C 4/CR 91/27
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
YEAR 1991
Public sitting of the Chamber
held on Tuesday 21 May 1991, at 10 a.m., at the Peace Palace,
Judge Sette-Camara, President of the Chamber, presiding
in the case concerning the Land, Island and Maritime Frontier Dispute
(El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening)
VERBATIM RECORD
ANNEE l991
Audience publique de la Chambre
tenue le mardi 21 mai 1991, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre
en l'affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant))
COMPTE RENDU
- 2 -
Present:
Judge Sette-Camara, President of the Chamber
Judges Sir Robert Jennings, President of the Court
Oda, Vice-President of the Court
Judges ad hoc Valticos
Torres Bernárdez
Registrar Valencia-Ospina
- 3 -
Présents :
M. Sette-Camara, président de la Chambre
Sir Robert Jennings, Président de la Cour
M. Oda, Vice-Président de la Cour, juges
M. Valticos
M. Torres Bernárdez, juges ad hoc
M. Valencia-Ospina, Greffier
- 4 -
The Government of El Salvador is represented by:
Dr. Alfredo Martínez Moreno,
as Agent and Counsel;
H. E. Mr. Roberto Arturo Castrillo, Ambassador,
as Co-Agent;
and
H. E. Dr. José Manuel Pacas Castro, Minister for Foreign Relations,
as Counsel and Advocate.
Lic. Berta Celina Quinteros, Director General of the Boundaries'
Office,
as Counsel;
Assisted by
Prof. Dr. Eduardo Jiménez de Aréchaga, Professor of Public
International Law at the University of Uruguay, former Judge and
President of the International Court of Justice; former President
and Member of the International Law Commission,
Mr. Keith Highet, Adjunct Professor of International Law at The
Fletcher School of Law and Diplomacy and Member of the Bars of
New York and the District of Columbia,
Mr. Elihu Lauterpacht C.B.E., Q.C., Director of the Research Centre
for International Law, University of Cambridge, Fellow of Trinity
College, Cambridge,
Prof. Prosper Weil, Professor Emeritus at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Dr. Francisco Roberto Lima, Professor of Constitutional and
Administrative Law; former Vice-President of the Republic and
former Ambassador to the United States of America.
Dr. David Escobar Galindo, Professor of Law, Vice-Rector of the
University "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador)
as Counsel and Advocates;
and
Dr. Francisco José Chavarría,
Lic. Santiago Elías Castro,
Lic. Solange Langer,
Lic. Ana María de Martínez,
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Le Gouvernement d'El Salavador est représenté par :
S. Exc. M. Alfredo Martínez Moreno
comme agent et conseil;
S. Exc. M. Roberto Arturo Castrillo, Ambassadeur,
comme coagent;
S. Exc. M. José Manuel Pacas Castro, ministre des affaires
étrangères,
comme conseil et avocat;
Mme Berta Celina Quinteros, directeur général du Bureau des
frontières,
comme conseil;
assistés de :
M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, professeur de droit international
public à l'Université de l'Uruguay, ancien juge et ancien
Président de la Cour internationale de Justice; ancien président
et ancien membre de la Commission du droit international,
M. Keith Highet, professeur adjoint de droit international à la
Fletcher School de droit et diplomatie et membre des barreaux de
New York et du District de Columbia,
M. Elihu Lauterpacht, C.B.E., Q.C., directeur du centre de recherche
en droit international, Université de Cambridge, Fellow de Trinity
College, Cambridge,
M. Prosper Weil, professeur émérite à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Francisco Roberto Lima, professeur de droit constitutionnel et
administratif; ancien vice-président de la République et ancien
ambassadeur aux Etats-Unis d'Amérique,
M. David Escobar Galindo, professeur de droit, vice-recteur de
l'Université "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador),
comme conseils et avocats;
ainsi que :
M. Francisco José Chavarría,
M. Santiago Elías Castro,
Mme Solange Langer,
- 6 -
Mme Ana María de Martínez,
Mr. Anthony J. Oakley,
Lic. Ana Elizabeth Villata,
as Counsellors.
The Government of Honduras is represented by:
H.E. Mr. R. Valladares Soto, Ambassador of Honduras to the
Netherlands,
as Agent;
H.E. Mr. Pedro Pineda Madrid, Chairman of the Sovereignty and
Frontier Commission,
as Co-Agent;
Mr. Daniel Bardonnet, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Derek W. Bowett, Whewell Professor of International Law,
University of Cambridge,
Mr. René-Jean Dupuy, Professor at the Collège de France,
Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Julio González Campos, Professor of International Law,
Universidad Autónoma de Madrid,
Mr. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, Professor of International Law,
Universidad Complutense de Madrid,
Mr. Alejandro Nieto, Professor of Public Law, Universidad
Complutense de Madrid,
Mr. Paul De Visscher, Professor Emeritus at the Université de
Louvain,
as Advocates and Counsel;
H.E. Mr. Max Velásquez, Ambassador of Honduras to the United Kingdom,
Mr. Arnulfo Pineda López, Secretary-General of the Sovereignty and
Frontier Commission,
Mr. Arias de Saavedra y Muguelar, Minister, Embassy of Honduras to
the Netherlands,
Mr. Gerardo Martínez Blanco, Director of Documentation, Sovereignty
and Frontier Commission,
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Mrs. Salomé Castellanos, Minister-Counsellor, Embassy of Honduras to
the Netherlands,
M. Anthony J. Oakley,
Mme Ana Elizabeth Villata,
comme conseillers.
Le Gouvernement du Honduras est représenté par :
S. Exc. M. R. Valladares Soto, ambassadeur du Honduras à La Haye,
comme agent;
S. Exc. M. Pedro Pineda Madrid, président de la Commission de
Souveraineté et des frontières,
comme coagent;
M. Daniel Bardonnet, professeur à l'Université de droit, d'économie
et de sciences sociales de Paris,
M. Derek W. Bowett, professeur de droit international à l'Université
de Cambridge, Chaire Whewell,
M. René-Jean Dupuy, professeur au Collège de France,
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Julio González Campos, professeur de droit international à
l'Université autonome de Madrid,
M. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, professeur de droit international
à l'Université Complutense de Madrid,
M. Alejandro Nieto, professeur de droit public à l'Université
Complutense de Madrid,
M. Paul de Visscher, professeur émérite à l'Université catholique de
Louvain,
comme avocats-conseils;
S. Exc. M. Max Velásquez, ambassadeur du Honduras à Londres,
M. Arnulfo Pineda López, secrétaire général de la Commission de
Souveraineté et de frontières,
M. Arias de Saavedra y Muguelar, ministre de l'ambassade du Honduras
à La Haye,
M. Gerardo Martínez Blanco, directeur de documentation de la
Commission de Souveraineté et de frontières,
- 8 -
Mme Salomé Castellanos, ministre-conseiller de l'ambassade du
Honduras à La Haye,
Mr. Richard Meese, Legal Advisor, Partner in Frère Cholmeley, Paris,
as Counsel;
Mr. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mrs. Olmeda Rivera,
Mr. Raul Andino,
Mr. Miguel Tosta Appel
Mr. Mario Felipe Martínez,
Mrs. Lourdes Corrales,
as Members of the Sovereignty and Frontier Commission.
- 9 -
M. Richard Meese, conseil juridique, associé du cabinet Frère
Cholmeley, Paris,
comme conseils;
M. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mme Olmeda Rivera,
M. Raul Andino,
M. Miguel Tosta Appel,
M. Mario Felipe Martínez,
Mme Lourdes Corrales,
comme membres de la Commission de Souveraineté et des frontières.
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The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. We begin today the hearings on the
sixth and last disputed sector of the land frontier of the Goascorán zone which lies between the point
at Los Amates on the Goascorán River following downstream the course of this river as far as it
debouches in the Golf of Fonseca according to the agreement Honduras is the first to speak and I
give the floor to Professor Bardonnet.
M. BARDONNET : Merci Monsieur le Président.
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai l'honneur de prendre une nouvelle fois la
parole devant vous pour exposer le point de vue du Gouvernement du Honduras sur le sixième et
dernier secteur terrestre contesté, celui de Goascorán.
Le Honduras lui a consacré de substantiels développements dans ses écritures (MH, vol. I,
chap. XI, p. 357-398; CMH, vol. II, chap. XI, p. 481-632; RH, vol. II, chap. IX, p. 701-882) et il l'a
également évoqué au cours de ses plaidoiries générales (C 4/CR 91/3, p. 39-42, 45, 46, 47 et 54;
C 4/CR 91/4, p. 16 et 17; C 4/CR 91/6, p. 45, 46-48 et 58). El Salvador a qualifié, dans sa
réplique, les analyses honduriennes de "longues digressions" entraînant "une totale perte de temps"
(RS, chap. 3.38; trad. fr. p. 55) et il a également fait état de "l'inanité des arguments avancés par le
Honduras", qui "reposent sur des sophismes, des prémisses erronées et des prétentions injustifiées"
(RS, chap. 3.102; trad. fr. p. 61). Le constat est sévère, Monsieur le Président, mais peut-être un
peu excessif.
Pour sa part, El Salvador, modèle d'imperatoria brevitas, n'a consacré, dans ses écritures, que
quelques pages à l'exposé de sa thèse sur ce même secteur du Goascorán (MS, chap. 6.59-6.68;
trad. fr. p. 45-47; CMS, chap. 3.123-3.138; trad. fr. p. 66-77; RS, chap. 3.86-3.102; trad. fr.
p. 55-61). La lecture de son plaidoyer écrit sur ce point donne en fait l'impression d'hésitations, de
contradictions, en définitive d'un certain malaise, je veux dire d'un malaise certain ! La Partie
adverse ne réfute pas en effet les arguments avancés par le Honduras : elle procède plus volontiers
par affirmations définitives sans apporter de preuves et semble chercher, avant tout, à esquiver le
débat judiciaire. C'est la même attitude qu'elle a adoptée sur ce secteur dans ses plaidoiries générales
- 11 -
(C 4/CR 91/7, p. 29).
Dans ces conditions, il ne saurait être question, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, de
vous infliger un trop long exposé sur le secteur du Goascorán. Si vous me le permettez cependant,
avant de reprendre les principaux arguments du Honduras qui ont pour objet d'établir l'irrecevabilité
de la revendication salvadorienne (II), je souhaiterais vous présenter quelques observations
préalables afin de caractériser le contentieux qui vous est soumis dans cette zone (I).
*
* *
I
Le différend qui oppose le Honduras et El Salvador dans le secteur du Goascorán se
caractérise par trois traits principaux.
*
* *
A. Il s'agit d'abord - et c'est son premier caractère - d'un différend clairement circonscrit et
identifié. S'il existe en effet un accord entre les Parties pour déterminer le point de départ de la ligne
divisoire dans ce secteur, la divergence est absolue pour établir son point d'aboutissement.
1) D'un côté, les deux Etats sont parvenus à un accord ou, à tout le moins, à un accord de
principe, pour identifier le point de départ de la zone contestée qui correspond au lieu-dit "Los
Amates", que vous pouvez voir sur la carte ci-contre ainsi que sur le croquis n° I du dossier qui vous
a été remis il y a quelques instants.
L'article 16 du traité général de paix du 30 octobre 1980 dispose en effet que le septième
secteur de la frontière terrestre reconnue par le Honduras et par El Salvador suit le cours du Rio
Goascorán depuis son confluent avec le Rio Guajiniquil ou Pescado "jusqu'au point de ladite rivière
appelé Los Amates" (MH, annexes, vol. II, annexe IV.1.55, p. 813). Le point de vue des Parties
convergeait par conséquent pour admettre que le cours du Rio Coascorán comme ligne frontière
n'était "pas sujet à contestation" en amont de "Los Amates", ce point étant considéré comme
"invariable à perpétuité", pour reprendre la formule de l'article 17 du traité général de paix.
- 12 -
Une divergence demeure cependant entre les Parties pour déterminer les coordonnées
géographiques précises de ce point. Pour le Honduras, il est localisé "sur la rivière Goascorán", à
"13°26'28" de latitude nord et 87°43'20" de longitude ouest" (RH, vol. II, conclusions, p. 1128, A,
par. 6). Pour El Salvador, le point dénommé "Rompición de Los Amates" que vous pouvez voir sur
le croquis n° II de votre dossier, correspond à "13°26'29" de latitude nord et 87°43'25" de longitude
ouest" (RS, conclusions, p. 212, I.1; trad. fr. p. 131; cf. MS, conclusions VI, p. 101 et carte 6.12;
trad. fr. p. 50).
C'est dire que la divergence, de l'ordre d'une seconde pour la latitude et de cinq secondes pour
la longitude, est mineure et, du point de vue du Honduras, elle peut être aisément surmontée. En
effet, si l'on se réfère aux travaux de la commission mixte de délimitation, à laquelle renvoie
l'article 18 du traité général de paix et qui avait pour fonction, notamment "de démarquer la ligne
frontière décrite à l'article 16", on constate que cette commission a pris, par un "Acta n° 2" du
15 février 1983, une double décision. En premier lieu, cette commission a décidé de construire
quatre "bornes de référence" ("hitos referenciales"), deux à l'est du Rio Goascorán en territoire
hondurien par conséquent et deux à l'ouest du Rio Goascorán en territoire salvadorien par
conséquent, correspondant à quatre points décrits très présisément dans l'"Acta" précité. Et, en
second lieu, la commission a convenu que "l'intersection des diagonales du polygone résultant des
quatre points décrits précédemment détermine le centre du lit du Rio Goascorán, point de départ de
la démarcation du septième secteur" (CMH, vol. II, chap. XI, p. 491-492, par. 9-10). C'est pourquoi
le Gouvernement du Honduras estime, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que les
cartographes des deux Parties peuvent aisément parvenir à un accord pour fixer très précisément les
coordonnées géographiques du point de départ du secteur contesté du Goascorán, conformément aux
dispositions de l'"Acta n° 2" précité de la commission mixte de délimitation.
2) D'un autre côté, en revanche, les Parties sont en complet désaccord sur la détermination du
point d'aboutissement de la frontière terrestre dans la zone du Goascorán.
Pour le Honduras, comme vous pouvez le voir, de façon naturellement approximative, sur la
carte ci-contre ainsi que sur le croquis n° I de votre dossier (CMH, vol. II, p. 512, carte 7.3), ce
- 13 -
point est situé à l'embouchure du bras le plus septentrional du Rio Goascorán au nord-ouest d'un
terrain dénommé "El Revolcon" et des îles Ramaditas, là où précisément le Rio Goascorán se jette
dans la baie de La Union. Les coordonnées géographiques de ce point ont été précisées dans les
conclusions des écritures honduriennes et correspondant à "13° 24' 26" de latitude nord et
87° 49' 05" de longitude ouest" (MH, vol. II, p. 1128, A.6; CMH, vol. II, p. 735, A.6; RH, vol. II,
p. 745, A.6).
Pour El Salvador, comme vous pouvez le constater sur la carte ci-contre ainsi que sur le
croquis n° II de votre dossier (MS, vol. I, Map 6.12), le point d'aboutissement de la frontière
terrestre dans le secteur du Goascorán doit s'identifier à l'embouchure de l'"Estero La Cutu",
c'est-à-dire de ce bras de mer que la Partie adverse considère comme étant "l'ancienne embouchure
du Rio Goascorán". Les coordonnées géographiques de ce point, telles qu'elles ont été indiquées
dans les conclusions des pièces écrites salvadoriennes sont "13° 22' 00" de latitude nord et
87° 41' 25" de longitude ouest" (MS, vol. I, p. 101, VI et p. 169; trad. fr., p. 50 et p. 87 - CMS,
p. 292, I.1; trad. fr., p. 167 - RS, p. 212, I.1; trad. fr., p. 131).
Ainsi, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le désaccord entre les Parties sur le tracé de
la ligne divisoire dans la zone du Goascorán est-il total, mais en même temps il est parfaitement
circonscrit. Pour le Honduras, il suit le cours actuel du Rio Goascorán en son milieu, de
"Los Amates" jusqu'à l'embouchure de ce cours d'eau. Pour El Salvador, il suit l'ancien lit du
Rio Goascorán depuis "La Rompicion de Los Amates" jusqu'à l'embouchure de l'"Estero La Cutu".
C'est dire que l'opposition des Parties sur ce point est absolue.
L'enjeu du différend dans la zone du Goascorán, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
est donc double. Il porte d'abord naturellement sur le territoire contesté proprement dit d'une
superficie d'environ 74,5 km2
, peuplé de quelque 1500 habitants. Sa partie septentrionale, la plus
habitée, aux parcelles cadastrales clairement définies, comporte des terres alluviales propices à
l'agriculture et à l'élevage, tandis que sa partie méridionale, la plus étendue, est formée de terrains
mnarécageux, couverts de palétuviers. L'intérêt écologique et économique de cette zone ne cesse
cependant de croître depuis qu'elle a été proclamée par le décret du 27 septembre 1958 "zone
- 14 -
forestière protégée numéro un" (La Gaceta, Diario Oficial de la Republica de Honduras, 7 de
Octubre de 1958, MH, annexes, vol. I, annexe II.2.3, p. 39-41; cf. CMH, vol. II, chap. XI,
p. 603-606, par. 108-110), et que, en plus de l'exploitation traditionnelle des palétuviers et de la
pêche, des établissements d'aquaculture portant sur l'élevage des crevettes ont été créés ces dernières
années sur les rives de l'"Estero La Cutu".
Mais, Monsieur le Président, le différend n'a pas seulement une dimension terrestre; il porte
également sur la détermination du point de départ de la frontière maritime qui coïncide naturellement
avec le point terminal de la frontière terrestre. Et il n'est pas indifférent, au regard de la délimitation
maritime à l'intérieur du golfe de Fonseca, que ce point soit fixé à l'embouchure du Rio Goascorán
ou à l'embouchure de l'"Estero La Cutu" ni que la totalité de la façade maritime comprise entre ces
deux points relève de la souveraineté hondurienne ou de la souveraineté salvadorienne.
*
* *
B. Si le secteur contesté du Goascorán est ainsi clairement circonscrit, il convient d'ajouter - et
c'est son second caractère - qu'il s'agit d'un différend tardif (MH, vol. I, chap. XI, p. 372, par. 17 et
p. 375-376, par. 21; CMH, vol. II, chap. XI, p. 499-501, par. 18-19).
En effet, Monsieur le Président, jusqu'en 1972, je dis bien jusqu'en 1972, El Salvador n'a
jamais revendiqué la zone du Goascorán, telle que je viens de vous la décrire. C'est au cours des
négociations frontalières, qui se sont déroulées à Antigua en 1972, que la Partie adverse a formulé,
pour la première fois, ses prétentions sur ce secteur. 1972, c'est-à-dire peu après la fin du conflit
armé de 1969, à un moment où, comme l'a rappelé l'agent du Gouvernement du Honduras dans son
intervention du 15 avril dernier, l'on pouvait constater un élargissement du contentieux terrestre entre
les deux Etats voisins (C 4/CR 91/1, p. 20; trad. fr., p. 12).
Il faudra attendre ainsi le 11 juin 1972 pour qu'El Salvador remette en cause une frontière
internationale qu'il avait toujours admise, toujours reconnue et toujours respectée depuis 1821 et
- 15 -
pour qu'il revendique le secteur du Goascorán. Devant cette surprenante déclaration, la délégation
hondurienne rappellera naturellement ce qui avait été un fait incontesté depuis l'accession à
l'indépendance des deux Etats, depuis 1821, pendant plus de 150 ans, à savoir "que l'endroit où la
rivière Goascorán débouche dans le golfe de Fonseca se trouve au nord-est des îles Ramaditas; et
(que) là commence la ligne de division entre les deux pays, en suivant ensuite la rivière mentionnée
jusqu'au lieu appelé Los Amates" (MH, annexes, vol. II, annexe IV.1.22.A, p. 577). Ainsi la
délégation hondurienne, en 1972, n'avait fait que rappeler la souveraineté du Honduras sur le secteur
du Goascorán. Souveraineté qui s'était manifestée de façon en quelque sorte positive par l'exercice
continu des fonctions d'Etat, par "the continuous and peaceful display of the territorial sovereignty"
pour reprendre la célèbre formule du président Max Huber dans la sentence Palmas (RSA, vol. II,
p. 839-840). Mais souveraineté qui s'était également manifestée de façon en quelque sorte négative,
dans la mesure où le Honduras n'a jamais toléré dans le secteur du Goascorán les manifestations
d'une quelconque autre compétence étatique.
On croit rêver, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, lorsqu'on lit dans le contre-mémoire
salvadorien :
"si El Salvador n'a pas abordé plus tôt la question de ce secteur, c'est uniquement parce qu'il
était déjà sous sa juridiction et qu'il y avait acquiescement et reconnaissance par le Honduras
de ce que ledit secteur faisait partie d'El Salvador" (CMS, chap. 3.123; trad. fr., p. 66).
Cette revendication salvadorienne, aussi subite et tardive, sur le secteur du Goascorán pouvait
paraître plus surprenante encore, pour les deux raisons suivantes. Premièrement, les occasions
n'avaient certes pas manqué au Gouvernement d'El Salvavor de faire connaître ses prétentions, s'il en
avait eu, sur cette zone, au cours des multiples négociations territoriales et frontalières qui ont
ponctué l'histoire des relations entre les deux Etats voisins. Et, deuxièmement, le Gouvernement
d'El Salvador avait expressément reconnu ou implicitement admis - comme on le rappellera un peu
plus loin - que cette zone relevait de la souveraineté hondurienne. En réalité, Monsieur le Président,
Messieurs les Juges, cette revendication salvadorienne, formulée pour la première fois le
11 juin 1972, n'est guère qu'un "paper claim". La Partie adverse aurait mauvaise grâce à s'abriter
derrière elle aujourd'hui pour jeter le doute sur le statut d'un territoire sur lequel le Honduras a
- 16 -
exercé, sans la moindre interruption et sans la moindre équivoque, ses activités gouvernementales
(RH, annexes, vol. II, annexe IX.6, p. 829-903) et face auxquelles elle n'a rien, je dis bien rien, à
opposer (voir a contrario, CMS, chap. 4.19; trad. fr., p. 78 et CMS, annexes, vol. IX, annexe XI).
*
* *
C. Différend clairement circonscrit, différend tardif, j'en arrive au troisième et dernier
caractère qui permet de situer le contentieux sur le secteur du Goascorán : la position d'El Salvador
dans cette zone a constamment varié. En effet, comme vous pouvez le constater sur la carte
ci-contre ainsi que sur le croquis n° I de votre dossier, la Partie adverse a adopté plusieurs attitudes
successives, pas moins de trois, au demeurant marquées ces dernières années d'intermittences, de
retours en arrière, significatifs de ses doutes sur le bien fondé de ses revendications.
1) Au cours d'une première étape, de beaucoup la plus longue puisque, comme j'y ai fait
allusion, il y a un moment, elle s'est prolongée de 1821 à 1972, El Salvador n'a pas contesté
l'évidence. El Salvador a ainsi reconnu pendant plus de 150 ans la souveraineté hondurienne sur le
secteur du Goascorán et, comme frontière internationale entre les deux Etats, le cours du
Rio Goascorán de Los Amates jusqu'à son embouchure au nord-ouest des îles Ramaditas, dans la
baie de La Union.
Nous reviendrons plus loin sur cette reconnaissance par El Salvador de la frontière du
Goascorán. Je voudrais seulement rappeler pour le moment que c'est au cours des négociations qui
se sont déroulées à Saco, le 4 juin 1880, qu'El Salvador a expressément admis que,
"suivant l'opinion commune des habitants des deux pays, la zone orientale du territoire
d'El Salvador est séparée de la zone occidentale de celui du Honduras par la rivière
Goascorán; ils conviennent de reconnaître ladite rivière comme étant la frontière entre les deux
Républiques, à partir de son embouchure, dans le golfe de Fonseca, baie de La Union, en
amont, en direction nord-est, vers la confluence de la rivière Guajiniquil ou Pescado, qui
conflue à une lieue au nord du présent village de Saco" (MH, annexes, vol. I, annexe III.1.24,
p. 99).
On comprend mal, Monsieur le Président, comment la Partie adverse qui cite elle-même cette
déclaration de Saco dans son contre-mémoire (CMS, chap. 3.124; trad. fr., p. 66) et qui admet ainsi
- 17 -
que le Rio Goascorán se jette dans la "Bahia de La Union" peut soutenir, dans le même mouvement,
devant vous, que le point d'aboutissement de la frontière terrestre doit correspondre à l'"Estero
La Cutu" qui s'ouvre dans la "Bahia Chismuyo". Le golfe de Fonseca a été parfois comparé,
Monsieur le Président, à une main avec des "doigts" constitués par différentes baies intérieures, dont
précisément au nord-est le "doigt" correspondant à la "Bahia Chismuyo" et au nord-ouest le "doigt"
correspondant à la "Bahia de La Union". Mais il est rigoureusement impossible, Monsieur le
Président, de confondre l'un et l'autre "doigt", l'une et l'autre "baie" : il n'existe pas une carte,
terrestre ou marine, hondurienne, salvadorienne ou provenant d'Etats tiers qui qualifie la partie du
golfe de Fonseca où s'ouvre l'"Estero La Cutu" "Bahia de La Union", puisque précisément il s'agit de
la "Bahia Chismuyo".
En tout état de cause, la reconnaissance par El Salvador de la frontière du Rio Goascorán
jusqu'en 1972 ne comporte pas la moindre équivoque. Cette reconnaissance résulte de l'absence
totale de réactions face à l'exercice, paisible et continu des fonctions gouvernementales par le
Honduras dans ce secteur du Goascorán aujourd'hui revendiqué, devant vous, par la Partie adverse.
2) J'en arrive ainsi à la seconde étape qui caractérise l'évolution de l'attitude salvadorienne
face à cette zone du Goascorán. Seconde étape beaucoup plus brève que la précédente, puisqu'elle
correspondra seulement à la période 1972-1988, au cours de laquelle El Salvador abandonnera sa
position antérieure et revendiquera formellement le secteur du Goascorán. Il prétendra, comme vous
pouvez le voir sur la carte ci-contre ainsi que sur les croquis n° I et n° II de votre dossier, que la
frontière est formée par l'ancien lit du Rio Goascorán depuis "Los Amates" jusqu'à l'embouchure à
l'"Estero El Coyol".
C'est en effet le 11 juin 1972, au cours des négociations d'Antigua, auxquelles je faisais
allusion tout à l'heure, que la délégation salvadorienne soutiendra que :
"l'endroit où la rivière Goascorán débouche dans le golfe de Fonseca se trouve au nord-ouest
de l'île Conejo et (que) là commence la ligne de division entre les deux pays, en suivant ensuite
la rivière mentionnée jusqu'au lieu appelé 'Los Amates'" (MH, annexes, vol. II,
annexe IV.1.22.A, p. 577).
La représentation graphique de cette revendication salvadorienne a figuré sur un calque qui a été
- 18 -
remis en 1972 à la délégation hondurienne (MH, vol. I, chap. XI, p. 358, par. 2) et elle figure
également sur d'autres documents. On la trouve ainsi sur des cartes officielles salvadoriennes de la
même époque, comme la "Mapa oficial de la Republica d'El Salvador" publiée en juin 1973 par
l'Instituto Geografico Nacional pour le compte du ministère salvadorien des travaux publics. On la
trouve de même sur les cartes émanant d'Etats tiers et notamment sur la carte marine américaine
n° 21521 dans son édition de 1985 (CMH, vol. II, carte 7.2, p. 506), sur laquelle la zone comprise
entre l'embouchure actuelle du Rio Goascorán et l'embouchure de l'"Estero El Coyol" est qualifiée de
"in dispute".
On ne saurait mieux montrer le caractère de "paper claim" de cette revendication qu'en
remarquant combien El Salvador était peu assuré dans ses prétentions nouvelles. En effet, pendant
cette phase 1972-1988, il est revenu à sa position antérieure. Ainsi, au cours de la réunion qui s'est
tenue à Tegucigalpa les 23 et 24 mai 1985, la délégation salvadorienne a présenté un document, aux
termes duquel
"1. La ligne maritime entre le Honduras et le Salvador ... (se) termine à l'embouchure
du Goascorán.
2. La partie orientale de la ligne terrestre commence à l'embouchure du Goascorán, baie
de La Union, en suivant la même rivière en remontant le courant de ses eaux, jusqu'à
Los Amates." (MH, annexes, vol. II, chap. XI, p. 606-610, par. 111-113; cf. CMH, vol. II,
chap. XI, p. 606-610, par. 111-113).
La discontinuité, le défaut de cohérence dans le comportement d'El Salvador, au cours de cette
seconde phase 1972-1988, donnent me semble-t-il une exacte image de ses doutes, de ses hésitations,
de ses atermoiements dans le secteur du Goascorán.
3) On aurait pu penser, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que la Partie adverse s'en
serait ainsi tenue à cette revendication formulée en 1972 à Antigua, aussi hasardeuse et peu fondée
qu'elle fut. Et cependant, il n'en a rien été; El Salvador n'a pas hésité à projeter encore plus à l'est
ses revendications territoriales et j'en arrive ainsi à la troisième étape qui correspond à sa position
dans le présent différend dans le secteur du Goascorán.
En effet, dans son mémoire, qu'elle a déposé au Greffe de la Cour le 12 juin 1988 ainsi que
dans ses autres pièces écrites, la Partie adverse prétend, comme vous pouvez le voir sur la carte
- 19 -
ci-contre ainsi que sur les croquis n°s I et II de votre dossier, que le point terminal de la frontière
terrestre doit correspondre à l'"Estero La Cutu" (non plus à l'"Estero El Coyol", mais je dis bien à
l'"Estero La Cutu"). La Partie adverse soutient, en effet, que,
"dans ce secteur, la ligne frontière est formée par le bras le plus ancien et le plus oriental du
Rio Goascorán qui se jette dans le golfe de Fonseca en face de l'île de Zacate Grande à
l'endroit appelé l'estuaire de La Cutu, situé dans la juridiction de Pasaquina, dans le
département de La Union" (CMS, chap. 3.123; trad. fr., p. 66; cf. MS, chap. 6.59; trad. fr.,
p. 45 et RS, chap. 3.86; trad. fr., p. 55).
Cette ultime revendication salvadorienne se caractérise par conséquent par une nouvelle poussée des
prétentions territoriales salvadoriennes vers l'est, à l'intérieur du territoire hondurien. Alors
qu'El Salvador a reconnu depuis son accession à l'indépendance jusqu'en 1972 que le point
d'aboutissement de la frontière de terre était situé à l'embouchure actuelle du Rio Goascorán, au
nord-ouest des îles Ramaditas, alors qu'il a soutenu, à partir de 1972, que ce point était situé à
l'embouchure de l'"Estero El Coyol", au nord-ouest de l'île Conejo, voilà maintenant qu'il prétend
reporter ce point à quelque 6 kilomètres à vol d'oiseau plus à l'est, à l'embouchure de l'"Estero
La Cutu". On se demande avec inquiétude, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, de ce côté-ci
de la barre, si cette poussée revendicatrice vers l'est va prendre fin.
On se le demande avec d'autant plus d'inquiétude, Monsieur le Président, que la Partie adverse
n'hésite pas à jeter, ici ou là, dans ses écritures, négligemment, comme par inadvertance, des
insinuations, plus des affirmations troublantes. Ainsi peut-on lire dans son mémoire qu'
"El Salvador possède cette zone depuis des temps immémoriaux, zone où ses habitants ont
exploité ou exploitent encore les forêts extensives de palétuviers, et où ils vivent en général de
la pêche" (MS, chap. 6.63; trad. fr., p. 46).
De même, dans son contre-mémoire, El Salvador affirme que, dans les différents secteurs terrestres
contestés et notamment dans celui du Goascorán, "se sont installés des groupes de Salvadoriens, qui
reconnaissent la souveraineté de l'Etat et du Gouvernement d'El Salvador" (CMS, chap. 4.16;
trad. fr., p. 77).
La Partie adverse renvoie même à un croquis intitulé "Human Settlements included in the
non-delimited zones. Estuary of the Goascorán" (MS, fin du chap. 7), croquis sur lequel figurent
- 20 -
"les cantons et les caserios (hameaux)" qui seraient peuplés de Salvadoriens : on y voit indiquées,
avec stupeur, ainsi que vous pouvez le constater sur le croquis n° II bis de votre dossier, comme
salvadoriennes les localités de Los Amates, de La Ceiba, d'El Conchal et d'El Capulin, localités qui,
cependant, sont administrées par les autorités honduriennes, avec des maires honduriens, avec des
écoles honduriennes, avec des propriétés rurales inscrites au registre cadastral des départements
honduriens de Valle et de Choluteca, avec des actes de l'état civil inscrits au registre hondurien des
personnes (RH, annexes, vol. II, annexe IX.6, "Témoignages de la présence humaine et des autorités
honduriennes dans le secteur de Goascorán", p. 829-903). Une fois encore, Monsieur le Président,
Messieurs les Juges, on croit rêver. Le Gouvernement du Honduras se permet, Monsieur le
Président, d'attirer respectueusement l'attention de la Chambre sur la gravité de propos de ce genre.
Si la revendication salvadorienne sur le secteur du Goascorán était accueillie favorablement, cela
signifierait sans doute que la stabilité et la permanence des frontières internationales bien établies,
reconnues pendant plus de 150 ans, pourraient être remises en cause à tout instant. Mais cela
signifierait aussi - ce qui est peut-être plus grave encore - qu'il suffirait d'infiltrations plus ou moins
clandestines, plus ou moins nombreuses, des habitants d'un pays donné, abondamment peuplé sur le
territoire d'un pays voisin moins peuplé - situation dont on connait de multiples illustrations en
Amérique latine, mais pas seulement en Amérique latine - pour qu'une sorte de juridiction rampante,
humaine ou foncière, soit consacrée et pour que des lignes divisoires, clairement fixées, soient
bousculées. Quelle prime à l'incertitude dans un domaine qui, plus que tout autre, appelle la
sécurité.
Le Gouvernement du Honduras ne peut manquer d'être préoccupé de la géopolitique qui
sous-tendrait de telles revendications toujours portées plus en avant, dont on a l'impression qu'elles
ne s'arrêteront jamais. Si le Gouvernement du Honduras ne peut ni ne veut croire que ressurgissent
ainsi les conceptions d'Etats aux frontières mouvantes qui ont assombri si tragiquement le ciel du
droit international, il n'en demeure pas moins surpris des variations successives de la thèse
salvadorienne dans le secteur du Goascorán. C'est qu'en effet cette thèse, comme nous allons essayer
maintenant de le montrer dans une seconde série d'observations, est, dans son principe même,
- 21 -
dépourvue de toute base juridique.
*
* *
- II -
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le Honduras fonde sa thèse, dans le secteur du
Goascorán comme dans les autres secteurs terrestres contestés, sur le principe de l'uti possidetis
juris. Il a apporté la preuve, dans ses écritures (MH, vol. I, chap. XI, p. 390-398, par. 31-34;
CMH, vol. II, chap. XI, p. 618-630, par. 120-130; RH, vol. II, chap. IX, p. 734-747, par. 33-42),
que, d'après les documents de l'époque coloniale - documents de l'administration civile et
ecclésiastique ou titres de terres - le Rio Goascorán constituait la limite des juridictions de la
province de San Miguel et de l'"Alcaldia Mayor" de Tegucigalpa. Le Honduras a également établi
que cette limite correspondait au cours actuel de cette rivière, de son embouchure aux îles Ramaditas
jusqu'à "Los Amates", et même au-delà, au confluent du Rio Goascorán et du Rio Guajiniquil ou
Pescado. Il est par conséquent inutile de revenir sur cette démonstration et nous renvoyons aux
développements précités des écritures du Honduras.
En revanche, il convient de systématiser - si vous me le permettez, Monsieur le Président -
aussi brièvement que possible, les trois arguments principaux, sur lesquels se fonde le Gouvernement
du Honduras, pour écarter la revendication de la Partie adverse sur le secteur du Goascorán.
*
* *
A. Du point de vue du Honduras - et c'est le premier argument qu'il avance - El Salvador ne
produit pas de titres pertinents.
- 22 -
1) D'une part, en effet, les titres de terres invoqués, de l'autre côte de la barre, pour justifier,
comme limite, l'ancien lit du Rio Goascorán de "Los Amates" jusqu'à l'"Estero La Cutu", ne peuvent
être localisés.
Dans son mémoire (MS, chap. 6.61-6.63; trad. fr., p. 45-46; Book of Maps, Map 6.VI),
El Salvador fait état du titre de propriété de San Juan Bautista de Fuentes sur une hacienda dite
"Los Amates". Du point de vue de nos adversaires, cette hacienda aurait fait l'objet d'un arpentage,
le 30 octobre 1694, par le capitaine Don Francisco de Goicochea y Uriarte, sur délégation de
l'"Alcalde Mayor" de San Salvador et son implantation, entre l'"Estero La Cutu" et l'"Estero
El Capulin" s'imposerait, à leur avis, de toute évidence, comme le montre le croquis n° III de votre
dossier (MS, Book of Maps, Map 6.VI). Or le Honduras a déjà, semble-t-il, apporté la preuve, dans
ses écritures (CMH, vol. II, chap. XI, p. 514-543, par. 33-60; RH, vol. II, chap. IX, p. 730-734,
par. 29-32), que l'interprétation ainsi donnée de cet arpentage était imaginaire et que sa localisation
était erronée. Il est en effet impossible, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, d'identifier, avec
un minimum de vraisemblance et de plausibilité, les points de repères figurant dans le procès-verbal
de 1694. Ainsi, il n'existe pas de "montagne" le long de l'"Estero La Cutu" car il s'agit d'une zone de
palétuviers où terre et mer s'interpénètrent au niveau zéro. Il n'existe pas davantage de "montagne"
le long de l'"Estero El Capulin" comme le montre la photographie aérienne publiée dans le
contre-mémoire hondurien (CMH, vol. II, p. 542, 7.4). Et plus généralement la toponymie figurant
dans le document établi en 1694 par le capitaine Don Franciso de Goicochea y Uriarte ne correspond
en rien au secteur compris entre l'"Estero La Cutu" et l'"Estero El Capulin". J'en donnerai un seul
exemple : comment peut-on aujourd'hui sérieusement identifier ce qui a constitué le point de départ
de l'arpentage du 30 octobre 1694, il y a près de 300 ans, et la première borne des terres de San Juan
Bautista de Fuentes qui seraient, à en croire la Partie adverse, "un grand kapokier où une croix a été
placée" (MS, chap. 6.62; trad. fr., p. 45) - "una ceiba grande donde se puso una Cruz", nous dit le
texte espagnol original (MS, annexe I, p. 13-14; CMH, vol. II, chap. XI, p. 521, note 1) ? Monsieur
le Président, Messieurs les Juges, il faut avoir parcouru en bateau ou survolé en hélicoptère cette
zone où la forêt entre dans la mer et où la mer entre dans la forêt pour mesurer combien la thèse
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salvadorienne est irréelle et fabriquée de toutes pièces.
On aurait pu penser cependant que, lorsque la Partie adverse a présenté, dans sa réplique, un
nouveau titre de terres du même San Juan Bautista de Fuentes - le titre d'"El Nagarejo" - du
30 mars 1711, "afin de renforcer ses droits dans ce secteur" (RS, chap. 3.96; trad. fr., p. 58), on
aurait pu penser, disais-je, qu'elle aurait présenté alors un document précis, aux points de repère
aisément identifiables. Or qu'en est-il, Monsieur le Président ? La Partie adverse, sans même tenter
de donner la moindre représentation graphique, au demeurant impossible, à ce soi-disant "titre
officiel supplémentaire" (ibid.), s'est contentée d'affirmer, sans le moindre commencement de preuve,
que ces terres d'"El Nagarejo" étaient situées "dans le secteur contesté actuellement" (RS, chap. 3.96;
trad. fr. p. 58), "dans la juridiction de Choluteca, dans la province coloniale de Guatemala" (RS,
chap. 3.97; trad. fr. p. 58). Il suffit de parcourir ce document au demeurant très court, de moins de
deux pages (RS, annexes, vol. I, annexe 16, p. 73-79), pour constater que, comme l'a implicitement
admis El Salvador, les limites de ces terres ne peuvent être localisées. La seule référence à "la
juridiction de Choluteca" est d'autant moins pertinente que le district de Choluteca ne dépendait pas,
en 1841, de la Real Audiencia de Guatemala, mais de l'"Alcaldia Mayor" de Tegucigalpa (cf.
C 4/CR 91/6, p. 46-47), partie intégrante de la province du Honduras jusqu'au Rio Goascorán.
2) Les titres de terres produits par El Salvador pour justifier ses revendications sur le secteur
du Goascorán ne sont pas seulement irrecevables parce qu'ils ne peuvent être localisés. Ils doivent
être également écartés pour une raison de principe que le Honduras a déjà avancée dans ses
plaidoiries générales (C 4/CR 91/3, p. 39-40 et 91/4, p. 16; C 4/CR 91/6, p. 45) et à laquelle la
Partie adverse n'a jamais consenti à répondre. Comment en effet El Salvador peut-il, contrairement à
une interprétation qui nous semble correcte du principe de l'uti possidetis juris, privilégier les limites
foncières sur des limites administratives clairement définies ? Plus précisément comment
El Salvador peut-il placer sur le même plan des titres concédant des terres à un simple particulier
comme c'est le cas dans le secteur de Goascorán, avec les documents de 1694 et de 1711 relatifs à
San Juan Bautista de Fuentes et d'un autre côté des "titulos ejidales" attribuant des terres à des
communautés indiennes ? Comment El Salvador peut-il tirer de ces deux catégories de titres des
- 24 -
conséquences rigoureusement identiques au regard du tracé des frontières internationales actuelles ?
Il le peut d'autant moins qu'il a, sur ce point, une position qui change selon ses pièces écrites.
D'un côté en effet, le contre-mémoire salvadorien déclare :
"Il n'est possible ni en fait ni en droit de placer la possession d'un titre officiel de
terrains communaux sur le même plan que la possession d'un titre conférant à un étranger la
simple propriété privée d'une terre." (CMS, chap. 2.22; trad. fr. p. 16.)
Mais d'un autre côté, la Partie adverse - consciente de l'ambiguïté de sa thèse pour justifier le
recours aux titres de terres de San Juan Bautista de Fuentes dans le secteur de Goascorán - la Partie
adverse soutiendra dans sa réplique, d'une manière d'ailleurs embarrassée et contournée, qu'un tel
document :
"ne constitue pas un titre officiel de terrains communaux du type de ceux qu'El Salvador a
présentés afin de justifier pleinement ses droits dans les autres secteurs contestés. Néanmoins,
bien que ce titre officiel ne représente donc pas une attribution faite à une collectivité de
naturels par l'intermédiaire de son conseil municipal, il est néanmoins un titre officiel de la
période coloniale défini dans toutes les formes juridiques appropriées par les autorités
espagnoles en faveur d'un habitant de San Miguel, dans la province coloniale de
San Salvador." (RS, chap. 3.93; trad. fr. p. 57.)
En définitive, on ne sait pas, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si les deux catégories
de titres de terres sont ou non, pour El Salvador, de même nature. Mais ce qui est certain, c'est que
les uns et les autres entraînent, du point de vue de la Partie adverse, les mêmes conséquences sur le
plan du tracé de la ligne divisoire. La confusion dans l'analyse théorique d'El Salvador est à son
comble lorsque l'on se souvient que l'un de ses conseils, dans sa plaidoirie du 19 avril dernier,
reprochait au Honduras de considérer les "titulos ejidales" comme "un droit foncier" et comme
conférant "un simple droit de propriété" (C 4/CR 91/5, p. 56).
Ainsi, les titres de terres avancés par El Salvador pour justifier sa thèse dans le secteur du
Goascorán ne doivent pas être pris en compte. Non seulement ils ne peuvent être concrétisés sur le
terrain, mais recourir à des titres de ce genre a pour effet de dénaturer, de déformer le principe de
l'uti possidetis juris.
*
* *
B. Le second argument avancé par la Partie adverse, celui de l'avulsion du Rio Goascorán,
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n'est pas plus pertinent que le précédent. Il l'est d'autant moins que, à l'instar de la thèse
d'El Salvador relative aux titres de terres, sa thèse de l'avulsion du Rio Goascorán a
considérablement changé tout au long de la procédure écrite. On peut en effet déceler trois phases
successives correspondant à chacune des écritures salvadoriennes et montrant une fois encore le
défaut de cohérence de la position d'El Salvador dans ce secteur.
1) Dans une première phase, correspondant à son mémoire (MS, chap. 6.66-6.68; trad. fr.
p. 46-47), El Salvador a avancé plusieurs arguments de nature différente pour justifier son point de
vue selon lequel la frontière internationale avec le Honduras doit suivre l'ancien cours du Rio
Goascorán depuis la "Rompición de Los Amates" jusqu'à son ancienne embouchure dans l'"Estero
La Cutu". Il s'agissait d'abord du renvoi à deux études publiées respectivement par le
docteur Barberena en 1905 et par M. Galindo y Galindo en 1933, sur lesquelles il est inutile de
revenir, le contre-mémoire hondurien ayant démontré leur défaut de pertinence (CMH, vol. II,
chap. XI, p. 544-549, par. 62-65).
Attardons-nous en revanche un instant, Monsieur le Président, sur ce qui semble être
l'argument principal du mémoire salvadorien, à savoir l'application à cette situation de ce qu'il
appelle "a rule of Public International Law" (MS, chap. 6.66; trad. fr. p. 46). Il s'agirait donc d'une
"règle" qui aurait été admise dans le cadre de la célèbre affaire d'El Chamizal, lors des négociations
entre les Etats-Unis et le Mexique et qui pourrait être ainsi formulée, selon les termes mêmes du
mémoire salvadorien : "si une rivière abandonne son ancien cours, la frontière internationale demeure
au milieu du cours abandonné de la rivière" (ibid.). Il s'agirait, en somme, d'appliquer à l'espèce ce
que certains auteurs ont pu appeler la "règle" de l'inaltérabilité de la frontière fluviale en cas de
changements soudains et violents entraînant un transfert de son lit et constituant une avulsion, par
opposition à la "règle" du déplacement progressif de la frontière fluviale en cas de modifications
lentes et graduelles du fleuve frontière dues à un alluvionnement progressif.
Comme l'a démontré le contre-mémoire hondurien (CMH, vol. II, chap. XI, p. 550-572),
par. 67-82), c'est là une question extrêmement controversée dans la doctrine comme dans la pratique
des Etats. Le moins qu'on puisse dire, ainsi que le remarquait récemment un auteur, c'est que "cette
- 26 -
solution n'a guère valeur de règle coutumière" (L. Caflisch, "Essai d'une typologie des frontières",
Relations internationales n° 63, automne 1990, p. 285; cf. L. Bouchez, "The Fixing of Boundaries
in International Boundary Rivers", The International and Comparative Law Quarterly, vol. 12,
1963, p. 807, etc.). Qu'il suffise de rappeler à cet égard que la sentence Hughes rendue le
23 janvier 1933 dans l'affaire Guatemala/Honduras - dont on sait l'importance que lui attache la
Partie adverse dans le présent différend - a clairement reconnu, à propos du Rio Tinto et du
Rio Motagua, que dans l'hypothèse d'une avulsion comme d'ailleurs dans l'hypothèse d'une érosion,
la frontière suivra le déplacement des cours d'eau "in the interest of a definite and satisfactory
settlement to secure a lasting peace between the Republics" (RSA, vol. II, p. 1362; cf. CMH, vol. II,
chap. XI, p. 568-571, par. 80-81).
Quoi qu'il en soit de ces controverses, quoi qu'il en soit de l'extrême difficulté ou impossibilité
de dégager une règle coutumière en la matière, il aurait été logiquement concevable qu'El Salvador
soutînt l'existence d'une telle "règle" de l'inaltérabilité du tracé frontalier en cas d'avulsion. Ainsi, la
Partie adverse aurait-elle pu tenter d'établir que, le Rio Goascorán ayant changé brusquement de lit,
cette "facétie fluviale" - pour reprendre le mot du géographe Jacques Ancel (Géographie des
frontières, Paris Gallimard, 1938, p. 86) - n'aurait pas affecté le tracé frontalier antérieur. Or,
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la Partie adverse a-t-elle maintenu, comme on pouvait
s'y attendre, tout au long du présent procès concernant le secteur du Goascorán, la même thèse ?
2) Il n'en a rien été. Dès son contre-mémoire, correspondant ainsi à une seconde phase,
El Salvador semble avoir renoncé à sa thèse initiale (CMS, chap. 3.133-3.135; trad. fr., p. 70). En
effet, après avoir rappelé la distinction entre l'"aluvio" et l'"avulsio" remontant au droit romain et les
conséquences différentes que ces phénomènes naturels entraîneraient sur le tracé de la frontière
fluviale, El Salvador abandonne ce qu'il avait appelé dans son mémoire "a rule of Public
International Law" (MS, chap. 6.66; trad. fr., p. 46). Il semble plutôt considérer, à ce second stade
des écritures, que "la prétendue règle n'est qu'une opinion de principe" (CMS, chap. 3.134; trad. fr.,
p. 70).
Rejoignant ainsi le point de vue soutenu par le Honduras (CMH, vol. II, chap. XI, p. 551-554,
- 27 -
par. 68), la Partie adverse se rattachait semble-t-il de la sorte, aux analyses du président Anzilotti
dans le commentaire qu'il avait donné en 1914 de la sentence d'El Chamizal. El Salvador semblait
désormais considérer "qu'il faut résoudre le problème dans chaque cas en fonction de ce qu'était
l'intention des parties lorsqu'elles ont choisi le cours d'eau comme fontière" (CMS, chap. 3.134; trad.
fr., p. 70). Pour le moins, El Salvador reconnaissait devoir tenir compte "des incertitudes qui
existent dans ce domaine et des lacunes des définitions" (CMS, chap. 3.135; trad. fr., p. 70). Et la
réplique du Honduras n'avait pas manqué de souligner, là encore, les hésitations et les contradictions
d'El Salvador dans sa quête d'une base juridique à ses revendications dans la zone du Goascorán
(RH, vol. II, chap. IX, p. 720-724, par. 20-22). Est-ce à dire que la Partie adverse s'en est tenue à
cette nouvelle thèse défendue dans son contre-mémoire ? Eh bien non !
3) Dans une troisième phase, correspondant à sa réplique, El Salvador a une fois encore
changé de cap (RS, chap. 3.99-3.100; trad. fr., p. 59-60). Il ignore complètement ce qu'il avait
considéré dans son mémoire comme la "règle" de l'avulsion et du maintien de la ligne divisoire dans
l'ancien lit du fleuve frontière. Il ne fait plus état, ainsi qu'il l'avait fait dans son contre-mémoire, du
point de vue du président Anzilotti et ne considère plus ces questions comme étant "exclusivement
des questions d'interprétation de la volonté". Tout en reconnaissant que la date exacte à laquelle le
Rio Goascorán a modifié son cours est "mal connue", El Salvador déduit, dans sa réplique, - sans
d'ailleurs apporter le moindre commencement de démonstration - El Salvador déduit, disais-je,
d'anciens documents coloniaux espagnols du XVIe
siècle, que l'embouchure du Rio Goascorán
correspondait alors à "son embouchure ancienne dans l'Estero La Cutu, en face de l'île de Zacate
Grande" (RS, chap. 3.99; trad. fr., p. 59). Dès lors, du point de vue de la Partie adverse, "la
modification du cours du Rio Goascorán a nécessairement été produite par un événement soudain et
violent, survenu probablement au XVIIe
siècle, peut-être à la suite de l'un de ces ouragans qui
balayent les Caraïbes et la région de l'Amérique centrale" (RS, chap. 3.100; trad. fr., p. 60).
On voit mal, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, comment, sur la base de telles
affirmations, la Chambre pourrait tenir compte de l'ancien lit du Rio Goascorán. Le lit qu'un cours
d'eau aurait emprunté au XVIe
ou au XVIIe
siècle ou peut-être encore plus loin dans le passé,
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peut-être avant la nomination du premier gouverneur du Honduras, Don Diego Lopez de Salcedo,
par la "Real Cedula" du 20 novembre 1525, peut-être même avant, le jour où le 14 août 1502, à
Punta Caxinas, l'amiral Christophe Colomb toucha pour la première fois la terre hondurienne (MH,
vol. I, chap. II, p. 7-20, par. 1-11) ? Comment en effet, pour déterminer aujourd'hui le tracé de la
frontière internationale entre les deux pays, la Chambre pourrait-elle s'appuyer sur un état de fait
existant 200 ans, 300 ans ou peut-être plus avant 1821, c'est-à-dire avant la date de l'accession à
l'indépendance des deux pays : 1821, qui correspond à la date critique dans le présent différend ?
C'est en effet par rapport à cette date, 1821, et non pas à une date antérieure que doit être déterminée
la base factuelle de votre décision; c'est par rapport à ce "terme de référence" et non pas à un autre
"terme de référence" que la question de l'établissement du tracé frontalier doit être tranchée, compte
tenu de la situation existant alors; c'est, pour reprendre la forte expression du professeur
Charles De Visscher, à ce moment-là, et non pas à un autre moment "que le juge doit se reporter
pour fixer les titres et apprécier, en conséquence, les positions juridiques respectives des Parties"
(Aspects récents du droit procédural de la Cour internationale de Justice, Paris, Pedone, 1966,
p. 48).
Néanmoins cette référence à un événement naturel survenu à une date qu'El Salvador reconnaît
comme étant des plus incertaines n'empêche pas la Partie adverse de prétendre : 1) que c'est cet
ancien lit du Rio Goascorán existant au XVIe
siècle, au XVIIe
siècle ou avant - personne ne le sait et
la Partie adverse n'a pas apporté la preuve de la date à laquelle il a eu lieu - que c'est cet ancien
cours du Rio Goascorán, qui doit constituer, de la "Rompicion de Los Amates" jusqu'à l'"Estero
La Cutu", la ligne séparative dans ce secteur aujourd'hui contesté; et 2) que c'est le Honduras qui, en
construisant "des digues ... aux alentours de 1916 sur la rive gauche du Rio Goascorán à
Los Amates", aurait empêché "le fleuve de reprendre son ancien cours" (RS, chap. 3.100; trad. fr.,
p. 100).
Le Gouvernement du Honduras croit, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, avoir
montré dans ses écritures (CMH, vol. II, chap. XI, p. 585-592, par. 95-98) qu'il est vraiment difficile
d'imputer à un mur, au demeurant bien peu impressionnant - d'une largeur de 50 centimètres dans sa
- 29 -
partie supérieure, d'une hauteur de 7 mètres, et ne mesurant pas plus de 20 mètres de longueur
- construit en fait dans les années soixante-dix, l'impossibilité pour le Rio Goascorán de rejoindre son
ancien lit. Nous ne reviendrons pas de ce côté-ci de la barre, sur ce point, mais nous souhaiterions
seulement poser trois questions.
Première question : le Rio Goascorán n'a-t-il jamais eu le loisir de regagner son ancien lit entre
la date à laquelle est survenue l'avulsion brutale qui lui aurait fait abandonner son cours primitif de
"Los Amates" à l'"Estero La Cutu" et la date à laquelle cette digue aurait été construite (en 1916,
pour la Partie salvadorienne, dans les années 1970 pour la Partie hondurienne) ? Je répondrai
seulement qu'il n'y a mis, c'est le moins qu'on puisse dire, aucune hâte.
Deuxième question : est-il possible qu'un cours d'eau qui aurait subi, de l'aveu même de la
Partie adverse, cette avulsion brutale au plus tôt au XVIIe
siècle, mais plus vraisemblablement au
XVIe
siècle ou avant, puisse servir de limite, comme le prétend El Salvador, aux terres arpentées au
bénéfice de San Juan Bautista de Fuentes en 1694 pour les terres de la hacienda "Los Amates", mais
aussi en 1711 - on ne doit pas l'oublier - pour les terres d'"El Nagarejo" ? Il y a là, pour moi du
moins, un mystère inexplicable.
Troisième question enfin : le Rio Goascorán a-t-il connu, dans son histoire, de fréquentes
avulsions, aussi considérables que celle qui lui aurait fait abandonner son ancienne embouchure dans
l'"Estero La Cutu" pour son actuelle embouchure au nord-ouest des îles Ramaditas, qui permettraient
de dire - comme le prétend El Salvador - qu'"un fleuve comme le Rio Goascorán sujet à ce type de
divagations, ne constitue pas une limite suffisamment claire" (RS, chap. 3.99; trad. fr., p. 60) ? La
réponse est, à l'échelle de l'histoire sinon de la préhistoire, négative.
En fait, Monsieur le Président, on se perd à vouloir suivre les méandres des raisonnements
successifs de nos contradicteurs et à rechercher un quelconque fil directeur dans la thèse qu'ils
développent pour justifier leurs prétentions dans le secteur du Goascorán. Et cependant le problème
se pose en termes simples. D'une part, le Honduras a apporté la preuve qui n'a jamais été contestée
par El Salvador que le Rio Goascorán suivait à la fin du XVIIIe
siècle le même cours qu'aujourd'hui
et que son embouchure était alors la même que celle d'aujourd'hui : la "Description" du golfe de
- 30 -
Fonseca faite en 1796 par le commandant du brick Activo (MH, annexes, vol. V, annexe XIII.1.1,
p. 2209-2218) et la carte qu'il a alors dressée (MH, annexes, vol. VI, annexe cartographique A.2)
- carte qui correspond au croquis n° IV de votre dossier - en font clairement foi (MH, vol. I,
chap. XI, p. 380-381, par. 26; CMH, vol. II, chap. XI, p. 579-580, par. 90; C 4/CR 91/3, p. 41).
D'autre part, le Honduras a également démontré, comme je l'ai rappelé il y a quelques instants, au
début de ma seconde série d'observations, que les documents administratifs de la fin de l'époque
coloniale se réfèrent à "la grande rivière Goascorán" comme limite des juridictions de
l'"Alcaldia Mayor" de Tegucigalpa et de celle de la province de San Miguel. Dès lors cette
démonstration, au demeurant confirmée par une cartographie concordante (RH, vol. II, chap. IX,
p. 797-880, par. 89-140), suffit pour écarter l'argument salvadorien fondé sur l'avulsion brutale du
Rio Goascorán.
Monsieur le Président, je peux terminer dans une dizaine de minutes, ou, si vous le souhaitez,
je peux m'interrompre maintenant.
The PRESIDENT: Vous pouvez continuer, Monsieur le professeur Bardonnet.
M. BARDONNET : Merci Monsieur le Président.
*
* *
C. J'en arrive maintenant, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, au troisième argument
avancé par la Partie adverse pour justifier sa thèse dans le secteur, argument selon lequel
El Salvador n'a pas reconnu le cours actuel du Rio Goascorán "comme frontière entre les deux Etats"
(RS, chap. 3.99; trad. fr., p. 60). Ce dernier aspect du raisonnement de nos adversaires soulève à la
fois une question de principe et une question de fait.
1) La question de principe d'abord. A en croire la Partie adverse, elle n'aurait pu reconnaître,
- 31 -
par acquiescement ou par estoppel, le cours actuel du Rio Goascorán comme frontière entre les deux
pays pour deux raisons. Première raison : un cours d'eau comme le Rio Goascorán ne constituerait
pas, du point de vue d'El Salvador, comme je le rappelais tout à l'heure, une limite "suffisamment
stable" (CMS, chap. 3.135; trad. fr., p. 70), "suffisamment claire" (RS, chap. 3.99; trad. fr., p. 59),
"pour qu'il soit possible de prétendre qu'elle a fait l'objet d'un acquiescement" (RS, ibid.). Et,
seconde raison, pour que le Honduras puisse bénéficier d'un acquiescement ou d'un estoppel,
"il aurait fallu qu'un accord intervienne entre les Parties ou qu'une décision judiciaire ait établi
les normes à appliquer en cas de mutation ou de changement comme ceux qui ont affecté le
cours du fleuve" (RS, ibid.).
Nous pensons avoir fait justice de la première raison tout à l'heure en rappelant que le
Rio Goascorán n'a connu qu'une avulsion brutale en quelques centaines d'années et que, par
conséquent, il n'était pas familier de "divagations" de ce genre et qu'il constituait une référence
"suffisamment stable" et "suffisamment claire". Quant à la seconde raison avancée par les écritures
salvadoriennes, pour théorique qu'elle soit, elle n'en est pas moins tout aussi singulière que la
précédente. La jurisprudence internationale, en matière de différends territoriaux ou frontaliers, n'a
jamais exigé, pour accueillir un acquiescement, qu'il se réfère à un accord ou à une décision
judiciaire.
C'est le comportement en général, actif et passif, des Etats qui, dans ces matières, est pris en
compte par le juge international pour jouer un rôle déterminant, à la fois, on le sait bien, comme
source de droits mais aussi comme source d'obligations.
Faut-il rappeler, Monsieur le Président, pour s'en tenir à la seule affaire du Temple de Préah Vihéar,
que la Cour a accordé une importance considérable aussi bien aux actes positifs d'acquiescement de
la Thaïlande qu'à ses absences de protestations dans des circonstances qui appelaient "une réaction
tendant à affirmer ou a conserver un titre de souveraineté en face d'une prétention contraire évidente"
(C.I.J. Recueil 1962, p. 31) ? Faut-il également rappeler que les notions d'acquiescement et
d'estoppel, quel que soit leur statut respectif, découlent, l'une et l'autre, du principe fondamental en
droit international de la bonne foi et que leur mise en oeuvre n'implique aucunement un règlement
conventionnel ou un règlement juridictionnel préexistants ?
- 32 -
2) Si l'on considère maintenant, au-delà de cette question théorique, les faits de l'espèce dans le
secteur du Goascorán, que constate-t-on, Monsieur le Président, Messieurs les Juges ? On constate
qu'El Salvador, à la fois par son comportement actif et par son comportement passif, pendant plus
de 150 ans, a expressément reconnu la souveraineté du Honduras dans ce secteur et acquiescé à la
frontière du Rio Goascorán dans son cours actuel. Le Honduras a décrit minutieusement dans ses
écritures (MH, vol. I, chap. XI, p. 369-371, par. 13-16; p. 386-390, par. 28-30; CMH, vol. II,
chap. XI , p. 593-617, par. 100-119; RH, vol. II, chap. IX, p. 711-712, par.12-13; p. 716-720,
par. 17-20; p. 752-796, par. 46-88; p. 866-880, par. 139-146) et rappelé en plaidoirie (C4/CR 91/3,
p. 41-42) ce qu'a été depuis 1821 la conduite d'El Salvador. C'est pourquoi je me bornerai à
rappeler brièvement trois exemples, parmi les plus significatifs, de la reconnaissance salvadorienne
de la souveraineté du Honduras dans le secteur du Goascorán.
a) Il importe de rappeler, en premier lieu, qu'au cours des négociations qui se sont déroulées
entre les deux pays, à Saco en juin 1880 et en mars 1884 et à La Union en novembre 1888 (MH,
annexes, vol. I, annexe III.1.24, p. 99-100; annexe III.1.51, p. 169; annexe III.2.8, p. 233-234), la
délégation salvadorienne a expressément reconnu que le Rio Goascorán devait être considéré
"suivant l'opinion commune des habitants des deux pays", comme étant "la limite des deux
républiques".
Les deux délégations, ayant constaté "qu'il n'y a aucune controverse concernant la frontière"
dans ce secteur, avaient décidé, à La Union, le 9 novembre 1888, d'"établir comme frontière
indiscutée et indiscutable le cours de la rivière Goascorán, depuis son embouchure à la baie de
La Union, au golfe de Fonseca, en amont, jusqu'à sa confluence avec la rivière Guajiniquil ou
Pescado" (ibid., annexe III.2.8, p. 234). C'était une formule similaire qu'avait, au demeurant,
retenue l'article 3 de la convention Cruz-Letona du 10 avril 1884 (ibid., annexe III.1.54, p. 180). Et
s'il est bien vrai que cette convention n'est pas entrée en vigueur, c'est, il faut le rappeler, pour des
considérations tout à fait étrangères au secteur du Goascorán qui est demeuré en dehors du différend
frontalier qui s'est développé, à partir des années 1880, entre les deux pays. On ne doit pas oublier
que, dans des conditions similaires, la Cour a, dans son arrêt du 20 juin 1959 rendu dans l'affaire de
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la Souveraineté sur certaines parcelles frontalières, observé que "Sans doute la convention non
ratifiée de 1892 n'a créé ni droits ni obligations, mais les termes de la convention elle-même et les
événements contemporains montrent qu'à cette époque la Belgique affirmait sa souveraineté sur les
deux parcelles et que les Pays-Bas ne l'ignoraient pas..." (C.I.J. Recueil 1959, p. 229.)
b) Il importe de rappeler, en second lieu, que, dans la période 1888-1972, les autorités
salvadoriennes se sont trouvées, à maintes reprises, dans des circonstances qui appelaient
normalement une réaction de leur part si elles n'admettaient pas, comme allant de soi, la souveraineté
du Honduras dans la zone comprise entre l'ancien cours du Rio Goascorán jusqu'à l'"Estero
La Cutu" et son cours actuel jusqu'aux îles Ramaditas.
Ainsi, à la suite d'incidents de frontières mineurs liés à la répression de la contrebanche dans le
secteur du Rio Goascorán entre El Naranjo (Los Naranjos) et El Pasadero, à l'occasion donc de ces
incidents, le ministre salvadorien des relations extérieures a adressé une note, en date du
21 août 1937, à l'ambassade du Honduras à San Salvador, note à laquelle était joint un rapport du
délégué de la douane de Pasaquina, dans le département de La Union. Or, on peut lire dans ce
document :
"Personne n'ose passer la frontière avec des marchandises de contrebande, car il s'agit
d'un endroit qui est surveillé de près par la police montée du 'Jefe expedicionario', le colonel
Francisco Amador. Les abus que le colonel Amador commet continuellement contre les
salvadoriens ont suscité une telle panique que personne n'a le courage de pénétrer sur le
territoire hondurien par ce secteur..." (RH, annexes, vol. I, annexe VI.6, p. 367-368; cf. RH,
vol. II, chap. IX, p. 767-770, par. 63-66).
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, quelle que soit la singularité des termes de ce
rapport, il est hors de doute que, si le Gouvernement d'El Salvador avait alors, le 21 août 1937,
l'intention de revendiquer le secteur du Goascorán qu'il revendique aujourd'hui devant vous, c'était,
en transmettant à l'ambassade du Honduras ce rapport du délégué de la douane de Pasaquina,
l'occasion ou jamais de le faire. C'est dire que cette note de 1937 équivaut à une reconnaissance
tacite de la souveraineté hondurienne dans le secteur du Goascorán par les autorités salvadoriennes
qui se trouvaient dans une circonstance appelant normalement une réaction. Ce qui signifie, en
transposant les termes mêmes utilisés par la Cour dans l'affaire du Temple de Préah Vihéar : ou bien
El Salvador "ne pensait pas en réalité posséder de titre de souveraineté - ce qui correspondait
- 34 -
parfaitement à l'attitude qu'il avait toujours observée ... - ou bien qu'il avait décidé de ne pas faire
valoir son titre, ce qui signifierait encore une fois qu'il admettait les prétentions ...
(C.I.J. Recueil 1962, p. 31) du Honduras dans le secteur du Goascorán. Cette note du 21 août 1937
constitue par conséquent une reconnaissance, sans équivoque, de la souveraineté hondurienne et de la
frontière du Rio Goascorán.
Il en est exactement de même de la note adressée, par l'ambassadeur d'El Salvador à
Tegucigalpa, le 26 février 1943, au secrétaire d'Etat aux relations extérieures du Honduras (RH,
annexes, vol. I, annexe VI.6, p]. 369-370; cf. RH, vol. II, chap. IX, p. 770-775, par. 67-71), à la
suite d'incidents frontaliers survenus dans la zone d'El Rincon de la Ceiba. Cette note de 1943
transmettait en effet aux autorités honduriennes le rapport d'un garde-côte salvadorien qui affirmait à
plusieurs reprises qu'"il est bien connu que la ligne qui divise les deux Républiques est le fleuve
Goascorán".
On pourrait multiplier les exemples de ce genre, de documents officiels émanant des autorités
salvadoriennes, aussi bien locales que centrales, qui sont autant de preuves de leur acceptation claire,
de leur reconnaissance expresse de la frontière du Rio Goascorán. Pour ne pas abuser de votre
patience, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je citerai seulement, parmi d'autres, les notes
échangées entre les ministres des relations extérieures des deux Etats voisins les
10 novembre 1949-5 janvier 1950 (MH, annexes, vol. I, annexe III.2.43, p. 411) ou encore les
28 février-2 mai 1950 et 7 février 1951 (ibid., p. 414), dans lesquelles le Gouvernement
d'El Salvador mentionne "les démarcations traditionnellement reconnues comme celles des rivières
Goascorán, Lempa, Sumpul, etc.". C'est dire que la limite du Rio Goascorán n'a jamais - je dis bien
jamais - suscité le moindre doute dans l'esprit des autorités salvadoriennes jusqu'en 1972, pas plus
d'ailleurs qu'elle n'en a suscité depuis 1972 et qu'elle n'en suscite encore aujourd'hui devant vous. Il
ne s'agit de toute évidence que d'une revendication purement artificielle.
Si l'on relève quelques-unes des expressions utilisées par la Cour dans sa jurisprudence - "la
notoriété des faits, ... la position de la Grande-Bretagne dans la mer du Nord, son intérêt propre dans
la question, son abstention prolongée", dans l'affaire des Pêcheries norvégiennes
- 35 -
(C.I.J. Recueil 1951, p. 139), "l'attitude uniforme et constante des autorités centrales siamoises à
l'égard du tracé de la frontière indiquée sur la carte" dans l'affaire du Temple de Préah Vihéar
(C.I.J. Recueil 1962, p. 30) ou encore "une acceptation claire et constante" que suppose
l'acquiescement dans l'affaire du Golfe du Maine (C.I.J. Recueil 1984, p. 309, par. 145) - ces
formules, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, s'appliquent mot pour mot à l'attitude de la
Partie adverse dans le secteur du Goascorán.
c) Reconnaissance de la frontière du Goascorán par El Salvador au cours des négociations de
la période 1880-1888, acceptation prolongée de cette même frontière dans la période 1888-1972
dans des circonstances qui appelaient une réaction de sa part, il me reste à évoquer d'un mot, en
troisième lieu, les nombreuses cartes officielles salvadoriennes publiées avant 1972 montrant
clairement le secteur du Goascorán, comme faisant partie intégrante du Honduras.
La réplique hondurienne a analysé la "concordance" cartographique, hautement significative à
cet égard (RH, vol. II, chap. IX, p. 797-880, par. 89-146 et pour les cartes salvadoriennes, ibid.,
p. 814-835, par. 103-114). Je me bornerai par conséquent à renvoyer à cette analyse en rappelant
seulement que, pour la jurisprudence, une carte officielle émanant d'une partie à un différend
territorial ou frontalier et attribuant le territoire contesté à la partie adverse, une carte de ce genre a
une valeur probante particulière. A cet égard, la "Mapa general de la Republica d'El Salvador"
dressée en 1859 par Sonnenstern sur l'ordre du Président de la République d'El Salvador (MH,
annexes, vol. VI, annexe cartographique, carte A.12; cf. RH, vol. II, chap. IX, p. 817-824,
par. 105-107) ou la "Mapa general d'El Salvador" publiée en 1955 dans l'Atlas Censal
d'El Salvador par le ministre salvadorien de l'économie (CMH, annexes, appendice II à
l'annexe XI.1, p. 347-384, carte 1.1 et carte 1.2; cf. RH, vol. II, chap. IX, p. 833-835, par. 114)
sont, parmi d'autres, d'une fiabilité technique et d'un poids spécial en tant qu'éléments de preuve.
Je voudrais ajouter enfin que la cartographie produite par El Salvador lui-même, notamment
dans les deux volumes de l'Atlas annexé à sa réplique (RS, cartographic annexes, vol. I (Atlas) de la
carte 19 à la carte 25 et vol. II (Atlas), de la carte 26 à 29) confirme, si besoin en était, que la
revendication de la Partie adverse sur le secteur du Goascorán n'est vraiment qu'un "paper claim".
- 36 -
*
* *
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'en arrive ainsi au terme de cet exposé sur le
secteur du Goascorán et il semble qu'un véritable faisceau d'éléments convergent dans le sens de la
souveraineté hondurienne, sans être neutralisés ni même affaiblis par la moindre preuve contraire.
C'est pourquoi le Gouvernement du Honduras prie respectueusement la Chambre de rejeter la
thèse d'El Salvador, selon laquelle la frontière doit s'identifier à l'ancien cours du Rio Goascorán de
"Los Amates" jusqu'à l'"Estero La Cutu" et de dire et juger que la frontière entre les deux
Républiques suive, dans le secteur compris entre "Los Amates" et le golfe de Fonseca, la ligne
médiane du Rio Goascorán jusqu'à son embouchure, au nord-ouest des îles Ramaditas, dans la baie
de La Union, en passant par le Rincon de Muruhuaca et par Barrancones.
Conformément aux indications qui figurent sur la carte ci-contre ainsi que sur le croquis n° I
de votre dossier, les coordonnées géographiques du lieu-dit "Los Amates" correspondent, sous
réserve d'un accord entre les experts des deux Parties, à 13°26'28" de latitude nord et 87°43'20" de
longitude ouest. Quant aux coordonnées du point terminal de la frontière terrestre, elles sont de
13°24'26" de latitude nord et 87°49'05" de longitude ouest.
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il ne me reste plus qu'à vous remercier pour votre
patience et pour l'attention avec laquelle vous avez bien voulu m'écouter.
The PRESIDENT: I thank Professor Bardonnet and I would like to know if the Delegation of
El Salvador be prepared to reply this very morning. So the Chamber takes a break of 15 minutes to
allow the Delegation of El Salvador to prepare its presentation.
L'audience est suspendue de 11 h 45 à 11 h 55.
- 37 -
The PRESIDENT: Please be seated.
The sitting is resumed. I give the floor to the Agent of El Salvador, Mr. Martinez Moreno.
Mr. MARTINEZ MORENO: Mr. President, distinguished Members of the Chamber, I now
have the honour to appear before you again, on this occasion, in order to present the oral arguments
of El Salvador in respect of the sixth and last disputed sector of the land frontier, that of the estuary
of the Goascorán River.
In the first place, Mr. President, El Salvador would like to state that this particular sector, the
estuary of the Goascorán River, presents a number of special characteristics which are quite
different from those which apply to the other five disputed sectors of the land frontier. This is due to
the fact that, while in the other five sectors the objective of the litigation is to establish by means of a
territorial delimitation the extent of the sovereignty of each of the Parties, in the estuary of the
Goascorán River the problem rather consists in determining which of the branches of the
Goascorán River constitutes the frontier between the two Parties.
In fact, Article 16 of the General Treaty of Peace of 1980, in its seventh section, delimits the
frontier between El Salvador and Honduras "as far as the point known as Los Amates on the same
Goascorán River" ("hasta el punto denominado Los Amates en el mismo Río Goascorán" in the
original Spanish text). This obviously means that what still has to be determined is the course which
the said Goascorán River had in the year of 1821, the date of the independence of Central America.
Honduras, in its written pleadings (MH, para. 34, pp. 227-228) has presented transcriptions
of pre-1821 documents, transcriptions which can fairly be described as both partial and reduced, in
an attempt to demonstrate that at the critical date of the so-called old course of the Goascorán River,
the one which flows into the sea in the Cutú Estuary opposite the Isla de Zacate Grande, had already
dried up. This claim, as based on the documents transcribed, proves absolutely nothing since the
area in question constitutes a delta, that is to say, an area lying between various branches of the
same river, a sort of triangle formed by land, fresh water and salt water, where the river has some
branches which have dried up and some which still have water flowing through them, simply because
the seasonal variations in the quantities of water flowing down the river have produced constant
- 38 -
change in the course which it has followed. As Honduras itself recognizes, in reality it has not been
possible to establish the date on which the Goascorán River ceased to flow along its so-called old
course, fixed by the Honduran georgrapher, Professor Bernardo Galindo y Galindo, as the branch
which flows into the sea in the de la Cutú Estuary, opposite the Isla de Zacate Grande.
Honduras bases its arguments on the uti possidetis juris of 1821. However, clearly proven
historical facts demonstrate that at that date the Spanish colonial Province of Honduras did not have
any jurisdiction whatever over this region.
The true historical facts have to be disentangled from the semantic confusion created by the
arguments of Honduras, in which various administrative institutions are not called by their correct
title. I, therefore propose, Mr. President, with all due respect and in so far as it is possible, to
establish the true historical facts in accordance with the exact nomenclature which appears in the
appropriate colonial documents.
The presiding Governor of Guatemala had indisputable powers to govern the whole of the area
subject to the jurisdiction of the "Real Audiencia" of Guatemala and, among the many attributes of
his exalted position, had the power to create public offices to deal with specific matters of specific
events. Thus, presiding Governor Diego Garcia de Valverde in 1580 issued a "Real Provisión" in
order to create the office of "Alcalde Mayor" of Mines as a measure to secure sound government; he
did this because of the fact that, according to the testimony of Juan de Guerra Ayala in 1608, when
he was occupying the position of Governor of Honduras, his predecessor in that position had been
engaged in the business of mining and it was consequently inappropriate for him to exercise
jurisdiction in matters concerning mines. In the exact words of this "Real Provisión" of 1580, which
I now quote, "the office of 'Alcalde Mayor' of Mines of Honduras, of San Miguel and their
jurisdictions and of Choluteca, in the Province of Guatemala" was created and Juan Cisneros
de Reynoso was nominated to occupy this office.
The Spanish colonial policy in matters concerned with mining was based on the criterion of
sound government; namely, that of avoiding the nomination as "Alcades Mayores" or
"Corregidores" of Mines of those administrative functionaries, overseers, or persons engaged in the
- 39 -
activity of mining in order to impede any possibilities of abuses of power by such interested parties.
This historical fact is affirmed, with all the weight of his scientific authority, by the Spanish expert
in Indian Law, José Maria Ots y Capdequi, in his work entitled Manual de Historia del Derecho
Espanol en las Indias (Vol. II, p. 163, Edition published in Buenos Aires in 1943). He states: "The
local inhabitants of the place where they had to exercise their jurisdiction and the overseers and the
proprietors of lands or mines could not be nominated to occupy these positions" ("No podian ser
nombrados para el desempeño de estos cargos los vecinos del lugar donde hubieren de ejercer su
jurisdicción ni los encomenderos o propietarios de tierras o minas" in the original Spanish text).
For this reason, the functions of these "Alcaldes Mayores" of Mines were extremely limited,
being exclusively concerned with matters relating to mines and not in any sense including the
exercise of activities which belonged to other functionaries with wider jurisdictions. It is thus
completely proven, I repeat, that the functions of the "Alcalde Mayor" of Mines of the Province of
Honduras or of Tegucigalpa did not embrace any other administrative functions, which continued to
belong to the Governors, to the "Cabildos" and to the other "Alcaldes Mayores".
I wish to emphasize the following points, which have great importance for the purpose of
deciphering and making clear the limited subject-matter over which the said "Alcalde Mayor" of
Mines exercised his jurisdiction. First, his jurisdiction was exclusively over matters related to mines.
Secondly, his functions embraced territories which formed part of the Colonial Province of
Honduras and others which formed part of the Colonial Province of Guatemala, such as San Miguel
and its jurisdiction and Choluteca. Thirdly, this new office reduced the powers of the Governor of
the Province of Honduras who was thenceforth unable to deal with any matters relating to mines.
Fourthly, the administrative control and jurisdiction over San Miguel and Choluteca remained in the
hands of the "Real Audiencia" of Guatemala.
Everything which I have stated above is confirmed by a report presented by the Governor of
Honduras, Alonso de Contreras Guevara, to the King of Spain in 1582; in this report, he
complained about the fact that the Governor of Guatemala Diego García de Valverde "had
established an 'Alcalde Mayor' of the said mines with a salary paid out of the Royal Treasury" and
- 40 -
asked that the limitation of his powers which had thus been produced be considered, by way of
appeal, by the Royal Council of the Indies (CMES, p. 172, para. 6.17).
The appointments of "Alcaldes Mayores" of Mines, broadly similar in their terms to that in
favour of Juan Cisneros de Reynoso, continued until 1652, the appointees being described in their
letters of appointment as "Alcaldes Mayores of Mines and Registries in the Province of Honduras
and in those of Acapaco and Choluteca in the Province of Guatemala"; this has been fully proved by
El Salvador by means of the documents which it has presented to the Chamber.
In fact, the Annexes of the Counter-Memorial of El Salvador (Vol. VII) cite various
appointments of such functionaries, such as Juan Espinoza Pedruja on 22 January 1618, of José de
Orozco on 29 November 1634, and of Juan de Alvarado on 12 June 1652, in all of which it is stated
with both precision and clarity that Choluteca still remained in the Province of Guatemala. I wish to
reiterate this point since I consider it extremely important to prove in an irrefutable manner that
Choluteca, over which Honduras is attempting to justify its rights, belonged to the Province of
Guatemala and not to the Province of Honduras.
The Honduran historians are accustomed to change or cut the texts of colonial documents
when this process suits the territorial interests of Honduras. The historian Rómulo E. Durón, in his
work entitled Bosquejo Historíco de Honduras 1502 à 1921 (RH, pp. 739-740, para. 38), for
example, in mentioning the list of the townships over which the "Alcaldes Mayores" of Mines
exercised jurisdiction in matters of mines, even though he included the Salvadorian township of
Pasaquina, deliberately omitted the key names "the district and jurisdiction of San Miguel", which
appear in the original document.
In the 18th century, the said "'Alcaldía Mayor' of Mines of the Province of Honduras and of
Choluteca" was transformed into the "'Alcaldía Mayor' of Tegucigalpa in the Provinces of
Guatemala"; this is proven from the appointments of its "Alcaldes Mayores" in the period from
1714 to 1722 (CMES, p. 176, para. 6.21). I repeat that in these documents the functionaries so
appointed were described as "'Alcalde Mayor' of Tegucigalpa in the Provinces of Guatemala"
(CMES, Annexes, Vol. VII, Ann. IX, pp. 145 et seq.).
- 41 -
Subsequently, the "Alcaldía Mayor" of Tegucigalpa was, by means of a "Real Cédula" of
1791, annexed to the Intendency of Comayagua. This annexation proves conclusively that prior to
that date the said "Alcaldía Mayor" did not belong to the Province of Honduras since, if it had
belonged to the Province of Honduras, no such annexation, would have been necessary; this is
simply because at that time the Intendency of Comayagua was already part of the Province of
Honduras.
Honduras thus exercised administrative jurisdiction over the "Alcaldía Mayor" of Tegucigalpa
as from 1791. This is a proven historical fact. However, this jurisdiction only lasted for 27 years, a
little more than a quarter of a century, since on 24 January 1818 the King of Spain issued another
"Real Cédula" ordering that the "Alcaldía Mayor" of Tegucigalpa should be separated from the
Intendency of Comayagua and should become independent, subject to the jurisdiction of the
presiding Governor of Guatemala. This was the situation in which the "Alcaldía Mayor" of
Tegucigalpa remained, that is to say separated from Honduras, from then until the critical date of
1821.
This "Real Cédula", issued three years before the independence of Central America, contained
in its relevant sections, the following decisive statements (I do not propose to read the Spanish text,
which can be found in the Annexes to the Counter-Memorial of El Salvador, Volume V, Annex VII
at pages 65 et seq. and also in the written text of this pleading; I will instead read merely the English
translation thereof):
"The King [to] the Governor Captain General and President of my 'Real Audiencia' of
the Provinces of the Kingdom of Guatemala: In compliance with the 'Real Orden' of
28 April 1807, which anticipated that in this Superior Council of the Royal Treasury a Report
should be drawn up in relation to the separation of the Judicial District of Tegucigalpa from
the Government and Intendency of Comayagua and the re-establishment of the 'Alcaldía
Mayor' in the former, as it was in the year 1788, your predecessor sent with a letter of
3 March 1816 some documents from which it results that this Superior Council in view of
what has happened in relation to this matter agreed unanimously the re-establishment of the
said 'Alcaldía Mayor' as it was in the said year of [17]88 ... it is my wish that with the
greatest zeal and activity, without delay and with all the speed which such instructions require,
you should put this into effect. Date[d] in Palacio 24 January 1818."
This "Real Cédula", issued only a few years before the independence of Central America,
complied with all the relevant legal procedures and not only the presiding Governor of Guatemala
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and the "Fiscal" of the "Real Audiencia" of Guatemala but also the Governor Intendent of
Comayagua and the Tribunal of its "Audiencia" complied fully with its terms. To sum up, the
"Alcaldía Mayor" of Tegucigalpa thus became independent of the Government and the Intendency of
Comayagua.
The above discussion proves in a decisive, irrefutable and completely clear manner that
Honduras cannot justify its territorial rights in the Estuary of the Goascorán River on the basis of the
uti possidetis juris of 1821; this is simply because at the date of the independence of Central
America the "Alcaldía Mayor" of Tegucigalpa did not belong to the Province of Honduras.
On the other hand, on the basis of what has been affirmed by Honduras in its written
pleadings, it is possible to prove the following points. First, the Goascorán River was during the
colonial period the boundary line between the Salvadorian Province of San Miguel and the "Alcaldía
Mayor" of Tegucigalpa. Secondly, the Honduran historians, especially Bernardo Galindo y Galindo
in his work Monografía del Departamento de Valle, have recognized, in the words of the latter, that
"on the left bank [of the Goascorán River] are found traces of its original river bed ... which
had its mouth in the de la Cutú Estuary opposite the isla de Zacate Grande" (see MES,
para. 6.67).
Thirdly, the basic Official Honduran Map entitled Bahía de Chismuyo Number 2656 II, which has a
scale of 1:50,000, records the course of the old river bed of the Goascorán River by means of two
parallel lines and gives it the name "Rompición de los Amates". This line continues as far as the de
la Cutú Estuary.
Consequently, if the Goascorán River is the dividing line and if its old course had its mouth in
the de la Cutú Estuary, then the territorial jurisdiction of San Miguel extended during the colonial
period as far as the old river bed which finished in the de la Cutú Estuary in the Golfo de Fonseca.
Further, El Salvador has in its favour the "Reales Cédulas" of 1563 and 1564, which have
been presented as part of the written pleadings of El Salvador, by means of which the King of Spain
ordered that all the Golfo de Fonseca should be included in the Province of Guatemala and excluded
from the Province of Honduras. These "Reales Cédulas" clearly fix the boundaries of the Province
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of Guatemala; the King of Spain stated:
"Consequently we declare and we order that the said 'Gobernación' of Guatemala shall
have as its boundaries and its area from the Bahía de Fonseca inclusive and the Ulúa River
inclusive." (See the Annexes to the Memorial of El Salvador and the book entitled Limites
entre Guatemala y Honduras, Vol. I at p. 155.)
Having concluded this first part of my oral statement, Mr. President, I feel that it is
appropriate for me now to make some comments on one particular affirmation which appears in the
Reply of Honduras. Honduras there alleges that, while it (Honduras) has always maintained one and
the same line for the purposes of establishing the boundary formed by the Goascorán River, that is to
say what Honduras calls the most northerly branch of that river as far as its mouth in the Bahía de la
Unión to the north-west of the Islas Ramaditas, El Salvador has, on the other hand, maintained a
multitude of different positions. In this respect, Mr. President, I would like respectfully to draw to
your attention and to the attention of the other distinguished Members of the Chamber the following
point: this affirmation by Honduras refers to a variety of different positions allegedly adopted by
El Salvador since the independence of Central America. Even were this affirmation true, which is
not in fact the case, it would not in any event affect the operation of the principle of uti possidetis
juris, on the strength of which Honduras is seeking to justify its claims to the Estuary of the
Goascorán River, a basis which, as I have shown in the first part of my oral statement, has no legal
foundation whatsoever. Besides, as El Salvador has repeatedly stated in its written pleadings in this
case, the allegation that El Salvador has varied its position in this respect is simply not true. At no
time and in none of the meetings of the various boundary commissions which have taken place
between the Parties has El Salvador ever either recognized this particular claim of Honduras or itself
alleged any frontier line other than that formed by the old course of the Goascorán River as far as its
mouth in the Golfo de Fonseca, that is to say in the de la Cutú Estuary in the district of Pasaquina, in
the Department of La Unión in the Republic of El Salvador.
It is admittedly true, that in the course of the negotiations which took place between the
Parties in Antigua Guatemala in 1972, El Salvador did make a proposal of a conciliatory nature with
a view to reaching a negotiated settlement of the dispute which is at present before the Chamber;
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this proposal envisaged the sacrifice by El Salvador of a substantial part of its territory in the
Estuary of the Goascorán River by virtue of the acceptance as the frontier of another branch of the
Goascorán River whose mouth is in the del Coyal Estuary to the north-east of the Isla de Conejo.
However, when the intransigence of Honduras prevented this proposal from being accepted,
El Salvador logically returned to the position which it has always adopted and which it is now
presenting before the Chamber for its definitive resolution.
This change of position which Honduras alleges was made by El Salvador in 1972 when it
made this conciliatory proposal is similar to the approach which Honduras adopted in 1985 in
relation to another of the disputed sectors of the land frontier, namely the second disputed sector of
Las Pilas or Cayaguanca. During the meetings of the Joint Boundary Commission in 1985, the
representatives of Honduras similarly proposed what they described as a compromise solution to the
boundary dispute in that second disputed sector. However, this proposal was not acceptable to or
accepted by El Salvador (see MH, Vol. I, at p. 199). Honduras modestly describes its conciliatory
proposal as "an exchange of opinions". In order to be consistent with the terminology which it has
used with respect to the similar conciliatory proposal made by El Salvador in 1972, would it not be
more appropriate and correct for Honduras rather to describe its own conciliatory proposal as "a
change of position"? I therefore have no hesitation, Mr. President, in maintaining firmly that
El Salvador, basing itself on the principle of uti possidetis juris, has at all times sustained and is still
sustaining the same juridical position.
I now propose, Mr. President, to turn my attention to the documents which Honduras has
presented in support of its claim to this sector.
Honduras has, in its lengthy written pleadings, presented to the Chamber documents relating
to areas which are not relevant to the disputed sector of the land frontier which is at present being
considered by the Chamber but which instead relate to neighbouring sectors where the frontier has
already been delimited. This is the case, for example, with the document recording the measurement
of the common lands of Goascorán (not of the Goascorán River) of 1821; these Commons are
positioned between the Honduran townships of Goascorán and Alianza and form part of a sector of
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the frontier which is further to the north, which was delimited by the General Treaty of Peace of
1980, and whose demarcation is already well advanced (see Map 3.K in the Counter-Memorial of
El Salvador immediately after page 127).
Equally, the document recording the measurement of the common lands of Langue of 1821
involves lands the majority of which also belong to an area which is not in dispute (see again Map
3.K in the Counter-Memorial of El Salvador).
This document relating to the common lands of Langue which Honduras has presented, far
from favouring or justifying the claims of Honduras based on the principle of uti possidetis juris, on
the contrary, only serves to prove that prior to the date of the independence of Central America in
1821, the mouth of the Goascorán River was not located opposite the Islas Ramaditas in the Bahía
de la Uníon or Golfo de Fonseca, as Honduras is claiming.
Exactly the same is true, Mr. President, of the extremely lengthy and repetitive discussions in
the Reply of Honduras on the subject of maps, in which Honduras affirms, without actually
managing to prove, that, of the 88 maps which according to Honduras were published in the period
between 1826 and 1974, the immense majority confirm the validity of the claims of Honduras in this
disputed sector.
I should start by observing that Honduras has not presented more than a minimal proportion
of those 88 maps and has only analysed a few of those which it has actually presented. I should also
observe that the Geographical and Cartographical Institutes both of Honduras and of El Salvador
were established only a few decades ago. Consequently, any map published prior to the
establishment of these institutes was generally produced without any particular technical expertise
and so amounted to little more than a copy of the map before.
Further, some of these maps, such as that published by a company engaged in the sale of
petroleum for distribution to its clients in petrol stations, obviously lack the reliability and precision
necessary for the establishment of State and provincial boundaries, while others, such as the World
Atlases presented by Honduras, obviously cannot be expected to indicate clearly the various
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branches of a river as small and as little known as the Goascorán River.
It is a patent fact, Mr. President, that all the maps mentioned by Honduras are, without one
single exception, maps produced after the critical date of 1821 or, to use the terminology adopted by
Honduras, maps from the republican era. This is extremely significant given that the Party which
has presented these maps is trying to justify its claims on the basis of the uti possidetis juris of
1821.
I am not unaware, Mr. President, that maps, although they constitute an element which, in
comparison with the effect of Title-Deeds, is of a secondary nature, as was stated in the
Burkina Faso/Mali case, which has been cited so many times by Honduras in these proceedings,
may nevertheless be contributory factors assisting in the process of proving any particular thesis.
However, in the present case it is an evident fact, as I have already attempted to demonstrate, that
the "Alcaldía Mayor" of Tegucigalpa did not in the decisive period, that is to say in the years
immediately prior to 1821, belong to the Province of Honduras but rather continued to form part of
the "Gobernación" of Guatemala.
No number of maps produced subsequent to the key date of the independence of Central
America can in any way whatsoever alter the fact that Honduras is not able to demonstrate that its
claims are in accordance with the principle of uti possidetis juris as developed in the various
boundary disputes between the former Spanish colonies in Central and Southern America.
However, I wish to draw the attention of the Chamber to a fact which will undoubtedly have
considerable relevance to the decisions adopted not only in respect of the other disputed sectors of
the land frontier, but also in respect of the other issues in this litigation, namely the juridical status of
the islands and the maritime spaces.
The important fact in question is that the lengthy expositions of cartographical questions made
by Honduras in its Reply do undoubtedly serve as proof and recognition of the sovereign rights of El
Salvador over other territories which are in dispute in this litigation. Many of the maps which have
been presented by Honduras in support of this claims over the estuary of the Goascorán River,
adjudicate in the clearest possible manner to El Salvador not only the Isla de Meanguera and the Isla
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de Meanguerita but also other islands in the Golfo de Fonseca or Bahía de la Unión which have been
traditionally recognized as belonging to El Salvador.
This is the case with the official maps of the Republic of Honduras drawn up in 1886 by
A. T. Byrne (Map A.16 in the Atlas appended to the Memorial of Honduras), in 1907 by
E. P. Mayes (Map 21 in the Atlas appended to the Reply of El Salvador), and in 1909 by
E. C. Fiallos (Map 23 in the Atlas appended to the Reply of El Salvador).
These same islands are also adjudicated to El Salvador in other maps mentioned by Honduras
in support of its claims over the estuary of the Goascorán River, either by virtue of the system of
colouring adopted or by virtue of other distinctive signs. These are the maps illustrating the Census
of the Department of Valle, Honduras, drawn up in 1902 (Map 24 in the Atlas appended to the
Reply of Honduras), the Map of the Golfo de Fonseca drawn up by the Marine Corps of Nicaragua
in 1913 (Map 22 in the Atlas appended to the Reply of El Salvador) and the Map of Central
America prepared by the American Geographical Society in 1937 (Map 25 in the Atlas appended to
the Reply of El Salvador).
It is logical, Mr. President, that a Party to legal proceedigs who presents documents or maps
to the Tribunal in question should have to accept both the aspects which are favourable to its claims
and those which are prejudicial thereto. I therefore wish once again, with the deep respect which
you, Mr. President, and the other distinguished Members of the Chamber merit, to ask that this most
important factor should be taken fully into account when consideration is being given as to the
decisions to be reached in respect of the other territories in dispute in these proceedings.
I would next like, Mr. President, to make a brief reference to the mention made by Honduras
in its written pleadings to the small area which covers the land comprised between the two branches
of the old course of the Goascorán River, an area which is known as the Isla de Calicanto.
The documents recording the measurements of the Isla de Calicanto which are being relied on
by Honduras date from 1861 and 1864 respectively. Both of these dates are some considerable time
after the independence of Central America. Consequently, these documents can in no way undermine
or invalidate either the fact that the "Reales Cédulas" of 1563 and 1564, to which reference has
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already been made, ordered that the whole of the Golfo de Fonseca should remain within the
Province of Guatemala and not within the Province of Honduras, or the fact that the territorial
jurisdiction of the Province of San Miguel in El Salvador extended as far as the old bed of the
Goascorán River, that is to say the branch which has its mouth in the de la Cutú estuary in the Golfo
de Fonseca.
Finally, Mr. President, I turn to the last part of my statement, namely the manner and effect of
the changes in the course of the Goascorán River.
This is a matter in respect of which the Parties are in disagreement. El Salvador has
maintained that the changes in the course of the Goascorán River have ben due to the sudden and
violent increases in the volume of water in and the level of the river which periodically occur.
Honduras on the other hand, has denied that such changes in the course of the river are due to
convulsions of this type. Nevertheless, the Reply of Honduras does cite various official Honduran
documents in which it is affirmed, absolutely correctly, that every winter there are considerable
increases in volume and level of this kind which affect the course of the river.
What is more, in reality the Goascorán River experiences periodically, at intervals of four or
five years, extremely substantial increases in the volume of water therein and the level thereof which
cause it to overflow its course in its last few kilometres. The best possible proof of this is the
overflowing of the banks of the Goascorán River which took place last winter in the section of its
course situated between the points known as El Olanchano and Los Amates, which indeed constitutes
the final part of the Seventh Sector of the land frontier which was delimited in the General Treaty of
Peace of 1980.
This overflowing of the banks of the Goascorán River last winter was so violent that it
managed to wash away some of the boundary markers which the Joint Commission of Demarcation
of El Salvador and Honduras had already erected; some of these boundary markers can be found at
the moment lying at the bottom of the river. A survey has already been planned in order to deal once
again with the erection of these boundary markers; all that is now necessary for these joint works to
be carried out is that the two Parties should agree upon a mutually convenient date.
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This sort of behaviour by the Goascorán River is not at all unusual and lends support to the
idea that, at some particular moment in the past when this phenomenon occured, the Goascorán
River changed its course, abandoning what was up until then its natural course leading towards the
de la Cutú Estuary and beginning to flow down some other course such as that which it follows at
the present time.
Once the Goascorán River had changed its course away from its former and original river bed,
Honduras, as it indeed recognizes clearly in its Reply (para. 50, pp. 755 et seq.; para. 54,
pp. 758-759), with the undoubted intention of preventing the course of the river from returning to its
old river bed, decided to construct a dike; this is indeed still in its original position as irrefutable
proof that the hand of man has intervened in this particular place to restrain the activities of natural
phenomena. Indeed, in its Reply (p. 759) Honduras cites a document produced by its Secretary of
State for Development, Agriculture, and Labour, in which it is indicated that:
"Les moyens d'action les plus efficaces pour empêcher la progression du fleuve sont les
suivants: placer, à la source ou à l'endroit où le fleuve a commencé sa progression, une digue
faite de chaux et de pierre, assez profonde, de façon à ce qu'elle puisse dévier ou contenir les
grandes crues du fleuve, en les repoussant sur la rive opposée; il faudrait ensuite, à partir de
là constituer palissade tout le long de la ligne actuelle." (Original emphasis.)
In the written pleadings presented by both Parties in these proceedings, there exists ample
proof of the existence of this dike, which was constructed just as much to contain the periodical
increases which periodically occur in the volume of water in and level of the river as to impede the
return of the course of the river to its former bed. An illustration is the correspondence in
June 1920 (which is set out in the Reply of El Salvador in paragraph 3.100 at pages 100-101)
between the Minister of War and Marine and the Minister of External Relations of El Salvador
which the latter subsequently transmitted to his counterpart in Honduras. The Minister of War and
Marine stated (ibid.):
"I must not omit to point out to you that according to information the Hondureñan
Government has appropriated a strip of land from our territory by virtue of the fact that the
Goascorán River has changed course; the strip referred to has an areas of five leagues in
length by three in bredth ..."
The size of the area of land involved makes clear the extent of the change in the course of the
Goascorán River which took place in 1920.
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Further, from the point of view of El Salvador, the problem of such changes in the course of
the river is aggravated by the tendency of currents which flow from north to south in Central and
Southern America to change their course towards the west. This phenomenon is known as the "Law
of Babinet or or Baer" (RES, para. 3.101, p. 101).
The fact that, according to this law, variations in the course of a river are produced by the
currents driving against its right bank is a clearly proven phenomenon in the rivers of the Pacific
Basin such as those of El Salvador. A very relevant illustration is the case of the Paz River, which
constitutes the frontier between El Salvador and Guatemala. On the occasion of the cleaning and
confirmation of the various boundary markers carried out by the International Commission of
Boundaries and Waters formed by El Salvador and Guatemala in 1974, it was established that the
Paz River had changed its course towards the west and had consequently invaded the territory of
Guatemala, leaving an area of approximately 30 hectares between boundary markers 58 and 56
adjoining the territory of El Salvador on the eastern side of the river. This land had been occupied in
good faith by citizens of El Salvador; they were moved to another place and this portion of the
territory of Guatemala was duly returned to its National Boundary Commission.
It also seems to me that it would be appropriate for me to mention a further fact that
corroborates this systematic movement of the course of rivers towards the west. The special
boundary marker on the Guatemaltecan side of the frontier which marks the mouth of the Paz River,
which of course constitutes the starting point of the frontier between Guatemala and El Salvador, is
frequently demolished by the increases in the volume of water in and the level of the river which take
place during the winter.
Since the Golden Age of Roman Law, the writers of legal treatises have studied the juridical
effects of changes in course of flowing currents. These problems were analysed in both the Institutes
and the Digest of Justinian and it was indicated therein that the course and consequently the banks of
a river could be affected by the following four factors: first, by aluvio (alluvium); secondly by
avulsio (convulsion); thirdly, by the formation of islands; and, fourthly, by a change of river bed.
A change of river bed, which is what has really occurred in the case of the Goascorán River,
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produces the result, according to Book 2, Title I, Number 23, of the Institutes of Justinian, that the
lands in question, including the river bed, continue to belong to their former proprietors qui prope
ripam eius praedia possident (who possess lands next to its shores). This principle was also
recognized by the Spanish colonial legislation, especially by the Law XXXI of the Partidas of
Alfonso El Sabio, by the Code Napoleón, and by the laws of the United Kingdom, the United States
of America, and of the majority of the Latin American States. All this was expressed, with ample
documentation, in the Pleadings of Mexico in the Arbitration of Chamizal (see La Memoria
Documentada del Juicio de Arbitraje del Chamizal Vol. I, pp. 238 et seq., published by Talleres de
Artes Gráficas, Granja Experimental de Zoqueipa, Mexico D.F., in 1911).
Taking into account the principles mentioned above, the Memorial of El Salvador (in
para. 6.66) resumed the position of El Salvador in the following form:
"In the Arbitration of El Chamizal in 1911, it was recognized that a total change in the
course of a river does not bring about any change in the States' ownership of the lands situated
between the old and the new courses of the river. It was accepted in these negotiations
between Mexico and the United States of America that there is a rule of Public International
Law to the effect that: 'if a river abandons its former course, the international boundary
remains the middle of the abandoned course of the river'. Thus the former course of the river,
now dry land because of the change in the water course, remains the international frontier."
This rule of public international law, and naturally also of civil law, was applied by a majority
of the Tribunal of Arbitration in the case of El Chamizal. What had been formed by alluvium, by a
slow and gradual accession, was adjudicated to the United States of America and the part which had
been formed by a violent and sudden change in the course of the river was adjudicated to Mexico.
Inspired by a judicial decision which undoubtedly took principles of equity into account, El Salvador
proposed to Honduras in 1972 an agreed solution which would have adopted as the frontier the
intermediate branch of the Goascorán River whose mouth is opposite to the Isla de Conejo in the
Gulf of Fonseca. However, as has already been seen, this proposal was in fact rejected by
Honduras.
In any event, Mr. President, El Salvador requests with all due respect both to you and to the
other distinguished Members of the Chamber that the line of the boundary in the Estuary of the
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Goascorán River should at least be fixed in a definitive manner, since El Salvador, a country with a
very limited territorial extension and a population which is, relatively speaking, very numerous, must
not continue losing more and more of its territory by reason of the continuous changes of the course
of the Goascorán River towards the west.
That concludes the first statement of El Salvador in relation to this sixth disputed sector. I
thank you, Mr. President, and the other distinguished Members of the Chamber, for the attention and
courtesy with which you have followed by exposition. Thank you very much.
The PRESIDENT: I thank Ambassador Alfredo Martínez Moreno. I would like to enquire of
the delegation of Honduras whether they would be prepared to speak tomorrow morning or tomorrow
afternoon, at their choice.
Mr. VALLADARES SOTO: Mr. President, Honduras will be ready to answer tomorrow
afternoon.
The PRESIDENT: So the sitting is adjourned till tomorrow at 3 o'clock.
The Chamber rose at 12.50 p.m.
___________
Audience publique de la Chambre tenue le mardi 21 mai 1991, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre