Audience publique tenue le vendredi 21 avril 2006, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président

Document Number
091-20060421-ORA-01-00-BI
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
2006/35
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

CR 2006/35

International Court Cour internationale
of Justice de Justice

THHEAGUE LHAAYE

YEAR 2006

Public sitting

held on Friday 21 April 2006, at 10 a.m., at the Peace Palace,

President Higgins presiding,

in the case concerning the Application of the Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro)

________________

VERBATIM RECORD
________________

ANNÉE 2006

Audience publique

tenue le vendredi 21 avril 2006, à 10 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de Mme Higgins, président,

en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro)

____________________

COMPTE RENDU
____________________ - 2 -

Present: Presieitgins
Vice-Presi-Kntasawneh
RanjevJaudges
Koroma
Parra-Aranguren

Owada
Simma
Tomka
Abraham
Keith
Sepúlveda

Bennouna
Skotnikov
Judges ad hoc Mahiou
Kre ća

Couvgisrar

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -

Présents : Mme Higgins,président
AlK.hvsce-prh,ident
RaMjev.
Koroma
Parra-Aranguren

Owada
Simma
Tomka
Abraham
Keith
Sepúlveda

Bennouna
Sjoteiskov,
Mahiou.,
Kre ća, juges ad hoc

CgoMfferr,

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -

The Government of Bosnia and Herzegovina is represented by:

Mr. Sakib Softić,

as Agent;

Mr. Phon van den Biesen, Attorney at Law, Amsterdam,

as Deputy Agent;

Mr.Alain Pellet, Professor at the University of ParisX-Nanterre, Member and former Chairman of
the International Law Commission of the United Nations,

Mr. Thomas M. Franck, Professor of Law Emeritus, New York University School of Law,

Ms Brigitte Stern, Professor at the University of Paris I,

Mr. Luigi Condorelli, Professorat the Faculty of Law of the University of Florence,

Ms Magda Karagiannakis, B.Ec, LL.B, LL.M., Barrister at Law, Melbourne, Australia,

Ms Joanna Korner, Q.C., Barrister at Law, London,

Ms Laura Dauban, LL.B (Hons),

Mr. Antoine Ollivier, Temporary Lecturer and Research Assistant, University of Paris X-Nanterre,

as Counsel and Advocates;

Mr. Morten Torkildsen, BSc, MSc, Torkildsen Granskin og Rådgivning, Norway,

as Expert Counsel and Advocate;

H.E. Mr. Fuad Šabeta, Ambassador of Bosnia andHerzegovina to the Kingdom of the Netherlands,

Mr. Wim Muller, LL.M, M.A.,

Mr. Mauro Barelli, LL.M (University of Bristol),

Mr. Ermin Sarajlija, LL.M,

Mr. Amir Bajrić, LL.M,

Ms Amra Mehmedić, LL.M, - 5 -

Le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine est représenté par :

M. Sakib Softić,

comament;

M. Phon van den Biesen, avocat, Amsterdam,

comme agent adjoint;

M. Alain Pellet, professeur à l’Université de Pa risX-Nanterre, membre et ancien président de la
Commission du droit international des Nations Unies,

M. Thomas M. Franck, professeur émérite à lafaculté de droit de l’Université de New York,

Mme Brigitte Stern, professeur à l’Université de Paris I,

M. Luigi Condorelli, professeur à la faculté de droit de l’Université de Florence,

Mme Magda Karagiannakis, B.Ec., LL.B., LL.M.,Barrister at Law, Melbourne (Australie),

Mme Joanna Korner, Q.C.,Barrister at Law, Londres,

Mme Laura Dauban, LL.B. (Hons),

M. Antoine Ollivier, attaché temporaire d’ense ignement et de recherche à l’Université de

Paris X-Nanterre,

comme conseils et avocats;

M. Morten Torkildsen, BSc., MSc., Torkildsen Granskin og Rådgivning, Norvège,

comme conseil-expert et avocat;

S. Exc. M. Fuad Šabeta, ambassadeur de Bosnie-Herzégovine auprès du Royaume des Pays-Bas,

M. Wim Muller, LL.M., M.A.,

M. Mauro Barelli, LL.M. (Université de Bristol),

M. Ermin Sarajlija, LL.M.,

M. Amir Bajrić, LL.M.,

Mme Amra Mehmedić, LL.M., - 6 -

Ms Isabelle Moulier, Research Student in International Law, University of Paris I,

Mr. Paolo Palchetti, Associate Professor at the University of Macerata (Italy),

as Counsel.

The Government of Serbia and Montenegro is represented by:

Mr. Radoslav Stojanović, S.J.D., Head of the Law Council of the Ministry of Foreign Affairs of
Serbia and Montenegro, Professor at the Belgrade University School of Law,

as Agent;

Mr. Saša Obradović, First Counsellor of the Embassy of Serbia and Montenegro in the Kingdom of
the Netherlands,

Mr. Vladimir Cvetković, Second Secretary of the Embassy of Serbia and Montenegro in the
Kingdom of the Netherlands,

as Co-Agents;

Mr.Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), Professor of Law at the Central European University,
Budapest and Emory University, Atlanta,

Mr. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., Member of the International Law Commission, member of
the English Bar, Distinguished Fellow of the All Souls College, Oxford,

Mr. Xavier de Roux, Master in law, avocat à la cour, Paris,

Ms Nataša Fauveau-Ivanović, avocat à la cour, Paris and member of the Council of the

International Criminal Bar,

Mr.Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), Professor of Law at the University of Kiel, Director
of the Walther-Schücking Institute,

Mr. Vladimir Djerić, LL.M. (Michigan), Attorney at Law, Mikijelj, Jankovi ć & Bogdanovi ć,

Belgrade, and President of the International Law Association of Serbia and Montenegro,

Mr. Igor Olujić, Attorney at Law, Belgrade,

as Counsel and Advocates;

Ms Sanja Djajić, S.J.D., Associate Professor at the Novi Sad University School of Law,

Ms Ivana Mroz, LL.M. (Indianapolis),

Mr. Svetislav Rabrenović, Expert-associate at the Office of the Prosecutor for War Crimes of the
Republic of Serbia, - 7 -

Mme Isabelle Moulier, doctorante en droit international à l’Université de Paris I,

M. Paolo Palchetti, professeur associé à l’Université de Macerata (Italie),

comconseils.

Le Gouvernement de la Serbie-et-Monténégro est représenté par :

M. Radoslav Stojanović, S.J.D., chef du conseil juridique du ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro, professeur à la faculté de droit de l’Université de Belgrade,

comament;

M. Saša Obradovi ć, premier conseiller à l’ambassade de Serbie-et-Monténégro au Royaume des
Pays-Bas,

M. Vladimir Cvetković, deuxième secrétaire à l’ambassade de Serbie-et-Monténégro au Royaume
des Pays-Bas,

comme coagents;

M. Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), professeur de droit à l’Université d’Europe centrale de
Budapest et à l’Université Emory d’Atlanta,

M. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., membre de la Commission du droit international, membre
du barreau d’Angleterre, Distinguished Fellow au All Souls College, Oxford,

M. Xavier de Roux, maîtrise de droit, avocat à la cour, Paris,

Mme Nataša Fauveau-Ivanovi ć, avocat à la cour, Paris, et me mbre du conseil du barreau pénal
international,

M. Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), professeur de droit à l’Université de Kiel, directeur de
l’Institut Walther-Schücking,

M. Vladimir Djeri ć, LL.M. (Michigan), avocat, cabinet Mikijelj, Jankovi ć & Bogdanovi ć,
Belgrade, et président de l’association de droit international de la Serbie-et-Monténégro,

M. Igor Olujić, avocat, Belgrade,

comme conseils et avocats;

Mme Sanja Djajić, S.J.D, professeur associé à la faculté de droit de l’Université de Novi Sad,

Mme Ivana Mroz, LL.M. (Indianapolis),

M. Svetislav Rabrenovi ć, expert-associé au bureau du procur eur pour les crimes de guerre de la
République de Serbie, - 8 -

Mr. Aleksandar Djurdjić, LL.M., First Secretary at the Ministry of Foreign Affairs of Serbia and
Montenegro,

Mr. Miloš Jastrebić, Second Secretary at the Ministry of Foreign Affairs of Serbia and Montenegro,

Mr. Christian J. Tams, LL.M. PhD. (Cambridge), Walther-Schücking Institute, University of Kiel,

Ms Dina Dobrkovic, LL.B.,

as Assistants. - 9 -

M. Aleksandar Djurdji ć, LL.M., premier secrétaire au ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro,

M. Miloš Jastrebi ć, deuxième secrétaire au ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro,

M. Christian J. Tams, LL.M., PhD. (Cambridge), Institut Walther-Schücking, Université de Kiel,

Mme Dina Dobrkovic, LL.B.,

comme assistants. - 10 -

The PRESDIENT: Please be seated. Mr. Ollivier, you have the floor.

M. OLLIVIER: Thank you, Madam President.

Mpaéledeent, Messieurs les juges,

L AR EPUBLIKA S RPSKA ET LA VRS ( SUITE )

2. L’intégration de la Republika Srpska dans la République fédérative de Yougoslavie

1. Face à la tentative du défendeur, entière ment vaine comme je l’ai montré hier, mais

renouvelée de brandir l’indépend ance de la Republika Srpska comme un obstacle décisif à

l’engagement de sa responsabilité, la Bosnie-Herzégovine ne peut que rappeler tous les faits qui,

bien loin de confirmer une indépendance postulée, établissent tout à l’inverse l’intégration totale de

la Republika Srpska dans la République fédérative de Yougoslavie. En tenant compte de tout ce

1
que nous avons déjà dit au premier tour et de l’ensemble de nos écritures, permettez-moi, Madame

le président, de revenir sur deux faits parmi les plus significatifs.

Et tout d’abord :

⎯ Le financement de la Republika Srpska par la République fédérative de Yougoslavie

2. Le silence très largement gardé par le défendeur au sujet de l’unité financière de la RFY et

e
de la Republika Srpska est éloquent. M van den Biesen a rappelé hier qu’aucune véritable réponse

n’a été donnée par la Serbie-et-Monténégro, ni par les témoins qu’elle a appelés, aux faits

2
précisément analysés par M. Torkildsen lors du premier tour . Le requérant maintient donc bien

évidemment intégralement se s conclusions factuelles ⎯puisqu’elles ne sont guère contestées ⎯ :

l’existence même de la Republika Srpska dépendait exclusivement des moyens que lui octroyait la

République fédérative de Yougoslavie.

A cette intégration financière et monétaire, s’ajoutait :

⎯ L’intégration de la Republika Srpska aux systèm es de l’administration et des services publics

de la République fédérative de Yougoslavie

1 Voir pour un récapitulatif : CR 2006/10, p. 18-24, par. 19-34 (Condorelli); ibid., p. 40-44, par. 10-13 (Pellet).
2
CR 2006/9 (Torkildsen). - 11 -

3. Madame le président, Messieurs les juge s, il est bien évident que la création de la

Republika Srpska, entièrement fondée sur l’objectif de Belgrade de «nettoyer» des parties entières

de la Bosnie-Herzégovine de sa population nonse rbe et de constituer «un seul Etat pour tous les

Serbes», nécessitait avant tout un financement massif et une maîtrise totale des instruments

militaires de l’opération génocidaire. Ces élémen ts économiques et militaires sont amplement

suffisants aux fins de la démonstration de l’identité organique de la Republika Srpska et de la RFY.

Mais l’objectif final d’un Etat «purement» serbe, n’en est pas moins illustré par divers autres

aspects : politiques, constitutionnels et administratifs.

4. M. Condorelli a rappelé, lors du premier tour de nos plaidoiries, le principe proclamé dès

l’article3 de la «Constitution» de la Republika Srpska, en date du 17décembre1992: «La

République est partie de la Républ ique fédéra[tive] de Yougoslavie.» 3 Le requérant a également

présenté à la Cour les notes sténographiques d’ une réunion du «conseil chargé de coordonner les

positions en matière de politique publique» tenue le 9 janvier 1993 4. Je voudrais vous citer, si vous

me le permettez, Madame le président, ce que dit le président de la République de Serbie,

M. Slobodan Milošević, au sujet des relations entre la RFY et la Republika Srpska :

«[La cohésion du peuple serbe] existe de facto puisque, objectivement et
compte tenu de l’ensemble de nos relations, aussi bien politiques que militaires,
économiques, culturelles et éducatives, cette cohésion existe . La question est

maintenant de savoir comment obtenir la reconnaissance de cette unité, comment
légaliser cette unité. La question est de savoir comment transformer une situation qui
existe de facto et qui n’est pas susceptible d’être compromise de fact o, en une
situation de facto et de jure.» 5

5. Ces propos n’appellent aucune exégèse tant ils expriment directement, par la voix du

détenteur réel du pouvoir dans la RFY, l’objectif en même temps que l’effectivité déjà acquise, de

l’intégration des populations serbes de l’ex -Yougoslavie. Celle-ci a été condamnée par

l’Assemblée générale des Nations Unies en novembre 1994 (une date à laque lle, prétend d’ailleurs

le défendeur, la Republika Srpska aurait ét é l’objet des sanctions de Belgrade !).

Le 8 novembre 1994, dans sa résolution 49/10, l’Assemblée générale demande la cessation

3CR 2006/10, p. 15, par. 13 (Condorelli).

4CR 2006/8, p. 55-60, par. 65-83 (Van den Biesen).
5 o o
TPIY, Le procureur c. Momcilo Krajisnik , affaire n IT-00-39&40, pièce n 65, intercalaire 219, p. 71. Voir
aussi CR 2006/8, p. 57 (Van den Biesen); les italiques sont de nous. - 12 -

immédiate des «activités visant à réaliser l’ intégration des territoires occupés de la

Bosnie-Herzégovine aux systèmes de l’administration, de l’armée, de l’enseignement, des

6
transports et des télécommunications de la République fédérative de Yougoslavie» .

6. Le catalogue est impressionnant et l’on comprend que l’Etat défendeur ait préféré garder

le silence sur ces déclarations toutes concordantes et lourdes de sens.

7. Madame le président, Messieurs les juge s, la Republika Srpska n’a été qu’un «Etat

fantoche» entièrement dans les mains de la Répub lique fédérative de Yougoslavie. Juridiquement

la Republika Srpska doit donc être considérée comm e un organe de la RFY au sens de l’article4

des articles de la Commission du droit internat ional sur la responsabilité de l’Etat pour fait

internationalement illicite. Le professeur Condorelli a déjà présenté de façon approfondie, au cours
7
du premier tour, les conclusions juridiques du requérant sur les questions d’attribution . Afin d’être

exhaustif, je souhaite cependant montrer que, qu elles que soient les conclusions auxquelles on

parvient au sujet de la Republika Srpska, so n armée est demeurée organiquement rattachée à

l’armée de l’Etat défendeur, que ce soit en raison de l’apport vital apporté par lui, que ce soit en

raison des liens juridiques qu’il a maintenus avec l’ armée des Serbes de Bosnie ou bien encore en

raison de l’unité sur les objectifs opérationnels entre Pale et Belgrade.

3. L’armée de la Republika Srpska (VRS) constituait une partie intégrante
de l’armée de la République fédérative de Yougoslavie

8. Le défendeur est extrêmement laconique sur cette question et n’a pas entrepris la moindre

réfutation des éléments de preu ve fournis par la Bosnie-Herzég ovine. Sous le titre pudique

d’«assistance extérieure fournie à la Repu blika Srpska», l’éminent conseil de la

Serbie-et-Monténégro se limite à contester les conséquences juridiques qu’en tire la

Bosnie-Herzégovine. Les faits, longuement exposés dans les écritures de la Bosnie-Herzégovine

comme lors du premier tour des plaidoiries oral es, sont ainsi rapidement évacués, sans être

contestés expressément; le défendeur se cantonnant à préciser qu’il se fonde sur le «postulat que les
8
assertions factuelles [de la Bosnie-Herzégovine] sont vraies» .

6Nations Unies, doc. A/RES/49/10, 8 novembre 1994.

7CR 2006/9, p. 51-56, par. 4-14 (Condorelli). Voir aussi CR 2006/8, p. 29-38, par. 50-72 (Pellet).
8
CR 2006/17, p. 9, par. 190 (Brownlie). Voir aussi, ibid., p. 24, par. 224. - 13 -

9. Pas un mot n’est ensuite prononcé sur le s formes de ce qu’il convient d’appeler, non pas

une «assistance» selon le terme du professeur Brownlie, mais une véritable et complète

organisation, depuis la République fédérative de Yo ugoslavie, de l’armée de la Republika Srpska.

Vous apprécierez à sa juste valeur, Madame et Messieurs de la Cour, l’absence de réfutation

directe, de la part du défendeur, de to us les éléments de preuve apportés par la

Bosnie-Herzégovine. La Partie adverse reconnaît d’ailleurs incidemment sa participation «à la

formation et à la défense de l’Etat serbe de Bosnie», activité qu’il tient pour licite 9.

10. Je pourrai dès lors être relativement bref en rappelant la signification précise de

l’appartenance des officiers de la VRS à la VJ, l’armée de la RFY. Auparavant, quelques mots

doivent cependant être dits pour rappeler l’orig ine de cette armée de la Republika Srpska dont

l’existence reposait, ab initio, entièrement sur le pouvoir de Belgrade.

i) La dépendance totale de la VRS à l’égard de Belgrade

La création de la VRS

11. La création de la VRS a été le fait des autorités de Belgrade. On sait 10, et les exposés des

conseils de la Bosnie-Herzégovine lors du premie r tour l’ont montré, que cette prétendue «armée

des Serbes de Bosnie» n’était en réalité composée que de membres de l’armée populaire de

11
Yougoslavie (JNA) , préalablement et délibérément réorgani sée, et «serbianisée», par le pouvoir

de Belgrade pour réaliser son entreprise génocidaire. Le général Dannatt, en sa qualité d’expert 12, a

analysé très clairement, devant vous, les preuve s de cette manipulation, comme l’a rappelé hier

LauraDauban. La préoccupation de la RFY de ne pas paraître intervenir directement dans la

Bosnie-Herzégovine devenue indépendante, l’a donc conduite à mettre en place cette «armée

fantoche» pour accomplir ses desseins.

12. La réponse du défendeur, sur la question précise de la création de la VRS, s’apparente à

e
une pure et simple dénégation, sans qu’aucun fait soit présenté à la Cour. M de Roux a seulement

9CR 2006/17, p. 23, par. 221.

10Voir réplique, p. 553-573.
11
CR 2006/8, p. 40-42, par. 7-11 (Van den Biesen).
12CR 2006/23, p. 17-19 (Dannatt). - 14 -

déclaré que le général Mladi ć aurait été nommé commandant en chef de l’armée des serbes de

Bosnie-Herzégovine par le commandant s uprême de cette armée, Radovan Karadzi ć, ce qui

13
suffirait à démontrer selon lui l’indépendance de l’armée serbe de Bosnie .

13. Cela n’est tout simplement pas vrai. En avril 1992, Radovan Karadzic n’aurait jamais pu

procéder à cette promotion sans l’autorisation du chef d’état-major de la JNA, des plus hautes

autorités de Belgrade et du président Miloševi ć. Radovan Karadzi ć lui-même a décrit comment

Mladić est devenu le commandant de l’armée des Serbes de Bosnie : «I asked for Mladic… And I

was just president of the party, I did not have any state function. We asked for Mladic and said that

14
they should set up the HQ as they saw fit, we wouldn’t interfere... »

M14. evan den Biesen a déjà présenté à la Cour les preuves de la réunion tenue le

30avril1992 entre les plus hauts dirigeants serb es parmi lesquels se tr ouvaient des Serbes de

Bosnie. C’est lors de cette réunion qu’il a été dé cidé que Mladic prendrait le contrôle de l’armée

15
des Serbes de Bosnie-Herzégovine . Et pourtant, le défendeur n’a, à aucun moment, fait mention

de cette réunion et continue de faire des déclaratio ns erronées, et infondées, en totale contradiction

avec les preuves avancées.

15. Mais il ne s’agit pas seulement ici de la création de la VRS, ou de la nomination du

général Mladić à sa tête. Tout au long du conflit, jusqu’en 1995, après les massacres de Srebrenica,

l’armée serbe en Bosnie ne formait qu’une seule et même entité avec la VJ : elle était intégrée dans

le système administratif et militaire de la Républiq ue fédérative de Yougoslavie et elle ne pouvait

fonctionner ⎯c’est-à-dire commettre les actes odieux qui vous ont été exposés ⎯ sans s’appuyer

sur la puissance de Belgrade.

La VRS et la VJ ne constituaient pas deux armées distinctes

16. La position de la Bosnie-Herzégovine a reçu sur ce point une nouvelle confirmation dans

le jugement du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie dans l’affaire Brdjanin qu’a cité

e
lors du premier tour M Phon van den Biesen. La conclusion de la Chambre de première instance

13
CR 2006/19, p. 46-47, par. 269 (de Roux).
14TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire nIT-02-54, pièce n P537 (rapport de R.Donia sur
l’Assemblée de la Republika Srpska), p. 69.

15CR2006/4, p.26-27, par.18-20 (Van den Biesen). Voir aussi, TPIY, Le procureur c. Milosevic , affaire
n IT-02-54, décision relative à la demande d’acquittement, 16 juin 2004, par. 270. - 15 -

est claire et permettez-moi de la citer à nouveau : «la VRS et la VJ ne constituaient pas deux

armées distinctes» 16.

17. C’est à cette conclusion, Madame le président, Messieurs les juges, que doit vous mener,

aux fins de l’établissement de la responsabilité inte rnationale de la Serbie-et-Monténégro, le grand

nombre d’éléments factuels présentés jusqu’ici par la Bosnie-Herzégovine.

18. Ce point est totalement négligé par la Partie adverse qui reconnaît seulement que

«malheureusement», selon son propre terme, le Tr ibunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

n’a pas voulu reconnaître la VJ et la VRS comme de ux armées distinctes, tout en prétendant, selon

son ancienne habituelle, que «reactions of the Serbs [were] entirely to be expected in the prevailing

circumstances» 17.

19. Au sujet du financement de la VRS , l’armée de la Republika Srpska, tout d’abord, le

requérant était en droit d’attendre des explications substantielles tant les preuves qu’il a apportées

dans ses écritures puis lors de ses plaidoiries orales sont nombreuses. Cette attente ⎯ et ce n’est

pas une véritable surprise ⎯ a été déçue. A vrai dire, point n’ est besoin d’entrer à nouveau dans

les détails du financement de l’armée de la Republ ika Srpska. Comme la démontré M. Torkildsen,

le budget de la Republika Srpska était entièrement financé par Belgrade 18. Pour l’année 1993, nous

19
avons la preuve directe que plus de 95 % de ce budget était consacré aux dépenses militaires .

20. Des preuves nombreuses ont déjà été présentées en ce qui concerne ensuite l’apport

matériel fourni à la VRS par la RFY 20. L’étendue de ce soutien conduit inéluctablement à conclure

au contrôle total exercé par Belgrade sur l’armée des Serbes de Bosnie. Le requérant a mentionné à

de nombreuses reprises les documents prouvant que les forces serbes de Bosnie dépendaient

21
presque exclusivement des ressources matérielles mises à leur disposition par l’armée de la RFY .

16TPIY, Le procureur c. Brdjanin , Chambre de première instance II, jugement, 1 erseptembre 2004, par. 151.
o
Voir aussi, TPIY, Le procureur c. Delalic et consorts (Celibici) , affaire n IT-96-21, Chambre de première instance II,
jugement, 16 novembre 1998, par. 232-234.
17CR 2006/21, p. 17, par. 4 (Brownlie).

18CR 2006/9, p. 30-31, par. 20 (Torkildsen).

19Ibid..
20
Réplique, p. 685-711, par. 369-404.
21
Mémoire, p.81-93, par.2.3.7.1-2.3.8.6; réplique, p. 685-711, par. 369-404 et p. 806-809, par. 125-130;
CR 2006/2, p. 32-33, par. 13 (Van den Biesen); p. 40-42, par. 37-42; p. 46-48, par. 61-67; CR 2006/4, p. 12-14,
par.10-17; p.20-21, par.41-44 (Karagiannakis); CR2006/8, p.40-42, par.7-11, p.49-50, par.35-36 (Van den Biesen);
CR 2006/9, p. 33-39, par. 25-35 (Torkildsen). - 16 -

Le 16janvier2006, la Bosnie-Herzégovine a présen té à la Cour de nouve lles preuves de l’aide

massive procurée par la RFY 22. Je ne ferai donc pas à nouveau un long récapitulatif de toutes les

formes par lesquelles l’armée de l’Etat défendeu r «entretenait» complètement son double, l’armée

de la Republika Srpska. Je me bornerai à rappel er aujourd’hui l’existen ce de deux documents,

parmi les plus éloquents et les plus significatifs :

⎯ le premier est un rapport intitulé «Analyse de l’état de préparation au combat et des activités de

l’armée serbe de Bosnie en1992». Il a été établi en1993 par l’état-major de l’armée de la

23
Republika Srpska . Il fournit un échantillon représentatif de la nature des moyens offerts par

24
la RFY, cela va de son système de télécommunications à la fourniture de carburant et de

munitions 25en passant par les services de renseignements de l’armée yougoslave 26. Le

généralDannatt vous a déjà expliqué que ce so nt là les besoins minimums d’une armée pour

27
qu’elle soit en état de fonctionner ;

⎯ deux ans plus tard, le 16avril1995, dans une déclaration devant l’assemblée de la Republika

Srpska réunie à Sanski Most, le général Mlad ic a publiquement fait état de l’étendue de

l’approvisionnement en munitions de l’armée de la Republika Srpska par l’armée yougoslave 28.

Il ressort des chiffres donnés par le général Mladic lui-même qu’environ 90 % des munitions

provenaient de l’armée de la RFY, une premiè re moitié provenant de ce que la JNA avait

donné aux forces serbes au moment de son retrait «officiel», la seconde ayant été fournie par la

suite29.

21. Nos contradicteurs feignent toutefois de ne rien voir de répréhensible dans ce qu’ils

30
nomment, comme je l’ai déjà signalé, «l’assistance» fournie aux Serbes de Bosnie . N’y voyant

22Documents présentés à la Cour le 16 janvier 2006 : doc. 13, 15, 22, 23, 27.

23TPIY, Le procureur c. Slobodan Milošević, affaire n IT-02-54, pièce n C4712, p. 127-132.
24 o
Ibid., p. 33. Voir aussi, TPIY, Le procureur c. Slobodan Milošević, affaire n IT-02-54, témoignage du général
Rupert Smith, CR 9 octobre 2003, p. 27299-27300.

25Ibid., p.93. Voir également, TPIY, Le procureur c. Br đjanin, Chambre de première instance II, jugement,
1 septembre 2004, par. 145.

26Ibid., p. 85.
27
CR 2006/23, p. 24-27 (Dannatt).
28 o o o
TPIY, Le procureur c. Slobodan Milošević, affaire n IT-02-54, pièce n 427, intercalaire n 54, p. 18.
29
CR 2006/23, p. 27 (Dannatt).
30
CR 2006/17, p. 15-20, par. 186-207 (Brownlie). - 17 -

que des «activités licites et, en tout état de cause, parfaitement raisonnables» 31, ils tentent ainsi

d’échapper à une réalité objective, étayée par le s faits : à savoir l’entière subordination de l’armée

de la Republika Srpska aux forces armées dirigées par Belgrade. En tout état de cause, et même à

admettre le vocable de «l’assistance», le compor tement de l’Etat défendeur était contraire aux

décisions du Conseil de sécurité mais aussi, et surt out, il était tout entier destiné à soutenir l’effort

de guerre génocidaire en Bosnie-Herzégovine.

ii)Le statut d’organe de jure de la RFY dont bénéficiaient les officiers de la VRS (le
e
30 centre du personnel)

22. Madame le président, Messi eurs les juges, si l’on en croit les exposés du défendeur, le

requérant ne ferait qu’appliquer un traitement d’ex ception à l’encontre des Serbes. La Cour a pu

ainsi entendre l’étrange argument selon lequel il faudrait mettre sur le même plan les officiers de la

VRS et les ex-officiers de la JN A qui ont rejoint l’armée bosniaque 32⎯ armée, faut-il le rappeler,

d’un Etat légitime reconnu par la communauté inte rnationale. La seule ch ose qu’omet de préciser

le défendeur, dans son entreprise de relativisation générale des événements est le seul élément

décisif qui permet d’apprécier la nature de l’armée serbe bosniaque: c’est le fait que tous les

officiers de la VRS sont demeurés membres de l’armée de la République fédérative de Yougoslavie.

La question n’est pas de savoir comment se so nt reconvertis les anciens membres de la JNA

lorsque celle-ci a été dissoute. La Bosnie-Herzégovine fait ici valoir un fait précis : l’appartenance

continue des officiers de la VRS à l’armée de la RFY (VJ). Ce fait est évidemment décisif aux fins

de l’attribution à la République fédérative de Yougoslavie du génocide commis par la VRS en

Bosnie-Herzégovine. Pourtant, le défendeur ne nous a pas répondu. Le rôle du 30 ecentre du

personnel de la VJ n’est même pas mentionné, sa uf implicitement lorsque M. le conseil de la

Serbie-et-Monténégro fait mine de ne rien voir de «choquant» dans le fait que Belgrade payait les

33
salaires des officiers de la VRS . M. l’agent de la Serbie-et-Mon ténégro soutient par ailleurs fort

31CR 2006/17, p. 20, par. 207 (Brownlie).
32
CR 2006/21, p. 18, par. 5 (Brownlie).
33
CR 2006/21, p. 18, par. 5 (Brownlie). - 18 -

brièvement que le «financement [des] troupes éta it à la charge du Gouvernement de la Republika

34
Srpska», sans étayer davantage cette assertion .

23. En l’absence de réponse précise de la Partie adverse, et alors même que l’équipe de la

35
Bosnie-Herzégovine a présenté ses arguments sur ce point , je ne peux pas vous cacher, Madame

et Messieurs de la Cour, mon profond embarras au moment d’y revenir lors du second tour des

plaidoiries de la Bosnie-Herzégovine. Do is-je considérer le fait que des organes de jure de l’Etat

défendeur ont participé directement au génocide perpétré sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine

n’est plus un point qui divise encore les Parties et n’a plus, dès lors, à faire l’objet d’un exposé

oral36 ? Par prudence, et si vous me le permettez, Madame le président, je dirai cependant encore

quelques mots récapitulant notre position sur ce point fort capital.

24. D’une part, il n’a pas été formellement contesté par la Serbie-et-Monténégro que deux
e e
unités administratives de l’état-major de son armée, les 30 et 40 centres chargés du personnel, ont

été créées en novembre 1993 afin de régulariser, si j’ose dire, la situation des officiers appartenant

à la VJ mais servant dans l’armée de la Re publika Srpska ou celle de la Republika Srpska

37
Krajina . Cette décision fut prise afin d’organiser administrativement la prise en charge, déjà

effective au moment du prétendu retrait de l’armée de la RFY du territoire de la

Bosnie-Herzégovine, des officiers opérant sous le képi de la VRS.

25. D’autre part, ces 30 eet 40 centres ont été chargés ⎯jusqu’à très récemment ⎯ non

seulement de pourvoir au traitement des officiers dela VRS, mais également de toutes les questions

ayant trait au statut de ces militaires, Laura Dauban vous a fait hier un récapitulatif.

26. Madame le président, Messieurs les juges, l’unité organique des forces armées de la

République fédérative de Yougoslavie et de la Republika Srpska est donc démontrée par leurs liens

exclusifs d’ordre financier, économique et ad ministratif. Même à admettre l’indépendance

effective de la Republika Srpska ⎯ce qu’aucun fait n’autorise ⎯ il serait dépourvu de toute

pertinence de considérer que les membres de la VJ aient pu être mis à la disposition de la

34CR 2006/15, p. 20, par. 150 (Stojanović).
35
CR 2006/8, p. 42-47, par. 12-29 (Van den Biesen); CR 2006/9, p. 25-27, par. 7-13 (Torkildsen); CR 2006/10,
p. 24-25, par. 33 (Condorelli). Voir aussi réplique, p. 647-674, par. 304-345.
36
Règlement de la Cour, art. 61, par. 1.
37CR 2006/9, p. 26, par. 10 (Torkildsen). - 19 -

Republika Srpska. Non seulement ils sont demeurés sous le régime administratif de la RFY, mais

surtout, la mission à laquelle ils étaient destinés au plan opérationnel était entièrement placée sous

la direction politique de Belgrade. Cette unité st ratégique prenant sa sour ce dans la capitale

yougoslave, et dont la Bosnie-Herzégovine a présenté déjà de nombreuses illustrations 38, a été

39
confirmée par le général Dannatt dans sa déposition .

27. En conclusion, Madame le président, Messi eurs de les juges, au regard de tous les

éléments de fait que je viens de ra ppeler, l’allégation de la Serbie -et-Monténégro selon laquelle la

Republika Srpska était indépendante de l’Etat défendeur au moment de la perpétration du génocide

est dépourvue de tout fondement. La Bosnie-He rzégovine a démontré que cette entité est toujours

demeurée entre les mains de la République fédérativ e de Yougoslavie et qu’à ce titre elle doit être

considérée comme un organe de facto de cet Etat. En outre, la Bosnie-Herzégovine a établi que les

prétendues forces armées de la Republika Srpska étaient non seulement sous l’entière domination

de l’Etat défendeur, mais également composées de membres de jure de l’armée de ce dernier. A

ces divers titres, la Serbie-et-Monténégro a en gagé sa responsabilité in ternationale pour la

commission du génocide en Bosnie-Herzégovine.

28. Il reviendra à Laura Dauban de vous démo ntrer après moi, que l’armée du défendeur,

sans même se dissimuler sous le nom de VRS, a en outre ouvertement participé à des actes de

génocide.

29. Madame le président, Messieurs les juges, je vous remercie vivement de la bienveillante

attention que vous m’avez prêtée. Je vous prie , Madame le président, de bien vouloir donner

maintenant la parole à Laura Dauban.

Thank you, Madam President.

The PRESIDENT: Thank you, Mr. Ollivier. I now invite Ms Dauban to address us.

38CR 2006/4, p. 10-12, par. 2-9 (Karagiannakis); CR 2006/4, p. 26-28, par. 18-20, p. 38-39, par.8-10
(Van den Biesen); CR 2006/8, p. 55-60, par. 65-83 (Van den Biesen).
39
CR 2006/23, p. 44 (Dannatt). - 20 -

DMAUs BAN:

O PERATIONAL UNITY OF THE FORCES OF THE R ESPONDENT

1. Madam President, Members of the Court, in our written and oral pleadings we have

identified several cases of so-called joint opera tions between the FRY forc es and those of their

counterparts, the Bosnian Serbs, and sometimes also forces from the so-called Republic of Srpska

Krajina. We have defined a joint operation to mean an operation where more than one military

unit, regardless of where they are from, comes together and works towards the same aim.

2. Counsel for the Respondent have not seriously addressed the majority of these operations,

while they have focused their replies on making the case that this was a civil war, that these actions

were of a local nature and that the Bosnians were the aggressors. In this context they have looked

at the operations of the JNA and paramilitaries in the ethnic cleansing in Bosnia and Herzegovina

in 1992, the operations conducted in the Drina Valley in 1993 and the Pauk operation in the Bihac

pocket of north-western Bosnia in 1994 ⎯ this is those operations wh ich I will be addressing this

morning.

The relevance of joint operations

3. General Dannatt explained to this Court that it is the intention of the joint operations

which determines their legitimacy in military terms. He concluded that the joint military

operations of the Serbs “had a very ugly aspect to them”0 and this was because of their very intent.

We have already demonstrated to the Court that th e aim, or political intent, was to have one State

for all Serbs. This was stated by ⎯ among others ⎯ Mr.Milosevic in 1991 when he said in an

interview reported by the BBC that the Serbian peopl e want to live in one State and that a division

of the Serb people over different States would simply be out of the question41. Nothing has been

said about this by the Respondent.

4. Yet we can see that the aim from the very top of the political hierarchy in Belgrade was

for the Serbs to be together in one State and the fulfilment of that wider political intent was to

4CR 2006/23, p. 43 (testimony of General Dannatt).
41
Ibid., p. 21. - 21 -

42
create one Serb State for the Serb people . This aim, in fact, was mirrored by goal No.1 of the

Strategic Goals of the Bosnian Serbs: “1.Esta blish State borders separating the Serbian people

43
from the other two ethnic communities.”

5. The implementation of this plan, in the fo rm of operations conducted by forces from the

FRY ⎯ and that included their army, the JNA and paramilitaries ⎯ and that was with local

Bosnian Serb forces, demonstrated that this aim was in fact for non-Serbs to disappear from this

State. Thus these joint operations involved conduct of the most gross kind: Bosniak and Bosnian

Croat civilians were targeted and either displaced, detained or liquidated. The territory for this

Serb State was ethnically cleansed with all traces of the populations that had lived there removed.

We have established this picture throughout the first round of our oral pleadings.

6. We further established that the desire of the Respondent to create one State for all Serbs

was translated into various territorial aims by th e leadership of the FRY and the Bosnian Serbs.

For the latter, the six Strategic Goals, which we have presented, are further detailing the

implementation of the first goal which I presented above. For example, goal No. 3 is: “3. Establish

a corridor in the Drina River Valley, that is, el iminate the Drina as a border separating Serbian

44
States.” For the FRY we have already presented the statement of Mihalj Kertes in 1991 that the

leadership of Serbia wanted 50 km of territory from the Drina River to be Serb. 45

7. In fact, this political intent, this political will, of the Respondent , was no secret and was

even reflected upon publicly by other figures in the Government of the Respondent. On

25September 1995 Milan Milutinovic, the Minister for Foreign Affairs of the Respondent at the

time, said this: “For the first time in history, Serbs have had a chance to constitute their state on the

west bank of the Drina and link with their mother country ⎯ which opened the door to a further

integration of Serb nation.” 46

8. Madam President, Members of the Court, we have shown how joint operations took place

in strategically crucial areas in or der to fulfil this political intent that all Serbs should live together

42Ibid., p. 43.

43CR 2006/4, p. 19, para. 37 (Mr. Van den Biesen).
44
CR 2006/04, p. 19, para. 37 (Mr. van den Biesen).
45
CR 2006/04, p. 38, para. 9 (Mr. van den Biesen).
46V.I.P. Daily News Report , Issue No 576, Monday, September 25, 1995, p. 5. - 22 -

in one State. In our written submissions and in our first round of oral pleadings, we described the

47
pattern of takeovers in the northern and eastern municipalities in Bosnia . The existence of this

pattern has not been denounced at all by the Respondent ⎯ either in their written pleadings or in

their oral pleadings. We have shown that the oper ations which were carried out, particularly those

in early 1992, were actions of pure ethnic cleansing aimed at eradicating the Bosniaks and Bosnian

Croats from the areas which were designated to become Serbian.

9. The focus of our pleadings in the first round lay in the fact that Bosniak and Bosnian Croat

civilians were either liquidated, detained, raped and/or removed from these territories. Yet the

Respondent has neither denied or tried to explain these actions, despite the fact that we have

consistently shown the direct involvement of and direction by the forces from Belgrade in this

ethnic cleansing.

10. In many instances the Respondent did use, as I said yesterday, the CIA book, Balkan

Battlegrounds, to give credibility to its assertions. Yet w ith respect to the outbreak of the fighting

in Bosnia and Herzegovina, this very book says, and I would like to quote from it:

“as a result of the SDB [Serbian State Security Service in Belgrade] and JNA

preparations, at the outbreak of fighting in April 1992, federal and Serb forces in
Bosnia consisted of four types of armed formations: the regular Yugoslav People’s
Army [JNA], volunteer units raised by the JNA, municipal Bosnian Serb Territorial
Defence (TO) detachments, and Bosnian Se rb Ministry of Internal Affairs police
48
forces” .

So this was a real joint operation and in fact what we can see is the role of the JNA and the

paramilitaries from FRY, as we have consistent ly demonstrated, was a crucial one in the ethnic

49
cleansing of the territories in Bosnia . These operations also show that the JNA had no serious

intention to withdraw from the territory of Bosnia and Herzegovina once it had been recognized as

an independent and sovereign State. Instead the JNA was involved in and sometimes co-ordinating

operations of ethnic cleansing in the strategically important municipalities.

47CR 2006/05 (Ms Karagiannakis) and CR 2006/06 (Ms Dauban).

48Central Intelligence Agency , Balkan Battlegrounds: A Military Histor y of the Yugoslav Conflict, 1990-1995 :
Vol. I, p. 129.
49
CR 2006/05 (Ms Karagiannakis); CR 2006/06 (Ms Dauban); CR 2006/09 (Ms Karagiannakis). - 23 -

The role of the JNA in joint operations in 1992

11. Madam President, yesterday, I dealt with the assertion by the Respondent that the JNA

was no longer in control of Bosnia and Herzegovina by March 1992. That such a statement is false

can further be seen by the JNA’s role in the ethn ic cleansing in Bosnia and Herzegovina in 1992.

For example, in one document issued by the Bosnian Serb Democratic Party in December 1991

entitled “Instructions for the organization and activit y of organs of the Serbian people in Bosnia

and Herzegovina in extraordinary circumstances”, the JNA is clearly designated as the force in

charge of the mobilized Bosnian Serbs. This document was admitted into evidence in the Stakic

case at the ICTY and was referred to extensively in the resulting Trial Chamber judgment. In two

places the Serb Crisis Staffs in this document are instructed to “mobilize all police forces from the

ranks of the Serbian people and in cooperation with the command posts and headquarters of the

JNA, ensure their gradual subordination” 5. Furthermore, in the same document, the JNA are

referred to as “our armed forces” 51.

12. In fact there was a very clear pattern to the events. This has been shown to the Court

already by Bosnia and Herzegovina, and it is put succinctly by Miroslav Deronjic, self-confessed

participant who has been referred to frequently, and this was put in his witness statement in his own

case, where he said that:

“First, the volunteers would arrive in a certain place and then the rest would
start followed by killings, liquidations, intimidation of the residents, panic and so on.

And then after that, the army, the JNA, would arrive, and they would sort of try to
introduce order. However, all of that re sulted in intimidation of residents, the
Muslims, and that would be followed by ethnic cleansing.” 52

13. Madam President, Members of the Court, the actions of the JNA in 1992 were those of

active or passive involvement. In both instances, the role of the JNA was to pursue the overall

objective.

14. Passive participation of the JNA usually involved letting paramilitary units from the FRY

take charge of the operation. This was seen, and we have shown this, in the first military operation

to take over and ethnically cleanse Bijeljina at the end of March 1992. The units involved in the

50ICTY, Prosecutor v. Milomir Stakiccase No. IT-97-24, Exhibit No. P3a, pp. 4 and 7.
51
Ibid.
52ICTY, Prosecutor v. Miroslav Deronjic case No.IT-02-61-S, Statement of Miroslav Deronjic Exhibit

No. P600a, pp. 19-20. - 24 -

operation were paramilitaries from the FRY, in cluding those under the command of Arkan and

Seselj and local Bosnian Serb paramilitaries. In th e pleadings in our first round we have shown to

the Court some of the most horrifying images from that takeover. Furthermore, the control of those

53
forces, as Ms Karagiannakis has explained , lay with the Government of the Respondent, as does

the responsibility for their actions. Yet nothing has been said about this by the Respondent.

15. In our first round of pleadings, we spoke about the takeover in the municipality of

Visegrad and particularly about the role of the JNA in that takeover. We established that contrary

to the assurances made by the JNA, they did not act as peacekeepers but they took part in the ethnic

54
cleansing . The Respondent has ignored this evidence and has continued to present the

disingenuous picture that the JNA responded to attacks and only entered the city to defend it 55. At

first the arrival of the JNA did have a calming effect, as the ICTY Trial Chamber in the Vasiljevic

judgment ⎯ a case which was convicting one member of a paramilitary group operating in

Visegrad ⎯ pointed out 56, but, more importantly, the Trial Chamber judgment goes on to state that

57
the JNA was involved in the cleansing of the municipality . Furthermore we have shown that one

of the paramilitary groups responsible for the atrocities in Visegrad were under the command of the

JNA 58; this is the very same JNA, Madam Presid ent, which the Respondent claims was on the

defensive and protecting the civilians.

16. A different type of participation, that of active involvement, by the JNA was evidenced

in the takeover of Zvornik on 9 April 1992. Balkan Battlegrounds described the attack on the

59
municipality and stated that the role of the JNA was in fact one of “active support” . The Court

has already seen the video transcript of the interv iew with Jose Maria-Mendiluce, stating that the

shelling of the town of Zvornik was coming from th e other side of the river Drina, i.e., from the

53CR 2006/09 (Ms Karagiannakis).

54CR 2006/06, p. 17, para. 23 (Ms Dauban).
55
CR 2006/20, p. 34, para. 25 (Mr. Cvetkovic).
56
ICTY, Prosecutor v. Vasiljevic, case No. IT-98-32, Trial Chamber Judgement of 29 November 2002, para. 43.
57Ibid., para. 44.

58CR 2006/6, p. 17, para. 24 (Ms Dauban).
59
Central Intelligence Agency , Balkan Battlegrounds: A Military Histor y of the Yugoslav Conflict, 1990-1995 :
Vol. I, p. 137. - 25 -

60
FRY . There has been no mention of this forceful evidence by the Respondent despite the fact that

Balkan Battlegrounds, a source they do rely on frequently, states that the forces that attacked

Zvornik were:

“a hodgepodge of professional and ultranationalist troops, including elements of the
Zvornik TO, possibly some local police, Ar kan’s unit, Serbian ultranationalist leader
Seselj’s ‘Serbian Chetnik Movement’, the Serbian State Security Department (RDB)

special operations unit, and JNA regular troo ps, all supported by artillery fire from
Serbia” .61

17. Madam President, Members of the Court, In the municipality of Bratunac, the JNA

arrived between 21 and 23 April 1992 after the town itself was under Serb control: this had been

62
achieved through the actions of so-called “volunteers” brought from the FRY . The Deronjic Trial

Chamber judgment found that:

“As part of the conflict, Bosnian Serb, JNA, and paramilitary forces carried out
widespread and systematic attacks on the civilian population of this region. The

Municipality of Bratunac was taken over by Bosnian Serb forces on 17 April 1992 and
a systematic effort was launched to disa rm the Bosnian Muslim population of the
municipality, which was completed by the end of April 1992.” 63

18. We have shown in our first round of oral pleadings that the stated role of the JNA was to

disarm the Muslims in villages outside the town. The Deronjic Trial Chamber stated that this

disarming of the civilians was an important el ement in ensuring and facilitating the permanent

removal of the Bosnian Muslims 6:

“Captain Reljic [who was in charge of the JNA units in the town] planned and

assisted in the disarming of Muslim villages in the Municipality of Bratunac. Captain
Reljic’s JNA unit, the TO, and the police woul d jointly participate in the disarming of
the Muslim villages. Following the disarming of a Muslim village, the JNA and the
65
police announced that the army would guarantee the safety of the residents.”

19. Unfortunately, Madam President, the JN A was not true to its word and far from

guaranteeing the safety of the un armed residents it in fact set about doing quite the opposite. We

have talked about what was one of the most appa lling attacks on an unarmed village, and that was

60CR 2006/6, p. 16, para. 21 (Ms Dauban).

61Central Intelligence Agency , Balkan Battlegrounds: A Military Histor y of the Yugoslav Conflict, 1990-1995 :
Vol. I, pp. 136-137.
62
ICTY, Prosecutor v. Miroslav Deronjic , case No.IT-02-61-S, Trial Chamber Judgement, 30March2004,
para. 70.
63
Ibid., para. 67.
64Ibid., para. 79.

65Ibid., para. 77. - 26 -

66
directed at the village of Glogova, which involved the JNA . Yet no mention of this has been

made by the Respondent, despite the fact that th e co-ordinated attack on the civilians was a joint

operation involving the JNA, the Bratunac Te rritorial Defence, police and paramilitary

“volunteers” from the FRY 67. A total of 64 unarmed Bosniak civilians were killed in cold blood by

68
members of those forces during the takeover . Those who were not killed were removed from

their houses and deported from th e area: their homes and property , including the village mosque,

69
were destroyed, all on the 9 May 1992 .

20. In our pleadings during the first round we have detailed how the JNA was responsible for

some of the destruction of the cultural heritage in Bosnia and Herzegovina 7. There was absolutely

no reference to this by the Respondent during their first round of oral pleadings.

21. Madam President, Members of the Court, General Dannatt gave his expert military

opinion to this Court and explained that the command structure that the JNA followed was the

Befehlstaktik system which gives little room for flexibility in interpretation of orders at the lower

71
end of the command hierarchy . This is an important, if not crucial, point because it demonstrates

that the role of the JNA in Bosnia and Herzegovina was a role that had been decided for it at the

very top of its hierarchy, i.e., by the Respondent. It was not the case ⎯ it could not have been the

case ⎯ that units of the JNA were acting independently of this command hierarchy and taking part

in activities which the army itself had no control over: there was no flexibility for such movement

within the establishment of the army.

The role of paramilitaries from the FRY in the takeovers of municipalities in 1992

22. Madam President, Members of the Court, as we have shown in our written and oral

pleadings the JNA were not the only actors with a command hierarchy which went directly to

Belgrade who took part in the take overs of municipalities; there were also paramilitary units from

66CR 2006/6, p. 23, para. 38 (Ms Dauban).

67ICTY, Prosecutor v. Miroslav Deronjic , case No.IT-02-61-S, Trial Chamber Judgement, 30March2004,
para. 90.

68Ibid., para. 97.
69
Ibid., paras 100 and 102.
70CR 2006/5, p. 56, para. 34 (Ms Dauban).

71CR 2006/23, p. 12 (testimony of General Dannatt). - 27 -

the FRY. Bosnia and Herzegovina has submitt ed evidence about these units in our written

72
submissions and oral pleadings .

23. The reaction from the Respondent to the evidence presented by Bosnia and Herzegovina

of the role of the paramilitaries engaging in joint operations in Bosnia on the orders of the FRY has

73
been concerned with the question of the link to Belgrade .

24. Madam President, in order to further rebut this assumption, I would like to make the

following submissions. The Court has been shown video footage of both Arkan and Seselj who led

74
some of the most brutal and me rciless paramilitary units in Bosnia . Arkan said he was operating

under the military command of the JNA in both Croatia and Bosnia 75. The Court furthermore has

seen video footage of Seselj stating that his troops of volunteers were trained, funded and armed by

Belgrade 76⎯ in Seselj’s own words, “Serbia did everything for us” 77. Seselj goes on to confirm

the joint nature of the ethnic cleansing in Bosn ia and Herzegovina, stating that the Red Berets ⎯ a

paramilitary group from the FRY ⎯ were there, his own troops and also some units of the Bosnian

Serbs: but that the operation was planned in Belgrade and that the best combat units did come from

Serbia 78.

25. This position is reinforced by the statement of Miroslav Deronjic, who describes one

meeting conducted in Serbia with Frenki Simatovi c, the Commander of the Serbian State Security

Service, and Vinko Pandurevic, a VJ officer serving in the VRS through the 30th Personnel Centre.

The meeting was held to discuss the activities which were to be carried out in the Drina Valley.

Frenki Simatovic stated that the tasks which would be conducted by the Ministry of the Interior of

Serbia and the local Bosnian Serbs “had been agreed at the highest level of military, political and

79
State circles of Republika Srpska and Serbia” . In fact, Vinko Pandurev ic was concerned about

7CR 2006/9 (Ms Karagiannakis).

7CR 2006/21, p. 16, para. 3 (Mr. Brownlie).
74
CR 2006/6 (Ms Dauban).
75
CR 2006/9, p. 19, para. 34 (Ms Karagiannakis).
7CR 2006/23, p. 33 (testimony of General Dannatt).

7Video materials submitted by Bosnia and Herzegovina on 16 January 2006, DVD No. 2.

7Ibid.
79
ICTY, Prosecutor v. Miroslav Deronjic , case No.IT-02-61-S, Statement of Miroslav Deronjic, Exhibit
No. P600a, p. 39. - 28 -

who would be in command of these paramilitary formations. I will quote now from the witness

statement of Mr. Deronjic, which was admitted into evidence in his own case, where the answer is

given:

“Simatovic told us that it was a special structure, that he was in command of it,

and that each camp would have its own commander. But that anyway, this was
something separate, a special structure that was under his command. He said that they
would naturally cooperate with the army of Republika Srpska, but that the lower-level
80
commands had no authorities over those units.”

26. That the units of the Serbian State Security Service, under the control of

81
Frenki Simatovic took part in the ethnic cleansing, we have already established before this Court .

Additionally, record sheets of combatants from the Red Berets, which have been admitted into

evidence at the ICTY, demonstrate that they were operating in Bosnia and Herzegovina. These

records show, Madam President, that these members died in combat operations conducted towards

82
the end of 1992 in the Bratunac region .

27. As we have shown to the Court through our factual pleadings to date, the clear pattern

that emerges is one of a concentrated ethnic cleansing, particularly at the beginning of 1992, which

involved and was controlled by forces from the FRY in the form of JNA and paramilitaries,

working with local Bosnian Serb units. The Respondent has not produced any evidence to rebut

the fact that it was Belgrade who co-ordinated these joint operations.

Operations around the Drina Valley in 1993

28. Madam President, Members of the Court, the operations conducted around the Drina

Valley in 1993 have been presented to the Court by Mr.van den Biesen 83, who showed that the

ethnic cleansing of 1992 resulted in a situation wh ere Muslim civilians, displaced from other areas

in Eastern Bosnia, sought refuge in Srebrenica, Zepa and Gorazde ⎯ areas that were under the

control of the Bosnian Government 84. We have established that the operations in the Drina Valley

in 1993 were intended to capture that area so th e Respondent could realize their goal of having

80Ibid.

81CR 2006/9 (Ms Karagiannakis).
82
ICTY, Prosecutor v. Naser Oric, case No. IT-03-68 Exhibit Nos. D94 and D95.
83
CR 2006/4 (Mr. van den Biesen, “Srebrenica, or ethnic cleansing of Eastern Bosnia”).
84Ibid., para. 14. - 29 -

85
50km on the Bosnian side of the Drina River as territory for the Serbs . These operations

involved forces from both sides of the Drina River, i.e., the territory of the Respondent, and we

have shown to the Court the documentary eviden ce that the Respondent was involved in these

86
operations .

29. Counsel for the Respondent did not deal with a lot of the material presented by

Mr. van den Biesen but instead focused on attacks carried out against Serb hamlets and other Serb

settlements in the area as an attempt to just ify the eventual massacre in Srebrenica.

MsKaragiannakis has already dealt with these arguments in her pleadings on the genocide in

Srebrenica 87. The Respondent did not deny that there was a decision by the leadership of the FRY

to have 50 km from the Drina as Serb territory, nor have they denied that there was a plan to secure

the Drina Valley up to the border with Serbia. The Respondent has in fact quoted the confirmation

of this aim of the Serbs from Balkan Battlegrounds:

“Coming on top of extensive victories throughout the valley in 1992, the

offensive impelled the Bosnian Serbs to plan for 1993 a strategic offensive to secure
the Drina valley up to the border with Serbia. If successful, the campaign would fulfil
the Serb Republic’s war aim of joining its border with that of Serbia proper.” 88

30. However, counsel for the Respondent has presented the operations in the Drina Valley

during 1993 as defensive operations 89⎯ the Bosnian armed forces being portrayed as the

90
aggressors . To support this assertion, the Respondent relied heavily on two sources: Balkan

Battlegrounds and the report commissioned by the Dutc h Government on Srebrenica, which I will

hereinafter refer to as the NIOD report.

91
31. The first passage used from Balkan Battlegrounds , although correctly quoted, when

examined in the context of the general picture of the events given by the same source, is rather

different from the picture suggested by the Respon dent, who tried to portray Naser Oric and those

85Ibid., para. 9.

86Ibid., paras. 15-19.
87
CR 2006/32 (Ms Karagiannakis).
88
CR 2006/16, pp. 10-11, para. 5 (Mr. Brownlie).
89CR 2006/17, p. 45, para. 311 (Mr. Brownlie).

90CR 2006/16, pp. 10-11, paras 3-6 (Mr. Brownlie).

91Central Intelligence Agency , Balkan Battlegrounds: A Military Histor y of the Yugoslav Conflict, 1990-1995 :
Vol. I, p. 184 - 30 -

who took part in the raids on Serb villages as terrorists bent on ethnically cleansing the region.

Their support for such an assertion was carefully selected parts from the text, which do not stand up

to closer scrutiny. First of all, the Bosnian Muslims are defined in Balkan Battlegrounds as the

“defenders of Srebrenica” 92 in the concise general picture of the events which characterized the

area in early 1992, given by the same source used by the Respondent:

“Serb TO troops and armed volunteers led by the local SDS [that is the Bosnian
Serb Democratic Party] President, Goran Zekic, took over Srebrenica on 18April
demanding that Muslims in the town turn over their personal and official weapons.
Most of the Muslims refused and fled to the hills. There, under the leadership of the

charismatic Naser Oric, who ha d served in the Serbian special police, they planned
their counter-attacks while harassing the oc cupying Serbs with attacks through the
month of April.” 93

32. Secondly the picture provided by Balkan Battlegrounds of Muslim “protagonists” is not

the same one that the Respondent paints. The bo ok underlines that Oric’s combat troops were

followed by: “a horde of Muslim refugees, men an d women, young and old, who were driven by

hunger and, in many cases, a thirst for revenge... most... had nothing but their hands [to

fight]”94.

33. We can see from this that these attacks were carried out by troops who were not fully

armed and by people who were not exactly experiencing good living conditions ⎯ this being a

consequence of previous Serb attacks, which we have already stated, resulted in a concentration of

displaced Bosniak refugees in the area under siege of the Serbs.

34. The conclusions reached by counsel for the Respondent through their reliance on the

NIOD report, are also the fruits of limited quoting. The paragraphs they quote appear in the middle

of a description of offensives and counter-offensives by both sides and are in a section entitled

“The Muslims fight back”, which describes efforts by the “Muslim resistance” to create a compact,

contiguous zone to unite the different pockets of resistance. The context is therefore a large-scale

Serb offensive, and the aggressors are clearly the Serbs. This can be seen in the paragraph

immediately preceding the quote used by the Respondent:

92Ibid., Vol. II, p. 336.

93Ibid.
94
Ibid., p. 337. - 31 -

“From a Serbian point of view, the objective of purging Eastern Bosnia of

Muslims was not at all a success. Even though the largest share of Muslims had been
driven away from hearth and home, there was now a number of Muslim enclaves that
represented a serious threat to the Serbs. The enclaves grew and also became more

and more closely joined. The Serbs worked out their frustration over the unexpected 95
Muslim successes through acts of revenge that were often exceptionally violent.”

35. Sir Michael Rose, in his testimony before this Court stated that there was “a major ethnic

cleansing” carried out by the Bosniaks led by Nase rOric against Serb villages in the Srebrenica

area 9. On what inference this is based is not cl ear as Sir Michael Rose was not in Bosnia and

Herzegovina in 1993, therefore he did not have any first-hand experience of such events there nor

has he seen, as he stated himself 97, any documents or other evidence on which he could base such a

claim. Furthermore, the sources I have used above show that this was not ethnic cleansing in the

sense of the operations conducted by the Serbs but raids conducted for survival in pursuit of food

and sustenance; their aim was not to eliminate the Serb population from the area. There surely

exists no evidence, and certainly the Respondent ha s not provided any, to support their assertion

that there was an aim to eliminate the Serbs from the Drina Valley. What the available evidence in

fact shows is exactly the case that Bosnia and Herzegovina have presented: the Serbian forces took

over and subsequently cleansed most of the Drin a region. And it is not the case that evidence

which may support the Respondent’s assertions is being hidden by the Bosnian Government, who,

since 1995, have been co-operating fully with the Tribunal and handed over all of the documents in

their possession.

36. Madam President, the Military Anal ysis Team of the Prosecutor in the Milosevic case

concluded in their expert report, which was referr ed to extensively by the Trial Chamber in the

judgment on the motion for acquittal that:

“As the fighting in Eastern Bosnia and He rzegovina intensified in late 1992 and
early 1993, the loss of ‘Serbian’ land in the area was of significant concern to the FRY

government. Later the FRY government began to expand the VJ’s role beyond the
realm of indirect support (personnel and material assistance) to direct involvement in
combat operations.” 98

95Netherlands Institute for War Documentation, “Srebrenica a safe area: reconstruction, background,
consequences and analyses of the fall of a safe area” (Amsterdam 2002) p. 1277.

96CR 2006/26, p. 25 (testimony of Sir Michael Rose).
97
Ibid., p. 21.
98ICTY, Prosecutor v. Slobodan Milosevic, case No. IT-02-54, Expert Report of MATOTP Theunes and Borrelli,
Exhibit No. P643, tab 1, Part III, Borrelli, p. 18. - 32 -

37. It was no secret that the Respondent wa s sending units to Bosnia and Herzegovina in

pursuit of its goal to have the 50km of territor y. General Dannatt highlighted one January1993

report from the VRS Bratunac Brigade which listed th e participation of VJ units, including the VJ

1st Army’s Forward Command Post, the VJ 2nd Motorized Regiment (Military Police Company)

in offensive operations 99. What General Dannatt analysed during his testimony before this Court

can be further corroborated by other sources such as the statement of Miroslav Deronjic, who

affirmed that units came from Serbia to retake Bratunac, including a special parachute brigade from

100
Nis and a unit of the Valjevo Corps of the VJ . In Balkan Battlegrounds it is stated that a mixed

company of VJ and VRS troops including Serbian Ministry of the Interior forces took part in the

push towards Srebrenica. The political intent, at th e Grand Strategic level, can be evidenced from

the following statement of 26 January 1993 by the Commander of the VJ’s 1st Army:

“By the decree of the pres ident of the republic [and he means Serbia] and the

Supreme Defence Council, the Yugoslav Army is deploying a part of its force on the
right bank of the River Drina to give assistance [to the VRS]... if we receive the
orders we will cross the river to help the Serbian people.” 101

38. It is certainly clear from the above statement that Belgrade was certainly ready to cross

the border to take part in the action, and we know that they did in fact do just that. But, Madam

President, their role was not merely one of cross-border assistance but actually one of co-ordination

of the actions. Miroslav Deronjic , who participated in the actions first-hand stated in his witness

statement in his own case that: “the whole actio n was planned in the Yugoslav general staff, with

Dukic. So we’re talking about Belgrade, the Yugoslav general staff in Belgrade.” 102

39. Indeed, based on the nature and scale of th e operations in the Drina Valley, the fact that

specialized and regular units from the FRY took part and the inescapable reality that the VRS was

being supplied almost totally from Belgrade, as we have de monstrated to the Court, Deronjic’s

words are quite sound.

99ICTY, Prosecutor v. Slobodan Milosevic, case No. IT-02-54-T, Bratunca Brigade Special SITREPs to GS VRS
and Drina Corps Command, 26 January 1993, Exhibit No. 434, tab 18.
100
ICTY, Prosecutor v. Miroslav Deronjic, case No.IT-02-61-S, Statement of Miroslav Deronjic, Exhibit
No. P600a, pp. 44-46.
101
“Yugoslav Army helping Army of Serbian Republic”, Politika, 26 January 1993, p. 8.
10ICTY, Prosecutor v. Miroslav Deronjic, case No.IT-02-61-S, Statement of Miroslav Deronjic Exhibit
No. P600a, p. 47. - 33 -

Operation Group Pauk

40. Madam President, Members of the Court, Operational Group Pauk, which developed in

November 1994, was presented to the Court in evidence to demonstrate the continued presence of

the Respondent on the territory of Bosnia and He rzegovina. General Dann att has also testified

about this operation before the Court. The Respondent has not denied that the operation took place

and they have also not sought to deny that forces from Belgrade were involved.

41. Counsel for the Respondent has briefly addressed this operation and posed questions

103
relating to its importance and relevance . In order to answer these questions I would like to first

of all point out that the operation itself demonstrates that the assertion by the Respondent that there

was a complete break between the Bosnian Serbs and Belgrade when the Contact Group Peace Plan

failed to be accepted in Pale in 1994 is an erroneous one. Furthermore, counsel for the Respondent

went on to say that retaliatory steps were taken against the Bosnian Serbs by the Respondent as

they were blamed for the failure of the peace plan 104. Yet, when faced with their own involvement

in Pauk, already established by Bosnia and Her zegovina and the testimon y of GeneralDannatt,

such conclusions can be seen to paint an inaccurate picture, as joint operations continued very

much as they had done before.

42. Madam President, Members of the Court, Operation Pauk serves as yet another example

of Belgrade, despite its protestations to the cont rary, directly participa ting in, and controlling,

combat operations on the territory of Bosnia and Herzegovina.

43. Counsel for the Respondent, having repeated verbatim what Mr.van den Biesen

presented about Operation Pauk, stated that the entity was of “obscure provenance” 10. However,

counsel failed to explain why it was “obscure” after we had already provided clear evidence on this

matter: Operation Pauk was an undertaking whic h included troops from the Bosnian Serb Army,

the army of the Republika Srpska Krajina, the Mi nistry of the Interior from Serbia and Abdic’s

units from his Autonomous Province of Western Bosnia. The main actors and the command

hierarchy were as follows:

10CR 2006/21, pp. 18-19, paras. 8-14 (Mr. Brownlie).

10CR 2006/18, pp. 42-43, para. 106 (Mr. de Roux).
105
CR 2006/21, p. 19, para. 12 (Mr. Brownlie). - 34 -

⎯ General Mile Novakovic was one of the commanders of Pauk. He was a VJ officer serving in

the army of Republika Srpska Krajina through the 40th Personnel Centre of the VJ.

⎯ Colonel Bozovic, a member of the Serbian Stat e Security Department in Belgrade, was also

co-ordinating the operation as part of the Serb ian Ministry of the Interior forces under the

command of Frenki Simatovic 106.

⎯ Also in the upper echelons of the command was Mile Mrksic, a VJ officer based in Belgrade at

all times during the Pauk operation until May 1995 when Belgrade appointed him to be the

107
commanding officer of the army of Republika Srpska Krajina .

⎯ Colonel Legija, a commander of the Specialist Unit of the Serbian Ministry of the Interior, who

at that time in this operation was leading Arkan’s troops in Pauk. We know from the testimony

of Arkan’s secretary in the Milosevic case that Legija was leading Arkan’s troops because
108
Arkan felt he was too well known to take part in such a covert operation .

44. Madam President, Members of the Court, Balkan Battlegrounds makes the following

analysis:

“In actual command of these puppet troops [and here they are referring to
Abdic’s troops] was a newly formed Oper ational Group ‘Pauk’ [meaning Spider]

commanded by SVK [and that’s the army of the Serbian Krajina]
Major General Mile Novakovic and Serbian State Security Department (RDB)
Colonel ‘Raja’ Bozovic, a veteran special fo rces operations officer. A key deputy of
RDB chief Jovica Stanisic, Frenki Simatovic oversaw Novakovic and Bozovic’s work.

To stiffen the Abdic units ⎯ as well as allied VRSK ground forces ⎯ Novakovic and
Bozovic could call on a bevy of elite Y ugoslav army and Serbian RDB and Serbian

Volunteer Guard troops. Elements of th e VJ’s 63rd Airborne Brigade/Corps of
Special Units, plus Frenki Simatovic’s ‘Red Beret’ special operations unit, as well as
elements of the Serbian Volunteer Guard . . .” 109

45. Madam President, Members of the Court, there is absolutely no uncertainty as to the

provenance of this operation ⎯ the main actors were senior officers from the VJ ⎯ the Yugoslav

army ⎯ and the Ministry of the Interior in Belgrade and this is shown in the very same source, at

110
the very same page the Respondent refers to during his own analysis of the operation . Counsel

10ICTY, Prosecutor v. Slobodan Milosevic , case No.IT-02-54, testimony of Slobodan Lazarevic given on
29 October 2002, p. 12362.

10Indictment of Mrksic from the ICTY, case No. IT-95-13, filed on the 15 November 1994.
108
ICTY, Prosecutor v. Slobodan Milosevic, case No. IT-02-54-T, testimony of B-129, 16 April 2003, p. 19461.
109
Central Intelligence Agency, Balkan Battlegrounds: A M ilitary History of the Yugo slav Conflict, 1990-1995:
Vol. II, p. 531.
11CR 2006/21, pp. 18-19, paras. 10 and 14 (Mr. Brownlie). - 35 -

for the Respondent has twice attempted to portray the events in the Bihac area as something wholly

local to Bosnia and Herzegovina 11. The relationship between the Serbs and Mr. Abdic were

112
described by the Respondent as “evidently opportunist” and evidence that the Serbs harboured

no genocidal intent towards the Muslims as they were prepared to help Mr. Abdic’s forces 11.

46. Balkan Battlegrounds describes the strategy of the Serbs in assisting the forces of

FikretAbdic, the aim being one of destroying the control of Bosnian government forces over the

area in order to have control over western Bosnia , giving them the possibility to unite with the

Republika Srpska Krajina–– and I shall quote Balkan Battlegrounds analysis of the situation,

which is as follows: “No asset would be overloo ked in the Serbs’ campaign to secure western

Bosnia once and for all... the Serbs planned to reinstate Abdic as the puppet ruler of the

114
enclave.”

47. The Operations Logbook of the Command of Pauk, which has already been presented to

115
the Court, and was referred to by General Dannatt , demonstrates that the Serb forces from all of

these different areas were operating as if there we re no borders separating them. There was also a

joint command between all of these forces, which was ultimately co-ordinated by Belgrade. The

Respondent has not attempted to rebut any of this.

48. The fact that the Pauk operation was taking pl ace so relatively late in the conflict goes to

underline the point that the initial separation of th e JNA was more optical than substantial if the

three apparently separate “Serb” forces ⎯ that is, forces from the Serbs in Croatia, the Bosnian

Serbs and the Serbs from the FRY ⎯ can come together as late as 1994 in such a joint operation.

Conclusions

49. Madam President, Members of the Court, we have shown that all of the joint operations

conducted by forces by the Respondent, co-ordinated by forces of the Respondent, had a function

within the overall Greater Serbia project aimed at obtaining a purified Serb land and at further

11CR 2006/21 (Mr. Brownlie) and CR 2006/18 (Mr. de Roux).

11CR 2006/21 (Mr. Brownlie).
113
CR 2006/18 (Mr. de Roux).
11Central Intelligence Agency, Balkan Battlegrounds: A M ilitary History of the Yugo slav Conflict, 1990-1995:

Vol. II, p. 529.
11CR 2006/ , p. 53, para. 53 (Mr. van den Biesen). - 36 -

connecting the three Serb entities of the FRY, th e Republika Srpska and the Republika Srpska

Krajina.

50. These operations show that Belgrade was directly involved in, and in fact controlling, the

conflict in Bosnia and Herzegovina consistently throughout the relevant time period, and this is

despite its protestations to the outside world both at that time and today.

51. I thank you, Madam President and Members of the Court, for your attention during these

pleadings and will kindly ask you to give the floor to Professor Condorelli.

The PRESIDENT: Professor Condorelli, you have the floor. I imagine,

Professor Condorelli, you will signal at an appropriate moment when you might envisage a pause.

M. CONDORELLI : Yes, Madam.

L A RESPONSABILITE INTERNATIONALE DU DEFENDEUR POUR VIOLATION DE LA
CONVENTION DE 1948 : QUESTIONS D ’ATTRIBUTION

1. Madame le président, Messieurs les juges, je reprends la parole pour clore la première

partie des plaidoiries du deuxième tour que la Bo snie-Herzégovine a souhaité dédier au fond de

l’affaire dont votre Cour est a ppelée à juger. Après toutes le s réponses qui ont été données aux

arguments proposés par la Partie dé fenderesse concernant tant le droit applicable que les faits en

cause, il m’appartient de vous montrer que les objections et critiques qu’on a cherché à faire valoir,

quant à l’attribution à la Serbie-et-Monténégro des violations de la convention de 1948, loin d’être

convaincantes, confirment le bien-fondé des thèses exposées par le demandeur. Bien entendu, le

point de départ de mes remarque s est qu’indiscutablement le génocide contre les non-Serbes de

Bosnie-Herzégovine a eu lieu: il s’agit pour moi de confirmer, pour la dernière fois au cours de

cette procédure, que l’Etat défendeur a été imp liqué dans le génocide de manière à engager sa

responsabilité internationale.

2. Mon intention est de vous présenter des propos, relatifs aux diverses questions

d’attribution, qui ne soient pas, dans toute la mesure du possible, trop répétitifs. Il faut en effet que

je garde à l’esprit que tout ce qu’on pouvait dire pour le compte du demandeur en matière

d’attribution a déjà été énoncé, non seulement dans nos écritures, puis ⎯et de manière

exhaustive ⎯ au premier tour de nos débats, mais auss i au deuxième tour, mardi dernier, par le - 37 -

professeur Pellet, dans sa présentation générale très complète de l’argumentation juridique du

demandeur. Ensuite, après le professeur Pellet, plusieurs de nos plaideurs se sont succédé à la

barre pour dresser à nouveau un tableau d’ensemble des faits démontrant l’ampleur et la profondeur

de l’implication du défendeur. Dans ces conditions, il serait peu utile que je m’attarde à redire pour

la énième fois ce qui vous a déjà été illustré, et bien illustré, sous tous les angles. Il convient en

revanche que j’essaie de faire de mon mieux pour assister la Cour ⎯ c’est là mon ambition et mon

souhait ⎯ en m’efforçant d’identifier les choix auxq uels vous êtes confrontés, Madame et

Messieurs les juges, quant à la qualification juridique de cette implication.

3. Je dois pour ce faire cependant surmonter une difficulté, qui n’est pas mineure. C’est que

pendant le premier tour de plaidoiries le défendeur n’a pris aucunement position sur nombre de

sujets importants auxquels la Bosnie-Herzégovi ne avait dédié une atte ntion considérable et

d’amples développements. Sur ces sujets, il est donc malaisé pour la Cour d’identifier exactement

(pour utiliser le langage de votre devancière, la Cour permanen te de Justice internationale

(Concessions Mavrommatis en Palestine (Grèce c. Royaume-Uni), arrêt n o 2, 1924, C.P.J.I. série A

no 2, p. 11)) l’«opposition de thèses juridiques» qu’il s’agit de régler. Autrement dit, en l’absence

d’un débat judiciaire approfondi concernant plus ieurs thèmes, cette absence prive la Cour d’un

élément important pour exercer correctement sa haute fonction. On pourrait d’ailleurs se demander

si la Serbie-et-Monténégro n’a pas choisi la tac tique bien peu orthodoxe de se soustraire à la

confrontation renvoyant le traitement de ces ques tions au tout dernier moment utile pour elle, à

savoir quand la Bosnie-Herzégovine n’aura plus l’occasion de répliquer.

4. Je note aussitôt, à titre d’exemple, que les conseils de la Partie adverse n’ont pas dédié

même un mot à la thèse principale de la Bosnie -Herzégovine en matière d’attribution, que j’avais

eu l’honneur de présenter à la Cour le 6 avril dern ier: je veux parler de la thèse de la relation

«organique», se rapportant au principe figurant à l’article 4 des articles de la Commission du droit

international sur la responsabilité in ternationale de l’Etat, d’après la quelle toutes les forces serbes

grâce à l’action desquelles le génocide a été comm is contre les non-Serbes de Bosnie-Herzégovine

doivent être considérées, sur le plan de l’e ffectivité, comme des organes de la République

fédérative de Yougoslavie, dont les comportements sont par conséquent attribuables à celle-ci et en

engagent la responsabilité internationale. Vous avez noté, Madame et Messieurs les juges, que - 38 -

nous maintenons pleinement cette conclusion: me s collègues viennent d’y insister. Or, le

professeur Brownlie a certes beaucoup critiqué la position de la Bosnie-Herzégovine, mais il s’en

est pris exclusivement à la thèse différente, et alternative, qu’avait exposée le professeur Pellet:

celle du «contrôle», basée sur le principe que cons acre l’article 8 des article s de la Commission.

Notre contradicteur ne nous a donc pas fait bénéfici er jusqu’ici de son opinion éclairée sur la thèse

principale de la Bosnie-Herzégovine, à laquelle il répliquera sans doute la semaine prochaine, ce

qui privera alors la Cour d’un élément significatif du contradictoire. Pour l’heure, il s’est borné a
116
faire état d’une prétendue différence d’opinion entre Alain Pellet et moi , entièrement imaginaire

à vrai dire: s’il a vraiment cru que nous nous contredisions, c’est qu’il n’a pas saisi alors qu’en

réalité nous exposions à la Cour la possibilité d’emprunter deux cheminements différents pour

parvenir au même résultat.

5. Mais il n’y a pas que cet exemple. Il est de même difficile de parler d’un véritable débat

judiciaire si la Serbie-et-Monténégro s’abstient de répondre un tant soit peu ⎯ comme elle l’a fait

jusqu’ici ⎯ aux contestations analytiques du demandeu r portant sur ses manquements gravissimes

à l’obligation de prévention et de répression, sauf à répéter inlassablement que les faits incriminés

se sont vérifiés à l’étranger, en dehors de sa sphè re de contrôle, et que par conséquent, ce n’est pas

à lui qu’il revenait de prévenir et de punir: ce qui en vérité apparaît déjà à première vue une

énormité si l’on se souvient même seulement du fait que les moyens humains et matériel par

lesquels le génocide contre les non-Serbes de Bo snie-Herzégovine a été perpétré, à Srebrenica

comme ailleurs, ont été fournis généreusement, voir e financés, par lui. Je ne reviendrai pas à

nouveau en détail sur ces thèmes dont je vous ai déjà entretenu largement hier, Madame et

Messieurs de la Cour.

6. Ainsi, encore, il est difficile de parler d’un véritable débat judiciaire si la Partie adverse

s’interdit d’analyser sérieusement les argum ents du demandeur faisant valoir que la

Serbie-et-Monténégro a violé les prescriptions de l’article III de la convention relatives aux actes

dits «ancillaires» du génocide, à savoir les inte rdictions de l’entente en vue de commettre le

génocide, de l’incitation au génocide et de la complicité dans le génocide.

116CR 2006/21, p. 16, par. 4. - 39 -

7. Certes, nous avons tous admiré la prouesse de véritable athlète de la plaidoirie que le

professeur Brownlie a su accomplir en parlant des heures et des heures d’affilée de la question de

l’attribution des violations, pendant les deux sessions tout entières du lundi 12 mars, puis encore le

16 mars. Or, si on relit les conclusions qu’il a soumises à la Cour, on constate que son long propos

a toujours tourné autour d’une seule question: il a entendu démontrer que, s’il y a eu génocide

⎯ce que le défendeur a par ailleurs l’outrecuidance sinon la témérité d’exclure ⎯ celui-ci ne

saurait être attribué à la Serbie-et-Monténégro. «There is no basis for the attribution of such acts to

the respondent State» 11, soutient le professeur Brownlie, et ceci parce que le demandeur n’aurait

pas prouvé que le Gouvernement yougoslave exerçait un contrôle effectif sur la Republika Srpska,

il n’aurait pas prouvé non plus qu’il exerçait un cont rôle effectif sur les opérations militaires et

paramilitaires incriminées, il n’aura it pas prouvé enfin l’existence d’instructions ou de directives

émanant de la Yougoslavie et se référant à la plan ification ou à la commission de violations de la

convention de 1948 («alleged violations», comme il dit). En somme, la Bosnie-Herzégovine a

indiscutablement prouvé et re-prouvé encore et en core que l’Etat yougoslave s’est impliqué dans

une mesure extraordinairement importante dans l’action des Serbes de Bosnie; cependant ces

preuves ⎯nous disent nos contradicteurs ⎯ ne sont pas suffisantes aux fins de l’attribution du

génocide. Ne seraient-elles pas alors suffisantes pa r hasard à d’autres fins ? Professeur Brownlie,

qu’en est-il, dans ce cas, par exemple, de la comp licité ou de l’entente, pour ne parler que de

celles-ci parmi les autres actes interdits qu’énumère l’article III ?

8. En effet, Madame le président, la Partie adverse ne peut ne pas admettre ⎯ quoique de

très mauvaise grâce ⎯ qu’une aide et une assistance déci sives ont bien été données par la

République fédérative de Yougoslavie à la Republik a Srpska (une aide et une assistance sans

lesquelles celle-ci n’aurait pas pu vivre : M. Antoine Ollivier vient de reprendre à nouveau ce point

en détail). La Partie adverse admet également, en fin de compte, qu’un soutien massif en hommes,

en moyens matériels et en services a été mis à la disposition des forces armées serbo-bosniaques,

c’est-à-dire tous les moyens nécessaires et appropriés pour «purifier» ethniquement par des

«méthodes criminelles» (c’est la form ule qu’utilise le professeur Stojanovic) 118les zones de la

117CR 2006/17, par. 320, p. 47 (Brownlie).
118
CR 2006/15, p. 42, par. 203 (Stojanovic). - 40 -

Bosnie-Herzégovine convoitées par les Serbes: su r tous ces aspects vous avez pu écouter tout

dernièrement mes collègues. Est-ce vraiment créd ible que toute cette assistance, tout ce soutien

éperdu ⎯insuffisants, nous dit- on, pour l’attribution ⎯ soient également insuffisants pour

configurer l’une ou l’autre forme de complicité, d’entente, d’incitation ?

9. La réponse que donnent à cette interrogation nos contradicteurs est là aussi catégorique:
e
c’est absolument insuffisant. Voilà ce que prétend M deRoux, qui a eu à examiner les questions

des actes ancillaires du génocide. M e de Roux a traité ce thème par une méthode uniforme, que je

n’hésite pas à qualifier de surprenante. Que ce soit pour l’incitation, l’entente ou la complicité, il a

commencé par s’étendre plus ou moins longuement sur l’interprétation en général desdites notions,

puis il en est venu très très brièvement aux allégations du demandeur, qu’il n’a pas du tout

analysées, et s’est borné à affirmer que, primo, ces allégations ne sont pas suffisamment prouvées

et, secundo, que le requérant n’a pas identifié les individus qui auraient participé à l’entente, ou qui

auraient incité à la commission du génocide, ou qui auraient été complices de l’auteur principal du

génocide. Le leitmotiv est que «si nous ne savons pas quelles sont ces personnes…nous ne

119
pouvons pas analyser ni leurs intentions ni leurs actes» , alors qu’il devrait pouvoir être établi,

afin d’envisager la responsabilité internationale de l’Etat, qu’il s’ agit de «personnes dont les actes

pourraient engager ou être imputés à la Serbie-et-Monténégro» 120.

Madame le président, si vous souhaitez que je m’arrête là, je le ferai volontiers pour

reprendre après. Je vous remercie.

The PRESIDENT: Thank you. That would be convenient. The Court will now rise briefly.

The Court adjourned from 11.35 to 11.45 a.m.

The PRESIDENT: Please be seated. You have the floor.

M. CONDORELLI: Merci, Madame. J’en étais à la question de savoir dans quelle mesure

on peut parler de complicité d’entente ou d’incitati on et j’avais fait état de la réponse négative de

nos contradicteurs faisant valoir et je répète que «si nous ne savons pas quelles sont les

119CR 2006/19, p. 26, par. 198 (de Roux).
120
Ibid., p. 32, par. 222. - 41 -

121
personnes … nous ne pouvons pas analyser ni leurs intentions ni leurs actes» , alors qu’il devrait

pouvoir être établi, afin d’envisager la responsa bilité internationale de l’Etat, qu’il s’agit de

«personnes dont les actes pourraient engager ou être imputés à la Serbie-et-Monténégro».

10. Madame et Messieurs les juges, cette exigence prétendue d’identifier ⎯ si je comprends

bien, par leur nom et prénom ⎯ les complices, les incitateurs et les comploteurs du génocide nous

l’avons déjà discutée abondamment ces jours-ci à propos du génocide même et de la mens rea qui

doit le caractériser : nous avons été plusieurs à rappeler qu’il ne faut pas confondre la responsabilité

pénale individuelle pour génocide (ou pour un acte an cillaire) et la responsabilité internationale de

l’Etat pour violation de la convention. En effet, l’établissement de la responsabilité pénale d’un

individu pour génocide ou pour un acte ancillaire nécessite ⎯cela va sans dire ⎯ son

identification. Si cet individu précisément iden tifié a commis son forfa it en agissant en qualité

d’agent ou d’organe de l’Etat, il est clair que son acte, dont cet individu est personnellement

responsable au niveau du droit pénal, engage alors aussi, sur le plan du droit des gens, la

responsabilité internationale de l’Etat en question. Mais la responsabilité internationale de l’Etat

peut aussi être engagée s’il est prouvé ⎯le cas échéant par la voie inductive ⎯ que le

gouvernement d’un Etat a conçu, organisé et fa it exécuter le génocide, voire s’en est rendu

complice, et ceci même si les exécutants de l’entreprise criminelle ne sont pas identifiés un par un.

J’arrête là la répétition de concepts qui vous ont été déjà exposés en long et en large.

11. Madame le président, il me semble que, mutatis mutandis, il en va de même, que sais-je,

e
de l’agression. Par exemple, je me demande si M de Roux serait prêt à soutenir que votre Cour,

afin de pouvoir constater qu’un Etat a violé le principe de droit international interdisant l’agression,

devrait exiger que soient identifiées toutes les personnes par l’action desquelles l’agression a été

réalisée…! Je rappelle d’ailleurs da ns ce contexte que l’agression aussi ⎯d’après le statut de la

Cour pénale internationale ⎯ est un crime faisant naître la responsabilité pénale individuelle, alors

qu’elle est également et en même temps un fait internationalement illicite ⎯et l’un des plus

graves ⎯ de l’Etat. Le Statut de Rome de1998 prévoit bien, en effet, le crime individuel

d’agression, mais renvoie à des négociations ultérieures ⎯ qui sont en cours, comme on le sait ⎯

121CR 2006/19, p. 26, par. 198 (de Roux). - 42 -

la définition précise de ce crime. Faut-il penser, M ede Roux, que tant que cette définition n’est pas

adoptée et appliquée à des individus, le Conseil de sécurité serait empêché de qualifier d’agresseur

un Etat ?

12. Je ferme cette parenthèse et reviens à l’aide et au soutien massifs offerts par la

République fédérative de Yougoslavie à la Republik a Srpska et à son armée. Donc cette aide,

pourtant indiscutable, qui fut essentielle pour la perpétration du génocide, cette aide non seulement

ne serait pas suffisante d’après nos contradicteurs pour permettre l’attribution du génocide au

défendeur, mais ne suffirait pas non plus pour engager sa responsabilité internationale au titre de la

complicité, de l’entente ou de l’in citation. Admettra-t-on alors que, du fait d’avoir rendu possible

le génocide en mettant dans les mains des crimin els tous les moyens nécessaires pour perpétrer

leurs méfaits, cette aide et ce soutien intègren t au minimum la violation de l’obligation de

prévention ? Il n’en est pas question, s’indignen t nos contradicteurs, puisque la RFY ne contrôlait

ni l’appareil gouvernemental de la Republika Srpska, ne contrôlait pas son armée, ne contrôlait pas

son territoire, ou tout au moins vous n’avez pa s prouvé (c’est ce qu’on allègue) qu’elle les

contrôlait. Ainsi, comme on le voit, la bou cle est bouclée: aucune sorte de responsabilité

internationale ne saurait être envisagée pour le défendeur à quelque titre que ce soit.

13. Madame le président, Messieurs les juges, je vous prie de bien vouloir évaluer dans sa

globalité la position que prend le défendeur devant vous en matière d’attribution : une globalité que

je me suis employé à reconstruire en peu de mots . Cette position se décompose certes en une série

multiple de questions spécifiques que vous devrez trancher une par une et l’une après l’autre. Par

exemple, les exécutants du génocide étaient-ils ou non des organes ou des agents du défendeur?

Etaient-ils contrôlés, instruits ou dirigés par lu i dans la perpétration de leurs méfaits? Le

défendeur était-il complice dans le génocide (ou du génocide) dont se sont rendues coupables la

Republika Srpska et son armée, av ec l’aide de formations paramilita ires, voire les a-t-il instiguées

ou a-t-il comploté avec elles? Le défendeur aura it-il pu, en usant de moyens à sa disposition,

prévenir le génocide et/ou l’arrêter? Y a-t-il des manquements à reprocher au défendeur quant à

son obligation de punir? Je ne dresse évidemment pas une liste tant soit peu complète. Je suis

seulement en train de faire état de la conviction qu e, au moment où vous jugerez de chacune de ces

questions, voire d’autres qui vous paraîtront per tinentes, vous ne sauriez oublier l’ensemble que - 43 -

composent les réponses à chaque question spécifique. Si ⎯j’énonce là ce qui me semble une

absurdité ⎯ vous deviez sur chacune de ces questions faire droit aux demandes du défendeur, le

résultat global serait que vous auriez proclamé de ce fait même un divorce total, inacceptable, entre

la réalité et le droit international. Vous auriez finalement réduit la convention de1948 au triste

rang de «chiffon de papier» dépourvu d’utilité, si sur sa base le rôle majeur joué par Belgrade dans

le génocide devait être qualifié de parfaitement en harmonie à tous égards avec notre convention.

14. La réalité des faits, Madame le président, est là, sous les yeux de la Cour. Elle impose

⎯ elle vous impose ⎯ ses raisons. Elle vous a été prouvée de manière extrêmement détaillée et

complète par la Bosnie-Herzégovine dans ses écritures et dans ses plaidoiries. De plus, chacun sait

qu’au-delà de la preuve des faits qui vous a été administrée par le demandeur, la pleine implication

du défendeur dans le génocide contre les non-Serbes de Bosnie-Herzégovine a été vérifiée, attestée,

reconnue, enquêtée, blâmée de mani ère nette et claire par les inst ances internationales les plus

représentatives: ai-je besoin de citer encore , par exemple, la séquelle de résolutions de

l’Assemblée générale et du Cons eil de sécurité condamnant la République fédérative de

Yougoslavie à cause de son rôle dans l’épuration et hnique en Bosnie-Herzégovine ? Sans oublier

l’opinion publique! Ce n’est pas par hasard que dans le monde en tier M.Milosevic était

surnommé «le boucher des Balkans»! Et le droit que votre Cour est appelée à interpréter et

appliquer ne peut ignorer cette ré alité, ne peut s’en écarter. Au vu de celle-ci, la somme des

réponses que vous donnerez aux multiples questions qui vous sont posées ne peut pas être,

décidément ne peut pas être, que le défendeur n’a aucune responsabilité, à aucun titre, pour le

génocide.

15. Quant à l’identification des profils précis de la responsabilité internationale du défendeur

qui sont à retenir, la Bosnie-Herzégovine vous fait pleinement confiance, Madame et Messieurs les

juges, et s’en remet au jugement de la Cour. Pour assister la Cour dans sa mission, la

Bosnie-Herzégovine a présenté dans ses écriture s et dans ses plaidoiries, notamment celle

d’Alain Pellet du 3 mars dernier 122, tout l’éventail des possibilités qui, à son avis, se justifient sur la

base des faits tels qu’ ils vous ont été soigneusement prouvés. Ces possibilités, parmi lesquelles il

122CR 2006/08, p. 10 à 39. - 44 -

vous faudra choisir, il n’est certainement pas so uhaitable que je les examine et les expose

maintenant à nouveau en détail, d’autant plus qu’une synthèse d’une extrême clarté vous a été

proposée d’avance mardi dernier, toujours par Alain Pellet. Un rappel, assorti de quelques

observations ponctuelles, suffira me semble-t-il.

16. Madame le président, permettez-mo i d’évoquer en premier la responsabilité

internationale pour violation des obligations de prévention et de répression. Je commence par là

non seulement parce que les faits illicites du défende ur dans ce domaine relèvent, me semble-t-il,

de l’évidence même, mais aussi parce qu’ils peuv ent se cumuler sans difficulté et sans aucune

espèce de contradiction avec tous les autres titr es de responsabilité inte rnationale relatifs aux

violations de la convention. Il y a cependant une autre raison encore : c’est que les manquements

en question ont été en soi si graves, si systématiques et sans exceptions (sous réserve de certaines

améliorations limitées, concernant la répression , se produisant depuis peu d’années, à savoir après

la chute du régime de Milosevic), ont été, je disa is, si graves, si systématiques, qu’il est inévitable

d’y voir des indices concluants d’un impressionna nt lien de solidarité entre Belgrade et la

main-d’Œuvre du génocide. Une solidarité au sujet de laquelle votre Cour voudra certainement

s’interroger afin d’étudier si elle ne s’est pas traduite ⎯ainsi que la Bosnie-Herzégovine le

suggère avec insistance ⎯ dans une véritable entente en vue du génocide, ou dans la complicité

dans le génocide, sinon plus.

17. Mais, beaucoup d’autres indices et pr euves du lien de solidarité rattachant le

gouvernement de l’époque du défendeur et les exécutants du génocide se sont accumulés sous les

yeux de la Cour. La Bosnie-Herzégovine a montré clairement, en effet, que loin de se borner à ne

pas empêcher le génocide ou sa continuation, Belgrade y a contribué de façon déterminante par une

action continue et cohérente de soutien et d’assistance massifs sur tous les plans, notamment sur les

plans politique, économique et militaire. En utilisant une formulation ramassée que vous avez déjà

entendue, on peut dire que le défendeur a fourni la presque totalité des moyens humains et

matériels par lesquels le génocide a été perpétré, y compris ceux qui ont été utilisés à Srebrenica.

18. Madame le président, il me semble que les données qui ont été présentées à la Cour

concernant, d’une part, la carence totale du défendeur en matière de prévention et, d’autre part, le

soutien massif et indéfectible qu’il a fourni aux exécutants du génocide, vous obligent au minimum - 45 -

à reconnaître qu’il en a été le complice au sens de l’articleIII de la convention. Comme il a été

rappelé à plusieurs reprises, la complicité, telle que prévue explicitement par la convention, requiert

que le complice partage avec l’auteur principal l’ intention génocide. Le demandeur est convaincu

d’avoir démontré par la voie inductive que ce part age d’intention de destruction du groupe des

non-Serbes de Bosnie-Herzégovine était clairement présent; mais il tient à rappeler encore une fois

que, même au cas où il n’aurait pas réussi à persua der de cela votre Cour, la notion de complicité

qui se fonde sur les principes du droit internatio nal général permettrait également l’engagement de

la responsabilité internationale du défendeur pour violation de la convention: violation résultant

bien sûr de l’aide et de l’assistance données en connaissance de cause à l’action génocide.

19. Au vu de l’ensemble des éléments fa ctuels du dossier, cepe ndant, la qualification

juridique de l’implication de la République fédérative de Yougoslavie en tant que complicité, ou en

tant qu’autre acte ancillaire, serait aux yeux du demandeur gravement réductive. C’est la raison

pour laquelle la Bosnie-Herzégovine demande à la Cour de bien vouloir envisager la possibilité

d’avoir recours à une définition juridique différente. La Bosnie-Herzégovine vous demande de dire

et de juger que le génocide engage la responsabi lité internationale du défendeur parce qu’il lui est

attribuable: autrement dit, pa rce qu’il doit être considéré ⎯d’après les principes pertinents du

droit international ⎯ comme son propre fait.

20. Les faits prouvés qui justifient cette demande vous sont bien connus, Madame le

président: ils sont légion. Nous les avons exposés à plusieurs reprises et de manière aussi

complète que possible devant votre prétoire, y compris hier et aujourd’hui. On peut résumer en peu

de mots les conclusions qu’on tire si, après avoir analysé et pesé séparément ces faits, on les évalue

par voie de synthèse. La Bosnie-Herzégovine es t persuadée que l’ensemble des preuves qu’elle a

recueillies et présentées justifie amplement la conclusion que les exécutants du génocide étaient en

fait des organes ou agents du défendeur, voire qu’ils agissaient sous son contrôle.

21. La Republika Srpska, malgré d’irréelles allégations d’indépendance, était à l’époque

critique une entité fictive, un Etat fantoche, dé pourvu de tout moyen autonome de subsistance et

d’action, entièrement dépendant du soutien tous azimuts du défendeur : elle était la longa manus de

Belgrade dans la mise en Œuvre de sa politique. Cependant, Madame le pr ésident, de loin plus

importante, aux fins de la décision que votre Cour doit prendre, est la détermination du statut réel - 46 -

de l’armée serbo-bosniaque, qui a concrètement perpétré le génocide en étroite coordination et avec

le concours de l’armée fédérale yougoslave, et en jouissant aussi du support opérationnel de

formations paramilitaires dépendan t d’organes gouvernementaux du défendeur et envoyées sur le

terrain en Bosnie-Herzégovine par ceux-ci. Sous le maquillage d’armée séparée et autonome ayant

compétence à agir dans un espace territorial extérieur par rapport à celui internationalement

reconnu comme appartenant à la République fédé rative de Yougoslavie, l’ armée serbo-bosniaque

faisait en réalité partie intégrante du dispositif militaire d’ensemble du dé fendeur: c’est lui, en

effet, qui l’avait d’abord enfantée en la dotant à la naissance d’un trousseau très substantiel en

personnel et en moyens matériels (y compris en pl açant à sa tête l’un de ses meilleurs généraux);

c’est toujours lui qui l’avait ensuite tenue en vie et alimentée constamment par toutes les sortes de

soutiens nécessaires. Cette inté gration se perçoit de manière pa rticulièrement claire si, comme

nous venons de le faire, l’on étudie la structure et la composition de l’ appareil de commandement

de la VRS. Parmi toutes les années du génocide, celui-ci a été entièrement constitué d’officiers de

l’armée fédérale yougoslave que le ur hiérarchie militaire appelait à servir en Bosnie-Herzégovine

et qui ont toujours gardé leur statut au sein de l’organisation d’appartenance (la JNA, puis la VJ).

Ces officiers continuaient, pour ce qui est de leur carrière, à être gérés par des organes

administratifs du défendeur et à recevoir de lui leur salaire. Et la chaîne de commandement dans

laquelle ils étaient insérés avait à sa tête un commandant général (Ratko Mladic), qui lui aussi avait

toujours gardé son statut d’officier de l’armée fédérale yougoslave, dont on a déjà rappelé qu’il

avait été destiné à assumer ce rôle de commandement par le gouvernement du défendeur et qui,

tout au moins pour ce qui est des questions importantes de caractère stratégique, était non

seulement en relation constante avec Belgrade, mais (d’après des témoignages dignes de foi)

recevait ses instructions directement du président Milosevic. Surtout, Madame le président,

l’étroite collaboration opérationnelle entre les deux armées ⎯l’armée fédérale et l’armée de la

Republika Srpska ⎯se réalisant par des voies multiples, en particulier par des opérations conjointes

qui vous ont été décrites en détail, dit plus que n’importe quel témoignage: elle dit que les deux

armées n’en composaient qu’une en réalité.

22. Madame le président, de l’avis de la Bosnie-Herzégovine une conclusion juridique

s’impose au sujet de l’attribution, à la lumièr e de ces faits. Le demandeur espère vous avoir - 47 -

convaincu de partager son opinion d’après laquelle derrière le voile des ap parences (un voile bien

transparent d’ailleurs) il y a une ré alité tout à fait visible: cette r éalité est que pendant la période

critique la Republika Srpska et son armée se plaçaient , sur le plan de l’effectivité, à l’intérieur de

l’appareil organique du défendeur; autrement dit, elles doivent être qualifiées en tant qu’organes de

l’Etat, dont les comportements, tous les comportement s, sont attribuables à celui-ci et en engagent

la responsabilité internationale.

23. Madame le président, permettez-moi main tenant de formuler l’hypothèse en vertu de

laquelle la thèse «organique» que je viens de résumer n’emporterait pas la conviction de la Cour et

que vous vous orientiez dans le sens, préconisé par nos contradicteurs, selon lequel les

comportements génocides ne pourraient être attribués au défendeur qu’au cas où il aurait été prouvé

que les auteurs de ces comportements avaient agi sous son contrôle ou sa direction, ainsi que le

requiert le principe que codifie l’article 8 des articles de la CDI. J’ aimerais terminer ma plaidoirie

en ajoutant quelques remarques à celles présentées par mon ami Alain Pellet mardi dernier sur le

thème du «test Nicaragua» et sur la question de savoir si le c ontrôle effectif requis doit porter ou

non sur chaque acte précis au sujet duquel la question de l’attribution se pose.

The PRESIDENT: Professor Condorelli, could you do so a little more slowly please.

M. CONDORELLI: Excuse me, Madam.

24. Naturellement, en formulant ces observations finales, je tiens co mpte de la question

formulée par vous, Madame le président, le 20 ma rs dernier, au général Dannatt. Vous lui aviez

demandé si, à son avis, la VRS était soumise à un contrôle et à des instructions par Belgrade

concernant chaque opération particulière, ou bien si l’armée serbo-bosniaque agissait d’après lui

sous un contrôle général et avec des marges de discrétion. Et la réponse du général a été clairement

orientée dans ce second sens. Il a dit par exem ple: «I think we do see a degree of delegated

operational control from Belgrade to VRS, as one would expect of an apparently independent army,

but both armies were operating to a common intent , originally orchestrated and predominantly

123
orchestrated from Belgrade.»

123CR/2006/23, p. 44. - 48 -

25. Je note que de ce témoignage on peut cer tainement tirer des indications de choix en

faveur d’une qualification juridique de l’implicati on de Belgrade dans le génocide en termes de

complicité. Je souligne aussi, et avec force, que le contrôle général est tout à fait compatible avec

la thèse principale que la Bosnie-Herzégovine a soumise à la Cour (la thèse que nous appelons,

pour faire bref, «organique»): ainsi, par exemple, le comportement des collectivités territoriales

d’un Etat engage la responsabilité internationale de cet Etat tout en étant assujetties exclusivement

à un contrôle de caractère général de la part des autorités centrales du même Etat. En revanche, le

type de relation entre Belgrade et la VRS dont parl e le général Dannatt apparaît à première vue ne

pas remplir les conditions requises par le test Nicaragua. Faut-il alors, sur cette base (si la thèse

«organique» ne vous persuadait pas), exclure l’attribution du génocide au défendeur, étant donné

que la Bosnie-Herzégovine ne vous a certes pas prouvé que chacun des comportements criminels

dont l’ensemble forme le génocide a été perpétré so us le contrôle de Belgrade? Ou bien faut-il

«oublier» le test Nicaragua, ainsi que l’a suggéré Alain Pellet ?

26. A mon avis, Madame et Messieurs les juges, il s’agit d’interpréter et de calibrer le test

Nicaragua en fonction des particularités de la situation d’espèce, plutôt que de l’écarter purement

et simplement: c’est d’ailleurs ce qu’entendait dire Alain Pellet quand il a employé la formule

«oublier Nicaragua». Ainsi, parmi les différences à prendre en compte entre l’affaire Nicaragua et

la présente affaire, spécialement significativ es sont celles qui concernent, d’une part, les

caractéristiques des divers auteurs des actes à juger et, d’autre part, la nature des comportements au

sujet desquels est posée la question de l’attribution.

27. Sous le premier aspect, il convient de rappeler que les contras étaient une constellation

de groupes divers de combattants irréguliers ayant un but commun (celui d’abattre le gouvernement

en place à Managua), que les Etats-Unis aidaient, armaient et finançaient, etc.; il est logique de

considérer que les comportements de tels partic uliers ne pouvaient être attribués à l’Etat en

question qu’à condition qu’il fût prouvé l’emprise directe et effective des organes de l’Etat sur

chaque groupe et sur ses agissements. Dans notre cas, par contre, il est question essentiellement

d’une armée régulière, organisée comme il convient pour un appareil militaire, à savoir stablement

dotée d’une forte structure hiérarchique avec à son sommet un commandement et une chaîne de - 49 -

commandement en mesure de diriger et contrôle r les subordonnés; par conséquent, le contrôle

exercé sur le sommet permettait de contrôler précisément toute la structure.

28. Quant aux comportements sur lesquels le contrôle doit porter, dans l’affaire Nicaragua, il

s’agissait d’actes multiples de violence, d’attentat s terroristes, du mouillage de mines et d’autres

opérations militaires diverses et non coordonnées. Votre Cour avait décidé à l’époque, à juste titre

sans doute, que l’attribution de tels comporteme nts aux Etats-Unis n’aurait été possible que si le

contrôle effectif d’organes de l’Etat sur chaque comportement était prouvé. Dans le cas présent, en

revanche, le comportement à attribuer n’est pas chaque viol, chaque meurtre, chaque atrocité,

chaque acte de torture, mais le génocide: à savo ir un ensemble résultant d’un grand nombre de

comportements individuels caractérisés par une finalité commune, la destruction du groupe cible.

29. Madame et Messieurs les juges, je termine par l’observation suivante : si vous appliquez

le test du contrôle effectif et spécifique, ou «test Nicaragua», dans le cas présent, en tenant compte

de toutes les spécificités de celui-ci concernant tant les caractéristiques des individus auteurs que

celles des comportements en jeu, il vous est ⎯ je crois ⎯ tout à fait possible de conclure que ce

comportement précis nommé génocide a été le fait de personnes ayant agi sous le contrôle effectif

du défendeur.

Je vous remercie, Madame et Messieurs les juges. Je vous demande, Madame le président,

de passer la parole au professeur Franck.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Condor elli. It seems that we are going to hear

Professor Franck.

Mr. FRANCK: Thank you, Madam President. Ma y it please the Court. It is my intent to

ask the Court to confirm its determination to decide this case on its merits.

THE C OURT MUST DECIDE THIS CASE ON ITS MERITS

In the interest of peace there is no constructive alternative
to establishing State responsibility

1. So now, Madam President, we are about to focus, once again, on the underlying issue of

the Court’s jurisdiction: its jurisdiction to entertain this case. It never seems to go away, it reminds

me of the Australian who found a boomerang and spent the rest of his life trying to throw it away! - 50 -

2. But we must not throw this case away. I fully understand the urge to say: “Let us just get

rid of this. The issues are too fact-laden. There are just too many issues. It is too tangled a web.

Anyway, why do they not just let the ICTY settle the issue?” In our first round of oral pleadings, I

suggested why it was so important for you not to be responsive to those blandishments, why

individual criminal liability cannot be a substitute for State respon sibility. I will not repeat those

arguments. But, in the first round of pleadings, one of the witnesses again offered you an easy way

out, so I ask your indulgence while I address it briefly.

3. Towards the end of his testimony during the first round of pleadings, I thought that

General Sir MichaelRose rather tipped his hand as to why his analysis seemed mostly to give the

benefit of the doubt to the Serb side. He said:

“Finally, I would like to state that I think this Application by the Government of
Bosnia-Herzegovina is not in the interests of peace. I believe that to punish successive

generations of young Serbs who are trying to put the past behind them for crimes,
however atrocious, that were committed by a government, many of whose leaders are
either dead or here in The Hague, is not conducive to peace, particularly when the
State of Bosnia-Herzegovina itself, at the time, was party and complicit to war crimes.
A far better and more constructive approach would be that of truth and reconciliation.”

(CR 2006/26, p. 12.)

4. He went on to compare the present case to the mistakes of the period after the First World

War “when heavy reparations were brought to bear on the people of Germany” that, he seemed to

suggest, led the Germans to bring Hitler to power in 1930. Instead, he urged the better path was the

one taken by the Allies in 1945, when the mistake of seeking reparations was not repeated. (Ibid.)

5. Sir Michael, of course, is entitled to his view of history. May I suggest, however, that the

burden of reparations, after the First World War, is not widely considered to have been the

principal reason for the rise of Adolf Hitler. The worldwide depression and the ruthlessly exploited

fear of communism, as well as the divisive fi ssures within the fledgling Weimar Republic’s

experiment with democracy are more generally seen to have been the determinative factors.

6. Be that as it may, there is no question that SirMichael is flat wrong to suggest that

Germany paid no reparations after the Second Wo rld War. On the contrary, it paid huge

reparations: to Russia, to Czechoslovakia, to the West and to the Jews. These reparations were

extracted, sometimes willingly, sometimes as a c onsequence of Germany’s occupation, but always

on the theory that Germany owed it to the countr ies and people it had devastated, to help them - 51 -

recover. And, moreover, Germany ⎯ at least the Federal Republic ⎯ willingly shouldered its

responsibilities, paid its debt to society, as ked for forgiveness, recovered, and was fully

rehabilitated among the civilized and democratic na tions of the world, where it came to play a

leading role. And the payment of reparations did not embitter the populace or cause them to turn to

xenophobic despots for national guidance.

State responsibility is the legal vehicle for establishing the truth

7. Yugoslavia, the FRY, Serbia and Montenegro ⎯ whatever you want to call it ⎯ is not yet

ready to embark on this penitent’s path to redemp tion. It still hews to the low road of denial and

self-serving distortion. Although truth and reconciliation commissions may be an idea with merit

in some situations, this is not one of them. Firs t, they are intended to work within a State, not

between nations. Second, they are intended to operate when ther e is contrition and a desire for

forgiveness. There may well be a time when truth and reconciliation commissions are the way to

help heal the deep divisions between Bosnians of Serb ethnicity and those who were their victims.

But the real, the ultimate victimizers of the non-Serb Bosnians was another country: the FRY. It

cannot be called to account by a truth and rec onciliation commission and, in any event, it seems

anything but ready to face the truth about itself.

8. Unfortunately, the FRY or, now, Serbia and Montenegro, is entirely unwilling to follow

the example of Germany after the Second World Wa r. It refuses to admit its guilt, but insists

against all the evidence that it was only engaging in the normal excesses of warfare. It does not

accept any responsibility for helping to make good what its leaders made bad. There is not the

slightest indication that the nation accepts responsibility and its concomitant, the duty to help its

victims recover.

9. Instead of contrition and the assumption of responsibility, we have been treated to

12years of evasion, tactics, feints, ruses, and blind alleys. At this fi nal moment, we are being

shown the Respondent’s infinite in ventiveness in seeking to shirk its evident responsibility by the

pretence of shedding its identity. The Court, Mada m President, must not allow itself to be made a

party to this manoeuvre, just as it refused to be party to the Respondent’s earlier manoeuvres to

escape your jurisdiction. - 52 -

10. Yes, General Rose, there we re atrocities and war crimes committed on all sides, but, as

you yourself observed, only one side embarked on a deliberate plan of genocide. It is impossible

not now to know which side that was. It was the side whose men, whose uniforms, whose funding,

whose arms and whose instructions flowed from Be lgrade. And what was Belgrade? It had been

the seat of power of the Socialist Federal Repub lic of Yugoslavia, which was a founding Member

of the United Nations. And, upon the disintegration of that Yugoslavia, it became the seat of power

of the Federal Republic of Yugoslavia, the State which was the engine for the creation of a Greater

Serbia and which, for eight years, insisted that it was the only true embodiment of the former

Yugoslavia, not only in the halls of the United Nati ons, which it continued to inhabit, but also in

this Court, where it has acted as Respondent, counter-claimant and Applicant.

The truth is that Belgrade was and remains responsible

11. Now, Belgrade wants you, the judges, to accept that it has severed all responsibility for

its past actions by becoming a “new” Member of the United Nations. There is not much new about

this State. Yes, it has stopped committing terrible acts against its neighbours. But it still hides

some of the worst authors of terrible crimes, just as it did in the “old” FRY. There is nothing new

about its continuing insistence, against all the ev idence, that the siege of Sarajevo, the rapes,

tortures and mass displacements, and the slaughter at Srebrenica were mere incidents of an

unfortunate civil war. All that we have heard fr om the lawyers for this Belgrade has been said

before by the lawyers for that Belgrade. With one exception: what is new is that the present legal

team has a new technicality to throw in the path of resolving this litigation: that it became “new”

when it finally regularized its membership in the United Nations.

12. Please do not be misled into the vain hope that, by letting the culprit off on such a

technicality, the enormity of its acts will be erased and that there will be some sort of process of

reconciliation between the victims and the perpet rators. General Rose egregiously misreads

history. Reconciliation is achieved by a clear admi ssion of responsibility by the perpetrators of a

great wrong, not by pretending that something di d not happen which everyone knows did. It can

never be achieved by pretending that “this” Belgrade is not “that” Belgrade. Reconciliation cannot

grow in the stony soil of a fabricated past. It cannot flourish amidst denial and mendacity. - 53 -

This case offers an historic opportunity to discourage genocide

13. This is the time to get history right. This is the time to send forth the message that no

State can “get away with it”. This is the time to facilitate a shared future by asking the Parties to

look truth full in the face and then setting about the task of reconciliation in a way that stands a

chance ⎯ the only chance ⎯ of success: by a shared effort at restitution and rehabilitation of all

that was so ferociously destroyed in pursuit of an evil dream.

14. That dream, fortunately, has now died. But the physical and psychological damage its

pursuit has caused has not really begun to be und one, and cannot be undone until Belgrade admits

its part in all that happened. We do not claim, an d do not ask this Court to find, that all Serbs are

personally responsible for the acts committed in their name. We understand the longing of the

people of Serbia to turn the page. But they cannot do it in the way they have argued this case: by

the denial of the undeniable and by the distortion of the clearest of laws. And the Court cannot

help them to turn the page by encouraging them in that state of denial.

15. General Rose told us, Madam President, that “it is better to pursue individuals for war

crimes than to try and pursue States” ( id., p. 32). He is quite wrong to pose this in the alternative.

Indeed, the Genocide Convention, drafted in the aftermath of the Second World War, was written

precisely to make clear that the international legal system must pursue both of these objectives, not

as alternatives, but as mutually reinforcing co mplementarities. The le aders who perpetrated a

genocide must be held personally accountable at law. But genocide cannot be committed by a few

powerful individuals acting alone, but only by deploying the machinery of death that is the dark

prerogative of the State. That machinery involves not just the few, but the many, the eagerly

willing, the indifferent and even the reluctant. If the principal role of the law is to teach, then the

law must not only teach a few individuals by putting them in prison, it must also teach the citizenry

that we all have a duty to resist when le aders embark on a genocidal enterprise. The

well-established vehicle for teaching that lesson is the concept of State responsibility.

16. Permit me a brief personal note. I have ta ught generations of students in many countries

to respect international law and to place great conf idence in the institutions that give it effect.

What the Court does about this case will long inform the world’s view, not only of State

responsibility for genocide, but also of this Cour t and of the international adjudicatory process. - 54 -

Honourable Members of this Court, I am all to o well aware of the dilemma in which you find

yourselves today, and I do not envy you your role in this saga. Yet your role is an inescapable one.

You will be making history, whatever you do. Th is case is unusually full of issues. It is a

minefield of procedural and evidentiary technicalitie s. You have been loaded down with facts and

counter-facts. You have watched, year after year, a seemingly endless game of jurisdictional

hide-and-seek. Permit me, if you will allow me tobesobold,toencourageyounottolose

yourselves in the technicalities, to remind you just once more of the central matter: that this is a

case about genocide. Genocide is not some small island off someone’s coast. It is a vast and

terrible thing. It has not been stopped, indeed the penchant for it appears to be increasing, and so it

must be discouraged. You have an opportunity to take us all one large step in that direction.

Thank you, Madam President. May I ask you to give the floor to my colleague,

Professor Pellet?

The PRESIDENT: Thank you, Professor Franck. I now call Professor Pellet.

M. PELLET : Merci, Madame le président.

COMPETENCE DE LA COUR

1. A C OUR NE PEUT REMETTRE EN CAUSE L ’AUTORITE DEFINITIVE
DE CHOSE JUGEE DE SES ARRETS

1. Madame le président, Messieurs les juge s, durant le premier tour de plaidoiries, les

représentants du défendeur sont longuement revenus sur la question de votre compétence. Je dois

vous faire une confidence, Madame et Messieurs de la Cour : ceci ne nous a pas vraiment surpris…

Pas surpris, mais décidément choqués: c’est en effet la cinquième fois que la Partie

serbo-monténégrine «repart à la charge» et essaie de vous convaincr e de vous déclarer

incompétents pour connaître de la requête que vous a soumise la Bosnie-Herzégovine, il y a

maintenant treize ans. A deux reprises, en 1993, vous aviez estimé que l’articleIX de la

convention de 1948 constituait, prima facie, une base plausible de votre compétence. En1996,

vous avez décidé ⎯ décidé dans un arrêt revêtu de l’autorité de la chose jugée ⎯ qu’il en était bien

ainsi et que vous pouviez «désormais procéder à l’ examen au fond de l’affaire sur cette base»

(Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide - 55 -

(Bosnie-Herzégovine Serbie-et-Monténégro), C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 622, par. 46.. Et, en 2003,

vous avez décidé ⎯décidé à nouveau, par un nouvel arrêt, tout aussi définitif et obligatoire pour

les Parties ⎯ qu’il n’y avait pas lieu de reviser la décision prise sept ans plus tôt.

2. Qu’à cela ne tienne ! La Cour acceptera peut-être à la cinquième fois, ce qu’elle a refusé

quatrefois. Ce qui est tout de même à la Par tie serbo-monténégrine que ce n’est qu’au septième

tour que les trompettes de Josué ont fi ni par raison des murailles de Jéricho ⎯et nous sommes

confiants, Madame et Messieurs les juges, que vous ne remettrez pas en cause, à ce stade ultime

d’une affaire pendante devant vous depuis si longtemps, ce que vous avez décidé si fermement.

3. Pourquoi ces coups de butoir, cet acharneme nt, Madame le président? Mon estimé et

adroit contradicteur, le professeur Varady, n’en a pas fait mystère: il s’agit d’éviter que, lorsque

l’on fera le bilan du XX e siècle, la Serbie-et-Monténégro soit «le seul Etat condamné pour

génocide» 12. Et je comprends parfaitement qu’un citoye n, un citoyen de n’importe quel pays, se

résigne mal à une telle condamnation, sans pour autant qu’il doive encourir le reproche d’un

nationalisme exacerbé ⎯je respecte ce sentiment. Mais il y a plus important encore, infiniment

plus important : il y a les victimes; les victimes qu i ont droit à ce que justice soit faite, à ce que les

responsabilités soient établies, à ce que l’espoir qu ’a fait naître la reconnaissance par la Cour de sa

compétence à cette fin, ne soit pas déçu par une volte-face qui ne pourrait susciter

qu’incompréhension et rancŒurs.

4. Un reniement, je dois dire, qui serait inco mpréhensible non seulement pour les victimes et

les opinions publiques mais aussi pour les juristes, dont la confiance dans l’indispensable autorité

de la chose jugée et la prédictibilité des décisions de la Cour, ne pourra it qu’être profondément

affectée par un tel «refus d’obstacle» ⎯de l’ultime obstacle, artificiellement dressé sur la voie

d’un prononcé au fond par nos contradicteurs.

5. Telles sont les raisons pour lesquelles, Madame le président, nous avons pris très au

sérieux leurs plaidoiries, auxquelles nous allons consacrer presque tout le temps qui nous reste,

aussi infondée que nous paraisse la thèse qu’ils soutiennent ⎯ qu’ils soutiennent à nouveau, car

elle est essentiellement la même que celle déjà avancée par la Serbie-et-Monténégro à l’appui de sa

124CR 2006/12, p. 47, par. 1.10. - 56 -

demande en revision de l’arrêt de 1996. Pour proc éder à la réfutation de cette thèse nous suivrons

le plan suivant :

⎯ dans un premier temps, d’une part, je montre rai que la Serbie-et-Monténégro ne peut pas

soulever à nouveau à ce stade la question de la compétence de la Cour, j’essaierai de terminer

ça ce matin, et, d’autre part, je reviendrai plus spécifiquement sur la question de la res judicata;

⎯ avec votre autorisation, Madame le président, le professeur Thomas Franck me succèdera à

cette barre cet après-midi et évoquera les graves problèmes de bonne foi que la démarche du

défendeur suscite;

⎯ il sera suivi par le professeur Brigitte Stern qui montrera qu’en tout état de cause ⎯ mais à titre

subsidiaire, le défendeur n’a jamais cessé d’être partie à la convention ⎯ ceci sera fait cet

après-midi aussi ⎯ et, lundi, que la République fédérative de Yougoslavie était bien, au

moment du dépôt de la requête, dans une situ ation à l’égard des Nations Unies qui lui donnait

accès à la Cour;

⎯ enfin, j’essaierai de récapituler nos arguments sur les questions de compétence et de montrer

que la Bosnie-Herzégovine est en droit de voir l’affaire qu’elle vous a soumise, Madame et

Messieurs les juges, enfin jugée.

I. Le défendeur ne peut soulever à nouveau à ce stade de la procédure

la question de la compétence de la Cour

6. Il en est d’ailleurs conscient et ce n’es t sûrement pas un hasard que M. Varady et ses

collègues ont préféré intituler la partie des plai doiries que la Serbie-et- Monténégro a consacrée à

125
cette question: «Problèmes de procédure» (Issues of Procedure) plutôt que «Compétence de la

Cour», expression qui eût trop crument mis en évidence qu’il s’agissait d’une huitième objection

126
préliminaire, oubliée en 1995 . Il n’en reste pas moins que ce que mon contradicteur appelle
127
pudiquement «l’aspect procédural de cette affaire complexe» (the procedural side of this

complex case), n’est pas autre chose qu’une contestation ⎯une énième contestation ⎯ de votre

compétence, Madame et Messieurs les juges. L’agent du défendeur l’a d’ailleurs reconnu sans

125CR 2006/12, p. 45 (Varady); CR 2006/13, p. 10 (Djerić); p. 19 et 59 (M. Varady) et p. 35 (Zimmermann).

126Voir exceptions préliminaires du 30 juin 1995.
127
CR 2006/12, p. 45, par. 1.2 (Varady). - 57 -

détour dès les premières phrases de sa présen tation introductive: c’est bien le «manque de

compétence» de la Cour, c’est une expression qu’il a employée, qui est invoqué 128.

7. A cet égard, et laissant de côté pour l’in stant la question, liée mais différente, de la

res judicata, il me semble que l’argumentation de nos contradicteurs repose sur deux propositions,

une de droit :

⎯ «La Cour doit toujours s’assurer de sa compétence, s’il y a lieu d’office»;

l’autre de fait :

⎯ en l’espèce, il n’était pas possible de prendre position plus tôt.

Je me propose, si vous le voulez bien, Madame le président, de reprendre successivement

chacune de ces propositions et de montrer que la première est exacte, la Cour doit toujours

s’assurer de sa compétence, s’il y a lieu d’office (mais elle est exacte mais exprimée sans doute de

manière trop catégorique), et que l’application qu’entend en faire le défendeur est en l’espèce de

toute façon insoutenable, et, je montrerai aussi que la seconde repose sur une pétition de principe

tout à fait inacceptable.

A. La Cour «doit toujours s’assurer de sa compétence, s’il y a lieu d’office»

8. Encore une fois, Madame le président, il ne fait aucun doute, que la Cour «doit … toujours

s’assurer de sa compétence». Nos contradicteurs font grand cas de ce principe ⎯tout à fait

indiscutable ⎯ énoncé par la Cour, notamment dans son arrêt de 1972 dans l’affaire relative à

l’Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (arrêt, C.I.J. Recueil 1996, p. 52, par. 13),

arrêt que le professeur Varady a cité expressis verbis à trois reprises, il en a cité un tout petit

passage 12. Mais «toujours» ne signifie pas «à tout moment» ni sans aucun égard aux circonstances

dans lesquelles cette «assurance» doit être acquise. L’arrêt de 19 72, auquel je m’en tiendrai aussi,

est riche d’enseignements à cet égard.

9. Bien qu’il soit un peu long, il me semble u tile de lire en son entie r le paragraphe dans

lequel s’insère le passage pertinent à M. Varady :

«Avant d’aborder la question de la compétence du conseil, il convient
d’examiner certaines objections soulevées par le Pakistan quant à la compétence de la

128CR 2006/12, p. 11, par. 7 (Stojanović).
129
CR 2006/12, p. 57, par. 1.48; CR 2006/13, p. 20, par. 3.5 et p. 60, par. 5.1. - 58 -

Cour pour connaître de l’appel interjeté par l’Inde. Celle-ci conteste le droit du
Pakistan de formuler ces objections attendu qu’il ne les a pas soulevées à un stade
antérieur de la procédure comme «exceptions préliminaires» en vertu de l’article 62 du
Règlement de la Cour (texte de 1946). Il est assurément souhaitable que les objections

visant la compétence de la Cour prenne nt la forme d’exceptions préliminaires sur
lesquelles il est statué à part avant toute proc édure sur le fond. La Cour n’en doit pas
moins toujours s’assurer de sa compétence et elle doit, s’il y a lieu, l’examiner
d’office. Le vrai problème soulevé en l’espèce, du fait qu’une Partie s’est abstenue de

présenter une objection à la compétence sous la forme d’une exception préliminaire, a
été de savoir si cette Partie ne devait pas être considérée comme ayant ainsi accepté la
compétence de la Cour. Toutefois, puisque la Cour tient sa compétence pour établie
sans faire appel au consentement du Pakistan sur la base d’une telle acceptation, elle
examinera maintenant les objections du Pakistan.» ( C.I.J. Recueil 1972, p. 52,

par. 13.)

10. Trois séries de remarques me semblent s’imposer :

⎯ En premier lieu, Madame le président, «il est a ssurément souhaitable que les objections visant

la compétence de la Cour prennent la forme d’exceptions préliminaires sur lesquelles il est

statué à part avant toute procédure sur le fond». Et je relève que, contrairement à ce qui était le

cas du Pakistan dans l’affaire de la Compétence du Conseil de l’OACI, le défendeur a respecté

cette formalité ⎯du reste, s’il n’avait pas soulevé d’exceptions préliminaires, nous n’en

serions pas là: la Cour se serait prononcée sur le fond sans autre difficulté à une période

proche du dépôt de la requête. Mais, puisqu’elle a soulevé des exceptions, si la RFY avait

souhaité se prévaloir des doutes qui existaient alors sur son statut juridique, c’est à ce

moment-là qu’elle aurait dû le faire, pas treize ans plus tard.

⎯ Deuxièmement, il convient de constater que, si, de son côté, votre haute juridiction avait eu des

hésitations en ce qui concerne sa compétence et avait voulu examiner d’office les motifs qui

pouvaient y faire obstacle, c’est lorsque vous vous êtes prononcés sur ces exceptions qu’il vous

appartenait de le faire; la Cour ne l’a pas jugé nécessaire et cela est d’autant plus remarquable

qu’elle était consciente ⎯comme je l’ai dit un peu plus longuement le 28 février 130⎯ de ce

que la situation de la Yougoslavie au regard du Statut ne «laiss[ait] pas de susciter des

difficultés juridiques» ( Application de la convention pour la prévention et la répression du

crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c.Serbie-et-Monténégro), mesures conservatoires,

ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J.Recueil1993 , p. 14, par. 18). De plus et surtout, que la

Cour puisse examiner sa compétence d’office, comme elle le dit dans l’arrêt de1972 dont le

130CR 2006/3, notamment p. 11-12, par. 3 ou p. 20, par. 22. - 59 -

défendeur fait si grand cas, est une chose (principe qui, d’ailleurs, ne fait pas de doute), mais

qu’elle puisse réexaminer, remettre en question proprio motu ou à la demande d’une partie une

décision établissant sa compétence avec l’autori té de chose jugée en est une autre tout à fait

différente ⎯ et sur laquelle je vais revenir cet après-midi.

⎯ En troisième lieu et enfin, dans l’arrêt de 1972, c’est uniquement parce que sa compétence était

«établie sans faire appel au consentement du Pa kistan» que la Cour a accepté d’examiner les

objections tardives de celui-ci. Dans le cas c ontraire, elle aurait dû décider que, faute d’avoir

présenté «une objection à la compétence sous la forme d’une exception préliminaire», cette

Partie ⎯ le Pakistan, ici la Serbie-et-Monténégro ⎯ devait être considérée «comme ayant ainsi

accepté la compétence de la Cour».

11. C’est très exactement, Madame le président, ce que je voulais dire lorsque, durant

l’audience du 28février, j’avais indiqué «qu’en om ettant de soulever une telle exception, la

Yougoslavie a, à cet égard, accepté de facto la compétence de la Cour sur ce point et créé une sorte

de forum prorogatum, que la bonne foi la plus élémentaire lui interdit de contester à nouveau

aujourd’hui» 13. Et si je me suis permis de me citer, Madame le président, c’est parce que le

professeur Zimmermann ne m’a, visiblement, pas compris puisque pour répondre à cet argument, il

se réfère au paragraphe 40 de l’arrêt de 1996 sur les exceptions préliminaires dans lequel la Cour a

rejeté l’argument par lequel la Bosnie-Herzégovine avait fait valoir que, par son comportement, la

Yougoslavie aurait, «conformément à la doctrine du forum prorogatum (stricto sensu), consenti à

ce que la Cour dispose en l’espèce d’une compétence plus large que celle prévue à l’article IX de la

convention» ( Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de

génocide (Bosnie-Herzégovine cS.erbie-et-M onténégro), exceptions préliminaires, arrêt,

C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 620). Mais ce n’est évidemment pas de cela qu’il s’agit ici.

12. Quant à se demander, comme le fait également mon contradicteur, «how can a State that

has explicitly raised seven preliminary objections as to the Court’s jurisdiction be considered to

have, at the same time, implicitly accepted that jurisdiction becau se it did not raise an eighth

one?» 132, eh bien, la réponse à cette question se trouve également dans l’extrait que j’ai cité de

131CR 2006/3, p. 19, par. 19.
132
CR 2006/13, p. 43, par. 4.35; les italiques sont dans l’original. - 60 -

l’arrêt de1972 : si, faute d’avoir soulevé, dans le s délais requis par l’artic le79 du Règlement, des

exceptions préliminaires, un Etat peut être réputé avoir accepté la compétence de la Cour, pour une

affaire donnée, il paraît évident, à fortiori, qu ’il doit avoir renoncé à une huitième objection

lorsqu’il en a soulevé sept autres. C’est une simple question de bonne foi ⎯ sur laquelle, du reste,

mon éminent collègue et ami Thomas Franck va re venir cet après-midi. Et j’ajoute que, vu la

teneur des troisième et quatrième exceptions préliminaires de la Yougoslavie ⎯ qui étaient

relatives au jus standi justement de la Bosnie-Herzégovine ( Application de la convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c.Serbie-et-Monténégro),

exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p.604-605 et p. 611, par. 19) ⎯, il n’est

tout simplement pas pensable que l’omission d’une objection fondée sur l’absence de qualité pour

agir de la RFY pût résulter d’une inadvertance, que ce soit du défendeur ou de la Cour elle-même.
133
13. La position contraire à laquelle appelle la Serbie-et-Monténégro conduirait d’ailleurs à

une solution tout à fait déraisonnable: elle signi fierait qu’après avoir introduit une ou plusieurs

exceptions à titre préliminaire, un défendeur pourrait encore en soulever d’autres, au mépris de

l’efficacité de la justice, du bon ordre du procès et, en l’espèce, de l’autorité de la chose jugée

(puisque le rejet des exceptions soulevées par le défendeur a conduit à une décision définitive en ce

qui concerne la compétence de la Cour d’une manière générale, et pas seulement sur les

sept exceptions sur lesquelles elle s’est prononcée).

14. Analysant l’affaire du Sud-Ouest africain sous cet angle, Shabtai Rosenne, dans la

dernière édition de son maître livre sur The Law and Practice of the International Court , estime

qu’il n’est pas complètement exclu que la Cour examine des objections à sa compétence «after the

Court has upheld its jurisdiction in preliminary ob jection proceedings and after the proceedings on

the merits have been resumed». But Rosenne immediately specifies: «The condition for this is that

the new objection does not raise issues th at have been decided with the force of res judicata in the

134
judgment on the preliminary objections…» Et il est en effet intéressant de noter que, dans le

malheureux arrêt de1966, la Cour a pris gr and soin d’opérer une distinction entre le jus standi

ratione personae, question qui avait été réglée par la décision de 1962, et le jus standi ratione

133Cf. CR 2006/13, p. 40, par. 4.22 ou p. 41, par. 4.29 (Zimmermann).
134
Jurisdiction, vol. II, Nijhoff, Leiden/Boston, 2006, p. 865. - 61 -

materiae, lié à l’objet même du différend, et qui, dès lors, selo n la Cour, était une question de

fond 135:

«il se pose une question relevant du fond mais ayant un caractère prioritaire: elle
concerne la qualité des demandeurs en la phase actuelle de la procédure; en fait, il
s’agit non pas de la question de l’aptitude de s demandeurs à se présenter devant la

Cour, qui a été tranchée par l’arrêt de 1962, mais de la question de fond de leur droit
ou intérêt juridique au regard de l’objet de la demande telle qu’elle a été énoncée dans
leurs conclusions finales» (Sud-Ouest africain, arrêt,C.I.J. Recueil 1966, p. 18, par. 4;
les italiques sont de nous; voir aussi l’opin ion individuelle du juge Morelli, p.59,

par. 1).

15. Outre que le précédent de 1966 n’est, à maints égards, guère recommandable, la situation

est différente dans l’affaire qui nous occupe : la Cour ici a reconnu, sans restriction aucune, je cite

le passage le plus important du dispositif à cette fin, sa «compétence sur la base de l’article IX de la

convention pour la prévention et la répression du cr ime de génocide, pour statuer sur le différend»

(Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

(Bosnie-Herzégovine c.Serbie-et-Montén égro)exceptions préliminaires, arrêt , C.I.J. Recueil 1996

(II), p. 623, par. 47 2) a)) et la nouvelle objection avancée par le défendeur n’est nullement liée au

fond mais est, au contraire, excl usivement expressément relative au jus standi ratione personae

⎯ ceci ne constitue ni un problème de procédure, ni une question de fond, mais bien un problème

de compétence, une question à laquelle la Cour a répondu on ne peut plus nettement dans son arrêt

de 1996.

16. Madame le président, dans sa plaidoirie du 9mars, M.Djeri ć a pressé la Cour de se

prononcer maintenant sur la question de l’accès à la Cour ⎯ qu’il a, artificiellement distingué de sa

compétence, alors qu’elle n’en est en fait qu’un avatar: «Serbia and Montenegro respectfully
136
submits that the Court should now decide the issue of access in the present case» . A ce stade de

la procédure, la question ne peut plus être soulevée: elle aurait dû l’être lors de la discussion des

exceptions préliminaires. En ne le faisant pas, le défendeur s’est privé de la possibilité de la

«ressusciter» lors de l’examen au fond ⎯parce que la Cour a pris une décision définitive sur

l’ensemble des problèmes de compétence; parce qu’en s’en abstenant, la Serbie-et-Monténégro a,

sur ce point admis que le problème ne se posait pas; parce que la bonne foi s’oppose à ce qu’il le

135Voir ibid., p. 865 et 878-879.
136
CR 2006/13, p. 18, par. 2.28; les italiques sont de nous. - 62 -

soulève maintenant. Si les Parties en sont d’accord, il est toujours loisible à un Etat de plaider en

même temps les objections qu’il a à l’encontre de la compétence de la Cour et l’affaire au fond

(voir par exemple Mandat d’arrêt du 11avril2000 (République démocratique du Congo

c. Belgique), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 6, par. 5). Mais on ne peut jouer sur les deux tableaux :

soulever des exceptions préliminaires dans l’espoir de retarder le jugement de l’affaire au fond; et,

en même temps, réserver pour plus tard d’autres objections ayant, en réalité, le même caractère.

17. Certes, Madame le président, «la Cour doit toujours s’assurer de sa compétence». Mais,

en l’espèce, elle s’en est assurée lorsque, par son arrêt du 11juillet1996, elle a décidé qu’elle

pouvait «désormais procéder à l’examen du fond de l’affaire…» ( C.I.J. Recueil 1996 (II), p.622,

par. 46). Et elle l’a décidé alors que, contrairement à ses dires actuels,

B. Le défendeur pouvait prendre position sur son accès à la Cour en 1993 ou 1996

18. Introduisant les plaidoiries de la Serbie-et-Monténégro sur les «Problèmes de

procédure», le professeur Varady fait mine de s’excuser: «We are advancing our views on

jurisdiction even at this stage, because it was not possible to take a conclusive position on these

137
issues earlier…» Ceci est gentiment dit et adroitement tourné, mais c’est faux, Madame le

président: il était parfaitement possible, de pren dre, sur les questions que soulève maintenant le

défendeur, une position juridique ferme en 1993 ou à n’importe quel moment depuis le dépôt de la

requête. C’est d’ailleurs très exactement ce qu’a fa it la Cour a fait dans s on arrêt de1996, en se

prononçant en fonction de la situation prévalant alor s et qui dépendait très largement et à vrai dire

exclusivement du défendeur.

19. Comme il l’avait déjà fait lors de l’examen de la demande en revision de la Yougoslavie
138
en 2002 , M.Varady s’est très largem ent fondé sur les «perceptions» (perceptions) opposées qui

se sont fait jour après la dissolution de l’ex-Yougoslavie, «regarding membership in the United

139
Nations and treaty status, the critical issues regarding access and jurisdiction» . And Mr. Varady

to specify «the process of dissolution of th e former Yugoslavia created two narratives: one

137CR 2006/12, p. 47, par. 1.11.
138
Cf. CR 2006/40, p. 41-45, par. 4.1.-4.16 (Varady); CR 2006/42, p. 22-25, par. 2.22-2.36 (Varady); voir aussi
CR 2006/41, p. 33, par. 8 (Pellet); CR 2002/43, p. 11-14, par. 19-26 (Van den Biesen), et p. 15-17, par. 3-7 (Pellet).
139CR 2006/12, p. 46, par. 1.6; p. 47, par. 1.8 ou p. 59, par. 1.55; CR 2006/13, p. 30, par. 3.45; voir aussi p. 46,

par. 4.48 (Zimmermann). - 63 -

espoused and promoted by the former Government of the FRY, and another one espoused and

promoted by Bosnia and Herzegovina and other successor States» 14.

20. Mais l’existence même de ces deux perceptions, de ces deux narratives, montre bien

qu’il n’était nullement impossible de choisir entre l’ une ou l’autre et, en particulier, que, se ralliant

à l’opinion commune, la RFY pouvait parfaitement invoquer, au moment opportun, c’est-à-dire,

comme je viens de le rappeler, à celui où elle a introduit ses nombreuses exceptions préliminaires,

l’absence de jus standi dont elle dit maintenant n’avoir eu la «révélation» qu’après son admission

er
aux Nations Unies le 1 novembre 2000.

21. J’espère être clair, Madame le président : je ne discute pas ici la question de savoir quel

était, en fait et en droit, le statut juridique du défendeur par rapport aux Nations Unies et au Statut

de la Cour d’une part, à la convention sur le génocide d’autre part. Non, ceci sera fait par

MmeStern cet après-midi et demain. Ce qui, po ur l’instant, nous intéresse est seulement de

déterminer si, oui ou non, le défendeur pouvait fair e valoir, en 1993 ou en 1996, les objections à la

compétence de la Cour qu’il soulève aujourd’hui. La réponse à cette question, ne fait aucun doute :

c’est «oui». Il le pouvait parce que ceci reflétait la position de la quasi-totalité des Etats. Il le

devait parce que, comme le professeur Thomas Franck y insistera tout à l’heure, en ne le faisant

pas, il a manqué à la bonne foi et s’est mis en situation d’estoppel.

22. Certes, comme le professeur Varady l’explique, après le rétablissement de la démocratie

dans son pays, «we could not and did not continue the perception of the Miloševi ć Government in

our cases before this honoured Court…» 141. Mais, encore une fois, Madame le président, un

changement de «perception» n’est pas une justification juridique de la position (ou de l’absence de

position) prise auparavant par le défendeur quant à son jus standi devant la Cour : celle-ci ne tient

aucunement à ce qu’il n’était pas possible de prendre position, elle tient simplement à la décision

délibérée des dirigeants de l’époque de ne pas contester sur ce point la compétence de la Cour, un

point c’est tout. Or, un changement de gouvern ement, un changement de régime même, n’ouvrent

en aucune manière la voie à la sorte de «repenta nce juridique» que la Partie serbo-monténégrine

vient aujourd’hui plaider devant vous, Madame et Messieurs de la Cour, en vous demandant en fait

140CR 2006/12, p. 53, par. 1.32.
141
CR 2006/12, p. 59, par. 1.55. - 64 -

de partager avec elle cette repentance juri dique: votre prétoire n’est pas ouvert à des

gouvernements mais à des Etats; et le principe f ondamental de la continuité de l’Etat au-delà des

jugements politiques qui peuvent l’affecter s’oppose fermement à ce que vous fassiez droit à cette

demande tardive qui, au surplus, mais c’est un problème différent, reme t en cause le principe

fondamental de la res judicata, sur lequel je me propose de revenir cette après-midi, à la lumière
142
des réponses que nos contradicteurs ont apportées ou non à ma plaidoirie du 28 février dernier .

Je pense que c’est peut-être le bon moment de s’arrêter.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Pellet. The Court now rises and will resume at

3 o’clock this afternoon.

The Court rose at 1 p.m.

___________

142
CR 2006/3, p. 8-22.

Document Long Title

Audience publique tenue le vendredi 21 avril 2006, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président

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