Audience publique tenue le jeudi 4 mai 2006, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président

Document Number
091-20060504-ORA-02-00-BI
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
2006/42
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Bilingual Document File
Bilingual Content

CR 2006/42

International Court Cour internationale
of Justice de Justice

THHEAGUE LAAYE

YEAR 2006

Public sitting

held on Thursday 4 May 2006, at 3 p.m., at the Peace Palace,

President Higgins presiding,

in the case concerning the Application of the Convention on the Prevention and Punishment

of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro)

________________

VERBATIM RECORD
________________

ANNÉE 2006

Audience publique

tenue le jeudi 4 mai 2006, à 15 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de Mme Higgins, président,

en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro)

____________________

COMPTE RENDU

____________________ - 2 -

Present: Presieigtgins
Vice-Prsi-Kntasawneh

Ranjevaudges
Shi
Koroma
Parra-Aranguren

Owada
Simma
Tomka
Abraham

Keith
Sepúlveda
Bennouna
Skotnikov

Judges ad hoc Mahiou
Kre ća

Couevrisrar

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -

Présents : Mme Higgins,président
Al-K.vsce-prh,ident

RaMjev.
Shi
Koroma
Parra-Aranguren

Owada
Simma
Tomka
Abraham

Keith
Sepúlveda
Bennouna
Sjoteiskov,

MaMhou.,
Kre ća, juges ad hoc

Cgoefferr,

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -

The Government of Bosnia and Herzegovina is represented by:

Mr. Sakib Softić,

as Agent;

Mr. Phon van den Biesen, Attorney at Law, Amsterdam,

as Deputy Agent;

Mr.Alain Pellet, Professor at the University of ParisX-Nanterre, Member and former Chairman of

the International Law Commission of the United Nations,

Mr. Thomas M. Franck, Professor of Law Emeritus, New York University School of Law,

Ms Brigitte Stern, Professor at the University of Paris I,

Mr. Luigi Condorelli, Professor at the Facultyof Law of the University of Florence,

Ms Magda Karagiannakis, B.Ec, LL.B, LL.M.,Barrister at Law, Melbourne, Australia,

Ms Joanna Korner, Q.C.,Barrister at Law, London,

Ms Laura Dauban, LL.B (Hons),

Mr. Antoine Ollivier, Temporary Lecturer and Research Assistant, University of Paris X-Nanterre,

as Counsel and Advocates;

Mr. Morten Torkildsen, BSc, MSc, Tork ildsen Granskin og Rådgivning, Norway,

as Expert Counsel and Advocate;

H.E. Mr. Fuad Šabeta, Ambassadorof Bosnia and Herzegovina to the Kingdom of the Netherlands,

Mr. Wim Muller, LL.M, M.A.,

Mr. Mauro Barelli, LL.M (University of Bristol),

Mr. Ermin Sarajlija, LL.M,

Mr. Amir Bajrić, LL.M,

Ms Amra Mehmedić, LL.M, - 5 -

Le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine est représenté par :

M. Sakib Softić,

coagment;

M. Phon van den Biesen, avocat, Amsterdam,

comme agent adjoint;

M. Alain Pellet, professeur à l’Université de ParisX-Nanterre, membre et ancien président de la
Commission du droit international des Nations Unies,

M. Thomas M. Franck, professeur émérite à lafaculté de droit de l’Université de New York,

Mme Brigitte Stern, professeur à l’Université de Paris I,

M. Luigi Condorelli, professeur à la fact de droit de l’Université de Florence,

Mme Magda Karagiannakis, B.Ec., LL.B., LL.M.,Barrister at Law, Melbourne (Australie),

Mme Joanna Korner, Q.C.,Barrister at Law, Londres,

Mme Laura Dauban, LL.B. (Hons),

M. Antoine Ollivier, attaché temporaire d’ense ignement et de recher che à l’Université de
Paris X-Nanterre,

comme conseils et avocats;

M. Morten Torkildsen, BSc., MSc., Tork ildsen Granskin og Rådgivning, Norvège,

comme conseil-expert et avocat;

S. Exc. M. Fuad Šabeta, ambassadeur de Bosn ie-Herzégovine auprès duRoyaume des Pays-Bas,

M. Wim Muller, LL.M., M.A.,

M. Mauro Barelli, LL.M. (Université de Bristol),

M. Ermin Sarajlija, LL.M.,

M. Amir Bajrić, LL.M.,

Mme Amra Mehmedić, LL.M., - 6 -

Ms Isabelle Moulier, Research Student in International Law, University of Paris I,

Mr. Paolo Palchetti, Associate Professor at the University of Macerata (Italy),

as Counsel.

The Government of Serbia and Montenegro is represented by:

Mr. Radoslav Stojanović, S.J.D., Head of the Law Council of the Ministry of Foreign Affairs of
Serbia and Montenegro, Professor at the Belgrade University School of Law,

as Agent;

Mr. Saša Obradović, First Counsellor of the Embassy of Serbia and Montenegro in the Kingdom of
the Netherlands,

Mr. Vladimir Cvetković, Second Secretary of the Embassy of Serbia and Montenegro in the
Kingdom of the Netherlands,

as Co-Agents;

Mr.Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), Professor of Law at the Central European University,
Budapest and Emory University, Atlanta,

Mr. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., Member of the International Law Commission, member of
the English Bar, Distinguished Fellow of the All Souls College, Oxford,

Mr. Xavier de Roux, Master in law, avocat à la cour, Paris,

Ms Nataša Fauveau-Ivanović, avocat à la cour, Paris and member of the Council of the
International Criminal Bar,

Mr. Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), Professor of Law at the University of Kiel, Director
of the Walther-Schücking Institute,

Mr. Vladimir Djerić, LL.M. (Michigan), Attorney at Law, Mikijelj, Jankovi ć & Bogdanovi ć,

Belgrade, and President of the International Law Association of Serbia and Montenegro,

Mr. Igor Olujić, Attorney at Law, Belgrade,

as Counsel and Advocates;

Ms Sanja Djajić, S.J.D., Associate Professor at the Novi Sad University School of Law,

Ms Ivana Mroz, LL.M. (Indianapolis),

Mr. Svetislav Rabrenović, Expert-associate at the Office of th e Prosecutor for War Crimes of the
Republic of Serbia, - 7 -

Mme Isabelle Moulier, doctorante en droit international à l’Université de Paris I,

M. Paolo Palchetti, professeur associé à l’Université de Macerata (Italie),

cocomnseils.

Le Gouvernement de la Serbie-et-Monténégro est représenté par :

M. Radoslav Stojanović, S.J.D., chef du conseil juridique du ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro, professeur à la faculté de droit de l’Université de Belgrade,

coagment;

M. Saša Obradovi ć, premier conseiller à l’ambassade de Serbie-et-Monténégro au Royaume des

Pays-Bas,

M. Vladimir Cvetković, deuxième secrétaire à l’ambassade de Serbie-et-Monténégro au Royaume

des Pays-Bas,

comme coagents;

M. Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), professeur de droit à l’Université d’Europe centrale de
Budapest et à l’Université Emory d’Atlanta,

M. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., membre de la Commission du droit international, membre

du barreau d’Angleterre, Distinguished Fellow au All Souls College, Oxford,

M. Xavier de Roux, maîtrise de droit, avocat à la cour, Paris,

Mme Nataša Fauveau-Ivanovi ć, avocat à la cour, Paris, et membre du conseil du barreau pénal
international,

M. Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), professeur de droit à l’Université de Kiel, directeur de

l’Institut Walther-Schücking,

M. Vladimir Djeri ć, LL.M. (Michigan), avocat, cabinet Mikijelj, Jankovi ć & Bogdanovi ć,

Belgrade, et président de l’association de droit international de la Serbie-et-Monténégro,

M. Igor Olujić, avocat, Belgrade,

comme conseils et avocats;

Mme Sanja Djajić, S.J.D, professeur associé à la faculté de droit de l’Université de Novi Sad,

Mme Ivana Mroz, LL.M. (Indianapolis),

M. Svetislav Rabrenovi ć, expert-associé au bureau du procureur pour les crimes de guerre de la
République de Serbie, - 8 -

Mr. Aleksandar Djurdjić, LL.M., First Secretary at the Ministry of Foreign Affairs of Serbia and
Montenegro,

Mr. Miloš Jastrebić, Second Secretary at the Ministry of Foreign Affairs of Serbia and Montenegro,

Mr. Christian J. Tams, LL.M. PhD. (Cambridge), Walther-Schücking Institute, University of Kiel,

Ms Dina Dobrkovic, LL.B.,

as Assistants. - 9 -

M. Aleksandar Djurdji ć, LL.M., premier secrétaire au ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro,

M. Miloš Jastrebi ć, deuxième secrétaire au ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro,

M. Christian J. Tams, LL.M., PhD. (Cambridge), Institut Walther-Schücking, Université de Kiel,

Mme Dina Dobrkovic, LL.B.,

comme assistants. - 10 -

The PRESIDENT: Please be seated. Maître Fauveau-Ivanović, you have the floor.

MFmUeVEAU-IVANOVI Ć : Merci, Madame le président.

III. Troisième objectif stratégique : élimination de la frontière sur la rivière Drina

1. Le troisième objectif stratégique pr oclamé par l’Assemblée du peuple serbe en

Bosnie-Herzégovine était l’établissement du corri dor dans la vallée de la rivière Drina et

l’élimination de la frontière séparant la Republika Srpska et la République de Serbie. Cet objectif

était un but politique des Serbes de Bosnie logique et légitime.

2. Les Serbes de Bosnie et le parti SDS, au pouvoir pendant la guerre, n’ont jamais caché

leur volonté de rester dans le même Etat avec la Serbie. Cette volonté était initialement exprimée

comme la volonté de rester en Yougoslavie. Au départ, les Serbes de Bosnie ne voulaient se

séparer de personne, ils voulaient simplement rester dans l’Etat dans lequel ils étaient et qui était la

Yougoslavie. Lorsqu’il est devenu clair qu’il serait impossible de rester en Yougoslavie, les Serbes

de Bosnie ont exprimé leur volonté légitime et constitutionnelle de se séparer des autres peuples de

la Bosnie-Herzégovine et de joindre la Serbie . La sécession des peuples était prévue par la

Constitution yougoslave et comme telle n’était ni illégale ni criminelle.

3. Les événements qui ont suivi en Bosnie-Her zégovine et particulièrement dans la vallée de

la rivière Drina ne peuvent automatiquement être liés à la réalisation du troisième objectif

stratégique du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine.

4. La Bosnie orientale, la vallée de la rivièr e Drina, tout comme la Bosanska Krajina dans la

partie occidentale de la Bosnie-Herzégovine, avaient connu des crimes terribles lors de la deuxième

guerre mondiale. La peur a surgi et elle gra ndissait rapidement avec l’augmentation des tensions

politiques dans l’ex-Yougoslavie. Tous les peuples ont commencé à s’organiser, ils ont commencé

à s’armer.

5. La peur était présente de tous les côés avant le commencement du conflit armé. Cette

peur que le demandeur essaie de diminuer était bien présente. L’Institut néerlandais pour la

documentation de guerre a écrit dans son rapport :

«In the autumn of 1990 Muslims hardly dared to travel through Kravica in the
same way that Serbs hardly dared to pass through Potocari between Bratunac and - 11 -

Srebrenica. Barriers had been erected acr oss the road in both places where members
1
of the other ethnic group were checked.»

La situation était la même dans toute la Bosnie orientale. L’Institut néerlandais écrivait ainsi :

«Despite acts of moderation on the part of the current community leaders in
Bratunac and Srebrenica, polarization occurred between these ethnic groups. Social
life was increasingly broken down in accordance with ethnic divisions. Anyone who

tried to continue efforts towards mediati on, received threats. Rumours began to 2
circulate amongst Muslims and Serbs that the other group was secretly arming itself.»

6. Le demandeur nie constamment la peur, il essaie de l’éviter, mais elle existait. Nous

n’essayons pas de l’expliquer ni de la justifier, nous constatons si mplement qu’elle existait. La

peur ne peut expliquer tout ce qui s’est passé en Bosnie-Herzégovine, mais elle peut expliquer la

situation générale qui était bien différente de l’Etat tolérant où les différentes communautés

auraient mené une vie paisible comme le demandeur veut nous le présenter.

7. Le demandeur allègue une ligne de conduite spécifique qui aurait été appliquée dans la

prise du pouvoir dans les municipalités en Bosnie orientale. Cette ligne de conduite comprendrait

selon les allégations du demandeur l’ expulsion des non-Serbes et la destruction de tout signe de la

vie, de l’identité et de la culture non serbe. Conformément aux alléga tions du demandeur cette

ligne de conduite a été appliquée afin de réaliser le troisième objectif stratégique : le corridor dans

la vallée de la rivière Drina et l’élimination de la frontière sur celle-ci. Cependant, les allégations

du demandeur ne sont pas fondées.

a) Les événements dans la vallée de la rivière Drina en 1992

8. Le demandeur se réfère aux différentes municipalités situées dans la vallée de la rivière

Drina dans lesquelles les Serbes ont pris le pouvoir bien avant le 12 mai 1992. Les objectifs

stratégiques ont été adoptés le 12 mai 1992 et ont été publiés en 1993. Les objectifs stratégiques

n’ont simplement pas existé lorsque les combats ont commencé dans la Bosnie orientale.

9. La situation en Bosnie orientale était bi en plus complexe que le demandeur ne veut

l’admettre. De nombreuses unités paramilitaires étaient présentes dans la région. Ainsi,

concernant la situation à Zvornik, dans l’affaire Milosevic devant le Tribunal pour

1
Http://www.srebrenica.nl, Netherlands Institute for War Documentation on Srebrenica, Part 1, The Yugoslavian
Problem and the role of the West 1991–1994, Chapter 10.
2Http://www.srebrenica.nl, Netherlands Institute for War Documentation on Srebrenica, Part 1, The Yugoslavian
Problem and the role of the West 1991–1994, Chapter 10. - 12 -

l’ex-Yougoslavie, le témoin protégé du proc ureur B 1804 a expliqué l’organisation des forces

paramilitaires musulmanes dans la région de Z vornik. Ce témoin a déclaré que les unités

paramilitaires musulmanes, les Bérets verts et la ligue patriotique étaient présentes et opéraient

dans la région de Zvornik avant la guerre . Il a également confirmé la présence dans cette région

des unités paramilitaires les Cobras et Mosque Do ves, cette dernière, menée par Midhat Grahic,

était connue pour les conséquences désastreuses qu’elle laissait de rrière elle: les personnes tuées,

les maisons brûlées, les propriétés pillées 4.

10. En plus, selon la déclaration du témoin B 1804, les réserves d’armes de la police étaient

5
transférées exclusivement aux forces musulmanes et à la police musulmane . La défense

6
territoriale a bloqué le pont entre Zvornik et Mali Zvornik empêchant ainsi les Serbes de passer la

rivière Drina et de se rendre en Serbie, où se trouve Mali Zvornik.

11. Finalement, le témoin B 1804 a déclaré que les combats à Kula Grad, une ville à côté de

Zvornik, ont duré plusieurs jours et que les Musulmans, tenant les positions à Kula Grad ont ouvert

le feu sur Zvornik, mais aussi sur Mali Zvornik qui est en Serbie 7.

12. Les deux témoins du procureur, l’un dans l’affaire Milosevic et l’autre dans l’affaire

Krajisnik, ont confirmé que le commencement du c onflit armé à Zvornik a été provoqué par le

meurtre d’un Serbe, commis par l es Musulmans bosniaques. Le té moin Izet Mehinagic, dont le

témoignage était cité par le demandeur 8, n’a témoigné dans l’affaire Krajisnik que le 5 avril 1992,

donc avant le commencement du conflit armé à Zvorni k, les Musulmans ont ouvert le feu dans le

village de Sapna, municipalité de Zvornik en tu ant l’officier Stanojevic et en blessant deux

personnes 9. L’histoire était confirmée par le témoin protégé B 1804 dans l’affaire Milosevic qui a

confirmé que le conflit à Zvornik a en effet comme ncé par le meurtre à Sapna et les barricades qui

10
étaient posées ensuite .

3 o
TPIY, Le procureur c. Slobodan Milosevic, affaire n IT-02-54-T, compte rendu, p. 31856.
4
Ibid., p. 31857-31858
5
Ibid., p. 31857
6Ibid., p. 31859.

7Ibid., p. 31862.

8CR 2006/6, p. 16, par. 20.
9 o
TPIY, Le procureur c. Momcilo Krajisnik, affaire n IT-00-39&40-T, compte rendu, p. 12692
10 o
TPIY, Le procureur c. Slobodan Milosevic, affaire n IT-02-54-T, compte rendu, p. 31589. - 13 -

13. Cette description des événements à Zvornik diffère de la description offerte par le

demandeur. Zvornik n’était pas un endroit calme dans lequel les différentes communautés vivaient

paisiblement. Zvornik était l’endr oit de la peur, où les unités paramilitaires régnaient, où les actes

criminels étaient commis, les pillag es, les mauvais traitements et finalement les meurtres. En tout

cas, les crimes à Zvornik étaient bien commis, par les Musulmans et par les Serbes, toutefois, dans

les deux cas il est impossible de parler d’une intention génocidaire.

14. La situation était la même dans toutes les villes de la Bosnie orientale. S’agissant des

événements à Foca, l’agence CIA a noté : «As elsewhere in Drina Valley, there had been trouble in

Foca for weeks before the April 1992.» 11

15. Les événements à Visegrad ont été également présentés incorrectement par le demandeur

qui disait : «the Uzice Corps, a wholly Serb unit of the JNA, shelled the city of Visegrad and many

12
of the Muslims, Bosnian Muslims, fled the town» . Le demandeur prétend que cette allégation

provient du paragraphe 42 du jugement rendu par le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie dans l’affaire

de Visegrad. Cependant le paragraphe 42 ne contient aucun des éléments susmentionnés. Au

contraire, le Tribunal a jugé :

«many civilians fearing for their lives fled from their villages. In early April 1992, a

Muslim citizen of Visegrad, Murat Saba novic, took control of the local dam and
threatened to release water. On about 13 April 1992, Sabanovic released some of the
water damaging properties downstream. The following day, the Uzice Corps of the

Yugoslav national Army («JNA») interv ened, took over the dam and entered
Visegrad.» 13

16. En plus, conformément au jugement rendu dans l’affaire Vasiljevic :

«the actual arrival of the JNA Corps had … a calming effect. After securing the town,

JNA officers and Muslim leaders jointly led a media campaign to encourage people to
return their homes… The JNA also set up negotiations between the two sides to try to
defuse ethnic tension.» 14

17. En effet, le rôle de la JNA à Visegrad était différent du rôle que le demandeur veut lui

conférer. Bien entendu, cela n’excuse pas des crimes qui ont eu lieu à Visegrad après le départ des

unités de la JNA. Les crimes étaient bien commis, mais le génocide n’a pas été commis.

11
Balkan Battlegrounds, A Military Histor y of the Yugoslav Conflict, 1990-1995 , vol. 2, Central Intelligence
Agency, Washington, 2005, p. 299.
12
CR 2006/6, p. 17, par. 23.
13TPIY, Le procureur c. Mitar Vasiljević, affaire n IT-98-32, jugement, 29 novembre 2002, par. 42.

14Ibid., par. 43. - 14 -

18. Le demandeur souhaite une fois de plus ét ablir les faits, cette fois ceux qui se seraient

produits à Visegrad, sur la base du constat judiciaire des faits jugés établi par une décision dans

15
l’affaire Krajisnik . Le constat judiciaire ne signifie pas que les faits sont établis, ils ne sont que

présumés. Le demandeur le reconnaît d’ailleurs lui-même car, dans sa plaidoirie du

28 février 2006, il a expliqué que : «by taking judici al notice of an adjudicated fact, a trial chamber

establishes a well-founded presumption for the accuracy of the fact, which therefore does not have

to be proven again at trial». Le demandeur a ad mis aussi que : «the adjudicated fact may, subject

16
to that presumption, be challenged at that trial» . Nous acceptons entière ment la présentation du

demandeur du constat judiciaire des faits jugés qui prouve qu’un tel fait est une présomption qui

peut être contestée et démontrée comme erronée.

19. En plus, le demandeur disait que les forma tions paramilitaires étaient restées à Visegrad

après le départ de la JNA en spécifiant que les atrocités étaient commises par l’unité paramilitaire

connue sous le nom des «Aigles blancs». Nous ne contestons pas que l’unité paramilitaire a

commis des crimes, mais nous contestons que les forces serbes de Bosnie et particulièrement

l’unité mentionnée, les «Aigles blancs», étaient sous commandement de Vinko Pandurevic, officier

de l’armée de la Republika Srpska, ce que le demandeur suggère dans ses plaidoiries du

2 mars 2006 1.

20. L’allégation du demandeur selon laquelle Vinko Pandurevic commandait à l’époque les

forces des Serbes de Bosnie dans la région de Visegrad serait fondée sur un acte d’accusation du

procureur du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie . Cependant, cet acte d’accusation ne suggère

nullement que Vinko Pandurevic était le commandant des forces serbes de Bosnie à Visegrad en

1992. L’acte d’accusation contre Vinko Pandurevic allègue que: «During the time period to the

events described in this Indictment, Vinko Pandurevic, was a lieutenant colonel in command of the

Zvornik Brigade of the Drina Corps of the VRS [army of the Republika Srpska].» 18 L’acte

d’accusation auquel le demandeur se réfère concerne les événements à Srebrenica en juillet 1995 et

15
CR 2006/6, p. 18-19.
16CR 2006/3, p. 51, par. 66.

17CR 2006/6, p. 18, par. 26.

18TPIY, Le procureur c. Vinko Pandurevic , affaire n IT-05-88-PT, acte d’accusa tion consolidé et modifié,
11 novembre 2005, par. 13. - 15 -

er 19
couvre exclusivement la période du 11 juillet au 1 novembre 1995 , et dans cette période en 1995

Vinko Pandurevic était bien le commandant de la brigade de Zvornik. Le demandeur a

correctement constaté que l’unité paramilitaire l es «Aigles blancs» était présente à Visegrad en

1992. Le commandant de cette unité est connu. L’unité était sous le commandement de

Milan Lukic, un Serbe de Bosnie, originaire du villa ge de Rujiste, situé à 15 kilomètres au nord de

Visegrad 20.

21. Le demandeur cite l’exemple de Bijeljin a où les Serbes auraient pris le pouvoir le

31 mars 1992. La population de Bijeljina était majoritairement serbe puisque 60 % de ses résidents

étaient des Serbes. Si la Bosnie-Herzégovine a proclamé, à l’époque, contre la volonté du peuple

serbe et en violation de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine son indépendance, elle n’était pas

encore internationalement reconnue et son indé pendance était contestée par les Serbes de Bosnie

qui, à l’époque, ne considéraient certainement pa s que la rivière Drina représentait une frontière

internationale. Certes, la reconnaissance intern ationale n’est pas un élément nécessaire pour la

constitution de l’Etat, mais en mars 1992, la Bosnie-Herzégovine ne correspondait pas à la

définition généralement admise d’un Etat, comme un e collectivité qui se compose d’un territoire,

d’une population soumis à un pouvoir organisé 21.

22. Certes, le fait que la rivière Drina n’a pas été reconnue par les Serbes de Drina comme

une frontière internationale n’excuse pas les crimes commis à Bijeljina. Mes ces crimes ne peuvent

être considérés comme faisant partie d’un plan d’élim ination de la frontière sur la rivière Drina.

Par ailleurs, l’allégation que les Serbes ont pris le pouvoir à Bijeljina n’est pas vraiment exacte, ils

y étaient majoritaires et ils avaient le même droit d’y être au pouvoir que les Musulmans. Bijeljina,

comme d’ailleurs toutes les autres villes en Bosnie orientale, appa rtenait aux Serbes de Bosnie au

même titre qu’aux Musulmans bosniaques.

23. En décrivant les événements à Bijeljina, le demandeur cite , encore une fois, la décision

rendue dans l’affaire Milosevic en application de l’article 98 bis du Règlement du Tribunal et

prétend que : «The Milosević trial chamber, in their dismissal of the defence motion for acquittal of

19
ICTY, Prosecutor v. Vinko Pandurević (IT-05-88-PT), Consolidated Amended Indictment, 11 November 2005,
para. 26.
20ICTY, Prosecutor v. Milan and Sredoje Lukic (IT-98-32/1-PT), Indictment, 1 February 2006.

21A. Pellet, P. Dailler, Droit international public, LGDJ, 7 éd., 2002, p. 408. - 16 -

the charge of genocide, concluded that they ha d heard enough evidence for a trial chamber to find

beyond reasonable doubt that a number of events had occurred.» 22 Cette déclaration n’est pas

correcte. Premièrement, le para graphe cité de la décision ne prétend pas que les preuves sont

suffisantes pour que les faits soient établis au-d elà de tout doute raisonnable. Deuxièmement,

conformément au Règlement du Tribunal, les dé cisions relatives aux requêtes sur l’acquittement

rendues en application de l’article 98 bis ne peuvent établir les faits au-delà de tout doute

raisonnable puisque ces décisions sont rendues avan t même que la défense ait eu l’occasion de

présenter ses moyens de preuve. Ces décisions n’établissent que la probabilité que les preuves

présentées par le procureur pourraient suffire pour que les faits allégués soient prouvés. Comme le

demandeur l’a reconnu dans sa plaidoirie du 28 février 2006, le test qui s’applique sur les décisions

rendues en application de l’article 98 bis du Règlement du Tribunal est : «is not whether the trier of

fact would actually arrive at a conviction beyond reasonable doubt on the prosecution evidence, but

whether it could do so» 2.

24. Par ailleurs, le demandeur a cité la d éclaration du témoin B129, ancienne secrétaire du

paramilitaire serbe, Arkan, qui a témoigné devant le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie dans l’affaire

Milosevic 24. Le demandeur a rapporté uniquement une partie du témoignage du témoin B129 en

oubliant de citer la partie de ce tte déclaration dans laquelle le témoin disait : «As far as Bijeljina is

concerned Arkan himself said he had gone at the i nvitation of Biljana Plavsic to assist the Serb

people in RS and that their assignment was to disarm the Muslims…» 25 En plus le demandeur n’a

pas dit que les déclarations de ce témoin, concer nant l’année 1992, ne sont que ouï-dire car le

témoin n’a pas eu de c ontacts avec Arkan avant le mois de fé vrier 1993. Lors de son témoignage

devant le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, le té moin a reconnu que: «Whenever I testified the

period from 1991 inclusive with Febr uary 1993… I always stated that these were what the people

said.» 26

22
CR 2006/6, p. 12, par. 9.
23
CR 2006/3, p. 48, par. 51.
24CR 2006/6, p. 13, par. 10.

25TPIY, Le procureur c. Slobodan Milosevic, affaire n IT-02-54-T, compte rendu, p. 19424.

26Ibid., p. 19497. - 17 -

25. Nous ne contestons pas que les crimes ét aient commis à Bijeljina. La situation était

tendue, les gens étaient armés, l’ ordre public n’existait pas puisque l’Etat ne fonctionnait pas. Les

unités paramilitaires des Serbes de Bosnie mais au ssi des Musulmans bosniaques étaient présentes

à Bijeljina, et les combats se sont développés. La commission d'experts a noté dans son rapport les

événements à Biljeina en disant: «The ba ttles engulfed the town for three days and

nights…reportedly thousands of ref ugees fled for Bijeljina into Serbia.» 27 Même si nous ne

sommes pas particulièrement convaincus de la crédibilité des faits rapportés par la commission

d’experts lorsqu’elle relate des crimes commis, cette constatation concernant la situation générale à

Bijeljina pourrait être exacte et, au moins, elle m ontre que les événements à Bijeljina n’étaient pas

si simples comme le demandeur souhaite les présenter.

26. Le demandeur allègue que la prise du pouvoir à Bijeljina était marquée par la

28
discrimination contre les Musulmans bosniaques et les Croates . Personne ne conteste que le

déplacement de la population a eu lieu à Bijeljina. La structure actuelle de la population à Bijeljina

est marquée par le départ de la population musulmane et l’arrivée des réfugiées serbes des

territoires sous contrôle du Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine. Actuellement Bijeljina a

cent cinq mille habitants, tandis qu’elle en avait quatre-vingt-seize mille en 1991 29. Cependant,

30
selon les preuves présentées par le demandeur, le pourcentage des Croates à Bijeljina a augmenté

ce qui signifie que le nombre total de Croates vivant à Bijeljina est plus grand aujourd’hui

qu’en1991. Bien entendu, cela ne signifie pas qu’ il n’y avait pas de cas isolés de discrimination

contre les Croates, mais le demandeur n’a pas présenté de preuves d’une telle discrimination,

comme d’ailleurs il n’a pas présenté de preuves que la population croate aurait été victime des actes

criminels à Bijeljina.

27. Dans toutes les municipalités dans la Bosnie orientale, la situation démographique est en

réalité différente de la situation présentée par le demandeur. Ainsi, l’ancienne municipalité de

Zvornik est aujourd’hui divisée en deux parties, ce qui était exactement la proposition serbe avant

27Final Report of the United Nations Commission of Experts, 28 décembre 1994, annexe III A, «Special Forces».
28
CR 2006/6, p. 11; par. 8.
29Http://en.wilkipedia.org/wiki/Bijeljina.

30CR 2006/6, p. 23, par. 39. - 18 -

la guerre, l’objectif qui aurait pu être atteint de manière pacifique. En1997, la municipalité de

Zvornik, la partie qui est restée en Republika Sr pska avait une population dont 96,81 % étaient les

Serbe, 3,19 % étant la population non serbe. Toutefoi s, le président de la municipalité de Zvornik

31
est le Musulman bosniaque M.Vehid Kadric . En revanche, la popula tion de la municipalité

Sapna, la partie musulmane de l’ancienne municipa lité de Zvornik, située sur le territoire de la

Fédération croato-musulmane, ét ait en1997 100% musulmane: aucun Serbe, aucun Croate, que

32
des Musulmans bosniaques .

28. La situation est très similaire à Foca qui est aussi aujourd’hui une municipalité divisée

entre la Republika Srpska et la Fédération croato -musulmane. Nous ne nions pas que les Serbes

sont majoritaires dans la partie serbe de Foca. Précisément en1997, les Serbes faisaient 96,21%

de la population, 3,79 % étant des non-Serbes. Toutefois, dans la partie appartenant à la Fédération

croato-musulmane, la population en 1997 était 100 % musulmane. Une fois de plus, aucun Serbe,

aucun Croate, aucun membre de n’ importe quelle autre nationalité, ce tte partie de la ville n’est

peuplée que des Musulmans bosniaques 33.

29. Le demandeur allègue qu’a près la guerre les Musulmans ne faisaient que 0,1% de la

population de Bratunac. Nous ne contestons pas qu’immédiatement après la guerre seuls quelques

Musulmans bosniaques vivaient à Bratunac. Cependant, en2002, les Musulmans bosniaques

constituaient 15,5 % de la population de Bratunac et le président actuel de l’Assemblée municipale

34
est le Musulman bosniaque, M. Refik Begic .

30. Comme à Bratunac, le président actuel de l’Assemblée municipale à Visegrad est le

35
Musulman bosniaque, M. Redzep Jelacic .

31. Par ailleurs, la population croate n’a pas augmenté seulement à Bijeljina, mais en toute

Bosnie orientale. Conformément aux preuves pr ésentées par le demandeur, en plus de Bijeljina,

31
Http://www.opstina-zvornik.org.
32 os
TPIY, Le procureur c. Momcilo Krajisnik , affaire n IT-00-39 et 40, pièce à c onviction P 528, Ewa Tabeau
⎯Ethnic Composition and Displaced Persons and Refuge es in 37 Municipalities of Bosnia and Herzegovina ⎯ 1991
and 1997 by Ewa Tabeau and Marcin Zoltkowski, p. 20.

33 TPIY, Le procureur c. Momcilo Krajisnik, affaire n IT-00-39 et 40, pièce à conviction P 528, Ewa Tabeau ⎯
Ethnic Composition and Displaced Pers ons and Refugees in 37 Municipal ities of Bosnia and Herzegovina ⎯ 1991 and
1997 by Ewa Tabeau and Marcin Zoltkowski, p. 19.

34 Http://www-bratunacopstina.com.
35
Http://www.opstinavisegrad.org. - 19 -

36
plus de Croates vivent aujourd’hui qu’avant la guerre dans les municipalités de Bratunac ,

Visegrad 37, Foca 38 et Vlasenica . Jamais la population croate n’ était nombreuse dans la Bosnie

orientale, mais le fait est qu’elle est plus nombr euse aujourd’hui qu’elle ne était en1991. Le

nombre des Croates en Bosnie orientale est certainement dû au fait que les Serbes et les Croates

n’étaient pas en guerre dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine, mais aussi au fait qu’une partie

de la population croate expulsée par les Musulmans de la Bosnie centrale lors de la guerre entre les

Musulmans et les Croates s’est réfugiée auprès des Serbes en Bosnie orientale.

b) Srebrenica

32. Finalement, le demandeur essaye de démontrer que les événements tragiques qui ont eu

lieu à Srebrenica en 1995 étaient la conséquence l ogique du troisième objectif stratégique, exécuté

non seulement conformément au plan des Serbes de Bosnie, mais également à un plan allégué de

Belgrade selon lequel un territoire de 50kilomètres de deux côtés de la rivière Drina devait être

assuré aux Serbes. Sans égard les causes des événements à Srebrenica, cette épisode est tragique, il

est sans aucun doute criminel, mais il ne peut en aucun cas être lié au troisième objectif stratégique

et encore mois à un prétendu plan de Belgrade.

33. Avant d’entrer dans l’analyse de la vision des événements à Srebrenica, présentée par le

demandeur lors des plaidoiries du 19avril20 06, nous devons dire que la chronologie des

événements, telle que présentée par le demandeur et qui devait être la preuve ultime du plan 40, est

tout simplement inexacte. Nous sommes certains que l’erreur, pourtant grave, n’était pas délibérée,

mais nous devons toutefois la corriger. Le dema ndeur a présenté un plan, un plan qui n’a jamais

existé car le dernier point de ce plan, celui qui devrait être le poi nt final, la mise en exécution des

objectifs stratégiques, mais aussi des directiv e7 de Radovan Karadzic et directive7/1 de

RatkoMladic, la fameuse déclaration du colone l Ognjenovic, commandant de la brigade de

Bratunac, qui selon le demandeur aurait été faite le 4 juillet 1995, n’a pas pu être faite à cette date

36CR 2006/6, p. 23, par. 39.
37
Ibid., p. 19, par. 28.
38
Ibid., p. 15, par. 18.
39Ibid., p. 24, par. 43.

40CR 2006/32, p. 41. - 20 -

puisque le colonel Ognjenovic à l’époque n’était pl us le commandant de cette brigade. Nous ne

nions pas que cette déclaration du colonel Ognjenovic existe. Oui, elle existe, mais elle a eu lieu le

4 juillet 1994 , bien avant que les directives7 et 7/1 qui représenteraient les maillons du plan

présenté par le demandeur aient été écrites, et en conséquence elle ne pouvait en aucun cas être la

conséquence ou le produit d’un plan qui aurait été élaboré dans ces directives. Afin d’établir un

plan, qu’il ne peut établir car il n’a jamais existé, le demandeur a présenté une chronologie inexacte

des événements qui ont précédé la prise de Sreb renica. Nous sommes convaincus qu’erreur était

faite par inadvertance, mais elle reste une erreur et les événements présentés par le demandeur ne

correspondent simplement pas aux faits. Par aille urs, le généralDannatt, l’expert du demandeur

dans cette affaire, qui a été également l’expert du procureur dans l’affaire Krstic, a déclaré devant

le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie que la directiv e7 n’a jamais été envoyée au corps de Drina 42.

En conséquence les unités du corps de Drina ne pouvaient en aucune manière avoir sa connaissance

et agir selon les instructions qui y auraient figurées.

34. S’agissant des autres éléments que le demandeur essaie de représenter comme un plan

bien établi, nous devons d’abord analyser les preuves relatives au plan conçu prétendument par

Belgrade. La seule preuve de ce plan pr ésentée par le demandeur devant cette Cour 43, et la seule

preuve qui a jamais été présentée sur ce plan prétendu devant le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie,

est la déclaration de Miroslav Deronjic sel on laquelle celui-ci aurait entendu à Belgrade qu’un

territoire dont la largeur serait de 50 kilomètres aurait dû être assuré sur la rive gauche de la rivière

44
Drina, c’est à dire en Bosnie-Herzégovine . Cette déclaration de Miroslav Deronjic n’a jamais été

corroborée par d’autres preuves. Nous avons analysé auparavant la crédibilité de

MiroslavDeronjic. Les différentes Chambres du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, y compris la

Chambre d’appel, ont rejeté les déclarations de Miroslav Deronjic, car celui-ci ne pouvait être

considéré comme un témoin crédible. La déclara tion citée par le demandeur est particulièrement

41 TPIY, Le procureur c. Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic , affaire n IT-02-60-T, jugement, 17 janvier 2005,
par. 103; Le procureur c. Vujadin Popovic et consorts, affaire n IT-05-88-PT, acte d’accusati on consolidé et modifié,

11 novembre 2005, par. 23.
42 TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-T, compte rendu du 25 juillet 2000, p. 5689-5690.

43 CR 2006/4, p. 38, par. 8.
44 o
TPIY, Le procureur c. Miroslav Deronjic , affaire n IT-02-61-S, témoignage de Miroslav Deronjic, compte
rendu du 27 janvier 2004. - 21 -

peu crédible, car il s’agit de la déclaration de Miro slav Deronjic dans sa propre affaire relative à la

détermination de la peine. Cette déclaration n’a pas pu être examinée proprement car personne

dans cette procédure n’était particulièrement intéressé dans un prétendu plan de Belgrade. La seule

personne intéressée était Miroslav Deronjic qui pouvait espérer que l’implication de Belgrade

pourrait aider le procureur dans d’autres affaires. La coopération avec le procureur est considérée

par le Tribunal comme une circonstance atténuante et il est très probable que Miroslav Deronjic, en

s’accommodant aux souhaits du procureur, espérait obtenir une peine plus douce.

35. Toutefois, en pleine connaissance du fait que le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie a

conféré aux déclarations de Miroslav Deronjic une crédibilité limitée, le demandeur se réfère à sa

déclaration qui devrait être l’unique preuve d’ un plan prétendu de Belgrade concernant les

territoires en Bosnie-Herzégovine. Il tire même la conclusion que le troisième objectif stratégique

était la conséquence de ce plan prétendu et non confirmé de Belgrade. Aucune preuve n’a été

présentée que les objectifs stratégiques des Serbes de Bosnie auraient été établis sur la base d’un

plan préalable de Belgrade. Par ailleurs, si le tr oisième objectif stratégique était l’élimination de la

frontière sur la rivière Drina, cet objectif ne c ontenait aucune mention au prétendu territoire de

50kilomètres. De l’autre côté, si l’élimination de la frontière sur la rivière Drina était une

prétention des Serbes de Bosnie, celle-ci n’a jamais reçu le soutien des autorités de Belgrade.

36. Le demandeur voit dans ce plan, prétendu et non confirmé, que Belgrade aurait eu la

réalisation du projet de la Grande Serbie qui aurait eu pour objet la création d’une nouvelle

Yougoslavie dans laquelle tous les Serb es auraient vécu dans le même Etat 4. Ce n’est que

l’allégation du demandeur, mais c’est aussi une a llégation contraire à la logique. La Yougoslavie

était un Etat multiethnique dont la nature en soi ne correspondait pas aux allégations relatives à un

Etat national des Serbes. En plus, la prise du te rritoire qui s’étend 50kilomètres à l’ouest de la

rivière Drina n’aurait certainement pas permis à tous les Serbes de vivre dans un même Etat, car

plus d’un million de Serbes vivant dans la Bosanska Krajina, qui est en Bosnie occidentale, et en

Republika Srpska Krajina, qui est en Croatie, serai ent restés en dehors de cet Etat. Le demandeur

essaie de faire une construction impossible afin de lier Belgrade aux objectifs du peuple serbe en

45
CR 2006/4, p. 38, par. 10. - 22 -

Bosnie-Herzégovine, mais ce lien n’existe pas, il n’a jamais existé. En conséquence, le demandeur

ne peut que faire des constructions qui ne peuvent résister à aucune analyse sérieuse et logique.

37. Le demandeur ne se satisfait pas de faire une construction liant le plan prétendu et non

confirmé de Belgrade aux objectif s stratégiques des Serbes de Bosnie. Il essaie aussi de lier les

événements tragiques qui ont eu lieu à Srebreni ca en juillet1995 aux objectifs stratégiques des

Serbes de Bosnie, mais aussi à ce plan prétendu de Belgrade.

38. Ainsi, le demandeur allègue en se référant à l’affaire Blagojevic jugée devant le Tribunal

pour l’ex-Yougoslavie que: «the plan for the fina l attack on Srebrenica must have been prepared

quite some time before July 1995» 46. Cette allégation est une défo rmation des conclusions de la

Chambre de première instance dans l’affaire Blagojevic. En effet, le paragraphe106, le seul

paragraphe parmi ceux a uxquels le demandeur se réfère qui est relatif à l’action militaire à

Srebrenica, ne mentionne pas le plan d’attaque à Srebrenica mais le plan pour la séparation des

47
enclaves de Srebrenica et Zepa .

39. Par ailleurs, dans sa plaidoirie du 19 avril2006, le demandeur prétendait que le

paragraphe93 de l’arrê t rendu dans l’affaire Krstic ne soutient pas la thèse que le plan pour les

48
meurtres massifs à Srebrenica n’a été fait que le 12 juillet 1995 .

Madame le président, Messieurs les juges, il n’a jamais été dit que la Chambre d’appel a

conclu que le plan a été conçu le 12 juillet 1995, cependant la Chambre d’appel a rapporté dans son

arrêt la thèse du procureur que ce plan a été créé le 12 juillet 1995. Afin d’être parfaitement clair

sur ce point, nous allons citer encore une fois le paragraphe93 de l’arrêt de la Chambre d’appel

dans l’affaire Krstic, selon lequel: «The Prosecution argues that this evidence shows that a firm

plan to kill the Muslim men of Srebre nica was formed as early as 12 July 1995.» 49 Cette thèse du

procureur était confirmée par le général Dannatt qui a déclaré da ns son témoignage devant le

Tribunal pour l’ex-Yougoslavie qu’il: «believe that the decision to kill the men was a decision

46
CR 2006/4, p. 48, par. 44, et note de bas de page 73.
47 TPIY, Le procureur c. Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic , affaire n IT-02-60-T, jugement, 17 janvier 2005,

par. 106.
48CR 2006/32, p. 62, par. 72.

49TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-A, arrêt, 19 avril 2004, par. 93. - 23 -

taken in the Potocari environment» 50. Il n’a jamais été contesté que les Serbes de Bosnie ne sont

entrés à Potocari que le 11 juillet 1995.

40. Le demandeur continue dans sa tentative d’ét ablir le plan et cite le paragraphe106 du

jugement dans l’affaire Blagojevic qui rapportait le contenu de la directive7 édictée par

RadovanKaradzic, président de la Republika Srpska et le commandant suprême des forces des

Serbes de Bosnie, le 8 mars 1995. Cette directive contenait une phrase certainement déplacée selon

laquelle les opérations militaires devaient créer: «an unbearable situation of total insecurity with

51
no hope of further survival or life for the inhabitants of both enclaves» . Les «habitants de deux

enclaves» signifie les habitants de Srebrenica et Zepa. La Chambre de première instance a

expliqué ensuite que le général Mladic a rendu le 31 mars 1995, sur le fondement de la directive 7,

52
la directive7/1 . Le jugement ne cite pas le texte de la directive7/1, mais le texte de cette

directive fait partie du dossier de l’affaire Blagojevic, et il n’est pas difficile de s’apercevoir que le

texte de la directive7/1 ne contient pas la phrase fâcheuse concernant les conditions de vie des

habitants des enclaves mais détermine la tâche du corps de Drina dans les termes qui démontrent

53
clairement que cette tâche était de séparer les enclaves Srebrenica et Zepa l’une de l’autre .

41. Pendant sa plaidoirie du 2 mars dernier, le de mandeur a cité le texte de la directive 7 et a

posé la question, à savoir : «What could be the more clear-cut intention of the genocidal intent to

54
destroy on the part of the authorities in Pale.» Dans l’affaire Krstic, les juges de la Chambre

d’appel du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie ont cons idéré cette même directive et ont conclu:

«Directives 7 and 7.1 are insufficiently clear that there was a genocidal intent on the part of the

members of the Main Staff who issued them. I ndeed the Trial Chamber did not even find that

those who issued Directive 7 and 7.1 had genocidal intent.» 55

50 o
TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-T, compte rendu du 25 juillet 2000, p. 5732.
51TPIY, Le procureur c. Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic , affaire n IT-02-60-T, jugement, 17 janvier 2005,

par. 106.
52Ibid.

53TPIY, Le procureur c. Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic, affaire n IT-02-60-T, pièce à conviction P 402.

54CR 2006/6, p. 37, par. 26.
55 o
TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-A, arrêt, 19 avril 2004, par. 90. - 24 -

42. Ce qui apparaît si limpide au demandeur semblait, de toute évidence, bien moins clair

aux juges du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie qui n’ont pas trouvé que l’intention génocidaire

56
pouvait être déduite du texte des directives 7 et 7.1 .

43. Par ailleurs, même le procureur du Tribuna l pour l’ex-Yougoslavie a accepté que le plan

n’ait pu être conçu qu’entre les 11 et 12 juillet 199 5, car il allègue dans le dernier acte d’accusation

dressé, concernant les événements à Srebrenica, contre les huit Serbes de Bosnie, que: «On the

evening hours of 11 July and morning of 12 July, at the same time the plan to forcibly transport the

Muslim population from Potocari was developed, Ratko Mladic and members of his staff

57
developed a plan to murder the hundreds of able bodied men.» Nous ne citons pas cet acte

d’accusation afin d’établir les faits qui y sont allégués car l’acte d’accusation n’est que la thèse

d’une partie, mais nous citons ce paragraphe parce qu’il démontre qu’après dix ans d’enquêtes, le

procureur du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie n’a pu trouver aucune trace d’un plan criminel qui

aurait existé avant le 11 juillet 1995.

44. Ainsi, ni la directive 7 édictée par le commandant suprême Radovan Karadzic et encore

moins la directive7.1 édictée par Ratko Mladic qui a changé le texte original de la directive7 ne

peuvent être considérées comme des actes dont une intention génocidaire pourrait être déduite. Ces

directives en relation avec les enclaves Srebreni ca et Zepa conféraient une tâche complètement

différente aux forces du corps de Drina qui était la protection de la popul ation serbe des attaques

continues provenant des enclaves. L’enclave de Srebrenica n’a jamais été démilitarisée bien

e
qu’elle aurait dû l’être. La 28 division de l’armée de la Bosn ie-Herzégovine avait son état-major

dans la ville et les Musulmans bosniaques, membres de la 28 edivision, attaquaient continuellement

les villages peuplés par des Serbes.

45. Le procureur du Tribunal pour l’ex-Yougos lavie a accepté le fait que Srebrenica n’a

jamais été démilitarisée. Dans sa déclaration liminaire dans l’affaire Blagojevic, le procureur

disait :

«And then for two years we had Sreb renica and Zepa allegedly demilitarized

but in fact not so demilitarized. The UN w as able to take the heavy weapons of the

56TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-A, arrêt, 19 avril 2004, par. 90.

57TPIY, Le procureur c. Vujadin Popovic et consorts , affaire n IT-05-88-PT, acte d’a ccusation consolidé et
modifié, 11 novembre 2005, par. 27. - 25 -

Serbs…but the Bosnian Army stayed insi de the enclaves and were able to run
operations outside of the enclaves, attacking and terrorizing Serb villages and creating
58
general chaos.»

46. En conséquence, aucun des crimes qui ont eu lieu à Srebrenica, car nous ne contestons

pas que les crimes avaient eu lieu à Srebrenica, ne peut être lié à un plan préalable ou à la directive.

Ces événements peuvent encore moins être liés aux objectifs stratégiques adoptés en mai 1992. Par

ailleurs, il faut rappeler que lo rs de l’adoption des objectifs stratégiques, le 12mai1992,

RadovanKaradzic a expliqué de vant l’Assemblée du peuple serbe que: «We and our strategic

interests and our living space are on both sides of the Drina. We now see possibility for some

Muslims municipalities to be set up along the Drina as enclaves in order for them to achieve their

59
rights, but it must basically belong to Serbian Bosnia and Herzegovina.»

47. En plus, le demandeur ne présente pas correctement les événements qui ont précédé les

combats à Srebrenica en juillet1995. Ainsi, le 28 février dernier, le demandeur disait que: «The

first days of July … were used by the Serb side to get their troops ready for the attack. All troops

60
in the wider area were notified that the attack would begin on 6July1995.» Le demandeur ne

présente pas de preuves pour cette allégation qui, de toute façon, n’est pas exacte. En effet, l’ordre

n’a pas été notifié à toutes les unités dans la région, mais à certaines unités du corps de Drina que la

Chambre de première instance du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie dans l’affaire Blagojevic a

identifiées en jugeant que: «the order included sp ecific orders to Drina Corps subordinate units:

the Bratunac Brigade, the Zvornik Brigade, the M ilici Brigade and parts of the Skelani Brigade» 61.

Dans l’affaire Blagojevic le Tribunal a également jugé que : «The stated objective of the attack on

62
the Srebrenica enclave was to reduce «the enclave to its urban area» et ensuite «As the operation

progressed its military object changed from «reduc ing the enclave to the urban area» to the

63
taking-over of Srebrenica town and the enclave as a whole.»

58 TPIY, Le procureur c. Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic , affaire n IT-02-60-T, compte rendu du
14 mai 2002, p. 307.

59 Compte rendu de la seizième session de l’Assemblée du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine du 12 mai 1992 à
Banja Luka, TPIY, affaire Brdjanin, affaire nT-99-36-T, pièce à conviction P 50A, p. 14.

60 CR 2006/4, p. 50, par. 53.
61 o
TPIY, Le procureur c. Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic, affaire n IT-02-60-T, jugement, 17 janvier 2005,
par. 120.
62
Ibid.
63 o
TPIY, Le procureur c. Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic, affaire n IT-02-60-T, jugement, 17 janvier 2005,
par. 130. - 26 -

48. Par ailleurs, dans sa déclar ation liminaire dans l’affaire Blagojevic, le procureur du

Tribunal pour l’ex-Yougoslavie a considéré la lé galité des tâches militaires confiées au corps de

Drina et a déclaré que: «Srebrenica and Zepa were illegally communicating and transferring

weapons and assisting each other in the attacks on Serbs. And this is the legitimate aim of the VRS

64
to stop this.» La position très similaire a été adoptée par la Chambre de première instance du

Tribunal dans l’affaire Krstic qui a conclu: «the plan for Krivaja 95 certainly did not include a

VRS scheme to bus the Bosnian Muslim civilian popul ation out of the enclave, nor to execute all

the military aged Bosnian Muslim men, as ulti mately happened following the take-over of

Srebrenica» 65.

49. L’expert militaire, le général Dannatt qui était appelé devant votre Cour par le

demandeur a témoigné devant le Tribun al pour l’ex-Yougoslavie dans l’affaire Krstic et a déclaré

que l’opération militaire à Srebrenica avait des rais ons militaires justifiées. Il s’est expliqué dans

les termes suivants :

«the extent to which, therefore, the atta ck on Srebrenica was a legitimate military act,
according to general Geneva Convention norms, is my answer is yes, it is not

unreasonable for the Serbs to have attacked the 66clave of Srebrenica in which there
were known to be Muslim military men.»

L’autre expert militaire du procureur dans l’affaire Krstic, M. Richard Buttler, a exprimé dans son

témoignage devant le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie l’opinion que les civils à Srebrenica n’étaient

67
la cibles des bombardements .

50. En conséquence, la déclaration du demandeur selon laquelle lors des combats à

68
Srebrenica, la ville était bombardée et la cible de ces bombardements était des civils , ne peut être

acceptée comme confirmée et généralement reconnue . L’attaque militaire avait sa justification

militaire et le bombardement très probablement n’éta it pas dirigé contre la population civile mais

contre les cibles militaires situées dans le centre de la ville où se trouvait d’ailleurs l’état-major de

e
la 28 division de l’armée de la Bosnie Herzégovine.

64 o
TPIY, Le procureur c. Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic, affaire n IT-02-60-T, compte rendu du
14 mai 2002, p. 308.
65 o
TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-T, jugement, 2 août 2001, par. 120.
66 TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-T, compte rendu du 25 Juillet 2000, p. 5695.

67 Ibid., p. 5318.
68
CR 2006/4, p. 50, par. 53. - 27 -

e
51. Il est bien connu que la 28 division de l’armée de la Bo snie Herzégovine était dans la

ville de Srebrenica. L’état-major de cette division qui comptait plusieurs milliers d’hommes

militaires se trouvait dans le bâtimen t de la poste dans le centre de la ville de Srebrenica. Le

général Halilovic, général dans l’ armée de la Bosnie-Herzégovine a témoigné devant le Tribunal

pour l’ex-Yougoslavie dans l’affaire Krstic qu’il avait ordonné à ses subordonnés de ne pas livrer

les armes utilisables ou la munition à la FORPRONU. Conformément à son ordre, seules les armes

qui n’étaient pas en fonction étaient livrées à la FORPRONU, tandis que les armes en bon ordre et

69
pouvant servir étaient conservées par les forces musulmanes . En plus, le général Halilovic a

admis que les hélicoptères, en violation de l’in terdiction de vol, apportaient les munitions aux

Musulmans à Srebrenica, en reconnaissant qu’i l a personnellement envoyé huit hélicoptères avec

e 70
les munitions pour la 28 division . En conséquence, il apparaît clairement que l’opération à

Srebrenica avait au départ un objectif militair e qui était la défaite de l’armée de la

Bosnie-Herzégovine, stationnée à Srebrenica.

52. Le général Dannatt a confirmé dans son témoignage devant le Tribunal pour

l’ex-Yougoslavie dans l’affaire Krstic que :

«If the objective was to defeat the Muslim army in Srebrenica so that Srebrenica
as a military objective could be taken, th en the use of artillery against military

objectives in concert with infantry and arm oured attacks is a perfectly legitimate and
reasonable way to conduct an operation.» 71

53. Les événements qui ont suivi la prise du pouvoir à Srebrenica ne sont pas si évidents

comme le demandeur veut les présenter. Personne ne conteste la tragédie de Srebrenica, personne

ne conteste les crimes commis dans la région de Sr ebrenica après l’entrée des Serbes dans la ville.

Toutefois, la situation est bien plus complexe que le demandeur ne veut l’admettre.

54. Le demandeur demande à cette Cour de fair e le constat judiciaire du fait que : «7,000 to

8,000 persons were put to death at Srebrenica in just a few days in July1995, and that many

72
thousands more were deported, is now so well known that it can no longer be contested.» Le

nombre allégué par le demandeur est certainement généralement accepté, mais il ne peut être

69 o
TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-T, compte rendu, p. 9466.
70
Ibid., compte rendu, p. 9467-9468; jugement, 2 août 2001, par. 24.
71TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-T, compte rendu du 25 Juillet 2000, p. 5612.

72CR 2006/3, p. 23, par. 2. - 28 -

constaté par un constat judicaire. La raison qui empêche le constat judiciaire se trouve dans le fait

reconnu par le demandeur: la nature et les partie s des affaires devant cette Cour et devant le

Tribunal ne sont pas identiques. Le nombre d es victimes à Srebrenica n’a jamais été contesté

devant le Tribunal pour l’ex-Yougos lavie, donc le Tribunal n’a pas eu besoin d’entrer dans une

analyse détaillée de la tragédie qui, elle, a bien eu lieu.

55. En plus, le Tribunal n’a pas terminé de juger les événements à Srebrenica. Le plus

important procès concernant ces événements doit encore être ouvert et son commencement est

73
prévu pour la fin de cet été . Par ailleurs, le général canad ien Lewis MacKenzie, l’ancien

commandant des forces de la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine a récemment mis en doute le

nombre de huit mille personnes tuées. Certes, ce n’est qu’un article, et nous ne demandons pas

qu’il soit évalué autrement qu’un article, mais il a été écrit par un militaire de haut rang qui connaît

bien la situation en Bosnie-Herzégovine. Dans s on article «The Real Story Behind Srebrenica» le

général MacKenzie a écrit :

«Evidence given at The Hague war crimes tribunal casts serious doubt on the
figure of «up to» 8,000 Bosnian Muslims massacred. That figure includes «up to»
5,000 who have been classified as mi ssing. More than 2,000 bodies have been

recovered in and around Srebrenica, and they include victims of the three years of
intense fighting in the area. The math just doesn’t support the scale of 8,000 killed.
NaserOric, the Bosnian Muslim military leader in Srebrenica, is currently on trial in

The Hague for war crimes committed during hi s «defence» of the town. Evidence to
date suggests that he was responsible fo r killing as many Serb civilians outside
Srebrenica as the Bosnian Serb army was for massacring Bosnian Muslims inside the

town. «Two wrongs never made a right, but those moments in history that shame us
all because of our indifference should not be viewed in isolation without the context
that created them.»» 74

56. Comme nous avons dit, nous ne contestons pas les crimes qui étaient commis à

Srebrenica mais nous demandons qu’ils soient mis dans le contexte. Ils doivent être mis dans le

contexte de cette terrible guerre civile qui a eu lieu en Bosnie-Herzégovine et qui a duré presque

quatre ans.

57. Beaucoup de personnes étaient tuées dans l’opération de Srebrenica, mais un grand

nombre était tué dans les combats. Le général Dannatt a déclaré dans son témoignage devant le

Tribunal pour l’ex-Yougoslavie que :

73 o
TPIY, Le procureur c. Vujadin Popovic et consorts, affaire n IT-05-88-PT.
74Général Lewis MacKenzie, «The Real Story Behind Srebrenica», The Globe and Mail, 14juillet2005, publié
sur le site Internet www.transnational.org/features/2005/MacKenzie_Srebrenica.html - 29 -

«what we in fact saw happening on the groun d in that period in July indicated that
combat operations were ongoing for really quite some time, and particularly the
combat operations against the Muslim column particularly made up of 28th Division

breaking out of Srebrenica. That posed a major threat to the security of the Drina
Corps, and I would have thought that operations against that column was undoubtedly
combat operations.» 75

En plus, le général Enver Hadzihasanovic, général dans l’armée de la Bosnie-Herzégovine a admis

dans son témoignage devant le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie que: «the head of the column

finally managed to break through to Bosnian Musl im-held territory on 16 July 1995. ABiH forces

attacking from the direction of Tuzla assisted by pi ercing a line of about one-and-a-half kilometres

76
for the emerging column» . Ces témoignages venant l’un d’un haut officier de la

Bosnie-Herzégovine et l’autre de la source impar tiale confirment bien que les combats se sont

développés dans la région après l’entrée des Serbes à Srebrenica.

58. S’agissant des événements à Srebrenica en juillet1995, personne n’a jamais contesté

devant le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie que les hommes tués étaient les hommes en âge militaire.

Cependant, personne ne sait et pe rsonne n’a jamais cherché à connaître le nombre de soldats dans

la colonne qui a quitté Srebrenica. Personne ne sait et personne n’a jamais cherché à savoir

combien d’hommes ont été tués dans les combats. Ce sont les questions qui requièrent une réponse

avant que l’acte puisse être qualifié juridiquement. Le meurtre des hommes dans les combats lors

d’une guerre n’est pas un acte criminel, c’est malheureusement le but légitime de l’opération

militaire. Le meurtre des prisonniers de guerre est une violation des conven tions de Genève, c’est

également une violation des lois et des coutumes de la guerre, c’est un crime de guerre, un crime

international extrêmement sérieux, mais la ques tion qui se pose est: Peut-on, sans dévaluer le

génocide, qualifier ce crime, sans doute répugna nt, comme génocide? Et encore il faudrait

peut-être rappeler la position du demandeur e xprimée dans ses plaidoiries du 2 mars 2006 selon

77
laquelle le génocide est un crime dirigé contre la population civile .

59. Comme nous avons déjà dit, les événements à Srebrenica étaient tragiques, mais ils

n’étaient pas planifiés. Srebrenica était procla mée la zone de sécurité et elle devait être

75 o
TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-T, compte rendu du 25 Juillet 2000, p. 5604-5605.
76
Ibid., jugement, 2 août 2001, compte rendu, p. 9529-9530, par. 65.
77CR 2006/7, p. 29, par. 90. - 30 -

démilitarisée. Les forces musulmanes bosniaqu es étaient présentes pendant toute la guerre à

Srebrenica, ces forces musulmanes étaient bien organisées en 28 edivision de l’armée de la

Bosnie-Herzégovine et menaient des attaques contre la population serbe.

60. Ainsi, l’opération militaire conçue par la directive 7/1 et par l’ordre du commandant du

corps de Drina du 2 juillet 1995, était légitime. Les combats entre les Serbes de Bosnie et les

membres de la 28 edivision de l’armée de la Bosnie-Herzé govine se sont développés après l’entrée

des Serbes dans la ville et ont provoqué beaucoup de morts. Les crimes étaient commis, les crimes

terribles et répugnants, mais leur contexte n’était pas celui que le demandeur décrit.

61. Nous devons noter que le demandeur d écrit certains événements sans présenter la

moindre preuve de ses allégations. Ainsi, le demandeur rapporte les di fférents témoignages des

78
militaires néerlandais sans donner leur source . De telles preuves ne peuvent être acceptées. Le

demandeur disait également, lors de sa plai doirie du 28 février 2006, que: «we know from the

79
quotes that I have given earlier to you that, indeed, the order was : kill them all» . Une fois de

plus, le demandeur n’a présenté aucune citation c ontenant un tel ordre. De toute évidence, le

demandeur ne peut présenter des preuves pour une te lle allégation, car de telles preuves n’existent

pas, un tel ordre n’a jamais été donné, il n’a jamais été conçu, il n’existait pas. Le seul ordre qui

existe par rapport au sort des hommes musulmans de Srebrenica est l’ordre du lieutenant colonel

Vinko Pandurevic, commandant de la brigade de Zv ornik, une unité du corps de Drina de l’armée

de la Republika Srpska qui a ordonné le passage de la colonne afin qu’elle puisse atteindre le

territoire sous contrôle du Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine. La Chambre de première

instance du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie a jugé dans l’affaire Krstic que :

«On 16 July 1995, Lieutenant Colone l Vinko Pandurevic, the Commander of
the Zvornik Brigade, reported that, in view of the enormous pressure on his Brigade,

he had taken a unilateral decision to open up a corridor to allow about 5,000 unarmed
members of the Bosnian Muslim column to pass through.» 80

62. L’analyse similaire peut être faite de la présentation de l’enregistrement vidéo montrant

le meurtre de six hommes à Trnovo. Le demandeur cite un article de New York Times et présente

78
CR 2006/4, p. 52 et 55.
79
Ibid., p. 58, par. 73.
80TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-T, jugement, 2 août 2001, par. 65. - 31 -

cet incident comme faisant partie des crimes commis à Srebrenica et comme le moyen de

réalisation du plan prétendu de Belgrade à as surer le pouvoir sur un territoire s’étendant à

81
50 kilomètres à l’ouest de la Drina .

63. Le crime montré sur l’enregistrement a malheureusement eu lieu et deux des six victimes

sont de Srebrenica. Cependant, aucune preuve ne confirme que les événements à Trnovo faisaient

partie de l’opération à Srebrenica et des crimes commis dans la région de Srebrenica. Trnovo est le

village situé au moins 150 kilomètres à l’est de la rivière Drina. C’est un village dans la région de

Sarajevo et sur le front de Sarajevo où la gra nde offensive musulmane a eu lieu en juin et

juillet 1995.

64. Deux des six personnes tuées étaient de Sreb renica, mais personne ne sait d’où venaient

82
les autres quatre personnes . De plus, il est connu que la prem ière partie de la colonne des

hommes de Srebrenica, des membres de la 28 edivision de l’armée de la Bosnie-Herzégovine a

réussi à atteindre le territoire sous contrôle du Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine et plus

e
précisément Tuzla où se trouvait l’état major du 2 corps de l’armée de la Bosnie-Herzégovine.

Les hommes arrivés à Tuzla étaient immédiatement in tégrés dans les autres unités de l’armée de la

Bosnie-Herzégovine et étaient envoyés sur les au tres fronts en Bosnie-Herzégovine, et justement

l’un de ces fronts était le front de Sarajevo. Le général Halilovic, général de l’armée de la

Bosnie-Herzégovine a confirmé devant le Tr ibunal pour l’ex-Yougoslavie que: «military

operations in the Sarajevo area were given a higher priority at the critical time» 83.

65. En conséquence, il est possible, et ce tte possibilité ne peut être exclue, que les

sixhommes tués, dont le meurtre est montré sur l’ enregistrement, étaient capturés sur le front de

Sarajevo et ensuite exécutés. Ce fait n’excuse pas l’exécution de ces hommes, c’est un crime, un

crime horrible, mais un crime sans aucun lien avec les événements de Srebrenica et certainement

sans aucun lien avec les objectifs stratégiques du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine.

66. Finalement, le demandeur a reconnu lui-mê me que la Chambre de première instance du

Tribunal pour l’ex-Yougoslavie a récemment, pour êt re précis, le 12avr il2004, confirmé les

81
CR 2006/3, p. 28, par. 23.
82TPIY, Le procureur c. Vujadin Popovic et consorts , affaire n IT-05-88-PT, acte d’a ccusation consolidé et

modifié, 11 novembre 2005, par. 33.16.
83TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, compte rendu, p. 9453 et 9492. - 32 -

charges contre Jovica Stanisic et Franko Sima tovic concernant le meurtre à Trnovo, mais à

également demandé au procureur de clarifier le lie n avec Srebrenica puisque celui-ci ne ressort pas

84
de l’acte d’accusation . Par ailleurs, Jovica Stanisic et Franko Simatovic, accusés du meurtre à

Trnovo, ne sont pas accusés de génocide.

67. Le demandeur constamment essaye de trouver un lien entre les crimes commis à

Srebrenica en 1995 et les objectifs stratégiques du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine qui étaient

proclamés en 1992. Un tel lien ne peut être trouvé car il n’a pas existé. Aucun plan ne prévoyait la

prise de Srebrenica et encore moins les crimes qui étaient commis. La tragédie de Srebrenica, qui

est une tragédie, sans égard à l’échelle de cette tragédie, n’apparaît pas comme le résultat d’un plan

préalable. Le maximum que le procureur du Tr ibunal pour l’ex-Yougoslavie a pu trouver est un

plan qui, s’il avait existé, était conçu au plus tôt le 11 juillet 1995.

68. Toutefois, le demandeur allègue certains fa its qui se sont produits entre 1991 et 1995 et

qui selon lui pourraient faire le lien entre les objectifs stratégiques et les événements de

juillet1995. Les allégations du demandeur ne so nt que son interprétation des faits. Ces faits

peuvent être interprétés différemment parce que la situation était différente de celle que le

demandeur présente.

69. Ainsi, le demandeur allègue dans sa plaidoirie du 28 février 2006 que :

«the ICTY has, by now, dealt with vari ous cases related to Srebrenica. In the case
against Blagojević, the Commander of the Bosnian Se rb Bratunac Brigade, the trial
chamber has, meticulously and thoroughly, first established all relevant facts, before it

began to consider and to appreciate the exact role of the accused. The facts
established by the trial chamber in its j udgment of 17 January 2005, include the 1993
period, which I am describing to the Court just now.» 85

Les conclusions de la Chambre de première inst ance auxquelles le demande ur se réfère décrivent

les événements qui auraient eu lieu en mars 1993 . 86

70. Certes, le Tribunal doit établir les faits avant d’apprécier la responsabilité de l’accusé.

Cependant, les faits pertinents dans une affaire pénale sont ceux qui peuvent expliquer le rôle de

l’accusé dans les événements qui constituent la base factuelle des charges contre un accusé.

84TPIY, Le procureur c. Jovica Stanisic and Franko Simatovic , affaire n IT-03-69-PT, Decision on Defence

Motion Regarding Defects in the Form of the Second Amended Indictment, 12 avril 2006.
85CR 2006/4, p. 43, par. 25.

86TPIY, Le procureur c. Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic, affaire n IT-02-60-T, jugement, 17 janvier 2005,
par. 98. - 33 -

VidojeBlagojevic, l’accusé dans l’affaire à laquelle le demandeur se réfère, a été accusé

exclusivement pour des événements qui ont eu lieu à Srebrenica dans la période de juillet à

novembre 1995. Les événements allégués en 1993 étai ent clairement en dehors du cadre de l’acte

d’accusation à l’encontre de Vidoje Blagojevic et co mme ils ne faisaient pas partie des charges la

Chambre de première instance n’a certainement ni entendu ni apprécié les preuves y relatives.

71. Si le demandeur voulait présenter le tableau des événements à Srebrenica en1993 il

aurait dû se référer à l’affaire Naser Oric, jugée devant le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, qui

87
concerne les événements ayant eu lieu à Srebrenica en 1992 et 1993 , ce que le demandeur a

finalement fait dans sa plaidoirie du 19 avril 2006, ma is d’une façon particulière en niant toute la

88
responsabilité des Musulmans bosniaques . Cependant, Naser Oric était le commandant des forces

armées de la Bosnie-Herzégovine dans la région de Srebrenica. Le jugement dans cette affaire n’a

pas encore été rendu par le Tribunal, mais le proc ès a été conclu et le dossier de cette affaire

présente une image bien différente de celle que le demandeur a présentée.

72. Le demandeur se réfère également et ré pétitivement à l’action militaire connue sous le

nom de Skelani qui a eu lieu en janvier 1993. Ainsi, il disait dans ses plaidories que: «This is

January 1993, this is the Respondent’s army involved in the implementation of the 50 km plan, also

89
known as strategic goal N°3.» La description de l’implication de l’armée yougoslave dans ces

événements n’est pas exacte. Ce qui s’est passé sur la frontière en tre la Bosnie-Herzégovine et la

Serbie ne peut être expliqué sans le contexte dans lequel le conflit se déroulait.

73. Nous ne contestons pas que l’armée du dé fendeur était impliquée dans les activités

militaires dans la région frontalière entre la Bo snie-Herzégovine et la République de Serbie.

Pendant ces activités, l’armée du défendeur opérait sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, mais

l’action à Skelani en janvier 1993 était provoquée par les attaques de l’armée de la

Bosnie-Herzégovine sur le territoire de la République de Serbie, sur le territoire d’un Etat étranger,

souverain et indépendant.

74. Ces événements étaient décrits par la CIA qui écrivait :

87ICTY, Prosecutor v. Naser Oric (IT-03-68-T).
88
CR 2006/32, p. 43–49.
89CR 2006/4, p. 41, par. 18. - 34 -

«Oric’s troops thrust along the Drina ri ver to where it touches Serbia to the
northeast and almost captured the Serbian border village of Skelani, some
25kilometers to the southeast of Srebreni ca. For good measure, Oric’s men fired
90
mortar rounds into Serbia itself.»

L’Institut néerlandais a écrit aussi dans son rapport qu’au 16 janvi er 1993 : «Bosnian government

offensive to cut Serb corridor between Serbia and Pale escalates tension when Bosnians fire across

border into town of Bajina Basta.» 91 Bajina Basta est une ville du cô té serbe de la rivière Drina,

située sur le territoire de la République de Serbie, le territoire du défendeur. L’action entreprise par

l’armée yougoslave à l’époque était la réponse à l’ attaque de l’armée de la Bosnie-Herzégovine sur

le territoire yougoslave. De telles actions sont r econnues par le droit international, la Charte des

NationsUnies reconnaît à tout Etat dans le cas de l’agression, c’est-à-dire l’emploi de la force

armée contre sa souveraineté, son intégrité territo riale ou son indépendance, le droit à la légitime

92
défense .

75. Nous ne sommes pas ici afin de parler des crimes commis par des Musulmans

bosniaques pendant la guerre. Ces crimes ne peuvent excuser les crimes commis par les Serbes de

Bosnie, mais les crimes commis par les Serbes de Bosnie ne peuvent être considérés en isolation et

sans le contexte global d’une guerre sanglante. Il est important de citer ce que l’Institut néerlandais

a noté quant à la situation dans la région de Srebrenica en 1992 à la veille du conflit armé :

«the Serbs remained on the defensive in th is region. Overall, Muslim fighters from

Srebrenica attacked 79 Serbian places in the districts of Srebrenica and Bratunac.
They followed a certain pattern. Initially, Serbs were driven out of ethnically mixed
towns. Then Serbian hamlets surrounded by Muslim towns were attacked and finally

the remaining Serbian settlements were overr un. The residents were murdered, their
homes were plundered and burnt down or blown up. There was a preference to launch
these attacks on Serbian public holidays (tho se of Saint Joris, Saint Vitus and the

Blessed Peter, and Christmas Day), probabl y because least resistance was expected.
Yet it simultaneously contributed to the deve lopment of profound Serbian grievances.
Many of these attacks were bloody in nature . For example, the victims had their
93
throats slit, they were assaulted with pitchforks or they were set on fire…»

76. Aujourd’hui, dixans après la guerre à Srebrenica qui est restée sur le territoire de la

Republika Srpska, le président de la municipalité est un Musulman bosniaque,

90
Balkan Battlegrounds, A Military History of the Yugoslav Conflict, 1990-199, Vol. 1, Central Intelligence
Agency, Washington, 2005, p. 184.
91http://www.srebrenica.nl, Netherlands Institute for War Documentation on Srebrenica, Part 1, The Yugoslavian

Problem and the role of the West 1991-1994, chapter 10.
92A. Pellet, P. Dailler, Droit international public, LGDJ, 7 éd. 2002, p. 941-944.

93http://www.srebrenica.nl, Netherlands Institute for War Documentation on Srebrenica, Part 1, The Yugoslavian
Problem and the role of the West 1991–1994, chapter 10. - 35 -

M.AbdurahmanMalkic, tandis que le vice-prési dent de l’assemblée municipale est un autre

Musulman bosniaque, M. Sadik Ahmetovic . 94

77. Le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie a trouvé que le génocide a été commis à Srebrenica.

Cependant, les jugements rendus dans les affair es relatives à Srebrenica demandent une analyse

juridique attentive. Ces jugements contiennent certaines contradictions qui peuvent mettre en

question l’exactitude des conclusions juridiques. De plus, les Chambres ont adopté une

interprétation large du génocide qui n’est pas suiv ie par les autres Chambres du Tribunal et qui

n’est certainement pas conforme à la convention sur le génocide.

78. Le Tribunal n’a pas pu trouver aucune pr euve directe qui aurait confirmé l’intention

génocidaire. Nous ne parlons p as de l’intention du général Krstic car, en ce qui le concerne, le

95
Tribunal a clairement établi qu’il n’avait pas d’intention génocidaire . Il s’agit de l’intention que

quelqu’un d’autre, quelqu’un qui n’a pas été jugé da ns cette affaire aurait pu avoir. Et la Chambre

de première instance a déduit cette intention d es faits dont l’un, jugé comme particulièrement

signifiant, était la destruction des papiers d’identité des hommes Musulmans bosniaques qui étaient

préalablement séparés. Ainsi, la Chambre de prem ière instance a jugé que : «the removal of their

96
identification could only be an ominous signal of atrocities to come» .

79. Cependant, tandis que la Ch ambre de première instance a trouvé sur le fondement des

témoignages entendus que: «Later, after all of the Bosnian Muslim civilians had gone from

Potocari, the piles of personal effects, includi ng identity cards, that had been taken from the

97
Bosnian Muslim men and boys were set on fire» , elle a également trouvé, mais sur le fondement

de preuves médico-légales que: «Identity docum ents and belongings, found in most of the

exhumed graves, suggest that the victims were linked with Srebrenica. Among the items found

98
were license cards and other papers with references to Srebrenica.» Les deux paragraphes d’un

seul et même jugement sont perturbants, car il re ste inconnu comment les papiers détruits et brûlés

se sont finalement trouvés ensemble avec leurs propriétaires dans les fosses communes.

94http://www.srebrenica-opstina.org.
95 o
TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-T, jugement, 2 août 2001, par. 133-134.
96
Ibid., par. 160.
97Ibid., par. 160.

98Ibid., par. 145. - 36 -

80. Ce n’est cependant pas le seul élément perturbant dans l’affaire Krstic. La Chambre de

première instance a trouvé que: «There is no evid ence that the Drina Corps devised or instigated

any of the atrocities that followed the take-over of Srebrenica in July 1995. The evidence strongly

suggests that the criminal activity was being directed by the VRS Main Staff under the direction of

General Mladic.» 99

Cependant, la Chambre d’appel a trouvé que :

«the ambit of the genocidal enterprise in this case was limited to the area of
Srebrenica. While the authority of the VRS Main Staff extended throughout Bosnia,

the authority of the Bosnian Serb forces charged with the takeover of Srebrenica did
not extend beyond the Central Podrinje region. From the perspective of the Bosnian
Serb forces alleged to have had genocidal intent in this case, the Muslims of

Srebrenica were the only part of the Bosnian Muslim group within their area of
control.» 100

Le jugement de la Chambre de première instance concluait que les membres de l’état-major avaient

l’intention génocidaire. La Chambre d’appel, sans avoir invalidé le jugement de première instance,

considérait que les forces ayant pouvoir uniquement sur la région de Srebrenica avaient l’intention

génocidaire, donc les membres de l’état-major de l’armée de la Republika Srpksa ne pouvaient

certainement pas être ceux qui auraient eu cette inte ntion puisqu’ils avaient le contrôle sur tout le

territoire de la Republika Srpska. En plus, la Chambre d’appel a jugé que le général Krstic,

membre des forces ayant le contrôle limité sur la ré gion de Srebrenica, n’avait pas cette intention.

L’intention génocidaire était considérée comme établie quelque part, mais qui l’aurait eue n’a

jamais été élucidé.

81. Par ailleurs, la Chambre de première in stance a conclu sur la base des témoignages que

101
les Musulmans bosniaques de Srebrenica vivaient dans une société patriarcale . La Chambre

d’appel a confirmé cette conclusion et a réitéré que la disparition physique de la population

musulmane de Srebrenica était liée au caractère patriarcal de la société des Musulmans

102
bosniaques . Il est difficile de comprendre comment la Chambre de première instance a pu

atteindre une telle conclusion sans avoir eu recours à un expert qui aurait pu décrire les

99 o
TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-T, jugement, 2 août 2001, par. 290.
100TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-A, arrêt, 19 avril 2004, par. 17.

101TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-T, jugement, 2 août 2001, par. 91 et 595.

102TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-A, arrêt, 19 avril 2004, par. 28. - 37 -

caractéristiques d’une société patriarcale et appr écier les caractéristiques de la société musulmane

de Bosnie-Herzégovine. Cependant, ce qui est plus important dans la caractérisation de la société

musulmane de Bosnie-Herzégovine est le fait que l’opinion sur son caractère n’est pas unanime.

82. Lors de son témoignage devant cette C our, l’expert Andras Riedlmayer, spécialiste de

l’histoire des Balkans, qui a consacré les dix dern ières années de son travail à l’histoire de la

103
culture de la Bosnie-Herzégovine , a confirmé qu’il avait écrit dans un de ses articles que la

société de Bosnie est une société m oderne, industrialisée et européenne 10. Il ne nous appartient

pas de porter une appréciation sur le caractère de la société des Musulmans bosniaques, mais il est

certainement impossible qu’une société soit en même temps et moderne et patriarcale.

83. Les remarques susmentionnées représentent des contradictions factuelles sur lesquelles le

Tribunal a fondé ses conclusions juridiques. Il restera inconnu si le Tribunal aurait pu qualifier les

événements à Srebrenica comme le génocide sans ces contradictions. Cependant les conclusions

factuelles ne sont pas les seules qui appellent une analyse particulière. Les conclusions juridiques

démontrent une interprétation très large du génocide, une interprétation qui sort clairement du cadre

de la convention sur le génocide.

Madame le président, est-ce que ce serait le temps convenable pour une pause ?

The PRESIDENT: We could take the break now, or you could go to the end of this section.

Which do you prefer?

MFmUeVEAU-IVANOVI Ć: Je préférerais prendre une pause maintenant, si c’est

convenable pour vous.

The PRESIDENT: Yes, certainly. The Court will now rise.

The Court adjourned from 4.25 to 4.40 p.m.

103
CR 2006/22, p. 12-13.
104Ibid., p. 51-52. - 38 -

The PRESIDENT: Please be seated. Maître Fauveau-Ivanović.

MFmUeVEAU-IVANOVI Ć : Merci, Madame le président.

84. La Chambre d’appel du Tribunal pour l’ ex-Yougoslavie a trouvé le général Krstic

coupable de la complicité du génocide (aiding and abetting). La complicité du génocide n’est pas

la complicité dans le génocide prévue par l’artic leIII de la convention sur le génocide. Et

effectivement, le général Krstic était condamné su r le fondement de l’article7.1 du Statut du

Tribunal conformément aux règles générales du dr oit pénal applicable à la complicité qui ne

requièrent pas une intention spéci ale, nécessaires pour le crime du génocide. La Chambre d’appel

a jugé que :

«The Trial Chamber acknowledged, mo reover, that the evidence could not

establish that «Radislav Krstic himself ev er envisaged that the chosen method of
removing the Bosnian Muslims from the enclav e would be to systematically execute
part of the civilian population» and that he «appeared as a reserved and serious career

officer who is unlikely to have ever instig ated a plan such as the one devised for the
mass execution of Bosnian Muslim men, following the take-over of Srebrenica in
July 1995. The Trial Chamber found that «left to his own devices, it seems doubtful

that Krstic would have been associated with such a plan at all. The Trial Chamber
also found that Radislav Krsti ć made efforts to ensure the safety of the Bosnian
Muslim civilians transported out of Potočari.»105

Cependant, cet homme, qui n’a jamais envisagé que le déplacement de la population deviendrait

l’exécution systématique d’une partie de la populati on civile, et qui a fait des efforts afin d’assurer

la sécurité des civils musulmans bosniaques était condamné à trente-cinqans de prison pour la

complicité du génocide. Mais est-ce vraiment un gé nocide ? Comment peut-on parler de génocide

lorsque au milieu de la guerre, les officiers de l’armée serbe de Bosnie s’efforcent d’assurer la

sécurité des civils musulmans ?

85. La Chambre d’appel a reconnu que la doctrine suggère que les complices dans le

génocide doivent avoir l’intention spéciale de détruire en tout ou en partie le groupe protégé

comme tel puisqu’elle a conclu que: «Article 4 (2)’s requirement that a perpetrator of genocide

possess the requisite «intent to destroy» a protect ed group applies to all of the prohibited acts

enumerated in Article 4(3), including complicity in genocide.» 106 Et la Chambre de première

105 o
TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-A, arrêt, 19 avril 2004, par. 132.
10Ibid., par. 142. - 39 -

instance a noté que: «The same analysis applies to the relationship between Article II of the

Genocide Convention, which contains the require ment of specific intent, and the Convention’s

107
Article III, which lists the proscribed acts, including that of complicity.»

86. Les travaux préparatoires de la convention sur le génocide démontrent clairement que les

rédacteurs de la convention considéraient que le complice dans le génocide devrait avoir l’intention

108
génocidaire .

87. L’intention spéciale du général Krstic n’a pas été établie, cela ne veut pas dire que le

génocide n’a pas été commis. Bien que l’intention du général Krstic n’entre pas dans le cadre de la

convention, l’intention de quelqu’un d’autre aurait pu y entrer. Cependant, le Tribunal pour

l’ex-Yougoslavie n’a pas pu établir une telle intent ion. La question de l’intention spéciale requise

pour le génocide est restée suspendue.

88. Par ailleurs, dans toutes les affaires rela tives aux événements à Srebrenica, le Tribunal a

élargi la signification de l’expression la destruction du groupe protégé.

89. Dans l’affaire Krstic, la Chambre de première instance a jugé que: «the physical

destruction of a group is the most obvious method, but one may also conceive of destroying a

group through purposeful eradication of its culture and identity resulting in the eventual extinction

of the group as an entity distinct from the remainder of the community» 109. Et ensuite: «Several

recent declarations and decisions, however, have interpreted the intent to destroy clause in Article 4

so as to encompass evidence relating to acts that involved cultural and other non physical forms of

110
group destruction.»

90. La Chambre de premiè re instance dans l’affaire Blagojevic est allée encore plus loin en

reprenant l’opinion partiellement disside nte du juge Shahabuddeen dans l’affaire Krstic, selon

laquelle :

«It is the group which is protected. A group is constituted by characteristics
⎯ often intangible ⎯ binding together a collection of people as a social unit. If those

characteristics have been destroyed in pursu ance of the intent with which a listed act

107 o
TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic , affaire n IT-98-33-A, arrêt, 19avril2004, par.142, note de bas de
p. 245.
108
Nations Unies, doc. A/C.6/236 & Corr. 1; doc. A/C.6/SR.87.
109TPIY, Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire n IT-98-33-T, jugement, 2 août 2001, par. 574.

110Ibid., par. 577. - 40 -

of a physical or biological nature was done, it is not convincing to say that the
destruction, though effectively obliterating the group, is not genocide because the
111
obliteration was not physical or biological.»

91. Cette analyse est contraire aux intentions des rédacteurs de la convention sur le génocide.

La Commission du droit international a expliqué dans le code sur les crimes contre la paix et la

sécurité de l’humanité la signification de l’expr ession «la destruction physique» dans les termes

suivants :

«As clearly shown by the preparat ory work for the Convention on the

Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, the destruction in question is
the material destruction of a group either by physical or by biological means, not the

destruction of the national, linguistic, religious, cultural or other identity of a
particular group. The national or religious element and the racial or ethnic element are
not taken into consideration in the definition of the word «destruction», which must be
112
taken only in its material sense, its physical or biological sense.»

92. En se fondant sur l’opinion du juge Sh ahabuddeen, la Chambre de première instance a

conclu dans l’affaire Blagojevic que : «mere displacement does not amount to genocide. However,

he further found that displacement can constitute genocide when the consequence is dissolution of

the group.» 113 Une analyse complètement différente a été adoptée par la Chambre de première

instance dans l’affaire Stakic qui a fait la distinction entre la destruction et la dissolution du groupe

en jugeant que : «It does not suffice to deport a group or a part of a group. A clear distinction must

be drawn between physical destructi on and mere dissolution of a group.» 114 Le jugement de la

Chambre de première instance dans l’affaire Stakic et l’acquittement de Milomir Stakic pour le

115
génocide étaient confirmés par la Chambre d’appel .

93. Finalement, il devient évident que les conc lusions de la Chambre de première instance

dans l’affaire Blagojevic sont en dehors du cadre de la convention sur le génocide car la Chambre a

conclu que :

«While killing large numbers of a group may be the most direct means of
destroying a group, other acts or series of acts, can also lead to the destruction of the

group. A group is comprised of its individuals , but also of its history, traditions, the

111TPIY, Le procureur c. Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic, affaire n IT-02-60-T, jugement, 17 janvier 2005,
par. 659; Le procureur c. Radoslav Krstic, affaire nT-98-33-T, jugement, 2 août 2001, opinion partiellement dissidente
du juge Shahabuddeen, par. 48.

112Draft Code Against the Peace and Security of Mankind with Commentaries, 1996, p. 46.

113TPIY, Le procureur c. Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic, affaire n IT-02-60-T, jugement, 17 janvier 2005,
par. 660.

114TPIY, Le procureur c. Milomir Stakic, affaire n IT-97-24-T, jugement, 31 juillet 2003, par. 519.
115 o
TPIY, Le procureur c. Milomir Stakic, affaire n IT-97-24-A, arrêt, 22 mars 2006. - 41 -

relationship between its members, the relati onship with other groups, the relationship

with the land. The Trial Chamber finds that the physical or biological destruction of
the group is the likely outcome of a forcib le transfer of the population when this
transfer is conducted in such a way th at the group can no longer reconstitute

itself ⎯ particularly when it involves the separation of its members. In such cases the
Trial Chamber finds that the forcible transfer of individuals could lead to the material
destruction of the group, since the group ceases to exist as a group, or at least as the

group it was. The Trial Chamber emphasises that its reasoning and conclusion are not
an argument for the recognition of cultural ge nocide, but rather an attempt to clarify
the meaning of physical or biological destruction.» 116

94. Cette conclusion est la description même du crime contre l’humanité, mais elle n’est pas

compatible avec l’intention des rédacteurs de la convention sur le génocide, elle n’entre pas dans le

cadre de la convention sur le génocide. Le gé nocide si souvent considéré comme le crime des

crimes doit être considéré attentivement. L’expu lsion, le transfert forcé, la destruction des

monuments culturels ne constituent pas le génocide.

IV. Cinquième objectif stratégique : situation à Sarajevo

1. J’en viens au cinquième objectif stratégique qui était la division de Sarajevo. Le texte de

cet objectif était : «Divide the city of Sarajevo into Serbian and Bosnian Muslim parts and establish

effective State authorities in both parts.» Cet obj ectif prévoyait une partie de la ville pour les

Musulmans bosniaques. Si l’intention était de détruire le peuple musulman, les Musulmans

bosniaques n’auraient pas eu besoin de leur partie de la ville.

2. La division de la ville, et de surcroît su r les critères ethniques, semble être contraire aux

droits de l’homme, elle évoque le déplacement de population et le demandeur l’interprète comme le

nettoyage ethnique. Cependant, l’idée de division de Sarajevo n’impliquait ni le déplacement de

population ni le nettoyage ethnique. Elle n’impli quait pas les violations d es droits de l’homme.

Elle n’était que la proposition des Serbes de Bosn ie, elle était l’expression de la volonté du peuple

serbe d’avoir son Etat, une volonté légitime de l’un des peuples constitutifs de la

Bosnie-Herzégovine.

3. Par ailleurs, Sarajevo n’était pas une ville si multiethnique, multiculturelle et

117
multireligieuse comme le demandeur la présente . Lorsque la Bosnie-Herzégovine a proclamé

son indépendance en mars 1992, la ville n’était p as si amicale envers les minorités. L’exode des

116 o
TPIY, Le procureur c. Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic, affaire n IT-02-60-T, jugement, 17 janvier 2005,
par. 666.
117CR 2006/4, p. 22, par. 2. - 42 -

personnes appartenant aux minorités nationales devenait massif tout au début du conflit à Sarajevo.

La minorité juive a massivement quitté Sarajevo tout au début du mois d’avril 1992. Le général

MacKenzie a écrit dans son journal le 11 avril 1992 que: «I drove to the airport to confirm

118
rumours of a mass exodus of the Jewish community from Sarajevo. The reports were correct.»

Ainsi, le peuple juif a préféré quitter Saraje vo et partir en masse pour Belgrade, pour la

119
Serbie-et-Monténégro .

4. Le demandeur a montré lors de sa plaidoiri e du 28 février 2006 la composition de la ville

de Sarajevo, composée de dix municipalités. Un regard attentif sur la composition démographique

de ces municipalités démontre que la population de Sarajevo n’était pas vraiment mélangée,

chacune des municipalités, à l’exception de trois mu nicipalités, avait une nette majorité serbe ou

120
musulmane . La CIA a écrit dans son rapport que : «Although the city census showed a Muslim

or Yugoslav majority, almost 120,000 Serbs were concentrated in five municipal districts of

Sarajevo’s city centre and most of these did not share the Sarajevo government’s perception of a

multiethnic capital.» 121

5. L’Institut néerlandais a noté dans son rapport que même avant la guerre les peuples

vivaient dans les communautés séparées bien que sur une petite surface. Et le rapport poursuit :

«decades before the outbreak of the war, some observers felt that even in Sarajevo
there existed a parallel reality, «a deep and obvious separation between the ethnic
groups, a separation characterized by both mistrust and apprehension». «Most of the

peace and quiet rests on hypocrisy and on not wanting to attract the regime’s
attention…» As a Croat resident of Bosnia said later: «Yes, we lived in peace and
harmony. We lived in peace and harmony because every hundred yards there was a
122
policeman who made sure that we were really nice to one another.»»

6. En effet, Sarajevo n’était pas une capita le multiethnique, les trois communautés vivaient

dans la même ville mais les trois communautés vi vaient l’une à côté de l’autre sans se mélanger.

La proposition serbe de la division de la ville n’était pas destinée à changer la vie à Sarajevo, elle

118
Lewis MacKenzie, Peacekeeper: The Road to Sarajevo , Douglas & McIntyre, Vancouver/Toronto, 1993,
p. 145.
119
Ibid.
120CR 2006/4, p. 22-23.

121Balkan Battlegrounds, A Military Histor y of the Yugoslav Conflict, 1990-1995 , vol.1, Central Intelligence
Agency, Washington, 2005, p. 346.

122http://www.srebrenica.nl, Netherla nds Institute for War Documentat ion on Srebrenica, Part 1, The
Yugoslavian Problem and the role of the West 1991-1994, chapter 3. - 43 -

était destinée à assurer à chacun des peuples constitutifs leur propre Etat. La proposition n’a même

pas signifié le déplacement de la population, elle n’était qu’une proposition de division

administrative. Cette division en soi ne signifiait pas que les Serbes ne pouvaient pas vivre dans la

partie gouvernée par des Musulmans bosniaques ou que les Musulmans bosniaques ne pouvaient

pas vivre dans la partie serbe de la ville. Elle signifiait tout simplement que la ville aurait eu

deux parties, dont l’une aurait été gouvernée par les Musulmans et l’autre par les Serbes.

7. Le cinquième objectif stratégique, la division de Sarajevo, ne confir me pas l’intention de

détruire les Musulmans bosniaques. Tout au contraire, il démontre clairement qu’une telle

intention n’a jamais existé. Après la fin de la guerre, Sarajevo était divisée et cette division était

confirmée par les accords de Dayton. Actuelleme nt certaines municipalités de Sarajevo sont

divisées entre la Republika Srpska et la Fédéra tion croato-musulmane. Les deux parties sont

ethniquement homogènes, les Serbes vivent en partie serbe de la ville et les Musulmans vivent dans

la partie de la ville appartenant à la Fédération. Toutefois, la partie serbe abrite un pourcentage des

123
minorités nationales plus important que la partie musulmane .

8. Comme dans d’autres régions de la Bosn ie-Herzégovine, la situation à Sarajevo était

complètement différente de celle présentée pa r le demandeur. Les allégations du demandeur

concernant le commencement du conflit à Sara jevo exprimées lors de sa plaidoirie du

28 février 2006 ne sont pas exactes, et d’ailleurs, le demandeur n’a présenté aucune preuve de ses

allégations 124. En revanche, les tensions entre les Musulmans bosniaques et les Serbes étaient

palpables même avant le commencement du conflit. La CIA a écrit dans son rapport que :

«In Sarajevo as elsewhere in Bosnia one of the first tangible indications that
widespread communal violence was looming came immediately after the results of the
republic wide independence referendum we re announced on 3 March. Roadblocks,

barricades, and checkpoints sprang up all over Bosnia that day but the division of
Sarajevo city along ethnic lines was the largest and most pronounced confrontation in
the republic. And with four killed in clashes between roving rival ethnic lines was
125
also the bloodiest.»

123TPIY, Le procureur c. Momcilo Krajisnik , affaire n IT-00-39&40, pièce à conviction P528,

Ewa Tabeau ⎯Ethnic Composition and Displaced Persons and Re fugees in 37 Municipalities of Bosnia and
Herzegovina ⎯ 1991 and 1997 by Ewa Tabeau and Marcin Zoltkowski, p. 20.
124CR 2006/4, p. 23-24, par. 6-9.

125Balkan Battlegrounds, A Military Histor y of the Yugoslav Conflict, 1990-1995 , vol.1, Central Intelligence
Agency, Washington, 2005, p. 345. - 44 -

9. Les Musulmans bosniaques à Sarajevo étaient bien armés et bien organisés depuis le début

du conflit et ils l’étaient bien avant le commen cement du conflit. La CI A a noté dans son rapport

que : «Armed non-Serbs in Sarajevo initially numbered perhaps 10,000» 126et aussi «Not only did

the Muslims dominated academy occupy a commanding post atop Vraca Hill overlooking the Serb

majority Grbavica neighbourhood, it was also stockpiled with guns and ammunition.» 127

10. La CIA n’était pas la seule à s’aperce voir que les deux parties se préparaient pour la

guerre et que les deux parties ont des intentions guerrières. Le général MacKenzie, qui était

présent à Sarajevo à l’époque, a noté dans son jour nal le 10 avril 1992 les événements qui ont eu

lieu quelques jours auparavant, plus précisément le 7 avril 1992 : «Bosnia was now a country. But

conditions were bordering on an archy and the thugs were coming out from woodwork. A good

deal of shooting and looting was being carried out by criminal elements devoid of any political

128
motives.» Le 10 avril 1992, le général MacKenzie a écrit dans son journal que: «The fighting

had spread from the downtown area and was now going on around our headquarters in the PTT

building. JNA were on a hill one kilometre south of us; the Presidency forces held the high ground

129
directly north of us.»

11. En plus, les notes du général MacKenzi e démontrent que les Musulmans bosniaques

n’étaient pas armés seulement à Sarajevo, mais aussi dans toute la Bosnie-Herzégovine. Les20

et 21 avril, il a noté dans son journal que :

«The actions of the Bosnian Territorial Defence Forces throughout the new

nation were beginning to have serious repercussions in Sarajevo. On or 12 April they
had been ordered to blockade the JNA barracks, occupy its weapons depots and
130
communications centres and attack JNA soldiers and their families…»

126
Balkan Battlegrounds, A Military Histor y of the Yugoslav Conflict, 1990-1995 , vol.1, Central Intelligence
Agency, Washington, 2005, p. 347.
127
Ibid., p. 346.
128Lewis MacKenzie, Peacekeeper: The Road to Sarajevo , Douglas & McIntyre, Vancouver/Toronto, 1993,
p. 141.

129Ibid., p. 144.

130Ibid., 1993, p. 156. - 45 -

12. Le 3 mai 1992, le général MacKenzi e a noté le départ de la JNA de la

Bosnie-Herzégovine: «All of the JNA weapons had been confiscated by the Territorial Defence

Forces and six to seven JNA officers had been killed in cold blood during the incident.» 131

13. Toutes ces descriptions démontrent qu’en Bosnie-Herzégovine il n’y avait pas de partie

criminelle et partie innocente, il n’y avait pas de pa rtie bien armée, préparée et prête pour la guerre

et de partie où les innocents civils non armé s étaient sans aucune défense. Non, en

Bosnie-Herzégovine, il y avait des peuples qui, pou r une raison ou une autr e, ne pouvaient pas

atteindre un accord sur l’organisation de leur Et at commun. Ces peuples ne pouvaient même pas

trouver un accord sur une séparation pacifique. Les Serbes de Bosnie et les Musulmans bosniaques

aussi bien que les Croates ont choisi de rester fermement sur leurs positions même si cela signifiait

la guerre, et la guerre, la guerre civ ile et sanglante a eu lieu. Ce fait n’est plus en dispute car le

demandeur l’a admis pendant les plaidoiries du deuxième tour.

14. Toutefois, le demandeur n’accepte toujours pas que l’intention génocidaire n’existait pas

en Bosnie-Herzégovine et que toutes les parties avaient le même objectif dans cette guerre : assurer

la protection des intérêts de son peuple. Il continue à alléguer que la guerre a été provoquée par

une intention prétendue serbe de détruire le pe uple musulman. Ainsi, le demandeur continue à

alléguer que les Serbes étaient bien armés, bien équipés et bien préparés tandis que les Musulmans

bosniaques étaient non armés, sans équipement militaire et non préparés pour la guerre.

15. Cependant, le général MacKenzie a note dans son journal le 14 mai 1992 que :

«The Territorial Defence Forces launched a major assault at exactly 0500 hours
into the area just west of the Rainbow Hote l. The preparatory fire for the attack
started around 0300. Gradually intensity of the shelling and tank fire increased until it

was impossible to sleep. The entire hotel was vibrating as two tanks took132rns firing
from positions under our Windows on the east side of the building.»

Les forces de la défense territoriale sont d es forces armées des Musulmans bosniaques devenues

plus tard l’armée de la Bosnie -Herzégovine. Le 14 mai 1992, donc tout au début de la guerre, ces

forces ont mené une attaque sur les Serbes de Bosnie, une attaque majeure. Les Musulmans

bosniaques n’étaient pas sans armes, ils étaient ar més aussi bien que les Serbes ou les Croates.

131
Lewis MacKenzie, Peacekeeper: The Road to Sarajevo , Douglas & McIntyre, Vancouver/Toronto, 1993,
p. 170.
132Ibid., p. 185. - 46 -

S’ils ne l’étaient pas, ils n’auraient certainement pas commencé une attaque majeure, ils ne se

seraient pas engagés dans la guerre. Tout au cont raire, s’ils n’étaient pas armés, ils auraient

cherché une solution pacifique, ils auraient cher ché à prolonger les négociations. Mais les

Musulmans bosniaques cherchaient à éviter des négoc iations, ils cherchaient à éviter le règlement

politique, ils essayaient de provoquer les incidents et les activités armées et ils ont réussi.

16. Le fait qu’une guerre, une guerre civile a eu lieu ne signifie pas que les crimes n’étaient

pas commis. Les crimes étaient commis et des crimes très sérieux, les crimes de guerre et les

crimes contre l’humanité. La guerre n’excuse pas ces crimes, mais elle les situe dans le contexte de

la guerre civile où les parties en conflit combattaie nt pour les territoires afin de réaliser leur but

politique, et ce but pour les Musulmans bosni aques était d’avoir la Bosnie-Herzégovine

indépendante, tant que pour les Serbes de Bosnie était de rester en Yougoslavie, où si ce n’était pas

possible de créer leur propre Etat. Aucune de ces parties n’avait l’intention génocidaire, aucun

crime n’a été commis dans l’intention de détruire l’autre.

17. Le siège de Sarajevo durait pendant des années, pendant toute la période de la guerre. Le

siège de Sarajevo était considéré par les Serbes de Bosnie comme une nécessité militaire puisque

Sarajevo, bien que proclamée zone de sécurité n’a jamais été démilitarisée. Nous avons démontré

dans notre premier tour que des dizaines de milli ers de militaires, appartenant à l’armée de la

Bosnie-Herzégovine, étaient présents à Sarajevo pendant toute la guerre 13.

18. Nous ne pouvons et ne voulons pas exclure que pendant ce siège des crimes étaient

commis. Les crimes commis pendant le siège pourraient certainement être qualifiés de crimes de

guerre et certains même de crimes contre l’hu manité. Cependant, il n’est pas possible d’accepter

l’allégation du demandeur selon la quelle les crimes étaient dirigés systématiquement contre la

134
population civile et encore moins que «a strategy of aiming at civilians» existait. Nous avons

cité dans nos plaidoiries, dans le premier tour, les déclarations des membres de la FORPRONU qui

étaient présents à Sarajevo pendant la guerre et qui ont confirmé l’existence d’un grand nombre de

militaires à Sarajevo. Nous avons également cité les déclarations démontrant que les Musulmans

bosniaques installaient des équipements militair es à proximité des bâtiments civils en essayant

133
CR 2006/19, p. 11, par. 150.
134CR 2006/4, p. 29, par. 23. - 47 -

135
d’attirer le feu des Serbes de Bosnie . C’était la réalité de Sarajevo , une réalité brutale et cruelle

de la guerre civile dans laquelle des crimes étaient commis, mais le génocide n’a pas été commis.

Le peuple serbe de Bosnie-Herzégovine et l’Etat de Serbie-et-Monténégro n’ont jamais eu

l’intention de détruire les Musulmans bosniaques et/ou les Croates. Les Serbes de Bosnie ne

voulaient pas vivre avec les Musulmans bosniaques, ma is ils voulaient vivre à côté d’eux, les deux

peuples auraient eu chacun son propre Etat et son propre gouvernement.

19. Le demandeur essaie de démontrer l’intent ion génocidaire des Serbes par des prétendues

attaques sur l’héritage culturel et historique de la Bosnie-Herzégovine . Cette allégation ne

correspond pas à la réalité. L’héritage culturel et historique de la Bosnie -Herzégovine appartient

aux Serbes aussi. Les Serbes de Bosnie sont l’un de trois peuples qui vivent en

Bosnie-Herzégovine depuis des siècles. L’histoire et la culture de la Bosnie-Herzégovine ne

peuvent exister sans sa composante serbe. Tout efois, le demandeur semble l’oublier. En

conséquence, le demandeur présente l’attaque à la culture de la Bosnie-Herzégovine, l’attaque à la

Bibliothèque nationale comme un acte génocidaire . L’allégation reste incompréhensible, car il

n’est pas clair si le demandeur a llègue l’attaque à la culture de la Bosnie-Herzégovine ou l’attaque

à la culture des Musulmans bosniaques. Toutefoi s, l’expert, M. Andras Riedlmayer, a confirmé

que la Bibliothèque nationale ét ait: «the repository of the enti re country’s written heritage as

such» 136. Comme telle cette bibliothèque appartenait également aux Serbes. L’expert Riedlmayer

a confirmé d’ailleurs que la bibliothèque cont enait des ouvrages serbes et croates qui étaient

également détruits 13. Finalement, M. Riedlmayer a admis que la destruction de la bibliothèque

était plutôt un acte politique en concluant: «First of all the National Library clearly was not the

single property of any one of Bosnia’s national gr oups. It was the common heritage of all the

Bosnian peoples» 13.

20. Comme un acte politique, représentant la dest ruction de la culture serbe au même titre

que la culture musulmane et croate, la destruction de la Bibliothèque nationale ne peut en aucun cas

135CR 2006/19, p. 12-13, par. 151-153.
136
CR 2006/22, p. 48.
137Ibid., p. 49.

138Ibid., p. 55. - 48 -

être considérée comme un acte génocidaire. Par aill eurs, il n’a jamais été établi qui a détruit la

Bibliothèque nationale de Sarajevo.

21. Le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie a jugé le général Galic, commandant du corps de

Sarajevo appartenant à l’armée de la Republika Sr pska, pour des événements qui ont eu lieu à

Sarajevo entre septembre 1992 et août 1994. Le général Galic a été déclaré coupable des crimes

139
contre l’humanité et des violations des lois et des coutumes de guerre . Le génocide n’a jamais

été allégué contre le général Galic . En plus le jugement contre le général Galic n’était pas rendu à

l’unanimité. L’un des juges a trouvé que la res ponsabilité des Serbes de Bosnie n’a pas été établie

au-delà de tout doute raisonnable pour beaucoup d’ incidents et notamment pour le bombardement

140
du marché de Markale . Le jugement prononcé dans l’affaire Galic est actuellement en appel.

22. Le demandeur dirait que le procureur et les juges du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie ne

connaissent pas le tableau global des événements et qu’ils ne cherchent pas à le connaître. S’il est

vrai que la tâche du Tribunal est d’établir la r esponsabilité individuelle, cela ne signifie pas que le

Tribunal ne considère pas le contexte dans le quel les crimes étaient commis. Dans beaucoup

d’affaires, les juges étaient forcés de considérer le contexte et le tableau global. Par exemple, dans

l’affaire Momcilo Krajisnik , l’acte d’accusation couvre la totalité de la Bosnie-Herzégovine.

Momcilo Krajisnik était, dans la période couverte par l’acte d’accusation, président de l’Assemblée

du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine. Afin d’accuser Momcilo Krajisnik, le procureur aurait dû

avoir l’image de la situation globale et il l’a certainement eue. Cependant, Momcilo Krajisnik n’a

jamais été accusé de génocide pour les événements qui ont eu lieu à Sarajevo.

C ONCLUSION

1. Madame le président, Messieurs les juges, afin de répondre aux allégations du demandeur

selon lesquelles nous avons considéré les actes constituant le génocide isolément, nous avons

essayé de présenter le tableau global des événemen ts en Bosnie-Herzégovine pendant cette guerre

civile, cruelle et sanglante. Cependant, le génocide ne peut être établi, car il n’a pas été commis.

139 o
TPIY, Le procureur c. Stanislav Galic, affaire n IT-98-29-T, jugement, 5 décembre 2003.
14Ibid., partly dissenting opinion of Judge Nieto Navia, par. 71. - 49 -

2. Nous sommes d’accord avec le demandeur sur la définition des actes énumérés dans

l’article II de la convention sur le génocide. N ous sommes d’accord aussi que la liste de ces actes

est exhaustive mais que chacun de ces actes individuellement ou en conjonction avec les autres

peut constituer le génocide, uniquement s’il est commis dans l’intention génocidaire, donc dans

l’intention de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux.

3. Bien que nous soyons parvenus à un accord quant aux éléments constitutifs du génocide,

nous ne sommes pas d’accord sur la nature des crimes commis en Bosnie-Herzégovine. Nous ne

pouvons consentir que les crimes commis en Bo snie-Herzégovine constituent le génocide, ils

constituent les crimes de droit commun, les crim es de guerre ou les crimes contre l’humanité. Ces

crimes deviennent le génocide seu lement s’ils sont commis dans l’intention génocidaire. Les

crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont de très sérieux crimes. Ces crimes

internationaux extrêmement sérieux étaient malh eureusement commis en Bosnie-Herzégovine et

leurs auteurs doivent répondre pour leurs méfaits , mais le génocide n’a pas été commis. Le

génocide n’a pas été commis en Bo snie-Herzégovine et, en conséque nce, la Serbie-et-Monténégro

ne peut être responsable pour les violations de la convention sur le génocide.

4. Le demandeur a déclaré explicitement plusie urs fois que l’intention génocidaire peut être

141
déduite du plan, de la politi que, de la ligne de conduite . Nous acceptons qu’il est difficile de

prouver l’intention, mais, lorsqu’il s’agit du crime de génocide, cette intention ne peut être

présumée en aucun cas. La jurisprudence des Tribunaux ad hoc a bien établi que: «The Trial

Chamber notes that it is generally accepted in the jurisprudence of the Tribunal and of the ICTR

that, in the absence of direct ev idence, the specific intent for ge nocide can be inferred from «the

142
facts, the concrete circumstances, or a ’pattern of purposeful action.» Mais, afin de pouvoir

déduire une conclusion des preuves circonsta ncielles et/ou d’une ligne de conduite, cette

conclusion doit être la seule conclusion qui pe ut être raisonnablement déduite des preuves

présentées 14.

141
CR 2006/7, p. 56.
142TPIY, Le procureur c. Radoslav Brdjanin, affaire n IT-99-36-T, jugement, 1 septembre 2004, par. 704.

143Ibid., par. 353. - 50 -

5. Nous avons démontré, lors du premier tour de nos plaidoiries, en adoptant une approche

analytique et en analysant le crime après le crime, que le génocide n’a pas été commis. Nous avons

démontré maintenant et encore une fois, adoptan t une approche globale et synthétique que le

génocide n’a pas été commis. Peu importe l’appr oche adoptée, le génocide ne sera jamais trouvé,

car il n’était pas commis en Bosnie-Herzégovine.

6. Nous n’avons jamais contesté que cer tains actes pouvant constituer l’un des actes

énumérés dans l’article II de la convention sur le génocide étaient commis en Bosnie-Herzégovine,

mais nous avons dit ⎯ et nous le répétons ⎯ que ces actes n’étaient pas commis dans l’intention

génocidaire. Nous avons démont ré qu’aucun plan, aucune politique destinés à la destruction des

Musulmans bosniaques n’ont existé. Nous allo ns démontrer maintenant que les faits, les

circonstances, la ligne de conduite ne permettent pas de déduire une intenti on génocidaire car une

telle intention n’a jamais existé. Le génocide n’a pas été commis.

7. Nous sommes parvenus à un accord avec le demandeur que cent deux millepersonnes

étaient tuées en Bosnie-Herzégovine pendant la guerre, ce nombre est égal ement accepté par le

Tribunal pour l’ex-Yougoslavie 144. Toutefois, il doit être rappe lé que le demandeur alléguait

auparavant, et notamment dans son mémoire (2 .1.0.8), le nombre de deux cent cinquante mille

personnes tuées. Ce nombre a été allégué en1994, lorsque la guerre durait encore et lorsque les

meurtres continuaient. Le demandeur a présenté ce nombre comme généralement accepté; et ce

nombre de deux cent cinquante mille personnes tuées était généralement accepté. Même

M.Jean-Paul Sardon, le témoin-expert en dém ographie, a admis qu’il avait écrit sans aucune

preuve un article publié dans une revue professionne lle, dans lequel il affirmait que la guerre en

Bosnie a produit entre deux cent et trois cent mille victimes 145.

8. Le nombre de deux cent cinquante mille personnes tuées était largement communément

accepté; il était accepté par les spécialistes en démographie, il était accepté par les différentes

commissions qui fondaient leurs rapports sur ce chiffre, il était accepté par des organes

internationaux, y compris par les organes des Nations Unies, l’Assemblée générale et le Conseil de

144
CR 2006/33, p. 48, par. 12.
145CR 2006/26, p. 53-54. - 51 -

sécurité, qui adoptaient des résolutions sur le fondement de ce nombre et qui ont condamné,

toujours sur le fondement de ce même chiffre, les forces des Serbes de Bosnie.

9. Madame le président, Messieurs les juges, ce nombre était erroné. Ce nombre ne

correspondait pas aux faits, il ne correspondait pas à la réalité, il ne correspondait pas à la vérité.

Maintenant, nous posons la question, comment tous ces documents, tous ces rapports, les décisions

et les résolutions, tous fondés sur les faits err onés peuvent constituer les preuves crédibles dans

cette procédure ? Ils ne peuvent p as puisque leur point initial, les fa its sur la base desquels tout le

raisonnement a été construit, était faux. Le nombr e des victimes est heureusement bien plus bas

que le nombre allégué dans tous ces documents.

10. Cent deux mille personnes tuées, c’est une tache extrêmement pénible d’élaborer les

preuves sur le fait que cent deux mille pers onnes étaient tuées et non deux cent cinquante mille

personnes. Ces cent deux mille personnes tuées n’étaient pas des numéros, ils étaient des hommes,

des femmes, des enfants, ils étaient des êtres hum ains et aucune de ces personnes n’aurait dû être

tuée. Malheureusement elles étaient tuées et, ma lheureusement, nous sommes dans une procédure

où la Serbie-et-Monténégro est accusée de génocid e, le génocide qui n’a pas été commis. En

conséquence, nous sommes obligés d’analyser ces nombres, ce n’est pas un jeu, comme le

demandeur l’appelle, c’est une nécessité causée par cette procédure. La nécessité acceptée même

par le demandeur qui disait :

«To the extent that the demographics of genocide do matter, it is primarily
because, to demonstrate genocide, it is necess ary to demonstrate intent. And intent,

honourable Members of the Court, can be inferred from the magnitud146f acts, from
the dimension of the acts and the pattern of their commission.»

11. Le génocide ne requièrt pas un nombre spéc ifique de victimes, il n’y a pas de seuil

numérique pour le génocide. Toutefois, le nom bre s’avère très important lorsque l’intention

génocidaire doit être déduite. Et le nombre initia lement allégué par le demandeur, un très grand

nombre de personnes tuées, s’est avéré erroné. Certes, il était communément accepté, mais il était

faux. Finalement, le demandeur accepte le nombr e de cent deux mille personnes tuées, mais ce

nombre ne nous dit rien sur l’identité des vic times. Etaient-elles toutes des Musulmans

bosniaques? Non, elles ne l’étaient certainem ent pas, certaines étaient des Croates, certaines

146
CR 2006/32, p. 16, par. 24. - 52 -

étaient des Serbes, et parmi les victimes il y avait certainement des personnes ayant une autre

nationalité. Nous ne connaissons pas la nationalité de ces personnes tuées, mais savons-nous si

elles étaient des civils ou des militaires? Sa vons-nous si ces personnes étaient des victimes dans

une guerre entre les Musulmans et les Serbes, ou sont-elles les victimes de la guerre entre les

Croates et les Musulmans, ou encore du confl it entre les Musulmans entre les forces loyales à

Fikret Abdic et celles loyales à Alija Izetbegovic? Nous ne le savons pas. Nous n’avons pas de

réponses à toutes ces questions. Le demandeur a dû apporter ces réponses, il ne l’a pas fait.

12. La situation concernant le nombre de meurtres n’est pas particulière. La même analyse

peut être faite des camps qui existaient en Bosn ie-Herzégovine. Le demandeur allègue maintenant

qu’entre cent mille et deux cent mille personnes étaient détenues dans cinq cent vingt camps qui

147
auraient été tenus pendant la guerre par les Serbes de Bosnie . Cependant est-ce que le nombre de

cinq cent vingt camps est correct ? Dans son mémoire, le demandeur alléguait l’existence de cent

soixante-dix camps, mais un regard sur la liste de ces camps démontre que le nombre des détenus

aurait été de trois cent mille personnes (mémoire, 2.2.0.1).

13. Ainsi, encore une fois, les preuves présentées par le demandeur doivent être

attentivement analysées. La première question qui se pose est de savoir si cinq cent vingt camps

existaient vraiment sur le territoire de la Republika Srpska. Dans l’affaire Brdjanin, la Chambre de

première instance a jugé que certains camps de détention étaient en réalité plutôt des endroits où les

interrogatoires avaient eu lieu que des camps. Le Tribunal a également jugé que les transferts

réguliers de détenus entre les camps pouvaie nt provoquer les déformations du nombre des

148
détenus .

14. Le Tribunal a également jugé dans l’affaire Brdjanin que quinze mille six cent vingt-trois

Musulmans bosniaques et Croates étaient détenus dans les différents camps dans la région de

Bosanska Krajina, mais il a également conclu qu’i ls n’ont pas tous subi des atteintes graves à

l’intégrité physiques et mentale, mais seulement certains d’entre eux. Finalement le Tribunal a

147
CR 2006/5, p. 23, par. 6.
148TPIY, Le procureur c. Radoslav Brdjanin, affaire n IT-99-36-T, jugement, 1 septembre 2004, par. 974, note
de bas de page 2448. - 53 -

conclu sur le fondement des preuves présentées que les femmes et les enfants étaient mieux traités

que les hommes 149.

15. Quinze mille six cent vingt-trois personnes détenues est un nombre important. Ce

nombre ne couvre pas toute la Bosnie-Herzégovine, ma is la région de Bosanska Krajina, la région

où les pires camps existaient et parmi eux Kera term, Omarska, ainsi que les camps auxquels le

demandeur s’est référé fréquemme nt comme Manjaca et Trnopolje. La plupart des camps étaient

en effet établis dans cette région. Nous sa vons que quinze mille six cent vingt-trois personnes

étaient détenues dans les camps de Bosanska Kraj ina, mais nous ne savons pas qui étaient les

personnes détenues. Quel était le nombre de civils dans ces camps? Quel était le nombre de

militaires dans ces camps? Nous ne le savons pas. Mais n ous savons que la majorité des

personnes détenues étaient des hommes en âge militair e puisque c’est la conclusion de la Chambre

de première instance du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie dans l’affaire Brdjanin 150.

16. Le fait que les hommes en âge militaire composaient la majorité des détenus n’est pas

sans importance. La Chambre de première instance a jugé dans l’affaire Brdjanin que précisément

ce fait: «could militate further against the conclusion that the existence of genocidal intent is the

151
only reasonable inference that may be drawn from the evidence» .

17. En conséquence, il est extrêmement important de connaître l’identité des détenus, mais le

demandeur n’a pas considéré comme nécessaire d’a pporter la preuve de l’identité des détenus, il

s’est contenté d’alléguer que les gens étaient dé tenus. Oui, les gens étaient détenus, nous ne

contestons pas ce fait, nous ne contestons pas que les camps étaient des endroits terribles où les

conditions étaient extrêmement mauvaises, nous ne contestons pas que les crimes avaient été

commis dans ces camps. Cependant, ces crimes, au ssi sérieux qu’ils soient, ne constituent pas le

génocide. Ils n’étaient pas commis dans l’intenti on de détruire en tout ou en partie la population

musulmane bosniaque ou/et la population croate. Ils étaient commis de la peur, d’un désordre total

qui régnait à l’époque en Bosnie-Herzégovine où l’ Etat n’arrivait pas à établir son autorité et

l’ordre.

149 o er
TPIY, Le procureur c. Radoslav Brdjanin, affaire n IT-99-36-T, jugement, 1 septembre 2004, par. 974, note
de bas de page 2448.
150
Ibid., par. 974, 979.
151Ibid. - 54 -

18. Nous sommes aussi d’accord avec le dema ndeur que les violences sexuelles y compris le

viol peuvent constituer le génocide. Nous sommes d’accord que le viol peut constituer une atteinte

grave à l’intégrité physique ou mentale de la personne, que les viols peuvent être destinés à

soumettre le groupe aux conditions de vie calculées à provoquer la destruction physique du groupe.

Nous sommes également d’accord que les viols peuvent constituer les mesures visant à entraver les

naissances et qu’ils peuvent provoquer le transfer t des enfants d’un groupe à l’autre. Seulement,

dans la présente affaire, la seule qui nous intér esse, en Bosnie-Herzégovine, les viols n’étaient pas

des actes génocidaires.

19. Nous ne contestons pas que les viols ont été commis en Bosnie-Herzégovine. Nous ne

contestons pas que, dans certains cas, les viols c onstituaient les actes inhumains et donc les crimes

contre l’humanité. Toutefois, dans aucun cas, le viol en Bosnie-Herzégovine n’a constitué le

génocide.

20. Le demandeur allègue douzemille viols qui ont été rapports dans le rapport de

Tadeusz Mawozicki 152. Aucune autre preuve n’a été soumise. Nous avons déjà expliqué comment

ce rapport est parvenu au chiffre de douze mille viols 153. Nous avons aussi confirmé que ce nombre

de viols qui auraient été commis inclut tous les viols qui auraient été commis en

Bosnie-Herzégovine pendant la guerre, sans égard à la nationalité de la victime et de l’auteur du

154
crime .

21. Le demandeur a cité les jugements prono ncés par le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie qui

155
incluaient les violences sexuelles et les viols . Nous ne les contestons pas. Nous reconnaissons

que les viols étaient commis, mais ces viols ne constituent pas le génocide, et aucun de ces

jugements n’a conclu que le génocide ait été comm is. Nous ne considérons pas des victimes de

156
viol comme un dommage collatéral comme le demandeur le prétend , nous considérons que le

viol est un crime sérieux, peu importe les circonstances dans lesquelles il a été commis.

Cependant, les victimes des viols ne sont pas néces sairement les victimes du génocide. Les crimes

152CR 2006/6, p. 52, par. 21.
153
CR 2006/20, p. 25.
154
Ibid., p. 25-26.
155CR 2006/33, p. 17-18.

156Ibid., p. 19. - 55 -

sérieux étaient commis, y compris les crimes contre l’humanité, mais le génocide, le seul crime qui

nous intéresse ici n’était pas commis.

22. Par ailleurs, le demandeur n’a soumis au cune preuve de ses a llégations complètement

infondées selon lesquelles les viols auraient été utilisés comme des viols procréatifs ou comme une

mesure visant à entraver les nais sances. Le demandeur s’est contenté de citer une décision rendue

en1996 par le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie en application de l’article 61 du Règlement de

157
procédure et de preuve dans l’affaire de Ratko Mladic et de Radovan Karadzic . La décision citée

était relative à la confirmation de l’acte d’accu sation à l’encontre de Radovan Karadzic et

RatkoMladic, la confirmation de l’acte d’accusati on qui ne contient pas d’allégations que le

génocide aurait été commis par des mesures visant à entraver la naissance ou par le transfert des

158
enfants d’un groupe à l’autre .

23. La preuve principale de ces allégations infondées que le demandeur a trouvée à présenter

est le caractère patriarcal de la société des Musulmans bosniaques, l’allégation en complète

contradiction avec la déclaration de M. Riedlmayer , expert appelé par le demandeur et spécialiste

de l’histoire des Balkans, qui a décrit la Bosnie-Herzégovine comme une société moderne,

159
industrialisée et européenne .

24. Comme le demandeur n’a pu déduire aucune intention des faits qui pourraient constituer

le génocide, il s’est tourné vers les actes qui s ont certes illégaux, criminels, qui peuvent constituer

les crimes de guerre, mais qui sont exclus du cadre de la convention sur le génocide.

25. Nous contestons que ces actes peuvent prouve r l’intention génocidaire qui ne peut être

autrement prouvée, mais nous acquiesçons que ces act es peuvent contribuer à la preuve de cette

intention. Mais, dans la présente affaire, la d estruction culturelle et le déplacement de population

serait la preuve principale, sinon unique de l’intention.

26. Le demandeur a dédié de longues plaidoiri es sur la destruction culturelle. Il a même

appelé un expert qui a principalement répété les faits présentés par le demandeur dans sa

157
CR 2006/33, p. 24.
158 o
TPIY, Le procureur c. Ratko Mladic et Radovan Karadzic, affaire n IT-95-5&18, acte d’accusation.
159CR 2006/22, p. 51-52. - 56 -

160
plaidoirie . Cependant, lors de son témoignage l’expert a implicitement reconnu que la

destruction culturelle en Bosnie-Herzégovine p ourrait être liée aux activités militaires. En

répondant à la question si la destruction culturelle était importante en Iraq, l’expert a répondu:

«Yes, although I believe that the circumstances were fundamentally different from that in Bosnia.»

Et ensuite, en expliquant les différences entre la situation en Bosnie-Herzégovine et en Iraq,

l’expert a declaré: «Actually I believe that in Ira q the destruction to which I refer, which is of

161
cultural institutions, had actually no connection to military actions .» Cette déclaration est une

admission que la destruction culturelle en Bosnie-Herzégovine était liée aux activités militaires. Et

comme le demandeur a admis dans sa plaidoirie du 1 ermars 2006 que :

«Under the Hague Regulations and cust omary international law, institutions
dedicated to religion are protected. This protection is restated in both Additional

Protocols I and II to the Geneva Conventions . This protection can be lost if the
buildings are used for military purposes.» 162

27. Nous n’avons pas l’intention de justifier la destruction culturelle qui dans bien des cas

représentait la violation des conventions de Ge nève, mais nous devons noter que l’agence

américaine des relations publiques Ruder and Finn Global Public Affairs travaillait et travaille

toujours pour la Bosnie-Herzégovine justemen t sur la question de l’héritage culturel 16. Cette

même agence a travaillé pour la Bosnie-Herzégovi ne pendant la guerre avec l’unique tâche, selon

l’aveu du directeur de l’agen ce, M. James Harff, de convain cre l’opinion publique que les

164
Musulmans bosniaques étaient victimes de génocide .

28. Le demandeur se réfère aussi au déplaceme nt de la population qu’ il appelle le nettoyage

ethnique. Le demandeur a déclaré qu’il éta it scandaleux d’invoquer le déplacement des

populations comme une solution pour les règlemen ts des conflits. Cependant, ce n’est pas notre

déclaration, c’est la constatation de la Cour permanente de Justice internationale exprimée dans son

avis consultatif sur la question des communautés gréco-bulgares dans les termes suivants :
«Le but général de l’acte est ainsi, par une émigration réciproque aussi large que

possible, d’éliminer ou de réduire dans les Balkans les foyers d’agitation irrédentiste,
que l’histoire des période précédentes démontraient avoir été si fréquemment la cause

160CR 2006/22 (témoin-expert) et CR 2006/5, p. 45-59.

161CR 2006/22, p. 53.
162
CR 2006/5, p. 45, par. 4.
163http://www.ruderfinn.com.

164CR 2006/18, p. 29, par. 70. - 57 -

de douloureux incidents ou de graves conflits, et d’assurer mieux que par le passé
l’Œuvre de pacification des pays d’Orient.» («Communautés» gréco bulgares, avis
o
consultatif, 1930, C.P.J.I. série B n 17, p. 19.)

29. Le déplacement des populations s’est pr oduit dans beaucoup de régions qui avaient la

population mixte et il a toujours été discriminatoire d’une certaine façon. Le déplacement dont la

question a été soumise à la Cour permanente de Ju stice internationale concernait le déplacement de

la population grecque de la Bulgarie et le déplaceme nt de la population bulgare de la Grèce. Ce

déplacement était, comme tout déplacement de popul ations, discriminatoire, mais toutefois admis,

admis justement afin de prévenir de «douloureux incidents».

30. En Bosnie-Herzégovine les populations étaient déplacées, certaines personnes ont quitté

la Bosnie-Herzégovine avant la guerre pour des raisons économiques, mais aussi à cause de la peur,

cette peur que le demandeur ne ve ut pas reconnaître. Cependant, la Chambre de première instance

du Tribunal pour l’ex-Yougolsavie a jugé dans l’affaire Stakic que l’exode de la population a

165
commencé en1991 et justement en raison d’un sentiment accroissant de l’insécurité et de la

166
peur . Egalement dans l’affaire Brdjanin, le Tribunal est parvenu à la conclusion similaire en

jugeant que: «Already before the outbreak of the armed conflict in Bosnia and Herzegovina,

Bosnian Muslims and Bosnian Croats living in the Bosnian Krajina were feeling increasingly

167
insecure and started leaving the region in convoys.»

31. Bien que la population ait commencé à qu itter la Bosnie-Herzégovine avant la guerre,

nous ne contestons pas que les gens étaient expul sés et transférés de force. Cependant, parfois

pendant la guerre, les gens demanda ient aussi de partir. Le dema ndeur suggère dans sa plaidoirie,

sur la base d’une décision purement humanitaire, que la politique serbe était de déplacer sa propre

168
population . En réalité, les peuples minoritaires, sans égard à leur nationalité, cherchaient à

quitter les territoires sous contrôle d’un autre groupe ethnique. Les Serbes le faisaient, les Croates

le faisaient et les Musulmans le faisaient aussi. Dans l’affaire Brdjanin, la Chambre de première

165 o
TPIY, Le procureur c. Milomir Stakic, affaire n IT-97-24-T, jugement, 31 juillet 2003, par. 692.
166TPIY, Le procureur c. Milomir Stakic, affaire n IT-97-24-T, jugement, 31 juillet 2003, par. 52.

167TPIY, Le procureur c. Radoslav Brdjanin, affaire n IT-99-36-T, jugement, 1 septembre 2004, par. 116.
168
CR 2006/33, p. 53. - 58 -

instance a rapporté le témoignage d’un témoin du procureur, M. Besim Islamovic, un Musulman de

Sanski Most qui a déclaré que :
«In the municipality of Sanski Most Bosnian Muslim representatives met with

Bosnian Serb municipal authorities and representatives of the SDS on several
occasions between June and August 1992 duri ng which they requested that the
Bosnian Serb municipal authorities organi se convoys so that Bosnian Muslims could
169
safely leave the area.»

Les convois demandés par les Musulmans étaient or ganisés et escortés jusqu’aux territoires sous

contrôle des Musulmans par la police des Serbes de Bosnie 170 qui a assuré la sécurité des convois.

32. Il semble aussi que le demandeur n’accep te pas le fait qu’une gue rre particulièrement

sanglante ait éclaté entre les Musulmans et les Croates en1993, une guerre qui a duré presque

deux ans. Cette guerre n’a pas causé seulement un grand nombre de victimes, de personnes tuées,

elle a également provoqué un e xode énorme de la population mu sulmane des territoires sous

contrôle des Croates de Bosnie et aussi un exod e des Croates des territoires sous contrôle des

Musulmans.

33. En plus, le conflit entre les Croates et les Musulmans bosniaques, s’il a éclaté en toute

son ampleur en 1993, a commencé auparavant. La Chambre de première instance du Tribunal pour

l’ex-Yougoslavie a jugé dans l’affaire Neletilic et Martinovic que les incidents ont commencé

171
en 1992 . La Chambre de première instance dans l’affaire Blaskic a été encore plus précise en

jugeant que les tensions entre les Musu lmans et Croates ont commencé en mai1992 172 et que ces

173
tensions ont ensuite éclaté en conflit à large échelle .

34. Les Musulmans bosniaques et les Croat es étaient sans aucun doute en guerre, mais

au-delà de ce fait les Croates de Bosnie avaient un objectif similaire aux objectifs des Serbes de

Bosnie. L’objectif principal des Croates de Bosnie, proclamé lors d’une réunion le

12 novembre 1991 était : «The Croatian people in Bosnia and Herzegovina must finally embrace a

169TPIY, Le procureur c. Radoslav Brdjanin, affaire n IT-99-36-T, jugement, 1 septembre 2004, par. 560.

170Ibid..

171TPIY, Le procureur c. Mladen Naletilic et Vinko Martinovic, affaire n IT-98-34-T, jugement, 31 mars 2003,
par. 24.

172TPIY, Le procureur c. Tihomir Blaskic, affaire n IT-95-14-T, jugement, 3 mars 2000, par. 343.
173 o
TPIY, Le procureur c. Mladen Naletilic et Vinko Martinovic, affaire n IT-98-34-T, jugement, 31 mars 2003,
par. 25. - 59 -

determined and active policy which will realize our eternal dream ⎯ a common Croatian state.» 174

L’objectif du peuple croate de Bosnie-Herzégovine était similaire au premier objectif du peuple

serbe de Bosnie-Herzégovine, seulement, les Croates de Bosnie ont proclamé leur objectif six mois

avant que les Serbes de Bosnie n’aient proclamé leurs objectifs.

35. Le conflit entre les Musulmans bosniaques et les Croates a bien eu lieu et a eu pour

conséquence un grand nombre de victimes, les gens étaient tués, ils étaient détenus dans les camps,

les femmes étaient violées, les mosquées étaient détr uites, les gens étaient expulsés et transférés de

force 175. Comme il ignore cette guerre entre les Mu sulmans bosniaques et les Croates, le

demandeur ignore les crimes commis pendant cette guerre et considère qu’il n’est pas nécessaire de

séparer les victimes de cette guerre des victimes de la guerre qui a eu lieu entre les Serbes et les

Musulmans. Toutes les victimes sont des victimes, mais les Serbes de Bosnie ne sont pas et ne

peuvent être responsables pour des victimes d’un conflit auquel ils n’ont pas participé.

36. Le demandeur est entré dans une analyse très compliquée des numéros et des

176
pourcentages afin de démontrer l’intention génocidaire . Dans cette analyse, il reconnaît qu’un

grand nombre de réfugiés serbes est arrivé en Bosnie-Herzégovine de la région de Krajina située en

Croatie 17. Effectivement, un grand nombre d es Serbes de Croatie est venu en

Bosnie-Herzégovine. Cependant, même en comp tant ce grand nombre de réfugiés serbes venus

lors de la guerre en Bosnie-Herzégovine, la proportion des habitants serbes et des habitants

musulmans est restée identique. Avant la guerre , la population de Bosnie-Herzégovine consistait

en 42,2% de Musulmans bosniaques et 32,5% de Serbes. Après la guerre, les Musulmans

bosniaques constituent 45,5% de la population, ta ndis que les Serbes constituent 35,3% de la

population de Bosnie-Herzégovine. C’est un fait et le demandeur ne peut certainement pas le

changer. C’est le fait qui ne permet certainement pas la déduction d’une intention génocidaire.

174TPIY, Le procureur c. Tihomir Blaskic, affaire n IT-95-14-T, jugement, 3 mars 2000, par. 341.

175TPIY, Le procureur c. Tihomir Blaskic, affaire n IT-95-14-T; Le procureur c. Dario Kordic et Mario Cerkez,
affaire no IT-95-14/2; Le procureur c. Zoran Kupreskic et consorts , affaire no IT-95-16; Le procureur c.
o o
Zlatko Aleksovski, affairo n IT-95-14/1; Le procureur c. Anto Furundija , affaire n oT-95-17; Le procureur c.
Miroslav Bralo, affaore n IT-95-17; Le procureur c. Jadranko Prlic et consorts, affaire n IT-0o-74; Le procureur c.
Ivica Rajic, affaire nT-95 -12; Le procureur c. Enver Hadizhasanovic et Amir Kubura, affaire n IT-01-47.
176
CR 2006/33, p. 48-50.
177
Ibid., p. 50. - 60 -

37. Le demandeur se réfère souvent au nettoya ge ethnique qui n’est pas un terme juridique.

Le nettoyage ethnique a été inventé par les journa listes et l’opinion publique. Certes, l’Assemblée

générale des NationsUnies a utilis é ce terme dans certaines de c es résolutions, mais l’Assemblée

générale est un organe politique des NationsUnies et ses résolutions ne contiennent certainement

pas des conclusions ou des qualifications juri diques. En plus, comme nous l’avons dit, ces

résolutions étaient fondées sur une base factuelle erronée.

38. Le génocide est un crime destiné à la d estruction en tout ou en partie d’un groupe

national, ethnique, racial ou religieux, comme tel. Le transfert forcé a été expressément exclu de la

convention sur le génocide. La Serbie-et-Monténégro est con sciente que certaines chambres du

Tribunal pour l’ex-Yougoslavie ont fondé, concernant l’affaire de Srebrenica, leurs jugements sur

le transfert forcé de population. Cependant, ces conclusions légales qui, de toute façon, ne lient pas

cette Cour, ne sont pas conformes à la conventio n sur le génocide. Au lieu de se référer à ces

jugements, nous allons nous réfé rer aux travaux préparatoires du sixième comité qui excluaient

expressément le transfert forcé du cadre de la c onvention sur le génocide puisque la proposition de

la Syrie selon laquelle la convention sur le génoc ide devrait inclure : «imposing measures intended

to oblige members of a group to abandon their homes in order to escape the threat of subsequent
178
ill-treatment» . Cette proposition a été expressément rejetée. Par ailleurs, les Chambres du

Tribunal ne sont pas unanimes dans la qualificati on juridique du déplacement de la population. Si

dans l’affaire Krstic, le Tribunal a déduit l’intention du fait que le déplacement de population a eu

lieu, il a également jugé dans l’affaire Stakic que : «it does not suffice to deport a group or a part of

a group. A clear distinction must be drawn between physical destruction and mere dissolution of a

group» 17.

39. En plus, dans son rapport, qui est égal ement un commentaire du Statut du Tribunal pour

l’ex-Yougoslavie, le Secrétaire général des Nati ons Unies a assimilé le nettoyage ethnique aux

crimes contre l’humanité. Il a écrit :

«Les crimes contre l’humanité dési gnent des actes inhumains d’une extrême
gravité, tels que l’homicide intentionnel, la torture ou le viol, commis dans le cadre

178
Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, troisième session, sixième comité, comptes
rendus analytiques des séances, 21 septembre-10 décembre 1948, p. 176 et 186.
179ICTY, Prosecutor v. Milomir Stakic, (IT-97-24-T), Judgment, 1 September 2003, par. 519. - 61 -

d’une attaque généralisée ou systématique c ontre une population civile quelle qu’elle

soit, pour des raisons nationales, politiques, ethniques, raciales ou religieuses. Dans le
conflit qui a éclaté sur le territoire de l’ex -Yougoslavie, de tels actes inhumains ont
pris la forme de la pr atique dite du «nettoyage ethnique», de viols généralisés et

systémati180s et d’autres formes de vi olence sexuelle, y compris la prostitution
forcée.»

40. Le fait est que la population déportée, transférée et déplacée n’est pas la population

détruite. Le fait est aussi que la populati on musulmane a été souvent transférée à quelques

kilomètres de sa résidence habituelle. Le fait est qu’aucune intention de détruire en tout ou en

partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel n’a existé.

41. Toutes les communautés ethniques de Bosnie-Herzégovine cherchaient à établir les

communautés homogènes et elles ont réussi. Le demandeur a démontré la composition ethnique de

certaines municipalités dans lesquelles les Musulm ans bosniaques étaient majoritaires avant la

guerre et dans lesquelles ils se sont trouvés en mi norité après la guerre. Nous ne nions pas ces

faits. Cependant, c’était la politique commune de toutes les communautés et de toutes les parties

dans cette guerre, elle n’était certainement pas destinée à la destruction d’un groupe national,

ethnique, racial ou religieux.

42. Les informations disponibles concerna nt la composition de la population de la

Bosnie-Herzégovine démontrent que toutes les pa rties ont réussi à établir les communautés

ethniquement homogènes. Elles démontrent aussi que le génocide n’a pas été commis. Nous ne

pouvons pas analyser toutes les municipalités, ma is nous allons montrer quelques municipalités

représentatives. Ainsi, nous pouvons citer l’exempl e de la municipalité de Sanski Most, l’une des

municipalités dans laquelle le de mandeur prétend que le génocide était commis. La municipalité

est actuellement sur le territoire de la Fédérati on croato-musulmane et Amnesty International a

écrit dans son rapport que :

«Sanski Most pre-war population was approximately 60,000, with 46percent
Bosniacs and approximately 42 per cent Bosnian Serbs. In Sanski Most the local
authorities have openly invited refugees and displaced people whose pre-war home
was not Sanski Most to settle there regard less the fact that the area changed hands

several times during the war and much of housing has been destroyed. As
December1997, the population was estimated to be approximately 45,000 almost all
of whom are Bosniaks.» 181

180 o
Report of the Secretary General n S/25704, 3 May 1993.
181http://web.amnesty.org. - 62 -

43. La municipalité de Sanski Most n’est pas une exception. La situation est identique dans

la municipalité de Kljuc dans laquelle les Serbes étaient le peuple majoritaire avant la guerre.

Conformément aux informations obtenues lors du recensement de la population en1991, la

municipalité avait trente-sept mille deux cent tr ente-trois habitants dont 47,58% étaient des

Musulmans et 49,52% étaient des Serbes. En 2003, la municipalité avait seize mille vingt

182
habitants, dont 97 % étaient des Musulmans bosniaques .

44. L’UNHCR a écrit dans un rapport concernant la région de Sana-Una qui appartient à la

Fédération croato-musulmane et qui est composée des municipalités de Bihac, Bosanska Krupa,

Bosanski Petrovac, Buzim, Kljuc et Sanski Most que la popul ation actuelle est estimée à deux cent

soixante-treize mille deux cent cinquante et un habitants dont les Musulmans font une majorité

écrasante de 94 %. Les Serbes font 2 % de la population et les Croates 3,5 % 183. Avant la guerre,

les Serbes étaient majoritaires à Kljuc, ils faisaient plus de 40 % à Sanski Most et plus de 70 % à

Bosanski Petrovac; aujourd’hui, dans cette région, ils sont réduits à 2%. C’est la réalité de la

Bosnie-Herzégovine, le pays où les trois peuples pr incipaux et constitutifs vivent ensemble depuis

des siècles. Ils ont vécu ensemble sous le pouvoir de l’Empire ottoman, sous la monarchie

austro-hongroise, sous l’ancienne Yougoslavie, mais ils ont toujours vécu l’un à côté de l’autre,

jamais l’un avec l’autre. Ils n’ont jamais accepté de se mélanger, ils n’ont jamais accepté de créer

la nation de Bosnie-Herzégovine, ils sont restés les Musulmans bosniaques, les Serbes et les

Croates et chacun d’eux a voulu son propre Etat.

45. Les Musulmans bosniaques tout comme les Croates, les Serbes et les personnes de toute

autre nationalité ayant vécu en Bosnie-Herzégovine étaient victimes des crimes commis pendant la

guerre, ils étaient déplacés, mais ils n’étaient pas détruits. Aucun de ces peuples n’a essayé de

détruire l’autre et aucun de ces peuples n’a eu d’ intention génocidaire. Madame le président,

Messieurs les juges, aucun plan, aucune politique qui auraient visé la destruction d’un groupe

national, ethnique, racial ou religieux n’ont existé . Les faits présentés pendant cette procédure ne

permettent pas la déduction de l’in tention génocidaire et ils ne pe uvent la permettre car une telle

intention n’a jamais existé. Le génocide n’a pas été commis en Bosnie-Herzégovine.

182
http://en.wikipedia.org/wiki/Kjjuc.
183http://www.unhcr.ba. - 63 -

Madame le président, je m’excuse. J’ai terminé un peu en avance.

The PRESIDENT: Thank you, Maître Fauveau-Ivanović. That occasions no apology.

There is now a question to be put by Judge Simma, and I now give the floor to Judge Simma

to put his question.

Judge SIMMA: My question is as follows:

As the pleadings of Serbia and Montenegro a pproach their conclusion, I would like to take

the opportunity to enquire whether counsel for Serbia and Montengro wishes to say anything

further regarding the blackened records of the Serbian Supreme Defence Counsil?

Thyouk.

The PRESIDENT: The text of Jugde Simma’s question will be passed to Bosnia and

Herzegovina and Serbia and Montenegro for their information.

The Court now rises and the hearings will resume on Monday, 8 May at 10 a.m.

The Court rose at 5.45 p.m.

___________

Document Long Title

Audience publique tenue le jeudi 4 mai 2006, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président

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