Audience publique tenue le mercredi 1er novembre 1995, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Bedjaoui, président

Document Number
095-19951101-ORA-01-00-BI
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
1995/23
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CR 95/23
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
ANNEE 1995
Audience publique
tenue le mercredi 1er novembre 1995, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Bedjaoui, Président
sur la Licéité de l'utilisation des armes nucléaires
par un Etat dans un conflit armé
(Demande d'avis consultatif soumise par
l'Organisation mondiale de la Santé)
et
sur la Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires
(Demande d'avis consultatif soumise par
l'Assemblée générale des Nations Unies)
____________
COMPTE RENDU
____________
YEAR 1995
Public sitting
held on Wednesday 1 November 1995, at 10 a.m., at the Peace Palace,
President Bedjaoui presiding
in the case
in Legality of the Use by a State of Nuclear Weapons in Armed Conflict
(Request for Advisory Opinion Submitted by the World Health Organization)
and
in Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons
(Request for Advisory Opinion Submitted by
the General Assembly of the United Nations)
_______________
VERBATIM RECORD
_______________
- 2 -
Présents : M. Bedjaoui, Président
M. Schwebel, Vice-Président
MM. Oda
Guillaume
Shahabuddeen
Weeramantry
Ranjeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer
Koroma
Vereshchetin
Ferrari Bravo
Mme Higgins, juges
M. Valencia-Ospina, Greffier
- 3 -
Present: President Bedjaoui
Vice-President Schwebel
Judges Oda
Guillaume
Shahabuddeen
Weeramantry
Ranjeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer
Koroma
Vereshchetin
Ferrari Bravo
Higgins
Registrar Valencia-Ospina
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Licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé (Demande d'avis
consultif soumise par l'Organisation mondiale
de la Santé)
L'Organisation mondiale de la Santé est représentée par :
M. Claude-Henri Vignes, conseiller juridique;
M. Thomas Topping, conseiller juridique adjoint.
Licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé (Demande d'avis
consultif soumise par l'Organisation mondiale
de la Santé)
et/ou
Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires (Demande d'avis
consultatif soumise par l'Assemblée générale des Nations Unies)
Le Gouvernement de l'Australie est représenté par :
M. Gavan Griffith, Q.C., Solicitor-General d'Australie, conseil;
L'Honorable Gareth Evans, Q.C., Sénateur, Ministre des affaires
étrangères, conseil;
S. Exc. Michael Tate, ambassadeur d'Australie aux Pays-Bas,
conseil;
M. Christopher Staker, conseiller auprès du Solicitor-General
d'Australie, conseil;
Mme Jan Linehan, conseiller juridique adjoint du département des
affaires étrangères et du commerce extérieur, conseil;
Mme Cathy Raper, troisième secrétaire à l'ambassade d'Australie,
La Haye, conseiller.
Le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne est représenté
par :
M. Hartmut Hillgenberg, directeur général des affaires juridiques du
ministère des affaires étrangères;
Mme Julia Monar, direction des affaires juridiques, ministère des
affaires étrangères.
Le Gouvernement de la République arabe d'Egypte est représenté par :
S. Exc. M. Ibrahim Ali Badawi El-Sheikh, ambassadeur d'Egypte
aux Pays-Bas;
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M. Georges Abi-Saab, professeur [TO BE TRANSLATED] of International Law,
graduate Institute of International Studies, Geneva/Member of the Institute of
International Law;
M. Ezzat Saad El-Sayed, ministre-conseiller à l'ambassade d'Egypte,
La Haye.
Le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique est représenté par :
M. Conrad K. Harper, agent et conseiller juridique du département
d'Etat;
M. Michael J. Matheson, conseiller juridique adjoint principal du département d'Etat;
M. John H. McNeill, conseil général adjoint principal au département
de la défense;
M. John R. Crook, assistant du conseiller juridique pour les
questions relatives à l'Organisation des Nations Unies, département
d'Etat;
M. D. Stephen Mathias, conseiller pour les affaires juridiques à
l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique, La Haye;
M. Sean D. Murphy, attaché pour les questions juridiques à
l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique, La Haye;
M. Jack Chorowsky, assistant spécial du conseiller juridique,
département d'Etat.
Le Gouvernement de la République française est représenté par :
M. Marc Perrin de Brichambaut, directeur des affaires juridiques au
ministère des affaires étrangères;
M. Alain Pellet, professeur de droit international à l'Université de
Paris X et à l'Institut d'études politiques de Paris;
Mme Marie-Reine d'Haussy, direction des affaires juridiques du
ministère des affaires étrangères;
M. Jean-Michel Favre, direction des affaires juridiques du ministère
des affaires étrangères.
Le Gouvernement de la Fédération de Russie est représenté par :
M. A. G. Khodakov, directeur du département juridique du ministère des affaires
étrangères;
M. S. M. Pounjine, premier secrétaire à l'ambassade de la Fédération
de Russie, La Haye;
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M. S. V. Shatounovski, expert au département juridique du ministère
des affaires étrangères.
Le Gouvernement des Iles Marshall est représenté par :
L'Honorable Johnsay Riklon, sénateur, atoll de Rongelap Special,
envoyé du Gouvernement des Iles Marshall;
L'Honorable Theordore C. Kronmiller, conseiller juridique, ambassade
des Iles Marshall aux Etats-Unis;
Mme. Lijon Eknilang, membre du conseil, gouvernement local de l'atoll
de Rongelap.
Le Gouvernement des Iles Salomon est représenté par :
L'Honorable Danny Philip, premier ministre adjoint et ministre des
affaires étrangères;
S. Exc. M. Rex Horoi, ambassadeur, représentant permanent des Iles
Salomon auprès de l'Organisation des Nations Unies, New York;
S. Exc. M. Levi Laka, ambassadeur, représentant permanent des Iles
Salomon auprès de l'Union européenne, Bruxelles;
M. Primo Afeau, Solicitor-General des Iles Salomon;
M. Edward Nielsen, consul honoraire des Iles Salomon à Londres;
M. Jean Salmon, professeur de droit à l'Université libre de
Bruxelles;
M. James Crawford, professeur de droit international, titulaire de la chaire Whewell à
l'Université de Cambridge;
M. Eric David, professeur de droit à l'Université libre de Bruxelles;
Mme Laurence Boisson de Chazournes, professeur adjoint à l'Institut
universitaire de hautes études internationales, Genève;
M. Philippe Sands, chargé de cours à la School of Oriental and
African Studies, Université de Londres, et directeur juridique de
la Foundation for International Environmental Law and Development;
M. Joseph Rotblat, professeur émérite de physique à l'Université de
Londres;
M. Roger Clark, professeur à la faculté de droit de l'Université
Rutgers, Camden, New Jersey;
M. Jacob Werksman, directeur de programme à la Foundation for
International Environmental Law and Development;
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Mme Ruth Khalastchi, Solicitor de la Supreme Court of England
and Wales;
Mme L. Rands, assistante administrative à la Foundation for
International Environmental Law and Development, Université de
Londres.
Le Gouvernement de l'Indonésie est représenté par :
S. Exc. M. Johannes Berchmans Soedarmanto Kadarisman, ambassadeur
d'Indonésie aux Pays-Bas;
M. Malikus Suamin, ministre et chef de mission adjoint à l'ambassade
d'Indonésie, La Haye;
M. Mangasi Sihombing, ministre-conseiller à l'ambassade d'Indonésie,
La Haye;
M. A. A. Gde Alit Santhika, premier secrétaire à l'ambassade
d'Indonésie, La Haye;
M. Imron Cotan, premier secrétaire de la mission permanente
d'Indonésie auprès de l'Organisation des Nations Unies, Genève;
M. Damos Dumoli Agusman, troisième secrétaire à l'ambassade
d'Indonésie, La Haye.
Le Gouvernement de la République Islamique d'Iran est représenté par :
S. Exc. M. Mohammad J. Zarif, ministre adjoint aux affaires
juridiques et internationales, ministère des affaires étrangères;
S. Exc. M. N. Kazemi Kamyab, ambassadeur de la République islamique
d'Iran aux Pays-Bas;
M. Saeid Mirzaee, directeur, division des traités et du droit
international public, ministère des affaires étrangères;
M. M. Jafar Ghaemieh, troisième secrétaire à l'ambassade de la
République islamique d'Iran, La Haye;
M. Jamshid Momtaz, conseiller juridique, ministère des affaires
étrangères.
Le Gouvernement italien est représenté par :
M. Umberto Leanza, professeur de droit international à la faculté de
droit de l'Université de Rome «Tor Vergata», chef du service du
contentieux diplomatique du ministère des affaires étrangères et
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agent du Gouvernement italien auprès des tribunaux internationaux,
chef de délégation;
M. Luigi Sico, professeur de droit international à faculté de droit à
l'Université de Naples «Frederico II»;
Mme Ida Caracciolo, chercheur auprès de l'Université de Rome
«Tor Vergata».
Le Gouvernement de la Malaisie :
Dato' Mohtar Abdullah, Attorney-General, chef de délégation;
S. Exc. M. Tan Sri Razali Ismail, ambassadeur, représentant permanent
de la Malaisie auprès de l'Organisation des Nations Unies, chef de
délégation ajoint;
Dato' Heliliah Mohd. Yusof, Solicitor-General;
S. Exc. Dato' Sallehuddin Abdullah, ambassadeur de Malaisie aux
Pays-Bas;
Dato' Abdul Gani Patail, jurisconsulte et chef de la division du
droit international, cabinet de l'Attorney-General;
Dato' R. S. McCoy, Expert;
M. Peter Weiss, Expert.
Le Gouvernement du Mexique est représenté par :
S. Exc. M. Sergio González Gálvez, ambassadeur, ministre adjoint des affaires
étrangères;
S. Exc. M. José Carreño Carlón, ambassadeur du Mexique aux Pays-Bas;
M. Arturo Hernández Basave, ministre à l'ambassade du Mexique,
La Haye;
M. Javier Abud Osuna, premier secrétaire à l'ambassade du Mexique,
La Haye.
Le Gouvernement des Philippines est représenté par :
M. Merlin M. Magallona, agent;
M. Raphael Perpetuo Lotilla, conseil;
M. Carlos Sorreta, conseil;
M. Rodolfo S. Sanchez, avocat;
M. Emmanuel C. Llana, avocat.
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Le Gouvernement de Qatar est représenté par :
S. Exc. M. Najeeb ibn Mohammed Al-Nauimi, ministre de la justice;
M. Sami Abushaikha, expert juridique du Diwan Amiri;
M. Richard Meese, cabinet Frere Cholmeley, Paris.
Le Gouvernement du Royaum-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord est
représenté par :
Le Très Honorable sir Nicholas Lyell, Q.C., M.P., Attorney-General;
Sir Franklin Berman, K.C.M.G., Q.C., conseiller juridique du
ministère des affaires étrangères et du Commonwealth;
M. Christopher Greenwood, conseil;
M. Daniel Bethlehem, conseil;
M. John Grainger, conseiller;
M. Christopher Whomersley, conseiller.
Le Gouvernement de Saint-Marin est représenté par :
Mme Federica Bigi, conseiller d'ambassade, fonctionnaire en charge de
la direction politique au ministère des affaires étrangères.
Le Gouvernement de Samoa est représenté par:
S. Exc. M. Tuiloma Neroni Slade, ambassadeur et représentant
permanent du Samoa auprès de l'Organisation des Nations Unies,
New York;
M. Roger S. Clark, professeur.
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Legality of the Use by a State of Nuclear Weapons in Armed Conflict
(Request for Advisory Opinion Submitted by the World Health
Organization)
The World Health Organization is represented by:
Mr. Claude-Henri Vignes, Legal Counsel;
Mr. Thomas Topping, Deputy Legal Counsel.
Legality of the Use by a State of Nuclear Weapons in Armed Conflict
(Request for Advisory Opinion Submitted by the World Health
Organization)
and/or
Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons (Request for Advisory
Opinion Submitted by the General Assembly of the United Nations)
The Government of Australia is represented by:
Mr. Gavan Griffith, Q.C., Solicitor-General of Australia, Counsel;
The Honorable Gareth Evans, Q.C., Senator, Minister for Foreign
Affairs, Counsel;
H.E. Michael Tate, Ambassador of Australia to the Netherlands,
Counsel;
Mr. Christopher Staker, Counsel assisting the Solicitor-General of
Australia, Counsel;
Ms Jan Linehan, Deputy Legal Adviser, Department of Foreign Affairs
and Trade, Counsel;
Ms Cathy Raper, Third Secretary, Australian Embassy in the
Netherlands, The Hague, Adviser.
The Government of the Arab Republic of Egypt is represented by:
H.E. Mr. Ibrahim Ali Badawi El-Sheikh, Ambassador of Egypt to the
Netherlands;
Mr. George Abi Saab, Professor of International Law,
graduate Institute of International Studies, Geneva/Member of the Institute of
International Law;
Mr. Ezzat Saad El-Sayed, Minister-Counsellor, Embassy of Egypt,
The Hague.
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The Government of the Republic of France is represented by:
Mr. Marc Perrin de Brichambaut, Director of Legal Affairs, Ministry
of Foreign Affairs;
Mr. Alain Pellet, Professor of International Law, University of
Paris X and Institute of Political Studies, Paris;
Mrs. Marie-Reine Haussy, Directorate of Legal Affairs, Ministry
of Foreign Affairs;
Mr. Jean-Michel Favre, Directorate of Legal Affairs, Ministry of
Foreign Affairs.
The Governement of the Federal Republic of Germany is represented by :
Mr. Hartmut Hillgenberg, Director-General of Legal Affairs, Ministry of Foreign
Affairs;
Ms Julia Monar, Directorate of Legal Affairs, Ministry of Foreign Affairs
The Government of Indonesia is represented by:
H.E. Mr. Johannes Berchmans Soedarmanto Kadarisman, Ambassador of
Indonesia to the Netherlands;
Mr. Malikus Suamin, Minister, Deputy Chief of Mission, Embassy of the Republic of
Indonesia, The Hague;
Mr. Mangasi Sihombing, Minister Counsellor, Embassy of the Republic
of Indonesia, The Hague;
Mr. A. A. Gde Alit Santhika, First Secretary, Embassy of the Republic of Indonesia,
The Hague;
Mr. Imron Cotan, First Secretary, Indonesian Permanent Mission of
Indonesia to the United Nations, Geneva;
Mr. Damos Dumoli Agusman, Third Secretary, Embassy of the Republic of
Indonesia, The Hague.
The Government of the Islamic Republic of Iran is represented by:
H.E. Mr. Mohammad J. Zarif, Deputy Minister, Legal and International
Affairs, Ministry of Foreign Affairs;
H.E. Mr. N. Kazemi Kamyab, Ambassador of the Islamic Republic of
Iran to the Netherlands;
Mr. Saeid Mirzaee, Director, Treaties and Public International Law
Division, Ministry of Foreign Affairs;
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Mr. M. Jafar Ghaemieh, Third Secretary, Embassy of the Islamic
Republic of Iran, The Hague;
Mr. Jamshid Momtaz, Legal Advisor, Ministry of Foreign Affairs,
Tehran, Iran.
The Government of Italy is represented by:
Mr. Umberto Leanza, Professor of International Law at the Faculty of
Law of the University of Rome "Tor Vergata", Head of the Diplomatic
Legal Service at the Ministry of Foreign Affairs and Agent of the
Italian Government before the International Courts, Head of
delegation;
Mr. Luigi Sico, Professor of International Law at the Faculty of Law
of the University of Naples "Federico II";
Mrs. Ida Caracciolo, Researcher at the University of Rome
"Tor Vergata".
The Governement of Malaysia is represented by:
Dato' Mohtar Abdullah, Attorney-General - Leader;
Ambassador Tan Sri Razali Ismail, Permanent Representative of Malaysia
to the United Nations in New York - Deputy Leader;
Dato' Heliliah Mohd. Yusof, Solicitor-General;
Dato' Sallehuddin Abdullah, Ambassador of Malaysia to the
Netherlands;
Dato' Abdul Gani Patail, Head of Advisory and International Law
Division, Attorney-General's Chambers;
Dato' Dr. R. S. McCoy, Expert;
Mr. Peter Weiss, Expert.
The Government of Marshall Islands is represented by:
The Honorable Johnsay Riklon, Senator, Rongelap Atoll, Special Envoy
of the Government of the Marshall Islands;
The Honorable Theordore C. Kronmiller, Legal Counsel, Embassy of the
Marshall Islands to the United States;
Mrs Lijon Eknilang, Council Member, Rongelap Atoll, Local Government.
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The Government of Mexico is represented by:
H.E. Ambassador Sergio González Gálvez, Undersecretary of Foreign
Relations;
H.E. Mr. José Carreño Carlón, Ambassador of Mexico to the
Netherlands;
Mr. Arturo Hernández Basave, Minister, Embassy of Mexico, The Hague;
Mr. Javier Abud Osuna, First Secretary, Embassy of Mexico, The Hague.
The Government of Philippines is represented by :
Mr. Merlin M. Magallona, Agent;
Mr. Raphael Perpetuo Lotilla, Counsel;
Mr. Carlos Sorreta, Counsel;
Mr. Rodolfo S. Sanchez, Advocate;
M. Emmanuel C. Llana, Advocate.
The Government of Qatar is represented by:
H.E. Mr. Najeeb ibn Mohammed Al-Nauimi, Minister of Justice;
Mr. Sami Abushaikha, Legal Expert of the Diwan Amiri;
Mr. Richard Meese, Frere Cholmeley, Paris.
The Government of the Russian Federation is represented by:
Mr. A. G. Khodakov, Director, Legal Department, Ministry of Foreign
Affairs;
Mr. S. M. Pounjine, First Secretary, Embassy of the Russian
Federation in the Netherlands;
Mr. S. V. Shatounovski, Expert, Legal Department, Ministry of
Foreign Affairs.
The Government of Samoa is represented by:
H.E. Mr. Tuiloma Neroni Slade, Ambassador and Permanent
Representative of Samoa to the United Nations, New York;
Mr. Roger S. Clark, Professor.
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The Government of San Marino is represented by:
Mrs. Federica Bigi, Official in charge of Political Directorate,
Department of Foreign Affairs.
The Government of Solomon Islands is represented by:
The Honorable Danny Philip, Deputy Prime Minister and Minister for
Foreign Affairs;
H.E. Ambassador Rex Horoi, Permanent Representative of Solomon
Islands to the United Nations, New York;
H.E. Ambassador Levi Laka, Permanent Representative of Solomon
Islands to the European Union, Brussels;
Mr. Primo Afeau, Solicitor-General for Solomon Islands;
Mr. Edward Nielsen, Honorary Consul, Solomon Islands, London;
Mr. Jean Salmon, Professor of Law, Université libre de Bruxelles;
Mr. James Crawford, Whewell Professor of International Law,
University of Cambridge;
Mr. Eric David, Professor of Law, Université libre de Bruxelles;
Mrs. Laurence Boisson de Chazournes, Assistant Professor, Graduate
Institute of International Studies, Geneva;
Mr. Philippe Sands, Lecturer in Law, School of Oriental and African
Studies, London University, and Legal Director, Foundation for
International Environmental Law and Development;
Mr. Joseph Rotblat, Emeritus Professor of Physics, University of London
Mr. Roger Clark, Distinguished Professor of Law, Rutgers University School of Law,
Camden, New Jersey.
Mr. Jacob Werksman, Programme Director, Foundation for International
Environmental Law and Development;
Ms Ruth Khalastchi, Solicitor of the Supreme Court of England and
Wales;
Ms L. Rands, Administrative Assistant, Foundation for
International Environmental Law and Development, London University.
The Government of the United Kingdom is represented by:
The Right Honorable Sir Nicholas Lyell, Q.C., M.P., Her Majesty's
Attorney General;
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Sir Franklin Berman, K.C.M.G., Q.C., Legal Adviser to the Foreign and
Commonwealth Office;
Mr. Christopher Greenwood, Counsel;
Mr. Daniel Bethlehem, Counsel;
Mr. John Grainger, Adviser;
Mr. Christopher Whomersley, Adviser;
The Government of the United States of America is represented by:
Mr. Conrad K. Harper, Agent and Legal Adviser, U.S. Department of
State;
Mr. Michael J. Matheson, Principal Deputy Legal Adviser,
U.S. Department of State;
Mr. John H. McNeill, Senior Deputy General Counsel, U.S. Department
of Defense;
Mr. John R. Crook, Assistant Legal Adviser for United Nations
Affairs, U.S. Department of State;
Mr. D. Stephen Mathias, Legal Counsellor, Embassy of the
United States, The Hague;
Mr. Sean D. Murphy, Legal Attaché, Embassy of the United States,
The Hague;
Mr. Jack Chorowsky, Special Assistant to the Legal Adviser,
U.S. Department of State.
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Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir je vous prie. La Cour reprend ce matin ses
audiences et elle va entendre les déclarations faites au nom de la République arabe d'Egypte S. Exc.
M. Ibrahim Ali Badawi, ambassadeur de la République arabe d'Egypte auprès des Pays-Bas.
M. Ibrahim Ali Badawi, qui est le chef de la délégation dans ces deux affaires devant la Cour
souhaite que je donne immédiatement la parole au professeur George Abi-Saab. Je lui donne donc la
parole.
Professor ABI-SAAB: Merci, Monsieur le Président. Avec votre permission je ferai mes
remarques en anglais.
Mr. President, Members of the Court,
It is a signal privilege and a great pleasure for me to stand once again at this bar in order to
present the observations of Egypt on the two requests of advisory opinion before you.
Much has been said on the matter in the two rounds of written observations on the
two requests of advisory opinion. I do not intend to reiterate in detail the position of Egypt on every
point at issue. To some extent this has been done in Egypt's second set of observations on the
Request of the General Assembly. Nor would it have been possible, had I wanted to do it, given the
time allotted to us. I shall limit myself then to developing just a few cardinal points which underlie
the whole argument.
These points address some of the procedural as well as the substantive issues raised by the
requests.
- 18 -
I
Starting with procedure, I would like first to examine the so-called "discretionary character" of
the advisory function of the Court. It is suggested in the observations of a number of States that the
present request put to the Court is politically awkward and puts the Court in an awkward situation,
and that the ensuing opinions would have an adverse effect on the ongoing negotiations of
disarmament. From there they come to the conclusion that the Court should, on what could only be
grounds of "opportunity", decline to render the requested opinions; and this, the argument goes on,
because the exercise by the Court of its advisory jurisdiction is discretionary under the Statute.
Is the exercise of the advisory jurisdiction really "discretionary"? Is it true that the Court can
exercise an unfettered discretion in this regard? True that if we read certain dicta of the Court out of
context we may come to such a conclusion.
And thus in the advisory opinion on Certain Expenses, it is said:
"The power of the Court to give an advisory opinion is derived from Article 65 of
the Statute. The power granted is of a discretionary character." (I.C.J. Reports 1962,
p. 155.)
Similarly in the advisory opinion on Western Sahara the Court says:
"Article 65, paragraph 1, of the Statute, which establishes the power of the Court
to give an advisory opinion, is permissive and under it, that power is discretionary in
character." (I.C.J. Reports 1975, p. 21.)
But one should read what comes after that and interpret the adjective "discretionary" in the
light of the total statement. I shall return to these statements. However, in order to understand them
fully one has to go back to the origins of the advisory function.
The advisory function of the Court was an innovation on the international level, introduced by
Article 14 of the League Covenant which provided for the establishment by the League of a
Permanent Court of International Justice. After specifying that the said Court "shall be competent to
hear and determine any dispute of an international character which the Parties thereto submit to it",
Article 14 added: "The Court may also give an advisory opinion about any dispute or question
referred to it by the Council or by the Assembly."
In French, the other official language, the formula was quite different. It was not permissive
- 19 -
but mandatory: "Elle donnera aussi ...".
However, the difference between the two was not as fundamental as it was made to appear.
For even if we go by the "permissive" formula of the English version, in the circumstances, it served
no more than an "enabling clause". In fact, Article 14, after stating that the Court shall "determine"
disputes, which is a normal function of a Court of law, adds another new activity whose legal nature
was not yet completely clear. It thus called for an express authorization for the Court to go into this
new and relatively uncharted ground.
As an "enabling" or "permissive" clause, it was not meant to define the nature or character of
the activity but simply to authorize it. It did not necessarily imply that the exercise of this activity is
"eclectic" or "discretionary", nor did it necessarily exclude that such an exercise be "mandatory".
Be that as it may, the issue was not solved in either the original Statute of the Court nor in its
first Rules which both remain silent on advisory opinions, contenting themselves with Article 14 of
the Covenant.
The question was not, however, ignored during the preparation of the Rules. It was raised in
relation to a draft Rule which would have reserved the right of the Court "to refrain from replying to
questions put to it which require an advisory opinion on a theoretical case".
At this early stage, this new activity of the Court was not clearly perceived. There were
doubts as to its compatibility with the judicial function and whether it constituted part of that
function and fears lest it would undermine the credibility and prestige of the Court, particularly if it
had to answer any question put to it by the political organs in whatever form and on whatever
subject. These concerns were echoed in a famous aide-mémoire prepared by Judge John Basset
Moore presented during the preparation of the Rules (P.C.I.J., Series D, No. 2, 1922, pp. 383-398)
and in connection with the draft Article I mentioned. But the Court preferred, following
Judge Moore's recommendation, not to include any regulation on advisory opinions and thus leave
the question open to be dealt with according to the circumstances of each case.
But soon after, in fact in the following year, the Court had to address it in the famous Eastern
Carelia case (P.C.I.J., Series B., No. 5, 1923).
- 20 -
Much has been said and written about this case which remains the locus classicus as far as
the limits of the exercise of the advisory function of the Court. It is usually invoked, wrongly it is
submitted, to prove that the Court has an unfettered discretion to refuse to give advisory opinions.
But a careful reading of the case reveals a very different picture.
In that case, a dispute between a Member of the League of Nations - Finland - and a nonMember
State - the Soviet Federative Republic of Russia as it was then called - was brought before
the League Council by the member, Finland. Russia was invited:
"to submit the question of Eastern Carelia to the examination of the Council on the
basis of Article 17 of the Covenant" (P.C.I.J., Series B, No. 5, 1923, p. 24).
That Article dealt with the settlement of disputes between Members and non-Members - with the
acceptance of the non-Member. This invitation to Russia was energetically rejected. But the Finnish
Government persisted and brought the case before the Council. The Council ended up putting to the
Court a question, which really would have decided the central point at issue between the two parties.
The Court declined to give the opinion. Its refusal was mainly based, not as it was largely
alleged, on the absence of Russia's consent to the advisory procedure itself. In fact, the Court said
that it was "unnecessary" in casu to deal with the issue "whether questions for advisory opinion, if
they relate to matters which form the subject of a pending dispute between nations, should be put to
the Court without the consent of the parties". That was not the issue.
The Court went upstream to the competence of the Council of the League to deal with the
question. After restating Article 17 of the Covenant, it observed about that Article:
"This rule ... only accepts and applies a principle which is a fundamental
principle of international law, namely the principle of independence of States."
The Court goes on to add:
"It is well established in international law that no State can, without its consent,
be compelled to submit its disputes with other States either to mediation or arbitration,
or to any other kind of pacific settlement." (Ibid., p. 27.)
Referring to States non-Members of the League the Court concludes :
"The submission, therefore, of a dispute between them and the Member of the
League for a solution according to the methods provided for in the Covenant, could take
place only by virtue of their consent. Such consent, however, has never been given by
Russia ..."
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The Court then decides: "The Court therefore finds it impossible to give its opinion on a dispute of
this kind." (Ibid. p. 28.)
The reasoning of the Court is mathematically precise, though not too explicit in view of the
politically sensitive issue involved of relations between the Council and the Court. The Council of
the League was not competent, absent the consent of Russia, to handle the issue; therefore it was
incompetent to request an advisory opinion; whence the refusal of the Court to hand it down.
There is no mention nor question of discretion or discretionary power. The Court uses the
unambiguous adjective "impossible". What is impossible leaves no choice, no discretion; and it was
"impossible" because it was a question of jurisdiction - competence - or rather of going beyond the
limits of jurisdiction, not a simple question of "opportunity" or convenience.
Indeed, in the same year, in its very next Advisory Opinion on the German Settlers in Poland,
the Court reiterated expressly that it would have been without jurisdiction had the question put to it
fallen beyond the competence of the League Council (P.C.I.J., Series B, No. 6, 1923, p. 19). The
Court in fact articulated the rule where it did not have to dismiss the case.
It is true that having reached its decision on this solid basis in Eastern Carelia, the Court -
probably ex abundante cautela - added other reasons which might seem less constraining in nature,
and which are the ones usually cited in support of the "discretionary power" interpretation of the
Opinion. But these were only "supporting" arguments, not the main grounds of the decision.
Moreover, their description in the English version as "cogent reasons" is much less mandatory than
the original French version "il y a encore d'autres raisons péremptoires" - peremptory.
The first of these reasons was that the Court could not ascertain controverted questions of fact
in the absence of a party. The second reason was formulated by the Court in the process of its
answer to a possible objection to the first reason to the effect that it was asked to give an advisory
opinion, not to decide a dispute.
The Court's answer to that objection is - and I quote in full, because it carries an often cited
dictum:
"The question put to the Court is not one of abstract law, but concerns directly
the main point of the controversy between Finland and Russia, and can only be decided
by an investigation into the facts underlying the case. Answering the question would be
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substantially equivalent to deciding the dispute between the parties."
And here comes the dictum:
"The Court, being a Court of justice, cannot, even in giving advisory opinions,
depart from the essential rules guiding their activity as a Court." (Ibid., pp. 28-29.)
This last sentence is most revealing. The intention of the Court has been all along to preserve
the integrity of its judicial function in exercising its advisory activity; to avert its misuse as a
roundabout means of introducing compulsory jurisdiction or, conversely, the risk of its opinions
being considered as mere doctrinal speculations (see dissenting opinion of Judge Winiarski in the
Interpretation of the Peace Treaties, I.C.J. Reports 1950, p. 89).
One means to that end has been the progressive assimilation of the consultative function to the
contentious one in matters of procedure and judicial guarantees; whence the introduction in 1936 of
Article 68 of the Statute, which remains the same in the present Statute. This led Judge Manley O.
Hudson, in his book on the Permanent Court, published in 1943, to write:
"on the actual record one may say that the Court itself has conceived of its advisory
jurisdiction as a judicial function, and in its exercise of its jurisdiction it has kept within
the limits which characterize judicial action" (M. O. Hudson, The Permanent Court of
International Justice, 1920/1942. A Treatise, 1943, p. 511).
It is in this context also that the possibility to decline to give requested opinions was often
mentioned as another means for the Court to preserve the independence and the integrity of its
judicial function.
One should also mention that when the Statute of the Permanent Court finally addressed the
advisory function in the revision of 1936, it realigned in Article 65 - which reproduced the language
of Article 14 of the Covenant - the French to the English permissive text, it became: "La Cour peut
donner ..."; which remains the same in the present Statute.
But does this amount to saying that the Court has an unfettered discretion in the matter? The
record shows that the Eastern Carelia precedent remains a solitary one throughout the span of life of
both Courts, and that the ICJ in its dicta, while describing its power to give advisory opinions as
"discretionary" - which the old Court did not say - has couched this statement with such
qualifications as to render it nugatory.
- 23 -
The Advisory Opinion on Certain Expenses is paradigmatic in this regard. The Court says:
"The power of the Court to give an advisory opinion is derived from Article 65 of the
Statute. The power granted is of a discretionary character. In exercising its discretion, the
International Court of Justice, like the Permanent Court of International Justice, has always
been guided by the principle which the Permanent Court stated in the case concerning the
Status of Eastern Carelia on 23 July 1923: 'The Court, being a Court of Justice, cannot, even
in giving advisory opinions, depart from the essential rules guiding their activity as a Court'."
(P.C.I.J., Series B, No. 5, p. 29.)
Therefore, and in accordance with Article 65 of its Statute, the Court can give an
advisory opinion only on a legal question. If a question is not a legal one, the Court has
no discretion in the matter; it must decline to give the opinion requested. But even if
the question is a legal one, which the Court is undoubtedly competent to answer, it may
nonetheless decline to do so. As this Court said in its Opinion of 30 March 1950, the
permissive character of Article 65 "gives the Court the power to examine whether the
circumstances of the case are of such a character as should lead it to decline to answer
the request" (Interpretation of Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and Romania
(First Phase), I.C.J. Reports 1950, p. 72). [And here comes the second part of the
statement.] But as the Court also said in the same Opinion, "the reply of the Court,
itself an 'organ of the United Nations', represents its participation in the activities of the
Organization, and, in principle, should not be refused" (ibid., p. 71). Still more
emphatically, in its Opinion of 23 October 1956, the Court said that only "compelling
reasons" should lead it to refuse to give a requested opinion (Judgments of the
Administrative Tribunals of the ILO upon Complaints Made against Unesco, I.C.J.
Reports 1956, p. 86)." (I.C.J. Reports 1962, p. 155).
We have similar statements in Western Sahara (I.C.J. Reports 1975, p. 21, para. 23) and
elsewhere.
Can we conciliate the permissive language of the beginning with the constraining language of
the end? That the power is discretionary and that the Court can decline to give the opinion even if it
is competent in the case at hand, and at the same time that the Court being "the principal judicial
organ of the UN", giving advisory opinions is its main contribution to and form of participation in
the work of the Organization and that in principle it should not be refused, unless there are
"compelling reasons" so to do?
I would not like to take the time of the Court quoting all those authors who defend discretion
nor the much longer list of those who deny it. I wish humbly to propose an interpretation which
conciliates the two parts of the statement.
It all hinges on how we construe the adjective "discretionary". If we mean by it unfettered
discretion, then there is no way of avoiding the inner contradictions of the statement (or its
schizophrenic character). But if we interpret it by using the construction and the words of the
- 24 -
statement itself we can find our way out of contradiction. What does the statement tell us about
discretion? How does it define it? That in certain cases, while "the Court is undoubtedly competent
to answer, it may nonetheless decline to do so". If this is the definition of discretion, then it is fully
conciliable with the second compelling part of the statement; a part which led no lesser authority
than Sir Hersh Lauterpacht, in his second edition of The Development of International Law by the
International Court (1958, p. 248) to consider, by reference to the impact of the status of the Court
as the "principal judicial organ" of the Organization on the Status of Eastern Carelia case, to say
that it "can no longer be regarded as a precedent of authority".
We can conciliate them because the conditions of the exercise of the consultative function, the
same as with the conditions of the exercise of the contentious function, go beyond the limits of the
competence of the Court which are in this field, advisory jurisdiction, that the question be legal and
that it falls within the jurisdiction of the requesting organ. The other conditions relate to
admissibility which lies beyond competence. However, unlike in the context of the contentious
function, which is an age-old activity and where admissibility could settle and crystallize in the form
of generally recognizable and concrete conditions, admissibility presented itself in the context of the
new advisory function in the form of general considerations rather than precise conditions.
This is because obviously the advisory function is of recent origin in international law, is not
universally admitted in municipal law, and, consequently, the conditions of its exercise are not
sufficiently articulated to allow a precise definition and enumeration.
Indeed, as early as 1925, Judge Manley O. Hudson, then Professor Manley O. Hudson,
provided a similar analysis and prophecy because he expected that these conditions be progressively
articulated and crystallized in the light of accumulated experience. I am going to quote him but that
was at a time when even Professor Hudson, when he had to give lectures at the Academy, had to
speak in French, so I am quoting him in French:
"La Cour doit être juge, en dernier ressort, des conditions necessaires pour l'exercice
convenable de cette compétence. La Cour n'a pas essayé de dire en avance ce que sont ces
conditions et il est peut-être heureux qu'on laisse l'experience accumulée fournir des directives
d'ordre pragmatique qui permettront de se décider à cet égard." ("Les avis consultatifs de la
CPJI", 8 RCADI (1925-III), p. 357.)
These general considerations of admissibility, while leaving to the Court a wider margin of
- 25 -
appreciation than the concrete conditions, remain within the realm of admissibility. They are
considerations of "propriety" and not of "opportunity". Propriety is subject to the test of what is
proper for a judicial organ to do, i.e., what is compatible with the judicial function. It is not a
question of unfettered discretion or convenience.
Indeed, if we consider, as we must, the advisory activity of the Court as part of its judicial
function, we cannot consider it at the same time as "discretionary" in the sense of unfettered
discretion according to "opportunity" and convenience. For the difference between a right and a
function is that right is a power or a faculty which we can exercise or not exercise, keep or abandon;
while a function conjugates a power with a charge or an obligation to exercise it in the pursuit of a
specific finality. And this description applies as much to the advisory function as to the contentious
function of the Court. It is not the preserve of the advisory function.
Indeed, even in relation to the contentious function whose contours are much clearer and
conditions of admissibility well settled and crystallized, there remains an illusive margin which
cannot be reduced to precise conditions. Significantly, when the Court had to identify it, it did so by
reference to the advisory function, thus confirming the identity of the problem and the solution in
both. This was in the Northern Cameroons case (I.C.J. Reports 1963, p. 30) where the Court said:
"Both Courts have had occasion to make pronouncements concerning requests for
advisory opinions, which are equally applicable to the proper role of the Court in disposing of
contested cases; in both situations, the Court is exercising a judicial function. That function
is circumscribed by inherent limitations which are none the less imperative because they may
be difficult to catalogue, and may not frequently present themselves as a conclusive bar to
adjudication in a concrete case. Nevertheless, it is always a matter for the determination of
the Court whether its judicial functions are involved."
The Court then adds :
"This Court, like the PCIJ, has always been guided by the principle which the latter
stated in the case concerning the Status of Eastern Carelia on 23 July 1923:
"The Court, being a Court of Justice, cannot, even in giving advisory opinions,
depart from the essential rules guiding their activity as a Court' (P.C.I.J., Series B, No.
5, p. 29)."
There can be no more explicit or greater identification and unification of the problematic of
the "general considerations of admissibility" for the two species of the judicial function than this
dictum.
What remains of the "discretion" of the Court in exercising its advisory jurisdiction as a
- 26 -
means, and exclusively as a means, of protecting the integrity of the judicial function? This so-called
"discretion" is in fact reduced to a special duty of vigilance for the Court lest in any advisory
proceedings (but also in any contentious proceedings) be trespassed those "inherent limitations" of
the judicial function "which are none the less imperative because they may be difficult to catalogue".
In other words, the "discretionary power" of the Court thus comes down to no more than a
wider margin of appreciation of the general considerations of admissibility (or as I called it
"recevabilité générale" in French) of requests for advisory opinions; considerations whose default
would mean that answering the question would be incompatible with the judicial function and not
merely "inopportune" or "inconvenient" for the Court or for any other instance; and would constitute
one of those "compelling reasons" which alone "should lead [the Court] to refuse to give the
requested opinion".
II
That much for the discretionary power. Now the question arises do we have such "compelling
reasons" in the present case?
We are told, at one and the same time with a view to prodding the Court to decline to answer
the request
- that the question is abstract; but at the same time that it is political or politically motivated;
- that the opinion will have no practical or useful effect; but at the same time that it will have a
detrimental effect on on going negotiations;
- that an opinion not complied with would undermine the Court's prestige; but at the same time it
would undermine deterrence.
The contradictions between these arguments, coming often from the same source, take care of
themselves. Egypt has dealt with them at some length in its second set of observations, that to which
I have very little to add. Just two or three remarks.
1) First, I would like to address the argument that the question is abstract. As I mentioned
earlier, during the preparation of the first Rules in 1922, a draft Rule was proposed which would
- 27 -
have reserved the right of the Court "to refrain from replying to questions put to it which require an
advisory opinion on a theoretical case", that draft was not retained and was dropped finally.
Still it could be used as an argument in favour of not answering a question involving a
theoretical case. But in fact there is a great difference between a theoretical case and an abstract
question. A theoretical case is a hypothetical one. And what the Court was intent on avoiding is
"mock trials" on the basis of what we call in the jargon of law-teachers, on the basis of a
"hypothetical", meaning a set of concrete but hypothetical circumstances. It would have reduced the
Court to a "moot Court" and this would have been absolutely incompatible with the judicial function.
This is a far cry from an abstract legal question which turns on the elucidation of the meaning of a
legal proposition in general.
And if there was any lingering doubt as to the possibility for the Permanent Court to answer
abstract legal questions — because Article 14 referred to giving "advisory opinions upon any
dispute or question..." (tout differend ou tout point" in French), which could have created, but with a
long stretch of restrictive imagination, the impression that advisory opinions were meant to deal only
with actual disputes — if any such doubt ever existed it could not have survived the new Statute
which says simply "The Court may give an advisory opinion on any legal question", and where there
is no reference to disputes.
And the Court itself has confirmed this understanding as early as 1948, in the Conditions of
Admissions case where it declared:
"According to Article 96 of the Charter and 65 of the Statute, the Court may give an
opinion on any legal question, abstract or otherwise." (I.C.J. Reports 1947-1948, p. 61; see
also I.C.J. Reports 1954, p. 51; I.C.J. Reports 1971, p. 27, para. 40.)
Indeed, in some cases the Court reformulates the question in an abstract, or a more abstract
manner, to concentrate on its legal aspects while avoiding the other, particularly political, ones; and
this by the way, incidentally takes care of the argument that in the present case the question is
political or politically motivated (e.g. Conditions of Admission, I.C.J. Reports 1947-1948, p 61;
Procedure of Admission, I.C.J. Reports 1950, p. 6; Reservations, I.C.J. Reports 1951, p. 21; Effect
- 28 -
of Judgements, I.C.J. Reports 1954, pp. 50-51)
But an abstract question, whether in its original or reformulated version, is not the same thing
as a "moot" or "academic" question. Indeed, a request for an advisory opinion does not arise in
vacuo; it necessarily reflects a controversy within the requesting organ over the issue which
constitutes the subject-matter of the question, whatever the form this question takes, i.e whether it is
put in concrete or abstract terms.
But asking beyond that for a closer and more concrete link between the question and the
factual or contextual matrix that underlies it, as the argument against the abstract character of the
question put forward to the Court in the present case, reveals a fundamental misunderstanding of the
nature of the advisory function, proceeding from a total confusion between it and the contentious
functions of the Court. The purpose of the advisory function is not to settle an actual dispute because
settling an actual dispute needs understanding all the factual background. It is to enlighten the
requesting organ on certain legal aspects of an issue which it has to deal with in discharging its
functions.
It would be too presumptuous to assume that an advisory opinion would settle once and for all
the problem of nuclear weapons for the international community. But it can clarify all or part of the
legalities of this problem.
To say that even this cannot be done without reference to "the numerous combinations of
circumstances in which the threat or use of nuclear weapons might be contemplated" is to prejudge
the answer to be given to the question put to the Court. For the answer may be, as we submit indeed,
the same in all circumstances.
But even if it were not, I fail to see why it would be impossible for the Court to state in
general, i.e. in the absence of an outstanding case and a factual matrix, the conditions under which
certain uses would be legal or illegal. The Court would be neither speculating nor legislating, but
elucidating the law as it exists and as is understood by it, for the benefit of the requesting organ.
And this is precisely the function of the advisory opinions.
And after all, if law exists, it has to exist before the fact and be discernible to the human mind
- 29 -
in order to have a chance of guiding and controlling social behaviour. Otherwise, if we have to wait
until the axe severs the head before we can decide against the factual and contextual matrix within
which the act took place what the law then was and whether the act was legal or not, what use would
the law have and what role would it have played in relation to that Act?
2) Now, Mr. President, I would like to come very briefly to the issue of the possible effects of
the opinion. It is alleged that the opinion would have no practical effect, and would serve no useful
legal purpose.
How do we know that it will be so? This is mere conjecture; the same as saying in the same
breath that the opinion will have a detrimental effect on disarmament negotiations or on the prestige
of the Court, because presumably it will be ignored. But ignored by whom? And why? Again pure
conjecture.
The evaluation of the possible practical effects of an opinion is a matter of subjective
judgment. It is part of the evaluation of the "opportunity" of requesting the opinion; "opportunity"
which belongs to the requesting organ to determine in its collective wisdom. It is not a question of
general admissibility or "propriety" of the exercise of the judicial function of which the Court is the
guardian. Indeed, it would be "improper" for the Court to indulge into such speculations about the
possible good or bad consequences of its opinion and how it would be received by different States,
the same as it would be in relation to a judgment.
But as long as we are amidst pure conjecture, may I, with your permission, Mr. President, add
mine?
There is a Swahili proverb that says "when the elephants fight, it is the grass that suffers".
The nuclear grass in the General Assembly, namely the non-nuclear States, which constitute
the overwhelming majority of the membership of the UN, particularly, but not exclusively, the
developing countries, are seeking clarification from the Court as to the legal limits of the freedom of
the elephants and the legal guarantees they can draw therefrom.
This would be a mere legal pronouncement, a kind of legal determination. But in a legal
system lacking both a legislature and an executive, a legal determination is a most worthy prize in
- 30 -
itself and a legal practical effect of the first magnitude, because it puts into motion the passive
virtues of international law as a "holding operation" in the face of illegality.
Can we say for example that the first advisory opinion on the status of South West Africa has
had no practical effect, though it did not when it was given, and there was hardly any prospect of its
being complied with then, and its effects took about 40 years to make themselves felt?
All the same, and however remotely so, it was a building block in the re-establishment of the
rule of law in Southern Africa. What better practical legal effect there can be?
And so would be an advisory opinion on the legalities of the threat or use of nuclear weapons:
a building block in the legal régime of a future nuclear-safe and reconciled world.
- 31 -
III
I would like now, Mr. President, with your permission, to turn to some matters of substance.
Again, Egypt has addressed many of the issues under consideration in its second set of
observations to which I invite your attention.
I shall confine myself here to elaborating a little further on our comments on the theme of
custom. There is much reference in the written statements to custom, but also much confusion about
it. One thus has to start by defining the issue and identifying what normative propositions one is
speaking about and whether or not they form part of general international law, regardless of the
vehicle or instrumentum which may have given expression to them.
First we are speaking not of the acquisition or detention of nuclear arms but of their use or
threatened use. Obviously, these two problems are not totally unrelated. But they are not identical,
nor does their solution need be identical or simultaneous.
Second, we are not speaking of the use of force in general, and when it is permitted or
prohibited. These problems belong to the jus ad bellum which is not at issue here. The question we
have is quite different; it can be formulated as follows:
Even when a State has the right to resort to force, in self-defence, can it use nuclear weapons?
Or for that matter in "belligerent reprisals" if and to the extent they are still legal in contemporary
international law?
This question has nothing to do with the legality of the use of force in particular
circumstances. It relates to the jus in bello, to the legality of certain means and methods of combat,
even when the use of force is legitimate.
The legal syllogism of those of us who argue against the legality of the use or threatened use
of nuclear weapons in any circumstance runs as follows:
I - First, the major premise:
There are age-old principles of the law of war (or jus in bello) that we now diffidently call
"Humanitarian Law", principles which have been codified and reaffirmed in a continuous stream of
conventions since the middle of the 19th century.
- 32 -
Starting with the St. Petersburg Declaration of 1868, where we can read: "That the only
legitimate object which States should endeavour to accomplish during war is to weaken the military
forces of the enemy"; they go through the Brussels Declaration of 1874, the Hague Conventions and
Regulations of 1899 and those of 1907, which were adopted in this very building, in addition to the
successive Geneva Conventions up to and including the 1977 Protocols Additional to the Geneva
Conventions of 1949. We find a convenient summary of them (of these age-old Rules, which is no
more than a restatement) in Articles 35 and 48 of the First Protocol.
Article 35, entitled "Basic Rules" and figuring under the section on "Methods and Means of
Warfare", provides:
"1. In any armed conflict, the right of the Parties to the conflict to choose
methods or means of warfare is not unlimited." (Idem, Article 22 of the Hague
Regulations.)
So, there is nothing new.
"2. It is prohibited to employ weapons, projectiles and material and methods of
warfare of a nature to cause superfluous injury or unnecessary suffering." (Idem,
St. Petersburg Declaration, 1868.)
"3. It is prohibited to employ methods or means of warfare which are intended, or may
be expected, to cause widespread, long-term and severe damage to the natural environment".
Obviously paragraph 3 is innovative, but only in specifying the application of the general rules
to modern means and methods of warfare, not in the normative proposition itself.
Article 48, also entitled "Basic Rule" in a section on "General Protection [of civilian
population] Against the Effects of Hostility" provides:
"In order to ensure respect for and protection of the civilian population and
civilian objects, the Parties to the conflict shall at all times distinguish between the
civilian population and combatants and between civilian objects and military objectives
and accordingly shall direct their operations only against military objectives."
This is the fundamental rule of discrimination in all circumstances between civilian population
and objects and military personnel and objectives; the direct and inescapable consequence of the
first two principles restated in paragraphs 1 and 2 of Article 35 (i.e., that the liberty of injuring the
enemy is not unlimited and the prohibition of unnecessary suffering).
The fundamental rule of discrimination is further detailed in the following articles of the
- 33 -
Protocol, particularly Article 51 which prohibits in its paragraph 4 "indiscriminate attacks", as well
as "attacks against the civilian population or civilians by way of reprisal" (para. 6).
A word about the legal nature of these fundamental principles of humanitarian law. None of
them is new. All of them come to us from custom, as codified by the successive instruments. What
was perhaps new was their inclusion in Protocol I, though they were until then considered as
belonging to the so-called "Hague Law", but this distinction between the Geneva Law and The
Hague Law is anyway artificial.
And may I remind the Court that the Nurnburg Tribunal, followed in that by the unanimity of
doctrine and legal opinion, considered that by 1939 The Hague Regulations had passed into general
custom.
Moreover, the same unanimity of opinion obtains as to the jus cogens character of these rules.
And I insist on unanimity. It is not consensus, but unanimity.
II - Now I come to the minor premise:
Nuclear arms are weapons of mass destruction, with necessarily widespread, indiscriminate
and incalculable effects, particularly the lingering after-effects which cannot be contained in time and
space.
Obviously, nuclear weapons are qualitatively different from anything known before. With
them, Arthur Koestler once wrote, for the first time in its history, humanity controls the means of its
own extinction.
But I shall not take more time expatiating on their nature, dangers and effects. The written
observations provide ample food for thought; and Mr. Vignes, the Legal Adviser of the WHO, in his
very objective presentation, provided us with a moderate picture of possible cataclysmic disasters.
When evaluation of certain magnitudes can vary, according to Mr. Vignes, between one million and
one billion, how can one speak of discriminate targeting or calculated effects?
III - The conclusion of this syllogism.
The inescapable conclusion is that the use or threatened use of nuclear weapons is illegal in
any circumstances, under the general and jus cogens rules of international humanitarian law.
- 34 -
Can such a syllogism be countered?
1. We are told that the major premise does not apply, because there is no specific rule
prohibiting the use of nuclear weapons and that the General Assembly resolutions to that effect do
not amount to or reflect such a customary rule.
Thus intervenes at last the controversy over the existence of custom and the confusion about
which custom or customary rule we are talking about.
But this counter-argument does not withstand scrutiny. And this for several reasons:
(a) first, we do not need a specific rule prohibiting the use of nuclear weapons per se and by
name, though such rule is most probably in the process of crystallization (may I remind the Court
that Mr. Gareth Evans, the Foreign Minister of Australia, considered in his presentation last
Monday, that such a rule, of an even wider scope, has already crystallized).
According to the syllogism the use of nuclear weapons is prohibited not because they are or
they are called nuclear weapons. They fall under the prohibitions of the fundamental and mandatory
rules of humanitarian law which long predate them, by their effects; not because they are nuclear
weapons, but because they are indiscriminate weapons of mass destruction.
The prohibition applies to all weapons which do not comply with the prescriptions of the rules
whether these weapons precede or follow the emergence of the rules. This is elementary legal logic,
the principle of the "direct effect of law", particularly peremptory law.
This principle is expressed in Article 36 of Protocol I which provides:
"In the study, development, acquisition or adoption of a new weapon, means or method
of warfare, a High Contracting Party is under an obligation to determine whether its
employment would, in some or all circumstances, be prohibited by this Protocol or by any
other rule of international law applicable to the High Contracting Party."
(b) The resolutions of the General Assembly, starting with resolution 1653(XVI) onward,
which declare the illegality of the use of nuclear weapons, are not really enunciatory of a new rule
specifically prohibiting the use of nuclear weapons per se; a rule which has to pass the test of the
two elements of custom and in which the resistance of the nuclear powers as "the most affected
States" can prevent opinio juris from emerging, as it is argued in some of the writings (though I
cannot help thinking in passing that "the most affected States" here are those who are on the
- 35 -
receiving end and humanity at large, not the nuclear powers).
These resolutions are in fact determinations by the General Assembly of the applicability of
the existing fundamental and peremptory rules of international humanitarian law to the use of
nuclear weapons. And as this Court said in its Advisory Opinion on Namibia, the General Assembly
can adopt within the framework of its competence "resolutions which make determinations or have
operative designs" (I.C.J. Reports 1971, p. 50, para. 105).
Obviously the nuclear powers dissented. But their dissent cannot prevent the applicability of
such well established principles of general international law, and of jus cogens character, to
situations clearly falling within their ambit; particularly against the contrary understanding of the
great majority of UN membership and of humanity.
And in any case, as far as determinations are concerned, there is a fundamental principle
which is very well known, especially in a tribunal, which is nemo judex in res sua.
(c) If a new customary rule is needed, it is not one which prohibits the use of nuclear weapons
- the general rules of international humanitarian law have already led to this result - it would be the
one establishing an exception in favour of nuclear weapons by excluding them from the ambit of
these general rules. But in this case, the onus of proof of the existence of such an exceptional or
exculpatory rule is on those who contend in its favour, not on those who merely claim the application
of the general rules.
And this burden of proof is onerous indeed. For as the fundamental general rules of
humanitarian law are universally recognized as jus cogens, they can only be modified by another
rule of the same character, i.e., a rule which is accepted as jus cogens by the international
community of States as a whole. But as the resolutions of the General Assembly reveal, including
the one requesting the opinion, the opinio juris of the international community is quite adverse to any
such exception.
(d) Still we are told that such an exclusionary or exculpatory rule emerged from the
Diplomatic Conference on the Reaffirmation and Development of International Humanitarian Law
which was held in Geneva from 1974 to 1977 and produced the two Additional Protocols. This is
- 36 -
because, the argument goes, at the insistence of the nuclear powers and their allies, the Conference
did not deal specifically with nuclear weapons, and indeed with all arms as such. But this does not
mean that the Conference considered that arms were beyond its reach or the reach of the legal
regulation under deliberation. Indeed, as we have seen, the Protocols have restated the major
principles of humanitarian law which address and apply to arms through their effects, even though
they do not deal with them per se.
It is true that some nuclear powers made declarations at the time of signature and ratification
(for those who ratified) affirming their understanding of the negotiations and of the ensuing Protocols
as not covering nuclear weapons. They moreover contend, but this is a mere contention, that this
understanding was generally accepted by the Conference.
Now this "understanding" took the form of interpretative declarations, not reservations which
could have been objected to. Still several other States made differing, contradictory, interpretative
declarations, thus refuting the contention that the Conference had accepted the nuclear powers'
understanding or acquiesced to it; a contention which stretches too far the significance of the
decision of the Conference not to deal specifically with weapons, leaving the subject to other fora
where negotiations on prohibitions per se were in process or about to begin.
Mr. President, there are several persons here, on both sides of the Bar, who have participated
in this Conference and who, most probably, remember vividly that the argument was forum non
conveniens, that disarmament should be carried out in the United Nations, not in a humanitarian law
forum.
Thus what was excluded from the ambit of the Conference and the Protocols was the specific
treatment of arms, including nuclear weapons, and not the applicability of the general rules to them
as well as to all other weapons past and future. This comes out clearly from an obviously objective
source, it is the Commentary of the International Committee of the Red Cross on the Protocols,
where it is stated:
"delegations agreed not to discuss nuclear weapons. But it cannot be inferred from that
that the rules of Protocol I do not apply to nuclear weapons" (p. 603, para. 1851).
2. Mr. President, if the major premise thus proves impregnable, the proponents of the thesis
- 37 -
of the legality of use of nuclear weapons try to escape the syllogism through the minor premise, by
contending that nuclear weapons are not necessarily weapons of mass destruction with wide,
indiscriminate effects.
We have now a battery of adjectives with less repulsive, almost appealing, connotations to
describe the new generations of nuclear weapons: clean bombs, low-yield bombs, nukes, tactical
nuclear weapons, all of which we are told can be used in precise "surgical operations". Almost
nuclear war toys for nuclear war games, and an invitation to all candidate "apprentis sorciers".
There is much conjecture in all that, bordering on science fiction. These are untested
hypotheses which ignore inter alia the risk factor of error and the incalculable effects, some of which
cannot be locally contained as they are vehicled by the natural elements - water, plants and air - on
the general environment and future generations. And when one thinks again of certain estimates
given to us by the Legal Adviser of the WHO, which can vary from one million to one billion in the
same estimate, even with the greatest miniaturization, such speculative margins of risk are totally
abhorrent to the general principles of humanitarian law.
And if we consider poisonous gas, however locally confined its use is, as an indiscriminate
weapon, how can we consider a small atomic weapon as less so?
A "low-yield nuclear weapon" remains a nuclear weapon, with all the inherent effects and
dangers of such weapons; the same as tactical nuclear weapons which remain nuclear weapons; and
once used there is no possible brake between them and the use of strategic nuclear weapons. The
Australian Foreign Minister was particularly persuasive on that point.
In sum, Mr. President, the use of nuclear weapons, in whatever shape, size or circumstance,
constitutes an apocalyptic threshold for warfare, for the law of war and for humanity at large.
And this is why their use or threatened use is, and has to remain, prohibited under the wise
rules of international humanitarian law, reflecting the dictates of the public conscience of mankind.
Thank you, Mr. President.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, professeur Abi-Saab pour votre exposé. Ainsi s'achève
la plaidoirie de l'Egypte en ces deux affaires consultatives. La Cour va maintenant entendre les
- 38 -
exposés faits au nom de la France et j'appelle à la barre M. Perrin de Brichambaut, directeur des
affaires juridiques au Ministère français des affaires étrangères.
M. PERRIN de BRICHAMBAUT : Monsieur le Président, Madame, Messieurs les juges.
1. Au moment de présenter l'exposé oral du Gouvernement de la République française sur les
deux demandes d'avis consultatif qui ont été soumises à la Cour internationale de Justice par
l'Organisation mondiale de la Santé et par l'Assemblée générale des Nations Unies, je voudrais
m'incliner devant la mémoire du juge Aguilar. Je souhaiterais également souligner l'honneur que je
ressens à me retrouver à cette barre pour la seconde fois en l'espace de quelques semaines, il est vrai
pour des occasions de nature différente.
Le Gouvernement de la République française, qui a transmis à la Cour des exposés écrits sur
chacune des deux demandes, a également estimé utile de participer à cette phase orale de la
procédure. Il entend procéder à ses observations dans un esprit ouvert, avec la volonté d'éclairer la
Cour en toute bonne foi.
Avant de formuler les observations de ce Gouvernement sur les demandes de l'OMS et de
l'Assemblée générale, je souhaite pouvoir fournir à la Cour quelques éléments relatifs à la doctrine de
défense de la France. Cet éclairage préalable nous paraît en effet essentiel avant d'aborder plus
avant les questions complexes et sensibles qui ont été soumises à votre haute juridiction.
2. La doctrine de la France en matière de défense est, comme vous le savez, fondée sur la
dissuasion.
Cette stratégie revêt un caractère exclusivement défensif : la France, qui ne se connaît pas
d'ennemi déclaré, récuse la menace d'emploi et l'emploi de toute arme, y compris l'arme nucléaire, à
des fins agressives. L'arme nucléaire est pour la France une arme destinée à prévenir la guerre en la
privant de toute rationalité.
Fondée sur le principe de la stricte suffisance, la stratégie nucléaire de la France s'appuie sur
des capacités limitées à ce qui est strictement nécessaire. Ces capacités s'inscrivent dans une
stratégie purement dissuasive et non pas dans une stratégie d'emploi, dont le but pourrait être
d'obtenir un avantage sur le plan militaire.
- 39 -
Elles sont réservées sans ambiguïté à des situations de légitime défense, au sens que donne à
cette expression l'article 51 de la Charte des Nations Unies. Il s'agit de dissuader l'agression armée
contre les intérêts vitaux de la France, dont l'appréciation relève des plus hautes autorités de l'Etat.
La dissuasion relève de toute évidence de la légitime défense; elle réagit contre un comportement
manifestement illicite.
La doctrine de dissuasion de la France est la clef de voûte de sa sécurité. Elle constitue
également un facteur éminent de stabilité, tout particulièrement pour le continent européen, de par
ses effets positifs pour les alliés de la France et pour toute la communauté internationale. Elle a
donc contribué, depuis plusieurs décennies, au maintien de ce bien essentiel qui est la sécurité et la
paix dans le monde.
3. Puisqu'elle est fondée exclusivement sur une stratégie défensive et de prévention de la
guerre, la doctrine française demeure inséparable d'une participation active et déterminée aux efforts
de désarmement général dans le monde et de lutte contre la prolifération des armes nucléaires.
La France a ainsi réaffirmé son engagement à mettre en oeuvre l'acticle VI du Traité de
non-prolifération qui prescrit, je le rappelle, à toutes les parties au traité, dont la France est
signataire, un effort tendant au désarmement général et complet et au désarmement nucléaire.
S'agissant du désarmement dans le domaine des armes classiques, chimiques ou biologiques,
la France n'a cessé d'être en pointe des différentes initiatives auxquelles elle s'est associée : signature
à Paris du Traité sur les forces conventionnelles en Europe, traité «Ciel ouvert», signature à Paris
en 1993 de la convention d'interdiction complète des armes chimiques, initiatives pour l'application
universelle de la convention d'interdiction des armes biologiques, proposition d'un moratoire sur les
mines antipersonnel.
Au titre du désarmement nucléaire, la France a pris ces dernières années toute une série de
mesures et a fait des propositions importantes, parmi lesquelles :
- la décision de ratifier tous les protocoles du Traité de Tlatelolco créant une zone
dénucléarisée en Amérique latine; de même, la France soutient un projet de zone libre d'armes
nucléaires en Afrique;
- 40 -
- le soutien, dès décembre 1993, à la négociation d'une convention d'interdiction de la
production de matières fissiles pour des armes nucléaires ou d'autres dispositifs nucléaires explosifs;
- l'ajustement des forces nucléaires françaises dans le nouveau contexte stratégique que nous
connaissons aujourd'hui : la France a d'ores et déjà diminué d'environ 15 % le nombre de ses armes
nucléaires déployées depuis 1991.
S'agissant de la lutte contre la prolifération des armes nucléaires, la France a été l'un des
instigateurs de la déclaration du Conseil de sécurité réuni au niveau des chefs d'Etat et de
gouvernement, le 31 janvier 1992, aux termes de laquelle «la prolifération des armes de destruction
massive constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales».
Après avoir décidé en 1991 d'adhérer au TNP, la France a mené une action déterminée en
faveur du succès de la conférence d'examen et de prorogation du traité, qui s'est tenue à New York
du 17 avril au 12 mai 1995.
Au début de cette année, la France, qui reconnaît la légitimité des préoccupations des Etats
non dotés d'armes nucléaires tendant à obtenir des garanties de sécurité, a, pour la première fois,
énoncé des assurances positives à l'égard des Etats non nucléaires parties au TNP. Elle a en même
temps réaffirmé et précisé ses assurances négatives énoncées en 1982, et le contenu de ces
assurances a été harmonisé entre quatre puissances nucléaires (le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la
Fédération de Russie et la France). Enfin, la France s'est jointe aux autres puissances nucléaires
pour présenter devant le Conseil de sécurité ce qui allait devenir la résolution 984 du 11 avril 1995
portant à la fois sur les assurances positives et sur les assurances négatives.
Nos initiatives les plus récentes continuent d'attester une détermination résolue en faveur du
désarmement nucléaire et de la non-prolifération. Ainsi, nous nous sommes engagés à figurer parmi
les premiers signataires du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, dont les dispositions
finales devront clairement, pour nous, refléter ce qu'il est convenu d'appeler l'«option zéro».
La France vient également d'annoncer, conjointement avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni,
son intention d'adhérer dès l'année prochaine aux protocoles pertinents du Traité de Rarotonga créant
une zone dénucléarisée dans le Pacifique Sud.
- 41 -
4. L'action internationale de la France témoigne donc de sa volonté d'apporter en toute
responsabilité une contribution significative en faveur de la paix et de la stabilité : à la fois en
affirmant une doctrine de défense strictement défensive, et en participant de façon déterminée et
constructive aux efforts tendant à la réduction des armements nucléaires, et, au-delà, à un objectif de
désarmement général et complet sous un contrôle international efficace.
J'ai indiqué, Monsieur le Président, il y a quelques instants, que ces éléments que je souhaitais
fournir à la Cour constitueraient un éclairage essentiel pour les observations que la France entend
formuler sur les deux demandes d'avis qui lui ont été soumises.
Pour elle, la contribution de la politique de dissuasion au maintien de la paix mondiale est un
fait indéniable, inséparable des efforts engagés en matière de désarmement. Ce simple constat
justifie à l'évidence le prix que nous attachons à cette politique. Mais il y a plus, et c'est un point que
je souhaite souligner avec une certaine gravité. Je voudrais mettre en garde en effet contre toute
formule qui, de manière directe ou de manière indirecte, impliquerait une appréciation portée sur une
politique de défense fondée sur la dissuasion. Une telle approche reviendrait à remettre en cause les
fondements mêmes de la légitime défense, principe consacré par la Charte, principe de base de la
société internationale, qui protège l'existence des Etats lorsqu'ils sont l'objet d'une agression armée.
La France est persuadée que la Cour ne souhaitera pas s'engager dans une voie où elle serait amenée
à porter une appréciation, qui la ferait sortir de sa fonction judiciaire, sur les politiques de défense
des Etats, sur la place de la politique de dissuasion, sur les équilibres stratégiques actuels et sur les
efforts engagés, par voie de négociations internationales, en matière de désarmement et de maîtrise
des armements.
5. Monsieur le Président, les questions qui vous sont posées tendent aux mêmes fins. Ces fins
sont évidemment politiques. Elles sont rédigées cependant en termes différents qui, dans le cas de
l'Organisation mondiale de la Santé et dans le cas de l'Assemblée générale des Nations Unies, ne
laissent pas de faire problème.
En ce qui concerne la question posée par l'OMS, il n'est guère besoin de s'appesantir. Elle est
artificielle, elle ne présente aucun lien avec les fonctions propres à cette Organisation.
- 42 -
Quant à la question posée par l'Assemblée générale, elle est déroutante, tant il est évident qu'il
n'est pas permis en toute circonstance de recourir à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires.
Ceci conduit à s'interroger sur la recevabilité même de la demande d'avis qui vous est soumise.
En effet, si l'on veut donner un sens utile à la question posée par l'Assemblée générale, il
faudrait la poser «à l'envers» et se demander non pas s'il existe en droit international une règle
permettant, «en toute circonstance», le recours à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires
- c'est-à-dire à la nécessaire présomption initiale - mais, bien plutôt et de manière opposée, s'il existe
une ou des règles interdisant en toute circonstance cette arme ou sa menace d'emploi.
Si, cependant, allant au-delà des termes, pourtant clairs, dans lesquels la question est posée, la
Cour souhaitait la réinterpréter de façon à pouvoir lui donner un sens utile, elle devrait
nécessairement partir du principe fondamental selon lequel «[l]es limitations à l'indépendance des
Etats ne se présument pas». Je reviendrai sur ce point.
Le Gouvernement français a la ferme conviction que vous ne pouvez répondre à une telle
question dans l'exercice des fonctions exclusivement judiciaires qui sont les vôtres, comme vous
l'avez rappelé à maintes reprises. Le professeur Alain Pellet va développer ce point dans un premier
temps. Dans un second temps, je me permettrai, Monsieur le Président, avec votre permission, de
montrer que si, par impossible, vous décidiez de répondre aux questions qui vous sont posées, vous
ne pourriez que constater que l'utilisation des armes nucléaires n'est pas interdite par le droit
international en toute circonstance.
Je vous remercie, Monsieur le Président, et je vous demande de bien vouloir donner la parole
au professeur Alain Pellet.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Excellence, pour ce premier exposé oral. Je crois que la
Cour pourra observer maintenant une pause.
La séance est suspendue de 11 h 20 à 11 h 55.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir je vous prie. Avant de donner la parole à la
délégation française, je voudrais m'adresser au représentant de l'OMS, M. Vignes, ici présent, ainsi
- 43 -
qu'aux autres délégations, parce que des membres de la Cour souhaiteraient poser un certain nombre
de questions. Je donne tout d'abord la parole au juge Koroma.
Judge KOROMA: Here is a question to the Legal Counsel of the World Health Organization,
in particular. The first question reads as follows: Was resolution WHA 46/40 validly adopted?
Second: If so, is it now open to any State which was then a member of the World Health
Organization to challenge the competence of the World Health Organization to request the Court to
give an advisory opinion in terms of the question set out in that resolution? Thank you,
Mr. President.
Le PRESIDENT : Bien entendu la question vous sera adressée par écrit dans un moment par
les soins du Greffe. Je donne maintenant la parole au juge Shi, qui voudrait poser également une
question.
Judge SHI: Thank you, Mr. President. My question is well designed to be answered by any
government delegations. Now, I shall read. In resolution 49/75 K adopted by the General Assembly
on 15 December 1994 by which the General Assembly requests an advisory opinion of the Court on
the legality of the threat or use of nuclear weapons states in its preambular paragraph:
"Welcoming resolution 46/40 of 14 May 1993 of the Assembly of the World
Health Organization in which the Organization requested the International Court of
Justice to give an advisory opinion on whether the use of nuclear weapons by a State in
war or other armed conflict would be a breach of its obligations under international law,
including the Constitution of the World Health Organization."
My question is this: What, if any, are the legal implications of the said preambular paragraph in
relation to the competence of the WHO to request an advisory opinion from the Court on the
question put to the Court. Thank you, Mr. President.
Le PRESIDENT : Merci beaucoup. Je voudrais rappeler trois choses. Tout d'abord le texte
écrit de ces questions posées par MM. Koroma et Shi vous sera adressé incessamment.
Deuxièmement, il ne sera pas question de répondre oralement, mais seulement par écrit, dans un
délai de quinze jours. Troisièmement, une question a été posée, directement adressée au représentant
- 44 -
de l'OMS, mais la Cour considère que n'importe quel Etat qui le souhaiterait peut apporter également
la réponse qu'il souhaite à une telle question. D'une façon générale, au cours de cette procédure
orale, il y aura d'autres questions encore, et il va sans dire, premièrement, que le texte écrit vous en
sera donné immédiatement, deuxièmement que ce délai de quinze jours est valable pour toutes les
questions et, troisièmement, que ces questions qui peuvent être adressées à tel Etat ou à l'OMS sont
considérées implicitement par la Cour et par l'auteur de ces questions, comme pouvant être adressées
à n'importe quel autre Etat qui intervient dans la présente procédure orale. Je vous remercie, et je
voudrais appeler à la barre maintenant M. Alain Pellet.
M. PELLET : Merci beaucoup, Monsieur le Président. Monsieur le Président, Madame et
Messieurs les juges,
6. Je suis heureux et honoré de me présenter à nouveau devant vous au nom de mon pays.
Comme la République française l'a montré dans ses exposés écrits et comme M. Perrin de
Brichambaut vient de le rappeler, le Gouvernement français est convaincu que votre haute juridiction
devrait s'abstenir de répondre aux questions que lui ont posées l'Organisation mondiale de la Santé
d'une part et l'Assemblée générale des Nations Unies d'autre part. Il y a à cela des raisons
d'opportunité, sur lesquelles je reviendrai très brièvement à la fin de mon exposé, mais il y a surtout
des raisons juridiques.
Celles-ci sont en partie, en grande partie, communes s'agissant de l'une et de l'autre de ces
questions; elles sont aussi en partie différentes; d'abord parce que les questions sont posées en termes
différents; ensuite parce que les questions émanent d'organes qui n'ont pas les mêmes fonctions.
Allant du particulier au général, je rappellerai, dans un premier temps, les raisons pour
lesquelles la France récuse très fermement la question posée par l'OMS; puis, dans un deuxième
temps, je m'attacherai à établir que la question posée par l'Assemblée générale des Nations Unies
n'est pas davantage recevable; et je terminerai par des considérations de nature plus générale, qui
touchent à la nature exclusivement judiciaire de la Cour que, selon le Gouvernement de la France, les
demandes d'avis que vous examinez aujourd'hui mettent l'une et l'autre sérieusement en cause.
* * *
- 45 -
7. D'abord, je vais essayer de démontrer que la question posée par l'Organisation mondiale de
la Santé est irrecevable.
Institution spécialisée des Nations Unies, l'OMS a, certes, des «attributions internationales
étendues», conformément aux dispositions de l'article 57 de la Charte des Nations Unies, mais
seulement dans le domaine spécialisé prévu par son Statut. Au demeurant, comme celles de toute
organisation internationale, les compétences de l'OMS sont limitées par le principe de spécialité,
principe qu'avait admirablement exprimé la Cour permanente dans son avis de 1927 relatif à la
Commission européenne du Danube : l'OMS «n'est pas un Etat, mais une institution internationale
pourvue d'un objet spécial», et, à ce titre, «elle n'a que les attributions que lui confère» son Statut
«pour lui permettre de remplir son objet» (C.P.J.I. série B no
14, p. 64).
Cet objet est large et important puisqu'il porte, d'une façon générale, sur la protection et
l'amélioration de la santé humaine. Ceci est vrai en temps de paix comme en temps de conflit armé.
L'objectif fondamental de l'OMS est de lutter contre la maladie et contre la souffrance sous toutes
leurs formes, sans qu'elle ait à se préoccuper de leur licéité.
Que l'utilisation de l'arme nucléaire soit ou non licite, il appartient à l'organisation de réfléchir
aux mesures sanitaires appropriées; une déclaration de la Cour sur la licéité ou l'illicéité de tel ou tel
conflit ou de l'emploi de telle ou telle arme n'a, ne doit avoir, et ne peut avoir, aucune incidence sur
l'activité de l'organisation.
C'est assez dire que la demande d'avis ne porte nullement sur une question juridique qui se
poserait dans le cadre de la compétence de l'organisation comme l'exige l'article X paragraphe 2 de
l'accord de 1948 entre l'OMS et les Nations Unies; c'est dire qu'elle ne concerne pas une «question
juridique qui se poserait dans le cadre de son activité» comme l'impose le paragraphe 2 de l'article 96
de la Charte et comme votre jurisprudence l'a fermement et clairement rappelé à maintes reprises. Je
pense en particulier à votre avis du 16 octobre 1975 dans lequel vous avez défini la fonction
consultative de la Cour, qui est «de donner un avis fondé en droit, dès lors qu'elle a abouti à la
conclusion que les questions posées sont pertinentes, qu'elles ont un effet pratique à l'heure actuelle
et que par conséquent elles ne sont pas dépourvues d'objet et de but (Sahara occidental,
- 46 -
C.I.J. Recueil 1975, p. 37). Or en l'espèce, l'Organisation mondiale de la santé ne pourrait, de par
son statut, tirer aucune espèce de conséquence pratique de la position, quelle qu'elle soit, que vous
seriez conduits à prendre, si bien que la demande formulée apparaît bien, pour reprendre vos propres
termes dans l'affaire du Sahara Occidental, comme «dépourvue d'objet et de but».
8. Le libellé incongru de la question posée par l'OMS témoigne d'ailleurs de l'embarras de ses
auteurs, qui se sont efforcés de faire apparaître un lien artificiel entre la demande adressée à la Cour
et l'activité de l'organisation en insistant d'une part sur les «effets des armes nucléaires sur la santé»
et d'autre part, sur «la Constitution de l'OMS». Mais précisément, Monsieur Président, ni de près ni
de loin, cette Constitution ne donne à l'organisation compétence en matière de conflit armé pas
davantage, il est à peine besoin de le préciser, que dans le domaine du désarmement.
Malheureusement, Monsieur le Président, toutes les armes tuent et blessent; tout conflit armé
est meurtrier; mais l'OMS n'a compétence, si je puis dire, qu'«en aval»; peu importe pour elle que
des blessures aient été infligées par tel ou tel type d'armes, que l'utilisation de ces armes soit ou non
licite, que le conflit dans le cadre duquel elles se sont produites soit, ou non, compatible avec les buts
des Nations Unies; dans tous les cas, l'organisation mondiale de la Santé doit, comme elle l'a
d'ailleurs toujours fait jusqu'à présent, envisager les moyens de venir en aide aux victimes, d'armes
classiques comme d'armes nucléaires. La question, par conséquent, n'est pas de celles dont vous
pourriez connaître :
- elle ne présente aucun caractère spécifique ; la nature, nucléaire ou non, des armes utilisées est
sans pertinence;
- la licéité ou l'illécéité de leur emploi est sans incidence aucune sur l'action de l'organisation, la
réponse ne peut pas l'éclairer «dans son action propre» comme l'exige la jurisprudence de la Cour
(C.I.J. Recueil 1951, p. 19; C.I.J. Recueil 1971, p. 24 ou C.I.J. Recueil 1973, p. 177);
- l'OMS n'a pas davantage compétence pour poser la question qu'elle n'en aurait elle-même pour
déclarer illicite l'utilisation de tel ou tel type d'armes ou pour se prononcer sur la conformité au
droit international de tel ou tel conflit; elle n'a, dans ce domaine, pas la moindre compétence.
9. Quelques Etats ont, dans leurs observations écrites du 20 juin dernier, cru pouvoir avancer
- 47 -
un curieux argument en faveur de la compétence de la Cour. Ils ont fait valoir que ce débat était
maintenant dépassé («moot») au prétexte que l'Assemblée générale avait, à son tour, posé une
question comparable.
J'ai un peu de mal à comprendre ce genre de raisonnement : deux organisations distinctes ont
saisi la Cour de deux questions différentes et le fait que les deux demandes fassent l'objet d'une
procédure en partie commune ne saurait empêcher évidemment, qu'elles soient, l'une et l'autre,
appréciées en fonction de leurs mérites propres, même si, à l'évidence, elles relèvent l'une et l'autre
des mêmes préoccupations politiques.
La demande d'avis formée par l'OMS est tellement manifestement irrecevable et artificielle que
le gouvernement français pense, pour des raisons de principe, qu'il serait important que la Cour
prenne une position nette sur les problèmes particuliers posés par la demande de l'OMS. Il lui paraît
en effet qu'il y a là un véritable détournement des fonctions consultatives de la Cour et, pour tout
dire, une dérive assez préoccupante.
10. Monsieur le Président, de l'avis de la France, la demande d'avis consultatif formulée par
l'OMS est manifestement irrecevable; mais ceci ne signifie pas que celle posée par l'Assemblée
générale ne le soit pas. Elle est irrecevable, mais elle l'est de façon différente.
Nul, en effet, ne songe à contester que l'Assemblée générale ait une certaine compétence en
matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, encore que - et il n'est pas mauvais de
le rappeler - la «responsabilité principale» en ce domaine ait été conférée par les Membres de
l'Organisation au Conseil de sécurité en vertu de l'article 24 de la Charte.
Il n'est pas sans intérêt de relever à cet égard que le Conseil n'a pour sa part pas éprouvé le
besoin de saisir la Cour. Davantage même : au cours du débat qui a précédé l'adoption par lui-même
de la résolution 984 (1994) relative aux garanties de sécurité pour les Etats non dotés d'armes
nucléaires, aucun Etat n'a émis le moindre doute sur la licéité de l'utilisation, dans certains cas,
d'armes nucléaires, aucun Etat n'a fait allusion à la demande d'avis consultatif formulée peu
auparavant par l'Assemblée générale, et ceci montre bien que le Conseil de sécurité n'en ressent pas
le besoin dans un domaine qui, cependant, relève de sa "responsabilité principale" si on l'envisage
- 48 -
sous l'angle du maintien de la paix et de la sécurité internationales, un domaine, qui, par ailleurs, ne
relève que de la compétence des Etats si l'on se place dans la perspective du désarmement.
11. C'est que, Monsieur le Président, comme la France l'a déjà relevé dans ses observations,
les Nations Unies ont certes des compétences en matière de désarmement, mais le dernier mot dans
ce domaine revient aux Etats. En vertu de l'article 26 de la Charte, le Conseil de sécurité est chargé
«d'élaborer des plans qui seront soumis aux Membres de l'organisation en vue d'établir un système de
réglementation des armements» - lui-même, Conseil de sécurité, il ne dispose pas d'un pouvoir de
décision en la matière. Quant à l'Assemblée générale, le paragraphe 1er de l'article 11 lui donne
compétence pour «étudier les principes régissant le désarmement et la réglementation des
armements» mais elle ne peut faire à cet égard que des recommandations. Rien dans le texte de la
résolution par laquelle l'Assemblée vous a saisi n'indique en quoi votre réponse présenterait un intérêt
pour l'exercice de ce pouvoir. Rien non plus de ce qui a été dit durant les débats qui ont précédé
l'adoption de la résolution ne permet de comprendre en quoi votre réponse pourrait avoir l"'effet
pratique à l'heure actuelle" qu'exige votre jurisprudence. Tout en revanche, dans l'attitude passée de
l'Assemblée générale montre que l'absence de réponse ne l'a jamais empêchée d'user de son pouvoir
de recommandation, pouvoir dont elle a fait un usage très abondant.
Dans ces conditions, la réponse - quelle qu'elle soit - que la Cour donnerait à la question posée
par l'Assemblée générale serait dépourvue de toute importance concrète pour cet organe «dans son
action propre» (avis consultatifs 28 mai 1951, Réserves à la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide, C.I.J. Recueil 1951, p. 19) ou «à propos de ses propres décisions»
(avis consultatif, 21 juin 1971, Namibie, C.I.J. Recueil 1971, p. 24). L'Assemblée générale a un
pouvoir de recommandation; elle cherche à en transformer la nature même en saisissant votre haute
juridiction de la question posée. De fait, en donnant suite à cette demande, la Cour ferait acte de
législateur, ce qui n'est assurément pas conforme à la nature exclusivement judiciaire de ses
fonctions, j'y reviendrai tout à l'heure. De plus elle s'immiscerait dans un processus, particulièrement
délicat de négociations diplomatiques, de nature éminemment politique et qui s'en trouverait
singulièrement compliqué. Et tout cela, sans aucun bénéfice pour l'Assemblée générale qui, quelle
- 49 -
que soit la réponse à la question posée, n'est nullement entravée dans l'exercice de son pouvoir de
recommandation.
12. En tout état de cause, la question posée par l'Assemblée n'est pas de celles auxquelles la
Cour peut répondre dans le cadre de la procédure consultative. En particulier, elle ne répond pas à
l'exigence de précision requise par l'article 65 du Statut dont le Président Basdevant a rappelé
l'importance dans l'opinion dissidente qu'il a jointe à l'avis de 1962 relatif à Certaines dépenses des
Nations Unies, C.I.J. Recueil 1962, p. 235, exigence que confirme votre jurisprudence.
Il n'est, à cet égard, pas inutile de comparer la question posée par l'Assemblée générale à la
formulation retenue par l'Assemblée mondiale de la santé.
La rédaction de la résolution 46.40 du 14 mai 1993 est déjà, nous l'avons vu, extrêmement
large et générale; celle de la résolution 49/75 K, l'est davantage encore, si c'est possible :
- premièrement, l'OMS a tenté, fort artificiellement, je l'ai dit, de rattacher la question posée aux
«effets des armes nucléaires sur la santé et l'environnement» et à sa Constitution; ici, s'agissant de
l'Assemblée générale, aucun point d'ancrage spécifique : c'est tout le droit international que la
Cour est appelée à passer en revue;
- deuxièmement, la question de l'OMS porte exclusivement sur l'utilisation des armes nucléaires,
celle posée par l'Assemblée générale y ajoute, de surcroît, la menace d'armes nucléaires sans
préciser ce qu'il faut entendre par là;
- troisièmement, la résolution 46.40 n'invite pas la Cour, comme le fait expressément la
résolution 49/75 K, à envisager toutes les circonstances dans lesquelles la question de la licéité de
la menace ou de l'emploi des armes nucléaires pourrait se poser;
- et enfin quatrièmement, la résolution de l'Assemblée générale est rédigée de manière «négative» en
ce sens qu'il s'agit de savoir si l'utilisation des armes nucléaires par un Etat constituerait «une
violation de ses obligations au regard du droit international».
Au contraire, la demande de l'Assemblée générale est libellée «positivement» si je peux dire
puisqu'il est demandé à la Cour de se prononcer sur la question de savoir si le recours à la menace ou
à l'emploi d'armes nucléaires est permis en toute circonstance. A vrai dire, la réponse à une telle
- 50 -
question est tellement évidente que ce seul fait pourrait être de nature à conduire la Cour à s'abstenir
d'y répondre. Nul n'a jamais prétendu que l'emploi de l'arme nucléaire - ou sa menace - était permis
en toute circonstance. En tout cas, la France ne le prétend pas : il n'est évidemment pas permis de
recourir à l'arme nucléaire lorsque le recours à la force est interdit. Ceci est vrai des armes
nucléaires comme de tout autre système d'armes. Mais alors est-il raisonnable de poser de telles
questions à votre haute juridiction ?
Ici encore, en recourant à la procédure consultative pour obtenir de la Cour l'énoncé de pures
évidences, les auteurs de la question tentent d'utiliser votre haute juridiction à des fins purement
politiques et mettent en cause l'intégrité et la dignité de la fonction judiciaire.
13. Comme l'a dit tout à l'heure M. Perrin de Brichambaut, le seul moyen de donner un sens
utile à la question serait de l'inverser. Il faudrait se demander s'il est, non pas permis, mais interdit
en droit international de recourir à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires en toute circonstance.
Le Gouvernement français n'ignore évidemment pas que lorsqu'elle l'a jugé utile, la Cour a,
dans le passé, interprété certaines questions qui lui avaient été soumises. Mais il n'en a été ainsi que
lorsque la question posée était obscure, et comme l'a relevé la CPJI, «vu la nature relativement peu
complexe» des affaires en cause (Interprétation de l'accord gréco-turc, C.P.J.I. série B n
o
16,
p. 14); en revanche, la Cour a réservé formellement l'hypothèse ou le problème posé serait complexe,
ce qui est évidemment le cas ici. Et en tout état de cause «interpréter» n'est pas modifier et moins
encore prendre le contre-pied de la question posée.
14. De toutes manières, si vous vous engagiez dans cette voie, non pas d'interprétation mais de
reconstruction de la demande d'avis, les objections à sa recevabilité n'en disparaîtraient pas pour
autant.
En effet, même en admettant que la question soit juridique - ce n'est pas le cas et j'y reviendrai
dans un instant - même dans ce cas, disais-je, il ne vous serait pas possible de répondre à la question
posée dans l'exercice de votre fonction consultative. Le libellé même de la question que l'Assemblée
générale a cru devoir vous poser l'exclut.
Il vous est, en effet, demandé une opinion sur la question de savoir si l'utilisation d'armes
- 51 -
nucléaires ou sa menace sont permises - ou, admettons-le pour les besoins de la discussion -
interdites, en toute circonstance - pas «en certaines circonstances» (ce qui, au demeurant serait tout
aussi insoluble ou dépourvu de sens), pas dans telle ou telle circonstance; non : «en toute
circonstance». De ce fait, vous êtes placés, Madame et Messieurs de la Cour, dans la situation dans
laquelle se trouverait un mathématicien auquel on demanderait de résoudre une équation comportant
un nombre infini d'inconnues.
Ici, les inconnues sont constituées par les paramètres infiniment divers - je veux dire, divers à
l'infini - que la Cour serait amenée à prendre en considération si elle entreprenait de répondre à la
question quelle que soit l'interprétation qu'elle lui donnerait. Il vous faudrait passer en revue toutes
les règles du droit international, tant générales que spéciales, pour les confronter à des circonstances
indéterminables et complètement imprévisibles.
Il est clair qu'une telle entreprise, purement spéculative, ne relève pas de la fonction
consultative de la Cour. Celle-ci consiste, je l'ai rappelé tout à l'heure, à éclairer les organes qui la
saisissent sur des problèmes effectifs qui se posent dans le cadre de leurs compétences; elle ne
consiste pas à rédiger des traités de droit international général. Du reste, ceci ne correspond pas aux
conditions auxquelles la Cour elle-même subordonne l'exercice de sa compétence consultative.
15. Pour que vous puissiez répondre à une demande d'avis, Madame et Messieurs de la Cour,
il est indispensable, comme vous l'avez rappelé dans votre avis consultatif sur la Namibie, que la
Cour soit en possession des données réelles du problème :
«Pour être à même de se prononcer sur des questions juridiques, un tribunal doit
normalement avoir connaissance des faits correspondants, les prendre en considération
et, le cas échéant, statuer à leur sujet» (C.I.J. Recueil 1971, p. 27).
Ici, aucun fait, aucune circonstance - à la Cour de les découvrir, de les imaginer : ce n'est pas votre
fonction; vous êtes Madame et Messieurs de la Cour, des «diseurs de droit», pas des auteurs de
scénarios.
Certains Etats qui sont intervenus dans ce débat ont tenté de vous mettre en contradiction avec
vous-mêmes. Et d'opposer la jurisprudence Namibie, que je viens de citer, aux positions que vous
avez prises dans l'affaire du Sahara occidental, selon lesquelles la Cour peut être priée de donner un
- 52 -
avis consultatif sur des questions de droit qui n'appellent aucun prononcé sur des droits et obligations
existants mais qui «peuvent s'inscrire dans le cadre de problèmes plus larges, dont la solution peut
mettre en jeu de tels problèmes» (C.I.J. Recueil 1975, p. 20).
Certes ! Mais ce n'est pas du tout le problème : la jurisprudence Sahara occidental n'est pas
en cause. Il n'est pas contesté que l'Assemblée générale a bien demandé à la Cour de se prononcer
sur des «droits et obligations existants». Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, à propos de la
demande d'avis de l'OMS, la Cour, dans son avis de 1975, a justifié la suite positive qu'elle a
réservée à la demande dans l'affaire Sahara occidental par la considération fondamentale selon
laquelle sa réponse répondait à «un objectif pratique et actuel» et serait de nature à permettre à
l'Assemblée générale d'«exercer comme il convient ses fonctions...» (C.I.J. Recueil 1975, p. 20
et 27). Tel n'est pas le cas en l'espèce.
Ce n'est pas non plus l'abstraction de la question posée qui s'oppose à ce qu'une réponse lui
soit donnée. C'est d'une part le fait qu'elle ne répond à aucun objectif pratique et actuel pour l'organe
qui l'a posée; et, d'autre part, c'est son ampleur, son absence totale d'ancrage dans une situation
réelle, son caractère, je l'ai dit, insoluble et spéculatif.
L'Assemblée générale n'a pas donné connaissance à la Cour «des faits correspondants» - et
pour cause : ces faits, nous l'avons vu, sont insaisissables...-, si bien que la Cour ne peut être «à
même de se prononcer», comme elle l'a rappelé dans sont avis de 1971 sur la Namibie.
L'Assemblée à demandé à votre haute juridiction s'il existait une règle générale permettant «en
toute circonstance», j'y reviens, de recourir à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires.
J'ai admis, pour les seuls besoins de la discussion, que l'on pourrait, à la limite, lire «interdit»
là où il est écrit «permis», bien que ce fût à l'évidence contraire au sens ordinaire des mots.
Toutefois, à l'extrême rigueur, on pourrait considérer que ceci correspond à l'intention des auteurs de
la question - dont on voudrait cependant croire qu'elle a été rédigée avec soin. Mais on ne saurait
aller plus loin et lire «en certaines circonstances» lorsque l'Assemblée a pris soin d'écrire : «en toute
circonstance» (au singulier). De l'avis du Gouvernement français, cette rédaction exclut absolument
que la Cour soit appelée à opérer un tri entre les hypothèses où le recours à la menace ou à l'emploi
- 53 -
d'armes nucléaires seraient permis et celles où ils seraient exclus. D'ailleurs, ici encore, on voit mal
selon quels critères la Cour pourrait sélectionner telles ou telles circonstances et non telles autres : or
les envisager toutes, la Cour ne le peut pas car ceci est au-delà des possibilités humaines. Mais, de
toutes manières, je le répète, elle n'est pas appelée à se livrer à un tel exercice.
16. Pour me résumer, Monsieur le Président, la question posée par l'Assemblée générale est
irrecevable pour au moins et en premier lieu trois séries de raisons; pour y répondre :
1) La Cour, si elle prenait la question à la lettre, ne pourrait qu'énoncer une évidence sans
aucune portée pratique;
2) Quand bien même elle réinterpréterait la question pour lui donner un sens utile - ce qu'elle
ne pourrait faire qu'en la déformant profondément - elle devrait se livrer à une vaine tentative
d'identification et de sélection de circonstances par nature indéterminables; et
3) La question posée par l'Assemblée générale ne présenterait pour celle-ci aucune utilité dans
l'exercice de ses compétences et ne répondrait à aucun objectif pratique et actuel comme l'exige la
jurisprudence de la Cour.
Mais, Monsieur le Président, il faut aller plus loin : les demandes d'avis formulées tant par
l'Assemblée générale que par l'OMS se heurtent à des objections communes qui tiennent au fait que,
pour y donner suite, la Cour devrait sortir de ses fonctions exclusivement judiciaires.
17. Comme la Cour a eu l'occasion de le rappeler à maintes reprises, et par exemple, à
l'occasion de l'affaire du Cameroun septentrional, dont il me paraît utile de relire un assez long
passage, bien que mon ami George Abi-Saab l'ait lui aussi cité tout à l'heure :
«Certes, la Cour peut donner des avis consultatifs ... Néanmoins, la Cour
permanente de Justice internationale et la Cour actuelle ont toutes deux souligné que le
pouvoir conféré à la Cour de rendre des avis consultatifs doit s'exercer dans le cadre de
la fonction judiciaire. Les deux Cours ont eu l'occasion de formuler, à propos des
demandes d'avis consultatifs, des observations qui s'appliquent également au rôle que
doit jouer la Cour en matière contentieuse; dans les deux cas, la Cour exerce une
fonction judiciaire. Cette fonction est soumise à des limitations inhérentes qui, pour
n'être ni faciles à classer, ni fréquentes en pratique, n'en sont pas moins impérieuses en
tant qu'obstacles décisifs au règlement judiciaire.» (C.I.J. Recueil 1963, p. 30; voir
aussi C.I.J. Recueil 1956, p. 84, C.I.J. Recueil 1962, p. 155.)
Et la Cour d'ajouter :
«La Cour actuelle s'est toujours inspirée, comme la Cour permanente de Justice
internationale, du principe posé par celle-ci le 23 juillet 1923 dans l'affaire du Statut de
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la Carélie orientale :
«La Cour étant une cour de justice, ne peut se départir des règles essentielles qui
dirigent son activité de tribunal même lorsqu'elle donne des avis consultatifs
(C.P.J.I. série B no
5, p. 29.)» (Ibid.)
Bien évidemment, «c'est toujours à la Cour qu'il appartient de déterminer si ses fonctions
judiciaires sont en jeu» (ibid.). Mais c'est aussi le devoir des Etats qui se présentent devant elle de
lui exposer leurs vues sur la question.
L'avis, mûrement pesé, du Gouvernement de la République française est que la Cour ne
pourrait préserver le caractère essentiellement judiciaire de ses fonctions si elle se prononçait sur le
fond des deux questions qui lui sont posées. Outre celles que j'ai exposées qui, par maints aspects,
se rattachent à cette considération fondamentale, il y a à cela plusieurs catégories de raisons :
- en premier lieu, ces questions sont de nature purement politiques;
- pour y répondre, en deuxième lieu, la Cour devrait se comporter en véritable législateur
international et prendre en considération des éléments politiques et moraux, qui peuvent être
pertinents dans d'autres forums, mais qui sont hautement subjectifs et totalement étrangers à la
nature exclusivement judiciaire de sa mission;
- au surplus, si elle y répondait, la Cour s'immiscerait dans un processus politique et
diplomatique par essence.
Et, si vous le voulez bien, Monsieur le Président, je reviendrai brièvement et successivement
sur chacun de ces trois points.
18. Comme plusieurs autres, le Gouvernement français a, dans ses écritures, montré que l'une
comme l'autre des deux questions adressées à la Cour sont, de toute évidence, soulevées à des fins
exclusivement politiques. Ceci ressort avec clarté des circonstances de leur adoption et leur
conjonction ne laisse aucun doute sur ce point. Ces considérations peuvent avoir une réelle
pertinence pour répondre à la question, dont la Cour a, en matière consultative, l'entière maîtrise, de
savoir s'il est opportun de donner suite à la demande d'avis.
Mais ce n'est pas d'opportunité, ou de «discretion», ni même de «propriety» que je parle ici.
Je parle de droit tout simplement. Comme la Cour l'a dit on ne peut plus clairement dans son avis
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consultatif de 1962 relatif à Certaines dépenses des Nations Unies, «[s]i une question n'est pas
juridique, la Cour n'a pas de pouvoir discrétionnaire en la matière : elle doit» - elle doit en droit -
«refuser de donner l'avis qui lui est demandé» (C.I.J. Recueil 1962, p. 155). Curieusement, nos
contradicteurs qui, pourtant, pour d'autres raisons, se réfèrent volontiers à cet avis de 1962, ne
mentionnent jamais ce dictum, pourtant si fondamental. Il montre en effet que, malgré le pouvoir
discrétionnaire dont elle dispose pour répondre, ou non, à une question juridique qui lui est posée, la
Cour ne peut apporter de réponse qu'à une question juridique. Si ce n'est pas le cas, «elle doit
refuser de donner l'avis qui lui est demandé».
Or les questions posées par les deux résolutions de l'AMS et de l'Assemblée générale ne sont
pas, en soi, de nature juridique, quels que soient les motifs qui ont pu les inspirer. Il ne suffit pas, à
cet égard, d'inclure dans le libellé d'une question l'expression «droit international» pour qu'elle
présente un caractère juridique; il faut encore que le problème posé ait, effectivement, un caractère
juridique. Tel n'est le cas ni de l'une ni de l'autre des questions qui vous ont été posées.
Je l'ai indiqué tout à l'heure pour chacune d'elles et je n'y reviens brièvement que pour
rappeler :
- en ce qui concerne la question de l'OMS, qu'elle est politique dès lors qu'elle est étrangère au
domaine de compétence spéciale de l'Organisation;
- quant à la réponse à la question posée par l'Assemblée générale, elle relève elle aussi de
l'évidence et ne peut être que : «Non, l'utilisation d'armes nucléaires n'est pas permise en toute
circonstance.» La réponse ici est incluse dans la question, de telle sorte qu'on ne peut en discerner
l'objet juridique, et qu'elle est totalement dépourvue de sens.
Mais, dans les deux cas, il y a plus : comme la France l'a montré dans ses observations écrites,
les Etats ont délibérément évité, au plan universel en tout cas, d'aborder, directement ou
indirectement, le problème des armes nucléaires sous l'angle de la licéité de leur emploi ou de sa
menace. Les résolutions du 14 mai 1993 ou du 15 décembre 1994 tendent donc à entraîner la Cour
dans un domaine qui ne relève pas de sa fonction judiciaire, en la faisant participer à un débat
purement et exclusivement politique.
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19. Et ceci me conduit à une seconde série de considérations.
En soumettant à la Cour une question qui a été délibérément laissée de côté par les instances
de négociation qui auraient pu en traiter, notamment lors de l'élaboration du Protocole I de 1977, les
auteurs des deux résolutions, et ceux qui ont voté en leur faveur, veulent obtenir de la part de la
Cour une déclaration de principe normative et lui faire assumer la fonction d'une instance d'appel des
forums politiques : on peut regretter que les Etats ne soient pas encore parvenus à se mettre d'accord
sur un désarmement nucléaire général et complet que la France, pour sa part, appelle de ses voeux
comme l'a rappelé tout à l'heure M. Perrin de Brichambaut; mais il n'appartient pas à la Cour de se
substituer à la volonté politique défaillante.
Rien, assurément, ne serait plus incompatible avec les fonctions exclusivement judiciaires de
la Cour que ce rôle de législateur international que l'on voudrait lui faire jouer. Pour vous en
acquitter d'ailleurs, Madame et Messieurs les juges, il vous faudrait vous «lancer nécessairement
dans des appréciations d'ordre militaire» ce qui, comme l'a clairement laissé entendre la Cour dans
son arrêt de 1986, ne relève pas de sa compétence (cf. C.I.J. Recueil 1986, p. 28); il vous faudrait
aussi vous projeter dans l'avenir et essayer d'imaginer, sans aucune base factuelle, ce que pourraient
être, à l'avenir, les armes nucléaires compte tenu de l'évolution, que nul ne peut exclure, de la
technologie nucléaire, avec tout ce qu'un tel exercice implique d'incertitudes et de subjectivité.
Une telle approche ne serait pas juridiquement correcte, parce qu'elle est aléatoire. Chacune
des étapes du raisonnement serait entachée de graves incertitudes. Après avoir dégagé les éléments
nécessaires à la constatation de l'existence d'une règle coutumière, la Cour devrait se convaincre qu'il
en résulte une interdiction de ces armes «en toute circonstance».
Les règles que la Cour en viendrait ainsi à dégager ne pourraient être qu'abstraites et
générales. Or, du fait de l'imprévisibilité et de l'infinie diversité des circonstances à prendre en
considération, il s'agirait là non d'une constatation, mais d'une construction du droit. C'est bien là la
fonction d'un législateur.
Pour paraphraser l'arrêt rendu par la Cour le 14 juin 1951 dans l'affaire Haya de la Torre, les
réponses aux questions posées sont «conditionnées par des éléments de fait et par des possibilités
- 57 -
que, dans une très large mesure», la Cour n'est pas en situation d'apprécier. Une telle appréciation
ne pourrait être fondée «sur des considérations juridiques, mais seulement sur des considérations de
nature pratique ou d'opportunité politique; il ne rentre pas dans la fonction judiciaire» de s'y livrer
(C.I.J. Recueil 1951, p. 79; voir aussi C.I.J. Recueil 1963, p. 30).
20. Au surplus, la Cour n'ignore évidemment pas qu'en donnant suite aux demandes d'avis,
elle se prononcerait non pas sur une anodine question technique mais sur un problème essentiel, au
vrai sens du mot, un problème qui est au cœur du système de défense nationale de nombreux Etats.
Car, Monsieur le Président, il faut le rappeler en passant mais de la façon la plus solennelle, la plus
claire, il n'y a pas que cinq Etats dotés d'armes nucléaires qui s'en remettent, pour leur défense, à la
dissuasion; c'est aussi le cas de très nombreux autres pays qui vivent, comme l'on dit, à l'abri du
«parapluie nucléaire».
Or il est clair que si, par impossible, vous veniez à répondre aux questions qui vous sont
posées dans le sens espéré par leurs auteurs, vous vous prononceriez sur un problème d'une
importance vitale pour tous ces Etats qui font confiance, pour leur sécurité, à la politique - je dis
bien : la politique - de la dissuasion nucléaire et y voient une arme destinée non pas à faire la guerre,
mais à assurer durablement la paix. A l'instar d'un organe politique, vous ne pourriez d'ailleurs
prendre position qu'en fonction de considérations - au surplus évolutives - de nature politique,
morale, militaire et stratégique.
Plus généralement d'ailleurs, quelle que soit votre position, vous rendriez inévitablement plus
difficile la patiente recherche de solutions négociées sur ces questions qui font intervenir de telles
considérations politiques, stratégiques ou morales, considérations dont les juristes, aussi éminents et
respectés soient-ils, ne peuvent pas être juges. Ici encore, il y va de la préservation de l'intégrité des
fonctions judiciaires de votre haute juridiction. La négliger serait d'autant plus critiquable en
l'espèce que l'on peut, sans aucun doute, soutenir qu'il existe une règle, une règle juridique fermement
établie, selon laquelle, en matière de réglementation des armements les négociations sont le moyen
irremplaçable permettant de prendre des décisions. Cela résulte des articles 2, paragraphes 1 et 26
de la Charte que j'ai mentionnés tout à l'heure, en vertu desquels si l'Assemblée générale
- 58 -
«recommande», et si le Conseil de sécurité «propose», ce sont en définitive les Etats qui décident.
Cela résulte de la pratique : tous les principes de droit positif en matière de désarmement ou de
maîtrise des armements ont été énoncés dans des traités en forme solennelle, longuement et
soigneusement négociés. Cela résulte aussi de la jurisprudence de la Cour elle-même à laquelle j'ai
déjà fait allusion puisque, dans votre arrêt de 1986 vous avez insisté sur le fait qu'«il n'existe pas en
droit international, de règles autres que celles que l'Etat intéressé peut accepter, par traité ou
autrement, imposant la limitation du niveau d'armement d'un Etat souverain...»
(C.I.J. Recueil 1984, p. 135).
21. Quelle que soit l'issue de ses délibérations sur le fond, la Cour, si elle prenait position,
interviendrait inévitablement dans un processus politique de négociations qui sont en cours.
L'heureuse issue de la récente conférence qui a abouti au renouvellement du TNP, l'adoption de la
résolution 984 (1995) du Conseil de sécurité ou les perspectives favorables de signature prochaine
d'un traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires, montrent que ces négociations se
présentent sous des auspices encourageants. Certains Etats qui ont présenté des observations sur
l'une ou sur l'autre de ces demandes, ou sur les deux, ont fait valoir que des avis de la Cour auraient
un heureux effet sur ces négociations. La France, je dois dire, nourrit les doutes les plus sérieux à
cet égard; il lui semble au contraire que si vous alliez au-delà de la réponse évidente et, par suite,
superflue qu'appelle la question posée par l'Assemblée générale, votre avis risquerait fort de figer les
positions des uns et des autres. Il est du reste intéressant de relever à cet égard que cette position est
partagée non seulement par les autres Etats dotés d'armes nucléaires qui sont intervenus mais aussi
par plusieurs Etats non dotés de telles armes qui ont, eux aussi, fait part de leurs craintes selon
lesquelles, en se prononçant sur le fond, dans quelque sens que ce soit, la Cour minerait les efforts
actuels en matière de désarmement, y compris, mais peut-être pas seulement, en matière de
désarmement nucléaire.
Cela étant, Monsieur le Président, au point de vue juridique, la principale objection à ce que la
Cour donne suite aux demandes d'avis, n'est pas là. Elle tient, bien plutôt, au fait que, ce faisant, la
Cour, en s'immisçant dans un processus, lent mais continu, de négociations en cours - négociations
- 59 -
qui montrent qu'aucune règle n'a fait l'objet d'un consensus entre les Etats et les groupes d'Etats -, la
Cour, dis-je, sortirait de son rôle judiciaire : elle apparaîtrait comme une partie à ces négociations
- encore une fois, d'un côté ou de l'autre, là n'est pas la question -, et, inévitablement, son impartialité
serait contestée.
22. Monsieur le Président, je le répète, je me suis placé exclusivement sur le terrain du droit.
La Cour s'est toujours reconnu le devoir de faire respecter l'intégrité de ses fonctions judiciaires,
fonctions qui sont soumises à des «limitations inhérentes» qui sont autant d'«obstacles décisifs au
règlement judiciaire» (C.I.J. Recueil 1963, p. 30, voir supra, n
o
12).
Le Gouvernement français estime que de tels «obstacles décisifs» sont nombreux en l'espèce,
puisque, et je ne fais que récapituler ce que je viens de dire, si la Cour entreprenait de répondre aux
demandes d'avis, elle pourrait être conduite :
1. soit à énoncer une pure évidence, soit à se prononcer sur des questions extrêmement vagues,
«relevant nécessairement de la spéculation pure» pour reprendre l'expression employée par sir
Gerald Fitzmaurice en 1963 (opinion individuelle jointe à l'arrêt relatif au Cameroun septentrional,
C.I.J. Recueil 1963, p. 107);
2. à connaître du bien-fondé de tel ou tel système de défense et, en particulier de la dissuasion
nucléaire; et ceci en fonction de considérations qui ne peuvent être que de nature politique, morale,
militaire, stratégique et technique, évidemment étrangères à la mission de la Cour;
3. à jouer le rôle d'un législateur international en prenant parti sur des questions purement
politiques et en se substituant à la volonté politique alors que sous la forme générale que lui ont
donné l'OMS et l'Assemblée générale, ces questions ont délibérément été écartées des négociations
entre les Etats;
4. à s'immiscer, du même coup, dans un processus prometteur de négociations diplomatiques,
de nature éminemment politique, dont on peut penser qu'elle le compromettrait durablement, et tout
ceci,
5. alors même que les questions posées soit, dans le cas de l'OMS, n'entrent manifestement pas
dans les compétences de l'organe qui les a présentées, soit, dans celui de l'Assemblée générale, ne
- 60 -
répondent à aucun objectif pratique et actuel, la réponse, quelle qu'elle puisse être, ne pouvant aider
l'Assemblée dans son action propre.
De l'avis du Gouvernement français, chacun de ces motifs, individuellement, devrait conduire
la Cour à déclarer les demandes irrecevables et à refuser d'y donner suite afin de respecter tant son
Statut que l'article 96 de la Charte et de préserver l'intégrité de ses fonctions judiciaires. Cette
position s'impose évidemment à fortiori si on considère ces motifs ensemble.
23. Dès lors, il est à peine besoin de rappeler que si, par impossible, la Cour considérait qu'il
n'existe pas d'obstacle juridique à ce qu'elle se prononce au fond, elle pourrait «néanmoins refuser de
le faire» (C.I.J. Recueil 1962, p. 155; voir aussi C.I.J. Recueil 1950, p. 72; C.I.J. Recueil 1951,
p. 19; C.I.J. Recueil 1973, p. 175; C.I.J. Recueil 1975, p. 21; C.I.J. Recueil 1989, p. 191, etc.),
puisque, conformément à sa jurisprudence constante, l'article 65 du Statut lui laisse toute liberté
pour assurer les suites qu'elle estime devoir donner à une demande d'avis. Les motifs que je viens de
citer constituent, à tout le moins, des «raisons décisives» pour déterminer la Cour à «opposer un
refus» aux questions posées par l'OMS et par l'Assemblée générale. Certes, il n'existe qu'un seul
précédent effectif en ce sens dont on a longuement entendu parler, l'avis rendu en 1923 par la Cour
permanente dans l'affaire de la Carélie orientale; mais la Cour a constamment depuis lors affirmé
l'éventualité d'un tel refus et jamais depuis soixante-douze ans autant de motifs à ne pas se prononcer
n'avaient été réunis.
Ce n'est dès lors que pour surplus de droit que, comme cela a été fait dans les observations
écrites du Gouvernement français, M. Perrin de Brichambaut examinera maintenant, à titre purement
subsidiaire, les problèmes de fond posés par les demandes d'avis, Monsieur le Président, si vous
voulez bien lui donner la Parole.
Monsieur le Président, Madame et Messieurs de la Cour, je vous remercie vivement de votre
patience.
Le PRESIDENT : Je vous remercie M. le professeur Pellet. Je voudrais demander à M.
Perrin de Brichambaut s'il souhaite prendre la parole maintenant et si son exposé entre dans le temps
qui reste avant de lever la séance, comme on le fait traditionnellement à 13 heures, ou s'il veut
- 61 -
prendre la parole demain matin. Néanmoins, comme chacun sait, le programme de demain appelait
l'audition des exposés oraux d'autres Etats.
Alors, vous avez la parole M. Perrin de Brichambaut, d'abord pour me dire ce que vous
souhaitez.
M. de BRICHAMBAUT : Monsieur le Président, je préférerais pouvoir m'exprimer
aujourd'hui devant la Cour, si vous m'en donnez l'autorisation. J'avoue prévoir de parler environ une
quarantaine de minutes et je ne voudrais donc pas lasser l'attention de la Cour.
Le PRESIDENT : Bien, dans ce cas-là, vous pouvez commencer maintenant et nous
interromprons - ou je vous prierai d'interrompre - votre exposé à l'heure habituelle de la levée de
séance de la Cour pour reprendre cet exposé demain matin. Mais je profite de cette occasion pour
rappeler à tous les Etats le respect du temps de parole imparti à chacun d'entre eux, c'est-à-dire une
heure trente maximum, à la fois dans un certain souci d'équilibre et en vue également de respecter le
programme de travail dans ces deux affaires.
Alors M. Perrin de Brichambaut, si vous voulez commencer maintenant et voir, selon la
nature de l'exposé que vous avez à faire, à quel moment précis vous souhaiteriez me demander la
levée de séance.
M. de BRICHAMBAUT : Merci Monsieur le Président. Monsieur le Président, Madame et
Messieurs de la Cour.
24. Il m'incombe maintenant d'exposer quelles réponses appelleraient à nos yeux les questions
qui vous ont été adressées si vous veniez néanmoins à décider d'y répondre, contrairement à ce que
vient de vous suggérer le professeur Alain Pellet.
La Cour est l'organe judiciaire principal des Nations Unies. Sa vocation est de dire le droit,
c'est donc sur le terrain du droit que je me placerai.
Si elle souhaite répondre, la Cour ne pourrait que conclure à une évidence. L'emploi des
armes nucléaires, ou la menace de cet emploi, ne sont certainement pas permis en toute circonstance.
Ils ne le sont que dans les circonstances tout à fait exceptionnelles où le droit international autorise
- 62 -
le recours à la force; c'est-à-dire, si l'on met à part l'application éventuelle du chapitre VII de la
Charte, dans le cas de l'exercice du droit de légitime défense.
La recherche d'une règle coutumière qui interdirait la menace ou l'emploi d'armes nucléaires
dans des circonstances ou la menace ou l'emploi de la force serait licite ne pourrait être que vaine.
* * *
En premier lieu, Monsieur le Président, je crois que quelques commentaires s'imposent - et je
m'excuse de reprendre certains points qui ont déjà été évoqués - sur le sens et la portée de la question
posée à la Cour par l'Assemblée générale.
Vous en connaissez le texte : «Est-il permis en droit international de recourir à la menace ou à
l'emploi d'armes nucléaires en toute circonstance ?».
25. A s'en tenir au sens naturel et ordinaire des termes employés, la question ainsi posée
paraît simple, voire même simpliste. Elle appelle, à vrai dire, une réponse évidente et également
simple que je me permettrai de suggérer de la façon suivante : «Non, le recours à la menace ou à
l'emploi d'armes nucléaires n'est pas permis en toute circonstance, dès lors que le droit international
consacré par le paragraphe 4 de l'article 2 de la Charte des Nations Unies prohibe le recours à la
menace ou à l'emploi de la force armée dans certaines circonstances, et que cette prohibition
concerne indistinctement toutes les catégories d'armes. Autrement dit, le recours aux armes
nucléaires ou la menace de leur emploi ne sont pas permis dans les cas où le recours à la force armée
ou la menace du recours à la force sont interdits par le droit international.»
Telle est la réponse qui devrait naturellement venir à l'esprit de la Cour si celle-ci décidait de
répondre à la demande d'avis qui lui a été adressée, et nous pensons que cette réponse à caractère
général serait parfaitement adaptée à la question posée dont on vient de voir le caractère également
tout à fait général.
26. Compte tenu cependant du fait qu'un certain nombre d'Etats invitent la Cour à aller
au-delà du texte et du sens ordinaire de la question, le Gouvernement français croit devoir analyser
les objectifs poursuivis par les auteurs de ces questions, pour voir quelles autres interprétations
pourraient en être envisagées et à quelles conclusions elles pourraient conduire si elles étaient
- 63 -
retenues par la Cour.
Nous l'avons déjà souligné dans nos observations qui viennent d'être faites, l'objectif est
d'obtenir de la Cour une réponse selon laquelle le recours à la menace ou à l'emploi des armes
nucléaires ne serait permis en droit international en aucune circonstance - au singulier dans la
version française. Autrement dit, la Cour devrait dire que, quelles que soient les circonstances en
cause, le droit international interdirait le recours à la menace ou à l'emploi des armes nucléaires.
27. En réalité, ce que l'on attend de vous, c'est de rechercher s'il existe des circonstances, et
quelles sont ces circonstances où la menace ou l'emploi des armes nucléaires serait interdit, alors que
la menace ou l'emploi de la force ne le serait pas. Vous ne pouvez vous livrer à cette recherche qu'au
regard du droit international général et coutumier, comme vient de le dire le professeur Alain Pellet.
Je crois en effet utile de préciser : le droit international général et coutumier. Car si la Cour attribue
à la question qui lui a été posée l'interprétation extensive que je viens d'évoquer, elle estimerait
nécessairement que par sa généralité, une telle question appelle une réponse valable pour tous les
Etats sans exception, indépendamment des engagements conventionnels que peut avoir chacun de ces
Etats.
28. La portée de la question posée doit en outre s'apprécier au regard du principe fondamental
selon lequel les limitations de souveraineté ne se présument pas. Ce principe a été énoncé pour la
première fois par la Cour dans son arrêt du 7 septembre 1927 relatif à l'affaire du Lotus (C.I.J. série
A n° 10, p. 18). La liberté des Etats d'exercer leurs droits ne dépend pas de règles permissives. De
telles règles ne sont nécessaires que pour apporter des exceptions à des règles prohibitives.
Ce principe selon lequel les limitations de souveraineté ne se présument pas a pour
conséquence nécessaire qu'en l'absence de règles prohibant expressément le recours à la menace ou à
l'emploi d'armes nucléaires en toute circonstance, ce recours doit être considéré comme licite, hors
les circonstance particulières où il serait interdit.
29. La Cour a elle-même consacré le droit des Etats de déterminer l'organisation de leur
défense et de choisir librement les moyens de défense qui leur conviennent, sauf règle prohibitive
spéciale. Ainsi dans son arrêt du 27 juin 1986 dans l'affaire des activités militaires au Nicaragua et
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contre celui-ci, elle a déclaré : «il n'existe pas en droit international de règles, autres que celles que
l'Etat intéressé peut accepter, par traité ou autrement, imposant la limitation du niveau d'armement
d'un Etat souverain, ce principe étant valable pour tous les Etats sans distinction»
(C.I.J. Recueil 1986, p. 135).
30. En conséquence, si la Cour, par impossible, en venait à interpréter la question posée de
façon extensive, elle devrait examiner non pas si le droit international général ou coutumier permet le
recours à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires en toute circonstance, mais s'il l'interdit ou s'il
ne l'interdit pas.
31. A cette question, Monsieur le Président, le Gouvernement français estime que la réponse
est claire. Le droit international général n'interdit pas le recours à la menace ou à l'emploi d'armes
nucléaires dans les circonstances où le recours à la force est licite. Une telle interdiction ne peut être
déduite ni du principe du non-recours à la force ni d'aucune autre règle de droit international général.
32. Vous me permettrez, Monsieur le Président, de revenir sur ces deux points séparément.
Avec votre permission, j'évoquerai rapidement le principe du non-recours à la force. Ce principe,
repris par le paragraphe 4 de l'article 2 de la Charte, n'interdit la menace ou l'emploi des armes
nucléaires que dans les limites qu'il fixe pour toute menace ou tout emploi des armes en général.
33. Tel qu'il est consacré par la Charte, ce principe s'applique à toute menace et à tout emploi
des armes, quelle que soit leur nature. Au regard de ce principe, la menace ou l'emploi d'armes
nucléaires sont soumis aux mêmes restrictions que la menace ou l'emploi d'autres armes; ils sont
donc licites dans les mêmes conditions.
34. Monsieur le Président, le terme «menace» ne comporte aucune définition dans la Charte,
c'est d'ailleurs également le cas des principales notions qu'utilise celle-ci dans le domaine du maintien
de la paix et de la sécurité. Ce silence peut s'expliquer par le pouvoir d'appréciation que détient le
Conseil de sécurité dans ce domaine.
On peut aussi estimer que la «menace» de l'éventualité d'un usage d'armes suppose des
éléments caractérisés qui la distinguent, par exemple, du «risque» ou de l'éventualité dans l'usage des
armes.
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On considère que la «menace» au sens de l'article 2, paragraphe 4, de la Charte implique un
élément de coercition en vue d'amener un Etat à une conduite ou à des actes différents de ceux qu'il
pourrait librement choisir. Pour qu'un comportement tombe sous le coup de cette disposition, il faut
qu'il émane d'un ou plusieurs Etats déterminés; il faut qu'il soit dirigé contre un ou plusieurs Etats;
enfin il faut qu'il soit clairement formulé par celui qui l'exerce dans une circonstance précise ou qu'il
résulte sans équivoque de cette attitude.
35. En outre, cette disposition prohibe la menace du recours à la force, «soit contre l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les
buts des Nations Unies». On ne peut donc apprécier la licéité d'une menace d'emploi de la force
qu'en fonction des objectifs de cette menace et des formes que pourrait prendre sa mise en oeuvre.
Les restrictions que l'article 2, paragraphe 4, apporte en matière de recours à la force militaire
sont expressément étendues à la menace. Dès lors, une menace de recours illicite à la force,
notamment par le moyen d'armes nucléaires, serait évidemment illicite. Si le recours à la force n'est
pas en lui-même illicite, sa menace ne l'est pas davantage. En d'autres termes, une menace de
recours à la force est licite dans les cas où le recours à la force est lui-même licite; elle est illicite si
le recours à la force qui fait l'objet de la menace est illicite.
36. La Charte précise les cas où la menace de recours à la force, comme ce recours lui-même,
sont illicites. Elle réserve expressément dans son article 51 le droit «naturel» de légitime défense
individuelle ou collective et elle prévoit par ailleurs, dans son chapitre VII, l'éventualité d'une
décision, par le Conseil de sécurité, de recours à la force.
Il n'est donc pas possible de trouver dans le jus ad bellum une interdiction de la menace
d'emploi d'armes nucléaires.
37. Monsieur le Président, l'analyse que je viens de faire concernant la menace d'emploi de ces
armes vaut en ce qui concerne le recours à ces armes.
Ce recours serait un acte illicite s'il violait le principe du non-recours à la force, mais son
illicéité tiendrait alors à la violation de ce principe et non au moyen lui-même employé pour
accomplir cette violation, c'est-à-dire aux armes qui seraient utilisées.
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En revanche, le recours aux armes nucléaires est autorisé en cas d'exercice du droit naturel de
légitime défense individuelle ou collective. En effet, ni le droit coutumier applicable à la légitime
défense ni l'article 51 de la Charte ne réglementent ni ne limitent les moyens militaires par lesquels
les Etats peuvent exercer ce droit.
Certains on cru pouvoir avancer que le recours aux armes nucléaires ne pourrait respecter la
règle coutumière, rappelée par la Cour dans son arrêt qui vient d'être évoqué à plusieurs reprises
dans l'affaire du Nicaragua (C.I.J. Recueil 1986, p. 94, Nicaragua), selon laquelle la légitime
défense «ne justifierait que des mesures proportionnées à l'agression subie, et nécessaires pour y
riposter». Ces affirmations sont sans fondement. Ces exigences ne s'opposent pas au principe de
l'emploi d'armes nucléaires.
Sur ce point, je me permets de rappeler ce qu'écrivait le regretté Roberto Ago dans le rapport
à la Commission du droit international sur la responsabilité des Etats :
«En soulignant l'exigence du caractère nécessaire de l'action menée en état de légitime
défense, on veut insister sur le point que l'Etat agressé ne doit en l'occurrence pas avoir eu de moyen
autre d'arrêter l'agression que le recours à l'emploi de la force armée.» (Annuaire de la CDI, 1980,
vol. II, première partie, p. 67.)
Dans le même texte, Roberto Ago rappelle (ibid., p. 67-68) :
«L'exigence dite de la proportionnalité de l'action commise en état de légitime
défense a trait ... au rapport entre cette action et le but qu'elle se propose d'atteindre, à
savoir ... arrêter et repousser l'agression.»
Mon gouvernement partage pleinement ces points de vue. L'évaluation de la nécessité et de la
proportionnalité des mesures de riposte à l'agression dépend de la nature de l'agression, de son
ampleur, du risque qu'elle fait courir et de l'adaptation de ces mesures au but défensif recherché.
Les critères de nécessité et de proportionnalité ne peuvent en eux-mêmes permettre d'exclure
in abstracto l'utilisation d'une arme déterminée, quelle qu'elle soit, et notamment de l'arme nucléaire,
si cette utilisation a pour but de faire face à une agression ou qu'elle apparaît comme le moyen
adapté. Une autre conclusion viderait la notion de légitime défense de son sens et de sa portée. En
tout état de cause, il n'appartient pas à une instance judiciaire d'établir à priori de réglementation
dans ce domaine.
C'est au Conseil de sécurité, saisi en vertu de l'article 51 de la Charte, qu'il revient dans
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chaque cas d'apprécier les différents éléments d'une situation. L'Etat éventuellement victime d'une
agression dispose de sa propre liberté d'appréciation jusqu'à ce que le Conseil ait pris les mesures
nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Le Conseil de sécurité peut, s'il
l'estime nécessaire dans un cas particulier, demander à votre haute juridiction un avis consultatif
pour éclairer son action.
Je rappellerai enfin qu'on ne saurait par principe exclure un recours à la menace ou à l'emploi
d'armes nucléaires dans le cas d'actions décidées ou autorisées par le Conseil de sécurité en
application du chapitre VII de la Charte.
* * *
38. Je pense avoir ainsi montré, Monsieur le Président, que, comme l'estime mon
gouvernement, il est impossible de tirer des règles du droit international relatives au recours à la
force un principe d'illicéité de l'emploi de l'arme nucléaire ou de la menace de cet emploi. Je me
tiendrai, Monsieur le Président, à la disposition de la Cour pour poursuivre cet exposé au moment
qui lui plaira. Merci, Monsieur le Président.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Perrin de Brichambaut. La Cour reprendra ses
audiences publiques demain matin jeudi 2 novembre à 10 heures.
L'audience est levée à 13 h 08.
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Audience publique tenue le mercredi 1er novembre 1995, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Bedjaoui, président

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