see above, para. 18. - 50 -

any attack on his person, freedom or dignity.” Similarly, Article29 of the 1969 Special Missions

Convention stipulates that

“[t]he person of the representatives of the sending State in a special mission and of the

members of its diplomatic staff shall be inviolable. They shall not be liable to any
form of arrest or detention. The receiving State shall treat them with due respect and
shall take all appropriate steps to prevent any attack against their person, freedom or
dignity.”

In this context, it is important to note again that Article 2, paragraph 3, of the 1973 Convention on

Internationally Protected Persons uses similar langua ge and refers to the existence of such rules

under customary international law, stating that:

“Paragraphs 1 and 2 of this article in no way derogate from the obligations of
States parties under international law to take all appropriate measures to prevent other

attacks on the person, freedom or dignity of an internationally protected person.”

58. The Respondent seems to be aware of this legal obligation on its part, when it stated on

18 May 2005 through the spokesperson of the Ministry for Foreign Affairs that

“all incumbent Heads of State enjoy imm unity from jurisdiction when travelling
internationally.

This is an established principle of international law and France intends to ensure
that it is respected.”0

Through this statement France demonstrates its willingness to take the necessary measures to

ensure that the immunities and dignity of an incumb ent Head of State on an official visit to France

would not be compromised as well as a general acknowl edgment of the legal status of the rule. In

any event, the Counter-Memorial does not raise any objections to this obligation, to prevent what

constitutes a significant part of the overall obligation to respect foreign Heads of State.

Conclusions

59. Madam President, Members of the Court, the facts at hand are clear and do not leave

room for any misinterpretation. The first c onvocation of 17May2005 cannot be seen otherwise

than as a convocation under Article 101 of the French Code of Criminal Procedure, which finds its

executive companion in Article 109 of the same, while under Article 434-15-1 of the French Code

of Criminal Law failure to appear is punishab le. Issuing this convocation constitutes a clear

violation of the immunity to which the Applicant’ s President, like any other Head of State, is

50
Counter-Memorial, Ann. XXX, translation provided by the Registry. - 51 -

entitled. The second “round” should be at least interpreted as another ⎯ widely publicized ⎯

attempt to call in the President in order to obtain his oral testimony. We have demonstrated that it

follows from the case law of this C ourt that the mere attempt to br ing a Head of State to testify

under a régime which includes the possible use of pub lic force also constitutes a clear violation of

the immunity to which the Applicant’s President, like any other Head of State, is entitled. The fact

that the attempt failed does not change this, give n the fact that the attempt was widely published

under the responsibility of the Respondent and that it s existence was confirmed by the Ministry of

Justice in its press communiqué.

60. The violations at hand were enhanced a nd multiplied by the manner in which the French

Executive chose to respond to the strong ⎯ and entirely justified ⎯ protests which the Djiboutian

Ambassador at both instances immediately commun icated to the French authorities. On both

occasions the responses of the French authorities by themselves should be qualified as serious

infringements on the honour and the dignity of the Applicant’s President. At the same time this

behaviour is entirely not conforming with the re quirements flowing from the Treaty of Friendship

and Co-operation of 27 June 1977, to which topic Professor Condorelli is about to speak.

61. The facts related in this section of our pleadings also demonstrate that the Respondent

has repeatedly violated its duty to prevent any infringements from its side on the immunity, dignity

and the honour of the Applicant’s President, a failure which has become even more apparent on the

occasion of the second attempt to obtain an oral testimony from the President of Djibouti.

62. Madam President, this concludes my pleading. We would appreciate your calling

Professor Condorelli to again take the floor.

The PRESIDENT: Thank you, Maître van den Biesen. Je donne maintenant la parole à

M. le professeur Condorelli. - 52 -

M. CONDORELLI :

L E TRAITÉ D ’AMITIÉ ET DE COOPÉRATION ENTRE LA R ÉPUBLIQUE FRANÇAISE

ET LA R ÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI DU 27 JUIN 1977

Prémisse

1. Madame le président, Messieurs les juges, ainsi qu’elle l’a indiqué dans sa requête

introductive d’instance et développé dans le mémo ire, la République de D jibouti invoque dans la

présente affaire deux accord bilatéraux la liant à la République française et prie la Cour de dire et

juger que la France est responsable de leur violatio n : il s’agit du traité d’amitié et de coopération

du 27 juin 1977 et de la convention d’entraide judi ciaire en matière pénale du 27 septembre 1986.

Permettez-moi de préciser dans quel ordre nous envisageons de présenter à la Cour le point de vue

de Djibouti au sujet de ces deux accords.

2. Dans la première partie de la présente pl aidoirie, je vais centrer mes observations sur le

traité de 1977 et montrer à la Cour quel est, d’ap rès le demandeur, son rôle aux fins du règlement

du différend qui est soumis à votre haute juridictioPuis, demain matin, dans la deuxième partie

de cette même plaidoirie, j’aurai l’honneur d’év oquer les dispositions pertinentes de la convention

de1986, dans le but de mettre au clair le régime juridique applicable à l’entraide judiciaire en

matière de commissions rogatoires. Ensuite, M evandenBiesen analysera les faits de l’affaire et

démontrera que le refus par la France d’exécute r la commission rogatoire demandée par Djibouti,

au-delà de la violation des principes sur l’amitet la coopération entre les deux pays est un fait

internationalement illicite au regard de la convention de 1986, déclenchant la responsabilité

internationale du défendeur.

1. Le caractère juridiquement contraignant du traité de 1977

3. Madame le président, avant d’entrer dans les détails concernant les manquements au traité

de1977 que la République de Dji bouti reproche à la France, une remarque générale s’impose.

Cette remarque, importante, est dictée par le consta t que le défendeur ne se borne pas à faire valoir

qu’il n’a enfreint aucune obligation découlant du traité de1977. Le contre-mémoire français,

eneffet, va bien au-delà d’une telle allégation, puisqu’il propose à la Cour une lecture du traité

de 1977 qui ⎯on ne saurait le dissimuler ⎯ surprend très désagréablement le demandeur et - 53 -

engendre chez lui de graves préoccupations quant à la manière d’entendre, du côté français, les

liens d’amitié et de coopération entre les deux pays , que le traité proclame pourtant avec beaucoup

de solennité et de clarté. Une manière, pour tout dire, qui ne peut que laisser planer des doutes

quant à l’avenir de leurs relations mutuelles, dont le régime général de droit international ⎯ tel que

Djibouti l’a toujours compris ⎯ est mis en discussion.

4. Ainsi que je l’ai souligné d’entrée de jeu, Madame et Messieurs les juges, la France fait

valoir qu’aucune obligation pouvant jouer en matière d’entraide judiciaire ne découlerait de ce

traité: il s’agit là d’une question d’interprétation qui est soumise à la Cour, et sur laquelle je

reviendrai sous peu. Et il est vrai que le défendeur semble admettre par ailleurs que «[d]es

obligations juridiques apparaissent dans le tr aité … pour certains domaines de coopération sans

51
rapport avec la coopération judi ciaire en matière pénale…» : j’anticipe entre parenthèses que

cette absence de rapport avec le domaine de l’entr aide est bien discutable, comme on le verra

incessamment. Mais le problème que Djibouti entend soulever maintenant est autre. C’est que par

la suite, lorsqu’il est question de l’objet et du but du traité, le défendeur s’exprime dans son

contre-mémoire sur un tout autre registre, en se contredisant sans doute: il laisse entendre

finalement qu’au-delà de l’un ivers des déclarations à carac tère purement politique, aucune

obligation juridique véritable ne serait dictée aux Parties.

5. Il me faut reproduire ici un passage éloquent du contre-mémoire : «Il convient…de

rappeler que cet objet et ce but sont l’amitié et la coopération, c’est-à-dire des notions si larges

qu’il est impossible d’en déduire autre chose qu’une intention générale devant être concrétisée par

52
des obligations spécifiques.» Et le défendeur d’ajouter ⎯ je souligne cette prise de position, très

préoccupante quant à ses implications : «Si l’on met en rapport l’objet et le but du traité avec ses

dispositions, il apparaît clairement que les Etats parties ont surtout voulu poser, avec quelque

solennité, les grands principes et les objectifs de leur coopération future.» 53 Madame le président,

il n’y a pas, me semble-t-il, deux manières d’en tendre ces mots: il y en a une seule! La thèse

présentée est que le traité de 1977 se bornerait en substance à esquisser les lignes d’une coopération

51CMF, p. 19, par. 3.7.
52
CMF, p. 20, par. 3.9 ; les italiques sont de nous.
53Ibid. ; les italiques sont de nous. - 54 -

à venir; en somme, il ébaucherait un programme pour demain, un simple projet n’engendrant, en

tant que tel, dans l’immédiat, aucune obligation véritable.

6. Madame et Messieurs les juges, ce n’est pas là l’interprétation que la République de

Djibouti avait retenue jusqu’ici du traité : elle y avait toujours vu et continue d’y voir un instrument

dont le caractère politique indéniable ne saurait rien enlever à sa portée juridique astreignante pour

les parties: autrement dit, un instrument prescrivant justement une obligation générale, ainsi que

des obligations plus spécifiques, de coopérer dans tous les domaines couverts, tant directement

qu’indirectement, par ses dispositions.

7. Une première remarque d’ordre général est à faire à ce sujet: en 1977, les deux Etats

auraient pu très bien se borner à proclamer, par une déclaration solennelle de caractère politique,

leur intention commune d’entret enir à l’avenir des relations amicales comportant une intense

coopération dans tous les domaines. Mais ce n’est pas cela qu’ils ont décidé de faire: ils ont

négocié et conclu un traité en bonne et due forme, qu’ils ont ensuite ratifié conformément aux

procédures constitutionnelles internes pertinentes. Pour mémoire, l’instrument de ratification

français comporte la formule usuelle «Déclarons qu’il [le traité] est accepté, ratifié et confirmé et
54
promettons qu’il sera inviolablement observé.» En somme, du fait même de l’instrument choisi,

il apparaît clairement que le but poursuivi par les pa rties contractantes était et reste celui de se lier

au moyen d’un véritable engagement juridique décl enchant tous les effets d’un authentique accord

international.

8. Mais il y a bien plus que cette remarque de caractère général. Pour Djibouti, il suffit

d’examiner le texte avec un minimum de soin pour se persuader de la portée juridiquement

astreignante du traité. En effet, peut-on vraime nt parler d’une vague «intention générale» se

rapportant à une «coopération future» (donc éventue lle), alors que la majorité des dispositions du

traité sont clairement libellées en termes d’obligatio ns? Ainsi, l’article1 indique que les parties

«décident» de fonder leurs relations sur l’égalité, le respect mutuel et la paix: il n’est pas dit

qu’elles «se proposent» ou qu’elles «envisagent» de ce faire ! A l’article 2, les parties n’expriment

pas un simple souhait, mais «proclament leur ferme volonté de préserver et raffermir» leurs liens de

54 o
Dans le document publié par la Cour reproduisant la requête de Djibouti (2006, rôle général n 136), voir p. 22. - 55 -

coopération et d’amitié! Encore, à l’article3 et à l’article4, il est question à quatre reprises

d’engagement (les parties, primo, «s’engagent» à se concerter en matière de stabilité de la

monnaie ; secundo, «s’engagent» à se concerter sur les problèmes d’intérêt commun; tertio,

«décident» de s’accorder mutuellement toute l’aide possible en vue de la réalisation de leurs

objectifs ; quarto, «s’engagent» à développer et renforcer la coopération entre leurs deux pays dans

les domaines de la culture, des sciences, de la technique et de l’éducation) : il ne s’agit donc pas de

simples programmes à définir dans le futur, mais de vraies obligations contractées pour le présent

déjà! D’ailleurs, les listes de domaines dans lesquels les parties s’engagent à coopérer ont

clairement un caractère indicatif, et non pas exhaustif.

9. Enfin, Djibouti est bien étonnée de voir la France passer sous silence total la première

partie de l’article 5 du traité de 1977, qui est pourtant ⎯ on le verra dans un instant ⎯ hautement

pertinente aux fins du présent différend : il y est ét abli que les parties «favoriseront» la coopération

entre les différents organismes nationaux publics et privés, et non pas qu’elles envisagent de la

favoriser. Chacun sait, en effet, que l’emploi du futur dans une disposition conventionnelle

implique en principe qu’une obligation est en jeu: autrement dit, «favoriseront» signifie

«s’engagent à favoriser», et non pas «devraient favoriser» ou «s’efforceront de favoriser dans toute

la mesure du possible». Je noterai au passage que le Greffe de votre Cour ne s’y est pas trompé:

dans la traduction en anglais, certes non officielle , du traité de 1977 qui figure dans le document

55
publié par la Cour reprodui sant la requête de Djibouti , les termes «favoriseront la coopération»

sont traduits à juste titre par «shall foster co-operation» 56. «Shall», et non pas «should» !

10. En somme, s’il est vrai que tout traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens

ordinaire à attribuer aux termes employés dans leur contexte (ainsi que le requiert l’article31,

paragraphe1, de la convention de Vienne sur le droit des traités), on ne voit pas comment on

pourrait prétendre que le traité de 1977 serait à ranger ⎯ comme la France semble vouloir le faire

en substance ⎯ parmi les instruments juridiquement non contraignants.

11. Madame le président, la République de Djibouti écoutera avec beaucoup d’attention le

point de vue que la France voudra bien exprimer aussi clairement que possible, sans doute au

55
2006, rôle général n° 136.
56Page 21 du document cité. - 56 -

courant de cette même semaine, concernant la ques tion de savoir si vraiment elle considère que le

traité de1977 n’exprime en réalité, en matièr e de coopération entre les Parties, qu’une sorte

d’«intention générale», sans prescrire de vraies obligations juridiques. Mais surtout le demandeur

attache beaucoup d’importance au jugement que votre Cour portera sur cette question: votre

jugement jouera un rôle considérable sur les rela tions futures entre les deux pays, et ceci, je le

répète, quelle que soit l’interprétation que la Cour décidera de retenir sur le point précis de savoir si

les conduites sub judice de la France, y compris celle por tant refus non motivé d’exécuter la

commission rogatoire relative à l’«affaire Bo rrel», constituent ou non une violation du traité

de 1977.

12. J’ai déjà fait valoir que les termes mêmes des dispositions du traité de 1977, entendus

suivant leur sens ordinaire, mettent en évidence que ce traité prescrit bien aux parties de véritables

obligations juridiques, certes de caractère général mais non moins contraignantes pour cela. Il faut

maintenant, en premier lieu, tirer au clair quels sont les domaines couverts par les obligations en

question; puis, en deuxième lieu, on identifiera les principes relatifs aux modalités de la

coopération ; enfin, en troisième lieu, on se penc hera sur la question de savoir à quelles conditions

il est légitime d’affirmer que l’une de ces obligations est enfreinte.

3. L’étendue ratione materiae de l’obligation de coopération découlant du traité de 1977

13. Le premier problème est en réalité un pseudo-problème : en effet, ce qui est en jeu dans

le traité de 1977 est bien la coopération tous azimuts, puisque les Parties «s’engagent à se

concerter» sur tous les «problèmes d’intérêt commun» et «décident de s’accorder mutuellement

toute l’aide possible» à ces sujets, pour citer à nouveau les mots figurant à l’article 3, paragraphe 2.

De plus, il a déjà été souligné auparavant que la coopération entre les différents organismes

nationaux, publics et privés, forme elle auss i l’objet d’une obligation spécifique, prévue à

l’article5: celle de la «favoriser». Il s’ensu it qu’une partie qui, au lieu de faciliter une telle

coopération sur un problème d’intérêt commun, l’entr averait gravement et sans justification, ne

respecterait pas de ce fait même les prescriptions du traité de 1977. Et il va de soi que la

coopération entre les appareils judiciaires des de ux pays en matière d’entraide pénale trouve - 57 -

pleinement sa place dans ce contexte, par rapport aux engagements découlant des articles3 et5

déjà mentionnés.

14. L’article 6 du traité de 1977 est aussi pertinent à ce propos. Il y est question d’une

commission franco-djiboutienne de coopération, appelée à «veiller à la mise en Œuvre des principes

et à la poursuite des objectifs définis dans le prés ent traité». Dans la mission de cette commission

entre aussi le contrôle quant à «l’application des différents accords conclus entre les deux Etats»

(art.6, par.2), ce qui implique de toute éviden ce la vérification que l’application de ces autres

instruments (y compris sans le moindre doute la co nvention de 1986) s’effectue dans le respect du

traité. En somme, le traité, pour ainsi dire , «chapeaute» tous les autres accords bilatéraux

successifs, dont la convention de 1986, et doit êt re observé dans tous les domaines dont ceux-ci

s’occupent. Autrement dit, tous ces accords postérieurs à 1977 doivent être interprétés et appliqués

à la lumière de l’objet et du but du traité de 1977 et des engagements en matière de coopération qui

en découlent.

15. Madame le président, il est vrai que la commission franco-djiboutienne de coopération,

après avoir été formellement mise en place au tout début, n’a plus été utilisée depuis. Cependant,

ceci ne saurait d’aucune manière porter préjudice au rôle et à la pertinence des principes du traité

afin de résoudre tout problème relatif à l’ap plication des autres accords de coopération entre les

deux pays, y compris la convention de 1986: donc l’application de celle-ci doit se faire en

observant scrupuleusement, non seulement ses dispos itions propres, mais également les principes

du traité ! Puisque dans la pra tique bilatérale il n’est pas fait recours à l’Œuvre de la commission

pour contrôler qu’il en aille ainsi, c’est alors directement à chaque Etat qu’il incombe de veiller sur

le respect du traité dans tous les domaines que cel ui-ci couvre. Et, maintenant, dans les limites du

présent différend, cette mission incombe à votre Cour, les deux Etats ayant consenti à reconnaître

votre compétence à ce sujet.

16. Ayant démontré de la sorte qu’on ne saurait retenir la thèse avancée par la France,

d’après laquelle aucune obligation pouvant jouer en matière d’entraide judiciaire ne découlerait du

traité de 1977, il me faut encore apporter une préc ision, concernant la s phère d’application des

obligations de coopération que celui-ci impose aux de ux Parties. Les normes du traité ne relèvent

pas seulement dans les domaines auxquels se réfère nt les accords bilatéraux ultérieurs dont il est - 58 -

question à l’article 6 : les obligations de comporte ment prévues sont de mise par rapport à tous les

«problèmes d’intérêt commun», qu’ils soient ou n on couverts aussi par des traités spécifiques.

Autrement dit, la République de Djibouti est convaincue que tout refus injustifié de se concerter, de

s’entraider et de coopérer, si des intérêts importants sont en jeu, pourrait fort bien constituer un acte

inamical contredisant les principes consacrés dans le traité d’amitié et de coopération de 1977, et

donc un fait internationalement illicite au regard de ce traité.

17. Il convient de souligner avec force que Djibouti se garde bien de prétendre ⎯ comme la

France voudrait vous le faire croire ⎯ qu’il serait possible de déduire de l’objet et du but du traité

des obligations n’ayant pas de rapport direct avec les domaines précis prévus par le traité, ce que

57
⎯on le sait bien ⎯ votre Cour a jugé inadmissible . Pour identifier les obligations dont il

reproche la violation au défendeur, le demandeur ne se réfère pas du tout au seul préambule du

traité ou à un vague principe figurant dans son te xte et concernant les relations pacifiques et

amicales entre les Parties. Djibouti se réfère à diverses dispositions du traité et aux engagements

que celles-ci imposent en matière de coopération, dont bien entendu l’interprétation doit prendre en

compte l’objet et le but du traité, ainsi que s on préambule et son article 1. La France invoque donc

à tort dans son contre-mémoire l’ obiter dictum célèbre de votre Cour en l’arrêt Nicaragua de 1986

(Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.Etats-Unis

d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 137, par. 273), qui énonce une vérité indiscutable

mais qui n’a en l’espèce aucune sorte de pertinence.

4. Les principes relatifs à la manière de coopérer prescrits par le traité de 1977

18. J’en viens au deuxième point à éclaircir, c oncernant toujours les effets obligatoires du

traité. Celui-ci ne se borne pas à indiquer da ns quels domaines les Parties sont assujetties à une

obligation générale de coopérati on assortie d’obligations plus spécifiques. Il prescrit aussi

comment il faut s’en acquitter, c’est-à-dire quels sont les principes et méthodes à suivre lorsqu’on

coopère. La coopération, en effet, doit s’e ffectuer à l’enseigne du «respect mutuel de la

souveraineté nationale, de la non-i ngérence dans les affaires intérieu res de chaque Etat et de la

sauvegarde de leurs intérêts réciproques» (c’est ai nsi que proclame le préambule) et doit se fonder

57
CMF, p. 20, par. 3.11. - 59 -

«sur l’égalité, le respect mutuel et la paix», ai nsi que le prescrit par une formulation contraignante

l’article 1.

19. Madame le président, la République de Djibouti se plaît à invoquer, au sujet de

l’importance centrale de l’article 1du traité de 1977, l’enseignement parfaitement pertinent et in

terminis de votre Cour au regard de l’analogue artic le premier du traité d’amitié, de commerce et

de droit consulaires entre l’Iran et les Etats-Unis d’Amérique du 15août1955. Je me réfère, bien

évidemment, à l’affaire des Plates-formes pétrolières. La Cour y a d’abord, dans son arrêt sur les

exceptions préliminaires de 1996, décidé que «l’ar ticle premier doit être regardé comme fixant un

objectif à la lumière duquel les autres dispositions du traité doivent être interprétées et appliquées»

(Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c.Etats-Unis d’Amérique), exception

préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 814, par. 28). Puis, dans son arrêt de fond de 2003,

votre haute juridiction a fait un usage très remarquable de la disposition en question, dont elle a tiré

des indications d’une grande pertinence quant au choix de l’interprétation à retenir d’autres clauses

du même traité (Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique),

arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p.182, par.41). Djibouti s’attend à ce que la Cour suive mutatis

mutandis la même approche en la présente affaire.

4. Les faits internationalement illicites au regard du traité de 1977

20. Ayant tiré au clair quels sont les domaines couverts par les obligations de coopération

découlant du traité de 1977 et les principes à r especter concernant les méthodes à suivre dans la

coopération, il faut maintenant se pencher sur la question de savoir à quelles conditions il est

légitime d’affirmer que l’une desdites obligations est enfreinte. Le contre-mémoire français

prétend que l’interprétation donnée du traité par Djibouti aurait co mme conséquence un inutile et

illogique «redoublement systématique des obligations» liant les Parties en matière de coopération :

toute violation d’une des conventions conclu es postérieurement à 1977 (comme celle de 1986),

«pour autant qu’elle soit avérée, entraînerait ipso facto la violation du traité de 1977» 58. Mais ce

n’est pas celle-là la thèse que Djibouti défend et présente à votre Cour.

58
CMF, p. 21, par. 3.12. - 60 -

21. Premièrement, comme je l’ai déjà souligné, il se pourrait fort bien que la violation des

obligations de coopération prescr ites par le traité de 1977 soit perpétrée au moyen de

comportements inamicaux qui entraveraient gravement et sans justification la coopération entre les

organismes publiques des deux parties et contrediraient le principe du respect mutuel dû entre

elles: ceci même si l’on était en dehors des domaines couverts par d’autres accords bilatéraux,

comme la convention de 1986.

22. Deuxièmement, Djibouti ne prétend ab solument pas que toute violation, même

occasionnelle et d’importance réduite, de l’un des accords spécifiques de coopération entre les deux

pays, telle la convention de 1986, engendrerait automatiquement et simultanément la violation du

traité de1977. En revanche, il en va tout autrement si ce qui se produit doit être qualifié de

violation grave de la convention de 1986, apte à produire des tensions entre les deux Pays et en

affecter sérieusement les relations, et si de surcroît une telle violation est perpétrée sa
ns la moindre

explication tant soit peu satisfaisante, voire sans explication aucune: c’est, Madame et Messieurs

les juges, exactement cela qui s’est passé dans le cas qui vous est soumis, du fait du refus injustifié

par la France d’exécuter la co mmission rogatoire demandée par D jibouti concernant l’«affaire

Borrel», ainsi que les prochaines plaidoiries le tireront au clair.

23. De plus, une telle manière d’agir du côté français prend tout son relief, en tant que rejet

inacceptable des obligations d’amitié et de coopération établies par le traité de 1977, si l’on l’insère

dans son contexte global: un contexte caract érisé par d’autres actes gravement inamicaux,

consistant en des violations répétées par la Fr ance des principes internationaux en matière de

protection de l’honneur, des immunités et des privilèges de la plus haute autorité de la République

de Djibouti; caractérisé aussi par des poursuit es pénales (toujours en connexion avec l’«affaire

Borrel») lancées au mépris du droit internationa l contre de hauts responsables djiboutiens;

caractérisé enfin par de haineuses campagnes de presse alimentées par des milieux privés, mais

aussi officieux (comme le syndicat de la magist rature), sans que le Gouvernement français ait

ressenti le besoin de s’en dissocier nettement pa r des prises de position claires et fortes. Le

«respect mutuel» dont il est question à l’article 1 du traité de 1977 a été délaissé par la France de

manière inadmissible, en violation manifeste des principes conventionnels en vigueur régissant les

relations entre les deux Pays ! - 61 -

24. La Cour ne saurait sous-évaluer la port ée de la référence à l’ «égalité» et au «respect

mutuel» qui est due entre les Parties lors de la mise en Œuvre de la coopération dans l’ensemble des

domaines couverts par le traité de 1977, ainsi qu e l’exige explicitement son article1. Cela

implique, en particulier, que chaque partie s’acquittant de bonne foi de ses obligations de

coopération est en droit d’attendre de l’autre une co nduite réciproque : ce qu’en principe la France

ne conteste d’ailleurs pas. La France ne c onteste pas non plus que Djibouti a «parfaitement

59
exécuté» toutes les commissions rogatoires demand ées par elle relatives au dossier Borrel.

Cependant, le défendeur fait valoir qu’à son avis aucune relation de réciprocité ne saurait être

établie entre cette attitude pleinement coopérative de Djibouti et le refus par la France d’exécuter la

commission rogatoire demandée par Djibouti, toujours relativement au dossier Borrel. La raison en

est ⎯nous dit-on de l’autre côté de la barre ⎯ qu’aux termes de la convention de 1986 chaque

demande d’entraide doit être envisagée «individuellement» 60. Autrement dit, le succès obtenu par

une partie lors de plusieurs demandes d’entraide ne saurait faire obstacle au droit de cette Partie de

refuser le cas échéant une autre demande d’entraide, fût-elle rattachée au même dossier.

25. Madame le président, in abstracto , ce point de vue est assurément défendable.

D’ailleurs, tout à l’heure (ou demain) nous montre rons à la Cour que le refus non motivé de la

France de satisfaire la requête djiboutienne de commission rogatoire, qui est au cŒur du présent

différend, doit être qualifié en lui-même, indivi duellement pris, de violation inacceptable de la

convention de 1986. Mais si tel est le cas, c’est-à-dir e si la Cour décide de retenir le point de vue

de Djibouti et qualifie la conduite de la France de violation grave de la convention de 1986, le

demandeur la prie alors de bien vouloir se pencher sur une question ultérieure : celle de juger si une

telle violation, de par sa gravité intrinsèque et du contexte déjà esquissé dans lequel elle prend

place, représenté par d’autres faits internati onalement illicites connexes portant manifestement

atteinte aux immunités et à la dignité du chef de l’Etat et de hauts responsables de la République de

Djibouti, ne doit pas être évaluée comme constitu ant un manquement majeur au traité d’amitié et

de coopération de 1977.

59
CMF, p. 23, par. 3.20.
60
CMF, p. 23, par. 3.21. - 62 -

5. Conclusion

26. Je conclus, Madame le président, perme ttez-moi de tirer la conclusion qui suit: le

demandeur prie la Cour de prendre pleinement en compte le traité de 1977 aux fins du règlement

du présent différend. Le demandeur demande à votre Cour d’accorder à ce traité le rôle central qui

lui revient dans l’interprétation des instruments bilatéraux postérieurs, telle la convention de 1986 :

autrement dit, tous ces instruments doivent être entendus et appliqués à la lumière des engagements

en matière de coopération découl ant du traité. Le demandeur vous demande en plus de bien

vouloir dire et juger que, au-delà des violations de la convention de 1986 et des principes en

matière d’immunités, privilèges et prérogatives diplomatiques, les conduites sub judice attribuables

à la France sont à évaluer comme des entorses mani festes aux obligations en matière d’amitié et de

coopération prescrites par le traité bilatéral du 27 juin 1977.

Je vous remercie Madame le président, Messieurs les juges.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Professeur Condorelli. L’audience est levée jusqu’à

demain matin 10 heures.

L’audience est levée à 18 heures.

___________

Document Long Title

Audience publique tenue le lundi 21 janvier 2008, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président, en l'affaire relative à Certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France)

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