Audience publique tenue vendredi 3 mars 2006, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président

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091-20060303-ORA-01-00-BI
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Number (Press Release, Order, etc)
2006/8
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CR 2006/8

International Court Cour internationale
of Justice de Justice

THHEAGUE LAAYE

YEAR 2006

Public sitting

held on Friday 3 March 2006, at 10 a.m., at the Peace Palace,

President Higgins presiding,

in the case concerning the Application of the Convention on the Prevention and Punishment

of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro)

________________

VERBATIM RECORD
________________

ANNÉE 2006

Audience publique

tenue le vendredi 3 mars 2006, à 10 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de Mme Higgins, président,

en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro)

____________________

COMPTE RENDU

____________________ - 2 -

Present: Presieitgins
Vice-Presi-Kntasawneh

Ranjevaudges
Shi
Koroma
Parra-Aranguren

Owada
Simma
Tomka
Abraham

Keith
Sepúlveda
Bennouna
Skotnikov

Judges ad hoc AhmedMahiou
Kre Milenko ća

Couvrisrar

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -

Présents : Mme Higgins,président
AlKh.vsce-prh,ident

RaMjev.
Shi
Koroma
Parra-Aranguren

Owada
Simma
Tomka
Abraham

Keith
Sepúlveda
Bennouna
Sjoteiskov,

MM. Ahmed Mahiou,
KMrilenko ća, juges ad hoc

Cgoefferr,

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -

The Government of Bosnia and Herzegovina is represented by:

Mr. Sakib Softić,

as Agent;

Mr. Phon van den Biesen, Attorney at Law, Amsterdam,

as Deputy Agent;

Mr.Alain Pellet, Professor at the University of ParisX-Nanterre, Member and former Chairman of

the International Law Commission of the United Nations,

Mr. Thomas M. Franck, Professor of Law Emeritus, New York University School of Law,

Ms Brigitte Stern, Professor at the University of Paris I,

Mr. Luigi Condorelli, Professor at the Facultyof Law of the University of Florence,

Ms Magda Karagiannakis, B.Ec, LL.B, LL.M.,Barrister at Law, Melbourne, Australia,

Ms Joanna Korner, Q.C.,Barrister at Law, London,

Ms Laura Dauban, LL.B (Hons),

as Counsel and Advocates;

Mr. Morten Torkildsen, BSc, MSc, Tork ildsen Granskin og Rådgivning, Norway,

as Expert Counsel and Advocate;

H.E. Mr. Fuad Šabeta, Ambassadorof Bosnia and Herzegovina to the Kingdom of the Netherlands,

Mr. Wim Muller, LL.M, M.A.,

Mr. Mauro Barelli, LL.M (University of Bristol),

Mr. Ermin Sarajlija, LL.M,

Mr. Amir Bajrić, LL.M,

Ms Amra Mehmedić, LL.M,

Mr. Antoine Ollivier, Temporary Lecturer and Research Assistant, University of Paris X-Nanterre, - 5 -

Le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine est représenté par :

M. Sakib Softić,

coagment;

M. Phon van den Biesen, avocat, Amsterdam,

comme agent adjoint;

M. Alain Pellet, professeur à l’Université de ParisX-Nanterre, membre et ancien président de la
Commission du droit international des Nations Unies,

M. Thomas M. Franck, professeur émérite à lafaculté de droit de l’Université de New York,

Mme Brigitte Stern, professeur à l’Université de Paris I,

M. Luigi Condorelli, professeur à la fact de droit de l’Université de Florence,

Mme Magda Karagiannakis, B.Ec., LL.B., LL.M.,Barrister at Law, Melbourne (Australie),

Mme Joanna Korner, Q.C.,Barrister at Law, Londres,

Mme Laura Dauban, LL.B. (Hons),

comme conseils et avocats;

M. Morten Torkildsen, BSc., MSc., Tork ildsen Granskin og Rådgivning, Norvège,

comme conseil-expert et avocat;

S. Exc. M. Fuad Šabeta, ambassadeur de Bosn ie-Herzégovine auprès duRoyaume des Pays-Bas,

M. Wim Muller, LL.M., M.A.,

M. Mauro Barelli, LL.M. (Université de Bristol),

M. Ermin Sarajlija, LL.M.,

M. Amir Bajrić, LL.M.,

Mme Amra Mehmedić, LL.M.,

M. Antoine Ollivier, attaché temporaire d’ense ignement et de recher che à l’Université de

Paris X-Nanterre, - 6 -

Ms Isabelle Moulier, Research Student in International Law, University of Paris I,

Mr. Paolo Palchetti, Associate Professor at the University of Macerata (Italy),

as Counsel.

The Government of Serbia and Montenegro is represented by:

Mr. Radoslav Stojanović, S.J.D., Head of the Law Council of the Ministry of Foreign Affairs of
Serbia and Montenegro, Professor at the Belgrade University School of Law,

as Agent;

Mr. Saša Obradović, First Counsellor of the Embassy of Serbia and Montenegro in the Kingdom of
the Netherlands,

Mr. Vladimir Cvetković, Second Secretary of the Embassy of Serbia and Montenegro in the
Kingdom of the Netherlands,

as Co-Agents;

Mr.Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), Professor of Law at the Central European University,
Budapest and Emory University, Atlanta,

Mr. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., Member of the International Law Commission, member of
the English Bar, Distinguished Fellow of the All Souls College, Oxford,

Mr. Xavier de Roux, Masters in law, avocat à la cour, Paris,

Ms Nataša Fauveau-Ivanović, avocat à la cour, Paris and member of the Council of the
International Criminal Bar,

Mr. Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), Professor of Law at the University of Kiel, Director
of the Walther-Schücking Institute,

Mr. Vladimir Djerić, LL.M. (Michigan), Attorney at Law, Mikijelj, Jankovi ć & Bogdanovi ć,

Belgrade, and President of the International Law Association of Serbia and Montenegro,

Mr. Igor Olujić, Attorney at Law, Belgrade,

as Counsel and Advocates;

Ms Sanja Djajić, S.J.D., Associate Professor at the Novi Sad University School of Law,

Ms Ivana Mroz, LL.M. (Minneapolis),

Mr. Svetislav Rabrenović, Expert-associate at the Office of th e Prosecutor for War Crimes of the
Republic of Serbia, - 7 -

Mme Isabelle Moulier, doctorante en droit international à l’Université de Paris I,

M. Paolo Palchetti, professeur associé à l’Université de Macerata (Italie),

cocomnseils.

Le Gouvernement de la Serbie-et-Monténégro est représenté par :
M. Radoslav Stojanović, S.J.D., chef du conseil juridique du ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro, professeur à la faculté de droit de l’Université de Belgrade,

coagment;

M. Saša Obradovi ć, premier conseiller à l’ambassade de Serbie-et-Monténégro au Royaume des

Pays-Bas,

M. Vladimir Cvetković, deuxième secrétaire à l’ambassade de Serbie-et-Monténégro au Royaume
des Pays-Bas,

comme coagents;

M. Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), professeur de droit à l’Université d’Europe centrale de

Budapest et à l’Université Emory d’Atlanta,

M. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., membre de la Commission du droit international, membre
du barreau d’Angleterre, Distinguished Fellow au All Souls College, Oxford,

M. Xavier de Roux, maîtrise de droit, avocat à la cour, Paris,

Mme Nataša Fauveau-Ivanovi ć, avocat à la cour, Paris, et membre du conseil du barreau pénal
international,

M. Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), professeur de droit à l’Université de Kiel, directeur de

l’Institut Walther-Schücking,

M. Vladimir Djeri ć, LL.M. (Michigan), avocat, cabinet Mikijelj, Jankovi ć & Bogdanovi ć,
Belgrade, et président de l’association de droit international de la Serbie-et-Monténégro,

M. Igor Olujić, avocat, Belgrade,

comme conseils et avocats;

Mme Sanja Djajić, S.J.D, professeur associé à la faculté de droit de l’Université de Novi Sad,

Mme Ivana Mroz, LL.M. (Minneapolis),

M. Svetislav Rabrenovi ć, expert-associé au bureau du procureur pour les crimes de guerre de la
République de Serbie, - 8 -

Mr. Aleksandar Djurdjić, LL.M., First Secretary at the Ministry of Foreign Affairs of Serbia and
Montenegro,

Mr. Miloš Jastrebić, Second Secretary at the Ministry of Foreign Affairs of Serbia and Montenegro,

Mr. Christian J. Tams, LL.M. (Cambridge),

Ms Dina Dobrkovic, LL.B.,

as Assistants. - 9 -

M. Aleksandar Djurdji ć, LL.M., premier secrétaire au ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro,

M. Miloš Jastrebi ć, deuxième secrétaire au ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro,

M. Christian J. Tams, LL.M. (Cambridge),

Mme Dina Dobrkovic, LL.B.,

comme assistants. - 10 -

The PRESIDENT: Please, be seated. I call Professor Pellet.

M. PELLET :

LE DÉFENDEUR A ENGAGÉ SA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Madame le président, Messieurs les juges,

1. Dans ses plaidoiries des trois derniers j ours, la Bosnie-Herzégovine a montré que les

crimes perpétrés contre les populations non serbes de Bosnie-Herzégovine constituent, sans que le

doute soit possible, un génocide au sens de l’article II de la convention de 1948 pour la prévention

et la répression du crime de génocide. Il y a là, à l’évidence, «une violation d’une obligation

internationale». Mais cela ne suffit pas pour engager la responsab ilité de l’Etat défendeur. Pour

qu’il en aille ainsi, il faut encore que l es actions ou omissions constitutives de ce fait

internationalement illicite gravissime lui soient attribuables en vertu du droit international ainsi que

le rappelle l’article2 des articles de la Commission du droit international annexés à la

résolution 56/83 de l’Assemblée générale du 12 décembre 2001.

2. Nous allons montrer qu’il en va bien ainsi durant l’essentiel des heures qui demeurent à

notre disposition :

⎯ la fin de cette matinée sera occupée par une présen tation factuelle générale de l’implication de

la Yougoslavie dans le génocide;

⎯ lundi matin, cette présentation continuera et sera plus précisément centrée sur les aspects

militaires d’abord, économiques et financiers ensuite, de cet engagement;

⎯ dont Luigi Condorelli et moi tirerons pour finir l es conclusions qui s’imposent au point de vue

juridique.

3. Dans l’immédiat, il m’appartient de présente r, d’une manière générale, le droit applicable

à l’engagement de la responsabilité du défendeur. Je le ferai en trois temps :

⎯ je rappellerai d’abord que la question posée à la Cour est celle de la responsabilité de l’Etat (de

l’Etat, j’y insiste) serbo-monténégrin; - 11 -

⎯ j’évoquerai ensuite les divers modes d’engagement de la res ponsabilité d’un Etat partie à la

convention de 1948 sur le génocide;

⎯ et puis je m’attarderai un petit peu sur les moda lités d’attribution au défendeur des violations

des obligations en découlant.

I. La question posée à la Cour : la responsabilité de l’Etat serbo-monténégrin

4. Madame le président, il ne me semble p as superflu de rappeler une nouvelle fois non pas

tellement les enjeux politiques, moraux et humains de l’affaire que vous examinez ⎯ il me semble

que vous en êtes pleinement conscients; les plaidoiries de mes collègues et amis y ont insisté et les

images terrifiantes que nous avons vues sont pl us éloquentes pour montrer l’indicible que nos

pauvres mots ⎯ mais de rappeler la question juridique, la seule, qui est posée à la Cour, même si,

bien sûr, elle est liée à ce terrible contexte.

5. Cette question est la suivante: la Serbie-et-Monténégro ⎯qui n’est autre, sous un nom

différent, que la République fédé rative de Yougoslavie, l’un des cinq Etats issus de la dissolution

de l’ex-Yougoslavie ⎯ la Serbie-et-Monténégro donc, est-elle , en tant qu’Etat, responsable, d’une

manière ou d’une autre (et c’est un point sur lequel je reviendrai), du génocide perpétré contre les

populations non serbes de la Bosnie-Herzégovine ? N’était son contexte abominable ⎯ mais

comment l’oublier ? ⎯ c’est donc un problème de droit international, somme toute très classique,

qui vous est posé.

6. Comme l’ont répété à satiété les différe nts rapporteurs spéciaux sur la responsabilité des

Etats qui se sont succédé à la Commission du droit international depuis Roberto Ago, la

responsabilité des Etats en droit international n’est ni civile ni pénale TF⎯ elle est … internationale.

Elle emprunte en réalité aux deux grandes «tech niques» : elle rappelle les mécanismes de la

responsabilité civile en ce qu’elle est, traditionnelle ment, centrée sur l’obligation de réparer; c’est

1
TPR. Ago,reroisième rapport sur la responsabilité des Etats, Annuaire de la Commission du droit international ,
1971, vol. II, 1 PPpartie, p. 220, par. 38; cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, Annuaire de la Commission du
droit international, 1976, vol. II, 1 PPpartie, p. 34-35, note 154 et p. 49, par. 137; commentaire de l’article 19, Annuaire de
e
la Commission du droit international, 1976, vol. II, 2 PPpartie, p. 96, note 473; G. Arangio-Ruiz G., cinquième rapport sur
la responsabilité des Etats, Annuaire de la Commission du droit international , 1993, volI.I, 1 PPpartie,

(doc.A/CN.4/453/Add.3, 24 juin 1993), par. 148, p.41, et doer A/CN.4/453/Add.2, ibid., p.58-61, par. 250-263;
J. Crawford, premier rapport sur la responsabilité des Etats, 1 PPmai 1998, doc. A/CN.4/490/Add.1, par. 60. Voir aussi les
commentaires par la Commission du dr oit international de ses projets d’articles 12 (par.5) ⎯ rapport de la Commission
er
du droit international sur les travaux de sa cinquante-troisièmesession, 23avril-1 PPjuillet et 2 juillet-10 août 2001,
A/56/10, p. 135 (et James Crawford, Les articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat, Pedone, Paris, 2003, p. 152). - 12 -

pourquoi on l’analysait souvent (mais à mon avis à tort) comme civile et elle le demeure

essentiellement. Mais c’est l’immense apport inte llectuel de Roberto Ago d’avoir mis en évidence

les aspects qui la rapprochent aussi, à certains égar ds, de la responsabilité pénale : l’obligation de

cesser le fait internationale ment illicite et, dans certains cas, de donner des assurances de

non-répétition, la possibilité pour l’Etat victime de recourir (à de strictes conditions) à des

contre-mesures et, pour les violations les plus grav es, qui concernent la communauté internationale

dans son ensemble, des conséquences supplémentaires ⎯ dont certaines, mais certaines seulement,

sont mentionnées à l’article 41 des articles de la CDI. Ceci, au demeurant, ne fait certainement pas

de la responsabilité de l’Etat en droit interna tional une responsabilité pénale: comme l’a très

justement relevé la Chambre d’ appel du TPIY, dans l’affaire Blaskić, «[a]ux termes du droit

international en vigueur, il est évident que les Etat s, par définition, ne peuvent pas faire l’objet de

2
sanctions pénales semblables à celles prévues par les systèmes pénaux internes» TPT

7. Il reste que cette responsabilité, ni pénale ni civile, mais simplement internationale, est

celle de l’Etat auquel un fait internationalement illicite peut être attribué.

8. Sans doute, et c’est l’une des plus formidables avancées du droit international

contemporain, dans certains cas, les individus qui ont décidé ou commis les faits

internationalement illicites qui enga gent la responsabilité de l’Etat, peuvent-ils être jugés au plan

international, sans égard pour leur qualité officielle. Et c’est le cas s’agissant des forfaits perpétrés

dans l’ex-Yougoslavie puisque le Tribunal pénal international, créé par les résolutions808 et827

de 1993 du Conseil de sécurité, est compétent «pour juger les personnes présumées responsables de

violations graves du droit humanitaire internationa l commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie

3
depuis 1991» T, y compris le crime de génocide. Mais il s’agit de personnes physiques; en aucun

cas des Etats; et cette responsabilité, indiscutablem ent pénale, laisse subsister celle des Etats en

cause TPFqui, comme je viens de le rappeler, est d’une na ture entièrement différente. Qui, d’ailleurs,

TPIT 95-14-AR 108bis, arrêt relatif à la requête de la République de Croatie aux fins d’examen de la décision de la

Chambre de première instance II rendue le 18 juillet 1997, 27 octobre 1999, par. 25.
3
TPS/RES/808 (1993) du 22 février 1993.
4
TPVoir par exemple le commentaire de la Commission du droit international en introduction du chapitre III de la
deuxième partie des articles sur la respons abilité de l’Etat pour fait internationale ment illicite (par. 6), rapport de la
er
Commission du droit international sur les trava ux de sa cinquante-troisième session, 23 avril-1 PPjuillet et
2 juillet-10 août 2001, A/56/10, p. 301-302 (et J. Crawford, op. cit., p. 292). - 13 -

pourrait prétendre que le jugement (pénal) des grands criminels de guerre nazis par le Tribunal de

Nuremberg après la seconde guerre mondial e a exonéré l’Allemagne de sa responsabilité

(internationale) pour les mêmes faits ?

9. L’article25 du Statut de Rome créant la CPI prend d’ailleurs bien soin de préciser

qu’aucune disposition de ce statut «relative à la responsabilité pénale des individus n’affecte la

responsabilité des Etats en droit international». A l’inverse, l’article 58 des articles de la CDI sur la

responsabilité de l’Etat précise bien que ceux-ci «s ont sans préjudice de toute question relative à la

responsabilité individuelle d’après le droit interna tional de toute personne qui agit pour le compte

de l’Etat». A cet égard, un extrait du commentaire de cette disposition mérite, je crois, d’être cité :

A cet égard un extrait du commandeur de cette disposition mérite je crois d’être cité :

«Dans le cas de crimes de droit internati onal commis par des agents de l’Etat, il
arrivera souvent que ce soit l’Etat lui-mê me qui soit responsable pour avoir commis

les faits en cause ou pour ne pas les avoir empêchés ou réprimés. Dans certains cas,

notamment celui de l’agression, l’Etat sera par définition impliqué. Mais même dans
ces cas, la question de la responsabilité individuelle est en principe à distinguer de

celle de la responsabilité des Etats.» TFPT

10. C’est, sans nul doute, ce qui vous a conduits, Madame et Messieurs de la Cour, à

reconnaître très nettement, dans votre arrêt de 1996, que je cite «l’a rticle IX [de la convention sur

6
le génocide] n’exclut aucune forme de responsabilité d’Etat» TPTalors même que vous ne pouviez

ignorer ⎯et n’ignoriez évidemment pas ⎯ que, par ailleurs, le TPIY avait, pour sa part,

compétence pour juger, pénalement, non pas le s Etats responsables d’une violation de la

convention ⎯ il n’existe, décidément, pas de responsabilité pénale des Etats ⎯ mais les individus,

quelles qu’aient été leurs fonctions officielles, qui sont, à titre personnel, accusés de génocide.

11. Dans ses écritures, le défendeur a fait mine de s’en offusquer. Dans le très bref passage

7
de sa duplique qu’il consacre à l’attr ibution des actes de génocide à l’Etat TPTil ignore superbement

votre décision de 1996 mais répète ce qu’il avait dé jà dit (de manière un peu plus précise) dans son

5
TPParagraphe 3) du commentaire, ra pport de la Commission du droit inte rnational sur les travaux de sa
cinquante-troisième session, 23 avril-1 PPjuillet et 2 juillet-10 août 2001, A/56/10, p. 391 (et J. Crawford, op. cit., p. 371);

notes de bas de page omises.
6
TPTApplication de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c.Serbie-et-Monténégro), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.Recueil1996 (II) , p.616, par. 32. Voir aussi Activités

armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda) , arrêt du
3 février 2006, opinion individuelle conjointe de Mme Higgins et MM. Kooijmans, Elaraby, Owada et Simma, par. 28.

TPDuplique, p. 643-645, par. 4.1.1.1-4.1.1.4. - 14 -

contre-mémoire TP: un Etat ne peut jamais, selon lui, être juridiquement responsable d’un génocide

puisque ce sont les individus qui le sont; les seu les obligations lui incombant seraient celles qui

sont prévues à l’article IV de la convention (curieusement il ne mentionne même pas les articles V

et VI) qui impose, je cite, que «[l]es personnes ayant commis le génocide ou l’un quelconque des

autres actes énumérés à l’article II [soient] punies, qu’elles soient des gouvernants, des

fonctionnaires ou des particuliers».

12. Cela, Madame le président, reviendrait à admettre que la responsabilité internationale

personnelle des individus pour certains faits constit ue une «circonstance excluant l’illicéité» au

regard de la responsabilité internationale de l’Etat pour les mêmes faits. Ceci ne peut pas être

raisonnablement soutenu : non seuleme nt les deux responsabilités, bien distinctes, coexistent, mais

encore, comme le précise la CDI dans le commentaire de l’article 58 dont j’ai déjà cité un extrait,

l’Etat n’est même «pas exonéré de sa pr opre responsabilité pour le comportement

internationalement illicite par le fait qu’il a poursu ivi et puni les agents publics qui en sont les

9
auteurs» TPPTIl en va ainsi à fortiori lorsque, comme c’ est le cas ici, l’Etat n’a pas poursuivi ni puni

ces agents.

13. Il va de soi également qu’en aucune ma nière la création du Tribunal pénal international

pour l’ex-Yougoslavie n’a d’influence sur la compéten ce de la Cour. Elle a permis (cette création)

d’ajouter la possibilité de sanctionner pénalement, au plan international, des individus coupables

des actes de génocide perpétrés dans l’ex-Yougoslavi e, mais elle n’a nullement eu pour objet ni

pour effet de vous empêcher d’exercer votre co mpétence statutaire en ce qui concerne la

constatation de la responsabilité de l’Etat au nom duquel ces personnes ont agi de jure ou de facto.

Il n’en irait autrement que si l’on considérait que le Statut de la Cour, dont elle tient sa compétence,

avait été modifié par les résolutions 808 et 827 (1993) du Conseil de sécurité créant le Tribunal.

Ceci est tout simplement inimaginable.

14. Votre récent arrêt dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo

(République démocratique du Congo c. Ouganda) , constitue d’ailleurs une illustration éclatante de

TContre-mémoire, p. 308-313, par. 4.10.1.1-4.11.1.4.

TParagraphe 3) du commentaire, ra pport de la Commission du droit inte rnational sur les travaux de sa
er
cinquante-troisième session, 23 avril-1 PPjuillet et 2 juillet-10 août 2001, A/56/10, p.391-392 (et J. Crawford, op. cit.,
p. 371). - 15 -

la distinction fondamentale qui existe entre la responsabilité internationale de l’Etat et la

responsabilité personnelle et péna le des individus. Dans vot re arrêt du 19 décembre 2005 vous

avez, Madame et Messieurs les juges, relevé

«que l’Ouganda est responsable de l’ensemble des actes et omissions de ses forces

armées sur le territoire de la RDC, qui viol ent les obligations lui incombant en vertu
des règles pertinentes et applicables à la s ituation de l’espèce, du droit international
10
relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire» TPPT

Cette responsabilité internationale de l’Etat défendeur a été établie sans préjudice de celle, pénale,

des individus qui ont commis ces violations, responsabilité qui subsiste évidemment intégralement.

15. Réciproquement, la constatation par la C our de céans de la responsabilité de l’Ouganda,

en tant qu’Etat, n’aurait certainem ent pas dissuadé la Cour pénale internationale de lancer des

mandats d’arrêt contre les milita ires ougandais coupables de ces mêmes violations, eût-elle eu

compétence ratione temporis . Loin d’être incompatibles, ces constatations judiciaires

internationales se complètent et je ne doute p as que la CPI tiendra le plus grand compte des

constatations que vous avez faites dans votre arrêt de décembre dernier à l’occasion des jugements

qu’elle sera sans doute appelée à rendre au sujet d’une situation étroitement liée à celle sur laquelle

11
vous avez eu à vous prononcer TPPT

16. Les responsabilités de l’Etat d’une part, des personnes physiques par lesquelles celui-ci

agit d’autre part, n’en sont p as moins distinctes: la CPI a compétence pour se prononcer sur la

responsabilité de ces dernières (les personnes physi ques); vous l’aviez, dans cette affaire, pour

apprécier celle de l’Etat ougandais, exactem ent comme vous êtes compétents, Madame et

Messieurs les juges, pour connaître de la requê te de la Bosnie-Herzégovine relative à la

responsabilité internationale de la Serbie-et- Monténégro pour génocide alors même que, par

ailleurs, le TPIY poursuit au pénal des individus qu i s’en sont rendus coupables. La responsabilité

pénale des uns n’exclut évidemment pas la res ponsabilité internationale de l’Etat qui a ordonné,

planifié, commis et aidé à commettre le génocide.

10
TPPActivités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c.Ouganda) , arrêt du
19 décembre 2005, par. 180; voir aussi les paragraphes 220, 250 et 345 3).

TPPVoir l’enquête lancée par le pr ocureur de la CPI (document ICC-OTP-20040729-65-Fr (disponible sur le site
de la CPI : www.icc-cpi.int )) et les mandats d’arrêt émis pa r la Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale

le 8 juillet 2005 documents ICC-02/04-01/05-53 à 57 (ibid.)). - 16 -

17. Au demeurant, ceci ne revient pas à dire qu’il n’y a aucun lien de connexité entre la

responsabilité pénale des individus auteurs du géno cide commis contre les populations non serbes

de Bosnie-Herzégovine d’une part et la responsab ilité internationale de la Serbie-et-Monténégro

pour ce même génocide d’autre part :

⎯ les faits constitutifs du génocide sont les mêmes;

⎯ en conséquence, comme le professeur Franck et Mme Karagiannakis l’ont montré mardi, la

jurisprudence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et, d’une manière plus

générale, les nombreuses preuves des faits constitutifs du génocide accumulées par cette

juridiction constituent pour la Cour des élémen ts d’information particulièrement utiles; en

outre,

⎯ la définition du génocide est, dans les deux cas, la même puisque l’article 4 du Statut du

Tribunal reprend, mot pour mot, la définition des actes de génocide et de ceux qui lui sont liés,

donnée aux articles II et III de la convention de 1948; et

⎯ dès lors que certaines des pe rsonnes accusées de génocide deva nt le Tribunal (ou condamnées

par lui à ce titre), sont de hauts responsabl es serbo-monténégrins, civils ou militaires, on voit

mal comment la responsabilité de l’Etat lui-même pourrait ne p as être engagée par les mêmes

faits.

18. Il n’en résulte évidemment pas, Madame et Messieurs les juges, que vous soyez liés par

les constatations juridiques effectuées par le Tribunal :

⎯ il applique les règles de droit international pé nal énoncées par son Statut, vous êtes appelés à

trancher un différend interétatique conformément au droit international;

⎯ il peut se produire que, dans un cas particulier, le Tribunal condamne un individu pour un motif

autre que sa participation au génocide mais que le ou les faits pour lesquels il a été condamné

apparaissent comme des éléments du génocide gl obal fomenté et organisé à Belgrade; en

d’autres termes, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre commis par les personnes

condamnées par le TPIY ou accusées devant lui pe uvent être des éléments du génocide quand

bien même, pris isolément, ils ne justifient pas une condamnation ou une accusation de ce chef;

⎯ les règles relatives à la culpabilité pénale d’un individu ⎯qui ne peut être condamné qu’en

l’absence de tout «doute raisonnable» ⎯ sont différentes et plus exigeantes encore que celles - 17 -

relatives à l’attribution à un Etat d’un fait inte rnationalement illicite dont je rappellerai tout à

l’heure les éléments essentiels.

II. Les divers modes d’engagement de la responsabilité d’un Etat partie
à la convention de 1948

19. Auparavant, Madame le président, il me faut dire quelques mots des modes

d’engagement de la responsabilité d’ un Etat partie à la convention de 1948. Ils sont divers: la

convention pour la prévention et la répressi on du crime de génocide impose aux Etats des

obligations complexes et variées dont la violation entraîne la responsabilité de son auteur et, en

l’espèce, le défendeur a violé à peu près toutes l es obligations lui incombant en vertu de la

convention. Il reste que, quel que soit le fait géné rateur, le mécanisme demeure le même : il faut,

chacun le sait, qu’une action ou omission attribua ble à la Serbie-et-Monténégro constitue une

12
violation de l’obligation en question TPFPT

20. D’attribution, nous parlerons abondamment dans les heures qui viennent. Mais, bien que

les plaidoiries des quatre derniers jours de mes co llègues ne laissent aucun doute sur l’existence de

manquements ⎯ et quels manquements ! ⎯ au droit international, il n’est peut-être pas inutile de

revenir brièvement sur la consistance des obliga tions violées par le défendeur, en cause dans la

présente affaire. Conformément à ce que vous avez décidé, Madame et Messieurs les juges, dans

votre arrêt du 11 juillet 1996, cell es-ci ne peuvent trouver leur source que dans la convention

de 1948 puisque vous avez dit n’avoir compétence qu e «sur la base de l’article IX de la convention

13
pour la prévention et la répression du crime de génocide, pour statuer sur le différend» TPFPT

21. Il va de soi que cette limitation de votre compétence ne signifie pas que le défendeur

n’est pas responsable d’autres fa its internationalement illicites c onstitués par la violation d’autres

règles du droit international. Comme la Cour l’a à plusieurs reprises indiqué TPF, et comme elle l’a

rappelé tout récemment :

12
TPPVoir l’article 2 des articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite.
13
TPPApplication de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 623, par. 47 2 a).

TPPVoir Incident aérien du 10 août 1999 (Pakistan c. Inde), compétence de la Cour , arrêt, C.I.J. Recueil 2000,

p.33, par. 51; Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada) , compétence de la Cour, arrêt,
C.I.J. Recueil 1998, p.456, par.55-56 ou Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Belgique) , exceptions
préliminaires, par. 128 et dans la même affaire, mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999

C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 140, par. 48. - 18 -

«il existe une distinction fondamentale entre la question de l’acceptation de la
juridiction de la Cour par les Etats et la conformité de leurs actes au droit

international. Qu’ils aient accepté ou non la juridiction de la Cour, les Etats sont en
effet tenus de se conformer aux obligations qui sont les leurs en vertu de la Charte des

Nations Unies et des autres règles du droit international, y compris du droit
international humanitaire et du droit interna tional relatif aux droits de l’homme, et

demeurent responsables des actes contraires au droit international qui pourraient leur
être attribués.» TPFPT

La Serbie-et-Monténégro demeure responsable à ce titre. Simple ment, comme vous l’avez décidé

en1996, ces manquements ne sont pas l’objet de la présente instance et nous nous en sommes

tenus, et nous en tiendrons, strictement à votre décision.

22. Il est dès lors essentiel de garder à l’esp rit chaque mot de l’article IX, sur lequel votre

compétence Test fondée, et qui renvoie, du même coup, aux obligations dont la violation est

susceptible d’engager la responsabilité du défendeur dans le cadre de la présente affaire :

«Les différends entre les parties contractantes relatifs à l’interprétation,

l’application ou l’exécution de la présente convention, y compris ceux relatifs à la
responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou de l’un quelconque des autres actes

énumérés à l’article III, seront soumis à la C our internationale de Justice, à la requête
d’une partie au différend.»

23. Trois remarques liminaires :

⎯ en premier lieu, la responsabilité des Etats parties peut être engagée à la fois en ce qui concerne

l’application et l’exécution de la convention;

⎯ en deuxième lieu, la responsabilité des Etats par ties peut être engagée parce qu’ils ont commis

un génocide et ceci renvoie à l’article II de la convention ou à ce qu’il est d’usage d’appeler les

«actes ancillaires» au génocide, énumérés aux alinéas b) à e) de l’article II; mais,

⎯ en troisième lieu, ces chefs de responsabilité ne sont pas exhaustifs comme le montrent les

mots «y compris»; la convention impose en outre aux parties contractantes des obligations

spécifiques, dont la violation constitue un fait internationalement illicite à l’égard duquel la

Cour a également compétence et, d’une façon pl us générale, la Serb ie-et-Monténégro est

responsable de tous les manquements à la conven tion pouvant lui être attribués conformément

aux règles relatives à la responsabilité internationale des Etats.

TP, Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002) (République démocratique du Congo
c. Rwanda), arrêt du 3 février 2006, par. 28.

TPPIbid., par. 127. - 19 -

1. Les obligations de prévenir et punir

24. Les premières de ces obligations, propres aux Etats parties, sont de prévenir et punir le

er
génocide. Elles font l’objet de l’article I P , qui les énonce sous une forme très générale, et des

articlesIV à VI, qui précisent la portée de l’obligation de punir et les mesures que les parties

contractantes doivent prendre pour s’en acquitter.

25. A vrai dire, nous consacrerons peu de dé veloppements à l’obligation de prévention: le

manquement du défendeur à celle-c i est établi, on pourrait dire «éclipsé», par le fait qu’il est

lui-même, responsable du génocide commis contre les populations non serbes de

Bosnie-Herzégovine. Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour admettre qu’un Etat qui

commet un génocide n’a pas tenu son engagement de le prévenir… J’ajoute seulement qu’il s’agit

d’une obligation très large; comme la Cour l’ a rappelé très fermement dans son ordonnance du

8avril 1993, les parties à la convention sur le génocide «sont tenues de l’incontestable obligation

16
de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour en assurer la prévention…» TPPT

26. Pour sa part, l’obligation de punir pose des problèmes particuliers. S’il ne fait aucun

doute que le défendeur ne s’en est nullement acquitté,

1. ces manquements revêtent des formes multiples et se traduisent par des abstentions: omission

d’arrêter et de juger les auteurs des actes de génocide et des autres actes énumérés à l’article III

de la convention; manque de coopération avec le Tribunal pénal international pour

l’ex-Yougoslavie, qui empêche le jugement eff ectif des individus qui ont commis les actes de

génocide; etc.; et

2. alors que la Bosnie-Herzégovine ne prétend certainement pas que la Serbie-et-Monténégro

démocratique d’aujourd’hui continue de commettre un génocide à l’encontre des Croates et des

Musulmans, en revanche le défe ndeur persiste à ne pas s’acqu itter de son obligation de punir,

comme le triste épisode de l’arrestation manquée de Mladi ć, il y a tout juste une dizaine de

jours, l’a à nouveau montré, alors qu’il est de notoriété publique que cet individu, accusé de

génocide devant le TPIY, se trouve à Belgrade au moins depuis 1998 TPF.PT

16
TPPApplication de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), mesures conservatoires, ordonnance du 8 av ril 1993, C.I.J.Recueil1993 , p.22, par. 45; voir

aussi, ibid., ordonnance du 13 septembre 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 347, par. 46, et p. 348, par. 50.
17
TPPPoint de presse de la procureur du TPIY, 22 février 2006, http://www.un.org/icty/latest-f/index-f.htm U(consulté
le 1PrPmars 2006). - 20 -

27. Ce sont les raisons pour lesquelles il nous a semblé nécessaire de consacrer à ces

violations des développements distincts: la pre uve des omissions de la Serbie-et-Monténégro

d’agir conformément aux articlesI, IV, V etVI de la convention établit, du même coup, que ces

violations sont attribuables au défendeur. Ici, les deux éléments constitutifs du fait

internationalement illicite se confondent.

2. L’obligation de ne pas commettre de génocide

28. Il en va différemment s’agissant des viola tions par le défendeur des obligations résultant

de l’articleIII de la convention de1948, auquel renvoie expressément l’articleIX, violations qui

sont au cŒur de notre affaire. C’est cette di sposition fondamentale qui établit les obligations dont

la violation engage la responsabilité des Etats parties. Et, comme le fait l’article IX lui-même, il est

approprié de distinguer à cet égar d le génocide en tant que tel ⎯ qui est visé au premier alinéa de

l’articleIII et défini à l’articleII ⎯ de ce qu’il est convenu d’appe ler les actes «ancillaires au

génocide», mentionnés dans les alinéas b) à e) de l’articleIII et sur lesquels je reviendrai plus

spécifiquement dans quelques instants.

29. En ce qui concerne l’interdiction du génocid e, elle présente, en droit, et pas seulement

moralement, certaines particularités juridiques ⎯ou, plus exactement peut-être, elle présente des

18
particularités juridiques parce que le génocide «bouleverse la conscience de l’humanité» TPF. C’est

pourquoi, dans son arrêt du 3février de rnier, dans l’affaire relative aux Activités armées sur le

territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (R épublique démocratique du Congo c. Rwanda) , la

Cour a expressément admis que l’interdiction du génocide constituait à la fois une obligation

erga omnes ⎯ ce qu’elle avait déjà rappelé dans son arrêt de 1996 sur les exceptions préliminaires

19
dans la présente affaire TPF⎯ et une norme impérative du droit in ternational général (une norme de

20
jus cogens) TPF. Et, assurément, il n’y a probablement pas de violation plus grave d’obligations

18
TPPRéserves à la convention pour la préventi on et la répression du crime de génocide, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1951, p. 23.

TPPC.I.J. Recueil 1996, p.616, par.31; voir aussi l’ordonnance du 17décembre1997 rendue dans la présente
affaire (demandes reconventionnelles), C.I.J. Recueil 1997, p. 258, par. 35.

TPPActivités armées sur le territoir e du Congo (nouvelle requête:2002) (République démocratique du Congo

c. Rwanda), compétence de la Cour et recevabilité de la requête, arrêt du 3 février 2006, par. 64. - 21 -

découlant de normes impératives du droit interna tional qu’un génocide qu’un Etat commet ou

auquel il a participé ou qu’il n’a pas empêché alors qu’il l’eût pu ou qu’il a incité à commettre.

30. Le caractère particulier de ces viola tions ne les exclut pas du mécanisme général

d’engagement de la responsabilité qui trouve à s’appliquer qu elle que soit la gravité des

manquements au droit international. La Cour l’ a du reste rappelé: «Il est…bien établi que, dès

lors qu’un Etat a commis un acte internationaleme nt illicite, sa responsabilité internationale est

21
susceptible d’être engagée, quelle que soit la nature de l’obligation méconnue.» TPFFPIl est significatif

à cet égard que, dans son projet d’articles défin itif sur la responsabilité de l’Etat, celui de2001

⎯qui contraste sur ce point avec celui adopté en première lecture en1996, la CDI ait renoncé à

établir, dans la première partie, consacrée au fa it internationalement illicite, une gradation entre les

violations du droit international ⎯ alors même qu’elle a réintroduit cette particularisation dans la

deuxième partie (sur le «contenu» de la responsabilité) et dans la troisième (sur la mise en Œuvre).

Dans ces deux parties, elle distingue, à certain s égards, les «violations graves d’obligations

découlant de normes impératives du droit international» ⎯je parlerai, pour faire court, de

«violations graves» ⎯ des autres faits internationalement illicites quant aux conséquences des unes

et des autres.

31. Sur un point cependant, il m’appara ît que la différenciation entre les faits

internationalement illicites «ordinaires», si l’on peut dire, et les «violations graves», doit également

produire des effets en ce qui concerne l’engageme nt de la responsabilité lui-même. S’agissant des

manquements au droit international qui ne présente nt pas un caractère d’exceptionnelle gravité, ils

n’engagent la responsabilité de l’Etat qu’en l’ab sence de toute «circonstance excluant l’illicéité»,

ces «bouclier[s] contre une accusati on de violation d’une obligation internationale qui serait par

ailleurs fondée» TPFPT

21
TPPProjet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 38, par. 47. La Cour se réfère
à son avis consultatif du 18juillet1950, Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la
Roumanie, deuxième phase, avis consultatif, C.I. J. Recueil 1950, p.228 et à l’article17 du projet d’articles sur la

responsabilité des Etats adopté à titre provisoire par la Co mmisseon du droit international en première lecture, Annuaire
de la Commission du droit international, 1980, vol. II, 2 Ppartie, p. 30-31.
22
TPPCommentaire général du chapitreV de la première partie, par.1, rapport de la Commission du droit
international sur les travaux de sa cinquante-troisième session, 23 avril-1 PPjuillet et 2 juillet-10 août 2001, A/56/10,

p. 179-180 (et J. Crawford, op. cit., p. 190). - 22 -

32. En présence d’une «violation grave», le bouclier ne peut pas être levé : un Etat ne peut se

prévaloir de l’une quelconque de ces circonsta nces pour échapper aux conséquences de son

comportement illicite. On ne peut consentir à un gé nocide, qui ne peut davantage être justifié par

une situation de force majeure, ou de détresse ou pa r un quelconque état de nécessité. De même, il

est inconcevable qu’un Etat recoure à des actes de génocide à titre de contre-mesures fût-ce au

prétexte de légitime défense TPFPT

33. L’article50, paragraphe1 d), des articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat pour

fait internationalement illicite exclut du reste du champ des contre-mesures les «obligations

découlant de normes impératives du droit internat ional général» et, dans son commentaire de

l’article26, la Commission souligne avec force qu’«il n’est pas permis à un Etat prenant des

contre-mesures de déroger à une telle norme: un génocide, par exemple, ne saurait justifier un

contre-génocide» TP. Du reste, dans la présente affaire, la Cour elle-même a, dans son ordonnance

du 17décembre1997 relative aux demandes reconve ntionnelles de la Yougoslavie, aujourd’hui

25
retirées, donné acte aux Parties qui, toutes deux, l’admettaient TPFPTde ce que «en aucun cas une

violation de la convention [de 1948] ne pourrait servir d’excuse à une autre violation de celle-ci» TPF.PT

34. C’est que, comme ce même article26 l’ét ablit avec fermeté, aucune circonstance ne

saurait exclure «l’illicéité de tout fait de l’Etat qui n’est pas conforme à une obligation découlant

d’une norme impérative du droit in ternational général» et, je vien s de le rappeler, s’il n’existait

qu’une seule norme de ce type, ce serait, sans aucun doute, l’interdiction du génocide.

35. Ce caractère particulier des obligations imposées aux Etats parties par la convention

de 1948 a d’autres effets en ce qui concerne non plus l’engagement de la responsabilité en cas de

violation mais sa mise en Œuvre. J’aurai l’occasion d’y revenir mardi prochain lorsque j’évoquerai

les conséquences des constatations que vous aurez fa ites, Madame et Messieurs les juges, sur le

principe de la responsabilité du défendeur.

TPPCf. le paragraphe3 du commentaire de l’article21, rapport de la Commission du droit international sur les
er
travaux de sa cinquante-troisième session, 23avril-1 PPjuillet et 2juillet-10 août 2001, A/56/10, p.190 (et J.Crawford,
op. cit., p. 199).

TPPIbid., p. 223, par. 4 (et J. Crawford, op. cit., p. 226); voir aussi le paragraphe 6, p. 224 (et J. Crawford, op. cit.,

p. 227).

TPPCf. Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, demandes

reconventionnelles, ordonnance du 17 décembre 1997, C.I.J. Recueil 1997, p. 251, par. 21, et p. 252-253, par. 12.
26
TPPIbid., p. 258, par. 35. - 23 -

3. Les actes «ancillaires» au génocide

36. Celle-ci est engagée, au pr emier chef, par le fait qu’il a, lui-même, directement, commis

un génocide au mépris des prescriptions de l’article III a) de la convention de 1948. Mon collègue

et ami Luigi Condorelli l’établira lundi prochain. Mais les actes pour lesquels un Etat peut voir sa

responsabilité engagée devant la Cour interna tionale de Justice ne se limitent pas à ceci;

conformément aux termes exprès de l’articleIX de la convention, vous êtes compétents, Madame

et Messieurs les juges, pour vous prononcer su r la responsabilité d’un Etat en matière non

seulement de génocide, mais aussi «pour l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III».

37. Ces «autres actes» sont au nombre de quatre. Ce sont :

«b) l’entente en vue de commettre le génocide;

c) l’incitation directe et publique à commettre le génocide;

d) la tentative de génocide;

e) la complicité dans le génocide».

38. Comme la Bosnie-Herzégovine l’a expliqué dans sa réplique TPF, elle ne vous demande pas

de constater l’existence d’une «tentati ve de génocide» au titre de l’alinéa d) de l’articleIII:

l’existence du génocide étant avérée et indiscutabl e, comme l’ont montré mes collègues depuis le

début de la semaine, il ne ferait pas grand sens de reprocher au défendeur une telle tentative : elle

n’a, malheureusement, que trop bien réussi. En revanche, la commission d’un génocide n’est

nullement exclusive des violations des autres alinéas de l’article III.

L’incitation directe et publique à commettre le génocide

39. Avec votre permission, Madame le président , je commencerai par «l’incitation directe et

publique à commettre le génocide» car, des trois «a ctes» énumérés à l’articleIII de la convention

de1948 dont la Serbie-et-Monténégro s’est rendue responsable, elle est, si je peux dire, la plus

«éloignée» du génocide lui-même. Il n’y a pas, d’ailleurs, grand-chose à en dire sur le plan

juridique. «Incitation», le sens du mot est clair; il signifie: «Provocation, encouragement, appel,

invitation, notamment à commettre une infraction» TP. Selon la définition qu’en a donnée le

Tribunal pénal international pour le Rwanda,

TPPP. 819-820, par. 156.

TPPJ. Salmon, Dictionnaire de droit international public, Bruylant, Bruxelles (dir. de publ.), 2001, p. 566. - 24 -

«quel que soit le système juridique, l’incita tion directe et publique doit être définie,

aux fins de l’interprétation de l’article 2 3) c), comme le fait de directement provoquer

l’auteur ou les auteurs à commettre un génocide, soit par des discours, cris ou menaces
proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des imprimés vendus

ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des

placards ou affiches, exposés aux regards du public, soit par tout autre moyen de
29
communication audiovisuelle» TPF.PT

40. Plus difficile est la question de l’interpré tation des mots «directe et publique». En ce qui

concerne le second ⎯ «publique» ⎯ il ressort clairement des travaux préparatoires de la

30
convention TPFPqu’il «suppose la communication de l’appel à perpétrer un acte criminel à un certain

31
nombre d’individus dans un lieu public ou en public en général» TPF.PT

41. Quant à savoir si une incitation est «directe», le problème est, que, comme on l’a écrit,

32
«history shows that those who attempt to incite genocide speak in euphemisms» TPFFet utilisent

souvent un langage codé, qui peut apparaître comme relativement anodin à un observateur extérieur

mais dont le sens est parfaitement clair pour les audi teurs dans un contexte culturel particulier. Le

TPIR ne s’y est pas trompé, qui, dans son jugement Akayesu, a expliqué «qu’il est approprié

d’évaluer le caractère direct d’une incitation à la lumière d’une culture et d’une langue donnée. En

effet, le même discours prononcé dans un pays ou dans un autre, selon le public, sera ou non perçu

33
comme «direct»» TPF. La remarque est importante car les dirigeants serbes n’ont pas manqué à la

règle : malgré des écarts de langage révélateurs, ils n’ont, à ma connaissance, jamais lancé d’appel

ouvert au génocide; ils n’en ont pas moins incité publiquement et très directement la «nation serbe»

à le commettre ⎯ il est vrai que leurs féaux en Bosnie-H erzégovine n’ont pas eu cette «pudeur»...

J’y reviendrai plus précisément lundi prochain.

L’entente en vue de commettre le génocide

42. J’en viens à l’entente, Madame le préside nt. Héritée de l’accord de Londres de1945

34
créant le Tribunal militaire in ternational de Nuremberg TPF, la notion, inconnue de la plupart des

29
TPPLe procureur c. Akayesu, jugement, 2 septembre 1998, ICTR-96-4-T, par. 559.

TPPVoir le résumé qu’en donne William Schabas, Genocide in International Law , Cambridge UP, 2000,

p. 266-271.

TPPCommission du droit international, proj et de code des crimes contre la pa ix et la sécurité de l’humanité,
e
commentaire de l’article 2, Annuaire de la Commission du droit international , 1996, vol. II, 2 Ppartie, p. 22, par. 16; voir
aussi TPIR, Le procureur c. Akayesu, jugement, 2 septembre 1998, ICTR-96-4-T, par. 556.

32
TPPWilliam Schabas, Genocide in International Law, Cambridge UP, 2000, p. 277.
33
TPPJugement, 2 septembre 1998, ICTR-96-4-T, par. 557.

TPPVoir William Schabas, Genocide in International Law, Cambridge UP, 2000, p. 261-262. - 25 -

droits pénaux internes dans les pays de tr adition romano-germanique, en tout cas à l’époque,

correspond au concept de «conspiracy» en common law TPFFP⎯et c’est d’ailleurs ce terme qui est

utilisé dans le texte anglais de la convention de 1948. Ceci ne signifie pas que la notion doive

nécessairement être transposée purement et simplement, avec toutes les subtilités techniques qui la

36
caractérisent en droit anglais par exem ple, dans la sphère internationale TPF: il est à cet égard

révélateur que, dans l’article 6 a) de l’accord de Londres, «le complot» ⎯ mot qui avait, alors, été

préféré à «entente» mais qui correspondait au terme anglais «conspiracy» ⎯ soit jumelé avec «la

erP
participation à un plan concerté» (common plan); et le jugement de Nuremberg du 1 P octobre 1946

37
ne fait à vrai dire aucune différence entre les deux notions TPF.PT

43. Ce qui caractérise l’entente en vue de co mmettre le génocide au sens de la convention,

c’est le fait que deux ou plusieurs personnes ⎯ ou deux ou plusieurs entités ⎯ préparent ensemble

un plan en vue de commettre un génocide. Et, comme l’a fort bien expliqué le professeur

Antonio Cassese, premier président du TPIY : «The mens rea element of conspiracy [required] for

each and every participant is twofold: i) knowledge of the facts or circumstances making up the

crime the group intend to commit; ii) intent to carry out the conspiracy and thereby perpetrate the

38
substantive offence» TPF. L’entente ainsi définie se situe «en amont» du génocide; mais elle

constitue un fait internationalement illicite distinct: s’agissant de l’ entente, il n’est pas nécessaire

que l’intention se concrétise; la responsabilité d es participants est engagée, que leur plan

«réussisse» et aboutisse à la commission d’un génocide ⎯comme c’est le cas dans l’affaire en

39
examen ⎯ ou non TPFF. Le génocide et l’entente sont donc bien deux chefs de responsabilité

différents qui peuvent donner lieu à des accusations et à des condamnations distinctes TPF.PT

TPPVoir William Schabas, Genocide in International Law, Cambridge UP, 2000, p. 260-261.

36
TPPVoir Nations Unies, Documents officiels de la troisième session de l’Assemblée générale, première partie,
questions juridiques, Sixi ème Commission, comptes re ndus analytiques des séances , 21 septembre-10 décembre1948,

p. 212 et réplique, p. 824, par. 172-173.

37 erP
TPPVoir le jugement du 1 P octobre 1946, in Procès des grands criminels de gue rre devant le Tribunal militaire
international, Nuremberg, 14 novembre 1945-1 PrPoctobre 1946, t. 1, documents officiels, p. 237.

38
TPPInternational Criminal Law, Oxford UP, 2003, p. 196; les italiques sont dans l’original.

TPPCf. TPIR, Chambre de première instance, jugement et sentence, 27 janvier 2000, Alfred Musema, ICTR-96-13,

par. 194.

TPPVoir par exemple : TPIR, Le procureur c. Kambada, ICTR 97-23-S, jugement, 4 septembre 1998, par. 40; voir

aussi Le procureur c. Eliézer Niyitegeka, jugement, 16 mai 2003, ICTR-94-T, par. 480. - 26 -

44. Dernière précision juridique importante en ce qui concerne l’entente. Elle se trouve dans

le jugement du Tribunal de Nuremberg :

«Objectera-t-on que cette notion de plan concerté s’accorde mal avec le régime

de la dictature? Ce serait, à notre sens, une erreur. Ce plan, un seul l’a peut-être

conçu. D’autres en sont devenus responsabl es en prenant part à son exécution, et leur
41
soumission aux ordres du promoteur ne les libère pas de cette responsabilité.» TPFFPT

Cela veut dire, Madame le prési dent, que peu importe que le pl an visant à détruire les groupes

nationaux, religieux ou ethniques non serbes dans les zones de Bosnie-Herzégovine contrôlées par

les Serbes ait été conçu à Belgrade (ce que nous croyons et qui paraît assez évident) ou à Pale:

l’entente en vue de commettre le génocide est juridiquement avérée dès lors que les participants ont

adhéré à ce plan.

La complicité dans le génocide

45. Alors que l’entente n’implique pas que, finalement, le génocide ait été effectivement

commis, il en va différemment de la «complicité dans le génocide»: comme l’a relevé le TPIY,

⎯que je cite en anglais car la traduction française officielle se fait toujours attendre…:

«[c]omplicity in genocide refers to the liability incurred by those who associate themselves in the

42
commission of the crime» TPF. Dès lors, l’actus reus, dans l’hypothèse de la complicité, est double :

il faut, d’une part, qu’un génocide ait été commis (par un autre individu ou une autre entité) et,

d’autre part, que le complice ait fourni une aide à l’auteur principal du génocide.

46. Cette aide peut revêtir des formes tr ès diverses: mise à disposition de troupes, de

matériel, aide financière, fourniture d’une base arri ère, soutien diplomatique, intellectuel ou autre.

Ce qui importe est l’existence d’un «acte délibér é» et que celui-ci influe «directement sur la

43
perpétration du crime proprement dit» TPF. Du reste, comme la Bosnie -Herzégovine l’a relevé dans

44
sa réplique TPFPTles Parties s’accordent sur ce point ⎯ sur lequel la duplique du défendeur s’abstient

de revenir (elle n’aborde du reste pratiquement pas les questions relatives au droit applicable).

TPPJugement du 1 PrPoctobre 1946, Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire
er
international, Nuremberg, 14 novembre 1945-1 P Poctobre 1946, secrétariat du Tribunal, Nuremberg, 1947-1949, t.I,
p. 237.

42
TPPLe procureur c. Blagojević, jugement, 17 janvier 2005, IT-02-60-T, par. 638.

TPPTPIY, Le procureur c. Duško Tadić, Chambre de première instance, 7 mai 1997, IT-94-1-T, par. 678.

TPPP. 829, par. 182; voir aussi le contre-mémoire de la Yougoslavie, p. 305, par. 4.6.1.4. - 27 -

47. Pour ce qui est du mens rea, il ne fait aucun doute, au vu des travaux préparatoires de la

45
convention de 1948 TP, que la participation du complice au génocide doit être intentionnelle. Mais

quelle intention ? Le complice doit-il partager l’obj ectif de l’auteur principal tel qu’il est défini à

l’article II ? Ou suffit-il qu’il apporte son ai de à la commission du génocide en toute connaissance

de cause mais sans nécessairement avoir lui-même «l ’intention de détruire, en tout ou en partie»,

un groupe humain ?

48. Dans l’affaire Musema, le TPIR a estimé

«qu’un accusé est complice de génocide s’il a sciemment et volontairement aidé,

assisté ou provoqué une ou plusieurs personnes à commettre le génocide, sachant que
cette ou ces dernières commettaient le génocide, même si l’accusé n’avait pas

lui-même l’intention spécifique de détruire en tout ou en partie un groupe national,
46
ethnique, racial ou religieux, visé comme tel» TPFPT

47
Une chambre de première instance du TPIY a pris une position comparable dans l’affaire Tadić TPFPT

Toutefois, dans son récent jugement dans l’affaire Krstić, la Chambre d’appel du Tribunal a

considéré que, «dans les cas de complicité dans le génocide (complicity) qui débordent le cadre de

la complicité (aiding and abetting), il faut apporter la preuve que l’ «accomplice» avait l’intention

48
spécifique de détruire un groupe protégé» TPF. Ce n’est pas limpide mais l’idée sous-jacente est

certainement exacte: la complicité dans le génocide implique que le complice adhère au projet

génocidaire; mais, conformément aux principes gé néraux du droit international, on peut également

se rendre complice d’un fait internationalement illicite, y compris une «violation grave d’une

obligation découlant d’une norme impérativ e», y compris d’un génocide, du seul fait

qu’objectivement on aide sciemment l’auteur de celui-ci à parvenir à ses fins, même sans

forcément partager son objectif.

49. Ceci étant, cette distinction est sans dout e intéressante dans une perspective académique,

mais n’a guère de portée concrète dans l’affaire qui nous occupe dans laquelle elle n’est pas

susceptible de produire des effets quelconques :

TPVoir la réplique de la Bosnie-Herzégovine, p. 830-831, par. 186-189.

46
TPAlfred Musema, Chambre de première instance, jugement et sentence, 27 janvier 2000, ICTR-96-13, par. 183.
47
TPPLe procureur c. Jean-Paul Akayesu , jugement, 7mai1997, IT-94-1-T, par. 675; voir aussi TPIR, jugement et
sentence, 2 septembre 1998, ICTR-96-4-T, par. 545-548.

48
TPPArrêt du 19avril2004, IT-98-33-A, par.142; voir aussi: Milosević, décision relative à la demande
d’acquittement, IT-02-54-T 16 juin 2004, par. 295. - 28 -

1. Comme ceci ressort des plaidoiries de ces jours de rniers, les autorités de Belgrade étaient, sans

aucune espèce de doute, animées par une intention génocidaire.

2. L’articleIII de la convention ne constitue pas un système «fermé», un self-contained régime,

pour autant que cela existe : comme je l’ai rappelé tout à l’heure, les règles générales du droit

international de la responsabilité s’appliquent aux violations de la convention sur le génocide

comme à tout autre fait internationalement illicite et si, par impossible, les conditions, peut-être

plus exigeantes, de la «complicité dans le génocide» n’étaient pas remplies à vos yeux,

Madame et Messieurs les juges, vous ne pourriez, je crois, que constater que, au minimum

minimorum, que le défendeur a engagé sa respons abilité pour avoir entraîné, armé, équipé,

financé et approvisionné les forces qui ont co mmis le génocide, pour les avoir encouragées,

appuyées et assistées de toute autre manière, à l’image de la position (pourtant fort stricte) prise

par la Cour au sujet de la responsabilité des Etats-Unis pour leurs Activités militaires et

paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci TPFPT Mutatis mutandis , c’est aussi l’idée

sous-jacente aux articles 16 et 17 des articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat même si

ce projet ne concerne que les relations entre Etats et si, dès lors, les règles qu’il énonce ne sont

50
pas directement applicables en l’esp èce : quoi qu’en ait dit le défendeur TP, la Republika Srpska

n’est pas, et n’a jamais été, un Etat.

3. Et surtout: le problème, à vrai dire, ne se pose tout simplement pas: le défendeur n’est pas

complice du génocide perpétré contre les popula tions non serbes de Bosnie-Herzégovine, il en

est l’auteur. Dès lors, ce n’est évidemment qu’à titre subsidiaire que la Bosnie-Herzégovine

vous demande, Madame et Messieurs de la Cour, de constater qu’elle s’en est rendue complice :

«une même personne ne peut pas être à la fois l’auteur principal et le complice d’un fait

51
spécifique» TPFPT Ceci conduit à s’interroger sur :

TPPVoir C.I.J. Recueil 1986, p. 146, par. 292 2).

TPPVoir notamment, exceptions prélim inaires de la RFY, juin1995, p.73-77, par.1.11.1-1.11.12 («The

Establishment of the Bosnian Serb Republ ic»); contre-mémoire, 23ju illet 1997, p. 122-125, par. 2.4.1.-2.4.1.15. («The
Process of State Organization of the Serb People in Bosnia and Herzegovina»).

TPPTPIR, Alfred Musema, Chambre de première instan ce, jugement et sentence, 27janvier2000, ICTR-96-13,
par. 175. - 29 -

III. Les modalités d’attribution au défendeur des violations des obligations

découlant de la convention de 1948

50. Elles sont, à vrai dire, essentiellement les mêmes que celles, bien connues, découlant des

règles du droit de la responsabilité in ternationale en matière d’attribu tion. Il me semble suffisant

de rappeler à cet égard que le chapitre II des article s de la CDI sur la responsabilité de l’Etat pour

fait internationalement illicite fait le point sur cette question complexe en énumérant les différentes

manières dont la responsabilité de l’ Etat peut être engagée. Mais , en les passant brièvement en

revue, il convient de toujours gard er à l’esprit que l’attribution ⎯ce que l’on appelle souvent

l’élément «subjectif» du fait internationalement illicite ⎯ est une opération (juridique) de

reconstruction intellectuelle qui peut être simple (tel est le cas lorsque l’auteur de l’action ou de

l’omission est un organe de l’Etat selon son droit interne) ou beaucoup plus compliquée (lorsque le

lien entre l’auteur immédiat du manquement et l’Et at responsable est dissimulé ou nié). Dans la

présente affaire, l’attribution des actes de gé nocide commis contre la population non serbe de

l’ex-Yougoslavie et plus particulièrement en Bosnie-Herzégovine, à la Serbie-et-Monténégro

résulte d’une conjonction de facteurs qui, chacun, pris isolément, établit la responsabilité de cette

dernière mais pour des raisons diverses.

51. Si l’on se fonde sur les articles de la CDI de2001, cette attribution relève d’au moins

trois des huit articles que la Commission a consacrés à la question en précisant que «[c]es règles

52
sont cumulatives» TPFF:T

⎯ l’article 4 sur le comportement des organes de l’Etat;

⎯ l’article 5 sur le comportement des personnes ou entités exerçant des prérogatives de puissance

publique; et

⎯ l’article 8 relatif au «Comportement sous la direction ou le contrôle de l’Etat».

Je tiens cependant à préciser que, si les règles applicables à ces deux dernières hypothèses peuvent

avoir un rôle à jouer dans la présente affaire, c’ est sans aucun doute pour le comportement de ses

organes que la Serbie-et-Monténégro porte la plus lourde responsabilité dans les violations de la

convention de 1948 sur lesquelles vous êtes, Madame et Messieurs de la Cour, appelés à vous

prononcer.

TPCommentaire général du chapitreII de la première partie, par.9), rapport de la Commission du droit
international sur les travaux de sa cinquante-troisième session, 23 avril-1PPjuillet et 2 juillet-10 août 2001, A/56/10, p. 87

(et J. Crawford, op. cit., p. 111). - 30 -

1. Le comportement des organes du défendeur

52. L’article 4 des articles de la CDI, qui n’a pas été adopt é sans mal par la Commission,

53
en 1998 TPF, ne reflète qu’imparfaitement toute la comple xité de cette situation, qui n’est simple

qu’en apparence. Mais le pa ragraphe 2 de cette importante disposition renvoie à ce que l’on

pourrait appeler la «vie réelle» du droit : après que le paragraphe 1 a énoncé la règle fondamentale

de l’attribution à l’Etat du comportement de ses organes, le paragraphe 2 précise: «Un organe

comprend [«comprend», c’est le mot important] toute pe rsonne ou entité qui a ce statut d’après le

droit interne de l’Etat». Il en résulte a contrario que le comportement d’une personne ou d’une

entité qui n’a pas ce statut d’après le droit national, pe ut également engager la responsabilité de

l’Etat. Comme l’écrit la Commission dans son commentaire de cette disposition: «se reporter

exclusivement au droit interne peut induire en erreur»; et elle ajoute qu’«un Etat ne saurait, pour se

soustraire à sa responsabilité du fait d’une entité qui agit véritablement en tant qu’un de ses

54
organes, se contenter de dénier ce statut à l’entité en cause en invoquant son droit interne» TPFPT

53. Il est clair que le droit interne peut établir la qualité d’organe de l’Etat en cause en droit

international. Tel est évidemme nt le cas pour ses forces armées, comme la Cour l’a rappelé dans

son arrêt de l’an dernier relatif aux Activités militaires [de l’Ouganda] sur le territoire du Congo ,

«la responsabilité [d’un Etat ] est donc engagée à raison à la fois de tout acte de ses forces armées

contraire à ses obligations internationales et du dé faut de la vigilance requise pour prévenir les

55
violations» du droit international imputables à ses organes TPFPT Ceci est la conséquence directe de la

er
règle catégorique figurant au paragraphe 1 P Pde l’article 4 des articles de 2001, règle que la Cour

avait déjà très clairement énoncée en 1999 da ns son avis consultatif dans l’affaire Curasaswami :

56
«le comportement de tout organe d’un Etat doit être regardé comme un fait de cet Etat» TPF. A ce

53 e e
TPPVoir Annuaire de la Commission du droit international , 1998, vol. I, p.243-249 et 251-262 (2553 P, 2254 PPet
eP
2255 P séances).
54
TPPPar. 11) du commentaire de l’articl e 4, rapport de la Commission du droit in ternational sur les travaux de sa
erP
cinquante-troisième session, 23 avril-1 P juillet et 2 juillet-10 août 2001, A/56/10, p.95 (et J. Crawford, op. cit.,
p. 117-118).

55
TPPTActivités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c.Ouganda) , arrêt du
19 décembre 2005, par. 179; voir aussi les paragraphes 213-214, 245-246, 248, 264, 240 ou 345.3), 4) et 12).

56
TPPDifférend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme ,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 1999, p. 87, par. 62. - 31 -

titre, les actes de la JNA ou des ministères de l’intérieur (MUP) de la Yougoslavie et de la

République de Serbie sont attribuables, sans qu’aucune discussion soit possible, au défendeur.

54. Il arrive souvent qu’un fait internati onalement illicite soit commis (ou omis) par des

entités qui ne sont pas qualifiées d’organes par le droit de l’Etat en cause. Dans ce cas, ce sont les

liens effectifs qui unissent l’Etat à ces entités apparemment extérieures à son organigramme officiel

qui doivent être pris en compte. Comme on l’a écrit, une position contrair e ne laisserait aucune

place «for a supplementary role of international law in cases wh ere the internal law of a State did

57
not denote a particular en tity to constitute an organ » TP. En d’autres termes, l’organe par lequel

l’Etat agit peut être de jure ou de facto, ce qui importe est qu’il se comporte en cette qualité et qu’il

agisse au nom de l’Etat; que les personnes ou groupes de personnes concernés puissent être

assimilés «(même en l’absence d’instructions don nées par un Etat) à des organes de l’Etat en

conséquence de leur comportement dans les faits au sein de la structure dudit Etat» TPF.PT

55. Cette dernière précision, donnée à juste titre par la Chambre de première instance du

TPIY dans l’affaire Tadić, n’est pas sans importance. Peu importe, en effet, que ces organes aient

outrepassé leur compétence ou aient contrevenu à le urs instructions: la règle énoncée à cet égard

par l’article 7 des articles de la CDI de 2001 est bi en établie par une jurisprudence et une pratique

constantes et ne souffre guère la discussion. Au demeurant, en l’espèce, il ne semble pas que les

organes de jure ou de facto de l’Etat défendeur aient agi ultra vires; ils n’ont fait qu’appliquer de

façon zélée leurs instructions. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

56. Quoi qu’il en soit, comme le professeur Condorelli le montrera lundi, le défendeur a agi

par le biais de ses organes tant de jure (en particulier ses forces ar mées, la JNA puis la VJ) que de

facto (la Republika Srpska et les groupes param ilitaires serbes agissant en Bosnie-Herzégovine)

pour commettre le génocide perpétré contre l es populations non serbes de Bosnie-Herzégovine, et

ce qu’il est convenu d’appeler les actes «ancillaires» à ce génocide, ceux qu’énumère l’article III de

la convention de 1948, sur lesquels je reviendrai également lundi.

57
TPAndré J.J. de Hoogh, «Articles 4 and 8 of the 2001 ILC Articles on State Responsibility, the Tadić case and
Attribution of Acts of Bosnian Serb Authorities to the Federal Republic of Yugoslavia», BYBIL 2001, p. 275; les italiques
sont dans l’original.

TPTPIY, Tadić, Chambre d’appel, arrêt, 15 juillet 1999, IT-94-1-A, par. 141. - 32 -

57. A cet égard, il convient de remarquer que la situation se présente très différemment de

celle qui était en cause dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et

contre celui-ci. Dans cette affaire, il était certainement difficile de considérer les contras comme

des organes des Etats-Unis d’Amérique: ils ne se réclamaient pas de la nationalité ou de la

citoyenneté américaine; ils poursuivaient des fins propres ⎯ renverser le régime sandiniste ⎯ et ne

visaient ni à rattacher le Nicaragua aux Etats-Un is, ni à garantir la «pureté ethnique» de ces

«grands Etats-Unis». Au contraire, le but comm un de la RFY, de la Republika Srpska et des

groupes militaires serbes, qu’ils viennent de Serb ie ou qu’ils aient été constitués sur le territoire

bosniaque, consistait à créer une «Grande Serbie» dans laquelle les éléments non serbes eussent été

éradiqués ou réduits au rôle de minorités subordo nnées, maintenues dans un état inférieur (comme

on pouvait l’observer au Kosovo); et le moyen pour atteindre ce but était le génocide, la

destruction, en tout ou en partie des groupes nationaux, ethniques ou religieux ne se définissant pas

comme Serbes et n’adhérant pas à ce dessein et, en particulier, des Musulmans bosniaques. Au

surplus, le contexte historique des deux affaires est entièrement différent: dans l’affaire du

Nicaragua, les Etats-Unis et la contra n’étaient pas issus du déme mbrement d’une seule entité

comme c’est le cas ici: ce n’est que dans le c ourant de 1992, lorsque le génocide avait déjà

largement commencé, que les Serbes de ce qui est devenu la Serbie-et-Monténégro et ceux de

Bosnie-Herzégovine ont été inclus dans deux Etat s distincts; l’unité organique de la Republika

Srpska et de la RFY n’est que la continuation au fond d’une longue histoire commune.

58. Nous reviendrons longuement sur cette unité organique. Mais il n’y a sans doute pas

besoin de longs développements pour constater que la Republika Srpska apparaît clairement

comme une subdivision territoriale de facto de la RFY. Ceci ressort avec la clarté de l’évidence,

par exemple du financement de sa prétendue armé e (exclusivement par Be lgrade), du mode de

promotion de ses officiers (exclusivement d écidée à Belgrade) ou de la composition de la

délégation serbe aux pourparlers de Dayton-Paris (men ée par le président de la Serbie), autant de

faits qui ne laissent aucun doute sur la dépendan ce complète de la Republika Srpska par rapport à

la Yougoslavie, dont elle n’était, à l’époque, qu’un démembrement de facto.

59. Dans cette perspective, il n’est pas sans intérêt de noter que, dans l’affaire Loizidou, la

Cour européenne des droits de l’homme a retenu la responsabilité de la Turquie pour les actes de la - 33 -

prétendue République turque du nord de Chypre (qui, pas plus que la Republika Srpska ne peut être

considérée comme un Etat au sens du droit internatio nal et qui, comme elle, fait partie intégrante

d’un Etat souverain, la Bosnie-Herzégovine dans un cas, la République de Chypre dans l’autre).

Pour ce faire, la Cour de Strasbourg a considéré que «[l]’obligation d’assurer, dans une telle région,

le respect des droits et libertés garantis par la convention découle du fait de ce contrôle, [que l’Etat

concerné] exerce directement, par l’intermédiaire [de ses] forces armées … ou par le biais d’une

59
administration locale subordonnée» TPFPT

Madam President, I still have, say, 24 minutes to go. Dou you prefer me to finish or ⎯ ?

The PRESIDENT: I think you should continue, please, Professor Pellet.

M. Pellet: Ok, I will.

2. La question (subsidiaire) du contrôle

60. Il va de soi, Madame le préside nt, que la responsabilité encourue par la

Serbie-et-Monténégro pour les actes (et les omissions d’agir) de ses organes, de jure ou de facto,

n’exclut nullement que la responsabilité de ce pays puisse être également engagée pour d’autres

chefs et, en particulier, pour le comportement de personnes ou de groupes de personnes agissant en

fait sur les instructions ou conformément aux di rectives ou sous le contrôle des autorités de

Belgrade. Ces hypothèses sont, toutes trois, envisagées à l’article 8 des articles de la CDI sur la

responsabilité de l’Etat. Et il s’agit-là de conditions alternatives : comme l’a précisé très clairement

la Commission du droit international, «les trois termes «instructions», «directives» et «contrôle»

60
sont disjoints; il suffit d’établir la réalité de l’un d’eux» TPPT La Cour s’y est expressément référée

dans son arrêt du 19décembre2005 to ut en constatant que la pre uve de l’une ou l’autre de ces

situations n’avait pas été apportée : «La Cour a cherché à déterminer si le MLC avait agi «sur les

instructions ou les directives ou sous le contrôle de» l’Ouganda (article 8) et estime ne disposer

59
TPPLoizidou c. Turquie (exceptions préliminaires), 23 mars 1995, Recueil des arrêts et décisions , 1995, série A,
no310, par. 62, p.24 ou (fond), 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions , série A, 1996-VI, par. 52,

p. 2234-2235.
60
TPPParagraphe 7) du commentaire de l’article 8 du projet, rapport de la Commission du droit international sur les
travaux de sa cinquante-troisième session, 23 avril-1 Prjuillet et 2 juillet-10 août 2001, A/56/10, p.114 et J.Crawford,
op. cit., p. 134. - 34 -

61
d’aucun élément probant que tel était le cas» TPF. Elles se trouvent en revanche, toutes trois, réalisées

dans notre affaire.

61. Nous verrons en effet (et, à vrai dire, nous avons déjà largement vu) que le gouvernement

de Belgrade a donné directement des instructi ons à certaines personnes et à certains groupes de

personnes en vue de commettre le génocide et d’ aider à le commettre. Des personnes ont été

envoyées en Bosnie-Herzégovine pa r le Gouvernement yougoslave ( ou celui de la République de

Serbie) pour y participer au génocide de la popula tion musulmane ou croate et ont reçu à cette fin

des ordres qui ne laissent aucun doute sur l’attribution à la Yougoslavie des actes commis pour leur

exécution. Dès lors, quand bien même ces personnes ou ces groupes (en l’espèce, les groupes

paramilitaires serbes) ne seraient pas considérés comme des organes de facto de la Yougoslavie,

leurs actes illicites n’en engageraient pas moins la responsabilité du défendeur.

62. Au demeurant, en l’absence même d’ instructions expresses, la responsabilité

internationale de l’Etat est engagée si les pe rsonnes ou groupes de personnes en question ont agi

conformément à ses directives (un mot moins rigoureux qu’«instructions») ou sous son contrôle.

62
63. Dans leurs écritures TPF, les Parties se sont longuement affrontées sur les vertus respectives

du «test Nicaragua» d’une part et du «test Tadić» d’autre part. A la réflexion, il me semble que ce

n’est pas ainsi que le problème se pose et je crois qu’il faut ici, pour le dire brutalement, non pas

répudier mais «oublier Nicaragua».

64. La Bosnie-Herzégovine n’ignore év idemment pas que, dans l’affaire du Nicaragua, la

Cour s’est fondée sur un critère du contrôle ex igeant en estimant que, pour que la responsabilité

juridique des Etats-Unis fût engagée, il aurait dû «en principe être établi qu’ils avaient le contrôle

effectif des opérations militaires au cours des quelles les violations en question se seraient

produites» TP. Mais plusieurs remarques doivent être faites à cet égard.

65. En premier lieu, il n’est pas inutile de rappeler une nouvelle fois tout ce qui sépare le

différend qui oppose la Bosnie-Herzégovine à la Serbie-et-Monténégro de celui ayant opposé

TPPActivités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda) , arrêt du

19 décembre 2005, par. 160.
62
TPVoir mémoire, p.259-268, par.6.3.1.1 à 6.3.3.7; cont re-mémoire, p.329-335, par.5.4.1.6-5.4.1.24; réplique,
p. 779-781, par. 53-59. La duplique du défendeur est silencieuse sur ce point.

TPPActivités militaires et paramilitaires au Nicaragua et co ntre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),

fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 65 par. 115. - 35 -

devant la Cour le Nicaragua aux Etats-Unis. Autant, comme l’a relevé la Chambre d’appel du

TPIY dans l’affaire Tadić, le degré de contrôle doit être rigoureusement établi lorsque l’Etat dont la

responsabilité est recherchée «n’est pas celui sur le territoire duquel les affrontements armés se

64
produisent, ou … celui où les unité s armées commettent leurs actes» TPF, autant «[l]orsque l’Etat

exerçant le contrôle se trouve être le voisin de l’Etat où se déroule le conflit et qu’il vise à satisfaire

ses visées expansionnistes à travers les forces ar mées qu’il contrôle, le degré de contrôle requis

65
peut être plus facilement établi» TPF. La Chambre d’appel du TPIY a pris la même position dans

l’affaire Delalic; elle en a conclu que «[l]e critère du «contrôle global» pourrait … être rempli,

même si les forces armées agissant au nom de «l ’Etat exerçant le contrôle», avaient, tout en

participant à une stratégie établie d’un commun accord avec ledit Etat, le choix des moyens et de la

66
tactique» TP. En l’espèce, la Yougoslavie a constitué la ba se arrière (et, dans bien des cas, le

territoire d’origine) des groupes ar més qui ont participé au génocide ⎯ et ceci constitue une autre

différence importante avec la situation Nicaragua.

66. Mais il y a davantage et beaucoup plus important à mes yeux. Dans l’affaire des

Activités et militaires et paramilitaires , les faits qui étaient reprochés aux Etats-Unis étaient des

violations nombreuses mais spécifiques, individualisées, du droit international et il était naturel que

la Cour veuille s’assurer qu’«ils avaient le c ontrôle effectif des opérations militaires ou

67
paramilitaires au cours desquelles les violations en question se seraient produites» TPPT

67. Dans l’hypothèse où un génocide est en cau se, une vision globale du contrôle s’impose

au contraire de manière pressante; comme la Cour l’a rappelé à plusieurs reprises, «les principes

qui sont à la base de la convention» de 1948 pr ésentent un caractère particulièrement impératif

pour les Etats; ce «sont des principes reconnus pa r les nations civilisées comme obligeant les Etats

même en dehors de tout lien conventionnel. Une deuxième conséquence est le caractère universel à

la fois de la condamnation du génocide et de la coopération n écessaire «pour libérer l’humanité

64
TPTPIY, arrêt, 15 juillet 1999, IT-94-1-A, , par. 138.

TPIbid., par. 139.

TPTPIY, Delalić et as. («Celibici»), Chambre d’appel, arrêt, 20 février 2001, IT 96-21, par. 47.

67
TPPActivités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 65, par. 115. - 36 -

68
d’un fléau aussi odieux».» TPFCes considérations fondamentales militent en faveur d’une

interprétation particulièrement sourcilleuse des obligations incombant aux Etats parties : il n’est pas

concevable qu’un Etat puisse échapper à sa resp onsabilité s’il a joué un rôle central dans la

commission d’un génocide en contrôlant globale ment les opérations d’extermination et de

nettoyage ethnique au prétexte que son implica tion directe dans telle ou telle opération sur le

terrain ne pourrait être établie avec précision ⎯ceci d’autant plus que les concepteurs d’un

génocide ne s’en vantent en général pas : même Hitler avait placé la Shoah sous le signe de «nuit et

brouillard» (Nacht und Nebel).

68. Une position contraire serait d’ailleurs incompatible avec la définition même du

génocide: celui-ci repose sur l’intention «de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,

ethnique, racial ou religieux, comme tel». Les act es qui concrétisent cette intention peuvent avoir

ou non un caractère génocidaire selon que celui ou ce ux qui les commettent sont conscients d’agir

avec cette intention, mais il serait évidemment in acceptable que l’Etat qui les pousse à agir ainsi

soit exonéré de sa responsabilité pour le génocide au prétexte qu’il serait impossible d’établir qu’il

a commandité telle ou telle opération déterminée ⎯dès lors en tout cas que, globalement, il

contrôle ceux qui les commettent.

69. Nous ne sommes pas, Madame le président, en présence d’une série d’actes contraires au

droit international ⎯ aussi graves que certaines des violations commises par les Etats-Unis aient pu

être dans l’affaire Nicaragua ⎯nous sommes en présence d’un génocide, d’un crime global, qui

ne se prête pas à une décomposition acte par acte, qui doit être considéré dans sa globalité aussi

bien en ce qui concerne son élément matériel ⎯les actes qu’ils constituent ⎯ que son élément

subjectif ⎯ le mens rea ⎯ ou la question de son attribution.

70. Comme l’a fait valoir la Chambre d’ appel du Tribunal péna l international pour

l’ex-Yougoslavie ⎯qui, contrairement à une idée reçue n’a pas, dans son arrêt Tadić, répudié

purement et simplement la jurisprudence Nicaragua, il paraît raisonnable d’admettre que «le degré

TPCf. Réserves à la convention pour la préventi on et la répression du crime de génocide , avis consultatif,

C.I.J. Recueil 1951, p.23 ou Application de la convention pour la préven tion et la répression du crime de génocide,
exceptions préliminaires, a rrêt, C.I.J.Recueil1996 , p.616, par. 31 et Activités armées sur le territoire du Congo
(République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt du 19 décembre 2005, par. 64. - 37 -

de contrôle peut…varier selon les circonstances factuelles propres à chaque affaire» TPF, et

j’ajouterai ou selon les obligations juridiques en cause.

71. Du reste, le principe d’un contrôle global dans certaines circonstances trouve un ferme

appui dans la jurisprudence, non seulement du TPIY, mais aussi de la Cour européenne des droits

de l’homme. Dans l’affaire Loizidou que j’ai évoquée tout à l’heure, la Cour de Strasbourg s’est

fondée non pas sur le contrôle exercé par la Turquie sur les actes particuliers au sujet desquels elle

s’est prononcée, mais sur son «contrôle global sur cette partie de l’île», la partie septentrionale de

la République de Chypre TPF. Dans ce même arrêt, cité mot pour mot dans celui du 10 mai 2001,

dans l’affaire Chypre c. Turquie, la CDEH a estimé :

«Il ne s’impose pas de déterminer si … la Turquie exerce en réalité dans le

détail un contrôle sur la politique et les actions des autorités de la «RTCN» [la

République turque de Chypre du nord]. Le grand nombre de soldats participant à des
missions actives dans le nord de Chypre … atteste que l’armée turque exerce en

pratique un contrôle global sur cette partie de l’île. D’après le critère pertinent et dans

les circonstances de la cause, ce contrôle engage sa responsabilité à raison de la
71
politique et des actions de la «RTCN».» TPFFPT

Et, plus loin :

«Etant donné que la Turquie exerce en pratique un contrôle global sur le nord de

Chypre, sa responsabilité ne saurait se circ onscrire aux actes commis par ses soldats

ou fonctionnaires dans cette zone mais s’étend également aux actes de l’administration
locale qui survit grâce au soutien militaire et autre.» TPFPT

72. Dans notre affaire, la Serbie-et-Monténégro ⎯alors République fédérative de

Yougoslavie ⎯ a joué un rôle décisif dans le déclench ement et la mise en Œuvre du génocide

perpétré contre les populations non serbes de Bosnie-Herzégovine. Ce rôle, elle l’a joué

directement, par les faits ou omissions de ses organes ( de jure ou de facto ): son armée, son

ministère de l’intérieur et cel ui de la Serbie (les «MUP» ⎯qui sont apparus fort souvent dans la

description des faits que mes collègues ont présent ée), mais aussi le Republika Srpska et les

groupes paramilitaires serbes qui n’étaient que d es démembrements déguisés de la Yougoslavie et

69
TPArrêt, 15 juillet 1999, IT-94-1-A, par. 117.

TPPLoizidou c. Turquie (fond) , arrêt, 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions , sérieA, 1996-VI,

p. 2235-2236, par. 56; les italiques sont de nous.
71 o
TPPIbid., p. 2235-2236, par. 56; voir aussi Chypre c. Turquie, requête n P25781/94, arrêt du 10 mai 2001, Recueil
des arrêts et décisions, série A, 2001-IV, p. 261, par. 76.

72
ToPIbid., p.261, par. 77. Voir aussi Ilascu et a. c. Moldova et Russie, arrêt du 8 juillet 2004, Grande chambre,
requête n P48787/99, Recueil des arrêts et décisions, série A, 2004-VII, par. 315-316 et 392. - 38 -

de son armée, et dont certains exerçaient à tout le moins des prérogatives de puissance publique, ici

encore, dans certains cas de jure, dans d’autres de facto. De telles prérogatives font tomber leurs

activités funestes sous le coup de l’article 5 des articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat.

73. Mais même si l’on en venait à contester cette analyse, la Serbie-et-Monténégro n’en

serait pas moins internationalement responsable du fait des instructions, globales et, parfois, très

précises, données à ces entités, à ces groupes et aux personnes qui ont commis les actes de

génocide dont la Bosnie-Herzégovine a établi la réal ité dans ses précédentes plaidoiries. Elle les

contrôlait; elle les a incités à commettre ces actes; et elle leur a fourni, sous des formes très

diverses, une aide décisive, sans laquelle ils n’ eussent pu perpétrer les crimes dont l’ensemble

constitue le génocide dont vous êtes saisis, Madame et Messieurs de la Cour. De ce fait, et pour

paraphraser votre arrêt du 19 décembre 2005, «même si les éléments de preuve [n’indiquaient pas]

que le comportement [de ces entités] est attribuabl e à [la Serbie-et-Monténégro], l’entraînement

[qui a été] dispensé [à ces groupes armés] … ainsi qu e le soutien qui [leur] a été fourni» en vue de

détruire en tout ou en partie les groupes ethniques et religieux non serbes et non orthodoxes dans la

partie de la Bosnie-Herzégovine échappant au contrôle du Gouvernement bosniaque, «n’emportent

73
pas moins violation» de la convention de 1948 TP.PT

74. Au demeurant, nous nous emploierons à montrer, dans les heures et les jours qui

viennent, que, en l’espèce, l’implication de la Serb ie-et-Monténégro dans le génocide est beaucoup

plus directe que cela et qu’elle a bien, elle-même, par ses organes, de jure ou de facto, commis le

génocide dont la Bosnie-Herzégovine l’accuse ⎯ce qui correspond à l’hypothèse envisagée à

l’article 4 des articles de la CD I. Ce n’est donc qu’à titre subs idiaire que nous montrerons qu’en

tout état de cause sa responsabilité serait, de toutes manières, engagée sur le fondement des

articles5 ou 8 de ce projet. J’ajoute que, comme le professeur Luigi Condorelli le montrera la

semaine prochaine, la Serbie-et-Monténégro a expressément reconnu sa responsabilité dans les

atrocités commises contre les populations non serbes de Bosnie-Herzégovine.

75. Au bénéfice des observations de nature générale que je vi ens de présenter, il reste que

l’attribution au défendeur des graves viol ations de la convention de 1948 dont la

73
TPCf. ibid., par. 161. - 39 -

Bosnie-Herzégovine le tient pour responsable, est , finalement, une question de fait plus que de

droit. Son implication dans le génocide perpétré contre les populations non serbes de

Bosnie-Herzégovine est déjà ressortie avec netteté de la présentation des faits que

PhonvandenBiesen, Magda Karagiannakis, Laura Dauban et Brigitte Stern ont faite durant les

quatre premiers jours de notre premier tour de plaidoiries. Les deux premiers, ainsi que

M.Torkildsen vont cependant, ce matin et la semai ne prochaine, démonter plus précisément les

mécanismes de cette implication.

Je vous serais donc reconnaissant, Madame la présidente, et je note cette expression au

féminin même si le Greffe me corrige sur ce point, de bien vouloir donner la parole à

M. van den Biesen, après la pause je pense, qui est agent adjoint de la Bosnie-Herzégovine, qui lui

brossera un tableau général de l’engagement du dé fendeur dans le génocide. Je vous remercie

vivement, Madame et Messieurs les juges, de votre attention.

Le PRESIDENT: Merci, professeur Pellet, peut-être c’est moi qui vous corrige, j’étais

Mme le juge et je pense que je suis toujours Mme le président, mais merci quand même.

The Court will rise and come back in ten minutes.

The Court adjourned from 11.30 to 11.40 a.m.

The PRESIDENT: Please be seated. Mr. van den Biesen, you have the floor.

Mr. van den BIESEN:

T HE R ESPONDENT ’S CONTINUED PRESENCE

Introductory observations

1. Madam President, Members of the Court, my respected colleague and friend Alain Pellet

has provided you just this morning with the genera l legal outline with respect to the Respondent’s

international responsibility. I w ill now engage in providing a general overview of the facts which

will be relevant for the actual establishment of precisely that international responsibility.

2. Not that we have not given you any facts during this week. We realize full well that we

may even have somewhat overwhelmed you. At the same time, there are, in this case, many facts - 40 -

which the Court must know, which the Court must hear and sometimes even must see, to obtain the

true dimension of what this case is about.

3. Many of the issues I will discuss this morning have been touched upon in the earlier

pleadings. I will try and avoid being repetitive and just lead you through the various topics, which,

in our view, seem to be the most relevant ones.

4. We have seen how in the second half of the 1980s, the political situation in Serbia

developed into the Greater Serbia approach. This approach was linked to the notion, propagated

by, among others, Miloševi ć, that if the former Yugoslavia would inevitably disintegrate, that in

that case the new borders should not be based on those defining the former Republics, but rather

they should be drawn based on ethnicity. This woul d mean that, in any event, in that view, the

Serb nation would be enabled to draw such borders; such borders which would bring all Serbs

together in one State. This could be one single State or, as Miloševi ć’s second in line,

74
Michaelo Marković suggested, a federation of several Serb entities would also be possible TP.PT

5. In other words, the very concept originated at the Serbian leadership in Belgrade. This

concept found its way into the Serbian Krajina in Croatia and into, what would soon be named,

Republika Srpska, in Bosnia and Herzegovina.

6. The Bosnian Serbs translated the all-Serbs-in-one-State approach into the so-called Six

Strategic Goals, which document, as we have seen, was adopted on 12 May 1992.

Arming the Bosnian Serbs and Croatian Serbs; re-hatting the JNA

7. Madam President, we have shown you how Belgrade was deeply involved in 1991, in the

arms distribution among Serbs in Croatia and Serb s in Bosnia and Herzegovina. Also, we have

informed the Court about the Serbianization of th e JNA, of the former Yugoslav army. This took

place towards the end of 1991.

8. Around 12 May 1992, the so-called withdr awal of the 2nd Military District of the

Yugoslav National Army took place. This army wa s re-hatted and received a new name, VRS, the

Republika Srpska Army.

74
TP“General picture of the genocide hitting Bosnia and Herzegovina 1992-1995”, pleading of Phon van den Biesen,
Deputy Agent of Bosnia and Herzegovina, Monday 27 February 2006, CR 2006/2, p. 30, para. 7. - 41 -

9. In these proceedings, Bosnia and Herzegovina consistently stated and demonstrated that

an effective withdrawal of the former Yugoslav ar my, the JNA, has never ev er taken place. The

date of this so-called withdrawal, 19 May 1992, which, as the Respondent claims would have been

crucial for the appreciation of its role, is, therefore, of no relevance whatever.

10. The Applicant is by far not the only one recognizing this. In our Reply we have pointed

out that among others, the United Nations Security Council was of the same opinion, as well as the

75
General Assembly and the Secretary-General TPPT

11. On 1 September 2004, one of the trial cham bers of the ICTY found exactly the same in

the case against Brdjanin, who wa s at the time President of th e Autonomous Region of Krajina

Crisis Staff. I will now quote part of the finding of those judges:

“As President of the Republic of Serbia, Slobodan Miloševi ć made

arrangements to ensure that Bosnian Serb forces could retain personnel and arms by
ordering, on 5 December 1991, that sold iers who were native of Bosnia and

Herzegovina be transferred to Bosnia and that those in Bosnia who were native of
other republics be moved out. [The judg es continued] On 25 December 1991, a JNA

commander reported to Miloševi ć that these transfers were 90percent complete.
According to the diary notes of BorislavJovi ć (President of the SFRY Presidency),

Milošević anticipated that several Yugoslav republics would soon be recognised as
independent States, and the Serbian President wanted to be sure [I am still quoting the
Judgment] that the JNA in Bosnia and Herzegovina could qualify as an indigenous

Bosnian fighting force. Throughout 1991 and into 1992, [the Judgment continues] the
Bosnian Serb leadership communicated with the SFRY leadership on strategic policy

in the event that Bosnia and Herzegovina would become independent. The Trial
Chamber [says the Judgment] is satisfied that these factors coupled with the continued

payment of the salaries of the VRS officers by Belgrade indicate that, after
19 May 1992, the VRS [the Bosnian Serb ar my] and the VJ [the Yugoslav army] did

not constitute two separate armies despite th e change of name from JNA to Army of
the Serbian Republic of Bosnia and Herzegovina after 19 May 1992, and subsequently

to VRS, no consequential material cha nges actually occurred. [The Judgement
continues] While the change in name di d not point to any alteration of military

objectives and strategies, the equipment, th e officers in command, the infrastructures
and the sources of supply also remained the same. In addition, the JNA military
operations under the command of Belgra de that had already commenced by

19 May 1992 did not cease immediately and the same elements of the VJ continued to
be directly involved in them. Further, active elements of what had been the JNA
76
remained in Bosnia and Herzegovina after the purported 19 May 1992 withdrawal.” TPFFPT

Among other things, among many other things, Ma dam President, the Trial Chamber here finds

that the former Yugoslav President ⎯ at the time President ⎯ BorislavJovi ć and Miloševi ć

anticipated the expected independence of the Republic. In the BBC documentary “Death of

75
TReply, 23 April 1998, Chapter 8, Section 5, paras. 166-194, et seq.
76
TICTY, Prosecutor v. Brdjanin, case No. IT-99-36-T, Judgement, 1 September 2004, para. 151. - 42 -

Yugoslavia” Mr.Jović put it a bit more powerfully: “We had to pull a fast one”, he said, and he

explained that they ⎯ he and Miloševi ć ⎯ realized they would be considered aggressors if their

army were to stay over on the territory of the ne wly independent State. It shows that they were

totally aware of the situation at first sight. The expression “We had to pull a fast one” may sound

funny, but it was not funny at all, it was a well-prepared, well-thought through strategy and the

only thing they needed to do was buy new uniforms, new labels and new insignia ⎯ that is all.

The Yugoslav army’s leadership’s decisive position re officers,
also serving in the Bosnian Serb army

12. So the judges in the case just quoted deci ded that the newly created VRS and VJ were

not really two separate armies. They based this finding on multiple factual findings. Among them

was the fact that the officers of the army remained the same. This can be further seen by the use of

the 30th Personnel Centre of the Yugoslav army, th rough which Centre the officers of the Bosnian

Serb army would receive their payments, their apar tments, their pensions, and so on, and the same

Centre would also keep the books with respect to the promotion of these officers and their

receiving double payments for serving on the battlefield ⎯ and there was only one “battlefield” at

the time, that was the battlefield in Bosnia and Croatia.

13. Madam President, ZoranLili ć, who was the President of the Federal Republic of

Yugoslavia from 1993 to 1997, tes tified before the ICTY Trial Chamber in the case against

Milošević. He was a witness of the Prosecutor and he testified that the decision to establish this

77
30th Personnel Centre was taken by the Supreme Defence Council in late November 1993 TPPT

14. This Supreme Defence Council was installed half a year earlier, on 30 June 1992, and the

SDC was the highest organ within the FRY, with resp ect to army matters, that is. The President of

the Federal Republic of Yugoslavia, who was the Supreme Commander of the Yugoslav army,

made up this Council together with the Presidents of Serbia and Montenegro. The meetings of this

Council would at all times be attended by the Head of the General Staff of the Yugoslav army and

on many occasions also the Ministers of the Interior of Serbia and/or of the FRY TP.PT

77
TPICTY, Prosecutor v. Slobodan Milošević, case No. IT-02-54-T, witness testimony of Zoran Lilić, 17 June 2003,
p. 22591.
78
TPICTY, Prosecutor v. Slobodan Milošević, Exhibit P667. - 43 -

15. The minutes of the meetings of this Supreme Defence Council of the SDC were made

public ⎯ public because a Trial Chamber of the ICTY ordered them to be made public ⎯ the

Milošević Trial Chamber that is; this decision is dated 23 September 2004 TP. However ⎯ and

your Court is aware of this through the correspondence which we had with respect to this matter ⎯

this “making public” was not total. Many pages of the documents that have been made public are

partly or entirely “redacted”, which was done on th e request of the Respondent, allegedly, because

of reasons of State security. According to so me media reports, the repercussions these minutes

may have to the Respondent’s position in the present case was the actual reason for the Respondent

to require, precisely, this redacting. Madam Pres ident, this explanation, which we found in the

media, we consider, indeed, to be the most likely expl anation. It is just hard to conceive that the

minutes of an organ of the Respondent, minutes that date back 12 years and longer, today could be

relevant for the State security of the Respondent. That does not make much sense and it has not

been explained by the Respondent either. Need less to say, and I would like to add, Madam

President, that the concept of State security obvio usly is of an entirely other category than the

concept of State responsibility, or of internati onal responsibility, the concepts we have discussed

today.

16. The Respondent has, through a letter of the Agent of 16 January 2006, refused to provide

the unredacted sections of those pages. From the point of view of establishing the truth,

MadamPresident, this position is certainly not he lpful. The Court should infer its conclusions

from this refusal.

17. Some of the minutes do give some in formation, for example, the minutes of the

November 1993 meeting: they reveal that there was an item on the agenda, agenda item 2, and that

this item would be devoted to “Personnel Issues”. But under item 2 of those minutes no mention of

the decision that Mr.Lili ć’s refers to is made, the decisi on to establish precisely the 30th and

40thPersonnel Centres. It may be there, we do not know, because that section of the minutes is

black. The same is true for the minutes of the thirty-first and the thirty-second sessions

(18January1995 and February1995). Both these minutes contain an agenda item related to the

79
TPICTY, Prosecutor v. Slobodan Milošević, case No.IT-02-54-T “Second Decisi on on admissibility of Supreme
Defence Council Materials”, 23 September 2004. - 44 -

30th and 40thPersonnel Centres, but the public ve rsion of the minutes hide the substance with

respect to these items. Madam President, we have sent all of the pages of these SDC minutes, in as

far as they contain redacted sections, to the Court through our letter of 19 January 2006, and we did

so for the Court to at least have some impression of the practical trouble ⎯ being almost no trouble

whatever ⎯ it would cost the Respondent to release these documents.

18. What now should be well known is that the minutes reveal that, indeed, many officers

serving in the Bosnian Serb army, did have a double identity, since they would at the same time,

primarily, be an officer in the Yugoslav army.

19. In our Reply we have dealt with this i ssue, although at the time, we did not know yet of

the existence of the 30th and 40th Personnel Centres, the 40th Centre ⎯ I mentioned this before ⎯

being established to keep track of the officers of the army of the Republika Srpska Krajina. They

are also officers of the army of Yugoslavia.

20. Among the 76 documents which we submitte d to the Court on 16 January 2006, several

are related to personnel issues. We submitte d correspondence with respect to Mr. Krsti ć, who has

as we know been convicted of aiding and abe tting genocide by the Appeals Chamber of the

80
ICTY TPF. We sent documents with respect to Vinko Pandurevi ć, who is currently indicted for, inter

81
alia, genocide and crimes against humanity TPPT

21. The correspondence about Radislav Krsti ć, submitted by Bosnia and Herzegovina as

documents 44 (a) to 44 (j), demonstrates that at all times, at all times, when he was serving in the

VRS, Krstić remained on active duty in the Yugoslav ar my as well. Moreover, the Yugoslav army

kept taking care of his livelihood: he recei ved additional compensation payments, paid by

Belgrade, because persons serving in the VRS performed their tasks in “crisis areas”

(documents 44 (a), 44 (b) and 44 (c)). When Krsti ć wanted to move from his home garrison in

Kosovska Mitrovica which is, incidentally, in Kosovo , thus in Serbia and Montenegro, this request

for him to move had to pass through milita ry posts in Belgrade. Document44 (g), a certificate

issued to deal with the Belgrade garrison hous ing issue, is issued by the VRS Drina Corps

Command, that is the Bosnian side of the river in Han Pijesak. Document 44 (f) certifies, on

TPICTY, Prosecutor v. Krstić, case No. IT-98-33, Appeals Chamber Judgement, 19 April 2004.

TPICTY, Prosecutor v. Vinko Pandurević et al., case No. IT-05-86. - 45 -

8May1995, two months before the Srebenica massacre, that Krsti ć “served in the former JNA

(Yugoslav National Army) from the day of 31July 1972 and that he is now permanently in the

Army of Yugoslavia”. Document44 (g); in that document Krsti ć states that his request for

housing is submitted through the 30th Personnel Center. Document44 (i) is particularly

instructive; it is dated 3Augus t1995, and we know what Krsti ć was doing less than a month

before that date. Clearly, Madam President, he was also on active duty in the Yugoslav army.

D2o2c.um4e5nts (a) to 45 (e) deal with the service of Vinko Pandurevi ć, who was, as I

mentioned, indicted by the ICTY on 10 February 2005 and charged with, amongst others, genocide

for, precisely, his involvement in the Srebrenica massacre. Document 45(b) is a standard form with

information about a professional soldier, f illed out with information about Pandurevi ć. What is

particularly striking here is that it contains standard entries ⎯ it is a form ⎯ for service in both the

Yugoslav army and the army of the Republika Srpska..

23. These documents indicate that requests whic h appear to be routine passed through the

competent organs of one army to the other and b ack. Officers who served in the VRS remained on

active duty in the Yugoslav army. They were not two separate armies.

24. Some 1,800 officers, 1,800 officers, serving in the Bosnian Serb army were, at the same

time, and primarily, Yugoslav officers. Promotions of these officers would be decided by the SDC

in Belgrade. Some of the minutes of the SDC, inde ed, reveal this type of decision; many others

82
are redacted under the agenda item covering “Personnel Matters” TPPT

25. The minutes of the meeting of 5 September 1995 reveal that Mr.Dragomir Miloševi ć,

who, in August 1994, was appointed as successor of the commander of the Sarajevo Romanija

Corps, that is the corps that implemented the siege of Sarajevo; this Mr. Dragomir Miloševi ć was

granted retirement TP. The minutes say that the decision was based on a proposal, a proposal

coming from the General Staff of the Yugoslav army, and this proposal was accepted by the

Supreme Defence Council. The minutes also rev eal: “The above-named, has 48years of service

82
TPICTY, Prosecutor v Slobodan Miloševi ć, case No.IT-02-54 Exhibit P667: 12th session of the SDC held on
23and 25 August 1993; 14th session of the SDC held on 11 October 1993; 15th session of the SDC held on 10 and
22 November 1993; 21st session of the SDC held on 7 June 1994; 30th session of the SDC held on 9 December 1994;
48th session of the SDC held on 27 December 1995.

TPProsecutor v. Stanislav Galić and Dragomir Milošević, Indictment, 24 April 1998, para. 6 - 46 -

qualifying him for retirement, and there are no legal obstacles or any reason not to grant his

request.” TPFPWhatever one may think about the substance of this sentence, it implies that his years

of service were taken into account, clearly to cover his being the officer in charge of the siege of

Sarajevo. This Dragomir Miloševi ć is in jail now, here in Sche veningen, and is to be held

accountable for the conducting of “a campaign of sniping and shelling against the civilian

population of Sarajevo”.

26. Similar decisions are to be found in the SDC minutes of 27 December 1995 with respect

85
to Mr. Bogdan Subotić and Dušan Kovačević TP.PT

S2u7b.oti ć was a colonel in the JNA. He became the first Minister of Defence of the

Republika Srpska on 27 March 1992. (At that point in time the Republika Srpska would still have

its initial name: Serbian Republic of Bosnia and Herzegovina.) On 15 April 1992 he was also

appointed as commander of the Republika Srpska Te rritorial Defence. Both these positions he

obtained in a period of time in which the JNA w as still known under the name JNA, with its Chief

of Staff and headquarters in Belgrade. Suboti ć would rise to membership of the Supreme

86
Command of the Bosnian Serb army TPF.T

KM o2r.a. čević, who was also a colonel in the JN A, became the successor of Suboti ć as

the Republika Srpska Minister of Defence from 20 January 1993 onwards TPPT Both officers, so it

appears from the minutes, were promoted to the ra nk of general before th e termination of their

service.

29. On 26 September 2005 the former Chief of Staff of the Yugoslav army, General Periši ć

was indicted by the Prosecutor of the ICTY TP. The SDC minutes show that the Chief of the

General Staff of the Yugoslav army would decide on important personnel decisions, that is this

Mr. Perišić. The Periši ć indictment provides, although at this point, obviously, it is only an

TPMinutes of the fifty-ninth session of the Supreme Defence Council held on 10 December 1996, Exhibit667:
ICTY, Prosecutor v. Slobodan Milošević, case No. IT-02-54.

85
TPNote of the forty-eighth session of Supreme Defence Council held in the form of consultation on
27 December 1995, Exhibit 667: ICTY, Prosecutor v. Slobodan Milošević, case No. IT-02-54.

TPExhibit P64, Annexes 15-18 and 20 Expert Report of Patrick Treanor, “The Bosnian Serb Leadership

1990-1992”; ICTY, Prosecutor v. Krajišnik, case No. IT-00-39.
87
TPOfficial Gazette of the Republika Srpska 1993 No. 1 (24 February 1993).

TPAmended Indictment, ICTY, Prosecutor v. Perišić, case No. IT-04-81. - 47 -

indictment that we have, for the same. Perišić is now in jail in Scheveningen and he is awaiting his

trail. The Perišić Amended Indictment of 26 September 2005 states:

“VJ officers serving in the VRS and RSK were, on some occasions, promoted
or retired under favourable conditions in the VJ after allegations of serious misconduct
by them became public knowledge. Some of these officers included, but were not

limited to:

(a) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

(b)General Ratko Mladi ć, Commander of the Main Staff of the VRS. He was

promoted in the VJ on 24 June 1994 to the rank of Colonel General;

(c) General Stanislav Galić, Commander of the Sarajevo Romanija Corps, responsible

for the siege of Sarajevo. He was retired in 1996;

(d) General Dragomir Miloševi ć, Commander of the Sarajevo Romanija Corps. He

was promoted in December 1995;

(e) General Radislav Krsti ć, Commander of the Drina Corps. He was promoted,
several months after the Srebrenica massacre, in December 1995.

(f) Colonel Vinko Pandurevi ć, Commander of the Zvornik Brigade. He was
extraordinarily promoted in the VJ, also half a year after the Srebrenica massacre,
in December 1995 TP;.T

(g) Lieutenant Colonel Dragan Obrenovi ć, Deputy Commander of the Chief of Staff

of the Zvornik Brigade. He was extr aordinarily promoted in the VJ in
December 1995.”

We did go back to the SDC minutes, Madam Preside nt, to see whether they could or should tell us

anything about these decisions listed in the indictment of Periši ć. We have not been able to find

any of that. Many of the minutes of the SD C which contain decisions on personnel matters,

(including those on or around the dates listed in the indictment) have been redacted. Accordingly,

it is likely that the unredacted minutes do contain these promotions and retirement decisions.

30. It is clear from what I have just expl ained that the Yugoslav military leadership in

Belgrade at all times remained in charge of the officers (the backbone of any army), who had next

to their VJ status, a status within the Bosnian Serb army. Madam President, obviously, this case is

not about Mr. Milošević, but in this context it is useful to provide the Court with some information

on the role he has played all along as seen by several other key players.

89
TPICTY, Prosecutor v. Perišić, case No. IT-04-81, Indictment of 26 September 2005. - 48 -

31. This is what Mrs. Plavši ć agreed had happened in her plea-bargaining in her case before

the ICTY:

“13. Numerous individuals participated in devising and executing the objective

of ethnic separation by force, including Slobodan Miloševi ć, Radovan Karadži ć,
Momcilo Krajisnik, and Ratko Mladi ć . . . Mrs. Plavšić embraced and supported the

objective of ethnic separation by force and contributed to achieving it. She did not
participate with Miloševi ć, Karadži ć, Krajisnik and others in its conception and

planning.”

And then the agreed facts continue

14. ... The two principal leaders of Bosnian Serbs, Radovan Karadži ć and

Momcilo Krajisnik, frequently went to Belg rade to consult with, take guidance from
or arrange for support from Milošević in achieving this end [ethnic separation].” TPFFPT

32. That Milošević received daily reporting ⎯ daily reporting ⎯ on the situation in Bosnia,

is further confirmed by the judgment of the ICTY in the Miloševi ć case, through which judgment

the Trial Chamber dismissed the Motion for Acquittal, and it reads as follows:

“The Accused would be informed ever y day. The following persons attended
the State Security meetings every morning: Messrs. Prodanic, Stanisic, Tapavcevic,

and for a while Kertes while he was at the federal MUP. B-179 [that is a witness]
heard in Bubanj Potok conversations between Milan Prodanic and Jovica Stanisic that

the Accused had to be informed about ev erything that was being done. The witness

heard that the Accused received reports, through Mr. Prodanic, from the State Security
of Serbia and that the Accused had to be informed about everything that was sent to
91
the front line.” TPFFPT

33. This reminds us, Madam President, of the statement delivered by another witness at the

ICTY Trial Chamber, and I am referring to, at the time, NATO GeneralWesley Clark in the

Milošević case. General Clark testified, and this is reflected in the Judgement on Motion for

Acquittal:

“General Clark asked the Accused why, if he had this influence over the

Bosnian Serbs, he had allowed Ratko Mladic to kill all those people at Srebrenica.
The Accused replied, ‘Well, General Clark, I told him not to do it but he didn’t listen

to me.’ General Clark testified that he had regarded the admission as stunning,
92
because it indeed showed foreknowledge of Srebrenica.” TPFPT

90
TICTY, Prosecutor v. Biljana Plavšić, case No. IT-00-39&40-PT, Factual basis for plea of guilt, 30 September
2002.
91
TICTY, Prosecutor v. Slobodan Milošević, case No. IT-02-54, Judgement on Motion for Acquittal, 16 June 2004,
para. 285.

TICTY, Prosecutor v. Slobodan Milošević, case No. IT-02-54, Judgement on Motion for Acquittal, 16 June 2004,

para. 280. - 49 -

34. What indeed is not unimportant here is that Miloševi ć, apparently, and not surprisingly I

may add, knew what was going to happen in Srebrenica. We do not know where and when exactly

the conversation between Mladic and Miloševi ć which General Clark referred to took place, but it

cannot be excluded that this was on either 7 or 15 July 1995, when Mladic, as has been confirmed,

was in Belgrade at the time of the takeover of Sr ebrenica and the killings were at the heart of the

93
matter TPFPT

Money and in-kind

35. Basically, Madam President, the Bosnian Serb army would only be able to function, as

indeed the ICTY Trial Chamber found in the Brdjanin case, as part of the Yugoslav army. This

follows not only from the personnel issues just descr ibed, but it also follows from the fact that the

army was partly paid from the budget of the Republ ika Srpska but the deficit in the Bosnian Serb

budget, which was 95percent, was entirely covere d by Belgrade. Moreover, all of the JNA

equipment present in Bosnia in May 1992 was allowe d to stay there after May 1992, that is in the

hands of the Bosnian Serbs. Also, spare parts, new arms, and loads of ammunition were made

available by Belgrade. On Monday Mr. Torkildsen will elaborate on the financial issues involved

here.

36. Several reports of the amounts of equipm ent and ammunition involved are available and

do reveal that up to 90 percent of material needs of the Bosnian Serb army were indeed supplied

94
by Belgrade TPPT Apparently, this situation was considered as a natural situation given the, again,

apparently, numerous orders which were directly placed at the Yugoslav headquarters by Bosnian

Serb army commanders. I referred to this phe nomenon last Tuesday, quoting combined Orders

95
from the Yugoslav and Bosnian Serb armies’ headquarters TPFPTThat type of correspondence was not

93
TPPhon van den Biesen, pleading of 28 February2006, “Srebrenica, or ethn ic cleansing of Eastern Bosnia”
(CR 2006/4, p. 51, para. 56).

TPICTY, Prosecutor v. Radoslav Brdjanin, case No.IT-99-36 “Analysis of the Combat Readiness and Activities

of the Army of Republika Srpska in 1992, Exhibit P2419; also ICTY, Prosecutor v. Slobodan Miloševi ć, case
No. IT-02-54, “The Assembly of Republika Srpska, 1992-95: Highli ghts and Excerpts”, Expert Report of Dr. Robert

J. Donia, 29 July 2003.
95
TPPhon van den Biesen, pleading of 28February 2006, “Sre brenica, or ethnic cleansing of Eastern Bosnia”
(CR 2006/4). - 50 -

a coincidence, but was exchanged quite often as the documents which we have submitted to the

Court earlier show.

Military action

37. Madam President, earlier this week we have discussed, we have shown the situation with

respect to the camps and with respect to the ethni c cleansing in the Drina region. Most of these

narratives have, aside from the horror, in common that they relate to events which began in March

and April 1992; all of them after Bosnia had declared independence and before the so-called

withdrawal of the JNA. In other words, in most of the events presented to you in those pleadings,

the JNA was participating and/or initiating the ethni c cleansing campaign. No need to stress, after

all that you have heard, that the events devel oped further, uninterrupted and were, indeed, to

become part of the period of nine to 12months in which the Serb side did most of the killing;

70 per cent of the Bosniak and Bosnian Croats casual ties would be killed in this period. There are

two simple but rather chilling explanations for that. One, there was only one army in Bosnia, being

the Respondent’s army. This one army continued to be the dominant force ⎯ in concert with other

forces ⎯ after its so-called withdrawal. The second expl anation: in this relatively short time the

main goals were reached, large-scale ethnic cleansing was indeed realized and 60-70 per cent of the

territory was indeed taken.

38. While recapitulating military action initiated by the Respondent, it is useful to mention

the continued violation by the Respondent of th e airspace of Bosnia and Herzegovina. I have

96
earlier referred to several United Nations re ports, which listed these violations in 1993 TPFPTThese

violations did not stop at that point in time. On the contrary. General Mladic distributed

“Instructions for Command and Co-ordinated Acti on in Anti-Aircraft Defence and Air Support”.

This document is a trial exhibit in the Milošević case TPF.T

39. These Instructions tell the recipients to “ensure efficient co-ordination” between the

Bosnian Serb Air and Anti-Aircraft Defence a nd the same of the Yugoslav army, as well as the

TPPhon van den Biesen, pleading of 28 February 2006, “S rebrenica, or ethnic clea nsing of Eastern Bosnia”
Prosecutor v. Slobodan Milošević, case No.IT-02-54-T,
(CR2006/4, p.43, para.29) using document: ICTY, OTP
Military Analysis Team, Report submitted by Reynaud Theunes and Alan Borrelli , Exhibit No.643, tab1, Part III (by
Alan Borrelli), p. 21.

TPICTY, Prosecutor v. Slobodan Milošević, case No. IT-02-54, Exhibit No. P505, tab 4 (a). - 51 -

Airforce Command of the Republic of Serbia Krajina. Again, as we have seen several times by

now, the three here joined in operations. Ml adic, Madam President, was not the Commander in

Chief of the entire Yugoslav Army but he gave orders in this respect and it is clear that he could

only have done so after having been given the au thority by the Belgrade military authorities to do

so.

40. The document also demonstrates that the Belgrade authorities never stopped being part

of combat actions, on top of their all-time pr esence through the VJ officers who were also VRS

officers. This is also clear from the re ference to “PAUK” in the order of Miloševi ć which I just

mentioned. “PAUK” is the name of a military ope ration, which I will describe just a little bit later

this morning.

41. All this is only confirmed by UNPROFOR’ s reporting on violations of the no-fly zone,

which was imposed by the United Nations Security Council on 19 October 1992 TPFPTin March and in

99
April 1995. On several occasions TPPTUNPROFOR personnel detected those unauthorized flights

crossing the BH-FRY border, generating from the ea stern side of Bosnia and moving towards the

FRY territory.

Across the river

42. The violations of the Bosnian airspace, the violations of the no-fly zone, were not

isolated incidents.

43. We have shown the Court that Zvornik, at the takeover in April 1992, was shelled from

the Serbian side of the border.

44. We have also shown how, in July 1995, in support of the Srebrenica massacre, at least

100
four additional crossovers across the Drina River were constructed TPFPT

98
TPUnited Nations Security Council resolution 781 (1992) of 19 October 1992.

TPUNPROFOR, Outgoing Code Cable, Reports of 1 March 1995, 10 March 1995, 18 March 1995, 7 April 1995,

ICTY, Prosecutor v. Slobodan Miloševi ć, case No.IT-02-54-T, Decision on motion for judgement of acquittal,
16 June 2004, Exhibit P470.39.2, 3, 4, 5.

TP0Documents submitted to the ICJ by Bosnia and Her zegovina on 16 January 2006, document No. 10. Referred

to by Phon van den Biesen, pleading of 28February2006, “Srebrenica, or ethnic cleansing of Eastern Bosnia”
(CR 2006/4). - 52 -

45. We have seen that Dutch APCs, which were stolen in Srebrenica, ended up across the

river, but not only that, the Respondent simply re painted them and sent them off to Kosovo, where

they were set to demolish farms and houses in a small town.

46. We have seen how Belgrade political lead ers simply crossed the border to show their

solidarity with the military at the frontline of the siege in Sarajevo.

47. We have seen how the Užice Corps, from the Serbian side of the Drina, in one concerted

operation together with the Drina Corps, cleanse d the Drina region and consolidated the cleansed

situation over several years, only to finish this campaign in and by the Srebrenica massacre.

48. And we have seen how the paramilitaries from Belgrade joined in this massacre and in a

premeditated, carefully planned, manner killed six young boys after having extremely seriously

hurt them, mentally as well as physically, for an ex tended period of time, while abusing them with

language which was clearly intended to hurt them exactly and only because they were Bosniaks.

49. As far as paramilitaries were concerned, that was not all, and you will hear more on

Monday on their role and their atrocious deeds.

PAUK

50. The Drina region, Madam President, wa s not the only region where it became clearly

visible that forces from across the river were an integral part of a military operation. Another

striking example is to be found exactly at the other side of the country, in the north-western side of

Bosnia, in the Bihac region.

51. Bihac is, for the purpose of realizing a Gr eater Serbia, an important strategic area that

needed to be under the control of Serbs if the Greater Serbia project were to be successful. Only in

this way would the Croatian Serbs and the Bosnian Serbs be able to merge together into a State

with the Federal Republic of Yugoslavia: this w as effectively the realization of Strategic Goal

No. 1.

52. In November 1994 a special military command group was set up to conduct combat

operations against the Bosnian army in the Bihac poc ket the objective being to seize this territory.

The name of this operation was “Pauk”, which literall y means “spider”, and this fits the nature of - 53 -

the operation itself since it incorporated units from the Federal Republic of Yugoslavia, the

Bosnian Serbs and the Serbs in Croatia.

53. The units involved in the entire operation included those from the Ministry of the Interior

from the FRY, the army of the Bosnian Serbs and the army of the Serbs in Croatia. The most

revealing document regarding this operation is th e “Pauk” Operation Diary, a diary which was

captured by the Bosnian and Croatian Federation Forces when they retook Bihac as part of the

so-called Operation Storm. This diary has been submitted in full in the Miloševi ć case at the

101
ICTY TPF F.T

54. It details, day by day, hour by hour, the ac tions carried out by the different units. And

there are continuously clear references to Belg rade: particularly meetings taking place in

Belgrade TPF , ammunition requests sent to Belgrade TPF FPand senior military personnel visiting “Pauk”

104
from Belgrade TPF FPT

55. While these diary entries are telling in them selves, the most revealing aspect of the diary

is the names of those people who were actually involved. Some of these names have been

mentioned already in our earlier pleadings, connected to Belgrade’s role in the ethnic cleansing of

municipalities, in the preparation for the conflict and connected to the genocide in Srebrenica.

56. The first of those names is the name of Mr.Legija. He was one of Arkan’s men who

commanded the paramilitaries, called Arkan’s Serb Volunteer Guard in the Pauk operation. Arkan

himself would not be available to take part there only because he felt that his face was too well

105
known and it would not be right for him to go TPF F. He was a notorious former commander of the

Serbian MUP Special Operations Unit which was under the control of Mr. Frenki Simatovic, whom

106
we have seen before, this week TPF PT

57. General Mile Mrskic is another name that a ppears frequently in this diary. He is directly

from Belgrade. This is not surprising as for all relevant periods during the Pauk operation he was

TP1 ICTY, Prosecutor v. Slobodan Milošević, case No. IT-02-54 exhibit No. P347, tab 5 (a).

102
TP Ibid., pp. 56, 58, 63.

TP3 Ibid., pp. 32, 46.

104
TP Ibid., p. 63.
105
TP ICTY, Prosecutor v. Slobodan Milošević, case No. IT-02-54, testimony given on 16 and 17 April 2003.

106
TP ICTY, Prosecutor v. Slobodan Miloševi ć, case No.IT-02-54, testimony given by Aleksander Vasiljevic on
13 February 2003, p. 15987. - 54 -

Commander of the Yugoslav army Special Forces Corps TPF PTHe is currently indicted by the ICTY

for crimes against humanity in connection with Vukovar.

58. Then there is Mr.Radojica “Kobac” Bozovic: he was a member of the Serbian State

security services. He led the members of the State security services who were actually fighting in

western Bosnia, in Pauk.

59. Another special task unit which is mentioned in the diary is the “Boca special task unit”.

This is the name used to refer to the Scorpions paramilitary unit of the MUP in Belgrade: their

108
commander was called Slobodan Medic, and he was known as “Boca” TPFPT We have seen the

Scorpions earlier this week.

Appointing JNA/VJ officers in key positions

60. Madam President, Members of the Court, we have seen how Ratko Mladic was

appointed towards the end of April 1992, as Chief of Staff and Deputy Commander of the

2ndMilitary District and how he assumed the command of the 2nd Military District on 10May

1992. We have seen that he, apparently, was appointed to stay and not to be withdrawn.

61. I mentioned earlier today that Belgrade, on 27 March 1992, appointed this Major General

BogdanSubotic to be the first Minister of De fence of the Serbian Republic of Bosnia and

Herzegovina, that would be the Republika Srpska. Before the end of 1992 he would become a

member of the Supreme Command of Republika Srpska . Not long after that the Supreme Defence

Council in Belgrade promoted him to the rank of General.

62. This list is not complete. Aside from the fact that appointments and promotions were to

be decided within the SDC in Belgrade, 1995 saw an appointment which is very telling, at least

from our perspective. I mentioned GeneralMrsk ic, who was known for his role in Vukovar and

the killing and the ethnic cleansing that went on there TPFFPTIn 1992 this Mr. Mrskic returned from

his assignment in Croatia, he returned back to Be lgrade, there he remained on active duty. In May

TP7ICTY, Prosecutor v. Mile Mrksic, case No. IT-95-13/1, Indictment, 15 November 1994.

TP8ICTY, Prosecutor v. Slobodan Milošević, case No.IT-02-54, testimony of Obrad Stevanovic on 7 June 2005,

pp. 40541-40542.

TP9ICTY, Indictment of Mile Mrksic. - 55 -

1995 he was sent back into Croatia and he was appointed ⎯ he was appointed by Belgrade ⎯ to

become the Commanding Officer of the army of Republika Srpska Krajina.

63. So the Belgrade authorities, here, sent in an experienced General, experienced through

his efforts in Vukovar that is, to help prevent that the Serbs in Croatian Krajina would be defeated.

To appreciate the meaning of this, it is of course not relevant that the army of Republika Srpska

Krajina would, in spite of that, be defeated. Mrsk ic returned immediately after that to the FRY in

August 1995.

64. Madam President, Members of the Court, we keep seeing this collectivity functioning.

But at all times, also, the strong hand of Belgrade is visible here in its appointing key military posts

in the area in Croatia and in Bosnia and Herzegovina.

Council for Co-ordinating Positions on State Policy

65. The Belgrade authorities, apparently, felt the need to create a mechanism to make sure

that the positions of the three entities, th e Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and

Montenegro), Republika Srpska and Republika Srpska Krajina would discuss their common

position. This mechanism came to be the Counc il for Co-ordinating Positions on State Policy,

which Council fell under the auspices of the Preside nt of the Federal Republic of Yugoslavia.

Members of this Council were, next to the President of the FRY, the President of Serbia, the

President of Montenegro, the leadership of Republika Srpska and of Republika Srpska Krajina, and

also the Yugoslav Chief of St aff and the Bosnian Serb Commander of the army of Republika

Srpska, Mladic.

66. On 9 January 1993 a session of this Council took place. We know about this due to the

testimony of Mr.Lilic before the ICTY TPFPT I referred to that earlier. On 9 January 1993 the

Council met in a so-called “enlarged Session”, mean ing that a larger representation of the political

and military leadership of the three entities was pre sent. The shorthand notes of this meeting have

been made public through the Prosecutor of the ICTY in the course of the case against

Mr. Krajišnik, one of the leaders of the Republika Srpska.

110
TPICTY, Prosecutor v. Milošević, case No. IT-02-54, testimony given on 17 June 2003, p. 2572. - 56 -

67. We have included in the judges’ folder, the English version of the pages to which today I

will make reference. As I mentioned earlier this week, Madam President, towards the end of our

pleadings, we will provide the Court and the Res pondent, with a CD-ROM, which will go into the

judges’ folder and which will contain all the IC TY materials in a digital form, including the

original language version of the minutes that I am going to discuss now.

68. The theme of this meeting of 9 January 1993 was a draft Vance-Owen plan, which would

be central to negotiations to take place soon in Geneva. It was a long meeting, with some

participants holding extended monologues and with some saying little or nothing.

69. If the background for this meeting and fo r the Geneva talks would not have been so

gruesome, Madam President, this meeting could be taken for what it looks like: just another

meeting of men preparing for important talks a nd going in circles around familiar themes: would

we prefer a principled approach or should we be pragmatic? This is what the meeting, basically,

came down to.

70. In other words, the discussion in this Council, which went on for more than four hours,

would in itself not be interesting enough to spend any time on. However, the report is interesting,

it is interesting for the various assessments whic h are being made during that meeting by the

participants, assessments of the current situation in which they all had found themselves.

71. It is quite clear from this report that Karadžić is afraid that he is going to lose through the

negotiations and that the negotiations will undermine his position. Karadži ć draws a parallel with

Yugoslavia and states that Yugoslavia could not ha ve been falling apart if it would have been

organized in the structure which, apparently, was part of the Vance-Owen plan, which plan

Karadžić apparently fears (p.49). The President of Montenegro tries to encourage Karadži ć by

saying that the proposed State would not be able to function properly without Karadži ć’s input.

And Karadži ć objects and he states that Bosnia does function without him. That raises some

discussion in which the Federal Minister for Forei gn Affairs of the Respondent, Ilija Dukic, states,

somewhat sarcastically;

“That’s why they [apparently, he mean s the Bosniaks] went through whatever
they did. It was because they ‘functioned’, are we in possession of 60-70 per cent of
the territory and don’t we have our forces a nd military and authorities deployed there?
That is why they went through all that. It was because they ‘functioned’ in such a

manner.” - 57 -

The message is clear, the party that, indeed, “func tioned”, other than the Bosniaks, was the “we”

that Mr. Dukic talks about, since “we” occupy 60-70 percent of the territory and “we have our

forces and military and authorities deployed there”. This is the Federal Minister for Foreign

Affairs of the Respondent talking. Actually he c onfirms here what we have been saying all along:

the Serb assault on Bosnia and Herzegovina w as a well-organized undertaking, involving the

forces, the military and the authorities of all three entities.

M7il.ševi ć in this meeting also uses the “we” form when he says (p. 71):

“Paspalj [one of the participants] said that there has to be integrity of the
Serbian people. We de facto have that because objectively and according to all our

relations, such as political, military, economy, cultural and educational, we have that
integrity. The question is how to get the recognition of the unity now, actually how to
legalize that unity. How to turn the situation, which de facto exists and could not be
de facto endangered, into being de facto and de iure?”

I am informed, Madam President, that the translation, which apparently is a draft translation, is not

at all times correct: the use of the word “integri ty” here, is less precise, it should be “unity”.

Apparently the person who produced the tran slation had some doubts, since it takes two

“integrities”, before the switch is made to “unity”, while the original language remains the same.

73. In any event, Madam President, here Miloševi ć confirms that there is, indeed, a unity

between the three entities, given the strongly interlinked relationship on political, military,

economic, cultural and educational level. Miloševi ć also shows that he is entirely aware of the

illegality of the situation, which they have created. He clearly aims for consolidating what de facto

is accomplished.

74. And he says (p. 72):

“We won that. If they had not had the war the changes on the ethnical bases
would have never occurred. Now we have the changes based on the ethnical principle.
I do not care at all if we have one or three republics. They are together and it is sure

that they will be together later on.”

On a familiar note Milošević here bluntly blames “them” for the war which brought about ethnical

changes. “Them” being the Bosniaks and the Bosnian Croats. I don’t think, Madam President, that

there is much of a need to explain that this is a total distortion, if not perversion, of the recent

history. It demonstrates, again, that it really is indispensable to have the record set straight. - 58 -

75. The meeting then takes another turn. Karadži ć states that he thinks that the war will

continue (p. 73) and he warns:

“We should not delude [mislead] ourselves with, at first, the thinking that the
war is over. That is out of question. The only question is, are we going to be declared

as very guilty or little bit guilty.”

Whatever this shows, it does show that apparently some thought had been given to the fact that

there could very well be consequences, given the acts committed by the “we” of this meeting.

M7il.ševi ć provides for a different approach and he just simply states that “Alija should

be found guilty” (p.73). He is referring to Alija Izetbegovi ć, the President of Bosnia and

Herzegovina. Apparently Karadžić does not believe in that, while Miloševi ć (p. 74) maintains that

position.

77. Then, Karadžić suggests, “they will find a way to put the blame on us. Secondly, we are

misleading ourselves that we would trick them.”

78. Nobody responds, but Miloševi ć says: “Why did you kill the Deputy Prime Minister

yesterday? You did not need that at all.” And Karadži ć answers: “We arrested the man and we

would punish him.” And as if this were just about nothing, the two men then continue to engage in

a discussion on issues of guilt and blame ⎯ not about this killing ⎯ but they just continue from

where they were, and Karadžić states: “We would act the way we agree [that is when guilt comes

into play, we would act the way we agree], especially if we would be in a situation to endanger the

position of the mother country ⎯ Serbia or Montenegro. We would ‘cut our boat loose’, in the

sense that there would be no responsibility.” The Prime Minister who was killed the day before

was the Vice-Prime Minister of Bosnia, who was summarily executed on the streets of Sarajevo.

There was no discussion about this topic, however, but just a continuation on the matter of, “What

are we going to do if we are going to get the blame?” And Karadži ć says, “We would act the way

we agree, especially if we would be in a situation to endanger the position of the mother country ⎯

Serbia and Montenegro. We would cut our boa t loose, in the sense that there would be no

responsibility.”

79. It certainly seems that he is referring he re to an agreement made earlier “just in case”.

The agreement would entail that Karadži ć would disconnect the Republika Srpska boat from the

motherland, Serbia and Montenegro, as to avoid State responsibility for Serbia and Montenegro. - 59 -

This, Madam President, is at the beginning of Ja nuary 1993; 70 per cent of the people who would

get killed during the entire four years of ethnic cl eansing, by then, has alr eady been killed, while

most of the ethnical cleansing is accomplished a nd 60-70 per cent is under the control of the Serb

side, the leadership of which was assembled in Belgrade at this meeting of 9 January 1993.

K8ara.dži ć then continues to warn that the participants to the meeting would be misleading

themselves by thinking that in a later stage they would be able to trick them, “them” being the

Bosniaks and the Bosnian Croats. Here, Miloševi ć is pragmatic and states that getting a delay in

the negotiations would be tricking them instead of us and he adds: “We have already ‘led them up

the garden path’” which, in an improved transla tion would be, “We have already ‘taken the thirsty

man across the water’”, which, I am told, is an expression in the Serbo-Croat language and which

plainly means to deceive someone or to trick someone.

81. Then the discussion continues and apparen tly references are being made about Bosnia

and Herzegovina being on its way to friendly relations with Croatia. Then, all of a sudden, Mladi ć

makes one observation ⎯ he hardly ever speaks during the meeting ⎯ he says: “They speak

openly about their alliance.” (P.75.) Then, Ni kola Koljevic, a member of the Presidency of

Republika Srpska, responds by noting: “We are not allowed to speak openly.” Also, here it

appears that the awareness of guilt, the awareness of possibly being held accountable, had led to the

agreement that the parties assembled in this me eting would not openly discuss their being in it

together. Earlier this week, I pointed out that the provision of military equipment systematically

111
was to be called the provision of “humanitarian aid” TPF, which perfectly fits such an agreement not

to speak openly about these issues.

82. Then, Madam President, Vladislav Jovanovi c, the Foreign Minister of Serbia proposes

his approach for the negotiations:

“We must clearly, comprehensively and generously guarantee them that the

enclaves within the provinces [here, he clear ly refers to enclaves such as Srebrenica,
Gorazde], that is to say within the confeder al unit, would be fully protected and that

the refugees would have the right to retu rn and be compensated for the destroyed
property etc. It will not work out because the natural migration towards the mother
country would follow. Nobody has ever pa id the war reparation anywhere so I am

sure that it will not happen here either. However, we have to make the comprehensive

111
TPPhon van den Biesen, 27 February 2006, “General pictur e of the genocide hitting Bosnia and Herzegovina
1992-1995” (CR 2006/2, pp. 46-47, paras 61-65). - 60 -

and generous gesture. Therefore, we must give a guarantee at the humanitarian aspect.
We must guarantee that a non-existential creation called Bosnia would be held in such

non-existential condition for many years. That should divert fears that the creation of
Greater Serbia is ahead.”

This can only be understood as taking another thir sty man across the water. Here, again, it appears

that the participants to this meeting, including this Foreign Minister of Serbia, are well aware of the

fact that they are accountable for paying compen sation “for the destroyed property etc.”, as he

describes it. At the same time he , the then Foreign Minister of Serbia, is confident that they will

not have to pay war reparation. He proposes to make a “comprehensive and generous gesture”,

including several guarantees. As appears from his words, those gestures would only be made to

“divert fears that the creation of Greater Serbia is ahead”. Another preparation for another deceit.

83. The Prime Minister of the Republic of Mont enegro then offers a different perspective.

He first begins by establishing the facts:

“In Bosnia and Herzegovina, we have an almost optimal result from the
politically constructive point of view. When we say ‘almost optimal result’, I guess it
means that we are indisputably satisfied w ith the territories we hold. It is almost

optimal because we still have not realised th e final goal to become a constituent part
of a common state.” (P. 94.)

And next, he proposes to work towards peace, given that: “We are on our knees from the

economical and political point of view and in six months’ time we are going to stumble

completely.” The project aimed at peace would include “to create conditions for some future

integration as our strategic goal”.

Concluding remarks

84. Madam President, Members of the Court, please permit me to make some observations

by way of concluding today’s pleading.

85. Bosnia and Herzegovina, through this case, holds the Respondent responsible for the

violation of each and every provision of the Genocide Convention, in as far as the provision may

conceivably be violated by a State.

86. We have shown that the Respondent was at th e helm at all relevant points of time, at all

relevant places, at all relevant substantive levels.

87. We have also seen that the leadership of all Serb entities involved here were in total

agreement about the strategic objectives. Even there was agreement about the fact that “we” ⎯ I - 61 -

am referring to the “we” present at the Council meeting ⎯ have won. The endgame was at that

point in time a matter of tactics and maybe a ma tter of differences of opinion about the tactics ⎯

clearly, not a matter of strategy.

88. There are many things that are striking about that meeting, but there are two things which

are not only striking but they are also very disturbing at the same time.

89. The first thing, obviously, relates to those 30seconds of this four-hour meeting which

were spent on the killing of the Vice-Prime Minister of Bosnia and Herzegovina. Clearly, in the

eyes of the participants to this meeting killing the Vice-Prime Minister of an independent State

was, at best a tactical issue and, in any event, a very tiny one. “Astonishing” is too weak a word

for this. On the other hand, what may we exp ect otherwise from these people who, at the time,

were already responsible for mass murder ⎯ mass murder which we can but name by its proper

connotation: genocide.

90. The second thing is the apparent awareness of all participants, and certainly of Milošević

and Karadži ć, that they were into an illegal enterp rise which could have extremely serious

consequences. It was not at all the morality of matters which they were worried about, rather and

clearly it was the illegality and directly connected to that the responsibility of the only true State

involved here, the motherland, Serbia and Montenegro.

91. This awareness had been guiding the partic ipants to the 9 January 1993 meeting all

along. This made them play hide-and-seek as to wh o was in charge, this made them conclude an

agreement about cutting the boat (Republika Srpska) loose from the motherland if time would have

come. This led them to agree not to reveal, but on the contrary to remain silent about, the true

nature of the collective enterprise in which they were engaged.

92. Madam President, Members of the Court, Bosnia and Herzegovina sincerely and deeply

desires, also especially on behalf of its citizens who are ⎯ also today, and who will be

tomorrow ⎯ the real sufferers here. Bosnia and He rzegovina desires that this tactical and

apparently thought-through approach will not be ho noured by this Court. Thank you very much,

Madam President. - 62 -

The PRESIDENT: Thank you, Mr. van den Biesen. The Court will now rise and the oral

pleadings of Bosnia and Herzegovina will continue at 10 a.m. on Monday.

The Court rose at 12.55 p.m.

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Document Long Title

Audience publique tenue vendredi 3 mars 2006, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président

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