Déclaration de M. le juge ad hoc Mahiou

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103-20070524-JUD-01-01-EN
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619

DEuCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC MAHIOU

1. Pour répondre aux exceptions préliminaires invoquées par la RDC
tendant à soutenir que la requête guinéenne serait irrecevable, la Cour

commence par identifier les trois catégories de droits dont la Guinée veut
assurer la protection en recourant à la protection diplomatique et qui
sont les suivants: ceux de M. Diallo en tant qu’individu, ses droits
propres d’associé dans les deux sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-
Zaïre et, enfin, les droits desdites sociétés. S’agissant, d’une part, de

l’atteinte aux droits personnels de M. Diallo, résultant notamment de son
arrestation et de son expulsion ainsi que des mauvais traitements subis et,
d’autre part, de l’atteinte à ses droits propres d’associé, je souscris plei-
nement aux conclusions de la Cour selon lesquelles la Guinée a qualité
pour agir, qu’elle a satisfait à la règle de l’épuisement des recours internes
et qu’elle peut donc prendre fait et cause en faveur de son ressortissant

pour la protection de ces deux catégories de droits.
2. J’ajouterai cependant une brève observation concernant les droits
propres d’associé de M. Diallo pour relever que la Cour a ainsi confirmé
et explicité la position qu’elle avait prise précédemment dans l’affaire de
la Barcelona Traction ; en effet, dans l’arrêt du 15 février 1970, la Cour
avait introduit une distinction entre les droits de la société et les droits

propres des actionnaires en déclarant:

«La situation est différente si les actes incriminés sont dirigés
contre les droits propres des actionnaires en tant que tels. Il est bien
connu que le droit interne leur confère des droits distincts de ceux de

la société... S’il est porté atteinte à l’un de leurs droits propres, les
actionnaires ont un droit de recours indépendant.» (Barcelona Trac-
tion, Light and Power Company, Limited (Belgique c. Espagne),
deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1970 , p. 36, par. 47.)

Il y a donc un droit de recours propre reconnu en faveur de l’actionnaire,
indépendamment de celui ouvert à la société; il en découle en même
temps la possibilité de mise en Œuvre de la protection diplomatique par
l’Etat dont l’actionnaire est le ressortissant en cas d’atteinte à ses droits
propres, quelle que soit la nationalité de la société en cause. Ce droit fait

désormais partie des règles du droit international coutumier puisque tout
Etat est en droit d’exercer sa protection diplomatique en cas de violation
des droits de son ressortissant, et l’article 12 du projet d’articles de la
Commission du droit international (CDI) sur la protection diplomatique,
adopté en 2006, ne fait que confirmer cette règle en disposant ce qui suit:

41620 AHMADOU SADIO DIALLO (DÉCL .MAHIOU )

«Dans la mesure où un fait internationalement illicite d’un Etat
porte directement atteinte aux droits des actionnaires en tant que
tels, droits qui sont distincts de ceux de la société, l’Etat de nationa-
lité desdits actionnaires est en droit d’exercer sa protection diploma-

tique à leur profit.» (Nations Unies, Documents officiels de l’Assem-
blée générale, doc. A/61/10, rapport de la Commission du droit
international, cinquante-huitième session, supplément n 10, p. 67.)

3. S’agissant des droits des sociétés dont M. Diallo est l’unique action-
naire et propriétaire, tout en souscrivant aux prémisses du raisonnement

retenu par la Cour, je ne suis pas en mesure de souscrire à la conclusion
à laquelle elle parvient. En effet, la Cour prend comme point de départ de
son raisonnement la position adoptée à propos de ce problème dans
l’affaire précitée de la Barcelona Traction ; après avoir énoncé la solution
de principe selon laquelle les droits d’une société ne peuvent être protégés

que par l’Etat dont elle a la nationalité et non par l’Etat ou les Etats des
actionnaires, la Cour évoque une éventuelle exception en disant ce qui
suit:

«Certes on a soutenu que, pour des raisons d’équité, un Etat
devrait pouvoir assumer dans certains cas la protection de ses res-

sortissants actionnaires d’une société victime d’une violation du
droit international. Ainsi, une thèse s’est développée selon laquelle
l’Etat des actionnaires aurait le droit d’exercer sa protection diplo-
matique lorsque l’Etat dont la responsabilité est en cause est l’Etat
national de la société. Quelle que soit la validité de cette thèse, elle ne

saurait aucunement être appliquée à la présente affaire, puisque
l’Espagne n’est pas l’Etat national de la Barcelona Traction.» (Bar-
celona Traction, Light and Power Company, Limited (Belgique
c. Espagne), deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1970 ,p .,

par. 92.)

4. Il s’agit donc d’une «thèse» que la Cour s’est limitée à évoquer,
mais sans la discuter ni à fortiori la trancher, car les circonstances de
l’affaire de la Barcelona Traction ne s’y prêtaient pas; en effet, on était en
présence d’une relation triangulaire mettant en cause trois Etats: l’Es-
pagne en tant que pays d’accueil de la société, le Canada en tant que pays

de la nationalité de la société et la Belgique en tant que pays de la natio-
nalité des actionnaires de la société. On sait qu’une autre occasion s’était
présentée devant la Chambre de la Cour avec l’affaire Elettronica Sicula
S.p.A. (ELSI) (Etats-Unis d’Amérique c. Italie) puisque, cette fois, on

était bien en présence d’une société italienne dont les actionnaires améri-
cains se plaignaient de mesures prises par les autorités italiennes contre
cette société. Toutefois, la Chambre de la Cour a statué et résolu le pro-
blème sans avoir eu à s’interroger sur le débat évoqué en 1970 et il est
tout à fait frappant de constater que la Chambre a passé sous silence

l’affaire de la Barcelona Traction tout au long de l’arrêt du 20 juillet 1989;

42621 AHMADOU SADIO DIALLO (DÉCL .MAHIOU )

ce silence peut paraître étonnant, même s’il est vrai qu’il peut s’expliquer

par le fait que, d’une part, le problème n’a pas été posé clairement devant
la Chambre par la Partie défenderesse, qui n’a pas soulevé la question du
jus standi des Etats-Unis, et, d’autre part, la solution a trouvé son fon-
dement dans le cadre des accords bilatéraux conclus entre l’Italie et les
Etats-Unis en matière de protection des investissements, sans qu’il y ait

lieu de s’interroger outre mesure sur d’autres aspects, notamment le point
de savoir s’il y avait une règle de droit international coutumier pouvant
justifier la protection des actionnaires dans un tel cas.

5. Voilà que la Cour est à nouveau invitée, avec la présente affaire, à

se pencher sur le même problème pour compléter sa jurisprudence et
apporter les clarifications utiles sur cette question de la protection diplo-
matique des actionnaires. Il est vrai que, entre-temps, la question a mûri
en raison de l’apport de la doctrine, de la pratique des Etats, des conven-

tions internationales bilatérales ou multilatérales, de la jurisprudence des
tribunaux internationaux. Pour autant, la solution n’est pas encore claire
et l’on aurait attendu de la Cour qu’elle tranche la question de savoir s’il
existe une règle coutumière en la matière. La Cour n’a pas répondu à
cette attente parce qu’elle constate qu’il n’y a pas d’éléments suffisam-

ment convaincants pour tirer une conclusion claire et ferme; cette posi-
tion est sans doute trop prudente, mais elle peut se comprendre dans la
mesure où la Cour n’entend pas faire Œuvre de législateur, surtout que la
question est en débat devant les Etats depuis qu’ils sont saisis du projet
d’articles de la CDI sur la protection diplomatique. Il incombe aux Etats

d’indiquer la solution à retenir sur la base des propositions de la CDI et
plus précisément de l’article 11 du projet précité qui dispose:
«Un Etat de nationalité des actionnaires d’une société ne peut

exercer sa protection diplomatique à l’égard desdits actionnaires
lorsqu’un préjudice est causé à la société que:
a) si la société a cessé d’exister d’après la loi de l’Etat où elle s’est
constituée pour un motif sans rapport avec le préjudice; ou

b) si la société avait, à la date du préjudice, la nationalité de l’Etat
qui est réputé en être responsable et si sa constitution dans cet
Etat était une condition exigée par ce dernier pour qu’elle puisse
exercer ses activités dans le même Etat.» (Rapport précité, p. 59.)

6. Si une telle solution est retenue, elle me semble tenir compte d’un
équilibre entre la protection légitime des actionnaires et le souci de ne pas
remettre en cause le régime classique de la protection diplomatique; elle

s’efforce d’identifier les conditions permettant de faire prévaloir une
exception dans ce régime sans cependant aboutir à une ingérence abusive
dans les relations entre un Etat et des sociétés ayant sa nationalité et rele-
vant normalement de sa pleine juridiction. Explicitant et développant le
raisonnement esquissé par la Cour en 1970, la CDI pense qu’il y a une

exception possible à condition que sa mise en Œuvre soit subordonnée à
des restrictions afin de ne pas ouvrir la voie à des réclamations excessives

43622 AHMADOU SADIO DIALLO (DÉCL .MAHIOU )

ou abusives de nature à créer des désordres dans les relations écono-

miques internationales; ces conditions sont au nombre de deux et tiennent
respectivement à une exigence de nationalité et à une exigence statutaire.
7. D’une part, la société visée par le préjudice doit avoir la nationalité
de l’Etat qui a pris les mesures préjudiciables; dans une telle situation, la
protection diplomatique n’existe plus puisque:

— d’un côté, l’Etat national de la société ne va pas l’exercer contre lui-

même, car on se trouve alors dans la situation décrite par le juge
Tanaka en 1970 dans son opinion individuelle où «il est impossible,
en fait comme en droit, de compter que l’Etat national de la société
protégera les actionnaires» (C.I.J. Recueil 1970, p. 134);

— et de l’autre, aucun autre Etat ne peut prendre fait et cause pour
ladite société faute d’un lien de nationalité.

Dès lors, si l’on veut offrir aux actionnaires étrangers un minimum de
protection, la seule issue possible est de leur reconnaître le bénéfice de la
protection diplomatique de l’Etat dont ils ont la nationalité. Une telle

solution, très controversée il y a quelques années, l’est moins aujourd’hui
du fait de l’évolution à laquelle on a fait allusion et surtout du climat
beaucoup plus favorable à l’encouragement des investissements étrangers.
8. D’autre part, la constitution de la société dans cet Etat est requise
pour qu’elle puisse exercer ses activités; si la société n’a plus le choix pour

l’implantation de son siège social, cette contrainte, qui empêche le jeu
normal de la protection diplomatique en faveur de la société par un autre
Etat, ne doit pas priver les actionnaires étrangers de celle-ci de toute pro-
tection; ceux-ci doivent pouvoir défendre leurs droits et donc bénéficier
éventuellement du droit à la protection diplomatique de l’Etat dont ils

sont les ressortissants. Il apparaît ainsi qu’il ne s’agit pas de défendre tout
actionnaire de n’importe quelle société, mais de voir les circonstances
dans lesquelles l’exception se justifie et où les conditions requises pour
son invocation sont raisonnables et convaincantes; dans de telles circons-
tances et conditions, la protection des droits de l’actionnaire se justifie en

tant que dernier recours, ainsi que le relève la Cour dans le paragraphe 88
de l’arrêt.
La Cour estime que la présente affaire relève de la seconde exception
prévue à l’alinéa b) de l’article 11 du projet d’articles de la CDI que les
commentaires de la Commission éclairent de façon succincte mais suffi-

sante pour en justifier le fondement; elle déclare dans le paragraphe 88 de
l’arrêt:

«La théorie de la protection diplomatique par substitution vise en
effet à offrir une protection aux actionnaires étrangers d’une société
qui ne pourraient pas invoquer le bénéfice d’un accord international,
et auxquels aucun autre recours ne serait ouvert, dans la mesure où

les actes prétendument illicites auraient été commis à l’encontre de la
société par l’Etat de la nationalité de celle-ci.»

44623 AHMADOU SADIO DIALLO (DÉCL .MAHIOU )

9. Cependant, tout en se référant à cette théorie de la protection diplo-
matique, la Cour considère qu’elle ne s’applique pas en l’espèce, rejoi-
gnant ainsi la solution de l’affaire de la Barcelona Traction mais sur un
autre fondement. En effet, après avoir constaté que la première condition

est satisfaite — puisque les deux sociétés en cause ont bien la nationalité
de l’Etat congolais, auteur des actes illicites —, elle estime que la seconde
condition n’est pas satisfaite, puisque cette nationalité résulte d’un libre
choix de leur propriétaire et non d’une exigence du droit local pour que la
protection diplomatique puisse être invoquée. Certes, le choix de la natio-

nalité congolaise a été fait par M. Diallo, mais il apparaît hâtif et contes-
table de conclure que c’est un libre choix comme le fait la Cour dans les
paragraphes 92 et 93 de l’arrêt.
10. La liberté de choix est plus une apparence qu’une réalité lorsque
l’on analyse le droit congolais. Selon l’ordonnance-loi n 66-341 du 7 juin

1966, toute entreprise dont l’activité principale se situe au Congo était
tenue d’avoir son siège administratif et social dans ce pays. Bien que l’or-
donnance-loi semble distinguer le siège administratif (art. 1) du siège
social, elle finit par les confondre (art. 2-3) et elle impose finalement

d’avoir à la fois le siège administratif et social au Congo dès lors que le
«principal siège d’exploitation est situé au Congo» (art. 1). Etant donné
que le principal — et l’on peut même dire l’unique — siège d’exploitation
des deux sociétés de M. Diallo est effectivement situé au Congo, cela
signifie obligatoirement leur établissement et leur incorporation dans ce

pays. Elles n’avaient pas le choix car, à défaut d’une telle incorporation,
«elles seront rayées d’office du registre du commerce» (art. 2, al. 2)), ce
qui les empêcherait d’exister ou d’avoir des activités au Congo. Par
conséquent, en raison de cette situation de fait et de droit, il semble bien
que, dans cette affaire, on se situe dans la perspective de l’alinéa b) de

l’article 11 du projet de la CDI correspondant à la situation où il serait
légitime que le droit à la protection diplomatique de l’Etat de nationalité
des actionnaires puisse jouer lorsque des mesures préjudiciables ont été
prises par l’Etat contre la société ayant sa nationalité. C’est pourquoi,

tout en souscrivant à la démarche de la Cour, je ne peux cependant sous-
crire ni à l’interprétation qu’elle donne de la législation congolaise ni, par
voie de conséquence, à la conclusion finale qu’elle retient sur cette base à
l’alinéa b) du paragraphe 1 et à l’alinéa c) du paragraphe 3 du dispositif.

11. Je voudrais maintenant aborder un autre aspect du problème
apparu en raison des développements nouveaux depuis la fin de la pro-
cédure orale. Alors que l’affaire semblait relever du seul alinéa b) de
l’article 11 du projet de la CDI, l’affaire pourrait relever également de

l’alinéa a) de l’article 11, dans la mesure où l’une des deux sociétés
de M. Diallo — la société Africom-Zaïre — aurait disparu du fait des
autorités congolaises qui l’auraient radiée du registre des sociétés établies
dans ce pays.
12. Dans le paragraphe 22, l’arrêt relève, en se basant sur la lettre du

31 janvier 2007 de la RDC relative à la société Africom-Zaïre, que celle-ci

45624 AHMADOU SADIO DIALLO (DÉCL .MAHIOU )

aurait «cessé toutes ses activités depuis le milieu des années quatre-
vingt», ce qui aurait mené à la radiation automatique de son immatricu-
lation au registre de commerce. Il s’agit là d’un élément nouveau — sur-
venu depuis la fin de la procédure orale concernant les exceptions

préliminaires — susceptible d’avoir des conséquences directes sur le dérou-
lement de la présente instance qu’il conviendrait d’envisager. Le para-
graphe 59 de l’arrêt fait allusion au problème mais d’une manière qui ne
m’apparaît pas satisfaisante; il ne suffit pas, à mon avis, pour réserver
toutes les implications à venir et surtout il convient de veiller à ce que la

décision de la Cour sur les exceptions préliminaires n’empêche pas le
demandeur de soulever le problème lorsque l’affaire sera examinée au
fond. En effet, si la disparition d’Africom-Zaïre devait se confirmer, cela
créerait une situation où il n’y aurait plus de possibilité pour cette société
de faire valoir directement ses droits par elle-même et de défendre ainsi

les droits et intérêts de son actionnaire unique. Cette impossibilité défi-
nitive de toute action par l’intermédiaire de la société priverait ainsi son
actionnaire unique de tout recours si on lui refusait le jeu de la protection
diplomatique par la Guinée; on se trouverait alors devant une solution

injuste contraire non seulement à l’équité, mais aussi aux principes fon-
damentaux régissant les droits de la défense et les droits de l’homme. Ce
problème a préoccupé la Cour, la Commission du droit international et la
doctrine.
13. Dans l’affaire de la Barcelona Traction, la Cour l’évoque très

expressément en tant que première exception à la règle classique de la
protection diplomatique dans les paragraphes 64 à 68 (C.I.J. Recueil 1970,
p. 40-41). Certes, elle conclut dans cette affaire que la société n’a pas dis-
paru et, de ce fait, cette exception n’était pas pertinente en l’espèce. Tou-
tefois, on peut inférer du raisonnement de la Cour que, si l’hypothèse de

la disparition avait été établie, elle se serait prononcée sans aucun doute
en faveur du jeu de l’exception. C’est la solution retenue dans l’alinéa a)
de l’article 11 précité du projet de la CDI qui en fait la première exception
à la règle générale de la protection diplomatique permettant à l’Etat

national de l’actionnaire d’agir «[s]i la société a cessé d’exister d’après la
loi de l’Etat où elle s’est constituée». Une telle solution, déjà défendue
dans le passé par une partie de la doctrine, semble maintenant très lar-
gement partagée depuis l’affaire de la Barcelona Traction. En conclusion,
il me semble que la Cour aurait dû dire plus nettement et plus clairement,

dans le présent arrêt, qu’elle réservait expressément la situation pouvant
résulter de la confirmation d’une disparition de la société Africom-Zaïre
avec les conséquences susceptibles d’en découler pour la suite de la pro-
cédure.

(Signé) Ahmed M AHIOU .

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Bilingual Content

619

DEuCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC MAHIOU

1. Pour répondre aux exceptions préliminaires invoquées par la RDC
tendant à soutenir que la requête guinéenne serait irrecevable, la Cour

commence par identifier les trois catégories de droits dont la Guinée veut
assurer la protection en recourant à la protection diplomatique et qui
sont les suivants: ceux de M. Diallo en tant qu’individu, ses droits
propres d’associé dans les deux sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-
Zaïre et, enfin, les droits desdites sociétés. S’agissant, d’une part, de

l’atteinte aux droits personnels de M. Diallo, résultant notamment de son
arrestation et de son expulsion ainsi que des mauvais traitements subis et,
d’autre part, de l’atteinte à ses droits propres d’associé, je souscris plei-
nement aux conclusions de la Cour selon lesquelles la Guinée a qualité
pour agir, qu’elle a satisfait à la règle de l’épuisement des recours internes
et qu’elle peut donc prendre fait et cause en faveur de son ressortissant

pour la protection de ces deux catégories de droits.
2. J’ajouterai cependant une brève observation concernant les droits
propres d’associé de M. Diallo pour relever que la Cour a ainsi confirmé
et explicité la position qu’elle avait prise précédemment dans l’affaire de
la Barcelona Traction ; en effet, dans l’arrêt du 15 février 1970, la Cour
avait introduit une distinction entre les droits de la société et les droits

propres des actionnaires en déclarant:

«La situation est différente si les actes incriminés sont dirigés
contre les droits propres des actionnaires en tant que tels. Il est bien
connu que le droit interne leur confère des droits distincts de ceux de

la société... S’il est porté atteinte à l’un de leurs droits propres, les
actionnaires ont un droit de recours indépendant.» (Barcelona Trac-
tion, Light and Power Company, Limited (Belgique c. Espagne),
deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1970 , p. 36, par. 47.)

Il y a donc un droit de recours propre reconnu en faveur de l’actionnaire,
indépendamment de celui ouvert à la société; il en découle en même
temps la possibilité de mise en Œuvre de la protection diplomatique par
l’Etat dont l’actionnaire est le ressortissant en cas d’atteinte à ses droits
propres, quelle que soit la nationalité de la société en cause. Ce droit fait

désormais partie des règles du droit international coutumier puisque tout
Etat est en droit d’exercer sa protection diplomatique en cas de violation
des droits de son ressortissant, et l’article 12 du projet d’articles de la
Commission du droit international (CDI) sur la protection diplomatique,
adopté en 2006, ne fait que confirmer cette règle en disposant ce qui suit:

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DECLARATION OF JUDGE AD HOC MAHIOU

[Translation]

1. In replying to the preliminary objections raised by the DRC seeking
to assert that Guinea’s Application is inadmissible, the Court begins by

identifying the three categories of rights whose protection Guinea wishes
to ensure by resorting to diplomatic protection and which are as follows:
the rights of Mr. Diallo as an individual, his direct rights as associé in the
two companies Africom-Zaire and Africontainers-Zaire and, lastly, the
rights of those companies. As regards the prejudice to Mr. Diallo’s per-

sonal rights arising among other things from his arrest and expulsion and
also the mistreatment suffered and the prejudice to his direct rights as
associé, I fully endorse the Court’s conclusions that Guinea has standing,
that it has satisfied the rule of the exhaustion of local remedies and that
it can therefore take up the case of its national for the protection of these
two categories of rights.

2. However, I shall add a brief comment on Mr. Diallo’s direct rights
as associé in order to point out that the Court has thus confirmed and
clarified the position it had previously adopted in the Barcelona Traction
case; indeed, in the Judgment of 15 February 1970, the Court introduced
a distinction between the rights of the company and the direct rights of

the shareholders by stating:

“The situation is different if the act complained of is aimed at the
direct rights of the shareholder as such. It is well known that there
are rights which municipal law confers upon the latter distinct from

those of the company... Whenever one of his direct rights is
infringed, the shareholder has an independent right of action.” (Bar-
celona Traction, Light and Power Company, Limited (Belgium v.
Spain), Second Phase, Judgment, I.C.J. Reports 1970 ,p .36
para. 47.)

The shareholder’s own right of recourse is thus recognized, independently
of that of the company; this also means that it is possible for the State
whose shareholder is a national to resort to diplomatic protection when
that national has suffered prejudice to his direct rights, regardless of the
nationality of the company concerned. This right now forms part of the

rules of customary international law, since every State is entitled to exer-
cise its diplomatic protection in the event of the violation of the rights of
its national, and Article 12 of the draft Articles of the International Law
Commission (ILC) on Diplomatic Protection, adopted in 2006, merely
confirms this rule by stating that:

41620 AHMADOU SADIO DIALLO (DÉCL .MAHIOU )

«Dans la mesure où un fait internationalement illicite d’un Etat
porte directement atteinte aux droits des actionnaires en tant que
tels, droits qui sont distincts de ceux de la société, l’Etat de nationa-
lité desdits actionnaires est en droit d’exercer sa protection diploma-

tique à leur profit.» (Nations Unies, Documents officiels de l’Assem-
blée générale, doc. A/61/10, rapport de la Commission du droit
international, cinquante-huitième session, supplément n 10, p. 67.)

3. S’agissant des droits des sociétés dont M. Diallo est l’unique action-
naire et propriétaire, tout en souscrivant aux prémisses du raisonnement

retenu par la Cour, je ne suis pas en mesure de souscrire à la conclusion
à laquelle elle parvient. En effet, la Cour prend comme point de départ de
son raisonnement la position adoptée à propos de ce problème dans
l’affaire précitée de la Barcelona Traction ; après avoir énoncé la solution
de principe selon laquelle les droits d’une société ne peuvent être protégés

que par l’Etat dont elle a la nationalité et non par l’Etat ou les Etats des
actionnaires, la Cour évoque une éventuelle exception en disant ce qui
suit:

«Certes on a soutenu que, pour des raisons d’équité, un Etat
devrait pouvoir assumer dans certains cas la protection de ses res-

sortissants actionnaires d’une société victime d’une violation du
droit international. Ainsi, une thèse s’est développée selon laquelle
l’Etat des actionnaires aurait le droit d’exercer sa protection diplo-
matique lorsque l’Etat dont la responsabilité est en cause est l’Etat
national de la société. Quelle que soit la validité de cette thèse, elle ne

saurait aucunement être appliquée à la présente affaire, puisque
l’Espagne n’est pas l’Etat national de la Barcelona Traction.» (Bar-
celona Traction, Light and Power Company, Limited (Belgique
c. Espagne), deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1970 ,p .,

par. 92.)

4. Il s’agit donc d’une «thèse» que la Cour s’est limitée à évoquer,
mais sans la discuter ni à fortiori la trancher, car les circonstances de
l’affaire de la Barcelona Traction ne s’y prêtaient pas; en effet, on était en
présence d’une relation triangulaire mettant en cause trois Etats: l’Es-
pagne en tant que pays d’accueil de la société, le Canada en tant que pays

de la nationalité de la société et la Belgique en tant que pays de la natio-
nalité des actionnaires de la société. On sait qu’une autre occasion s’était
présentée devant la Chambre de la Cour avec l’affaire Elettronica Sicula
S.p.A. (ELSI) (Etats-Unis d’Amérique c. Italie) puisque, cette fois, on

était bien en présence d’une société italienne dont les actionnaires améri-
cains se plaignaient de mesures prises par les autorités italiennes contre
cette société. Toutefois, la Chambre de la Cour a statué et résolu le pro-
blème sans avoir eu à s’interroger sur le débat évoqué en 1970 et il est
tout à fait frappant de constater que la Chambre a passé sous silence

l’affaire de la Barcelona Traction tout au long de l’arrêt du 20 juillet 1989;

42 AHMADOU SADIO DIALLO (DECL .MAHIOU ) 620

“To the extent that an internationally wrongful act of a State

causes direct injury to the rights of shareholders as such, as distinct
from those of the corporation itself, the State of nationality of any
such shareholders is entitled to exercise diplomatic protection in
respect of its nationals.” (United Nations, Official Records of the
General Assembly, Sixty-first Session, Supplement No. 10 (A/61/10),

Report of the International Law Commission on the work of its
Fifty-eighth Session, p. 66.)

3. As regards the rights of the companies of which Mr. Diallo is the
sole shareholder and owner, while sharing the premises in the arguments
adopted by the Court, I am unable to endorse the conclusion it reaches.
Indeed, as the starting-point of its reasoning, the Court takes the position

adopted on this problem in the Barcelona Traction case cited above;
after setting out the solution of principle, according to which the rights of
a company can only be protected by a State of its nationality and not by
the State or States of the shareholders, the Court instances a possible

exception by saying that:

“It is quite true that it has been maintained that, for reasons of
equity, a State should be able, in certain cases, to take up the protec-
tion of its nationals, shareholders in a company which has been the
victim of a violation of international law. Thus a theory has been

developed to the effect that the State of the shareholders has a right
of diplomatic protection when the State whose responsibility is
invoked is the national State of the company. Whatever the validity
of this theory may be, it is certainly not applicable to the present
case, since Spain is not the national State of Barcelona Traction.”

(Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (Belgium
v. Spain), Second Phase, Judgment, I.C.J. Reports 1970 ,p .8,
para. 92.)

4. So this is a “theory” which the Court confined itself to instancing,
but without discussing it or, a fortiori, taking a position on it, as the cir-
cumstances of the Barcelona Traction case did not lend themselves to

that; indeed, there, it was a triangular relationship involving three States:
Spain as the host country of the company, Canada as the country of
nationality of the company and Belgium as the country of nationality of
the company shareholders. We know that another occasion presented
itself to the Chamber of the Court with the case concerning Elettronica

Sicula S.p.A. (ELSI) (United States of America v. Italy) since, this
time, this was indeed an Italian company, whose American shareholders
complained of measures taken by the Italian authorities against that
company. However, the Chamber of the Court ruled upon and settled the
problem without having to consider the discussion referred to in 1970,

and it is most striking to note that the Chamber glossed over the Barce-
lona Traction case throughout the Judgment of 20 July 1989; the fact

42621 AHMADOU SADIO DIALLO (DÉCL .MAHIOU )

ce silence peut paraître étonnant, même s’il est vrai qu’il peut s’expliquer

par le fait que, d’une part, le problème n’a pas été posé clairement devant
la Chambre par la Partie défenderesse, qui n’a pas soulevé la question du
jus standi des Etats-Unis, et, d’autre part, la solution a trouvé son fon-
dement dans le cadre des accords bilatéraux conclus entre l’Italie et les
Etats-Unis en matière de protection des investissements, sans qu’il y ait

lieu de s’interroger outre mesure sur d’autres aspects, notamment le point
de savoir s’il y avait une règle de droit international coutumier pouvant
justifier la protection des actionnaires dans un tel cas.

5. Voilà que la Cour est à nouveau invitée, avec la présente affaire, à

se pencher sur le même problème pour compléter sa jurisprudence et
apporter les clarifications utiles sur cette question de la protection diplo-
matique des actionnaires. Il est vrai que, entre-temps, la question a mûri
en raison de l’apport de la doctrine, de la pratique des Etats, des conven-

tions internationales bilatérales ou multilatérales, de la jurisprudence des
tribunaux internationaux. Pour autant, la solution n’est pas encore claire
et l’on aurait attendu de la Cour qu’elle tranche la question de savoir s’il
existe une règle coutumière en la matière. La Cour n’a pas répondu à
cette attente parce qu’elle constate qu’il n’y a pas d’éléments suffisam-

ment convaincants pour tirer une conclusion claire et ferme; cette posi-
tion est sans doute trop prudente, mais elle peut se comprendre dans la
mesure où la Cour n’entend pas faire Œuvre de législateur, surtout que la
question est en débat devant les Etats depuis qu’ils sont saisis du projet
d’articles de la CDI sur la protection diplomatique. Il incombe aux Etats

d’indiquer la solution à retenir sur la base des propositions de la CDI et
plus précisément de l’article 11 du projet précité qui dispose:
«Un Etat de nationalité des actionnaires d’une société ne peut

exercer sa protection diplomatique à l’égard desdits actionnaires
lorsqu’un préjudice est causé à la société que:
a) si la société a cessé d’exister d’après la loi de l’Etat où elle s’est
constituée pour un motif sans rapport avec le préjudice; ou

b) si la société avait, à la date du préjudice, la nationalité de l’Etat
qui est réputé en être responsable et si sa constitution dans cet
Etat était une condition exigée par ce dernier pour qu’elle puisse
exercer ses activités dans le même Etat.» (Rapport précité, p. 59.)

6. Si une telle solution est retenue, elle me semble tenir compte d’un
équilibre entre la protection légitime des actionnaires et le souci de ne pas
remettre en cause le régime classique de la protection diplomatique; elle

s’efforce d’identifier les conditions permettant de faire prévaloir une
exception dans ce régime sans cependant aboutir à une ingérence abusive
dans les relations entre un Etat et des sociétés ayant sa nationalité et rele-
vant normalement de sa pleine juridiction. Explicitant et développant le
raisonnement esquissé par la Cour en 1970, la CDI pense qu’il y a une

exception possible à condition que sa mise en Œuvre soit subordonnée à
des restrictions afin de ne pas ouvrir la voie à des réclamations excessives

43 AHMADOU SADIO DIALLO (DECL . MAHIOU ) 621

that it failed to mention it may appear surprising, although it is true that

this may be explained by the fact that, on the one hand, the problem was
not set out clearly before the Chamber by the Respondent, which did not
raise the question of the jus standi of the United States and, on the other
hand, that the solution was based on the bilateral agreements concluded
between Italy and the United States regarding the protection of invest-

ments, without there being any need to give particular consideration to
other aspects, notably whether there was a rule of customary interna-
tional law which might justify the protection of the shareholders in such
a case.
5. Now the Court is once again asked in the present case to consider

the same problem in order to complete its jurisprudence and provide use-
ful clarifications on this question of the diplomatic protection of share-
holders. Although it is true that the question has meanwhile matured
owing to the additions to doctrine, the practice of States, bilateral or

multilateral international conventions and the jurisprudence of interna-
tional courts, the solution is not yet clear and one might have expected
the Court to settle the question of whether there is a customary rule in
this area. The Court has not met this expectation because it finds that
there is a lack of sufficiently convincing elements to draw a clear and firm

conclusion; this position is perhaps too prudent, but it is understandable
in so far as the Court does not wish to act as legislator, above all because
the question has been under discussion by States since they have had to
consider the draft ILC Articles on Diplomatic Protection. It is for States
to indicate the solution which should be adopted on the basis of the ILC

proposals and more precisely of Article 11 of the above-mentioned draft,
which states:
“A State of nationality of shareholders in a corporation shall not

be entitled to exercise diplomatic protection in respect of such share-
holders in the case of an injury to the corporation unless:
(a) The corporation has ceased to exist according to the law of the
State of incorporation for a reason unrelated to the injury; or

(b) The corporation had, at the date of injury, the nationality of
the State alleged to be responsible for causing the injury, and
incorporation in that State was required by it as a precondition
for doing business there.” (Op. cit., p. 59.)

6. Were such a solution to be adopted, it seems to me that it would
allow for a balance between the legitimate protection of shareholders and
the desire not to question the classical diplomatic protection régime; it

seeks to identify the conditions making it possible to allow for an excep-
tion in this régime, yet without going as far as excessive interference in
the relations between a State and companies of its nationality and nor-
mally falling entirely within its jurisdiction. Clarifying and developing the
argument outlined by the Court in 1970, the ILC believes that there is a

possible exception, provided that its implementation is subject to restric-
tions so as not to open the way to excessive or abusive claims likely to

43622 AHMADOU SADIO DIALLO (DÉCL .MAHIOU )

ou abusives de nature à créer des désordres dans les relations écono-

miques internationales; ces conditions sont au nombre de deux et tiennent
respectivement à une exigence de nationalité et à une exigence statutaire.
7. D’une part, la société visée par le préjudice doit avoir la nationalité
de l’Etat qui a pris les mesures préjudiciables; dans une telle situation, la
protection diplomatique n’existe plus puisque:

— d’un côté, l’Etat national de la société ne va pas l’exercer contre lui-

même, car on se trouve alors dans la situation décrite par le juge
Tanaka en 1970 dans son opinion individuelle où «il est impossible,
en fait comme en droit, de compter que l’Etat national de la société
protégera les actionnaires» (C.I.J. Recueil 1970, p. 134);

— et de l’autre, aucun autre Etat ne peut prendre fait et cause pour
ladite société faute d’un lien de nationalité.

Dès lors, si l’on veut offrir aux actionnaires étrangers un minimum de
protection, la seule issue possible est de leur reconnaître le bénéfice de la
protection diplomatique de l’Etat dont ils ont la nationalité. Une telle

solution, très controversée il y a quelques années, l’est moins aujourd’hui
du fait de l’évolution à laquelle on a fait allusion et surtout du climat
beaucoup plus favorable à l’encouragement des investissements étrangers.
8. D’autre part, la constitution de la société dans cet Etat est requise
pour qu’elle puisse exercer ses activités; si la société n’a plus le choix pour

l’implantation de son siège social, cette contrainte, qui empêche le jeu
normal de la protection diplomatique en faveur de la société par un autre
Etat, ne doit pas priver les actionnaires étrangers de celle-ci de toute pro-
tection; ceux-ci doivent pouvoir défendre leurs droits et donc bénéficier
éventuellement du droit à la protection diplomatique de l’Etat dont ils

sont les ressortissants. Il apparaît ainsi qu’il ne s’agit pas de défendre tout
actionnaire de n’importe quelle société, mais de voir les circonstances
dans lesquelles l’exception se justifie et où les conditions requises pour
son invocation sont raisonnables et convaincantes; dans de telles circons-
tances et conditions, la protection des droits de l’actionnaire se justifie en

tant que dernier recours, ainsi que le relève la Cour dans le paragraphe 88
de l’arrêt.
La Cour estime que la présente affaire relève de la seconde exception
prévue à l’alinéa b) de l’article 11 du projet d’articles de la CDI que les
commentaires de la Commission éclairent de façon succincte mais suffi-

sante pour en justifier le fondement; elle déclare dans le paragraphe 88 de
l’arrêt:

«La théorie de la protection diplomatique par substitution vise en
effet à offrir une protection aux actionnaires étrangers d’une société
qui ne pourraient pas invoquer le bénéfice d’un accord international,
et auxquels aucun autre recours ne serait ouvert, dans la mesure où

les actes prétendument illicites auraient été commis à l’encontre de la
société par l’Etat de la nationalité de celle-ci.»

44 AHMADOU SADIO DIALLO (DECL .MAHIOU ) 622

create upsets in international economic relations; there are two such con-

ditions, stemming respectively from a requirement of nationality and a
statutory requirement.
7. On the one hand, the company affected by the prejudice must have
the nationality of the State having taken the prejudicial measures; in such
a situation, there is no longer any diplomatic protection since:

— on the one hand, the national State of the company is not going to

exercise it against itself, as one would then be in the situation described
by Judge Tanaka in 1970 in his separate opinion, where he states that
“the protection of the shareholders by the national State of the com-
pany cannot be expected, either factually or legally” (I.C.J. Reports
1970, p. 134);

— and on the other hand, no other State can espouse the cause of that
company owing to the absence of a bond of nationality.

Consequently, if one wishes to offer foreign shareholders a minimum
of protection, the only possible solution is to grant them the benefit of the
diplomatic protection of the State of which they have the nationality.

This solution, highly controversial a few years ago, is less so today owing
to the development already referred to and above all the much more
favourable climate towards the encouragement of foreign investment.
8. On the other hand, the incorporation of the company in that State
must be required for it to be able to trade; if the company no longer has

any choice regarding the siting of its registered office, that constraint,
which prevents the normal operation of diplomatic protection of the
company by another State, must not deprive foreign shareholders in that
company of all protection; they must be able to defend their rights and
thus, where appropriate, enjoy the right of diplomatic protection by the

State of which they are nationals. It thus appears that it is not a matter of
defending every shareholder in any company, but of seeing the circum-
stances in which the exception is justified and in which the conditions
required for it to come into play are reasonable and convincing; in such
circumstances and conditions, the protection of the shareholder’s rights is

justified as a last resort, as pointed out by the Court in paragraph 88 of
the Judgment.
The Court considers that the present case falls within the second excep-
tion laid down in Article 11 (b) of the draft ILC Articles, which the
Commission’s commentaries succinctly but adequately explain in order

to justify their basis; in paragraph 88 of the Judgment, the Court states:

“The theory of protection by substitution seeks indeed to offer
protection to the foreign shareholders of a company who could not
rely on the benefit of an international treaty and to whom no other
remedy is available, the allegedly unlawful acts having been commit-

ted against the company by the State of its nationality.”

44623 AHMADOU SADIO DIALLO (DÉCL .MAHIOU )

9. Cependant, tout en se référant à cette théorie de la protection diplo-
matique, la Cour considère qu’elle ne s’applique pas en l’espèce, rejoi-
gnant ainsi la solution de l’affaire de la Barcelona Traction mais sur un
autre fondement. En effet, après avoir constaté que la première condition

est satisfaite — puisque les deux sociétés en cause ont bien la nationalité
de l’Etat congolais, auteur des actes illicites —, elle estime que la seconde
condition n’est pas satisfaite, puisque cette nationalité résulte d’un libre
choix de leur propriétaire et non d’une exigence du droit local pour que la
protection diplomatique puisse être invoquée. Certes, le choix de la natio-

nalité congolaise a été fait par M. Diallo, mais il apparaît hâtif et contes-
table de conclure que c’est un libre choix comme le fait la Cour dans les
paragraphes 92 et 93 de l’arrêt.
10. La liberté de choix est plus une apparence qu’une réalité lorsque
l’on analyse le droit congolais. Selon l’ordonnance-loi n 66-341 du 7 juin

1966, toute entreprise dont l’activité principale se situe au Congo était
tenue d’avoir son siège administratif et social dans ce pays. Bien que l’or-
donnance-loi semble distinguer le siège administratif (art. 1) du siège
social, elle finit par les confondre (art. 2-3) et elle impose finalement

d’avoir à la fois le siège administratif et social au Congo dès lors que le
«principal siège d’exploitation est situé au Congo» (art. 1). Etant donné
que le principal — et l’on peut même dire l’unique — siège d’exploitation
des deux sociétés de M. Diallo est effectivement situé au Congo, cela
signifie obligatoirement leur établissement et leur incorporation dans ce

pays. Elles n’avaient pas le choix car, à défaut d’une telle incorporation,
«elles seront rayées d’office du registre du commerce» (art. 2, al. 2)), ce
qui les empêcherait d’exister ou d’avoir des activités au Congo. Par
conséquent, en raison de cette situation de fait et de droit, il semble bien
que, dans cette affaire, on se situe dans la perspective de l’alinéa b) de

l’article 11 du projet de la CDI correspondant à la situation où il serait
légitime que le droit à la protection diplomatique de l’Etat de nationalité
des actionnaires puisse jouer lorsque des mesures préjudiciables ont été
prises par l’Etat contre la société ayant sa nationalité. C’est pourquoi,

tout en souscrivant à la démarche de la Cour, je ne peux cependant sous-
crire ni à l’interprétation qu’elle donne de la législation congolaise ni, par
voie de conséquence, à la conclusion finale qu’elle retient sur cette base à
l’alinéa b) du paragraphe 1 et à l’alinéa c) du paragraphe 3 du dispositif.

11. Je voudrais maintenant aborder un autre aspect du problème
apparu en raison des développements nouveaux depuis la fin de la pro-
cédure orale. Alors que l’affaire semblait relever du seul alinéa b) de
l’article 11 du projet de la CDI, l’affaire pourrait relever également de

l’alinéa a) de l’article 11, dans la mesure où l’une des deux sociétés
de M. Diallo — la société Africom-Zaïre — aurait disparu du fait des
autorités congolaises qui l’auraient radiée du registre des sociétés établies
dans ce pays.
12. Dans le paragraphe 22, l’arrêt relève, en se basant sur la lettre du

31 janvier 2007 de la RDC relative à la société Africom-Zaïre, que celle-ci

45 AHMADOU SADIO DIALLO DECL . MAHIOU ) 623

9. However, while referring to this diplomatic protection theory, the

Court considers that it does not apply in this particular case, thus espous-
ing the solution in the Barcelona Traction case, but on a different basis.
Indeed, after noting that the first condition has been met — since the two
companies concerned do indeed have the nationality of the Congolese
State, the perpetrator of the unlawful acts — it considers that the second

condition has not been met, since that nationality stems from the free
choice of their owner and not from a requirement of domestic law that
would make it possible to invoke diplomatic protection. Admittedly, the
choice of Congolese nationality was made by Mr. Diallo, but it seems
hasty and questionable to conclude that it was a free choice, as the Court

does in paragraphs 92 and 93 of the Judgment.
10. The freedom of choice is more appearance than reality when one
analyses Congolese law. According to Legislative Order No. 66-341 of
7 June 1966, any undertaking whose principal activity is in the Congo

was obliged to have its registered office and administrative seat in that
country. Although the Legislative Order appears to draw a distinction
between the administrative seat (Art. 1) and the registered office, it even-
tually confuses them (Arts. 2-3) and ultimately makes it an obligation for
both the administrative seat and registered office to be in the Congo,

when the “main centre of operations is situated in the Congo” (Art. 1).
Considering that the main — and one may even say only — centre of
operations of Mr. Diallo’s two companies is in fact situated in the
Congo, this necessarily means their establishment and incorporation in
that country. They had no choice for, failing such incorporation, “they

will be struck off the Trade Register” (Art. 2 (2)), which would prevent
them from existing or trading in the Congo. Consequently, owing to this
situation of fact and law, it seems clear that, in this case, we are consid-
ering matters from the standpoint of Article 11 (b) of the ILC draft, cor-
responding to the situation in which it would be legitimate for the right

to diplomatic protection by the shareholders’ State of nationality to come
into play when prejudicial measures have been taken by the State against
the company of its nationality. This is why, while endorsing the Court’s
approach, I cannot, however, endorse either the interpretation it gives of
Congolese legislation or, consequently, its final conclusion on that basis

in paragraph 1 (b) and paragraph 3 (c) of the operative part of the
Judgment.
11. I should now like to deal with another aspect of the problem which
has come to light as a result of new developments since the end of the
oral proceedings. Whereas the case appeared to fall solely within Arti-

cle 11 (b) of the ILC draft, the case could also fall under Article 11 (a),
inasmuch as one of Mr. Diallo’s two companies — Africom-Zaire — has
allegedly disappeared through the action of the Congolese authorities,
which have struck it off the commercial register of companies established
in that country.

12. In paragraph 22, basing itself on the DRC’s letter of 31 Janu-
ary 2007 relating to Africom-Zaire, the Judgment points out that the lat-

45624 AHMADOU SADIO DIALLO (DÉCL .MAHIOU )

aurait «cessé toutes ses activités depuis le milieu des années quatre-
vingt», ce qui aurait mené à la radiation automatique de son immatricu-
lation au registre de commerce. Il s’agit là d’un élément nouveau — sur-
venu depuis la fin de la procédure orale concernant les exceptions

préliminaires — susceptible d’avoir des conséquences directes sur le dérou-
lement de la présente instance qu’il conviendrait d’envisager. Le para-
graphe 59 de l’arrêt fait allusion au problème mais d’une manière qui ne
m’apparaît pas satisfaisante; il ne suffit pas, à mon avis, pour réserver
toutes les implications à venir et surtout il convient de veiller à ce que la

décision de la Cour sur les exceptions préliminaires n’empêche pas le
demandeur de soulever le problème lorsque l’affaire sera examinée au
fond. En effet, si la disparition d’Africom-Zaïre devait se confirmer, cela
créerait une situation où il n’y aurait plus de possibilité pour cette société
de faire valoir directement ses droits par elle-même et de défendre ainsi

les droits et intérêts de son actionnaire unique. Cette impossibilité défi-
nitive de toute action par l’intermédiaire de la société priverait ainsi son
actionnaire unique de tout recours si on lui refusait le jeu de la protection
diplomatique par la Guinée; on se trouverait alors devant une solution

injuste contraire non seulement à l’équité, mais aussi aux principes fon-
damentaux régissant les droits de la défense et les droits de l’homme. Ce
problème a préoccupé la Cour, la Commission du droit international et la
doctrine.
13. Dans l’affaire de la Barcelona Traction, la Cour l’évoque très

expressément en tant que première exception à la règle classique de la
protection diplomatique dans les paragraphes 64 à 68 (C.I.J. Recueil 1970,
p. 40-41). Certes, elle conclut dans cette affaire que la société n’a pas dis-
paru et, de ce fait, cette exception n’était pas pertinente en l’espèce. Tou-
tefois, on peut inférer du raisonnement de la Cour que, si l’hypothèse de

la disparition avait été établie, elle se serait prononcée sans aucun doute
en faveur du jeu de l’exception. C’est la solution retenue dans l’alinéa a)
de l’article 11 précité du projet de la CDI qui en fait la première exception
à la règle générale de la protection diplomatique permettant à l’Etat

national de l’actionnaire d’agir «[s]i la société a cessé d’exister d’après la
loi de l’Etat où elle s’est constituée». Une telle solution, déjà défendue
dans le passé par une partie de la doctrine, semble maintenant très lar-
gement partagée depuis l’affaire de la Barcelona Traction. En conclusion,
il me semble que la Cour aurait dû dire plus nettement et plus clairement,

dans le présent arrêt, qu’elle réservait expressément la situation pouvant
résulter de la confirmation d’une disparition de la société Africom-Zaïre
avec les conséquences susceptibles d’en découler pour la suite de la pro-
cédure.

(Signé) Ahmed M AHIOU .

46 AHMADOU SADIO DIALLO (DECL .MAHIOU ) 624

ter company had allegedly “ceased all activity in the mid-1980s”, which
had led to its being automatically struck off the Trade Register. This is a
new element — which has arisen since the end of the oral proceedings on
the preliminary objections — which may have a direct bearing on the

progress of the present case that merits consideration. Paragraph 59 of
the Judgment refers to this problem, but in a way which does not seem to
me satisfactory; it is not enough, in my opinion, to reserve all the future
implications, and what counts above all is to ensure that the Court’s deci-
sion on the preliminary objections does not prevent the Applicant from

raising the problem when the case is considered on the merits. Indeed,
were the disappearance of Africom-Zaire to be confirmed, it would create
a situation in which there was no longer any possibility for that company
to argue its case for itself and thereby to defend the rights and interests of
its sole shareholder. This complete impossibility of any action through

the company would thus deprive its sole shareholder of any remedy, if he
were refused diplomatic protection by Guinea; we would then be faced
with an unjust solution running not only counter to equity but also to the
fundamental principles governing the rights of defence and human rights.

The Court, the International Law Commission and doctrine have all
been concerned by this problem.

13. In the Barcelona Traction case, the Court expressly refers to this as

the first exception to the classical rule of diplomatic protection in para-
graphs 64-68 (I.C.J. Reports 1970, pp. 40-41). It is true that the Court
concludes in that case that the company did not disappear and, conse-
quently, that this exception was not relevant in the case. However, it may
be inferred from the Court’s reasoning that, if the hypothesis of disap-

pearance had been proven, it would without any doubt have ruled in
favour of the operation of the exception. This is the solution adopted in
the above-mentioned Article 11 (a) of the ILC draft, which makes it the
first exception to the general rule of diplomatic protection, enabling the

State of nationality of shareholders to exercise protection where “the cor-
poration has ceased to exist according to the law of the State of incor-
poration”. This solution, already supported in the past by part of doc-
trine, now, since the Barcelona Traction case, appears to enjoy widespread
support. In conclusion, it seems to me that the Court ought to have said

more clearly and precisely, in the present Judgment, that it expressly
reserved the situation which might result from the confirmation of the
disappearance of Africom-Zaire, with the consequences likely to arise
therefrom for the subsequent procedure.

(Signed) Ahmed M AHIOU .

46

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Déclaration de M. le juge <i>ad hoc</i> Mahiou

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