C 4/CR 91/10
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
YEAR 1991
Public sitting of the Chamber
held on Friday 26 April 1991, at 10 a.m., at the Peace Palace,
Judge Sette-Camara, President of the Chamber, presiding
in the case concerning the Land, Island and Maritime Frontier Dispute
(El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening)
VERBATIM RECORD
ANNEE l991
Audience publique de la Chambre
tenue le vendredi 26 avril 1991, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre
en l'affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant))
COMPTE RENDU
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Present:
Judge Sette-Camara, President of the Chamber
Judges Sir Robert Jennings, President of the Court
Oda, Vice-President of the Court
Judges ad hoc Valticos
Torres Bernárdez
Registrar Valencia-Ospina
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Présents :
M. Sette-Camara, président de la Chambre
Sir Robert Jennings, Président de la Cour
M. Oda, Vice-Président de la Cour, juges
M. Valticos
M. Torres Bernárdez, juges ad hoc
M. Valencia-Ospina, Greffier
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The Government of El Salvador is represented by:
Dr. Alfredo Martínez Moreno,
as Agent and Counsel;
H. E. Mr. Roberto Arturo Castrillo, Ambassador,
as Co-Agent;
and
H. E. Dr. José Manuel Pacas Castro, Minister for Foreign Relations,
as Counsel and Advocate.
Lic. Berta Celina Quinteros, Director General of the Boundaries'
Office,
as Counsel;
Assisted by
Prof. Dr. Eduardo Jiménez de Aréchaga, Professor of Public
International Law at the University of Uruguay, former Judge and
President of the International Court of Justice; former President
and Member of the International Law Commission,
Mr. Keith Highet, Adjunct Professor of International Law at The
Fletcher School of Law and Diplomacy and Member of the Bars of
New York and the District of Columbia,
Mr. Elihu Lauterpacht C.B.E., Q.C., Director of the Research Centre
for International Law, University of Cambridge, Fellow of Trinity
College, Cambridge,
Prof. Prosper Weil, Professor Emeritus at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Dr. Francisco Roberto Lima, Professor of Constitutional and
Administrative Law; former Vice-President of the Republic and
former Ambassador to the United States of America.
Dr. David Escobar Galindo, Professor of Law, Vice-Rector of the
University "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador)
as Counsel and Advocates;
and
Dr. Francisco José Chavarría,
Lic. Santiago Elías Castro,
Lic. Solange Langer,
Lic. Ana María de Martínez,
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Le Gouvernement d'El Salavador est représenté par :
S. Exc. M. Alfredo Martínez Moreno
comme agent et conseil;
S. Exc. M. Roberto Arturo Castrillo, Ambassadeur,
comme coagent;
S. Exc. M. José Manuel Pacas Castro, ministre des affaires
étrangères,
comme conseil et avocat;
Mme Berta Celina Quinteros, directeur général du Bureau des
frontières,
comme conseil;
assistés de :
M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, professeur de droit international
public à l'Université de l'Uruguay, ancien juge et ancien
Président de la Cour internationale de Justice; ancien président
et ancien membre de la Commission du droit international,
M. Keith Highet, professeur adjoint de droit international à la
Fletcher School de droit et diplomatie et membre des barreaux de
New York et du District de Columbia,
M. Elihu Lauterpacht, C.B.E., Q.C., directeur du centre de recherche
en droit international, Université de Cambridge, Fellow de Trinity
College, Cambridge,
M. Prosper Weil, professeur émérite à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Francisco Roberto Lima, professeur de droit constitutionnel et
administratif; ancien vice-président de la République et ancien
ambassadeur aux Etats-Unis d'Amérique,
M. David Escobar Galindo, professeur de droit, vice-recteur de
l'Université "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador),
comme conseils et avocats;
ainsi que :
M. Francisco José Chavarría,
M. Santiago Elías Castro,
Mme Solange Langer,
Mme Ana María de Martínez,
- 6 -
Mr. Anthony J. Oakley,
Lic. Ana Elizabeth Villata,
as Counsellors.
The Government of Honduras is represented by:
H.E. Mr. R. Valladares Soto, Ambassador of Honduras to the
Netherlands,
as Agent;
H.E. Mr. Pedro Pineda Madrid, Chairman of the Sovereignty and
Frontier Commission,
as Co-Agent;
Mr. Daniel Bardonnet, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Derek W. Bowett, Whewell Professor of International Law,
University of Cambridge,
Mr. René-Jean Dupuy, Professor at the Collège de France,
Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Julio González Campos, Professor of International Law,
Universidad Autónoma de Madrid,
Mr. Luis Ignacio Sánchez Rodriguez, Professor of International Law,
Universidad Complutense de Madrid,
Mr. Alejandro Nieto, Professor of Public Law, Universidad
Complutense de Madrid,
Mr. Paul De Visscher, Professor Emeritus at the Université de
Louvain,
as Advocates and Counsel;
H.E. Mr. Max Velásquez, Ambassador of Honduras to the United Kingdom,
Mr. Arnulfo Pineda López, Secretary-General of the Sovereignty and
Frontier Commission,
Mr. Arias de Saavedra y Muguelar, Minister, Embassy of Honduras to
the Netherlands,
Mr. Gerardo Martínez Blanco, Director of Documentation, Sovereignty
and Frontier Commission,
Mrs. Salomé Castellanos, Minister-Counsellor, Embassy of Honduras to
the Netherlands,
- 7 -
M. Anthony J. Oakley,
Mme Ana Elizabeth Villata,
comme conseillers.
Le Gouvernement du Honduras est représenté par :
S. Exc. M. R. Valladares Soto, ambassadeur du Honduras à La Haye,
comme agent;
S. Exc. M. Pedro Pineda Madrid, président de la Commission de
Souveraineté et des frontières,
comme coagent;
M. Daniel Bardonnet, professeur à l'Université de droit, d'économie
et de sciences sociales de Paris,
M. Derek W. Bowett, professeur de droit international à l'Université
de Cambridge, Chaire Whewell,
M. René-Jean Dupuy, professeur au Collège de France,
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Julio González Campos, professeur de droit international à
l'Université autonome de Madrid,
M. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, professeur de droit international
à l'Université Complutense de Madrid,
M. Alejandro Nieto, professeur de droit public à l'Université
Complutense de Madrid,
M. Paul de Visscher, professeur émérite à l'Université catholique de
Louvain,
comme avocats-conseils;
S. Exc. M. Max Velásquez, ambassadeur du Honduras à Londres,
M. Arnulfo Pineda López, secrétaire général de la Commission de
Souveraineté et de frontières,
M. Arias de Saavedra y Muguelar, ministre de l'ambassade du Honduras
à La Haye,
M. Gerardo Martínez Blanco, directeur de documentation de la
Commission de Souveraineté et de frontières,
Mme Salomé Castellanos, ministre-conseiller de l'ambassade du
Honduras à La Haye,
- 8 -
Mr. Richard Meese, Legal Advisor, Partner in Frère Cholmeley, Paris,
as Counsel;
Mr. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mrs. Olmeda Rivera,
Mr. Raul Andino,
Mr. Miguel Tosta Appel
Mr. Mario Felipe Martínez,
Mrs. Lourdes Corrales,
as Members of the Sovereignty and Frontier Commission.
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M. Richard Meese, conseil juridique, associé du cabinet Frère
Cholmeley, Paris,
comme conseils;
M. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mme Olmeda Rivera,
M. Raul Andino,
M. Miguel Tosta Appel,
M. Mario Felipe Martínez,
Mme Lourdes Corrales,
comme membres de la Commission de Souveraineté et des frontières.
- 10 -
The PRESIDENT: Please be seated. We are proceeding with the hearings on the question of
the disputed areas of the land frontier and I give the floor to Professor Sánchez Rodríguez.
M. SANCHEZ RODRIGUEZ : Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je reprends la
parole devant vous pour analyser cette fois-ci les affirmations formulées lors de la séance d'hier par
El Salvador à propos de la zone de Tepanguisir et pour y répondre.
Avant cela, qu'il me soit permis, Monsieur le Président, d'exprimer publiquement mon
admiration pour le Président Jiménez de Aréchaga et de souligner à quel point je suis honoré d'avoir
pour contradicteur une personnalité aussi expérimentée et d'un tel prestige tant dans le domaine
académique et doctrinal qu'au plan proprement judiciaire. Il suffira que j'indique à cet égard que le
dernier ouvrage de caractère général publié en Espagne par le Président Jiménez de Aréchaga
constitue une lecture obligatoire pour mes élèves de l'Université Complutense de Madrid.
Pour ce qui est de la méthodologie suivie dans mon intervention, j'ai choisi, compte tenu de
l'épais dossier que les Parties ont présenté sur la zone de Tepanguisir et que Messieurs les Juges ont
devant eux, de m'efforcer d'apporter des réponses directes aux affirmations également concrètes
avancées par la Partie adverse.
J'espère que cette méthodologie servira les objectifs poursuivis.
J'en arrive donc à la formulation de quelques réponses concrètes.
Première affirmation : Les limites provinciales établies par la Couronne espagnole revêtent une
importance capitale dans le cas qui nous occupe et sont visées à l'article 26 du traité de paix
Le Président Jiménez de Aréchaga nous a expliqué à la séance d'hier (cf. C4/CR 91/9, p. 13 à
15) qu'El Salvador ne soutient pas vraiment que le titre et la procédure de 1776 ont entraîné une
modification des limites provinciales existant alors entre le Honduras et El Salvador, mais que leur
effet essentiel aurait été de provoquer un transfert en ce qui concerne le "contrôle administratif",
puisqu'à partir de cette date la montagne de Tepanguisir serait restée sous le contrôle du "Cabildo"
et de l'"Alcalde de Indios" de Citalá. En fait, ce serait là la donnée véritablement importante puisque
- à son avis - les limites provinciales ne seraient pas visées par l'article 26 du traité général de paix
- 11 -
de 1980 et seraient valables essentiellement les limites séparant des agglomérations.
Avec tout le respect dû à la Partie adverse, le Honduras se voit obligé de manifester son total
désaccord. Tout d'abord, conformément à l'article 5 du compromis et à l'article 26 du traité général
de paix, le principe applicable est celui de l'uti possidetis juris de 1821 dont la détermination doit se
fonder - entre autres - sur les documents émanant de la Couronne espagnole et de ses autorités
civiles "qui désignent les ressorts ou limites de juridiction ou des localités". Aussi, lorsque nous
nous trouvons en présence d'un document officiel de l'autorité judiciaire espagnole de l'époque
coloniale, dans lequel il est expressément indiqué que la montagne de Tepanguisir se trouve dans le
ressort de la province de Gracias a Dios et dans la même circonscription judiciaire, nous détenons
dans un pareil cas un document tout à fait applicable à notre affaire, conformément à l'article 26 du
traité général de paix de 1980 et, sincèrement, nous ne voyons pas d'autre explication raisonnable. Il
est vrai également qu'il est fait mention dans la disposition citée des limites des localités, mais il est
évident que ces dernières ne sont utiles, efficaces et pertinentes que lorsqu'on ignore les limites
provinciales ou quand ces limites ne sont pas claires. Dans le cas dont nous nous occupons, la
question ne peut pas être plus claire puisque nous traitons de la souveraineté territoriale sur une zone
qu'un titre colonial espagnol déclare être située dans le ressort de la province de Honduras. Une
toute autre affaire est, Monsieur le Président, que les Parties proposent des interprétations différentes
quant aux limites exactes dudit titre et c'est pour cette raison qu'elles se présentent devant cette
Chambre de la Cour pour que celle-ci arrête des limites juridiquement correctes.
L'importance juridique des limites provinciales, du point de vue de l'application pratique du
principe de l'uti possidetis juris ne fait aucun doute. Cela ressort du droit constitutionnel
salvadorien lui-même puisque le territoire de la République se définit par rapport à l'ancienne
province de San Salvador (parmi d'autres provinces) à l'article 1 du décret législatif du
24 juillet 1840 et à l'article 3 de la Constitution de 1864, sans oublier que l'article 4 de la
Constitution salvadorienne de 1824 se réfère à l'intendance de San Salvador. De sorte que la
détermination des limites provinciales de San Salvador à l'époque coloniale revêt une importance de
caractère constitutif pour la définition même du territoire national. Ce qui ne faisait pas partie avant
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1821 des intendances "Alcaldías" ou provinces de ce qui par la suite deviendrait El Salvador, n'est
pas venu s'intégrer après cette date dans le territoire de la République (cf. MH, annexes, vol. I, p. 46
et 47).
Ce qui précède est encore plus surprenant, Monsieur le Président, si nous tenons compte du
fait qu'El Salvador recourt à la notion du contrôle administratif pour justifier ses prétentions sur
Tepanguisir et, dans cet esprit, considère que cette notion est inscrite dans l'article 26 du traité
général de paix. Dans le meilleur des cas, on pourrait considérer que cette notion du contrôle
administratif pourrait ressortir de la dernière phrase dudit article et se trouverait ainsi dans une
relation subordonnée vis-à-vis des documents et des titres visés dans la première phrase de ce même
article. Mais l'expression "contrôle administratif" est passablement fuyante et énigmatique, car on ne
saisit pas très bien son contenu. Sans oublier la contradiction fondamentale : si la montagne se
trouve dans la province de Gracias a Dios, on ne voit pas très bien quel peut bien être le contrôle
administratif que peuvent exercer les autorités de Citalá, c'est-à-dire celles de San Salvador. En
effet, la procédure mise en oeuvre ou la compétence détenue par l'"Alcalde de Indios" ou le "Cabildo"
de Citalá sur les terres de Tepanguisir n'ont jamais été prouvées, même si la Partie adverse y a fait
maintes fois allusion.
En raison de tout ce qui précède, le Honduras réaffirme sa position selon laquelle les actes de
1776 ont clairement et catégoriquement établi que Tepanguisir se trouvait, à cette date, et en 1821,
dans la province de Gracias a Dios. Une conclusion d'une importance capitale pour l'application de
l'uti possidetis juris.
La République du Honduras accueille avec satisfaction l'affirmation faite hier par le Président
Jiménez de Aréchaga selon laquelle les actes de procédure de 1776 n'ont en rien modifié les limites
provinciales entre Gracias a Dios et San Salvador. C'est exactement la thèse hondurienne depuis son
premier écrit, mais la position salvadorienne, elle, est loin d'avoir été aussi claire qu'on veut nous le
faire croire en cette occasion précise, car El Salvador a toujours maintenu que, du fait de ces actes
de procédure, "ce territoire est entré dans la province de San Salvador" (CMES, p. 36, par. 2.40;
RES, p. 28 et 29, par. 2.36).
- 13 -
Monsieur le Président, je souhaiterais attirer respectueusement l'attention de la Chambre sur
cette donnée significative et sur le repli de la thèse salvadorienne sur les limites des localités et sur la
théorie du contrôle administratif. El Salvador admet, en fin de compte, que Tepanguisir se trouvait
avant et après 1776 dans la province de Gracias a Dios. Et soutenir que ce sont les limites des
localités et non pas celles des provinces qui doivent être retenues ne repose sur rien, ni du point de
vue du droit colonial espagnol, ni de celui du droit international de l'uti possidetis juris, ni enfin du
point de vue du simple bon sens.
Deuxième affirmation : l'autorisation de la "Real Audiencia" de Guatemala au juge sous-délégué
du district de Chalatenango n'a modifié en rien les limites juridictionnelles ou provinciales
El Salvador soutient que l'autorisation donnée par la "Real Audiencia" à propos des actes de
procédure de 1776 a eu pour effet une modification des circonscriptions judiciaires qui s'est
maintenue jusqu'à la date critique de 1821. Dans cette optique, le Président Jiménez de Aréchaga
soutient que la "Real Cédula" de 1591 donnait à la "Real Audiencia" le pouvoir d'octroyer des
terres, sans aucune limitation et qu'il ne pouvait en être autrement vu que tant El Salvador que le
Honduras étaient des unités politico-administratives intégrées dans la "Real Audiencia" de
Guatemala. Par conséquent la loi 2 du titre 2 du livre V de la "Recopilacíon" des lois des Indes ne
sera pas applicable au cas dont nous nous occupons (cf. C 4/CR 91/9, p. 15 à 18).
Le Honduras réfute l'une et l'autre affirmation. Tout d'abord, la thèse du Honduras à propos
de la non-modification des juridictions des juges de Chalatenango et de Gracias a Dios est confirmée
sur tous les points par le texte littéral même des actes de procédure de 1776. En effet,
Manuel de Arredondo y Pelegrin du Conseil de Sa Majesté, auditeur doyen, juge de cette "Real
Audiencia" et juge du droit foncier royal, a rendu un jugement (auto) le 20 février 1776 qui se lit
comme suit :
"je donne compétence au sous-délégué du district de Chalategango,
Don Lorenzo Jimenez Rubio, pour qu'il effectue le relevé cadastral de la montagne de
Tepanguisir que demande l'ensemble des habitants du village de San Francisco Citalá, en
agissant en tout selon la procédure judiciaire royale et en le notifiant au sous-délégué de la
province de Gracias a Dios pour qu'il prenne connaissance du fait que ce tribunal principal
s'est introduit dans le domaine de sa compétence seulement pour l'affaire qui nous occupe et
- 14 -
que l'on n'y déroge sous aucun prétexte" (ibid., p. 1798; voir aussi p. 1800).
En deuxième lieu, la République du Honduras estime que la loi 2 du titre 2 du livre V de la
"Recopilacíon" est parfaitement applicable à l'affaire qui nous occupe et qu'elle interdit aux
présidents d'"accroître ou de réduire" les circonscriptions administratives internes. Il en est ainsi et il
ne pouvait en être autrement, puisque le système politique administratif et judiciaire espagnol ayant
une base territoriale, la modification des limites influait sur les pouvoirs de chacune des instances et
que cette réduction avait souvent - comme l'a expliqué le professeur Nieto García - des répercussions
économiques. Puisque c'était le roi - et son Conseil des Indes - qui fixait les limites de ses
possessions, les autorités subalternes n'étaient pas habilitées à les modifier, car cela aurait signifié -
pour employer une formule lapidaire - la guerre civile. Ce qui veut dire que l'auditeur doyen et juge
de droit foncier royal de la "Real Audiencia" de Guatemala a agi comme il convenait en 1776.
Pour en terminer avec ce chapitre, rappelons une fois encore que la "Real Cédula" de 1591
donne pouvoir au président de la "Real Audiencia" de Guatemala : d'abord, pour réserver des terres
"pour les places, les 'ejidos', les terrains communaux, les pâturages et les friches des lieux et conseils
municipaux" (CMH, annexes, p. 70 et RES, p. 24), et ensuite, pour composer (c'est-à-dire vendre)
toutes les autres terres.
En conclusion, le juge sous-délégué des terres de Gracias a Dios était compétent en 1776 (sauf
pour les actes mentionnés) et l'était également en 1821. Tout au contraire de ce que prétend
El Salvador.
Troisième affirmation : les "ejidos" auxquels se rapportent les actes de 1776 sont d'une nature
relevant strictement du droit privé
La Partie adverse a à maintes reprises affirmé que l'"ejido" visé dans les actes de 1776 ne
borne pas ses effets au strict domaine du droit privé de la propriété de biens mais produit des effets
concrets dans le domaine du droit public. L'intervention d'hier du Président Jiménez de Aréchaga va
dans le même sens lorsqu'il affirme que "son effet réel a consisté à placer la montagne de
Tepanguisir sous la juridiction de Citalá" (C 4/CR 91/9, p. 13), même s'il n'en résulte pas
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automatiquement une modification des frontières territoriales provinciales.
Le Honduras s'oppose à une pareille thèse. D'une part, parce qu'on voit mal comment l'on
peut maintenir les mêmes limites provinciales, ce qui impliquerait une intervention territoriale des
autorités compétentes de cette province et reviendrait à transférer par la même occasion la juridiction
aux autorités de Citalá, village situé dans une province différente. Si on acceptait une semblable
approche, nous en arriverions à la situation absurde d'admettre que les autorités provinciales de
Gracias a Dios n'avaient aucun pouvoir juridictionnel sur Tepanguisir, zone située à l'intérieur de sa
circonscription et que ladite juridiction revenait aux autorités locales de l'autre province sur le
territoire de laquelle se trouvait située Tepanguisir.
Il s'agirait là d'une situation insolite dans le système de répartition du pouvoir selon le modèle
colonial espagnol et dans le droit public comparé.
D'un autre côté, l'approche antérieure semble, d'un point de vue formel, en contradiction avec
le contenu textuel des actes mêmes de 1776, où, à plusieurs reprises, il est fait allusion à de simples
titres privés de propriété. C'est ce qui se passe avec les références au "titre de propriété" qui y
figurent (cf. MH, annexes, vol. IV, p. 1811 et 1813), ce qui atteste, à l'évidence, que les autorités
judiciaires chargées d'intervenir le faisaient exclusivement dans le domaine du droit privé foncier,
sans que les actes précités ne permettent de penser que l'intervention relevait du droit public. Ce qu'a
reçu la communauté indienne de Citalá fut un titre de propriété sur les terres de Tepanguisir.
Quatrième affirmation : L'"ejido" de 1776 est un "ejido" de composition
El Salvador soutient que les actes de 1776 nous mettent en présence d'un "ejido" de réduction
et non d'un "ejido" de composition. A l'appui de cette thèse, il explique que les habitants de Citalá ne
pouvaient rien payer étant donné leur pauvreté et en effet ils ne le firent jamais, car dans ledit
document il n'est dit nulle part qu'ils aient payé quoi que ce soit (cf. C4/CR 91/9, p. 12).
Le Honduras ne peut accepter cette allégation. Il n'est pas question de revenir sur le texte
littéral des actes de procédure, mais il est évident qu'il y est fait mention de deux types d'"ejidos" :
d'un côté de l'"ejido" d'une "lieue carrée que Sa Majesté donne comme 'ejido'", c'est-à-dire
gratuitement et dans les mêmes dimensions pour tous les villages; en deuxième lieu, un "ejido"
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d'étendue particulière et à propos duquel, les habitants de Citalá se déclarent disposés "à suivre la
procédure d'octroi par Sa Majesté". Et bien, cette procédure à laquelle se réfère le texte n'est autre
que la composition moyennant paiement, puisqu'il n'y a pas gratuité et que pour fixer le prix il était
absolument indispensable de procéder à l'arpentage des terres en question. On ne pouvait donner un
prix à ce qui n'avait pas encore été mesuré.
Il est un fait que dans les actes de procédure de 1776, il n'est fait aucune mention du prix fixé
ni du mode de paiement. Et il ne pouvait en être autrement, vu que la détermination de la
composition se faisait d'ordinaire dans un dossier connexe mais susceptible d'être indépendant, dans
lequel était indiqué le prix et le mode de paiement et était consigné le fait que le paiement avait été
effectivement effectué. Malheureusement, les actes de 1776 sont incomplets sur ce point mais en
revanche sont parfaitement clairs et explicites pour ce qui est de la composition liée à la concession
d'un "ejido", laquelle, je le répète, n'était pas gratuite. Cette conclusion ressort clairement de la
lecture complète des actes de 1776 où il est dit entre autres que :
a) "nous étant présentés devant le juge sous-délégué de ce district
pour qu'il fasse mesurer un endroit situé en dehors des limites de nos "ejidos" sur la montagne
appelée Tepanguisir, car elles sont royales et nous en avons besoin pour assurer notre
subsistance ... nous nous présenterons avec les documents nécessaires pour l'achat des terres
qui seraient en surplus..." (MH, annexes, vol. IV, annexes IX. 1.2, p. 1799.)
b) "les montagnes de Tepanguisir dont ils (les Indiens de San Francisco
de Citalá) veulent se faire octroyer les terres qui resteront après avoir reçu la surface que
leur 'ejido' doit avoir" c'est-à-dire l'"ejido" de réduction (ibid., p. 1795).
c) Un témoin admis par le juge déclare qu'"il sait de façon sure et
évidente que les terres situées sur la montagne de Tepanguisir sont de propriété royale et il les
considère comme faisant partie du patrimoine royal par le fait que depuis vingt ans qu'il les
connait, elles n'ont jamais été mesurées ni a été délivré de titre de propriété pour elles" (ibid.,
p. 1803).
Voilà donc la preuve, Monsieur le Président, que dans les actes de 1776, en plus de l'attribution d'un
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"ejido" d'une lieue carrée indiqué par les Indiens, s'est produit un transfert de terres royales contre
paiement au bénéfice des Indiens de San Francisco de Citalá. Nous sommes donc bien en présence
d'un véritable "ejido" de composition, sans que soit gênant en cela le fait que la communauté indienne
ait été pauvre en ressources - comme c'était le cas de nombreuses autres - puisque la procédure a
tenu compte des caractéristiques du sol et de sa valeur pour l'ensemencement et la culture. Du
contexte de ce qui précède, on déduit clairement qu'"octroyer" équivaut en fin de compte à "vendre".
Cinquième affirmation : S'agissant du secteur dénommé des "tierras
realangas" ("terres de la Couronne"), El Salvador ne dispose d'aucun
titre juridique
Le Président Jiménez de Aréchaga, mon éminent contradicteur, a soutenu hier que dans le
triangle en question (dont la superficie ne coïncide pas entre l'interprétation salvadorienne et
l'interprétation hondurienne), El Salvador ne dispose d'aucun titre colonial et fonde ses prétentions
sur les effectivités (cf. C4/CR 91/9, p. 10 et 27). Pourtant, la Partie adverse n'apporte aucune
preuve de ces effectivités, comme cela s'est produit dans d'autres secteurs de Tepanguisir - ainsi que
j'ai eu l'occasion de le démontrer lors de mon intervention précédente - et comme cela se produit
également et spécifiquement dans celle-ci. Comme preuve, mon honorable contradicteur apporte en
tout et pour tout une référence à une prétendue reconnaissance de la part du Honduras (CMH,
annexes, p. 295).
La République du Honduras nie catégoriquement ce fait. Le document cité se borne à
déclarer :
"Les terrains de la zone en litige de Tepanguisir se trouvent faire partie de la propriété
des habitants de la municipalité de San Francisco de Citalá du Salvador, mais le droit sur
ceux-ci appartient à la République du Honduras, étant donné que comme nous l'avons réitéré,
ce terrain a été octroyé dans le cadre de la juridiction de la province de Gracias a Dios pendant
l'époque coloniale."
Voilà, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le texte complet auquel la Partie adverse
prétend attribuer un double effet : en tant que moyen de preuve des effectivités et en tant que
reconnaissance de la part du Honduras de la souveraineté d'El Salvador sur ce secteur. Ce document
a-t-il une quelconque valeur probante aux yeux de la Cour, conformément au droit international ?
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A mon avis, aucune et je vais dire pourquoi, même si cela n'est sans doute pas nécessaire compte
tenu de l'évidence de ce que je viens de dire. La première raison est que la pratique conventionnelle
internationale en général et américaine en particulier regorge d'exemples qui prévoient voire
réglementent la possibilité pour les nationaux d'un pays d'avoir toutes sortes de biens immeubles, de
l'autre côté de la frontière. Une autre raison est que l'ambassadeur Max Velasquez se borne à
déclarer que les Salvadoriens ont des propriétés à Tepanguisir, mais le régime de la propriété
immobilière relève strictement du droit privé, sans empiéter à aucun moment sur le domaine de la
souveraineté. En effet, il est impossible de prétendre que la propriété privée des terres produit un
effet qui conditionne ou absorbe la souveraineté étatique et que le droit international accepte comme
ayant un effet juridico-public pour un Etat le fait que l'un ou plusieurs de ses nationaux détienne un
titre privé sur le territoire d'un autre Etat. Troisièmement, l'ambassadeur Velasquez ne reconnaît pas
la souveraineté salvadorienne sur Tepanguisir, il affirme expressément tout le contraire dans la
dernière partie du texte cité. Enfin, il faudrait ajouter que le texte auquel nous sommes en train de
nous référer ne porte pas en particulier sur ce triangle des "terres de la Couronne" ou sur le "Western
Triangle" selon la dénomination utilisée par la Partie adverse, mais d'une manière générale sur la
zone de Tepanguisir toute entière, puisqu'il est notoire qu'il y a interrelation entre les villages situés
respectivement d'un côté et de l'autre de la frontière, un fait coutumier dans les relations de voisinage
entre Etats.
De sorte que, si El Salvador reconnaît qu'il ne dispose d'aucun titre colonial sur le triangle en
question, et si, comme nous avons eu l'occasion de le constater, il n'est pas davantage en mesure
d'apporter une quelconque preuve des effectivités auxquelles il fait allusion, la seule réponse
possible est que le triangle revient à la République du Honduras, vu que de nos jours comme
en 1821, ces terres étaient et sont situées dans la province de Gracias a Dios. Les titres fonciers
républicains qui pénètrent dans ce triangle dans divers secteurs confirment ou corroborent en tous
points l'interprétation hondurienne du titre de 1776.
Dans ce même ordre d'idées, deux mots encore sur les effectivités; nous nous permettons de
rappeler à MM. les Juges qu'El Salvador a été incapable d'apporter des preuves acceptables, d'une
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valeur égale ou supérieure à celles du Honduras, sur ces prétendues effectivités dans l'ensemble de la
zone de Tepanguisir.
Sixième affirmation : le statu quo de 1881 est pertinent dans le cas de la montagne de Tepanguisir,
aux fins d'empêcher que soient opposables à une des Parties les actes réalisés par l'autre
postérieurement à cette date en vue d'améliorer sa propre position
Le Président Jiménez de Aréchaga n'a pas estimé nécessaire de s'arrêter sur l'analyse du
statu quo parce qu'il le considérait sans rapport avec la question et que le droit applicable se trouve
mentionné à l'article 5 du compromis et à l'article 26 du traité général de paix et non pas dans
d'anciens accords dépassés et périmés (cf. C 4/CR 91/9, p. 28). La République du Honduras ne
partage absolument pas ce point de vue, essentiellement parce que la question du statu quo n'a rien à
voir avec le droit applicable à la solution du différend, dans le sens qu'il n'indique pas quel est ce
droit. Comme nous avons eu l'occasion de l'expliquer, cette notion intervient dans le processus
d'application des principes juridiques qui régissent la détermination de la frontière, dans notre cas le
principe de l'uti possidetis juris, et a pour effet l'inopposabilité des actes d'exercice de souveraineté
effectués par une des Parties pour améliorer sa position. Le statu quo concerne précisément le
comportement des parties au cours d'une procédure judiciaire ou arbitrale et les obligations qui en
découlent pour elles, aussi bien générales que spécifiques.
Ces obligations peuvent se fonder sur le droit international général (bonne foi) ou sur le droit
conventionnel particulier entre deux Etats, comme dans l'affaire qui nous occupe, même si le système
conventionnel peut paraître d'une autre époque. Le statu quo présuppose donc que la procédure de
règlement frontalier a déjà été entamée et qu'est appliqué le droit déterminé par les Parties, mais il ne
se substitue pas à ce droit. Nous croyons avoir démontré que pour Tepanguisir, à l'instar des autres
zones en litige, le statu quo de 1881 interdit à chacune des Parties de faire valoir face à l'autre Partie
ses actes possessoires dans les zones contestées.
Le recours continuel que fait El Salvador aux "effectivités", au contrôle administratif, aux
propriétés, à l'argument humain, etc., dans la zone de Tepanguisir, justifie l'usage que fait le
Honduras du statu quo dans le cas qui nous occupe avec les effets indiqués.
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Néanmoins et pour éviter une fois pour toutes toute équivoque, telle que celle qui transparaît
dans l'affirmation de mon honorable contradicteur, le statu quo sur lequel nous nous appuyons n'a
rien à voir avec le droit applicable au présent différend, en général et à ce secteur en particulier, étant
donné que le Honduras confirme une fois de plus que le droit applicable au différend est l'uti
possidetis juris de 1821, sans que sa position ait changé d'un iota sur ce point précis. Il n'existe pas,
bien évidemment, une espèce d'uti possidetis juris conventionnel au XIXe
siècle que le Honduras
voudrait "étendre jusqu'à nos jours". Le droit applicable a été et continue d'être, de l'avis de la
République du Honduras, l'uti possidetis juris de 1821, conformément précisément à l'article 5 du
compromis; ce qui se passe, purement et simplement, c'est que les actions possessoires postérieures
des Parties ne peuvent être prises en compte, en présence d'un titre colonial espagnol, pour diverses
raisons. On ne peut ni ne doit confondre une obligation de comportement imposée aux Parties au
cours du processus de règlement judiciaire d'un différend avec la question du droit applicable à ce
différend. Et ce droit, tel qu'il a été défini par les Parties, est l'uti possidetis juris, puisque les
clauses des traités de la fin du siècle dernier et du début de ce siècle que j'ai mentionnées dans mon
intervention précédente, à aucun moment ne se réfèrent au droit applicable à la solution du
différend dans chacune de ses phases historiques, mais déterminent l'inopposabilité des actes
possessoires une fois qu'un mode de règlement donné a commencé. Dans le cas présent, il est
évident que les tentatives antérieures de règlement se sont soldées par un échec. Le statu quo, en
somme, s'intéresse à la position et au comportement des Parties du point de vue de la procédure, il ne
détermine en aucune manière le droit applicable.
Septième affirmation : la République du Honduras maintient son interprétation du titre de 1818.
El Salvador a soutenu hier par le truchement du Président Jiménez de Aréchaga (cf. C 4
CR 91/9, p. 19) que le document dénommé "titre d'Ocotepeque" de 1818 (MH, annexes, p. 1719),
n'affirme pas textuellement que la limite du terrain "pénètre en formant un triangle jusqu'au Cerro de
Tepanguisir". Sur ce point la Partie adverse a raison. Il y a néanmoins lieu de tenir compte que
l'affirmation du Honduras n'est pas gratuite, ni arbitraire; tout au contraire. Elle se fonde sur
l'interprétation graphique raisonnable de l'arpentage et non pas sur le libellé du titre. Cette
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interprétation, au demeurant, est analogue à celle donnée par les délégués du Honduras et
d'El Salvador pendant les négociations de La Hermita en 1881 (cf. MH, annexes, vol. I,
annexe III.1.35, p. 124 à 131; RH, vol. I, croquis qui figure à la suite de la page 173). Il n'en est
que plus surprenant d'entendre tout d'un coup l'autre Partie nous adresser des reproches en
manifestant, semble-t-il, son désaccord avec ce qu'ont fait ses propres représentants il y a
cent dix ans.
Face à l'affirmation de la Partie adverse selon laquelle l'arpentage de 1818 n'a pas modifié le
titre de Citalá de 1776, on ne peut que renvoyer son auteur aux termes mêmes de l'acte d'arpentage,
selon lequel :
"on arriva à un petit mont appelé des Piedra Menuda, et en effet, il se trouve beaucoup de
pierres et là se trouvaient tous les magistrats et principaux du village de Citalá avec leurs
titres, et ayant montré une borne qui s'y trouve, les habitants de Citalá dirent qu'il s'agissait de
celle qui sépare leurs terres de celles d'Ocotepeque; en vertu de quoi, j'ai ordonné que l'on
érigeat un monticule de pierres et une croix..."
Notre contradicteur maintient (ibid., p. 20) que l'entérinement définitif du titre de Ocotepeque
de 1818 n'a eu aucun effet sur celui de Citalá. Cela n'est pas vrai, vu que comme il est dit dans
l'accord présidentiel qui a entériné l'arpentage du terrain de San Andrès de Ocotepeque, cet arpentage
est corroboré dans le rapport du "Revisor General de Hacienda". Or, celui-ci, dans ce rapport, a
suggéré que l'approbation fut provisoire pour ce qui est de la limite frontalière avec El Salvador, en
soulignant que l'arpentage devrait être rectifié pour aller jusqu'à la borne de Tepanguisir, lorsque
ladite frontière serait délimitée (cf. RH, annexes, vol. VI, p. 59 et 60).
Huitième affirmation : le Honduras réaffirme son interprétation de la
ligne frontière dans la zone de Tepanguisir, tout en reconnaissant que
certains aspects sont susceptibles d'être débattus
Les références contenues dans le titre de 1776 ne donnent pas toujours des réponses
arithmétiques indiscutables, et n'évitent pas tout doute ni certaines divergences d'interprétation,
comme le démontre le fait même que nous soyons aujourd'hui en plein débat devant cette Chambre de
la Cour. L'interprétation avancée par le Honduras peut être discutable du fait des références
touchant la troisième des sous-sections, c'est-à-dire celle qui va de la borne de Pomola sur le
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Talquezalar à la Junta de la Quebrada de Taquilapa, une question qui a suscité une des divergences
les plus profondes entre les Parties. Malgré tout et en toute honnêteté, nous estimons que
l'interprétation du Honduras (expliquée dans RH, vol. I, p. 142 à 145) est raisonnable et fidèle au
texte des arpentages; au moins autant que celle d'El Salvador.
En effet, comme le rapporte l'arpenteur le 20 mars :
"et (de la borne de Pomola sur le Talquelazar) changeant de direction et s'orientant vers l'ouest
en remontant le torrent du Pomola, à travers une gorge profonde et des précipices, l'on a
évalué à vue d'oeil, à cause de l'aspérité du terrain, quarante cordes (1660 mètres) jusqu'à la
source du Pomola ... et je déclare qu'il reste des terres royales sur la droite..."
Et le lendemain 21 mars :
"de cet endroit, en direction sud-ouest, en ayant sur notre droite des terres royales [les terres
royales étaient sur la droite] et sur notre gauche celles que l'on est en train de mesurer
[c'est-à-dire les terres des 'ejidos'], l'on a marché dans ladite direction par le confluent du
torrent appelé Taquilapa" (MH, annexes, vol. IV, p. 1805 et 1806).
En toute franchise, nous estimons que la ligne proposée par le Honduras s'accorde bien mieux
avec les arpentages de 1776 que la ligne proposée par El Salvador. Et c'est précisément sur cette
question que nous demandons respectueusement à la Cour de statuer en se prononçant dans sa
décision sur celle des deux interprétations qui est la plus fidèle au titre colonial de 1776.
J'en ai ainsi terminé avec une intervention qui, je l'espère, m'aura permis de tenir les promesses
faites en son début. Je ne peux que vous remercier, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour
l'aimable attention que vous lui avez prêtée. Merci beaucoup.
The PRESIDENT: I thank Professor Sánchez Rodríguez. I understand that the delegation of
El Salvador would be prepared to reply to Professor Sánchez Rodríguez this morning. We,
therefore, will give to President Jiménez de Aréchaga some time to organize his reply. So the
Chamber will take a break of one hour and we will be back then to hear his presentation. The
seating is adjourned.
L'audience est suspendue de 10 h 45 à 12 heures.
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The PRESIDENT: Please be seated. This sitting is resumed and I give the floor to President
Jiménez de Aréchaga.
Dr. JIMENEZ DE ARECHAGA: Mr. President, thank you for having given me the time
required to make some brief comments on the statement we have just heard from Professor Sánchez
Rodriguez.
Professor Sánchez Rodriguez said that the boundaries between poblaciónes "ne sont utiles,
efficaces, et pertinentes" and that it is therefore necessary to have recourse to the ancient colonial
provincial boundaries. The contention of El Salvador is that the relevant question is the boundary
between territories and poblaciónes and this thesis is not only based on a literal interpretation of
Article 26 of the General Treaty of Peace of 1980, it is also based, above all, on the history of the
whole dispute between the Parties which, as the record shows, arose out of the much earlier rivalries
and disputes between the Indian communities which were the only ones to occupy the mountainous
areas in dispute.
Professor Sánchez Rodriguez mentioned the different provisions in the Constitution of
El Salvador in order to contend that, in this Constitution, El Salvador said that its territory is based
on certain "intendencias" or provinces. His suggestion may be interpreted as contending that those
constitutional provisions will lead to a conclusion contrary to the interpretation which El Salvador
has given of Article 26 of the General Treaty of Peace.
Before the Court, a State has in some cases relied on a provision in its constitution in order to
try to escape a particular interpretation of a treaty. Attempts of this type are normally rejected by
international tribunals on the grounds that unilateral acts such as a constitution of a State
undoubtedly cannot prevail over a bilateral or multilateral agreement. This, however, is the first
time in my recollection that a constitutional provision has been invoked in order to oppose the
interpretation which El Salvador has given to a provision in a treaty such as Article 26. Obviously
the provision of the treaty must prevail in respect of this interpretation.
Professor Sánchez Rodriguez also referred to the notion of administrative control as
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established in the Arbitration Award of a Tribunal presided over by Chief Justice Hughes in 1933 in
order to contend that the reference to administrative control was equivalent to a reference to
effectivités. Contrary to what Professor Sánchez Rodriguez said, the Hughes Tribunal had a double
task: first to determine the juridical line on the basis of uti possidetis in order to apply that principle
and, only if it failed in its attempt to determine the line of uti possidetis, to have recourse to what
has been called its "exceptional powers". So in that Judgment, in other words, the concept of
administrative control, which rested on the will of the Spanish Crown, was established by the
Tribunal and utilized by the Tribunal in respect of, and in relation to, its primary task, that of the
establishment of determination of the line of uti possidetis. This concept or administrative control
which rested on the will of the Spanish Crown was established as a test for the application of the
principle of uti possidetis juris, not in relation to effective possession. It had nothing whatever to do
with the effectivités and cannot in any way be identified with the principles governing the effectivités.
Mr. President, I will now make some brief comments on certain passages of the text of the
statement by Professor Sánchez Rodriguez.
He mentioned, for instance, that the competence or the "Alcaldia de Indios" or "Cabildo" de
Citalá on the lands of Tepanguisir has never been proved, even if the opposing Party has repeatedly
made reference to it. It seems to me, Mr. President, that more than references, we have quoted
extensively the Reales Cedulas granting to the Cabildos and to the [Alcalda des Indios?] Alcaldía de
Indios powers of jurisdiction and government with respect to the population of these entities, and I
refer in this respect to previous statements made in these proceedings.
Professor Sánchez Rodriguez also referred to a law in the Recopilación which, as he said,
"interdit aus présidents des Audiencias d'accroître ou de réduire les circonscriptions administratives
internes". Is he questioning the validity of the decision by which the Juez Principal gave competence
to the Juez Jimenez Rubio? That would be a new position on the part of Honduras, because up to
now they have never questioned the validity of this granting of competence.
It is quite obvious that the Audiencia, the Juez privativo was not exceeding or reducing its
competence. It was the King and the Conseil des Indes which gave to the Audiencia full jurisdiction
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over the whole Capitania Generale de Guatemala, which at that time, as you know, covered both
El Salvador and Honduras and also Nicaragua.
Professor Sánchez Rodriguez also mentioned that it was absurd to admit that the provincial
authorities of Gracias a Dios had no jurisdictional powers over Tepanguisir. That was the case;
they had no jurisdictional powers over Tepanguisir: Tepanguisir was occupied and exploited by the
Indians of Citalá and the Alcalde de Indios of Ocotopeque or the Cabildo of Ocotopeque had no
jurisdiction at all over that territory as a consequence of the award of the "ejido".
This is clear from the fact, in the records, that the Indians of Ocotopeque including its Alcalde
withdrew from the area saying that their lands were far away and as we will see next week in respect
of certain lands which they claim both judicial authorities in both provinces withdrew a title which
those of Ocotopeque had obtained as being illegal. So they had no jurisdiction at all over these
areas. Another assertion of Professor Sánchez Rodriguez with which we disagree is the assertion
that the "ejido" of Citalá was an "ejido de composición". It is true that Citalá offered to pay, in case
there was a "demasia", in case the lands they obtained were not fully covered by the title they had
under Indian law. But the offer was not accepted. They were granted gratuitously an "ejido" and
they paid nothing except judicial expenses. Professor Sánchez Rodriguez made what I may call an
audacious affirmation when he said that the fact that the payment was made should appear in a
"dossier connexe mais different" and that the acts of 1776 are incomplete.
This is not so. We will see in the course of these proceedings in respect of many other titles
that when there was payment, when there was a composición, this appeared in the title itself, as part
of the title. It was a very complicated procedure which ended with the granting of the title and in
which there was of course a valuation of the land to be awarded by composición; there was a
valuation by witnesses and then there was public auction.
Other parties were offered the possibility also of buying the land. So it was part of the title:
we will see that in other cases. To contend that there must have been another document, a different
one is an incorrect affirmation.
The land was granted completely gratis, and a comparison with other titles will show that,
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even if there was an offer to pay something, no payment took place. As to the "effectivités" in the
area, we have referred to the statement made by Ambassador Velásquez which recognizes that this
area we claim on the basis of "effectivités" is occupied, inhabited, by citizens from El Salvador. My
distinguished adversary referred to the possibility that the nationals of a country may have the "biens
immeubles de l'autre côté de la frontière", so he would explain away this statement by
Ambassador Velásquez on the ground that there were these Salvadorians owning properties, but that
does not mean that they were in the area in their own territory: they were in foreign territory. He
claims that they were absentee landlords. Of course, the inhabitants of Citalá are not rich people
who can have a property such as Argentinians have in Punta del Este in Uruguay. And the proof
that these people, the inhabitants, were Salvadorian and they were on Salvadorian territory, is that
the Constitution of Honduras in its Article 107 forbids foreigners from owning properties within
40 kilometres of the frontiers:
"Los terrenos del Estado ejidales comunales o de propiedad privada situados en una
zona limitrófe de los estados vecinos o en el litoral de ambos mares en una extensión de
40 kilómetros hacia el interior del país sólo podrán ser adquiridos, o poseidos o tenidos a
cualquier título por Hondureño de nacimiento. Por sociedades integradas en su totalidad por
esos Hondureños y por las instituciones del Estado bajo pena de nulidad del respectivo acto o
contrato."
I have the translation into English somewhere:
"The lands of a State, communal lands or lands of private ownership situated in the
zone of the frontier with adjoining States or the shores of both seas in an area of 40 kilometres
toward the interior of the country only can be acquired or possessed or held under any type of
title by those who are Honduran by birth, by companies whose shareholders are in their
totality Hondurans and by the institutions of a State under pain of nullity of a legal transaction
or contract in question."
So if the situation was as described by Professor Sánchez Rodríguez, then the authorities of
Honduras, if they were effective in the area, should have sent away these owners of properties in that
area which are recognized by Ambassador Velásquez.
Professor Sánchez Rodríguez also contended that the status quo of 1880 "interdit à chacune
des Parties de faire valoir des actes possessoires dans la zone contestée". That cannot be under
Article 26 of the 1980 Treaty which, in its second sentence, indicates that all means of evidence are
relevant and can be invoked before this Chamber. I refer to the fact that "il sera également tenu
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compte d'autres preuves, thèses et argumentations d'ordre juridique, historique et humains et de tout
autre élément présenté par les Parties et admissibles en droit international". So we cannot rule the
"effectivités" out of the treaty which governs the law of these proceedings.
Finally, we reach the question of the maps of the actual lines. This is a rear guard action by
Honduras. First, they say "the whole mountain is ours". Now they say "well, but there are little bits
of the mountain which should be kept by us". One is this 1818 triangle, based on the Ocotopeque
title of 1818. In that respect Professor Sánchez Rodriguez invoked negotiations, but negotiations
cannot be invoked in order to establish a claim before this Court.
Also he said that the measurement of 1818 modified the title of Citala of 1776. It could not do
so because it was a title-deed approved by the Real Audiencia and it did not in fact do so.
Professor Sánchez Rodriguez invoked a passage in the title of Ocotepeque where it says that the
principals of Citalá "arrived at a little mountain named Cerro Piedra Menuda, where they found the
marker and they renewed it and there the Citalá people said 'this is the place which separates our
lands from those of Ocotepeque', and then the judge picks up a [little amount of stones?] and orders a
cross to be erected." So I do not see how one can claim that this title penetrated into the mountain.
Of course in the title of Ocotepeque of 1914 they also kept to this line but they made a
reservation, that's all they made, a reservation, "l'arpentage devrait être rectifié pour aller jusqu'à la
montagne de Tepanguisir (el Cerro de Tepanguisir) lorsque ladite frontière serait délimitée". It is a
reservation. We have a claim there, but the claim is before you Mr. President, Members of the
Chamber, so there was no penetration; that's my point. It was only a reservation.
As to the rest of the boundary, Professor Sánchez Rodriguez admits our interpretation is
reasonable but it is also exact. What happens is that Professor Sánchez Rodriguez and the
Honduran Memorial base themselves on a single phrase in the title-deed "survey went to the west"
but they forget that it says "[went to the west -] took toward the west" going upwstream of the
Pomola River so it is they went to the west a little bit and then they took - they followed the river and
then they went upstream where the River Pomola [was] going? as far as the headwaters of the
Pomola which is where the mountains are.
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Now, what Honduras does is to deviate from the title; they take a different river, not the
Pomola, the Cipresales and they take not only toward the west but they take toward the south too.
So it is a wrong interpretation of the title. We will see that often there has been an attempt to change
the river. I said yesterday and I think it is important that any dispute as to the identity of a river like
the Pomola or the headwaters of the Pomola may be solved by the Demarcation Commission. These
places are perfectly identifiable today.
Besides, the title adds "they took to the west going upstream along the Pomola through a deep
Quebrada and the precipices". That means that we are in the mountain area. Mr. President this will
be all my remarks at this stage. Thank you.
The PRESIDENT: I thank President Jiménez de Aréchaga and his presentation concludes our
examination of the first of the disputed sectors in the land frontier and then when we resume on
Wednesday at 10 o'clock it would be the turn of the delegation of Honduras that will present its
argument on the second disputed sector of the land frontier. The sitting is adjourned until
Wednesday at 10 o'clock.
The Chamber rose at 12.21 p.m.
___________
Audience publique de la Chambre tenue le vendredi 26 avril 1991, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre