Audience publique tenue le mercredi 29 novembre 2006, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président

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103-20061129-ORA-01-00-BI
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Number (Press Release, Order, etc)
2006/52
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CR 2006/52

Cour internationale International Court
de Justice of Justice

LAAYE THHEGUE

ANNÉE 2006

Audience publique

tenue le mercredi 29 novembre 2006, à 15 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de Mme Higgins, président,

en l’affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c.

République démocratique du Congo)

____________________

COMPTE RENDU
____________________

YEAR 2006

Public sitting

held on Wednesday 29 November 2006, at 3 p.m., at the Peace Palace,

President Higgins presiding,

in the case concerning Ahmadou Sadio Diallo (Republic of Guinea v.
Democratic Republic of the Congo)

________________

VERBATIM RECORD

________________ - 2 -

Présents : Mme Higgins,président
Al-K. vce-prh,ident

RaMjev.
Shi
Koroma
Buergenthal

Owada
Simma
Tomka
Abraham

Keith
Bennouna
Skotnikov
MaMhou.,

Mjugpsuya, ad hoc

Cgoefferr, - 3 -

Present: Presieitgins
Vice-Presi-Kntasawneh

RanjevJaudges
Shi
Koroma
Buergenthal

Owada
Simma
Tomka
Abraham

Keith
Bennouna
Skotnikov
Judges ad hoc Mahiou

Mampuya

CoRuvrisrar - 4 -

Le Gouvernement de la République de Guinée est représentée par :

M. Mohamed Camara, chargé d’affaires par intérim de la République de Guinée à Bruxelles,

comme agent ;

M. Alain Pellet, professeur à l’Université de Paris X-Nanterre; membre et ancien président de la
Commission du droit international des Nations Unies,

comme agent adjoint, conseil et avocat ;

M. Mathias Forteau, professeur à l’Université Lille 2,

M. Jean-Marc Thouvenin, professeur à l’Université de Paris X-Nanterre, avocat à la cour de Paris,

cabinet Sygna Partners,

M. Samuel Wordsworth, membre du barreau d’Angleterre, Essex Court Chambers, avocat à la cour

de Paris,

comme conseils et avocats ;

M. Daniel Müller, chercheur au Centre de droit in ternational de Nanterre (CEDIN), Université de
Paris X-Nanterre,

M. Luke Vidal, avocat à la cour de Paris, cabinet Sygna Partners,

comconseillers.

Le Gouvernement de la République démocratique du Congo est représenté par :

S. Exc. M. Pierre Ilunga M’Bundu wa Biloba, ministre de la justice et garde des sceaux de la
République démocratique du Congo,

comme chef de la délégation ;

S. Exc. M. Jacques Masangu-a-Mwanza, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la

République démocratique du Congo auprès du Royaume des Pays-Bas,

comme agent ;

e
M Tshibangu Kalala, député national au Parlement congolais, avocat aux barreaux de Kinshasa et
de Bruxelles, cabinet Tshibangu et associés,

comme coagent, conseil et avocat ;

M. André Mazyambo Makengo Kisala, professeur de droit international à l’Université de Kinshasa,

comme conseil et avocat ;

M. Yenyi Olungu, premier avocat général de la Ré publique, directeur de cabinet du ministre de la
justice et garde des sceaux,

M. Victor Musompo Kasongo, secrétaire particulier du ministre de la justice et garde des sceaux, - 5 -

The Government of the Republic of Guinea is represented by:

Mr. Mohamed Camara, Chargé d’affaires a.i. at the Embassy of the Republic of Guinea, Brussels,

as Agent;

Mr.Alain Pellet, Professor at the University of ParisX-Nanterre, Member and former Chairman of
the International Law Commission of the United Nations,

as Deputy Agent, Counsel and Advocate;

Mr. Mathias Forteau, Professor atthe University of Lille 2,

Mr.Jean-Marc Thouvenin, Pr ofessor at the University of ParisX-Nanterre, Avocat à la cour de

Paris, Sygna Partners,

Mr.Samuel Wordsworth, Member of the English Bar, Essex Court Chambers, Avocat à la cour de
Paris,

as Counsel and Advocates;

Mr. Daniel Müller, Researcher at the Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), University

of Paris X-Nanterre,

Mr. Luke Vidal, Avocat à la cour de Paris, Sygna Partners,

Adavisers.

The Government of the Democratic Republic of the Congo is represented by:

H.E. Mr. PierreIlungaM’BunduwaBiloba, Minister of Justice and Keeper of the Seals,

Democratic Republic of the Congo,

as Head of Delegation;

H.E. Mr. Jacques Masangu-a-Mwanza, Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary of the
Democratic Republic of the Congo to the Kingdom of the Netherlands,

as Agent;

MaîtreTshibanguKalala, Deputy, Congolese Parlia ment, member of the Kinshasa and Brussels
Bars, Tshibangu et Associés,

as Co-Agent, Counsel and Advocate;

Mr. André Mazyambo Makengo Kisala, Professor of International Law, University of Kinshasa,

as Counsel and Advocate;

Mr. Yenyi Olungu, Principal Advocate-General of the Republic, Principal Private Secretary to the

Minister of Justice and Keeper of the Seals,

Mr. Victor Musompo Kasongo, Private Secretary to the Minister of Justice and Keeper of the Seals, - 6 -

M.Nsingi-zi-Mayemba, ministre conseiller à l’ambassade de la République démocratique du

Congo aux Pays-Bas,

M. Bamana Kalonji Jerry, deuxième conseiller à l’ambassade de la République démocratique du
Congo aux Pays-Bas,

M Kikangala Ngoie, avocat au barreau de Bruxelles,

comme conseillers ;

M Kadima Mukadi, avocat au barreau de Kinshasa, cabinet Tshibangu et associés,

M. Lufulwabo Tshimpangila, avocat au barreau de Bruxelles,

M. Tshibwabwa Mbuyi, avocat au barreau de Bruxelles,

comme assistants de recherche ;

Mme Ngoya Tshibangu, collaboratrice au cabinet Kikangala et associés, barreau de Bruxelles,

comassistante. - 7 -

Mr. Nsingi-zi-Mayemba, Minister-Counsellor, Embassy of the Democratic Republic of the Congo
in the Netherlands,

Mr. Bamana Kalonji Jerry, Second Counsellor, Em bassy of the Democratic Republic of the Congo
in the Netherlands,

Maître Kikangala Ngoie, member of the Brussels Bar,

as Advisers;

Maître Kadima Mukadi, member of the Kinshasa Bar, Tshibangu et Associés,

Mr. Lufulwabo Tshimpangila, member of the Brussels Bar,

Mr. Tshibwabwa Mbuyi, member of the Brussels Bar,

as Research Assistants;

Ms Ngoya Tshibangu, Associate, Kikangala et Associés, Brussels Bar,

as Assistant. - 8 -

The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. The Court meets today to hear the

second round of oral argument of the Democratic Repub lic of the Congo. It may be of interest if I

state now that the Court does not envisage taking a coffee pause. On va continuer.

And I now give the floor to Maître Tshibangu Kalala.

M. KALALA : Madame le président, Messieurs les juges, je vais commencer par répondre à

la question posée hier par le juge Bennouna.

1. Madame le president, Messieurs les juges, au cours de l’audience d’hier

28novembre2006, le juge Bennouna a posé aux deux Parties la question tendant à obtenir «une

clarification sur le point de savoir si la législ ation de la République dé mocratique du Congo ou la

jurisprudence des tribunaux de ce pays autorisen t la création d’une société privée à responsabilité

limitée avec une seule personne».

2. La réponse de la République démocrati que du Congo à cette question se présente comme

suit.

3. Selon l’article446, point1 du décret du 30juillet1888 sur les conventions et les

obligations contractuelles, la société est défi nie comme un «contrat par lequel deux ou plusieurs

personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui

pourra en résulter».

4. Au regard de cette disposition légale en vigueur, Madame le président, il est exclu en droit

congolais la création d’une société unipersonnelle. En d’autres termes, c’est la conception

contractuelle et non institutionnelle de société qui prévaut en droit congolais. C’est dire que la

législation congolaise n’autorise nullement la créa tion d’une société privée à responsabilité limitée

avec un associé (actionnaire) unique et par une seu le personne, dans la mesure où la disposition

légale citée ci-dessus fait claire ment référence à deux ou plusieurs personnes, et non à une seule

personne, pour la création d’une société commerciale.

5. Pour être complet, la RDC cite égalemen t l’article36 du décret du 23juin1960 sur les

sociétés commerciales complétant celui du 27fé vrier1887 qui dispose que: «La société privée à

responsabilité limitée est celle que forment des personn es, n’engageant que leur apport, qui ne fait

pas publiquement appel à l’épargne et dont les pa rts obligatoirement uniformes et nominatives ne - 9 -

sont pas librement transmissibles.» La RDC re mercie chaleureusement la République de Guinée

o
pour avoir produit cette disposition légale dans son dossier de juges d’hier sous la cote n 4.

6. Comme on peut facilement le constater, l’artic le 36 du décret du 23 juin 1960 définit une

société privée à responsabilité limitée comme une so ciété formée par des personnes, au pluriel, et

non par une seule personne, au singulier. Ceci est conforme à la conception contractuelle de

société que j’ai indiquée il y a un instant.

7. Madame le président, Messieurs les juges, la conception contractuelle est confirmée par

M.Diallo lui-même au regard des statuts de la société Africontainers annexés au mémoire de la

République de Guinée à l’annexe 1 (voir MRG, livre II, annexe 1). Et, au regard de ces statuts, à la

création de cette société le 18 septembre 1979, il y avait trois associés : deux personnes physiques

(M.KibetiZala et MmeColetteDelwast) et une pe rsonne morale (société A fricom-Zaïre). Par la

suite, et jusqu’à ce jour, la société Africontainers a deux associés : Africom-Zaïre (personne morale

⎯qui détient 60% du capital social) et M.Diallo (personne physique ⎯ qui détient 40 % du

capital social) (voir MRG, annexe 3).

8. En conclusion, Madame le president, Messi eurs les juges, la législation congolaise en

vigueur n’autorise pas la création d’une soci été privée à responsabilité limitée par une seule

personne. Telle est la réponse de la République démocratique du Congo à la question posée par le

juge Bennouna.

9. Je vous remercie Madame le président et vous prie d’accorder la parole au

professeur Mazyambo. Je vous remercie.

The PRESIDENT: Thank you, Maître Tshibangu Kalala. I now give the floor to

Professor Mazyambo.

M. KISALA :

LA R ÉPUBLIQUE DE G UINÉE N ’A PAS QUALITÉ POUR AGIR

1. Madame le président, Messieurs les juges, après avoir suivi les plaidoiries de nos

contradicteurs, la journée d’hier, je relève qu’en dépit de quelques convergences, il existe encore

des points de divergences entre l’Etat demandeur et la République démocratique du Congo. - 10 -

2. La Guinée affirme que le droit international lui offre la possibilité de protéger les droits de

M.Diallo à la fois comme individu et comme actionnaire pour la violation de ses droits et par

substitution au titre du préjudice subi par les sociétés congolaises 1. Par contre, la République

démocratique du Congo relève que, pour l’essentiel, les arguments avancés par la Guinée n’ont pas

ébranlé les deux exceptions qu’elle a soulevées. Pour ce qui nous concerne, je voudrais rencontrer

ici les moyens de la Guinée sur deux points essentiels : primo la non-violation des droits reconnus à

M.Diallo en tant qu’associé ; segundo, l’inexistence d’une exception permettant la protection par

substitution.

I. Les droits de Diallo en tant qu’actionnaire ou associé n’ont pas été violés

3. Madame le président, Messieurs les juges, je voudrais en premier lieu démontrer que la

Guinée n’a pas convaincu dans sa tentative de prouver que sa requêt e s’inscrit dans l’hypothèse de

la violation des droits de l’actionnaire en tant que tel, prévue au paragraphe 44 de l’arrêt Barcelona

Traction.

4. La République démocratique du Congo accep te que le droit international donne la

possibilité à l’Etat d’exercer sa protection diplom atique en faveur d’un actionnaire ayant sa

nationalité lorsqu’un acte internationa lement illicite d’un Etat est diri gé contre les droits de cet

actionnaire en tant que tel. Elle précise tout simplement qu’au regard de la jurisprudence pertinente

de la Cour, il s’agit là d’une hypothèse très r estrictive puisque les droits visés sont uniquement

ceux qui sont reconnus à l’actionnaire dans ses relations avec la société.

5. La RDC accepte aussi que la liste des droits donnée par l’arrêt de1970 n’est

qu’exemplative et que le s droits concernés doivent être recher chés dans la législation interne des

Etats concernés.

6. Elle relève cependant que M. Diallo n’ a été privé d’aucun des droits que la Guinée

répertorie comme droits propres de «l’actionnaire» ou de l’associé en tant que tel.

7. Dans sa plaidoirie d’hier avant midi, M e Samuel Wordsworth a indiqué que les droits

propres de M. Diallo en tant qu’associé des so ciétés privées à responsabilité limitée Africom-Zaïre

et Africontainers-Zaïre étaient énumérés aux articles51, 65, 67, 68, 71, 75, 78 et79 du décret du

1
CR 2006/51, p. 50, par. 28. - 11 -

27février1887 sur les sociétés commerciales 2. Bien lues, ces dispositions permettent de libeller

les droits suivants :

⎯ le droit aux dividendes et aux produits de la liquidation (art. 51) ;

⎯ le droit d’être nommé gérant (art. 65) ;

⎯ le droit de l’associé gérant à ne pas être révoqué sans motif (art. 67) ;

⎯ le droit du gérant à représenter la société (art. 68) ;

⎯ le droit de surveillance (art. 71 et 75) ;

⎯ le droit de participer aux assemblées générales (art. 79).

⎯ Je note que l’article 78, bien que cité par la Guinée, ne proclame aucun droit.

8. Il y a lieu de relever ici que, si d’une ma nière théorique, tous ces droits sont reconnus à

M. Diallo par la loi congolaise, ce dernier ne pouva it pas exercer l’un de ses droits à savoir le droit

de surveillance sur les deux sociétés. En effet, les articles qui se rapportent à ce droit disposent :

«Article 71

La surveillance de la gérance est confiée à un ou plusieurs mandataires, associés
ou non associés, appelés commissaires.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Article 75

Le mandat des commissaires consiste à surveiller et à contrôler, sans aucune
restriction, tous les actes accomplis par la gérance, toutes les opérations de la société
et le registre des associés.»

Il ressort de ce texte que la surveillance qui est prévue dans la loi c’est la surveillance de la

gérance. Donc cette surveillance ne peut pas être confiée à une personne qui est déjà gérante.

9. Madame le président, Messieurs les juges, ce que je viens de dire au sujet du droit de

surveillance est d’une importance capitale parce que j’évacue, ce faisant, un point important de

l’argumentation de la Guinée qui veut que la Cour retienne qu’en arrêtant et en expulsant M. Diallo

du territoire congolais, les autorités congolaises ont privé ce dernier de la possibilité d’exercer son

3
droit de surveiller les sociétés Africom et Africontainers . M. Diallo en tant que gérant ne pouvait

plus être commissaire aux comptes au sens des articles 71 et 75 susmentionnés. Ainsi donc aucun

2
CR 2006/51, p. 29-34, par. 14-19.
3CR 2006/51, p. 32-33. - 12 -

acte commis par les autorités congolaises ne pouvait le priver d’un droit qu’il n’exerçait pas et qu’il

ne pouvait pas exercer dans les conditions qui étaient les siennes dans ces deux sociétés.

10. Le seul droit patrimonial cité par les artic les de la loi congolaise, celui de toucher les

dividendes et le boni de liquidation, n’exige p as, pour sa jouissance, que son titulaire vive au

Congo. Un associé peut percevoir ses dividendes ou sa part de boni de liquidation où qu’il se

trouve sur cette planète. Par ailleurs, les droits fonctionnels, à savoir le droit d’être nommé gérant,

le droit de l’associé gérant à ne pas être révoqué sans motif, le droit du gérant à représenter la

société, le droit de participer aux assemblées, ne sont pas de nature à être touchés dans leur essence

par l’éloignement du bénéficiaire du siège social de la société. Il s’agit tous des droits qui peuvent

être exercés même à distance par délégation des p ouvoirs. Comme je l’ai dit dans la plaidoirie

d’avant-hier, les moyens de communication modernes ainsi que tout simplement la possibilité de

déléguer des tâches d’exécution à des administra teurs locaux, y compris par la nomination d’un

nouveau gérant, constituent indéniablement des facilités pour diriger une société en RDC ou

ailleurs. L’indigence de M. Diallo alléguée par la Guinée pour expliquer l’impossibilité d’une telle

démarche n’a pas été prouvée ; elle ne peut donc être retenue. Par contre, il est plausible d’affirmer

ici que M. Diallo a fait fortune au Congo. N’a-t-il pas prétendu avoir payé un surplus de loyer de

13 millions de dollars à la société PLZ ?

11. Il est donc clair, Madame le président, Messieurs les juges, que l’arrestation et

l’expulsion de M.Diallo n’ont pas porté atteinte à ses droits propres tels qu’à lui reconnus par la

législation congolaise. Les actes qui violent les droits propres des actionnaires sont des actes

d’ingérence dans les relations entre la société et ses actionnaires. Des exemples typiques vous ont

été donnés dans l’affaire de la Salvador Commercial Co. Et dans cette affaire les actes qui étaient

visés étaient les suivants : le remplacement arbitraire d’administrateurs de la société, la convocation

de réunions d’organes dirigeants de la société san s en avertir les actionnaires majoritaires, le refus

de laisser consulter certains documents de la société à des actionnaires, etc. 4.

4
RSA, vol. XV, p. 474-475. - 13 -

II. La protection de M. Diallo par la Guinée en sa qualité d’actionnaire de sociétés
congolaises pour le préjudice subi par ces sociétés n’est pas possible

dans l’état actuel du droit international

12. Madame le président, Messieurs les juges, la Guinée allègue que le droit international lui

donne, lui permet la protection de M.Diallo en tant qu’associé des sociétés congolaises pour le

préjudice subi par ces sociétés ; qu’il y a bel et bi en une exception à la règle de non-protection des

actionnaires qui permet à un Etat d’exercer sa prot ection diplomatique en faveur de l’actionnaire

d’une société ayant la nationalité de l’Etat défende ur ; que cette exception, énoncée dans l’arrêt de

la Barcelona Traction , a aujourd’hui valeur de norme c outumière. La Guinée ajoute à son

argumentation que les circonstances particulières de la présente espèce plaident en faveur de

l’application de l’équité.

13. La RDC démontrera, d’une part, que le droit international positif ne consacre pas

d’exception permettant à un Etat d’exercer sa prot ection diplomatique, l’actionnaire d’une société

ayant la nationalité de l’Etat défendeur, et, de l’autre, qu’aucune circons tance particulière ne

permet l’application de l’équité dans la présente espèce.

1. Le droit international ne consacre pas d’ exception permettant à un Etat d’exercer sa
protection diplomatique, l’actionnaire d’une société ayant la nationalité de l’Etat

défendeur

14. Madame le président, contrairement à ce que dit la Guinée, ni la jurisprudence de la

Cour, ni la pratique des Etats ne consacre l’hypothèse de la protection diplomatique par

substitution.

15. Dans l’affaire de la Barcelona Traction , la Cour n’a pas cons taté l’existence d’une

pareille hypothèse en droit international positif. Cela ressort nettement des termes de l’arrêt et des

opinions individuelles de certains juges.

16. La Cour dit ceci au paragraphe 93 de l’arrêt de 1970 :

«En revanche, la Cour estime que, dans le domaine de la protection
diplomatique comme dans tous les autres do maines, le droit international exige une
application raisonnable. Il a été suggéré que , si l’on ne peut appliquer dans un cas

d’espèce la règle générale selon laquelle le droit de protection diplomatique d’une
société revient à son Etat national, il pou rrait être indiqué, pour des raisons d’équité,
que la protection des actionnaires en cause soit assurée par leur propre Etat national.
L’hypothèse envisagée ne correspond pas aux ci rconstances de la présente affaire.»

(C.I.J. Recueil 1970, p. 48 ; les italiques sont de nous.) - 14 -

Les termes de ce paragraphe montrent bien que la Cour n’a pas identifié l’exception à lui suggérée

comme une norme consacrée en droit positif. Dans sa plaidoirie d’hier, le professeur Alain Pellet a

reconnu ce fait en disant que la Cour n’a pas pris nettement parti pour l’hypothèse de la protection

par substitution en droit positif .

17. Par ailleurs, si certains juges, comme le jugeFitzmaurice, se sont montrés favorables à

l’hypothèse de la protection diplomatique par substitution, d’autres y étaient farouchement

opposés. C’est le cas des juges PadillaNervo et Morelli. Dans son opinion individuelle, le

juge Padilla Nervo écrit :

«Je ne partage pas le point de vue selon lequel l’Etat national des actionnaires
peut exercer la protection diplomatique quand l’acte incriminé a été commis par l’Etat
national de la société, car cela revient à admettre que tout Etat, sous prétexte de

protéger les intérêts des actionnaires d’ une société étrangère, peut refuser de
reconnaître la personnalité juridique de soci étés constituées conformément aux lois de
l’Etat national de ces sociétés.

J’ai des réserves à formuler sur le paragraphe 92 de l’arrêt. Pour les raisons que
je viens d’énoncer, je suis d’avis que la prétendue thèse visée par ce paragraphe est
dépourvue de toute validité. Le fait que ce paragraphe de l’arrê t se termine par la
phrase suivante : «Quelle que soit la validité de cette thèse, elle ne saurait aucunement

être appliquée à la présente affaire, puisque l’Espagne n’est pas l’Etat national de la
Barcelona Traction», ne doit pas être interp rété comme impliquant que cette «thèse»
pourrait être applicable dans d’autres cas où l’Etat dont la responsabilité est alléguée

est l’Etat national de la société.» (C.I.J. Recueil 1970, p.257-258 ; les italiques sont
dans l’original.)

Le juge Morelli abonde dans le même sens lorsqu’il écrit :

«Il faut reconnaître, au contraire, qu ’il y a réellement impossibilité de la
protection diplomatique à l’égard de la soci été lorsqu’il n’existe aucun Etat étranger
qui pourrait l’exercer. C’est précisément le cas d’une société ayant la nationalité du

même Etat dont l’obligation internationale est en cause.

Toutefois, dire qu’en ce cas les Etats nationaux des actionnaires sont autorisés à
protéger les intérêts de ceux-ci, parce que ces intérêts ne peuvent bénéficier

indirectement d’une protection quelconque accordée à la société, signifie bouleverser
complètement le système des règles internationales sur le traitement des étrangers. Il
s’agirait en outre d’une déduction tout à fait illogique et arbitraire.» ( Ibid.,
p. 240-241.)

18. Madame le président, Messieurs les juges, la protection diplomatique par substitution des

sociétés ayant la nationalité de l’Etat défendeur n’a pas non plus un caractère coutumier.

5
CR 2006/51, p. 38, par. 5. - 15 -

19. C’est en vain que la Guinée, dans ses écr itures et ses plaidoiries, tente de faire accréditer

la thèse du caractère coutumier de cette protecti on en invoquant successivement: des sentences

arbitrales; les décisions de la Commission europ éenne des droits de l’homme; le prescrit de

l’article25 de la convention de Washington; la jurisprudence du CIRDI; des traités bilatéraux

pour la promotion et la protection des investissements.

20. Devant la persistance de la Guinée, la RDC est obligée de répéter ce qu’elle a dit dans

ses écritures, à savoir que dans chacun d es arbitrages anciens invoqués (affaires Ruden, Chemin de

fer de la baie de Delagoa , Salvador Commercial Company, Shufeldt, Atso), l’arbitre s’est basé sur

un compromis qui, d’une part, lui permettait de juger sans se limiter à l’application du droit

international positif et, d’autre part, et ceci est très important, contenait clairement une renonciation

6
de l’Etat défendeur à invoquer une exception l’empêchant de se prononcer sur le fond . Tel n’est

pas le cas. Il est donc clair que ces sentences n’ édictent pas un régime général de la protection

diplomatique. La même chose doit être dite au sujet des affaires Biloune et ELSI, tout aussi citées

par la Guinée. L’argumentation de la RDC est amplement développée dans ses écritures 7. Je n’y

reviens donc pas.

21. Madame le président, Messieurs les juges, les références à l’article25 de la convention

de la Banque mondiale, signée à Washington en 196 5 (convention CIRDI), aux traités bilatéraux et

multilatéraux pour la promotion et la protection des investissements et à la jurisprudence du CIRDI

manquent de pertinence dans la présente espèc e. En effet, comme l’a reconnu le professeur

AlainPellet lui-même «ces dis positions conventionnelles et cette jurisprudence … ne constituent

pas l’application directe des principes et règl es régissant la protection diplomatique, et les

tribunaux CIRDI ne manquent pas de le rappeler» 8. Peut-on dès lors affirmer que le seul nombre

élevé d’accords bilatéraux pour la promotion et la protection des investissements, accords qui par

ailleurs ne régulent pas la question de la protec tion diplomatique, suffit pour modifier le régime

général de la protection diplomati que ? La réponse de la RDC est non. Le fait que les tribunaux

CIRDI rappellent fréquemment comme l’a si bien indiqué l’éminent professeur hier, que les

6EP, par. 2.44.
7
EP, p. 70-73.
8CR 2006/51, p. 42, par. 11. - 16 -

normes conventionnelles et la jurisprudence rela tive à la promotion et à la protection de

l’investissement ne constituent pas l’application directe des règles et principes régissant la

protection diplomatique renforce la position de la RDC.

2. Aucune circonstance particulière ne permet l’application de l’équité dans la présente
espèce

22. Madame le président, Messieurs les jug es, la Guinée persiste dans son argument selon

lequel elle peut protéger M. Diallo pour d es motifs d’équité en raison des circonstances

particulières de l’espèce. Elle précise que l’é quité qui devra être appliquée est une équité infra

legem, celle qui, loin de contredire les règles juridiques, les sous-tend et les justifie. Cette solution

de la preuve serait commandée par les circonstances particulières liées au cas d’espèce, à savoir

que : le fait que les sociétés congolaises en cause ser aient soumises à un régime discrétionnaire, de

sorte qu’elles méritent le qualificatif de «sociét és nationales étrangères» ; que ce sont des sociétés

privées et non des sociétés par action dans lesquelles l’ intuitu personae est très marqué et dont les

associés sont parfois tenus personnellement responsables des dettes de la société 9; que M.Diallo

étant le seul associé ⎯ au dire de la Guinée ⎯ et le seul gérant des deux sociétés concernées, il y a

une confusion entre ses intérêts et les intérêts des sociétés.

23. La République démocratique du Congo s ouligne que sa législation n’institue pas une

distinction entre les sociétés commerciales de même nature constituées en vertu de sa législation. Il

n’existe aucune disposition dans ce sens. Même si une société a des associés ou des actionnaires

étrangers, à partir du moment où elle est réguliè rement constituée, elle est société congolaise au

même titre que celle constituée par des congolais uniquement. Le qualificatif de «sociétés

nationales étrangères» qui est collé à Africom ou à Africontainers, pour justifier la demande de

l’application de l’équité est tout simplement un non-sens.

e
24. Par ailleurs, comme vient de le dire M Tshibangu Kalala dans sa réponse au

JugeBennouna, en droit congolais, les sociétés privées à responsabilité limitée constituent des

individualités distinctes de leurs associés. Leur s patrimoines sont distincts de ceux de leurs

associés.

9
Ibid., p. 10-11. - 17 -

25. Les associés des sociétés privées à responsabilité limitée n’ engagent leur responsabilité

que jusqu’à concurrence de leurs apports. Auc une disposition de la loi congolaise ne dit le

contraire. Je crois qu’il y a une mauvaise lecture de la part de la Guinée qui a soutenu le contraire.

26. C’est dire qu’il n’ya aucun confusion entr e les personnes et les patrimoines de M. Diallo

et des sociétés dont il est le gérant qui justifierait une application de l’équité dans l’espèce en

présence.

27. Enfin, en l’absence d’une autorisation des Parties, la Cour ne peut appliquer aucune

équité qui conduise au contournement de la règle de la protection exclusive par l’Etat de nationalité

de la société.

28. Madame le président, Messieurs les juges, je suis ainsi arrivé à la fin de ma plaidoirie.

Mais avant de quitter ce lieu, je tiens à vous di re que c’est pour moi une grande joie, un grand

honneur que d’avoir plaidé devant cette auguste Cour. Je vous re mercie pour votre bienveillante

attention.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Mazyambo. Whom shall we call now?

M. KALALA : Qu’il vous plaise Madame le président, d’appeler M eTshibangu Kalala.

The PRESIDENT: Maître Tshibangu Kalala, you have the floor.

M. KALALA :

L’EXPULSION DE M. D IALLO DU TERRITOIRE CONGOLAIS ET LE NON -ÉPUISEMENT
DES VOIES DE RECOURS INTERNES

1. Madame le president, Messieurs les juges, dans le cadre de ma plaidoirie, je vais me

limiter à relever les points de fait et de droit quicontinuent encore à diviser les deux Etats, et à

réfuter la thèse défendue par la Guinée pour chaque point. Les représentants de la Guinée qui ont

plaidé hier devant la Cour, ont insisté à plusieur s reprises sur le fait que l’expulsion de M.Diallo

était irrégulière et avait pour but de l’empêcher d’ agir pour recouvrer les cr éances de ses sociétés.

Le professeur Thouvenin a même déclaré, que la RDC n’ayant pas de système adéquat de

protection judiciaire, il ne pouvait être demandé à M. Diallo d’épuiser les voies de recours internes - 18 -

manifestement futiles. Et, Madame le président, toutes ces déclarations appellent une réplique

appropriée.

2. Je vais donc montrer à la Cour que : prem ièrement, l’expulsion de M. Diallo du territoire

congolais était régulière; deuxièmement, l’expu lsion de M.Diallo ne pouvait empêcher les

sociétés Africontainers et Africom de recouvrer leurs créances par la voie judiciaire;

troisièmement, la prétendue pauvreté de M. Diallo ne pouvait empêcher les sociétés Africontainers

et Africom d’exercer des voies de recours internes pour recouvrer leurs créances ; et enfin, la RDC

a un système adéquat de protection judiciaire. Je commence donc par montrer la régularité de la

procédure d’expulsion de M. Diallo

I. L’expulsion de M. Diallo du territoire congolais était régulière

3. Au cours de sa plaidoirie d’hier, le professeur Forteau a déclaré que les conditions de

motivation, de procédure et de consultation pré vues par la loi congolaise relative à la police des

étrangers n’ont pas été respectée s par les auteurs du décret d’expulsion et que c’est dans une

précipitation évidente que les autorités congolai ses ont agi, sans s’emba rrasser du respect des

10
procédures et formes applicables .

4. Madame le président, la RDC a déjà expliqué devant la Cour que M. Diallo a été expulsé

du territoire congolais en application de la loi congolaise du 12 septembre 1983 relative à la police

des étrangers. Les autorités congolai ses n’ont pas agi dans la précipitation. Il faut noter que le

décret d’expulsion a été pris le 31octobre1995 tandi s que la conduite à la frontière de M.Diallo

n’est intervenue que le 31 janvier 1996, soit trois mois plus tard. On ne peut donc pas dire qu’il y a

eu précipitation dans le chef des autorités congolaises.

5. Il est vrai que le procès-verbal sign é par le fonctionnaire du service d’immigration

renseigne malencontreusement «refoulement» au lieu d’«expulsion». Mais en dépit de cette erreur,

il est incontestable, au regard du décret du 31 oct obre 1995, qu’il s’agit bien d’expulsion et non de

refoulement.

6. Sur le fond, M.Diallo a été expulsé pour des motifs bien exposés dans le décret

d’expulsion pris à son encontre par le premier mi nistre congolais: la présence et la conduite de

10
Voir CR 2006/51, par. 28-29. - 19 -

M.Diallo mettaient en danger l’ordre public zaïrois, spécialement en matière économique,

financière et monétaire. Les autorités congolaises ne pouvaient donc pas indiquer en détail dans un

texte légal tous les faits précis qui étaient reproch és à M. Diallo. La RDC a expliqué à la Cour que

la mesure d’expulsion prise contre M. Diallo ne constituait pas une vengeance ou une persécution

contre l’intéressé car plusieurs ressortissants étra ngers avaient été frappés au cours de la même

période par des mesures similaires. La Guinée n’a pas répondu à cet argument de la RDC.

7. Madame le president, Messieurs les juges, le professeur Forteau a affirmé dans sa

plaidoirie d’hier qu’il est sceptique sur le fait qu’une lettre (adressée par M.Diallo à des

11
personnalités étrangères) ait pu, à elle seule, créer le moindre trouble à l’ordre public . A ce sujet,

je rappelle au professeur Forteau ce qui s’est passé récemment dans un pays qu’il connaît bien, la

France. Un religieux musulman algérien avait tenu des propos désignant les endroits du corps

d’une épouse sur lesquels son mari devrait porter d es coups pour la punir. Les autorités françaises

ont considéré que ces propos constituaient une atteinte grave à l’ordre public français et ont expulsé

l’intéressé vers l’Algérie. On peut donc fac ilement comprendre qu’en Algérie ou dans d’autres

pays musulmans, des gens puissent être sceptiques, pour utiliser le terme du professeur Forteau, sur

le fait que de tels propos puissent porter atteinte à l’ordre public français.

8. C’est dire que chaque pays a sa propre conception de l’ordre public et des valeurs qui

incarnent celui-ci. Pour la RDC, un jeune Etat africain qui a besoin d’attirer les investissements

privés étrangers pour la mise en valeur de ses nombreuses richesses na turelles, la publicité

internationale que M.Diallo d onnait à ses réclamations financières extravagantes et exorbitantes

déstabilisait les opérateurs économiques visés et nuisait ainsi à l’ordre public congolais.

9. Parlant sur le mode de l’ironie, le professeur Forteau ajoute qu’il ne voit pas comment une

lettre du 30 novembre 1995 aurait pu motiver le décret d’expulsion édicté le 31 octobre 1995, soit

un mois avant ladite lettre. Il pose ainsi une question de chronologie.

10. Madame le président, je tiens à faire rema rquer à la Cour, contra irement aux allégations

du professeur Forteau, que le décret d’expulsion porte la date du 31 octobre 1995, mais n’a été mis

en Œuvre que le 31janvier1996, soit trois mois pl us tard. Mais entre les deux dates, sans savoir

11
Voir CR 2006/51, p. 17, point 6. - 20 -

qu’un décret d’expulsion était déjà pris à son enc ontre pour des motifs sérieux, M. Diallo a encore

aggravé sa situation en diffusant la lettre en cause. C’est dire que la chr onologie est respectée car

la mise en Œuvre du décret d’expulsion est intervenue deux mois après la lettre de M. Diallo qui ne

constitue pas, à elle seule, la justification de l’ex pulsion, même s’il s’agit d’un acte attentatoire à

l’ordre public congolais. Il faut dire que les services spéciaux de la RDC suivaient M.Diallo

depuis plusieurs mois et recevaient des rapports ré guliers sur son comportement général et sur ses

contacts. Tout ceci a abouti à son expulsion le 31 janvier 1996.

11. La Guinée insiste sur la carence probatoire de la RDC concernant le fait que M.Diallo

12
aurait été un délinquant financier et un corrupteur .

12. Pour prendre un seul exemple, parmi tant d’autres, M. Diallo a obtenu et versé au dossier

déposé à la Cour, une copie des conclusions du mini stère public près la Cour suprême de justice de

la RDC qui sont favorables à la thèse défendue par les sociétés Africom et Africontainers dans les

13
affaires contre PLZ et Zaïre Fina . Madame le président, le public ne peut accéder à ces

documents tant que la Cour suprême de justice n’a pas encore rendu ses arrêts sur les pourvois en

cassation dont elle est saisie 14. Comment M.Diallo a-t-il pu obtenir ces documents secrets si ce

n’est au moyen de la corruption d’un fonctionnaire indélicat ?

13. En conclusion, Madame le president, Messi eurs les juges, l’expulsion de M.Diallo du

territoire congolais a été décidée et opérée conformé ment à la législation en vigueur. Aussi, si

M. Diallo avait introduit un recours auprès des autorités congolaises pour obtenir l’autorisation de

revenir en RDC, ce recours ne serait pas dépourvu de toute chance de succès, comme en témoigne

le succès obtenu par les ressortissants étrangers qui ont introduit un recours similaire.

14. Madame le president, Messieurs les juges, j’en arrive maintenant au second point de ma

plaidoirie pour montrer à la Cour que l’expulsion de M.Diallo ne pouvait pas empêcher les deux

sociétés Africom et Africontainers d’exercer les voies de recours internes disponibles dans l’ordre

juridique interne congolais en vue de recouvrer leurs créances auprès des tiers.

12
Voir CR 2006/51, p. 14, par. 9-10.
13
Voir MRG, annexes 146 et 149.
14Voir MRG, annexes 146 et 149. - 21 -

II. L’expulsion de M. Diallo ne pouvait pas empêcher les sociétés Africom et Africontainers
d’épuiser les voies de recours internes prévues dans l’ordre juridique congolais

15. Madame le president, Messieurs les jug es, nous touchons main tenant le cŒur du

différend porté par la Guinée devant la Cour. Au cours de leurs plaidoiries d’hier, les représentants

de la Guinée ont presque tous répété ensemble le refrain d’une chanson : l’expulsion de M. Diallo

du territoire congolais a empêché les sociétés Afri com et Africontainers d’épuiser les voies de

recours internes. On a entendu le refrain de cette chanson, j’allais dire, toute la journée d’hier.

16. A ce sujet, le professeur Thouvenin a affirmé au cours de sa plaidoirie d’hier que la RDC

ne peut opposer le non-épuisement de rec ours internes car les personnes lésées étaient

15
manifestement empêchées d’exercer les recours .

17. Je vais maintenant expliquer à la Cour que cette allégation est dénuée de tout fondement

et repose sur une erreur fondamentale.

18. Madame le président, Messieurs les jug es, comme je viens de l’expliquer dans ma

réponse à la question posée par la Cour, on ne peut pas confondre M. Diallo avec les deux sociétés

Africom et Africontainers . Je comprends que l’Etat demandeur ne puisse pas connaître le droit

congolais. Ceci est normal car le Congo aussi ne connaît pas le droit guinéen. Mais alors il faut

faire preuve de modestie et éviter de se lancer dans des affirmations péremptoires sur une question

que l’on ne maîtrise pas. Au regard du droit congolais, M. Diallo a une personnalité juridique et un

patrimoine totalement distincts de ceux de chacu ne des deux sociétés que je viens de citer.

L’erreur fondamentale que commet l’Etat demandeur dans la présente instance consiste à affirmer

que les sociétés Africom et Africontainers s ont des sociétés unipersonnelles, c’est-à-dire

comprenant un seul associé, M. Diallo. A partir de cette affirmation, totalement erronée, comme je

l’ai indiqué dans ma réponse à la question posée par la Cour, la Guinée fusionne la personnalité

juridique et le patrimoine de M. Diallo avec ce ux des deux sociétés concernées. Ceci, Madame le

président, Messieurs les juges, est contraire au droit congolais.

19. A la lumière de ce que je viens d’exposer, il est totalement faux de soutenir, comme l’a

fait le professeur Thouvenin, que l’expulsion de M. Diallo a empêché les deux sociétés concernées

d’épuiser les voies de recours internes disponibl es en RDC en vue de recouvrer leurs créances

15
Voir CR 2006/51, p. 53, par. 9 et 11. - 22 -

auprès des tiers. Madame le président, Messieurs les juges, les deux sociétés, qui existent

toujours ⎯ je reviendrai à la fin sur la situation d’Africom ⎯, ont continué à exercer leurs activités

bien après l’expulsion de M.Diallo. La soci été Africontainers a nommé M. KanzaneKongo

comme gérant en remplacement de M. Diallo , comme l’atteste la lettre du 12 février 1996 ⎯ donc

après l’expulsion de Diallo ⎯ adressée audit gérant par l’avocat de la société, M Bizimana Nsoro.

Madame le président, Messieurs les juges, vous trouverez ce document, non pas dans le dossier des

juges parce que je ne l’ai pas déposé, mais à l’annexe 201 du volume II du mémoire de la Guinée.

Ce nouveau gérant était donc censé avoir tous les pouvoi rs. Et je reviens pour dire que la lettre dit

bien «à l’attention de M.Kanza, gérant». La Cour examinera ce document. Ce nouveau gérant

était censé avoir tous les pouvoirs pour agir en justice ou devant d’autres instances au nom et pour

le compte de la société Africontainers. C’est ce qu’il a fait, par exemple, en représentant

16
Africontainers pendant les négociations avec la Gécamin es au mois de juillet1997 , soit près de

deux ans après l’expulsion de M. Diallo.

20. Madame le président, Messieurs les jug es, si la RDC avait expulsé M.Diallo pour

empêcher ⎯parce qu’on a dit que c’était cela le mobile ⎯ ses deuxsociétés de recouvrer leurs

créances, la meilleure solution aurait été d’expropr ier simplement les deux sociétés concernées ou

d’interdire, par exemple, les négociations entre la Gécamines et Africontainers organisées bien

après l’expulsion de M.Diallo. Or, telle n’a pas été la politique du Gouvernement congolais à

l’égard des sociétés en cause qui ont continué à mener leurs activités comme par le passé.

21. Au cours de sa plaidoirie d’hier, le professeur Thouvenin a également affirmé que

«l’empêchement d’agir qui frappe les sociétés résulte et de la menace pesant sur leur gérant, et de

l’interdiction du territoire qui le frappe» 1.

22. Il s’agit encore une fois, Madame le président, Messieurs les juges, d’une affirmation

totalement erronée qui repose sur l’erreur fondam entale que j’ai déjà évoquée au cours de cette

plaidoirie, à savoir: Diallo = société Africontaine rs et société Africom, et société Africom et

société Africontainers = Diallo. Ceci est totalement faux, en fait comme en droit.

16
Voir MRG, annexes 224 et 226.
17Voir CR 2006/51, p. 55, par. 17. - 23 -

23. Au total, Madame le président, Messieurs les juges, l’affirmation du

professeurThouvenin selon laquelle l’expulsion de M.Diallo par les autorités congolaises ne

pouvait permettre aux sociétés Africom et Africontai ners d’épuiser les voies de recours internes

n’est pas fondée ni en fait ni en droit et doit donc être écartée purement et simplement par la Cour.

Cette affirmation, comme je l’ai indiqué, repose sur une erreur fondamentale grave qui consiste à

fusionner en une seule personnalité juridique et en un seul patrimoine, trois personnalités juridiques

et trois patrimoines pourtant totalement distincts de M.Diallo et des sociétés Africom et

Africontainers. Voilà l’erreur fondamentale qui explique la confusi on dans laquelle l’Etat

demandeur s’est embourbé dans la présente instance.

24. Madame le président, Messieurs les juges, je vais passer maintenant au troisième point de

ma plaidoirie pour montrer que la prétendue pauv reté de M.Diallo ne pouvait empêcher les

deux sociétés congolaises d’exercer et d’épuiser les voies de recours internes.

III. La prétendue pauvreté de M. Diallo ne pouvait empêcher les sociétés Africom et
Africontainers d’exercer et d’épuiser les voies de recours internes

25. Dans sa plaidoirie d’hier, le professeur Thouvenin a déclaré devant la Cour : «la situation

matérielle de M. Diallo est, en elle-même, sans pertinence au regard de la règle de l’épuisement des
18
recours internes. Pauvre ou riche, peu im porte : la règle est la même pour tous.» La République

démocratique du Congo se réjouit de ce revirement spectaculaire à 180 degrés, et j’espère que mon

ami le professeur Thouvenin n’a pas fait un accide nt au cours de cette manŒuvre dangereuse,

revirement opéré par l’Etat demandeur et demande à la Cour d’en prendre acte. La Guinée renonce

ainsi à invoquer le manque de moyens financiers dans le chef de son ressortissant Diallo, alors que

c’était son cheval de bataille pour justifier le non-épuisement par celui-ci des voies de recours

internes disponibles en RDC.

26. En d’autres termes, et la Guinée le rec onnaît, Diallo pouvait, et peut très bien encore

aujourd’hui, et ce à partir de la Guinée, confier à des avocats congolais le mandat de lancer des

actions judiciaires au nom et pour le compte d es sociétés Africom et Africontainers en vue de

recouvrer par la voie judiciaire leurs créances auprès des tiers. Ainsi, son expulsion du Congo n’est

18
Voir CR 2006/51, p. 55, par. 20. - 24 -

donc pas un «déni factuel d’accès aux recours in ternes» ou un obstacle l’empêchant de préserver

ses droits ou ceux de ses sociétés en RDC, parce que la pauvreté n’est plus un obstacle pour lui.

27. Il en résulte que toute l’architecture factuelle et juridique construite autour de l’expulsion

de M.Diallo comme obstacle majeur et insurm ontable pour l’épuisement des voies de recours

internes s’écroule avec grand fracas.

28. En plus, les sociétés Africom et Africont ainers ne sont pas pauvres et ne manquent pas

de moyens financiers pour exercer et épuiser les recours internes en vue de recouvrer leurs

créances. Ces deux sociétés ne sont pas pauvres. Mais, Madame le président, ces deux sociétés

n’ont pas été expulsées du Congo. C’est Diallo qui est expulsé. A ce sujet, M. Diallo lui-même a

déclaré que ses deux sociétés sont florissantes ⎯ le terme est de M. Diallo ⎯, c’est-à-dire riches.

Ainsi, dans sa lettre du 4 février 1998 adressée au président de la République démocratique du

Congo, M eAlpha O. Diallo, avocat guinéen de M. Dia llo, écrit au président Kabila que son client

Diallo «a abandonné derrière lui deux sociétés fl orissantes qu’il a créées ainsi que des créances

certaines, liquides et exigibles…» 19.

29. A la lumière de ce que je viens d’ex poser, il est incontestable que l’expulsion de

M.Diallo du territoire congolais ne saurait c onstituer «un déni factuel d’accès aux recours

internes» prévus en RDC ni pour M. Diallo lui-même ni pour les sociétés Africom et Africontainers

qui sont riches et qui n’ont pas été expulsées du Congo.

30. Madame le president, Messieurs les juges, je vais aborder maintenant le dernier point de

ma plaidoirie relatif au fonctionnement de la justice congolaise pour expliquer que celle-ci

fonctionne de façon satisfaisante.

IV. La RDC a un système adéquat de protection judiciaire

31. Dans sa plaidoirie d’hier, le professeur Thouvenin a critiqué le système judiciaire

congolais ⎯je cite le professeur Thouvenin par amitié et non pas … parce que c’est lui mon

contradicteur principal pour cette partie de ma plaidoirie ⎯ en affirmant que, d’une part, le

gouvernement avait le pouvoir discrétionnaire de contre dire les décisions de justice et que tout

recours juridictionnel que les sociétés ou M. Diallo auraient pu engager à l’encontre du

19
Voir MRG, annexe 245. - 25 -

gouvernement ne pouvait aboutir qu’à une décision du même gouvernement, fondée sur de pures

appréciations politiques et, d’autre part, qu’à su pposer que les recours aient pu être utilement

activés, le retard abusif des procédures dans lesquelles les sociétés avaient déjà été engagées

démontrait leur futilité. Il en a conclu que la RDC n’avait pas, à l’époque des faits un système

adéquat de protection judiciaire et que la longue ur abusive des procédur es internes est une cause

d’inapplicabilité des recours internes 20.

32. Madame le président, Messieurs les juges, ces affirmations intempestives, manifestement

excessives et je dirai à la limite de l’insulte pour les braves magistrats congolais qui rendent justice

tous les jours, parfois au risque de leur vie, appellent de ma part de sérieuses mises au point.

33. En premier lieu, le professeur Thouvenin a déclaré que de l’aveu même du Congo , à

l’époque des faits, l’exécution des décisions de justice dépendait du bon vouloir du gouvernement.

Il ajoute qu’on peut lire dans les écritures congolaises que, quelque recours que l’on eût pu exercer,

la décision finale revenait au gouvernement fort d’un pouvoir totalement discrétionnaire.

34. Madame le président, Messieurs les juges, cette affirmation est fausse sur toute la ligne.

Le professeur Thouvenin ne cite aucune page, au cun paragraphe des écritures de la RDC où se

trouve la déclaration qu’il a faite. Il s’agit donc, pour la RDC, d’un dénigrement totalement

inadmissible du système judiciaire congolais et qui démontre le désarroi dans lequel se trouve

l’Etat demandeur.

35. Toute personne raisonnable peut comprendr e facilement que le Gouvernement congolais

ne saurait intervenir dans toutes les décisions judiciaires qui sont rendues quotidiennement par les

cours et tribunaux sur l’ensemble du vaste territoire de la RDC. La RDC s’étonne que le professeur

Thouvenin n’ait pas saisi une vérité aussi élémentaire.

36. La RDC avait indiqué pourtant dans ses écritures qu’il peut arriver, dans certains cas très,

très rares, que l’exécution forcée d’une décision judiciaire dé jà rendue soit suspendue lorsqu’elle

est susceptible d’entraîner de graves désordres publics. Le professeur Thouvenin sait, mieux que

quiconque, que la paix peut parfois primer la jus tice. Dans ce cas, une équipe de hauts magistrats,

et non les politiciens, regroupés au sein de l’inspectorat général des services judiciaires sont invités

20
Voir CR 2006/51, p. 59 et 60. - 26 -

à vérifier la régularité de cette décision. Ceci ne concerne, Madame le president, Messieurs les

juges, qu’une très infime partie des décisions j udiciaires rendues par les cours et tribunaux de la

RDC.

37. A propos du jugement gagné au premier degré par Africontainers contre la société

pétrolière Shell, après avoir ordonné la suspen sion de son exécution forcée, le ministère de la

justice a, sur avis conforme de hauts magistrats de l’inspectorat général des services judiciaires,

autorisé la poursuite de l’exécution forcée.

38. Le Gouvernement congolais n’a pas le pouvoir, et ne le fait jamais, de donner des

injonctions aux juges indiquant le sens dans lequel ceux-ci devaient trancher les litiges dont ils sont

saisis. La meilleure preuve, Madame le président , Messieurs les juges, en est que les sociétés

Africom et Africontainers ont gagné ou pe rdu des procès sans aucune interférence du

Gouvernement congolais.

39. Au regard de ce qui précède, la RD C considère que les propos tenus par le

professeurThouvenin sont totalement déplacés et constituent une propagande malveillante contre

le système judiciaire congolais. Ces propos ne constituent pas des arguments juridiques appropriés,

mais une simple caricature du système judiciaire c ongolais. Et en tant que caricature, elle est

totalement irrecevable par la Cour.

40. En deuxième lieu, la Guinée tente d’écha pper à la règle de l’épuisement des voies de

recours internes en invoquant la futilité de celles-ci au regard de leur l ongueur abusive dans la

présente instance. A ce propos, le professeur Thouve nin a affirmé que les deux affaires pendantes

devant la Cour suprême de justic e ne sont toujours pas tranchées après treize et quatorzeans de

procédure 2. Il en conclut que «[c]eci démontre à la perfection la futilité des recours que les

22
sociétés de M. Diallo, ou lui-même, auraient pu s’acharner à exercer» .

41. Madame le president, Messieurs les juges, la RDC a déjà expliqué dans ses écritures les

raisons pour lesquelles la Cour suprême de jus tice prend généralement du temps pour rendre ses

arrêts. Je n’y reviendrai donc pas ici. Je prie donc la Cour de bien vouloir s’y référer.

21
Voir CR 2006/51, p. 61, par. 42.
22Voir CR 2006/51, p. 62, par. 43. - 27 -

42. Mais la RDC tient à faire remarquer à la Cour que le 30novembre1995, alors que les

deuxsociétés en cause venaient à peine d’introdui re des pourvois en cassation devant la Cour

suprême de justice, M. Diallo a envoyé une copie de la lettre contenant les réclamations financières

de ses sociétés au président de la Cour interna tionale de justice, donc à vous-même, pour le mettre

déjà au courant de la situation. Il n’est donc pas surprenant que M. Diallo ait par la suite convaincu

l’Etat demandeur de saisir la Cour en protec tion diplomatique pour récupérer les créances

concernées.

43. Ce n’est donc pas parce que les recours in ternes prévus dans l’ordre juridique congolais

sont futiles que M.Diallo a fait actionner la protec tion diplomatique en sa faveur. Il s’agit tout

simplement de l’exécution d’un plan programmé de longue date par M. Diallo, comme en témoigne

sa lettre à laquelle je viens de faire allusion.

44. Madame le président, la justice congolaise est parmi les plus rapides au monde. Je n’en

veux pour preuve le temps re lativement court, soit deuxans seulement, pendant lequel les

jugements exécutoires sont intervenus dans les affaires Africom-Zaïre contre PLZ et Africontainers

23
contre Zaïre Fina . Deux ans seulement, premier degré, deuxième degré. Et comme il s’agit des

affaires civiles et commerciales tranchées au degré d’appel, l’introduction d’un pourvoi en

cassation n’est pas suspensive de leur exécution forcée. C’est dire que M. Diallo et ses sociétés ne

peuvent pas se plaindre d’une prétendue longueur abusive des procédures internes en RDC.

45. Madame le president, Messieurs les juges, il s’agit encore une fois d’une affirmation non

démontrée de manière sérieuse et prouvée de façon irréfutable. Ce que je viens de dire à l’instant

est très important. Madame le président , la Guinée tente de s’abriter derrière M eTshibangu Kalala

pour tenter de se tirer d’affaire. Non, Madame le president, Messieurs les juges, non, je ne laisserai

pas le professeur Thouvenin cacher la défaillance de la République de Guinée en utilisant mes

lettres de 2002. Non, mon ami Thouvenin, non ! Vous n’allez pas vous tirer d’affaire comme ça,

par la rhétorique et par les artifices du langa ge. Non! Chacun doit assumer ses responsabilités

devant la Cour, toutes ses responsabilités.

23
Voir CR 2006/51, p. 61, par. 61. - 28 -

46. Madame le président, Messieurs les jug es, la République de Guinée, un peuple frère

comme on dit chez nous en Afrique, affirme de ma nière péremptoire que la Cour suprême de

justice de la RDC n’a pas encore rendu des arrêts dans les deux affaires en cause. Elle accuse donc

la justice congolaise d’être excessivement lente et conclut à l’inopportunité d’épuiser les recours

internes.

47. En application de l’adage latin bien connu des juristes, accusatori incumbit probatio, il

revient à la Guinée de produire devant la Cour un document écrit, et donc irréfutable, démontrant

qu’au moment où nous plaidons cette affaire en nove mbre 2006, la Cour supr ême de justice de la

RDC ne s’est toujours pas prononcée dans les deux a ffaires. La preuve à produire devant la Cour,

Madame le président, pour emporter sa conviction, ne peut pas consister, mon cher Thouvenin, à

déclarer simplement que puis que la RDC n’a pas produit la preuve contraire, c’est que,

effectivement, la Cour suprême de la RDC n’a pas encore rendu les arrêts attendus. Ce n’est pas de

cette manière, professeur Thouvenin, qu’on administre la preuve devant cette Cour prestigieuse.

48. Une telle façon de procéder revient à demander à l’accusée, la RDC, de produire une

preuve négative, c’est-à-dire une sorte de diabolicum probatio , alors que l’accusateur, l’Etat

demandeur, n’apporte aucune preuve sérieu se pour soutenir son accusation. Et le

professeurThouvenin est mieux placé que quiconque pour savoir que la diabolicum probatio est

rejetée par tous les juristes sérieux.

49. Ainsi, Madame le president, Messieurs les juges, et ceci est important, la RDC prie la

Cour de constater, et d’en prendre acte, le fait que dans le dossier que la Cour a présentement entre

ses mains, il n’existe aucune pièce, aucune preuve , produite par la Guinée montrant que la Cour

suprême de justice du Congo n’a pas encore rendu des arrêts dans les deux affaires en cause. Il

s’ensuit que toutes les affirmations contrair es du professeur Thouvenin n’ont aucun fondement

crédible et doivent être rejetées. Car, qu’adviendr ait-il si la Cour considérait que la Cour suprême

de justice de la RDC n’a pas encore rendu les a rrêts attendus dans les deux affaires concernées,

alors que ces arrêts auraient été déjà prononcés depuis plusieurs années ?

50. Madame le president, Messieurs les juges, je ne saurais terminer cette plaidoirie sans

exprimer, à la demande des autorités congolaises, l’ indignation et la colère de la RDC devant la

manière dont la Cour est traitée par M.Diallo et l’Etat demandeur. Tout au long de cette - 29 -

procédure, l’Etat demandeur n’a cessé de présenter la société Africom-Zaïre comme une société

appartenant à M. Diallo comme l’unique associé et gérant.

51. Or, la société Africom, créée le 15 janvier 1988, a trois associés dont les noms suivent :

MH. eirbaut uido Jean-Henri Marie (un Be lge), Mununa Nyota (un Congolais) et

M. Ronaldo Cazier (un Belge). M. Diallo n’est pa s associé dans cette société, et n’en est donc pas

l’associé unique. Après de multiples recherches fas tidieuses dans les vieilles archives du greffe du

registre de commerce de la ville de Kinshasa, l’ Etat défendeur (la RDC) est parvenu à mettre la

main, malheureusement il y a à peine quelques j ours seulement, sur les statuts de la société

Africom-Zaïre. Mais pour se conformer aux règles contraignantes de procédure de la Cour, la

RDC ne pouvait pas et ne peut pas déposer cette pièce sans l’avoir communiquée au préalable à la

Partie guinéenne. La RDC réserve ici expressément le droit de déposer cette pièce au cours de la

phase ultérieure de la procédure.

52. Mais en attendant, la RDC fait remarquer à la Cour que ce n’est pas un fait du hasard si

la Guinée a communiqué seulement les statuts de la société Africontainers à l’annexe1 de son

mémoire et rien, absolument rien pour la société Africom. Et la Cour comprendra aussi pourquoi la

RDC n’a cessé de traiter M. Diallo comme un homme excessivement dangereux, qui se permet de

tenter de manipuler même une Cour aussi prestigieuse pour s’enrichir indûment.

53. Je suis disposé à titre purement confraternel , si le professeur AlainPellet en exprime la

demande et en dehors de toute procédure, je pe ux lui en communiquer une copie pour qu’il prenne

connaissance (des statuts). Au total, Madame le president, Messieurs les juges, l’expulsion de

M. Diallo du territoire congolais en janvier 1996 ne pouvait empêcher ni lui-même, ni les sociétés

Africom et Africontainers d’épuiser les voies de recours internes disponibles et efficaces existant

dans l’ordre judiciaire interne congolais. En outre, la RDC dispose d’un système adéquat de

protection judiciaire qui fonctionne normalement et re nd justice à tous les habitants. M.Diallo et

ses deux sociétés étaient et sont dans l’obligation d’épuiser les voies de recours internes avant la

saisine de la Cour par le biais de la protecti on diplomatique. Les allégations contraires avancées

par l’Etat demandeur sont sans fondement et doivent être écartées par la Cour. Je termine ainsi ma

plaidoirie de ce jour. - 30 -

Madame le president, Messieurs les juges, je vous remercie pour votre aimable attention.

Madame le président, je vous prie d’accorder à présent la parole à l’ambassadeur

Masangu-a-Mwanza, en sa qualité d’agent pour présenter les conclusions de la RDC.

Je vous remercie.

The PRESIDENT: Thank you, Maître Tshiba ngu Kalala. Do I understand there is a

requested intervention for the Republic of Guin ea? Before I call you, Your Excellency,

Professor Pellet. Un instant, Votre Excellence, s’il vous plaît.

M. PELLET: Thank you very much, Madam Presid ent. Durant sa plaidoirie, M.Kalala a

fait état d’un document important, qu’il dit avoir dé couvert il y a quelques jours et je me permets

de signaler que ce document aurait pu être produit en vertu de l’article 56 du Règlement de la Cour,

il a fait l’offre de communiquer ce document à la Partie guinéenne qui lui serait très reconnaissante

de vouloir le lui communiquer dès aujourd’hui par l’intermédiaire du Greffe . Merci Madame le

président.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Pellet. I now call upon

H.E. Ambassador Masangu-a-Mwanza.

M. MASANGU-A-MWANZA: Madame le président, Messieurs les Membres de la Cour,

vous avez entendu tout au long de cette plaidoirie les raisons pour lesquelles nous sommes ici. La

République démocratique du Congo voudrait vous donner ses conclusions.

La République démocratique du Congo prie respectueusement la Cour de dire et juger que la

requête de la République de Guinée est irrecevable,

1) en raison du fait que la République de Gu inée n’a pas qualité pour exercer la protection

diplomatique en la présente instance, sa requête vise essentiellement à obtenir la réparation pour

des dommages résultant de la violation de droits de sociétés qui ne possèdent pas sa nationalité ;

2) en raison du fait qu’en tout état de cause, ni les sociétés concernées ni M.Diallo n’ont épuisé

les voies de recours internes existants, disponibl es et efficaces en République démocratique du

Congo. En conséquence cette requête est, en ce qui nous concerne, sans valeur. Donc nous

vous demandons de dire et de juger le droit. - 31 -

Je vous remercie Madame.

The PRESIDENT: Thank you very much, Ambassador Masangu-a-Mwanza. The Court

takes note of the final submissions which you have now read on behalf of the Democratic Republic

of the Congo.

The Court will meet again on Friday 1 December at 10 a.m. to hear the second round of oral

argument of the Republic of Guinea.

The sitting is now closed.

The Court rose at 4.30 p.m.

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Document Long Title

Audience publique tenue le mercredi 29 novembre 2006, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président

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