Audience publique tenu le mardi 11 mai 1999, à 10 h 45, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Weeramantry, vice-président, faisant fonction de président

Document Number
109-19990511-ORA-01-00-BI
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
1999/19
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1 Non-Corrigé ]

Cour internationale
International Court de Justice
of Justice

THE HAGUE

YEAR 1999

Publicsimhg

held on Tuesday 11 May 1999, at 10.45 am., at the Peace Palace,

Vice-PresidenWeeramantry, Acting President, presiding

in the case concerning Legality of Use of Force

(Yugoslavia v. Italy)

Request for the indication of provisional measures

VERBATIM RECORD

ANNEE 1999

Audience publique

tenue le mardi 11 mai 199à,10 h 45, au Palais de la Paix,

sous la présidencede M. Weeramantry, vice-président
faisant fonction deprésident

dans l'affaire relaàila Licéitéde l'emploi de laforce

(Yougoslavie c. Italie)

Demande en indication de mesures conservatoires

COMPTE RENDUPresent: Vice-President Weeramantry, Acting President
President Schwebel
Judges Oda
Bedjaoui

Guillaume
Ranjeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer

Koroma
Vereshchetin
Higgins
Parra-Aranguren
Kooijmans

Judges ad hoc Kreéa
Gaja

Registrar Valencia-OspinaPrésents: M. Weerarnantry, vice-président, faisant fonction de président en l'affaire
M. Schwebel, président dela Cour
MM. Oda
Bedjaoui

Guillaume
Ranjeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer

Koroma
Vereshchetin
Mme Higgins
MM. Parra-Aranguren
Kooijmans, juges

Kreka
Gaja, juges adhoc

M. Valencia-Ospina, greffierThe Government of the Federal Republic of Yugoslavia is represented by:

Mr. Rodoljub Etinski, Chief Lega! Adviser in the Ministry of Foreign Affairs, Professor of
International Law, Novi Sad University,

as Agent;

H. E. Mr. Milan GrubiC, Ambassador of the Federal Republic of Yugoslavia to the Netherlands,

as Co-Agent;

Mr. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., Chichele Professor of Public International Law, Oxford,

Mr. Carlos Casillas Velez, Vice-president of the Mexican Academy of International Law and
Professor of Law at UNAM University,

Mr. Olivier Corten, Lecturer at the Faculty of Law of the Free University of Brussels,

Mr. Stevan DjordjeviC, Professor of International Law, Belgrade University,

Mr. Pierre Klein, Lecturer at the Faculty of Law of the Free University of Brussels,

Mr. Miodrag MitiC, Assistant Federal Minister for Foreign Affairs of the Federal Republic of
Yugoslavia (Ret.),

Mr. Eric Suy, Professor at the Catholic University of Leuven, former Under-Secretary-General and
Legal Counsel of the United Nations,

Mr. Paul J. 1.M. de Waart, Professor emeritus of International Law, Free University of Amsterdam,

as Counsel and Advocates;

Mrs. Sanja MilinkoviC,

as Assistant.

The Government of Italy is represented by:

Mr. Umberto Leanza, Head of the Diplomatic Legal Service at the Ministry of Foreign Affairs,

as Agent;

Mr. Luigi Daniele, Professor at the University of Trieste,

Mr. Luigi Sico, Research assistant at the University of Rome II,

as Counsellors;

Mrs. Ida Caracciolo,

as Assistant.Le Gouvernement de la Républiquefédéralede Yougoslavie est représentépar :

M. Rodoljub Etinski, conseiller juridique principal au ministère des affaires étrangèresde la
République fédéralede Yo.ugoslavieet professeur de droit international à l'université de Novi

Sad,

comme agent;

S. Exc. M. Milan GrubiE, ambassadeur de la République fédérale de Yougoslavie aux Pays-Bas,

comme coagent;

M. Ian Brownlie, C.B.E., membre du barreau d'Angleterre,professeur de droit internationalpublic,
titulaire de la chaire Chichele à l'université d'Oxford,

M. Carlos Casillas Velez, vice-président de1'AcademiaMexicana de Derecho International et
professeur de droit international à l'université nationale autonome du Mexique (UNAM),

M. Olivier Corten, maître de conférencesà la facultéde droit de l'université libre de Bruxelles,

M. Stevan Djordjevik, professeur de droit international à l'université de Belgrade,

M. Pierre Klein, maître de conférencesà la facultéde droit de l'université libre de Bruxelles,

M. Miodrag Mitik, ancien ministre fédéral adjointdes affaires étrangèresde la République fédérale
de Yougoslavie,

M. Eric Suy, professeur à l'université catholique de Louvain (K. U. Leuven), ancien Secrétaire
général adjointet conseiller juridique de l'organisation des Nations Unies,

M. Paul J. 1. M. de Waart, professeur éméritede droit international à la Vrije Universiteit
d'Amsterdam,

comme conseil et avocats;

Mme Sanja MilinkoviE,

comme assistante.

Le Gouvernement de la République italienne est représentépar :

M. Umberto Leanza, chef du service contentieux diplomatique du ministère des affaires étrangères

de l'Italie

comme agent;

M. Luigi Daniele, professeur de l'université de Trieste,

M. Luigi Sico, chercheur de l'université de Rome II,

comme conseillers,

Mme Ida Caracciolo, -6-

The VICE-PRESIDENT, acting President: The next case the Court will proceed to hear is

the case between the Federal Republic of Yugoslavia and the Republic of Italy. The composition

of the Bench will remain unaltered, except that the present Bench will be joined by the

distinguished ad hoc judge for Italy, judge Gaja. We shall need to wait a few minutes until the

necessary rearrangements are made on the floor of the Court. 1shall then invite the distinguished

'
ad hoc judge for Italy to join us.

1now invite the distinguished ad hoc judge for Italy, judge Gaja, to join the Court to hear

the submissions of Italy in the case between the Federal Republic of Yugoslavia and the Republic

of Italy.

1now cal1upon the distinguished Agent for Italy, Mr. Leanza, to address the Court.

M. LEANZA :

Monsieur le président,Madame et Messieurs les juges de la Cour,

C'est pour moi un grand honneur de vous soumettre, en tant qu'agent du Gouvernement du

italien et chef du contentieux diplomatique du ministère des affaires étrangères, quelques

considérations essentielles sur l'affaire qui constitue l'objet de cette procédure.

Avant de poursuivre, permettez-moi de vous présenter M. Luigi Daniele, professeur de

l'universitéde Trieste et Mme Ida Caracciolo, chercheur de l'universitéde Rome II, tous agissant

en qualitéde conseils du Gouvernement italien.

Par acte déposé le29 avril dernier, la République fédérative de Yougoslavie a introduictontre

la République italienne unerequêteayant pour objet, comme cela est dit dans l'intitulé del'acte,une

prétendueviolation de l'obligation de ne pas employer la force.

Par un acte séparédéposé àla mêmedate, la République fédérald ee Yougoslavie a demandé

en outre à cette Cour d'indiquer, en application de l'article 41 du Statut, certaines mesures

conservatoires. - 7 -

Cette Cour sait que des requêtes similaires - chacune accompagnée d'unedemande en

indication de mesures conservatoires - ont étéintroduites par la République fédérale de

Yougoslavie vis-à-vis de neuf'autres Etats membres de l'OTAN :Allemagne, Belgique, Canada,

Espagne, Etats-Unis d'Amérique, France, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni de Grande Bretagne et

d'Irlande du Nord.

La présente procédure porte exclusivement sur l'examen de la demande en indication de

mesures conservatoires, examen qui selon l'article 74, paragraphe 1 du Règlement de procédure de

la Cour «a la prioritésur toutes autres affaires». Par conséquent,au stade actuel, la Cour n'estpas

appelée à se prononcer sur le fond de l'affaire. Par jurisprudence constante, en effet, la décision

rendue par la Cour sur une demande en indication de mesures conservatoires n'affecte aucunement

les questions de fond; dès lors, le droit de 1'Etat défendeur de soumettre à la Cour des

argumentations à ce sujet reste intact (voir l'ordonnance du 12 août 1972, affaire relative à la

Compétence en matière de pêcheries (Royaume-Unic. Islande), mesures conservatoires,

C.I.J.Recueil 1972, p. 16, par. 29)

Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges de la Cour,

Le Gouvernement italien considéraitpartant inutile,mêmeabusif, de s'attarder, àce stade, sur

des questions qui touchent uniquement au fond de l'affaire et évitera, dansla mesure du possible,

d'yfaire référence.Notamment, le Gouvernement italien, àla différencede ce qui a été faiptar la

Républiquefédéralede Yougoslavie, n'entrera pas dans le détail des faits, d'autantplus qu'ilssont

désormais bien connus a cette Cour.

Par contre dans mon exposé,je souhaite me concentrer sur les aspects qui, de l'avis du

Gouvernement italien, exigent une prise de position spécifique par rapport à la demande en

indication de mesures conservatoires qui nous occupe ici. Pour le reste, le Gouvernement italien

se permet de s'enréférer à lajurisprudence clairvoyante et bien consolidéede la Cour pour ce qui

est de l'application de l'article du Statut. Les points que le Gouvernement estime devoir aborder sont, dans l'ordre, les suivants:

1. absence de toute compétenceprima facie de la Cour quant au fond du présent différend;

2. inexistence manifeste des droits auxquels les mesures conservatoires demandées devraient

assurer une protection provisoire (fiumusboni iuris);

3. absence d'un dommage imminent, grave et irréparable;

4. caractère non provisoire des mesures conservatoires requises.

1. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges de la Cour,

Votre jurispmdence a bien établi

«qu'en présence d'une demande en indication de mesures conservatoires, point n'est
besoin pour la Cour, avant de déciderd'indiquerou non de telles mesures, de s'assurer
de manière définitivequ'elle a compétencequant au fond de l'affaire)),

mais que la Cour elle-même

«ne peut indiquer ces mesures que si les dispositions invoquées par le demandeur ou
figurant dans le Statut semblent prima facie constituer une base sur laquelle la
compétencepourrait êtrefondée» (affaire relativeàl'Applicationde la conventionpour
la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro), ordonnancedu 8 avril 1993, mesures

conservatoires, C.I J.Recueil 1993, p. 11-12, par. 14; voir aussi demièrement
l'ordonnance du 9 avril 1998, affaire relative à la Convention de Vienne sur les
relations consulaires (Paraguay c. Etats-Unis d'Amérique);International Legal
Materials 1998, p. 812, par. 23).

Aux fins de cette procédure il est donc suffisantque la Cour se prononce sur l'existence d'un

instrument liant aussi bien la République fédéralede Yougoslavie que l'Italie, sur lequel la

compétencede la Cour à connaître du fond pourrait vraisemblablement être fondée.

Dans sarequêtela Républiquefédérald eeYougoslavieinvoque comme fondementsjuridiques

de la compétencede la Cour les titres suivants :

A) l'article IX de la convention pour la préventionet la répressiondu crime de génocide, faiteà

New York le 9 décembre 1948;

B) l'article 38, paragraph5,du Règlement de la Cour.

Dans ce contexte, il est opportun de rappeler que l'Italie ne s'est jamais prévalue de la

possibilité prévueà l'article 36, paragraphe 2, du Statut. -9-

De l'avis du Gouvernerrient italien, aucun des titres indiqués par la République fédérale de

Yougoslavie n'est de nature à attribuer à la Cour - pas même surla base d'une évaluationprima

facie - une compétence pour juger surle fond de la présente affaire.

2. Monsieur le président, Madameet Messieurs les juges de la Cour,

Qu'il me soit consenti, avant tout, de m'occuper de l'article 38, paragraphe 5, du Règlement

de procédure.

On sait que le paragraphe 5 de l'article 38 fait référenceà l'hypothèseoù 1'Etatdemandeur

n'est en mesure d'indiquer aucun titre de compétence. Dans une telle hypothèse,le dépôt de la

requêtedoit être entenducomrne une offre adresséeà 1'Etatdéfendeur afinqu'il donne àposteriori

son consentement à ce que la Cour se prononce, en régularisant ainsi le défaut originaire de

compétence : il s'agit du principe dit duforum prorogatum. Le paragraphe 5 énoncequ'ende tels

cas, la requête esttransmise A 1'Etatcontre lequel elle est formée,mais qu'elle ne doit pas être

inscrite au rôle général dela Cour.

La référenceà l'article 38, paragraphe 5, du Règlement de procédure, démontre quela

République fédérale de Yougoslavie elle-même est conscient deu fait qu'aumoment du dépôt desa

requête il n'existaitaucun titre en vigueur entre la République fédérale de Yougoslavie et l'Italie

conférantà la Cour la compétencea connaître de la présente affaire.

En tout étatde cause, le Gouvernement italien tient à préciser qu'il n'entend aucunement

accepter la compétence dela Cour àconnaître du fond de la présente affaire,et que n'importe quel

comportement qu'il tiendrait au cours de la présente procédure ouen toute autre instance, ne doit

pas et ne sera pas interprétécomme acceptation tacite de cette compétence.

3. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges de la Cour,

Le Gouvernement italien reconnaît que la convention sur le génocide, y comprisl'article IX,

est en vigueur aussi bien pour la République fédérale de Yougoslavie que pour l'Italie.

A titre liminaire,je souhaiteremarquer qu'àla différence dela clause facultative d'acceptation

de la compétenceobligatoire visée à l'article 36, paragraphe 2, du Statut, une clause établissantla

compétencede la Cour qui figure dans un traité international, tel l'article IX de la convention sur - 10 -

le génocide,ne confère à la Cour qu'une compétencespéciale, limitéeaux seuls différendsayant

traitàl'interprétationet a l'application dudit traité. Une clause de ce type ne saura autoriser la Cour

à se prononcer sur des différends nerelevant pas du champ d'application de la convention ou cette

clause est insérée.

Le Gouvernement italien considère que l'article IX n'estpas en mesure de constituer - pas

mêmeprimafacie - un titre de compétencetel que la Cour puisse connaître du fond de la présente

affaire. A l'appui de cette thèse, je me propose de développerun double ordre de considérations.

3.A. Monsieur le président,Madame et Messieurs les juges de la Cour, le premier ordre de

considérationsa trait à l'objet de la requête.
w
Il ressort de toute évidencede cet acte que les contestations adressées par la République

fédéralede Yougoslavie contre l'Italie concernent aussi et surtout la violation d'obligations

internationales qu'on ne saurait inclur- pas même indirectement - dans le champ d'application

de la convention sur le génocide.Selon la République fédérald ee Yougoslavie, en effet, l'Italieet

les autres membres de l'OTAN auraient enfreint l'interdiction de l'emploi de la force armée,

l'obligation denon-ingérence dans les affaires intérieures d'un autre Etat, l'obligation de protéger

la population civile et les objectifs civils en temps de guerre, l'obligation de protéger

l'environnement, les obligations relativesàla libertéde navigation dans les fleuves internationaux,

les obligations relatives aux droits et aux libertés humaineset la prohibition d'utiliser desarmes

interdites.

L'Italierejette detelles allégations. Celles-ci constituentune représentationintentionnellement

fausse de la réalité,une véritablemystification, sur laquelle il n'y a pas lieu de s'attarder d'autant

plus que - comme je le dirais tout de suite - ces allégationsne tombent pas sous la compétence

ratione materiae de la Cour.

L'article IX de la convention sur le génocide, en effet, ne confère à la Cour qu'une

compétence limitée aux ((différends entre les Parties contractantes relatifs à l'interprétation,

l'applicationou l'exécutionde laprésenteconvention y compris ceux relatifs àla responsabilité d'un

Etat en matière de génocideou de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article III». - 11 -

Comme la Cour elle mème l'a déclarédans son ordonnance du 8 avril 1993, dans l'affaire

relativeà l'Applicationde la conventionpour lapréventionet la répression du crime degénocide

(Bosnie-Herzégovinec. Yougoslavie (Serbie et Monténégro), C.I.J.Recueil 1993, p. 3, par. 26),

l'article IX constitue une base sur laquelle la compétence pourrait être fondée seulement«pour

autant que l'objet du différend atraita l'interprétationou l'exécution de laconvention)).

Par contre, un différend portant sur une prétendue violation d'obligations internationales

découlant d'autres sources, comme celles évoquéesdans la requêtede la République fédérale de

Yougoslavie, est manifestement en dehors de la portéede l'article IX. Ce différend nepourra ainsi

êtrejugé par la Cour que si 1'Etatdemandeur est en mesure de prouver l'existence d'un titre

supplémentaire de compétence.

La tentative de la République fédéralede Yougoslavie de s'appuyer sur l'article IX de la

convention sur le génocide pour fonderla compétencede la Cour pour des différends neconcernant

pas l'interprétationou l'exécution de cette convention estd'ailleurs en ouverte contradiction avec

l'attitude que la République fédéralede Yougoslavie elle mêmeavait assumée lors de l'affaire

précitéesur l'application de la convention sur le génocide.Au cours de ce différend, pour lequel

aussi le seul titre de compétence étaitl'article IX, la République fédéralede Yougoslavie s'était

toujours opposéeaux tentatives de la Bosnie-Herzégovine «d'élargir» la matière du contentieux et

d'yinclure la violation d'obligations internationales nerelevant pas de la convention sur le génocide

(voir notamment l'arrêt du11 juillet 1996 dans l'affaire relative à l'Application de la convention

pour la prévention et la répressiondu crime de génocide (Bosnie-Herzégovinec. Yougoslavie

(Serbie et Monténégro), exceptions préliminaires, C.I.J.Recueil 1996, p. 595, par. 36).

Ce n'est que dans la dixième des demandes formulées contre l'Italie que la République

fédéralede Yougoslavie semble invoquer la violation d'obligations relevant de la convention sur le

génocide. Toutesles autres demandes résultent,soit du fait de leur libellétextuel que de leur objet,

manifestement en dehors du champ d'application de cette convention. Il en résulte que, comme

l'articleIX de la convention est le seul instrument en vigueur entre la République fédéralede

Yougoslavie et l'Italie conférant une compétencea la Cour, cette Cour manque prima facie de

compétence pour connaître de ces demandes quant au fond. -12 -

Par conséquent, faute de compétenceprima facie, il n'y a pas lieu d'indiquer des mesures

conservatoires de la part de la Cour aux termes de l'article1 du Statut.

3.B.Monsieur le président,Madame et Messieurs les juges de la Cour, le deuxièmeordre de

considérationsque je voudrais vous présenter quant à la question de la compétenceprima facie, a

traità la portéede l'article IXde la convention sur le génocideet à l'impossibilitéd'yfaire rentrer

la dixième demande formuléepar la Républiquefédéralede Yougoslavie à l'encontre de l'Italie, à

savoir la seule demande où 1'Etatdemandeur semble invoquer la violation d'obligations relevant de

la convention.

Compte tenu du caractère spécialde la compétence conférée à la Cour par l'article IX de la

1
convention, le Gouvernement italien estime que cette Cour n'est compétente, selon cet article, que

par rapport à des faits et des situations correspondant au concept de crime de génocide viséà

l'article II de la convention et aux actions décritesde a) à e) du mêmearticle.

Lorsque les faits et situations alléguéspar1'Etatdemandeur ne sont pas susceptibles d'être

considéréscomme crime de génocideet notamment comme l'une au moins des actions visées à

l'article IIde la convention, la compétenceratione materiae fait défaut.Ce défautde compétence

peut faire l'objet du constat par la Cour déjà austade de la procédure pour l'indicationde mesures

conservatoires, lorsqu'il est évidentet incontestable comme dans le cas d'espèce.

Le Gouvernement italienfait remarquer enpremier lieuque, selon l'article II de laconvention,

le crime de génocide doit consister en des actions dirigées contre un groupe national, ethnique, W

racial ou religieux.

Par contre, les faits et situations allégués par la République fédéralee Yougoslavie font

référence à des actions affectant le territoire d'un Etat et, par voie de conséquence, sapopulation

considérée dans sonensemble. La République fédérald ee Yougoslavie, en effet, n'ajamais soutenu

que le cible des actions de la OTAN serait tel ou tel autre groupe spécifique appartenant à la

population yougoslave.

L'utilisation du terme «groupe» tant dans le chapeau de l'article II, que dans chacun des

alinéassuivants, porte sans douteà conclure que le crime de «génocide» ne couvre pas des actions

affectant l'ensemble de la population d'un Etat. Ceci non seulement parce c'est le terme «groupe» - 13 -

et non pas «peuple» qui est utilisé,mais surtout parce que la logique même dela norme l'exclut.

En effet, si les deux termes devaient êtreconsidéréscomme-équivalent aux fins du concept de

génocide,toute hypothèse d'emploi de la force armée dans un conflit international configurerait

automatiquement un cas de génocide. L'interdictiondu crime de génocide aurait ainsi la même

portéeque l'interdiction de l'emploi dela force arméeinternationale. On voit bien qu'unenotion

de crime de génocide aussi large ne reflètepas du tout le sens ordinaire du terme (voir l'article31

de la convention de Vienne s.urle droit des traités)

Les faits et situations allégués parla République fédéralede Yougoslavie ne relèvent pasdu

champ d'application de la convention sur le génocide.

Une telle constatation s'impose d'unefaçon tellement évidenteque la Cour ne pourra qu'en

tirer les conséquences mêmes à ce stade de la procédureen s'en refusant d'indiquer des mesures

conservatoires.

3.C. Monsieur le président, Madameet Messieurs les juges de la Cour,

L'impossibilité radicale: et manifeste de qualifier les faits et situations allégués parla

République fédéralede Yougoslavie comme génocide découle aussi de l'absence de l'élément

psychologique, constitutif de ce crime, cet élément consiste dans la volonté délibéréeet

intentionnelle deréaliserla finalitéinhérente ducrime, àsavoirla destruction totale ou partielle d'un

groupe national, ethnique, rac.ia1ou religieux, en tant que tel.

La nécessitéque cette volonté existeet soit prouvée, estpléonastiquement - mais de ce fait,

de façon encore plus significative - réitérée(soumission intentionnelle) dans la définitionde

l'action criminelle prévue par le c) de l'article II,à savoir la seule disposition implicitement

invoquéepar la République fédéralede Yougoslavie dans sa demande de mesures conservatoires

(P. 16).

A ce propos je me permets d'attirer l'attentionde la Cour sur le fait que mêmeune lecture

superficielle des documents marquant les étapes fondamentalesdu processus décisionnel suivi par

l'OTAN et ses Etats membres en vue et au cours de leur action sur le territoire de la République

Fédéralede Yougoslavie - exclut radicalement que cette volonté spécifique existe.Comme tout

le monde le sait, l'action militaire déployéepar l'OTAN a comme seul objectif de sauvegarder la - 14 -

population d'ethnie albanaise au Kosovo. Cette population a été l'objet d'actedse génocidede la

part des forces de sécuritéet des unités de police spéciale yougoslaves dont l'action a été

condamnée,par toutes les instances internationales et notamment, par le Conseil de sécuritédes

Nations Unies dans ses résolutions nos1160, 1199 et 1203 de l'annéedernière.

A cet égard,il suffit de rappeler les déclarationsàla presse du secrétairegénéralde l'OTAN,

M. Solana, du 23 et 25 mars dernier, du 1"et du6 avril; la déclarationdiffuséeàl'issue du Conseil

de l'Atlantique Nord en session ministérielle du 12 avril; la déclaration sur le Kosovo des chefs

d'Etat et de gouvernement participant à la réunion du Conseil de l'Atlantique Nord, tenue à

Washington les 23 et 24 avril; les déclarations du président du conseil des ministres italien,

w
M. D'Alema, àla Chambre des députés du 26 et 30 mars; la communication du présidentdu conseil

des ministres italien sur le développement de la crise des Balkans du 13 avril; les auditions du

ministre des affaires étrangèresitalien, Dini, devant les commissionspour les affaires étrangères

du Sénatet de la Chambre des députés sur les actions militaireset diplomatiques dans les Balkans

du 31 mars, 9 et 20 avril dernier.

Il est partant évident que l'Alliance atlantique s'est vue contrainte d'intervenirpour prévenir

un génocidequi étaiten train de s'accomplir et n'ajamais eu la moindre intention d'en causer un

autre.

3.D. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges de la Cour,

Je viens de faire allusion au fait que- parmi les cinq actions viséesà l'article II de la W

convention - la seule à avoir été implicitement invoquée par la République fédéralede

Yougoslavie dans sa demande en indication de mesures conservatoires est celle viséeauc),àsavoir

la ((soumissionintentionnelle du groupeàdes conditions d'existencedevant entraîner sa destruction

physique totale ou partielle».

Onne saurait oublier à cet égard quela situation matérielle, qui étaitàl'espritdes auteurs de

cette disposition, étaitcelle des camps de concentration lors de la seconde guerre mondiale. Cette

situation est très loin de pouvoir être rapprochéeaux faits soumisattention de la Cour dans cette

procédure. - 15 -

Tout en regrettant les pertes humaines et matérielles liéesà l'action mise en place par les

dix Etats del'OTAN, le Gouvernement italien fait remarquer que cette action, dont le but exclusif

est la protection du droità la vie et à l'existence de la population kosovare d'ethnie albanaise, se

déploiede manière aussi limitéeque possible et n'estpas susceptible de constituer - du fait de son

caractère objectivement limitéainsi que de la nature et de l'ampleur des moyens employés - un

risque pour l'existence mêmedu peuple yougoslave.

En conclusion, àpartir des considérations jusqu'iciexposées,il faut radicalement exclure la

compétenceprima facie de la Cour à examiner le cas d'espèce dansle cadre de l'article IX de la

convention sur le génocide. Partant la Cour devrait se refuser d'indiquerdesmesures conservatoires

dans la présente affaire.

4. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges de la Cour, les arguments

développés ci-dessusàpropos de la compétenceprimafacie peuvent conduire àrejeter la demande

de la République fédérale deYougoslavie en indication de mesures conservatoires aussi sous un

profil différent,à savoir l'absence dufumus boni iuris.

Ces arguments prouvent, d'aprèsle Gouvernement italien, qu'entoute évidence,le droit que

la République fédérale de Yougoslavie fait valoir dans sa requêten'existepas et que ses demandes

sont donc dépourvuesde tout fondement juridique.

Dans ces conditions, la Cour en adhérant à la demande yougoslave serait paradoxalement

amenée à indiquer des mesures conservatoires aboutissant à assurer la protection pendente lite des

droits qui n'appartiennent pas à la Républiquefédéralede Yougoslavie et que la Cour ne pourra

jamais lui reconnaître lors d'un éventuel arrêtsur le fond.

Il paraît utile, dans ce contexte, de rappeler l'affaire Lockerbie, la Cour décidade ne pas

indiquer de mesures conservatoires dès lors que 1'Etatdemandeur ne pouvait pas se prévaloir de

droits affectéspar des résolutionsdu Conseil de sécurité (voirl'ordonnance du 14 avril 1992, dans

l'affaire relativeà des Questions d'interprétationet d'application de la convention de Montréal

de 1971 résultant del'incidentaérien deLockerbie (Jamahiriyaarabe libyenne c. Royaume-Uni)

(C.I.J.Recueil 1992, p. 15, par. 39). - 16 -

5.Monsieur le président, Madameet Messieurs les juges de la Cour, quant au periculum in

mora, c'est-à-dire le risque d'un dommage grave et irréparable.pour le demandeur, si les mesures

conservatoires requises n'étaientpas indiquées,le Gouvernement italien a confiance que la Cour

voudra bien tenir compte de ce que le risque pour la population du Kosovo est manifestement plus

grave et imminent que les risques évoquéspar la Républiquefédéralede Yougoslavie.

Sans aucun doute, l'intemption de l'action des dix Etats membres de l'OTAN provoquerait

un dommage immédiatet irréparable pour lapopulation kosovare d'ethnie albanaise. Les actions des

corps spéciaux yougoslaves reprendraient avec plus d'intensitéde manière que le génocidede cette

ethnie serait bien tôt tout fait accompli.

w
6.Enfin, Monsieur le président, Madame et Messieurs lesjuges de la Cour, le Gouvernement

italien se permet d'attirer l'attention dela Cour sur le fait que l'objet dela mesure demandéetre

conservatoire, a savoir la cessation immédiate des actions militaires de l'OTAN, est le mêmeque

celui de la douzième et avant dernière demande énoncée dans larequête yougoslave.

Il s'ensuit qu'en demandantà la Cour d'indiquer à titre de mesure conservatoire, une mesure

qui, en réalité, coïncide avecl'une des demandes les plus importantes avancées par la République

fédéralede Yougoslavie quant au fond, celle-ci vise à obtenir de la Cour un véritable arrêt

provisoire (an interimjudgment). Votre Cour n'ajamais fait droit àune telle demande dansle cadre

de la procédure au titre de l'article1 du Statut.

1
Le Gouvernement italien renvoie ici au précédent de l'affaire de l'Usine de Chorzbw, où la

Cour permanente de Justice internationale a refusé de faire droit à une telle demande (voir

l'ordonnance du 21 novembre 1927 dans 1'affaire de l'Usine de Chorzbw (Allemagne c. Pologne),

indemnité,demande de mesures conservatoires).

La cessation d'un acte prétendumentillicite étant l'une des conséquences qui découlentdu

constat qu'un acte dece genre a été commis parun sujet déterminant,la Cour ne pourrait l'ordonner

qu'aprèsavoir établiau préalablele caractère illicite de l'acteen question. Ce que la Cour ne saurait

faire dans une procédure pour l'indication de mesures conservatoires. - 17 -

7.Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges de la Cour, en conclusion de l'avis

du Gouvernement italien, les conditions juridiques et de fait qui pourraientjustifier l'indication des

mesures conservatoires demandéespar la République fédérald ee Yougoslavie ne sont pas remplies.

En particulier, l'absence de compétence prima facie justifie la radiation de l'affaire du rôle

général de la Cour ausens de l'article 38, paragraphe 5, du Règlement de procédure.

Le Gouvemement italien insiste afin que la Cour, en exerçant le pouvoir qui lui dérivede

l'article 41 du Statut, veuille bien tenir compte du caractère paradoxal de la situation dont nous

avons débattu aujourd'hui.

Un groupe d'Etats,qui -- malgréeux - se sont vus obligés d'intervenir contreun Etat pour

stopper le génocideen cours contre une minorité établiesur le territoire de cet Etat, sont appelés

à se défendredevant cette Cour de l'accusation aussi infamante qu'absurde d'être eux-mêmesles

auteurs d'un génocide.La Cour ne se laissera pas fourvoyer par cette initiative détournante.

Monsieur le président,Madame et Messieurs les juges de la Cour, le Gouvemement italien

conclut comme suit : veuille la Cour :

1. ordonner la radiation de l'affaire du rôle général auxtermes de l'article 38, paragraphe 5, du

Règlement de procédure;

2. en voie subordonnée,rejeter la demande en indication de mesures conservatoires déposéepar

la République fédéralede Yougoslavie le 29 avril 1999;

3. s'abstenir en tout étatde cause d'indiquer à l'encontre de la République italienne les mesures

conservatoires figurant dans la demande yougoslave, ou n'importe quelle autre mesure

conservatoire.

Monsieur le président, Madameet Messieurs les juges de la Cour, je vous remercie de votre

bienveillante attention.

The VICE-PRESIDENT, acting President: Thank you very much, Mr. Leanza. This

concludes the first round of hearings in the case concerning the Legality of Use of Force

(Yugoslavia v. Italy). The Court stands adjourned for 15 minutes.

The Court rose at 11.20 a.m.Non-Corrigé Traduction
Uncorrected Translation

CR 99/19 (traduction)

CR 99/19 (translation)

Mardi 11 mai 1999à 10 h 45

I'uesday 11 May 1999 at 10.45 a.m. -2-

O6 Le VICE-PRESIDENT,faisantfonctionde président : Laprochaineaudienceseraconsacrée

à l'affaire opposant la Républiquefédérale de Yougoslavieet la Républiqueitalienne. La

composition du siègedemeurera la même, M. Gaja,juge ad hoc pour l'Italie,venant sejoindrà

sescollègues. Quelquesminutesserontnécessairespourque leréagencementde la salle soit opéré.

J'inviteraialors lejuge ad hoc de I'Itaàinous rejoindre.

J'invitemaintenantM. Gaja,juge ad hoc pour l'Italiàvenir prendre sa placesur le siège,

afind'entendrelesconclusionsde l'Italiedans l'affaireentrelaRépublique fédérale Yougoslavie

et la Républiqueitalienne.

J'invitemaintenantl'agentde l'Italie, Leanza, à prendre la parole.
*

Mr. LEANZA: Mr. President, Membersof the Court, it is a great honourfor me to submit

toyou, as Agent ofthe Italian Governmentand Head ofthe DiplomaticLegal Serviceof the Italian

Ministryof Foreign Affairs,a few essentialconsiderationsrelatingto the casewhich is the subject

of the present proceedings.

First ofll,1wouldliketo introduceMr.LuigiDaniele,ProfessorattheUniversityofTrieste,

and Mrs. Ida Caracciolo, Researcher at the University of Rome II, both of whom are acting as

counselto the Italian Government.

By an instrumentfiled on 29 April last,the Federal Republic of Yugoslavia lodged against

theItalian RepublicanApplicationthe subjectof which is,as stated institle, an allegedviolation
J
of the obligation not to use force.

In aseparateinstrumentfiledonthe samedate,theFederalRepublicofYugoslaviaalsoasked

the Court to indicate,pursuant to Article 41 of the Statute,certain provisional measures.

The Court is aware that similar Applications- each with a request for indication of

provisional measures- have been introducedby the FederalRepublic ofYugoslaviain respect of

nineother NATO member States: Belgium,Canada,France,Germany,the Netherlands, Portugal,

the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and the United States of America.

The present proceedings are concerned solely with an examination of the request for

indicationof provisionalmeasures, which,nderArticle 74,paragraph 1,ofthe Rulesof the Court, -3-

"shallhave priority overal1other cases". Thus, at the present stage, the Court is not requiredto

adjudicateuponthe merits of the case: consistent case-lawhas establishedthat a decision handed

down by the Court in response to a request for indication of provisionalmeasures cannot in any

way affect the merits; thus, the right of the respondent State to submitto the Court arguments in

this connection remains intact (see Order of 17August 1972 relating to Fisheries Jurisdiction

(UnitedKingdomv. Iceland,ProvisionalMeasures,I.C.J. Reports 1972, p. 16,para. 20).

Mr. President, Membersof the Court,

The Italian Govemment has taken the view that it would be unnecessaryand even an abuse

of your patience to spend time at this stage on matters relating solely to the merits and it will

therefore avoidasfar as possiblemakinganysuchreference. In particular,the Italian Government,

unlikethe FederalRepublicof Yugoslavia,will not consider factualdetails, especially as they are

now well known to the Court.

On the otherhand, in my statement 1 dowishto concentrateon aspectswhich, in the opinion

of the Italian Govemment, require a specific comment in relation to the request for indication of

provisional measureswhich concems us here. For the rest, the Italian Govemment relies on the

lucidand well-consolidated case-law ofthe Court on the applicationof Article 41 of the Statute.

0 8 The points whichthe Italian Govemment wishes to consider are, in order, the following:

1. the absence of any prima faciejurisdiction of the Court as regards the merits of this dispute;

2. the manifest non-existence of the rights for which the provisional measures requested are

intendedto ensure provisional protection fimus boni iuris);

3. the absence of any imminent, serious and irreparable damage;

4. the non-provisionalnature of the provisional measures requested.

1. Mr. President,Members of the Court,

Your case-law has clearly established that:

"on a requestfor provisionalmeasuresthe Courtneed not, beforedeciding whether or
not to indicatethem, finally satisfy itself that it has jurisdiction on the merits of the
case",

but that the Court itself "oughtnot to indicate such measures unlessthe provisions invokedby the Applicant
or found in theStatute appear, prima facie,to afford a basis on whichthejurisdiction
of the Courtmight be established;" (Application of the Convention on thePrevention
andPunishmentof theCrime ofGenocide(Bosnia-Herzegovina v. Yugoslavia(Serbia
andMontenegro)),Orderof8 ApriI1993,Provisional Measures ,C.J.Reports 1993,
pp. 11-12,para. 14; see also Order of 9 April 1998,ViennaConvention on Consular
Relations(Paraguw v. UnitedStatesofAmerica);InternationalLegalMaterials1998,
p. 812, para. 23).

For the purposes of these proceedings it is therefore enough for the Court to rule on the

existence of an instrument binding boththe FederalRepublic of Yugoslavia and Italyupon which

the Court'sjurisdiction to entertain the merits could with any probabilitybe based.

In its Application,the FederalRepublic of Yugoslavia invokesas legal bases of the Court's

jurisdiction the following texts:

(A) Article IX of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide,

adopted in New York on 9 December 1948;

(B) Article 38, paragraph 5, of the Rules of Court.

Perhaps1maymention at this point that Italy hasnever availeditselfof the facilityprovided

for in Article36, paragraph 2, of the Statute.

In the opinionof the Italian Governrnent, neitherof the basesofjurisdiction indicatedbythe

Federal Republic of Yugoslavia is such as to confer upon the Court - even on a prima facie

examination - jurisdiction as regards the merits of the present case.

2. Mr.President, Members of the Court,

With permission, 1should liketo considerfirst and foremostArticle 38, paragraph 5, of the

Rules of Court.

We knowthat Article 38,paragraph 5,coversa situationwherethe applicantStateis unable

to indicate any basis of jurisdiction. Where this happens, the filing of the application must be

considered as being an offer made to the respondent State with a view to the latter consenting

aposteriori to the Court'sjurisdiction, thus making good the original lack of jurisdiction: this is

the principle known asforum prorogatum. Paragraph 5 states that in such cases the application

shall be transmitted to the State against which it is made but that it shall not be entered in the

General List of the Court. -5-

The reference to Article 38, paragraph 5, of the Rules of Court shows that the Federal

Republic of Yugoslavia was itself aware, when it submittedits Application, that there was no

instrument in force between the Federal Republic of Yugoslavia and Italy giving the Court

jurisdiction to entertain this case.

At al1events, the Italian Govemment wishes to make it clear that it has no intention of

consentingto the Court'sjurisdiction to consider the merits, and that, whateveraction it may take

in the course ofthese or any other proceedings, such action must not andcannotbe interpretedas

tacit acceptance of thatjurisdiction.

3. Mr. President, Members of the Court, the Italian Govemment acknowledges that the

GenocideConvention,includingArticle IX, isin forcebothforthe FederalRepublicofYugoslavia

and for Italy.

At the outset, 1wouldpoint out that, unlikethe optionalclause of acceptance ofcompulsory

jurisdiction under Article 36, paragraph 2, .of the Statute, a provision establishing the Court's

jurisdiction which is included in an international treaty, such as Article IX of the Genocide

Convention, confers on the Court only a specificjurisdiction confinedto thosedisputes relating to

the interpretationandapplicationof that treaty. A provisionof this type cannotempowerthe Court

to adjudicate upon disputes not coming within the scope of the treaty containing it.

The Italian Govemment takes the view that Article IX does not constitute- even prima

facie - a basis ofjurisdiction suchthat the Court can considerthe merits ofthe present case. My

argument in support of this contention has two limbs.

3.A. Mr.President,Membersofthe Court,the firstlimbof my argumentrelates tothe subject

of the Application.

That instrument makes it very clear that the allegations made by the Federal Republic of

YugoslaviaagainstItalyconcem, in particular,aviolation ofinternationalobligationsobviouslynot

caught - even indirectly- bytheGenocideConvention;thusItalyandtheotherNATOMembers

are alleged to have violated the obligation banning the use of armed force,the obligation not to

interveneinthe intemalaffairsof another State,the obligationto protectthecivilianpopulationand

civilian objects in wartime, the obligation to protect the environment, the obligation relating tofreedom of navigationin internationalwaters,the obligation regardinghurnanrightsand fieedoms

and the obligation not to use prohibitedweapons.

Italy rejectsthese allegations. They are a deliberate distortion of the facts, manifestly

designedto mislead. There is no point in spendingtime on them, especially as - as 1 shall now

show - they do not fall within the Court'sjurisdiction ratione materiae.

Article IX of the Genocide Conventionconfers jurisdiction on the Court only in respect of

"disputes between the contractingParties relatingto the interpretation, applicationor fulfilment of

the present Convention,includingthose relatingto the responsibilityof a Statefor genocide or for

any of the other acts enumerated in Article III".
*
As the Court itself has stated in its Orderof 8 April 1993inthe case concemingApplication

of theConventiononthePrevention and PunishmentoftheCrimeofGenocide (Bosnia-Herzegovina

v. Yugoslavia (Serbiaand Montenegro),I.C.J.Reports 1993,p. 3, para. 26), Article IX affordsa

basison which the Court'sjurisdiction mightbe founded only "tothe extent that thesubject-matter

of the dispute relates to the interpretation.or fulfilment of the Convention".

But a disputerelatingto an allegedviolationof internationalobligationsderivingfrom other

sources, such as those referred to in the Application of the Federal Republic of Yugoslavia, lies

manifestlyoutsidethe scope of Article IX. Hence, such a dispute can be entertainedby the Court

only if the applicant Statean prove the existence of an additional basis ofjurisdiction.

w#
The attempt by the Federal Republic of Yugoslavia to use Article IX of the Genocide

Conventionto foundthe Court'sjurisdictionin respect of disputesnot relating to the interpretation

or fulfilment of the Convention is moreover in flagrant contradiction with theattitude that the

FederalRepublic of Yugoslaviahad itself adoptedin the case referredto abovewith regard to the

application of the Convention. During that dispute, in which, also, the only basis of jurisdiction

was Article IX, the Federal Republic of Yugoslavia had always opposed attempts by

Bosnia-Herzegovina to "enlarge" the subject-matter by including the violation of international

obligations not coming within the Genocide Convention (see, in particular, the Judgment of

11July 1996 in the case concerning Application of the Convention on the Prevention and -7-

PunishmentoftheCrimeofGenocide (Bosnia-Herzegovinv a. Yugoslavia(Serbia andMontenegro)),

Preliminary Objections,I.C.J.Reports 1996,p. 618, para. 36);

It is only in the tenth of the claims formulated against Italy that the Federal Republic of

Yugoslaviaappearsto invokethe violationof obligations underthe GenocideConvention. All the

other claims manifestly lie outside the scope of the Convention, both in their wording and as

regardstheir subject-matter. Consequently,as Article IX ofthe Conventionis the only instrument

in forcebetweenthe FederalRepublicof Yugoslaviaand Italyconferringjurisdiction onthe Court,

prima facie the Court has nojurisdiction to consider those claims in tems of their merits.

Consequently, as there is no prima faciejurisdiction, the Court cannot indicate provisional

measures under Article 41 of the Statute.

3.B. Mr. President, Membersof the Court,the secondlimb of myargumentas regardsprima

facie jurisdiction relates to the scope of Article IX of the Genocide Convention and to the

impossibility of bringing it withinthe tenth claim by the Federal Republic of Yugoslavia against

Italy, that is toaythe only claim in which the applicant State appears to invoke the violation of

obligations under the Convention.

Given the specific nature of the jurisdiction conferred on the Court by Article IX of the

Convention,theItalian Government takestheviewthat underthis Article the Court hasjurisdiction

only in respect of facts and circumstancesmeeting the definition of the crime of genocide set out

in Article II of the Conventionand correspondingto the actsdescribed in subparagraphs (a)to (e)

of that Article.

Where facts and circumstances alleged by the applicant State cannot be considered as

genocide and, in particular, as one or more of the acts specified in Article II of the Convention,

jurisdiction ratione materiae is lacking. Where, as in the present case, the Court's lack of

jurisdiction is obvious and undeniable,the Court may already,at the stageof proceedings for the

indication of provisional measures,so declare.

The ItalianGovernmentpointsout, inthe first place, that,under Article II ofthe Convention,

the crime of genocide mustconsist in acts against a national, ethnic, racial or religious group. - 8 -

Butthe facts and circumstancesallegedby the Federal Republicof Yugoslavia relate toacts

affectingthe territory of a State, and henceto itspopulationtakenasawhole: the Federal Republic

of Yugoslaviahas never argued that NATO has targetedany specificgroups within the Yugoslav

population.

The use of the term "group", both in the initial clause of Article II and in each of the

following subparagraphs, indicates clearly that the concept of "genocide" does not cover action

relating to the whole of the population of a State, not only because the word "group" and not

"people"is used but, evenmore importantly,becausethe very logicof the provisionrules out this

interpretation. If thewowordswereto be consideredas equivalentforthe purposesofthe concept

.r,
ofgenocide,any useofforceinan international conflictwould automaticallyrankasgenocide. The

prohibition of genocide would thus have the sarne scope as the prohibition of the use of

internationalarmed force. It is immediatelyclear that a definitionof genocide as wide as this in

no sense reflects the ordinarymeaning of the term (see Art. 31of the Vienna Convention on the

Law of Treaties).

The facts and circumstancesallegedby the Federal Republic ofYugoslavia are not covered

by the Genocide Convention.

This finding is so obviousthat the Court cannotbut conclude - already at this stage of the

procedure - that it must refuse to indicate provisional measures.

3.C. Mr. President, Members of the Court,

There is a furtherconsiderationsupportingtheview that the facts and circumstancesalleged

by the Federal Republic of Yugoslaviamanifestlycannotbe characterizedas genocide: this is the

absence of the psychological componentof the crime - the deliberate and intentionaldesire to

achieve its inherent objective,narnelythe destructionof al1or part of a national, ethnic, racial or

religious group as such.

The requirement that such a desire exist and be shown to exist is repeated in tautological

fashion - and hence al1the more significantly- ("deliberately inflicting") in the description of

the criminal act set out in Article II(c),which is the only provision implicitly invoked by the

Federal Republic of Yugoslavia in its request for provisional measures (p. 16). -9 -

Inthis connection1 woulddrawtheCourt'sattentiontothefactthat evena superficialreading

of the documentsrelatingtothe fundamentalstagesof the decisionprocessfollowedbyNATO and

its member States prior to and during their action over the territory of the Federal Republic of

Yugoslaviashowsthatthere couldnot possiblybeany suchintention. As everyoneknows,NATO's

military action has the sole objective of safeguarding the Kosovar Albanian population. The

Kosovar Albanians have been the victims of acts of genocide committed by Yugoslav security

forces and specialpoliceunits, whose operationshave beencondemnedby al1internationalbodies,

and in particular by the United Nations SecurityCouncil in resolutions 1160, 1199 and 1203 of

1998.

1 need only mention in this connection statements to the press made by NATO

Secretary-GeneralMr. Solanaon 23 and 25 March and 1 and 6 April of this year, the statement

released followingthe ministerialmeetingofthe North AtlanticCouncilon 12 April, the statement

on Kosovo made by the Heads of State or Government following the North Atlantic Council

meeting held in Washington on 23 and 24 April, statementsmade by the President of the Italian

Council of Ministers, Mr. D'Alema,to the Italian Chamber of Deputies on 26 and 30 March,

Mr. D'Alema'sreport of 13 April on developmentsin the Balkan crisis, hearings attended by the

ItalianMinister for Foreign Affairs, Mr.Dini,before the Italian Senate and Chamber of Deputies

Foreign Affairs Committees on military and diplornatic action in the Balkans (on 3 1 March and

9 and 20 April last).

It is accordinglyclear that the AtlanticAlliance was compelledto intervene to prevent an

ongoing genocide andhas never had the leastintention of embarkingupon a genocide of its own.

3.D. Mr. President, Membersof the Court,

1havejust pointedoutthat, ofthe fivetypesof act referredto inArticle IIofthe Convention,

the only one to have been implicitly invokedby the FederalRepublic of Yugoslavia in its request

forthe indicationofprovisionalmeasuresisthat specifiedinsubparagraph (c),namely "deliberately

inflicting on theroupconditionsof life calculatedto bringaboutits physicaldestruction inwhole

or in part". - 10-

In this connectionit must not be forgottenthat the materialsituationwhichwas in the minci

of the drafters of this provision was that of the concentration-campsof the Second WorldWar.

That situation is a very long way fromthe facts presented to the Court inthese proceedings.

f 5 While regretting the loss of life andmaterial damage involved in the operation undertaken

bythe tenNATO States,the ItalianGovemmentwould pointoutthat this operation,whose soleaim

is the protection of the right to life and existence of the Kosovar Albanian population, is being

conductedinas limiteda wayas possible andcannot - becauseof its clearlylimitedcharacterand

the nature and scope of the means employed - constitute a threat to the very existence of the

Yugoslav people.
*
In conclusion, itfollows fromthe foregoing considerationsthat there can be no question of

the Court having prima faciejurisdiction to consider this case on the basis of Article IX of the

GenocideConvention.The Court shouldaccordinglyrefuseto indicateprovisionalmeasures inthe

case.

4. Mr.President, Members of the Court, the argumentsset out above with regard to prima

facie jurisdiction may also serve as a basis to reject Yugoslavia'srequest for the indication of

provisional measures on a further ground, namely the lack of afumus boni iuris.

Theseargumentsestablish,inthe viewof the ItalianGovernment,that therighton whichthe

Federal Republic of Yugoslavia relies in its Applicationquite clearly does not exist and that its

claims are thus totally without legal foundation.

In these circumstances, if the Court were to accede to the Yugoslav request it would find

itself in the paradoxical situation of proceeding to indicate provisional measures designed to

preservependente literightswhichthe FederalRepublic ofYugoslaviadoesnot infactpossessand

which the Court could never recognize in any decision on the merits.

It ishelpful in this connectionto recall the Lockerbiecase, where the Court decided not to

indicateprovisionalmeasures,becausethe applicantStatewas notentitledto relyonrights affected

by Security Council resolutions (see Order of 14 April 1992in the case conceming Questionsof

Interpretation andApplicationof the 1971Montreal Conventionarisingfrom theAerial Incident - 11-

at Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriyav. United Kingdom), Provisional Measures,

I.C.J. Reports 1992, p. 15, para. 39).

5. Mr. President, Members ofthe Court, as to thepericulum inmora,that is to Saythe risk
16
of grave and irreparableprejudiceto the Applicant if the provisional measures requestedwere not

indicated,the Italian Govemment is confident that the Court will take due account of the fact that

the threat to the population of Kosovo is manifestly more serious and imminent than the risks

referredto by the Federal Republic of Yugoslavia.

There can be no doubt that any interruption of the action by the ten NATO member States

wouldcause immediate andirreparable harmto the Kosovar Albanian population. The Yugoslav

special forces would pursue their actions with still greater intensity, with the result that, very

shortly,the genocide ofthat population would be complete.

6. Finally, Mr. President, Members of the Court, the Italian Govemment would draw the

Court'sattention to the factthat theject of the measurerequested on a provisionalbasis,namely

the immediate cessation of military action by NATO, is the same as that stated in the twelfth,

penultimate, claimin the Yugoslav Application.

It follows that, insking the Court to indicate on a provisional basis a measure which, in

reality, coincides with one of the most important claims putforward by the Federal Republic of

Yugoslaviaon the merits,the latter is seeking to obtain from the Court what is inuth an interim

judgment. This Court hasnever acceded to such a request in proceedingsunder Article 41 of the

Statute.

The Italian Govemment would refer the Court here to the precedent of the Factory a?

Chorzbwcase, wherethe PermanentCourt of Intemational Justice refusedto grant such a request

(seethe Order of 21 November 1927in the case concemingthe Factorya?Chorzbw,(Germanyv.

Poland),reparation,requestfor interimmeasures).

Since the cessation of an allegedly illegal act is one of the consequencesflowing from the

finding thatsuch an act has been committed by a particular party, the Court cannot order such

cessationuntil it has firstestablishedthat the act in question is illegal. And this the Court cannot

do in proceedings for the indication of provisional measures. - 12-

7. Mr. President, Members of the Court, in conclusion, in the opinion of the Italian
17
Govemment, the conditions of law and fact capable of justifying the indication of provisional

measures requested by the Federal Republic of Yugoslavia arenot satisfied.

In particular, the absence of prima faciejurisdictiongroundsfor removing the case from

the Court's General List in accordance with Article 38, paragraph, of the Rules of Court.

The Italian Govemment stresses its hope that the Court, in exercising its power under

Article 41 of the Statute,willtake accountof the paradoxical natureofthe situationwhich wehave

been discussing today.

A groupofStates,who - muchagainsttheirwill - havefeltcompelledto interveneagainst -

a Stateto halt genocide beingcarriedout againsta minority livingonthe territory of that State,are d

being called uponto defend themselves before this Court againstthe accusation, as defamatoryas

it is absurd, thatey are themselves committing genocide. The Courtwill not be deceived by a

diversionary tactic of this kind.

Mr.President, Members of the Court, the Italian Government makes the following

submissions: may it please the Court:

1. to order thatthe case be removed fromthe GeneralList pursuantto Article 38, paragraph 5,of

the Rules of Court;

2. in the alternative,to refuse the request for the indication of provisionalmeasures filed by the

Federal Republic of Yugoslavia on 29 April 1999;

3. in any event, to refrain from indicating in respect of the Italian Republic the provisional

measures specified in the Yugoslav request, or any other provisional measure.

Mr. President, Members of the Court, 1 thank you for your kind attention.

Le VICE-PRESIDENT,faisant fonction de président :Je vous remercie, Monsieur Leanza.

Le premier tour des audiences dans l'affaire relative à la Licéitéde l'emploi de la force

(Yougoslaviec. Italie) est ainsi conclu. L'audienceest suspendue pendant 15minutes.

L'audienceest levée à 11.20.

Document Long Title

Audience publique tenu le mardi 11 mai 1999, à 10 h 45, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Weeramantry, vice-président, faisant fonction de président

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