Audience publique de la Chambre tenue le mardi 28 mai 1991, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre

Document Number
075-19910528-ORA-02-00-BI
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
1991/32
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

C 4/CR 91/32
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
YEAR 1991
Public sitting of the Chamber
held on Tuesday 28 May 1991, at 3 p.m., at the Peace Palace,
Judge Sette-Camara, President of the Chamber, presiding
in the case concerning the Land, Island and Maritime Frontier Dispute
(El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening)

VERBATIM RECORD

ANNEE l991
Audience publique de la Chambre
tenue le mardi 28 mai 1991, à 15 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre
en l'affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant))

COMPTE RENDU

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Present:
Judge Sette-Camara, President of the Chamber
Judges Sir Robert Jennings, President of the Court
Oda, Vice-President of the Court
Judges ad hoc Valticos
Torres Bernárdez
Registrar Valencia-Ospina

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Présents :
M. Sette-Camara, président de la Chambre
Sir Robert Jennings, Président de la Cour
M. Oda, Vice-Président de la Cour, juges
M. Valticos
M. Torres Bernárdez, juges ad hoc
M. Valencia-Ospina, Greffier

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The Government of El Salvador is represented by:
Dr. Alfredo Martínez Moreno,
as Agent and Counsel;
H. E. Mr. Roberto Arturo Castrillo, Ambassador,
as Co-Agent;
and
H. E. Dr. José Manuel Pacas Castro, Minister for Foreign Relations,
as Counsel and Advocate.
Lic. Berta Celina Quinteros, Director General of the Boundaries'
Office,
as Counsel;
Assisted by
Prof. Dr. Eduardo Jiménez de Aréchaga, Professor of Public
International Law at the University of Uruguay, former Judge and
President of the International Court of Justice; former President
and Member of the International Law Commission,
Mr. Keith Highet, Adjunct Professor of International Law at The
Fletcher School of Law and Diplomacy and Member of the Bars of
New York and the District of Columbia,
Mr. Elihu Lauterpacht C.B.E., Q.C., Director of the Research Centre
for International Law, University of Cambridge, Fellow of Trinity
College, Cambridge,
Prof. Prosper Weil, Professor Emeritus at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Dr. Francisco Roberto Lima, Professor of Constitutional and
Administrative Law; former Vice-President of the Republic and
former Ambassador to the United States of America.
Dr. David Escobar Galindo, Professor of Law, Vice-Rector of the
University "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador)
as Counsel and Advocates;
and
Dr. Francisco José Chavarría,
Lic. Santiago Elías Castro,
Lic. Solange Langer,
Lic. Ana María de Martínez,
- 5 -
Le Gouvernement d'El Salavador est représenté par :
S. Exc. M. Alfredo Martínez Moreno
comme agent et conseil;
S. Exc. M. Roberto Arturo Castrillo, Ambassadeur,
comme coagent;
S. Exc. M. José Manuel Pacas Castro, ministre des affaires
étrangères,
comme conseil et avocat;
Mme Berta Celina Quinteros, directeur général du Bureau des
frontières,
comme conseil;
assistés de :
M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, professeur de droit international
public à l'Université de l'Uruguay, ancien juge et ancien
Président de la Cour internationale de Justice; ancien président
et ancien membre de la Commission du droit international,
M. Keith Highet, professeur adjoint de droit international à la
Fletcher School de droit et diplomatie et membre des barreaux de
New York et du District de Columbia,
M. Elihu Lauterpacht, C.B.E., Q.C., directeur du centre de recherche
en droit international, Université de Cambridge, Fellow de Trinity
College, Cambridge,
M. Prosper Weil, professeur émérite à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Francisco Roberto Lima, professeur de droit constitutionnel et
administratif; ancien vice-président de la République et ancien
ambassadeur aux Etats-Unis d'Amérique,
M. David Escobar Galindo, professeur de droit, vice-recteur de
l'Université "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador),
comme conseils et avocats;
ainsi que :
M. Francisco José Chavarría,
M. Santiago Elías Castro,
Mme Solange Langer,
Mme Ana María de Martínez,
- 6 -
Mr. Anthony J. Oakley,
Lic. Ana Elizabeth Villata,
as Counsellors.
The Government of Honduras is represented by:
H.E. Mr. R. Valladares Soto, Ambassador of Honduras to the
Netherlands,
as Agent;
H.E. Mr. Pedro Pineda Madrid, Chairman of the Sovereignty and
Frontier Commission,
as Co-Agent;
Mr. Daniel Bardonnet, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Derek W. Bowett, Whewell Professor of International Law,
University of Cambridge,
Mr. René-Jean Dupuy, Professor at the Collège de France,
Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Julio González Campos, Professor of International Law,
Universidad Autónoma de Madrid,
Mr. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, Professor of International Law,
Universidad Complutense de Madrid,
Mr. Alejandro Nieto, Professor of Public Law, Universidad
Complutense de Madrid,
Mr. Paul De Visscher, Professor Emeritus at the Université de
Louvain,
as Advocates and Counsel;
H.E. Mr. Max Velásquez, Ambassador of Honduras to the United Kingdom,
Mr. Arnulfo Pineda López, Secretary-General of the Sovereignty and
Frontier Commission,
Mr. Arias de Saavedra y Muguelar, Minister, Embassy of Honduras to
the Netherlands,
Mr. Gerardo Martínez Blanco, Director of Documentation, Sovereignty
and Frontier Commission,
Mrs. Salomé Castellanos, Minister-Counsellor, Embassy of Honduras to
the Netherlands,
- 7 -
M. Anthony J. Oakley,
Mme Ana Elizabeth Villata,
comme conseillers.
Le Gouvernement du Honduras est représenté par :
S. Exc. M. R. Valladares Soto, ambassadeur du Honduras à La Haye,
comme agent;
S. Exc. M. Pedro Pineda Madrid, président de la Commission de
Souveraineté et des frontières,
comme coagent;
M. Daniel Bardonnet, professeur à l'Université de droit, d'économie
et de sciences sociales de Paris,
M. Derek W. Bowett, professeur de droit international à l'Université
de Cambridge, Chaire Whewell,
M. René-Jean Dupuy, professeur au Collège de France,
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Julio González Campos, professeur de droit international à
l'Université autonome de Madrid,
M. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, professeur de droit international
à l'Université Complutense de Madrid,
M. Alejandro Nieto, professeur de droit public à l'Université
Complutense de Madrid,
M. Paul de Visscher, professeur émérite à l'Université catholique de
Louvain,
comme avocats-conseils;
S. Exc. M. Max Velásquez, ambassadeur du Honduras à Londres,
M. Arnulfo Pineda López, secrétaire général de la Commission de
Souveraineté et de frontières,
M. Arias de Saavedra y Muguelar, ministre de l'ambassade du Honduras
à La Haye,
M. Gerardo Martínez Blanco, directeur de documentation de la
Commission de Souveraineté et de frontières,
Mme Salomé Castellanos, ministre-conseiller de l'ambassade du
Honduras à La Haye,
- 8 -
Mr. Richard Meese, Legal Advisor, Partner in Frère Cholmeley, Paris,
as Counsel;
Mr. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mrs. Olmeda Rivera,
Mr. Raul Andino,
Mr. Miguel Tosta Appel
Mr. Mario Felipe Martínez,
Mrs. Lourdes Corrales,
as Members of the Sovereignty and Frontier Commission.
- 9 -
M. Richard Meese, conseil juridique, associé du cabinet Frère
Cholmeley, Paris,
comme conseils;
M. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mme Olmeda Rivera,
M. Raul Andino,
M. Miguel Tosta Appel,
M. Mario Felipe Martínez,
Mme Lourdes Corrales,
comme membres de la Commission de Souveraineté et des frontières.
- 10 -
The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is resumed and we continue our discussion
on the determination of the legal situation of the items according to the wording of the last translation
agreed upon by the Parties and I give the floor to Professor Sánchez Rodríguez.
M. SANCHEZ RODRIGUEZ : Merci Monsieur le Président.
III. LES REPONSES A CERTAINS ARGUMENTS UTILISES DANS LA REPLIQUE
D'EL SALVADOR, NOTAMMENT EN CE QUI CONCERNE
L'ILE D'EL SALVADOR
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'objet de cette troisième partie de mon
intervention est triple. Tout d'abord, répondre à certaines observations concrètes formulées de la
Partie adverse à propos des titres historiques sur les îles; en deuxième lieu, analyser les effectivités
salvadoriennes sur Meanguera et Meanguerita; enfin, traiter plus particulièrement de la situation de
l'île d'El Tigre. Je passe sans plus tarder à la première de ces trois parties.
A) Les titres sur Meanguera et Meanguerita
El Salvador, dans sa réplique écrite (cf. chap. 5.3), montre une certaine tendance à recourir
aux chiffres et aux quantités et se déclare étonné de ce que le contre-mémoire hondurien ne s'étende
que peu sur le différend insulaire (33 pages soit 4,5 pour cent du total). Le recours à un argument
aussi infantile et contradictoire ne peut que surprendre; infantile parce qu'il présuppose une
prédominance du quantitatif sur le qualitatif et accorde plus d'importance au nombre de pages qu'au
poids des arguments juridiques de fond; et contradictoires parce que la Partie adverse semble oublier
que dans son mémoire elle ne consacre que 23 pages au différend insulaire, d'où le caractère non
seulement contradictoire mais insolite de sa critique. En fait, Messieurs les Juges, l'observation
d'El Salvador constitue un exemple concret de son étrange comportement, vu qu'il ne tient aucun
compte de ce que dans les trois écrits honduriens un total de 291 pages est consacré à l'analyse du
différend insulaire, tandis qu'El Salvador y consacre au total 128 pages. Mais je n'estime pas utile
de m'étendre davantage sur cette question secondaire qui n'aurait pas mérité que je lui consacre un
commentaire particulier si ce n'était pour souligner ce qu'elle démontre d'elle-même. En ce qui
concerne la partie portant sur la période de la conquête espagnole (chap. 5.4-5.14), il y aurait place
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pour de multiples commentaires, vu les innombrables extrapolations et faux-fuyants contenus dans la
réplique d'El Salvador. La tactique, qui consiste à ajouter des éléments de confusion dans toute la
documentation coloniale pour en réduire l'importance, présente un avantage pratique pour les
avocats-conseils de la Partie adverse : ou bien le Honduras choisit de répondre dans le détail à
chacune des affirmations salvadoriennes, ou bien il choisit de suggérer respectueusement à la Cour
de procéder à une lecture rigoureuse des documents soumis par les Parties. En fait, je ne vais à ce
stade choisir ni l'une ni l'autre de ces deux formules mais je vais m'efforcer de suivre une troisième
voie : celle qui consiste à réfuter, en en faisant la synthèse, les théories les plus audacieuses de la
Partie adverse.
A propos du chapitre 5.6 de la réplique salvadorienne, Messieurs les Juges voudront bien me
pardonner de rappeler ce qui suit :
Tout d'abord, la "Gobernación" (Gouvernement) confiée en 1524 à Gil González Dávila
comprenait ce qui par la suite deviendrait le Gouvernement du Honduras et englobait ses côtes, ses
îles et ses villages de l'océan Pacifique (cf. MH, vol. I, p. 10). Ce Gouvernement a eu une existence
éphémère mais revêt malgré cela une grande importance du fait qu'il a servi de base à des divisions
administratives coloniales ultérieures (cf. RH, vol. II, p. 926).
Deuxièmement, Pedro de Alvarado et Pedrarias Dávila ont eu des prétentions convergentes à
propos de l'ancien Gouvernement du Honduras, ce qui a motivé l'intervention de l'"Audiencia" de
Santo Domingo (cf. MH, vol. II, p. 528). Par suite de cette intervention, Francisco Hernández de
Córdoba s'est vu attribuer le territoire sud-est, Pedro de Alvarado le sud-ouest, ce qui impliquait
laisser sous la juridiction de Gil González Dávila un vaste territoire qui comprenait la région de
Nacaome, Choluteca et les îles du golfe de Fonseca (cf. RH, vol. II, p. 925 et suiv.).
Troisièmement, l'étendue de la juridiction coloniale du Honduras, y compris toute la côte sud
et ses "términos" (territoires) adjacents (les îles, Choluteca, Nacaome et San Miguel), a été entériné
par le roi qui l'a fait relever de la "Gobernación" de Diego López de Salcedo auquel il a octroyé, par
sa "Real Cédula" du 20 novembre 1525, le titre de "Gobernador de Higueras y Cabo de Honduras",
ce qui amenait cette "Gobernación" à couvrir les territoires découverts par Gil González Dávila et
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mettait définitivement fin aux controverses entre les "conquistadores" (cf. MH, annexe XIII.2.2).
Les deux documents cités par El Salvador seront analysés dans le chapitre suivant.
En ce qui concerne les thèses soutenues dans les chapitres 5.7 à 5.12 de la réplique
d'El Salvador, j'aurai à dire ce qui suit. Pour commencer, bon nombre des citations textuelles
rapportées par El Salvador dans les documents coloniaux ne correspondent absolument pas à
l'original espagnol et représentent même une grave distorsion de ces textes. C'est ainsi notamment
que :
- au chapitre 5.7 du texte salvadorien on lit "la 'Villa de San Miguel' de ce Gouvernement",
tandis que le texte espagnol dit textuellement "la Villa de San Miguel, que está junto al Río del
Lempa" (la Villa de San Miguel qui est à côté de la rivière Lempa) (cf. RES, annexes, vol. I, p. 99);
- au chapitre 5.8 on attribue à Alvarado la création "d'une ville qui s'appelle San Miguel",
alors que dans le document espagnol il n'est jamais dit que cette ville ait été créée par la personne à
laquelle les Salvadoriens attribuent sa création puisqu'il est simplement indiqué "où a été fondée une
ville appelée San Miguel" (cf. ibid., p. 110);
- au chapitre 5.9 le texte salvadorien fait référence au "port de Fonseca de son Gouvernement"
(cf. ibid. p. 125), ce qui ne veut pas dire que la "Gobernación" revenait à Guatemala; en effet, Pedro
de Alvarado a été gouverneur du Honduras - qui exerçait sa juridiction sur le golfe de Fonseca - et en
même temps gouverneur du Guatemala. Au même chapitre il est dit textuellement que "le
Gouvernement du Honduras s'étendait presque jusqu'à Puerto de Fonseca et qu'il y avait des
frontières communes entre ce gouvernement et celui de Guatemala", alors qu'en réalité le texte
espagnol se borne à dire "como llegó casi cerca del Puerto de Fonseca y partió términos entre esta
Gobernación y la de Guatemala" (cf. ibid. p. 125).
Cette citation contredit formellement le contenu de l'annexe 25 de la réplique salvadorienne.
Les modifications que nous venons de souligner sont suffisamment éloquentes vu,
qu'étrangement, elles visent toujours à renforcer la position d'El Salvador et que ce pays ne cite par
ailleurs pas le texte original espagnol. Messieurs les Juges, je souhaitais simplement attirer votre
attention sur ce fait qui me paraît significatif même si c'est à vous seuls qu'il incombe d'en déterminer
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la portée véritable.
En ce qui concerne les thèses de fond soutenues dans cet écrit salvadorien, elles ont été
argumentées d'une manière tout à fait différente et minutieuse dans les écrits honduriens et nous ne
croyons pas opportun de mettre à l'épreuve la patience de la Cour ni de heurter son bon sens en
procédant à des répétitions inutiles. Il suffira de rajouter à ce stade qu'il s'agit parfois de textes qui
corroborent nettement les thèses du Honduras alors que dans d'autres cas les documents cités le sont
de manière incomplète, arbitraire ou hors contexte au point d'en arriver à des extrapolations
inadmissibles. C'est ce qui se produit par exemple dans le cas des argumentations soutenues par le
Honduras dans son arbitrage avec le Guatemala ou lors de la médiation avec le Nicaragua.
Nous en arrivons maintenant à la partie de la réplique salvadorienne relative aux "Reales
Cédulas" de 1563 et 1564 (chap. 5.15 à 5.18) qui n'ajoutent pas d'éléments nouveaux par rapport à
la position antérieure de ce pays. Le Honduras a déjà amplement développé dans ses écrits ses
arguments sur ce sujet dont nous pouvons trouver une synthèse dans la réplique même du Honduras
(cf. RH, vol. II, p. 930 et suiv.). Certaines questions concrètes appellent néanmoins quelques
éclaircissements de ma part.
Ainsi, est-il besoin de rappeler que la "Real Cédula" de 1563 qu'invoque El Salvador a eu une
existence éphémère ayant été expressément abrogée par une autre "Real Cédula" du 17 mai 1564.
En outre, la "Real Audiencia" est revenue à son siège d'origine le 15 janvier 1570, ce qui a amené la
province du Honduras à retrouver les mêmes limites qu'elle avait avant que ne soit publiées les
"Reales Cédulas" citées par la Partie adverse qui de la sorte dépeint comme étant le régime normal
une situation exceptionnelle et limitée dans le temps. Ultérieurement, Messieurs les Juges, la "Real
Cédula" du 23 août 1745 a confirmé les limites de la province du Honduras de la même manière
qu'elles l'avaient été par les "Cédulas" du 20 novembre 1525. Et pour éviter tout doute en la matière,
on peut ajouter que la "Real Ordenanza del Intendente" de 1786 a établi des limites identiques pour
la province du Honduras et que la "Real Cédula" de 1791 a inclus également dans la province du
Honduras tous les territoires de la Comayagua originelle et de son évêché, en plus de ceux de
Tegucigalpa en déclarant que cette province englobait tout le territoire de son évêché. Et c'est ce qui
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a été repris - y compris les îles et le golfe de Fonseca - dans les trois premières Constitutions du
Honduras, à savoir, Messieurs les Juges de la Cour, celles de 1825, 1831 et 1834 (cf. MH, vol. II,
p. 523 et suiv.; RH, vol. II, p. 925 et suiv.).
Pour ce qui est des documents de 1580 et de 1582 utilisés par El Salvador dans sa réplique
écrite, la question a été expliquée d'une manière définitive par le Honduras dans son dernier écrit
(cf. RH, vol. II, p. 933 et suiv.). Je me contenterai maintenant de rappeler que la ville de Choluteca
et les villages relevant de sa juridiction ont été incorporés dans l'"Alcaldía Mayor" de Tegucigalpa,
en vertu de la "Real Provisión" de 1580 qui nommait Cisneros de Reynoso "Alcalde Mayor",
conformément à la Loi I des Indes. La province du Honduras a alors été établie en tant qu'unité
politique dont le chef suprême était le gouverneur de Comayagua et qui était composée de la
province de Comayagua et de l'"Alcaldía Mayor" de Tegucigalpa. Et c'est ce qui explique qu'à partir
de 1580 les "Alcaldes Mayores" affichaient en tête de leurs actes le titre de "Alcalde Mayor del Real
de Minas de Tegucigalpa y Villa de Jerez de la Choluteca y su jurisdicción" et cela explique
également très clairement que le gouverneur du Honduras dans son rapport de 1581 s'est plaint que
sa juridiction ait été réduite et que dans le rapport de 1582 le gouverneur Guevara ne fasse aucune
mention expresse de Choluteca, du fait que "la Alcaldía Mayor del Real de Minas de Tegucigalpa y
Villa de Choluteca" était dotée d'un régime d'autonomie par rapport à Comayagua. Tout ce qui
précède est en tous points confirmé par la "Real Cédula" du 13 novembre 1581 qui fait expressément
référence à Choluteca et aux villages relevant de sa juridiction comme faisant partie intégrante la
province du Honduras.
Pour ce qui est de la phrase attribuée au Dr. Policarpo Bonilla, agent du Honduras dans la
médiation Honduras-Guatemala, je me permettrai simplement de renvoyer respectueusement
Messieurs les Juges au texte intégral de son intervention.
En résumé, cette partie de la réplique salvadorienne se révèle être un leurre total, dénué de tout
fondement véritable ni du point de vue des textes historiques ni de celui d'une compréhension
moyennement raisonnable de l'histoire de la période en question dans l'ensemble du processus de
colonisation espagnole.
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Nous en arrivons donc à l'analyse de la partie de la réplique salvadorienne relative à la
documentation coloniale espagnole ultérieure (chap. 5.19-5.23), et je demande à Messieurs les
Juges de cette Chambre de la Cour de bien vouloir me pardonner d'avoir à revenir sur des données et
des arguments que, bien qu'ils aient été répétés ad nauseam dans les écrits du Honduras, la Partie
adverse s'acharne à ignorer.
En ce qui concerne le chapitre 5.20, la période de dix-sept ans à laquelle il est fait référence
dans lesdits chapitres n'offre pas le moindre parallèle avec la réalité du processus historique pertinent
étant donné que ce n'est pas pendant la période comprise entre 1672 et 1688 que le Choluteca est
passé, du point de vue ecclésiastique, sous la juridiction de l'évêché du Honduras. En effet, après la
découverte d'une grande quantité de minerai dans la partie sud-est de la "Gobernación" du Honduras,
l'"Audiencia" de Guatemala a créé l'"Alcaldía Mayor de Minas" de Tegucigalpa à laquelle ont été
incorporés en 1580, du point de vue de la juridiction civile, Choluteca, Nacaome et une partie de
San Miguel, et c'était l'"Alcalde Mayor de Minas" qui avait entre autres fonctions d'administrer la
justice, de recouvrer les impôts et de développer l'exploitation minière et non le gouverneur de
Comayagua.
Toutefois, même si depuis 1580 la juridiction politique et administrative sur Choluteca
revenait à Tegucigalpa, il n'en était pas de même au plan religieux étant donné que Choluteca était
une cure séculière de l'évêché de Guatemala, alors que la "Guardanía" franciscaine de Nacaome
faisait partie de l'ancienne "Custodia" de Santa Catarina Mártir de Honduras. Aussi, leurs couvents
(San Francisco à San Miguel, San Jerónimo à Nacaome, San Diego à Tegucigalpa, San Jerónimo à
Agalteca, San Francisco à Trujillo et San Antonio à Comayagua) étaient-ils administrés par le
supérieur de l'Ordre de Saint François à partir de Guatemala, sans que cela implique pour autant
qu'ils aient appartenu, du point de vue politique, à cette "Gobernación".
Pour ce qui est du chapitre 5.21, le fait que la cure de Choluteca appartenait à l'évêché de
Guatemala à une époque antérieure à son transfert à l'évêché de Comayagua n'est pas un élément qui
permette le moins du monde de confirmer que Choluteca était administré par le curé de San Salvador
ou de San Miguel. Quiconque l'affirmerait ferait la preuve d'une ignorance surprenante quant au
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contenu de ce qu'est une juridiction ecclésiastique. La nomination des curés effectuée par le "Real
Patronato" de San Salvador ou de San Miguel, titres délivrés par la "Real Audiencia" de Guatemala,
s'accompagne de l'indication des villages relevant de chaque curé et aucun curé ne pouvait exercer de
fonctions dans une autre cure si ce n'était sur autorisation écrite du curé titulaire. Quand un cure se
révélait trop étendue, le curé titulaire pouvait demander à avoir un aide avec l'autorisation de
l'"Audiencia" et les émoluments étaient alors partagés entre les deux. Lorsque le titulaire demandait
l'aide d'un moine du couvent le plus proche, les habitants eux-mêmes se chargeaient de l'entretien de
ce moine, lequel effectuait les visites. Ce fut le cas du frère Manuel Bendaña, moine du couvent de
la Merced de Choluteca qui, à la demande du curé titulaire de la cure de Nacaome, s'est rendu dans
les îles du golfe de Fonseca.
Par ailleurs l'"Alcalde Mayor" de San Salvador n'avait pas de juridiction sur l'"Alcaldía" de
San Miguel et encore moins sur l'"Alcaldía" de Choluteca étant donné qu'il s'agissait de
circonscriptions séparées.
Le document qu'El Salvador présente sur cette question dans l'annexe IX.5 de son
contre-mémoire sur la nomination de Pedro Giron de Alvarado comme "Alcalde Mayor" de
San Salvador, San Miguel et de la ville de Choluteca, ne prouve en aucune manière que
San Salvador ait eu la juridiction sur la ville de Choluteca, puisqu'il s'agissait d'une nomination à
caractère spécial (pour un an et avec un traitement réduit de moitié) en vertu de laquelle était
désignée une même personne pour occuper les fonctions d'"Alcalde" en trois places ou lieux
différents.
En ce qui concerne le chapitre 5.22, il a déjà été expliqué qu'il est impossible que l'"Alcalde
Mayor" d'El Salvador ait exercé une juridiction sur l'"Alcalde" de San Miguel, compte tenu de
l'autonomie qui existait entre les deux. En outre, du point de vue de la juridiction ecclésiastique, les
îles du golfe n'ont jamais appartenu à la cure de Choluteca mais, depuis 1551, faisaient partie de la
"Guardanía" franciscaine de Nacaome jusqu'à ce qu'en 1735 cette "Guardanía" se convertisse en une
cure séculière de l'évêché de Comayagua. La documentation soumise par le Honduras dans ses
écrits démontre qu'entre 1578 et 1778, date de la disparition de l'"Alcaldía Mayor" de Tegucigalpa,
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par suite de l'annexion de "la Intendencia" de Comayagua, la ville de Jerez de la Choluteca a
appartenu, en tant que district autonome, à l'"Alcaldía Mayor de Minas" de Tegucigalpa qui, à son
tour, était une "Alcaldía" de la "Gobernación" de Honduras. Il était donc impossible qu'une simple
"Alcaldía" ordinaire, comme c'était le cas de celle de San Miguel (disposant de moins de ressources
économiques que l'"Alcaldía" ordinaire de Choluteca), ait juridiction sur les îles du golfe en matière
judiciaire, politique et économique, d'autant plus que, du point de vue religieux, l'administration des
îles était exercée depuis 1581 par le couvent de San Andrés de Nacaome et, depuis quelques années
auparavant, par la "Guardanía" franciscaine.
La conclusion de ce chapitre est identique à celle du chapitre antérieur. Les documents de la
période coloniale postérieure à la découverte sont imperturbables et catégoriques; El Salvador a beau
prétendre le contraire, l'histoire civile et ecclésiastique de l'"Audiencia" de Guatemala et la
documentation disponible, interprétées de manière rigoureuse et raisonnable, amènent à une seule
conclusion : les îles du golfe étaient, en dernière instance, placées sous la juridiction civile et
ecclésiastique de Choluteca et de Nacaome.
Le chapitre suivant de la réplique présentée par El Salvador traite de la juridiction civile et
ecclésiastique sur les îles (chap. 5.24-5.32). El Salvador y inclut une liste fort séduisante de
prétendus actes juridictionnels susceptibles, sans aucun doute, de troubler les esprits juridiques
sensibles aux effectivités. Toutefois, ce catalogue d'El Salvador doit faire l'objet d'une vérification
méticuleuse qui - comme nous pourrons le constater - raménera son intérêt à une valeur pratiquement
nulle.
- Le document salvadorien de 1673 fait référence au couvent de Nuestra Señora de las Nieves
de Amapala situé sur le territoire continental d'El Salvador et les prétendus villages insulaires cités
sont en fait des villages continentaux. Il ne se réfère pas aux îles du golfe comme le démontre un
lecture attentive (cf. RH, vol. II, p. 952 et suiv., et croquis I annexé à la page 955). Monsieur le
Président, Messieurs les Juges, on a produit cette carte avec des buts tout à fait différents :
premièrement, pour discuter une thèse soutenue dans la réplique salvadorienne par rapport à ce
point; et deuxièmement, pour voir, du point de vue de la toponymie, qu'on trouve un Amapala (port)
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sur l'île del Tigre, on trouve un Amapalita dans le secteur continental, et on trouve à peu près ici un
couvent nommé Notre Dame des neiges d'Amapala. Cette utilisation de la toponymie du point de vue
des documents est d'une importance essentielle.
- en mentionnant la décision de 1675, qui n'autorise pas l'annexion de la "Guardanía" de
Nacaome à l'évêché de Comayagua, la Partie adverse cherche une fois de plus à entretenir la
confusion entre juridiction civil et juridiction ecclésiastique.
Même si du point de vue civil, Nacaome dépendait de l'"Alcaldía Mayor de Minas" de Tegucigalpa,
du point de vue ecclésiastique la "Guardanía" de Nacaome et la cure de Choluteca étaient
administrées à partir de Guatemala par l'ordre de Saint François. El Salvador ne peut donc
prétendre qu'elles étaient administrées par San Miguel. De toutes façons, la "Real Cédula" de 1672
a définitivement fait la lumière sur ces questions (cf. ibid., p. 951).
- A propos du document de 1733, El Salvador passe sous silence deux données essentielles :
d'une part le document n'énumère pas dans le détail les villages relevant de Choluteca et d'autre part
les îles du golfe ne dépendaient pas de cette cure mais du couvent de San Andrés de Nacaome.
- S'agissant des documents de 1765 et de 1791 soumis par le Honduras, El salvador se livre à
un difficile exercice du point de vue juridique : prouver en se fondant sur le silence de ces documents
qu'El Salvador exerçait sa juridiction sur les îles, transformer la non-citation expresse des îles en une
preuve active d'exercice de juridiction de la part d'El Salvador. Cette méthode, Messieurs les Juges
de la Cour, se passe de tout commentaire. J'ajouterai simplement que l'un et l'autre documents
avaient un objet et une finalité tout autre. Il ne s'agissait nullement de procéder à un recensement
détaillé. Et je ne réexpliquerai pas une fois de plus qu'à cette époque les îles étaient dépeuplées ou
très peu densément peuplées et que Cadiñano ne s'est vraisemblablement pas rendu dans les îles du
golfe.
On pourrait en dire autant du rapport du gouverneur Ramón de Anguiano.
En résumé, il s'agit en général soit de documents sans rapport avec les objectifs poursuivis par
la Partie adverse soit de documents inutiles en tant qu'éléments de preuve, soit de documents
recevant une interprétation en contradiction flagrante avec le système d'organisation administrative
- 19 -
ou ecclésiastique de la période historique concernée.
En ce qui concerne les actes de juridiction civile, les observations qu'appelle la documentation
salvadorienne sont les suivantes :
- S'agissant du document de 1625, il convient de tenir compte tout d'abord qu'il traite du
village d'Amapala sur le continent et non de l'île d'El Tigre; deuxièmement, il s'agit d'un cas
d'"encomienda", une institution coloniale ayant caractère personnel (droits des indigènes) et jamais
territoriale. A noter qu'entre le document original et le texte paléographié, on décèle d'importantes
différences, sans qu'à aucun moment la juridiction ne soit octroyée à San Miguel.
- Le document de 1676 traite non pas de l'île d'El Tigre mais du village d'Amapala situé sur le
continent qui évidemment relevait de la juridiction de San Miguel.
- Le document de 1677, sur l'interdiction faite par l'"Audiencia" de Guatemala au juge
"Reformador" de Milpas de San Miguel et Choluteca d'exercer sa juridiction sur les îles du golfe, a
déjà fait l'objet d'une analyse étendue de la part du Honduras qui ne lui reconnaît aucune valeur pour
l'affaire qui nous occupe (cf. RH, vol. II, p. 985 et suiv.).
- Le document de 1706 n'établit aucune juridiction sur Meanguera puisqu'il traite à tout
moment du village d'Amapala situé sur le continent et des villages de Teca et Conchagua situés sur
l'île de Conchagua, et non sur l'île de Meanguera (cf. ibid.).
- Le document de 1711 ne fait mention d'aucune île mais seulement du village continental de
Meanguera et ce silence sur les îles est logique si l'on considère qu'à cette date les îles étaient
pratiquement dépeuplées (cf. ibid.).
- Le document de 1740 traite de même de Conchagua et de Nuestra Señora de las Nieves
d'Amapala, toutes deux situées sur le continent, comme l'a déjà expliqué le Honduras (cf. ibid.).
Le document de 1743 contient des éléments intéressants. S'il est vrai qu'il n'y est fait aucune
mention des îles, il n'en contient pas moins des références génériques à la baie de Fonseca. Il s'agit
d'une requête soumise par Juan Mayo, lieutenant et habitant de "el Real de Minas" de Tegucigalpa
qui possédait une "hacienda" à l'intérieur des limites du district de Nueva Segovia et de la Choluteca
et qui s'est vu autoriser à élever du bétail là où il le voulait. Mais ce document signale que la
- 20 -
"hacienda" se trouvait sur le "término" de la baie de Fonseca qui divise la juridiction de la Nueva
Segovia et de la ville de Choluteca, située sur le "término" de Tegucigalpa.
- Le document de 1746 mentionne expressément les villages continentaux de Nuestra Señora
de las Nieves d'Amapala et de Meanguera qui dépendaient de toute évidence de San Miguel. Il ne
porte à aucun moment sur les villages insulaires comme l'a déjà expliqué le Honduras (cf. ibid.).
- Il en est de même du document de 1750, comme il a été amplement expliqué dans les trois
écrits honduriens.
- Le document de 1776 (en fait nous pensons qu'il doit s'agir de 1766) qui a été soumis par les
deux Parties et ne fait aucune mention expresse de l'île de Exposición n'a rien a voir avec le différend
en cause et se réfère à une damande de terres effectuée par Lorenzo Irala au plan du simple droit
privé (cf. ibid., p. 986-988).
- Enfin, pour comprendre la véritable dimension du document de 1812 (RES, chap. 5.26 K;
annexes, p. 85), il serait nécessaire d'en revenir une fois de plus à l'histoire des relations entre
Comayagua et Tegucigalpa, une question largement expliquée dans les écrits soumis par le
Honduras.
En résumé, le catalogue impressionniste de titres civils salvadoriens, à première vue
surprenant, a fini par se dissoudre complètement une fois soumis à une lecture attentive et intégrale.
L'esprit qui a présidé à sa confection ne semble pas être le désir de trouver des preuves mais
d'esquiver les données et les faits.
Les autres chapitres consacrés par El salvador aux actes de juridiction civils méritent
également quelques commentaires d'ordre général. La province du Honduras a exercé sa juridiction
sur l'ensemble de sa côte sud et de ses "términos" adjacents comme il a été arrêté dans le titre premier
de sa Constitution, en tant que province relevant de la "Gobernación" de Diego López de Salcedo et
comme cela est corroboré expressément dans le titre de nomination du colonel Juan de Vera. La
démarcation fixée à la province ou "Intendencia" de Comayagua ou de Honduras par la "Real
Cédula" de 1791 s'est maintenue ne varietur jusqu'au moment où le Honduras a accédé à
l'indépendance. Même lorsque, par décret royal de 1818, le roi a approuvé le rétablissement de
- 21 -
l'"Alcaldía Mayor" de Tegucigalpa - dotée d'une certaine autonomie au plan économique - cette
"Alcaldía" a continué d'être un district de la province de Comayagua de Honduras; et en tant que tel
a participé aux élections de 1820 pour la désignation d'un député au Parlement espagnol et d'un
député suppléant représentant la province de Comayagua et a également participé avec les autres
districts aux élections du député de la province du Honduras cette même année.
Si les habitants de l'île de Meanguera s'adressent au président de l'Audiencia" de Guatemala,
c'est parce qu'il s'agit de l'autorité représentant la Couronne espagnole aux Indes et en outre parce
que le président de l'"Audiencia" avait entre autres pour compétences politico-administratives la
protection de la population indigène.
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, voilà donc les documents et les actes
juridictionnels soumis par El Salvador qui prétendent prouver que ce pays (ou plutôt la province qui
le précédait) a exercé une juridiction politique, administrative et religieuse sur les îles du golfe de
Fonseca pendant tout la période coloniale, dès le premier instant de la découverte par l'Espagne
jusqu'à la date même de l'indépendance.
Curieusement, une fois analysés avec rigueur et en détail, ces documents nous laissent une
impression tout à fait contraire à celle recherchée : pendant ladite époque, la juridiction sur les îles
n'a jamais appartenu à San Miguel mais à Tegucigalpa. Il a fallu un véritable travail de
maître-horloger pour réfuter un à un les arguments, les interprétations et les extrapolations de la
Partie adverse. C'est tout au moins à cela qu'ont tendu nos efforts.
Aussi, passerai-je immédiatement au deuxième sous-chapitre de cette dernière partie de mon
intervention.
B)La manifestation pacifique et continue de la souveraineté
étatique sur les îles de Meanguera et Meanguerita : les
effectivités salvadoriennes
Les effectivités mises en avant par El Salvador dans ses écrits remontent, les unes, au
XIXe
siècle, et les autres au siècle actuel. En ce qui concerne les effectivités supposées du siècle
passé, en fait elles n'existent pas, contrairement à ce que prétend la Partie adverse ou bien ont été
tellement dénaturées qu'elles ont perdu toute valeur. Nous allons le voir sans plus tarder.
- 22 -
a) Pour ce qui est de la prétendue reconnaissance de la souveraineté salvadorienne lors des
interventions de M. Chatfield en 1849 et 1850, une lecture moyennement attentive suffit en fait pour
démontrer le contraire. Il convient de rappeler que comme le Honduras l'a fait ressortir dans ses
écrits, le diplomate anglais a joué à satiété avec l'équivoque et avec les dissentions bilatérales entre
Salvadoriens et Honduriens dans le but d'en tirer un profit pour le Royaume-Uni dans le golfe. Ceci
dit, les interventions, dans leur ensemble, conduisent, sans équivoque possible, à la conclusion
suivante :
D'abord, Chatfield n'a jamais reconnu la souveraineté d'El Salvador sur Meanguera, Zacata
Grande et El Tigre et, très prudemment, ne s'est même pas prononcé sur cette question précise, la
laissant volontairement en l'air (cf. MH, annexes, vol. V, annexe XIII.1.5.A, p. 2229 et 2230);
Deuxièmement, à l'inverse, l'amiral britannique Hornby reconnaît bien, lui, que ces îles
appartiennent au Honduras (cf. ibid., annexe XIII.1.5.B, p. 2231 et 2232).
Troisièmement, le rapport du capitaine Henderson fait valoir, sans laisser place au moindre
doute, que les îles de Zacate Grande, Meanguera et El Tigre appartenaient au Honduras et laisse voir
par ailleurs le véritable objectif des Anglais : disposer d'un port utile et opérationnel dans la zone du
golfe (cf. RH, annexes, vol. I, annexe VII.15, p. 427).
De sorte que les interventions anglaises ne corroborent pas le moins du monde l'affirmation de
la Partie adverse; bien au contraire, elles permettent de voir qu'en termes généraux, le Royaume-Uni
considérait au milieu du XIXe
siècle que les îles en cause appartenaient à la république du Honduras.
Le Royaume-Uni n'a fait que manoeuvrer entre les différends qui opposaient les deux Républiques
centraméricaines pour aider à ses prétentions hégémoniques, dans la région et à l'époque.
b) En 1854, certaines autorités de l'un et l'autre pays ont permis qu'il soit procédé à des
arpentages sur certaines îles du golfe, notamment à Meanguera. De ces opérations El Salvador tente
de tirer un double profit : celles entreprises par El Salvador constitueraient la preuve des effectivités;
celles entreprises puis suspendues par le Honduras face à la protestation salvadorienne seraient une
reconnaissance de la part du Honduras de la souveraineté d'El Salvador. L'une et l'autre thèse sont
rejetées par le pays dont je représente les intérêts en ce moment. D'une part, les prétendues preuves
- 23 -
apportées par El Salvador se rapportent à des demandes de concessions de terres adressées "à
M. Esteban Travieso, arpenteur du département de San Miguel" (MES, annexes, annexe 5 au
chapitre 11). D'autre part, il est absolument faux que le Honduras ait renoncé définitivement à
l'arpentage sur Meanguera face à la protestation salvadorienne. En réalité, la procédure a été
suspendue sur l'initiative de l'intendance de Cholutera dans les termes suivants :
"M. Esteban Travieso a fait savoir verbalement à cette intendance qu'à San Miguel,
département de l'Etat d'El Salvador, on a suivi un dossier de réclamation de l'île de Meanguera
et qu'il a déjà été demandé pour l'arpenter; et que bien qu'il ait accepté cette fonction, il a tenu
à le faire savoir pour valoir ce que de raison. Cette île fait l'objet d'une demande de
concession des terres ici et après examen du dossier conformément au droit, il s'avère qu'elle
appartient au Honduras; à cet effet nous avons fait pratiquer l'arpentage car, au fait de cette
rumeur, il semble qu'il ne fallait pas le suspendre. L'île Punta de Sacate est sur le point d'être
adjugée ... et que l'adjudication devait avoir lieu demain; mais cette intendance a jugé bon de
suspendre..." (RH, annexes, vol. I, annexe VII.16.A., p. 428.)
Autrement dit, la procédure suivie se révèle exactement contraire à celle que prétendait
El Salvador, étant donné que, en premier lieu, les autorités honduriennes sont informées des
démarches que El Salvador comptait entreprendre grâce à la déclaration effectuée par une autorité
(l'arpenteur Esteban Travieso) de ce pays, fait insolite et significatif en soi compte tenu des doutes
manifestés par le fonctionnaire en question; ensuite, l'île de Meanguera a effectivement été arpentée
par les autorités honduriennes (cf. aussi MH, annexes, vol. V, annexe XIII.1.11, p. 2248); en
troisième lieu, les arpentages qui ont été suspendus sont ceux effectués dans d'autres îles, notamment
Punta Sacate, et "afin d'éviter des motifs de désaccord avec le Gouvernement d'El Salvador", du fait
que les autorités honduriennes agissaient en toute bonne foi et ne connaissaient pas exactement les
limites entre les deux Etats dans le golfe de Fonseca (cf. RH, annexe VII.16.B, p. 428 et 429).
De ce fait, la procédure suivie en 1854 n'a jamais supposé une reconnaissance de la part du
Honduras, ni une affirmation de la part d'El Salvador de la souveraineté sur les îles du golfe.
Toutefois, cette procédure présente un autre intérêt plus évident et plus direct pour l'affaire qui nous
occupe. A la date en question, les autorités de l'un et de l'autre pays décident de concéder des terres
sur Meanguera du fait de l'importance qu'a prise l'île dans le cadre du projet de chemin de fer
interocéanique et parce que d'autre part l'île était dépeuplée ou tout au moins très faiblement peuplée.
Ce qui fait que les autorités nationales, d'un côté comme de l'autre, se montrant en cela raisonnables
- 24 -
et animées d'un esprit de bon voisinage, ont des doutes en matière de souveraineté territoriale.
La date de 1854 est donc pertinente puisqu'elle correspond au moment exacte où se cristallise la
controverse sur l'île de Meanguera, comme il ressort, sans l'ombre d'un doute, de la note envoyée par
le ministère des relations extérieures d'El Salvador au ministère des relations extérieures du
Honduras, le 16 novembre 1854, afin que l'on puisse "conclure d'une façon amicale cette affaire ... et
puisse parvenir à un règlement qui concilie les intérêts des Etats et l'engagement qui pourrait naître
de cette aliénation dans des mains étrangères" (RH, annexe VII.17, p. 430).
En conséquence, il n'existe pas d'effectivités salvadoriennes dignes de ce nom dans les
documents correspondant aux XIXe
siècle qui ont été cités par le pays en question dans son dernier
écrit (cf. RES, chap. 5.34, p. 145). Ces documents permettent au contraire de faire ressortir qu'au
siècle dernier, les autorités honduriennes concédaient des terres sur les îles, agissaient sur leur
territoire, entamaient des négociations avec des pays tiers pour vendre ou donner en bail certaines
d'entre elles (cf. MH, annexes, vol. V, annexe XIII, 1, 3, A à XIII.1.9, p. 2223-2245). Peut-on dire,
compte tenu de cet état de choses, que les îles se trouvaient effectivement sous la juridiction
d'El Salvador ? Cette question ne peut entraîner qu'une réponse négative. Au XIXe
siècle ne s'est
produit aucun acte déterminant de possession effective étant donné que ces îles n'avaient pas de
valeur et se trouvaient pratiquement dépeuplées, jusqu'à ce qu'en 1854 - comme nous venons de
l'expliquer - la situation change.
Passons maintenant à l'examen des effectivités auxquelles El Salvador prétend au long du
XXe
siècle. A peu près depuis qu'au milieu du XIXe
siècle apparaît au grand jour la controverse sur
Meanguera et Meanguerita, El Salvador commence une fuite en avant en essayant par tous les
moyens de s'emparer de facto des îles, avec néanmoins des écarts de politique aussi inexplicables que
la mise en vente de Meanguera en 1879 (cf. MES, annexe, vol. II, annexe 6 du chapitre 11), ce qui
montre bien qu'à cette date, l'île n'était toujours pas effectivement occupée par la Partie adverse,
même si elle cherchait à tirer habilement profit d'un moment d'instabilité politique interne du
Honduras.
Nous laisserons de côté les raisons ultimes de ces faits et diviserons les effectivités
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salvadoriennes en deux chapitres. Dans le premier, nous traiterons de la législation d'El Salvador
pendant la période 1914-1916 puisqu'il s'agit d'actes législatifs visant expressément à la création d'un
port franc à Meanguera et à l'établissement de la commune de Meanguera del Golfo. Deux mots sur
cette question : la législation salvadorienne de 1914 n'a eu qu'un caractère rhétorique et tactique
puisque le port en question n'a jamais été effectivement construit; en outre, la loi de 1916 a
immédiatement provoqué une contestation de la part du Honduras dans la note du ministère des
affaires étrangères du 30 septembre 1916 où il est expressément dit que :
"Les droits qu'El Salvador a cru avoir sur une partie du golfe de Fonseca ou sur
certaines de ses îles ne sont pas définis ni reconnus par le Honduras. Pour féfinir ces droits,
des conventions de frontière ont été conclues entre les deux Etats, sans succès jusqu'à
présent." (MH, annexes, vol. V, annexe XIII.2.40, p. 2356.)
Et ce n'est pas la seule fois que le Gouvernement du Honduras se prononce sans équivoque sur
ce point. Déjà auparavant, à l'occasion du traité Cruz-Letona, une des questions qui a suscité un vif
débat au Congrès hondurien a précisément été la proposition du représentant de ce pays,
M. Francisco Cruz, d'accepter ue ligne de frontière maritime qui laisse Meanguera du côté
salvadorien (cf. MH, annexes, vol. I, annexe III.1.60, p. 202). On a estimé à l'époque que la solution
envisagée initialement par le commissionné M. Cruz allait à l'encontre des droits historiques et des
pouvoirs exercés traditionnellement sur l'île par la République du Honduras, ce qui explique que
l'opposition parlementaire au traité ait été totale. Cette position traditionnelle du Honduras, dans le
sens de s'opposer explicitement à la présence de facto d'El Salvador sur les îles Meanguera et
Meanguerita et, d'une manière générale, aux aspirations salvadoriennes sur les îles en question,
remonte, comme nous venons de le voir, au XIXe
siècle, se poursuit pendant la deuxième décennie du
XXe
siècle et nous amène jusqu'à une date immédiatement antérieure au compromis (cf. MH, annexe,
vol. V, annexe XIII.1.6 à XIII.1.22, p. 2262 à 2272), en un continuum qui ne laisse pas le moindre
doute sur l'attitude hondurienne.
De ce fait, la République du Honduras n'a jamais reconnu, montré le moindre assentiment,
gardé le silence, ni adopté une quelconque attitude qui permette de consolider juridiquement au
bénéfice de l'autre Partie une situation de facto ou des prétentions totalement contraires à l'uti
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possidetis juris de 1821. A l'inverse, de 1854 à nos jours, le Honduras s'est considéré à tout moment
titulaire de droits historiques indiscutables sur les deux îles et ce n'est que son désir de résoudre
pacifiquement un litige séculaire qui l'a retenu de s'opposer par d'autres moyens à la présence
physique et militaire d'El Salvador sur lesdites îles.
Par ailleurs, El Salvador dans son dernier écrit formule une nouvelle thèse sur les effectivités
qui ne figurait nulle part dans ses écrits précédents. Je veux parler de l'affirmation selon laquelle le
traité de 1900 entre le Honduras et le Nicaragua
"établissant une ligne à équidistance des côtes des deux Répbliques, passant entre l'île
d'El Tigre et la Punta Consigüina ... impliquait une reconnaissance définitive, par le
Honduras, que l'île de Meanguera appartenait à El Salvador, car la ligne d'équidistance aurait
été totalement différente si l'île de Meanguera avait appartenu au Honduras" (RES, p. 146,
chap. 5.34.i).
Le Honduras rejette sans ambages la conclusion antérieure et tient à formuler certaines
observations à propos des événements de 1900, compte tenu de l'intérêt qu'ils revêtent pour l'affaire
qui nous occupe. En premier lieu, la construction avancée par El Salvador implique une
reconnaissance expresse de la souveraineté du Honduras sur l'île d'El Tigre puisqu'elle donne pour
entendu qu'il s'agit d'un territoire hondurien à partir duquel s'est calculée l'équidistance et accepte ce
fait; nous nous bornons à prendre note de ce point et attirons respectueusement l'attention de
Messieurs les Juges sur cette donnée. En deuxième lieu, les documents de 1900 apportés par
El Salvador (RES, annexe, vol. I, p. 201 et 202) reprennent le procès-verbal de la commission mixte
de délimitation du Honduras et du Nicaragua :
"en présence des documents publics présentés par l'une et l'autre Parties pour confirmer leurs
droits respectifs; documents qui sont les titres territoriaux créés et délivrés aux XVIIe
et
XVIIIe
siècles par l'autorité supérieure de l'ancien Royaume de Guatemala, dont faisaient
partie les provinces coloniales de Comayagua et de Leon.
Et il ressort des documents en question la désignation de la juridiction à laquelle appartiennent
les lieux qui s'y mentionnent, dont les territoires limitrophes avec les provinces susmentionnées
se retrouvent, d'une manière générale, sur une même ligne. Et il ne figure dans aucun autre
document, ni sous l'effet d'une autre force supérieure, une autre démarcation qu'il y ait lieu de
respecter..."
Ce document permet tout à fait de constater que conformément à l'uti possidetis juris" de
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1821 (titres territoriaux du Royaume de Guatemala des XVIIe et XVIIIe siècles) : a) Le Honduras
avait juridiction sur une partie du golfe de Fonseca et des îles; b) le Nicaragua a reconnu sans
l'ombre d'un doute ces titres historiques à des fins aussi concrètes que la détermination des eaux du
golfe; c) El Salvador reconnaît sans réserve les deux points établis dans un document international
que ce pays présente lui-même comme preuve à la Chambre de la Cour. Ce fait se révèle d'une
importance déterminante pour écarter les dernières tentatives d'El Salvador pour mettre de son côté
le droit et les titres coloniaux espagnols sur toutes les îles du golfe de Fonseca.
Troisièmement, les procès-verbaux de 1900 font expressément valoir que l'intention des
Parties en traçant la ligne de séparation des espaces maritimes respectifs, a précisément été d'arriver
"jusqu'au point médian de la baie de Fonseca, équidistant des côtes de l'une et de l'autre
républiques, de ce côté; et à partir de là, se poursuit la division des eaux de la baie par une
ligne, également équidistante des côtes susmentionnées, jusqu'à arriver au centre de la distance
qu'il y a entre la partie septentrionale de la Punta de Cosigüina et la partie méridionale de l'île
d'El Tigre" (ibid., p. 202).
Il faut remarquer, Monsieur le Président, que ces cartes sont utilisées seulement à cette fin étant
donné qu'après 1900 il y a une certaine interprétation de facto pour prolonger ces lignes d'ici
jusqu'aux Farallones. Mais je ne vais pas toucher ce point qui sera l'objet d'une plaidoirie tout à fait
séparée. En fin de compte, c'est ce qui a été fait puisque le bout de la ligne de 1900 est équidistant, à
la fois, de Punta Cosigüina ou Monypenny, de l'île d'El Tigre et de l'île de Meanguera, c'est-à-dire
se situe à un point médian au centre de la baie équidistant des côtes des deux Etats; d'un côté de
l'Etat du Nicaragua et de l'autre côté de l'île d'El Tigre et de l'île de Meanguera. Et si l'on n'a pas cité
expressis verbis l'île de Meanguera cela a sans doute été pour éviter tout problème avec El Salvador,
les deux Parties connaissaient bien le litige existant depuis 1854 à propos de Meanguera et de
Meanguerita. Autrement dit, la ligne divisoire a bien pris en compte (même si cela n'a pas été
expressément mentionné dans son libellé) l'équidistance avec Meanguera. La prétendue effectivité
avancée dans son dernier écrit par la République d'El Salvador permet donc, sur la base de
l'ensemble de son texte, de démontrer exactement le contraire de ce que recherche la Partie adverse.
Bref, les prétendues effectivités salvadoriennes sur les îles du golfe présentent un intérêt, à
cette étape particulière de la procédure, à plusieurs titres différents. D'une part, parce qu'elles font
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apparaître une méfiance, bien compréhensible, de la part d'El Salvador vis-à-vis de ses propres titres
historiques découlant des documents coloniaux, du fait qu'il argumente de l'exercice pacifique et
continu des fonctions étatiques en tant que mode juridique autonome d'acquisition de la souveraineté
territoriale sur les îles - comme il ressort de la jurisprudence internationale citée au chapitre 5.33 - et
non en tant que moyen complémentaire d'entériner ou de corroborer l'uti possidetis juris de 1821. A
ce stade, la position salvadorienne est loin d'être ambiguë. D'autre part, parce que les prétendues
manifestations de l'exercice de la juridiction étatique ne se réfèrent pas à toutes les îles que l'autre
Partie revendique formellement, mais exclusivement à Meanguera; cette donnée confirme notre
proposition initiale selon laquelle étendre le litige à toute la situation insulaire ne constitue qu'un
simple stratagème réthorique plutôt extravagant. On ne comprend donc pas qu'il n'y ait ni document,
ni argument, ni pratique si ce n'est à propos de l'île de Meanguera. En troisième lieu, la seule preuve
apportée par El Salvador est le contrôle administratif et militaire de Meanguera, essentiellement à
partir de 1914-1916. Ce matin, j'expliquais l'importance des actes législatifs du point de vue de la
preuve de l'effectivité, mais j'ajoutais l'arrêt de cette Cour où est valorisé la législation produite par
un pays avant que la controverse soit née. Ce n'est pas le cas ici à Meanguera, Messieurs les Juges,
la législation salvadorienne est postérieure à la naissance du différend. Or, comment justifier
juridiquement cette présence salvadorienne à Meanguera sans la faire reposer sur un quelconque titre
reconnu par le droit international ? Reconnaissons, Monsieur le Président, qu'il sera difficile de le
justifier à moins que nous nous en tenions strictement au fait et non au droit. En effet, dans un litige
insulaire découlant d'un cas de décolonisation, c'est-à-dire d'une succession entre Etats, il s'agit
seulement de préciser quel est l'Etat successeur et non l'exercice des fonctions étatiques par une des
Parties lorsque ces actes ont fait l'objet, comme il se devait, de contestations et de réfutations de la
part de l'autre Partie. En d'autres termes, la situation factuelle ne peut l'emporter sur les principes et
les normes que le droit international détermine comme étant applicables pour résoudre la
controverse.
Je ne voudrais pas terminer cette partie de mon intervention sans traiter des nouveaux
documents versés au dossier par El Salvador à propos de Meanguera, de manière tardive, le 9 avril
- 29 -
dernier, c'est-à-dire quelques jours à peine avant que ne commence la présente phase orale. Ce que
nous pensons de ces documents peut se résumer comme suit :
a) en ce qui concerne les attestations touchant les juges de paix, elles sont toutes postérieures
à 1854 et il en va de même des autres références qui sont données, dont plus de 50 pour cent sont
même postérieures à 1969.
b) S'agissant des nominations de militaires, toutes les attestations sont également postérieures
à la même date de 1854, comme d'ailleurs d'autres références documentaires figurant dans l'annexe
en question, dont 33 pour cent portent même sur des faits postérieurs à 1969.
Partant, il semble nécessaire de rappeler que les dates mentionnées sont de la plus haute
importance puisque c'est en fonction d'elles qu'est déterminé le statu quo.
c) Pour ce qui est des permis municipaux et gouvernementaux, la Partie adverse nous montre
seulement deux copies de ce genre de licence, toutes deux postérieures à 1854, et l'une postérieure
même à 1969. Sont indiquées d'autres références à des documents tous postérieurs à 1969.
d) En ce qui concerne les pièces relatives aux élections, on nous présente trois copies de
documents encore postérieurs à 1854 dont l'une également postérieure à 1969, comme c'est
également le cas de certaines références à des documents non spécifiés mentionnés dans ladite
annexe.
e) En matière d'impôts, seule a dû être publiée une norme officielle postérieure à 1854,
autrement dit, l'île devait être une sorte de paradis fiscal avant l'heure. Les autres références
documentaires sont chaque fois postérieures à 1969, voire même - ce qui ne peut qu'éveiller certains
soupçons - de la plus grande actualité, puisqu'elles concernent les années 1986 à 1991, alors que le
compromis était déjà signé.
f) Les "Censos nacionales de población" ne commencent à Meanguera qu'en 1930 et vont
jusqu'à 1971, soit une période plutôt courte et dont le début et la fin ne sont justifiés par aucune
explication apparente, même s'il s'agit de dates postérieures à 1854 ou 1969.
g) Plus surprenantes encore - si cela est possible - sont les copies d'extraits d'actes de
naissance et de décès, étant donné que pour la période de 1880 à 1991, cinq extraits d'actes de
- 30 -
naissance seulement sont fournis entre 1880 et 1986. Faut-il en déduire qu'en plus de cent ans, il
n'est né que dix personnes sur l'îles de Meanguera ? Et qu'avant 1880, il ne s'est produit aucune
naissance sur cette île ?
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, peut-on vraiment espérer vous faire conclure que
la population de l'île est salvadorienne, du simple fait que pour la période compris entre 1821, date
de l'indépendance, et 1991, c'est-à-dire pour une durée de cent soixante-dix ans, la Partie adverse
nous présente en tout et pour tout cinq extraits d'actes de naissance ? Sans compter le mutisme
absolu sur les certificats de décès, car ce silence n'admet que deux interprétations possibles : ou bien
- hypothèse invraisemblable - que pendant cent soixante-dix ans il n'est mort personne dans l'île en
question - ce qui établirait un record mondial absolu de longévité -, ou bien - hypothèse davantage
raisonnable - que le registre d'état civil salvadorien n'a fonctionné à Meanguera que de manière
épisodique et insignifiante. En effet, le reste des références contenues dans ladite annexe attestent
que "les registres d'état civil compétents de la ville de 'La Unión' ... ont eu compétence en matière de
registre d'état civil sur la population de l'île de Meanguera", mais, ou bien il n'y avait pas de
population sur l'île, ou bien ces services d'état civil n'ont jamais exercé effectivement leur
compétence, ou encore celle-ci était purement nominale et formelle et non réelle.
h) On peut en dire autant en matière de "registre de la propriété", étant donné que les
prétendues preuves salvadoriennes montrent en fin de compte que, pendant la période allant de 1948
à 1986 (c'est-à-dire en partie après 1969), ont été seulement effectuées quatre opérations
d'achat-vente, ce qui est on ne peut plus étonnant dans une population d'agriculteurs.
i) Quelque chose d'insolite doit se passer dans cette île, si l'on en croit les annexes antérieures
et celle relative aux "litiges civils", attendu que pendant la période comprise entre 1922 et 1991, on
n'a trace que de trois procès de cette nature, une donnée qui, non seulement nous permet de constater
la répugnance naturelle des habitants de l'île à s'engager dans des procès, mais met, d'autre part, en
évidence le peu qu'a eu à faire le juge en place.
j) Il n'y a pas eu grand travail, non seulement pour les tribunaux, mais également pour les
tribunaux correctionnels, puisque pendant les soixante-dix ans qui séparent 1922 de 1991, selon ce
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qui ressort de l'annexe salvadorienne sur les "litiges pénaux", l'action judiciaire s'est limitée à quatre
affaires de coups et blessures et une de rapt. Trop peu de travail pour justifier l'existence d'un
justice de paix à Meanguera del Golfo car, même si l'on arrive à nous prouver que les habitants de
l'île étaient d'un naturel pacifique, la seule condition humaine est d'ordinaire à l'origine d'affaires en
justice en plus grand nombre et plus variées quant aux normes transgressées.
k) Tout aussi réduite est l'activité administrative en matière de titres fonciers, puisque dans
l'annexe en question El Salvador ne fournit, pour la période allant de 1966 à 1989, que trois copies
d'interventions administratives à propos de terrains sur les îles, ce qui amène à penser que sur
lesdites îles, ou bien il n'y a pas d'autorité administrative susceptible d'intervenir, ou bien il n'y a pas
de terrains, ou enfin il n'y a pas d'habitant.
l) Par ailleurs, les habitants de Meanguera ne semblent pas non plus très doués pour les
relations épistolaires, étant donné que d'après ce qui est dit des "services postaux", il n'y a pas eu de
bureau de poste à Meanguera avant 1952. Faut-il en déduire qu'entre 1821 et 1952, c'est-à-dire
pendant cent trente et un ans, il n'y a pas eu de service postal sur Meanguera ?
Cela signifie-t-il qu'il n'y a eu de travaux publics ni avant ni après ces dates, à l'exception d'une
installation téléphonique - qui n'est au demeurant corroborée par aucun document - en 1986,
c'est-à-dire l'année même du compromis ?
n) A propos des "Services de santé publique", deux pièces seulement sont fournies
correspondant à 1964 ainsi que quelques références, toutes largement postérieures à 1969.
o) Finalement, a été rajoutée une autre annexe sur l'"Education", dont la première partie,
consacrée à la construction d'écoles, représente en fait une redite d'autres annexes documentaires et
deux copies d'extraits de "Registres académiques" dont l'une de 1988, c'est-à-dire très postérieure
à 1969 et même à la date du compromis. On y trouve en outre d'autres références documentaires en
matière d'enseignement, dont 80 pour cent sont néanmoins postérieures à 1969.
En bref, aucune effectivité antérieure à 1854 n'est attestée, tandis qu'un pourcentage élevé
d'effectivités se révèlent postérieures à 1969. Cette nouvelle annexe documentaire soumise par
El Salvador à propos de Meanguera n'enlève donc absolument aucune valeur à notre diagnostic
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antérieur, car quiconque se déclare possesseur effectif de l'île durant cent soixante-dix ans est tenu
d'apporter à l'appui de cette prétention des pièces qui soient plus solides, abondantes et attestent une
présence stable et régulière.
C) Un cas particulier : l'île d'El Tigre
Monsieur le Président, Messieurs les Juges de la Cour : voici un cas typique de revendication
abusive, contradictoire et dépourvue d'arguments. Abusive parce qu'El Salvador n'a jamais, au long
de l'histoire, revendiqué cette île de manière claire et cohérente, bien que le Honduras ait toujours
exercé une souveraineté effective sur ladite île depuis le moment de l'indépendance (cf. MH,
annexes, vol. V, annexes XIII.1.3A et B, XIII.1.4A et B, p. 2223-2228), en application de l'uti
possidetis juris de 1821. Contradictoire parce qu'El Salvador soutient que même si en 1833 il n'y
eut aucun accord avec le Honduras, à partir de cette date a concédé une autorisation à ce pays par
l'occupation de facto de l'île d'El Tigre (cf. RES, par. 539-540, p. 149). Et enfin, dépourvue de toute
assise juridique, comme nous aurons la possibilité de le vérifier immédiatement.
Analysons donc, dans le détail, les documents de l'époque coloniale qui sont mentionnés dans
la réplique salvadorienne (RES, par. 5.42, p. 150-154) :
a) le document de 1625 (CMES, annexes, vol. VIII, p. 9-11) mérite notre attention pour deux
raisons différentes : en premier lieu, il n'y est dit nulle part que San Miguel a la juridiction sur l'île
d'El Tigre et c'est là une donnée que l'on doit avoir bien claire à l'esprit. En second lieu, la citation
qui est faite dans ce document à propos de ladite île doit se lire dans le contexte de l'institution
coloniale de la "encomienda", qui faisait que les indigènes d'un village donné se trouvaient affectés à
un "encomendero" qui avait pour mission de les évangéliser, en échange d'un tribut et de corvées.
C'est une énorme erreur que de conclure que la "encomienda" donnait juridiction sur un territoire
donné.
b) Le document de 1643 (RES, annexes, vol. I, p. 205) se réfère de toute évidence au port
continental d'Amapala et non à l'île d'El Tigre. C'est ce qui ressort du texte littéral où il est dit que
"ledit port se trouve à plus de 50 lieues de distance par terre et se trouve dans la juridiction de
l'"Alcaldía Mayor de San Salvador"; et il est un fait que l'on ne parle absolument pas d'île, qu'on ne
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spécifie pas la distance marine, mais que l'on emploie la "legua" (la lieue) qui, dans ce cas, est une
mesure terrestre. Tout cela confirme ce que nous disions, à savoir qu'il s'agit du port continental
d'Amapala (lequel dépendait bien, lui, de la juridiction de San Salvador) et non d'une île ou d'un
quelconque port insulaire.
d) Le document de 1688 (RES, annexes, vol. II, p. 217-219) offre une transcription complète
de l'original où apparaît la préoccupation des trois provinces riveraines du golfe face aux invasions
des pirates, sans qu'à aucun moment il soit fait référence à la juridiction dominante sur l'île
d'El Tigre. Ce document, en mentionnant à la fois la "Enseñada de Amapala" et l'île d'El Tigre, met
en évidence que l'on se référait à deux endroits différents : Amapala, qui appartenait à la province de
San Miguel et El Tigre de la juridiction de Tegucigalpa.
e) Le document de 1697 (RES, annexes, vol. II, p. 226-232) ne comporte aucune référence à
l'île d'El Tigre en matière de juridiction et ne mentionne que les villages continentaux de Miangola et
d'Amapala qui étaient séparés par une distance de 3 ou 4 "cuadras", une mesure terrestre, ce qui
serait impossible s'il s'agissait des îles de Miangola et d'El Tigre. Les Indiens des deux villages
avaient coutume de se rendre sur l'île d'El Tigre pour les semailles ce qui supposait douze heures de
navigation. Une simple lecture attentive du texte littéral fait disparaître tout doute quant aux villages
continentaux qui y sont visés; ni le texte, ni le contexte ne prêtent à confusion. Il n'en est que plus
inexplicable qu'El Salvador laisse entendre - sans l'affirmer - qu'il s'agit de l'île d'El Tigre, car ce
document confirme qu'Amapala et l'île d'El Tigre sont deux endroits différents.
f) le document de 1714 (RES, ibid., p. 242-245) se réfère également au village continental
d'Amapala et ne fait aucune mention de l'île d'El Tigre.
g) Le document de 1729 (RES, ibid., p. 249-250) ne dit à aucun moment que les îles de la
baie d'Amapala relèvent de la juridiction de San Salvador puiqu'il ne parle que ce ses "terres, côtes et
ports" et déclare aussi que les incursions ennemies ont également affecté les îles de la baie. Cette
différence apparaît clairement dans le texte original expagnol.
h) Le document de 1745 (RES, annexes, vol. I, p. 179-180) est, lui aussi, d'une clarté limpide
et ne prête à aucune confusion ni interprétation confuse. Il se réfère on ne peut plus précisément au
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"village de Nuestra Señora de las Nieves Amapala et Meanguera dans la province de San Miguel".
Et ce fait, indiscutable, a été accepté à maintes reprises par le Honduras, vu que ce village - malgré
la confusion que la Partie adverse cherche à faire régner - se trouve sur le continent, qu'il ne s'agit
pas d'une île et qu'il relève de la juridiction de San Miguel.
i) Le document de 1819 (RES, annexes, vol. II, p. 258-261) est présenté par l'autre Partie de
manière incomplète quant à son contenu, ce qui explique que ne soit mentionnée qu'une partie des
côtes honduriennes et non pas leur totalité. On ne peut donc que demander à la Partie adverse pour
quelle raison elle a présenté un texte mutilé.
j) Finalement, s'agissant du document de 1820, il se passe quelque chose de semblable. La
transcription offerte ne correspond pas à la photocopie apportée de l'original, or cet original
comprend quatre-vingt six pages; il s'agit en outre d'une période historique qui a fait l'objet d'une
étude approfondie dans les écrits soumis par le Honduras, notamment le dernier (cf. RH, vol. II,
p. 976-984). Aux fins de la question dont nous traitons en ce moment, je formulerai trois remarques
y ayant trait : d'abord, dans la première partie non transcrite du document est décrite la partie sud du
Honduras. Deuxièmement, la partie transcrite du document porte exclusivement sur la partie nord
de la province de Comayagua et lorsqu'on y cite les ports, situés au sud, de San Bernardo, Zapotillo
et La Baraja", on veut parler, comme il est évident et facile de vérifier sur n'importe quelle carte, de
la partie basse ou méridionale de la côte nord de la province précitée de Comayagua. Comment
pourrait-il donc y être mentionné des ports ou des îles situés au sud de Tegucigalpa. Troisièmement,
que reste-t-il donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, et de l'uti possidetis juris et des
effectivités salvadoriennes sur l'île d'El Tigre ? Bien que la Partie adverse applique ce double critère
à son argumentation sur l'île d'El Tigre (cf. RES, p. 154-155, par. 5.43), elle n'a pas présenté un seul
document ou moyen de preuve en matière d'effectivités. Uniquement une poignée de documents
ambigus, incomplets ou relatifs au village d'Ampala, lequel, comme il est de notoriété publique, se
trouve sur le continent et relève de la juridiction d'El Salvador. En revanche, pas une seule preuve
tangible n'est apportée au sujet de l'île d'El Tigre. Cela justifie ce que nous disions auparavant, à
savoir que cette revendication est artificielle et manque de tout fondement juridique.
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Les efforts déployés avec insistance par El Salvador pour entretenir la confusion entre le
village d'Ampala et l'île d'El Tigre sont formellement contredits, non seulement par la documentation
antérieure, mais encore par la doctrine historique (cf. Pedro Rivas, "Primer Centenario de la
fundacion del puerto d'Amapala", Revista del Archivo y Biblioteca nacionales, T.XI, 1933, n° 10)
et par Barberena lui-même et Jorge Larde y Larin dans son ouvrage Toponimia Autoctona de
El Salvador Oriental, (p. 193-197). Si la Partie adverse ne connaît pas l'ouvrage de Jorge Larde y
Larín bien que ce soit en somme une personne qui a présenté tous les documents et a attesté tous les
documents d'El Salvador, on peut lui prêter un numéro ou un exemplaire de ce livre où on peut
constater la différence entre Amapala et l'île d'El Tigre. Et qu'est-ce que pensaient Barberena et
Larde y Larín lui-même sur la souveraineté relative à l'île d'El Tigre ? On peut vous laisser ce livre.
On l'a à votre disposition.
IV. Les conclusions
Monsieur le Président, Messieurs les Juges de la Cour, sur ce point, je vais être très bref, dans
la mesure où les conclusions ont été, en grande partie, annoncées au long de mon intervention.
Tout d'abord, le litige insulaire porte exclusivement sur les îles de Meanguera et Meanguerita
et à aucun moment sur l'ensemble des îles du golfe de Fonseca. Fait surprenant, l'île d'El Tigre n'a
jamais fait l'objet d'une controverse entre les Parties.
Deuxièmement, la détermination du droit applicable au litige sur ces deux îles ne dépend pas
de la distinction entre conflits d'attribution et conflits de délimitation mais est liée au fait crucial que
nous sommes en présence d'une succession entre Etats découlant d'un cas d'émancipation coloniale.
Aussi, le principe juridique applicable est-il celui de l'uti possidetis juris de 1821, sans que les
effectivités puissent être considérées comme un titre juridique autonome et suffisant.
En troisième lieu, l'application du principe juridique en question aux titres coloniaux présentés
par les Parties suppose comme effet que la souveraineté sur Meanguera et Meanguerita appartient à
la République du Honduras depuis 1821. La même conclusion vaut pour l'île d'El Tigre, avec la
différence dans ce cas que la possession effective a toujours été le fait du Honduras depuis le
moment de l'indépendance.
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La quatrième conclusion est qu'après une longue période où Meanguera et Meanguerita étaient
dépeuplées ou très faiblement peuplées, commence, au début de notre siècle, une présence illégale
salvadorienne sur les deux îles. Cette présence d'El Salvador manque totalement d'assise juridique, a
fait l'objet de nombreuses protestations et oppositions de la part du Honduras et est manifestement
contraire à l'uti possidetis juris de 1821. A cet égard, le pays que j'ai l'honneur de représenter
sollicite respectueusement de la Cour qu'elle veuille bien déclarer expressément que le fait ne peut à
aucun moment l'emporter sur le droit, car la structure même de la société internationale serait en jeu.
La cinquième conclusion est que la revendication salvadorienne sur toutes les îles du golfe de
Fonseca et notamment sur celle d'El Tigre, va contre le bon sens, manque de base juridique et ne
constitue en réalité qu'une simple manoeuvre de procédure visant à permettre à la Partie adverse de
renforcer sa position malgré l'absence de titre juridique valable à Meanguera et Meanguerita
conformément au droit international.
La sixième conclusion se rapporte aux preuves apportées par El Salvador en matière de
possession effective dans le cas de Meanguera et Meanguerita, telles qu'elles figurent dans les divers
écrits de la première phase. Ces effectivités sont en tout petit nombre, volontaristes, non
déterminantes et trahissent, en fait, un des profils caractéristiques du possesseur précaire d'un
territoire : se savoir dépourvu de tout titre juridique qui lui permette d'agir sur ce territoire en tant
que souverain territorial authentique, ce qui précisément amène aux effectivités imprécises et
insuffisantes que nous avons mentionnées, toutes postérieures à 1854 et un pourcentage notable
postérieures même à 1969.
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il ne me reste plus qu'à vous remercier, une fois
encore, pour la bienveillante attention avec laquelle vous avez bien voulu suivre cette longue et
lourde intervention. Merci, Monsieur le Président.
The PRESIDENT: I thank Professor Sánchez Rodríguez. Tomorrow it will be the turn of the
delegation of El Salvador to tackle the same subject. Tomorrow we are going to start a little bit
earlier than usual because we are going to adjourn at 12.30 p.m. So we shall start at 9.30 a.m., if
you do not object. The sitting is therefore adjourned until tomorrow at 9.30 a.m.
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L'audience est levée à 16 h 40.
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Document Long Title

Audience publique de la Chambre tenue le mardi 28 mai 1991, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre

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