Opinion individuelle M. Shahabuddeen

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088-19920414-ORD-01-05-EN
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088-19920414-ORD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

L'ordonnance de la Cour se fonde uniquement sur la résolution748
(1992)du Conseil de sécuritéT. el est aussi le motif de mon accord avec
elle. Sans cette résolution,j'aurais estiméque la Libye avait plaidéune
causedéfendable en faveurde l'indicationde mesuresconservatoires. La
résolution dispensemaintenantd'approfondir lesélémentsjuridiquesde
la demande présentéepar la Libye à cet effet.Toutefois,compte tenu du

tour donné aux événements par la résolution,je voudrais dire quelque
chose sur: i) le fondement juridique de l'ordonnance de la Cour; ii) la
possibilitéd'un procès impartialsiles deux accuséssontlivrésau défen-
deur; et iii)certainesimplications de l'ordonnance de la Cour.

i) LE FONDEMENTJURIDIQUE DE L'ORDONNANCE DE LA COUR

Quellequ'ait pu êtrela situation antérieure, la résolun48(1992)du
Conseil de sécurité nelaisse la Cour aucune autre conclusionpossible
que celleà laquelle ellea abouti. Cela ne résultepas d'une autoritésupé-
rieure qui s'impose- il n'yena pas - mais du fait qu'en déterminantle
droitapplicable la Cour doittenir compte dela résolutiondans la mesure
où celle-ciaffecte la facultéde faire respecter les droits dont la Libye a

voulu obtenirlaprotection en demandant desmesuresconservatoires. La
validitéde la résolution,bienque contestéepar la Libye,doit être présu-
mée à cestade (voirleprincipe généraldansConséquencesjuridiquespour
lesEtatsdelaprésence continu deel'AfriqueduSudenNamibie (Sud-Ouest
africain)nonobstantla résolution276 (1970)du Conseilde sécurité, C.I.J.
Recueil 1971,p. 22,par. 20).L'article25 de la Charte des Nations Unies
oblige la Libyeà se conformer à la décision énoncédeans la résolution
(ibid.,p. 52-53).En vertu de l'article 103de la Charte, cette obligation
prévaut sur toute obligation conventionnelle en conflit dont la Libye
pourrait être tenue(Activités militaires et paramilitaireasu Nicaragua et
contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), C.IJe.cueil984,
p.440,par. 107).Lesobligationsissuesdetraitéspeuvent êtresupplantées
par une décision du Conseil de sécuritéqui impose des sanctions

(Paul Reuter,Introductionto theLaw of Treaties,1989,p. 113,par. 228,et
sirGerald Fitzmaurice, TheLaw andProcedureoftheInternational Court
ofJustice,1986,vol.2,p.431).Parconséquent, à supposerque la Libyeait
lesdroitsqu'elle invoque,cesdroitsne peuvent,à premièrevue,pas rece-
voir exécutiontant que la résolution resteenvigueur.
Plusieurs décisionsdémontrent, d'une manière ou d'une autre,que le
simple fait que la question litigieuse soit aussi examinéepar un autre CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. IND.SHAHABUDDEEN) 29

organe del'organisation desNations Uniesn'empêchepas laCour d'agir
(voir, entre autres,ersonneldiplomatique etconsulairedes Etats-Unis
à Téhéran C,.Z.J. ecueil1980,p.22,par. 40;Activitésmilitaistparamili-
tairesauNicaraguaetcontrecelui-ci(Nicaraguac.Etats-Unis dAmérique),
mesuresconservatoires,C.Z.J.Recueil 1984,p. 185-186,et, mêmeaffaire,

compétenceetrecevabilitC é.,..Recueil1984,p. 433-436).En l'espèce, ilse
trouve que la décisionqu'il estdemandéà la Cour de prononcer entrerait
directement en conflit avec une décisiondu Conseil de sécurité. Cet
aspect de l'affaire ne peut être méconnu.l ne constitue pourtant pas le
motif juridique de l'ordonnance de cejour. Celle-ci ne résulte d'aucun
conflitentrelacompétencedu Conseildesécuritéec telledelaCour, mais
d'un conflit entre les obligations qu'imposeà la Libye la décisiondu
Conseil de sécuritéet toutes obligations dont elle pourrait être tenueen
vertu de la convention de Montréal.La Charte dit que les premières
doivent rév va loir.
J'ai envisagéla question de savoir si des mesures conservatoires
auraient pu êtreindiquéedsans la mesureoù il était allégque ledéfen-

deur avait menacé ledemandeur d'employer la force,ce que n'autorise
pas la résolution748 (1992).Toutefois,mesemble-t-il,quellequ'ait éla
situationantérieure,laconclusionquelejugedoittirer delafaçondont les
chosesseprésententmaintenantestqueledéfendeur,quiapris l'initiative
de larésolutionetl'aappuyée,estprêtàsuivrela ligne de conduitetracée
par elle et doncà ne pas recourirà la force sans y êtreautorisépar le
Conseil de sécuritéL. a résolutiondu Conseil de sécurité constituedonc
un obstaclesur cepoint, tant en droit qu'en fait.

ii) LAPOSSIBILITÉD'UN PROC~S IMPARTIAL

SI LES DEUX ACCUSÉSSONT LIVRÉS AU DÉFENDEUR

La contestation, par la Libye,de la validitéde la résolution748 (1992)
du Conseil de sécuritésetrouverenvoyée àl'examende sa requête surle
fond. En revanche, le rejet de sa demande en indication de mesures
conservatoires produit des effets pratiques immédiats. Ceseffets prati-
quesimmédiatsattirentinévitablementl'attentionsurun point qui nepeut
guèreêtreméconnu devan utne instancejudiciaire.
Commeil ressort du dossiersoumis à la Cour, l'évolutionde la contro-
verse entre les Parties a eu pour centre,en un sens fondamental, la ques-
tion de la nécessitd'un procès impartial.Le Royaume-Uni a soutenu

qu'un tel procèsne pouvait se dérouleren Libye pour la raison que les
infractions concernaient des actes de terrorisme perpétréspar les deux
accuséspour le compte de 1'Etatlibyen (voirla déclarationdu représen-
tant permanent du Royaume-Uni au Conseil de sécurité2 ,1janvier 1992,
WPV.3033,p. 105;et le SolicitorGeneralRodger, Q.C., audience publi-
quedu26mars 1992(après-midi),CR 92/3, p. 21-22,etaudiencepublique
du 28 mars 1992(après-midi), CR92/6, p. 8). D'autre part, la Libye a
soutenu que le Royaume-Uni a préjugé l'affaire à l'encontre des deuxressortissants libyens (audience publique du 26 mars 1992 (matin),
CR 92/2, p. 58,M. Salmon).A cela,le Royaume-Unia réponduque son
ministèrepublic a seulement exprimél'avisque les éléments de preuve
suffisent pour justifier des inculpations. Selon lestermes dont s'estservi
lereprésentantpermanentdu Royaume-Uni àl'Organisation desNations
Unies :

«Nous n'affirmons pas que ces personnes sont coupables avant
qu'elles soient jugées, mais nous disons qu'il existe de graves
élémentd sepreuvecontre ellesetqu'ellesdoiventyfairefacedevant
un tribunal. »(S/PV.3033,21janvier 1992,p. 103.)

Et,selon lestermes du Solicitor Generadl'Ecosse

«Je m'interromprai pour faire observer que l'un des leitmotivs,
dans lesplaidoiries faites au nom de'Etatrequérantcematin, a été
qu'en demandant que les inculpés soientremis le Royaume-Uni
violait,d'une façonoud'uneautre,leprincipe selonlequelleur inno-
cence devait être présuméje usqu'à ceque leur culpabilité ait été
établie.
Il estincontestable que mon collègueleLordAdvocateasuffisam-
ment d'élémend te preuve pour justifier la miseen accusation de ces
deux individus, mais s'ils sont traduits en justice en Ecosse leur
culpabilité ou leur innocence sera déterminéenon pas par le
Lord Advocateni par le Gouvernement du Royaume-Uni,mais par
un jury de quinze hommes et femmesordinaires. »(Audiencepubli-
quedu 26mars 1992(après-midi),CR 92/3, p. 21.)

Or, la preuve a étérapportéedevant la Cour (voir paragraphe 28 de
l'ordonnance de la Cour) que les demandes officielles du Royaume-Uni
etdesEtats-Unis,telles qu'ellesfurentpubliquement adressées à la Libye
le 27novembre 199 1,étaient ainsilibellé:s

«Les Gouvernements britannique et américain déclarentcejour
que leGouvernementlibyen doit:
livrer, afin qu'ils soient traduits en justice, tous ceux qui sont
accusésde ce crimeet assumerla responsabilitédes agissements

desagentslibyens;
divulguertous lesrenseignementsensapossessionsurcecrime,y
compris les noms de tous les responsables, et permettre le libre
accès àtous lestémoins,documentsetautrespreuvesmatérielles,
ycompristouslesdispositifsd'horlogerie restants;
verserdesindemnitésappropriées.
Nous comptonsque laLibye remplirases obligationspromptement et
sansaucune réserve. (Lesitaliques sontde moi.)

Ces demandes ont été formulées en termes exprès à propos des accusa-
tions portées contreles deux inculpéspar le ProcuratorFiscalsur les
instructions duLordAdvocate.Cesdemandes ont étéentérinée usltérieu- CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. IND.SHAHABUDDEEN) 31

rementpar leConseildesécurité etincorporéespar voiederéférencedans
sesrésolutions731(1992)et 748(1992),toutes deux adoptéessur l'initia-
tive du Royaume-Uni et avecson appui.
Onconstatequelatroisièmedemandedu Royaume-Uni, àsavoirquela
1-ibye«doit..verser desindemnités appropriées»,n'a pas étéprésentée
comme si elle avait pour condition que les accusés soient finalement
condamnés àl'issued'un procès. Ladite réclamation, commeles autres,
était expressément formulée d'une manière tellqeu'il devait y être fait
droit ({promptement et sans aucune réserve». Cela ne pouvait signifier

qu'une chose :qu'ildevaityêtrefaitdroitsur-le-champetdonc avantqu'il
pût setenir un procès. Une telle interprétationest confirméepar lepara-
graphe 1du dispositif de la résolution748 (1992)du Conseil de sécurité,
dans lequelle Conseildécide
«que le Gouvernement libyen doit désormais appliquer sans le
moindre délaileparagraphe 3delarésolution731(1992)concernant
les demandes contenues dans les documents S/23306, S/23308

et S/23309».
Ledocument S/23308reproduisait lesdemandes mentionnéesci-dessus.
Puisquele motifinvoquépar leRoyaume-Uni à l'appui de sademande
depaiement d'une indemnité était quela responsabilitéinternationade
la Libye setrouvait engagéedu fait des infractions commises,alléguait-
on, par ses deux ressortissants accusés,réclamerle paiementrompte-

ment et sans aucune réserveéquivalait,pour 1'Etatdéfendeur,à annon-
cer de façon publique et grand renfort de publicitéqu'ilavait établiau
préalable,entant qu'Etat, que les deux accusésétaienten fait coupables
des infractions viséesdans l'acte d'inculpation. Comme on l'a indiqué
plus haut, le Solicitor Generald'Ecosse a déclarà la Cour que «leur
culpabilité ou leur innocencesera déterminéenonpas par le LordAdvo-
cateni par leGouvernement du Royaume-Uni ..»Voilàqui estvrai en ce
sensque c'estaux tribunaux qu'ilappartientde reconnaître une culpabi-
lité;maisiln'en estpasmoinsclairquelaculpabilitéadéjàétédécidp éar
le Royaume-Unien tant qu7Etat.
A cela s'ajoute un aspect connexe de l'affaire. La culpabilité des
accusés,a déclaréle SolicitorGeneral,sera déterminée«par un jury de
quinze hommes et femmes ordinaires ». Cela se passerait en Ecosse, où
s'estproduit l'événementtragique dont il s'agit,événementue les deux

Partiess'accordent(commed'ailleurstout lemonde) à considérercomme
un crimeeffrayant,quelsqu'en soientlesauteurs.L'excellencede l'ordre
judiciaire écossaisn'a pas émise en cause.Cependant, la circonstance
indiquéeci-dessus ne saurait manquer d'avoir de graves répercussions
pour un procès impartial. Il y a là un fait important car, comme on l'a
donné àentendre, on peut dire en un sens fondamental que la question
d'un procèsimpartial sesitue l'originemême detoute la controversequi
s'estélevéequand ledéfendeur a réclaméqu'on lu liivrelesdeux accusés
(voir,de façon générale,Halsbury'sLaws ofEngland,4eéd., vol.9,p. 10,
par. 11,surlesdéclarationspubliquesaffirmantl'innocenceoulaculpabi- CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. IND.SHAHABUDDEEN) 32

lité quiontpour effet de préjuger l'affaire;hbold'sCriminalPleading,
Evidenceand Practice, 40eéd.,p. 1670,par. 3468,déclarant:«le jury est
plus exposé que le magistrat à se laisser entraîner par un préjugé));
sirJ. H. A. Macdonald, A PracticalTreatiseontheCriminalLaw ofScot-

land, 5eéd.,1948,p. 215-216; et David M. Walker, ne Scottish Legal
System, 1981,p. 339-340).

iii) LESMPLICATIONS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR

Puisque l'impossibilité d'agir, en droit interne,ne peut pas constituer
un moyen de défensepour l'inexécution d'une obligationinternationale,
il se peut qu'un Etat, s'ilveut s'exécuterdans une affaire de ce genre,
constate qu'afin de ne pas enfreindre son ordre juridique interne il doit
non seulement légiféredre la manière ordinaire, mais prendre quelques
mesures appropriéesde revision constitutionnelleet celasans tarder. En

l'espèce,la Libye a contesté quel'objectifdéclaréde garantir un procès
impartial sera atteint si (après avoir pris toutes les mesures nécessaires)
elle seconforme à la résolutiondu Conseil de sécurité.
Laquestionquisurgitmaintenant du faitdelacontestation parla Libye
de lavaliditéde la résolution748(1992)est cellede savoirsiune décision
du Conseildesécuritépeut l'emportes rurlesdroitsqu'ont juridiquement
lesEtatset,en cecas,s'ilexistequelquerestriction au pouvoir du Conseil
de sécurité d'appliquerà une situation une qualification qui permette
d'adopter une décisionentraînant de telles conséquences.Les pouvoirs
d'appréciationdu Conseil ont-ils des limites?Etant donnél'équilibrede
forcessur lequelrepose la structure de l'organisation des Nations Unies

dans l'ordre international en mutation, peut-on concevoir qu'il y ait un
point au-delà duquel l'on peut légitimements'interroger, en droit, surla
compétenceduConseildesécurité deproduire detelseffetsprééminents ?
S'ily a de telles limites,quellessont-elles?Quel organe, sinon le Conseil
de sécurité,est-ilcompétenptour dire en quoi ellesconsistent?
S'ilfaut répondre àtoutes ces questions délicates et complexespar la
négative,la situation risque d'êtreétrange.Elle ne serait pas pour autant
nécessairementindéfendableendroit.Quant àsavoirjusqu'à quelpoint la
Cour peut pénétrerdans ce domaine, c'estlà une autre affaire. Il s'agit
pourtant de questions importantes, même si ellesne peuvent pas être
examinéesmaintenant.

(Signé)Mohamed SHAHABUDDEEN.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SHAHABUDDEEN

The Court's Order is based solely on SecurityCouncil resolution 748
(1992).Thatalsoistheground ofmyconcurrencewithit. Butforthat reso-
lution, 1should have thought that Libyahad presented an arguable case
for an indication of interim measures. The resolution now makes itun-
necessaryto explore the legal elements of Libya'srequest for such mea-
sures.Inviewoftheturn ofeventsoccasionedbytheresolution, 1propose,

however, to Saysomething on (i) the legal basis of the Court's Order;
(ii) the feasibility of an impartial trial in the event of the two accused
being surrendered to the Respondent; and (iii) certain implications of
theCourt's Order.

(i) THELEGAL BASIS OFTHE COURT'O SRDER

Whatever mighthavebeen the previousposition,resolution 748(1992)
of the Security Council leaves the Court with no conclusion otherthan
that to which ithas come.This isthe result not of imposition of superior
authority - there isnone - but ofthe factthat, in findingthe applicable
law,the Court musttakeaccount ofthe resolutioninso far asitaffectsthe
enforceability of the rights for the protection of which Libya is seeking
interim measures. The validity of the resolution, though contested by

Libya,has,atthisstage,tobepresumed (seethe generalprinciple in Legal
Consequencefsor StatesoftheContinued PresenceofSouthAfricainNami-
bia (South WestAfrica) notwithstanding SecuritC youncilResolution276
(1970),I.C.J.Reports1971,p. 22,para. 20).Article25oftheCharter ofthe
United Nations obliges Libya to comply withthe decision set out in the
resolution (ibid.,pp. 52-53).Byvirtue of Article 103of the Charter, that
obligationprevails overanyconflictingtreatyobligation whichLibya may
have (MilitaryandParamilitaryActivitiesinandagainst Nicaragua(Nicar-
agua v. UnitedStates of America), I.C.J.Reports1984,p. 440,para. 107).
Treatyobligationscanbeoverridden byadecisionofthe SecurityCouncil
imposingsanctions(PaulReuter, IntroductiontotheLaw of Treaties,1989,
p. 113,para. 228,and Sir Gerald Fitzmaurice, ne Law and Procedureof
theInternational Court ofJustice,1986, Vol. 2,p. 431).Hence, assuming
that Libya has the rights which it claims, prima facie they could not be
enforced during the lifeofthe resolution.

Severalcasesdemonstrate,in one wayor another, thatthe Court isnot
precluded fromacting bythe mere circumstancethatthe matter in contest OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

L'ordonnance de la Cour se fonde uniquement sur la résolution748
(1992)du Conseil de sécuritéT. el est aussi le motif de mon accord avec
elle. Sans cette résolution,j'aurais estiméque la Libye avait plaidéune
causedéfendable en faveurde l'indicationde mesuresconservatoires. La
résolution dispensemaintenantd'approfondir lesélémentsjuridiquesde
la demande présentéepar la Libye à cet effet.Toutefois,compte tenu du

tour donné aux événements par la résolution,je voudrais dire quelque
chose sur: i) le fondement juridique de l'ordonnance de la Cour; ii) la
possibilitéd'un procès impartialsiles deux accuséssontlivrésau défen-
deur; et iii)certainesimplications de l'ordonnance de la Cour.

i) LE FONDEMENTJURIDIQUE DE L'ORDONNANCE DE LA COUR

Quellequ'ait pu êtrela situation antérieure, la résolun48(1992)du
Conseil de sécurité nelaisse la Cour aucune autre conclusionpossible
que celleà laquelle ellea abouti. Cela ne résultepas d'une autoritésupé-
rieure qui s'impose- il n'yena pas - mais du fait qu'en déterminantle
droitapplicable la Cour doittenir compte dela résolutiondans la mesure
où celle-ciaffecte la facultéde faire respecter les droits dont la Libye a

voulu obtenirlaprotection en demandant desmesuresconservatoires. La
validitéde la résolution,bienque contestéepar la Libye,doit être présu-
mée à cestade (voirleprincipe généraldansConséquencesjuridiquespour
lesEtatsdelaprésence continu deel'AfriqueduSudenNamibie (Sud-Ouest
africain)nonobstantla résolution276 (1970)du Conseilde sécurité, C.I.J.
Recueil 1971,p. 22,par. 20).L'article25 de la Charte des Nations Unies
oblige la Libyeà se conformer à la décision énoncédeans la résolution
(ibid.,p. 52-53).En vertu de l'article 103de la Charte, cette obligation
prévaut sur toute obligation conventionnelle en conflit dont la Libye
pourrait être tenue(Activités militaires et paramilitaireasu Nicaragua et
contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), C.IJe.cueil984,
p.440,par. 107).Lesobligationsissuesdetraitéspeuvent êtresupplantées
par une décision du Conseil de sécuritéqui impose des sanctions

(Paul Reuter,Introductionto theLaw of Treaties,1989,p. 113,par. 228,et
sirGerald Fitzmaurice, TheLaw andProcedureoftheInternational Court
ofJustice,1986,vol.2,p.431).Parconséquent, à supposerque la Libyeait
lesdroitsqu'elle invoque,cesdroitsne peuvent,à premièrevue,pas rece-
voir exécutiontant que la résolution resteenvigueur.
Plusieurs décisionsdémontrent, d'une manière ou d'une autre,que le
simple fait que la question litigieuse soit aussi examinéepar un autre29 1971MONTREAL CONVENTION (SEP .P.SHAHABUDDEEN)

is alsonder consideration by another organ ofthe United Nations (see,
inter alia, UnitedStates Diplomatic and Consular Staff in Tehran,
Z.C.J.Reports1980,p.22,para. 40;and MilitaryandParamilitaryActivities
inand against Nicaragua (Nicaraguav. UnitedStateofAmerica),Provi-
sionalMeasures,Z.C.J.Reports1984,pp. 185-186,and, samecase,Jurisdic-
tion and Admissibility,Z.C.J.Reports 1984,pp. 433-436).In this case, it
happens that the decision which the Court is asked to giveis one which
would directlyconflictwithaecisionofthe SecurityCouncil.That isnot
an aspect whichcan be overlooked. Yet,it is not the juridical ground of
today'sOrder.Thisresultsnot fromanycollisionbetweenthecompetence
ofthe SecurityCouncil and thatthe Court, butfroma collisionbetween

the obligations of Libyader the decision of the SecurityCouncil and
any obligations which it rnayhaunder the Montreal Convention. The
Charter saysthat the former prevail.

1have consideredthe questionwhetherinterim measures maybe indi-
catedtothe extentthatthe Respondent has allegedlybeenthreateningthe
Applicantwithforce,thisnot beingauthorized byresolution 748(1992).It
appears to me, however, that whatever was the previous position, the
inferencetobejudicially drawn fromthefactsas theynowstand isthat the
Respondent, having promoted and supported the resolution, is prepared
to follow the course indicated in the resolution and accordinglynot to
resortto force unless authorized bythe SecurityCouncil. Soon thispoint

the resolution of the SecurityCouncilstands in the way,both onthe law
and on the facts.

(iiTHE FEASIBILI TFYAN IMPARTIA TRLIALIN THE EVENT OF THE TWO
ACCUSEB DEING SURRENDER TODTHE RESPONDENT

Libya's challenge to the validity of Security Council resolution 748
(1992)standsdeferredto the hearing ofitsApplication on the rnerits.But
the refusa1of its request for interim measures has immediate practical
effects.hese immediatepractical effects inevitably inviteattention to a

point whichcan scarcelybe overlooked in ajudicial forum.

Asisshown bythe material before the Court, the evolution ofthe con-
troversy between the Parties centred, in a basic sense, on the question of
the needfor an impartialtrial. The United Kingdom contended that such
atrialcouldnot behad in Libyaforthe reasonthatthe offencesconcemed
acts of terrorism carried out by the two accused on behalf of the State of
Libya (see Statement of the Permanent Representative of the United
Kingdom in the SecurityCouncil, 21 January 1992,UPV.3033, p. 105;
and Solicitor General Rodgers, Q.C., Public Sitting of 26 March 1992
(afternoon), CR92/3, pp. 21-22, and Public Sitting of 28 March 1992
(afternoon), CR92/6, p. 8). On the other hand, Libya took the position
that the Unitedingdom hasprejudgedthe caseagainstitstwonationals CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. IND.SHAHABUDDEEN) 29

organe del'organisation desNations Uniesn'empêchepas laCour d'agir
(voir, entre autres,ersonneldiplomatique etconsulairedes Etats-Unis
à Téhéran C,.Z.J. ecueil1980,p.22,par. 40;Activitésmilitaistparamili-
tairesauNicaraguaetcontrecelui-ci(Nicaraguac.Etats-Unis dAmérique),
mesuresconservatoires,C.Z.J.Recueil 1984,p. 185-186,et, mêmeaffaire,

compétenceetrecevabilitC é.,..Recueil1984,p. 433-436).En l'espèce, ilse
trouve que la décisionqu'il estdemandéà la Cour de prononcer entrerait
directement en conflit avec une décisiondu Conseil de sécurité. Cet
aspect de l'affaire ne peut être méconnu.l ne constitue pourtant pas le
motif juridique de l'ordonnance de cejour. Celle-ci ne résulte d'aucun
conflitentrelacompétencedu Conseildesécuritéec telledelaCour, mais
d'un conflit entre les obligations qu'imposeà la Libye la décisiondu
Conseil de sécuritéet toutes obligations dont elle pourrait être tenueen
vertu de la convention de Montréal.La Charte dit que les premières
doivent rév va loir.
J'ai envisagéla question de savoir si des mesures conservatoires
auraient pu êtreindiquéedsans la mesureoù il était allégque ledéfen-

deur avait menacé ledemandeur d'employer la force,ce que n'autorise
pas la résolution748 (1992).Toutefois,mesemble-t-il,quellequ'ait éla
situationantérieure,laconclusionquelejugedoittirer delafaçondont les
chosesseprésententmaintenantestqueledéfendeur,quiapris l'initiative
de larésolutionetl'aappuyée,estprêtàsuivrela ligne de conduitetracée
par elle et doncà ne pas recourirà la force sans y êtreautorisépar le
Conseil de sécuritéL. a résolutiondu Conseil de sécurité constituedonc
un obstaclesur cepoint, tant en droit qu'en fait.

ii) LAPOSSIBILITÉD'UN PROC~S IMPARTIAL

SI LES DEUX ACCUSÉSSONT LIVRÉS AU DÉFENDEUR

La contestation, par la Libye,de la validitéde la résolution748 (1992)
du Conseil de sécuritésetrouverenvoyée àl'examende sa requête surle
fond. En revanche, le rejet de sa demande en indication de mesures
conservatoires produit des effets pratiques immédiats. Ceseffets prati-
quesimmédiatsattirentinévitablementl'attentionsurun point qui nepeut
guèreêtreméconnu devan utne instancejudiciaire.
Commeil ressort du dossiersoumis à la Cour, l'évolutionde la contro-
verse entre les Parties a eu pour centre,en un sens fondamental, la ques-
tion de la nécessitd'un procès impartial.Le Royaume-Uni a soutenu

qu'un tel procèsne pouvait se dérouleren Libye pour la raison que les
infractions concernaient des actes de terrorisme perpétréspar les deux
accuséspour le compte de 1'Etatlibyen (voirla déclarationdu représen-
tant permanent du Royaume-Uni au Conseil de sécurité2 ,1janvier 1992,
WPV.3033,p. 105;et le SolicitorGeneralRodger, Q.C., audience publi-
quedu26mars 1992(après-midi),CR 92/3, p. 21-22,etaudiencepublique
du 28 mars 1992(après-midi), CR92/6, p. 8). D'autre part, la Libye a
soutenu que le Royaume-Uni a préjugé l'affaire à l'encontre des deux(Public Sitting of 26 March 1992 (morning), CR 92/2, p. 58, Profes-
sor Salmon). To this the United Kingdom has made answer that its
prosecuting authorities have merely expressed the view that the evi-
dence is enough to justify the bringing of charges. In the words of the
Permanent Representativeofthe United Kingdomto the United Nations :

"Wearenotassertingtheguiltofthesetwo menbeforetheyaretried,
but we do Saythat there is serious evidenceagainstthem whichthey
mustfacein Court." (S/PV.3033,21January 1992,p. 103.)

And,inthe wordsofthe SolicitorGeneralfor Scotland:
"1pause to observethat it was a recurring theme of the speeches
made on behalf of the Applicant this morning that byaskingfor the
accused to be handed over the United Kingdom was somehowvio-

lating the principle that their innocence was to be presumed until
theyhad been found guilty.

It is certainlytrue that my colleaguethe Lord Advocate hassuffi-
cientevidencetojustifychargingthesetwomenbut iftheyarehanded
overfortrialinScotlandtheirguiltorinnocencewillbedeterminednot
bythe LordAdvocate,norbytheGovernmentofthe United Kingdom,
but by a jury of 15 ordinary men and women." (Public Sitting of
26March 1992(afternoon),CR 92/3, p. 21.)

Now,itwasinevidencebeforetheCourt(seeparagraph 28oftheCourt's
Order) that the forma1demands of the United Kingdom and the United
States, as publicly addressed to Libya on 27 November 1991,read as
follows :

"The British and Arnerican Governments today declare that the
Governmentof Libyamust:
- surrender for trial al1those charged with the crime; and accept
responsibilityforthe actionsofLibyanofficials ;

- discloseal1itknowsofthiscrime,includingthenamesofal1those
responsible,and allowfullaccessto al1witnesses,documents and

othermaterial evidence,includingal1the remainingtimers ;

- pay appropriatecompensation.
We expectLibyatocomplypromptly andin full .Emphasis added.)

Thesedemands weremade withspecificreferenceto the chargesbrought
bythe Procurator Fiscalonthe direction ofthe Lord Advocateagainstthe
two accused. The demands were subsequently endorsed by the Securityressortissants libyens (audience publique du 26 mars 1992 (matin),
CR 92/2, p. 58,M. Salmon).A cela,le Royaume-Unia réponduque son
ministèrepublic a seulement exprimél'avisque les éléments de preuve
suffisent pour justifier des inculpations. Selon lestermes dont s'estservi
lereprésentantpermanentdu Royaume-Uni àl'Organisation desNations
Unies :

«Nous n'affirmons pas que ces personnes sont coupables avant
qu'elles soient jugées, mais nous disons qu'il existe de graves
élémentd sepreuvecontre ellesetqu'ellesdoiventyfairefacedevant
un tribunal. »(S/PV.3033,21janvier 1992,p. 103.)

Et,selon lestermes du Solicitor Generadl'Ecosse

«Je m'interromprai pour faire observer que l'un des leitmotivs,
dans lesplaidoiries faites au nom de'Etatrequérantcematin, a été
qu'en demandant que les inculpés soientremis le Royaume-Uni
violait,d'une façonoud'uneautre,leprincipe selonlequelleur inno-
cence devait être présuméje usqu'à ceque leur culpabilité ait été
établie.
Il estincontestable que mon collègueleLordAdvocateasuffisam-
ment d'élémend te preuve pour justifier la miseen accusation de ces
deux individus, mais s'ils sont traduits en justice en Ecosse leur
culpabilité ou leur innocence sera déterminéenon pas par le
Lord Advocateni par le Gouvernement du Royaume-Uni,mais par
un jury de quinze hommes et femmesordinaires. »(Audiencepubli-
quedu 26mars 1992(après-midi),CR 92/3, p. 21.)

Or, la preuve a étérapportéedevant la Cour (voir paragraphe 28 de
l'ordonnance de la Cour) que les demandes officielles du Royaume-Uni
etdesEtats-Unis,telles qu'ellesfurentpubliquement adressées à la Libye
le 27novembre 199 1,étaient ainsilibellé:s

«Les Gouvernements britannique et américain déclarentcejour
que leGouvernementlibyen doit:
livrer, afin qu'ils soient traduits en justice, tous ceux qui sont
accusésde ce crimeet assumerla responsabilitédes agissements

desagentslibyens;
divulguertous lesrenseignementsensapossessionsurcecrime,y
compris les noms de tous les responsables, et permettre le libre
accès àtous lestémoins,documentsetautrespreuvesmatérielles,
ycompristouslesdispositifsd'horlogerie restants;
verserdesindemnitésappropriées.
Nous comptonsque laLibye remplirases obligationspromptement et
sansaucune réserve. (Lesitaliques sontde moi.)

Ces demandes ont été formulées en termes exprès à propos des accusa-
tions portées contreles deux inculpéspar le ProcuratorFiscalsur les
instructions duLordAdvocate.Cesdemandes ont étéentérinée usltérieu-31 1971 MONTREAL CONVENTION (SEP .P.SHAHABUDDEEN)

Council,beingincorporated byreferencein itsresolutions 731(1992)and
748 (1992),both of which were promoted and supported by the United

Kingdom.
It will be seen that the United Kingdom's third demand, that Libya
"must ...pay appropriate compensation", was not expressedto be con-
tingent on the accused being eventually convicted after a trial. The
demand, like the other demands, was specifically stated as a demand
which was expected to be complied with "promptly and in full". This
could only mean that it was to be complied with forthwith and therefore
before any trial could possibly be held. That interpretation is reinforced
by operative paragraph 1 of Security Council resolution 748 (1992) by
whichthe Councildecided

"that the LibyanGovernment must now complywithout any further
delay with paragraph 3 of resolution 731 (1992) regarding the
requests contained in documents S/23306, S/23308 and S/23309".

Document S/23308 setoutthe demands referred to above.
Sincethe ground on which the United Kingdom made its demand for
payment of compensation was that Libya had engaged international
responsibility for the crimes allegedly committed by its two accused
nationals, the making ofthe demand for payment "promptly and in full"
constituted a public and widely publicized announcement by the
Respondent State of a prior determination by it, as a State, that the two
accused were in fact guilty of theffences charged. As noted above,the
SolicitorGeneral for Scotland affirmed to the Court that "their guilt or
innocence willbe determined not by the Lord Advocate,nor by the Gov-
ernment ofthe United Kingdom. ..".True,inthe sensethat guiltisforthe

courts; but it isneverthelessclear that guilthas alreadybeen determined
by the United Kingdom as a State.

There is a related aspect. The guilt of the accused, said the Solicitor
General,wouldbedetermined "byajury of 15ordinarymenandwomen".
That would happen in Scotland, where this tragic event took place, an
eventwhichboth Partiesagree(as,indeed, does everyone)wasa dreadful
crimeby whomsoeverperpetrated. The excellenceof the Scottishsystem
ofjustice has not been put in issue.Yet,the foregoingcannot be without
serious implications for an impartial trial. That is important, for, as sug-
gested above,there isa fundamental sensein which itcan be saidthatthe
question ofanimpartialtrial liesatthe root ofthentirecontroversyrelat-
ingto the Respondent's demandforthe surrender ofthe two accused(see,

generally,HalsbulySLawsofEngland,4th ed.,Vol.9,p. 10,para. 11,asto
the prejudicial effect of public statements affirming innocence or guilt;
Archbold's Criminal Pleading, Evidenceand Practice,40th ed., p. 1670,
para. 3468,statingthat "ajury aremore likelyto be swayedbyprejudicial CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. IND.SHAHABUDDEEN) 31

rementpar leConseildesécurité etincorporéespar voiederéférencedans
sesrésolutions731(1992)et 748(1992),toutes deux adoptéessur l'initia-
tive du Royaume-Uni et avecson appui.
Onconstatequelatroisièmedemandedu Royaume-Uni, àsavoirquela
1-ibye«doit..verser desindemnités appropriées»,n'a pas étéprésentée
comme si elle avait pour condition que les accusés soient finalement
condamnés àl'issued'un procès. Ladite réclamation, commeles autres,
était expressément formulée d'une manière tellqeu'il devait y être fait
droit ({promptement et sans aucune réserve». Cela ne pouvait signifier

qu'une chose :qu'ildevaityêtrefaitdroitsur-le-champetdonc avantqu'il
pût setenir un procès. Une telle interprétationest confirméepar lepara-
graphe 1du dispositif de la résolution748 (1992)du Conseil de sécurité,
dans lequelle Conseildécide
«que le Gouvernement libyen doit désormais appliquer sans le
moindre délaileparagraphe 3delarésolution731(1992)concernant
les demandes contenues dans les documents S/23306, S/23308

et S/23309».
Ledocument S/23308reproduisait lesdemandes mentionnéesci-dessus.
Puisquele motifinvoquépar leRoyaume-Uni à l'appui de sademande
depaiement d'une indemnité était quela responsabilitéinternationade
la Libye setrouvait engagéedu fait des infractions commises,alléguait-
on, par ses deux ressortissants accusés,réclamerle paiementrompte-

ment et sans aucune réserveéquivalait,pour 1'Etatdéfendeur,à annon-
cer de façon publique et grand renfort de publicitéqu'ilavait établiau
préalable,entant qu'Etat, que les deux accusésétaienten fait coupables
des infractions viséesdans l'acte d'inculpation. Comme on l'a indiqué
plus haut, le Solicitor Generald'Ecosse a déclarà la Cour que «leur
culpabilité ou leur innocencesera déterminéenonpas par le LordAdvo-
cateni par leGouvernement du Royaume-Uni ..»Voilàqui estvrai en ce
sensque c'estaux tribunaux qu'ilappartientde reconnaître une culpabi-
lité;maisiln'en estpasmoinsclairquelaculpabilitéadéjàétédécidp éar
le Royaume-Unien tant qu7Etat.
A cela s'ajoute un aspect connexe de l'affaire. La culpabilité des
accusés,a déclaréle SolicitorGeneral,sera déterminée«par un jury de
quinze hommes et femmes ordinaires ». Cela se passerait en Ecosse, où
s'estproduit l'événementtragique dont il s'agit,événementue les deux

Partiess'accordent(commed'ailleurstout lemonde) à considérercomme
un crimeeffrayant,quelsqu'en soientlesauteurs.L'excellencede l'ordre
judiciaire écossaisn'a pas émise en cause.Cependant, la circonstance
indiquéeci-dessus ne saurait manquer d'avoir de graves répercussions
pour un procès impartial. Il y a là un fait important car, comme on l'a
donné àentendre, on peut dire en un sens fondamental que la question
d'un procèsimpartial sesitue l'originemême detoute la controversequi
s'estélevéequand ledéfendeur a réclaméqu'on lu liivrelesdeux accusés
(voir,de façon générale,Halsbury'sLaws ofEngland,4eéd., vol.9,p. 10,
par. 11,surlesdéclarationspubliquesaffirmantl'innocenceoulaculpabi-32 197 1MONTREALCONVENTION (SEP .P.SHAHABUDDEEN)

matter than a judge"; Sir J. H. A. Macdonald, A Practical Treatise on
the Criminal Law of Scotland, 5th ed., 1948, pp. 215-216; and
David M.Walker, ne ScottishLegalSystem,1981,pp. 339-340).

(iii) IMPLICATIONSF THE COURT'O SRDER

Inabilityunder domesticlawto actbeingnodefencetonon-compliance
with an international obligation, inrder to make such compliance in a
caseofthiskind a State may wellfind that, ifit isnot to breach itsrna1
legal order, it may have not only to legislate in the ordinary way, but to
undertake some appropriate measure of constitutional amendment, and

to do so speedily. In this case, Libya has expressed doubts whether the
stated objective of securing an impartial trial willbe achieved if (having
taken whateversteps are necessary) itcomplieswiththe resolution ofthe
SecurityCouncil.
The question now raised by Libya'schallengeto the validity ofesolu-
tion 748(1992)iswhethera decisionofthe SecurityCouncil mayoverride
the legalrights of States, and, if so,whether there are any limitations on
the power of the Council to characterize a situation as onetifying the
making of a decision entailingsuch consequences.Arethere any limitsto
the Council'spowers ofappreciation? Inthe equilibrium offorcesunder-
pinning the structure of the United Nations within the evolvinginterna-
tionalorder, is there any conceivablepoint beyond which a legal issue
may properly arise as to the competence of the SecurityCouncil to pro-
duce such overridingresults?If there are anylimits,what are those limits

and what body, if other than the Security Council, is competent to Say
what those limitsare?

If the answers to these delicate and complex questions are al1in the
negative,the position ispotentiallycurious. Itwouldnot, onthat account,
be necessarilyunsustainable in law;and how far the Court can enter the
field is another matter. The issues are however important, even though
they cannot be examined now.

(Signed) Mohamed SHAHABUDDEEN. CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. IND.SHAHABUDDEEN) 32

lité quiontpour effet de préjuger l'affaire;hbold'sCriminalPleading,
Evidenceand Practice, 40eéd.,p. 1670,par. 3468,déclarant:«le jury est
plus exposé que le magistrat à se laisser entraîner par un préjugé));
sirJ. H. A. Macdonald, A PracticalTreatiseontheCriminalLaw ofScot-

land, 5eéd.,1948,p. 215-216; et David M. Walker, ne Scottish Legal
System, 1981,p. 339-340).

iii) LESMPLICATIONS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR

Puisque l'impossibilité d'agir, en droit interne,ne peut pas constituer
un moyen de défensepour l'inexécution d'une obligationinternationale,
il se peut qu'un Etat, s'ilveut s'exécuterdans une affaire de ce genre,
constate qu'afin de ne pas enfreindre son ordre juridique interne il doit
non seulement légiféredre la manière ordinaire, mais prendre quelques
mesures appropriéesde revision constitutionnelleet celasans tarder. En

l'espèce,la Libye a contesté quel'objectifdéclaréde garantir un procès
impartial sera atteint si (après avoir pris toutes les mesures nécessaires)
elle seconforme à la résolutiondu Conseil de sécurité.
Laquestionquisurgitmaintenant du faitdelacontestation parla Libye
de lavaliditéde la résolution748(1992)est cellede savoirsiune décision
du Conseildesécuritépeut l'emportes rurlesdroitsqu'ont juridiquement
lesEtatset,en cecas,s'ilexistequelquerestriction au pouvoir du Conseil
de sécurité d'appliquerà une situation une qualification qui permette
d'adopter une décisionentraînant de telles conséquences.Les pouvoirs
d'appréciationdu Conseil ont-ils des limites?Etant donnél'équilibrede
forcessur lequelrepose la structure de l'organisation des Nations Unies

dans l'ordre international en mutation, peut-on concevoir qu'il y ait un
point au-delà duquel l'on peut légitimements'interroger, en droit, surla
compétenceduConseildesécurité deproduire detelseffetsprééminents ?
S'ily a de telles limites,quellessont-elles?Quel organe, sinon le Conseil
de sécurité,est-ilcompétenptour dire en quoi ellesconsistent?
S'ilfaut répondre àtoutes ces questions délicates et complexespar la
négative,la situation risque d'êtreétrange.Elle ne serait pas pour autant
nécessairementindéfendableendroit.Quant àsavoirjusqu'à quelpoint la
Cour peut pénétrerdans ce domaine, c'estlà une autre affaire. Il s'agit
pourtant de questions importantes, même si ellesne peuvent pas être
examinéesmaintenant.

(Signé)Mohamed SHAHABUDDEEN.

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Document Long Title

Opinion individuelle M. Shahabuddeen

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