Audience publique de la Chambre tenue le vendredi 3 mai 1991, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre

Document Number
075-19910503-ORA-01-00-BI
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Number (Press Release, Order, etc)
1991/13
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

C 4/CR 91/13
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
YEAR 1991
Public sitting of the Chamber
held on Friday 3 May 1991, 10 a.m., at the Peace Palace,
Judge Sette-Camara, President of the Chamber, presiding
in the case concerning the Land, Island and Maritime Frontier Dispute
(El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening)
___________________
VERBATIM RECORD
___________________
ANNEE l991
Audience publique de la Chambre
tenue le vendredi 3 mai 1991, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre
en l'affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant))
_______________
COMPTE RENDU
__________________
- 2 -
Present:
Judge Sette-Camara, President of the Chamber
Judges Sir Robert Jennings, President of the Court
Oda, Vice-President of the Court
Judges ad hoc Valticos
Torres Bernárdez
Registrar Valencia-Ospina
___________
- 3 -
Présents :
M. Sette-Camara, président de la Chambre
Sir Robert Jennings, Président de la Cour
M. Oda, Vice-Président de la Cour, juges
M. Valticos
M. Torres Bernárdez, juges ad hoc
M. Valencia-Ospina, Greffier
___________
- 4 -
The Government of El Salvador is represented by:
Dr. Alfredo Martínez Moreno,
as Agent and Counsel;
H. E. Mr. Roberto Arturo Castrillo, Ambassador,
as Co-Agent;
and
H. E. Dr. José Manuel Pacas Castro, Minister for Foreign Relations,
as Counsel and Advocate.
Lic. Berta Celina Quinteros, Director General of the Boundaries'
Office,
as Counsel;
Assisted by
Prof. Dr. Eduardo Jiménez de Aréchaga, Professor of Public
International Law at the University of Uruguay, former Judge and
President of the International Court of Justice; former President
and Member of the International Law Commission,
Mr. Keith Highet, Adjunct Professor of International Law at The
Fletcher School of Law and Diplomacy and Member of the Bars of
New York and the District of Columbia,
Mr. Elihu Lauterpacht C.B.E., Q.C., Director of the Research Centre
for International Law, University of Cambridge, Fellow of Trinity
College, Cambridge,
Prof. Prosper Weil, Professor Emeritus at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Dr. Francisco Roberto Lima, Professor of Constitutional and
Administrative Law; former Vice-President of the Republic and
former Ambassador to the United States of America.
Dr. David Escobar Galindo, Professor of Law, Vice-Rector of the
University "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador)
as Counsel and Advocates;
and
Dr. Francisco José Chavarría,
Lic. Santiago Elías Castro,
Lic. Solange Langer,
Lic. Ana María de Martínez,
- 5 -
Le Gouvernement d'El Salavador est représenté par :
S. Exc. M. Alfredo Martínez Moreno
comme agent et conseil;
S. Exc. M. Roberto Arturo Castrillo, Ambassadeur,
comme coagent;
S. Exc. M. José Manuel Pacas Castro, ministre des affaires
étrangères,
comme conseil et avocat;
Mme Berta Celina Quinteros, directeur général du Bureau des
frontières,
comme conseil;
assistés de :
M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, professeur de droit international
public à l'Université de l'Uruguay, ancien juge et ancien
Président de la Cour internationale de Justice; ancien président
et ancien membre de la Commission du droit international,
M. Keith Highet, professeur adjoint de droit international à la
Fletcher School de droit et diplomatie et membre des barreaux de
New York et du District de Columbia,
M. Elihu Lauterpacht, C.B.E., Q.C., directeur du centre de recherche
en droit international, Université de Cambridge, Fellow de Trinity
College, Cambridge,
M. Prosper Weil, professeur émérite à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Francisco Roberto Lima, professeur de droit constitutionnel et
administratif; ancien vice-président de la République et ancien
ambassadeur aux Etats-Unis d'Amérique,
M. David Escobar Galindo, professeur de droit, vice-recteur de
l'Université "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador),
comme conseils et avocats;
ainsi que :
M. Francisco José Chavarría,
M. Santiago Elías Castro,
Mme Solange Langer,
Mme Ana María de Martínez,
- 6 -
Mr. Anthony J. Oakley,
Lic. Ana Elizabeth Villata,
as Counsellors.
The Government of Honduras is represented by:
H.E. Mr. R. Valladares Soto, Ambassador of Honduras to the
Netherlands,
as Agent;
H.E. Mr. Pedro Pineda Madrid, Chairman of the Sovereignty and
Frontier Commission,
as Co-Agent;
Mr. Daniel Bardonnet, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Derek W. Bowett, Whewell Professor of International Law,
University of Cambridge,
Mr. René-Jean Dupuy, Professor at the Collège de France,
Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Julio González Campos, Professor of International Law,
Universidad Autónoma de Madrid,
Mr. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, Professor of International Law,
Universidad Complutense de Madrid,
Mr. Alejandro Nieto, Professor of Public Law, Universidad
Complutense de Madrid,
Mr. Paul De Visscher, Professor Emeritus at the Université de
Louvain,
as Advocates and Counsel;
H.E. Mr. Max Velásquez, Ambassador of Honduras to the United Kingdom,
Mr. Arnulfo Pineda López, Secretary-General of the Sovereignty and
Frontier Commission,
Mr. Arias de Saavedra y Muguelar, Minister, Embassy of Honduras to
the Netherlands,
Mr. Gerardo Martínez Blanco, Director of Documentation, Sovereignty
and Frontier Commission,
Mrs. Salomé Castellanos, Minister-Counsellor, Embassy of Honduras to
the Netherlands,
- 7 -
M. Anthony J. Oakley,
Mme Ana Elizabeth Villata,
comme conseillers.
Le Gouvernement du Honduras est représenté par :
S. Exc. M. R. Valladares Soto, ambassadeur du Honduras à La Haye,
comme agent;
S. Exc. M. Pedro Pineda Madrid, président de la Commission de
Souveraineté et des frontières,
comme coagent;
M. Daniel Bardonnet, professeur à l'Université de droit, d'économie
et de sciences sociales de Paris,
M. Derek W. Bowett, professeur de droit international à l'Université
de Cambridge, Chaire Whewell,
M. René-Jean Dupuy, professeur au Collège de France,
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Julio González Campos, professeur de droit international à
l'Université autonome de Madrid,
M. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, professeur de droit international
à l'Université Complutense de Madrid,
M. Alejandro Nieto, professeur de droit public à l'Université
Complutense de Madrid,
M. Paul de Visscher, professeur émérite à l'Université catholique de
Louvain,
comme avocats-conseils;
S. Exc. M. Max Velásquez, ambassadeur du Honduras à Londres,
M. Arnulfo Pineda López, secrétaire général de la Commission de
Souveraineté et de frontières,
M. Arias de Saavedra y Muguelar, ministre de l'ambassade du Honduras
à La Haye,
M. Gerardo Martínez Blanco, directeur de documentation de la
Commission de Souveraineté et de frontières,
Mme Salomé Castellanos, ministre-conseiller de l'ambassade du
- 8 -
Honduras à La Haye,
- 9 -
Mr. Richard Meese, Legal Advisor, Partner in Frère Cholmeley, Paris,
as Counsel;
Mr. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mrs. Olmeda Rivera,
Mr. Raul Andino,
Mr. Miguel Tosta Appel
Mr. Mario Felipe Martínez,
Mrs. Lourdes Corrales,
as Members of the Sovereignty and Frontier Commission.
- 10 -
M. Richard Meese, conseil juridique, associé du cabinet Frère
Cholmeley, Paris,
comme conseils;
M. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mme Olmeda Rivera,
M. Raul Andino,
M. Miguel Tosta Appel,
M. Mario Felipe Martínez,
Mme Lourdes Corrales,
comme membres de la Commission de Souveraineté et des frontières.
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Le PRESIDENT : Please be seated. The sitting is open. We continue the hearings on the
second disputed sector of the land frontier and I give the floor to Professor Sánchez Rodriguez.
M. SANCHEZ RODRIGUEZ : Monsieur le Président, Messieurs les Juges de la Cour.
Dans mon intervention d'aujourd'hui, je répondrai aux thèses et aux affirmations centrales que
mon éminent collègue, le Président Jiménez de Aréchaga a formulées dans sa plaidoirie d'hier. Pour
cela, je diviserai ma réponse en quatre grands blocs: dans le premier, je traiterai de certains silences,
ambiguï tés et inexactitudes qui se font jour dans ladite plaidoirie; dans le deuxième, j'aborderai les
problèmes généraux concernant le titre de 1742, essentiellement ceux ayant trait à sa régularité et à
son applicabilité au secteur litigieux de Cayaguanca; et puis j'analyserai les questions d'ordre
juridique et plus particulièrement celle du droit applicable; enfin, je terminerai en traitant de certains
points concrets.
* * *
A) L'intervention de mon illustre contradicteur contient quelques silences extrêmement
expressifs. C'est notamment le cas de l'absence de toute référence à la modification apportée à la
représentation graphique salvadorienne du titre républicain de 1829 et à sa transcription littérale; en
effet, là où le titre original dit "au sud-ouest 4 degrés sud-sud-ouest", El Salvador reprend "sud-ouest
4 degrés sud-ouest". El Salvador vise ainsi à donner sur la carte plus de poids à la prétention de ce
pays sur une partie du territoire contesté. Il en va de même de diverses effectivités documentaires et
d'ordre humain sur lesquelles la Partie adverse n'a formulé aucun commentaire, alors qu'elles
figurent dans la réplique du Honduras.
On décèle également des ambiguï tés difficiles à expliquer. Pour prendre un premier exemple,
nous ne savons pas très bien si le titre républicain d'El Dulce Nombre de la Palma constitue soit un
titre (sans qu'intervienne aucun purisme de la part du Honduras) au sens donné à ce mot dans
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l'affaire Burkina Faso/Mali, ou bien au sens de l'article 5 du compromis à propos de l'article 26 du
traité général de paix, soit une simple effectivité (cf. C 4/CR 91/ 12, p. 23). En effet, à un autre
moment de l'intervention, on nous dit qu'El Salvador réclame uniquement des effectivités dans la
zone marginale colorée en jaune sur la carte principale que ce pays a utilisée hier (cf. ibid., p. 28), ce
qui supposerait, dans ce second cas, que les actes de procédure de 1829 sont considérés comme un
titre stricto sensu.
Et l'on pourrait également inclure dans le même chapitre le comportement de la Partie adverse
à propos du titre colonial de 1742, puisque, d'un côté, elle soutient qu'il n'a rien à voir avec le secteur
en litige, et de l'autre cherche à tirer profit de ce titre dès qu'elle croit que cela la favorise. La logique
recommanderait d'accepter ou de refuser ce titre in toto, dans la mesure où son acceptation n'exclut
pas que surgissent des problèmes d'interprétation entre les Parties.
Quoi qu'il en soit, le plus ambigu reste la relation entre le concept de titre et celui d'effectivité,
comme j'aurai l'occasion de le démontrer plus avant dans mon exposé.
D'autre part, la brillante plaidoirie de mon contradicteur contient également des inexactitudes.
Il s'agit, par exemple, de la qualification des titres républicains honduriens de 1824 à 1885 d'"ejidos
de composición (cf. ibid. p. 30), alors que cette qualification ne vaut que dans le système colonial
espagnol et est totalement dépourvue, une fois que le Honduras et El Salvador ont accédé à
l'indépendance, d'une quelconque valeur juridique du point de vue qualification. Cette inexactitude
apporte aussi un élément de confusion, du moment qu'elle amène à ignorer le fait essentiel qui veut
qu'en 1829 la domination de la Couronne espagnole n'existe plus et a été substituée par le pouvoir de
divers Etats souverains et indépendants.
De même on peut taxer d'inexactitude l'affirmation selon laquelle la cartographie invoquée par
le Honduras est entièrement de caractère privé (voir la carte A.12 du mémoire du Honduras,
annexes, vol. VI) ou que ce pays l'invoque comme un titre (cf. C 4/CR 91/12, p. 29 et 30), alors que
l'annexe cartographique s'emploie comme source d'actes qui confirment ou corroborent l'uti
possidetis juris de 1821 et non pas comme des titres juridiques autonomes au sens indiqué par le
Président Jiménez de Aréchaga à propos de l'affaire Burkina Faso/Mali (voir RH, vol. I, p. 238 et
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suiv.).
Il n'est pas davantage juste de se référer, comme le fait mon honorable contradicteur, à
l'importante note diplomatique du 22 aout 1986 où il n'est absolument rien dit du territoire ou de la
partie du territoire salvadorien (cf. C 4/CR 91/12, p. 26, à propos de RH, annexes, vol. I, p. 11).
Par conséquent, Monsieur le Président, Messieurs les Juges de la Cour, le fait qu'hier il nous
ait été donné d'écouter une brillante plaidoirie prononcée par le Président Jiménez de Aréchaga ne
signifie pas pour autant que son contenu soit en tous points acceptable, ni que les arguments qui y
étaient développés ne puissent et ne doivent être critiqués.
* * *
Monsieur le Président, je passe à la deuxième partie de mon intervention où je traiterai des
questions générales d'ordre juridique, du droit applicable et des questions qui en découlent. Et dans
cet ordre d'idées, j'aborderai trois problèmes distincts.
1. La nouvelle carte et la "zone jaune"
Dans son intervention d'hier, le Président Jiménez de Aréchaga a pris appui à plusieurs
reprises sur une nouvelle carte d'El Salvador portant sur la zone en litige. Et je dis "nouvelle",
comme il se doit, parce que cette carte n'est la reproduction exacte d'aucune des cartes incluses dans
les écrits des Parties. Il en découle quelques observations, divers doutes et certaines constatations.
D'abord, les doutes, en partant de quelques données. Au paragraphe 6.70 de son mémoire, El
Salvador, en décrivant le tracé auquel il prétend, fait un renvoi à la carte 6.8 de ce même écrit.
C'est-à-dire à la carte sur la "localisation des terres de la Couronne ("Tierras realengas") au-delà des
terrains communaux ("tierras ejidales") décrites dans le titre de La Palma". Partant de cette donnée
et de la présentation de la nouvelle carte, je me permets de poser à mon distingué adversaire deux
questions qui, je l'espère, recevront une réponse:
Premièrement : la présentation d'une nouvelle carte par le Gouvernement d'El Salvador
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signifie-t-elle que celui-ci renonce aux conclusions formulées à propos de la carte 6.8 et faut-il
comprendre que c'est maintenant la nouvelle carte soumise hier, et non la carte 6.8 précitée, qui
représente les prétentions actuelles d'El Salvador ?
- Deuxièmement : sur la carte 6.8 sont représentées, comme je viens de l'indiquer, les terres de
la Couronne, au-delà de la ligne décrite au paragraphe 6.70 précité de son mémoire. Et ma question
est la suivante : El Salvador renonce-t-il à ses prétentions sur les "terres de la Couronne" dans ce
secteur, prétentions énoncées au point I.2 de ses "conclusions" ?
Une réponse convaincante à ces deux questions contribuerait certainement à éclairer le débat
ou tout au moins réduirait la profonde ambiguï té qui entoure les positions salvadoriennes. Mais la
nouvelle carte, comme je le disais auparavant, suscite chez moi également quelques observations. En
particulier à propos de la "zone marginale indiquée en jaune sur la carte". Mes observations sont les
suivantes :
- Première remarque : le Honduras a présenté dans son dernier écrit une carte - c'est la petite
carte, Messieurs les Juges, que vous avez devant les yeux - (RH, vol. I, carte II.1 en regard de la
page 240) sur les titres fonciers concédés par le Gouvernement du Honduras après 1821. Si l'on
compare cette carte hondurienne avec la "zone jaune" de la carte présentée par El Salvador à la
séance d'hier, on constate qu'il y a coï ncidence quant aux terres du titre du "volcan de Cayaguanca"
de 1824 dans la partie nord du secteur et, plus au sud-ouest, avec les terres du titre également dit du
"volcan de Cayaguanca" de 1838 et dont le point extrême vers le sud est le Cerro El Pital.
- Deuxième remarque : en s'appuyant sur le titre hondurien de 1835, nos adversaires font du
Cerro El Pital un "élément de la frontière" (cf. C 4/CR 91/12, p. 26); ce qui permet de rajouter une
explication insolite - et non conforme au texte même du document - de la note salvadorienne de 1936
où il est reconnu qu'El Pital se trouve au Honduras, dans la juridiction d'Ocotepeque.
On peut donc constater, d'un côté, que mon éminent collègue a gardé le silence sur le titre
hondurien de "Las Nubes" de 1885 dont les terres s'étendaient précisément au sud du Cerro El Pital.
Mais si l'on rapproche cette note de la note du ministre des relations extérieures d'El Salvador du
22 août 1936, le résultat est on ne peut plus concluant : le sommet du Cerro El Pital ne peut
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constituer un "élément de la frontière" puisque toute la colline, au nord et au sud, est comprise dans
les limites des titres honduriens de 1838 et de 1885, comme il est indiqué sur le croquis joint au titre
de 1885. C'est précisément cette donnée que reprend correctement et fidèlement ladite note
diplomatique salvadorienne de 1936, lorsqu'elle affirme que le Cerro El Pital fait partie du
Honduras.
Bref, la "zone jaune" comprend les terres des titres honduriens de 1824 et de 1835.
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'il me soit permis d'insister sur ces deux dates,
par référence à une donnée avancée hier par mon contradicteur à propos du titre de La Palma : ce
sont des titres qui ont été concédés "pendant la période de la République fédérale centraméricaine",
une circonstance qui, selon nos adversaires, donne à ces deux titres une "importance particulière"
(cf. C 4/CR 91/12, p. 22).
Ceci dit, le Président Jiménez de Aréchaga peut-il, à la fois, invoquer le titre de La Palma
comme étant une "preuve concluante des effectivités salvadoriennes dans la zone" (ibid., p. 23) et
nier ce même effet au sujet des titres honduriens de 1824 et de 1838 ? Et si la réponse est, en toute
logique, non, quelle conséquence ultérieure doit s'ensuivre nécessairement ? Et bien que dans la
"zone jaune", El Salvador ne peut invoquer, contrairement à ce qu'il prétend, aucun argument d'ordre
humain ni aucune effectivité et se contente d'affirmer - sans aucune preuve à l'appui - que cette zone
marginale est "totalement occupée par des citoyens d'El Salvador et est administrée et gérée par les
autorités et les services publics d'El Salvador" (ibid., p. 28).
Les questions et observations qui précèdent permettent, Monsieur le Président, Messieurs les
Juges, d'arrêter une conclusion : en écoutant hier la brillante plaidoirie du Président
Jiménez de Aréchaga, j'ai ressenti un grand plaisir, car j'estime que les positions des Parties semblent
enfin se rapprocher. En effet, le Gouvernement d'El Salvador, en soumettant sa nouvelle carte, a
opté pour la sage décision d'exclure toute prétention sur les "terres de la Couronne" telles qu'elles
figuraient sur la carte 6.8 de son mémoire; une prétention qui, comme l'a déjà fait valoir le
Gouvernement du Honduras, est dépourvue de tout fondement. Réjouissons-nous aussi de l'existence
de la "zone jaune" puisque le Gouvernement d'El Salvador, par souci de cohérence, doit reconnaître
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aux titres honduriens de 1824 et de 1838 les mêmes effets auxquels il prétend pour le titre de 1829.
Il ne reste plus à nos adversaires qu'à faire deux pas de plus pour que la coï ncidence de vues
soit totale : le premier pour reconnaître que le Cerro El Pital, aussi bien dans sa partie nord que sud,
fait partie du Honduras. Ce n'est pas, en vérité, un pas difficile à franchir puisque le Gouvernement
d'El Salvador a déjà reconnu ce fait en 1936 sans aucune réserve. Plus difficile, peut-être, sera le
second : admettre que dans ce secteur il existe un titre antérieur à 1821 qui permet de déterminer que
la montagne de Cayaguanca, depuis 1742, fait partie de l'ancienne province de Gracias a Dios.
Et la difficulté pour mon contradicteur tient à la conséquence qui en dérive pour le titre même
de La Palma de 1829 et pour les prétendues effectivités d'El Salvador.
Et cela m'amène directement à la deuxième question d'ordre général : l'assise juridique de la
position de la Partie adverse.
2. Une preuve concluante des effectivités d'El Salvador
Cette deuxième question est suscitée par certaines affirmations qu'a faites hier mon distingué
contradicteur au sujet du titre de La Palma de 1829. Permettez-moi, Monsieur le Président, de citer
tout d'abord lesdites affirmations avant d'y apporter mes commentaires. Première affirmation :
pour le Président Jiménez de Aréchaga,
"le titre de La Palma est aussi bon que n'importe quel titre que nous avons invoqué et si, dans
un excès de purisme, il est considéré, en raison de sa date, sans valeur pour prouver l'uti
possidetis juris, en tout cas, le titre de La Palma constitue une preuve concluante des
effectivités salvadoriennes dans la zone" (cf. C4/CR 91/12, p. 23).
Deuxième affirmation : mon éminent contradicteur fait un pas en avant et après avoir
refuser un examen des "minutiae de l'arpentage" des terres de La Palma comme celui auquel j'ai
procédé avant-hier, il affirme que là n'est pas la question et qu'il s'agit de savoir si le titre de La
Palma "en tant que tel constitue la meilleure preuve de l'uti possidetis juris ou, à défaut, des
effectivités réelles engendrées par les autorités et les populations salvadoriennes" (ibid., p. 28).
Ces affirmations, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, provoquent chez moi une
certaine perplexité et méritent quelques observations.
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D'un côté, il n'y a aucune raison de qualifier d'"excès de purisme" le simple rappel d'un fait
évident : à savoir que l'uti possidetis juris ne peut être déterminant qu'en référence à la date critique
du 15 septembre 1821 et s'applique au nouvel Etat "dès ce moment-là ... il lui est applicable en l'état,
c'est-à-dire, à 'l'instantané' du statut territorial existant à ce moment-là", selon la formule bien connue
de l'affaire Burkina Faso/Mali (C.I.J. Recueil 1986, par. 30). Mon distingué adversaire devra
reconnaître avec moi, nécessairement, qu'un fait postérieur à 1821 ne pourra jamais être "la meilleure
preuve de l'uti possidetis juris". Il est donc normal de simplifier l'alternative qu'avançait le Président
Jiménez de Aréchaga dans sa seconde affirmation et de retenir plutôt le point de départ de la
première : le titre de La Palma, du fait de sa date, est "sans valeur pour prouver l'uti possidetis".
Maintenant, une fois éclairci le point précédent, passons au deuxième terme de l'alternative
proposée : c'est une preuve concluante des "effectivités" d'El Salvador. Ici, Monsieur le Président,
ma stupéfaction est encore plus grande pour plusieurs raisons. En premier lieu, parce que le
Président Jiménez de Aréchaga a mentionné les effectivités engendrées par "les autorités et les
populations salvadoriennes". Les populations, les particuliers créent donc aussi des effectivités ? Le
paysan salvadorien qui a pénétré dans la zone à la recherche de "milpas" et s'occupe de son bétail
dans un hameau isolé, lui aussi engendre des effectivités ou constitue simplement "un argument
d'ordre humain" plus sentimental que juridique ? Mais où sont ces populations salvadoriennes, vu
qu'El Salvador ne fournit aucune preuve et qu'en outre mon éminent adversaire n'entre pas dans ces
minutiae, laissant la question pour une intervention générale ultérieure ?
Le Gouvernement d'El Salvador, dans ses écrits, a fait mention des communautés
salvadoriennes "enracinées" dans les secteurs contestés et, partant de cet argument d'"ordre humain",
soutient que les autorités salvadoriennes exercent une administration effective sur les zones en litige.
Est-ce que maintenant la simple présence humaine suffirait ou ne faut-il pas également, comme nous
le croyions jusqu'à présent, l'exercice des fonctions étatiques ? Et où sont donc les preuves de cet
exercice des fonctions étatiques de la part des autorités salvadoriennes dans la zone de Cayaguanca ?
Les affirmations, les simples mots ne suffisent pas; or mon éminent contradicteur ne veut pas entrer
dans le vif du sujet des effectivités. Il l'a fui dans le secteur de Tepanguisir et il le fuit à nouveau
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dans celui de Cayaguanca.
La deuxième observation que je me permets de formuler au Président Jiménez de Aréchaga est
la suivante : le titre de La Palma de 1829, en soi, sans aucune autre preuve de l'exercice des
fonctions étatiques de 1829 à 1991, est-il une preuve concluante ? Un seul acte suffit-il pour une
période de cent soixante-dix ans ? L'affirmation surprend et je sais qu'en posant ces questions,
j'affronte non seulement un grand maître du droit international et un grand avocat mais également un
ancien Juge et Président de la Cour. Mais un seul acte, sur une période de cent soixante-dix ans,
est-ce là une preuve concluante ? Cayaguanca n'est certainement pas le Sahara occidental avec ses
populations nomades, ni non plus le Groënland gelé et à peine peuplé. Il n'y a donc pas lieu
d'invoquer la relativité dans l'exercice de la souveraineté territoriale, compte tenu de la nature de
l'espace physique. Et dans l'affaire du Groënland oriental ou dans celle du Sahara occidental, une
consultation rapide nous fait voir que dans un désert ou sur des terres polaires, les Etats intervenants
ou les parties ont présenté à l'ancienne Cour ou à la Cour actuelle de nombreux moyens de preuve
très variés, et non pas un seul acte.
Pas un acte unique, même s'il s'agit de la concession de terres de la part d'un Etat, et on aura
beau magnifier l'affaire, comme l'a fait la Partie adverse avec le titre de 1829, ce n'est pas une
preuve concluante. Et il n'est pas davantage le propre du raisonnement judiciaire de fonder une
décision sur une seule preuve, surtout lorsque l'autre Partie, le Honduras, a soumis des preuves de
titres correspondant à des dates identiques ou similaires et des preuves sur l'exercice des fonctions
étatiques (RH, annexes, vol. II, annexe IX, p. 503 à 509).
3. Le centre du débat
J'en arrive maintenant, Monsieur le Président, à une troisième et dernière question générale et
je la traiterai de manière encore plus brève, puisqu'il s'agit du débat principal déjà connu dans ce
secteur du litige.
En effet, après avoir proposé la fausse alternative que je viens de mentionner, mon
contradicteur s'est référé à la "zone jaune ou marginale" en reconnaissant qu'il s'agit d'une zone
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marginale non couverte par le titre de La Palma; ni non plus, à son avis par le titre de Ocotepeque.
Et il a ajouté que, de cette manière, El Salvador fonde sa prétention sur cette "zone marginale
indiquée en jaune sur la carte sur les effectivités et l'argument humain, conformément au dictum de la
Cour dans l'affaire Burkina Faso/Mali" (cf. C4/CR 91/12, p. 28).
Il semble que la Partie adverse se place dans l'hypothèse que l'effectivité ne coexiste avec
aucun titre juridique, auquel cas elle doit inévitablement être prise en considération, selon le passage
bien connu de l'arrêt du 22 décembre 1986. Face à cette thèse, il conviendrait de faire valoir, tout
d'abord, que s'il est vrai que ce critère opère dans le cas où l'effectivité existe, il n'opère pas à partir
d'affirmations rhétoriques mais sur la base de faits établis; en deuxième lieu, il est nécessaire en
outre qu'il n'existe pas de titre juridique, c'est-à-dire un document relatif aux limites des anciennes
provinces antérieur à 1821. El Salvador ne possède certainement pas de titre juridique, disons-le
clairement, il en manque totalement. Alors que le Honduras, en revanche, lui, possède un titre, celui
de 1742, qui a été critiqué par la Partie adverse et dont je vais traiter dans les lignes qui suivent.
* * *
C) Comme je l'avais annoncé, la troisième partie de mon intervention portera sur les actes de
procédure de 1742 et plus particulièrement sur les deux objections formulées par le Président
Jiménez de Aréchaga à savoir : la régularité de ces actes et l'applicabilité du titre au secteur litigieux
particulier que nous sommes en train d'étudier. Et je commencerai par rappeler à la Cour que l'une
et l'autre question ont été amplement débattues par les Parties dans leurs écrits et que les arguments
de l'une et de l'autre sont bien connus de Messieurs les Juges. Aussi, crois-je que mon rôle doit se
limiter à faire ressortir les points les plus saillants.
En manière d'introduction, le Président Jiménez de Aréchaga m'a reproché d'identifier le
Cerro El Pital avec la montagne de Cayaguanca (cf. C 4/CR 91/12, p. 11). Ce reproche ne repose
sur rien, car ce que la République du Honduras a défendu sans relâche et que j'ai répété dans mon
intervention d'avant-hier, c'est que la dénomination de mont ou montagne de Cayaguanca est le nom
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sous lequel est connu un massif montagneux, accidenté, complexe, peu peuplé et couronné par le
Cerro El Pital (cf. C 4/CR 91/11, p. 10 et 11). De ce fait, El Pital n'est que l'éminence la plus haute
d'un massif montagneux qui, dans son ensemble, est et a traditionnellement été connu comme "mont"
ou "montagne" de Cayaguanca; à l'intérieur de cet ensemble connu comme formant une unité existent
diverses collines ou "Cerros" (La Cima, El Burro, El Volcán, Las Nubes, etc.) mais la plus haute de
ces collines est le Cerro El Pital. En fait, c'est là une question dont je ne crois pas nécessaire de
m'occuper davantage, dans la mesure où il s'agit de quelque chose de facile à vérifier objectivement
sur n'importe quelle carte de la zone. En outre, mon distingué contradicteur n'est pas fidèle à la
mémoire de l'ingénieur salvadorien Don Santiago Barberena qui en 1892 établissait une distinction
entre le "rocher de Cayaguanca" et les "montagnes de Cayaguanca" (MH, annexe III, 2.10.c, p. 269).
Par conséquent, la thèse en cause n'est absolument pas une originalité du Professeur
Sánchez Rodriguez, mais bien une transcription de la description de Barberena.
Passons maintenant à la question de la régularité des actes de 1742, au sujet desquels mon
éminent contradicteur soutient que les juges ont agi ultra vires, hors de leur ressort juridictionnel et
sans respecter les formes requises (cf. C 4/CR 91/12, p. 18 à 20). Malgré tout le respect que nous
éprouvons pour la Partie adverse, nous devons dire que cette affirmation ne repose sur aucun
élément de preuve; il s'agit d'une thèse qui n'est cautionnée par aucun document ou fait objectif. De
ce point de vue, les efforts déployés par le Président Jiménez de Aréchaga méritent tous nos éloges
mais se ramènent finalement à cela : une thèse ingénieuse mais sans assise.
La République du Honduras a déjà expliqué abondamment les raisons qui corroborent en tous
points la régularité de la procédure suivie ainsi que l'inexistence de tout type d'opposition ou de
réfutation (cf. RH, vol. I, p. 213 et suiv.). De toute façon, j'estime, Messieurs les Juges de la Cour,
que la meilleure réponse se trouve dans la lecture intégrale de ces actes de procédure, selon lesquels
il y a eu :
a) intervention de deux juges sous-délégués des terres (CMES, annexes,
vol. I, p. 112) dans le ressort de leurs provinces respectives;
b) intervention de l'"Abogado Fiscal de la Real Audiencia" de Guatemala
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(ibid.);
c) participation du supérieur hiérarchique, le juge Orozco Manrique
de Lara (ibid., p. 116 et 117) du Conseil de Sa Majesté, son "Oidor, Alcalde de Corte" et
"Juez Privativo del Real Derecho de Tierra" (ibid., p. 141), et selon lesquels;
d) tout se fait, en dernière instance, sous l'autorité de "Monsieur le
président de cette 'Real Audiencia', gouverneur et capitaine général de ce royaume) (ibid.,
p. 116).
Bref, quiconque affirme que ces interventions ont été entâchées d'irrégularités doit le prouver
avec des documents objectifs et non pas avec des théories, pour brillantes et ingénieuses qu'elles
soient. C'est sur la Partie ou la personne en question que retombe la charge de la preuve.
Par ailleurs, en dernière analyse, le contenu de ces actes ne fait aucun doute étant donné que
leur objet était de garantir la possession des Indiens de Citalá, "composer" la possession des Indiens
d'Ocotepeque et résoudre, en fin de compte, le litige entre les deux communautés. Et tout cela en
accord avec le droit espagnol colonial, selon lequel la possession pacifique des terres pendant trois
années aboutissait à l'obtention d'un titre de propriété. Ces points étaient tout à fait clairs dans les
actes que la République d'El Salvador verse elle-même au dossier dans son contre-mémoire (vol. I
des annexes, p. 111 et suiv.). Et non pas seulement dans les actes de caractère général, mais aussi
dans la partie à laquelle ce pays semble accorder le plus d'importance : le dispositif. Selon le libellé
textuel de ce dernier, dont la traduction en anglais dans le contre-mémoire salvadorien ne correspond
pas à l'original espagnol : "confirmer aux Indiens du village de Citalá que la possession des terres
pour lesquelles ils étaient en litige avec les Indiens du village d'Ocotepeque" (CMES, ibid., p. 146,
sans qu'il soit dit nulle part que les Indiens d'Ocotepeque aient été présents).
Dans les actes de 1776, il est dit à propos des terres en question ce qui suit :
"nous déclarons qu'elles leur appartiennent et que cela ne porte pas préjudice à des tiers et
qu'elles ne figurent sur aucun titre du village de Citalá, c'est pourquoi, conformément aux
dispositions de votre excellence, nous ordonnons aux habitants d'Ocotepeque de faire usage
de ladite montagne, ce dont les uns et les autres s'estimèrent satisfaits et il leur fut ordonné de
se contenir à l'intérieur de ces limites et bornes..." (annexe XI.1.1, p. 2069).
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El Salvador continue-t-il de prétendre que ces actes n'ont aucune valeur dans l'affaire qui nous
occupe ?
Quant à l'impossibilité d'appliquer les actes de 1742 au secteur litigieux de Cayaguanca, sous
prétexte qu'il s'agit d'un secteur déjà délimité par le traité général de paix de 1980, d'une manière
générale, ce qui est a été dit pour le cas précédent vaut encore dans ce cas-ci. Pour commencer, dans
l'exposé suggestif et séduisant qu'a fait hier mon contradicteur, il est fait mention d'El Zapotal et des
hameaux ("caseríos") et villages qui sont rassemblés sous le nom de Cayaguanca dans une même
zone. Et tout cela pour nier - de manière certes ingénieuse mais pas suffisante - que le titre soit
applicable au secteur qui nous occupe en ce moment. Mais, deux faits essentiels sont passés sous
silence : tout d'abord rien n'est dit de la description contenue dans le titre de 1742, où il est indiqué
de manière très détaillée que :
"jusqu'à ce qu'on arrive au pied d'un rocher blanc qui se trouve au sommet d'une colline très
haute où on érigea un tas de pierres ... et dans la zone de laquelle les habitants du village de
Ocotepeque dirent que la montagne qu'ils réclamaient comme il ressort de ces 'autos' était
celle qui allait de cette dernière borne vers l'est, qu'ils appellent Cayaguanca et que cultivent
les habitants d'Ocotepeque" (CMES, annexes, vol. I, p. 143).
Quant au deuxième fait qui n'est pas mentionné, c'est la procédure de 1818 et à l'affirmation
que fait le juge le 24 novembre de cette année-là lorsqu'il déclare qu'il se trouvait au sommet du mont
de Cayaguanca qui fait face au sud (RH, vol. I, p. 223). Ces deux simples références permettent de
démonter la construction impressionniste de mon honorable collègue de la Partie adverse.
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cette question a été amplement débattue entre les
Parties; il s'agit d'un problème déjà analysé par le Honduras et les raisons fournies à l'appui par ce
pays ont déjà été exposées; il ne s'agit donc pas d'une donnée qui ait fait son apparition hier pour la
première fois. D'un autre côté, les opérations d'arpentage et de bornage effectuées sur les terres
d'Ocotopeque permettent également de confirmer en tous points que Cayaguanca était un massif
complexe et que les habitants de Ocotepeque possédaient et cultivaient la montagne. Lorsque le juge
dit en 1818 qu'il est arrivé à ce point-là, il ne peut s'agir évidemment ni de la "Peña de Cayaguanca",
ni du "Cerro de Cayaguanca", mais bien d'un mont situé à côté, un peu plus au nord, à l'est de ce
dernier point.
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* * *
D) Monsieur le Président, le dernier lot de problèmes, comme je l'avais annoncé au début de
mon intervention, se compose de questions très concrètes. Pour commencer, le Président Jiménez
de Aréchaga me demande (C 4/CR 91/12, p. 21) si le Honduras a abandonné sa position essentielle
qui l'amène à soutenir que les "títulos ejidales" ne confèrent que de simples droits réels et déterminent
des "limites foncières" qui ne peuvent à aucun moment devenir des frontières internationales. Il s'agit
là d'une question à la fois captieuse et rhétorique; rhétorique parce qu'elle contient implicitement sa
propre réponse et captieuse parce que de toute évidence, elle cherche à ramener la réponse à
Tepanguisir. Malgré tout, je vais y répondre directement et sans circonlocutions. La réponse est
non. Et cette réponse négative se fonde sur deux données primordiales : tout d'abord, dans les actes
de procédure de 1740-1742 il est répété à satiété qu'intervenaient deux juges sous-délégués des terres,
l'un de la province de San Salvador et l'autre de la province de Gracias a Dios et d'innombrables
références sont faites aux limites juridictionnelles de deux provinces (cf. CMES, annexes, vol. I,
p. 113, 114, 116, 117, 118, 119, 145, etc.). Par conséquent, les terres visées dans le titre de 1742 ne
déterminent pas la frontière parce qu'elles ont été attribuées aux Indiens de Ocotepeque mais parce
que Ocotepeque se trouvait et se trouve toujours dans la province de Gracias a Dios et qu'un des
juges qui intervenait dans l'affaire était de cette même province. Bref, le Honduras était à
Tepanguisir et fonde en ce moment son argumentation sur les limites provinciales sans passer à
aucun moment à la thèse des limites foncières privées (cf. RH, vol. I, p. 82 et suiv.). Il n'y a donc
pas, Monsieur le Président Jiménez de Aréchaga, la moindre contradiction. Le deuxième fait est que
Tepanguisir et Cayaguanca sont totalement différents sur un point, aux fins du dossier qui nous
intéresse, puisque tandis qu'à Tepanguisir n'intervenait qu'un seul juge, à titre exceptionnel hors de
son ressort habituel, dans ce cas ce sont deux juges qui interviennent en même temps, chacun dans le
ressort qui lui est propre et que personne ne leur conteste. Voilà une deuxième raison qui justifie ma
réponse négative que l'on aurait pu déjà trouver dans les écrits du Honduras (MH, vol. I, p. 353 à
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355).
Une fois satisfaite la curiosité de mon contradicteur, je ne peux m'empêcher de lui poser
moi-même une autre question qui n'aura peut-être pas une réponse aussi facile que la précédente.
Dans les actes de 1742, il est dit textuellement ce qui suit : "bordant les terres des habitants du
village de Ocotepeque que ceux-ci ont dans cette juridiction d'El Salvador" (CMES, annexes, vol. I,
p. 143).
C'est pour cela que les Indiens d'Ocotepeque acceptent la "composition" pour la possession
des terres en échange de la montagne de Cayaguanca. Ce qui précède n'entérine-t-il pas la thèse
soutenue par le Honduras dans le secteur de Tepanguisir, selon laquelle une communauté pouvait
avoir des terres dans une autre commune (les habitants de Ocotepeque à Citalá) sans que cela
entraîne une modification des limites provinciales ?
Une deuxième question précise. Mon honorable adversaire soutient que le seul titre formel
dans la zone de Cayaguanca est le titre de La Palma de 1829 (cf. C 4/CR 91/12, p. 22), une
affirmation étonnante, à moins que nous admettions sa thèse selon laquelle les trois titres républicains
honduriens (dont deux de l'époque fédérale) sont de simples "ejidos de composición" et non pas des
"ejidos de reducción" (cf. ibid., p. 30). Messieurs les Juges de la Cour, peut-on admettre l'une ou
l'autre de ces affirmations ? D'une part, le titre de La Palma n'est pas le seul titre républicain ni
davantage le seul titre fédéral délivré pendant la phase de la fédération centraméricaine et les titres
républicains soumis par le Honduras ne peuvent davantage être qualifiés d'"ejidos de reducción" ni
d'"ejidos de composición", étant donné qu'il s'agit de titres fonciers officiels délivrés par un Etat
souverain et indépendant.
Une troisième question concrète peut être posée à propos de l'affirmation formulée par mon
distingué contradicteur lorsqu'il argue que mon interprétation du titre de La Palma implique de situer
le "paraje El Pital" et "la proximité du 'copo' de Cayaguanca" respectivement à deux et quatre
kilomètres du "Cerro El Pital", ce qui est absolument impossible, comme le confirme également les
cartographes officiels honduriens (cf. ibid, p. 27). Pourtant, El Salvador n'explique pas pourquoi, si
selon la description de l'arpentage "depuis le point de confluence du torrent Copantillo avec la rivière
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Sumpul jusqu'au coteau ('copo') de Santa Rosa (alias Marrano)" il y a une ligne droite (CMES,
annexes, vol. II, p. 60 et 61), ce pays trace trois lignes qui ont des orientations tout à fait différentes,
comme il ressort clairement du bord inférieur de la carte hondurienne 3.1 que j'ai utilisée dans mon
intervention précédente.
Et on ne s'explique pas davantage comment la minutiae à laquelle le Président
Jiménez de Aréchaga fait allusion, pour l'interprétation hondurienne du titre de La Palma, peut en
fait correspondre à une zone d'environ 7 kilomètres carrés.
La quatrième question concrète porte sur les titres républicains versés au dossier par la
République du Honduras. A propos de deux de ces titres El Salvador soutient qu'ils sont mal
localisés sur la carte hondurienne (voir carte II.1, cf. C 4/CR 91/12, p. 30). L'affirmation est
surprenante, étant donné que d'une part, il s'agit de deux titres portant la même dénomination et que
de l'autre, elle présuppose que le titre doit correspondre à l'emplacement exact mentionné dans la
dénomination. En fait, on ne peut sérieusement prétendre que le titre doit se situer où le prétend
El Salvador, mais bien à l'endroit exact indiqué dans les actes de procédure et dans les croquis joints
au titre. Le cartographe salvadorien s'est-il livré à cette opération avant de lancer semblable
affirmation ? Et, si c'est le cas, comment se fait-il qu'il ne l'ait pas expliqué hier à la Cour et à la
Partie adverse ? Toute affirmation doit se prouver. S'agissant du titre de Las Nubes, le Président
Jiménez de Aréchaga oublie de citer la page 94 de la réplique du Honduras où il est ajouté que sur
l'un des côtés il existe des territoires nationaux honduriens (les anciennes terres de la Couronne),
comme on peut le constater sur le croquis dudit titre qui figure à la page 97.
Voilà, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les observations que je souhaitais formuler
en réponse à mon éminent contradicteur. Je vous remercie très sincèrement de votre aimable
attention. Merci, Monsieur le Président.
The PRESIDENT: I thank Professor Sánchez Rodriguez. I would like to inquire if the
delegation of El Salvador intends to reply this very morning or prefer to wait for Monday?
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Mr. MARTINEZ MORENO: Mr. President, the Salvadorian delegation would like, if it is
possible, to make its rejoinder this afternoon at 3 o'clock for half an hour, or a little bit more. Thank
you very much.
The PRESIDENT: I thank Ambassador Martínez Moreno. The Chamber adjourns until this
afternoon at 3 o'clock.
L'audience est levée à 10 h 55.
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Audience publique de la Chambre tenue le vendredi 3 mai 1991, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre

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