Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Sreenivasa Rao

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130-20080523-JUD-01-06-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AD HOC
SREENIVASA RAO

[Traduction]

Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh appartenant à Singapour
— Souveraineté sur Middle Rocks appartenant également à Singapour et non à la
Malaisie — Johor n’ayant jamais détenu de titre originaire, ni avant 1847 ni
après cette date — Malaisie ne s’étant pas acquittée de la charge de la preuve
requise et n’ayant pas été en mesure de présenter des éléments de preuve certains
et décisifs attestant que le Johor ait jamais possédé Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh, de manière à étayer sa thèse selon laquelle ce dernier détenait un titre ori-
ginaire fondé sur une possession immémoriale — Documents historiques d’ordre
général et activités privées des Orang Laut ne suffisant pas à établir le bien-fondé
de la revendication d’un titre originaire — Exercice effectif de l’autorité étatique
ou comportement à titre de souverain assorti d’une possession continue et incon-
testée du rocher étant essentiel — Johor et Grande-Bretagne n’ayant ni l’un ni
l’autre manifesté, à l’origine, le moindre intérêt pour cette formation et, partant,
la moindre intention d’acquérir le titre — Statut de Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh indéterminé en 1847 — Johor pouvant être considéré comme ayant décou-
vert Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et détenant sur elle une ébauche de titre,
ladite formation n’étant donc pas terra nullius — Titre du Johor devant être

confirmé compte tenu, notamment, de la manifestation croissante de la part de la
Grande-Bretagne de l’intention d’acquérir la souveraineté sur l’île — Possession
pacifique, longue et continue par la Grande-Bretagne et Singapour et exercice par
elles de fonctions étatiques pendant plus d’un siècle allant bien au-delà des néces-
sités de gestion du phare — Absence de protestation et même acceptation par le
Johor de l’autorité de Singapour sur le rocher et ses eaux environnantes —
Réponse catégorique du Johor à Singapour en 1953 selon laquelle il ne revendi-
quait nullement la propriété de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh constituant un
élément de preuve certain et décisif attestant que Singapour détenait la souverai-
neté sur cette formation en 1953 et l’a toujours conservée depuis cette date —
Middle Rocks et South Ledge, un haut-fond découvrant, appartenant aussi à Sin-
gapour, ces deux formations se trouvant à l’intérieur de la limite coutumière des
3 milles marins de la mer territoriale de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh.

1. Je souscris à la décision de la Cour selon laquelle la souveraineté sur
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh appartient à Singapour. En revanche, je
ne souscris pas à sa conclusion selon laquelle la souveraineté sur Middle
Rocks appartient à la Malaisie. La Cour ne s’est pas prononcée sur
la question de la souveraineté sur South Ledge, laquelle sera tranchée
dans le cadre de la délimitation des frontières des mers territoriales

des Etats concernés. Cette conclusion me convient, mais je suis d’avis
que, si Middle Rocks est également considérée comme relevant de la
souveraineté de Singapour, alors South Ledge appartient également
à Singapour. Par conséquent, j’ai voté en faveur des points 1) et 3) du
dispositif, mais contre son point 2).

145 2. Bien que je sois, tout comme la Cour, parvenu à la conclusion que
Singapour a souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, les raisons

qui m’y conduisent diffèrent des siennes. En particulier, je ne souscris pas
à la thèse selon laquelle la Malaisie a démontré à la satisfaction de la Cour
que le Johor détenait un titre originaire sur Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh depuis 1847. Cette thèse est essentielle et a une incidence détermi-

nante sur l’examen par la Cour des éléments qui lui ont été présentés ainsi
que sur les conclusions qu’elle formule selon lesquelles ce titre a finalement,
en vertu d’actes à titre de souverain accomplis par Singapour et de la
conduite du Johor/de la Malaisie au cours de la période allant de 1852 à
1952, été transféré ou passé à Singapour, mais seulement en ce qui concerne

Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et non en ce qui concerne Middle Rocks.

CHARGE DE LA PREUVE ET RÈGLE SELON LAQUELLE LES ÉLÉMENTS DE PREUVE
DOIVENT ÊTRE CERTAINS ET CONVAINCANTS

3. La Cour a souligné qu’il incombait à chacune des Parties de démon-
trer le bien-fondé de ses prétentions (arrêt, par. 45). En conséquence, elle

a précisé que la Malaisie devait produire des éléments de preuve aux fins
de démontrer que le Sultanat de Johor détenait un titre originaire sur
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et qu’il l’a conservé jusqu’aux années 1840
(ibid., par. 46). Même si la Cour n’a pas développé plus avant la question
du critère de la preuve, il ressort tout à fait clairement de sa jurisprudence

bien établie qu’il incombe à la Malaisie d’apporter la preuve certaine que
la revendication qu’elle formule est fondée en droit et de démontrer de
façon probante les faits sur lesquels repose la thèse selon laquelle le Johor
détenait un titre originaire. Ce qu’a dit la Cour dans l’affaire Nicaragua

implique que tel est bien le critère de la preuve exigé en la matière. Se
référant à l’article 53 de son Statut et précisant le critère de la preuve
requis pour lui permettre de «s’assurer que les conclusions sont fondées
en fait et en droit», la Cour a relevé qu’elle

«d[evait], tout autant que dans une autre instance, acquérir la convic-
tion que les conclusions de la partie comparante sont fondées en
droit et, pour autant que la nature de l’affaire le permette, que

les faits sur lesquels ces conclusions reposent sont étayés par des
preuves convaincantes» (Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 24, par. 29).

Selon moi, la Malaisie n’est pas parvenue à s’acquitter de la charge de la
preuve qui lui incombait pour démontrer de façon certaine et convain-
cante que le Johor détenait un titre originaire sur Pedra Branca/Pulau

Batu Puteh sur la base d’une possession immémoriale.
4. La seule preuve que la Malaisie ait pu présenter à la Cour, et dont
celle-ci prend acte, se rapporte au fait que «[l]e Sultanat [de Johor] englo-
bait toutes les îles comprises dans cette vaste zone, y compris toutes celles
situées dans le détroit de Singapour, comme Pulau Batu Puteh, et celles

146situées au nord et au sud du détroit, dont l’île de Singapour et les îles
adjacentes» (arrêt, par. 47). La Malaisie a en outre soutenu que

«Pulau Batu Puteh, qui est située à l’entrée est du détroit de Singapour,
se trouv[ait] en plein cŒur de l’ancien Sultanat de Johor» (ibid., par. 47).
Elle a par ailleurs avancé — et la Cour l’a confirmé — que le Sultanat de
Johor était une entité souveraine reconnue depuis 1512 et «doté[e] d’un

domaine territorial spécifique» (ibid., par. 52), la Cour ayant estimé que
l’incident lors duquel deux jonques chinoises avaient été saisies par les
navires de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales et le déplaisir
dont le roi de Johor avait fait part au gouverneur de Malacca consti-
tuaient une indication claire de cette position (ibid., par. 54-55). La Cour

s’est par ailleurs référée à trois documents de 1824 (ibid., par. 56) et à un
article du Singapore Free Press en date du 25 mai 1843 (ibid., par. 57),
lesquels décrivaient, en des termes fort généraux, les caractéristiques
maritimes et géographiques du royaume malais. C’est sur la base de ces

documents que la Cour a formulé l’observation selon laquelle,
«à partir du XVII siècle au moins et jusqu’au début du XIX siècle,

il était reconnu que le domaine terrestre et maritime du royaume de
Johor englobait une portion considérable de la péninsule malaise,
s’étendait de part et d’autre du détroit de Singapour et comprenait
des îles et îlots situés dans la zone du détroit. Ce domaine couvrait

en particulier la zone dans laquelle se trouve Pedra Branca/Pulau
Batu Puteh.» (Ibid., par. 59.)

Les éléments que la Cour a examinés et qui ont retenu son attention sont
cependant trop généraux pour lui permettre de conclure de manière claire
ou convaincante que le Johor détenait un titre originaire et ancien sur
«l’ensemble des îles et îlots situés dans le détroit de Singapour, lequel se
trouvait au milieu de ce royaume, et comprenait donc l’île de Pedra

Branca/Pulau Batu Puteh» (ibid., par. 68). Seul l’article du Singapore
Free Press faisait expressément référence à Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh; encore ne le faisait-il que dans le cadre d’une description de la
menace de piraterie, précisant que cette formation «serv[ait] de repair[e]

aux pirates» (ibid., par. 57).
5. A défaut d’un exercice clair et convaincant de la souveraineté du
Johor sur ces îles et îlots situés dans le détroit de Singapour — notamment
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh —, l’observation formulée par la Cour
selon laquelle cette souveraineté n’a jamais été contestée (ibid., par. 68)

est dépourvue de pertinence; l’on ne saurait, en tout état de cause, esti-
mer que cette absence de contestation satisfait aux conditions d’un «exer-
cice continu et pacifique de la souveraineté territoriale (pacifique par rapport
aux autres Etats)», critère énoncé en l’affaire de l’Ile de Palmas (Pays-

Bas/Etats-Unis d’Amérique) (sentence, 4 avril 1928, Recueil des sentences
arbitrales, vol. II, p. 852 [traduction française: Ch. Rousseau, Revue
générale de droit international public, t. XLII, 1935, p. 164]) et qui est consi-
déré comme un principe du droit international coutumier. De la même
manière, le tribunal arbitral a, en l’affaire Erythrée/Yémen, précisé que

147 «[l]e droit international moderne de l’acquisition (ou de l’attribu-
tion) d’un territoire requiert de manière générale: une manifestation

intentionnelle de pouvoir et d’autorité sur le territoire, par l’exercice
continu et pacifique de la compétence et des attributs de la puissance
publique. Ces deux derniers critères sont tempérés en fonction de la
nature du territoire et de l’importance de sa population, s’il y en a
une.» (Sentence rendue par le tribunal arbitral dans la première

étape de la procédure (Souveraineté territoriale et champ du diffé-
rend), RSA, vol. XXII, 2001, par. 239 [traduction de la Cour per-
manente d’arbitrage].)

6. Le fait que des documents d’ordre général, tels que ceux que la
Cour a pris en considération, ne sauraient, d’un point de vue juridique,
valablement fonder une revendication territoriale ressort tout à fait clai-
rement de la jurisprudence de la Cour. En l’affaire relative à la Souverai-

neté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie) , la Malai-
sie affirmait qu’elle avait acquis un titre originaire sur ces deux formations
par transmissions successives du titre, mais elle n’a pas été en mesure
de présenter un quelconque document attestant que ce transfert de titre
avait spécifiquement trait aux îles en litige. La Cour a rejeté ses argu-

ments et précisé que «les îles en litige n[’étaient] nommément citées dans
aucun des instruments juridiques internationaux que la Malaisie a[vait]
produits pour démontrer les transmissions successives du titre alléguées»
(arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 674, par. 108). La Cour a conclu que

«[c]es documents ne permett[ai]ent donc pas d’établir si Ligitan et
Sipadan, qui sont situées à une distance considérable de l’île princi-
pale de Sulu, faisaient ou non partie des dépendances du Sultanat»

(ibid., p. 675, par. 109).
7. De même, en l’affaire des Minquiers et Ecréhous, la Cour, après
avoir examiné différents traités relatifs aux îles de la Manche, a fait

observer qu’elle
«n[’aurait pas été] fondée à en tirer quelque conclusion pour déter-

miner si, à l’époque de la signature de ces traités, les Ecréhous et les
Minquiers étaient tenus par le roi d’Angleterre ou par le roi de
France. Cette question dépend[ait] de faits qu’il n’[était] pas possible
de déduire du texte de ces traités.» (Minquiers et Ecréhous (France/
Royaume-Uni), arrêt, C.I.J. Recueil 1953 , p. 54.)

8. S’agissant de l’article paru dans le Singapore Free Press, il est évi-
dent qu’il ne saurait nullement fonder le titre du Johor, lequel n’est pas
autrement prouvé ni établi. En ce qui concerne la valeur probante des

articles de presse, la Cour a, en l’affaire Nicaragua, précisé qu’ils consti-
tuent non pas la preuve des faits, mais des éléments pouvant contribuer,
dans certaines conditions, à corroborer leur existence, à titre d’indices
venant s’ajouter à d’autres moyens de preuve (Activités militaires et para-

militaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amé-
rique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 40-41, par. 62-63). Il est tou-

148tefois possible de se fonder sur des articles de presse en tant qu’éléments

de preuve s’ils sont la source de déclarations gouvernementales officielles,
comme ce fut le cas en l’affaire de Certaines terres à phosphates à Nauru
(Nauru c. Australie) (exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992 ,
p. 254, par. 33). Ce point a été confirmé par la Cour elle-même lorsqu’elle

a estimé que la valeur probante de l’article du Singapore Free Press «rési-
d[ait] dans le fait qu’il corrobor[ait] d’autres éléments montrant que le
Johor détenait la souveraineté sur la zone en question» (arrêt, par. 58).
Ce sont ces éléments concrets, et non l’article de presse lui-même, qu’il

convient d’examiner aux fins de s’assurer que la thèse selon laquelle le
Johor détenait un titre originaire est fondée.
9. La Malaisie n’est pas non plus parvenue à étayer sa prétention à un
titre originaire sur la base d’une possession immémoriale, puisqu’elle n’a

jamais été en mesure de démontrer une possession continue et incontestée
de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, condition pourtant fondamentale
pour établir le bien-fondé d’une telle prétention. Dans la sentence rendue
en l’affaire Meerauge, à laquelle la Malaisie s’est référée, la possession

immémoriale a été définie comme une possession «qui dure depuis si
longtemps qu’il est impossible de fournir la preuve d’une situation diffé-
rente et qu’aucune personne ne se souvient d’en avoir entendu parler»
(ibid., par. 48). Ce passage cité par la Cour, qui est extrait des écritures de

la Malaisie, est toutefois incomplet. En effet, une condition tout aussi
importante est énoncée dans la phrase suivante de la sentence rendue en
l’affaire Meerauge:

«[d]ieser Besitz muss ferner ununterbrochen und unangefochten sein,
und es ist selbstverständlich, dass der so qualifizierte Besitz bis in die
Jetztzeit, das heisst bis zu der Zeit, in welcher die Differenz in der
zum Abschluss eines Schiedsvertrages führenden Konstellation

aufgetreten ist, fortgedauert haben müsste» (Sentence arbitrale Mee-
rauge (Autriche/Hongrie) , 13 septembre 1902, texte original alle-
mand in Nouveau recueil général de traités,3 esérie, vol. III, p. 80
— référence interne omise).

[«En outre cette possession doit être ininterrompue et incontestée.
Il va sans dire qu’une telle possession devrait aussi avoir duré
jusqu’à l’époque où il y a eu contestation et conclusion d’un com-
promis.» (Traduction française: Revue de droit international et de
e
législation comparée, 2 série, t. VIII, 1906, p. 207.]

L’ EXERCICE EFFECTIF DE L ’AUTORITÉ ÉTATIQUE COMME FONDEMENT
DU TITRE SUR UN TERRITOIRE

10. Lorsque l’on cherche à établir l’existence d’un titre originaire sur
un territoire donné, ce qui est essentiel, ce ne sont pas les conclusions ou
présomptions indirectes déduites de «l’histoire» ou du «Moyen Age», ce

sont les éléments de preuve se rapportant directement à un exercice effec-
tif de l’autorité étatique. Ainsi, se référant à des revendications de titre
originaire fondées sur une possession immémoriale, la Cour a fait obser-

149ver, en l’affaire des Minquiers et Ecréhous, que «[c]e qui ... a[vait]

une importance décisive, ce n[’étaient] pas des présomptions indirectes
déduites d’événements du Moyen Age, mais les preuves se rapportant
directement à la possession des groupes des Ecréhous et des Min-
quiers» (Minquiers et Ecréhous (France/Royaume-Uni), arrêt, C.I.J.
Recueil 1953, p. 57). De même, dans l’avis consultatif qu’elle a donné

en l’affaire du Sahara occidental, la Cour a indiqué, en réponse à la
thèse du Maroc selon laquelle des liens de souveraineté découlaient
de sa possession immémoriale de ce territoire, que

«ce qui d[evait] déterminer de façon décisive sa réponse..., ce n’[était]
pas ce que l’on p[ouvait] indirectement déduire d’événements passés,
c[’étaient] les preuvesqui se rapport[ai]ent directement à un exercice

effectif d’autorité au Sahara occidental au moment de la colonisa-
tion espagnole et pendant la période qui l’a[vait] immédiatement pré-
cédée» (Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975 ,
p. 43, par. 93).

L’EXERCICE DE DROITS SOUVERAINS DOIT ÊTRE FONCTION DE LA NATURE

DU TERRITOIRE

11. Toutefois, dans le cas de pays ou de territoires faiblement peuplés
ou non occupés par des habitants à demeure, la Cour «n’a pas exigé de
nombreuses manifestations d’un exercice de droits souverains pourvu que
l’autre Etat en cause ne pût faire valoir une prétention supérieure» (Sta-
tut juridique du Groënland oriental, arrêt, 1933, C.P.J.I. série A/B n o 53,

p. 46). En l’affaire de la Délimitation maritime et des questions territo-
riales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn) , la Cour a ainsi estimé
qu’une balise lumineuse sans personnel construite par Bahreïn était suf-
fisante pour déterminer que cet Etat exerçait la souveraineté sur une

petite formation maritime, Qit’at Jaradah. La Cour a précisé:
«Certaines catégories d’activités invoquées par Bahreïn, telles que

le forage de puits artésiens, pourraient en soi être considérées comme
discutables en tant qu’actes accomplis à titre de souverain. La cons-
truction d’aides à la navigation, en revanche, peut être juridiquement
pertinente dans le cas de très petites îles. En l’espèce, compte tenu de
la taille de Qit’at Jaradah, les activités exercées par Bahreïn sur cette

île peuvent être considérées comme suffisantes pour étayer sa reven-
dication selon laquelle celle-ci se trouve sous sa souveraineté.» (Arrêt,
C.I.J. Recueil 2001, p. 99-100, par. 197.)

12. En l’affaire relative à la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau
Sipadan (Indonésie/Malaisie) , la Cour, ayant jugé que les manifestations
de l’autorité souveraine par l’Indonésie étaient fort peu nombreuses, a
fait observer que, si les activités invoquées par la Malaisie étaient «mo-

destes en nombre», elles «présent[ai]ent un caractère varié et compre-
n[ai]ent des actes législatifs, administratifs et quasi judiciaires». La
Cour a en outre relevé qu’«[e]lles couvr[ai]ent une période considérable

150et présent[ai]ent une structure révélant l’intention d’exercer des fonctions

étatiques à l’égard des deux îles, dans le contexte de l’administration d’un
ensemble plus vaste d’îles» (arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 685, par. 148).
La Cour a notamment estimé que le fait que la Malaisie avait réglementé
le ramassage des Œufs de tortue et classé l’île zone protégée était suffisant

pour conclure qu’elle détenait la souveraineté sur cette formation (ibid.,
p. 684, par. 143). De même, en l’affaire du Différend territorial et mari-
time entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nica-
ragua c. Honduras), les effectivités honduriennes sur Bobel Cay étaient

modestes et n’allaient guère au-delà de l’installation d’une antenne et de
bornes géodésiques (arrêt, C.I.J. Recueil 2007 , p. 720, par. 205, et p. 721,
par. 207). Se fondant sur les prononcés formulés dans les affaires du Sta-
tut juridique du Groënland oriental (arrêt, 1933, C.P.J.I. série A/B n53,

p. 46) et des Minquiers et Ecréhous (France/Royaume-Uni) (arrêt, C.I.J.
Recueil 1953, p. 71), la Cour est parvenue à la conclusion que

«les effectivités invoquées par le Honduras établiss[ai]ent une «inten-
tion et [une] volonté d’agir en qualité de souverain» et constitu[ai]ent
une manifestation modeste mais réelle d’autorité sur les quatre îles»
(Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras

dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras) , arrêt, C.I.J.
Recueil 2007, p. 721, par. 208).

N ATURE DES LIENS ENTRE LE S ULTANAT DE JOHOR ET LES ORANG L AUT

13. La Cour se réfère également aux éléments de preuve remontant au
XIX siècle qui lui ont été présentés par la Malaisie aux fins d’établir que

le titre du Sultanat de Johor «est confirmé par la nature des liens d’allé-
geance qui existaient entre le Sultanat et les Orang Laut» (arrêt, par. 70).
Au vu des rapports de représentants britanniques qu’elle a examinés aux
paragraphes 71 à 74, la Cour conclut que,

«de par sa nature et son degré, l’autorité souveraine exercée par le
sultan de Johor sur les Orang Laut, qui vivaient sur les îles du
détroit de Singapour et s’étaient établis dans cet espace maritime,

confirme le titre originaire ancien du Sultanat de Johor sur ces îles,
dont Pedra Branca/Pulau Batu Puteh» (ibid., par. 75).
Les éléments de preuve sur lesquels la Cour se fonde pour parvenir à cette

conclusion ne sont pourtant guère solides; ils sont dépourvus de fonde-
ment aux fins d’établir l’existence de liens de loyauté et d’allégeance avec
le sultan de Johor et ne mettent certainement pas au jour de quelconques
liens de souveraineté.

14. La lettre de J. T. Thomson (ibid., par. 71) remonte au mois
de novembre 1850, date à laquelle la construction du phare avait déjà
commencé. Le récit de John Crawfurd (ibid., par. 72) est extrait de son
journal daté de 1828. Les écrits de E. Presgrave proviennent, quant à eux,

de son rapport daté de 1828 (ibid., par. 73). Dès lors que nous recher-
chons la preuve d’un titre ancien et originaire du Johor remontant à la

151période antérieure à 1840, ces lettres et rapports — qui peuvent difficile-

ment être considérés comme très anciens — ne sauraient en démontrer
l’existence. Par ailleurs, il n’est, dans ces documents, nullement fait réfé-
rence à une quelconque manifestation de l’autorité souveraine du Johor
sur le rocher en question. De plus, les seuls enseignements du rapport de
Presgrave — si tant est qu’il y en ait — seraient que le sultan de Johor

n’était qu’«en théorie» le chef des Orang Laut; que ces derniers considé-
raient la piraterie comme leur mode de vie principal et qu’ils étaient
«prêts à obéir à n’importe quel chef» (mémoire de la Malaisie (MA),
vol. 3, annexe 27, par. 6); et que «[l]es Rayat, ou pirates professionnels,

louaient aussi leurs services à des tiers», et pas seulement au sultan de
Johor (ibid., par. 13). Ainsi que la Cour l’a précisé dans son avis consul-
tatif sur le Sahara occidental, lorsqu’elle a examiné les liens politiques
d’allégeance à un souverain:

«[m]ais cette allégeance doit incontestablement être effective et se
manifester par des actes témoignant de l’acceptation de l’autorité

politique du souverain, pour pouvoir être considérée comme un
signe de sa souveraineté. Autrement il n’y a pas de manifestation ou
d’exercice authentique de l’autorité étatique.» (Sahara occidental,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975 , p. 44, par. 95.)

15. En outre, même en admettant que les Orang Laut aient occasion-
nellement utilisé cette île inhabitée, le titre du Johor sur Pedra Branca/

Pulau Batu Puteh n’est pas établi puisque que la Malaisie n’est pas en
mesure de démontrer que le sultan de Johor revendiquait un titre terri-
torial sur l’île ou l’incluait dans ses possessions. A cet égard, l’observa-
tion formulée par la Cour en l’affaire relative à la Souveraineté sur Pulau

Ligitan et Pulau Sipadan est tout à fait pertinente:
«[l]a Malaisie invoque les liens d’allégeance qui auraient existé entre

le sultan de Sulu et les Bajau Laut, qui habitaient les îles au large
de la côte de Bornéo et auraient occasionnellement fréquenté les
deux îles inhabitées. La Cour pense que de tels liens ont fort bien pu
exister, mais qu’ils ne suffisent pas, en eux-mêmes, à prouver que

le sultan de Sulu revendiquait le titre territorial sur ces deux petites
îles ou les incluait dans ses possessions. De même, rien ne prouve que
le sultan ait exercé une autorité effective sur Ligitan et Sipadan.»
(Affaire relative à la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau
Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 675,

par. 110.)

L’OCCUPATION EFFECTIVE NÉCESSITE L ACCOMPLISSEMENT
D ACTES À TITRE DE SOUVERAIN

16. Pour qu’une occupation effective donne naissance à un titre sur un
territoire, elle doit être le fait d’un Etat et non de personnes privées. La
Cour l’a indiqué très clairement en l’affaire de l’Ile de Kasikili/Sedudu

152(Botswana/Namibie). Dans cette affaire, la Namibie affirmait avoir acquis
le titre par prescription acquisitive en se fondant sur la fréquentation et

l’occupation pacifique de l’île par les Masubia. Elle soutenait que, pen-
dant la plus grande partie de la période considérée, la puissance coloniale
avait exercé le contrôle effectif sur les îles «suivant le régime de l’«admi-
nistration indirecte», c’est-à-dire par le recours aux chefs et aux institu-
tions politiques des Masubia pour exécuter les directives de la puissance

administrante, sous le contrôle et la surveillance des représentants de
celle-ci» (Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J. Re-
cueil 1999 (II), p. 1104, par. 94). La Namibie avançait en outre que,
«[b]ien que l’administration indirecte se manifestât de diverses manières,

la prémisse essentielle était que les actes d’administration des autorités
coloniales et ceux des autorités traditionnelles émanaient ... d’une entité
unique, le gouvernement colonial» (ibid., p. 1104, par. 94). La Cour n’a
pas jugé que l’utilisation de l’île par les Masubia équivalait à des actes à
titre de souverain. Elle a indiqué:

«il n’est pas établi que les membres de cette tribu occupaient l’île «à

titre de souverain», c’est-à-dire y exerçaient des attributs de la puis-
sance publique au nom de ces autorités. Au contraire, il ressort du
dossier de l’affaire que les Masubia utilisaient l’île de façon intermit-
tente, au gré des saisons et selon leurs besoins, à des fins exclusive-
ment agricoles; cette utilisation, antérieure à l’établissement de toute

administration coloniale dans la bande de Caprivi, semble s’être
ensuite poursuivie sans être liée à des prétentions territoriales de la
Puissance administrant le Caprivi ...
De l’avis de la Cour, la Namibie n’a pas prouvé avec le degré de
précision et de certitude nécessaire que des actes d’autorité étatique

susceptibles de fonder autrement l’acquisition d’un titre par pres-
cription selon les conditions qu’elle a énoncées auraient été accom-
plis par ses prédécesseurs ou par elle-même sur l’île de Kasikili/
Sedudu.» (Ibid., p. 1105-1106, par. 98-99.)

17. De même, en l’affaire Erythrée/Yémen, le tribunal arbitral a conclu
que le titre historique ne pouvait être attribué au Yémen sur la base d’acti-

vités menées par des pêcheurs nomades. En outre, bien qu’ayant admis
que lesdites activités avaient été saisonnières et régulières, le tribunal a
estimé que l’île en question n’avait pas été habitée à titre permanent:

«[l]a deuxième conclusion semble être que le mode de vie sur les îles
ne permet pas davantage de faire la moindre distinction: certains
pêcheurs restent sur leur bateau; d’autres dorment sur la plage; cer-

tains construisent de petits abris; d’autres de grands abris; certains
appellent leurs constructions des «établissements». La seule chose
qui ressorte clairement du dossier est qu’il n’y a aucun édifice impor-
tant et permanent servant d’habitation, ni d’ailleurs aucun édifice

important et permanent de n’importe quel autre type qui ait été
construit et qui ait été utilisé comme habitation.

153 La troisième conclusion est que, même s’il est fait de temps à autre

mention de «familles» séjournant sur les îles, les éléments de preuve
disponibles ne permettent pas vraiment de savoir si la vie de famille
y existait bien en fait. Dès lors que les îles ne peuvent être occupées
que de façon saisonnière, cela paraît a priori incompatible avec une

vie de famille quand on définit cette dernière par l’existence de
cellules familiales qui se déplacent vers un endroit où les activités
normales de la collectivité se poursuivent, comme c’est le cas, par
exemple, pour les nomades qui élèvent du bétail.

La dernière conclusion ne peut être que celle-ci: la vie sur les îles,
pour autant qu’elle existe, consiste exclusivement pour des pêcheurs
à y trouver un abri saisonnier et temporaire. D’après les éléments
fournis, les pêcheurs, qui sont à la fois érythréens et yéménites, sont

nombreux, semble-t-il, à séjourner sur les îles pendant la saison de la
pêche et pour sécher et saler leur poisson mais ces séjours, bien que
saisonniers et réguliers, sont également temporaires et non perma-
nents.» (Recueil des sentences arbitrales , vol. XXII, 2001, par. 354-

356 [traduction de la Cour permanente d’arbitrage] .)
Dans le cas de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, il n’a pas même été établi

que l’île ait été habitée à titre saisonnier et temporaire. Ainsi qu’il a été
indiqué plus haut, les Orang Laut, des pirates, fréquentaient Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh dans le seul but d’y trouver refuge, et leurs acti-
vités étaient illégales; non seulement ces activités ne sauraient refléter

l’exercice de l’autorité étatique du Johor, mais elles étaient en réalité
menées contre cette autorité (article du Singapore Free Press,25mai
1843; arrêt, par. 57).

LES ACTIVITÉS DE PÊCHE DES O RANG L AUT ET LA THÈSE SELON LAQUELLE
LE JOHOR DÉTENAIT UN TITRE ORIGINAIRE SUR P EDRA B RANCA /PULAU
B ATU P UTEH

18. A l’appui de la revendication d’un titre originaire sur Pedra Branca/

Pulau Batu Puteh, il a également été avancé que les Orang Laut s’étaient
régulièrement livrés à des activités de pêche autour de cette formation.
Premièrement, il convient de garder à l’esprit la distinction entre les
nomades, qui séjournent pendant de courtes périodes sur une île et

pêchent dans les eaux environnantes, et les «nomades des mers», qui se
livrent occasionnellement à la pêche dans certaines zones maritimes qui
se trouvent entourer une île sur laquelle ils n’habitent pas, même à titre
saisonnier ou temporaire. De toute évidence, les activités de pêche des

Orang Laut autour de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh entrent dans la
seconde catégorie. De plus, la thèse selon laquelle les activités de pêche
menées dans la zone de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh constituaient une
activité propre à cette formation est démentie par le fait que lesdites acti-

vités se déroulaient en haute mer, l’île et les eaux environnantes étant
situées à une distance supérieure à la limite des 3 milles de la mer terri-

154toriale du Sultanat de Johor. Deuxièmement, les éléments de preuve invo-
qués ne sauraient en aucun cas être considérés comme des actes à titre de

souverain, puisque rien ne démontre qu’ils ont été accomplis sous l’auto-
rité et le contrôle de l’Etat du Johor ou réglementés de quelque manière
par le sultan. A cet égard, le critère appliqué par la Cour en l’affaire rela-
tive à la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan est également

applicable en l’espèce. Rejetant la thèse de l’Indonésie selon laquelle «les
eaux entourant Ligitan et Sipadan [avaient] traditionnellement été utili-
sées par des pêcheurs indonésiens», la Cour a fait observer que

«les activités de personnes privées ne sauraient être considérées
comme des effectivités si elles ne se fondent pas sur une réglementa-
tion officielle ou ne se déroulent pas sous le contrôle de l’autorité
publique» (Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indo-

nésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 683, par. 140).
Dès lors que les activités invoquées en la présente espèce sont d’ordre

privé, elles n’étayent nullement la thèse selon laquelle le Johor détenait un
titre originaire sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh.

L A CONTIGUÏTÉ EN TANT QUE FONDEMENT D UN TITRE SUR DES ÎLES

19. La Malaisie a en outre affirmé que le Johor devait avant tout être
considéré comme détenant un titre sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh
au motif que cette formation se trouvait nettement à l’intérieur des li-
mites géographiques de ses territoires et des îles qui lui appartenaient. Cet
argument n’est pas sans rappeler certaines revendications de titre fondées

sur la contiguïté. La «contiguïté» géographique ne constitue cependant
pas, en elle-même et par elle-même, une base suffisante pour établir un
titre sur un territoire. Ainsi, dans l’affaire de l’Ile de Palmas, le juge
Huber, rejetant des revendications de territoire fondées sur la contiguïté,

a indiqué:
«[b]ien que les Etats aient soutenu, dans certaines circonstances, que
les îles relativement proches de leurs côtes leur appartenaient en

vertu de leur situation géographique, il est impossible de démontrer
l’existence d’une règle de droit international positif portant que les
îles situées en dehors des eaux territoriales appartiendraient à un
Etat à raison du seul fait que son territoire forme pour elles la terra

firma (le plus proche continent ou la plus proche île d’étendue consi-
dérable). Non seulement il semblerait qu’il n’existe pas de précédents
suffisamment nombreux et d’une valeur suffisamment précise pour
établir une telle règle de droit international, mais le principe invoqué
est lui-même de nature si incertaine et si controversée que même les

gouvernements d’un même Etat ont en diverses circonstances émis
des opinions contradictoires quant à son bien-fondé. Le principe de
la contiguïté, en ce qui concerne les îles, peut avoir sa valeur lorsqu’il
s’agit de leur attribution à un Etat plutôt qu’à un autre, soit par un

arrangement entre les parties, soit par une décision qui n’est pas

155 nécessairement fondée sur le droit; mais, comme règle établissant
ipso jure une présomption de souveraineté en faveur d’un Etat déter-

miné, ce principe viendrait contredire ce qui a été exposé en ce qui
concerne la souveraineté territoriale et en ce qui concerne le rapport
nécessaire entre le droit d’exclure les autres Etats d’une région don-
née et le devoir d’y exercer les activités étatiques. Ce principe de la
contiguïté n’est pas non plus admissible comme méthode juridique

pour le règlement des questions de souveraineté territoriale, car il
manque totalement de précision et conduirait, dans son application,
à des résultats arbitraires.» (Recueil des sentences arbitrales, vol. II,
p. 852 [traduction française: Ch. Rousseau, Revue générale de droit

international public, t. XLII, 1935, p. 182].)
20. De plus, si les îles situées à l’intérieur des limites de la mer territo-
riale d’un Etat côtier appartiennent à cet Etat en vertu du droit interna-
tional, l’on ne saurait présumer à la légère qu’il en va de même de celles

qui sont situées au-delà de ces limites. La logique qui sous-tend la distinc-
tion entre les îles situées à l’intérieur des eaux territoriales et celles qui
sont situées au-delà de ces eaux découle du principe de la liberté de la
haute mer. Ce principe est reconnu depuis l’ouvrage de référence de Gro-

tius intitulé Mare liberum, dont la première édition remonte à 1609. Il
s’agit d’un principe du droit international coutumier consacré par le
temps et codifié à l’article 2 de la convention de Genève sur la haute mer
du 29 avril 1958, lequel dispose que, «[l]a haute mer étant ouverte à toutes
les nations, aucun Etat ne peut légitimement prétendre en soumettre une

partie quelconque à sa souveraineté». De même, le paragraphe 1 de l’ar-
ticle 87 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer
(CNUDM) confirme que «[l]a haute mer est ouverte à tous les Etats, qu’ils
soient côtiers ou sans littoral». L’article 89 de la CNUDM précise par
conséquent qu’«[a]ucun Etat ne peut légitimement prétendre sou-

mettre une partie quelconque de la haute mer à sa souveraineté».
21. Selon Derek W. Bowett, même la proposition selon laquelle les îles
situées à l’intérieur des limites des eaux territoriales d’un Etat lui appar-
tiennent

«ne saurait être plus qu’une présomption, puisqu’il n’est pas rare
que des îles qui sont sous la souveraineté d’un Etat soient situées à
une distance du littoral d’un autre Etat inférieure à la limite de ses
eaux territoriales» (Derek W. Bowett, The Legal Regime of Islands

in International Law, 1978, p. 49).
S’agissant, en revanche, des îles situées au-delà de la mer territoriale,
l’auteur souligne que

«la souveraineté est fonction des mêmes critères que ceux qui sont
appliqués à toute frontière terrestre et, que la revendication soit
fondée sur un titre solidement établi (par un traité de cession, par

exemple) ou sur l’occupation d’une res nullius, l’Etat qui la for-
mule doit démontrer qu’il a exercé sa souveraineté de manière conti-
nue et pacifique sur le territoire insulaire» (ibid., p. 50).

156 22. Dans une autre étude plus récente sur le sujet, Surya P. Sharma
conclut également que la contiguïté géographique est

«une thèse juridique acceptable en ce qui concerne les îles situées à
l’intérieur des eaux territoriales d’un Etat. Cela est par ailleurs

conforme non seulement à la tendance consistant à considérer de
telles îles comme faisant partie du continent mais aussi à la pra-
tique consistant à mesurer les eaux territoriales de l’Etat côtier à
partir du littoral de ces îles faisant face au large. En revanche, au-
cune raison logique ne permet d’étayer une quelconque présomption

fondée sur la contiguïté en ce qui concerne les îles situées à l’intérieur
des limites des plateaux continentaux ou des zones économiques
exclusives, espaces qui sont essentiellement établis en fonction des
ressources qu’ils contiennent et dans lesquels les Etats côtiers ne
sont pas fondés à revendiquer des droits de propriété, contrairement

à la mer territoriale.» (Surya P. Sharma, Territorial Acquisition,
Disputes and International Law , 1997, p. 60.)
En ce qui concerne les titres sur des îles situées en haute mer, Sharma

relève qu’ils
«sont régis par les mêmes règles que celles qui sont appliquées pour

résoudre les différends territoriaux terrestres, ce qui signifie que
l’Etat qui formule la revendication doit satisfaire aux conditions
d’un exercice continu et pacifique de souveraineté sur le territoire
insulaire» (ibid., p. 61).

Il est par ailleurs bien établi que c’est le titre sur la terra firma qui génère
le droit à des zones maritimes, et non l’inverse, ainsi que le précise
R. Haller-Trost dans son ouvrage The Contested Maritime and Territo-
rial Boundaries of Malaysia (1998, p. 292):

«[c]onformément aux principes du droit international, c’est le titre
reconnu sur la terra firma qui génère le droit à des zones maritimes,
et non l’inverse» (voir également Arbitrage du canal de Beagle ,

International Legal Materials (ILM) , vol. 17, 1978, p. 644, par. 6).
23. Dès lors, en l’absence d’actes à titre de souverain propres aux ter-

ritoires en question, rien ne permet de présumer que des formations mari-
times inhabitées situées au milieu de ce qui est indéniablement la haute mer
se trouvaient sous la souveraineté de l’ancien Sultanat de Johor-Riau-
Lingga ou de l’un quelconque de ses successeurs dans la région. Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh étant clairement située en dehors des limites

de la mer territoriale du Johor, la Malaisie doit démontrer qu’elle a exercé
une autorité étatique spécifique sur ce rocher, si symbolique soit-elle.
24. De même, l’affirmation de la Malaisie selon laquelle les Orang
Laut conduisaient régulièrement des commerçants dans le port de Johor
ne saurait, en elle-même, nous amener à conclure que le Johor jouissait

de la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, puisqu’il n’est pas
démontré que ces activités aient été menées relativement à cette forma-
tion. La Malaisie a également soutenu qu’il existait des éléments de

157preuve attestant que le temenggong de Johor avait pris des mesures afin
de régler le problème de la piraterie et que cela lui avait valu la recon-

naissance des autorités britanniques. Elle a d’ailleurs présenté un rapport
relatant une cérémonie à l’occasion de laquelle le gouverneur Butter-
worth remit au temenggong une épée en signe de reconnaissance pour
les efforts déployés par celui-ci afin de réprimer la piraterie (mémoire
de la Malaisie, vol. 3, annexe 52; Straits Times, 5 septembre 1846). La

Malaisie a soutenu que «[l]es activités menées par le temenggong pour
combattre la piraterie [étaient] des manifestations de l’exercice par le
Johor de la souveraineté sur la région en question» (mémoire de la Ma-
laisie, p. 68). Il convient toutefois de relever que, comme l’a indiqué un

auteur, «en droit international, il ne peut y avoir piraterie que dans des
espaces clairement déterminés, à savoir la haute mer ou tout espace
situé en dehors de la juridiction de tout Etat» (Scott Davidson, «Dange-
rous Waters: Combating Maritime Piracy in Asia», Asian Yearbook
of International Law, vol. 9, 2000, p. 14). L’argument avancé par la Malai-

sie est donc dépourvu de fondement. En outre, il apparaît que l’autorité
manifestée par le Johor à l’égard des Orang Laut visait à réprimer les
actes de piraterie auxquels ceux-ci se livraient, droit que détient chaque
Etat et pour lequel il jouit d’une compétence universelle. Autrement dit,
il ne s’agissait pas d’activités réglementées par un Etat dans le cadre

de sa fonction étatique en vertu de l’autorité et du contrôle exclusifs
dont il jouit à l’égard de ses sujets loyaux et obéissants.
25. Dès lors, la nature des liens existants ainsi que la fréquence à
laquelle les Orang Laut se rendaient sur le rocher ne sauraient en aucun cas
être considérées comme satisfaisantes ou suffisantes aux fins d’établir l’exis-

tence d’un titre originaire ancien du Sultanat de Johor. La Malaisie n’est
pas parvenue à démontrer, afin d’étayer sa thèse selon laquelle le sultan du
Johor détenait le titre originaire du fait d’une possession immémoriale, que
celui-ci possédait Pedra Branca/Pulau Batu Puteh ne serait-ce que symbo-
liquement. Il ressort très clairement de ce qui précède que la Malaisie n’a

pas été en mesure d’apporter les éléments de preuve qu’elle aurait dû pré-
senter conformément aux principes bien établis en la matière appliqués par
les juridictions internationales, dont la Cour, dans des affaires en lesquelles
des revendications relatives à des titres originaires sont en cause.
26. En résumé, les éléments de preuve présentés par la Malaisie relati-

vement aux activités des Orang Laut ne sont guère convaincants, certains
des actes mentionnés, tels que ceux indiquant la loyauté et l’allégeance au
sultan du Johor, n’étant pas propres à la revendication de souveraineté
du Johor sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. D’autres activités, telles
que la pêche, n’étayent aucunement la thèse du Johor puisqu’il s’agit

d’activités privées. Même s’il a été indiqué que les Orang Laut s’étaient
fréquemment rendus sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, il a été précisé
qu’ils y étaient allés pour «s’abriter et se cacher» et qu’ils n’y avaient
construit aucune habitation, pas même saisonnière.

27. Par conséquent, lorsque la Grande-Bretagne prit possession de
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh en 1847 pour y construire le phare Hors-

158burgh, le statut de cette formation était indéterminé. De fait, à partir

de 1847, ni le Johor ni la Grande-Bretagne n’ont manifesté un quelconque
intérêt pour ce rocher et ils n’estimaient pas que sa souveraineté méritait
d’être acquise; en plus d’être de très petite taille, aride et inhabité, il était
considéré comme inhabitable. En 1847, Pedra Branca/Pulau Batu Puteh
pouvait donc légitimement être considérée — d’un point de vue juridique

et conformément au critère énoncé par la Cour en l’affaire du Sahara
occidental (Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975 ,p.39,
par. 79) — comme res nullius, puisqu’elle n’était revendiquée par per-
sonne et, partant, n’appartenait à personne.

28. Toutefois, étant donné que Pedra Branca/Pulau Batu Puteh était
une formation maritime bien connue et avait tout d’une terra cognita
située nettement à l’intérieur des limites du domaine territorial du Johor
au sens large (arrêt, par. 59 et 61), on peut raisonnablement supposer que

le Johor l’a découverte avant tout autre Etat. En l’absence de revendi-
cation concurrente (ibid., par. 62), le Johor peut donc être considéré
comme ayant détenu une ébauche de titre sur Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh. Aussi semble-t-il plus juste de considérer que Pedra Branca/Pulau

Batu Puteh n’était pas terra nullius lorsque les Britanniques en prirent
possession en 1847. Conformément à ce que la Cour a indiqué dans
l’affaire du différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali, le titre
sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh dépendait donc de l’appréciation des

effectivités respectives des Parties. En effet, dans l’affaire susmentionnée,
la Cour avait précisé que, «dans l’éventualité où l’«effectivité» ne coexiste
avec aucun titre juridique, elle doit inévitablement être prise en considé-
ration» (Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt,
C.I.J. Recueil 1986, p. 587, par. 63). Il appert que, à compter de 1847, le

Johor et la Grande-Bretagne étaient dans une situation de relative égalité
aux fins de démontrer le bien-fondé de leur revendication concernant ce
rocher; il incombait au Johor de démontrer l’existence d’une autorité et
d’un contrôle étatiques suffisants pour parfaire son titre, et à la Grande-

Bretagne — aux fins d’établir son titre sur Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh sur la base d’une possession et d’une occupation effectives — de
présenter des actes accomplis à titre de souverain publiquement, pacifi-
quement et de manière continue, et n’ayant pas été contestés par le

Johor/la Malaisie ou une quelconque autre puissance.

L A DÉCOUVERTE D ’UN TERRITOIRE NE CONFÈRE QU ’UNE ÉBAUCHE
DE TITRE SUR CELUI -CI

29. Point n’est besoin de souligner qu’une ébauche de titre doit, afin
d’être transformée en un titre en bonne et due forme, être confirmée par
un comportement à titre de souverain en rapport avec la nature du ter-
ritoire concerné. Le fait qu’il s’agit là d’une règle établie ressort claire-

ment de ce que, même à l’époque des découvertes — prélude à la période
de la colonisation —, elle était reconnue comme un principe du droit
international. Comme l’a indiqué l’auteur d’un ouvrage de référence, qui,

159se fondant sur une étude exhaustive de sources faisant autorité — y com-

pris espagnoles —, dénonçait les revendications formulées à l’époque par
l’Espagne et les vues exprimées par une minorité d’auteurs qui considé-
raient qu’au XVI siècle la découverte pouvait, à elle seule, conférer un
titre sur un territoire:

«ces résultats devraient, selon moi, mettre un terme à la conception
irréfléchie et sans nuance des juristes selon laquelle la découverte

peut conférer un quelconque droit sur un territoire et conduire les
historiens à renoncer à l’idée fantaisiste d’une Espagne cherchant à
exclure le reste de l’Europe du Nouveau Monde en s’arrogeant des
droits par la simple découverte de régions qu’elle ne contrôlait pas

en fait» (voir Julius Goebel, The Struggle for the Falkland Islands,
1927, p. xii; voir également Phillip C. Jessup, «The Palmas Island
Arbitration», The American Journal of International Law (AJIL) ,
vol. 22, 1928, p. 739).

30. Cela a été confirmé par Max Huber, l’arbitre en l’affaire de l’Ile
de Palmas. En effet, bien qu’il ait jugé que l’île en litige avait été décou-

verte par l’Espagne, il a précisé que cette dernière n’avait acquis qu’une
ébauche de titre qu’elle n’avait pas confirmée dans un délai raison-
nable. En tout état de cause, selon lui, même si l’ébauche de titre perdu-
rait, elle ne pouvait prévaloir sur un «exercice continu et pacifique de la

souveraineté territoriale (pacifique par rapport aux autres Etats)»
(traduction française: Ch. Rousseau, Revue générale de droit internatio-
nal public, t. XLII, 1935, p. 164). Dans cette célèbre affaire, faisant droit

aux arguments des Pays-Bas, Max Huber a également indiqué:
«il faut distinguer entre la création du droit en question et le main-

tien de ce droit. Le même principe qui soumet un acte créateur de
droit au droit en vigueur au moment où naît le droit exige que l’exis-
tence de ce droit, en d’autres termes sa manifestation continue, suive
les conditions requises par l’évolution du droit.» (Ibid., p. 172.)

Il a en conséquence conclu:

«[p]our ces raisons, la simple découverte, non suivie d’acte subsé-
quent, est insuffisante à l’époque actuelle pour prouver la souverai-

neté sur l’île de Palmas (ou Miangas): et, pour autant qu’il n’y a pas
de souveraineté, la question d’un abandon de souveraineté pro-
prement dit par un Etat, afin que la souveraineté d’un autre puisse

prendre sa place, ne se pose pas» (ibid.).

E XERCICE PROLONGÉ ,CONTINU ET PACIFIQUE DE LA SOUVERAINETÉ
ÉTATIQUE PAR LA G RANDE -BRETAGNE DEPUIS 1847

31. Depuis qu’elles sont présentes sur ce rocher, la Grande-Bretagne et
Singapour ont mené des activités, et ce, pendant cent trente ans ou plus,

160qui pourraient légitimement être considérées comme des actes à titre de
souverain allant au-delà de la simple administration du phare (arrêt,

par. 274). Le rocher tout entier a été utilisé par la Grande-Bretagne
et Singapour lors de la construction du phare et d’autres installations.
En conséquence, l’administration du phare ne diffère pas de celle de l’île
elle-même et pourrait être qualifiée de conduite à titre de souverain.
Tout au long de cette période, loin de s’opposer aux activités menées par

la Grande-Bretagne et Singapour ou à l’exercice par elles de fonctions
étatiques, le Johor les a acceptées et s’y est conformé. Le silence de la
Malaisie peut donc être considéré comme une acceptation ou une recon-
naissance de la souveraineté de la Grande-Bretagne, puis de Singapour,

sur l’île.
32. Les activités de la Grande-Bretagne et de Singapour qui n’étaient
pas inhérentes à l’administration du phare et traduisaient une autorité
étatique sont nombreuses. Quelques exemples peuvent être utilement
rappelés: l’installation d’équipements militaires sur l’île entre 1976 et

1977, les activités de police et de sécurité menées par Singapour
sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et dans ses environs, le fait que le
contrôle des visites sur l’île ait été exclusivement exercé par Singapour, y
compris la délivrance d’autorisations par les autorités singapouriennes
en 1974 et 1978 aux représentants malaisiens souhaitant s’y rendre et les

enquêtes menées par les autorités singapouriennes sur les dangers pour la
navigation et les naufrages dans les eaux territoriales de la formation
(ibid., par. 275).
33. D’ailleurs, si le Johor a toujours considéré Pulau Pisang comme
une île relevant de sa souveraineté, cela n’a pas été le cas s’agissant de

Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Ainsi, il a examiné la possibilité de
contribuer financièrement à l’exploitation du phare de Pulau Pisang.
En 1952, il a même envisagé d’en reprendre l’administration à l’autorité
des Etablissements des détroits de Grande-Bretagne. Il a demandé que
soit abaissé le pavillon de la marine que le Royaume-Uni faisait flotter

sur le phare de Pulau Pisang, car il en considérait le déploiement comme
incompatible avec sa souveraineté. Les représentants de Singapour qui se
rendaient au phare de Pulau Pisang devaient être munis de titres de
voyage, ce qui n’était pas le cas des représentants de Singapour se ren-
dant sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Plus important encore, le Johor

a conclu un bail énonçant les termes et conditions de la concession sur
Pulau Pisang octroyée aux Britanniques en vue de l’administration du
phare. De même, le gouverneur des Etablissements des détroits et le sul-
tan ont conclu ou envisagé de conclure des accords spécifiques aux fins de
la construction de phares sur le cap Rachado et Pulau Aur (ce dernier

n’ayant finalement pas été construit) (ibid., par. 139).
34. Alors que le Johor a apporté une très grande attention à l’admi-
nistration du phare de Pulau Pisang — cherchant ainsi, à tous égards, à
préserver et à manifester sa souveraineté sur ladite formation —, il res-

sort de son attitude vis-à-vis de l’exploitation du phare de Pedra Branca/
Pulau Batu Puteh que le Johor/la Malaisie a admis que la Grande-

161Bretagne/Singapour détenait la souveraineté sur cette formation. Premiè-
rement, la Malaisie n’a pas été en mesure de démontrer l’existence d’un

quelconque document établissant que le Johor avait autorisé la Grande-
Bretagne à construire le phare de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Deuxiè-
mement, le Johor n’a pas cherché à préciser les conditions de l’exploita-
tion du phare Horsburgh par les Britanniques. Cela est plutôt étrange et
difficilement compréhensible, notamment parce que, comme la Cour l’a

relevé, il était à l’époque assez fréquent que des accords fort détaillés
soient conclus entre le souverain d’un territoire où un phare devait être
exploité et les Etats européens dirigeant la construction de l’installation
en question (arrêt, par. 144). Troisièmement, le Johor n’a pas jugé néces-

saire de s’opposer au déploiement du pavillon de la marine britannique
sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Enfin, dans les années 1950, les
autorités du Johor n’ont pas envisagé d’assurer à leur tour l’administra-
tion du phare de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, alors même qu’elles
envisageaient sérieusement de le faire dans le cas de celui de Pulau

Pisang.
35. De surcroît, le fait que, en 1953, en réponse à une demande d’éclair-
cissements de Singapour, le Johor/les Etats malais fédérés aient, par la
voix de leur secrétaire d’Etat par intérim, expressément indiqué qu’ils ne
revendiquaient nullement la propriété de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh

confirme incontestablement qu’ils ne se considéraient pas comme le sou-
verain de cette formation. Or, si Singapour a demandé ces éclaircisse-
ments, c’est précisément parce qu’elle envisageait de déclarer les eaux ter-
ritoriales situées autour de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Singapour a
également indiqué que, s’il existait bien un bail conclu avec le Johor énon-

çant les conditions aux termes desquelles elle administrait le phare de
Pulau Pisang, rien dans ses archives ne liait l’administration du phare de
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et le rocher lui-même à un bail ou à une
concession similaire du Johor. La demande d’éclaircissements formulée
par Singapour doit également retenir l’attention en ce qu’il y est expres-

sément rappelé que Singapour a exercé un contrôle pacifique et public sur
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh durant plus de cent trente ans. Singapour
a d’ailleurs indiqué qu’elle considérait dès lors, en vertu du droit interna-
tional, avoir acquis des droits sur cette formation. L’on ne saurait donc
soutenir que les autorités du Johor se référaient uniquement à la propriété

de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et non à la souveraineté sur cette for-
mation. Il apparaît clairement que les nécessaires éclaircissements deman-
dés par Singapour avaient trait à la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau
Batu Puteh. En conséquence, même si, dans leur réponse, les autorités du
Johor/des Etats malais fédérés ont employé le terme «propriété», il

convient de considérer qu’elles voulaient parler de souveraineté.
36. La réponse catégorique du Johor n’a fait que confirmer la souve-
raineté de Singapour sur le rocher et, partant, son droit de déclarer des
eaux territoriales autour de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Aussi Sin-

gapour n’a-t-elle pas jugé nécessaire d’effectuer un nouvel acte afin de les
confirmer de nouveau. Le fait qu’elle n’ait pris aucune mesure quant à

162la déclaration des eaux territoriales autour de Pedra Branca pour des
raisons d’imperium étatique est une chose différente (point relevé au

paragraphe 225 de l’arrêt).
37. La suite d’événements rappelée ci-dessus ainsi que le fait que Sin-
gapour ait manifesté son autorité étatique durant plus de cent ans, publi-
quement et pacifiquement, sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh sans que
cela suscite de contestation, de protestation ou de revendication de

souveraineté concurrente de la part du Johor ou de la Malaisie nous
conduit à conclure clairement et sans risque d’erreur que les effectivités
de Singapour, lesquelles sont supérieures et incontestées, prévalent sur
toute ébauche de titre que le Johor aurait pu détenir depuis 1847.

38. Singapour avait raison d’estimer qu’il n’était pas nécessaire d’invo-
quer la prescription comme origine de son titre, sachant que, en 1847, elle
considérait qu’elle possédait «légalement» Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh. En tout état de cause, la possession de Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh par la Grande-Bretagne en 1847 n’était pas «de mauvaise foi»,

puisque le Johor ne détenait qu’une ébauche de titre qui n’avait pas été
confirmée. Au cours de cette longue période, qui dura cent trente ans
voire plus, le Johor/la Malaisie ne jugea pas nécessaire de parfaire son
titre. Ce comportement ou cette absence de mesures prises par le Johor,
notamment par opposition aux tentatives constantes de la Grande-Bre-

tagne pour démontrer progressivement, au fil du temps, sa souveraineté
sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, sont pertinents, et il en résulte que la
thèse selon laquelle le Johor détenait un titre originaire est dépourvue de
fondement. En la présente affaire, l’inaction et les omissions du Johor
sont comparables à celles de l’Espagne, qui «avait perdu son titre sur l’île

de Palmas — si tant est qu’elle l’ait jamais détenu — en ne le manifestant
pas suffisamment face à la concurrence grandissante des Pays-Bas» (voir
D. H. N. Johnson, «Consolidation as a Root of Title in International
Law», Cambridge Law Journal, 1955, p. 225). Là encore, le contraste est
saisissant entre la conduite du Johor et de la Malaisie et celle de la

France, laquelle prit des mesures immédiates afin de confirmer son titre
sur l’île Clipperton dès qu’il fut contesté en 1897 et ce, bien qu’elle n’ait
pas manifesté sa souveraineté sur l’île pendant près de quarante ans après
l’avoir acquise par découverte en 1858 (ibid., p. 225).
39. La Malaisie ayant néanmoins fondé son argumentation sur l’exis-

tence du titre originaire qui, selon la Cour, était détenu par le Johor,
l’intégralité des éléments de preuve examinés par la Cour en la présente
affaire se rapportaient, ainsi que l’a indiqué un auteur, renvoyant à
l’enseignement principal de l’affaire des Minquiers et Ecréhous —, à
«l’importance de la possession effective, par opposition à un titre abs-

trait» (ibid., p. 221). En cette affaire, la Cour avait indiqué que

«une conclusion définitive quant à la souveraineté sur les Ecréhous
et les Minquiers ... d[evait] dépendre en dernière analyse de preuves

se référant directement à la possession de ces groupes» (Minquiers et
Ecréhous (France/Royaume-Uni), arrêt, C.I.J. Recueil 1953 , p. 55).

163A l’aune de ce critère, on peut considérer que Singapour a consolidé son
titre en conservant ou en manifestant sa souveraineté. Par sa possession

effective et la manifestation active de sa souveraineté, Singapour a donc
non seulement acquis le titre sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh mais l’a
conservé sans solution de continuité. Telle est la conclusion à laquelle la
Cour est parvenue, conclusion selon laquelle la souveraineté sur Pedra

Branca/Pulau Batu Puteh est passée, en 1980, à Singapour (arrêt, par. 276
et 277).
40. Etant donné que Singapour détenait, selon moi, la souveraineté
sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, souveraineté qu’elle a acquise au
cours de la période qui a suivi la prise de possession de cette formation

en 1847 et qu’elle a conservée de manière ininterrompue — sachant qu’à
aucun moment le Johor n’a réellement détenu un titre originaire sur cette
formation —, je ne souscris pas à la conclusion de la Cour selon laquelle
la souveraineté sur Middle Rocks appartient à la Malaisie. L’opinion de

la Cour repose entièrement sur la conclusion selon laquelle le Johor déte-
nait le titre originaire sur Middle Rocks, titre qu’il n’aurait pas perdu.
Dès lors qu’il n’existe, selon moi, pas suffisamment d’éléments de preuve
démontrant que le Johor ait jamais détenu un titre originaire sur Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh, aucun élément de preuve n’atteste que le

Johor, et, partant, la Malaisie, ait détenu un tel titre sur Middle Rocks,
formation située à moins de 200 milles marins de Pedra Branca/Pulau
Batu Puteh. Si les Parties ont présenté des éléments de preuve aux fins
d’établir leurs titres sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, elles n’en ont

apporté aucun qui ait trait à leur conduite relativement à Middle Rocks
ou South Ledge. Contrairement à Middle Rocks, South Ledge est un
haut-fond découvrant. Il est situé à moins de 2,4 milles marins de Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh. Ces formations étant situées à l’intérieur de
l’ancienne limite coutumière de 3 milles des eaux territoriales de Pedra

Branca/Pulau Batu Puteh, et Singapour ayant exercé son autorité souve-
raine sur les eaux entourant Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, elle a, selon
moi, souveraineté et sur Middle Rocks et sur South Ledge.
41. En dépit de ce qui précède, je n’ai aucune objection à formuler à

l’égard de la conclusion de la Cour selon laquelle la question de la sou-
veraineté sur South Ledge n’a pas à être tranchée dès à présent. Elle
pourra l’être lors de la délimitation des mers territoriales des Etats
concernés, à savoir probablement Singapour, la Malaisie et l’Indonésie,
dont les mers territoriales de 12 milles marins semblent se chevaucher

dans cette zone.

(Signé) Pemmaraju S REENIVASA RAO .

164

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE AD HOC
SREENIVASA RAO

Sovereignty over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh belongs to Singapore —
Sovereignty over Middle Rocks also belongs to Singapore and not to Malay-
sia — Johor never had had original title and did not do so as of 1847 — Malay-
sia did not discharge the required burden of proof and could not produce certain
and conclusive evidence that Johor ever had possession of Pedra Branca/Pulau
Batu Puteh to sustain its claim that Johor had original title based on immemo-
rial possession — General historical references and the private activities of the
Orang Laut are not sufficient to establish the claim of original title — Effective
display of State authority or conduct à titre de souverain involving continuous
and uncontested possession of the rock is essential — Both Johor and Britain,
initially, did not show any interest and hence any intention to acquire title —
Status of Pedra Branca/Pulau Batu Puteh was indeterminate in 1847 — Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh was not terra nullius as Johor could be deemed to
have discovered it and had an inchoate title — Johor’s title needed perfection
particularly in the face of growing manifestation on the part of Britain to
acquire sovereignty — Peaceful, long, continuous possession and exercise of
State functions by Britain and Singapore going beyond the needs of manage-

ment of the lighthouse for over 100 years — Lack of protest and even accept-
ance by Johor of the authority of Singapore over the rock and the waters around
it — Johor’s categorical reply to Singapore in 1953 stating it had no claim to
ownership of Pedra Branca/Pulau Batu Puteh provides certain and conclusive
evidence that Singapore had sovereignty over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh
by 1953 and maintained it ever since — Middle Rocks and South Ledge, which
is a low-tide elevation, also belong to Singapore as both fall within the custom-
ary 3-mile territorial sea limit of Pedra Branca/Pulau Batu Puteh.

1. I agree with the decision of the Court that sovereignty over Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh belongs to Singapore. I do not, however, agree
with the decision of the Court that sovereignty over Middle Rocks
belongs to Malaysia. The Court left the question of sovereignty over
South Ledge pending and leaves it to be determined as part of the delimi-
tation of the territorial sea boundaries among the States concerned. I

have no difficulty with this conclusion except that I hold the view that, if
Middle Rocks is also held to be under the sovereignty of Singapore,
South Ledge would also belong to Singapore. Accordingly, I voted in
favour of operative clauses (1) and (3) and voted against operative
clause (2).

145 OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AD HOC
SREENIVASA RAO

[Traduction]

Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh appartenant à Singapour
— Souveraineté sur Middle Rocks appartenant également à Singapour et non à la
Malaisie — Johor n’ayant jamais détenu de titre originaire, ni avant 1847 ni
après cette date — Malaisie ne s’étant pas acquittée de la charge de la preuve
requise et n’ayant pas été en mesure de présenter des éléments de preuve certains
et décisifs attestant que le Johor ait jamais possédé Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh, de manière à étayer sa thèse selon laquelle ce dernier détenait un titre ori-
ginaire fondé sur une possession immémoriale — Documents historiques d’ordre
général et activités privées des Orang Laut ne suffisant pas à établir le bien-fondé
de la revendication d’un titre originaire — Exercice effectif de l’autorité étatique
ou comportement à titre de souverain assorti d’une possession continue et incon-
testée du rocher étant essentiel — Johor et Grande-Bretagne n’ayant ni l’un ni
l’autre manifesté, à l’origine, le moindre intérêt pour cette formation et, partant,
la moindre intention d’acquérir le titre — Statut de Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh indéterminé en 1847 — Johor pouvant être considéré comme ayant décou-
vert Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et détenant sur elle une ébauche de titre,
ladite formation n’étant donc pas terra nullius — Titre du Johor devant être

confirmé compte tenu, notamment, de la manifestation croissante de la part de la
Grande-Bretagne de l’intention d’acquérir la souveraineté sur l’île — Possession
pacifique, longue et continue par la Grande-Bretagne et Singapour et exercice par
elles de fonctions étatiques pendant plus d’un siècle allant bien au-delà des néces-
sités de gestion du phare — Absence de protestation et même acceptation par le
Johor de l’autorité de Singapour sur le rocher et ses eaux environnantes —
Réponse catégorique du Johor à Singapour en 1953 selon laquelle il ne revendi-
quait nullement la propriété de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh constituant un
élément de preuve certain et décisif attestant que Singapour détenait la souverai-
neté sur cette formation en 1953 et l’a toujours conservée depuis cette date —
Middle Rocks et South Ledge, un haut-fond découvrant, appartenant aussi à Sin-
gapour, ces deux formations se trouvant à l’intérieur de la limite coutumière des
3 milles marins de la mer territoriale de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh.

1. Je souscris à la décision de la Cour selon laquelle la souveraineté sur
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh appartient à Singapour. En revanche, je
ne souscris pas à sa conclusion selon laquelle la souveraineté sur Middle
Rocks appartient à la Malaisie. La Cour ne s’est pas prononcée sur
la question de la souveraineté sur South Ledge, laquelle sera tranchée
dans le cadre de la délimitation des frontières des mers territoriales

des Etats concernés. Cette conclusion me convient, mais je suis d’avis
que, si Middle Rocks est également considérée comme relevant de la
souveraineté de Singapour, alors South Ledge appartient également
à Singapour. Par conséquent, j’ai voté en faveur des points 1) et 3) du
dispositif, mais contre son point 2).

145 2. Even though my conclusion is the same as that of the Court in hold-

ing that Singapore has sovereignty over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh,
the reasons that guide me are different from those of the Court. I differ
particularly with the view of the Court that it satisfied Malaysia to hold
that Johor had original title over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh as of

1847. This view is central and crucial to the later treatment of the mat-
erial and conclusions of the Court that that title eventually, by virtue of
acts à titre de souverain performed by Singapore and the conduct of
Johor/Malaysia during the period 1852 to 1952, got transferred or passed

on to Singapore but only with respect to Pedra Branca/Pulau Batu Puteh
and not in respect of Middle Rocks.

B URDEN OF PROOF AND THE STANDARD T HAT P ROOF BE C ERTAIN
AND CONVINCING

3. The Court stressed that it is the duty of each of the Parties to prove
the claims it asserted (Judgment, para. 45). Accordingly, it stressed that it
is for Malaysia to produce evidence to prove that the Sultanate of Johor
held original title to Pedra Branca/Pulau Batu Puteh and retained it up to

the 1840s (ibid., para. 46). Even though it did not further elaborate on the
standard of proof, it is quite clear from the well-established jurisprudence
of the Court that it is incumbent upon Malaysia to prove with certainty
that the claim it makes is sound in law and to establish conclusively the

facts on which the claim of Johor’s original title is based. That this is the
standard of proof that is required is clear from the pronouncement of the
Court in the Nicaragua case. Referring to Article 53 of its Statute and
clarifying the standard of proof that is required to “satisfy itself”, the

Court noted that it

“must attain the same degree of certainty as in any other case that
the claim of the party appearing is sound in law, and, so far as the
nature of the case permits, that the facts on which it is based are

supported by convincing evidence” (Military and Paramilitary
Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of
America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986 , p. 24, para. 29).

I find that Malaysia failed to discharge the burden of proof incumbent
upon it to prove with certainty and convincingly that Johor had original

title over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh on the basis of immemorial
possession.
4. The only proof Malaysia could offer to the Court which it notes
relates to the fact that “[t]he Sultanate [of Johor] covered all the islands

within this large area, including all those in the Singapore Straits, such as
Pulau Batu Puteh and the islands to the north and south of the Straits,

146 2. Bien que je sois, tout comme la Cour, parvenu à la conclusion que
Singapour a souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, les raisons

qui m’y conduisent diffèrent des siennes. En particulier, je ne souscris pas
à la thèse selon laquelle la Malaisie a démontré à la satisfaction de la Cour
que le Johor détenait un titre originaire sur Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh depuis 1847. Cette thèse est essentielle et a une incidence détermi-

nante sur l’examen par la Cour des éléments qui lui ont été présentés ainsi
que sur les conclusions qu’elle formule selon lesquelles ce titre a finalement,
en vertu d’actes à titre de souverain accomplis par Singapour et de la
conduite du Johor/de la Malaisie au cours de la période allant de 1852 à
1952, été transféré ou passé à Singapour, mais seulement en ce qui concerne

Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et non en ce qui concerne Middle Rocks.

CHARGE DE LA PREUVE ET RÈGLE SELON LAQUELLE LES ÉLÉMENTS DE PREUVE
DOIVENT ÊTRE CERTAINS ET CONVAINCANTS

3. La Cour a souligné qu’il incombait à chacune des Parties de démon-
trer le bien-fondé de ses prétentions (arrêt, par. 45). En conséquence, elle

a précisé que la Malaisie devait produire des éléments de preuve aux fins
de démontrer que le Sultanat de Johor détenait un titre originaire sur
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et qu’il l’a conservé jusqu’aux années 1840
(ibid., par. 46). Même si la Cour n’a pas développé plus avant la question
du critère de la preuve, il ressort tout à fait clairement de sa jurisprudence

bien établie qu’il incombe à la Malaisie d’apporter la preuve certaine que
la revendication qu’elle formule est fondée en droit et de démontrer de
façon probante les faits sur lesquels repose la thèse selon laquelle le Johor
détenait un titre originaire. Ce qu’a dit la Cour dans l’affaire Nicaragua

implique que tel est bien le critère de la preuve exigé en la matière. Se
référant à l’article 53 de son Statut et précisant le critère de la preuve
requis pour lui permettre de «s’assurer que les conclusions sont fondées
en fait et en droit», la Cour a relevé qu’elle

«d[evait], tout autant que dans une autre instance, acquérir la convic-
tion que les conclusions de la partie comparante sont fondées en
droit et, pour autant que la nature de l’affaire le permette, que

les faits sur lesquels ces conclusions reposent sont étayés par des
preuves convaincantes» (Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 24, par. 29).

Selon moi, la Malaisie n’est pas parvenue à s’acquitter de la charge de la
preuve qui lui incombait pour démontrer de façon certaine et convain-
cante que le Johor détenait un titre originaire sur Pedra Branca/Pulau

Batu Puteh sur la base d’une possession immémoriale.
4. La seule preuve que la Malaisie ait pu présenter à la Cour, et dont
celle-ci prend acte, se rapporte au fait que «[l]e Sultanat [de Johor] englo-
bait toutes les îles comprises dans cette vaste zone, y compris toutes celles
situées dans le détroit de Singapour, comme Pulau Batu Puteh, et celles

146taking in Singapore Island and the adjacent islands” (Judgment, para. 47).
In addition, it was submitted by Malaysia that “Pulau Batu Puteh, sitting

at the eastern entrance of the Singapore Straits, lies right in the middle of
the old Sultanate of Johor” (ibid., para. 47). Malaysia also argued, and
the Court accepted, that the Sultanate of Johor was a recognized sov-
ereign entity since 1512 “with a certain territorial domain under its sov-
ereignty” (ibid., para. 52); and as a clear indication of this position, the

Court also noted the incident involving the seizure of two Chinese junks
by the boats of the Dutch East India Company and the displeasure
expressed by the King of Johor to the Governor of Malacca (ibid.,
paras. 54-55). The Court also took note of three documents of 1824

(ibid., para. 56) and one article in the Singapore Free Press dated
25 May 1843 (ibid., para. 57) which portrayed in all too general terms the
maritime and geographical features of the Malay Kingdom. These docu-
ments are the basis of the Court’s observation that

“from at least the seventeenth century until early in the nineteenth it
was acknowledged that the territorial and maritime domain of the

Kingdom of Johor comprised a considerable portion of the Malaya
Peninsula, straddled the Straits of Singapore and included islands
and islets in the area of the Straits. Specifically, this domain included
the area where Pedra Branca/Pulau Batu Puteh is located.” (Ibid.,
para. 59).

Yet, the material the Court examined and found to be of interest is too
general to be able to offer a clear or convincing case for it to conclude

that Johor had original and ancient title over “all the islands and islets
within the Straits of Singapore, which lay in the middle of this Kingdom,
and did thus include the island of Pedra Branca/Pulau Batu Puteh” (ibid.,
para. 68). Specific reference to Pedra Branca/Pulau Batu Puteh could
however be found only in the article in the Singapore Free Press but in

the context of describing the menace of piracy and referring to pirates
who “‘go [there] for shelter and concealment’” (ibid., para. 57).

5. In the absence of any clear and convincing exercise of Johor’s sov-
ereignty over these islands and islets, including more specifically Pedra

Branca/Pulau Batu Puteh, the Court’s observation of the lack of chal-
lenge to Johor’s sovereignty over these maritime features in the Straits of
Singapore (ibid., para. 68) appears to ring hollow and could not in all the
circumstances be seen as satisfying the conditions of “continuous and
peaceful display of territorial sovereignty (peaceful in relation to other

States) . . .”, a test laid down by the Island of Palmas case (Island of Pal-
mas Case (Netherlands/United States of America) , Award of
4 April 1928, RIAA, Vol. II (1949), p. 839), which is treated as a custom-
ary principle of international law. Similarly, the Tribunal in the Eritrea/

Yemen case noted that:

147situées au nord et au sud du détroit, dont l’île de Singapour et les îles
adjacentes» (arrêt, par. 47). La Malaisie a en outre soutenu que

«Pulau Batu Puteh, qui est située à l’entrée est du détroit de Singapour,
se trouv[ait] en plein cŒur de l’ancien Sultanat de Johor» (ibid., par. 47).
Elle a par ailleurs avancé — et la Cour l’a confirmé — que le Sultanat de
Johor était une entité souveraine reconnue depuis 1512 et «doté[e] d’un

domaine territorial spécifique» (ibid., par. 52), la Cour ayant estimé que
l’incident lors duquel deux jonques chinoises avaient été saisies par les
navires de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales et le déplaisir
dont le roi de Johor avait fait part au gouverneur de Malacca consti-
tuaient une indication claire de cette position (ibid., par. 54-55). La Cour

s’est par ailleurs référée à trois documents de 1824 (ibid., par. 56) et à un
article du Singapore Free Press en date du 25 mai 1843 (ibid., par. 57),
lesquels décrivaient, en des termes fort généraux, les caractéristiques
maritimes et géographiques du royaume malais. C’est sur la base de ces

documents que la Cour a formulé l’observation selon laquelle,
«à partir du XVII siècle au moins et jusqu’au début du XIX siècle,

il était reconnu que le domaine terrestre et maritime du royaume de
Johor englobait une portion considérable de la péninsule malaise,
s’étendait de part et d’autre du détroit de Singapour et comprenait
des îles et îlots situés dans la zone du détroit. Ce domaine couvrait

en particulier la zone dans laquelle se trouve Pedra Branca/Pulau
Batu Puteh.» (Ibid., par. 59.)

Les éléments que la Cour a examinés et qui ont retenu son attention sont
cependant trop généraux pour lui permettre de conclure de manière claire
ou convaincante que le Johor détenait un titre originaire et ancien sur
«l’ensemble des îles et îlots situés dans le détroit de Singapour, lequel se
trouvait au milieu de ce royaume, et comprenait donc l’île de Pedra

Branca/Pulau Batu Puteh» (ibid., par. 68). Seul l’article du Singapore
Free Press faisait expressément référence à Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh; encore ne le faisait-il que dans le cadre d’une description de la
menace de piraterie, précisant que cette formation «serv[ait] de repair[e]

aux pirates» (ibid., par. 57).
5. A défaut d’un exercice clair et convaincant de la souveraineté du
Johor sur ces îles et îlots situés dans le détroit de Singapour — notamment
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh —, l’observation formulée par la Cour
selon laquelle cette souveraineté n’a jamais été contestée (ibid., par. 68)

est dépourvue de pertinence; l’on ne saurait, en tout état de cause, esti-
mer que cette absence de contestation satisfait aux conditions d’un «exer-
cice continu et pacifique de la souveraineté territoriale (pacifique par rapport
aux autres Etats)», critère énoncé en l’affaire de l’Ile de Palmas (Pays-

Bas/Etats-Unis d’Amérique) (sentence, 4 avril 1928, Recueil des sentences
arbitrales, vol. II, p. 852 [traduction française: Ch. Rousseau, Revue
générale de droit international public, t. XLII, 1935, p. 164]) et qui est consi-
déré comme un principe du droit international coutumier. De la même
manière, le tribunal arbitral a, en l’affaire Erythrée/Yémen, précisé que

147 “The modern international law of the acquisition (or attribution)
of territory generally requires that there be: an intentional display of

power and authority over the territory, by the exercise of jurisdiction
and state functions, on a continuous and peaceful basis. The latter
two criteria are tempered to suit the nature of the territory and size
of its population, if any.” (Award of the Arbitral Tribunal in the
first stage of the proceedings between Eritrea and Yemen (Terri-

torial Sovereignty and Scope of the Dispute, (1998) 22 RIAA, p. 268,
para. 239.)

6. That general references, such as those noted by the Court, cannot
form the basis for a legally valid claim to territory is evident from the
jurisprudence of the Court. Malaysia argued in the case concerning Sov-
ereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan (Indonesia/Malaysia)

that it acquired original title over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan
through consecutive transfers of title, but could not present any docu-
ment to show that such transfer of title specifically related to the islands
in dispute. The Court rejected its contentions and noted that “the islands
in dispute are not mentioned by name in any of the international legal

instruments presented by Malaysia to prove the alleged consecutive trans-
fers of title” (Judgment, I.C.J. Reports 2002 , p. 674, para. 108). The
Court thus concluded that:

“These documents, therefore, provide no answer to the question
whether Ligitan and Sipadan, which are located at a considerable
distance from the main island of Sulu, were part of the Sultanate’s

dependencies.” (Ibid., p. 675, para. 109.)
7. Similarly, in the Minquiers and Ecrehos case, the Court, after exam-
ining various treaties concerning the Channel Islands, observed that it

“would therefore not be justified in drawing from them any conclu-

sion as to whether the Ecrehos and the Minquiers at the time when
these Treaties were signed were held either by the English or by the
French King. This question depends on facts which cannot be
deduced from the text of these Treaties.” (Minquiers and Ecrehos
(France/United Kingdom), Judgment, I.C.J. Reports 1953 , p. 54.)

8. With respect to the article in the Singapore Free Press, it is evident
that it cannot provide any basis for the title of Johor which is otherwise
not proven or established. With respect to the probative value of news-

paper reports, the Court in the Nicaragua case treated the press reports
not as evidence capable of proving facts, but as material which could nev-
ertheless contribute, in some circumstances, to corroborate the existence
of a fact, that is, as illustrative material additional to other sources of

evidence (Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua
(Nicaragua v. United States of America), Merits, Judgment, I.C.J.

148 «[l]e droit international moderne de l’acquisition (ou de l’attribu-
tion) d’un territoire requiert de manière générale: une manifestation

intentionnelle de pouvoir et d’autorité sur le territoire, par l’exercice
continu et pacifique de la compétence et des attributs de la puissance
publique. Ces deux derniers critères sont tempérés en fonction de la
nature du territoire et de l’importance de sa population, s’il y en a
une.» (Sentence rendue par le tribunal arbitral dans la première

étape de la procédure (Souveraineté territoriale et champ du diffé-
rend), RSA, vol. XXII, 2001, par. 239 [traduction de la Cour per-
manente d’arbitrage].)

6. Le fait que des documents d’ordre général, tels que ceux que la
Cour a pris en considération, ne sauraient, d’un point de vue juridique,
valablement fonder une revendication territoriale ressort tout à fait clai-
rement de la jurisprudence de la Cour. En l’affaire relative à la Souverai-

neté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie) , la Malai-
sie affirmait qu’elle avait acquis un titre originaire sur ces deux formations
par transmissions successives du titre, mais elle n’a pas été en mesure
de présenter un quelconque document attestant que ce transfert de titre
avait spécifiquement trait aux îles en litige. La Cour a rejeté ses argu-

ments et précisé que «les îles en litige n[’étaient] nommément citées dans
aucun des instruments juridiques internationaux que la Malaisie a[vait]
produits pour démontrer les transmissions successives du titre alléguées»
(arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 674, par. 108). La Cour a conclu que

«[c]es documents ne permett[ai]ent donc pas d’établir si Ligitan et
Sipadan, qui sont situées à une distance considérable de l’île princi-
pale de Sulu, faisaient ou non partie des dépendances du Sultanat»

(ibid., p. 675, par. 109).
7. De même, en l’affaire des Minquiers et Ecréhous, la Cour, après
avoir examiné différents traités relatifs aux îles de la Manche, a fait

observer qu’elle
«n[’aurait pas été] fondée à en tirer quelque conclusion pour déter-

miner si, à l’époque de la signature de ces traités, les Ecréhous et les
Minquiers étaient tenus par le roi d’Angleterre ou par le roi de
France. Cette question dépend[ait] de faits qu’il n’[était] pas possible
de déduire du texte de ces traités.» (Minquiers et Ecréhous (France/
Royaume-Uni), arrêt, C.I.J. Recueil 1953 , p. 54.)

8. S’agissant de l’article paru dans le Singapore Free Press, il est évi-
dent qu’il ne saurait nullement fonder le titre du Johor, lequel n’est pas
autrement prouvé ni établi. En ce qui concerne la valeur probante des

articles de presse, la Cour a, en l’affaire Nicaragua, précisé qu’ils consti-
tuent non pas la preuve des faits, mais des éléments pouvant contribuer,
dans certaines conditions, à corroborer leur existence, à titre d’indices
venant s’ajouter à d’autres moyens de preuve (Activités militaires et para-

militaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amé-
rique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 40-41, par. 62-63). Il est tou-

148Reports 1986, pp. 40-41, paras. 62-63). Press reports however could be

relied upon as evidence if they are the source of official government state-
ments, as it happened in the case of Certain Phosphate Lands in Nauru
(Nauru v. Australia) (Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports
1992, p. 254, para. 33). This is confirmed by the Court itself when it con-

sidered the probative value of the Singapore Free Press report “to lie in
the fact that it corroborates other evidence that Johor had sovereignty
over the area in questions” (Judgment, para. 58). It is to this hard evi-
dence, independent of the press report, that we must look to be satisfied

of the claim of Johor’s original title.

9. Malaysia also failed to sustain the claim of original title on the basis

of immemorial possession inasmuch as it could not show at any time con-
tinuous and uncontested possession over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh,
which is a basic requirement to sustain such a claim. The Meerauge Arbi-
tral Award, to which Malaysia referred, defined immemorial possession

to mean possession “which has lasted for such a long time that it is
impossible to provide evidence of a different situation and of which any-
body recalls having heard talk” (ibid., para. 48). This quotation of the
Court, which is taken from the submission of Malaysia is, however,

incomplete. An equally important requirement is to be found in the sub-
sequent sentence of the Meerauge Award:

“Dieser Besitz muss ferner ununterbrochen und unangefochten
sein, und es ist selbstverständlich, dass der so qualifizierte Besitz bis

in die Jetztzeit, das heisst bis zu der Zeit, in welcher die Differenz in
der zum Abschluss eines Schiedsvertrages führenden Konstellation
aufgetreten ist, fortgedauert haben müsste.” (Meerauge Arbitral
Award (Austria/Hungary) , 13 September 1902, Nouveau recueil gén-

éral de traités, 3rd Series, Vol. III, p. 80 — internal citation omit-
ted.)
[“Moreover, this possession has to be uninterrupted and unchal-
lenged, and it is self-evident that such possession must have subsisted

up to the present, that is to say up to the point in time at which the
dispute concerning the state of affairs that has led to the conclusion
of a compromis has arisen.” [Translation by the Registry.]]

E FFECTIVE DISPLAY OF STATE A UTHORITY A S THE BASIS FORT ITLE
TO T ERRITORY

10. Where original title to a given territory is sought to be established,

what is crucial are not indirect inferences or presumptions deduced from
“history” or the “Middle Ages” but evidence directly relating to effective
display of State authority. Referring to claims of original title based on

immemorial possession, in the Minquiers and Ecrehos case, the Court
observed that “[w]hat is of decisive importance . . . is not indirect pre-

149tefois possible de se fonder sur des articles de presse en tant qu’éléments

de preuve s’ils sont la source de déclarations gouvernementales officielles,
comme ce fut le cas en l’affaire de Certaines terres à phosphates à Nauru
(Nauru c. Australie) (exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992 ,
p. 254, par. 33). Ce point a été confirmé par la Cour elle-même lorsqu’elle

a estimé que la valeur probante de l’article du Singapore Free Press «rési-
d[ait] dans le fait qu’il corrobor[ait] d’autres éléments montrant que le
Johor détenait la souveraineté sur la zone en question» (arrêt, par. 58).
Ce sont ces éléments concrets, et non l’article de presse lui-même, qu’il

convient d’examiner aux fins de s’assurer que la thèse selon laquelle le
Johor détenait un titre originaire est fondée.
9. La Malaisie n’est pas non plus parvenue à étayer sa prétention à un
titre originaire sur la base d’une possession immémoriale, puisqu’elle n’a

jamais été en mesure de démontrer une possession continue et incontestée
de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, condition pourtant fondamentale
pour établir le bien-fondé d’une telle prétention. Dans la sentence rendue
en l’affaire Meerauge, à laquelle la Malaisie s’est référée, la possession

immémoriale a été définie comme une possession «qui dure depuis si
longtemps qu’il est impossible de fournir la preuve d’une situation diffé-
rente et qu’aucune personne ne se souvient d’en avoir entendu parler»
(ibid., par. 48). Ce passage cité par la Cour, qui est extrait des écritures de

la Malaisie, est toutefois incomplet. En effet, une condition tout aussi
importante est énoncée dans la phrase suivante de la sentence rendue en
l’affaire Meerauge:

«[d]ieser Besitz muss ferner ununterbrochen und unangefochten sein,
und es ist selbstverständlich, dass der so qualifizierte Besitz bis in die
Jetztzeit, das heisst bis zu der Zeit, in welcher die Differenz in der
zum Abschluss eines Schiedsvertrages führenden Konstellation

aufgetreten ist, fortgedauert haben müsste» (Sentence arbitrale Mee-
rauge (Autriche/Hongrie) , 13 septembre 1902, texte original alle-
mand in Nouveau recueil général de traités,3 esérie, vol. III, p. 80
— référence interne omise).

[«En outre cette possession doit être ininterrompue et incontestée.
Il va sans dire qu’une telle possession devrait aussi avoir duré
jusqu’à l’époque où il y a eu contestation et conclusion d’un com-
promis.» (Traduction française: Revue de droit international et de
e
législation comparée, 2 série, t. VIII, 1906, p. 207.]

L’ EXERCICE EFFECTIF DE L ’AUTORITÉ ÉTATIQUE COMME FONDEMENT
DU TITRE SUR UN TERRITOIRE

10. Lorsque l’on cherche à établir l’existence d’un titre originaire sur
un territoire donné, ce qui est essentiel, ce ne sont pas les conclusions ou
présomptions indirectes déduites de «l’histoire» ou du «Moyen Age», ce

sont les éléments de preuve se rapportant directement à un exercice effec-
tif de l’autorité étatique. Ainsi, se référant à des revendications de titre
originaire fondées sur une possession immémoriale, la Cour a fait obser-

149sumptions deduced from events in the Middle Ages, but the evidence

which relates directly to the possession of Ecrehos and Minquiers groups”
(Minquiers and Ecrehos (France/United Kingdom), Judgment, I.C.J.
Reports 1953, p. 57). Similarly, in its Advisory Opinion in the Western
Sahara case, in response to Morocco’s claims to ties of sovereignty on the

ground of an alleged immemorial possession of the territory, the Court
noted that

“what must be of decisive importance . . . is not indirect inferences
drawn from events in past history but evidence directly relating to

effective display of authority in Western Sahara at the time of its
colonization by Spain and in the period immediately preceding that
time” (Western Sahara, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1975 ,
p. 43, para. 93).

EXERCISE OF SOVEREIGN R IGHTS TO BE C ONSISTENT WITH THE N ATURE
OF THE T ERRITORY

11. The Court however, in the case of thinly populated or unsettled
countries or territories, is “satisfied with very little in the way of the
actual exercise of sovereign rights, provided that the other States could

not make out a superior claim” (Legal Status of Eastern Greenland, Judg-
ment, 1933, P.C.I.J., Series A/B, No. 53, p. 46). For example, the Court
in the case concerning Maritime Delimitation and Territorial Questions
between Qatar and Bahrain accepted an unmanned light beacon con-

structed by Bahrain as sufficient to determine that Bahrain exercised sov-
ereignty over a small insular feature, Qit’at Jaradah. The Court observed:

“Certain types of activities invoked by Bahrain such as the drilling
of artesian wells would, taken by themselves, be considered contro-
versial as acts performed à titre de souverain. The construction of

navigational aids, on the other hand, can be legally relevant in the
case of very small islands. In the present case, taking into account
the size of Qit’at Jaradah, the activities carried out by Bahrain on
that island must be considered sufficient to support Bahrain’s claim

that it has sovereignty over it.” (Judgment, I.C.J. Reports 2001 ,
pp. 99-100, para. 197.)
12. In the case concerning Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau

Sipadan (Indonesia/Malaysia) , the Court, finding very little by way of
exercise of sovereign authority by Indonesia, observed that while the
activities relied upon by Malaysia were “modest in number” they were
also “diverse in character and include legislative, administrative and

quasi-judicial acts”. It further noted that “[t]hey cover a considerable
period of time and show a pattern revealing an intention to exercise State

150ver, en l’affaire des Minquiers et Ecréhous, que «[c]e qui ... a[vait]

une importance décisive, ce n[’étaient] pas des présomptions indirectes
déduites d’événements du Moyen Age, mais les preuves se rapportant
directement à la possession des groupes des Ecréhous et des Min-
quiers» (Minquiers et Ecréhous (France/Royaume-Uni), arrêt, C.I.J.
Recueil 1953, p. 57). De même, dans l’avis consultatif qu’elle a donné

en l’affaire du Sahara occidental, la Cour a indiqué, en réponse à la
thèse du Maroc selon laquelle des liens de souveraineté découlaient
de sa possession immémoriale de ce territoire, que

«ce qui d[evait] déterminer de façon décisive sa réponse..., ce n’[était]
pas ce que l’on p[ouvait] indirectement déduire d’événements passés,
c[’étaient] les preuvesqui se rapport[ai]ent directement à un exercice

effectif d’autorité au Sahara occidental au moment de la colonisa-
tion espagnole et pendant la période qui l’a[vait] immédiatement pré-
cédée» (Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975 ,
p. 43, par. 93).

L’EXERCICE DE DROITS SOUVERAINS DOIT ÊTRE FONCTION DE LA NATURE

DU TERRITOIRE

11. Toutefois, dans le cas de pays ou de territoires faiblement peuplés
ou non occupés par des habitants à demeure, la Cour «n’a pas exigé de
nombreuses manifestations d’un exercice de droits souverains pourvu que
l’autre Etat en cause ne pût faire valoir une prétention supérieure» (Sta-
tut juridique du Groënland oriental, arrêt, 1933, C.P.J.I. série A/B n o 53,

p. 46). En l’affaire de la Délimitation maritime et des questions territo-
riales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn) , la Cour a ainsi estimé
qu’une balise lumineuse sans personnel construite par Bahreïn était suf-
fisante pour déterminer que cet Etat exerçait la souveraineté sur une

petite formation maritime, Qit’at Jaradah. La Cour a précisé:
«Certaines catégories d’activités invoquées par Bahreïn, telles que

le forage de puits artésiens, pourraient en soi être considérées comme
discutables en tant qu’actes accomplis à titre de souverain. La cons-
truction d’aides à la navigation, en revanche, peut être juridiquement
pertinente dans le cas de très petites îles. En l’espèce, compte tenu de
la taille de Qit’at Jaradah, les activités exercées par Bahreïn sur cette

île peuvent être considérées comme suffisantes pour étayer sa reven-
dication selon laquelle celle-ci se trouve sous sa souveraineté.» (Arrêt,
C.I.J. Recueil 2001, p. 99-100, par. 197.)

12. En l’affaire relative à la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau
Sipadan (Indonésie/Malaisie) , la Cour, ayant jugé que les manifestations
de l’autorité souveraine par l’Indonésie étaient fort peu nombreuses, a
fait observer que, si les activités invoquées par la Malaisie étaient «mo-

destes en nombre», elles «présent[ai]ent un caractère varié et compre-
n[ai]ent des actes législatifs, administratifs et quasi judiciaires». La
Cour a en outre relevé qu’«[e]lles couvr[ai]ent une période considérable

150functions in respect of the two islands in the context of the administra-

tion of a wider range of islands” (Judgment, I.C.J. Reports 2002 , p. 685,
para. 148). Specifically, the Court found that a regulation governing the
collection of turtle eggs, and a designation of the island by Malaysia as a
protected space, was sufficient to rule that Malaysia had sovereignty over

the island (ibid., p. 684, para. 143). Similarly, in the case concerning Ter-
ritorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Honduras in the
Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras) Honduran effectivités on Bobel
Cay were also modest and consisted of little more than the installation of

an antenna and triangulation markers (Judgment, I.C.J. Reports 2007 ,
pp. 720-721, paras. 205, 207). Nevertheless, the Court, relying upon pro-
nouncements made in Legal Status of Eastern Greenland (Judgment,
1933, P.C.I.J., Series A/B, No. 53, p. 46) and Minquiers and Ecrehos

(France/United Kingdom) (Judgment, I.C.J. Reports 1953 , p. 71) came
to the conclusion that the

“effectivités invoked by Honduras evidenced ‘an intention and will
to act as sovereign’ and constitute a modest but real display of
authority over the four islands” (Territorial and Maritime Dispute
between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicara-

gua v. Honduras) Judgment, I.C.J. Reports 2007 , p. 721, para. 208).

N ATURE OF T IES BETWEEN THE SULTANATE OF JOHOR AND THE O RANG LAUT

13. The Court also refers to the evidence supplied by Malaysia from
the nineteenth century to suggest that the title of the Sultanate of Johor

“is confirmed by the ties of loyalty that existed between the Sultanate and
the Orang Laut . . .” (Judgment, para. 70). On the basis of reports of
British officials it notes in paragraphs 71 to 74, the Court finds

“that the nature and degree of the Sultan of Johor’s authority exer-
cised over the Orang Laut who inhabited the islands in the Straits of
Singapore, and who made this maritime area their habitat, confirms

the ancient original title of the Sultanate of Johor to those islands,
including Pedra Branca/Pulau Batu Puteh” (ibid., para. 75).
Yet, the evidence the Court relies on for its conclusion is weak and with-

out foundation to establish the ties of a kind that would go to show ties
of loyalty and allegiance to the Sultan of Johor and they certainly do not
amount to ties of sovereignty.

14. The letter of J. T. Thomson (ibid., para. 71) was of Novem-
ber 1850, when the construction of the lighthouse was already underway.
John Crawfurd’s account (ibid., para. 72) was recorded in his journal of
1828. The selected passages from E. Presgrave belonged to his Report of

1828 (ibid., para. 73). These letters and reports could hardly be con-
sidered to be of ancient vintage and hence could not be treated as evi-

151et présent[ai]ent une structure révélant l’intention d’exercer des fonctions

étatiques à l’égard des deux îles, dans le contexte de l’administration d’un
ensemble plus vaste d’îles» (arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 685, par. 148).
La Cour a notamment estimé que le fait que la Malaisie avait réglementé
le ramassage des Œufs de tortue et classé l’île zone protégée était suffisant

pour conclure qu’elle détenait la souveraineté sur cette formation (ibid.,
p. 684, par. 143). De même, en l’affaire du Différend territorial et mari-
time entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nica-
ragua c. Honduras), les effectivités honduriennes sur Bobel Cay étaient

modestes et n’allaient guère au-delà de l’installation d’une antenne et de
bornes géodésiques (arrêt, C.I.J. Recueil 2007 , p. 720, par. 205, et p. 721,
par. 207). Se fondant sur les prononcés formulés dans les affaires du Sta-
tut juridique du Groënland oriental (arrêt, 1933, C.P.J.I. série A/B n53,

p. 46) et des Minquiers et Ecréhous (France/Royaume-Uni) (arrêt, C.I.J.
Recueil 1953, p. 71), la Cour est parvenue à la conclusion que

«les effectivités invoquées par le Honduras établiss[ai]ent une «inten-
tion et [une] volonté d’agir en qualité de souverain» et constitu[ai]ent
une manifestation modeste mais réelle d’autorité sur les quatre îles»
(Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras

dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras) , arrêt, C.I.J.
Recueil 2007, p. 721, par. 208).

N ATURE DES LIENS ENTRE LE S ULTANAT DE JOHOR ET LES ORANG L AUT

13. La Cour se réfère également aux éléments de preuve remontant au
XIX siècle qui lui ont été présentés par la Malaisie aux fins d’établir que

le titre du Sultanat de Johor «est confirmé par la nature des liens d’allé-
geance qui existaient entre le Sultanat et les Orang Laut» (arrêt, par. 70).
Au vu des rapports de représentants britanniques qu’elle a examinés aux
paragraphes 71 à 74, la Cour conclut que,

«de par sa nature et son degré, l’autorité souveraine exercée par le
sultan de Johor sur les Orang Laut, qui vivaient sur les îles du
détroit de Singapour et s’étaient établis dans cet espace maritime,

confirme le titre originaire ancien du Sultanat de Johor sur ces îles,
dont Pedra Branca/Pulau Batu Puteh» (ibid., par. 75).
Les éléments de preuve sur lesquels la Cour se fonde pour parvenir à cette

conclusion ne sont pourtant guère solides; ils sont dépourvus de fonde-
ment aux fins d’établir l’existence de liens de loyauté et d’allégeance avec
le sultan de Johor et ne mettent certainement pas au jour de quelconques
liens de souveraineté.

14. La lettre de J. T. Thomson (ibid., par. 71) remonte au mois
de novembre 1850, date à laquelle la construction du phare avait déjà
commencé. Le récit de John Crawfurd (ibid., par. 72) est extrait de son
journal daté de 1828. Les écrits de E. Presgrave proviennent, quant à eux,

de son rapport daté de 1828 (ibid., par. 73). Dès lors que nous recher-
chons la preuve d’un titre ancien et originaire du Johor remontant à la

151dence of Johor’s ancient and original title, if we are looking for proof of

such title in the period prior to 1840. Besides, they made no reference to
any display of Johor’s sovereign authority over the rock in question. Fur-
ther, if the full report of Presgrave is of any guidance it would establish
that the Sultan of Johor was no more than the “nominal” head of the

Orang Laut; that they consider piracy as their principal mode of life and
that they are “ready to obey any leader” (Memorial of Malaysia, Vol. 3,
Ann. 27, para. 6); and that anyone, not only the Sultan of Johor, can
“hire the services of the Rayat or professional Pirates” (ibid., para. 13).

As the Court found in its Advisory Opinion on Western Sahara when
examining ties of political allegiance to a ruler:

“Such an allegiance, however, if it is to afford indications of the rul-

er’s sovereignty, must clearly be real and manifested in acts eviden-
cing acceptance of his political authority. Otherwise, there will be no
genuine display or exercise of State authority.” (Western Sahara,
Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1975 , p. 44, para. 95.)

15. Further, even if it is granted that the Orang Laut might have used

the uninhabited island from time to time, Johor’s title to Pedra Branca/
Pulau Batu Puteh is not established as Malaysia is unable to show that
the Sultan of Johor claimed territorial title to Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh or considered them part of his possessions. The observation of the

Court in Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan is directly to
the point:

“Malaysia relies on the ties of allegiance which allegedly existed
between the Sultan of Sulu and the Bajau Laut who inhabited the
islands off the coast of North Borneo and who from time to time

may have made use of the two uninhabited islands. The Court is of
the opinion that such ties may well have existed but that they are in
themselves not sufficient to provide evidence that the Sultan of Sulu
claimed territorial title to these two small islands or considered them

part of his possessions. Nor is there any evidence that the Sultan
actually exercised authority over Ligitan and Sipadan.” (Sovereignty
over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan (Indonesia/Malaysia), Judg-
ment, I.C.J. Reports 2002 , p. 675, para. 110.)

E FFECTIVE OCCUPATION R EQUIRES ACTS À T ITRE DE SOUVERAIN

16. In order for effective occupation to result in title over territory,

such occupation must be by a State, and not by private individuals. The
Court made this very clear in the case concerning Kasikili/Sedudu Island

152période antérieure à 1840, ces lettres et rapports — qui peuvent difficile-

ment être considérés comme très anciens — ne sauraient en démontrer
l’existence. Par ailleurs, il n’est, dans ces documents, nullement fait réfé-
rence à une quelconque manifestation de l’autorité souveraine du Johor
sur le rocher en question. De plus, les seuls enseignements du rapport de
Presgrave — si tant est qu’il y en ait — seraient que le sultan de Johor

n’était qu’«en théorie» le chef des Orang Laut; que ces derniers considé-
raient la piraterie comme leur mode de vie principal et qu’ils étaient
«prêts à obéir à n’importe quel chef» (mémoire de la Malaisie (MA),
vol. 3, annexe 27, par. 6); et que «[l]es Rayat, ou pirates professionnels,

louaient aussi leurs services à des tiers», et pas seulement au sultan de
Johor (ibid., par. 13). Ainsi que la Cour l’a précisé dans son avis consul-
tatif sur le Sahara occidental, lorsqu’elle a examiné les liens politiques
d’allégeance à un souverain:

«[m]ais cette allégeance doit incontestablement être effective et se
manifester par des actes témoignant de l’acceptation de l’autorité

politique du souverain, pour pouvoir être considérée comme un
signe de sa souveraineté. Autrement il n’y a pas de manifestation ou
d’exercice authentique de l’autorité étatique.» (Sahara occidental,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975 , p. 44, par. 95.)

15. En outre, même en admettant que les Orang Laut aient occasion-
nellement utilisé cette île inhabitée, le titre du Johor sur Pedra Branca/

Pulau Batu Puteh n’est pas établi puisque que la Malaisie n’est pas en
mesure de démontrer que le sultan de Johor revendiquait un titre terri-
torial sur l’île ou l’incluait dans ses possessions. A cet égard, l’observa-
tion formulée par la Cour en l’affaire relative à la Souveraineté sur Pulau

Ligitan et Pulau Sipadan est tout à fait pertinente:
«[l]a Malaisie invoque les liens d’allégeance qui auraient existé entre

le sultan de Sulu et les Bajau Laut, qui habitaient les îles au large
de la côte de Bornéo et auraient occasionnellement fréquenté les
deux îles inhabitées. La Cour pense que de tels liens ont fort bien pu
exister, mais qu’ils ne suffisent pas, en eux-mêmes, à prouver que

le sultan de Sulu revendiquait le titre territorial sur ces deux petites
îles ou les incluait dans ses possessions. De même, rien ne prouve que
le sultan ait exercé une autorité effective sur Ligitan et Sipadan.»
(Affaire relative à la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau
Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 675,

par. 110.)

L’OCCUPATION EFFECTIVE NÉCESSITE L ACCOMPLISSEMENT
D ACTES À TITRE DE SOUVERAIN

16. Pour qu’une occupation effective donne naissance à un titre sur un
territoire, elle doit être le fait d’un Etat et non de personnes privées. La
Cour l’a indiqué très clairement en l’affaire de l’Ile de Kasikili/Sedudu

152(Botswana/Namibia). Namibia claimed that it had acquired title through
prescription on the basis of the use and peaceful occupation of Kasikili

Island by the Masubia. Namibia argued that for the most part the colo-
nial Power exercised effective control over the islands “through the
modality of ‘indirect rule’, using the chiefs and political institutions of the
Masubia to carry out the directives of the ruling power, under the control
and supervision of officials of that power” (Kasikili/Sedudu Island (Bot-

swana/Namibia), Judgment, I.C.J. Reports 1999 (II) , p. 1104, para. 94).
Further, it was submitted that “[a]lthough indirect rule was manifested in
a variety of ways, its essence was that the acts of administration of the
colonial authorities and those of the traditional authorities were acts of a

single entity: the colonial government” (ibid., p. 1104, para. 94). The
Court did not find that the use of the island by the Masubia amounted to
acts à titre de souverain,as

“it has not been established that the members of this tribe occupied

the Island à titre de souverain, i.e., that they were exercising func-
tions of State authority there on behalf of those authorities. Indeed,
the evidence shows that the Masubia used the Island intermittently,
according to the seasons and their needs, for exclusively agricultural
purposes; this use, which began prior to the establishment of any

colonial administration in the Caprivi Strip, seems to have subse-
quently continued without being linked to territorial claims on the
part of the Authority administering the Caprivi . . .
In the Court’s view, Namibia has not established with the neces-
sary degree of precision and certainty that acts of State authority

capable of providing alternative justification for prescriptive title, in
accordance with the conditions set out by Namibia, were carried out
by its predecessors or by itself with regard to Kasikili/Sedudu Island.”
(Ibid., pp. 1105-1106, paras. 98-99.)

17. Similarly, the Eritrea/Yemen Arbitral Tribunal found that historic
title could not be awarded to Yemen on the basis of activities carried out

by nomadic fishermen. In addition it did not find permanent habitation,
even if such activities were admittedly seasonal and regular, on the island
in question:

“The second conclusion appears to be that the manner of living on
the Islands is equally indiscriminate: some fishermen stay on their
boats; others sleep on the beach; some construct small shelters;

other use larger shelters; some consider their structures ‘settlements’.
The one thing that is clear is [sic] from the record is that there is no
significant and permanent dwelling structure, or in fact any signifi-
cant and permanent structure of any other kind, that has been built

and that has been used to live in.

153(Botswana/Namibie). Dans cette affaire, la Namibie affirmait avoir acquis
le titre par prescription acquisitive en se fondant sur la fréquentation et

l’occupation pacifique de l’île par les Masubia. Elle soutenait que, pen-
dant la plus grande partie de la période considérée, la puissance coloniale
avait exercé le contrôle effectif sur les îles «suivant le régime de l’«admi-
nistration indirecte», c’est-à-dire par le recours aux chefs et aux institu-
tions politiques des Masubia pour exécuter les directives de la puissance

administrante, sous le contrôle et la surveillance des représentants de
celle-ci» (Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J. Re-
cueil 1999 (II), p. 1104, par. 94). La Namibie avançait en outre que,
«[b]ien que l’administration indirecte se manifestât de diverses manières,

la prémisse essentielle était que les actes d’administration des autorités
coloniales et ceux des autorités traditionnelles émanaient ... d’une entité
unique, le gouvernement colonial» (ibid., p. 1104, par. 94). La Cour n’a
pas jugé que l’utilisation de l’île par les Masubia équivalait à des actes à
titre de souverain. Elle a indiqué:

«il n’est pas établi que les membres de cette tribu occupaient l’île «à

titre de souverain», c’est-à-dire y exerçaient des attributs de la puis-
sance publique au nom de ces autorités. Au contraire, il ressort du
dossier de l’affaire que les Masubia utilisaient l’île de façon intermit-
tente, au gré des saisons et selon leurs besoins, à des fins exclusive-
ment agricoles; cette utilisation, antérieure à l’établissement de toute

administration coloniale dans la bande de Caprivi, semble s’être
ensuite poursuivie sans être liée à des prétentions territoriales de la
Puissance administrant le Caprivi ...
De l’avis de la Cour, la Namibie n’a pas prouvé avec le degré de
précision et de certitude nécessaire que des actes d’autorité étatique

susceptibles de fonder autrement l’acquisition d’un titre par pres-
cription selon les conditions qu’elle a énoncées auraient été accom-
plis par ses prédécesseurs ou par elle-même sur l’île de Kasikili/
Sedudu.» (Ibid., p. 1105-1106, par. 98-99.)

17. De même, en l’affaire Erythrée/Yémen, le tribunal arbitral a conclu
que le titre historique ne pouvait être attribué au Yémen sur la base d’acti-

vités menées par des pêcheurs nomades. En outre, bien qu’ayant admis
que lesdites activités avaient été saisonnières et régulières, le tribunal a
estimé que l’île en question n’avait pas été habitée à titre permanent:

«[l]a deuxième conclusion semble être que le mode de vie sur les îles
ne permet pas davantage de faire la moindre distinction: certains
pêcheurs restent sur leur bateau; d’autres dorment sur la plage; cer-

tains construisent de petits abris; d’autres de grands abris; certains
appellent leurs constructions des «établissements». La seule chose
qui ressorte clairement du dossier est qu’il n’y a aucun édifice impor-
tant et permanent servant d’habitation, ni d’ailleurs aucun édifice

important et permanent de n’importe quel autre type qui ait été
construit et qui ait été utilisé comme habitation.

153 The third conclusion is that it is not clear from the evidence, in

spite of occasional references to ‘families’ staying on the Islands,
whether any family life is in fact present on the Islands. Inasmuch as
the use of the islands is necessarily seasonal, this would seem to be a
priori inconsistent with family life in the sense of family units migrat-

ing to a location where normal community activities continue, as for
example with nomadic herdsmen.

The final conclusion must be that life on the Islands, such as it is,
is limited to the seasonal and temporary shelter for fishermen. The
evidence shows that many of them, of both Eritrean and Yemen

nationality appear to stay on the islands during the fishing season
and in order to dry and salt their catch, but that residence although
seasonal and regular, is also temporary and impermanent.” (RIAA,
Vol. XXII (2001), p. 290, paras. 354-356.)

In the case of Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, not even a seasonal and
temporary habitation was established. As noted above, the Orang Laut,
being pirates, frequented Pedra Branca/Pulau Batu Puteh only for seek-

ing “shelter and concealment”, and their activities are lawless, and besides
being incapable of reflecting display of Johor’s State authority, are in
reality against that authority (Singapore Free ,ss May 1843; Judgment,
para. 57).

FISHING ACTIVITIES OO RANG LAUT AND THE C LAIM CONCERNING JOHOR’S
O RIGINALT ITLE

18. To support the claim of original title, it was also suggested that the
Orang Laut regularly were engaged in fishing activities around Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh. First, a distinction must be kept in view in the

case of nomads who may live for short periods on an island and fish in its
surrounding waters, and “sea nomads” who fish in certain areas of sea
from time to time which happen to surround an island on which they do

not establish even a temporary or seasonal habitation. The case of fishing
activities of the Orang Laut around Pedra Branca/Pulau Batu Puteh
clearly fell within the latter category. Moreover, the claim that fishing in
the area of Pedra Branca/Pulau Batu Puteh constituted an activity spe-

cific to Pedra Branca/Pulau Batu Puteh is not sustainable if fishing
occurred on the high seas, as Pedra Branca/Pulau Batu Puteh and its sur-
rounding waters are situated at a distance greater than the 3-mile limit of
the territorial sea of the Sultanate of Johor. Second, the evidence pleaded

cannot in any way be treated as acts à titre de souverain as there is no

154 La troisième conclusion est que, même s’il est fait de temps à autre

mention de «familles» séjournant sur les îles, les éléments de preuve
disponibles ne permettent pas vraiment de savoir si la vie de famille
y existait bien en fait. Dès lors que les îles ne peuvent être occupées
que de façon saisonnière, cela paraît a priori incompatible avec une

vie de famille quand on définit cette dernière par l’existence de
cellules familiales qui se déplacent vers un endroit où les activités
normales de la collectivité se poursuivent, comme c’est le cas, par
exemple, pour les nomades qui élèvent du bétail.

La dernière conclusion ne peut être que celle-ci: la vie sur les îles,
pour autant qu’elle existe, consiste exclusivement pour des pêcheurs
à y trouver un abri saisonnier et temporaire. D’après les éléments
fournis, les pêcheurs, qui sont à la fois érythréens et yéménites, sont

nombreux, semble-t-il, à séjourner sur les îles pendant la saison de la
pêche et pour sécher et saler leur poisson mais ces séjours, bien que
saisonniers et réguliers, sont également temporaires et non perma-
nents.» (Recueil des sentences arbitrales , vol. XXII, 2001, par. 354-

356 [traduction de la Cour permanente d’arbitrage] .)
Dans le cas de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, il n’a pas même été établi

que l’île ait été habitée à titre saisonnier et temporaire. Ainsi qu’il a été
indiqué plus haut, les Orang Laut, des pirates, fréquentaient Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh dans le seul but d’y trouver refuge, et leurs acti-
vités étaient illégales; non seulement ces activités ne sauraient refléter

l’exercice de l’autorité étatique du Johor, mais elles étaient en réalité
menées contre cette autorité (article du Singapore Free Press,25mai
1843; arrêt, par. 57).

LES ACTIVITÉS DE PÊCHE DES O RANG L AUT ET LA THÈSE SELON LAQUELLE
LE JOHOR DÉTENAIT UN TITRE ORIGINAIRE SUR P EDRA B RANCA /PULAU
B ATU P UTEH

18. A l’appui de la revendication d’un titre originaire sur Pedra Branca/

Pulau Batu Puteh, il a également été avancé que les Orang Laut s’étaient
régulièrement livrés à des activités de pêche autour de cette formation.
Premièrement, il convient de garder à l’esprit la distinction entre les
nomades, qui séjournent pendant de courtes périodes sur une île et

pêchent dans les eaux environnantes, et les «nomades des mers», qui se
livrent occasionnellement à la pêche dans certaines zones maritimes qui
se trouvent entourer une île sur laquelle ils n’habitent pas, même à titre
saisonnier ou temporaire. De toute évidence, les activités de pêche des

Orang Laut autour de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh entrent dans la
seconde catégorie. De plus, la thèse selon laquelle les activités de pêche
menées dans la zone de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh constituaient une
activité propre à cette formation est démentie par le fait que lesdites acti-

vités se déroulaient en haute mer, l’île et les eaux environnantes étant
situées à une distance supérieure à la limite des 3 milles de la mer terri-

154evidence that the acts were conducted under the authority and control of

the State of Johor or were in any way regulated by the Sultan. Here the
test applied by the Court in the case concerning Sovereignty over Pulau
Ligitan and Pulau Sipadan is equally applicable. Rejecting the submis-
sion of Indonesia that “the waters around Ligitan and Sipadan have tra-

ditionally been used by Indonesian fishermen”, the Court observed,

“that activities by private persons cannot be seen as effectivités if
they do not take place on the basis of official regulations or under

governmental authority” (Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau
Sipadan (Indonesia/Malaysia), Judgment, I.C.J. Reports 2002 ,
p. 683, para. 140).

Inasmuch as they are private acts, they do not offer any basis for the
claim that Johor had original title.

C ONTIGUITY ASA B ASIS OFT ITLE TO ISLANDS

19. In addition, Malaysia argued that Johor should be deemed to have
title over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh on the principal ground that it

lay well within the geographical confines of its territories and islands
belonging to Johor. This is a claim that is reminiscent of claims to title on
the basis of contiguity. However, geographical “contiguity” in and of

itself is not a sufficient ground to establish title to territory. In the Island
of Palmas case, for example, Judge Huber, rejecting claims to territory
based on contiguity stated:

“Although States have in certain circumstances maintained that
islands relatively close to their shores belonged to them in virtue of

their geographical situation, it is impossible to show the existence of
a rule of positive international law to the effect that islands situated
outside territorial waters should belong to a State from the mere fact

that its territory forms the terra firma (nearest continent or island of
considerable size). Not only would it seem that there are no pre-
cedents sufficiently frequent and sufficiently precise in their bearing
to establish such a rule of international law, but the alleged principle

itself is by its very nature so uncertain and contested that even Gov-
ernments of the same State have on different occasions maintained
contradictory opinions as to its soundness. The principle of contigu-
ity, in regard to islands, may not be out of place when it is a question

of allotting them to one State rather than another, either by agree-
ment between the Parties, or by a decision not necessarily based on
law; but as a rule establishing ipso jure the presumption of sover-

155toriale du Sultanat de Johor. Deuxièmement, les éléments de preuve invo-
qués ne sauraient en aucun cas être considérés comme des actes à titre de

souverain, puisque rien ne démontre qu’ils ont été accomplis sous l’auto-
rité et le contrôle de l’Etat du Johor ou réglementés de quelque manière
par le sultan. A cet égard, le critère appliqué par la Cour en l’affaire rela-
tive à la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan est également

applicable en l’espèce. Rejetant la thèse de l’Indonésie selon laquelle «les
eaux entourant Ligitan et Sipadan [avaient] traditionnellement été utili-
sées par des pêcheurs indonésiens», la Cour a fait observer que

«les activités de personnes privées ne sauraient être considérées
comme des effectivités si elles ne se fondent pas sur une réglementa-
tion officielle ou ne se déroulent pas sous le contrôle de l’autorité
publique» (Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indo-

nésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 683, par. 140).
Dès lors que les activités invoquées en la présente espèce sont d’ordre

privé, elles n’étayent nullement la thèse selon laquelle le Johor détenait un
titre originaire sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh.

L A CONTIGUÏTÉ EN TANT QUE FONDEMENT D UN TITRE SUR DES ÎLES

19. La Malaisie a en outre affirmé que le Johor devait avant tout être
considéré comme détenant un titre sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh
au motif que cette formation se trouvait nettement à l’intérieur des li-
mites géographiques de ses territoires et des îles qui lui appartenaient. Cet
argument n’est pas sans rappeler certaines revendications de titre fondées

sur la contiguïté. La «contiguïté» géographique ne constitue cependant
pas, en elle-même et par elle-même, une base suffisante pour établir un
titre sur un territoire. Ainsi, dans l’affaire de l’Ile de Palmas, le juge
Huber, rejetant des revendications de territoire fondées sur la contiguïté,

a indiqué:
«[b]ien que les Etats aient soutenu, dans certaines circonstances, que
les îles relativement proches de leurs côtes leur appartenaient en

vertu de leur situation géographique, il est impossible de démontrer
l’existence d’une règle de droit international positif portant que les
îles situées en dehors des eaux territoriales appartiendraient à un
Etat à raison du seul fait que son territoire forme pour elles la terra

firma (le plus proche continent ou la plus proche île d’étendue consi-
dérable). Non seulement il semblerait qu’il n’existe pas de précédents
suffisamment nombreux et d’une valeur suffisamment précise pour
établir une telle règle de droit international, mais le principe invoqué
est lui-même de nature si incertaine et si controversée que même les

gouvernements d’un même Etat ont en diverses circonstances émis
des opinions contradictoires quant à son bien-fondé. Le principe de
la contiguïté, en ce qui concerne les îles, peut avoir sa valeur lorsqu’il
s’agit de leur attribution à un Etat plutôt qu’à un autre, soit par un

arrangement entre les parties, soit par une décision qui n’est pas

155 eignty in favour of a particular State, this principle would be in con-
flict with what has been said as to territorial sovereignty and as to

the necessary relation between the right to exclude other States from
a region and the duty to display therein the activities of a State. Nor
is this principle of contiguity admissible as a legal method of dec-
iding questions of territorial sovereignty; for it is wholly lacking in

precision and would in its application lead to arbitrary results.”
(RIAA, Vol. II (1949), pp. 854-855.)

20. Moreover, while islands within the limits of the territorial sea of a

State, according to international law, belong to the coastal State, islands
beyond such limits cannot easily be presumed to belong to that State.
The rationale for distinguishing between islands within the territorial
waters and those lying beyond can be found in the principle of the free-
dom of the high seas. This principle has been accepted since Grotius’

classic Mare Liberum, first published in 1609. It is a time-honoured cus-
tomary principle of international law and incorporated in Article 2 of the
Geneva Convention on the High Seas of 29 April 1958 which states that:
“[t]he high seas being open to all nations, no State may validly purport to

subject any part of them to its sovereignty”. Similarly, Article 87 (1) of
the United Nations Convention on the Law of the Sea (UNCLOS) rec-
ognizes that “[t]he high seas are open to all States, whether coastal or
land-locked”. In consequence, Article 89 of UNCLOS states that “[n]o
State may validly purport to subject any part of the high seas to its

sovereignty”.

21. According to Derek W. Bowett, even the proposition that islands

lying within the limits of territorial waters of a State belong to that State

“can be no more than a presumption, for not infrequently islands

under the sovereignty of one State lie within a distance from the
shore of another State which is less than the limit of territorial
waters” (Derek W. Bowett, The Legal Regime of Islands in Interna-
tional Law, 1978, p. 49).

However, with respect to islands lying beyond the territorial sea, in con-
trast, he stresses that

“sovereignty will depend upon the same criteria as are applied to
any land territory and, whether title is claimed to derive from some
good root title (as by a treaty of cession) or from occupation of a res
nullius, the claimant State must demonstrate a continuous and peace-
ful display of sovereignty over the island territory” (ibid., p. 50).

156 nécessairement fondée sur le droit; mais, comme règle établissant
ipso jure une présomption de souveraineté en faveur d’un Etat déter-

miné, ce principe viendrait contredire ce qui a été exposé en ce qui
concerne la souveraineté territoriale et en ce qui concerne le rapport
nécessaire entre le droit d’exclure les autres Etats d’une région don-
née et le devoir d’y exercer les activités étatiques. Ce principe de la
contiguïté n’est pas non plus admissible comme méthode juridique

pour le règlement des questions de souveraineté territoriale, car il
manque totalement de précision et conduirait, dans son application,
à des résultats arbitraires.» (Recueil des sentences arbitrales, vol. II,
p. 852 [traduction française: Ch. Rousseau, Revue générale de droit

international public, t. XLII, 1935, p. 182].)
20. De plus, si les îles situées à l’intérieur des limites de la mer territo-
riale d’un Etat côtier appartiennent à cet Etat en vertu du droit interna-
tional, l’on ne saurait présumer à la légère qu’il en va de même de celles

qui sont situées au-delà de ces limites. La logique qui sous-tend la distinc-
tion entre les îles situées à l’intérieur des eaux territoriales et celles qui
sont situées au-delà de ces eaux découle du principe de la liberté de la
haute mer. Ce principe est reconnu depuis l’ouvrage de référence de Gro-

tius intitulé Mare liberum, dont la première édition remonte à 1609. Il
s’agit d’un principe du droit international coutumier consacré par le
temps et codifié à l’article 2 de la convention de Genève sur la haute mer
du 29 avril 1958, lequel dispose que, «[l]a haute mer étant ouverte à toutes
les nations, aucun Etat ne peut légitimement prétendre en soumettre une

partie quelconque à sa souveraineté». De même, le paragraphe 1 de l’ar-
ticle 87 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer
(CNUDM) confirme que «[l]a haute mer est ouverte à tous les Etats, qu’ils
soient côtiers ou sans littoral». L’article 89 de la CNUDM précise par
conséquent qu’«[a]ucun Etat ne peut légitimement prétendre sou-

mettre une partie quelconque de la haute mer à sa souveraineté».
21. Selon Derek W. Bowett, même la proposition selon laquelle les îles
situées à l’intérieur des limites des eaux territoriales d’un Etat lui appar-
tiennent

«ne saurait être plus qu’une présomption, puisqu’il n’est pas rare
que des îles qui sont sous la souveraineté d’un Etat soient situées à
une distance du littoral d’un autre Etat inférieure à la limite de ses
eaux territoriales» (Derek W. Bowett, The Legal Regime of Islands

in International Law, 1978, p. 49).
S’agissant, en revanche, des îles situées au-delà de la mer territoriale,
l’auteur souligne que

«la souveraineté est fonction des mêmes critères que ceux qui sont
appliqués à toute frontière terrestre et, que la revendication soit
fondée sur un titre solidement établi (par un traité de cession, par

exemple) ou sur l’occupation d’une res nullius, l’Etat qui la for-
mule doit démontrer qu’il a exercé sa souveraineté de manière conti-
nue et pacifique sur le territoire insulaire» (ibid., p. 50).

156 22. Similarly, another more recent study of the subject by Surya
P. Sharma concludes this to be

“an acceptable statement of law regarding lands lying within the ter-
ritorial waters of a state. This is also consistent with not only the

tendency to regard such islands as part of the mainland, but also the
practice of measuring the territorial waters of the coastal state from
the seaward side of such islands. However, there is no rational rea-
son for any presumption based on contiguity with respect to islands
lying within the limits of the continental shelves or the exclusive eco-

nomic zones which are essentially resource zones and wherein coastal
states are not entitled to claim proprietary rights, unlike in the case
of the territorial sea.” (Surya P. Sharma, Territorial Acquisition,
Disputes and International Law , 1997, p. 60.)

With respect to titles to islands lying in the high seas, Sharma notes that
they

“will be governed by the same norms that are applied to resolve any
territorial dispute on land, which means that the claimant state must
fulfil the conditions underlying a continuous and peaceful display of
sovereignty over the island territory” (ibid., p. 61).

It is also well established that it is title to the terra firma that generates
the right to maritime zones, and not vice versa (R. Haller-Trost, The

Contested Maritime and Territorial Boundaries of Malaysia , 1998, p.
292), where the author notes that

“[a]ccording to the principles of international law, it is the acknowl-
edged title to the terra firma that generates the right to maritime
zones, and not vice versa” (cf. also Beagle Channel Arbitration,
International Legal Materials (ILM) , Vol. 17 (1978), p. 644, para. 6).

23. Against this background, there is no basis for presuming that un-
inhabited maritime features in the middle of what undoubtedly consti-
tutes the high seas were under the sovereignty of the ancient Sultanate of

Johor-Riau-Lingga or any of its successor States in the region in the
absence of territory-specific acts à titre de souverain. As Pedra Branca/
Pulau Batu Puteh lay clearly outside the limits of the territorial sea of
Johor, Malaysia is required to show the exercise of some State authority
specific to the rock, how so ever symbolic that exercise might be.

24. Equally, the claim of Malaysia that the Orang Laut regularly con-
ducted traders to the port of Johor cannot by itself lead us to the conclu-
sion that Johor enjoyed sovereignty over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh
as these activities are not shown to have been conducted with reference to

Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Malaysia also suggested that there was
evidence that the Temenggong of Johor took action to deal with piracy

157 22. Dans une autre étude plus récente sur le sujet, Surya P. Sharma
conclut également que la contiguïté géographique est

«une thèse juridique acceptable en ce qui concerne les îles situées à
l’intérieur des eaux territoriales d’un Etat. Cela est par ailleurs

conforme non seulement à la tendance consistant à considérer de
telles îles comme faisant partie du continent mais aussi à la pra-
tique consistant à mesurer les eaux territoriales de l’Etat côtier à
partir du littoral de ces îles faisant face au large. En revanche, au-
cune raison logique ne permet d’étayer une quelconque présomption

fondée sur la contiguïté en ce qui concerne les îles situées à l’intérieur
des limites des plateaux continentaux ou des zones économiques
exclusives, espaces qui sont essentiellement établis en fonction des
ressources qu’ils contiennent et dans lesquels les Etats côtiers ne
sont pas fondés à revendiquer des droits de propriété, contrairement

à la mer territoriale.» (Surya P. Sharma, Territorial Acquisition,
Disputes and International Law , 1997, p. 60.)
En ce qui concerne les titres sur des îles situées en haute mer, Sharma

relève qu’ils
«sont régis par les mêmes règles que celles qui sont appliquées pour

résoudre les différends territoriaux terrestres, ce qui signifie que
l’Etat qui formule la revendication doit satisfaire aux conditions
d’un exercice continu et pacifique de souveraineté sur le territoire
insulaire» (ibid., p. 61).

Il est par ailleurs bien établi que c’est le titre sur la terra firma qui génère
le droit à des zones maritimes, et non l’inverse, ainsi que le précise
R. Haller-Trost dans son ouvrage The Contested Maritime and Territo-
rial Boundaries of Malaysia (1998, p. 292):

«[c]onformément aux principes du droit international, c’est le titre
reconnu sur la terra firma qui génère le droit à des zones maritimes,
et non l’inverse» (voir également Arbitrage du canal de Beagle ,

International Legal Materials (ILM) , vol. 17, 1978, p. 644, par. 6).
23. Dès lors, en l’absence d’actes à titre de souverain propres aux ter-

ritoires en question, rien ne permet de présumer que des formations mari-
times inhabitées situées au milieu de ce qui est indéniablement la haute mer
se trouvaient sous la souveraineté de l’ancien Sultanat de Johor-Riau-
Lingga ou de l’un quelconque de ses successeurs dans la région. Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh étant clairement située en dehors des limites

de la mer territoriale du Johor, la Malaisie doit démontrer qu’elle a exercé
une autorité étatique spécifique sur ce rocher, si symbolique soit-elle.
24. De même, l’affirmation de la Malaisie selon laquelle les Orang
Laut conduisaient régulièrement des commerçants dans le port de Johor
ne saurait, en elle-même, nous amener à conclure que le Johor jouissait

de la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, puisqu’il n’est pas
démontré que ces activités aient été menées relativement à cette forma-
tion. La Malaisie a également soutenu qu’il existait des éléments de

157and that such action earned him appreciation from the British authori
ties. In this connection there is a report concerning a ceremony in which

Governor Butterworth awarded the Temenggong a sword in appreciation
of his efforts at suppressing piracy (Memorial of Malaysia, Vol. 3,
Ann. 52; Straits Times, 5 Sept. 1846). Malaysia claimed that “[t]he
Temenggong’s activities against piracy constitute a manifestation of
Johor’s exercise of sovereignty in the region under consideration” (Memo-

rial of Malaysia, p. 68). It is worth noting, as has been pointed out by one
commentator, that “[f]or the purposes of international law, piracy can
take place only within clearly prescribed locations, those being the high
seas or a place outside the jurisdiction of any State” (Scott Davidson,

“Dangerous Waters: Combating Maritime Piracy in Asia”, Asian Year-
book of International Law , Vol. 9 (2000), p. 14). Accordingly, there is no
merit in the argument advanced by Malaysia. Besides, Johor’s display of
power over the Orang Laut appeared to have as its objective the suppres-
sion of their piratical activities, the suppression of piracy being the right

of every State for which it enjoys universal jurisdiction. In other words,
these were not activities a State regulates in pursuance of the exercise of
its function as a State on the basis of exclusive authority and control over
its loyal and obedient subjects.

25. In view of the above, the nature of ties that existed, and the fre-
quency of visits to the rock by the Orang Laut, cannot possibly be
regarded as satisfactory or sufficient for establishing the ancient original

title of the Sultanate of Johor. Malaysia could not show that the Sultan
of Johor had even a notional possession of Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh to sustain the claim of original title based on immemorial posses-
sion. It is abundantly clear from the above that Malaysia did not dis-
charge the kind of proof that it ought to have discharged in accordance

with well-established principles of evidence required by international tri-
bunals and this Court in various cases where claims concerning original
title were at issue.

26. In sum, the evidence submitted by Malaysia concerning the activi-

ties of the Orang Laut is not impressive, as some of the acts cited, for
example indicating their loyalty and allegiance to the Sultan of Johor,
were not specific to the assertion of sovereignty of Johor over Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh. Some of the other activities like fishing do not
add weight to Johor’s claim as they are private activities. Even though

the Orang Laut were stated to have visited Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh frequently, they were reported to have gone there for “shelter and
concealment” and did not establish even a seasonal habitation there.

27. Accordingly, at the time when Britain took possession of Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh in 1847, for the purpose of construction of the

158preuve attestant que le temenggong de Johor avait pris des mesures afin
de régler le problème de la piraterie et que cela lui avait valu la recon-

naissance des autorités britanniques. Elle a d’ailleurs présenté un rapport
relatant une cérémonie à l’occasion de laquelle le gouverneur Butter-
worth remit au temenggong une épée en signe de reconnaissance pour
les efforts déployés par celui-ci afin de réprimer la piraterie (mémoire
de la Malaisie, vol. 3, annexe 52; Straits Times, 5 septembre 1846). La

Malaisie a soutenu que «[l]es activités menées par le temenggong pour
combattre la piraterie [étaient] des manifestations de l’exercice par le
Johor de la souveraineté sur la région en question» (mémoire de la Ma-
laisie, p. 68). Il convient toutefois de relever que, comme l’a indiqué un

auteur, «en droit international, il ne peut y avoir piraterie que dans des
espaces clairement déterminés, à savoir la haute mer ou tout espace
situé en dehors de la juridiction de tout Etat» (Scott Davidson, «Dange-
rous Waters: Combating Maritime Piracy in Asia», Asian Yearbook
of International Law, vol. 9, 2000, p. 14). L’argument avancé par la Malai-

sie est donc dépourvu de fondement. En outre, il apparaît que l’autorité
manifestée par le Johor à l’égard des Orang Laut visait à réprimer les
actes de piraterie auxquels ceux-ci se livraient, droit que détient chaque
Etat et pour lequel il jouit d’une compétence universelle. Autrement dit,
il ne s’agissait pas d’activités réglementées par un Etat dans le cadre

de sa fonction étatique en vertu de l’autorité et du contrôle exclusifs
dont il jouit à l’égard de ses sujets loyaux et obéissants.
25. Dès lors, la nature des liens existants ainsi que la fréquence à
laquelle les Orang Laut se rendaient sur le rocher ne sauraient en aucun cas
être considérées comme satisfaisantes ou suffisantes aux fins d’établir l’exis-

tence d’un titre originaire ancien du Sultanat de Johor. La Malaisie n’est
pas parvenue à démontrer, afin d’étayer sa thèse selon laquelle le sultan du
Johor détenait le titre originaire du fait d’une possession immémoriale, que
celui-ci possédait Pedra Branca/Pulau Batu Puteh ne serait-ce que symbo-
liquement. Il ressort très clairement de ce qui précède que la Malaisie n’a

pas été en mesure d’apporter les éléments de preuve qu’elle aurait dû pré-
senter conformément aux principes bien établis en la matière appliqués par
les juridictions internationales, dont la Cour, dans des affaires en lesquelles
des revendications relatives à des titres originaires sont en cause.
26. En résumé, les éléments de preuve présentés par la Malaisie relati-

vement aux activités des Orang Laut ne sont guère convaincants, certains
des actes mentionnés, tels que ceux indiquant la loyauté et l’allégeance au
sultan du Johor, n’étant pas propres à la revendication de souveraineté
du Johor sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. D’autres activités, telles
que la pêche, n’étayent aucunement la thèse du Johor puisqu’il s’agit

d’activités privées. Même s’il a été indiqué que les Orang Laut s’étaient
fréquemment rendus sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, il a été précisé
qu’ils y étaient allés pour «s’abriter et se cacher» et qu’ils n’y avaient
construit aucune habitation, pas même saisonnière.

27. Par conséquent, lorsque la Grande-Bretagne prit possession de
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh en 1847 pour y construire le phare Hors-

158Horsburgh lighthouse, the status of Pedra Branca/Pulau Batu Puteh

remained indeterminate. As a matter of fact, as of 1847, neither Johor
nor Britain showed any interest over the rock and did not view it as wor-
thy of acquisition of sovereignty; and it was regarded as uninhabitable
besides being a tiny, barren and uninhabited rock. In that sense of the
term, the legal status of Pedra Branca/Pulau Batu Puteh in 1847 could,

following the test laid down by the Court in the Western Sahara case
(Western Sahara, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1975 , p. 39, para. 79),
legitimately be regarded as res nullius, as it was not claimed and hence
belonged to no one.

28. However, considering the fact that the rock was a well known
maritime feature and very much a terra cognita lying well within the
broad confines of Johor’s territorial domain (Judgment, paras. 59 and
61), it is reasonable to assume that Johor discovered Pedra Branca/Pulau

Batu Puteh before any other State did. Accordingly, in the absence of any
other competing claim (ibid., para. 62), Johor could be said to hold an
inchoate title to Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. As such, a better view
appears to be that Pedra Branca/Pulau Batu Puteh was not terra nullius

at the time the British took possession in 1847. The title to Pedra Branca/
Pulau Batu Puteh, as noted by the Court in the frontier dispute between
Burkina Faso and Mali, in the event would turn upon an evaluation of
the effectivités of the respective parties. The Court noted: “In the event

that the effectivité does not co-exist with any legal title, it must invariably
be taken into consideration.” (Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic
of Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986 , p. 587, para. 63.) This conclu-
sion leads us to observe that as of 1847 both Johor and Britain were rela-
tively on equal plane for the purpose of establishing their claims to that

rock, Johor having to establish sufficient State authority and
control to perfect its title and Britain having to exhibit acts à titre de
souverain in an open, peaceful and continuous manner, unopposed by
Johor/Malaysia or any other Power, to establish its title over Pedra

Branca/Pulau Batu Puteh on the basis of effective possession and
occupation.

DISCOVERY C ONFERS ONLY INCHOATE T ITLE TO TERRITORY

29. It needs no special emphasis to note that an inchoate title requires,
in order to be transformed into a proper title, perfection through conduct
à titre de souverain relative to the nature of the territory involved. That
this is an established norm, is evident from the fact that even in the age of

discovery, which was a prelude to the period of colonialism, it was rec-
ognized as a principle of international law. Rejecting the then claims of
Spain and the view of a minority of writers which believed that in the

159burgh, le statut de cette formation était indéterminé. De fait, à partir

de 1847, ni le Johor ni la Grande-Bretagne n’ont manifesté un quelconque
intérêt pour ce rocher et ils n’estimaient pas que sa souveraineté méritait
d’être acquise; en plus d’être de très petite taille, aride et inhabité, il était
considéré comme inhabitable. En 1847, Pedra Branca/Pulau Batu Puteh
pouvait donc légitimement être considérée — d’un point de vue juridique

et conformément au critère énoncé par la Cour en l’affaire du Sahara
occidental (Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975 ,p.39,
par. 79) — comme res nullius, puisqu’elle n’était revendiquée par per-
sonne et, partant, n’appartenait à personne.

28. Toutefois, étant donné que Pedra Branca/Pulau Batu Puteh était
une formation maritime bien connue et avait tout d’une terra cognita
située nettement à l’intérieur des limites du domaine territorial du Johor
au sens large (arrêt, par. 59 et 61), on peut raisonnablement supposer que

le Johor l’a découverte avant tout autre Etat. En l’absence de revendi-
cation concurrente (ibid., par. 62), le Johor peut donc être considéré
comme ayant détenu une ébauche de titre sur Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh. Aussi semble-t-il plus juste de considérer que Pedra Branca/Pulau

Batu Puteh n’était pas terra nullius lorsque les Britanniques en prirent
possession en 1847. Conformément à ce que la Cour a indiqué dans
l’affaire du différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali, le titre
sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh dépendait donc de l’appréciation des

effectivités respectives des Parties. En effet, dans l’affaire susmentionnée,
la Cour avait précisé que, «dans l’éventualité où l’«effectivité» ne coexiste
avec aucun titre juridique, elle doit inévitablement être prise en considé-
ration» (Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt,
C.I.J. Recueil 1986, p. 587, par. 63). Il appert que, à compter de 1847, le

Johor et la Grande-Bretagne étaient dans une situation de relative égalité
aux fins de démontrer le bien-fondé de leur revendication concernant ce
rocher; il incombait au Johor de démontrer l’existence d’une autorité et
d’un contrôle étatiques suffisants pour parfaire son titre, et à la Grande-

Bretagne — aux fins d’établir son titre sur Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh sur la base d’une possession et d’une occupation effectives — de
présenter des actes accomplis à titre de souverain publiquement, pacifi-
quement et de manière continue, et n’ayant pas été contestés par le

Johor/la Malaisie ou une quelconque autre puissance.

L A DÉCOUVERTE D ’UN TERRITOIRE NE CONFÈRE QU ’UNE ÉBAUCHE
DE TITRE SUR CELUI -CI

29. Point n’est besoin de souligner qu’une ébauche de titre doit, afin
d’être transformée en un titre en bonne et due forme, être confirmée par
un comportement à titre de souverain en rapport avec la nature du ter-
ritoire concerné. Le fait qu’il s’agit là d’une règle établie ressort claire-

ment de ce que, même à l’époque des découvertes — prélude à la période
de la colonisation —, elle était reconnue comme un principe du droit
international. Comme l’a indiqué l’auteur d’un ouvrage de référence, qui,

159sixteenth century discovery alone was capable of conferring title to terri-

tory, one influential work was able to assert, on the basis of an extensive
survey of authorities including Spanish sources, that

“[T]he author trusts that these results will once and for all put an
end to the frivolous and uncritical acceptance by law writers of the

idea that discovery can give any shadow of right, and that they will
move historians to abandon the fantastic picture of Spain seeking to
exclude the rest of Europe from the new world by setting up merely
a right by discovery to regions which she did not in fact control.”

(See Julius Goebel, The Struggle for the Falklands Islands , 1927,
p. xii; see also Phillip C. Jessup, “The Palmas Island Arbitration”,
The American Journal of International Law (AJIL) , Vol. 22 (1928),
p. 739.)

30. This is confirmed by Max Huber, the Arbitrator in the Island of
Palmas case. Even though he found that the island in dispute was

first discovered by Spain, he held that it only acquired an inchoate title
which it had not perfected within a reasonable time. In any case, in
his view, even if the inchoate title persisted, it could not prevail over
“continuous and peaceful display of territorial sovereignty (peaceful

in relation to other States)” (RIAA, Vol. II (1949), p. 839). The
Arbitrator in this celebrated case, accepting the arguments of the
Netherlands, also held that

“a distinction must be made between the creation of rights and the

existence of rights. The same principle which subjects the act creative
of a right to the law in force at the time the right arises, demands
that the existence of the right, in other words its continued manifes-
tation, shall follow the conditions required by the evolution of law.”

(Ibid., p. 845.)
Accordingly, he concluded:

“For these reasons, discovery alone, without any subsequent act,
cannot at the present time suffice to prove sovereignty over the

Island of Palmas (or Miangas); and in so far as there is no sover-
eignty, the question of an abandonment properly speaking of sov-
ereignty by one State in order that the sovereignty of another may

take its place does not arise.” (Ibid.)

L ONG ,C ONTINUOUS AND PEACEFUL EXERCISE OF STATE S OVEREIGNTY
BY BRITAIN SINCE 1847

31. Since its presence on that rock, during the next 130 years or more,
Britain and Singapore performed activities which could properly be

160se fondant sur une étude exhaustive de sources faisant autorité — y com-

pris espagnoles —, dénonçait les revendications formulées à l’époque par
l’Espagne et les vues exprimées par une minorité d’auteurs qui considé-
raient qu’au XVI siècle la découverte pouvait, à elle seule, conférer un
titre sur un territoire:

«ces résultats devraient, selon moi, mettre un terme à la conception
irréfléchie et sans nuance des juristes selon laquelle la découverte

peut conférer un quelconque droit sur un territoire et conduire les
historiens à renoncer à l’idée fantaisiste d’une Espagne cherchant à
exclure le reste de l’Europe du Nouveau Monde en s’arrogeant des
droits par la simple découverte de régions qu’elle ne contrôlait pas

en fait» (voir Julius Goebel, The Struggle for the Falkland Islands,
1927, p. xii; voir également Phillip C. Jessup, «The Palmas Island
Arbitration», The American Journal of International Law (AJIL) ,
vol. 22, 1928, p. 739).

30. Cela a été confirmé par Max Huber, l’arbitre en l’affaire de l’Ile
de Palmas. En effet, bien qu’il ait jugé que l’île en litige avait été décou-

verte par l’Espagne, il a précisé que cette dernière n’avait acquis qu’une
ébauche de titre qu’elle n’avait pas confirmée dans un délai raison-
nable. En tout état de cause, selon lui, même si l’ébauche de titre perdu-
rait, elle ne pouvait prévaloir sur un «exercice continu et pacifique de la

souveraineté territoriale (pacifique par rapport aux autres Etats)»
(traduction française: Ch. Rousseau, Revue générale de droit internatio-
nal public, t. XLII, 1935, p. 164). Dans cette célèbre affaire, faisant droit

aux arguments des Pays-Bas, Max Huber a également indiqué:
«il faut distinguer entre la création du droit en question et le main-

tien de ce droit. Le même principe qui soumet un acte créateur de
droit au droit en vigueur au moment où naît le droit exige que l’exis-
tence de ce droit, en d’autres termes sa manifestation continue, suive
les conditions requises par l’évolution du droit.» (Ibid., p. 172.)

Il a en conséquence conclu:

«[p]our ces raisons, la simple découverte, non suivie d’acte subsé-
quent, est insuffisante à l’époque actuelle pour prouver la souverai-

neté sur l’île de Palmas (ou Miangas): et, pour autant qu’il n’y a pas
de souveraineté, la question d’un abandon de souveraineté pro-
prement dit par un Etat, afin que la souveraineté d’un autre puisse

prendre sa place, ne se pose pas» (ibid.).

E XERCICE PROLONGÉ ,CONTINU ET PACIFIQUE DE LA SOUVERAINETÉ
ÉTATIQUE PAR LA G RANDE -BRETAGNE DEPUIS 1847

31. Depuis qu’elles sont présentes sur ce rocher, la Grande-Bretagne et
Singapour ont mené des activités, et ce, pendant cent trente ans ou plus,

160regarded as acts à titre de souverain which went far beyond the mere
management of the lighthouse (Judgment, para. 274). The entire space of

the rock was utilized by Britain and Singapore through the construction
of the lighthouse and other facilities. Accordingly, the administration of
the lighthouse is no different from the administration of the island itself
and the same may be characterized as conduct à titre de souverain. Dur-
ing this entire period, the activities and exercise of State functions by

Britain and Singapore were not opposed by Johor. Moreover, Johor even
accepted and complied with them. Malaysia’s silence may be taken as
acquiescence or recognition of British and later Singapore’s sovereignty
over the island.

32. Activities of Britain/Singapore which constitute conduct manifest-
ing State authority and which are not indispensable to the management
of the lighthouse are many. Some examples may usefully be noted: the
installation of military equipment on the island between 1976 and 1977,

Singaporean police and security activities on and in the vicinity of Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh, Singapore’s exclusive control of visits to the
island including permits given by the Singaporean authorities in 1974 and
1978 to Malaysian officials wishing to visit Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh, and investigations by Singaporean authorities concerning naviga-

tional hazards and shipwrecks in the territorial waters of Pedra Branca/
Pulau Batu Puteh (ibid., para. 275).

33. Similarly, Johor consistently regarded Pulau Pisang as an island
under its sovereignty, while it did not display such impression with

respect to Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Johor considered making
financial contributions for the operation of the lighthouse at Pulau Pis-
ang. In 1952, it even considered taking over the management of the light-
house from the hands of the Straits Settlement Authority of Britain. It
asked for the lowering of the marine ensign which the United Kingdom

had hoisted over the lighthouse at Pulau Pisang, as it considered the fly-
ing of the ensign was not consistent with its sovereignty. Singapore offi-
cials visiting the Pulau Pisang lighthouse were required to carry travel
documents, while Singapore officials visiting Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh carried no such documents. More importantly, Johor concluded a

lease agreement to settle the terms and conditions of its grant of Pulau
Pisang to Britain to operate the lighthouse there. Similarly specific
arrangements were made or contemplated for the construction of light-
houses on Cape Rachado and Pulau Aur (not in fact constructed) between
the Governor of the Straits Settlement and the Sultan (ibid., para. 139).

34. Compared to its very careful treatment of the management of the
lighthouse on Pulau Pisang, which in every respect sought to preserve
and manifest its sovereignty over the same, the manner in which Johor

considered the operation of the lighthouse at Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh signifies recognition of Johor/Malaysia of the sovereignty of Brit-

161qui pourraient légitimement être considérées comme des actes à titre de
souverain allant au-delà de la simple administration du phare (arrêt,

par. 274). Le rocher tout entier a été utilisé par la Grande-Bretagne
et Singapour lors de la construction du phare et d’autres installations.
En conséquence, l’administration du phare ne diffère pas de celle de l’île
elle-même et pourrait être qualifiée de conduite à titre de souverain.
Tout au long de cette période, loin de s’opposer aux activités menées par

la Grande-Bretagne et Singapour ou à l’exercice par elles de fonctions
étatiques, le Johor les a acceptées et s’y est conformé. Le silence de la
Malaisie peut donc être considéré comme une acceptation ou une recon-
naissance de la souveraineté de la Grande-Bretagne, puis de Singapour,

sur l’île.
32. Les activités de la Grande-Bretagne et de Singapour qui n’étaient
pas inhérentes à l’administration du phare et traduisaient une autorité
étatique sont nombreuses. Quelques exemples peuvent être utilement
rappelés: l’installation d’équipements militaires sur l’île entre 1976 et

1977, les activités de police et de sécurité menées par Singapour
sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et dans ses environs, le fait que le
contrôle des visites sur l’île ait été exclusivement exercé par Singapour, y
compris la délivrance d’autorisations par les autorités singapouriennes
en 1974 et 1978 aux représentants malaisiens souhaitant s’y rendre et les

enquêtes menées par les autorités singapouriennes sur les dangers pour la
navigation et les naufrages dans les eaux territoriales de la formation
(ibid., par. 275).
33. D’ailleurs, si le Johor a toujours considéré Pulau Pisang comme
une île relevant de sa souveraineté, cela n’a pas été le cas s’agissant de

Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Ainsi, il a examiné la possibilité de
contribuer financièrement à l’exploitation du phare de Pulau Pisang.
En 1952, il a même envisagé d’en reprendre l’administration à l’autorité
des Etablissements des détroits de Grande-Bretagne. Il a demandé que
soit abaissé le pavillon de la marine que le Royaume-Uni faisait flotter

sur le phare de Pulau Pisang, car il en considérait le déploiement comme
incompatible avec sa souveraineté. Les représentants de Singapour qui se
rendaient au phare de Pulau Pisang devaient être munis de titres de
voyage, ce qui n’était pas le cas des représentants de Singapour se ren-
dant sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Plus important encore, le Johor

a conclu un bail énonçant les termes et conditions de la concession sur
Pulau Pisang octroyée aux Britanniques en vue de l’administration du
phare. De même, le gouverneur des Etablissements des détroits et le sul-
tan ont conclu ou envisagé de conclure des accords spécifiques aux fins de
la construction de phares sur le cap Rachado et Pulau Aur (ce dernier

n’ayant finalement pas été construit) (ibid., par. 139).
34. Alors que le Johor a apporté une très grande attention à l’admi-
nistration du phare de Pulau Pisang — cherchant ainsi, à tous égards, à
préserver et à manifester sa souveraineté sur ladite formation —, il res-

sort de son attitude vis-à-vis de l’exploitation du phare de Pedra Branca/
Pulau Batu Puteh que le Johor/la Malaisie a admis que la Grande-

161ain/Singapore over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. First, Malaysia could
not show that there was ever a document establishing that Johor gave

permission to Britain to construct the lighthouse at Pedra Branca/Pulau
Batu Puteh. Johor did not attempt to specify conditions for the British
operation of the Horsburgh lighthouse. This is rather odd and difficult to
understand, particularly because, as the Court noted, elaborate arrange-
ments between the sovereign of the territory where a lighthouse was to be

operated and the European States governing the construction of light-
houses were quite common during that period (Judgment, para. 144).
Further, Johor did not consider it necessary to object to the flying of the
British marine ensign at Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Finally, in the

1950s, Johor authorities did not contemplate taking over the manage-
ment of the lighthouse on Pedra Branca/Pulau Batu Puteh themselves,
even when they considered seriously such a possibility in the case of the
lighthouse at Pulau Pisang.

35. In addition, that Johor did not consider itself to be the sovereign
of Pedra Branca/Pulau Batu Puteh is confirmed beyond doubt when, in
1953, in response to a specific clarification sought by Singapore, Johor/
Federated Malaysia, at the level of their acting Secretary of State,

expressly stated that Johor did not claim any ownership over Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh. Singapore specifically sought the clarification
in connection with its proposed move to declare territorial waters around
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. It also indicated that, while there was a
lease agreement with Johor setting out the conditions under which Sing-

apore was managing the lighthouse at Pulau Pisang, they did not have
any record linking the management of Pedra Branca/Pulau Batu Puteh
lighthouse and the rock itself to a similar lease or grant from Johor. The
clarification sought by Singapore was also noteworthy for its express re-
iteration of the long, peaceful and open control of Pedra Branca/Pulau

Batu Puteh for over 130 years. It also noted as a consequence that it con-
sidered itself as having acquired rights under international law over the
same. In view of this, it cannot be argued that the authorities of Johor
were only referring to ownership and not sovereignty over Pedra Branca/
Pulau Batu Puteh. It is clear that the nature of the clarification sought

and needed to be given to Singapore pertained to the sovereignty over
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Accordingly, even if they used the term
“ownership” in their reply, Johor/Federated Malaysian authorities must
be deemed to have understood the same in terms of sovereignty.

36. Johor’s categorical reply only confirmed Singapore’s sovereignty
over the rock. Accordingly, having received confirmation of their sover-
eignty and entitlement to declare territorial waters around Pedra Branca/

Pulau Batu Puteh, Singapore did not consider it necessary to take any
further action to confirm the same. It was a different matter that they did

162Bretagne/Singapour détenait la souveraineté sur cette formation. Premiè-
rement, la Malaisie n’a pas été en mesure de démontrer l’existence d’un

quelconque document établissant que le Johor avait autorisé la Grande-
Bretagne à construire le phare de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Deuxiè-
mement, le Johor n’a pas cherché à préciser les conditions de l’exploita-
tion du phare Horsburgh par les Britanniques. Cela est plutôt étrange et
difficilement compréhensible, notamment parce que, comme la Cour l’a

relevé, il était à l’époque assez fréquent que des accords fort détaillés
soient conclus entre le souverain d’un territoire où un phare devait être
exploité et les Etats européens dirigeant la construction de l’installation
en question (arrêt, par. 144). Troisièmement, le Johor n’a pas jugé néces-

saire de s’opposer au déploiement du pavillon de la marine britannique
sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Enfin, dans les années 1950, les
autorités du Johor n’ont pas envisagé d’assurer à leur tour l’administra-
tion du phare de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, alors même qu’elles
envisageaient sérieusement de le faire dans le cas de celui de Pulau

Pisang.
35. De surcroît, le fait que, en 1953, en réponse à une demande d’éclair-
cissements de Singapour, le Johor/les Etats malais fédérés aient, par la
voix de leur secrétaire d’Etat par intérim, expressément indiqué qu’ils ne
revendiquaient nullement la propriété de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh

confirme incontestablement qu’ils ne se considéraient pas comme le sou-
verain de cette formation. Or, si Singapour a demandé ces éclaircisse-
ments, c’est précisément parce qu’elle envisageait de déclarer les eaux ter-
ritoriales situées autour de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Singapour a
également indiqué que, s’il existait bien un bail conclu avec le Johor énon-

çant les conditions aux termes desquelles elle administrait le phare de
Pulau Pisang, rien dans ses archives ne liait l’administration du phare de
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et le rocher lui-même à un bail ou à une
concession similaire du Johor. La demande d’éclaircissements formulée
par Singapour doit également retenir l’attention en ce qu’il y est expres-

sément rappelé que Singapour a exercé un contrôle pacifique et public sur
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh durant plus de cent trente ans. Singapour
a d’ailleurs indiqué qu’elle considérait dès lors, en vertu du droit interna-
tional, avoir acquis des droits sur cette formation. L’on ne saurait donc
soutenir que les autorités du Johor se référaient uniquement à la propriété

de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et non à la souveraineté sur cette for-
mation. Il apparaît clairement que les nécessaires éclaircissements deman-
dés par Singapour avaient trait à la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau
Batu Puteh. En conséquence, même si, dans leur réponse, les autorités du
Johor/des Etats malais fédérés ont employé le terme «propriété», il

convient de considérer qu’elles voulaient parler de souveraineté.
36. La réponse catégorique du Johor n’a fait que confirmer la souve-
raineté de Singapour sur le rocher et, partant, son droit de déclarer des
eaux territoriales autour de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Aussi Sin-

gapour n’a-t-elle pas jugé nécessaire d’effectuer un nouvel acte afin de les
confirmer de nouveau. Le fait qu’elle n’ait pris aucune mesure quant à

162not take any action on the matter of declaration of territorial waters
around Pedra Branca/Pulau Batu Puteh for reasons of State policy

(noted in paragraph 225 of the Judgment).
37. The chain of events as noted above, and the long, open and peace-
ful display of State authority of Singapore over Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh for over 100 years in the absence of any challenge or protest or
counter-claim of sovereignty by Johor or Malaysia, clearly and unmis-

takably lead us to the conclusion that effectivités of Singapore, being
superior and unchallenged, prevail over any inchoate title Johor might
have had as of 1847.

38. Singapore was correct when it did not consider it necessary to
invoke prescription as the root of its title because its possession of Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh in 1847 was regarded by it as “lawful”. In any
case, Britain’s possession of Pedra Branca/Pulau Batu Puteh in 1847 was
not “adverse”, inasmuch as Johor had only an inchoate title which was

not perfected. Johor/Malaysia, during this long period of 130 or more
years, did not consider it necessary to have that inchoate title perfected.
This conduct or lack of action on the part of Johor, particularly in the
face of the sustained bid on the part of Britain to exhibit, gradually over
a period of time, sovereignty over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, is

material and leaves Johor without any basis to maintain the claim of
original title. The inaction and omissions of Johor in this case are similar
to the case of Spain which “lost her title to the Island of Palmas — if she
ever had it — through not sufficiently manifesting her title in the face of
growing competition from the Netherlands” (see D. H. N. Johnson,

“Consolidation as a Root of Title in International Law”, Cambridge Law
Journal, 1955, p. 225). Again, the conduct of Johor and Malaysia is in
direct contrast to the immediate steps France took to assert her title over
the Clipperton Island as soon as it was challenged in 1897, although it
did not display sovereignty over the island for over 40 years after acquir-

ing it by discovery in 1858 (ibid., p. 225).

39. Nevertheless, as Malaysia based its case on the existence of the

original title which, in the view of the Court, Johor had, the totality of
evidence considered by the Court in this case revolved around, as noted
by a commentator referring to the main message of the Court in the Min-
quiers and Ecrehos case, “the importance of effective possession, as
opposed to an abstract title,” (ibid., p. 221). The Court in that case noted

that

“any definitive conclusion as to the sovereignty over the Ecrehos and
the Minquiers . . . must ultimately depend on the evidence which

relates directly to the possession of these groups”( inquiers and Ecre-
hos (France/United Kingdom), Judgment, I.C.J. Reports 1953 , p. 55).

163la déclaration des eaux territoriales autour de Pedra Branca pour des
raisons d’imperium étatique est une chose différente (point relevé au

paragraphe 225 de l’arrêt).
37. La suite d’événements rappelée ci-dessus ainsi que le fait que Sin-
gapour ait manifesté son autorité étatique durant plus de cent ans, publi-
quement et pacifiquement, sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh sans que
cela suscite de contestation, de protestation ou de revendication de

souveraineté concurrente de la part du Johor ou de la Malaisie nous
conduit à conclure clairement et sans risque d’erreur que les effectivités
de Singapour, lesquelles sont supérieures et incontestées, prévalent sur
toute ébauche de titre que le Johor aurait pu détenir depuis 1847.

38. Singapour avait raison d’estimer qu’il n’était pas nécessaire d’invo-
quer la prescription comme origine de son titre, sachant que, en 1847, elle
considérait qu’elle possédait «légalement» Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh. En tout état de cause, la possession de Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh par la Grande-Bretagne en 1847 n’était pas «de mauvaise foi»,

puisque le Johor ne détenait qu’une ébauche de titre qui n’avait pas été
confirmée. Au cours de cette longue période, qui dura cent trente ans
voire plus, le Johor/la Malaisie ne jugea pas nécessaire de parfaire son
titre. Ce comportement ou cette absence de mesures prises par le Johor,
notamment par opposition aux tentatives constantes de la Grande-Bre-

tagne pour démontrer progressivement, au fil du temps, sa souveraineté
sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, sont pertinents, et il en résulte que la
thèse selon laquelle le Johor détenait un titre originaire est dépourvue de
fondement. En la présente affaire, l’inaction et les omissions du Johor
sont comparables à celles de l’Espagne, qui «avait perdu son titre sur l’île

de Palmas — si tant est qu’elle l’ait jamais détenu — en ne le manifestant
pas suffisamment face à la concurrence grandissante des Pays-Bas» (voir
D. H. N. Johnson, «Consolidation as a Root of Title in International
Law», Cambridge Law Journal, 1955, p. 225). Là encore, le contraste est
saisissant entre la conduite du Johor et de la Malaisie et celle de la

France, laquelle prit des mesures immédiates afin de confirmer son titre
sur l’île Clipperton dès qu’il fut contesté en 1897 et ce, bien qu’elle n’ait
pas manifesté sa souveraineté sur l’île pendant près de quarante ans après
l’avoir acquise par découverte en 1858 (ibid., p. 225).
39. La Malaisie ayant néanmoins fondé son argumentation sur l’exis-

tence du titre originaire qui, selon la Cour, était détenu par le Johor,
l’intégralité des éléments de preuve examinés par la Cour en la présente
affaire se rapportaient, ainsi que l’a indiqué un auteur, renvoyant à
l’enseignement principal de l’affaire des Minquiers et Ecréhous —, à
«l’importance de la possession effective, par opposition à un titre abs-

trait» (ibid., p. 221). En cette affaire, la Cour avait indiqué que

«une conclusion définitive quant à la souveraineté sur les Ecréhous
et les Minquiers ... d[evait] dépendre en dernière analyse de preuves

se référant directement à la possession de ces groupes» (Minquiers et
Ecréhous (France/Royaume-Uni), arrêt, C.I.J. Recueil 1953 , p. 55).

163Applying this yardstick, Singapore could be said to have consolidated its

title through maintenance or manifestation of sovereignty. Through its
effective possession and active display of sovereignty, Singapore thus not
only acquired the title over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh but main-
tained it without any interruption. This is the conclusion the Court
reached, according to which by 1980 sovereignty over Pedra Branca/Pu-

lau Batu Puteh had passed on to Singapore (Judgment, paras. 276 and
277).
40. Given my view that Singapore had sovereignty over Pedra Branca/
Pulau Batu Puteh which it acquired during a course of time after it took

possession in 1847 and maintained it without any interruption, and that
at no stage Johor had any real original title to it, I disagree with the con-
clusion of the Court that sovereignty over Middle Rocks belongs to
Malaysia. The Court’s view is entirely based on the finding that Johor

had original title to Middle Rocks which it did not lose. If I did not find
enough evidence to hold that Johor ever had original title over Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh, I find no evidence whatsoever to hold that
Johor and hence Malaysia had such a title over Middle Rocks, which lies

within 200 m from Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. The Parties did not
adduce any evidence on their conduct relative to Middle Rocks or South
Ledge, compared to the evidence they submitted to establish their titles
over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. In comparison to Middle Rocks,

South Ledge is a low-tide elevation. It is within 2.4 nautical miles from
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Accordingly, as they lie within the
former customary 3-mile limit of the territorial waters of Pedra Branca/
Pulau Batu Puteh, and as Singapore has exercised sovereign authority
over the waters surrounding Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, in my view,

it has sovereignty over both Middle Rocks and South Ledge.

41. In spite of the above, I have no objection to the conclusion of the
Court that sovereignty over South Ledge need not be decided outright
here and now. The same could be settled as part of the delimitation of

territorial sea limits among concerned States, possibly Singapore, Malay-
sia and Indonesia, which appear to have overlapping territorial sea of 12
nautical miles each in the area.

(Signed) Pemmaraju S REENIVASA R AO.

164A l’aune de ce critère, on peut considérer que Singapour a consolidé son
titre en conservant ou en manifestant sa souveraineté. Par sa possession

effective et la manifestation active de sa souveraineté, Singapour a donc
non seulement acquis le titre sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh mais l’a
conservé sans solution de continuité. Telle est la conclusion à laquelle la
Cour est parvenue, conclusion selon laquelle la souveraineté sur Pedra

Branca/Pulau Batu Puteh est passée, en 1980, à Singapour (arrêt, par. 276
et 277).
40. Etant donné que Singapour détenait, selon moi, la souveraineté
sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, souveraineté qu’elle a acquise au
cours de la période qui a suivi la prise de possession de cette formation

en 1847 et qu’elle a conservée de manière ininterrompue — sachant qu’à
aucun moment le Johor n’a réellement détenu un titre originaire sur cette
formation —, je ne souscris pas à la conclusion de la Cour selon laquelle
la souveraineté sur Middle Rocks appartient à la Malaisie. L’opinion de

la Cour repose entièrement sur la conclusion selon laquelle le Johor déte-
nait le titre originaire sur Middle Rocks, titre qu’il n’aurait pas perdu.
Dès lors qu’il n’existe, selon moi, pas suffisamment d’éléments de preuve
démontrant que le Johor ait jamais détenu un titre originaire sur Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh, aucun élément de preuve n’atteste que le

Johor, et, partant, la Malaisie, ait détenu un tel titre sur Middle Rocks,
formation située à moins de 200 milles marins de Pedra Branca/Pulau
Batu Puteh. Si les Parties ont présenté des éléments de preuve aux fins
d’établir leurs titres sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, elles n’en ont

apporté aucun qui ait trait à leur conduite relativement à Middle Rocks
ou South Ledge. Contrairement à Middle Rocks, South Ledge est un
haut-fond découvrant. Il est situé à moins de 2,4 milles marins de Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh. Ces formations étant situées à l’intérieur de
l’ancienne limite coutumière de 3 milles des eaux territoriales de Pedra

Branca/Pulau Batu Puteh, et Singapour ayant exercé son autorité souve-
raine sur les eaux entourant Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, elle a, selon
moi, souveraineté et sur Middle Rocks et sur South Ledge.
41. En dépit de ce qui précède, je n’ai aucune objection à formuler à

l’égard de la conclusion de la Cour selon laquelle la question de la sou-
veraineté sur South Ledge n’a pas à être tranchée dès à présent. Elle
pourra l’être lors de la délimitation des mers territoriales des Etats
concernés, à savoir probablement Singapour, la Malaisie et l’Indonésie,
dont les mers territoriales de 12 milles marins semblent se chevaucher

dans cette zone.

(Signé) Pemmaraju S REENIVASA RAO .

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Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Sreenivasa Rao

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