Déclaration commune de MM. les juges Keith et Greenwood

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103-20101130-JUD-01-03-EN
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DÉCLARATION COMMUNE
DE MM. LES JUGES KEITH ET GREENWOOD

[Traduction]

1. Tout en nous associant, par notre vote, aux conclusions de la Cour,
nous ne souscrivons pas à l’un des motifs sur lesquels celle-ci s’est fondée
pour dire que les arrestations et détentions de M. Diallo en 1995-1996
étaient contraires au Pacte et à la Charte africaine (arrêt, par. 165,
point 3). La Cour, en effet, parvient à la conclusion que les arrestations et
détentions ayant précédé l’expulsion de M. Diallo étaient arbitraires et

contraires au paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte et à l’article 6 de la
Charte africaine parce que la décision d’expulser l’intéressé ne reposait
sur aucun fondement valable (ibid., par. 82). Quoique le raisonnement à
partir duquel la Cour parvient à cette conclusion concerne le caractère
arbitraire de ces arrestations et détentions au regard des dispositions

applicables en la matière, il est à rattacher à l’interprétation qu’elle fait
des dispositions relatives à l’expulsion.
2. Suivant l’interprétation de la Cour, ces dispositions, à savoir l’ar-
ticle 13 du Pacte et le paragraphe 4 de l’article 12 de la Charte africaine,
interdisent toute expulsion revêtant «un caractère arbitraire» (ibid.,
par. 65) et ouvrent la possibilité de faire déterminer par une instance judi-

ciaire si l’«expulsion [est] justifiée sur le fond» (ibid., par. 73). Dans la
présente déclaration, nous examinons la question de savoir si, au-delà des
garanties procédurales qu’elles énoncent, ces dispositions imposent effec-
tivement une limite générale de nature substantielle au pouvoir d’expul-
sion, fondée sur l’interdiction de l’arbitraire. Les raisons exposées ci-
après nous ont amenés à conclure par la négative.

3. Les dispositions directement pertinentes du Pacte et de la Charte
africaine se lisent comme suit:

Article 12 du Pacte
«1. Quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un Etat a le

droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.

2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y com-
pris le sien.
3. Les droits mentionnés ci-dessus ne peuvent être l’objet de res-
trictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour pro-

téger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité
publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les
autres droits reconnus par le présent Pacte.
4. Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son
propre pays.»

77 Article 13 du Pacte

«Un étranger qui se trouve légalement sur le territoire d’un Etat
partie au présent Pacte ne peut en être expulsé qu’en exécution d’une
décision prise conformément à la loi et, à moins que des raisons

impérieuses de sécurité nationale ne s’y opposent, il doit avoir la
possibilité de faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion
et de faire examiner son cas par l’autorité compétente, ou par une ou
plusieurs personnes spécialement désignées par ladite autorité, en se
faisant représenter à cette fin.»

Article 12 de la Charte africaine

«1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa
résidence à l’intérieur d’un Etat, sous réserve de se conformer aux

règles édictées par la loi.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien,
et de revenir dans son pays. Ce droit ne peut faire l’objet de restric-
tions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger
la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques.

3. Toute personne a le droit, en cas de persécution, de rechercher
et de recevoir asile en territoire étranger, conformément à la loi de
chaque pays et aux conventions internationales.
4. L’étranger légalement admis sur le territoire d’un Etat partie à
la présente Charte ne pourra en être expulsé qu’en vertu d’une déci-

sion conforme à la loi.
5. L’expulsion collective d’étrangers est interdite. L’expulsion col-
lective est celle qui vise globalement des groupes nationaux, raciaux,
ethniques ou religieux.»

4. Tant l’article 13 du Pacte que le paragraphe 4 de l’article 12 de la
Charte africaine exigent, au premier chef, que la décision d’expulsion soit
conforme au droit interne: un étranger ne peut être expulsé qu’en exécution

d’une décision prise conformément à la loi. En vertu de ces deux disposi-
tions, la décision doit viserune personne donnée. Les expulsions collectives
sont par conséquent interdites, comme cela est expressément énoncé au
paragraphe 5 de l’article 12 de la Charte africaine et comme l’a déclaré le
Comité des droits de l’homme au paragraphe 10 de son observation géné-
o
rale n 15, à propos de l’article 13 du Pacte (voir paragraphe 10 ci-dessous).
C’est normalement le droit interne qui détermine à qui appartient la déci-
sion d’expulsion, quelle est la procédure à suivre et quels sont les motifs
d’expulsion ainsi que, éventuellement, les possibilités de contestation. Deux
garanties procédurales sont expressément accordées à la personne visée par

l’article 13 du Pacte: le droit de faire valoir des raisons militant contre son
expulsion et celui de faire examiner son cas par l’autorité compétente, ou
par une personne spécialement désignée par cette autorité, en se faisant
représenter à cette fin. Bien entendu, ces exigences de procédure ne sont pas

une fin en soi. Leur rôle est de contribuer à garantir le bien-fondé de la déci-
sion et à protéger les étrangers contre les expulsions arbitraires.

78 5. Outre l’obligation de ne pas procéder à des expulsions collectives,
quelles limites de nature substantielle les deux articles susmentionnés

imposent-ils? Aucune expressément, mais de telles limites peuvent décou-
ler d’autres dispositions de ces deux instruments, en particulier la garan-
tie de l’égalité devant la loi ou l’interdiction de la discrimination énoncées
aux articles 2, paragraphe 1, et 26 du Pacte et aux articles 2 et 3 de la
Charte africaine, ainsi qu’il ressort de nouveau de l’observation générale
o
n 15 du Comité des droits de l’homme à propos du Pacte (paragraphes 9
et 10). Pour énoncer une vérité d’évidence, les articles relatifs à l’expul-
sion n’interdisent pas explicitement les expulsions arbitraires.
6. Cette absence d’interdiction expresse de l’arbitraire dans l’exercice

d’un pouvoir étatique est encore plus frappante lorsque les dispositions
pertinentes du Pacte et de la Charte africaine sont lues dans leur contexte.
L’article 12 du Pacte, en ses paragraphes 3 et 4, et l’article 12 de la Charte
africaine, en son paragraphe 2, autorisent des restrictions de nature sub-
stantielle aux droits de circuler librement et de choisir sa résidence qu’ils

énoncent. Quant au paragraphe 4 de l’article 12 du Pacte, qui précède
immédiatement l’article 13, il permet de limiter le droit d’un ressortissant
de rentrer dans son pays, mais à la condition que cette limitation ne soit
pas arbitraire. Plus généralement, d’autres dispositions de ces mêmes trai-
tés interdisent expressément toute mesure arbitraire. Il en va ainsi de cel-

les relatives au droit à la vie (article 6 du Pacte et article 4 de la Charte
africaine), à l’arrestation et à la détention (article 9 du Pacte et article 6
de la Charte africaine) et au droit à la vie privée (article 17 du Pacte).
Peuvent également être citées à titre de contre-exemples les dispositions
de l’article 32 de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés,

dont s’est partiellement inspiré l’article 13 du Pacte (voir paragraphe 8
ci-dessous). Si le paragraphe 2 de l’article 32 énonce des garanties procé-
durales comparables à celles prévues à l’article 13 du Pacte, son paragra-
phe 1, contrairement à cette dernière disposition, limite le pouvoir de
l’Etat en n’autorisant l’expulsion d’un réfugié que pour des raisons de

sécurité nationale ou d’ordre public. Cette remarque vaut également pour
l’article 31 de la convention de 1954 relative au statut des apatrides.
7. Lus dans leur sens ordinaire et replacés dans leur contexte, l’arti-
cle 13 et le paragraphe 4 de l’article 12 du Pacte n’emportent pas, semble-
t-il, d’interdiction de l’expulsion arbitraire. L’objet et le but de ces dispo-

sitions commanderaient-ils une telle interdiction? A n’en pas douter,
l’accent mis sur la conformité au droit interne et sur le respect des garan-
ties procédurales spécifiquement prévues par l’article 13 poursuit un dou-
ble objectif: permettre que les décisions soient prises de manière plus
éclairée et protéger les possibilités pour l’intéressé de faire valoir les rai-

sons qui militent contre son expulsion. En ce sens, c’est-à-dire en ce
qu’elles prévoient le respect d’une procédure régulière, ces dispositions
offrent une garantie contre les décisions arbitraires.
8. Cette importance accordée à la procédure équitable en tant que

moyen premier (sinon unique) d’empêcher l’expulsion arbitraire caracté-
rise toute l’histoire rédactionnelle de l’article 13. Le Secrétariat de l’Orga-

79nisation des Nations Unies a rédigé en 1955 un commentaire fort utile
des projets de pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme

(Assemblée générale, Documents officiels, dixième session , annexes,
point 28 de l’ordre du jour, Nations Unies, doc. A/2929). Le commen-
taire du projet d’article 13, dont le texte est demeuré inchangé tout au
long du processus de rédaction, s’ouvre ainsi:

«61. La discussion de l’article 13 a porté essentiellement sur la
nature et l’étendue de la protection qui doit être accordée aux étran-
gers pour empêcher leur expulsion, compte tenu du souci des Etats

de ne pas se voir imposer la présence sur leur territoire d’étrangers
indésirables.»

Après une brève mention du droit d’asile et de l’extradition, le commen-
taire se poursuit en ces termes:

«Protection des étrangers contre l’expulsion arbitraire
63. On a proposé de stipuler dans cet article que les étrangers qui
séjournent légalement sur le territoire d’un Etat ne peuvent en être
expulsés que pour des motifs prévus par la loi; la procédure à suivre

en cas d’expulsion devrait également être déterminée par la loi. Le
principe selon lequel les motifs d’expulsion doivent être conformes à
la loi n’a pas été contesté, mais certains ont pensé qu’une telle dis-
position serait difficile à appliquer et qu’elle pourrait même, dans
certains cas, aller à l’encontre des exigences de la sécurité nationale.

On a reconnu que l’Etat qui expulse un étranger prend une décision
extrêmement grave qui ne doit en aucun cas avoir un caractère arbi-
traire. Il importe d’assurer aux étrangers une certaine protection
contre l’expulsion arbitraire.
64. Lors de la discussion sur la nature des garanties à prévoir

pour l’individu, on a fait valoir qu’il importait de rédiger l’article de
manière à obliger les pays dont la législation ne prévoit pas de
recours contre un arrêté d’expulsion à adopter des dispositions à cet
effet. Quelques représentants se sont opposés à ce qu’on introduise

une clause expresse dans ce sens, faisant ressortir que les Etats ont
toute liberté en matière d’expulsion des étrangers et qu’il leur appar-
tient de déterminer la procédure et les garanties qui leur paraissent
nécessaires. La majorité a estimé, toutefois, qu’il convenait de main-
tenir un juste équilibre entre les intérêts de l’Etat et la protection

de l’individu. On a estimé que l’article 32 de la convention du
28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés donnait aux autorités
intéressées la possibilité de prendre toutes mesures utiles et accor-
dait des garanties suffisantes et précises aux personnes visées.
L’article 13, tel qu’il a été adopté, s’inspire de cet article de la

convention.»
9. Cette tendance à privilégier les garanties de nature procédurale plu-

tôt que les limites de nature substantielle en tant que moyen de protection
contre les expulsions arbitraires s’est du reste manifestée à différentes

80étapes du processus de rédaction. Une proposition adoptée en 1947 par la
Commission des droits de l’homme tendait à interdire l’expulsion arbi-

traire (Nations Unies, doc. E/CN.4/SR.37), mais, l’année suivante,
le texte proposé exigeait simplement que l’expulsion se déroule «confor-
mément à la procédure prescrite par la loi» (Nations Unies, doc.
E/CN.4/95, art. 12; doc. E/800, annexe B, art. 11). Une proposition
visant à inclure la mention «motifs prévus par la loi» ne fut pas retenue

et, en 1952, dans le texte final, la référence à la «procédure» avait disparu
(M. J. Bossuyt, Guide to the «Travaux Préparatoires» of the Internatio-
nal Covenant on Civil and Political Rights , 1987, p. 267-269).
10. La position adoptée par le Comité des droits de l’homme, claire-
o
ment exposée en 1986 dans l’observation générale n 15, va dans le même
sens, le Comité ayant considéré que ce sont avant tout les garanties
procédurales prévues qui doivent permettre d’empêcher les expulsions
arbitraires:

«10. L’article 13 ne porte directement que sur la procédure, et
non sur les motifs de fond de l’expulsion. Cependant, pour autant

qu’il n’autorise que les mesures exécutées à la suite d’une «décision
prise conformément à la loi», son objectif évident est d’éviter les
expulsions arbitraires. D’autre part, il reconnaît à chaque étranger le
droit à une décision individuelle; il s’ensuit que les lois ou décisions
qui prévoiraient des mesures d’expulsion collective ou massive ne

répondraient pas aux dispositions de l’article 13. Le Comité estime
que cette interprétation est confirmée par les dispositions qui pré-
voient le droit de faire valoir les raisons qui peuvent militer contre
une mesure d’expulsion et de soumettre la décision à l’examen de
l’autorité compétente ou d’une personne désignée par elle, en se fai-

sant représenter à cette fin devant cette autorité ou cette personne.
L’étranger doit recevoir tous les moyens d’exercer son recours contre
l’expulsion, de manière à être en toutes circonstances à même d’exer-
cer effectivement son droit. Les principes énoncés par l’article 13 au
sujet du recours contre la décision d’expulsion ou du droit à un nou-

vel examen par une autorité compétente ne peuvent souffrir d’excep-
tion que si «des raisons impérieuses de sécurité nationale l’exigent».
Aucune discrimination ne peut être opérée entre différentes catégo-
ries d’étrangers dans l’application de l’article 13.»

11. Les constatations du Comité des droits de l’homme en l’affaire
Maroufidou c. Suède, mentionnées par la Cour pour étayer sa conclusion

(arrêt, par. 66), intéressent uniquement la question de la conformité au
droit interne et la mesure dans laquelle le Comité est fondé à examiner des
décisions prises par des autorités nationales en application de leur droit
interne. Le Comité ne fait nulle mention d’une limite spécifique imposée à

l’arbitraire par le droit international, comme l’atteste la citation suivante:

«9.3. La «loi» à laquelle fait référence l’article 13 est la loi natio-
nale de l’Etat partie concerné et, dans le cas présent, la loi suédoise,

81 étant entendu que les dispositions pertinentes de la loi nationale doi-
vent être compatibles avec les dispositions du Pacte. L’article 13

impose la conformité à cette loi en ce qui concerne tant ses exigences
de fond que ses exigences d’ordre procédural.
10.1. Anna Maroufidou prétend que la décision d’expulsion prise
à son encontre l’a été en violation de l’article 13 du Pacte parce
qu’elle n’a pas été prise «conformément à la loi» et se fonde sur une

interprétation erronée de la loi suédoise relative aux étrangers. De
l’avis du Comité, l’interprétation du droit interne est essentiellement
du ressort des tribunaux et des autorités de l’Etat partie concerné. Il
n’entre pas dans les pouvoirs ou attributions du Comité de détermi-

ner si les autorités compétentes de l’Etat partie concerné ont inter-
prété et appliqué correctement la loi dans une affaire qui lui est
soumise en vertu du protocole facultatif, à moins qu’il ne soit établi
que cette loi n’a pas été interprétée et appliquée de bonne foi ou qu’il
n’y ait eu, de toute évidence, abus de pouvoir.

10.2. Au vu de l’ensemble des informations écrites communiquées
par l’intéressée et des explications et observations de l’Etat partie
concerné, le Comité estime que, lorsqu’elles ont pris la décision
d’expulser Anna Maroufidou, les autorités suédoises ont interprété
et appliqué les dispositions pertinentes de leur droit interne en toute

bonne foi et de façon raisonnable; par conséquent, la décision a été
prise «conformément à la loi», comme l’exige l’article 13 du Pacte.»
(CCPR/C/12/D/58/1979, 8 avril 1981.)

12. La Cour mentionne deux décisions de la Commission africaine des
droits de l’homme et des peuples. La première dans l’ordre chronologique,
rendue en octobre 1996 en l’affaire Organisation mondiale contre la tor-
ture et autres c. Rwanda(arrêt, par. 67), concerne notamment l’expulsion col-

lective de réfugiés burundais liée à leur nationalité; dans cette courte déci-
sion, la Commission qualifie l’expulsion en cause de violation manifeste
du paragraphe 5 de l’article 12 de la Charte africaine (paragraphe 3 ci-
dessus). L’unique autre référence qu’elle fasse à l’article 12 est la suivante:

«Cette disposition devrait être interprétée comme prévoyant une
protection générale pour tous ceux qui sont persécutés afin qu’ils puis-
sent demander asile dans un autre pays. L’article 12 4) interdit que ces

personnes soient arbitrairement expulsées vers leur pays d’origine. Eu
égard à ce qui précède, il est manifeste que les réfugiés burundais ont
ainsi été expulsés en violation des articles 2 et 12 de la Charte.»

Quant à la seconde décision, rendue par la Commission africaine en
l’affaire Kenneth Good c. Botswana (communication n 313/05 (mai 2010)
EX.CL/600 (XVII)), elle est, en ce qu’elle a trait au paragraphe 4 de

l’article 12 de la Charte africaine, essentiellement axée sur la conformité à
la législation du Botswana sur l’immigration:

«203. Lorsque nous abordons cet aspect, le premier point à consi-
dérer est celui de savoir à quoi fait référence l’expression «conforme

82 à la loi» aux termes de l’article 12 4) de la Charte. Elle renvoie aux
lois nationales des Etats parties à la Charte africaine. Aux termes de

cette disposition, les Etats parties ont tous l’autorité d’expulser les
étrangers non légalement admis sur leur territoire. Or, à cet égard, la
Charte fait obligation aux Etats parties d’avoir des lois réglemen-
tant cette question et elle attend d’eux qu’ils y adhèrent strictement.

Cela contribue à rendre le processus prévisible et à éviter les abus de
pouvoir.
204. Le Botswana est donc pourvu d’une législation portant régle-
mentation des questions d’immigration, y compris l’expulsion
d’étrangers non admis légalement sur son territoire. Le Botswana a

donc rempli ses obligations à l’égard de l’article 12 4) de la Charte à
cet égard. Mais la simple existence de la loi ne suffit pas en soi. La loi
doit respecter non seulement les autres dispositions de la Charte
mais aussi les autres conventions internationales des droits de

l’homme auxquelles le Botswana est partie. En d’autres termes, le
Botswana a l’obligation de s’assurer que la loi (dans ce cas, la loi sur
l’immigration) ne viole pas les droits et les libertés protégés en vertu
de la Charte africaine ou d’un autre instrument international dont le
Botswana est signataire.

205. A cet égard, la Commission, dansModise c. Botswana, a jugé
que «si la décision de savoir qui est autorisé à rester dans un pays
dépend des autorités compétentes de ce pays, cette décision doit tou-
jours être prise selon des procédures juridiques minutieuses et justes

et en tenant dûment compte des normes et des standards internatio-
naux acceptables». Les normes et standards internationaux des droits
de l’homme font obligation aux Etats d’offrir aux étrangers le forum
nécessaire pour faire entendre leurs droits avant de les expulser.»

La Commission avait déjà, dans cette même décision, estimé que le
Botswana avait violé les droits garantis à M. Good par le paragraphe 1 a)
de l’article 7 de la Charte africaine, en vertu duquel l’intéressé aurait dû
avoir la possibilité de faire entendre sa cause par un tribunal. Elle a conclu

que le Botswana n’avait pas respecté ses obligations de nature procédurale.
13. Il s’ensuit, selon nous, que les interprétations qu’ont données les
organes de contrôle institués par les deux traités en question ne remettent
nullement en question le sens ordinaire de ces dispositions lues dans leur
contexte et à la lumière de leur objet et de leur but, sens que vient

d’ailleurs confirmer l’histoire rédactionnelle du Pacte. Ainsi, le sens attri-
bué plus haut à ces dispositions se trouve confirmé par les interprétations
qui en ont été faites, de même que par les commentaires du Pacte (voir
M. Nowak, United Nations Covenant on Civil and Political Rights:
e
CCPR Commentary,2 éd., 2005, p. 290-291; S. Joseph, J. Schultz et
M. Castan (dir. publ.), The International Covenant on Civil and Political
Rights: Cases, Materials and Commentary ,2 e éd., 2005, p. 377-378).
14. La Cour renvoie à la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme

83pour étayer sa conclusion sur les dispositions du Pacte et de la Charte afri-

caine relatives à l’expulsion (arrêt, par. 68), sans néanmoins citer la moin-
dre décision pertinente de l’une ou de l’autre. Or, les décisions concluant à
une violation par l’Etat défendeur que nous avons consultées sanctionnent
soit le non-respect de garanties procédurales, soit la non-conformité au
droit interne, soit une mesure d’expulsion collective (par exemple,Bolat
o
c. Russie, requête n 14139/03, orrêt du 5 octobre 2006, par. 81-83, et
Lupsa c. Roumanie, requête n 10337/04, arrêt du 8 juin 2006, par. 54-61;
«Situations of Haitians in the Dominican Republic», Commission inter-
américaine des droits de l’homme, Rapport annuel 1991, 14 février 1992,

chap. V). Qui plus est, les commentaires de la convention européenne des
droits de l’homme confirment que son article relatif à l’expulsion énonce
des garanties procédurales mais n’offre aucune protection quant au
fond (voir R. White et C. Ovey, Jacobs, White and Ovey: The European
e
Convention on Human Rights,5 éd., 2010, p. 544-545; D. J. Harris,
M. O’Boyle, E. Bates et C. Buckley,Harris, O’Boyle and Warbrick: Law
of the European Convention on Human Rights,2 eéd., 2009, p. 747-748).
15. Pour conclure sur cette question de droit, nous rappellerons une

fois encore que les deux traités concernés, en faisant obligation aux Etats
de promulguer et d’appliquer une loi régissant l’expulsion et, dans le cas
du Pacte, de mettre en place certaines garanties procédurales, offrent
d’importantes protections contre l’expulsion arbitraire, comme le confir-

ment le commentaire rédigé en 1955 par le Secrétariat de l’Organisation
des Nations Unies et l’observation générale publiée en 1986 par le Comité
des droits de l’homme (paragraphes 8 et 10 ci-dessus). Ainsi a-t-on pu
dire à juste titre que l’histoire de la liberté était en grande partie l’histoire
du respect de garanties procédurales.

16. Les faits de l’espèce attestent la justesse de cette affirmation. Dans
la présente affaire, la RDC, en prenant et en exécutant un décret d’expul-
sion à l’encontre de M. Diallo, a clairement violé les droits conférés à ce
dernier par la loi nationale, et ce:

1. en omettant de consulter la commission nationale d’immigration, de
recevoir son avis et d’en faire mention dans le décret d’expulsion;
2. en s’abstenant de donner à M. Diallo des motifs valables pour justifier

son expulsion;
3. en détenant M. Diallo dans l’attente de son expulsion sans prouver
que ce maintien en détention, pendant des périodes excédant de beau-
coup le délai autorisé par la loi, était nécessaire.

Elle a de même violé les droits conférés à M. Diallo par le Pacte:
4. en ne donnant pas à l’intéressé la possibilité de faire valoir les raisons

militant contre son expulsion; et
5. en ne l’autorisant pas à faire examiner son cas par l’autorité compé-
tente, ou par une ou plusieurs personnes spécialement désignées par
ladite autorité, en se faisant représenter à cette fin.

Les graves manquements à la loi dont les autorités de la RDC se sont
rendues responsables dans le cadre de ces arrestations et détentions jus-

84tifieraient à eux seuls, pensons-nous, de qualifier ces mesures d’arbitraires
au regard des dispositions du Pacte et de la Charte africaine relatives à

l’arrestation et à la détention, sans qu’il soit nécessaire de faire la moin-
dre mention des motifs de l’expulsion.
17. Selon nous, puisque l’expulsion était manifestement illicite pour les
raisons susmentionnées, point n’était besoin pour la Cour, même si cette
voie lui était ouverte, d’en examiner le bien-fondé ou le caractère arbi-

traire quant au fond.
18. Quoiqu’il n’y ait pas lieu d’examiner les faits en détail, nous tenons
à ajouter que nous ne sommes pas persuadés que les rares éléments de
preuve soumis à la Cour constituent une base suffisante pour qu’elle
puisse affirmer que, en raison d’un lien éventuel entre l’expulsion de

M. Diallo et le fait qu’il ait tenté d’obtenir le recouvrement des créances
qu’il estimait dues à ses sociétés, le décret d’expulsion ne reposait sur
aucun fondement défendable (arrêt, par. 82). Cet aspect du décret d’expul-
sion est l’un de ceux qui ont conduit la Cour à conclure que les arresta-
tions et détentions visant à permettre l’exécution de la mesure d’expulsion
ne pouvaient qu’être qualifiées d’arbitraires.

19. Commençons par le recouvrement des créances dues à la société
Africom-Zaïre. Il ressort des éléments versés au dossier que, après 1989,
cette société n’a plus intenté d’action en vue de rentrer en possession
des créances qu’elle estimait lui être dues par l’Etat. L’autre problème
concernant Africom-Zaïre est lié à un litige avec son bailleur, mais,

pour autant qu’on puisse en juger à la lecture du dossier, la société était
un débiteur judiciaire à la suite de l’arrêt rendu par la cour d’appel
en 1994 et le pourvoi formé devant la Cour suprême était toujours pen-
dant en 2002.
Quant à la société Africontainers-Zaïre, elle a formé des demandes en

recouvrement contre cinq entités pendant les années 1980. Dès 1990, la
société avait cessé toute activité commerciale. Deux réclamations étaient
dirigées contre des entreprises publiques: la première contre l’Onatra,
chargée de gérer les installations portuaires et autres services de trans-
port, et la seconde contre la Gécamines, société d’exploitation minière. Il

ressort du dossier que la créance réclamée à l’Onatra donna lieu à une
transaction en 1990; qu’Africontainers-Zaïre contesta cette transaction
quelques mois plus tard; que son avocat envoya une lettre de relance
en juillet 1991; que l’Onatra rejeta la remise en cause de la transaction
une première fois, puis une deuxième fois en février 1991 et une troisième
fois en septembre de la même année; qu’une correspondance fut échangée

dans le courant de l’année 1991 au sujet de deux conteneurs et que, le
14 juin 1991, la société écrivit une lettre qui portait, plus généralement,
sur 211 conteneurs, réclamant un certain montant à titre de compensa-
tion. Il semble que le dernier document pertinent soit une lettre en date
du 31 juillet 1992 adressée à l’Onatra par Africontainers-Zaïre concer-

nant l’usage prétendument abusif de 479 conteneurs entre 1986 et 1989.
La société se déclarait disposée à transiger, sans donner de montant
exact, afin d’épargner à l’Onatra les frais de justice.

85 Au début des années 1990, des échanges eurent lieu avec la Gécamines
concernant la perte, la détérioration et l’immobilisation de plusieurs

conteneurs, une vingtaine ou une trentaine au total. Aucune démerche ne
semble avoir été entreprise entre le mois de mars 1993 et le 1 juin 1995,
date d’une réunion au cours de laquelle la société produisit une liste de
32 conteneurs, auxquels, précisa-t-elle, devaient encore en être ajoutés
deux. Africontainers-Zaïre affirma également à cette occasion que la

demande d’indemnisation qu’elle avait présentée en 1992, d’un montant
de 30 millions de dollars des Etats-Unis, était toujours valable. Le
5 février 1996, quelques jours après l’expulsion de M. Diallo, Africontai-
ners-Zaïre fit délivrer par huissier à la Gécamines une sommation de

paiement, pour un montant s’élevant cette fois à 14 milliards de dollars
des Etats-Unis, soit près de cinq cents fois la somme réclamée sept mois
plus tôt. Puis, en 1996-1997, vinrent des échanges et des négociations
entre la Gécamines et la société ainsi que d’autres transitaires, au cours
desquels la Gécamines se reconnut débitrice et furent apportées, comme

au début des années 1990, des précisions sur le nombre de conteneurs.
20. Les demandes en recouvrement adressées par la société Africontai-
ners-Zaïre aux trois sociétés pétrolières Zaïre Shell, Zaïre Fina et
Zaïre Mobil faisaient suite à des allégations de perte, de détérioration et
de non-utilisation des conteneurs de la société, ainsi que de non-respect

par les trois sociétés pétrolières des clauses d’exclusivité contenues dans
les accords qu’elles avaient signés avec Africontainers-Zaïre. Le dossier
montre que la société intenta une action en justice contre Zaïre Shell et
Zaïre Fina. Le 3 juillet 1995, Zaïre Shell fut condamnée à verser plus de
13 millions de dollars des Etats-Unis de dommages-intérêts, décision

confirmée par la cour d’appel au mois d’août. A la mi-septembre, le vice-
ministre de la justice ordonna à l’huissier de ne pas exécuter la décision
judiciaire, interdiction qui fut levée quinze jours plus tard. Le lendemain,
la société écrivit à Zaïre Shell pour lui adresser une note de débit, datée
du 9 septembre 1995, se rapportant aux activités menées entre 1982

et 1990. Le montant ajusté s’élevait désormais à plus de 1,8 milliard de
dollars des Etats-Unis, soit plus de cent fois le montant fixé dans le juge-
ment rendu en juillet. Le 6 octobre 1995, un huissier saisit trois camion-
nettes et plusieurs équipements de bureau mais, le 13 octobre, un autre
huissier, agissant «sur ordre de la hiérarchie [sans autre précision]», res-

titua les biens saisis. Le 20 juin 2002, la cour d’appel accueillit le recours
formé par Shell et rendit une nouvelle décision par laquelle elle condam-
nait cette dernière à payer une somme d’environ 1500 dollars des Etats-
Unis.
Les rares éléments du dossier concernant Zaïre Fina indiquent qu’il fut

partiellement fait droit à la réclamation de la société; le jugement de pre-
mière instance fut néanmoins infirmé en appel et l’appel incident formé
par la société, rejeté en février 1994. Les derniers éléments présentés à la
Cour concernant cette procédure sont les conclusions du parquet d’avril

1995, qui recommandait que l’arrêt de la cour d’appel soit cassé et que
cette même cour examine l’appel incident de la société Africontainers-

86Zaïre. Le 2 novembre 1995, alors que le décret d’expulsion avait déjà été
pris, la société envoya une note de débit à Zaïre Fina après avoir recal-

culé le montant de sa créance, qu’elle estimait désormais à 2,6 milliards
de dollars des Etats-Unis.
Aucune action en justice ne semble avoir été engagée contre
Zaïre Mobil. Le 2 novembre 1995 toujours, la société lui envoya une note
de débit dans laquelle elle avait recalculé le montant des factures adres-

sées à la société pétrolière entre 1983 et 1990. Ce montant, ajusté, s’éle-
vait à plus de 1,6 milliard de dollars des Etats-Unis.
Il est certain que, le 15 novembre 1995, Zaïre Mobil et Zaïre Fina écri-
virent au premier ministre de la RDC pour l’informer que, en juin 1995,
M. Diallo avait fait condamner Zaïre Shell au paiement de la somme de

13 millions de dollars des Etats-Unis et qu’il les menaçait à leur tour en
réclamant le paiement de créances «imaginaires» (d’un montant total de
plus de 4 milliards de dollars); les sociétés exprimaient leur crainte que la
cupidité de M. Diallo ne mît en péril leur existence en compromettant
leurs activités commerciales et la sécurité d’emploi de leurs salariés, et
demandaient au gouvernement d’intervenir pour mettre en garde les

cours et tribunaux contre les agissements de l’intéressé dans son entre-
prise de déstabilisation des sociétés commerciales. Il est néanmoins impos-
sible que cette lettre ait eu la moindre incidence sur la décision de prendre
le décret d’expulsion, arrêtée quinze jours plus tôt.
21. Pour résumer les différents contentieux, à la date à laquelle la

RDC décida d’expulser M. Diallo, Africontainers-Zaïre n’avait pas
obtenu gain de cause contre Zaïre Fina. De plus, si la société avait obtenu
un jugement condamnant Zaïre Shell — dont l’exécution avait été sus-
pendue —, elle avait adressé à cette dernière une nouvelle note de débit
d’un montant bien supérieur. Zaïre Fina et Zaïre Mobil reçurent quant à

elles des notes de débit comparables après que M. Diallo eut été frappé
de la mesure d’expulsion.
22. Ce rappel des actions en recouvrement à l’égard de chacune des
sociétés doit être replacé dans le contexte du milieu des années 1990, épo-
que à laquelle le Gouvernement zaïrois était aux prises avec de grandes

difficultés. Parmi les éléments de preuve soumis à la Cour figure, outre les
décrets d’expulsion pris à l’encontre de 194 autres étrangers, un extrait du
rapport de la Banque centrale du Congo sur l’économie du Zaïre en 1993.
Les profonds déséquilibres dont souffrait l’économie zaïroise depuis plus
d’une décennie continuaient de se faire sentir. A cette conjoncture défa-
vorable s’ajoutaient les pillages de janvier 1993, la faiblesse du système

bancaire, l’instabilité socio-politique et les imprévisibles variations des
prix et des taux de change. La chute de la production s’était poursuivie,
la baisse de 8,4 % observée en 1991 atteignant 10,5 % en 1992 et 16,2 %
en 1993. Plusieurs secteurs, dont l’industrie minière, étaient en crise (avec
des baisses de production de 36,4 % en 1992 et de 22,1 % en 1993), et la

Gécamines se trouvait dans une situation particulièrement délicate. Ces
difficultés, conjuguées aux pillages de janvier, avaient réduit le niveau
de la production intérieure, et la création excessive de liquidités avait

87porté le taux d’inflation de près de 3000 % en 1992 à 4600 % à la fin de

l’année 1993. La baisse des recettes publiques s’expliquait notamment par
l’absence des contributions de la Gécamines, la fraude et l’évasion fisca-
les, et l’octroi d’avantages fiscaux inopportuns. Les exportations des pro-
duits de base continuaient de reculer, la baisse atteignant 12,5 % en 1993,

en raison principalement de la faiblesse du niveau de production.
23. Au risque de nous répéter, à en juger par les éléments versés au
dossier, nous hésiterions à tenir pour établi que la décision d’expulser
M. Diallo n’avait aucun fondement défendable et était, en ce sens, arbi-

traire.
24. En résumé, nous estimons que la conclusion de la Cour concernant
le caractère arbitraire de l’expulsion est inutile, erronée en droit et peu
fondée en fait.

(Signé) Kenneth K EITH.
(Signé) Christopher G REENWOOD .

88

Bilingual Content

JOINT DECLARATION OF JUDGES KEITH AND
GREENWOOD

1. While, as our votes indicate, we agree with the Court’s conclusions,
we do not agree with one of the reasons the Court gives in support of its
conclusion that the arrests and detentions of Mr. Diallo in 1995-1996
violated the Covenant and the African Charter (Judgment, para. 165 (3)).
That reason is that the arrests and detentions preceding his expulsion
were arbitrary and in breach of Article 9 (1) of the Covenant and Arti-

cle 6 of the African Charter because the decision to expel Mr. Diallo was
made without any defensible basis (ibid., para. 82). While the Judgment
reaches that conclusion when addressing the arbitrariness of the arrest
and detention in terms of the provisions regulating those matters, that
reasoning must be related to the Court’s interpretation of the provisions

concerned with expulsion.

2. According to that interpretation, the expulsion provisions, Arti-
cle 13 of the Covenant and Article 12 (4) of the African Charter, prohibit
expulsions which are “arbitrary in nature” (ibid., para. 65), allowing
review by a court of whether the “expulsion was justified on the merits”

(ibid., para. 73). In this declaration we consider the question whether
those provisions impose a general substantive non-arbitrariness limit on
the power of expulsion over and above the procedural guarantees which
they contain. For the reasons which follow we conclude that they do not.

3. The immediately relevant provisions of the Covenant and the Afri-
can Charter read as follows:

Article 12 of the Covenant
“1. Everyone lawfully within the territory of a State shall, within

that territory, have the right to liberty of movement and freedom to
choose his residence.
2. Everyone shall be free to leave any country, including his own.

3. The above-mentioned rights shall not be subject to any restric-
tions except those which are provided by law, are necessary to pro-

tect national security, public order (ordre public), public health or
morals or the rights and freedoms of others, and are consistent with
the other rights recognized in the present Covenant.
4. No one shall be arbitrarily deprived of the right to enter his
own country.”

77 DÉCLARATION COMMUNE
DE MM. LES JUGES KEITH ET GREENWOOD

[Traduction]

1. Tout en nous associant, par notre vote, aux conclusions de la Cour,
nous ne souscrivons pas à l’un des motifs sur lesquels celle-ci s’est fondée
pour dire que les arrestations et détentions de M. Diallo en 1995-1996
étaient contraires au Pacte et à la Charte africaine (arrêt, par. 165,
point 3). La Cour, en effet, parvient à la conclusion que les arrestations et
détentions ayant précédé l’expulsion de M. Diallo étaient arbitraires et

contraires au paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte et à l’article 6 de la
Charte africaine parce que la décision d’expulser l’intéressé ne reposait
sur aucun fondement valable (ibid., par. 82). Quoique le raisonnement à
partir duquel la Cour parvient à cette conclusion concerne le caractère
arbitraire de ces arrestations et détentions au regard des dispositions

applicables en la matière, il est à rattacher à l’interprétation qu’elle fait
des dispositions relatives à l’expulsion.
2. Suivant l’interprétation de la Cour, ces dispositions, à savoir l’ar-
ticle 13 du Pacte et le paragraphe 4 de l’article 12 de la Charte africaine,
interdisent toute expulsion revêtant «un caractère arbitraire» (ibid.,
par. 65) et ouvrent la possibilité de faire déterminer par une instance judi-

ciaire si l’«expulsion [est] justifiée sur le fond» (ibid., par. 73). Dans la
présente déclaration, nous examinons la question de savoir si, au-delà des
garanties procédurales qu’elles énoncent, ces dispositions imposent effec-
tivement une limite générale de nature substantielle au pouvoir d’expul-
sion, fondée sur l’interdiction de l’arbitraire. Les raisons exposées ci-
après nous ont amenés à conclure par la négative.

3. Les dispositions directement pertinentes du Pacte et de la Charte
africaine se lisent comme suit:

Article 12 du Pacte
«1. Quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un Etat a le

droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.

2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y com-
pris le sien.
3. Les droits mentionnés ci-dessus ne peuvent être l’objet de res-
trictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour pro-

téger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité
publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les
autres droits reconnus par le présent Pacte.
4. Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son
propre pays.»

77 Article 13 of the Covenant

“An alien lawfully in the territory of a State party to the present
Covenant may be expelled therefrom only in pursuance of a decision
reached in accordance with law and shall, except where compelling

reasons of national security otherwise require, be allowed to submit
the reasons against his expulsion and to have his case reviewed by,
and be represented for the purpose before, the competent authority
or a person or persons especially designated by the competent author-
ity.”

Article 12 of the African Charter

“1. Every individual shall have the right to freedom of movement
and residence within the borders of a State provided he abides by the
law.
2. Every individual shall have the right to leave any country

including his own, and to return to his country. This right may only
be subject to restrictions, provided for by law for the protection of
national security, law and order, public health or morality.
3. Every individual shall have the right, when persecuted, to seek
and obtain asylum in other countries in accordance with laws of

those countries and international conventions.
4. A non-national legally admitted in a territory of a State party
to the present Charter, may only be expelled from it by virtue of a
decision taken in accordance with the law.
5. The mass expulsion of non-nationals shall be prohibited. Mass

expulsion shall be that which is aimed at national, racial, ethnic or
religious groups.”

4. Both Article 13 of the Covenant and Article 12 (4) of the African
Charter require, in the first place, compliance with national law — a non-
national may be expelled only under a decision reached in accordance
with that law. Both require that a decision be taken relating to the par-
ticular non-national. Accordingly, mass expulsions are prohibited, as

Article 12 (5) of the African Charter makes explicit and as the Human
Rights Committee has stated in respect of Article 13 of the Covenant in
its General Comment 15, paragraph 10 (see paragraph 10 below).
National law will, in the normal course, determine who is to make the
decision, the procedure the decision-maker is to follow and the grounds
for expulsion; it may also provide for challenges to expulsion. Article 13

of the Covenant expressly requires two procedural protections: the right
of the individual to submit reasons against expulsion and to have the case
reviewed by, and be represented before, the competent authority or
someone designated by it. These procedural requirements are not, of
course, an end in themselves. They should help ensure the quality of the deci-

sion and should help protect the non-national against arbitrary expul-
sion.

78 Article 13 du Pacte

«Un étranger qui se trouve légalement sur le territoire d’un Etat
partie au présent Pacte ne peut en être expulsé qu’en exécution d’une
décision prise conformément à la loi et, à moins que des raisons

impérieuses de sécurité nationale ne s’y opposent, il doit avoir la
possibilité de faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion
et de faire examiner son cas par l’autorité compétente, ou par une ou
plusieurs personnes spécialement désignées par ladite autorité, en se
faisant représenter à cette fin.»

Article 12 de la Charte africaine

«1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa
résidence à l’intérieur d’un Etat, sous réserve de se conformer aux

règles édictées par la loi.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien,
et de revenir dans son pays. Ce droit ne peut faire l’objet de restric-
tions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger
la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques.

3. Toute personne a le droit, en cas de persécution, de rechercher
et de recevoir asile en territoire étranger, conformément à la loi de
chaque pays et aux conventions internationales.
4. L’étranger légalement admis sur le territoire d’un Etat partie à
la présente Charte ne pourra en être expulsé qu’en vertu d’une déci-

sion conforme à la loi.
5. L’expulsion collective d’étrangers est interdite. L’expulsion col-
lective est celle qui vise globalement des groupes nationaux, raciaux,
ethniques ou religieux.»

4. Tant l’article 13 du Pacte que le paragraphe 4 de l’article 12 de la
Charte africaine exigent, au premier chef, que la décision d’expulsion soit
conforme au droit interne: un étranger ne peut être expulsé qu’en exécution

d’une décision prise conformément à la loi. En vertu de ces deux disposi-
tions, la décision doit viserune personne donnée. Les expulsions collectives
sont par conséquent interdites, comme cela est expressément énoncé au
paragraphe 5 de l’article 12 de la Charte africaine et comme l’a déclaré le
Comité des droits de l’homme au paragraphe 10 de son observation géné-
o
rale n 15, à propos de l’article 13 du Pacte (voir paragraphe 10 ci-dessous).
C’est normalement le droit interne qui détermine à qui appartient la déci-
sion d’expulsion, quelle est la procédure à suivre et quels sont les motifs
d’expulsion ainsi que, éventuellement, les possibilités de contestation. Deux
garanties procédurales sont expressément accordées à la personne visée par

l’article 13 du Pacte: le droit de faire valoir des raisons militant contre son
expulsion et celui de faire examiner son cas par l’autorité compétente, ou
par une personne spécialement désignée par cette autorité, en se faisant
représenter à cette fin. Bien entendu, ces exigences de procédure ne sont pas

une fin en soi. Leur rôle est de contribuer à garantir le bien-fondé de la déci-
sion et à protéger les étrangers contre les expulsions arbitraires.

78 5. What substantive limits do the provisions impose in addition to the
prohibition on mass expulsions? No others are expressed in the two Arti-

cles but may arise from other provisions of the two treaties, notably the
guarantee of equality before the law or the prohibition on discrimination,
in Articles 2 (1) and 26 of the Covenant and Articles 2 and 3 of the Afri-
can Charter, as again the Human Rights Committee has stated in respect
of the Covenant in General Comment No. 15, paragraphs 9 and 10. To

state the obvious, the expulsion Articles do not expressly prohibit arbi-
trary expulsions.

6. That absence of an express arbitrariness limit on the exercise of
State power is the more striking when the particular provisions of the

Covenant and Charter are read in context. Article 12 (3) and (4) of the
Covenant and Article 12 (2) of the African Charter do allow substantive
limits to be placed on the rights of movement and residence they state.
Article 12 (4), the provision immediately preceding Article 13 of the Cov-
enant, in allowing for a limit on the rights of nationals to return to their
own country, uses non-arbitrariness as the test. Other provisions of both

treaties, to go to a slightly wider context, expressly prohibit arbitrary
action: the right to life (Article 6 of the Covenant and Article 4 of the
African Charter); arrest and detention (Article 9 of the Covenant and
Article 6 of the African Charter); and the right to privacy (Article 17 of
the Covenant). Also to be contrasted are the provisions of Article 32 of

the 1951 Convention on the Status of Refugees, on which the drafting of
Article 13 of the Covenant drew in part (see paragraph 8 below). While
paragraph 2 of that Article incorporates procedural protections compa-
rable to those in Article 13 of the Covenant, paragraph 1 of Article 32, by
contrast to Article 13, also circumscribes the State’s power by allowing

expulsion of a refugee only on grounds of national security or public
order. The same contrast appears from Article 31 of the 1954 Convention
relating to the Status of Stateless Persons.

7. The ordinary meaning of the terms of Articles 13 and 12 (4), read in
context, does not appear to allow the implication of prohibition on arbi-
trary expulsion. But does the object and purpose of the provisions?
Undoubtedly, the insistence on compliance with national law and with
the specific procedural requirements of Article 13 has as purposes the
making of better informed decisions and the protection of the indivi-

dual’s opportunities to present the case against expulsion. In that respect
they provide, by way of due process, a safeguard against arbitrary deci-
sions.

8. That emphasis on fair procedure as the primary (even the sole)
means of preventing arbitrary expulsions is to be seen throughout the
drafting history of Article 13. The United Nations Secretariat prepared

79 5. Outre l’obligation de ne pas procéder à des expulsions collectives,
quelles limites de nature substantielle les deux articles susmentionnés

imposent-ils? Aucune expressément, mais de telles limites peuvent décou-
ler d’autres dispositions de ces deux instruments, en particulier la garan-
tie de l’égalité devant la loi ou l’interdiction de la discrimination énoncées
aux articles 2, paragraphe 1, et 26 du Pacte et aux articles 2 et 3 de la
Charte africaine, ainsi qu’il ressort de nouveau de l’observation générale
o
n 15 du Comité des droits de l’homme à propos du Pacte (paragraphes 9
et 10). Pour énoncer une vérité d’évidence, les articles relatifs à l’expul-
sion n’interdisent pas explicitement les expulsions arbitraires.
6. Cette absence d’interdiction expresse de l’arbitraire dans l’exercice

d’un pouvoir étatique est encore plus frappante lorsque les dispositions
pertinentes du Pacte et de la Charte africaine sont lues dans leur contexte.
L’article 12 du Pacte, en ses paragraphes 3 et 4, et l’article 12 de la Charte
africaine, en son paragraphe 2, autorisent des restrictions de nature sub-
stantielle aux droits de circuler librement et de choisir sa résidence qu’ils

énoncent. Quant au paragraphe 4 de l’article 12 du Pacte, qui précède
immédiatement l’article 13, il permet de limiter le droit d’un ressortissant
de rentrer dans son pays, mais à la condition que cette limitation ne soit
pas arbitraire. Plus généralement, d’autres dispositions de ces mêmes trai-
tés interdisent expressément toute mesure arbitraire. Il en va ainsi de cel-

les relatives au droit à la vie (article 6 du Pacte et article 4 de la Charte
africaine), à l’arrestation et à la détention (article 9 du Pacte et article 6
de la Charte africaine) et au droit à la vie privée (article 17 du Pacte).
Peuvent également être citées à titre de contre-exemples les dispositions
de l’article 32 de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés,

dont s’est partiellement inspiré l’article 13 du Pacte (voir paragraphe 8
ci-dessous). Si le paragraphe 2 de l’article 32 énonce des garanties procé-
durales comparables à celles prévues à l’article 13 du Pacte, son paragra-
phe 1, contrairement à cette dernière disposition, limite le pouvoir de
l’Etat en n’autorisant l’expulsion d’un réfugié que pour des raisons de

sécurité nationale ou d’ordre public. Cette remarque vaut également pour
l’article 31 de la convention de 1954 relative au statut des apatrides.
7. Lus dans leur sens ordinaire et replacés dans leur contexte, l’arti-
cle 13 et le paragraphe 4 de l’article 12 du Pacte n’emportent pas, semble-
t-il, d’interdiction de l’expulsion arbitraire. L’objet et le but de ces dispo-

sitions commanderaient-ils une telle interdiction? A n’en pas douter,
l’accent mis sur la conformité au droit interne et sur le respect des garan-
ties procédurales spécifiquement prévues par l’article 13 poursuit un dou-
ble objectif: permettre que les décisions soient prises de manière plus
éclairée et protéger les possibilités pour l’intéressé de faire valoir les rai-

sons qui militent contre son expulsion. En ce sens, c’est-à-dire en ce
qu’elles prévoient le respect d’une procédure régulière, ces dispositions
offrent une garantie contre les décisions arbitraires.
8. Cette importance accordée à la procédure équitable en tant que

moyen premier (sinon unique) d’empêcher l’expulsion arbitraire caracté-
rise toute l’histoire rédactionnelle de l’article 13. Le Secrétariat de l’Orga-

79valuable Annotations on the Draft Covenants on Human Rights in 1955
(General Assembly, Official Records, Tenth Session , Ann., Agenda

item 28, UN doc. A/2929). The annotation to draft Article 13, the text of
which remained unchanged through its later drafting stages, began with
this paragraph:

“61. Discussion of Article 13 has centred on the nature and extent
of the protection which should be accorded to aliens against expul-
sion, having regard to the desire of States to safeguard themselves
against undesirable aliens in their territories.”

And after a reference to asylum and extradition, it continued as follows:

“Protection of Aliens against Arbitrary Expulsion

63. It was proposed that the Article should state that the grounds
for expulsion of aliens lawfully in the territory of a State must have
a legal basis; it should also provide that the procedure to be fol-
lowed in cases of expulsion must be prescribed by law. The principle

that the grounds for expulsion must be in accordance with the law
was not questioned, but there was some objection that such a provi-
sion might be difficult to apply and might in some cases, even be
inadvisable for reasons of national security. It was agreed that a
decision to expel an alien was a most serious matter and should not
be taken arbitrarily. Aliens must be afforded some protection against

arbitrary action.

64. The nature of the safeguards which should be provided for the
individual was discussed, and it was said that the Article should be
so drafted as to make countries which did not already provide for

appeal against a decision of expulsion, adopt legislation to that
effect. Some were opposed to including any specific provisions in the
Article, being of the view that States could in their own discretion
expel aliens and decide on the procedures and safeguards they wished
to establish. The majority, however, believed that the Article should

strike a proper balance between the interests of the State and the
protection of the individual. Article 32 of the Convention relating to
the Status of Refugees of 28 July 1951 was considered to provide the
proper basis for action by the authorities with the adequate and spe-
cific safeguards in respect of the exercise of such action. Article 13,

as adopted, was based on this Article of the Convention.”

9. That emphasis on procedural protections rather than on substantive
limits as the protection against arbitrary expulsions also appears from
various steps in the drafting process. While a proposal adopted by the

80nisation des Nations Unies a rédigé en 1955 un commentaire fort utile
des projets de pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme

(Assemblée générale, Documents officiels, dixième session , annexes,
point 28 de l’ordre du jour, Nations Unies, doc. A/2929). Le commen-
taire du projet d’article 13, dont le texte est demeuré inchangé tout au
long du processus de rédaction, s’ouvre ainsi:

«61. La discussion de l’article 13 a porté essentiellement sur la
nature et l’étendue de la protection qui doit être accordée aux étran-
gers pour empêcher leur expulsion, compte tenu du souci des Etats

de ne pas se voir imposer la présence sur leur territoire d’étrangers
indésirables.»

Après une brève mention du droit d’asile et de l’extradition, le commen-
taire se poursuit en ces termes:

«Protection des étrangers contre l’expulsion arbitraire
63. On a proposé de stipuler dans cet article que les étrangers qui
séjournent légalement sur le territoire d’un Etat ne peuvent en être
expulsés que pour des motifs prévus par la loi; la procédure à suivre

en cas d’expulsion devrait également être déterminée par la loi. Le
principe selon lequel les motifs d’expulsion doivent être conformes à
la loi n’a pas été contesté, mais certains ont pensé qu’une telle dis-
position serait difficile à appliquer et qu’elle pourrait même, dans
certains cas, aller à l’encontre des exigences de la sécurité nationale.

On a reconnu que l’Etat qui expulse un étranger prend une décision
extrêmement grave qui ne doit en aucun cas avoir un caractère arbi-
traire. Il importe d’assurer aux étrangers une certaine protection
contre l’expulsion arbitraire.
64. Lors de la discussion sur la nature des garanties à prévoir

pour l’individu, on a fait valoir qu’il importait de rédiger l’article de
manière à obliger les pays dont la législation ne prévoit pas de
recours contre un arrêté d’expulsion à adopter des dispositions à cet
effet. Quelques représentants se sont opposés à ce qu’on introduise

une clause expresse dans ce sens, faisant ressortir que les Etats ont
toute liberté en matière d’expulsion des étrangers et qu’il leur appar-
tient de déterminer la procédure et les garanties qui leur paraissent
nécessaires. La majorité a estimé, toutefois, qu’il convenait de main-
tenir un juste équilibre entre les intérêts de l’Etat et la protection

de l’individu. On a estimé que l’article 32 de la convention du
28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés donnait aux autorités
intéressées la possibilité de prendre toutes mesures utiles et accor-
dait des garanties suffisantes et précises aux personnes visées.
L’article 13, tel qu’il a été adopté, s’inspire de cet article de la

convention.»
9. Cette tendance à privilégier les garanties de nature procédurale plu-

tôt que les limites de nature substantielle en tant que moyen de protection
contre les expulsions arbitraires s’est du reste manifestée à différentes

80Human Rights Commission in 1947 would have prohibited “arbitrary
expulsion” (UN doc. E/CN.4/SR.37), by the next year the draft required

only that the expulsion be in “in accordance with procedure pre-
scribed by law” (UN doc. E/CN.4/95, Art. 12; E/800, Ann. B, Art. 11). A
proposal to include a reference to “established legal grounds” was not
retained, and in 1952 the text took its final form, with the earlier refer-
ence to “procedure” being deleted (M. J. Bossuyt, Guide to the ‘Travaux

Préparatoires’ of the International Covenant on Civil and Political Rights ,
1987, pp. 267-269).

10. That it is primarily through procedural protections that arbitrary
expulsions are to be prevented is also the position adopted by the Human

Rights Committee, as it made clear in 1986 in its General Comment
No. 15:

“10. Article 13 directly regulates only the procedure and not the
substantive grounds for expulsion. However, by allowing only those
carried out ‘in pursuance of a decision reached in accordance with
law’, its purpose is clearly to prevent arbitrary expulsions. On the

other hand, it entitles each alien to a decision in his own case and,
hence, Article 13 would not be satisfied with laws or decisions pro-
viding for collective or mass expulsions. This understanding, in the
opinion of the Committee, is confirmed by further provisions con-
cerning the right to submit reasons against expulsion and to have the

decision reviewed by and to be represented before the competent
authority or someone designated by it. An alien must be given full
facilities for pursuing his remedy against expulsion so that his right
will in all the circumstances of his case be an effective one. The
principles of Article 13 relating to appeal against expulsion and the

entitlement to review by a competent authority may only be depar-
ted from when ‘compelling reasons of national security’ so require.
Discrimination may not be made between different categories of
aliens in the application of Article 13.”

11. The views of the Human Rights Committee iM n aroufidouv. Sweden,
mentioned by the Court in support of its conclusion (Judgment,
para. 66), address only the question of compliance with national law and
the extent to which the Committee can properly go in reviewing decisions
of national authorities which have applied their national law. The Com-

mittee says nothing at all about a distinct arbitrariness limit imposed by
international law, as this passage makes clear:

“9.3 The reference to ‘law’ in . . . [Article 13] is to the domestic
law of the State party concerned, which in the present case is Swedish

81étapes du processus de rédaction. Une proposition adoptée en 1947 par la
Commission des droits de l’homme tendait à interdire l’expulsion arbi-

traire (Nations Unies, doc. E/CN.4/SR.37), mais, l’année suivante,
le texte proposé exigeait simplement que l’expulsion se déroule «confor-
mément à la procédure prescrite par la loi» (Nations Unies, doc.
E/CN.4/95, art. 12; doc. E/800, annexe B, art. 11). Une proposition
visant à inclure la mention «motifs prévus par la loi» ne fut pas retenue

et, en 1952, dans le texte final, la référence à la «procédure» avait disparu
(M. J. Bossuyt, Guide to the «Travaux Préparatoires» of the Internatio-
nal Covenant on Civil and Political Rights , 1987, p. 267-269).
10. La position adoptée par le Comité des droits de l’homme, claire-
o
ment exposée en 1986 dans l’observation générale n 15, va dans le même
sens, le Comité ayant considéré que ce sont avant tout les garanties
procédurales prévues qui doivent permettre d’empêcher les expulsions
arbitraires:

«10. L’article 13 ne porte directement que sur la procédure, et
non sur les motifs de fond de l’expulsion. Cependant, pour autant

qu’il n’autorise que les mesures exécutées à la suite d’une «décision
prise conformément à la loi», son objectif évident est d’éviter les
expulsions arbitraires. D’autre part, il reconnaît à chaque étranger le
droit à une décision individuelle; il s’ensuit que les lois ou décisions
qui prévoiraient des mesures d’expulsion collective ou massive ne

répondraient pas aux dispositions de l’article 13. Le Comité estime
que cette interprétation est confirmée par les dispositions qui pré-
voient le droit de faire valoir les raisons qui peuvent militer contre
une mesure d’expulsion et de soumettre la décision à l’examen de
l’autorité compétente ou d’une personne désignée par elle, en se fai-

sant représenter à cette fin devant cette autorité ou cette personne.
L’étranger doit recevoir tous les moyens d’exercer son recours contre
l’expulsion, de manière à être en toutes circonstances à même d’exer-
cer effectivement son droit. Les principes énoncés par l’article 13 au
sujet du recours contre la décision d’expulsion ou du droit à un nou-

vel examen par une autorité compétente ne peuvent souffrir d’excep-
tion que si «des raisons impérieuses de sécurité nationale l’exigent».
Aucune discrimination ne peut être opérée entre différentes catégo-
ries d’étrangers dans l’application de l’article 13.»

11. Les constatations du Comité des droits de l’homme en l’affaire
Maroufidou c. Suède, mentionnées par la Cour pour étayer sa conclusion

(arrêt, par. 66), intéressent uniquement la question de la conformité au
droit interne et la mesure dans laquelle le Comité est fondé à examiner des
décisions prises par des autorités nationales en application de leur droit
interne. Le Comité ne fait nulle mention d’une limite spécifique imposée à

l’arbitraire par le droit international, comme l’atteste la citation suivante:

«9.3. La «loi» à laquelle fait référence l’article 13 est la loi natio-
nale de l’Etat partie concerné et, dans le cas présent, la loi suédoise,

81 law, though of course the relevant provisions of domestic law
must in themselves be compatible with the provisions of the Cov-

enant. Article 13 requires compliance with both the substantive and
the procedural requirements of the law.
10.1 Anna Maroufidou claims that the decision to expel her was
in violation of Article 13 of the Covenant because it was not ‘in
accordance with the law’. In her submission it was based on an

incorrect interpretation of the Swedish Aliens Act. The Committee
takes the view that the interpretation of domestic law is essentially a
matter for the courts and authorities of the State party concerned. It
is not within the powers or functions of the Committee to evaluate
whether the competent authorities of the State party in question

have interpreted and applied the domestic law correctly in the case
before it under the Optional Protocol, unless it is established that
they have not interpreted and applied it in good faith or that it is
evident that there has been an abuse of power.
10.2 In the light of all written information made available to it by
the individual and the explanations and observations of the State

party concerned, the Committee is satisfied that in reaching the deci-
sion to expel Anna Maroufidou the Swedish authorities did interpret
and apply the relevant provisions of Swedish law in good faith and
in a reasonable manner and consequently that the decision was made
‘in accordance with law’ as required by Article 13 of the Covenant.”

(CCPR/C/12/D/58/1979, 8 April 1981.)
12. The Court refers to two decisions of the African Commission on

Human and Peoples’ Rights. The first in time, Organisation mondiale
contre la torture et autres (World Organization against Torture and Others)
v. Rwanda (Judgment, para. 67), concerned in part the mass expulsion of
Burundian refugees on the basis of their nationality. The Commission, in
its brief ruling of October 1996, said that that expulsion constituted a

clear violation of Article 12 (5) (paragraph 3 above). Its only other ref-
erence to Article 12 was as follows:

“This provision should be read as including a general protection
of all those who are subject to persecution, that they may seek refuge
in another State. Article 12.4 prohibits the arbitrary expulsion of
such persons from the country of asylum. The Burundian refugees in
this situation were expelled in violation of Articles 2 and 12 of the
African Charter.”

The second African Commission decision, in Kenneth Good v. Republic
of Botswana, No. 313/05 (May 2010) EX.CL/600 (XVII), so far as it

relates to Article 12 (4) of the African Charter, is concerned essentially
with compliance with the immigration law of Botswana:

“203. In addressing this issue the first point that has to be dwelled
on is, what does the phrase ‘in accordance with the law’ under Arti-

82 étant entendu que les dispositions pertinentes de la loi nationale doi-
vent être compatibles avec les dispositions du Pacte. L’article 13

impose la conformité à cette loi en ce qui concerne tant ses exigences
de fond que ses exigences d’ordre procédural.
10.1. Anna Maroufidou prétend que la décision d’expulsion prise
à son encontre l’a été en violation de l’article 13 du Pacte parce
qu’elle n’a pas été prise «conformément à la loi» et se fonde sur une

interprétation erronée de la loi suédoise relative aux étrangers. De
l’avis du Comité, l’interprétation du droit interne est essentiellement
du ressort des tribunaux et des autorités de l’Etat partie concerné. Il
n’entre pas dans les pouvoirs ou attributions du Comité de détermi-

ner si les autorités compétentes de l’Etat partie concerné ont inter-
prété et appliqué correctement la loi dans une affaire qui lui est
soumise en vertu du protocole facultatif, à moins qu’il ne soit établi
que cette loi n’a pas été interprétée et appliquée de bonne foi ou qu’il
n’y ait eu, de toute évidence, abus de pouvoir.

10.2. Au vu de l’ensemble des informations écrites communiquées
par l’intéressée et des explications et observations de l’Etat partie
concerné, le Comité estime que, lorsqu’elles ont pris la décision
d’expulser Anna Maroufidou, les autorités suédoises ont interprété
et appliqué les dispositions pertinentes de leur droit interne en toute

bonne foi et de façon raisonnable; par conséquent, la décision a été
prise «conformément à la loi», comme l’exige l’article 13 du Pacte.»
(CCPR/C/12/D/58/1979, 8 avril 1981.)

12. La Cour mentionne deux décisions de la Commission africaine des
droits de l’homme et des peuples. La première dans l’ordre chronologique,
rendue en octobre 1996 en l’affaire Organisation mondiale contre la tor-
ture et autres c. Rwanda(arrêt, par. 67), concerne notamment l’expulsion col-

lective de réfugiés burundais liée à leur nationalité; dans cette courte déci-
sion, la Commission qualifie l’expulsion en cause de violation manifeste
du paragraphe 5 de l’article 12 de la Charte africaine (paragraphe 3 ci-
dessus). L’unique autre référence qu’elle fasse à l’article 12 est la suivante:

«Cette disposition devrait être interprétée comme prévoyant une
protection générale pour tous ceux qui sont persécutés afin qu’ils puis-
sent demander asile dans un autre pays. L’article 12 4) interdit que ces

personnes soient arbitrairement expulsées vers leur pays d’origine. Eu
égard à ce qui précède, il est manifeste que les réfugiés burundais ont
ainsi été expulsés en violation des articles 2 et 12 de la Charte.»

Quant à la seconde décision, rendue par la Commission africaine en
l’affaire Kenneth Good c. Botswana (communication n 313/05 (mai 2010)
EX.CL/600 (XVII)), elle est, en ce qu’elle a trait au paragraphe 4 de

l’article 12 de la Charte africaine, essentiellement axée sur la conformité à
la législation du Botswana sur l’immigration:

«203. Lorsque nous abordons cet aspect, le premier point à consi-
dérer est celui de savoir à quoi fait référence l’expression «conforme

82 cle 12 (4) of the Charter refer to? It refers to the domestic laws of
State Parties to the African Charter. Under this provision, each and

every State Party has the power to expel non-nationals who
are legally admitted into their territory. However, in doing so the
Charter imposes an obligation on State Parties to have laws which
regulate such matters and expects them to follow it strictly. This con-
tributes towards making the process predictable and also helps to

avoid abuse of power.
204. Botswana accordingly has a law in place which regulates
immigration matters including deportation of non-nationals who are
legally admitted into its territory. To this extent therefore Botswana
has met its obligations under Article 12 (4) of the Charter. But the

mere existence of the law by itself is not sufficient; the law has to be
in line with not only the other provisions of the Charter but also
other international human rights agreements to which Botswana is a
party. In other words, Botswana has the obligation to make sure
that the law (in this case the Botswana Immigration Act) does not
violate the rights and freedoms protected under the African Charter

or any other international instrument to which Botswana is a signa-
tory.
205. In this regard, the Commission in Modise v. Botswana ruled
that ‘while the decision as to who is permitted to remain in a country
is a function of the competent authorities of that country, this deci-

sion should always be made according to careful and just legal pro-
cedures, and with due regard to the acceptable international norms
and standards’. International human rights norms and standards
require States to provide non-nationals with the necessary forum to
exercise their right to be heard before deporting them.”

The Commission, earlier in its decision, had determined that Botswana
was in breach of Mr. Good’s rights under Article 7 (1) (a) of the Charter
to have access to a court to determine his rights. The Commission held
Botswana to be in breach of its procedural obligations.

13. It follows that we do not see the interpretations given to the two
treaties by their monitoring bodies as questioning in any way the ordi-
nary meaning of the provisions which results from the reading of the
texts in context and in the light of their purpose, a meaning confirmed by
the drafting history of the Covenant. Their interpretations indeed sup-

port the meaning given above. So too do the commentaries on the Cov-
enant (see M. Nowak, United Nations Covenant on Civil and Political
Rights: CCPR Commentary , 2nd ed., 2005, pp. 290-291; S. Joseph,
J. Schultz and M. Castan (eds.), The International Covenant on Civil and
Political Rights: Cases, Materials and Commentary , 2nd ed., 2005,

pp. 377-378).
14. The Court refers to jurisprudence of the European and Inter-
American Human Rights Courts as supporting its conclusion relating to

83 à la loi» aux termes de l’article 12 4) de la Charte. Elle renvoie aux
lois nationales des Etats parties à la Charte africaine. Aux termes de

cette disposition, les Etats parties ont tous l’autorité d’expulser les
étrangers non légalement admis sur leur territoire. Or, à cet égard, la
Charte fait obligation aux Etats parties d’avoir des lois réglemen-
tant cette question et elle attend d’eux qu’ils y adhèrent strictement.

Cela contribue à rendre le processus prévisible et à éviter les abus de
pouvoir.
204. Le Botswana est donc pourvu d’une législation portant régle-
mentation des questions d’immigration, y compris l’expulsion
d’étrangers non admis légalement sur son territoire. Le Botswana a

donc rempli ses obligations à l’égard de l’article 12 4) de la Charte à
cet égard. Mais la simple existence de la loi ne suffit pas en soi. La loi
doit respecter non seulement les autres dispositions de la Charte
mais aussi les autres conventions internationales des droits de

l’homme auxquelles le Botswana est partie. En d’autres termes, le
Botswana a l’obligation de s’assurer que la loi (dans ce cas, la loi sur
l’immigration) ne viole pas les droits et les libertés protégés en vertu
de la Charte africaine ou d’un autre instrument international dont le
Botswana est signataire.

205. A cet égard, la Commission, dansModise c. Botswana, a jugé
que «si la décision de savoir qui est autorisé à rester dans un pays
dépend des autorités compétentes de ce pays, cette décision doit tou-
jours être prise selon des procédures juridiques minutieuses et justes

et en tenant dûment compte des normes et des standards internatio-
naux acceptables». Les normes et standards internationaux des droits
de l’homme font obligation aux Etats d’offrir aux étrangers le forum
nécessaire pour faire entendre leurs droits avant de les expulser.»

La Commission avait déjà, dans cette même décision, estimé que le
Botswana avait violé les droits garantis à M. Good par le paragraphe 1 a)
de l’article 7 de la Charte africaine, en vertu duquel l’intéressé aurait dû
avoir la possibilité de faire entendre sa cause par un tribunal. Elle a conclu

que le Botswana n’avait pas respecté ses obligations de nature procédurale.
13. Il s’ensuit, selon nous, que les interprétations qu’ont données les
organes de contrôle institués par les deux traités en question ne remettent
nullement en question le sens ordinaire de ces dispositions lues dans leur
contexte et à la lumière de leur objet et de leur but, sens que vient

d’ailleurs confirmer l’histoire rédactionnelle du Pacte. Ainsi, le sens attri-
bué plus haut à ces dispositions se trouve confirmé par les interprétations
qui en ont été faites, de même que par les commentaires du Pacte (voir
M. Nowak, United Nations Covenant on Civil and Political Rights:
e
CCPR Commentary,2 éd., 2005, p. 290-291; S. Joseph, J. Schultz et
M. Castan (dir. publ.), The International Covenant on Civil and Political
Rights: Cases, Materials and Commentary ,2 e éd., 2005, p. 377-378).
14. La Cour renvoie à la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme

83the expulsion provisions of the Covenant and the African Charter (Judg-
ment, para. 68). It does not however cite any relevant decisions from

either Court and those which we have consulted and which have held
respondent States in breach are cases where the State had failed to
observe procedural guarantees, had not followed its own law, or where
the expulsion was collective (e.. olat v. Russia, Application No. 14139/03,
Decision of 5 October 2006, paras. 81-83 and Lupsa v. Romania,

Application No. 10337/04, Decision of 8 June 2006, paras. 54-61; “Situ-
ations of Haitians in the Dominican Republic”, Annual Report 1991,
Inter-American Commission on Human Rights, 14 February 1992,
Chap. V). Commentaries to the European Convention confirm that the
expulsion provision confers procedural protection but no protection on

substance (see R. White and C. Ovey, Jacobs, White and Ovey: The
European Convention on Human Rights , 5th ed., 2010, pp. 544-545;
D. J. Harris, M. O’Boyle, E. Bates and C. Buckley, Harris, O’Boyle and
Warbrick: Law of the European Convention on Human Rights , 2nd ed.,
2009, pp. 747-748).
15. To conclude on this question of law, we emphasize again that by

requiring that national law regulating expulsion be enacted and complied
with and, in the case of the Covenant, that certain procedural rights be
required, the treaties do provide important protections against arbitrary
expulsion, as both the 1955 Secretariat annotations and the Human
Rights Committee in its 1986 General Comment say (paras. 8 and

10 above). The history of freedom, it has been wisely said, is largely the
history of the observance of procedural safeguards.

16. The facts in this case clearly demonstrate the force of that proposi-

tion. Here the DRC in making and carrying out the order to expel
Mr. Diallo clearly breached the rights conferred on him by its own law:

1. by not consulting the National Immigration Board, receiving its recom-

mendation and reciting that fact in the order;
2. by not providing Mr. Diallo with adequate reasons for the expulsion
order;
3. by detaining Mr. Diallo pending the expulsion when it provides no
evidence that that was necessary and for periods grossly in excess of

those allowed by its law;
and also conferred on Mr. Diallo by the Covenant:

4. by not giving Mr. Diallo the opportunity to submit the reasons
against his expulsion; and
5. by not allowing him to have his case reviewed by, and be represented
for the purpose before, the competent authority or a person desig-
nated by that authority.

The egregious breaches by the DRC authorities of their law in making
the arrests and detentions would in themselves, in our opinion, provide a

84pour étayer sa conclusion sur les dispositions du Pacte et de la Charte afri-

caine relatives à l’expulsion (arrêt, par. 68), sans néanmoins citer la moin-
dre décision pertinente de l’une ou de l’autre. Or, les décisions concluant à
une violation par l’Etat défendeur que nous avons consultées sanctionnent
soit le non-respect de garanties procédurales, soit la non-conformité au
droit interne, soit une mesure d’expulsion collective (par exemple,Bolat
o
c. Russie, requête n 14139/03, orrêt du 5 octobre 2006, par. 81-83, et
Lupsa c. Roumanie, requête n 10337/04, arrêt du 8 juin 2006, par. 54-61;
«Situations of Haitians in the Dominican Republic», Commission inter-
américaine des droits de l’homme, Rapport annuel 1991, 14 février 1992,

chap. V). Qui plus est, les commentaires de la convention européenne des
droits de l’homme confirment que son article relatif à l’expulsion énonce
des garanties procédurales mais n’offre aucune protection quant au
fond (voir R. White et C. Ovey, Jacobs, White and Ovey: The European
e
Convention on Human Rights,5 éd., 2010, p. 544-545; D. J. Harris,
M. O’Boyle, E. Bates et C. Buckley,Harris, O’Boyle and Warbrick: Law
of the European Convention on Human Rights,2 eéd., 2009, p. 747-748).
15. Pour conclure sur cette question de droit, nous rappellerons une

fois encore que les deux traités concernés, en faisant obligation aux Etats
de promulguer et d’appliquer une loi régissant l’expulsion et, dans le cas
du Pacte, de mettre en place certaines garanties procédurales, offrent
d’importantes protections contre l’expulsion arbitraire, comme le confir-

ment le commentaire rédigé en 1955 par le Secrétariat de l’Organisation
des Nations Unies et l’observation générale publiée en 1986 par le Comité
des droits de l’homme (paragraphes 8 et 10 ci-dessus). Ainsi a-t-on pu
dire à juste titre que l’histoire de la liberté était en grande partie l’histoire
du respect de garanties procédurales.

16. Les faits de l’espèce attestent la justesse de cette affirmation. Dans
la présente affaire, la RDC, en prenant et en exécutant un décret d’expul-
sion à l’encontre de M. Diallo, a clairement violé les droits conférés à ce
dernier par la loi nationale, et ce:

1. en omettant de consulter la commission nationale d’immigration, de
recevoir son avis et d’en faire mention dans le décret d’expulsion;
2. en s’abstenant de donner à M. Diallo des motifs valables pour justifier

son expulsion;
3. en détenant M. Diallo dans l’attente de son expulsion sans prouver
que ce maintien en détention, pendant des périodes excédant de beau-
coup le délai autorisé par la loi, était nécessaire.

Elle a de même violé les droits conférés à M. Diallo par le Pacte:
4. en ne donnant pas à l’intéressé la possibilité de faire valoir les raisons

militant contre son expulsion; et
5. en ne l’autorisant pas à faire examiner son cas par l’autorité compé-
tente, ou par une ou plusieurs personnes spécialement désignées par
ladite autorité, en se faisant représenter à cette fin.

Les graves manquements à la loi dont les autorités de la RDC se sont
rendues responsables dans le cadre de ces arrestations et détentions jus-

84sufficient reason for holding those actions to be arbitrary under the arrest
and detention provisions of the Covenant and African Charter, with no

reference at all to the purpose of the expulsion.

17. Given the manifest illegality of the expulsion for those reasons, the
Court, in our view, would have had no need to consider the merits of the
expulsion and its substantive arbitrariness, even if that course were avail-

able to it.
18. Although we need not consider the facts in detail, we add that we
are not persuaded that the limited evidence before the Court provides a
sufficient basis for the Court’s statement that the expulsion order had no
defensible basis because of a possible link between the expulsion and

Mr. Diallo’s attempts to recover the debts which he believed were owed
to his companies (Judgment, para. 82). Those features of the expulsion
order lead the Court to the conclusion that the arrests and detentions
aimed at allowing the expulsion to be effected can only be characterized
as arbitrary.

19. We begin with the recovery of debts owed to Africom-Zaire. The
record before the Court shows no action after 1989 by that company in
respect of debts allegedly owed to it by the State. The other Africom-
Zaire issue related to a dispute with its lessor, but so far as the record shows
the company was a judgment debtor following the Court of Appeal judg-

ment of 1994 and the company’s appeal to the Supreme Court was still
pending as late as 2002.

Africontainers-Zaire made claims against five bodies in the course of

the 1980s. It will be recalled that its trading activities had ceased by 1990.
Two of the claims were against State corporations, Onatra, which oper-
ated ports and other transport facilities, and Gécamines, a State mining
company. The record shows a settlement of the Onatra claim in 1990, its
repudiation by Africontainers-Zaire later in the year, a follow-up letter

on that matter from the company’s attorney in July 1991, the rejection by
Onatra of the repudiation, a rejection it repeated in February and Sep-
tember 1991, and correspondence relating to two containers in the course
of 1991. On 14 June 1991, the company wrote in more comprehensive
terms relating to 211 containers and claimed a specific amount. The final
relevant document appears to be a letter of 31 July 1992 from the com-

pany to Onatra about alleged misuse of 479 containers from 1986-1989.
The company expressed its willingness to negotiate the claims, without
specifying any amount, in order to spare Onatra legal costs.

85tifieraient à eux seuls, pensons-nous, de qualifier ces mesures d’arbitraires
au regard des dispositions du Pacte et de la Charte africaine relatives à

l’arrestation et à la détention, sans qu’il soit nécessaire de faire la moin-
dre mention des motifs de l’expulsion.
17. Selon nous, puisque l’expulsion était manifestement illicite pour les
raisons susmentionnées, point n’était besoin pour la Cour, même si cette
voie lui était ouverte, d’en examiner le bien-fondé ou le caractère arbi-

traire quant au fond.
18. Quoiqu’il n’y ait pas lieu d’examiner les faits en détail, nous tenons
à ajouter que nous ne sommes pas persuadés que les rares éléments de
preuve soumis à la Cour constituent une base suffisante pour qu’elle
puisse affirmer que, en raison d’un lien éventuel entre l’expulsion de

M. Diallo et le fait qu’il ait tenté d’obtenir le recouvrement des créances
qu’il estimait dues à ses sociétés, le décret d’expulsion ne reposait sur
aucun fondement défendable (arrêt, par. 82). Cet aspect du décret d’expul-
sion est l’un de ceux qui ont conduit la Cour à conclure que les arresta-
tions et détentions visant à permettre l’exécution de la mesure d’expulsion
ne pouvaient qu’être qualifiées d’arbitraires.

19. Commençons par le recouvrement des créances dues à la société
Africom-Zaïre. Il ressort des éléments versés au dossier que, après 1989,
cette société n’a plus intenté d’action en vue de rentrer en possession
des créances qu’elle estimait lui être dues par l’Etat. L’autre problème
concernant Africom-Zaïre est lié à un litige avec son bailleur, mais,

pour autant qu’on puisse en juger à la lecture du dossier, la société était
un débiteur judiciaire à la suite de l’arrêt rendu par la cour d’appel
en 1994 et le pourvoi formé devant la Cour suprême était toujours pen-
dant en 2002.
Quant à la société Africontainers-Zaïre, elle a formé des demandes en

recouvrement contre cinq entités pendant les années 1980. Dès 1990, la
société avait cessé toute activité commerciale. Deux réclamations étaient
dirigées contre des entreprises publiques: la première contre l’Onatra,
chargée de gérer les installations portuaires et autres services de trans-
port, et la seconde contre la Gécamines, société d’exploitation minière. Il

ressort du dossier que la créance réclamée à l’Onatra donna lieu à une
transaction en 1990; qu’Africontainers-Zaïre contesta cette transaction
quelques mois plus tard; que son avocat envoya une lettre de relance
en juillet 1991; que l’Onatra rejeta la remise en cause de la transaction
une première fois, puis une deuxième fois en février 1991 et une troisième
fois en septembre de la même année; qu’une correspondance fut échangée

dans le courant de l’année 1991 au sujet de deux conteneurs et que, le
14 juin 1991, la société écrivit une lettre qui portait, plus généralement,
sur 211 conteneurs, réclamant un certain montant à titre de compensa-
tion. Il semble que le dernier document pertinent soit une lettre en date
du 31 juillet 1992 adressée à l’Onatra par Africontainers-Zaïre concer-

nant l’usage prétendument abusif de 479 conteneurs entre 1986 et 1989.
La société se déclarait disposée à transiger, sans donner de montant
exact, afin d’épargner à l’Onatra les frais de justice.

85 In the early 1990s there were exchanges with Gécamines about the loss
of, damage to, and immobilization of some containers — about 20 or 30

in total. The record is silent from March 1993 to 1 June 1995 when at a
meeting the company produced a list of 32 containers to which should be
added, it said, another two; it also asserted the continuing validity of the
claim for US$30 million it had made in 1992. On 5 February 1996, a few
days after Mr. Diallo was expelled, a bailiff served a formal demand on

Gécamines, now for US$14 billion, or nearly 500 times as much as it had
claimed just seven months earlier. There followed in 1996-1997 exchanges
and negotiations between Gécamines and the company and the other
freight forwarders in which Gécamines acknowledged that it was indebted
and in which details were exchanged, as in the early 1990s, about the

number of containers.

20. The company’s claims against the three oil companies, Zaire Shell,

Zaire Fina and Zaire Mobil, related to the alleged loss of, damage to, and
non-use of, the company’s containers and the oil companies’ alleged
breach of the exclusivity clauses in their agreements with the company.
The record shows court proceedings against Zaire Shell and Zaire Fina.
On 3 July 1995, Zaire Shell was ordered to pay in excess of US$13 mil-

lion, in August the appeal court upheld the decision, in mid-September
the Vice-Minister of Justice ordered the bailiff not to execute the judg-
ment but 15 days later that order was in effect revoked. On the following
day the company wrote to Shell Zaire forwarding a debit note, dated
9 September 1995, in respect of its activities between 1982 and 1990. The

adjusted amount was now in excess of US$1.8 billion or well over 100
times larger than the judgment it had obtained in July. On 6 October
1995 the bailiff seized three vans and office equipment, but on 13 Octo-
ber another bailiff “Sur ordre de la hiérarchie [not identified]” returned
the property. On 20 June 2002, the Court of Appeal allowed Shell’s

appeal and substituted a judgment against Shell for about US$1,500.

The limited evidence on the Zaire Fina case indicates that the compa-
ny’s claim was upheld in part but that judgment was reversed on appeal
and the company’s cross appeal was dismissed in February 1994. The
record before this Court of that litigation ends with the April 1995 sub-

missions of the public prosecutor recommending that the Appeal Court
judgment should be quashed and that a ruling should be made in that
Court on the company’s cross appeal. On 2 November 1995, after the

86 Au début des années 1990, des échanges eurent lieu avec la Gécamines
concernant la perte, la détérioration et l’immobilisation de plusieurs

conteneurs, une vingtaine ou une trentaine au total. Aucune démerche ne
semble avoir été entreprise entre le mois de mars 1993 et le 1 juin 1995,
date d’une réunion au cours de laquelle la société produisit une liste de
32 conteneurs, auxquels, précisa-t-elle, devaient encore en être ajoutés
deux. Africontainers-Zaïre affirma également à cette occasion que la

demande d’indemnisation qu’elle avait présentée en 1992, d’un montant
de 30 millions de dollars des Etats-Unis, était toujours valable. Le
5 février 1996, quelques jours après l’expulsion de M. Diallo, Africontai-
ners-Zaïre fit délivrer par huissier à la Gécamines une sommation de

paiement, pour un montant s’élevant cette fois à 14 milliards de dollars
des Etats-Unis, soit près de cinq cents fois la somme réclamée sept mois
plus tôt. Puis, en 1996-1997, vinrent des échanges et des négociations
entre la Gécamines et la société ainsi que d’autres transitaires, au cours
desquels la Gécamines se reconnut débitrice et furent apportées, comme

au début des années 1990, des précisions sur le nombre de conteneurs.
20. Les demandes en recouvrement adressées par la société Africontai-
ners-Zaïre aux trois sociétés pétrolières Zaïre Shell, Zaïre Fina et
Zaïre Mobil faisaient suite à des allégations de perte, de détérioration et
de non-utilisation des conteneurs de la société, ainsi que de non-respect

par les trois sociétés pétrolières des clauses d’exclusivité contenues dans
les accords qu’elles avaient signés avec Africontainers-Zaïre. Le dossier
montre que la société intenta une action en justice contre Zaïre Shell et
Zaïre Fina. Le 3 juillet 1995, Zaïre Shell fut condamnée à verser plus de
13 millions de dollars des Etats-Unis de dommages-intérêts, décision

confirmée par la cour d’appel au mois d’août. A la mi-septembre, le vice-
ministre de la justice ordonna à l’huissier de ne pas exécuter la décision
judiciaire, interdiction qui fut levée quinze jours plus tard. Le lendemain,
la société écrivit à Zaïre Shell pour lui adresser une note de débit, datée
du 9 septembre 1995, se rapportant aux activités menées entre 1982

et 1990. Le montant ajusté s’élevait désormais à plus de 1,8 milliard de
dollars des Etats-Unis, soit plus de cent fois le montant fixé dans le juge-
ment rendu en juillet. Le 6 octobre 1995, un huissier saisit trois camion-
nettes et plusieurs équipements de bureau mais, le 13 octobre, un autre
huissier, agissant «sur ordre de la hiérarchie [sans autre précision]», res-

titua les biens saisis. Le 20 juin 2002, la cour d’appel accueillit le recours
formé par Shell et rendit une nouvelle décision par laquelle elle condam-
nait cette dernière à payer une somme d’environ 1500 dollars des Etats-
Unis.
Les rares éléments du dossier concernant Zaïre Fina indiquent qu’il fut

partiellement fait droit à la réclamation de la société; le jugement de pre-
mière instance fut néanmoins infirmé en appel et l’appel incident formé
par la société, rejeté en février 1994. Les derniers éléments présentés à la
Cour concernant cette procédure sont les conclusions du parquet d’avril

1995, qui recommandait que l’arrêt de la cour d’appel soit cassé et que
cette même cour examine l’appel incident de la société Africontainers-

86making of the expulsion order, the company sent a debit note to Zaire
Fina based on a recalculation of the claim which it said now amounted to

US$2.6 billion.

No legal proceedings appear to have been brought against Zaire Mobil.
Also on 2 November 1995, the company sent it a debit note including a
recalculation of the invoices addressed to the oil company between 1983

and 1990. The adjusted amount was over US$1.6 billion.

It is true that on 15 November 1995, Zaire Mobil and Zaire Fina
wrote to the Prime Minister of the DRC calling attention to the
fact that in June 1995 “Mr. Diallo sued Zaire Shell and was awarded

US$13 million” and to the “fictitious” claims (which totalled more than
US$4 billion) he now threatened against them, expressing their fear
that his greed may imperil their very existence, by endangering their com-
mercial activities and the job security of their employees, and seeking
government intervention to warn the courts and tribunals of
Mr. Ahmadou Sadio Diallo’s activities in his campaign to destabilize

trading companies. But that letter can have had no part in the making
of the expulsion order fully two weeks earlier.

21. To summarize in respect of the litigation, as at the time the DRC

made the expulsion order against Mr. Diallo, Africontainers-Zaire did
not have a judgment against Zaire Fina and, while it had a judgment
against Zaire Shell in respect of which execution had been interrupted, it
had issued it with a new debit note for a very much larger sum. Similar
debit notes were issued to Zaire Fina and Zaire Mobil after the expulsion

order was made.

22. The above account of the specific actions taken in respect of the
companies’ debts is to be put in the context of the huge challenges facing
the Zairean Government in the mid-1990s. The evidence before the Court

includes, in addition to the expulsion orders against another 194 non-
nationals, an extract from the report of the Central Bank of the Congo
on the Zairean economy in 1993. The profound disequilibria which had
characterized the economy for more than a decade had persisted in 1993.
These unfavourable developments were combined with the pillaging
of January 1993, the weakness of the banking system, socio-political

instability, and erratic changes in prices and rates of exchange. Produc-
tion had continued to fall, by 8.4 per cent in 1991, 10.5 per cent in 1992
and 16.2 per cent in 1993. In the production of goods the negative perfor-
mance was to be seen in several areas, including mining (-36.4 per cent in 1992
and -22.1 per cent in 1993). Gécamines faced significant difficulties. Those

difficulties, along with the January pillaging, had reduced the level of internal
production and with the excessive creation of liquidity the inflation rate
of almost 3,000 per cent in 1992 had risen to 4,600 per cent by the end

87Zaïre. Le 2 novembre 1995, alors que le décret d’expulsion avait déjà été
pris, la société envoya une note de débit à Zaïre Fina après avoir recal-

culé le montant de sa créance, qu’elle estimait désormais à 2,6 milliards
de dollars des Etats-Unis.
Aucune action en justice ne semble avoir été engagée contre
Zaïre Mobil. Le 2 novembre 1995 toujours, la société lui envoya une note
de débit dans laquelle elle avait recalculé le montant des factures adres-

sées à la société pétrolière entre 1983 et 1990. Ce montant, ajusté, s’éle-
vait à plus de 1,6 milliard de dollars des Etats-Unis.
Il est certain que, le 15 novembre 1995, Zaïre Mobil et Zaïre Fina écri-
virent au premier ministre de la RDC pour l’informer que, en juin 1995,
M. Diallo avait fait condamner Zaïre Shell au paiement de la somme de

13 millions de dollars des Etats-Unis et qu’il les menaçait à leur tour en
réclamant le paiement de créances «imaginaires» (d’un montant total de
plus de 4 milliards de dollars); les sociétés exprimaient leur crainte que la
cupidité de M. Diallo ne mît en péril leur existence en compromettant
leurs activités commerciales et la sécurité d’emploi de leurs salariés, et
demandaient au gouvernement d’intervenir pour mettre en garde les

cours et tribunaux contre les agissements de l’intéressé dans son entre-
prise de déstabilisation des sociétés commerciales. Il est néanmoins impos-
sible que cette lettre ait eu la moindre incidence sur la décision de prendre
le décret d’expulsion, arrêtée quinze jours plus tôt.
21. Pour résumer les différents contentieux, à la date à laquelle la

RDC décida d’expulser M. Diallo, Africontainers-Zaïre n’avait pas
obtenu gain de cause contre Zaïre Fina. De plus, si la société avait obtenu
un jugement condamnant Zaïre Shell — dont l’exécution avait été sus-
pendue —, elle avait adressé à cette dernière une nouvelle note de débit
d’un montant bien supérieur. Zaïre Fina et Zaïre Mobil reçurent quant à

elles des notes de débit comparables après que M. Diallo eut été frappé
de la mesure d’expulsion.
22. Ce rappel des actions en recouvrement à l’égard de chacune des
sociétés doit être replacé dans le contexte du milieu des années 1990, épo-
que à laquelle le Gouvernement zaïrois était aux prises avec de grandes

difficultés. Parmi les éléments de preuve soumis à la Cour figure, outre les
décrets d’expulsion pris à l’encontre de 194 autres étrangers, un extrait du
rapport de la Banque centrale du Congo sur l’économie du Zaïre en 1993.
Les profonds déséquilibres dont souffrait l’économie zaïroise depuis plus
d’une décennie continuaient de se faire sentir. A cette conjoncture défa-
vorable s’ajoutaient les pillages de janvier 1993, la faiblesse du système

bancaire, l’instabilité socio-politique et les imprévisibles variations des
prix et des taux de change. La chute de la production s’était poursuivie,
la baisse de 8,4 % observée en 1991 atteignant 10,5 % en 1992 et 16,2 %
en 1993. Plusieurs secteurs, dont l’industrie minière, étaient en crise (avec
des baisses de production de 36,4 % en 1992 et de 22,1 % en 1993), et la

Gécamines se trouvait dans une situation particulièrement délicate. Ces
difficultés, conjuguées aux pillages de janvier, avaient réduit le niveau
de la production intérieure, et la création excessive de liquidités avait

87of 1993. The drop in public receipts was explained notably by the

absence of contributions by Gécamines, fraud and tax evasion and
the granting of inopportune tax concessions. Exports of com-
modities in general continued to fall, by 12.5 per cent in 1993 by reason
principally of the weakness of the level of production.

23. To repeat, against that record, we would be reluctant to find it
established that the decision to expel Mr. Diallo had no defensible basis
and in that sense was arbitrary.

24. To summarize, we consider that the Court’s finding about the arbi-
trary character of the expulsion is unnecessary, wrong in law and difficult
to support on the facts.

(Signed) Kenneth K EITH .
(Signed) Christopher G REENWOOD .

88porté le taux d’inflation de près de 3000 % en 1992 à 4600 % à la fin de

l’année 1993. La baisse des recettes publiques s’expliquait notamment par
l’absence des contributions de la Gécamines, la fraude et l’évasion fisca-
les, et l’octroi d’avantages fiscaux inopportuns. Les exportations des pro-
duits de base continuaient de reculer, la baisse atteignant 12,5 % en 1993,

en raison principalement de la faiblesse du niveau de production.
23. Au risque de nous répéter, à en juger par les éléments versés au
dossier, nous hésiterions à tenir pour établi que la décision d’expulser
M. Diallo n’avait aucun fondement défendable et était, en ce sens, arbi-

traire.
24. En résumé, nous estimons que la conclusion de la Cour concernant
le caractère arbitraire de l’expulsion est inutile, erronée en droit et peu
fondée en fait.

(Signé) Kenneth K EITH.
(Signé) Christopher G REENWOOD .

88

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Déclaration commune de MM. les juges Keith et Greenwood

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