Audience publique tenue le vendredi 3 février 1995, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Bedjaoui, président

Document Number
084-19950203-ORA-01-00-BI
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
1995/6
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CR 95/6
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
ANNEE 1995
Audience publique
tenue le vendredi 3 février 1995, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Bedjaoui, Président
en l'affaire relative au Timor oriental
(Portugal c. Australie)
____________
COMPTE RENDU
____________
YEAR 1995
Public sitting
held on Friday 3 February 1995, at 10 a.m., at the Peace Palace,
President Bedjaoui presiding
in the case concerning East Timor
(Portugal v. Australia)
_______________
VERBATIM RECORD
_______________
- 2 -
Présents : M. Bedjaoui, Président
M. Schwebel, Vice-Président
M. Oda
Sir Robert Jennings
MM. Guillaume
Shahabuddeen
Aguilar Mawdsley
Weeramantry
Ranjeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer
Koroma
Vereshchetin, juges
Sir Ninian Stephen
M. Skubiszewski, juges ad hoc
M. Valencia-Ospina, Greffier
- 3 -
Present: President Bedjaoui
Vice-President Schwebel
Judges Oda
Sir Robert Jennings
Guillaume
Shahabuddeen
Aguilar Mawdsley
Weeramantry
Ranjeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer
Koroma
Vereshchetin
Judges ad hoc Sir Ninian Stephen
Skubiszewski
Registrar Valencia-Ospina
- 4 -
Le Gouvernement de la République portugaise est représenté par :
S. Exc. M. António Cascais, ambassadeur de la République portugaise
auprès du Gouvernement de S. M. la Reine des Pays-Bas,
comme agent;
M. José Manuel Servulo Correia, professeur à la faculté de droit de
l'Université de Lisbonne et avocat au barreau du Portugal,
M. Miguel Galvão Teles, avocat au barreau du Portugal,
comme coagents, conseils et avocats;
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l'Université Panthéon-Assas
(Paris II) et directeur de l'Institut des hautes études
internationales de Paris,
Mme Rosalyn Higgins, Q.C., professeur de droit international à
l'Université de Londres,
comme conseils et avocats;
M. Rui Quartin Santos, ministre plénipotentiaire, ministère des
affaires étrangères,
M. Francisco Ribeiro Telles, premier secrétaire d'ambassade,
ministère des affaires étrangères,
comme conseillers;
M. Richard Meese, avocat, associé du cabinet Frere Cholmeley, Paris,
M. Paulo Canelas de Castro, assistant à la faculté de droit de
l'Université de Coimbra,
Mme Luisa Duarte, assistante à la faculté de droit de l'Université de
Lisbonne,
M. Paulo Otero, assistant à la faculté de droit de l'Université de
Lisbonne,
M. Iain Scobbie, Lecturer in Law à la faculté de droit de
l'Université de Dundee, Ecosse,
Mlle Sasha Stepan, Squire, Sanders & Dempsey, Counsellors at Law,
Prague,
comme conseils;
M. Fernando Figueirinhas, premier secrétaire de l'ambassade de la
République portugaise à La Haye,
comme secrétaire.
- 5 -
The Government of the Portuguese Republic is represented by:
H. E. António Cascais, Ambassador of the Portuguese Republic to the
Government of H.M. The Queen of the Netherlands,
as Agent;
Mr. José Manuel Servulo Correia, Professor in the Faculty of Law of
the University of Lisbon and Member of the Portuguese Bar,
Mr. Miguel Galvão Teles, Member of the Portuguese Bar,
as Co-Agents, Counsel and Advocates;
Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor at the University of Paris II
(Panthéon-Assas) and Director of the Institut des hautes études
internationales of Paris,
Mrs. Rosalyn Higgins, Q.C., Professor of International Law at the
University of London,
as Counsel and Advocates;
Mr. Rui Quartin Santos, Minister Plenipotentiary, Ministry of Foreign
Affairs,
Mr. Francisco Ribeiro Telles, First Embassy Secretary, Ministry of
Foreign Affairs,
as Advisers;
Mr. Paulo Canelas de Castro, Assistant in the Faculty of Law of the
University of Coimbra,
Mrs. Luisa Duarte, Assistant in the Faculty of Law of the University
of Lisbon,
Mr. Paulo Otero, Assistant in the Faculty of Law of the University of
Lisbon,
Mr. Iain Scobbie, Lecturer in Law in the Faculty of Law of the
University of Dundee, Scotland,
Miss Sasha Stepan, Squire, Sanders & Dempsey, Counsellors at Law,
Prague,
as Counsel;
Mr. Fernando Figueirinhas, First Secretary of the Portuguese Embassy in The Hague,
as Secretary.
- 6 -
Le Gouvernement du Commonwealth d'Australie est représenté par :
M. Gavan Griffith, Q.C., Solicitor-General d'Australie,
comme agent et conseil;
S. Exc. M. Michael Tate, ambassadeur d'Australie aux Pays-Bas et
ancien ministre de la justice,
M. Henry Burmester, conseiller principal en droit international,
bureau du droit international, services de l'Attorney-General
d'Australie,
comme coagents et conseils;
M. Derek W. Bowett, Q.C., professeur émérite, ancien titulaire de la
chaire Whewell à l'Université de Cambridge,
M. James Crawford, titulaire de la chaire Whewell de droit
international à l'Université de Cambridge,
M. Alain Pellet, professeur de droit international à l'Université de
Paris X-Nanterre et à l'Institut d'études politiques de Paris,
M. Christopher Staker, conseiller auprès du Solicitor-General
d'Australie,
comme conseils;
M. Christopher Lamb, conseiller juridique au département des affaires
étrangères et du commerce extérieur d'Australie,
Mme Cate Steains, deuxième secrétaire à l'ambassade d'Australie aux
Pays-Bas,
M. Jean-Marc Thouvenin, maître de conférences à l'Université du Maine
et à l'Institut d'études politiques de Paris,
comme conseillers.
- 7 -
The Government of Australia is represented by:
Mr. Gavan Griffith, Q.C., Solicitor-General of Australia,
as Agent and Counsel;
H.E. Mr. Michael Tate, Ambassador of Australia to the Netherlands and
former Minister of Justice,
Mr. Henry Burmester, Principal International Law Counsel, Office of
International Law, Attorney-General's Department,
as Co-Agents and Counsel;
Mr. Derek W. Bowett, Q.C., Whewell Professor emeritus, University of
Cambridge,
Mr. James Crawford, Whewell Professor of International Law,
University of Cambridge,
Mr. Alain Pellet, Professor of International Law, University of Paris X-Nanterre
and Institute of Political Studies, Paris,
Mr. Christopher Staker, Counsel assisting the Solicitor-General of
Australia,
as Counsel;
Mr. Christopher Lamb, Legal Adviser, Australian Department of Foreign
Affairs and Trade,
Ms. Cate Steains, Second Secretary, Australian Embassy in the
Netherlands
Mr. Jean-Marc Thouvenin, Head Lecturer, University of Maine and
Institute of Political Studies, Paris,
as Advisers.
- 8 -
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. La Cour reprend ses audiences de plaidoirie en
l'affaire de East Timor (Portugal c. Australie) et je donne la parole au professeur
Pierre-Marie Dupuy qui devait achever son intervention commencée hier.
M. DUPUY : Je vous remercie, Monsieur le Président.
Hier matin, j'avais commencé la démonstration du fait que l'établissement de la responsabilité
d'un Etat tiers à notre instance ne constitue nullement un préalable à la mise en oeuvre de la
responsabilité internationale de l'Australie dans la présente affaire.
Je m'étais efforcé de le montrer en m'appuyant d'abord sur les caractères des obligations
violées, telles qu'elles dérivent des différentes sources de droit applicables. L'Australie a commis ses
propres illicites, totalement distincts de ceux de l'Indonésie, aussi bien rationae temporis que
rationae materiae. Sa responsabilité est donc parfaitement autonome. Nous avons ensuite constaté
que l'on parvient exactement à la même conclusion en application des règles les plus classiques du
droit de la responsabilité internationale des Etats, telles qu'en particulier codifiées dans la première
partie du projet de la Commission du droit international; et j'avais illustré, pour finir, mon propos
par une confirmation a fortiori de cette conclusion, en montrant qu'en toutes situations, y compris
celles les plus éloignées du cas de l'espèce, le droit international en reste à la règle selon laquelle
chacun est responsable de ses propres illicites. J'avais donc conclu sur le constat qu'en aucune
manière, le critère défini par votre jurisprudence dans l'affaire de l'Or monétaire ne se trouvait
vérifié dans la présente affaire et c'est ce dernier point que je vais à présent illustrer.
C. Clarté du critère posé dans l'affaire de l'Or monétaire et précision
croissante des conditions de sa mise en oeuvre
1. Le critère
On est en effet frappé par la clarté du critère posé dans l'affaire de l'Or monétaire et par la
précision croissante des conditions de sa mise en oeuvre.
En 1954, à l'occasion de l'affaire de l'Or monétaire pris à Rome en 1943, la Cour avait énoncé
sans ambiguïté le critère de son incompétence lorsque le défaut de participation à l'instance d'un Etat
tiers s'avère un obstacle incontournable au règlement du différend. On peut, en paraphrasant le
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passage pertinent de l'arrêt, tirer de la jurisprudence de l'Or monétaire que la Cour ne peut se
prononcer au fond chaque fois qu'en l'espèce, les intérêts juridiques de l'Etat tiers concerné «seraient
non seulement touchés par une décision, mais constitueraient l'objet même de ladite décision»1
. Dans
les circonstances complexes de l'affaire de l'Or monétaire, au coeur de laquelle se trouvait la
question de la responsabilité d'un Etat tiers à l'instance, l'Albanie, la Cour énonça le critère qui
précède dans les termes suivants :
«En l'espèce, les intérêts juridiques de l'Albanie seraient non seulement touchés
par la décision, mais constitueraient l'objet même de ladite décision. En pareil cas, le
Statut ne peut être considéré comme autorisant implicitement la continuation de la
procédure en l'absence de l'Albanie.»
L'absence de compétence de la Cour pour défaut de la partie indispensable constitue au
demeurant un argument tentant pour les Etats soucieux d'échapper à sa juridiction. Ainsi, entre
l'affaire jugée en 1954 et la présente affaire, on rencontre notamment l'argument de la partie
indispensable en 1984, lors de l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique) dans laquelle les Etats-Unis invoquèrent en
leur faveur le précédent de l'Or monétaire; en 1990, devant une Chambre de la Cour, ce fut le
Nicaragua cette fois qui, à son tour, mais dans l'affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et
maritime (El Salvador/Honduras), invoqua le précédent de 1954 pour prévenir un arrêt de la
Chambre. Ou tout au moins un arrêt dans lequel il ne serait pas considéré comme une partie de
plein-pied. Enfin, dans l'affaire relative à Certaines terres à phosphates à Nauru, l'Australie a déjà,
comme dans la présente affaire, soulevé une exception pratiquement identique, en suggérant à la
Cour de se déclarer incompétente en l'absence du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande. On verra
d'ailleurs que dans d'autres affaires récentes, d'une façon ou d'une autre, le même argument a été
évoqué.
Sans doute n'y a-t-il pas lieu d'épiloguer sur la fréquence de cette invocation mais elle ne laisse
de poser certains problèmes. Elle manifeste sans doute le penchant propre à des plaideurs cherchant
à faire écran à la compétence de la Cour et ceci peut s'expliquer par différentes considérations dont
l'une, souvent invoquée, tiendrait à la complexité croissante des litiges internationaux2
. Il me semble
qu'il ne faut pas s'arrêter là et qu'une invocation de ce type manifeste aussi, il faut bien le dire, une
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défiance à l'égard de la Cour internationale de Justice exprimée par trop d'Etats ayant par ailleurs
reconnu d'une manière ou d'une autre sa compétence mais redoutant ensuite qu'elle l'exerce à leurs
dépens. Cet état de choses explique et justifie que la Cour ait cherché, tout en maintenant sa
jurisprudence de l'Or monétaire, à cerner de plus en plus nettement au fil de ses arrêts les contours
de son champ d'application.
2. Précision croissante des conditions de mise en oeuvre du critère de
la partie indispensable
Ce qui frappe en effet dans tous les cas précités, c'est certes la constance avec laquelle votre
jurisprudence maintient celle de l'Or monétaire. Nul ne songerait à le nier et il n'y a pas lieu à cet
égard de revenir sur les arguments de l'Australie dans sa duplique qui tendraient à faire penser que le
Portugal remet en cause le bien-fondé de l'Or monétaire. Mais le second trait, non moins marquant,
au-delà de la fermeté et de la constance, c'est le souci de cerner le champ de cette incompétence.
Et on est obligé ici de revenir, comme la Cour l'a elle-même fait, sur les circonstances très
particulières illustrées par le fait que le constat d'incompétence effectué dans l'affaire de l'Or
monétaire n'a jamais plus par la suite trouvé à s'appliquer.
Ainsi que l'indique l'arrêt de 1954 lui-même, ces circonstances étaient en effet tout à fait
spécifiques. Deux prétentions concurrentes s'y affrontaient à l'égard d'une même part de l'or
monétaire pris à Rome par les Allemands en 1943. D'une part, celle de la Grande-Bretagne, qu'elle
exerçait en vue d'effectuer une sorte de saisie-arrêt sur la part de l'or revenant à l'Albanie; ceci en
paiement des indemnités dues par ce pays au Royaume-Uni en conséquence du jugement rendu par la
Cour dans l'affaire du Détroit de Corfou; d'autre part, la prétention formulée par l'Italie, qui déclarait
également avoir droit à réparation d'un autre délit, que l'Albanie était réputée avoir commis à son
égard. Cette circonstance produisit d'ailleurs un résultat qualifié non sans un certain humour par la
Cour d'«insolite», puisqu'on vit, dans cette affaire, une partie demanderesse soulever elle-même une
exception préliminaire !
C'est ce qui explique que dans l'affaire de l'Or monétaire pris à Rome en 1943, un préalable
indispensable à la satisfaction de la requête du demandeur était constitué par un prononcé de la Cour
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sur la réalité de la responsabilité internationale de l'Albanie, Etat tiers à l'instance. Comme l'a
observé un membre de la Cour à propos de cette espèce singulière :
«En cette affaire il n'était pas demandé à la Cour de rendre une décision statuant
entre les Parties à l'instance en se fondant sur des motifs susceptibles d'être étendus à un
Etat qui n'y était pas partie; la décision aurait statué directement sur la responsabilité de
l'Etat qui n'était pas partie et entraîné des effets concrets de caractère dispositif en droit
quant à la propriété reconnue de l'or.»3
De fait, la Cour internationale de Justice ne peut, à l'inverse de beaucoup de juridictions
internes, ordonner la comparution d'un tiers dont elle jugerait la présence indispensable à la solution
du différend. La question est alors celle de savoir si, privée de la participation de ce tiers à
l'instance, la Cour est malgré tout à même de rendre la justice dans le cas qui lui est soumis.
Or, ce type de situation demeure très exceptionnel. Ainsi que la Cour l'a remarqué elle-même
en 1984 :
«Les circonstances de l'affaire de l'Or monétaire marquent vraisemblablement la
limite du pouvoir de la Cour de refuser d'exercer sa juridiction.»4
Comme la Cour elle-même prit la peine de le rappeler dans le dernier arrêt qu'elle ait rendu à
ce sujet5
, c'est d'abord en 1984 qu'elle eût à revenir sur l'Or monétaire. Iimmédiatement après avoir
repris le critère retenu en 1954, elle ajoutait :
«En revanche lorsque des prétentions d'ordre juridique sont formulées par un
demandeur contre un défendeur dans une instance devant la Cour et se traduisent par
des conclusions, la Cour, en principe, ne peut que se prononcer sur ces conclusions,
avec effet obligatoire pour les parties et pour nul autre Etat, en vertu de l'article 59 du
Statut.»6
Est-il besoin de rappeler qu'en la présente affaire, des prétentions d'ordre juridique sont
formulées par le Portugal contre l'Australie et contre elle seulement et qu'elles se traduisent par des
conclusions ?
Ultérieurement, dans l'affaire de Certaines terres à phosphates à Nauru, lorsque, déjà, elle se
trouvait confrontée au refus de sa compétence par l'Australie, la Cour a insisté sur ce qu'on pourrait
appeler le «critère du préalable». Si elle a en effet refusé de faire droit à l'exception australienne
selon laquelle l'engagement de sa propre responsabilité ne pourrait pas aller sans celui des deux
autres Etats parties à l'accord de tutelle sur Nauru, c'est en prenant bien soin de distinguer cette
situation de celle qui prévalait dans l'affaire de 1954. Elle le fit en indiquant :
- 12 -
«Dans la présente espèce, la détermination de la responsabilité de la
Nouvelle-Zélande ou du Royaume-Uni n'est pas une condition préalable à la
détermination de la responsabilité de l'Australie.»
De la même manière, le seul objet de la demande du Portugal, c'est l'établissement de la
responsabilité de l'Australie. On est ici dans un cas encore plus clair, s'il est possible, que celui de
Nauru, tant l'identité et la spécificité des faits illicites respectivement imputables à l'Australie et à
l'Indonésie sont manifestes. La règle de l'individualisation de la responsabilité, déjà rigoureusement
appliquée par la Cour dans l'affaire de Nauru trouve ainsi d'autant plus de raisons de s'appliquer
dans notre espèce. La requête portugaise porte sur la méconnaissance des qualités respectives du
Timor et du Portugal, pas sur les illicites de l'Indonésie.
Bien entendu, si un certain état de fait n'avait pas été créé par l'Etat tiers à notre différend,
l'occasion n'aurait pas été créée à l'Australie de pouvoir respecter ou de pouvoir violer son obligation
de respecter les droits du peuple du Timor. Mais, Messieurs de la Cour, il s'agit ici d'une
circonstance de fait. Elle se contente de créer objectivement les conditions matérielles de la
réalisation ou de la méconnaissance par un sujet de droit des obligations qui sont les siennes, et on
trouve des situations de ce type aussi bien en droit interne qu'en droit international.
Lorsqu'un automobiliste rencontre la victime d'un accident de la route arrivé quelques minutes
plus tôt mais qu'il refuse de s'arrêter pour lui porter secours, il se rend bel et bien, lui-même,
responsable d'un délit de «non-assistance à personne en danger»; et ceci peut être jugé par les
tribunaux sans qu'ils aient, au préalable, à établir la responsabilité du tiers qui a causé l'accident.
Comme le montrent déjà les exemples jurisprudentiels qui précèdent, on constate qu'au delà de
la circonstance de sa référence au critère posé dans l'affaire de l'Or monétaire, la Cour a voulu
également insister sur une distinction qui lui paraît fondamentale, celle qui existe entre «droits» des
tiers constituant l'objet même de la décision - on retrouve ici le critère de l'Or monétaire - et «intérêts
juridiques» du tiers concerné par le différend. C'est cette distinction qu'il me paraît nécessaire
d'examiner un peu plus précisément à présent.
- 13 -
D. La distinction entre droit du tiers constituant l'objet même de la
décision et intérêt juridique du tiers concerné par le différend
Dans l'affaire de l'Or monétaire, la responsabilité de l'Albanie constituait l'objet même du
différend parce que c'était son droit qui était en cause. En revanche, dans l'arrêt rendu en 1984, la
Cour a estimé que les Etats d'Amérique centrale (Costa-Rica, El Salvador, Honduras) ne pouvaient
avoir qu'un intérêt d'ordre juridique concerné par le prononcé de son arrêt au fond, ce qui suffisait à
les placer dans une situation autre que celle de l'Albanie en 1954.
Un peu plus tard, en 1986, une Chambre de la Cour eut également l'occasion de faire une
remarque analogue, lors de l'affaire relative au Différend frontalier, qui opposait alors le Burkina
Faso au Mali. Il s'agissait du point d'aboutissement de la frontière entre l'un et l'autre, alors que ce
point se situe là où commence le territoire d'un troisième Etat, le Niger, qui était tiers à l'instance7
.
C'était le fameux point triple des monts N'Gouma.
Plus tard encore, lors de l'examen de la demande d'intervention du Nicaragua dans l'affaire du
Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador Honduras), requête à fin
d'intervention, du moins lorsque la Cour a examiné la requête du Nicaragua à fin d'intervention, la
Chambre prit d'autant plus de soin à faire la distinction entre intérêt d'ordre juridique et objet même
du différend constitué par le droit du tiers que la demande d'intervention nicaraguayenne elle-même
était en partie fondée sur l'invocation du précédent constitué par l'affaire de l'Or monétaire8
. Il
s'agissait en effet de déterminer le statut juridique des eaux de la seule baie historique trinationale
existant au monde et l'on aurait pu penser a priori qu'il serait fort difficile à la Chambre de la Cour
de trancher cette question entre deux des coriverains sans du même coup mettre directement en cause
les droits du troisième.
Cependant, ayant recouru à la distinction entre droits et intérêts d'ordre juridique mentionnés à
l'article 62 du Statut relativement au droit d'intervention, la Chambre refusa de suivre le Nicaragua
qui prétendait à l'invocation du précédent de l'Or monétaire. Elle l'autorisa à intervenir, parce que sa
«décision affectait ... évidemment un intérêt d'ordre juridique du Nicaragua; mais même ainsi cet
intérêt ne constituait pas l'objet même de ladite décision» contrairement à ce qu'étaient les droits de
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l'Albanie dans l'affaire de l'Or monétaire9
.
La Cour devait d'ailleurs montrer ultérieurement dans l'affaire de Nauru que la circonstance
d'après laquelle le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande étaient parties à l'accord de tutelle sur
Nauru, dans des conditions juridiquement identiques à celles du défendeur, n'avait cependant pas
pour effet de leur donner autre chose qu'un éventuel intérêt à l'arrêt apportant solution à l'affaire en
cause. Elle le fit dans les termes suivants :
«Dans la présente affaire, toute décision de la Cour sur l'existence ou le contenu
de la responsabilité que Nauru impute à l'Australie pourrait certes avoir des incidences
sur la situation juridique des deux autres Etats concernés, mais la Cour n'aura pas à se
prononcer sur cette situation juridique pour prendre sa décision sur les griefs formulés
par Nauru contre l'Australie. Par voie de conséquence, la Cour ne peut refuser
d'exercer sa juridiction.»10
Il faut constater qu'un tel résultat put au demeurant être acquis sur la base de deux raisons
convergentes; l'une est la règle de droit de la responsabilité déjà examinée selon laquelle chacun est
responsable de ses propres actes; l'autre est la distinction que l'on examine à présent entre droit
constituant l'objet du différend et intérêt.
De l'avis du Portugal, et compte tenu des différences de situations existant entre l'affaire de
Nauru et la présente espèce, si la Cour a pu statuer comme elle l'a fait dans l'affaire de Nauru, il ne
peut ici a fortiori qu'en aller de même. En effet, on ne retrouve même pas en l'occurrence de lien de
droit invocable entre l'Australie et l'Indonésie qui soit seulement analogue à l'accord de tutelle, quant
à lui parfaitement légal, qui liait l'Australie aux deux autres Etats exerçant la tutelle.
Dans le cadre d'un procès international, prétendre empêcher la Cour de statuer sans la
présence d'un ou d'autres Etats tiers alors même que les parties à l'instance ont accepté sa juridiction
reviendrait à restreindre gravement l'exercice des compétences de votre haute juridiction.
E. Plénitude d'exercice de sa fonction judiciaire par la Cour
Or, s'il est un principe sur lequel vous avez toujours insisté, c'est la nécessité pour la Cour
d'exercer la pléniture de sa fonction judiciaire. On pourrait dire que, selon sa jurisprudence, la Cour
n'exerce «Rien que sa compétence, mais toute sa compétence.»
Ainsi, en 1984, examinant cette fois la requête de l'Italie aux fins d'intervention dans l'affaire
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opposant Malte à la Libye relativement à la délimitation du plateau continental, la Cour déclarait
qu'à moins d'en être empêchée par la réalisation du critère établi dans l'affaire de Or monétaire pris à
Rome en 1943, elle devait essayer «de se prononcer aussi complètement que possible dans les
circonstances de chaque espèce»11
.
De la même manière, comme devait l'affirmer un peu plus tard la Chambre de la Cour dans
l'affaire du Différend frontalier opposant le Burkina Faso au Mali :
«en l'absence de considérations qui [peuvent] l'amener à ne pas statuer
(C.I.J. Recueil 1974, p. 271, par. 58), la Cour a le devoir d'exercer les fonctions que lui
confère son Statut. Par ailleurs, la Cour a encore confirmé récemment le principe
suivant lequel elle ne doit pas exercer la compétence que lui ont reconnue les Parties,
mais ... doit exercer toute cette compétence (Plateau continental (Jamahiriya arabe
libyenne/Malte), C.I.J. Recueil 1985, p. 23).»12
Le souci de la Cour d'exercer toute sa juridiction n'est nullement entravé lorsque l'une des parties
tente, comme c'est ici le cas, de s'en prémunir en invoquant la contagion de ses effets aux tiers d'une
façon ou d'une autre. Que l'on revienne par exemple un instant sur les circonstances examinées par
la Chambre de la Cour lors de la demande d'intervention du Nicaragua dans l'affaire
Honduras/El Salvador : l'une des parties à l'instance, le Honduras, et l'on peut citer ici les propres
termes de l'arrêt du 13 septembre 1990, «tout en niant que l'arrêt de 1917 lui soit opposable, [il
s'agissait de l'arrêt de la Chambre centraéricaine] ne demand(ait) pas à la Chambre d'en prononcer la
nullité». Cela fut précisément relevé par la Chambre pour conclure que le prononcé de son arrêt
n'aurait pas de conséquence déterminante sur la situation politique du Nicaragua, par ailleurs l'une
des parties au différend jugé par la Cour de justice centraméricaine en 191713
.
Cette position fut d'ailleurs confirmée par la Chambre dans son arrêt au fond, rendu le 11
septembre 199214. La Chambre, dans le même arrêt, considéra qu'elle n'avait nul besoin de se
prononcer sur le caractère de res judicata de la sentence de 1917 pour rendre son propre arrêt
relativement à la détermination du statut juridique des eaux du golfe de Fonseca15
.
Peut-on, de la même, manière escompter de la Cour qu'elle exerce la plénitude de sa juridiction
alors que l'Etat dont la responsabilité est mise en cause par le demandeur croit pouvoir se protéger
par l'invocation d'un lien qui existerait entre ses agissements et un traité passé avec un Etat tiers à
l'instance ?
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II. L'AUTONOMIE DE LA DE L'AUSTRALIE N'EST PAS REMISE EN CAUSE PAR LE FAIT
QUE LA RESPONSABILITÉ UNE DES ILLICÉITÉS CONSISTE
DANS LA CONCLUSION D'UN ACCORD INTERNATIONAL
C'est ce que précisément l'Australie persiste à nier dans sa duplique comme dans son contremémoire,
«For in negotiaging, concluding and initiating the performances of the Treaty,
Australia and Indonesia acted together. Both States shared responsibility for those
acts, and for any international wrong to which they gave rise.»16
A ce type de question, cependant, la Cour a eu l'occasion de répondre en particulier dans
l'affaire de Nauru. Il est donc particulièrement utile d'y revenir même si l'on doit garder à l'esprit que
s'il existe des similitudes frappantes entre ces deux affaires, les circonstances qui leur ont donné lieu
comportent également des différences non négligleables.
Ainsi que la Cour le dit elle-même dans l'affaire de Nauru, l'Australie soutenait que :
«dans la mesure où les réclamations de Nauru se fondent sur le comportement de
l'Australie agissant en tant que l'un des trois Etats constituant l'autorité administrante en
vertu de l'accord de tutelle, la responsabilité de ce chef est de nature telle qu'une
réclamation ne saurait être présentée que contre les trois Etat pris conjointement et non
contre l'un d'entre eux à titre individuel»17
.
La Cour a refusé cette liaison. Elle a en effet estimé qu'il n'avait pas été démontré
«qu'une demande formulée contre l'un des trois Etats seulement doit être déclarée
irrecevable in limine litis au seul motif qu'elle soulève des questions relatives à
l'administration du territoire à laquelle participaient deux autres Etats».
Et la Cour poursuit, donnant ici la meilleure illustration de la règle d'individualisation de la
responsabilité
«En effet, il est indéniable que l'Australie était tenue d'obligation en vertu de
l'accord de tutelle, dans la mesure où elle était l'un des trois Etats qui constituaient
l'autorité administrante... »18
On peut donc dresser le constat suivant : dans l'affaire de Certaines terres à phosphates à
Nauru existait l'accord de tutelle liant l'Australie à deux autres Etats non présents à l'instance; cet
accord plaçait, qui plus est, en principe les trois parties sur un pied d'égalité; il fournissait la base
juridique qui réunissait leurs compétences pour l'exercice d'une tâche commune, la tutelle sur un
même territoire. Pourtant, la Cour ne s'est pas arrêtée à la nature de l'instrument juridique qui
unissait les trois responsables de la tutelle.
- 17 -
Faisant application de la règle selon laquelle revient «à chacun sa responsabilité», elle a
préféré s'en tenir au constat que, si l'accord de tutelle faisait naître des obligations à la charge de
l'Australie vis-à-vis du peuple du territoire de Nauru, cela suffisait. Ce faisant, elle écartait une
discussion qui avait longuement retenu les Parties : celle de savoir si les obligations liant l'Australie
au Royaume-Uni et à la Nouvelle-Zélande seraient conjointes, solidaires ou autres, distinctions au
sein desquelles, je le rappelais hier, l'Australie semble pourtant encore se débattre plus ou moins
confusément dans la présente affaire, puisqu'elle soutient concurremment que sa responsabilité serait
vis-à-vis de celle de l'Indonésie cette fois, consécutive ou simultanée.
Il faut néanmoins tirer de ce précédent jurisprudentiel deux conclusions claires :
La première, c'est la confirmation de la règle d'individualisation et d'autonomie de la
responsabilité.
La seconde, c'est que l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire de Nauru illustre une nouvelle
fois le fait que l'existence d'un lien conventionnel entre deux Etats n'empêche nullement que, selon les
cas, sa négociation, sa conclusion, ou même sa mise en oeuvre, si elles s'avèrent incompatibles avec
les obligations des parties contractantes vis-à-vis d'autres Etats, engagent individuellement la
responsabilité de chacun d'entre elles.
Cette règle s'applique d'autant plus en la présente affaire que les circonstances qui la
caractérisent se situent bien en-deça de celles de l'affaire de Nauru. Ceci est vrai en ce qui concerne
l'intensité aussi bien que la nature du lien juridique entre l'Australie et l'Etat tiers dont elle prétend
ici que la présence serait indispensable.
En la présente affaire, il n'existe en effet aucun lien équivalant à l'accord de tutelle qui liait,
légalement et également, les trois Etats précédemment nommés à l'égard de Nauru. On ne peut pas
placer sur le même pied l'accord de tutelle dans l'affaire de Nauru et l'accord de 1989. D'un côté,
l'accord de tutelle constituait un lien conventionnel opposable aux tiers, car pris dans le cadre du
droit des Nations Unies, et en principe, conclu pour mener à bien une entreprise d'émancipation d'un
peuple. De l'autre, et j'y insiste, l'objet du litige n'est pas un traité. C'est une conduite unilatérale
d'un Etat consistant à ouvrir des négociations, à les poursuivre, et à les faire aboutir avec un autre
- 18 -
Etat, en méconnaissance des droits du peuple du Timor et de ceux de sa puissance administrante.
En France, Monsieur le Président, comme sans doute aussi dans beaucoup de pays au monde,
les enfants ont coutume de jouer au jeu du «chat perché». Il consiste à échapper à la poursuite de
celui qui est chargé de les attraper, en grimpant sur toute marche ou sur tout objet présentant
quelque élévation par rapport au niveau du sol. Et bien, Messieurs de la Cour, sauf le respect dû à
une puissance souveraine, comme bien entendu à la Cour elle-même, j'ai parfois l'impression que
dans cette affaire, l'Australie jour à «chat perché». Pour échapper aux poursuites du Portugal, elle
veut se hisser sur l'accord de 1989 et puis se retourner vers lui, en lui tirant la langue, tout en lui
disant, ici, tu n'as pas le droit de m'attraper !
Pourtant, Messieurs les Juges, l'admission de cette sorte singulière de «chat perché»
conventionnel, dont les règles, au demeurant, ont été unilatéralement établies par un seul des joueurs,
serait à tous égards inadmissible. Elle le serait d'abord du point de vue normatif, tant elle saperait la
solidité de l'ordre juridique qui viendrait à l'admettre, en donnant le pouvoir à chacun de ses sujets
d'échapper au respect de ses normes.
Mais elle serait qui plus est inacceptable du point de vue juridictionnel, puisqu'elle
empêcherait la Cour d'exercer sa fonction contentieuse chaque fois qu'elle serait appelée à juger de la
responsabilité d'une Partie à l'instance qui invoquerait la relation de sa propre conduite avec les faits
illicites commis par un tiers dont elle serait le cocontractant. S'il devait en aller autrement, il
suffirait à tout Etat désirant échapper à ses responsabilités internationales d'établir avec d'autres un
lien juridique qui, d'une façon ou d'une autre, serait lié à ses propres agissements, pour prévenir toute
contestation de leur caractère illicite.
Au demeurant, s'il existe des doutes quant aux conditions dans lesquelles les intérêts du tiers
pourraient être respectés, dois-je rappeler que le statut n'est pas dépourvu d'instruments pour la
protection de ses intérêts. Et ce sera le dernier des points que j'examinerai devant vous.
D. Moyens et règles de droit protégeant les intérêts du tiers
Ces moyens - vous le savez bien sûr - sont au nombre de deux. L'un est la demande
d'intervention, l'autre est le caractère relatif,
- 19 -
c'est-à-dire restreint aux parties au différend, de l'autorité de la chose jugée.
1. Premier moyen : Il s'agit de la possibilité pour un Etat, lorsqu'il «estime que dans un
différend, un intérêt d'ordre juridique est pour lui en cause» d'«adresser à la Cour une requête, à fin
d'intervention».
Cet article 62, comme l'article 81 qui lui fait pendant dans le Règlement, est aujourd'hui doté
d'une interprétation bien établie sur la base d'une série de précédents récents. On ne saurait plus
prétendre qu'il offre aux Etats tiers à une instance des possibilités illusoires pour protéger leurs
intérêts, puisque la Cour a été amenée récemment à accorder au Nicaragua le droit d'intervention
dans l'affaire qui opposait le Honduras au Salvador.
Dans ces conditions, si l'Indonésie s'estimait affectée dans ses intérêts d'ordre juridique par la
décision demandée par le Portugal dans la présente espèce, ce n'était pas à l'Australie de s'en
préoccuper mais à l'Indonésie d'adresser, si elle le considérait opportun, une demande aux fins
d'intervention. Je dois constater qu'elle ne l'a pas fait. Son abstention peut avoir plusieurs
significations. L'une pourrait bien être, tout simplement, que l'Indonésie n'estime pas avoir d'intérêt
d'ordre juridique en cause dans la présente affaire, en dépit du zèle manifesté par l'Australie pour
protéger ses droits face à la Cour. L'autre, sait-on jamais, serait peut-être que l'Indonésie s'est défiée
d'une intervention parce que cette procédure aurait, nécessairement cette fois, amené la Cour à se
pencher sur la légalité internationale de ses comportements. Un doute, alors, l'a peut-être
soudainement effleurée...! Mais, en toutes hypothèses, Messieurs les juges, de même qu'il ne faut
pas être plus royaliste que le roi, il ne faut pas être plus indonésien que Djakarta !
2. L'autre disposition du Statut de la Cour, également destinée à protéger les intérêts des Etats
tiers, est bien entendu son article 59. Il indique que «la décision de la Cour n'est obligatoire que pour
les parties en litige et dans le cas qui a été décidé».
La Cour a rappelé le principe de l'autorité relative de la chose jugée en de si nombreuses fois
que je ne prendrai pas ici le temps de les citer. Je rappelle notamment, pour m'en tenir aux plus
récents, le précédent de 1984 dans l'arrêt relatif à sa compétence dans l'affaire des Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
- 20 -
d'Amérique)19. L'arrêt de 1986 dans l'affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/République du
Mali) l'affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime opposant le Honduras au
Salvador dans lequel il est bien précisé que «le présent arrêt n'a pas autorité de la chose jugée à
l'égard du Nicaragua»20
.
Au demeurant, la partie maritime du différend dans cette dernière affaire ayant opposé deux
des Etats riverains du golfe de Fonseca devant une Chambre de la Cour me paraît particulièrement
significative des deux moyens offerts à la juridiction pour régler un différend sans porter atteinte aux
droits d'un tiers par ailleurs intéressé. Et j'illustre par ce précédent aussi bien l'article 62 que
l'article 59 du Statut.
Monsieur le Président, j'en conviens, je ne suis pas aujourd'hui devant vous pour vous raconter
ma vie ! Mais enfin, il se trouve que ce golfe de Fonseca, comme du reste mon ami Derek Bowett
que j'en prends à témoin, je le connais très bien, pour y être allé, et l'avoir, comme lui, parcouru de
long en large. Lui y est allé en septembre 1986, moi en novembre de la même année, à bord de
vedettes rapides des fuerzas navales honduriennes dont l'équipage était d'ailleurs armé jusqu'aux
dents et tenait le doigt sur la gachette, par crainte des attaques des garde-côtes salvadoriens. Ce
métier est parfois bien dangereux !
Or, je peux vraiment m'en porter garant, il n'est vraiment pas grand le golfe de Fonseca. Rien
à voir par exemple avec la baie de San Diego, dans laquelle s'affrontent actuellement les plus fins
voiliers français et australiens dans la coupe de l'America ! De chacune de ses rives, on peut voir
celles d'en face, lorsque, du moins, elles ne sont pas cachées à la vue par la présence de l'une des
nombreuses îles qu'il comporte. C'est dire la solidarité imposée par la nature entre ces trois
coriverains. Ce fait a du reste été parfaitement reconnu par la Chambre bien entendu. Cela ne l'a
pas du tout empêchée d'exercer pleinement sa compétence et cela pour de très bonnes raisons. Elle
s'est à la fois appuyée sur l'article 62 en donnant la possibilité au Nicaragua d'intervenir et sur
l'article 59 en ne lui imposant pas l'autorité de chose jugée.
Prenons alors, et ce sera mon dernier mot, un peu de recul. En comparant les deux arrêts de la
Chambre intervenus dans cette affaire, disons du golfe de Fonseca pour la restreindre à la partie
- 21 -
maritime de ce long différend, l'arrêt de 1990 qui admettait le Nicaragua à l'intervention tout en
refusant l'argument de la partie indispensable, c'est-à-dire en refusant de l'admettre comme une
véritable partie, et l'arrêt de 1992 qui se prononçait sur les conclusions du Honduras et du Salvador,
on arrive, me semble-t-il, à la constatation suivante : c'est précisément en refusant d'appliquer dans
le premier jugement la jurisprudence de l'Or monétaire que la Chambre a pu, dans le second,
protéger les droits du tiers. Elle le fit d'abord en tenant compte des observations que ce tiers avait
faites en intervenant, puis, ensuite, en ne le liant pas par les dispositions de sa décision.
On pourrait d'ailleurs tout aussi bien remonter à des précédents bien antérieurs, et je fais ici
rapidement allusion à l'affaire du Détroit de Corfou, dans laquelle on avait beaucoup prononcé le
nom de la Yougoslavie pour les raisons que vous savez, sans pour autant que cela puisse faire
obstacle à l'établissement de la responsabilité albanaise21
.
La conclusion qui s'impose, Messieurs les juges, est donc qu'en dépit des efforts accomplis par
l'Australie dans ses écritures pour déformer l'objet de la requête portugaise et la nature des faits
illicites qui lui sont reprochés, les «intérêts juridiques» de l'Indonésie ne constituent nullement l'objet
même de la décision que la Cour est appelée à rendre. Je vous remercie.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur le professeur et j'appelle à présent
M
e
Galvão Teles à la barre.
- 29 -
M. GALVÃO TELES : Monsieur le Président, Messieurs de la Cour.
E. La Cour est-elle appelée à se prononcer sur la validité de l'accord
de 1989 ou à résoudre un quelconque conflit d'obligations ?
1. Il m'appartient maintenant de conclure la réponse du Portugal à la première exception
australienne en analysant deux questions : celles de savoir si la Cour est appelée à se prononcer sur
la validité de l'accord de 1989, ou à résoudre un quelconque conflit d'obligations.
Pour situer ces questions dans le cadre général de la réponse à la première exception
australienne, permettez-moi de commencer — très brièvement, évidemment — par dresser un bilan
de ce que le Portugal a, jusqu'à présent, essayé de démontrer.
Les faits illicites que le Portugal impute à l'Australie découlent de ce que celle-ci a méconnu
les droits du peuple du Timor oriental, en tant que peuple d'un territoire non autonome, et ceux du
Portugal, en tant que puissance administrante du territoire, de même qu'elle a enfreint les résolutions
pertinentes des organes compétents des Nations Unies, ainsi que le devoir de coopérer de bonne foi
avec l'Organisation. Pour pouvoir statuer sur ces faits illicites, une démarche judiciaire portant sur
les résolutions des Nations Unies, sur leur sens, leur portée, leur efficacité juridique continue, est
suffisante.
A cette fin, la présence d'aucune partie à l'instance n'est nécessaire.
De l'avis du Portugal, la Cour n'a pas à apprécier, même dans les motifs de sa décision,
l'illicéité de l'invasion et de l'occupation du Timor oriental par l'Indonésie. D'une part, la requête du
Portugal ne vise pas la violation par l'Australie d'un devoir de ne pas reconnaître des situations
créées par la force, mais celle du devoir de ne pas méconnaître les droits du peuple du Timor oriental
et du Portugal. D'autre part, pour conclure que le territoire du Timor oriental est toujours un
territoire non autonome, et le Portugal sa puissance administrante, aucune évaluation de la question
de la licéité ou illicéité de l'occupation indonésienne n'est nécessaire. Les Nations Unies ont, ellesmêmes,
rejeté les prétentions indonésiennes, elles qualifient toujours le Timor oriental comme un
territoire non autonome et le Portugal comme sa puissance administrante.
Parmi les actes illicites que le Portugal impute à l'Australie, il y en a qui sont des conduites de
- 30 -
l'Australie seule : l'émission du Petroleum (Australia-Indonesia Zone of Co-operation) Act 1990, et
du Petroleum (Australia-Indonesia Zone of Co-operation (Consequential Provisions), 1990. Il y a
aussi des conduites de l'Australie avec l'Indonésie : d'une part, la négociation d'une délimitation
permanente dans la zone du «Timor Gap»; d'autre part, la négociation, la conclusion et la mise en
oeuvre de l'accord de 1989. En ce qui concerne ces derniers faits, le Portugal a aussi essayé, par la
voix, notamment, du professeur Pierre-Marie Dupuy, de démontrer que la Cour peut se prononcer
sur la responsabilité de l'Australie sans avoir à se prononcer sur celle de l'Indonésie.
2. Quant à la conclusion et à la mise en oeuvre de l'accord, l'Australie a cependant soulevé,
dans son contre-mémoire (Introduction, section 1, et par. 183-190), deux points. D'abord, en
confondant questions de licéité et de responsabilité, d'une part, questions de validité, de l'autre,
l'Australie prétendait que le Portugal demanderait à la Cour de se prononcer sur la validité de
l'accord, ce qu'elle ne pourrait pas faire en l'absence de l'Indonésie. Ensuite, l'Australie soutenait
que, par sa conclusion 5, le Portugal priait la Cour internationale de Justice de résoudre un conflit
d'obligations, ce que, non plus, la Cour ne pourrait pas faire en l'absence de l'Indonésie.
3. Dans sa réplique (par. 2.08 à 2.17), la République portugaise a souligné deux choses.
D'abord, le Portugal demande à la Cour de déclarer l'illicéité de la négociation, de la conclusion et de
l'exécution de l'accord de 1989 par l'Australie, ainsi que la responsabilité internationale de celle-ci
qui en découle; mais il ne prie pas la Cour de se prononcer sur la validité de cet accord. Le Portugal
ne dit ni que l'accord est valide, ni qu'il est invalide. Très simplement, il ne prie pas la Cour de se
prononcer sur la question de validité.
Ensuite, si éventuellement un conflit d'obligations peut avoir été créé par l'Australie, dans la
mesure où elle s'est engagée, vis-à-vis de l'Indonésie, à certaines conduites, concernant l'exploration
et l'exploitation du plateau continental dans la zone du «Timor Gap», alors que, par contre, elle est
obligée, vis-à-vis du Portugal et du peuple du Timor oriental, de s'en abstenir, le Portugal n'a pas
demandé, ni ne demande à la Cour, de résoudre ce conflit d'obligations. En effet, dans sa
conclusion 5, la requête prie la Cour internationale de Justice tout simplement de dire quels devoirs
l'Australie a vis-à-vis du peuple du Timor oriental, du Portugal et de la communauté internationale
- 31 -
(celle-ci pour le cas où la Cour estime qu'il s'agirait d'obligations erga omnes, de jus cogens), dans
le cadre de sa responsabilité, de l'Australie évidemment, internationale. La solution d'un tel conflit
d'obligations est une question logiquement subséquente à la détermination de ces devoirs, qui ne fait
pas partie de l'objet de l'instance.
En somme, le Portugal ne prie pas la Cour de dire que l'Australie doit tout simplement
s'abstenir de certaines conduites. Il demande que la Cour dise que l'Australie doit, vis-à-vis du
peuple du Timor oriental et du Portugal, s'abstenir de telles conduites. Si la conclusion 5, alinéa b),
du Portugal est retenue et si l'Australie ne s'abstient pas de continuer les illicites, vis-à-vis du Timor
oriental et du Portugal, le problème qui se posera alors sera nouveau et est en dehors de cette
instance.
C'est pourquoi le Portugal a soutenu, et il maintient, que sont dépourvus d'objet les arguments
invoqués par l'Australie à son contre-mémoire, selon lesquels la Cour était appelée à se prononcer
sur la validité de l'accord ou à résoudre un conflit d'obligations (réplique du Portugal, par.
7.18-7.24).
4. L'Australie affirme maintenant, dans sa duplique, (duplique de l'Australie, par. 109) que le
Portugal, dans sa réplique, tente à grande peine de justifier, d'une manière qui serait très abstraite, la
distinction entre questions «de licéité» et questions «de validité». Non, le Portugal n'a eu aucune
peine, sinon celle d'exprimer l'évidence. Il s'agit d'une distinction tout à fait courante, quoique très
souvent utilisée de façon simplement implicite (voir, par exemple, James Crawford, The Creation of
States in International Law, 1979, p. 121). Ce que le Portugal ne pouvait évidemment pas autoriser
c'était que l'Australie transforme une demande en responsabilité internationale en une demande, bien
différente, en déclaration d'invalidité d'un traité.
Le fait est qu'apparemment, pour le moins, l'Australie n'insiste plus, dans sa duplique, sur
l'identité entre licéité et responsabilité, d'une part, et validité, de l'autre. De même, elle n'y prétend
plus que le Portugal demande à la Cour de résoudre un quelconque conflit d'obligations. Le Portugal
ne reviendra donc pas sur l'un et l'autre de ces points. Il renvoie à ce qu'il a écrit à la réplique
(par. 2.08-2.17).
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5. L'Australie soutient à présent, pour l'essentiel, deux choses :
a) même si licéité et validité peuvent être distinguées, «Dans la présente affaire, contester la
négociation, la conclusion et l'exécution du traité revient à en contester la validité» (duplique de
l'Australie, p. 50, par. 108);
b) même si le Portugal ne demande pas à la Cour de résoudre un conflit d'obligations, «la Cour est
elle-même tenue de prendre en considération le fait que la décision sollicitée par le Portugal fera
certainement naître un conflit d'obligations» (duplique de l'Australie, p. 54, par. 116).
Les deux arguments sont contradictoires. Si, pour juger que les conduites de l'Australie sont
illicites et pour établir la responsabilité de l'Australie, la Cour devait déclarer l'invalidité de l'accord,
comment pourrait-il alors être question d'un conflit d'obligations ? Pour mettre un peu d'ordre,
prenons le deuxième argument australien comme ayant une portée subsidiaire.
6. Pour justifier son affirmation, citée auparavant, selon laquelle «Dans la présente affaire
contester la négociation, la conclusion et l'éxécution du traité revient à en contester la validité»,
l'Australie essaye, à ce qu'il paraît, de développer deux sortes d'arguments.
Le premier se trouve aux paragraphes 110 et 111 de la duplique et, je dois l'avouer, il est très
difficilement compréhensible. Apparemment, il s'exprime dans cette conclusion :
«l'illicéité supposée du comportement de l'Australie tenant à la négociation, la
conclusion et l'application du traité de 1989 ne peut être affirmée que si le traité n'est
pas valide» (par. 110).
Une telle conclusion ne découle cependant pas des prémisses que l'Australie invoque.
Regardons-les, ces prémisses :
«L'Australie ne saurait être jugée responsable pour avoir négocié «un» traité : vu
que la négociation d'un traité n'est pas en soi interdite en droit international, elle ne
pourrait être responsable que si la négociation de ce traité était illicite.» (Duplique de
l'Australie, p. 51, par. 110.)
Bien sûr, de l'avis du Portugal la négociation par l'Australie de «ce» traité est illicite; en
conséquence, l'Australie doit être jugée responsable.
Je cite à nouveau :
«l'Australie ne saurait être jugée responsable pour avoir conclu «un» traité; elle ne
pourrait l'être que si la conclusion de ce traité était internationalement illicite».
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Je répète : bien sûr - de l'avis du Portugal, la conclusion par l'Australie de ce traité est
internationalement illicite; en conséquence l'Australie doit être jugée responsable.
Je la cite encore :
«l'exécution d'un traité valide n'est pas une violation du droit international; au contraire,
pacta sunt servanda, et l'Australie ne pourrait être responsable que si ce traité était
dépourvu de validité».
Ce n'est, enfin, qu'à cette troisième prémisse que l'Australie établit un rapport avec la question
de validité et uniquement à l'égard de l'exécution du traité. Mais la prémisse est fausse. Elle
contredit d'ailleurs ce que l'Australie, elle-même, affirme au paragraphe 109 de sa duplique :
«Ainsi, un traité peut être valide entre un Etat A et un Etat B bien que, en y
devenant partie, l'Etat A ait enfreint une obligation assumée par lui envers l'Etat C.»
La situation se trouve visée explicitement au paragraphe 5 de l'article 30 de la convention de
Vienne sur le droit des traités, selon lequel le paragraphe 4 (qui concerne l'hypothèse où les parties
au traité antérieur ne sont pas toutes parties au traité postérieur) :
«le paragraphe 4 s'applique sans préjudice de l'article 41, de toute question d'extinction
ou de suspension de l'application d'un traité aux termes de l'article 60 ou de toute
question de responsabilité qui peut naître pour un Etat de la conclusion ou de
l'application d'un traité dont les dispositions sont incompatibles avec les obligations
qui lui incombent à l'égard d'un autre Etat en vertu d'un autre traité» (les italiques
sont de nous).
Dans la présente espèce, les obligations que l'Australie a violées par la conclusion et
l'exécution de l'accord de 1989 découlent, en plus du droit international, de trois traités antérieurs,
auxquels elle est partie avec le Portugal : la Charte des Nations Unies elle-même et les deux pactes
des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme.
Cela vaut la peine de relire un passage du contre-mémoire australien - je ne me trompe pas, je
dis bien contre-mémoire de l'Australie. C'est au paragraphe 409 :
«Même si le Portugal démontre que l'Australie est soumise à d'autres obligations,
découlant d'autres traités ou du droit international général, incompatibles avec ses
obligations en application du traité relatif au «Timor Gap», ce sont alors les règles en
matière de responsabilité des Etats qui s'appliquent (cf. article 30, paragraphe 5, de la
convention de Vienne de 1969.» (Contre-mémoire de l'Australie, p. 159, par. 409.)
Bien évidemment.
7. Un second argument australien, utilisé pour justifier que, dans le cas d'espèce, un prononcé
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sur la responsabilité internationale de l'Australie impliquerait un prononcé sur la validité de l'accord,
se trouve exprimé dans cette phrase :
«En outre, l'invalidité de l'accord découle nécessairement de la prétention du
Portugal à exercer une compétence exclusive en matière conventionnelle.» (Duplique de
l'Australie, par. 115.)
Le Portugal ne vas pas reprendre, au fond, le thème des pouvoirs de la puissance
administrante. Quoi qu'il en soit, même si certaines raisons qui pourraient être retenues par la Cour,
sur la base des résolutions des Nations Unies, pour adjuger les conclusions du Portugal, pouvaient
conduire aussi à la conclusion de l'incapacité, ou quelque chose de semblable, de l'Indonésie pour
conclure l'accord, il ne s'agirait là tout simplement que d'une implication du prononcé de la Cour
portant sur la responsabilité internationale de l'Australie, qui ne saurait l'empêcher de statuer sur
cette responsabilité.
C'est d'ailleurs l'Australie elle-même qui, en analysant la jurisprudence de la Cour, reconnaît
que dans le cas où :
«les intérêts juridiques d'un Etat non partie à l'instance ne sont touchés (même de façon
sensible) qu'à titre de conséquence pratique ou logique de la décision rendue par la
Cour» (duplique de l'Australie, p. 38, par. 79),
celle-ci peut statuer (voir notamment l'arrêt de la Chambre de la Cour rendu dans l'affaire du
Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), requête à fin
d'intervention (C.I.J. Recueil 1990, p. 92, par. 73), et l'arrêt prononcé dans l'affaire de Certaines
terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires (C.I.J. Recueil 1992, p.
240, par. 55); les références sont du Portugal).
L'invalidité du traité n'est pas un préalable à la responsabilité internationale de l'Australie. Un
Etat peut engager sa responsabilité internationale tant par la conclusion d'un traité valide que par
celle d'un traité invalide. Le Portugal ne demande pas à la Cour de se prononcer sur la validité de
l'accord. Celle-ci n'est pas comprise dans l'objet de l'instance. Si, éventuellement, pour déclarer la
responsabilité internationale de l'Australie, la Cour retient des raisons qui pourraient aussi justifier
l'invalidité de l'accord, on sera alors sur le plan des conséquences de ces raisons, qui ne seront pas
revêtues de l'autorité de la chose jugée et qui ne sauraient empêcher la Cour de statuer sur la seule
- 35 -
question qui lui est soumise, celle de la responsabilité internationale de l'Australie.
8. Ainsi que le Portugal l'a remarqué dans sa réplique (par. 2.14 et 7.21), l'on trouve un
précédent utile dans l'arrêt de la Cour de justice centraméricaine, du 22 septembre 1916, rendu entre
le Costa Rica et le Nicaragua (Revista Americana de Derecho Internacional, tomo XI, 1917, p. 184
et suiv. (texte complet), American Journal of International Law, vol. XI, 1917, p. 201-202, et
Revue générale de droit international public, 1932, p. 169-170). A la différence de ce qui se passe
dans la présente espèce, le Costa Rica, en plus d'avoir demandé à la Cour centraméricaine de justice
de dire que le traité Bryan-Chamorro violait les droits du Costa Rica acquis conformément au traité
Cañas-Jerez, à la décision arbitrale rendue par le président Cleveland et au traité centraméricain de
Washington, priait la Cour de justice centraméricaine de déclarer la nullité du traité BryanChamorro,
passé entre le Nicaragua et les Etats-Unis d'Amérique.
La Cour de justice centraméricaine considéra qu'elle ne pouvait pas se prononcer sur
l'invalidité du traité Bryan-Chamorro, parce qu'elle n'avait pas juridiction sur les Etats-Unis.
Nonobstant, elle a jugé qu'elle était à même de statuer sur la responsabilité internationale du
Nicaragua vis-à-vis du Costa Rica, de par le fait de la conclusion de ce traité, dans la mesure où
celle-ci, cette conclusion, violait les droits du Costa Rica. Ces droits comprenaient, d'ailleurs, non
seulement celui d'être consulté par le Nicaragua avant la conclusion du traité, mais aussi ceux
relatifs au fleuve San Juan et à la navigation dans ce fleuve.
9. Un autre précédent est constitué par l'arrêt de la Cour de justice centraméricaine du
9 mars 1917 rendu dans l'affaire entre El Salvador et Nicaragua (Revista Americana de Derecho
Internacional, tomo XI, 1917, p. 706 et suiv. (texte complet); Revue générale de droit international
public, 1932, p. 175), que la Chambre de la Cour a dû examiner longuement lors de l'affaire du
Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), de 1992, entre
Honduras et El Salvador.
L'affaire entre El Salvador et le Nicaragua portait aussi sur la conclusion du traité BryanChamorro,
entre le Nicaragua et les Etats-Unis d'Amérique, dans la mesure où il octroyait une base
navale à ces derniers dans le golfe de Fonseca. A l'instar de ce que fait le Portugal dans le cas
- 36 -
d'espèce et contrairement à ce qu'avait fait le Costa Rica, El Salvador ne demanda pas la déclaration
de nullité ou l'annulation du traité. La circonstance que le fait illicite consistait en la conclusion d'un
traité n'a pas, ici encore, empêché la Cour de justice centraméricaine de se considérer à même de
statuer sur la responsabilité internationale du Nicaragua découlant de la conclusion du traité
Bryan-Chamorro.
10. Dans sa duplique, l'Australie affirme que «c'est à tort que le Portugal invoque ces
décisions», parce que «la cour [de justice centraméricaine] a expressément refusé de déclarer nul le
traité ou d'enjoindre le Nicaragua de ne pas l'éxécuter» (par. 106).
L'Australie vise à côté, misses the point. Le Portugal ne demande pas à la Cour de déclarer
nul l'accord de 1989, ni de se prononcer sur sa validité. La portée des précédents invoqués se traduit
par le fait que la Cour de justice centramericaine ait jugé qu'elle était à même de statuer sur la
responsabilité internationale d'un Etat par la conclusion d'un traité avec un Etat qui n'était pas partie
à l'instance, ni soumis à sa juridiction, indépendamment de toute question de validité.
11. Pour ce qui est du refus de la Cour de justice centraméricaine, dans l'arrêt de 1917,
d'enjoindre le Nicaragua de ne pas exécuter le traité Bryan-Chamorro, sa pertinence se situe déjà
dans le domaine de la résolution de conflits d'obligations. Comme le Portugal l'a dit et redit - et
l'Australie l'a très bien compris (voir, par ex., par. 116) - il ne demande pas à la Cour de résoudre un
quelconque conflit d'obligations. Contrairement à ce qu'avait fait El Salvador, il prie que soient dits
seulement quels devoirs l'Australie a envers le peuple du Timor oriental et du Portugal.
En tout état de cause, la Cour de justice centraméricaine a jugé, dans l'affaire El Salvador
contre le Nicaragua, qu'elle était habilitée à statuer :
«que le gouvernement du Nicaragua se trouve dans l'obligation - à exécuter de tous les
moyens possibles procurés par le droit international - de rétablir et de maintenir la
situation juridique qui existait antérieurement au traité Bryan-Chamorro entre les
Républiques litigantes dans toute la mesure où elle affecte les matières envisagées dans
cette section» (réplique du Portugal, p. 215, par. 7.24).
12. Monsieur le Président, nous sommes ainsi déjà entrés dans l'analyse de l'argument
subsidiaire de l'Australie, ayant trait au conflit d'obligations.
Rappelons ce que dit, pour l'essentiel, la Partie australienne dans sa duplique :
- 37 -
«Le Portugal ne saurait éluder les difficultés que suscitent ses conclusions en
disant qu'il ne demande pas à la Cour de régler un quelconque conflit d'obligations qui
pourrait surgir si elle lui adjugeait ses conclusions; car la Cour est elle-même tenue de
prendre en considération le fait que la décision sollicitée par le Portugal fera
certainement naître un conflit d'obligations.» (Duplique de l'Australie, p. 54, par. 116.)
Mais, Messieurs les juges : ce ne sera pas la décision de la Cour qui fera naître un conflit
d'obligations. C'est l'Australie qui se l'est créé, en prenant des engagements contraires à des
obligations par lesquelles elle était tenue.
Un conflit d'obligations ne constitue pas une circonstance excluant l'illicéité. Le fait qu'un Etat
le crée ne peut empêcher la Cour de dire quelles obligations cet Etat, partie à l'instance, a vis-à-vis
d'un autre, lui aussi partie à l'instance, indépendamment des obligations par lesquelles le premier
peut être tenu à l'égard d'un tiers. Seuls les intérêts juridiques des parties constituent l'objet même de
la décision sollicitée.
Monsieur le Président, le Portugal ne demande pas à la Cour d'aller au-delà de ses pouvoirs; il
la prie de ne pas s'arrêter en deçà.
Merci, Monsieur le Président. Si je suis autorisé à faire une suggestion, je suggérerai
maintenant, et si vous êtes d'accord évidemment, la pause. Merci.
Le PRESIDENT : Oui, nous allons faire une pause d'un quart d'heure.
L'audience est suspendue de 11 h 15 à 11 h 30.
- 41 -
The PRESIDENT: Please be seated. I give the floor to Mr. Correia.
Mr. CORREIA: Merci Monsieur le Président. Mr President, Members of the Court,
1. I will now address the issue of the standing of Portugal.
The Arguments Of Australia
2. According to Australia, Portugal has not established its right to bring its claims before the
Court because of the lack of sufficient legal interest.
In the Rejoinder, Australia puts forward three arguments in favour of Portugal's alleged lack
of sufficient interest.
According to Australia, Portugal cannot demonstrate a sufficient legal interest of its own to
obtain a decision of the dispute submitted to the Court simply by showing that it is designated
Administering Power by the Security Council and by the General Assembly. The past record of
non-compliance by Portugal with the obligations imposed on it by Article 73 of the Charter and
resolution 1514 (XV) and the circumstance of having lost effective control in the territory of East
Timor would have as a consequence that the legal role of Portugal, if any, would be a very limited
one. Namely, Portugal would not be allowed to bring proceedings in the purported discharge of its
duty as guardian of the right of self-determination of the East Timorese people without
United Nations authority (ARej, paras. 125-144).
Australia also submits that Portugal has no legal basis to assert before this Court the legal
rights of the people of East Timor. According to it, the lack of actual control of the territory also
deprives Portugal of the capacity to represent internationally the East Timorese people by bringing
proceedings on their behalf (ARej, paras. 145-151).
Finally, Australia alleges that, as Portugal is not in a position to carry out the obligations
imposed by a treaty on maritime rights, the Applicant State cannot be accorded the legal interest to
represent the people of East Timor in the present proceedings (ARej, paras. 152-154).
- 42 -
Portugal's Submissions On The Question Of Standing
Mr. President, Members of the Court,
3. Portugal presents the following submissions on the matter of standing in relation to the
present proceedings:
(a) Portugal is invested in the legal interest to secure a decision which adjudges and declares the
opposability to Australia of the duties, powers and rights which are an integral part of
Portugal's status as Administering Authority of East Timor, whereas Australia is disregarding
such duties, powers and rights;
(b) Portugal is invested in the legal interest to secure a decision which adjudges and declares that
Australia has impeded and is impeding the fulfilment of duties and has infringed and is
infringing powers and rights which, along with the said duties, are an integral part of
Portugal's status as the Administering Authority of East Timor;
(c) Portugal is invested in the legal interest to secure a decision which adjudges and declares that
Australia is bound to cease from all breaches of the said rights appertaining to Portugal, from
all breaches of norms of international law and of binding resolutions of the competent organs
of the United Nations which constitute the framework of Portugal's said duties, powers and
rights and, which also adjudges and declares in particular, that Australia is bound to refrain
from any negotiation, signature and ratification of any agreement with a State other than the
Administering Authority concerning the delimitation, the exploration and the exploitation of
the continental shelf, or the exercise of jurisdiction over that shelf, in the area of the Timor
Gap, and that Australia is also bound to refrain from any act relating to such exploration,
exploitation or exercise of jurisdiction on the basis of any plurilateral title to which Portugal,
as the Administering Authority of East Timor, is not a party;
(d) Portugal is invested in the legal interest to secure a decision which adjudges and declares that
Australia has failed and is failing in its duty to negotiate in order to harmonize the respective
rights in the event of a conflict of rights or of claims over the maritime area in the continental
shelf in the area of the Timor gap;
- 43 -
(e) In its capacity as Administering Authority, Portugal is the legal bearer of the legal interest
belonging to the people of the non-self-governing territory of East Timor to secure a decision
which adjudges and declares the opposability to Australia of the rights of such people to selfdetermination,
to territorial integrity and unity and to permanent sovereignty over its wealth
and natural resources and a decision which adjudges and declares that Australia has infringed
and is infringing such rights and is bound to cease from all breaches of the said rights
appertaining to the people of East Timor and of all norms of international law and binding
resolutions of the competent organs of the United Nations which constitute the framework of
the said rights and, in particular, that Australia is bound to refrain from any negotiation,
signature, ratification, agreement, exercise of jurisdiction, act of exploration and act of
exploitation referred to above.
Portugal Acting On Its Own Behalf As Administering Authority
Mr. President, Members of the Court,
4. Australia bases its denial of Portugal's standing in the present proceedings mainly in the
contentions that "There is no distinctive status of 'administering power' in international law" (ARej,
para. 125) and that, once a State administering a territory separate and distinct ceases to have any
effective control in that territory, whatever limited rights it may keep to promote the rights of the
people of the territory, they depend on a prior United Nations case-by-case prior authorization.
Australia submits that:
"In particular, Portugal cannot, unilaterally and without United Nations
authority, bring these proceedings in purported discharge of this protagonist role. And
no United Nations organ has found Australia to have breached the right of
self-determination or even suggested it" (ARej, para. 144).
5. Last Tuesday, Portugal has argued that the loss of effective control of the territory of East
Timor had not as a legal consequence the cessation of Portugal's status as the Administering
Authority thereof, a status that has again been determined by the competent organs of the United
Nations after the military invasion and the purported annexation of the territory by a third State.
Portugal has also established - on Wednesday, through my eminent colleague Professor Rosalyn
- 44 -
Higgins - that such determination, made after July 1976 (the date of the Indonesian bill of
incorporation), has the legal consequence of rendering Portugal's status as Administering Authority
both certain and indisputable. On the same day, I developed Portugal's contention that there is, in
international law, a special juridical status of "administering authority" or "Administering Power". I
have sustained at that moment that such status comprises, as one of its main elements, the particular
duty of Portugal to promote the rights of the people of East Timor and that, pending selfdetermination,
such promotion involves the exercise by Portugal of a jurisdiction which,
notwithstanding its functional, limited, shared and supervisable character, corresponds to Portugal's
original and inherent authority, which does not depend on a case-by-case granting of specific powers
by the United Nations.
I will not come back to such submissions and will limit myself now to respectfully remind the
Court that the mere finding that such a juridical status exists and that Portugal is its bearer in
relation to East Timor deprives Australia from the main basis for its denial of Portugal's standing.
6. Portugal has therefore asserted that there is in international law a distinctive status of
administering authority of non-self-governing territory. Portugal has that status, which was defined
by determinative resolutions of the competent organs of the United Nations. As
Professor Rosalyn Higgins yesterday argued, with her usual brilliance, such status is no "empty
shell" to be filled only by specific United Nations authorizations to act: that would have entailed a
"scissors-and-paste treatment" of Article 73 of the Charter and of resolution 1514.
This being the case, Portugal has the right to employ in the international scene, for the
fulfilment of its duty to promote the self-determination of the people of East Timor and to defend
their territorial integrity and their permanent sovereignty over their wealth and natural resources, all
the powers inherent to its capacity of a State subject of international law. Among such powers are
the jus tractuum and the right to be a party in cases before the Court, in terms of Article 34,
paragraph 1, of the Statute of the Court.
Summing up what I have said last Wednesday, there are legal powers used by administering
authorities in the international scene, in relation to the non-self-governing territories, which are
- 45 -
inherent to the capacity of those authorities as States subject of international law. But such
circumstance does not exclude that, such powers, do not become limited in view of their function.
And such powers become also shared and supervised by the United Nations.
In the present case, Portugal is using the power, belonging to it as a State, to bring
proceedings before the International Court of Justice in defence of the people of East Timor. The
circumstance that Portugal takes such initiative in the defence of the people of East Timor
demonstrates per se that there is no reason for a functional limitation of Portugal's inherent power to
act before this Court. And the competent organs of the United Nations have made no prohibition
against the bringing of the present proceedings whose existence they are well aware of. No
competent organ of the United Nations has, on the other hand, forbidden Portugal to exercise jus
tractuum in the promotion of the essential interests of the people of East Timor.
7. As Vice-President Kéba Mbaye observes in his essay on "L'intérêt pour agir devant la
Cour internationale de Justice", it seems rather presumptuous to undertake a definition of the
"intérêt pour agir" or "sufficient legal interest" which, according to Australia, Portugal would be
lacking in the present proceedings. As the same learned author reminds us, the Court itself refused
to advance such a definition in the case concerning the Northern Cameroons (Preliminary
Objections, Judgment of 2 December 1963, I.C.J. Reports 1963, p. 28; see Kéba Mbaye, RCADI,
1988-II, Nijhoff, Dordrecht/Boston/London, 1989, p. 255).
The Judgment of the Court in the Northern Cameroons case gives us anyhow two important
criteria to ascertain the existence of such an interest in a case like the present one.
8. The first of the criteria resulting from the Northern Cameroons decision is that, in
proceedings between States, the exercise of jurisdiction by the Court will require that the case has a
contentious character. On that occasion, the Court declined to deal with the merits of the case
because:
"the Court is not asked to redress the alleged injustice; it is not asked to detach territory
from Nigeria; it is not asked to restore to the Republic of Cameroon peoples or
territories claimed to have been lost; it is not asked to award reparation of any kind"
(Northern Cameroons, I.C.J. Reports 1963, p. 32).
- 46 -
In the Northern Cameroons case, the Court refused to pronounce a decision on the merits
because, in reality, the decision sought would have been no more than an opinion. The consideration
of the disputed situation by the Court would not have had constitutive effects, in the sense of creating
for the State against which it would have been pronounced an obligation to act in a positive or an
omissive way for the purpose of Article 94 of the Charter.
The Court intended to make clear that such criteria would not hinder declaratory judgments:
"That the Court may, in an appropriate case, make a declaratory judgment is indisputable."
(Northern Cameroons, I.C.J. Reports 1963, p. 37.)
But the Court encompassed the admission of declaratory judgments with the prerequisite of
the possibility of future effects to the declaratory judgment:
"the Court observes that if in a declaratory judgment it expounds a rule of customary
law or interprets a treaty which remains in force, its judgment has a continuing
applicability" (Northern Cameroons, I.C.J. Reports 1963, p. 37).
The second criteria employed by the Court to determine the existence of a legal interest was
that of the actuality of the controversy. The Court made clear that:
"The function of the Court is to state the law, but it may pronounce a judgment
only in connection with concrete cases where there exists at the time of the adjudication
an actual controversy involving a conflict of legal interests between the parties. The
Court's judgment must have some practical consequence in the sense that it can affect
existing legal rights or obligations of the parties, thus removing uncertainty from their
legal relations." (Northern Cameroons, I.C.J. Reports 1963, p. 33 f.)
9. In the present case, Portugal sues Australia in the defence of specific legal rights belonging
to it on its own behalf.
Portugal has the right to perform the obligations incumbent upon it in the capacity of East
Timor's Administering Authority. Among such obligations, there is the duty to assume the
international representation of the territory. Such duty goes hand in hand with the power to do so
(even if a functional, limited, shared and supervised power) and with the right erga omnes to
exercise such power.
Australia denies that Portugal either has such a duty, or the corresponding power and right.
Australia further denies that Portugal has a legal status of Administering Authority. A status from
- 47 -
which specific duties, powers and rights flow and which also allows Portugal to exercise its own
inherent powers as a subject of international law in relation with the territory, even if such powers
become on such occasions functional, limited, shared and supervisable by the competent organs of
the United Nations.
10. Going back to the criteria that may be extracted from the Northern Cameroons decision,
we can at once conclude that the first one - that of the necessary contentious character of the case -
occurs in the present dispute.
In the present proceedings, the Court is asked to redress an alleged injustice.
This injustice consists, in the first place, in the disregard by Australia of the duties, powers
and rights of Portugal as the Administering Authority of East Timor; in the second place, in the
impediment by Australia of the fulfilment of such duties and of the exercise of such powers and in
the breach by Australia of the obligation not to disregard but to respect such duties, powers and
rights and, finally, in the failure of Australia in its duty to negotiate with Portugal in order to
harmonize the respective rights in the event of a conflict of rights, or of claims in the maritime area.
And, in the present case, the Court is asked to redress such an injustice by various means,
which I will not describe in detail. Those means are identified in Portugal's final submissions. It will
be enough to respectfully remind the Court that such means of redress include, in the first place, a
judgment of the opposability to Australia of Portugal's duties, powers and rights disregarded by
Australia; in the second place, a judgment of the infringement of such duties, powers and rights; in
the third place, a judgment of Australia's duty to negotiate with Portugal; in the fourth place, a
judgment that Australia has incurred in international responsibility and caused damage for which it
owes reparation; and, in the last place, a judgment that Australia must cease from all breaches, and
must refrain from certain treaty-making and from certain acts relating to exploration and exploitation
of the continental shelf in the area of the Timor Gap.
The decision sought by Portugal will not be an opinion. On the contrary, it will have
constitutive effects because it will engender obligations which Australia will have to perform
according to Article 94 of the Charter.
- 48 -
Even in that part where the Court's decision will be predominantly declaratory (I refer to the
sought declaration of the opposability to Australia of Portugal's duties, powers and rights in the
capacity of Administering Authority), the judgment demanded by Portugal will have a continuing
applicability until that day when Portugal's status will be legally terminated.
The second criterion mentioned above derived from the Northern Cameroons decision also
applies in the present case: the controversy which settlement is asked to the Court is actual. As a
matter of fact, the controverted duties, powers and rights comprised in the status of Administering
Authority claimed by Portugal are legal situations existing in the present and which will exist in the
future until the day when Portugal's status will attain its legal termination.
Those considerations on the existence of legal interest of Portugal apply in parallel terms to
the existence of a legal interest of the people of East Timor. We shall now consider the bringing of
the proceedings by Portugal on behalf of the non-self-governing territory.
Portual Acting On Behalf Of The Non-Self-Governing
Territory Of East Timor
11. The Court has never been called upon to pronounce itself explicitly on the issue of the
international representation before it of territories whose populations are not fully self-governing.
But an examination of the relevant cases supports the conclusion that the general practice, accepted
both by the parties and by the Court, has always been to accept without discussion the capacity to
act of an Administering Authority of a territory which is "separate and distinct" in international
disputes relating to such territory.
In the case concerning Nationality Decrees issued in Tunis and Morocco, no objection was
entered regarding France's capacity to act when lodging an application concerning its Protectorate
over Tunisia.
In the Oscar Chinn case, the dispute related to the international obligations on the part of
Belgium as the colonial power of the Congo.
In the case concerning Rights of Nationals of the United States of America in Morocco, the
capacity of France to act on its own name as well as on behalf of Morocco in the capacity of
- 49 -
protector of that State, in a dispute over issues concerning the administration of Morocco, was not in
any way disputed.
In the Minquiers and Ecrehos case, both the Court and the parties acted simply on the
assumption that the United Kingdom had the capacity to act before the Court on behalf of Jersey,
although Jersey was not a part of the United Kingdom, but constituted a political entity having a
"separate and distinct" territorial base.
Finally, in the case concerning Right of Passage over Indian Territory, Portugal was admitted
to submit an Application for a declaration on the right of passage between territories administered by
it in the Indian peninsula.
12. If we exclude the Minquiers and Ecrehos case, one may conclude that the
above-mentioned cases derived from situations which are now in the past. But, and particularly so in
the Minquiers and Ecrehos case, in the Nationality Decrees Issued in Tunis and Morocco case, and
in the case concerning Rights of Nationals of the United States of America in Morocco, one of the
States appearing before the Court was acting not only on its own behalf in defence of its own direct
interests, but also on behalf of another reality which in accordance with international law was
recognized as separate and distinct with a people having specific interests of their own. In the case
concerning Rights of Nationals of the United States of America in Morocco, the question of the title
on the basis of which France was acting was raised by the other party and the subsequent declaration
that France was acting simultaneously on its own name and on its own behalf, and as the protecting
States of Morocco, was received without further objections.
On the other hand, when Portugal instituted proceedings, in 1955, in the case concerning Right
of Passage over Indian Territory, the General Assembly had already recognized that the primary
mode of self-government was independence (resolution 742 (VIII) of 27 November 1953). Although
it had not yet reached the turning point, marked by resolutions 1514 (XV), 1541 (XV) and 1542
(XV) of December 1960, the General Assembly had already assumed in its own practice the
competence to determine which were the territories which should be considered as
non-self-governing. It can thus be affirmed that the "separate and distinct" character of the
- 50 -
territories to which the right of passage referred, was already clear in the light of the dominant legal
ideas of that time. However, neither did the other party question the standing of Portugal, nor did the
Court find it necessary to consider that question.
13. According to Australia, the above-mentioned cases "do not deal with a situation like the
present one, where the Administering Power is not in physical control or possession of the territory
and is in no position to give effect to any judgment" (ARej., para. 127).
This contention is inconsistent with other parts of the Australian argument. In effect,
Australia also alleges that, due to the loss of control of the territory, Portugal is not to be regarded
by other States as the Power having the capacity in law to enter into treaties in respect of
East Timor. And, still according to Australia, the lack of physical control would have led, in general
terms, to the loss by Portugal of any legal status supposedly existing in international law as of
administering power (ARej., paras. 199-213).
Now, Australia cannot make double use of the physical control argument. To conclude that
Portugal does not retain a direct legal interest in the promotion of East Timor's self-determination
and in the preservation of East Timor's sovereignty over its wealth and natural resources, it would be
necessary to ascertain that the loss of physical control had, as a legal consequence, the cessation of
Portugal's status as Administering Power. But if, as Portugal considers it has proven, the loss of
control had no such legal consequence and the determination by the competent organs of the
United Nations renders legally certain and indisputable that Portugal has retained its status as
Administering Power, this suffices to confirm that Portugal holds a legal, concrete, existing and
direct interest in seeking a judicial pronouncement over its submissions.
Once the confirmed retention by Portugal of the status of Administering Power of East Timor,
notwithstanding the loss of physical control, has been acknowledged, it makes no sense to invoke
such a loss a second time, to assert that an administering power deprived of physical control has no
standing to bring actions with a view to the peaceful settlement of disputes on questions relating to
the administered territory. One of the main reasons for the retention of the status notwithstanding the
loss of physical control, must be the preservation of the capacity of the administering authority to
- 51 -
intervene in the framework of international bodies for the defence of rights and legitimate interests of
the people of the territory.
The Argument Of The Lack By Portugal Of A Position
To Carry Out Treaty Obligations
14. Australia's argument according to which "the Administering Power ... is in no position to
give effect to any judgment" deserves no credit (ARej., para. 127).
It will be Australia who will have to give effect to the judgment sought by Portugal. It will be
Australia who will have the obligation not to disregard in the future the rights of the people of
East Timor to self-determination, to territorial integrity and to permanent sovereignty over their
wealth and natural resources, and Portugal's duties, powers and rights in the capacity of
East Timor's Administering Power. It will be Australia who will have to cease all breaches of the
rights and international norms referred to in the Portuguese submissions. It will be Australia who
will have to render reparation awarded by the Court.
Finally, Australia is in no position to show that Portugal would be in no condition to conclude
treaties concerning the maritime interests of East Timor as a coastal territory. Having excluded any
negotiation with Portugal, Australia cannot assert that a feasible solution could not have been
reached.
Anyway, as it results from yesterday's pleadings by my eminent colleague Professor PierreMarie
Dupuy, the Application of the Republic of Portugal has a double dimension, simultaneously
preventive and conservatory.
Portugal seeks that East Timor's resources be conserved for its people.
Portugal also seeks the cessation and the non-repetition of Australia's wrongful acts as a way
to avoid further activities which might hinder in the future the exercise by the people of East Timor
of their right to self-determination or which may curtail natural resources that such people should
find unimpaired in the day when they will freely express their will on their future political status
amongst the community of nations.
- 56 -
Conclusion
15. In conclusion, Mr. President, Members of the Court, the Portuguese Republic appears
before the Court in a capacity to act which proceeds from a dual source: the first source are the
duties, powers and rights of Portugal as an independent State vested in the legal authority to
administer the non-self-governing territory of East Timor. The second source of Portugal's capacity
to act are its duty, power and right to internationally represent the people of East Timor for the
purpose of judicial settlement of a dispute in which this people is also an interested party. We can
say without exaggeration that the main interest in bringing the present proceedings belongs to the
people of East Timor. The regard which is due to their inalienable right to self-determination and
independence, the respect which should be paid to such an important material basis for a really free
choice of their international status depends in a lengthy measure of the appreciation by the Court of
the merits of the present case. Thank you, Mr. President.
Le PRESIDENT : Merci, professeur Correia. Et je donne la parole maintenant au
professeur Dupuy.
M. DUPUY : Je vous remercie, Monsieur le Président. Je m'adresserai, quant à moi, aux
arguments défendus par l'Australie à propos du caractère prétendument illégitime de l'objet de la
requête portugaise. On retrouvera peut-être certains éléments parmi ceux qui viennent d'être évoqués
par mon ami Sérvulo Correia, mais je les envisage, non plus du point de vue du locus standi, mais
du point de vue de l'objet de la requête. Je serai d'ailleurs, pour l'essentiel, très bref.
L'objet de la demande est-il légitime ?
Si l'on examine les arguments de la duplique australienne, concernant l'objet du différend ou
sa prétendue illégitimité, il me semble que l'on peut définir deux groupes.
Dans le premier, du point de vue technique, ce qu'en réalité l'Australie met en cause, ça n'est
pas la recevabilité, mais, plus précisément, l'opportunité de la demande portugaise. Je les examinerai
- 57 -
très brièvement.
Ensuite, elle fait appel à des arguments plus délibérément juridiques, qui eux-mêmes touchent
à la recevabilité.
En ce qui concerne le premier groupe, la Cour trouvera d'abord, au paragraphe 159 de la
duplique australienne, un argument d'après lequel le défendeur s'y inquiète des dangers d'une
restauration de la puissance coloniale du Portugal sur le Timor oriental. Le zèle des colonisateurs de
l'Australie prétend trouver sa justification dans les propos rapportés par la réplique du Portugal,
d'après lesquels plusieurs responsables des mouvements de libération du peuple du Timor, en le
reconnaissant explicitement comme la puissance administrante de leur territoire, notamment, en 1993
et 1994 - ils l'avaient fait aussi bien antérieurement - ont rendu hommage au Portugal pour sa
défense des droits de leur peuple. Ces mêmes responsables timoriens envisageaient aussi, il est
vrai, et c'est ce que rapporte l'Australie, mais évidemment sans lien direct avec la présente instance,
la nécessité de rétablir temporairement l'autorité effective du Portugal sur le territoire, pour
permettre la réalisation du droit du peuple du Timor oriental à l'autodétermination.
Je me contenterai de deux brèves remarques à ce propos. La première, c'est que, bien
évidemment, le rétablissement de l'effectivité in loco du Portugal ne pourrait résulter que des efforts
divers déployés dans le cadre politique, en particulier sous l'égide du Secrétaire général de
l'Organisation. Ce rétablissement ne peut évidemment pas être la conséquence directe du prononcé
de l'arrêt de la Cour et la requête du Portugal n'a jamais eu un tel objet.
Deuxième observation, l'Australie, si, vraiment, elle s'inquiète du sort du peuple du Timor, n'a
rien à craindre, du moins du Portugal. Ce rétablissement de son effectivité territoriale sur le Timor
oriental, transitoire et précisément finalisé, n'aurait rien d'une restauration. Lisbonne a toujours
rappelé que son seul objectif est de sauvegarder et de promouvoir les droits du peuple du Timor.
Ceci explique et justifie l'appui qui lui est donné par les chefs de mouvements de libération nationale
de ce territoire et de ce peuple !
Le deuxième argument d'inopportunité, évoqué par la duplique de l'Australie, se trouve à son
paragraphe 160 :
«The Treaty is potentially far more beneficial to the People of East Timor
- 58 -
provided Indonesia passes on an equitable part of the benefits to the people.» (ARej.,
p. 72, par. 160.)
Je m'en remets à la Cour du soin d'apprécier, à tous égards, le degré de pertinence d'une telle
allégation.
Troisième argument d'inopportunité : considération, à vrai dire, un peu surprenante, que
l'Australie croit pouvoir faire dans sa duplique en relation avec la légitimité de la requête du
Portugal. Elle tient à craindre qu'elle, l'Australie, ne soit pas forcément amenée à bien comprendre la
portée de la décision que la Cour prendra dans la présente affaire; ceci, dans la mesure où «the Court
is not required to determine matters which will have a direct legal effect on Indonesia».
Alors je ne sais si l'on doit imputer ce scrupule du défendeur à un manque de confiance en ses
propres capacités de compréhension ou à une défiance supplémentaire à l'égard de l'exercice de votre
juridiction. Mais je tiens à préciser que là aussi, les inquiétudes de l'Australie sont mal fondées : les
conclusions du Portugal sont claires, il demande tout simplement à la Cour la mise en oeuvre de la
responsabilité internationale de l'Australie pour ses propres manquements au droit, et, quant à lui, le
Portugal n'a aucun doute sur la capacité des juges à rédiger un arrêt dépourvu d'ambiguïté et
parfaitement applicable en lui-même. Envisageons donc, sans plus tarder, les arguments plus
délibérément juridiques de l'Australie, qu'il me paraît davantage possible d'identifier comme des
arguments d'irrecevabilité.
II. Arguments proprement juridiques opposés par l'Australie au caractère
légitime de la demande du Portugal
Il y en a trois. Le premier se rapporte à la souveraineté des côtiers sur leurs ressources
naturelles.
A. Souveraineté des côtiers sur leurs ressources naturelles
D'après le défendeur, une réponse favorable à la requête du Portugal «would exacerbate the conflict
of maritime claims». L'arrêt de la Cour interdirait, qui plus est, à l'Australie, d'exercer sa
souveraineté sur ses ressources naturelles dans la région22. Alors, là encore, il faut répondre très
sereinement aux inquiétudes australiennes : il ne saurait évidemment être question de négliger les
- 59 -
propres droits de l'Australie sur ses ressources naturelles. Mais ces droits n'ont d'égal que le respect
qu'on doit à ceux que le peuple du Timor possède sur ses propres ressources.
Nul doute qu'il soit dans l'intérêt commun de l'Australie et du Timor oriental de parvenir
rapidement à un règlement de la question de délimitation de leurs zones maritimes respectives. Mais
le meilleur moyen pour l'Australie d'y parvenir et de coopérer avec les Nations Unies pour les aider à
promouvoir les droits du peuple en cause.
B. Prétendue impossibilité de distinguer le politique du juridique dans
la présente affaire
Le deuxième argument d'irrecevabilité se trouve au paragraphe 158, et il reprend un thème du
contre-mémoire australien :
«Portugal invokes a political judgement, and a question of degree, as central to
the dispute. And this highlights the close link between the particular dispute with
Australia and the broader political dispute that is being dealt with in the political organs
of the United Nations.» (ARej., p. 72, par. 158.)
Monsieur le Président, bien des plaideurs se sentant à court de munitions, ont, une fois ou
l'autre, essayé d'engluer le juridique dans le politique, et tenté de les mêler si étroitement l'un à
l'autre, qu'ils constitueraient une sorte de pâte onctueuse, un corps indisséquable, desquels la Cour,
prise au piège de son Statut, ne pourrait distinguer ce qui tombe sous sa compétence de ce qui lui
échappe !
Je crois pouvoir être très bref sur ce point. La Cour, avec une patience imperturbable, s'est
toujours attachée à indiquer aux parties que, certes, sa fonction judiciaire est restreinte au règlement
des différends de nature juridique entre les Etats, mais que chaque affaire présente un aspect
juridique, et qu'il lui appartient, à elle, de déterminer et de résoudre ce problème juridique en s'en
tenant à lui.
S'attachant au demeurant à l'aspect organique de la même question, la République du Portugal
a d'ores et déjà relevé systématiquement, dans sa réplique, une série de cas dans lesquels le fait
qu'une seule et même question soit à la fois examinée par des organes politiques, dans le cadre des
Nations Unies ou dans celui d'organisations ou de procédures régionales, n'empêchait nullement la
Cour, à l'égard de la même affaire, d'exercer pleinement sa juridiction contentieuse. Je me permets
de vous renvoyer respectueusement aux paragraphes 9.01 à 9.25 de la réplique portugaise.
- 60 -
Mais dès lors, s'il en est ainsi, il en va a fortiori de même lorque des organes politiques et la
Cour sont saisis d'affaires qui, tout en présentant un certain degré de connexité, restent néanmoins
juridiquement bien distinctes. Or, tel est le cas dans la présente affaire.
Mes conclusions sur la question de la connexité du politique et du juridique s'énoncent donc
dans les trois brèves propositions suivantes :
1) L'analyse constante de la jurisprudence vérifie que la Cour a toujours tenu à s'affirmer, au
contentieux comme au consultatif, comme susceptible d'exercer sa compétence pour dégager
clairement le politique du juridique et s'en tenir à la résolution du second.
2) La Cour n'est nullement empêchée d'exercer sa compétence judiciaire par le fait qu'une
autre instance, universelle ou régionale mais de caractère politique, est chargée de trouver une
solution au même différend.
3) Il en va a fortiori de même lorsqu'organes politique et juridictionnel sont saisis de questions
distinctes.
- 61 -
II. La compatibilité de la fonction judiciaire avec les termes des conclusions du Portugal
Alors venons-en en définitive à la seule véritable question d'irrecevabilité qui mérite
quelqu'attention et qui est celle du Cameroun septentrional auquel mon ami Servulo Correia a déjà
fait allusion il y a un instant en envisageant le point de vue du locus standi du Portugal.
Ce précédent du Cameroun septentrional présente, il est vrai, de prime abord certaines
analogies avec l'affaire qui nous réunit aujourd'hui. Dans un cas comme dans l'autre, on y parle des
Nations Unies, de l'autodétermination d'un peuple, du passage d'un territoire de la phase coloniale à
celle de l'indépendance. Mais ces analogies sont très superficielles et les deux affaires sont
profondément dissemblables.
Trois séries de différences, au moins, interdisent qu'on prétendent tirer du Cameroun
septentrional le moindre précédent à l'égard du Timor oriental. Elles concernent successivement les
circonstances de l'affaire, la nature de la demande camerounaise, enfin, et par voie de conséquence,
les conditions d'exercice par la Cour de sa fonction juridiciaire.
1. En ce qui concerne tout d'abord les circonstances de l'affaire, elles gravitaient toutes autour
des conditions dans lesquelles le Royaume-Uni avait exécuté ses obligations telles que définies dans
l'accord de tutelle pour la partie du Cameroun placée sous son administration. Le demandeur, qui
était la République du Cameroun tout nouvellement indépendante, considérait en effet que le
Royaume-Uni n'avait pas respecté plusieurs de ses devoirs dont certains se rapportaient aux
modalités de consultation électorale, par voie de «plébiscite», des populations concernées, dans le
cadre d'exercice de leur droit à l'autodétermination. Monsieur le Président, on voit déjà qu'on est
vraiment très loin des circonstances de notre espèce, puisque, dans l'affaire du Timor, s'il est parfois
question du droit à l'autodétermination, c'est seulement par défaut, pour constater qu'il n'a jamais été
exercé conformément au droit par le peuple intéressé. Mais l'essentiel est encore au-delà, toujours
du point de vue des circonstances : dans l'affaire du Cameroun septentrional, l'accord de tutelle dont
il s'agissait avait été régulièrement déclaré éteint par l'organe compétent pour ce faire au sein des
Nations Unies, c'est-à-dire l'Assemblée générale. Et comme la Cour le dit elle-même :
«A dater du 1er juin 1961, [c'est-à-dire, je précise, deux jours après le dépôt de la
requête camerounaise auprès du Greffe de la Cour], il n'y avait plus ni 'territoire sous
tutelle', ni populations pour la protection desquelles les fonctions relatives à la tutelle
- 62 -
puissent s'exercer.23
»
C'est là la circonstance majeure de l'affaire du Cameroun septentrional. L'accord de tutelle
n'existait plus au moment du différend connu par la Cour; et, comme celle-ci le notera, il n'existait
plus non par le fait du défendeur, le Royaume-Uni, mais en raison de la décision de l'Assemblée
générale. C'était, en d'autres termes, l'Organisation des Nations Unies qui avait mis fin à la tutelle24
.
Il résulte de cette circonstance, et c'est le second point, que la nature de la demande
camerounaise était très singulière. Elle était à la fois rétrospective, sans objet réparatoire, et, enfin,
contestataire d'une décision légale de l'Assemblée générale. Je reprends brièvement ces trois points.
Rétrospective, elle l'était par le fait qu'elle se rapportait à l'exécution d'un acte juridique arrivé à
terme et dont l'exécution était pleinement accomplie. Ainsi que l'observait la Cour :
«En l'espèce, les violations invoquées ont été définitivement consommées, et la
République du Cameroun ne peut demander une restitutio in integrum tendant à ce que
l'union avec le Nigéria et la division du territoire n'aient pas lieu, ou que les objectifs
prévus à l'article 6 de l'Accord aient été atteints, ou que la Résolution 1473 ait été
respectée25

De la sorte, sans objet réparatoire, la demande l'était parce que le Cameroun n'intentait pas contre le
Royaume-Uni une action en responsabilité. Comme, là encore, la Cour l'a remarqué : «il ne lui était
pas demandé d'accorder une réparation quelconque26». En particulier, la seule demande de jugement
purement déclaratoire formulée par le demandeur ne prétendait même pas au rôle de satisfaction d'un
préjudice juridique dont le Cameroun aurait invoqué l'existence, ce qu'au demeurant, il ne faisait pas.
Pour paraphraser la Cour, aucune suite n'était demandée à la Cour ni ne pouvait être ajoutée27
.
Et alors on revient sur le troisième caractère de la nature de cette demande : elle était
contestataire d'une décision légale de l'organe compétent des Nations Unies parce qu'elle remettait
directement en cause la résolution 1608 (XV) par laquelle l'organe plénier de l'Organisation rejetait
une demande très insolite antérieurement adressée qui lui avait été demandée par le Cameroun afin
d'obtenir l'annulation du plébiscite organisé au Cameroun septentrional.
Il résulte de ce qu'il faut bien appeler une conjonction d'anomalies que la Cour était sollicitée
d'exercer une fonction à vrai dire incertaine, en tous cas, manifestement incompatible avec la
fonction judiciaire dont elle est investie par son Statut. Ainsi qu'elle devait en effet le relever :
«Sa fonction est de dire le droit, mais elle ne peut rendre des arrêts qu'à
- 63 -
l'occasion de cas concrets dans lesquels il existe, au moment du jugement, un litige réel
impliquant un conflit juridique entre les parties.»
Or, précisément, rappelons que de telles conditions sont ici remplies. Et je me permets de me référer
à ma dernière plaidoirie sur le fond intervenue en premier lieu jeudi matin à propos des conséquences
des faits illicites de l'Australie. La demande du Portugal n'est pas rétroactive. Elle s'adresse à la
méconnaissance du statut actuel du territoire du Timor oriental. Elle ne cherche pas la réforme des
décisions des organes des Nations Unies, mais tout au contraire, elle veut faire sanctionner leur
irrespect par le défendeur. Elle ne se cantonne nullement dans la sollicitation d'un jugement
déclaratoire. Elle introduit une action en responsabilité à l'encontre de l'Australie pour préjudices,
nés, actuels et certains au peuple du Timor et à sa puissance administrante. Enfin, elle est
évidemment destinée à avoir des conséquences pratiques «en ce sens qu'il doit pouvoir affecter les
droits ou obligations juridiques existants des parties» puisqu'il résultera de ce jugement pour le
défendeur un prononcé judiciaire relatif à l'obligation de reconnaître l'opposabilité à son égard des
qualités juridiques du Timor et du peuple, une obligation de cessation, une obligation de nonrépétition
des faits illicites constatés par la Cour dont j'ai rappelé jeudi devant vous l'orientation
souhaitée par le Portugal, en développant également la dimension à la fois préventive du dommage
matériel et conservatoire des droits du peuple du Timor.
Si donc, quelque chose est dépourvu d'objet dans la présente affaire, ce n'est pas la demande
du Portugal, mais l'invocation de son caractère illégitime par le défendeur!
Le PRESIDENT : Merci professeur Dupuy. Je donne la parole maintenant à professeur
Higgins.
- 64 -
Mrs. HIGGINS: Mr. President, Members of the Court. Australia has contended that, as a
matter of judicial propriety, the Court should decline to determine this case being it is an
"inappropriate means" for resolving the dispute. So, I address, Mr. President, the question of
inappropriate means.
Inappropriate Means
1. In its Counter-Memorial Australia advanced a veritable battery of reasons as to why
recourse by Portugal to the Court is an "improper means". Australia said it was "not simply"
because the dispute is currently before the United Nations (ACM, para. 299). Portugal's deployment
in its Reply (pp. 249-254) of the ample authority to indicate that this is no bar to the competence of
the Court is not refuted at all by Australia in its Rejoinder. It now simply says that it has not said
this (ARej., p.75).
2. There are other matters claimed by Australia in its Counter-Memorial, and refuted in detail
by Portugal in its Reply, that Australia does not come back to and I list them briefly:
- that the subject-matter makes the case unsuitable for adjudication by the Court (ACM, para. 198;
PR, paras. 9.17-9.25);
- that the Court is unable to make reliable findings of fact (ACM, para. 301; PR, paras. 9.23-
9.24);
- that the Court's decision would not contribute to a resolution of the dispute (ACM, para. 305;
PR, para. 9.25);
- that a judgment for Portugal "may advantage Indonesia to the detriment of the people of East
Timor" (ACM, para. 309; PR, para. 9.26)
- that the dispute is non-justiciable as it cannot be decided according to law (ACM, p. 134; PR,
para. 9.25).
3. Portugal will not repeat its responses on each of these propositions, but the written version
of these pleadings will contain the necessary references to the claims and the rebuttals.
4. So we turn, rather, to deal with the claims on "inappropriate means" as they appear in
- 68 -
revised and more limited form in Australia's Rejoinder.
5. Australia also states in its Rejoinder (para. 296) that the Court is precluded from dealing
with a dispute if the political organs of the United Nations have avoided recommending judicial
settlement. This novel proposition of law has been fully responded to by Portugal in its Reply (PR,
paras. 9.05-9.09). There is no response by Australia to these legal arguments in its Rejoinder. It
briefly says, in one line, that "the United Nations could have asked the Court for an advisory opinion
if it considered it appropriate. But it did not." (ARej., p. 76). It is apparently now suggested that if
a dispute is being dealt with by the Security Council, because it has become "a United Nations
matter", the parties lose the entitlement to judicial recourse, because now the only "appropriate"
judicial reference would be through an advisory opinion which it would request. This is a
remarkable revision of Article 33 of the Charter. The existing Article, of course, provides that:
"1. The parties to any dispute, the continuance of which is likely to endanger the
maintenance of international peace and security, shall, first of all, seek a solution by
negotiation, enquiry, mediation, conciliation, arbitration, judicial settlement, resort to
regional agencies or arrangements, or other peaceful means of their own choice."
But, apparently, it should now be read as if there were an additional paragraph which would say:
"(b) Judicial means shall not, however, be available to the parties if the Security
Council shall have made any proposals on any aspect of the dispute, judicial
recourse in that circumstance being limited only to a request by the Security
Council for an advisory opinion of the International Court."
6. The General Assembly and Security Council did, of course, ask for an advisory opinion on
the Legal Consequences for States of the Continued Presence of South Africa in Namibia (South
West Africa) notwithstanding Security Council Resolution 276 (1970) issue. But although the
controversy over South Africa's conduct of the mandate had long been a preoccupation of
United Nations organs, it did not make "inappropriate" the bringing of a legal action by Ethiopia and
Liberia, who believed they had a legal claim. In the event, the Court found that application
inadmissible - but certainly not on the grounds that only an advisory opinion should have been asked
for, as the issue was before United Nations organs.
If any United Nations members had a dispute inter se arising out of the Western Sahara case,
it would not be an "inappropriate means" for them to refer it for judicial resolution by the Court,
- 69 -
because the matter had been dealt with by the General Assembly. Nor does the fact that the
Assembly did itself seek advice at a certain moment from the Court indicate otherwise.
7. Australia's anxiety to avoid the Court determining the legal issues brought to it leads it to
some curious positions, quite inconsistent with the thrust of its arguments on the merits of the
dispute. On the merits, Australia insists that the United Nations has done nothing, lost interest and
that Australia is entirely free to act in accordance with "the realities". But when it seeks to avoid it
the exercise of its jurisdiction by the Court, Australia says that it is
"the United Nations [that] has assumed responsibility for negotiating a ... resolution of
the status and responsibility, if any, of Portugal in relation to East Timor".
Exactly so. What is required is that the clear determinations of the United Nations, long since made
and still of legal effect, be honoured.
8. Portugal does not, as Australia asserts, tell the Court that the status of East Timor as a nonself-governing
territory "and the status of Portugal as administering power - are not matters that the
Court can itself determine" (ARej., p. 76, para. 168). Portugal says rather that these are matters
which have been addressed in the resolutions of the General Assembly, and that the Court will want
to have regard to those resolutions when it determines the legal questions put to it.
9. Australia wants to be able to argue on admissibility that it is inappropriate for the Court to
exercise its powers, because of the role being undertaken by the United Nations. It has an awkward
problem, namely that on the merits, it has refused to concede that the United Nations has been acting
in any way that could affect its freedoms. So the solution is found in some very delicate wording
Australia says (ARej. p. 76, para. 168): "just as Portugal contends that these are matters for the
United Nations, so the consequences of those decisions for third States are also the responsibility for
the United Nations".
10. Leaving aside the inconsistency in seeking to argue that the United Nations is essentially
irrelevant in respect of the merits, but all-important on admissibility, just what is this supposed to
mean? It is certainly for the United Nations to decide, in a resolution that speaks of several things -
an illegal occupation, a right to self-determination, a continued duty for an administering authority -
- 70 -
to decide whether it will give specific orders to United Nations members as a whole, and if so, what.
What the Security Council decided was that United Nations members were to co-operate in the
attainment of self-determination for the people of East Timor. The Court is not being asked to
rewrite that clause. It is being asked to interpret it - in the context of the resolutions as a whole.
The resolutions as a whole also contain determinations that the Indonesian presence is to be
"deplored". There is a difference of view between Portugal and Indonesia as to what meaning is to
be given to that which the Security Council has decided. It is absolutely clear that the legal
consequences that flow from the choice of words, phrases and decisions taken by the United Nations
is a matter for the Court. But Australia seems to think that the General Assembly or the Security
Council should "decide such questions ... they are the appropriate bodies to do so" (p. 75).
Apparently, according to the Rejoinder, even the Human Rights Committee should have been asked
to interpret the resolutions. In short, any political body or treaty body, but not the Court. While I
naturally have an especially high regard for the Human Rights Committee, it is the Court that is the
principal judicial organ of the United Nations.
11. It cannot be otherwise. United Nations practice is replete with examples of its organs
taking decisions within their proper competence, and the legal consequences of those decisions then
being the subject of judicial determination. The Namibia case is, of course, a classic example. The
General Assembly terminated the mandate. That decision, taken by the organ with authority to
terminate the mandate, was supplemented by Security Council resolution 276 - taken by the organ
with authority to enforce the decision. The Court, while affirming the competence of the two organs
examined the relevant resolutions (including paragraphs 2 and 5 of resolution 276 (1970) - that is to
say, the "core finding" itself and the call made upon United Nations members) exactly in order to
determine the legal consequences. In the Northern Cameroons case the Trusteeship Council had
taken relevant decisions within its competence. The Court's decision not to give an answer on the
merits was not at all based on this fact. It did not say that the legal consequences of the Trusteeship
Council's resolutions were for the Council alone. And in its judgment in the Nauru case,
(I.C.J. Reports 1992), the Court did not find that the decision of the Trusteeship Council to end the
- 71 -
trusteeship over Nauru meant that all legal consequences flowing from that were for the Trusteeship
Council only, and not for the Court. And, the third inadmissibility claim of the United States in the
Nicaragua v. United States case, namely "that the matter was essentially one for the Security
Council", and not for the Court, as it concerned matters within the Security Council's Chapter VII
competence, was likewise not accepted by the Court (I.C.J. Reports, 1984, para. 93).
12. Australia knows it cannot, in the light of long jurisprudence of the Court, including
notably the Tehran Hostages case, seriously suggest that the Court is unable to deal with this case
because East Timor is being dealt with by the United Nations. It thus tries to reformulate that claim
by asserting that in this case the Court cannot pass on the legal aspects of a dispute without
impinging on the proper performance of functions by the political organs of the United Nations. The
political functions of the United Nations are indeed engaged in several respects in the matter of
East Timor. They are directed towards the position of Indonesia, the self-determination rights of the
people of East Timor, the status of Portugal, the handling of humanitarian issues that have become a
priority concern. A mixture of debates, resolutions, negotiations, technical reports and other
methods have been harnessed to these matters. Nothing in Portugal's application "impinges on the
proper performance of these functions". There is no answer that the Court might give that could
constrain the Security Council, General Assembly or Secretary-General in any of these functions.
The Court is merely asked to declare Australia's responsibilities arising out of general international
law and certain resolutions that the United Nations has passed in the exercise of its functions.
13. Australia cites Judge Bedjaoui's dictum in the Lockerbie case that "it is not as a rule the
Court's role to exercise appellate jurisdiction in respect of decisions taken by the Security Council in
the fulfilment of its fundamental mission of maintaining international peace and security" (ARej.,
p. 76, referring to I.C.J. Order 1992, p.145). That comment is certainly being pored over with a
rather keen attention in many quarters! But it simply has no application here. To ask if Australia is
required by United Nations resolutions not to enter treaty arrangements with Indonesia in respect of
the resources of the people of East Timor has nothing whatever to do with exercising an appellant
jurisdiction over the organs of the United Nations. Incidentally, Portugal notes with interest that
- 72 -
Australia relies for admissibility purposes on the non-reviewability of Security Council decisions
taken for the maintenance of international peace and security; while claiming on the merits precisely
that the resolutions do not have this character.
14. The only way in which any sense at all can be made of Australia's claim that the Court is
being asked to exercise an appellate jurisdiction over the Security Council, or to intrude upon the
competence of the United Nations bodies to take their own decisions, is if one accepts as a given
Australia's interpretation of what the resolutions require. Essentially, Australia says to the Court:
"The resolutions mean X. You may therefore not pronounce upon the legal
consequences for Australia of these resolutions, because you would act as an appellate
jurisdiction on the resolutions taken, which are matters for the United Nations alone."
15. This formulation is, of course, entirely question-begging. Just what the resolutions do
mean for Australia (as well as its obligations under general international law) is exactly what the
Court is being asked.
16. In another pronouncement that simply asserts the answer that Australia would like, as a
basis for denying admissibility, Australia says: "This case is not a situation where the Court and
some other United Nations organ are concurrently dealing with different aspects of a dispute."
(ARej., p. 76.) But it is. Australia wants to tell the Court that the United Nations organs are dealing
with the same aspects of the same dispute. It is, frankly, absurd to pretend that the United Nations
is dealing with the issue of whether Australia violates its international obligations by entering a
treaty in respect of the resources of the people of East Timor. Having told United Nations members
- including Australia - that they must co-operate in the attainment of self-determination for East
Timor, the United Nations is seeking with the people of East Timor, Portugal and Indonesia to find a
negotiated way to attain that objective. Pointing to the United Nations no more allows Australia to
acquire protection against judicial scrutiny for its own actions than does pointing at the absent
Indonesia. And nothing that the Court might find in this case about Australia's responsibility could
conceivably "prejudge, and possible prejudice, the outcome of the negotiation taking place under the
auspices of the Secretary-General" (p. 75). The matter before the Court simply is not on the
Secretary-General's agenda, as Australia well knows.
- 73 -
17. Australia has a further, (and indeed it terms it a "principal") argument as to why resort to
the Court by Portugal is an "inappropriate means": it is because
"political organs of the United Nations have deliberately refrained from taking action on
matters on which the Court would be obliged to decide ... for example, the imposition of
a duty not to recognize or deal with Indonesia in relation to East Timor".
Portugal can only again say that the assertion that the United Nations has "deliberately refrained"
from imposing a duty not to deal with Indonesia in relation to the natural resources of East Timor is
exactly what the Court is being asked to decide. The very issue put to the Court is: does a
resolution, calling for self-determination of the peoples of the territory, and calling for all States to
co-operate to that end, require States not to deal with a State other than the Administering Authority
as if that other State has title to the natural resources of the people awaiting self-determination?
Australia starts by answering "No"; and goes from there to say that therefore to examine the
question, to which it has already given its answer, is to decide what the United Nations itself
refrained from deciding.
Mr. President, Members of the Court, for all the reasons we have advanced we believe there is
no impediment to the exercise by the Court of its jurisdiction. This concludes the first round of the
oral pleadings of Portugal, which have been directed to justifying the conclusions as stated at the end
of our Reply.
We appreciate very much the kind attention of the Court.
Le PRESIDENT : Je vous remercie beaucoup, Madame le professeur Rosalyn Higgins. Nous
voilà en effet parvenus, dans le cadre de ce premier tour de plaidoiries, à l'ensemble des plaidoiries
faites par la délégation du Portugal, Etat demandeur. Nous continuerons ce premier tour de
plaidoiries à partir de lundi matin à 10 heures en écoutant les arguments de l'Australie, toujours dans
le cadre de ce premier tour. La séance est levée. Nous reprenons donc lundi à 10 heures. Merci
beaucoup.
L'audience est levée à 12h 50.
__________
I.J. Recueil 1954, p. 32; reprise dans l'affaire relative à Certaines terres à phosphates à Nauru, C.I.J. Recueil 1992, p. 50.
F. Damrosch, Multilateral Disputes, in L.F. Damrosch (ed.) The International Court of Justice at a Crossroad, 1987, p. 378.
pinion individuelle de M. Shahabuddeen sous l'arrêt intervenu dans l'affaire de Certaines terres à phosphates à Nauru, arrêt du
uillet 1992, cinquième partie, p. 24.
.I.J. Recueil 1984, p. 431, par. 88.
rrêt relative à Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), arrêt du 26 juin 1992, par. 51.
.I.J. Recueil 1984, p. 431, par. 88.
.I.J. Recueil 1986, p. 579, par. 49.
.I.J. Recueil 1990, arrêt du 13 septembre 1990, par. 51 et 74.
.I.J. Recueil 1990, arrêt du 13 septembre 1990, par. 73.
Affaire relative à Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), arrêt du 26 juin 1992, par. 55.
ffaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), requête à fin d'intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, par. 40, p. 25.
.I.J. Recueil 1986, p. 577, par. 45.
C.I.J. Recueil 1990, p. 122, par. 73.
Affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant)), arrêt du 11
embre 1992, par. 424.
bid., par. 402 : "Il n'apparaît donc pas que la Chambre doive maintenant se prononcer sur le point de savoir si l'arrêt de 1917 est
cata entre les Etats qui étaient parties à l'affaire en question, et dont un seul est partie à la présente procédure".
Contre-mémoire de l'Australie, p. 106, par. 228.
C.I.J. Recueil 1992, par. 48.
bid.
C.I.J. Recueil 1984, p. 431, par. 88.
Affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), arrêt du 11 septembre 1992, par. 424.
Affaire du Détroit de Corfou (Royaume-Uni/Albanie), C.I.J. Recueil 1949, p. 15-16.
Duplique de l'Australie, par. 166.
23. Affaire du Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni), Exceptions préliminaires, C.I.J.
Recueil 1963, p. 36.
Ibid., p. 33.
Ibid., p. 31.
- 75
-
Ibid., p. 32.
Ibid., p. 34.

Document Long Title

Audience publique tenue le vendredi 3 février 1995, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Bedjaoui, président

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