C 4/CR 91/21
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
YEAR 1991
Public sitting of the Chamber
held on Monday 13 May 1991, at 10 a.m., at the Peace Palace,
Judge Sette-Camara, President of the Chamber, presiding
in the case concerning the Land, Island and Maritime Frontier Dispute
(El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening)
VERBATIM RECORD
ANNEE l991
Audience publique de la Chambre
tenue le lundi 13 mai 1991, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre
en l'affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant))
COMPTE RENDU
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Present:
Judge Sette-Camara, President of the Chamber
Judges Sir Robert Jennings, President of the Court
Oda, Vice-President of the Court
Judges ad hoc Valticos
Torres Bernárdez
Registrar Valencia-Ospina
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Présents :
M. Sette-Camara, président de la Chambre
Sir Robert Jennings, Président de la Cour
M. Oda, Vice-Président de la Cour, juges
M. Valticos
M. Torres Bernárdez, juges ad hoc
M. Valencia-Ospina, Greffier
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The Government of El Salvador is represented by:
Dr. Alfredo Martínez Moreno,
as Agent and Counsel;
H. E. Mr. Roberto Arturo Castrillo, Ambassador,
as Co-Agent;
and
H. E. Dr. José Manuel Pacas Castro, Minister for Foreign Relations,
as Counsel and Advocate.
Lic. Berta Celina Quinteros, Director General of the Boundaries'
Office,
as Counsel;
Assisted by
Prof. Dr. Eduardo Jiménez de Aréchaga, Professor of Public
International Law at the University of Uruguay, former Judge and
President of the International Court of Justice; former President
and Member of the International Law Commission,
Mr. Keith Highet, Adjunct Professor of International Law at The
Fletcher School of Law and Diplomacy and Member of the Bars of
New York and the District of Columbia,
Mr. Elihu Lauterpacht C.B.E., Q.C., Director of the Research Centre
for International Law, University of Cambridge, Fellow of Trinity
College, Cambridge,
Prof. Prosper Weil, Professor Emeritus at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Dr. Francisco Roberto Lima, Professor of Constitutional and
Administrative Law; former Vice-President of the Republic and
former Ambassador to the United States of America.
Dr. David Escobar Galindo, Professor of Law, Vice-Rector of the
University "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador)
as Counsel and Advocates;
and
Dr. Francisco José Chavarría,
Lic. Santiago Elías Castro,
Lic. Solange Langer,
Lic. Ana María de Martínez,
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Le Gouvernement d'El Salavador est représenté par :
S. Exc. M. Alfredo Martínez Moreno
comme agent et conseil;
S. Exc. M. Roberto Arturo Castrillo, Ambassadeur,
comme coagent;
S. Exc. M. José Manuel Pacas Castro, ministre des affaires
étrangères,
comme conseil et avocat;
Mme Berta Celina Quinteros, directeur général du Bureau des
frontières,
comme conseil;
assistés de :
M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, professeur de droit international
public à l'Université de l'Uruguay, ancien juge et ancien
Président de la Cour internationale de Justice; ancien président
et ancien membre de la Commission du droit international,
M. Keith Highet, professeur adjoint de droit international à la
Fletcher School de droit et diplomatie et membre des barreaux de
New York et du District de Columbia,
M. Elihu Lauterpacht, C.B.E., Q.C., directeur du centre de recherche
en droit international, Université de Cambridge, Fellow de Trinity
College, Cambridge,
M. Prosper Weil, professeur émérite à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Francisco Roberto Lima, professeur de droit constitutionnel et
administratif; ancien vice-président de la République et ancien
ambassadeur aux Etats-Unis d'Amérique,
M. David Escobar Galindo, professeur de droit, vice-recteur de
l'Université "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador),
comme conseils et avocats;
ainsi que :
M. Francisco José Chavarría,
M. Santiago Elías Castro,
Mme Solange Langer,
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Mme Ana María de Martínez,
Mr. Anthony J. Oakley,
Lic. Ana Elizabeth Villata,
as Counsellors.
The Government of Honduras is represented by:
H.E. Mr. R. Valladares Soto, Ambassador of Honduras to the
Netherlands,
as Agent;
H.E. Mr. Pedro Pineda Madrid, Chairman of the Sovereignty and
Frontier Commission,
as Co-Agent;
Mr. Daniel Bardonnet, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Derek W. Bowett, Whewell Professor of International Law,
University of Cambridge,
Mr. René-Jean Dupuy, Professor at the Collège de France,
Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Julio González Campos, Professor of International Law,
Universidad Autónoma de Madrid,
Mr. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, Professor of International Law,
Universidad Complutense de Madrid,
Mr. Alejandro Nieto, Professor of Public Law, Universidad
Complutense de Madrid,
Mr. Paul De Visscher, Professor Emeritus at the Université de
Louvain,
as Advocates and Counsel;
H.E. Mr. Max Velásquez, Ambassador of Honduras to the United Kingdom,
Mr. Arnulfo Pineda López, Secretary-General of the Sovereignty and
Frontier Commission,
Mr. Arias de Saavedra y Muguelar, Minister, Embassy of Honduras to
the Netherlands,
Mr. Gerardo Martínez Blanco, Director of Documentation, Sovereignty
and Frontier Commission,
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Mrs. Salomé Castellanos, Minister-Counsellor, Embassy of Honduras to
the Netherlands,
M. Anthony J. Oakley,
Mme Ana Elizabeth Villata,
comme conseillers.
Le Gouvernement du Honduras est représenté par :
S. Exc. M. R. Valladares Soto, ambassadeur du Honduras à La Haye,
comme agent;
S. Exc. M. Pedro Pineda Madrid, président de la Commission de
Souveraineté et des frontières,
comme coagent;
M. Daniel Bardonnet, professeur à l'Université de droit, d'économie
et de sciences sociales de Paris,
M. Derek W. Bowett, professeur de droit international à l'Université
de Cambridge, Chaire Whewell,
M. René-Jean Dupuy, professeur au Collège de France,
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Julio González Campos, professeur de droit international à
l'Université autonome de Madrid,
M. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, professeur de droit international
à l'Université Complutense de Madrid,
M. Alejandro Nieto, professeur de droit public à l'Université
Complutense de Madrid,
M. Paul de Visscher, professeur émérite à l'Université catholique de
Louvain,
comme avocats-conseils;
S. Exc. M. Max Velásquez, ambassadeur du Honduras à Londres,
M. Arnulfo Pineda López, secrétaire général de la Commission de
Souveraineté et de frontières,
M. Arias de Saavedra y Muguelar, ministre de l'ambassade du Honduras
à La Haye,
M. Gerardo Martínez Blanco, directeur de documentation de la
Commission de Souveraineté et de frontières,
- 8 -
Mme Salomé Castellanos, ministre-conseiller de l'ambassade du
Honduras à La Haye,
- 9 -
Mr. Richard Meese, Legal Advisor, Partner in Frère Cholmeley, Paris,
as Counsel;
Mr. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mrs. Olmeda Rivera,
Mr. Raul Andino,
Mr. Miguel Tosta Appel
Mr. Mario Felipe Martínez,
Mrs. Lourdes Corrales,
as Members of the Sovereignty and Frontier Commission.
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M. Richard Meese, conseil juridique, associé du cabinet Frère
Cholmeley, Paris,
comme conseils;
M. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mme Olmeda Rivera,
M. Raul Andino,
M. Miguel Tosta Appel,
M. Mario Felipe Martínez,
Mme Lourdes Corrales,
comme membres de la Commission de Souveraineté et des frontières.
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Le PRESIDENT : Please be seated. The sitting is open and we continue the hearings on the
fourth sector of the land frontier Naguaterique-Colomoncagua or Nahuaterique-Sabanetas and I give
the floor to Professor González Campos.
M. GONZALEZ CAMPOS : Thank you, Mr. President.
1. Messieurs les Juges, j'interviens devant vous pour la deuxième fois, au sujet du quatrième
secteur litigieux de la frontière terrestre, celui de Nahuaterique et Torola selon nos contradicteurs qui
ajoutent Sabanetas ou celui de Nahuaterique Colomoncagua selon le Honduras. Comme je disais
lors de ma première intervention, il s'agit du secteur le plus étendu et celui qui représente le noyau
historique de la controverse sur la frontière terrestre. Dans cette deuxième intervention, je
m'efforcerai de répondre au brillant exposé du Président Jiménez de Aréchaga de vendredi dernier
(C 4/CR 91/20, p. 10-39), un exposé qui, d'emblée, appelle les observations suivantes :
Premièrement : je ne reviendrai pas une nouvelle fois sur l'absence de réponse de la part
d'El Salvador à la question sur les "arguments d'ordre humain" et des "effectivités" qui a fait l'objet
du dernier point de ma précédente intervention. Je me borne à prendre note de cette absence dans
l'attente de l'intervention à venir de la Partie adverse, à une date encore non spécifiée. Mais je
souligne de nouveau, les effets de ce silence sur l'ordonnance du débat concernant le secteur contesté
de la frontière terrestre, effets sur lesquels j'ai déjà attiré votre attention dans mon intervention
antérieure (C 4/CR 91/19, p. 45).
Deuxièmement : je me réjouis en revanche de quelque chose dont je souligne l'importance.
Pour la première fois, en effet, El Salvador a abordé une question qui constitue un point crucial du
débat judiciaire entre les Parties, à propos de la délimitation du sous-secteur de la montagne de
Naguaterique : il s'agit du litige de 1770-1773 entre les communautés de Perquín et Arambala de la
province de San Miguel et celle de Jocoara, de la province de Comayagua, litige porté devant la
"Real Audiencia" de Guatemala. Un litige où les limites entre les anciennes provinces ont constitué
la prémisse de la sentence rendue en 1773 en faveur de la communauté de Jocoara. En abordant ce
sujet, quoique tardivement, El Salvador a contribué à l'avancement du débat judiciaire. Je me réjouis
également de ce qu'enfin, il y a eu de l'autre côté de la barre, une référence de faite à la borne de
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La Cruz, Quecruz ou los Picachos; encore que dans ce cas, nos adversaires, au lieu de se livrer à un
examen de la question, ont préféré lui substituer une inexactitude et une aimable ironie "What a
cross" (C 4/CR 91/21, p. 35). Cette ironie est la bienvenue pour alléger l'aridité du débat, mais je
crains qu'en recourant à l'ironie, El Salvador ne cherche à faire dévier le coup en impliquant
Messieurs les Juges alors que cette borne de La Cruz, c'est El Salvador qu'elle préoccupe en réalité.
Et en fait, ce qu'il aurait convenu de se demander de la part d'El Salvador, c'était le suivant :
comment faire pour éluder un point identifié dans tellement de documents jusques et y compris dans
le titre même de Torola de 1743 ? "Oh, God, what a cross for El Salvador".
Troisièmement : Ceci dit, Messieurs les Juges, ma satisfaction ne va pas plus loin que les
deux points en question; car je ne peux certainement pas me réjouir des silences - des zones d'ombre
jetées sur le débat judiciaire - dans lesquels se réfugient nos contradicteurs. Et El Salvador doit
reconnaître que la liste de ces silences est véritablement longue, comme je le mettrai en évidence au
cours de mon intervention. Il suffit de faire observer que je n'ai pas trouvé la moindre réponse aux
questions suivantes, dont l'importance pour le débat ne peut pas être mise en doute : d'abord, celle
sur le fondement du tracé auquel El Salvador prétend dans la première partie de ma division en cinq
tronçons; il s'agit de la partie comprise entre la source du ruisseau de La Orilla et le point E la limite
des terres de Torola. Le même problème en ce qui concerne les zones colorées en bleu et en orange
de la troisième partie; ensuite le fondement du tracé salvadorien de la cinquième partie - toute la zone
en orange extérieure à l'est à la hauteur de Perquín Arambala. Et finalement, le fait qu'il n'y ait pas
eu de réaction à l'examen que j'ai effectué des ajouts inexacts et intéressés du juge Cecilio Espinosa
introduits dans le document sur les terres de 1844 avec un autre point qui méritait l'attention, le
problème de l'emplacement de la borne du Malpaso de Similaton auquel je me référais lors de ma
première intervention.
Tous ces silences, il faut les constater, et moi je ne peux faire autre chose que les regretter,
mais la Chambre de la Cour, je l'espère, en aura certainement pris bonne note. Et attendre que
l'intervention à venir de nos adversaires chasse ces ombres qui obscurcissent le débat judiciaire.
Maintenant, après avoir formulé ces remarques préliminaires, je voudrais indiquer le plan de
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mon exposé. El Salvador a abordé les deux "sous-secteurs" de Nahuaterique et de Torola, dans
l'ordre où les Parties avaient étudié la question dans les contre-mémoires. Alors que j'avais divisé le
tracé de la frontière terrestre en cinq parties, pour prendre en compte les arguments d'El Salvador,
comme Messieurs les Juges s'en souviendront. Mon éminent contradicteur voudra bien me permettre
de ne pas suivre sa division et de maintenir la mienne, vu que le choix de l'une ou de l'autre n'est pas
un point décisif car, comme a dit ou a été dit par la Chambre de la Cour dans l'affaire du Différend
frontalier (Burkina Faso/République du Mali),
"Les différents systèmes de division de la frontière reposent cependant sur des
considérations étroitement liées aux conclusions des Parties relativement aux titres ou aux
preuves à prendre en considération pour la détermination du tracé de la frontière en chaque
secteur. La Chambre ne saurait, partant, entériner d'emblée l'une quelconque de ces divisions
sans courir le risque de préjuger sa décision sur les thèses en présence quant au fond."
(C.I.J. Recueil 1986, Jugement, par. 66.)
Je passe donc au premier point. Le tracé de la frontière de La Orilla à la borne de Tijeretas.
Point E sur la carte qui est devant vous.
Tracé de la frontière de La Orilla à la borne de Tijeretas
1. Sur cette première partie du tracé, je serai très bref, vu le silence d'El Salvador. Et je me
contenterai, en effet, de faire simplement deux rappels :
- En premier lieu, pour indiquer encore une fois que le tracé d'El Salvador va de la source de
La Orilla en droite ligne jusqu'à El Volcancillo - çà, c'est la source de La Orilla; ici El Volcancillo -
puis il suit en droite ligne jusqu'à un point qui est le Cajón de Champate, et puis le tracé suit, d'après
la position générale d'El Salvador, la rivière Cañas jusqu'à sa source. Mais en fait, ce tracé, comme
je l'ai mis en évidence dans mon intervention antérieure, est dépourvu de tout fondement. En effet,
El Salvador ne présente aucun titre antérieur à 1821 qui indique les limites dans cette partie du tracé;
et si, d'autre part, il invoque les "effectivités", nous savons déjà qu'il n'a pas soumis un seul moyen
de preuve à leur égard (C 4/CR 91/18, p. 35-36 et C 4/CR 91/19, p. 48-50).
- En deuxième lieu, pour me référer au tracé hondurien qui joint les points A à F : Champate,
Portillo Blanco, Obrajito ou Cerro Bonete, Laguneta, et finalement Tijeretas. Et qu'il me soit permis
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de renvoyer la Chambre aux documents antérieurs à 1821 que j'ai cités au cours de ma première
intervention (C 4/CR 91/18, p. 40-43) et aux écrits présentés par le Honduras (RH, vol. 1,
p. 449-458).
Voici donc pour la première partie du tracé, compte tenu du silence de nos adversaires. Et je
passe à la deuxième :
2. Les terres de Torola et de Colomoncagua de Tijeretas
à Monte Redondo
(c'est-à-dire du point E de la carte hondurienne jusqu'au point I de la carte du même tracé)
1. Ici, El Salvador a examiné quatre points, mais ils sont de nature différente. Les deux
premiers (chap. A) et B)) se réfèrent à la "force probante" des documents soumis, respectivement,
par El Salvador et par le Honduras. Aux chapitres C) et D), au contraire, sont traitées les questions
de fond en matière de délimitation. Mais cela dit, je me permets de vous rappeler que la brillante
intervention de mon éminent contradicteur, à part ces quatre points, présente un silence d'importance
du fait qu'il n'a absolument pas contredit mon examen des ajouts introduits en 1844 au titre de
Torola de 1743 par le juge Don Cecilio Espinoza, ajouts qui sont, à mon avis, à l'origine du conflit.
Je tiens à signaler d'ailleurs, qu'au cours de mon examen, j'ai comparé les documents de 1844 et ceux
de 1743, en faisant ressortir les différences qui les séparent. Ce qui est de nature à influer sur la
bonne interprétation du second document.
2. Mais s'agissant de la première série de questions, à caractère formel, je me contenterai de
quelques remarques :
- Tout d'abord, il y a concordance entre la position d'El Salvador et celle du Honduras sur
l'authenticité du titre des terres de Torola de 1743, même si l'original nous fait défaut et que nous
disposons seulement d'une copie certifiée en 1843. Mais en outre, mon distingué contradicteur a fait
observer un autre point de concordance plus important entre les Parties. Il a, en effet, déclaré que :
"Honduras and El Salvador coincide in the designation as boundaries of certain places
or boundary markers mentioned in the Formal Title-Deed, such as Las Tijeretas, Las Cana or
Yuquina river, the camino Real which ran from Torola to the town of Colomoncagua, a place
known as La Cruz where no boundary marker was in fact placed, and the Monte Redondo,
where a boundary marker of stones had been erected." (C 4/CR 91/20, p. 29.)
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Je ne saurais dire le plaisir que j'ai ressenti en entendant ces mots. Car il s'agit précisément du
tracé que soutient le Honduras. D'où l'idée, quelque peu ingénue, je dois l'avouer, qui m'est alors
venue qu'El Salvador allait modifier ses conclusions. Mais mon honorable contradicteur m'a
rapidement tiré de mon erreur en ajoutant immédiatement après le texte que je viens de répéter :
"There is a coincidence in the designation but not on the location of these markers." (Ibid., p. 29.)
Puis, lorsqu'a commencé l'examen du chapitre C), à propos de la rivière de Las Cañas
(C 4/CR 91/20, p. 33-35), j'ai compris que la divergence entre les Parties ne tenait pas seulement à
une question de localisation.
2. J'en reviens donc à la première affirmation de mon éminent contradicteur, car on y trouve
pour le moins deux points utiles à la clarification du débat :
- Premièrement : très élégamment, il faut le reconnaître, El Salvador a corrigé son omission à
propos de la borne de La Cruz ou Quecruz que nous avions notée dans ses écrits précédents. La
borne existe donc bien dans le titre de 1743 et je prends bonne note de la rectification à laquelle ont
procédé nos adversaires. Une rectification, au demeurant, qui suppose la disparition d'une grave
contradiction dans leur approche, puisque, si dans le contre-mémoire ils avaient omis de mentionner
cette borne (CMES, p. 91, par. 3.85), en revanche ils l'avaient portée sur la carte 3 H - la carte était
colorée - de ce même écrit (après la page 102) que vous avez devant vous où se retrouve un "Cerro
Quecruz" au sud du "Cerro Monterredondo ou Alguacil Mayor". Il s'agit, je le répète, de la
carte 3 H du contre-mémoire salvadorien. C'est une carte où les limites des terres sont colorées.
Donc, si la borne de La Cruz existe bien et qu'en outre, nous sommes en mesure de la localiser
avec exactitude sur une carte d'El Salvador, où est la divergence "on the location" de ce point ?
Mais, une fois cela admis, force est de convenir que nos adversaires tombent de Carybde en Scilla,
car si l'emplacement de la borne de La Cruz se trouve là où El Salvador la situe sur la carte 3 H,
c'est-à-dire au même endroit que le Honduras, qu'en résulte-t-il ? Très simplement que la ligne de la
rivière de Canas, établie en 1844 par le juge Don Cecilio Espinoza, s'effondre complètement. Mais
nous reviendrons sur cette question.
- Deuxièmement : selon El Salvador, la divergence qui subsiste tient à la localisation des
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points indiqués dans le document de 1743. Or, l'idée n'est pas nouvelle, comme je l'ai fait observer
dans mon intervention de jeudi dernier dans la matinée, une fois effectués les ajouts que nous savons
dans le document de 1743, le juge Espinoza s'est heurté à l'opposition décidée des habitants de
Colomoncagua qui soutenaient que la limite de leurs terres allait de Las Tijeretas jusqu'à La Cruz
(MES, annexes, trad. fr., p. 34). Et devant cette attitude, le juge commis pour l'arpentage dut clore
le dossier, en y joignant un rapport de l'arpenteur, rapport dans lequel il est fait mention des bornes
de las Cañas, du chemin royal et de La Cruz et qui ajoute ceci : "les gens de cette ville
(Colomoncagua) voulaient donner ces noms à d'autres lieux au préjudice des intéressés" (ibid.,
p. 40). Il y avait donc concordance sur les noms et divergence sur les emplacements. El Salvador,
on le voit, reste fidèle aux thèses de 1844 et cela malgré le fait qu'en 1989 il a inclus dans son
contre-mémoire la carte 3.H qui localise la borne de La Cruz ou Quecruz. Où est le problème de
localisation ?
A) les deux premiers arguments d'El Salvador
2. Le deuxième point de caractère formel a trait au "Title-Deed relied on by Honduras", où
mon honorable contradicteur a mis en question, une fois encore, la "force probante" des documents
présentés par nous (C 4.CR 91/20, p. 29-33). Réapparaît ainsi une fois de plus la tactique du "titre
solitaire" que nous connaissons déjà pour y avoir eu droit dans le débat sur les secteurs précédents.
Et de nouveau la Partie adverse reproche au Gouvernement du Honduras de recourir à un "puzzle"
- cette fois-ci un "jigsaw puzzle", partant d'un type plus compliqué - pour contrecarrer la prétention
d'El Salvador sur la limite de la rivière Cañas. Je répondrai simplement :
- d'une part, que la méthode employée par le Honduras est à mon avis la seule qui convient :
montrer les concordances et les discordances qui se dégagent de documents différents, établis à des
dates différentes sur un même point du tracé. S'il y a concordance, comme c'est précisément le cas,
entre trois documents - à savoir ceux de 1694, de 1743 et de 1767 - concordance sur le fait que
l'arpentage a atteint un point (le point F du tracé hondurien) où existent deux cours d'eau, le Cañas et
le torrent Masire ou de Tijeretas; si ensuite on affirme, dans les trois documents, que l'on a continué
ves l'est ou à "el oriente" et qu'on est arrivé au chemin de Colomoncagua et de Torola; si tous les
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documents mentionnent ensuite la borne de La Cruz et que l'on dit qu'auparavant on longeait les
terres de Colomoncagua avant La Cruz, tout cela constitue-t-il un puzzle ou bien la seule voie
permettant de faire la lumière sur les limites des anciennes provinces ? Je ne peux donc accepter le
reproche et cela pour deux raisons au moins : l'accumulation des données et des moyens de preuves
est à la base de la méthode historique. Et devant cette Cour, c'est également à elle que l'on a recours,
pour déterminer s'il existe une règle coutumière. Et je ne crois pas que le conseil d'une Partie qui a
présenté toutes les données pertinentes des législations nationales ou des traités bilatéraux sur la
délimitation du plateau continental pour soutenir que le principe de l'équidistance ne constitue pas
une règle générale, ce conseil, je pense, ne mérite pas d'avoir un reproche disant qu'il a bâti un
"jigsaw puzzle".
- Par ailleurs, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne suivrai pas mon éminent
contradicteur dans l'examen de chacun des documents soumis par le Honduras. Je me contenterai de
dire que dans l'examen effectué sur ce point lors de l'audience du vendredi s'est produit un curieux
mélange d'arguments et dans un cas, certaines inexactitudes. D'où le besoin de quelques
éclaircissements pour éviter toute confusion.
En effet, je me permets de faire observer que pour le moins dans un cas, celui du titre de
Las Joyas et de Jicaguites de 1694, El Salavdor applique une curieuse méthode d'interprétation. Il
retient une phrase, celle qui se rapporte à la borne sur le grand torrent Yuquina, et fait litière du
reste, c'est-à-dire fait litière du contexte, tant avant qu'après la phrase en question. Or le texte, lu
dans son intégralité, est plutôt clair, même s'il va à l'encontre de la thèse d'El Salvador, d'une part, il
y est dit que le grand torrent Yuquina a été laissé "au couchant", à l'ouest, et cela implique qu'on a
dépassé la rivière en allant vers l'est et, d'autre part, que l'arpentage s'est poursuivi "vers l'orient
jusqu'à un coteau appelé Quecruz ... endroit où les bornes marquent la division des deux juridictions
de San Miguel et de Gracias a Dios". Le texte complet figure dans ma dernière intervention
(C 4/CR 91.18, p. 51).
Dans d'autres cas, qu'il s'agisse des documents de 1776 ou de 1793, mon contradicteur prétend
établir la nullité de ces pièces ou leur manque de "force probante" en faisant appel à divers
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arguments assortis de bon nombre d'erreurs (C 4/CR 91/20, p. 31-32). Je prends la liberté de
signaler ces dernières très brièvement.
Tout d'abord : il a été soutenu de l'autre côté de la barre que le document de 1793
(l'intervention de M. Andres Perez) ne remplit pas les conditions requises par l'article 26 du traité
général de paix, dans la mesure où il n'a pas été délivré par "a competent authority". A nouveau,
nous nous trouvons face à une interprétation assez particulière de cette disposition de la part
d'El Salvador qui ajoute une condition supplémentaire, à savoir, la compétence des autorités
coloniales espagnoles à propos du document. Et je dis interprétation assez particulière - pour ne pas
dire singulière - car je ne trouve pas dans ledit article 26 une telle exigence. Il y est seulement prévu,
je le répète une fois encore, que le document doit avoir été délivré par une autorité espagnole
- condition qui est claire dans le cas que j'examine, condition ... évidemment remplie par
Don Andres Perez de Comayagua, et qu'il doit y être fait référence à des limites de territoires ou de
localités. Or, cette seconde exigence est également respectée : le document de Don Andres Perez
décrit les limites qui étaient celles des anciennes provinces en 1793.
Deuxièmement : Mon contradicteur a essayé de faire valoir l'"incompétence" de
Don Andres Perez en tant qu'autorité de la Couronne espagnole en 1793, sur la base de trois
données.
En premier lieu, on nous dit que les arpentages ou les réarpentages devaient être effectués par les
juges délégués dans chaque province ou par l'"Audiencia" de Guatemala elle-même, ce qui est exact.
Mais on nous dit, tout de suite après, que l'intervention de Don Andres Perez n'était qu'une
"reconnaissance visuelle" des bornes, ce qui fait que l'argument s'effondre complètement. Parce que
en effet, M. Andres Perez, comme je l'ai fait valoir dans ma première intervention, intervient pour
protéger les indigènes de Colomoncagua dans la possession de leurs terres, dans les limites qui
étaient les leurs, contre les usurpations de leurs voisins, notamment ceux de San Fernando. Son rôle
n'était donc pas de délimiter les terres de Colomoncagua, ni d'attribuer des droits de propriété : il
n'était là que pour garantir à la communauté en question la possession des terres. En deuxième lieu,
il a été dit que l'intervention de Don Andres Perez "was ordered by a Lieutenant and interim
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Governor of Colomoncagua" (C 4/CR 91/20, p. 32). Soit dit avec tout le respect voulu, ces deux
affirmations sont inexactes. Car il s'agit, d'une part, de Don Alejo Garcia qui était "gouverneur
intendant et commandant général pour sa majesté de cette province du Honduras..." et qui avait
également entre autres titres, celui de juge commissaire des rentes royales et ordonnateur privé du
droit royal des terres de ce district, etc." comme on peut le lire au début du document de 1793 (MH,
annexes, vol. III, p. 1296). Et c'est Don Alejo Garcia l'intendant et autorité suprême de Comayagua
qui a signé à Comayagua le 11 février 1793, la commission de Don Andres Perez. Il en découle
donc, par ailleurs, qu'il s'agit de l'autorité supérieure de la province Comayagua et non de celle de
Colomoncagua, je pense qu'il s'agit là d'une simple erreur.
Une dernière remarque sur cette critique de l'"incompétence" : mon contradicteur a affirmé que
c'est ce motif (l'incompétence) qui explique que cette reconnaissance de bornes d'Andres Perez "was
not executed by the affected communities including that of San Fernando" (C 4/CR 91 20, p. 32).
Ce qui appelle deux précisions : d'une part, l'intervention de Don Andres Perez a été entérinée par
l'intendant de Comayagua en vertu d'un décret du 21 juin 1793 (MH, annexes, vol. III, p. 1322).
D'autre part, le décret a été notifié aux voisins usurpateurs et le représentant de San Fernando a
répondu "que l'emplacement de San Fernando est reconnu par la juridiction de l'intendance de
San Salvador et qu'il se trouve dans une autre juridiction qui a été toujours reconnue par ledit
intendant, et il est prêt à se présenter à l'une ou l'autre juridiction, c'est ce qu'il a donné comme
réponse" dit le document (MH, annexes, vol. III, p. 1324). Autrement dit, San Fernando village de
la province de San Miguel invoque les limites des intendances pour comparaître devant celle de
San Salvador, à laquelle cette communauté appartient; mais il ne refuse pas de le faire dans une
autre juridiction, étant donné que les actes d'usurpation des terres de Colomoncagua s'étaient
produits dans le ressort de l'intendance de Comayagua.
Mais enfin, laissons là les questions de caractère formel derrières lesquelles El Salvador
cherche refuge et passons aux deux autres points abordés par la Partie adverse et qui touchent
davantage au fond.
B) La question relative à la rivière de Las Cañas ou Yuquina
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1. Ce premier point, en effet, intéresse la délimitation du secteur, puisque le tracé de la rivière
de Cañas, à partir du Cajón de Champate ici jusqu'à sa source en haut, est la frontière à laquelle
El Salvador prétend. Et pour cela, étrangement, ce pays s'appuie sur le titre des terres de Torola
de 1743, dont il avance une interprétation erronée qui va à l'encontre des termes mêmes du
document. Voyons donc quels sont les éléments de divergence entre les Parties sur ce point.
- D'abord : les deux Parties admettent que, de la borne de Las Tijeretas, le point E du tracé
hondurien, de la borne de Las Tijeretas je répète, l'arpenteur a poursuivi l'arpentage du sud vers le
nord. Il n'est donc pas besoin d'insister sur ce point, bien que soit à noter un problème particulier, à
savoir celui de l'emplacement de Las Tijeretas qui serait d'après le Honduras plus à l'est si on suit un
tracé sud-nord.
- Deuxièmement : la divergence apparaît à partir du point F. Le point F est ici, c'est la borne
à la jonction du torrent de Masire avec la rivière Cañas. Mon contradicteur a lu le passage pertinent
du titre de 1743 qui indique que l'on est arrivé à un certain endroit "on the Las Cañas river" puis on a
continué "walking eastward ... upwater" jusqu'à atteindre, 80 cordes plus loin, le chemin royal qui va
de Colomoncagua à Torola. Et la question fondamentale est : par où s'est poursuivi l'arpentage,
"upwater of the Las Cañas river" ou "upwater of the Masire river" ? Pour El Salvador, c'est la
première alternative qui est la bonne : pour le Honduras, c'est la seconde. Ce sont les termes du
problème que nous devons analyser sur la base des arguments de l'une et de l'autre Parties.
- Troisièmement : le premier point d'appui sur lequel le Honduras fait reposer son
interprétation du document de 1743 est constitué par les termes mêmes de la pièce en question d'où il
ressort que l'on a changé de direction, on venait sud-nord, on a changé de direction en arrivant au
point F pour se diriger vers l'est, "al oriente". Or ce point, cela saute aux yeux, détruit
l'interprétation d'El Salvador ce qui fait qu'il n'est pas étonnant que la Partie adverse ait cherché à lui
enlever son importance. Et on s'est ainsi entendu expliquer.
- D'une part, que la simple expression "eastward" ne détermine pas la direction suivie "but the
fact that the measurement went for 80 cordes 'upwaters' along the Las Cañas or Yuquina river" et
que le cours de la rivière Las Cañas s'incurve légèrement vers l'est avant de prendre "a definite
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orientation towards the north" (C 4/CR 90/21, p. 34).
Arrêtons-nous donc sur ce point de fait pour le préciser : si nous consultons la carte 6.IV du
mémoire d'El Salvador, la carte en vert où sont les limites des terres de Torola et de
Perquín-Arambala, nous constatons que l'arpentage des terres de Torola arrive à partir de las
Tijeretas à un point indiqué "a place on the Las Cañas river"; et le cours de la rivière Las Cañas
continue vers l'est-nord-est, en effet sur quelque 1300-1400 mètres. Mais on notera, à propos de
l'observation de la Partie adverse, sur le cours initial de la rivière Las Cañas :
D'abord, qu'El Salvador a commencé par déplacer l'emplacement de Tijeretas en le rapportant
à un point beaucoup plus vers l'ouest, comme le Honduras l'a déjà fait observer dans la réplique
(RH, vol. I, p. 417-419). Je ne peux donc pas accepter le point de départ de l'observation de mon
contradicteur. Je ne peux pas le faire compte tenu de trois données. D'abord on a commencé
l'arpentage avant d'arriver au Tirejetas et prendre la direction sud-nord à partir du Portillo de
San Diego. C'est ici où l'arpentage prend la direction sud-nord; il est indiqué sur la carte verte
d'El Salvador, or sur cette carte il n'y a pas de direction sud-nord, il y a une déviation.
Deuxièmement, le texte parle du chemin de San Diego qui fait référence à un chemin entre San Diego
et Colomoncagua, c'est la deuxième donnée, et enfin l'emplacement du Portillo de las Tijeretas est
fait dans un croquis de 1916 lors des négociations à l'époque. L'emplacement de las Tijeretas n'est
pas vers l'ouest mais plus à l'est et vous pourrez voir la divergence sur la carte ici. C'est cette
divergence entre le tracé d'après le Honduras et le tracé d'après El Salvador. Ce déplacement est
celui qu'explique la remarque de mon adversaire disant que dans la partie initiale il l'a suivi encore
vers l'est.
Deuxièmement, là où la rivière de las Cañas s'oriente définitivement vers le nord, on peut
noter sur la carte 6.IV d'El Salvador, la carte verte, qu'il existe un deuxième cours d'eau, un torrent
et celui-la, oui, continue vers l'est-nord-est. Il s'agit du torrent de Masire ou de las Tirejetas, que
mentionnent, de manière concordante, les documents de 1694 et de 1767, documents dont j'ai donné
lecture dans mon intervention précédente (C 4/CR 91/18, p. 51-52). Et l'on pourra constater de
même, si nous continuons vers l'est-nord-est, un chemin qui part de Torola, on le voit sur la carte, et
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c'est le chemin royal dont il est question dans le document de 1743, puis, il y a un endroit appelé
précisément sur la carte "Cerro El Picacho", à côté d'un lieu qui s'appelle aussi "El Picacho", un
endroit appelé précisément "Agua Zarca" si l'on suit la direction nord-nord-est et puis, plus en haut,
vous avez une "Quebrada Agua Zarca". Tous ces noms, El Picacho, Agua Zarca, ont été répétés
dans les documents qui vont de 1694 à 1793. En résumé : la thèse d'El Salvador est démentie par les
termes mêmes du titre de 1743, par d'autres pièces antérieures à 1821 et par la toponymie même de
la zone telle qu'elle ressort d'une carte d'El Salvador.
Mais d'autre part, El Salvador est confronté à un autre problème : d'après le document
de 1743, on a mesuré 80 cordes, en direction de l'est jusqu'à arriver au chemin royal qui mène de
Colomoncagua à Torola. Or projetons donc les 80 cordes, c'est-à-dire 3280 mètres dans la direction
indiquée par El Salvador puis dans celle indiquée par le Honduras : si nous suivons la première, la
direction indiquée par El Salvador, on va vers le nord à partir du confluent entre Cañas et Masire et
si vous projetez 3280 mètres vers le nord, vous arrivez ici, jamais à la source de la rivière Torola,
jamais au chemin de Colomoncagua-Torola qui l'ont placé ici à la borne d'"El Alguacil Mayor" parce
que la distance serait presque de 10 000 mètres. Par contre, si vous suivez et même j'ajoute un mot,
si l'on accepte la localisation de Tirejetas d'après la carte d'El Salvador, qui serait ici, si nous
projetons les 80 cordes, vous arriverez ici et alors tout ce tracé manque, il n'y a aucune coïncidence.
Alors projetons le tracé sur le tracé hondurien, les 80 cordes; nous disons que le point est ici, la
rencontre de Juquina, Cañas et Masire, d'après trois documents concordants. Et alors prenons
3000 mètres, 3200 mètres, où est le chemin de Colomoncagua ? Alors on monte en amont de la
rivière et on arrive au chemin de Colomoncagua. Il y a coïncidence dans les distances, il y a
coïncidence dans le tracé, il y a concordance entre les documents. C'est cela que le Honduras vous
soumet.
Finalement, je ne voudrais pas le répéter, mais c'est pourtant nécessaire : l'interprétation
d'El Salvador, si elle est contraire aux termes du document et celle du Honduras y est conforme, celle
d'El Salvador ne peut pas tenir si on fait référence à la borne de La Cruz, et malheureusement je dois
parler à nouveau de ce point. Mon honorable adversaire confronté à ce point, pour lequel
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El Salvador ressent certainement une allergie, a affirmé : primo, que dans les pays catholiques, il y a
de nombreuses croix et c'est vrai, que l'on a érigé aucune borne à La Cruz; et que celle-ci "n'existe
pas" (et ce sont les références qu'il a faites, après une ironie à la borne de La Croix, C 4/CR 91/20,
p. 35). Je n'infligerai pas davantage de souffrances à mon contradicteur en revenant une fois de plus
sur toutes les données concernant ce point : je me contente d'un côté de renvoyer à la carte 3.H
d'El Salvador où on trouvera la borne La Cruz qui "n'existe pas". Et d'indiquer de l'autre,
qu'apparaît dans le document de 1743 une claire mention de ce point La Cruz qui "n'existe pas",
ainsi que dans les documents de 1694, 1766, 1767, 1792 et 1793 présentés par le Honduras, mais ce
sont des données qui permettent de fixer ce point, La Cruz (C 4/CR 91/18, p. 59-60). Et qu'est-ce
qu'il arrive si La Cruz est ici ? Parce que si on va au chemin, et on va à La Cruz, qu'est-ce qu'il en
résulte ? Il en résulte deux choses au moins :
- D'une part, il en résulte que l'emplacement à l'Alguacil Mayor n'est pas possible; il n'est pas
possible pour une raison : parce que d'ici jusqu'à Monte Redondo, on va en direction de l'est; et
La Cruz - vous pouvez le voir très clairement sur la carte salvadorienne 3 H - est en bas de l'Alguacil
Mayor. Il aurait dû changer la direction vers le nord, ce qui n'est pas le cas.
- Deuxièmement, si tous les documents que j'ai cités placent La Cruz ici, qu'est-ce qu'il arrive
avec la rivière Cañas ? Comment admettre le tracé d'El Salvador, qui se poursuit à 80 cordes pour
arriver à un chemin de Colomoncagua - qu'il place ici - à l'Alguacil Mayor ? La Cruz, vraiment,
c'est le point où s'effondre tout le tracé salvadorien. Mais je laisse ici cette question sur laquelle j'ai
déjà pas mal parlé. Je passe au troisième point.
C) L'identification du Cerro Monte Redondo avec
el Cerro del Aguacil Mayor
1. Sur ce point, mon distingué contradicteur a correctement exprimé les divergences existant
entre les Parties en déclarant que, pour le Honduras, il existe deux "cerros" différents : le "Cerro del
Alguacil", situé au sud-ouest du Roble Negro (ici) et le "Cerro Monte Redondo". Si on place ici
Roble Negro, il y aurait un de ces côtés pour le Honduras, l'autre irait l'un vers l'ouest, l'autre vers
l'est. Sur la carte salvadorienne - la carte verte - C IV, on peut très bien le voir. L'emplacement du
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Roble Negro est le tracé, d'après El Salvador, qui va vers l'ouest.
Par ailleurs, El Salvador reconnaît, comme le Honduras l'avait déjà fait observer, que l'un et
l'autre "cerros" ont été identifiés comme ne faisant qu'un dans la convention Cruz-Letona de 1884 où
il est dit que la rivière de Las Cañas a sa source à cet endroit (C 4/CR 91/20, p. 38). Je reconnais
volontiers le fait, étant donné qu'effectivement la rivière de Las Cañas naît à proximité du "Cerro del
Alguacil Mayor". Mais je me permettrai en revanche de ne pas être d'accord sur l'identification des
deux points, non seulement en raison de son origine, les négociations de 1884, mais du simple fait
qu'El Salvador ne peut pas démontrer cette identité avec l'ensemble des pièces versées au dossier.
2. Quelles sont les raisons qui expliquent le désaccord du Honduras ? La réponse est très
simple et je voudrais exposer brièvement deux arguments dans ce sens :
- Premier argument : si nous suivons l'itinéraire des limites d'après les titres fonciers des
terres de Torola et de Colomoncagua, le "Cerro Monte Redondo" ne peut se trouver où se trouve
celui "del Alguacil Mayor" pour une raison que j'ai déjà avancée : selon le document de 1743,
l'arpenteur marchait "vers l'orient" depuis la borne F du tracé hondurien. Il a continué "vers l'orient"
sans changer en rien sa direction jusqu'à Monte Redondo, et en passant par La Cruz, ou Quecruz.
Or si on prend la rivière Masire, le chemin de Colomoncagua et La Cruz, la direction n'est même pas
au Cerro del Alguacil Mayor, tel qu'il est indiqué sur la carte salvadorienne 6.IV, et on peut vérifier,
comme je disais, que le "Cerro La Cruz ou Quecruz" se trouve au sud de "l'Alguacil Mayor".
Il en va de même dans d'autres documents soumis par le Honduras depuis celui de 1694
jusqu'à celui de 1793; ce dernier, en l'espèce, nous dit que "l'on a tendu la corde 'vers l'orient' - la
même direction - et que l'on est arrivé à Quecruz puis que, par le chemin royal à côté de cet endroit,
on est arrivé à une plaine où il y a des marécages qu'ils appellent Agua Zarca et on a descendu une
butte pour monter sur un coteau aplati et, en haut, j'ai rencontré les natifs des villages d'Arambala et
Perquín" (MH, annexes, vol. III, p. 1308). Alors, après le torrent d'Agua Zarca, il existe selon le
texte de 1793 un mont aplati et il s'agit certainement de Monte Redondo, car en 1743 et en 1793, les
habitants de Perquín et Arambala étaient là.
- Deuxième argument : je fais une référence avant d'avancer dans mon deuxième argument. Si
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vous vous rapportez à la carte salvadorienne verte, vous pouvez constater tous les points que je viens
d'indiquer : Picachos, La Cruz, Aguazarca, Quebrada d'Aguazarca, et puis il y a des monts, un
point, un mont, à droite, qui est indiqué, un autre, plus à gauche, et que les monts aplatis dont parlait
Andres Perez. Je pense que le problème est un porblème facile à déterminer, même en examinant la
carte salvadorienne. Mais je disais qu'il y avait un autre argument pour ne pas accepter
l'identification proposée par El Salvador.
Observons maintenant la carte 6.IV où sont représentées les limites des terres de Perquín,
d'Arambala et de Torola. Mon contradicteur, se fondant probablement sur cette carte, a déclaré
qu'"à partir de Roble Negro le cours de l'arpentage a suivi exactement la même direction du nord au
sud avec une inclinaison vers le sud-ouest" (C 4/CR 91/20, p. 37). Je me permettrai d'apporter une
petite rectification; le texte du document de 1769 dit qu'on a marché dans cette direction non pas à
partir de Roble Negro (le point L-8 de la carte 6.IV) mais bien à partir du "Cerro de Chagualaca",
c'est-à-dire non d'ici, mais d'ici. C'est un argument que j'offre, bien qu'il pourrait être favorable à
El Salvador. Mais il faut se décider; si l'on allait vers le sud-ouest, comment expliquer la ligne entre
Chagualaca et Guiriri sur la carte 6.IV qui va vers le sud avec une inclination vers le sud-est.
Comment expliquer le tracé postérieur, car le premier, nous devons l'avouer, a provoqué une erreur
de la part du Honduras que je corrige maintenant volontiers : le titre de 1815 dit en effet qu'on allait
vers le sud-est. Mais la ligne d'El Salvador de la carte 6.IV est incorrecte; elle ne correspond pas au
titre de 1815. Donc, cet argument pourrait peut-être se résumer ainsi : si on laisse parler le
document, nous savons qu'il y a une ligne qui descend du sud vers le sud, avec une inclination vers
l'ouest. Mais dans ce cas, je résume : les représentations graphiques d'El Salvador ne concordent pas
avec ce tracé.
Mais je laisse ce point qui me semble un point mineur
3. De Monte Redondo jusqu'au Cerro de Chagualaca
1. C'était la troisième partie, le troisième tronçon de mon tracé où nous trouvons la limite des
terres de Perquín et Arambala à l'est puis le tracé plus à l'ouest auquel El Salvador prétend dans ses
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conclusions, ce qui est de nature à créer entre la limite des terres de Perquín Arambala et la ligne
définie dans les conclusions d'El Salvador, une zone que nous avons colorée en bleu, orange et jaune.
Et ceci dit, de l'autre côté de la barre, mention a été faite du problème des "tierras realengas"; mais
on a gardé silence sur deux points :
Premièrement : sur le fondement de la ligne extérieure qui va du Cerro El Agualcil Mayor, qui
serait ici, dans l'emplacement salvadorien, jusqu'à un point sur la rivière Pichigual. Il s'agit donc du
fondement du tracé salvadorien de la limite extérieure du petit secteur en bleu.
Deuxièmement : en ce qui concerne la zone colorée en jaune, le tracé d'El Salvador part du
Cerro Chagualaca pour aller en ligne droite jusqu'à la rivière Negro, puis suit le Negro jusqu'au
confluent du Pichigual et puis jusqu'à la limite des terres de Perquín Arambala. Et là, nous trouvons
notre silence, car j'ai déjà dit qu'il ne servait à rien de chercher la base du tracé dans les prétentions
salvadoriennes sur cette zone en jaune dans le document antérieur à 1821. Aucun document
antérieur à 1821 ne fait référence à cette zone. Et comme j'espère l'avoir démontré, cette base pour
pour la thèse d'El Salvador n'apparaît pas davantage si l'on recourt aux "effectivités", étant donné
qu'El Salvador n'a pas soumis le moindre moyen de preuve sur cette partie du secteur (C4/CR 91/19,
p. 17-18 et 48).
2. Il ne reste donc que la question de la rivière Pichigual en tant que limite des anciennes
provinces et celle des "tierras realengas". Ici, El Salvador invoque l'uti possidetis juris, estimant
qu'en tant que successeur de la couronne d'Espagne, il possède les droits que cette dernière détenait
sur les "tierras realengas" (C 4/CR 91/20, p. 25-26). En fait, la thèse de nos adversaires serait juste
si les deux prémisses sur lesquels ils se fondent se vérifiaient : à savoir, que la rivière Pichigual
constituait la limite des anciennes provinces et qu'en outre, il existait des "tierras realengas" à l'est de
la rivière Pichigual, comme on le représente sur la carte 3.H que vous avez devant vous.
Ces deux prémisses, rappelons-le, figurent dans le titre de Perquín et Arambala de 1815 et
c'est ce seul document qui a inspiré l'argumentation d'El Salvador (C 4/CR 91/20, p. 26-28). Mais
en appliquant, une fois de plus, la méthode du "titre solitaire" on fait subir des distorsions à l'histoire,
car on fait abstraction de tout le contexte historique contenu dans d'autres documents soit antérieurs,
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soit postérieurs. Mon désaccord avec la Partie adverse donc est d'ordre méthodologique; or, comme
je l'avais indiqué au début, la méthode suivie par le Honduras, elle, est difficile à contester.
3. En effet, les deux prémisses d'El Salvador tombent car il n'existait pas de "tierras
realengas" à l'est du Pichigual en 1821 et à cette date la limite des deux provinces n'était pas
davantage constituée par ce cours d'eau et pour le confirmer deux rappels suffisent à partir des
données que j'ai déjà relevées dans mon intervention antérieure :
- Primo : le titre même d'Arambala et Perqín dément toute interprétation extensive des "tierras
realengas". Et les titres soulèvent des doutes concernant la limite des provinces sur la rivière
Pichigual. Le premier, les "tierras realengas" en effet, ne s'étendaient pas au-delà de 10 cordes à
partir du Cerro Guiriri vers le sud et vers le sud-ouest. Et donc, j'ai montré que 10 cordes n'arrivent
même pas à un torrent qui est ici et qui s'appelle le torrent "Quebradona" (C 4/CR 91/19, p. 14-15),
c'est-à-dire que les "tierras realengas" seraient ici, tandis que pour le reste jusqu'au Monte Redondo,
il y aurait des terres de Colomoncagua. C'est la position que j'ai soutenue dans ma première
intervention et El Salvador n'a pas réfuté ce simple calcul de cordes ni la localisation géographique
des hypothétiques "tierras realengas" de l'arpentage de 1769. Mais d'autre part, on se réfère - et je
pense que c'est un point sur lequel les Parties n'ont pas prêté attention - dans le document de 1769 à
la rivière Negro ou Pichigual quand on était précisément à la borne de Guiriri, c'est-à-dire, au sud de
la rivière Negro ou Quiaguara ? C'est ici où on fait référence à une rivière Negro. Et alors je me
demande, la référence était vraiment à la rivière Negro ou Quiaguara ou à la rivière Pichigual ? Le
document, certes, parle de la rivière Pichigual, mais quand même la référence est faite près de la
rivière Negro.
Secundo : aussi bien, mais c'est, je pense, un point mineur parce que mon point principal est
ceci : c'était la situation en 1760, mais quelle est la situation en 1821 ? qui est la date critique.
Alors, les "tierras realengas" à l'ouest de Pichigual et la limite des provinces sur la rivière Pichigual
sont démenties par tous les documents présentés par le Honduras, documents antérieurs à 1821 et
ces documents nous montrent un tracé, et ce tracé, je le répète, n'était pas réfuté par nos adversaires,
lesquels n'ont pas examiné en détail les points indiqués par le Honduras ni les documents sur lesquels
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il se fonde. De ce fait, il ne me reste qu'à faire un renvoi à ce qui a été déjà dit dans mon intervention
précédente (C 4/CR 91/19, p. 25-27), en rappelant que ces points sont les suivants dans le sens du
sud vers le nord :
1. A partir de Monte Redondo, les points vont jusqu'au chemin royal, parce qu'il y a un
chemin royal qui partant d'ici monte. Le point suivant est la borne du Carrizal appelée autrefois
Soropay. Le troisième est la borne de Guiriri et le quatrième est la borne du Rincón. J'omets toutes
les références au document et j'omets toutes les références à tous ces points pour simplifier mon
examen, car je vais passer au quatrième point.
4. La montagne de Naguaterique et la cinquième partie
du tracé auquel El Salvador prétend
1. Je traiterai ces deux parties conjointement, la quatrième et la cinquième parties de mon
tracé, car une seule question a été abordée de l'autre côté de la barre vendredi dernier : celle relative
au Río Negro comme limite des anciennes provinces (C 4/CR 91/20, p. 10-25). Par conséquent, au
sujet de la cinquième et dernière partie du tracé je ne dirai que ceci :
Primo : El Salvador n'a pas fait savoir sur quoi reposait son tracé dans la cinquième partie.
Or, ce ne peut pas être, comme j'espère l'avoir démontré, le titre de Perquín et Arambala de 1815,
comme le prouve une comparaison entre la carte salvadorienne 6.4, la carte verte, et celle des
"human settlements". Car le tracé, je le répète, de la partie en jaune, est à l'extérieur du tracé des
terres de Perquín et Arambala, soit d'après le Honduras, soit d'après El Salvador. Il n'y a donc
référence à aucun document antérieur à 1821 et ce tracé repose davantage sur les "effectivités" car,
comme je crois l'avoir établi, ce fondement n'est étayé par aucune preuve sérieuse (C 4/CR 91/19,
p. 42-43 et 51-55). Voilà donc pour la partie du tracé où se trouve Sabanetas, une localité qui a
donné lieu à la dénomination du secteur.
Secundo : Comme je l'ai dit au commencement, El Salvador n'a pas davantage relevé le
problème de la localisation de la borne du Mal Paso de Similaton, le point extrême à l'est du secteur.
Je ne crois donc pas nécessaire de revenir à nouveau sur cette question et je me contenterai de
prendre bonne note du silence d'El Salvador, en me permettant de faire un renvoi à ce qui a déjà été
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exposé dans le contre-mémoire du Honduras (CMH, vol. I, p. 323-325) et de demander à la
Chambre de la Cour qu'elle veuille bien, sur cette question comme sur le point précédent, rendre une
décision conforme aux conclusions du Honduras.
2. Il ne me reste donc à traiter que le point concernant la limite de la rivière Negro. Et comme
je l'ai dit au début, je me réjouis de ce que nos adversaires, pour la première fois, aient abordé la
question du litige entre les Jocoara et les habitants de Perquín et Arambala de 1770-1773 en
s'étendant passablement sur cette question (C 4/CR 91/20, p. 23).
Ceci dit, afin d'assurer la plus grande concision possible à mon intervention, je me propose de
ne pas revenir sur les données de mon intervention antérieure (C 4.CR 91/19, p. 27-41). Comme il
convient à ce stade du débat, j'effectuerai une synthèse de chacun des arguments exposés par
El Salvador en les ordonnant sur quatre questions qui, j'estime, sont les questions principales.
- Première question: les terres de Jocoara, d'après leur titre de 1776 et le titre même de
Perquín et Arambala, se trouvent-elles situées sur la montagne de Naguaterique et étaient-elles
entourées de terres appartenant à Perquín et à Arambala ? El Salvador, face à la thèse du Honduras,
a commencé par donner une première réponse négative en se fondant sur la distance qui sépare
Jocoara des terres en question et sur l'existence, d'après l'arpentage de 1769, des "tierras realengas"
entre les terres de Jocoara et celles de Perquín et Arambala (C 4/CR 91.20, p. 23). Puis il a déclaré
que de toutes façons, la localisation des deux "caballerías" et demie ne présente aucun intérêt
puisqu'il s'agit d'un "ejido" de composition qui ne donne lieu qu'à "un droit foncier" (ibid., p. 23-24).
En laissant de côté l'incohérence, une certaine incohérence, entre ces deux arguments je signalerai ce
qui suit à Messieurs les Juges :
Primo : Au début du titre de Naguaterique de 1776, on apprend qu'il a été procédé à une
audience de témoins. Or, ceux-ci ont tous déclaré que les terres se trouvaient à un endroit appelé
Naguaterique, à trois lieues environ de Santiago Jocoara et que ces terres, que les Jocoara
possédaient depuis plus de 10 ans, se trouvaient dans la juridiction de Comayagua (MH, annexes,
vol. III, p. 1243-1246).
Secundo : l'arpentage des terres de la montagne de Naguaterique indique les divers endroits
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qui servaient de limites ainsi que les distances; noms et chiffres que je m'abstiendrai de répéter (MH,
annexes, vol. III, p. 1247-1248). Or, tous ces points indiqués dans l'arpentage peuvent se localiser
sans difficulté aussi bien sur les feuilles cartographiques du Honduras, n°
s
2558 et 2557, points qui
ont servi pour former ces cartes, et sur la carte salvadorienne verte, la carte 6.IV soumise par El
Salvador. Et si le point et la distance devaient être localisés, il en résulte la localisation que vous
trouvez ici dans la carte de grand format qui est devant vous. Les terres à arpenter en faveur de
Jocoara étaient dans la montagne de Naguaterique et à Comayagua.
Tertio : Le titre de Perquín et Arambala lui-même confirme ce résultat. Dans son dispositif,
en effet, les terres son concédées à ces communautés, telles que délimitées par "les limites et les
bornes qui figurent dans l'arpentage joint", c'est-à-dire celui de 1769. Puis il a ajouté immédiatement
"d'où il conviendra seulement d'exclure le terrain attribué aux gens du village de Jocoara...".
Autrement dit, les terres de cette communauté sont comprises dans les limies de celles Perquín et
Arambala et c'est pour cette raison que l'on exclut deux "caballerías" et demie attribuées aux
Jocoara. Et vous pouvez voir que localiser les terres, elles sont précisément à l'intérieur des limites
des terres de Perquín et Arambala, soit d'après l'interprétation du Honduras, soit d'après
l'interprétation d'El Salvador. Pourtant je trouve un premier point.
- Deuxième question : dans le litige soumis par la communauté de Perquín et Arambala contre
celle de Jocoara, les limites des anciennes provinces ont-elles ou non été au centre du débat entre les
parties, et cette question constitue-t-elle ou non ainsi une prémisse nécessaire de la sentence du 8 mai
1773 ? C'est ma deuxième question. El Salvador, à juste titre, reconnaît qu'une partie (Jocoara) a
affirmé que la limite était constituée par la rivière Quiaguara, tandis que Perquín et Arambala a
soutenu que la limite se trouvait davantage au nord, sur la rivière Salalamuya. Et alors, les
divergences des parties c'est la rivière Negro pour Jocoara, rivière Salalamuya près de Soloara, ici,
vous verrez que d'après la thèse de Perquín et Arambala au Guatemala toutes les terres auraient été à
l'intérieur de la province de San Miguel. Mais par la suite, El Salvador soutient que cette question,
qui est le véritable centre du débat, devant le "Juzgado privativo del real derecho de tierras" de la
"Audiencia" de Guatemala, ne figure en aucune manière dans la sentence de 1773, en tant que
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ratio decidendi ni en tant qu'obiter dicta, allant jusqu'à déclarer que les considérations de la sentence
sur la preuve présentée par les Parties ne peuvent porter sur la question des limites entre les
anciennes provinces qui "is not a matter of evidence from the Parties but one of administrative
regulations known to the authorities" (C 4/CR 91/20, p. 18-19). Face à ces arguments
d'El Salvador, les réponses du Honduras sont les suivantes :
Primo : comme une simple question de fait, je me permets d'indiquer que dans le litige porté
devant le "Juzgado" de Guatemala, figurait un rapport de Don Isidoro Mingo auquel venait s'ajouter
l'enquête auprès de témoins que j'ai mentionnée au commencement (MH, annexes, vol. III,
p. 1248-1250). Ce document est significatif. A l'instar du rapport du procureur qui lui fait suite
(ibid., p. 1250) et en particulier, des quatre écrits soumis par les Parties (ibid., p. 1250-1266). Il n'y
a pas lieu de répéter ici les citations, puisque le Honduras l'a déjà fait dans sa réplique, mais il en
résulte que la limite alternative de la rivière Negro ou rivière Salalamuya a constitué le point central
des argumentations des Parties.
Secundo : je me permets de manifester mon désaccord avec mon honorable adversaire sur la
non-inclusion expresse de cette question dans la sentence que ce soit en tant que ratio decidendi ou
en tant qu'obiter dicta. J'ai pour cela une double raison : d'abord, dans l'ancien droit espagnol et en
particulier dans le droit du royaume de Castille qui inspire de droit des Indes, les sentences ne
contenaient de motifs ou alors des motifs très brefs, et vous verrez que le jugement de 1773 est un
jugement extrêmement bref. Aussi n'y a-t-il pas lieu de distinguer entre ratio decidendi et obiter
dicta comme on peut le faire avec une décision de la Cour internationale de Justice, ce qui est une
tâche toujours aventureuse. Néanmoins, ceci étant précisé, on constate deux choses, la sentence
déclare, en premier lieu, "que les habitants de Arambala et Perquín n'ont pas apporté suffisamment
de preuves selon et comme il leur convenait de faire et qu'en revanche l'ont fait ceux de Jocoara..."
Mais en deuxième lieu, après "Jocoara" se trouve une phrase qui ne figure pas dans le texte du
compte rendu n° 20 au début de la page 21 et dont l'importance n'est pourtant pas à négliger : le texte
complet dit " "ceux de Jocoara, juridiction de Comayagua où se trouvent situées les terres litigieuses"
c'est la partie qui n'apparaît pas dans le compte rendu (HM, annexes, vol. III, p. 1266). Il existe
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donc une référence expresse à l'emplacement des terres dans le ressort de Comayagua; de sorte que
les limites des provinces de San Miguel et de Comayagua représente une prémisse nécessaire à cette
affirmation. Je dois simplement indiquer un autre petit point. C'est qu'aujourd'hui, ce n'est pas un
tribunal qui va établir les limites, ces considérations valent, disons pour une cour de justice dans un
Etat moderne, mais pour la cour de Guatemala la situation était tout autre et dans les écrits des
Parties, ce qu'ils se sont efforcés, c'est précisément de montrer que les terres étaient dans l'une ou
l'une province, à l'époque la tâche n'était pas extraordinaire. J'ai fini avec ce point et je passe la
troisième question.
La troisième question fondamentale serait la suivante : le problème des limites des provinces
débattu en 1770-1773 devant le tribunal de Guatemala a-t-il eu des effets juridiques en 1815,
lorsqu'on a concédé le titre des terres de Perquín et Arambala ? L'arrêt l'ayant quelque part présent
dans le dispositif du titre de Perquín et Arambala, El Salvador le nie et soutient que, même si la
sentence de 1773 avait décidé "by implication" que la limite était celle de la rivière Negro ou
Quiaguara, "that would not have been the end of the matter" puisque le dernier mot est donné par la
décision de 1815 qui concède les terres; dans la mesure où le "Juez de tierras de Guatemala" en tant
qu'autorité supérieure était habilité nous disent-ils "to ignore the provincial boundaries, as he did
here in this case" et comme ce fut le cas à Citalá (C 4/CR 91/20, p. 20). La réponse à ces arguments
d'El Salvador est la suivante :
Primo : le "Juez Privativo de Guatemala" avait pouvoir, sur délégation de la Couronne
d'Espagne, de concéder des "tierras realengas" à des particuliers et à des communautés indigènes, en
vertu de la "Real Cédula" de 1754 qui est mentionnée dans le titre d'Arambala et Perquín et dans le
titre de terres de Jocoara à Naguaterique. De concéder des terres, dis-je, dans une province ou dans
l'autre, après que ces terres aient été arpentées dans le cadre d'une procédure autorisée par le juge
sous-délégué de la province où les terres se trouvaient. Mais ce dernier, le juge sous-délégué, ne
pouvait aller au-delà de la limite de sa province, sauf autorisation de l'Audiencia" de Guatemala, et
l'"Audiencia" de Guatemala ne pouvait pas davantage "ignorer" ou modifier les limites des provinces
en concédant des terres à une communauté indigène. Le dispositif du titre de 1815 en est la meilleure
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preuve.
Secundo : analysons, en effet, le dispositif des titres fonciers. Dans tous les titres que vous
avez devant vous, nous retrouvons la même donnée : la protection de la possession des terres
concédées est confiée aux autorités de la province où se trouvent ces terres, autorités qui, par
ailleurs, ont participé, avec une compétence exclusive, à l'opération d'arpentage. Ainsi,
lorsqu'en 1776 la communauté de Jocoara se voit concéder son titre foncier, en vertu de la "Real
Cédula" de 1754, il est dit dans le dispositif :
"Et j'ordonne au sous-délégué de la province de Comayagua qu'une fois requis avec ce
titre par les Indiens, de leur remettre la possession des terres mentionnées, ses montagnes, ses
eaux ... je demande sans discussion possible de leur remettre tout ce qui leur revient de fait et
de droit et il les protégera et défendra..." (MH, annexes, vol. III, p. 1269.)
Bref, les terres de Jocoara se trouvaient dans la province de Comayagua et ce sont les
autorités de cette province qui devaient garantir la possession des terres. En revanche, si nous
étudions le titre de Perquín et Arambala, nous nous trouvons dans une situation différente : on confie
la protection des droits de cette communauté, parce que c'est le titre de Perquín et Arambala, à la
fois aux juges et autorités de San Miguel et celles de Comayagua.
Pourquoi cette différence de traitement dans le cas des terres de Perquín et Arambala ? El Salvador,
il est vrai, nous propose deux réponses pour échapper à cette réalité, mais l'une comme l'autre sont
inexactes :
- En premier lieu, El Salvador s'appuie sur la distinction entre "ejidos" de réduction et "ejidos"
de composition. Mais dans le titre de Jocoara de 1776 et celui de Perquín et Arambala de 1815, ce
sont des "ejidos" de composition, concédés aux termes de la même disposition, celle de la "Real
Cédula" de 1754.
- Deuxièmement, à l'encontre de ce qu'affirme El Salvador, le titre de 1815 n'établit aucune
distinction entre les pouvoirs de protection de la possession de l'une et de l'autre autorités. Il n'est
ordonné à aucun moment à l'autorité de Comayagua de protéger Perquín et Arambala des
usurpations de Jocoara, comme le prétend El Salvador (C 4/CR 91/20, p. 22-23). Il ne s'agit là en
fait que d'une explication donnée par nos adversaires en désespoir de cause et qui est démentie par le
titre lui-même
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Non. L'explication en fait est plus simple : chaque autorité intervient dans son ressort, celle de
Comayagua sur son territoire, celle de San Miguel sur le sien. La conclusion s'impose donc
d'elle-même : il incombe à l'autorité de San Miguel de garantir la possession de celles des terres de
Perquín et Arambala qui se trouvent en-deçà de la limite de la province, au sud de la rivière Negro;
et à celle de Comayagua de faire la même chose pour les terres de Perquín et Arambala situées dans
la montagne de Naguaterique. Comme je l'ai fait déjà observer, le titre de 1815 est cohérent avec la
sentence de 1773 qu'il contient, (le titre renferme la sentence) et avec les limites des provinces qui ont
constitué la prémisse de la décision. Et je passe à ma dernière question, je m'excuse Monsieur le
Président, je calcule très mal le temps. La quatrième question serait la suivante :
- Quatrième question : après l'indépendance, El Salvador a-t-il reconnu qu'une partie des
"ejidos" de Perquín et Arambala se trouvaient en territoire de la République du Honduras ? Nos
adversaires ne peuvent qu'admettre qu'il était ainsi en 1861, à deux reprises, et en 1869. Bien sûr, ils
essayent de réduire la portée de ces actes d'El Salvador au moyen d'un argument double : d'une part,
nous disent-ils, il s'agit d'actes entrant dans le cadre de négociations entre les Parties et qui ne
peuvent donc servir de base à la délimitation. Par ailleurs - je l'avoue et je dois l'avouer, l'argument
me surprend - on nous dit que les documents ayant servi aux négociations ne figurent pas parmi ceux
visés à l'article 26 du traité général de paix (C 4/CR 91/20, p. 24-25). Ma réponse est la suivante :
Primo : dans la note du Gouvernement d'El Salvador du 14 mai 1861, il est demandé au
Gouvernement du Honduras que soit opérée une démarcation des terrains des communautés
de Jocoara et de Perquín et Arambala, par l'intervention d'arpenteurs nommés respectivement, par
chaque gouvernement; une initiative prise sur la base d'une donnée précise, vu que "une partie du
terrain des habitants d'Arambala et Perquín se trouve en territoire hondurien". Ceci dit, je me
permettrai de souligner, en premier lieu, qu'il ne s'agit pas là d'une proposition parmi tant d'autres,
faite au cours de négociations entre les deux Etats, mais tout au contraire, c'est la demande de
lancement des négociations. Et en tant que telle, elle définit l'objet de ces négociations : en arriver à
une démarcation commune vu qu'une partie des terres se trouve en territoire hondurien. En deuxième
lieu, et je fais référence à un passage de l'arrêt du Différend frontalier de 1986; la note c'est un acte
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unilatéral et la Chambre de la Cour nous a dit
"Pour apprécier les intentions de l'auteur d'un acte unilatéral, il faut tenir compte de
toutes les circonstances de fait dans lesquelles cet acte est intervenu." (C.I.J. Recueil 1986,
p. 40.)
Or sur quelles "circonstances de fait" s'est basée la note salvadorienne de 1861 ? Elle s'est
basée, elle s'est fondée sur la sentence de 1763 et sur le titre de Perquín et Arambala et de
Naguaterique. Il s'agit donc bien d'une circonstance de faits qui était le présupposé de la note.
Secundo : Et je finis ici, Monsieur le Président, la lecture des procès-verbaux des négociations
de juillet 1861 et de juin 1869 nous apporte diverses données d'intérêts. Soulignons d'abord que ces
négociations sont intervenues après la note d'El Salvador du 14 mai 1861, et de ce fait on ne peut pas
affirmer que cette note n'a pas eu d'effets dans les relations entre les deux Parties (C 4/CR 91/20,
p. 24-25). Elles ont en effet été entamées sur la base de la prémisse exprimée dans le procès-verbal
de 1869, à savoir "la rivière Negro est traversée par les 'ejidos' d'Arambala et Perquín" (MH,
annexes, vol. I, p. 63). Mais par ailleurs, la lecture des procès-verbaux nous indique que nous ne
nous trouvons pas en présence d'une négociation où s'échangent des propositions successives qui
modifient les unes les autres dans le temps. C'est sans aucun doute dans ce cas que la jurisprudence
internationale a établi la règle de bon sens qui interdit de prendre en compte une proposition isolée.
Mais en 1861 et 1869, les deux commissionnés ont fait certaines choses qui méritent d'être
soulignées : d'abord, ils partent de la prémisse, tous les deux, que la rivière Negro représente la limite
entre les deux républiques. Puis on reconnaît les endroits qui servent de limite, sur une ligne qui va
du Mal Paso de Similaton à El Barrancon puis, le long de la rivière Negro en aval (MH, annexes,
vol. I, p. 63). Et enfin, pour ne pas fatiguer plus encore Messieurs les Juges, les délégués se rendent
sur les lieux, accompagnés des habitants des deux communautés qui possèdent les terres de la
montagne de Naguaterique; et ces documents consignent les réactions des gens s'il ne s'agit pas d'une
proposition isolée. J'en arrive ainsi, Monsieur le Président, à la fin de mon examen du secteur, en
réitérant les conclusions que le Gouvernement du Honduras a soumises à la Chambre de la Cour et
confiant que ces conclusions seront reprises dans l'arrêt. Je vous remercie de votre patience et de
votre bienveillance, Monsieur le Président, Messieurs les Juges; et merci également aux interprètes
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sur lequel est retombée une lourde tâche. Merci.
The PRESIDENT: I thank Professor González Campos. The sitting is adjourned until
tomorrow at 10 o'clock.
L'audience est levée à 11 h 43.
___________
Audience publique de la Chambre tenue le lundi 13 mai 1991, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre