Audience publique de la Chambre tenue le jeudi 16 mai 1991, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre

Document Number
075-19910516-ORA-01-00-BI
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
1991/25
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

C 4/CR 91/25
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
YEAR 1991
Public sitting of the Chamber
held on Thursday 16 May 1991, at 10 a.m., at the Peace Palace,
Judge Sette-Camara, President of the Chamber, presiding
in the case concerning the Land, Island and Maritime Frontier Dispute
(El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening)

VERBATIM RECORD

ANNEE l991
Audience publique de la Chambre
tenue le jeudi 16 mai 1991, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre
en l'affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant))

COMPTE RENDU

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Present:
Judge Sette-Camara, President of the Chamber
Judges Sir Robert Jennings, President of the Court
Oda, Vice-President of the Court
Judges ad hoc Valticos
Torres Bernárdez
Registrar Valencia-Ospina

- 3 -
Présents :
M. Sette-Camara, président de la Chambre
Sir Robert Jennings, Président de la Cour
M. Oda, Vice-Président de la Cour, juges
M. Valticos
M. Torres Bernárdez, juges ad hoc
M. Valencia-Ospina, Greffier

- 4 -
The Government of El Salvador is represented by:
Dr. Alfredo Martínez Moreno,
as Agent and Counsel;
H. E. Mr. Roberto Arturo Castrillo, Ambassador,
as Co-Agent;
and
H. E. Dr. José Manuel Pacas Castro, Minister for Foreign Relations,
as Counsel and Advocate.
Lic. Berta Celina Quinteros, Director General of the Boundaries'
Office,
as Counsel;
Assisted by
Prof. Dr. Eduardo Jiménez de Aréchaga, Professor of Public
International Law at the University of Uruguay, former Judge and
President of the International Court of Justice; former President
and Member of the International Law Commission,
Mr. Keith Highet, Adjunct Professor of International Law at The
Fletcher School of Law and Diplomacy and Member of the Bars of
New York and the District of Columbia,
Mr. Elihu Lauterpacht C.B.E., Q.C., Director of the Research Centre
for International Law, University of Cambridge, Fellow of Trinity
College, Cambridge,
Prof. Prosper Weil, Professor Emeritus at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Dr. Francisco Roberto Lima, Professor of Constitutional and
Administrative Law; former Vice-President of the Republic and
former Ambassador to the United States of America.
Dr. David Escobar Galindo, Professor of Law, Vice-Rector of the
University "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador)
as Counsel and Advocates;
and
Dr. Francisco José Chavarría,
Lic. Santiago Elías Castro,
Lic. Solange Langer,
Lic. Ana María de Martínez,
- 5 -
Le Gouvernement d'El Salavador est représenté par :
S. Exc. M. Alfredo Martínez Moreno
comme agent et conseil;
S. Exc. M. Roberto Arturo Castrillo, Ambassadeur,
comme coagent;
S. Exc. M. José Manuel Pacas Castro, ministre des affaires
étrangères,
comme conseil et avocat;
Mme Berta Celina Quinteros, directeur général du Bureau des
frontières,
comme conseil;
assistés de :
M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, professeur de droit international
public à l'Université de l'Uruguay, ancien juge et ancien
Président de la Cour internationale de Justice; ancien président
et ancien membre de la Commission du droit international,
M. Keith Highet, professeur adjoint de droit international à la
Fletcher School de droit et diplomatie et membre des barreaux de
New York et du District de Columbia,
M. Elihu Lauterpacht, C.B.E., Q.C., directeur du centre de recherche
en droit international, Université de Cambridge, Fellow de Trinity
College, Cambridge,
M. Prosper Weil, professeur émérite à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Francisco Roberto Lima, professeur de droit constitutionnel et
administratif; ancien vice-président de la République et ancien
ambassadeur aux Etats-Unis d'Amérique,
M. David Escobar Galindo, professeur de droit, vice-recteur de
l'Université "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador),
comme conseils et avocats;
ainsi que :
M. Francisco José Chavarría,
M. Santiago Elías Castro,
Mme Solange Langer,
Mme Ana María de Martínez,
- 6 -
Mr. Anthony J. Oakley,
Lic. Ana Elizabeth Villata,
as Counsellors.
The Government of Honduras is represented by:
H.E. Mr. R. Valladares Soto, Ambassador of Honduras to the
Netherlands,
as Agent;
H.E. Mr. Pedro Pineda Madrid, Chairman of the Sovereignty and
Frontier Commission,
as Co-Agent;
Mr. Daniel Bardonnet, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Derek W. Bowett, Whewell Professor of International Law,
University of Cambridge,
Mr. René-Jean Dupuy, Professor at the Collège de France,
Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Julio González Campos, Professor of International Law,
Universidad Autónoma de Madrid,
Mr. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, Professor of International Law,
Universidad Complutense de Madrid,
Mr. Alejandro Nieto, Professor of Public Law, Universidad
Complutense de Madrid,
Mr. Paul De Visscher, Professor Emeritus at the Université de
Louvain,
as Advocates and Counsel;
H.E. Mr. Max Velásquez, Ambassador of Honduras to the United Kingdom,
Mr. Arnulfo Pineda López, Secretary-General of the Sovereignty and
Frontier Commission,
Mr. Arias de Saavedra y Muguelar, Minister, Embassy of Honduras to
the Netherlands,
Mr. Gerardo Martínez Blanco, Director of Documentation, Sovereignty
and Frontier Commission,
Mrs. Salomé Castellanos, Minister-Counsellor, Embassy of Honduras to
the Netherlands,
- 7 -
M. Anthony J. Oakley,
Mme Ana Elizabeth Villata,
comme conseillers.
Le Gouvernement du Honduras est représenté par :
S. Exc. M. R. Valladares Soto, ambassadeur du Honduras à La Haye,
comme agent;
S. Exc. M. Pedro Pineda Madrid, président de la Commission de
Souveraineté et des frontières,
comme coagent;
M. Daniel Bardonnet, professeur à l'Université de droit, d'économie
et de sciences sociales de Paris,
M. Derek W. Bowett, professeur de droit international à l'Université
de Cambridge, Chaire Whewell,
M. René-Jean Dupuy, professeur au Collège de France,
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Julio González Campos, professeur de droit international à
l'Université autonome de Madrid,
M. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, professeur de droit international
à l'Université Complutense de Madrid,
M. Alejandro Nieto, professeur de droit public à l'Université
Complutense de Madrid,
M. Paul de Visscher, professeur émérite à l'Université catholique de
Louvain,
comme avocats-conseils;
S. Exc. M. Max Velásquez, ambassadeur du Honduras à Londres,
M. Arnulfo Pineda López, secrétaire général de la Commission de
Souveraineté et de frontières,
M. Arias de Saavedra y Muguelar, ministre de l'ambassade du Honduras
à La Haye,
M. Gerardo Martínez Blanco, directeur de documentation de la
Commission de Souveraineté et de frontières,
Mme Salomé Castellanos, ministre-conseiller de l'ambassade du
Honduras à La Haye,
- 8 -
Mr. Richard Meese, Legal Advisor, Partner in Frère Cholmeley, Paris,
as Counsel;
Mr. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mrs. Olmeda Rivera,
Mr. Raul Andino,
Mr. Miguel Tosta Appel
Mr. Mario Felipe Martínez,
Mrs. Lourdes Corrales,
as Members of the Sovereignty and Frontier Commission.
- 9 -
M. Richard Meese, conseil juridique, associé du cabinet Frère
Cholmeley, Paris,
comme conseils;
M. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mme Olmeda Rivera,
M. Raul Andino,
M. Miguel Tosta Appel,
M. Mario Felipe Martínez,
Mme Lourdes Corrales,
comme membres de la Commission de Souveraineté et des frontières.
- 10 -
Le PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. We are proceeding with the hearings
on the fifth disputed sector of the land frontier and I give the floor to Professor González Campos.
M. GONZALEZ CAMPOS : Thank you Mr. President. Monsieur le Président, Messieurs les
Juges, je prends à nouveau la parole à propos du cinquième secteur contesté de la frontière terrestre
que j'ai déjà examiné mardi dernier (C 4/CR 91/22 et 23). Et je le fais pour répondre au brillant
exposé d'hier après-midi de mon éminent et distingué contradicteur, le Président Jiménez de
Aréchaga. Comme Messieurs les Juges s'en souviendront, il avait divisé son intervention en cinq
points (C 4/CR 91/24, p. 10-11); et je lui demanderai à nouveau de bien vouloir me pardonner si,
dans ma réponse, je ne suis pas l'ordre qu'il avait choisi de donner à ces questions. Je compte
néanmoins répondre à ces cinq points et revenir sur d'autres qu'il a soulevés. Mais le plan de mon
exposé sera différent.
- D'abord, je me livrerai à un bref rappel de la position du Honduras sur cette zone en litige,
pour éviter toute équivoque ou confusion, après l'intervention d'hier.
- En deuxième lieu, je traiterai de la question de l'application de l'uti possidetis juris dans ce
secteur et j'examinerai à cet effet les documents présentés par le Honduras ainsi que les conclusions
qui s'en dégagent sur les limites des provinces au sud du Torola.
- En troisième lieu, je me propose de revenir sur le titre foncier de Poloros de 1760. Et en
réponse à ce que mon honorable contradicteur a dit de la force probante indiscutable de ce titre, je
ferai ressortir, d'une part, les défauts dudit titre pour ce qui est du présent litige; et, de l'autre, je
répondrai à la "geographical interpretation" du titre de Poloros, une qualification qui, soit dit en
passant, me paraît tout à fait appropriée : effectivement, c'est bien une modification de la géographie
du secteur que nous présente El Salvador, à laquelle le titre en cause sert de prétexte.
- Et enfin, en un quatrième point, je traiterai des faits postérieurs à 1821. C'est-à-dire, d'une
part, à la situation qui s'est créée entre 1842 et 1879 en matière de limites, dans ce secteur, par suite
du comportement des deux Etats, El Salvador et le Honduras, une situation qui a donné lieu à une
nouvelle limite fondée sur la ligne qui suit le cours de la rivière Torola. D'autre part, je ferai une
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brève référence à un point qui n'a pas été abordé de l'autre côté de la barre : le recours aux
"arguments d'ordre humain" et aux "effectivités".
Voilà donc le plan de mon exposé et, sans plus tarder, je passe au premier point, à savoir :
1. Rappel de la position du Honduras
sur la délimitation du présent secteur
1. La position du Honduras sur les faits et les fondements de droit en ce qui concerne la
délimitation de ce secteur ont été déjà exposés dans la "conclusion" qui marque la fin de mon long
exposé de mardi dernier (C 4/CR 91/23, p. 58-59). Dans cet exposé, il est vrai, les faits examinés
ont été nombreux dans la mesure où le dossier sur ce secteur est particulièrement fourni. Et comme
il a été dit justement devant la Cour dans une plaidoirie de l'affaire du Plateau continental
(Tunisie/Libye), il est un moment, au cours du débat judiciaire devant la Cour, où il est nécessaire de
mettre au clair les éléments essentiels de l'affaire qui sont décisifs en faveur de l'une des Parties
(C.I.J. Mémoires, Plateau continental (Tunisie/Libye), vol. , p. 403).
2. Dans le même but, je voudrais rappeler très brièvement quels sont les points de fait et de
droit essentiels dans le débat actuel entre les Parties sur la délimitation de la frontière terrestre dans
ce secteur. Et pour ce faire, je mettrai en relief les éléments qui, d'après un examen historique, sont
favorables au Honduras.
1) Premier point : si l'on se demande quelles étaient les limites des anciennes provinces de
Comayagua et de San Miguel, la réponse du Gouvernement du Honduras est la suivante : les
documents antérieurs à 1821 permettent d'établir que la première de ces provinces, Comayagua,
s'étendait au sud de la rivière Torola, vu l'existence du village de San Miguel de Sapigre. Et les
limites avec la juridiction de San Miguel peuvent être déterminées d'après le document de 1734 et
aussi, indirectement, grâce à d'autres documents de l'époque, tels que le titre de Poloros lui-même; ce
qui est confirmé d'ailleurs par des documents postérieurs à 1821 concernant les limites de l'Hacienda
de Monteca.
2) Deuxième point : le réarpentage du terrain de Poloros en 1760, c'est-à-dire après
l'extinction du village de San Miguel de Sapigre qui a dû avoir lieu à cette époque, a omis toute
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référence aux limites des juridictions. Et même si le réarpentage a englobé les anciennes terres de
Sapigre au sud de la Torola dans les limites des terres de Poloros, cet acte est dénué de toute portée
en ce qui concerne le problème de la détermination des limites des anciennes provinces. Il s'ensuit
donc qu'en 1760, et jusqu'à preuve du contraire, en 1821, ces limites étaient celles de 1734, établies
d'après le titre de Cojiniquil.
Ces limites des anciennes provinces au sud du Torola sont les suivantes : d'est en ouest, de la
colline du Coyolar jusqu'à la borne du Cerro El Zapote, à la limite des terres de Lislique; et de la
borne du Cerro El Zapote, le point triple des terres de Lislique, de San Miguel de Sapigre et de
Poloros. A l'époque les limites de Sapigre et de Lislique allaient d'ici, del Zapote jusqu'à la borne de
Sisicruz, ou Llano del Camarón, c'est-à-dire au confluent de la rivière Torola avec le ruisseau de
Mansupucagua.
3) Troisièmement : on peut soutenir qu'après 1821, une nouvelle situation s'est créée entre les
deux Républiques s'agissant des limites dans le secteur. En effet, à partir de l'année 1842, elles ont
eu un comportement concordant, dont le point de rencontre est la rivière Torola en tant que limite des
deux Etats. Chacune d'elles a agi sans que l'autre proteste, soit au sud du Torola, pour ce qui est
d'El Salvador, soit au nord de cette rivière, en ce qui concerne le Honduras. Et la situation s'est
maintenue jusqu'à 1879, date à laquelle El Salvador a présenté sa revendication sur le secteur,
justement rejetée par le Gouvernement du Honduras.
4) Finalement, le Gouvernement du Honduras soutient qu'El Salvador n'est pas fondé à
invoquer des "arguments d'ordre humain" et des "effectivités" sur le secteur dans la mesure où il n'a
pas apporté de preuve établissant que dans cette zone contestée existent des communautés
salvadoriennes, ni davantage, qu'il y ait eu exercice des fonctions étatiques de la part de ce pays.
Alors qu'en revanche le Honduras a soumis à la Chambre de la Cour non seulement des preuves de
l'existence de communautés honduriennes mais également des témoignages suffisants sur
l'administration effective du secteur depuis le siècle passé jusqu'à nos jours.
Voilà donc très brièvement le rappel de la position générale du Honduras. Ceci dit, je passe
tout de suite au deuxième point de mon intervention.
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2. L'application de l'uti possidetis juris de 1821 et
les limites des anciennes provinces
1. Dans ce deuxième point, Monsieur le Président, je traiterai de deux questions. La première,
de caractère formel, se rapporte aux documents qui justifient la position du Honduras; documents
qui, comme à l'ordinaire, ont mérité une réfutation de la part d'El Salvador, fidèle à sa méthodologie
du "titre solitaire". La seconde, touchant davantage au fond, porte sur les faits et les arguments qui
nous permettent de déterminer les limites des anciennes provinces avant 1821 au sud du Torola.
A) La validité des documents qui mettent en évidence les limites des
anciennes provinces
1. C'est là, comme Messieurs les Juges le savent bien, une vieille querelle entre les Parties, car
la divergence se répète dans chacun des secteurs de la frontière terrestre. Et cela malgré l'examen
approfondi auquel cette question a donné lieu lors des premières audiences. Revenir sur ce point,
une fois encore, ne fait donc pas avancer le débat puisque la divergence se maintient. Et je ne me
lancerais certainement pas dans cet exercice à ce stade du débat, si ce n'était pour deux raisons qui
me semblent d'importance.
2. La première raison est qu'il y a une grave contradiction dans l'approche d'El Salvador, à
propos du document de 1803 sur les bornes des terres de Cacaoterique. En effet :
- Hier, il a été dit que la description des bornes de Cacaoterique de 1879 était "a unilateral
claim" de la part des habitants de cette communauté et l'accent a été mis comme toujours sur le fait
que : "Obviously this is not a Formal Title-Deed, nor even a Deed conferring private proprietary
rights." (C 4/CR 91/24, p. ??.) Par la suite, nos adversaires ont examiné la reconnaissance des
bornes effectuée par Don Sixto Gonzalez Santino en 1803 et ils ont décrit en détail les actes de
procédure qui font suite à l'acte de reconnaissance proprement dit; et enfin ils ont indiqué qu'il n'a été
effectué aucun réarpentage ni donc aucune concession de terres de la part de l'"Audiencia" de
Guatemala. De cela mon distingué contradicteur a tiré deux conclusions. D'abord, que :
"El Salvador submits that these Cacaoterique documents cannot be taken into consideration by
the Chamber as the basis for a delimitation nor as a factor affecting or weakening the Formal
Title-Deed to the Commons of Poloros." (C 4/CR 91/24, p. 13; les italiques sont de nous.)
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- Cette argumentation d'hier est connue de Messieurs les Juges. Elle se retrouve, en termes
très proches de ceux employés pour l'exposé d'hier, dans le contre-mémoire d'El Salvador,
notamment aux pages 107 à 109 (CMES, p. 197-109, par. 3, 109??). Par ailleurs, Messieurs les
Juges savent aussi que, dans la réplique d'El Salvador, est intervenu un changement radical
d'attitude. En effet, à la section V du chapitre III, consacrée à ce secteur, le chapitre a pour titre :
"Titre officiel des terrains communaux de Santiago Cacaoterique"; et la référence au "Titre officiel
des terrains communaux de Cacaoterique" se retrouve à la réplique aux paragraphes 3.79, 3.80
et 3.81 (RES, p. 87-88, par. 3.79-3.81). Il ne s'agit pas d'une seule fois; trois fois. Et elle est en
plus le titre ou la rubrique d'un chapitre.
La contradiction est donc flagrante entre le contre-mémoire et la réplique d'El Salvador. Et
maintenant, au cours de la phase orale, ce pays revient à sa première position, et cela sans aucune
explication. Ce qui soulève évidemment une question qui, je l'espère, recevra une réponse de la part
de nos adversaires : les documents en cause, les documents de Cacaoterique, sont-ils des "Formal
Titles-Deeds" ? Ou bien n'ont-ils pas ce caractère ? Nous savions, Messieurs les Juges, que dans ce
secteur la géographie change et que les "cerros" montent vers le nord, en changeant de surcroît de
nature puisque les "lomas" ou "hillocks", en changeant, deviennent des hauteurs d'une altitude de
1100 mètres; or, quelque chose de semblable arriverait-il aux documents, lesquels également
changent de nature, selon le bon vouloir, il est vrai très variable, de nos adversaires ?
2. Voilà pour une bonne partie de l'intervention d'hier, laquelle s'achevait sur la première
affirmation dont j'ai donné lecture. Mais la réfutation par El Salvador du document de 1803, selon
la conclusion que j'ai lue, reposait sur une raison, à savoir :
"these papers (Cacaoterique documents) do not constitute a 'document issued by the Spanish
Crown or by any other Spanish authority, civil or ecclesiastical, during the colonial period', as
is required by Article 26 of the general Treaty of Peace of 1980" (C 4/CR 91/24, p. 13).
Cette affirmation est une nouveauté en ce qui concerne les arguments d'El Salvador. Mais les
nouveautés qu'El Salvador nous présente dans cette phase orale sont toutes surprenantes. En effet,
s'agissant du secteur antérieur, celui de Nahuaterique et de Torola ou Naguaterique et
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Colomoncagua, nos adversaires sont énormément préoccupés par le document d'Andrés Pérez
de 1793, relatif à la reconnaissance des bornes des terres de Colomoncagua. Et il y a de quoi, ce
document indiquant les limites des anciennes provinces au sud de la rivière Negro. Et comme
argument définitif pour exclure la "force probante" dudit document, El Salvador a recouru au
tonneau des Danaïdes de l'article 26 du traité général de paix de 1980 et a déclaré que ce document
ne pouvait affecter le titre de Perquín et Arambala dans la mesure où Don Andrés Pérez était "an
incompetent authority" (C 4/CR 91/20, p. 32). Ce qui a entraîné une réponse de ma part dans
laquelle j'ai fait valoir, d'un côté, le mandat reçu par Don Andrés Pérez de l'intendance de
Comayagua et, de l'autre, le fait qu'une telle exigence (la compétence de l'autorité dans la période
coloniale d'après le droit espagnol) ne figure absolument pas à l'article 26 précité du traité général de
paix (C 4/CR 91/21, p. 21-23). Ce qui, au demeurant, n'a fait l'objet d'aucun commentaire dans
l'intervention suivante de mon contradicteur (C 4/CR 91/20, p. 11-13).
Maintenant, l'argument de l'"incompétence" n'ayant pas abouti, on nous en présente un autre,
beaucoup plus radical : les documents de Cacaoterique n'auraient pas été "issued" (délivrés) par une
autorité espagnole. Et cette dernière nouveauté, qui se réclame également de l'article 26 du traité
général de paix est encore plus étonnante. En effet, si l'on parle de la description des bornes faite par
les habitants de cette communauté, elle est transcrite, en espagnol, dans un procès-verbal signé du
commissioné Don Sixto Gonzalez (MH, annexes, vol. IV, p. 1599-1600). Si l'on parle de la
reconnaissance des bornes qu'effectue cette autorité espagnole, elle fait l'objet de six procès-verbaux,
un par journée, et tous sont signés de Don Sixto Gonzalez et des témoins qui l'accompagnaient (MH,
annexes, vol. IV, p. 1601-1604). Il s'agit bien de documents délivrés par une autorité espagnole
pendant la période coloniale; et la raison invoquée par El Salvador est tout bonnement inexacte.
Le document de 1803 sur les terres de Cacaoterique, remplit donc la première condition
requise de l'article 26 précité du traité général de paix. Et on pourra remarquer que ce qui préoccupe
nos adversaires, c'est la deuxième condition : celle qui veut que soient indiquées très précisément, les
limites des territoires, dans la partie occidentale du secteur en litige. Par exemple, le document de
Cacaoterique indique les bornes de Sisicruz ou Llano del Camaron et la borne d'El Carrizal;
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Sisicruz ici, le point triple, et ici Carrizal au confluent de la rivière Torola et du torrent de
Agua Caliente (MH, annexes, vol. IV, p. 1604?? et 1604).
3. El Salvador a fait allusion à la force probante du titre de Cojiniquil des terres arpentées
en 1734 et il a déclaré qu'il s'agissait uniquement d'"A Title-Deed conferring private proprietary
rights" (C 4/CR 91/24, p. 15). Je ne reviendrai pas une fois de plus sur cette vieille distinction
d'El Salvador. Mais je soulignerai d'un côté que ce qui gêne nos adversaires sur ce point, c'est la
borne du "Cerro El Coyolar", sur laquelle, je reviendrai par la suite. Et de l'autre, pour signaler que
d'après la réplique d'El Salvador, il s'agissait bien d'un "titre officiel de terrains communaux" (RES,
par. 3.84, p. 89-90). Ce qui représente une nouvelle contradiction entre la position d'El Salvador
dans la réplique et ce qui a été dit hier par mon éminent contradicteur pour qui il ne s'agit, comme je
viens de le dire, que d'"A Title-Deed conferring private proprietary rights". Et j'espère là aussi que
sa réponse pourra faire la lumière, de manière définitive, sur la nature changeante de ce document
pour El Salvador.
Sortons donc des questions formelles et passons à celles de fond, même s'il est évident
qu'El Salvador s'appuie sur les premières (les questions formelles) pour éluder les faits qui affectent
les secondes ou pour essayer d'en réduire l'importance. Ce qui peut se considérer, à juste titre,
comme un aveu indirect de son impuissance devant les faits.
B) Les limites des terres de San Miguel de Sapigre et les limites des
anciennes provinces au sud de la rivière Torola
1. Pour jeter une certaine clarté sur le débat, je dirai en premier lieu que le Honduras, pour
établir sa conclusion concernant les limites des provinces en 1821, s'appuie sur le document précité,
l'arpentage des terres de Cojiniquil de 1734. Et d'autre part, sur le document même des terres de
Poloros, de 1760, dans la mesure où il garde le silence sur les terres du village de Santiago Lislique,
à partir de la borne El Zapote, et également, il mentionne l'ancien arpentage de 1725 des terres de
Poloros. Par ailleurs, le Honduras s'appuie aussi sur divers documents postérieurs à 1821 qui, d'un
côté, indiquent les limites des terres de Sapigre ou l'emplacement de l'ancien village, et de l'autre, au
XIXe
siècle, nous signalent les limites de l'hacienda de Monteca, à la fois en mentionnant les
"anciennes bornes" de cette propriété malgré qu'elle a été créée en 1842 et en indiquant, dans le
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réarpentage de l'hacienda de Monteca de 1889, où étaient situées les bornes de ces terres, depuis le
Cerro El Zapote jusqu'au Potrero del Ocotillo et la borne de la Guacamaya, sur la rivière Torola; la
Guacamaya est ici. Sur ce point, je me permets tout simplement de renvoyer à mon intervention
antérieure (C 4/CR 91/22, p. 35-55) et aux écrits honduriens.
2. En deuxième lieu, je formulerai certaines remarques sur le point II de l'intervention d'hier
dans laquelle a été mentionnée, de l'autre côté de la barre, la "résurrection" du titre de San Miguel
de Sapigre. Là-dessus, je répondrais simplement en deux points :
- Primo : le Honduras ne prétend pas reconstituer les limites des terres du village de
San Miguel de Sapigre pour opposer ledit titre - que nous ne connaissons pas, c'est un fait - à celui
de Poloros de 1760. Non, la reconstitution des limites de Sapigre, à partir des faits signalés dans
divers documents ne vise qu'à une chose : déterminer, aux fins de l'application de l'uti possidetis
juris quelles étaient les limites des anciennes provinces en 1821. De l'avis du Gouvernement du
Honduras, cette détermination des limites des provinces se dégage des documents susmentionnés. Et
si le Honduras se reporte à divers documents, en l'absence des deux qui font défaut - c'est-à-dire
l'ancien arpentage de Poloros de 1725 et le titre foncier proprement dit de San Miguel de Sapigre -
cela n'est pas un procédé "unorthodox" comme il a été dit hier; c'est la seule méthode possible dans
toute recherche historique.
- Secundo : les données utilisées par le Honduras ont été déjà critiquées par El Salvador dans
ses écrits et hier à nouveau de l'autre côté de la barre. Mais cette critique ne résiste pas à l'analyse,
comme j'espère l'avoir démontré dans ma première intervention et j'y reviens :
- Prenons, pour nous en tenir à l'ordre suivi par mon contradicteur, le document de 1803 sur
les terres de Cacaoterique. Ce document nous indique, comme je l'ai déjà dit, le point triple entre
Cacaoterique, Lislique et Poloros (et auparavant Sapigre; c'est ici, c'est la borne de Sisicruz ou
Llano del Camarón. Pour El Salvador, ces documents de Cacaoterique simplement "are devoid of
validity" ou si l'on préfère "null and void documents" (C 4/CR 91/24, p. 15). Nous assistons là à
une fuite devant les faits dans la mesure où l'argument formel vise à cacher la réalité : la borne de
Sisicruz et la borne du Carizal signalées par lesdits documents de 1803.
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- Ensuite, El Salvador rejette, également sur une base formelle, l'arpentage de Cojiniquil
de 1734. C'est-à-dire le document qui nous apprend que les limites des juridictions partaient de la
colline du Coyolar. El Salvador, pour fuir ce fait, emploie divers arguments : il nous dit d'abord qu'il
s'agit d'une affirmation des vieillards du village de Sapigre - ce qui lui permet de tirer une conclusion
sur les limites des provinces pour le moins surprenante (ibid., p. 15). Deuxièmement, El Salvador
nous déclare qu'El Coyolar se trouve à une "distance considérable" de la rivière Unire et par
conséquent "ne peut être retenu pour une détermination des limites dans ce secteur" (ibid., p. 16).
Nous retrouvons là des vieux arguments qui figurent déjà dans les écrits d'El Salvador (CMES,
par. 3.110, p. 109 et RES, par. 3.84, p. 90). Et la fuite devant les faits se fait encore plus évidente,
dans la mesure où la colline d'El Coyolar non seulement peut-être localisée sur la carte hondurienne
que vous avez devant vous, mais elle peut être localisée ici même sur la carte salvadorienne 3.J (c'est
la dernière carte du jeu que nous vous avons présenté; la carte colorée où sont les limites des terres).
Et là très clairement est indiquée la ligne des points qui viennent de El Ocotillo, El Bolillo et
Coyolar. Et le problème reste car si la limite de juridiction était ici d'après le titre de Cojiniquil - le
titre ne nous intéresse pas en ce qui concerne les terres de Cojiniquil - ce qui nous intéresse c'est le
fait qu'il signale que à un point au sud du Torola et au sud du Guajiniquil, les limites des anciennes
provinces existaient.
- El Salvador doit donc admettre la référence du titre de Cojiniquil et la localisation dudit
point. Mais, confronté aux faits, il cherche une nouvelle échappatoire :
"Even if the hypothetical Formal Title-Deed to the Commons of Sapigre was issued
from Comayagua, en 1760 the 'Real Audiencia' of Guatemala, through the 'Juez Privativo de
Tierras' who has jurisdiction over the different Spanish Colonial Provinces, approved the
Formal Title-Deed to the Commons of Poloros, disregarding any crossing of provincial
boundaries which may have occurred." (C 4/CR 91/24, p. 18); les italiques sont de nous.)
Ce qui s'accompagne d'une citation de l'opinion du Professeur Nieto prise hors contexte et
d'une référence à une "Real Cédula" que je pense par erreur est celle de 1754 qui attribuait aux
"Audiencias" "full powers" pour l'adjudication des "ejidos".
Argument surprenant, mais que nous connaissons déjà. A propos de la zone de Naguaterique
et de Colomoncagua, en effet, mon contradicteur, confronté à la sentence de 1773 qui se fondait sur
- 19 -
la prémisse des limites des provinces sur la rivière Negro ou Quiaguara, a également dit que
l'"Audiencia" de Guatemala, autorité supérieure, pouvait "ignorer les limites entre les provinces", ce
qui lui aurait permis de concéder en 1815 le titre de Perquín et Arambala (C 4/CR 91/20, p. 20).
Maintenant, il revient au même argument, encore que plus prudemment compte tenu de la réponse du
Honduras (C 4/CR 91/21, p. 42-43), et ne dit plus que l'"Audiencia" de Guatemala pouvait "ignore
the provincial boundaries". Mais les raisons que j'avançais alors valent encore pour la présente
occasion et il n'y a qu'à les rappeler : premièrement, une chose est la concession des terres, dans la
province en question ou dans une autre province et autre chose les limites des provinces : les terres
concédées se trouvent dans l'une d'elles et ont été arpentées par les autorités de cette province, là où
elles sont placées. Et deuxièmement, c'est aux autorités d'une province concrète - celle où les terres
sont placées - qu'est confiée la tâche de garantir la possession. Dans le cas de Poloros, cela s'est fait
à partir d'une prémisse qu'ignorait l'"Audiencia" de Guatemala et qui a été passée sous silence dans
l'arpentage de 1760, à savoir que les terres de Sapigre avaient été englobées par dépassement des
limites de Comayagua qui s'étendaient au sud du Torola, entre la colline d'El Coyolar et le Cerro
El Zapote, en passant par la borne du Cerro de las Marías.
3. J'en termine ici pour ce point. Et le résultat auquel nous aboutissons est en fait positif pour
le Honduras, puisqu'El Salvador ne nie pas expressément le fait que les limites des provinces, avant
1821, se soient étendues au sud du Torola. Il essaye simplement d'échapper à ce fait, au moyen de
divers arguments. Mais je crois que pour la Chambre de la Cour, le fait auquel on essaie d'échapper
est bien le fait déterminant, aux fins de l'application de l'uti possidetis juris; et ce fait, après mon
intervention antérieure et l'admission indirecte faite par El Salvador, devient à présent indiscutable.
J'en arrive ainsi au deuxième point où je me pencherai sur le fondement de la position
d'El Salvador.
3. Le titre de Poloros de 1760 comme fondement
de la position d'El Salvador
1. Dans ce chapitre également, je traiterai de deux points, pour répondre à l'habile intervention
de mon adversaire. D'abord, j'étudierai les irrégularités de l'arpentage de 1760, selon le droit
- 20 -
espagnol applicable en la matière; répondant ainsi au point III de l'intervention d'El Salvador. Puis,
j'aborderai l'interprétation que donne El Salvador du document de 1760, la "geographical
interpretation" qu'il a avancée dans son point IV.
A) Les irrégularités de l'arpentage de Poloros de 1760
1. Le Gouvernement du Honduras a traité assez amplement cette question dans ses écrits
(CMH, vol. II, p. 449-458; RH, vol. II, p. 593-616 et spécialement p. 647-662). Et par ailleurs,
dans ma précédente intervention, j'ai fait aussi ressortir les silences, en vérité surprenants, de ce
document, sur divers points (C 4/CR 91/22, p. 42-49).
El Salvador, devant ces critiques, a soutenu la validité de ce document, en s'appuyant sur des
arguments déjà connus. Ainsi, tout d'abord, il a fait valoir que l'"Audiencia" de Guatemala était
habilitée à concéder des terres, en vertu des "Reales Cédulas" de 1591 et 1754 et c'est là "without
imposing upon the Audiencias any obligation to respect provincial boundaries in the process"
(C 4/CR 91/14, p. 21). Ce qui représente un pas en avant par rapport à ce qui était dit auparavant.
Et, deuxièmement, en s'appuyant également sur les dispositions du droit espagnol en la matière, il a
soutenu que l'"Instrucción" de 1746 sur les irrégularités dans les arpentages et réarpentages, se
s'appliquait pas aux "ejidos de reducción", comme c'était le cas pour les "ejidos" de Poloros de 1760.
2. S'agissant du premier argument, je renvoie à nouveau à mon intervention précédente
(C 4/CR 91/21, p. 42-43) et aux données tirées dudit examen. A propos du second argument, je me
contenterai de faire valoir, à titre de rappel, que les "ejidos de reducción", de même que les "ejidos de
población" remontent à la première époque de la présence espagnole en Amérique, les "ejidos de
población" c'est la terre du colonisateur, les "ejidos de reducción" est la terres des Indiens, et la
"reducción" est un mot typique du droit espagnol visant précisément à attribuer à la communauté
indigène un lieu de sédentarisation et à lui procurer des terres pour sa subsistance, mais tout cela est
la première époque. Par contre, le titre de Poloros est concédé à la dernière époque et en vertu de la
"Real Cédula" de 1754; il ne s'agit que d'un "ejido de composición". Et cette donnée n'est pas une
donnée tirée de la déduction, c'est une donnée qui apparaît deux fois dans le document même (MH,
annexes, vol. IV, p. 1588) où il est indiqué qu'on a versé au Trésor royal le prix de la "composición"
- 21 -
et plus concrètement on nous indique qu'on avait versé au Trésor la somme de "cinq pesos"
correspondant à la moitié de sa valeur (parce que les dispositions parlaient de "composición"
modérée pour mettre en relief que dans le cas de communauté indigène elle est payée par le tiers mais
moins que la valeur du marché).
2. Mais cela une fois précisé, penchons-nous sur les irrégularités du document de 1760 selon
le droit espagnol et leur portée aux fins de l'application de l'uti possidetis juris de 1821.
Pour ce qui est des irrégularités de ce document, elles vont à l'encontre des dispositions, très
strictes, du droit espagnol sur les procédures d'arpentage et de réarpentage des terres sous le régime
de la "composition de terres avec la Couronne". Les dispositions les plus importantes en la matière
sont à l'annexe du contre-mémoire du Honduras (CMH, annexes, annexes II.1 à II.17, p. 63-122).
Et vous trouverez, par ailleurs, dans la réplique du Honduras un examen détaillé de ces dispositions
pour ce qui est du document de Poloros de 1760 (RH, vol. II, p. 650-657). Il n'y a donc pas lieu de
répéter ici cet examen, auquel je renvoie.
3. Un point, un seul, mérite pourtant d'être souligné avant de poursuivre. Comme le Honduras
l'a fait observer, il existe, d'un côté, plusieurs irrégularités touchant la procédure de réarpentage
suivie en 1760, irrégularités qui, aujourd'hui, devant une juridiction internationale, ne constituent
qu'un élément de fait, à évaluer avec d'autres éléments concernant cette période.
Mais il y a, d'un autre côté, une irrégularité qui concerne directement la détermination de
"l'instantané territorial à la date critique" (C.I.J. Recueil 1986, p. 568, par. 30) et, par conséquent,
l'application de l'uti possidetis juris de 1821, à savoir : le titre de Poloros a omis les limites des
anciennes provinces au sud de Torola. Et compte tenu du droit espagnol, le fait d'avoir outrepassé le
ressort de la juridiction aurait, sans doute, entraîné, devant l'"Audiencia" de Guatemala, la nullité des
procédures de réarpentage de 1760. Devant la Chambre de la Cour, le problème est autre : une fois
déterminées les limites des anciennes provinces à l'aide d'autres documents et, de ce fait, une fois
rectifiée l'omission desdites limites dans le document de Poloros, il en résulte, en bonne logique, que
le titre de Poloros est sans valeur aux fins de l'application de l'uti possidetis juris de 1821.
B) L'interprétation géographique d'El Salvador du titre de 1760
- 22 -
1. La Partie adverse, au point IV de son intervention, se livre à une interprétation
"géographique" du titre de Poloros de 1760 qui a un objectif triple : d'une part, développer sa propre
interprétation au sujet du torrent de Mansupucagua, en excluant le Torola. D'autre part, en faire
autant pour la localisation des hauteurs de López et de Ribitá. Je répondrai brièvement à ces trois
points. D'abord la rivière Torola.
2. S'agissant du silence du document de Poloros de 1760 sur la rivière Torola, mon distingué
contradicteur va jusqu'à me reprocher de m'être posé diverses questions, apparemment rhétoriques.
En réalité, je ne cherchais qu'à mettre de l'ordre dans les questions débattues et à relever les questions
les plus importantes; c'est une méthode comme une autre d'argumenter. Et comme mon adversaire le
sait bien, cette méthode n'est pas dépourvue de tradition historique dans la science du droit. Il s'agit
du vieil ars inveniendi des juristes romains qui au lieu de partir d'un principe, avec valeur d'axiome,
et d'en tirer des conclusions, suivait une autre démarche de pensée : le centre de réflexion était le
problème, la question à débattre, et autour de ce problème, s'étudiaient et s'analysaient les
arguments. Dit de manière très résumée, il s'agit-là de la pensée dite "topique" ou réthorique, face à
la pensée logique déductive. Une technique d'argumentation qui a été étudiée il y a quelques années
par des auteurs tels que Joseph Esser et Theodor Vieweg en Allemagne dans une monographie qui a
fait époque; et par Perelman en Belgique, qui a parlé de la nouvelle réthorique. Et cette forme de
pensée a même été appliquée en droit international public par un auteur comme Tammelo, à propos
des principes généraux du droit mentionnés à l'article 38 du Statut de la Cour, qui, pour cet auteur,
étaient considérés comme des "topoi". Je me trouve donc en bonne compagnie et l'on comprendra
que je ne peux pas accepter ce reproche sur ma manière d'argumenter.
Mais ceci dit, je voudrais à mon tour formuler un léger reproche, à propos du sujet qui nous
occupe : la référence au torrent de Mansupucagua dans le document de 1760 et le silence sur la
Torola. Depuis sa réplique, le Honduras a avancé une interprétation d'une expression utilisée par le
titre de Poloros "en cuyo derecho" (RH, vol. II, p. ??). Et je suis revenu sur cette question dans ma
dernière intervention de l'autre jour (C 4/CR 91/23, p. 18-19).
Mon distingué contradicteur, dans ce cas-là, n'a pas affaire à la géographie ni aux
- 23 -
représentations géographiques. Il a affaire à la langue espagnole; or, il soutient que l'expression "en
cuyo derecho" a un sens purement juridique et non de localiser un point à la droite : il s'agit dit-il à
deux reprises, du "right of permission" donné aux habitants de Opatoro puis à un problème
concernant les López (C 4/CR 91/24, p. 25). Je me bornerai à répondre ce qui suit :
- Devant la Cour, devant la Chambre de la Cour, sont en controverse deux Etats dont la
langue officielle est la langue espagnole; et sont en désaccord deux conseils dont la langue maternelle
est également l'espagnol. Partant, c'est à la Chambre de la Cour qu'il incombera de résoudre ce
désaccord sur le sens de l'expression "en cuyo derecho" du document de 1760. Le Honduras, pour
faciliter la tâche de la Cour, a déjà fait savoir qu'il s'appuie à la fois sur le premier dictionnaire de la
langue espagnole de 1732, dit "dictionnaire des autorités" et sur l'actuel dictionnaire de la "Real
Academia de la lengua española" et en plus sur le dictionnaire de l'espagnol usuel. Or, je n'ai pas vu
citer une seule référence à l'appui de l'interprétation de la Partie adverse.
- Ceci dit, l'argument se poursuit avec une allusion à une autre donnée factuelle : le problème
du Torola-Mansupucagua. Le document de 1760 emploie en effet d'autres expressions pour indiquer
soit "à la droite" soit "à la gauche" du narrateur, l'arpenteur. D'accord, mais la langue espagnole est
assez riche, et il n'y a pas de raison de ne pas user d'autres expressions pour énoncer la même idée.
L'argument de mon contradicteur ne prouve donc rien. Il y a par ailleurs lieu de signaler que cette
expression "en cuyo derecho" se répète, non seulement à propos de l'Hacienda des Opatoro, mais
également à propos de celle de López.
- Mais à cela s'ajoute, venant de l'autre côté de la barre, un autre argument, celui-là de
caractère géographique, à savoir que si on avait suivi le cours du Torola, on aurait marché de l'ouest
vers l'est, avec une légère inclinaison vers le sud-est; alors que dans le titre, on parle d'une déviation
vers le nord-est. Mon contradicteur, d'une part, reconnaîtra que mon interprétation coïncide avec le
texte pour ce qui est de la direction principale (ouest vers l'est). Mais de plus, il oublie deux
données. D'abord, que le document de 1803 parle des bornes de Sisicruz (à la confluence du Torola
et du torrent Mansupucagua) et aussi de la borne El Carrizal (à la confluence du Torola et du torrent
d'Agua Caliente), points qui sont situés d'ouest en est. Et cela sans compter que nous pouvons
- 24 -
localiser l'Hacienda des Opatoro à la hauteur du Cerro de Upire d'après un autre document.
Et en outre, un simple coup d'oeil à la carte de grand format qui est devant vous suffit pour
vérifier qu'à partir du premier point (la confluence du Torola avec le torrent de Mansupucagua)
jusqu'à l'endroit où El Salvador place le "cerro" de López - puisque apparemment en espagnol une
"loma" a hillock peut atteindre 1100 mètres - un simple coup d'oeil, disais-je, suffit pour confirmer
qu'il n'est pas possible de suivre une direction d'ouest en est avec déviation nord-est et arriver au
Cerro de López. Graphiquement, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la situation est la
suivante : les deux premiers points : Sisicruz, El Carrizal, sont en direction ouest vers est. Et
maintenant, admettons une légère inclination vers le nord-est, à partir d'ici et on peut arriver tout au
plus sur cette ligne. Est-ce qu'on peut concevoir que cette ligne ait une légère inclination nord-est ?
Je pense qu'un seul regard sur la carte détruit l'argument d'El Salvador.
3. Je passe maintenant au deuxième point, la localisation du "Cerro de López" d'après
El Salvador. J'ai déjà expliqué la première raison qui fait que le Honduras ne peut accepter la thèse
d'El Salvador. Mais de plus, il existe une autre raison, la distance, car bien que nous nous trouvions
dans une zone de montagnes, les erreurs de calcul, même si les distances sont prises à l'oeil nu, ont
une limite, surtout si la distance est exprimée par un arpenteur, c'est-à-dire une personne ayant la
pratique des mesures.
Et pour en terminer avec la localisation arbitraire de la "loma" qui sépare les terres des López,
Messieurs les Juges se souviendront d'un dernier argument d'El Salvador que ce pays estime décisif :
sur la carte hondurienne numéro 2657 IV, il existe un endroit appelé "Los López". D'où l'on a déduit
que : "obviously the Cerro López cannot possibly be situated very far from this place called Los
López" (C 4/CR 91/24, p. 28-29).
C'est là une supposition et non pas un argument, mais de toutes façons on ne peut pas
l'accepter pour deux raisons : d'une part, l'endroit appelé "Los López" se trouve à deux kilomètres au
nord du point où El Salvador place le "Cerro de López", chacun des carrés de la carte représentant
un kilomètre. D'autre part - et c'est un fait qui jusqu'à présent n'a pas été relevé -, si l'arpenteur
partant de la rivière Mansupuguaca, au confluent avec la Torola, avait suivi cette direction en
- 25 -
contradiction avec le titre, il aurait, si on suit ces lignes, rencontré une élévation ici, un ruisseau, une
autre élévation très grande qui prolonge la Loma de la Loza, et ce n'est pas petit, et un troisième
torrent, et puis une autre élévation. Or le document ne mentionne pas la Loma de la Loza, ne parle
pas des autres hauteurs; il ne mentionne pas le ruisseau, et d'ailleurs, je le répète, la distance et la
direction ne cadrent pas avec les données du document de Poloros.
4. Laissons donc le Cerro de López qui est un produit de la volonté d'El Salvador et voyons le
non moins changeant "Cerro Ribitá". Ici, de nouveau, El Salvador se trouve face à diverses
difficultés pour justifier la localisation de ce point. Des difficultés dues, tout d'abord, à l'histoire
même du conflit; du fait qu'il y a trace dans le dossier de plusieurs localisations successives
d'El Salvador. Ce qui a été reconnu l'autre jour en parlant de positions extrêmes parfois soutenues
au cours des négociations (C 4/CR 91/24, p. 32).
En deuxième lieu, El Salvador se trouve confronté au problème des distances indiquées dans le
document de 1760. Dans le cas du Cerro Ribitá, on nous dit que les distances n'ont rien à voir, car il
s'agit d'une zone montagneuse, mais je rappellerai qu'elles avaient quelque chose à voir, de l'avis
même d'El Salvador, au moment où il en avait besoin pour justifier le tracé de la rivière Cañas dans
le secteur précédent. Et de nouveau, nos adversaires doivent faire un choix. Ou bien les distances
sont importantes, ou bien elles ne le sont pas.
Finalement El Salvador se retrouve face à ses propres pièces : le document de 1760 nous dit
que Ribitá est "la limite avec les terres de San Antonio". Ribitá est à la limite des terres de
San Antonio de Padua. Et après Ribitá c'est la rivière Unire. Eh bien, dans la carte 3.J du
contre-mémoire salvadorien, la carte colorée qui est la dernière du jeu que vous avez devant vous, les
terres de San Antonio sont marquées en jaune le long de la rivière Unire et, ô mystères de la
géographie ! le Cerro Ribitá ne jouxte pas San Antonio puisqu'il se trouve 6000 mètres plus haut,
vers le nord-ouest. Est-ce que cette localisation correspond avec les données du document de
Poloros ?
Et pour en terminer avec Ribitá, encore un autre point. Mon contradicteur a mentionné dans
son intervention le rapport de Letona y Brizuela de 1880 et le rapport de l'ingénieur Aracil y Crespo
- 26 -
de 1881. Et bien le premier place Ribitá, ainsi que la "loma" de López de manière qu'il y a
pratiquement coïncidence avec le cours du Guajiniquil, qui est l'autre fleuve ici; c'est-à-dire qu'il ne
s'écarte pas d'une direction comme celle-ci; et le second, Aracil y Crespo, exprime en mètres la
distance qui sépare le gué d'Unire du Cerro Ribitá; une distance - le gué d'Unire est ici - qui montre à
l'évidence que la localisation d'El Salvador est erronée, puisque compte tenu de la distance entre les
deux points, le Cerro Ribitá se trouverait évidemment bien plus au sud. Mon adversaire a souligné
l'autre jour l'importance des "experts" dans les négociations. Eh bien dans les deux cas, il s'agit de
rapports d'ingénieurs et dans le second, nous est même indiquée une distance que, malheureusement,
la Partie adverse a ignorée.
J'en arrive ainsi à mon dernier point.
4. La situation postérieure à 1821
1. Ici, je traiterai très brièvement de deux questions : d'abord, le comportement des Parties
pendant la période 1842-1879. Ensuite, une brève référence aux "arguments d'ordre humain" et aux
"effectivités" d'El Salvador.
A) Le comportement des Etats pendant la période 1842-1879 et la limite
de la rivière Torola
1. La position du Gouvernement du Honduras, s'agissant des faits survenus pendant cette
période, est déjà connue de Messieurs les Juges. Je l'ai d'ailleurs rappelée au début de mon
intervention. Il n'y a donc pas lieu de revenir sur les faits en question ni sur les conclusions que j'ai
déjà exposées dans ma précédente intervention. Il convient en revanche de répondre aux arguments
exposés de l'autre côté de la barre. Je le ferai en relevant les points suivants :
Primo : Avant tout, l'argumentation du Gouvernement du Honduras n'est pas une "théorie" ni
non plus une "highly novel theory". Il s'agit en effet d'une argumentation fondée sur des faits et sur
des considérations de droit et au cours de laquelle je me suis efforcé de faire valoir - apparemment
sans succès - que cette construction n'est pas un post scriptum au principe de l'uti possidetis juris,
en m'appuyant sur le consentement des Etats. Car je me permets de rappeler que j'ai commencé par
- 27 -
examiner la fonction de l'uti possidetis juris pour montrer que c'est l'application de ces principes qui
nous offre l'"instantané territorial" de la situation initiale ou constitutive en matière de limites entre
les deux Etats. Et puis, j'ai mis en évidence qu'après l'indépendance, c'est le principe du
consentement en matière de délimitation qui pouvait intervenir.
Il n'y a donc pas la moindre incohérence avec la position d'un autre conseil du Honduras. Et
en plus, je me permets de signaler que la référence au passage, bien connu, de l'arrêt de la Chambre
de la Cour de 1986 dans l'affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali) dans
lequel il est dit que l'uti possidetis juris "gèle le titre territorial" et arrête la montre sans lui faire
remonter le temps" ne gêne en rien mon argumentation. Tout au contraire : elle dit bien quelle est la
situation qui doit servir de point de départ, après un phénomène de succession d'Etats; mais après
l'indépendance, il est difficile de nier que seul peut intervenir le consentement de l'Etat en matière de
délimitation; consentement exprès par voie d'accord, consentement par des omissions; un point qui
n'est pas touché dans la décision de 1986. Cette introduction du consentement est un élément de mon
argument.
Deuxièmement, il ne s'agit pas d'une construction théorique nouvelle. Et à cet égard, je me
permets de souligner une seule donnée : la question a été déjà abondamment traitée dans la réplique
du Honduras, puisqu'elle s'y est vu consacrer rien moins que des pages 666 à 669 pour aboutir à une
conclusion qui figure aux pages 660 à 670 (RH, vol. II, p. 666-670). Et cette conclusion
commençait par affirmer que :
"le silence d'El Salvador entre 1821 et 1879 en ce qui concerne l'espace situé au nord de la
rivière Torola, lié au comportement du Honduras entre 1854 et cette dernière date (1879), met
en évidence, que, postérieurement à leur indépendance, les deux Républiques considèrent
comme limite reconnue et incontestée celle que constitue la rivière Torola" (ibid., p. 699).
Le Gouvernement d'El Salvador connaît la réplique du Honduras depuis janvier 1990, et en
quinze mois, franchement, je ne peux pas comprendre la surprise de nos adversaires.
Secundo : le Gouvernement d'El Salvador nous dit-on de l'autre côté de la barre, "wishes
formally to deny the existence of any agreement, either express or tacit" (C 4/CR 91/24, p. 35). Et
on nie également qu'il y ait eu "acquiescence" ou bien une sorte d'estoppel ou renoncement aux droits
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qui, selon ce pays, découleraient du titre de Polorós de 1760. Et c'est ce que l'on essaie de justifier
en arguant du caractère "clandestin" du titre de Matasanos, Hornos y Estancias dont les terres ont été
arpentées en 1854 et en argumentant que l'on peut difficilement protester contre un titre que l'on ne
connaît pas. En réponse à cela, je me contenterai de formuler quelques brèves remarques :
- En premier lieu, deux mots sur la "clandestinité". Pour rappeler qu'en 1853, des autorités
honduriennes ont arpenté le terrain de Sacualpa à l'intérieur du secteur; une procédure qui s'est
répétée pour ce même terrain en 1856 (RH, annexes, vol. I, p. 270-276). Présence d'autorités qui
arpentent et concèdent un terrain dans la zone en litige, ce qui se répète dans le cas de Matasanos,
Hornos y Estancias, pratiquement d'ici (Piedra Parada), en bas, toute la partie occidentale du
secteur, arpentage qui se répète en 1856; et arpentage dont le côté sud est la rivière Torola (ibid.,
p. 281-284). Et les faits se reproduisent en 1877, lors de l'arpentage du terrain de Dolores (ibid.,
p. 294-302). Franchement - et je regrette de devoir poser encore une question réthorique -
El Salvador pouvait-il ignorer ces quatre faits, survenus entre 1853 et 1877 dans le cadre spatial du
titre de Polorós ?
- Deuxièmement, il n'est pas possible de se réfugier derrière cet argument, car le silence dans
une situation qui touche à la souveraineté nationale produit des effets juridiques. Et à cet égard,
personne, mieux que le Président Jiménez de Aréchaga n'a décrit ces effets comme il l'a fait à propos
du titre des nouveaux "ejidos" de La Palma, dans la deuxième zone contestée, Cayaguanca. En effet,
mon éminent contradicteur a déclaré :
"The measurement recorded in the Formal Title-Deed to the Commons of La Palma
of 1829 dit not provoke the slightest reaction from Honduras. [Et d'ajouter] The Arbitration
Award handed down in 1933 by the Tribunal presided over by Chief Justice Hughes contains
a statement which is fully applicable to the case at present under discussion (UNRIAA, at
p. 1325 and 1327). 'The Government acts of each State, specially when unopposed, or when
initial opposition was not continued are of special importance.'"
J'accepte tout à fait ce passage de son intervention du 2 mai pour les actes de 1853-1877
précités (C 4/CR 91/12, p. 22-23). Mais je crois que le passage qui suit est également significatif et
je puis aussi faire le mien. En effet, il poursuit en disant que le titre de La Palma était
"a formal act showing clearly the understanding of El Salvador that this was her territory.
These assertions invited opposition on the part of Honduras if they were believed
unwarranted" (ibid., p. 23).
- 29 -
Or, en 1853, 1854, 1856 et 1877, se produit une situation qui met en évidence que le
Honduras considère comme lui appartenant le territoire au nord du Torola; c'est-à-dire tout le
territoire aujourd'hui en litige. Pourtant El Salvador, qui aurait dû réagir, en ces quatre occasions, ne
l'a pas fait. Or, cela, qu'on le qualifie juridiquement d'une manière ou d'une autre, implique ou bien
l'abandon des droits découlant du titre de Poloros, à supposer que ledit droit existe, ou bien pour le
moins, un acquiescement. Comme dans le cas en 1854 du Honduras ordonnant aux habitants
d'Opatoro de quitter l'hacienda de Monteca; et il convient de signaler que dans le cas du Honduras, il
existait bien des droits au sud du Torola selon les limites des anciennes provinces, du
Cerro del Coyolar au Cerro del Zapote, même si le Gouvernement du Honduras, malheureusement,
les a ignorées jusqu'en 1897.
B) Arguments d'ordre humain et effectivités
1. En ce qui concerne les arguments d'ordre humain et les effectivités, une brève référence. En
ce qui concerne la troisième zone litigieuse, mon éminent contradicteur y a fait référence en justifiant
l'absence de preuves compte tenu des tristes et douloureuses circonstances qu'a vécues El Salvador
ces dernières années.
Je comprends qu'il ne soit pas nécessaire de réitérer ces affirmations à propos de la zone que
nous examinons aujourd'hui. Mais je dirai que le Gouvernement du Honduras regrette (et aussi le
conseil du Gouvernement du Honduras qui s'adresse en ce moment à la Chambre de la Cour, en tant
qu'Espagnol) très sincèrement, lesdites circonstances. Mais ceci dit, le compromis arrêté pour
soumettre à la Chambre de la Cour le différend terrestre, insulaire et maritime, a été signé en 1986,
lorsque ces circonstances existaient déjà. Et vu qu'il s'agit de la preuve des actes relatifs à des
communautés humaines et à l'exercice de fonctions étatiques, même en admettant la difficulté d'accès
à certaines régions et en tenant compte de l'exode des populations, il est indéniable, d'une part, que
ces preuves, loin d'être seulement présentes dans des zones litigieuses affectées par ces événements
douloureux, le sont également dans d'autres registres et archives centrales d'El Salvador. Il subsiste
donc, malgré les circonstances, le devoir de prouver les faits que chaque Partie allègue. Or, en ce
qui concerne ce secteur, comme je l'ai souligné dans ma précédente intervention, aucune preuve n'a
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été apportée ni de l'existence de communautés salvadoriennes ni de l'exercice de fonctions étatiques
de la part d'El Salvador (C 4/CR 91/23, p. 55-58).
* * *
Voilà, je viens de terminer, Monsieur le Président, la dernière de mes interventions devant
cette Chambre de la Cour, puisque l'examen de la sixième et dernière zone revient à mon collègue et
ami, M. Bardonnet. Il ne me reste donc plus qu'à remercier Messieurs les Juges de leur aimable
attention et de leur patience et à vous remercier vous-même, Monsieur le Président, de votre
courtoisie et de votre assistance, face à mes longues interventions. Et je ne saurais oublier
d'exprimer également ma gratitude aux interprètes pour tous leurs efforts, même quand je parle en
français et - je crois encore pis - quand je parle en anglais. Merci.
The PRESIDENT: I thank Professor González Campos and I would like to know whether the
delegation of El Salvador will like to speak today in the afternoon or tomorrow morning.
Mr. MARTINEZ MORENO: Mr. President, El Salvador would prefer to make its Rejoinder
tomorrow morning at 10 o'clock. It is going to be a statement of about less than an hour but we
would have to check certain points; consequently, we would prefer to speak tomorrow morning.
Thank you very much.
The PRESIDENT: So the sitting will be adjourned until tomorrow at 10 o'clock.
L'audience est levée à 11 h 30.
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Audience publique de la Chambre tenue le jeudi 16 mai 1991, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre

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