COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
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Communiqué de presse
Non officiel
o
N 2010/10
Le 20 avril 2010
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay)
La Cour constate que l’Uruguay a manqué à ses obligations procédurales de coopération
avec l’Argentine et la commission administrative du fleuve Uruguay (CARU)
lors du développement des projets d’usines de pâte à papier
CMB (ENCE) et Orion (Botnia)
La Cour déclare que l’Uruguay n’a pas manqué aux obligations de fond visant à la protection
de l’environnement prévues par le statut du fleuve Uruguay
en autorisant la construction et la mise en service
de l’usine Orion (Botnia)
LA HAYE, le 20avril2010. La Cour interna tionale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principal des Nations Unies, a rendu ce j our son arrêt en l’affaire relative Usines de pâte à
papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay).
Dans son arrêt, qui est définitif, sans recours et obligatoire pour les Parties, la Cour,
1) dit, par treize voix contre une, que la République orientale de l’Uruguay a manqué aux
obligations de nature procédurale lui incombant en vertu des articles 7 à 12 du statut du fleuve
Uruguay de 1975 et que la constatation par la Cour de cette violation constitue une satisfaction
appropriée ;
2) dit, par onze voix contre trois, que la Républi que orientale de l’Uruguay n’a pas manqué aux
obligations de fond lui incombant en vertu des articles 35, 36 et 41 du statut du fleuve Uruguay
de 1975 ;
3) rejette, à l’unanimité, le surplus des conclusions des Parties.
Raisonnement de la Cour
La Cour rappelle que le différend qui oppose lesParties porte sur le projet de construction,
autorisé par l’Uruguay, de l’usine de pâte à papier CMB (ENCE), ainsi que sur la construction et la
mise en service, également autorisées par l’Uruguay, de l’usine de pâte à papier Orion (Botnia), le
long du fleuve Uruguay. - 2 -
1. L’étendue de la compétence de la Cour
La Cour relève que les Parties s’accordent pour fonder sa compétence sur le paragraphe 1 de
l’article 36 de son Statut et sur le paragraphe premier de l’article 60 du statut du fleuve Uruguay de
1975 (ci-après le «statut de 1975»). La Cour considère que les demandes de l’Argentine relatives à
la pollution sonore et visuelle, ainsi que celle s relatives aux «mauvaises odeurs» produites par
l’usine Orion (Botnia), ne relèvent pas de sa compétence car elles ne concernent pas
«l’interprétation ou l’application» du statut de 1975, au sens de l’article60 de cet instrument
(par.52). La Cour observe par ailleurs que l’article41 a), qui a pour objet la protection et la
préservation du milieu aquatique à travers l’éd iction de normes et l’adoption de mesures
appropriées par chacune des parties en conformité avec les accords internationaux applicables
«n’incorpore pas dans le statut de 1975 les accords internationaux en tant que tels, mais impose aux
parties l’obligation d’exercer leurs pouvoirs de réglementation, en conformité avec [c]es accords...»
(par. 62). La Cour conclut que les conventions multilatérales invoquées par l’Argentine ne relèvent
pas de l’article 60 du statut de 1975 et qu’elle n’ est donc pas compétente pour trancher la question
de savoir si l’Uruguay a rempli les obligations qui lui incombent en vertu de ces instruments
(par.63). La Cour indique enfin qu’elle se réfè rera, pour en interpréter les termes, aux règles
coutumières d’interprétation des traités telles qu’elles ressortent de l’article 31 de la convention de
Vienne sur le droit des traités (par. 65).
2. La violation alléguée des obligations de nature procédurale
a) Les liens entre les obligations de nature procédurale et les obligations de fond
La Cour relève que l’objet et le but du st atut de 1975, formulés à l’article premier de cet
instrument, consistent, pour les parties, à parven ir à «l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve
Uruguay», au moyen de «mécanismes communs» de coopération qui trouvent leur origine dans les
obligations de nature procédurale et les obligations de fond prévues par le statut. La Cour estime
que, si le lien entre ces deux catégories d’obligatio ns est fonctionnel, «il n’empêche pas que les
Etats parties soient appelés à répondre séparément des unes et des autres, selon leur contenu propre,
et à assumer, s’il y a lieu, la responsabilité qui découlerait, selon le cas, de leur violation»
(par. 71-79).
b) Les obligations de nature procédurale et leur articulation
La Cour considère que «les obligations d’info rmer, de notifier et de négocier constituent un
moyen approprié, accepté par les Parties, de parven ir à l’objectif qu’elles se sont fixé à l’article
premier du statut de 1975» (par. 81).
La Cour note que l’obligation d’informer, prévue à l’alinéa premier de l’article 7 du statut de
1975, «consiste, pour l’Etat d’origine de l’activité projetée, à en informer la CARU pour que celle-
ci puisse déterminer «sommairement», dans un délai maximum de trente jours, si le projet peut
causer un préjudice sensible à l’autre partie». Elle relève que l’information qui doit être adressée à
la CARU à ce stade doit lui permettre de «décider si le projet relève ou non de la procédure de
coopération prévue par le statut» et non de «se pronon cer sur son impact réel sur le fleuve et la
qualité des eaux» (par. 104). Elle considère que l’obligation d’informer doit «intervenir à un stade
où l’autorité compétente à été saisie du projet en vue de la délivrance de l’autorisation
environnementale préalable, et avant la délivrance de ladite autorisation» (par.105). La Cour
observe que, dans le cas d’espèce, «l’Uruguay n’a pas transmis à la CARU l’information requise
par lepremier alinéa de l’article7, concernant les usines CMB (ENCE) et Orion (Botnia), malgré
les demandes qui lui avaient été adressées à plusieurs reprises par la commission». Les
autorisations environnementales préalables ont donc été, selon la Cour, délivrées par l’Uruguay à - 3 -
l’usine CMB (ENCE), le 9octobre2003, et à l’usine Orion (Botnia), le 14février2005, sans
respecter la procédure prévue par le premier alinéa de l’article 7. La Cour relève en outre que
«l’Uruguay a accordé, le 12avril2005, une autorisation à la société Botnia pour la
première phase de construction du projet d’us ine Orion et, le 5 juillet 2005, un permis
pour construire un port à son usage exclusif et utiliser le lit du fleuve à des fins
industrielles, sans avoir préalablement informé la CARU de ces projets» (par. 107).
La Cour conclut de ce qui précède que
«l’Uruguay, en n’informant pas la CARU de s travaux projetés, avant la délivrance de
l’autorisation environnementale préalable pour chacune des usines et pour le terminal
portuaire adjacent à l’usine Orion (Botni a), n’a pas respecté l’obligation que lui
impose le premier alinéa de l’article 7 du statut de 1975» (par. 111).
La Cour note qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 7 du statut de 1975, au cas où la
CARU décide que le projet peut causer un préj udice sensible à l’autre partie ou si une décision
n’intervient pas à cet égard, «la partie intéressée no tifie le projet à l’autre partie par l’intermédiaire
de la commission». Elle ajoute qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 7 du statut de 1975,
la notification doit énoncer les «aspects essentie ls de l’ouvrage» et «les autres données techniques
permettant à la partie à laquelle la notification est adressée d’évaluer l’effet probable que l’ouvrage
aura sur la navigation, sur le régime du fleuve ou sur la qualité de ses eaux». Elle relève que
«les évaluations de l’impact sur l’environnement, nécessaires pour se prononcer sur
tout projet susceptible de causer des préj udices sensibles transfrontières à un autre
Etat, doivent être notifiées, selon les deuxième et troisième alinéas de l’article7du
statut de1975, par la partie concernée à l’autre partie, par l’intermédiaire de la
CARU» (par. 119).
La Cour observe que cette notification doit interven ir avant que l’Etat intéressé ne décide de la
viabilité environnementale du projet. Elle constate que, dans le cas d’espèce,
«les notifications à l’Argentine des éval uations de l’impact sur l’environnement
relatives aux usines CMB (ENCE) et Orion(Botnia) n’ont pas eu lieu par
l’intermédiaire de la CARU, et que l’Uruguay n’a transmis à l’Argentine ces
évaluations qu’après avoir délivré les auto risations environnementales préalables pour
les deux usines concernées» (par. 121).
La Cour conclut de ce qui précède que «l’Uruguay n’a pas respecté l’obligation de notifier les
projets à l’Argentine au travers de la CARU, prévue aux deuxième et troisième alinéas de
l’article 7 du statut de 1975» (par. 122).
c) Les Parties sont-elles convenues de déroger aux obl igations de nature procédurale prévues dans
le statut de 1975 ?
La Cour considère que ««l’«arrangement» auque l les ministres des affaires étrangères sont
parvenus le 2 mars 2004 n’aurait eu pour effet d’ exonérer l’Uruguay des obligations lui incombant
en vertu de l’article7 du statut de1975, si tel était l’objectif de cet «arrangement», que si
l’Uruguay s’y était conformé». Or, selon elle, tel n’ a pas été le cas. La Cour en conclut que «cet
«arrangement» ne peut être considéré comme ayant eu pour effet de dispenser l’Uruguay du respect
des obligations de nature procédurale prévues par le statut de 1975» (par. 131). La Cour relève en
outre que l’accord du 31 mai 2005 instituant le Group e technique de haut niveau (le «GTAN»), s’il
crée effectivement une instance de négociation avec pour objectif de permettre aux négociations
prévues à l’article12 du statut de 1975 d’avoir lieu, «ne peut être interprété comme exprimant - 4 -
l’accord des Parties pour déroger à d’autres obligations de nature procédurale prévues par le statut»
(par.140). La Cour considère ainsi que l’Uruguay n’avait le droit, pendant toute la période de
consultation et de négociation pr évue aux articles7 à 12 du statut de 1975, ni d’autoriser la
construction ni de construire les usines projetées et le terminal portuaire (par.143). La Cour
conclut qu’«en autorisant la construction des usines ainsi que du terminal portuaire de Fray Bentos
avant la fin de la période de négociation, l’Uruguay n’a pas respecté l’obligation de négocier
prévue à l’article12 du statut». L’Uruguay a donc, selon la Cour, «méconnu l’ensemble du
mécanisme de coopération prévu par les articles 7 à 12 du statut de 1975» (par. 149).
d) Les obligations de l’Uruguay après l’expiration de la période de négociation
La Cour rappelle que, dans l’hypothèse où les Parties n’aboutiraient pas à un accord dans un
délai de cent-quatre-vingts jours, l’article 12 du statut de 1975 les renvoie à la procédure prévue par
l’article 60, selon laquelle l’une ou l’ autre d’entre elles peut soumettre le différend à la Cour. Elle
relève que «la prétendue «oblig ation de non-construction», qui pèserait sur l’Uruguay entre la fin
de la période de négociation et la décision de la Cour, ne figure p as expressément dans le statut de
1975 et ne découle pas davantage de ses dispositions »; l’article9 ne prévoit une telle obligation
que pendant la mise en Œuvre de la procédure prévue aux articles7 à 12 du statut. La Cour en
conclut «qu’aucune «obligation de non-constructi on» ne pesait sur l’Uruguay après que la période
de négociation prévue par l’ article 12 eut expiré, soit le 3 févrie r 2006, les Parties ayant constaté à
cette date l’échec des négociations entreprises da ns le cadre du GTAN» En conséquence, «le
comportement illicite de l’Uruguay ne pouvait s’étendre au-delà de cette date» (par. 157).
3. Les obligations de fond
Après avoir traité de certaines questions relatives à la charge de la preuve et à la preuve par
expertise (voir par. 160 à 168), la Cour procède à l’examen des violations alléguées des obligations
de fond découlant du statut de 1975.
a) L’obligation de contribuer à l’utilisation rationnelle et optim
ale du fleuve (article premier du
statut de 1975)
La Cour relève que l’artic le premier du statut de 1975 «éclaire l’interprétation des
obligations de fond mais ne confère pas, en lu i-même, de droits ou d’obligations spécifiques aux
parties». Elle précise que l’objectif d’utilisation rationnelle et optimale du fleuve doit être
poursuivi aussi bien par les Parties et la CARU qu’à travers l’adoption de règles par cette
commission et de normes et mesures par les Pa rties (par.173). La Cour considère que, pour
parvenir à un tel objectif, «un équilibre doit être tr ouvé entre, d’une part, les droits et les besoins
des Parties concernant l’utilisation du fleuve à d es fins économiques et commerciales et, d’autre
part, l’obligation de protéger celui-ci de tout dom mage à l’environnement susceptible d’être causé
par de telles activités» (par. 175). Elle ajoute que cette nécessité d’assurer un tel équilibre ressort
de plusieurs dispositions du statut de 1975 établissant les droits et obligations des Parties, telles que
les articles 27, 36 et 41. La Cour en conclut qu ’elle appréciera «le comportement de l’Uruguay en
ce qui concerne l’autorisation de la construction et de la mise en service de l’usine Orion (Botnia) à
la lumière de ces dispositions du statut, et des droits et obligations énoncés dans celles-ci»
(par. 175). - 5 -
b) L’obligation de veiller à ce que la gestion du so l et des forêts ne cause pas un préjudice au
régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux (article 35 du statut de 1975)
La Cour estime que l’Argentine n’a pas étab li le bien-fondé de son allégation selon laquelle
la décision de l’Uruguay de procéder à d’important es plantations d’eucalyptus afin de fournir la
matière première à l’usine Orion (Botnia) aura it des incidences non seulement sur la gestion des
sols et des forêts uruguayennes, mais aussi sur la qualité des eaux du fleuve (par. 180).
c) L’obligation de coordonner les mesures propres à éviter une modification de l’équilibre
écologique (article 36 du statut de 1975)
La Cour considère que l’obligation formulée à l’article36 impose aux Parties d’adopter un
comportement spécifique consistant à prendre les mesures nécessaires de façon coordonnée, par
l’intermédiaire de la CARU, pour éviter toute modification de l’équilibre écologique. Cette
obligation étant une obligation de comportement, les deux parties doivent faire preuve de la
diligence requise («due diligence») en prenant de telles mesures (par.187). La Cour estime que
«l’Argentine n’a pas démontré de manière convaincante que l’Uruguay a refusé de prendre part aux
efforts de coordination prévus par l’article 36, en violation de celui-ci» (par. 189).
d) L’obligation d’empêcher la pollution et de préserver le milieu aquatique (article 41 du statut de
1975)
La Cour observe que l’article41 oblige les parties à adopter, au sein de leurs systèmes
juridiques respectifs, des normes et des mesures «conform[es] aux accords internationaux
applicables» et, «le cas échéant, en harmonie avec les directives et les recommandations des
organismes techniques internationaux», aux fins de protéger et de préserver le milieu aquatique et
d’en empêcher la pollution (par.195-196). Elle note que cette obligation impose aux Parties
d’exercer la diligence requise («due diligence») vis-à-vis de toutes les activités qui se déroulent
sous leur juridiction et leur contrôle (par.197) . La Cour relève que «la portée de l’obligation
d’empêcher la pollution doit être déterminée à la lumière de la définition de la pollution donnée à
l’article40 du statut de1975». Celle-ci désigne «l’introduction directe ou indirecte par l’homme
de substances ou d’énergies nocives dans le milieu aquatique». La Cour estime qu’il convient de
rechercher les règles à l’aune desquelles doit s’a pprécier toute allégation de violation et, plus
précisément, l’existence d’ «effets nocifs», dans
«le statut de1975, dans les mesures communes que les Parties ont adoptées de
manière coordonnée par l’intermédiaire de la CARU (comme le prévoit le texte
introductif des articles41 et56 du statut) et dans les dispositions réglementaires
adoptées par chacune des Parties dans la mesu re exigée par le statut de 1975 (comme
le prévoient les alinéas a), b) et c) de l’article 41)» (par. 200).
La Cour relève qu’aux fins de s’acquitter des obligations qu’elles tiennent de l’article 41 du
statut de 1975 et du droit international général, les Parties sont tenues, lorsqu’elles envisagent des
activités pouvant causer un dommage transfrontière, de procéder à une évaluation de l’impact sur
l’environnement, dont la teneur doit être déterminée par chaque Etat dans le cadre de sa législation
nationale ou du processus d’autorisation de l’activité projetée (par. 204-205). La Cour note qu’une
évaluation de l’impact sur l’environnement doit au minimum contenir «[une] description des autres
solutions possibles». Or, elle n’est pas convaincue par l’argument de l’Argentine selon lequel «une
évaluation des différents sites possibles n’a pas eu lieu avant le choix de l’emplacement définitif»
(par. 210) de l’usine Orion (Botnia). La Cour ob serve par ailleurs que «le choix de l’emplacement
effectif d’une usine telle que celle construite le long du fleuve Uruguay [doit] tenir compte de la
capacité des eaux du fleuve à recevoir, diluer et disperser des rejets d’effluents d’une installation de
cette nature et de cette ampleur» (par. 211). Elle est d’avis que, «en élaborant ses normes relatives - 6 -
à la qualité de l’eau conformément aux articles 36 et 56 du statut de 1975, la CARU a certainement
tenu compte de la capacité de réception et de la sensibilité des eaux du fleuve, y compris dans les
zones fluviales qui bordent Fray Bentos». La Cour estime en conséquence que, «s’il n’est pas
établi que les rejets d’effluents de l’usine Orion (B otnia) ont, du fait de leur taux de concentration,
excédé les limites fixées par ces normes, [elle] ne saurait conclure que l’Uruguay a violé les
obligations lui incombant en vertu du statut de 1975» (par.214). La Cour estime en outre
qu’«aucune obligation juridique de consulter les populations concernées ne découle pour les
Parties des instruments invoqués par l’Argentine» (par .216). En tout état de cause, elle constate
qu’une telle consultation par l’Uruguay a bien eu lieu (par. 219).
La Cour fait par ailleurs observer que
«l’obligation d’empêcher la pollution et de protéger ainsi que de préserver le milieu
aquatique du fleuve Uruguay énoncée à l’article41 a), et l’exercice de la diligence
requise («due diligence») qu’elle implique, entr aîne la nécessité d’examiner avec soin
la technologie à laquelle l’installation industrielle a recours» (par. 223).
Elle considère, sur la base des documents que lui ont soumis les Parties, qu’«aucun élément de
preuve ne vient à l’appui de la prétention de l’Argentine selon laquelle l’usine Orion (Botnia)
n’appliquerait pas les meilleures techniques disponi bles en matière de rejets d’effluents par tonne
de pâte à papier produite» (par. 225). A l’issue d’ un examen détaillé des arguments des Parties, la
Cour estime enfin que
«les éléments de preuve versés au dossier ne permettent pas d’établir de manière
concluante que l’Uruguay n’a pas agi avec la diligence requise ou que les rejets
d’effluents de l’usineOrion (Botnia) ont eu des effets délétères ou ont porté atteinte
aux ressources biologiques, à la qualité des eaux ou à l’équilibre écologique du fleuve
depuis le démarrage des activités de l’usine en novembre 2007».
En conséquence, sur la base des preuves qui lui ont été présentées, «la Cour conclut que l’Uruguay
n’a pas violé ses obligations au titre de l’article 41» (par. 265).
La Cour ajoute que
«les deux Parties ont l’obligation de veiller à ce que la CARU, en tant que mécanisme
commun créé par le statut de1975, puisse continûment exercer les pouvoirs que lui
confère le statut, y compris ses fonctions de surveillance de la qualité des eaux du
fleuve et d’évaluation de l’impact de l’e xploitation de l’usine Orion(Botnia) sur le
milieu aquatique».
Elle observe que l’Uruguay, pour sa part, a «l’oblig ation de poursuivre le contrôle et le suivi du
fonctionnement de l’usine conformément à l’article 41 du statut et de s’assurer que Botnia respecte
la réglementation interne uruguayenne ainsi que les normes fixées par la commission». Elle
conclut qu’en vertu du statut de1975 «les Parti es sont juridiquement tenues de poursuivre leur
coopération par l’intermédiaire de la CARU et de permettre à cette dern ière de développer les
moyens nécessaires à la promotion de l’utilisation équitable du fleuve, tout en protégeant le milieu
aquatique» (par. 266).
4. Les demandes présentées par les Parties dans leurs conclusions finales
La Cour considère que «la constatation du comportement illicite de l’Uruguay en ce qui
concerne ses obligations de nature procédurale constitue en elle-même une mesure de satisfaction
pour l’Argentine» (par.269). La Cour estime qu’ordonner le démantèlement de l’usine Orion
(Botnia) ne saurait constituer une forme de répara tion appropriée à la violation des obligations de - 7 -
nature procédurale, dans la mesure où il n’était pas interdit à l’Uruguay de construire et de mettre
en service cette usine après l’expiration de la période de négociation et où celui-ci n’a violé aucune
des obligations de fond imposées par le statut de 1975 (par.275). La Cour ne saurait davantage,
pour les mêmes raisons, accueillir la demande de l’Argentine relative à l’indemnisation de certains
préjudices dans différents secteurs économiques, notamme nt le tourisme et l’agriculture, dont elle
allègue l’existence. Par ailleurs, la Cour n’aper çoit pas, en la présente espèce, de circonstances
spéciales requérant d’ordonner des garanties ad équates que l’Uruguay s’abstiendra à l’avenir
d’empêcher l’application du statut de1975 (par. 277-278). La Cour estime en outre que la
demande de l’Uruguay tendant à confirmer son droit «de poursuivre l’exploitation de l’usine
Botnia conformément aux dispositions du statut de 1975» «n’a aucune portée utile dès lors que les
demandes de l’Argentine relatives aux violations, pa r l’Uruguay, de ses obligations de fond et au
démantèlement de l’usine Orion (Botnia) ont été re jetées» (par. 280). La Cour souligne enfin que
«le statut de 1975 impose aux Parties de coopérer en tre elles, selon les modalités qu’il précise, afin
d’assurer la réalisation de son objet et de son but», cette obligation de coopération s’étendant au
contrôle et au suivi d’une installation industrielle, telle que l’usine Orion (Botnia) (par. 281).
Composition de la Cour
La Cour était composée comme suit: M. Tomka, vice-président, faisant fonction de
président en l’affaire; MM.Koroma, Al-Khasa wneh, Simma, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor,
Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, juges; MM.Torres Bernárdez,
Vinuesa, juges ad hoc ; M. Couvreur, greffier.
MM. les juges Al-Khasawneh et Simma joignent à l’arrêt l’exposé de leur
opinion dissidente commune ; M. le juge Keith joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ;
M.lejugeSkotnikov joint une déclaration à l’ arrêt; M. le juge Cançado Trindade joint
à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle; M. le juge Yusuf joint une déclaration à l’arrêt;
M. le juge Greenwood joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle; M. le juge ad hoc
Torres Bernárdez joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle; M. le juge ad hoc Vinuesa
joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.
*
Un résumé de l’arrêt figure dans le docum ent intitulé «Résumé n° 2010/1». Le présent
communiqué de presse, le résumé de l’arrêt, ainsi que le texte intégral de celui-ci sont disponibles
sur le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org) sous la rubrique «Affaires».
___________
Département de l’information :
M. Andreї Poskakoukhine, premier secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
M. Boris Heim, attaché d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)
Mme Barbara Dalsbaek, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396)
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Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay) - La Cour constate que l'Uruguay a manqué à ses obligations procédurales de coopération avec l'Argentine et la commission administrative du fleuve Uruguay (CARU) lors du développement des projets d'usines de pâte à papier CMB (ENCE) et Orion (Botnia) - La Cour déclare que l'Uruguay n'a pas manqué aux obligations de fond visant à la protection de l'environnement prévues par le statut du fleuve Uruguay en autorisant la construction et la mise en service de l'usine Orion (Botnia)