Déclaration de M. Oda (traduction)

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091-19960711-JUD-01-01-EN
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091-19960711-JUD-01-00-EN
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DÉCLARATION DE M. ODA

[Traduction]

1. Ce n'est pas sans une certaine réticenceque je me dissocie de la

grande majorité des membres de la Cour, compte tenu en particulier de
l'horreur que m'inspirent les événements atroces qui ont eu lieu en Bos-
nie-Herzégovine en1992-1993.Ma conscience de juriste m'oblige toute-
fois à exposer pourquoi j'estime que la Cour devrait rejeter la requête
introduite par la Bosnie-Herzégovinele 20 mars 1993.
Simon vote est négatif,c'estprincipalementparce que je suisconvaincu
que la Cour n'est pas compétente rationemateriae, au motif que la Partie
requérante n'a pas danssa requête établli'existenced'un différendrele-
vant de la convention sur le génocidel'opposant au défendeur quiaurait
pu permettre àla Cour de se saisir de la présente affaire.

2. La Bosnie-Herzégovine,qui fait fond sur l'article 1Xde la conven-
tion sur le génocidepour invoquer lajuridiction de la Cour, a demandé à
celle-cià titre principal de dire et juger que la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro - ci-après dénomméela «Yougoslavie») a manqué à ses
obligationsjuridiques vis-à-visde la Bosnie-Herzégovineau regard de la
convention sur le génocide,que la Yougoslavie doit cesser immédiate-

ment de violer ces obligations,et que la Yougoslavie est tenue de réparer
les dommages que ses violations du droit international ont causésaux
personnes et aux biens ainsi qu'à l'économieet à l'environnement dela
Bosnie-Herzégovine.
J'estimenéanmoinsque la Bosnie-Herzégovinen'aaucunementindiqué
qu'aurait pu existerà l'époque oùelle a introduit sa requêteun conflit
d'opinionsconcernantl'application ou l'interprétation dla convention sur
le génocide,qui seul permettrait à la Cour de juger qu'un différendau
sens de cette convention l'opposeà la Yougoslavie.

3. Si un différend devait être soumis unilatéralement à la Cour par
l'unedes parties contractantesàun traitéen application de la clausecom-
promissoire y figurant, cela signifieraitessentiellementque le différend est
né:i) parce qu'une autre partie contractante'auraitpas exécutéles obli-
gations mises à sa charge par cetraité- un manquement engageant sa
responsabilité- et ii) parce qu'il aurait étéporté atteinte aux droits
conférés aupremier Etat par cetraitédu fait de cemanquement. Ce man-
quement est en lui-mêmeune violation du traitémais cette violation ne
peut à elle seule être interprétéeomme constituant un différendentre
1'Etatrequérant et1'Etatdéfendeurrelativement à ce traités'iln'est pas APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCLO . DA) 626

établique ce dernier Etat a porté atteinte aux droits du premier Etat pro-
tégés par le traitéen question.

4. La convention sur le génocideest unique en ce qu'ellea étéadoptée
par l'Assembléegénérale en1948 à une époque où - en raison du succès
des procèsde Nuremberg - l'idéeprospérait qu'il fallaitcréerun tribu-
nal pénal international pour réprimerlesactes criminelsdirigéscontre les
droits de l'homme, dont le génocide; elle vise essentiellement non les
droits et obligations des Etatsmais la protection de droits aujourd'hui
universellement reconnus à l'individu et aux groupes de population.

Certes, les parties contractantesla convention définissentle génocide

comme «un crime du droit des gens» (article premier). La convention
oblige les parties contractantesà punir les personnes ayant commis un
génocideou des actes de génocide(art. IV). Les parties contractantes
s'engagent à prendre ((conformément à leurs constitutions respectives,les
mesures législativesnécessairespour assurerl'application des dispositions
de la présente convention))(art. V).

Comme les personnes commettant un génocide ou desactes de géno-
cide peuvent être «des gouvernants [ou] des fonctionnaires))(art. IV), la
convention permet expressément à «toute partie contractante [de] saisir

les organes compétents de l'Organisation des Nations Unies afin que
ceux-ci prennent, conformément à la Charte des Nations Unies, les me-
sures qu'ilsjugent appropriéespour la préventionet la répression de[ces
actes]))(art. VIII) et envisage la création d'une courcriminelle interna-
tionale (art. VI).
Le génocide estdéfinicomme «un crime du droit des gens [que les
parties contractantes] s'engagentàpréveniret à punir))(articlepremier).
Mêmesil'on doit interpréter cettedispositiongénérale (qui a étécritiquée
à la SixièmeCommission en 1948,certains représentants estimant qu'elle
aurait dû êtreplacéedans le préambule et non dans le texte même)

comme signifiant spécifiquementque lesparties contractantes sont tenues
«de préveniret de punir)) le génocideet les actes de génocide,ces obli-
gationsjuridiques sont supportéesd'une manièregénérale evgaomnes par
lesparties contractantes dans leursrelations avec toutes les autres parties
à la convention - ou mêmeavec l'ensemblede la communauté interna-
tionale- mais ne sontpas des obligations à l'égardd'une partie contrac-
tante signataire particulière ou définie.
Au cas où une partie contractante manquerait à((préveniretpunir)) un
tel crime, il peut êtreremédié ce manquement uniquement: i) en saisis-
sant un organe compétentde l'organisation desNations Unies (art. VIII)

ou ii) en saisissant une cour criminelle internationale (art. VI), mais non
en invoquant la responsabilitédes Etats dans les relations interétatiques
devant la Cour internationale de Justice.Il s'agitlà d'une caractéristique APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCLO . DA) 627

unique de la convention, élaboréeà une époque - l'après-guerr- où la
notion de protection des droits de l'homme et de l'humanité faisaitson
apparition.
5.A cet égard,il peut être pertinentd'expliquer la disposition de la
convention relative au règlement desdifférends(art. IX). Elle est ainsi

libellée
«Les différendsentre les parties contractantes relatiàl'interpré-
tation, l'application ou l'exécutionde la présenteconvention,y com-
pris ceux relatifsla responsabilitéd'un Etat en matièrede génocide
ou de l'un quelconque desautres actesénumérés àl'articleIII, seront
soumis à la Cour internationale de Justiceà la requêted'une partie

au différend»;
et elleest unique si on la compare aux clauses compromissoires d'autres
traités multilatérauxquiprévoient la soumission àla Cour internationale
de Justice des différendsentre les parties contractantes ayant traiteur
interprétation ou application.

La construction de l'article IX de la convention sur le génocideest
très incertaine en ce qu'elle contient des références expresseaux «dif-
férends ...relatifsà ...l'exécution dela présente convention)) et aux
((différendsrelatifsla responsabilité d'unEtat en matièrede génocide ou
[d'actes degénocide]» - des références qu'il esdtifficilede comprendre
utilement comme constituant une clause compromissoire.
Le projet originaire de la convention sur le génocidea étéélaboré par
un comitéspécialdu génocidedu Conseil économique et socialen avril-
mai 1948,etcontenait une clausecompromissoireplus orthodoxe (Docu-
ments officielsdu Conseiléconomiqueet social, troisième année, septième
session, supplément no6) qui étaitainsi libellée:

«Les différendsqui s'élèveraienetntre les Hautes Parties contrac-
tantes concernant l'interprétation ou l'application de la présente
convention seront soumis à la Cour internationale de Justice, sous
réservequ'aucun différendne sera soumis à la Cour internationale
de Justice s'ilimplique une question qui a été déférée un tribunal

international compétent, est pendante devant ce tribunal, ou a déjà
étéjugéepar lui.» (Les italiques sont de moi.)
Lorsque ce projet a été examiné par la SixièmeCommission de 1'Assem-
bléegénérale à sa troisième session en octobre 1948, l'ajout des deux
référencessusmentionnéesa été proposé (Documentsofficielsde I'Assem-

bléegénérale,troisième session, Sixième Commission, annexes, p. 28
(AlC.61258))sans qu'à mon avis les rédacteurs aient une idéebien claire
de la nouveauté du type de convention qui allait être adopté. Certains
représentants ne voyaient pas de différenceentre «exécution» et «ap-
plication)),mais une proposition tendantà la suppression du mot ((exécu-
tion)) a étérejetéepar 27 voix contre 10, avec 8 abstentions. Toutefois,
une autre proposition, tendant a la suppression des mots «y compris [les APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCLO . DA) 628

différends]relatifsà la responsabilité d'un Etat en matière de géno-
cide ou [d'actesde génocide])),a elleaussi érejetée, mais seulementpar
19voix contre 17,avec 9 abstentions (Documentsof$ciels de l'Assemblée
générale,troisièmesession, Sixième Commission, SR.104, p. 447). Les
travaux préparatoires de la convention semblent confirmer qu'il régnait
une certaine confusion parmi ceux qui l'ont rédigée,tenant en parti-
culier au caractère unique de leur tâche étantdonné l'esprit qui régnait
l'époque.
Comment peut-on alors interpréter cette référenceà la ((responsabilité

d'un Etat))? A ma connaissance, elle n'a plus jamais étéemployéedans
aucun autre traité.l sembletout àfait naturel de supposer que cette réfé-
rence n'avait pas un sens bien définiou n'aurait rien ajouté la clause
prévoyant lasoumission àla Cour des différends relatiàl'interprétation
ou à l'application dela convention parce que, en généralt,out différend
interétatiauevisédans un traitéa toujours en soi traitla res~onsabilité
d'un ~tat~etque la mise envaleur d'une référenceàla responsabilitéd'un
Etat n'a aucun sens pour ce qui est d'une clause compromissoire.

6. Pour saisir la Cour de la présenteaffaire, la Bosnie-Herzégovine
aurait dû montrer de manière certaine que, en appliquant la convention
sur le génocideà la situation qui prévalait sur le territoire de l7ex-You-
goslavie, la Yougoslavie aurait de fait pu engager sa responsabilitéen
n'exécutant pas la conventionà l'égard dela Bosnie-Herzégovine.Mais,
plus particulièrement,la Bosnie-Herzégovinedoit démontrer quela You-
goslavie a violédes droits de la Bosnie-Herzégovineen tant que partie
contractante (par définition un Etat) qui auraient dû être protégée sn
vertu de la convention. Or, cela'a pas étédémontré dansla requête et
en fait la convention ne vise pas protégerles droits de la Bosnie-Her-
zégovineen tant qu7Etat. La Yougoslavie est peut-être responsablede

génocideou de certains actes de génocide commispar ses fonctionnaires
ou ses auxiliaires sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine,maisce seul
fait ne signifiepas qu'il existe entre les deux Etats un «différend» relatif
à la responsabilité d'un Etat, car la Yougoslavie n'a pas violéles droits
conférés àla Bosnie-Herzégovinepar la convention. Je tiens àrépéter et
à souligner que ce ne sont pas les droits particuliers de tel ou tel Etat (en
l'espècela Bosnie-Herzégovine)qui doivent être protégép sar la conven-
tion, mais des êtres humains ayantdes droits fondamentaux et l'intérêt
universel de l'individu en général.

7. Dans sa requête, laBosnie-Herzégovinea allégué que certains faits
assimilablesàun génocideou à des actes de génocideauraient étécommis

sur sonterritoire par le Gouvernement de la Yougoslavie ou lesagentsou
auxiliaires de celui-ci, et a présentédes demandes en réparation aux-
quellescesactesauraientdonnénaissance. Onne peut considérerquece fai-sant la Bosnie-Herzégovinea indiquél'existenced'un différendinteréta-
tique relatià la responsabilitéd'un Etat qui pourrait donner compétence

à la Cour.
La Bosnie-Herzégovinepouvait àcoup sûr demander «des réparations
pour lesdommages subispar lespersonnes et lesbiens ainsi que par l'éco-
nomie et l'environnement de la Bosnie à raison des violations...du droit
international)) (requête,par. 135r)) - non en vertu de la convention sur
le génocidemais uniquement en tant que question générale de droit inter-
national (la Bosnie-Herzégovinedéclare queses demandes de réparations
ont leur cause dans des violations du droit international, non dans la
convention sur le génocide).Si tel est le cas, la question de savoir si la
Cour est compétente pour connaître de ces demandes en vertu de la
convention sur le génocide estun problème tout à fait différent etsans
rapport avec la présente affaire.

8. Après tout, la Bosnie-Herzégovine nesemble pas prétendre qu'un
différend relatifàl'interprétationou à l'application de la convention sur
le génocidel'oppose àla Yougoslavie, alors que seulun tel différend- et
non la commission d'un génocideou d'actes de génocide, certesqualifiés
de crimesen droit international - peut fonder la compétence dela Cour
au regard de la convention.

9. Considérant lanouveautéde la notion de génocideapparue avec la
seconde guerre mondiale et l'élaborationcorrespondante de la conven-
tion sur le génocide - un nouveau type de traité concernant les droits

des individus dans leur ensemble, mais non les droits et obligations des
Etats dans leurs relations -je me demande si la Cour internationale de
Justice est bien l'instancequi convient pour connaître des questions ayant
trait au génocideou à des actes de génocide quela Bosnie-Herzégovinea
soulevées en l'espèceJ.'ai tendance à douter que l'examen d'affaires de
cette nature par la Cour servira le droit international, la Cour ou la cause
des malheureux concernés.
Grâce au travail accompli par la Commission du droit international,
l'Assembléegénérale des Nations Unies est sur le point de créer unecour
criminelle internationale comme l'avait envisagé la conventionil y a un
demi-siècle.En outre, le 22 février1993, un mois avant que la Bosnie-
Herzégovine n'introduise sa requête en la présente affaire,le Conseil de

sécuritéa décidédans sa résolution 808 (1993) que le Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie seraitcréé «pour poursuivre les per-
sonnes responsables de violations graves du droit international humani-
taire commisessur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis1991 »et que le
Tribunal créé le 25mai 1993en application de la résolution827 (1993)du
Conseil de sécurité est actuellementopérationnel.

10. Je souhaite ajouter une chose,à savoir que la Cour devrait demeu-
rer très strictesur sa compétence. C'estle consensus d'Etats souverains APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCLO . DA) 630

parties à un différendqui pour l'essentielfonde cette compétence.Si la
Cour devait assouplir ces conditions fondamentales, elle risquerait d'être
submergéepar un flot d'affaires, alors que sa tâche est principalement de
réglerles différends internationaux. Le génocide est précisémenlte type
de problème qui devrait êtreréglépar un autre organe compétent de
l'ornanisation des Nations Unies comme l'indiaue l'article VI11de la
convention, ou par la cour criminelle internationale viséeà l'article VI.

Cela est,je le répète,l'idéeprincipale de la convention sur le génocide.
J'admets que les dispositions extrêmement vagueset incertaines de
l'articleX de la convention sur le génocidelaissentpeut-êtreàla Cour la
latitude nécessairepour se saisir de la présente affaire, mais j'estime
qu'une telle conclusionreposerait sur une interprétation erronée duvéri-
table esprit de la convention. En outre, il convient de prendre note en
parallèledes résolutionssuccessivesadoptéespar le Conseilde sécurité ou
desdéclarationsdu président duConseil de sécurité en ce qui concerne la
Yougoslavie (qui ont étéfaites avant les accords de Dayton-Paris) et du
travail qu'accomplit actuellement le Tribunal international pour l'ex-
Yougoslavie s'agissant de déterminer la responsabilitépénale.
11. Enfin, j'ajouterai que mon vote contre la décisionconcernant la

compétencede la Cour ne préjugeen rien la position que je pourrais
adopter lors de l'examenau fond en ce qui concernemon évaluationjuri-
dique des allégationsdegénocidedans l'ex-Yougoslaviequi figurent dans
la requête introduitepar la Bosnie-Herzégovinele 20 mars 1993.

(Sign jéShigeru ODA.

Bilingual Content

DECLARATION OF JUDGE ODA

1. 1feel some disquiet at being dissociated from the great majority of
the Court, particularly in view of my abhorrence of the appalling events
which took place in Bosnia and Herzegovina in 1992-1993.It is, however,
as a matter of legal consciencethat 1present my position that the Court
should dismiss the Application filed by Bosnia and Herzegovina on
20 March 1993.
The main reason for my negative vote is my conviction that the Court
lacksjurisdiction ratione materiae, as the Applicant, in its Application,
did not assert the existence of a dispute with the Respondent under the
Genocide Convention which could have led to the Court being seised of
the present case.

2. Bosnia and Herzegovina, which reliesupon Article IX of the Geno-
cide Convention as a basis for the Court's jurisdiction, has requested the
Court to adjudge and declare principally that Yugoslavia (Serbia and
Montenegro (hereinafter called "Yugoslavia")) has breached its legal

obligations towards Bosnia and Herzegovina under the Genocide Con-
vention, that Yugoslavia must immediately desist from its breaches of
these obligations, and that Yugoslavia has to make reparation for the
damages to persons and property and to the Bosnian economy and envi-
ronment that have been caused by its violations of international law.

In my view, however, Bosnia and Herzegovina, in its Application,
has not given any indication of opposing views regarding the applica-
tion or interpretation of the Genocide Convention which may have
existed at the time of filing of the Application, which alone can enable
the Court to find that there is a dispute with Yugoslavia under that Con-
vention.
3. If any dispute were to be unilaterally submitted to the Court by
one of the Contracting Parties to a treaty pursuant to the compro-
missory clause of that treaty, this would mean in essence that the dis-
pute had arisen because of (i) the allegedfailure of another Contracting
Party to fuljîl the obligations imposed by that treaty - a failure for
which it is responsible- and (ii) the infringement of the rights bestowed

upon the former State by that treaty due to that failure. The failure
of the other State isitself a violation of the treaty but such a violation
alone cannot be interpreted as constituting a dispute between the appli-
cant State and the respondent State relating to that treaty unless it can DÉCLARATION DE M. ODA

[Traduction]

1. Ce n'est pas sans une certaine réticenceque je me dissocie de la

grande majorité des membres de la Cour, compte tenu en particulier de
l'horreur que m'inspirent les événements atroces qui ont eu lieu en Bos-
nie-Herzégovine en1992-1993.Ma conscience de juriste m'oblige toute-
fois à exposer pourquoi j'estime que la Cour devrait rejeter la requête
introduite par la Bosnie-Herzégovinele 20 mars 1993.
Simon vote est négatif,c'estprincipalementparce que je suisconvaincu
que la Cour n'est pas compétente rationemateriae, au motif que la Partie
requérante n'a pas danssa requête établli'existenced'un différendrele-
vant de la convention sur le génocidel'opposant au défendeur quiaurait
pu permettre àla Cour de se saisir de la présente affaire.

2. La Bosnie-Herzégovine,qui fait fond sur l'article 1Xde la conven-
tion sur le génocidepour invoquer lajuridiction de la Cour, a demandé à
celle-cià titre principal de dire et juger que la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro - ci-après dénomméela «Yougoslavie») a manqué à ses
obligationsjuridiques vis-à-visde la Bosnie-Herzégovineau regard de la
convention sur le génocide,que la Yougoslavie doit cesser immédiate-

ment de violer ces obligations,et que la Yougoslavie est tenue de réparer
les dommages que ses violations du droit international ont causésaux
personnes et aux biens ainsi qu'à l'économieet à l'environnement dela
Bosnie-Herzégovine.
J'estimenéanmoinsque la Bosnie-Herzégovinen'aaucunementindiqué
qu'aurait pu existerà l'époque oùelle a introduit sa requêteun conflit
d'opinionsconcernantl'application ou l'interprétation dla convention sur
le génocide,qui seul permettrait à la Cour de juger qu'un différendau
sens de cette convention l'opposeà la Yougoslavie.

3. Si un différend devait être soumis unilatéralement à la Cour par
l'unedes parties contractantesàun traitéen application de la clausecom-
promissoire y figurant, cela signifieraitessentiellementque le différend est
né:i) parce qu'une autre partie contractante'auraitpas exécutéles obli-
gations mises à sa charge par cetraité- un manquement engageant sa
responsabilité- et ii) parce qu'il aurait étéporté atteinte aux droits
conférés aupremier Etat par cetraitédu fait de cemanquement. Ce man-
quement est en lui-mêmeune violation du traitémais cette violation ne
peut à elle seule être interprétéeomme constituant un différendentre
1'Etatrequérant et1'Etatdéfendeurrelativement à ce traités'iln'est pasbe shown to have infringed such rights of the former State as are pro-

tected thereby.

4. The Genocide Convention is unique in having been adopted by the
General Assembly in 1948 at a time when - due to the success of the
Nuremberg Trials - the idea prevailed that an international criminal tri-
bunal should be established for the punishment of criminal acts directed
against human rights, including genocide; it is essentially directed not
to the rights and obligations of States but to the protection of rights of
individuals and groups of persons which have become recognized as
universal.
To be sure,the Contracting Parties to the Convention defined genocide
as "a crime under international law" (Art. 1).The Convention binds the

Contracting Parties to punish persons responsible for those acts, whoever
they may be, and is thus directed to the punishment of persons commit-
ting genocide and genocidal acts (Art. IV). The Contracting Parties
undertake "to enact, in accordance with their respective Constitutions,
the necessary legislation to give effect to the provisions of the present
Convention" (Art. V).
As persons committing genocide or genocidal acts may possibly be
"constitutionally responsible rulers [or] public officials" (Art. IV), the
Convention contains a specificprovision which allows "[alny Contracting
Party [to] cal1upon the competent organs of the United Nations to take
such action under the Charter of the United Nations as they consider
appropriatefor theprevention and suppression of [thoseacts]" (Art. VIII)
and contemplates the establishment of an international penal tribunal

(Art. VI).
Genocide is defined as "a crime under international law which [the
Contracting Parties]undertake to prevent and to punish" (Art. 1).Even if
this general clause (which was subjected to criticism at the Sixth Com-
mittee in 1948when it was felt by some delegates that it should have been
placed in the preamble, but not in the main text) is to be interpreted as
meaning specificallythat the Contracting Parties are obliged "to prevent
and to punish" genocide or genocidal acts, these legal obligations are
borne in a general manner erga omnes by the Contracting Parties in their
relations with al1the other Contracting Parties to the Convention - or,
even, with the international community as a whole - but are not obli-
gations in relation to any specific and particular signatory Contracting
Party.
The failure of any Contracting Party "to prevent and to punish" such

a crime may only be rectified and remedied through (i) resort to a com-
petent organ of the United Nations (Art. VIII) or (ii) resort to an inter-
national penal tribunal (Art. VI), but not by invoking the responsibility
of States in inter-Staterelations before the International Court of Justice.
This constitutes a unique character of the Convention which was pro- APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCLO . DA) 626

établique ce dernier Etat a porté atteinte aux droits du premier Etat pro-
tégés par le traitéen question.

4. La convention sur le génocideest unique en ce qu'ellea étéadoptée
par l'Assembléegénérale en1948 à une époque où - en raison du succès
des procèsde Nuremberg - l'idéeprospérait qu'il fallaitcréerun tribu-
nal pénal international pour réprimerlesactes criminelsdirigéscontre les
droits de l'homme, dont le génocide; elle vise essentiellement non les
droits et obligations des Etatsmais la protection de droits aujourd'hui
universellement reconnus à l'individu et aux groupes de population.

Certes, les parties contractantesla convention définissentle génocide

comme «un crime du droit des gens» (article premier). La convention
oblige les parties contractantesà punir les personnes ayant commis un
génocideou des actes de génocide(art. IV). Les parties contractantes
s'engagent à prendre ((conformément à leurs constitutions respectives,les
mesures législativesnécessairespour assurerl'application des dispositions
de la présente convention))(art. V).

Comme les personnes commettant un génocide ou desactes de géno-
cide peuvent être «des gouvernants [ou] des fonctionnaires))(art. IV), la
convention permet expressément à «toute partie contractante [de] saisir

les organes compétents de l'Organisation des Nations Unies afin que
ceux-ci prennent, conformément à la Charte des Nations Unies, les me-
sures qu'ilsjugent appropriéespour la préventionet la répression de[ces
actes]))(art. VIII) et envisage la création d'une courcriminelle interna-
tionale (art. VI).
Le génocide estdéfinicomme «un crime du droit des gens [que les
parties contractantes] s'engagentàpréveniret à punir))(articlepremier).
Mêmesil'on doit interpréter cettedispositiongénérale (qui a étécritiquée
à la SixièmeCommission en 1948,certains représentants estimant qu'elle
aurait dû êtreplacéedans le préambule et non dans le texte même)

comme signifiant spécifiquementque lesparties contractantes sont tenues
«de préveniret de punir)) le génocideet les actes de génocide,ces obli-
gationsjuridiques sont supportéesd'une manièregénérale evgaomnes par
lesparties contractantes dans leursrelations avec toutes les autres parties
à la convention - ou mêmeavec l'ensemblede la communauté interna-
tionale- mais ne sontpas des obligations à l'égardd'une partie contrac-
tante signataire particulière ou définie.
Au cas où une partie contractante manquerait à((préveniretpunir)) un
tel crime, il peut êtreremédié ce manquement uniquement: i) en saisis-
sant un organe compétentde l'organisation desNations Unies (art. VIII)

ou ii) en saisissant une cour criminelle internationale (art. VI), mais non
en invoquant la responsabilitédes Etats dans les relations interétatiques
devant la Cour internationale de Justice.Il s'agitlà d'une caractéristique duced in the post-war period in parallel with the emergence of the con-
cept of the protection ofhuman rights and humanity.

5. In this regard, some explanation of the dispute settlementprovision
of the Convention (Art. IX) may be pertinent. It reads as follows:

"Disputes between the Contracting Parties relating to the interpre-
tation, application or fulfilment of the present Convention,including
those relating to the responsibility of a State for genocide or for any
of the other acts enumerated in article III, shall be submitted to the
International Court of Justice at the request of any of the parties to
the dispute"
and is unique as compared with the compromissory clauses found in
other multilateral treaties which provide for submission to the Inter-

national Court of Justice of such disputes between the Contracting
Parties as relate to the interpretation or application of the treaties in
question.
The construction of Article IX of the Genocide Convention is very
uncertain as it incorporates specificreferences to "[dlisputes . . relating
to ... fulfilment of the Convention" and to "disputes relating to the res-
ponsibility of a State for genocide or [genocidal acts]" - references
which can hardly be understood in any meaningful sense as a compro-
missory clause.
The original draft of the GenocideConvention was drawn up by an Ad
Hoc Committee on Genocide in the ECOSOC in April-May 1948, and
contained an orthodox type of compromissory clause (Official Records
of the Economic and Social Council, Third Year, Seventh Session, Sup-
plement No. 6), which read :

"Disputes between the High Contracting Parties relating to the
interpretationor applicationof this Convention shall be submitted to
the International Court of Justice, provided that no dispute shall be
submitted to the International Court of Justice involving an issue
which has been referred to and is pending before or has been passed
upon by a competent international criminal tribunal." (Emphasis
added.)

When this draft was taken up by the Sixth Committee of the General
Assembly in its Third Session in October 1948,the addition of the two
aforementioned referenceswas proposed (Official Records of the General
Assembly, Third Session, Sixth Committee, Annexes, p. 28 : AiC61258)
without, in my view,the drafters having a clear picture of the new type of
convention to be adopted. While some delegates understood that "fulfil-
ment" would not be different from "application", a proposa1 to delete
"fulfilment" from the additions was rejected by 27 votes to 10, with
8 abstentions. However, another deletion of the words "including [dis-
putes] relating to the responsibility of a State for genocide or [genocidal APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCLO . DA) 627

unique de la convention, élaboréeà une époque - l'après-guerr- où la
notion de protection des droits de l'homme et de l'humanité faisaitson
apparition.
5.A cet égard,il peut être pertinentd'expliquer la disposition de la
convention relative au règlement desdifférends(art. IX). Elle est ainsi

libellée
«Les différendsentre les parties contractantes relatiàl'interpré-
tation, l'application ou l'exécutionde la présenteconvention,y com-
pris ceux relatifsla responsabilitéd'un Etat en matièrede génocide
ou de l'un quelconque desautres actesénumérés àl'articleIII, seront
soumis à la Cour internationale de Justiceà la requêted'une partie

au différend»;
et elleest unique si on la compare aux clauses compromissoires d'autres
traités multilatérauxquiprévoient la soumission àla Cour internationale
de Justice des différendsentre les parties contractantes ayant traiteur
interprétation ou application.

La construction de l'article IX de la convention sur le génocideest
très incertaine en ce qu'elle contient des références expresseaux «dif-
férends ...relatifsà ...l'exécution dela présente convention)) et aux
((différendsrelatifsla responsabilité d'unEtat en matièrede génocide ou
[d'actes degénocide]» - des références qu'il esdtifficilede comprendre
utilement comme constituant une clause compromissoire.
Le projet originaire de la convention sur le génocidea étéélaboré par
un comitéspécialdu génocidedu Conseil économique et socialen avril-
mai 1948,etcontenait une clausecompromissoireplus orthodoxe (Docu-
ments officielsdu Conseiléconomiqueet social, troisième année, septième
session, supplément no6) qui étaitainsi libellée:

«Les différendsqui s'élèveraienetntre les Hautes Parties contrac-
tantes concernant l'interprétation ou l'application de la présente
convention seront soumis à la Cour internationale de Justice, sous
réservequ'aucun différendne sera soumis à la Cour internationale
de Justice s'ilimplique une question qui a été déférée un tribunal

international compétent, est pendante devant ce tribunal, ou a déjà
étéjugéepar lui.» (Les italiques sont de moi.)
Lorsque ce projet a été examiné par la SixièmeCommission de 1'Assem-
bléegénérale à sa troisième session en octobre 1948, l'ajout des deux
référencessusmentionnéesa été proposé (Documentsofficielsde I'Assem-

bléegénérale,troisième session, Sixième Commission, annexes, p. 28
(AlC.61258))sans qu'à mon avis les rédacteurs aient une idéebien claire
de la nouveauté du type de convention qui allait être adopté. Certains
représentants ne voyaient pas de différenceentre «exécution» et «ap-
plication)),mais une proposition tendantà la suppression du mot ((exécu-
tion)) a étérejetéepar 27 voix contre 10, avec 8 abstentions. Toutefois,
une autre proposition, tendant a la suppression des mots «y compris [lesacts]" was also rejected but only by 19 votes to 17, with 9 abstentions
(OfficialRecords of the GeneralAssembly, Third Session, Sixth Comrnit-
tee, SR.104, p. 447). The travauxpréparatoiresof the Convention seem
to confirm that there was somemeasure of confusion among the drafters,
reflecting in particular the unique nature of their task in the prevailing
spirit of the times.

How can one then interpret this reference to the "responsibility of a
State"? As far as 1know such a referencehas never been employed in any
other treaty thereafter. It seems to be quite natural to assume that that
reference would not have had any meaningful sense or otherwise would
not have added anything to the clauseproviding for the submission to the
Court of disputesrelating to the interpretationor applicationof the Con-

vention, because, in general, any inter-state dispute covered by a treaty
per se always relates to the responsibility of a State and the singling-out
of a referenceto the responsibility of a Stateoes not have any sensewith
regard to a compromissory clause.

6. In order to seise the Court of the present case, Bosnia and Herze-
govina would certainly have had to show that applying the Genocide
Convention to the situation in the area of the former Yugoslavia, Yugo-
slavia could indeed have been responsible for the failure of the fulfilment
of the Convention in relation to Bosnia and Herzegovina. But, more par-
ticularly, Bosnia and Herzegovina would have to show that Yugoslavia
has breached the rights of Bosnia and Herzegovina as a Contracting
Party (which by definition is a State) that should have been protected
under the Convention. This, however, has not been shown in the Appli-
cation and in fact the Convention is not interrdedto protect the rights of

Bosnia and Herzegovina as a State. Yugoslavia might have been respon-
sible for certain instances of genocide or genocidal acts committed by its
public officialsor surrogates in the territory of Bosnia and Herzegovina,
but this factalone does not mean that there is a "disr>ute"between the
States relating to the responsibility of a State, as ~u~islavia did not vio-
late the rights bestowed upon Bosnia and Herzegovina by the Conven-
tion. 1 would like to repeat and to emphasize that what should be pro-
tected by the Convention is not the particular rights of any individual
State (Bosnia and Herzegovina in this case) but the status of human
beings with human rights and the universal interest of the individual in
general.
7. What Bosnia and Herzegovina did in its Application was to point
to certain facts tantamount to genocide or genocidal acts which had
allegedly been committed within its territory by the Government of
Yugoslavia or by its agents or surrogates, and to submit claims alleged
to have arisen out of these acts. This cannot be taken to indicate the APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCLO . DA) 628

différends]relatifsà la responsabilité d'un Etat en matière de géno-
cide ou [d'actesde génocide])),a elleaussi érejetée, mais seulementpar
19voix contre 17,avec 9 abstentions (Documentsof$ciels de l'Assemblée
générale,troisièmesession, Sixième Commission, SR.104, p. 447). Les
travaux préparatoires de la convention semblent confirmer qu'il régnait
une certaine confusion parmi ceux qui l'ont rédigée,tenant en parti-
culier au caractère unique de leur tâche étantdonné l'esprit qui régnait
l'époque.
Comment peut-on alors interpréter cette référenceà la ((responsabilité

d'un Etat))? A ma connaissance, elle n'a plus jamais étéemployéedans
aucun autre traité.l sembletout àfait naturel de supposer que cette réfé-
rence n'avait pas un sens bien définiou n'aurait rien ajouté la clause
prévoyant lasoumission àla Cour des différends relatiàl'interprétation
ou à l'application dela convention parce que, en généralt,out différend
interétatiauevisédans un traitéa toujours en soi traitla res~onsabilité
d'un ~tat~etque la mise envaleur d'une référenceàla responsabilitéd'un
Etat n'a aucun sens pour ce qui est d'une clause compromissoire.

6. Pour saisir la Cour de la présenteaffaire, la Bosnie-Herzégovine
aurait dû montrer de manière certaine que, en appliquant la convention
sur le génocideà la situation qui prévalait sur le territoire de l7ex-You-
goslavie, la Yougoslavie aurait de fait pu engager sa responsabilitéen
n'exécutant pas la conventionà l'égard dela Bosnie-Herzégovine.Mais,
plus particulièrement,la Bosnie-Herzégovinedoit démontrer quela You-
goslavie a violédes droits de la Bosnie-Herzégovineen tant que partie
contractante (par définition un Etat) qui auraient dû être protégée sn
vertu de la convention. Or, cela'a pas étédémontré dansla requête et
en fait la convention ne vise pas protégerles droits de la Bosnie-Her-
zégovineen tant qu7Etat. La Yougoslavie est peut-être responsablede

génocideou de certains actes de génocide commispar ses fonctionnaires
ou ses auxiliaires sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine,maisce seul
fait ne signifiepas qu'il existe entre les deux Etats un «différend» relatif
à la responsabilité d'un Etat, car la Yougoslavie n'a pas violéles droits
conférés àla Bosnie-Herzégovinepar la convention. Je tiens àrépéter et
à souligner que ce ne sont pas les droits particuliers de tel ou tel Etat (en
l'espècela Bosnie-Herzégovine)qui doivent être protégép sar la conven-
tion, mais des êtres humains ayantdes droits fondamentaux et l'intérêt
universel de l'individu en général.

7. Dans sa requête, laBosnie-Herzégovinea allégué que certains faits
assimilablesàun génocideou à des actes de génocideauraient étécommis

sur sonterritoire par le Gouvernement de la Yougoslavie ou lesagentsou
auxiliaires de celui-ci, et a présentédes demandes en réparation aux-
quellescesactesauraientdonnénaissance. Onne peut considérerquece fai-existenceof an inter-State dispute relating to the responsibility of a State
which could have been made a basis for the Court's jurisdiction.

Bosnia and Herzegovina certainlymight have claimed "reparations for
any damages to persons and property as well as to the Bosnian economy
and environment caused by the . . . violations of international law"
(Application, para. 135 (r)) - not under the Genocide Convention but
only as a general issue of international law. (Bosnia and Herzegovina
states that the claims to reparation for damages have been caused by the
violations of international law, not by the Genocide Convention.) If this
is the case, whether the present Court has jurisdiction over such claims
under the GenocideConvention is quite a differentproblem and is irrele-
vant to the present case.

8. After all, Bosnia and Herzegovina does not appear to allegethat it
has a dispute with Yugoslavia relating to the interpretation or applica-
tion of the Genocide Convention, although only such a dispute - and
not the commission of genocide or genocidal acts which certainly are
categorized as a crime under international law - can constitute a basis
of the Court's jurisdiction under the Convention.

9. Looking at the new concept of genocide emerging with the Second
World War and the corresponding preparation of the GenocideConven-
tion - a new type of treaty to deal with the rights of individuals as a
whole, but not with the rights and obligations in the inter-State relations

- 1question whether the International Court of Justice is the appropri-
ate forum for the airing of the questionsrelating to genocideor genocidal
acts which Bosnia and Herzegovinahas raised in the current proceedings.
1 am inclined to doubt whether international law, the Court, or the wel-
fare of the unfortunate individuals concerned will actually benefit from
the consideration of cases of this nature by the Court.
The establishment of an international penal tribunal as contemplated
in the Convention is now, after half a century, about to be put into effect
by the United Nations General Assemblythanks to the work of the Inter-
national Law Commission. In addition, one month before the Applica-
tion of Bosnia and Herzegovina in this case, it was decided on 22 Feb-
ruary 1993by Security Council resolution 808 (1993), that the Interna-
tional Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia would be established

"for the prosecution of persons responsible for serious violations of inter-
national humanitarian law committed in the territory of the former
Yugoslavia since 1991" and that Tribunal established on 25 May 1993
pursuant to Security Council resolution 827 (1993)is presently in opera-
tion.
10. 1 would like to add one thing and that is that the Court should
maintain a very strict position in connection with its jurisdiction. Thesant la Bosnie-Herzégovinea indiquél'existenced'un différendinteréta-
tique relatià la responsabilitéd'un Etat qui pourrait donner compétence

à la Cour.
La Bosnie-Herzégovinepouvait àcoup sûr demander «des réparations
pour lesdommages subispar lespersonnes et lesbiens ainsi que par l'éco-
nomie et l'environnement de la Bosnie à raison des violations...du droit
international)) (requête,par. 135r)) - non en vertu de la convention sur
le génocidemais uniquement en tant que question générale de droit inter-
national (la Bosnie-Herzégovinedéclare queses demandes de réparations
ont leur cause dans des violations du droit international, non dans la
convention sur le génocide).Si tel est le cas, la question de savoir si la
Cour est compétente pour connaître de ces demandes en vertu de la
convention sur le génocide estun problème tout à fait différent etsans
rapport avec la présente affaire.

8. Après tout, la Bosnie-Herzégovine nesemble pas prétendre qu'un
différend relatifàl'interprétationou à l'application de la convention sur
le génocidel'oppose àla Yougoslavie, alors que seulun tel différend- et
non la commission d'un génocideou d'actes de génocide, certesqualifiés
de crimesen droit international - peut fonder la compétence dela Cour
au regard de la convention.

9. Considérant lanouveautéde la notion de génocideapparue avec la
seconde guerre mondiale et l'élaborationcorrespondante de la conven-
tion sur le génocide - un nouveau type de traité concernant les droits

des individus dans leur ensemble, mais non les droits et obligations des
Etats dans leurs relations -je me demande si la Cour internationale de
Justice est bien l'instancequi convient pour connaître des questions ayant
trait au génocideou à des actes de génocide quela Bosnie-Herzégovinea
soulevées en l'espèceJ.'ai tendance à douter que l'examen d'affaires de
cette nature par la Cour servira le droit international, la Cour ou la cause
des malheureux concernés.
Grâce au travail accompli par la Commission du droit international,
l'Assembléegénérale des Nations Unies est sur le point de créer unecour
criminelle internationale comme l'avait envisagé la conventionil y a un
demi-siècle.En outre, le 22 février1993, un mois avant que la Bosnie-
Herzégovine n'introduise sa requête en la présente affaire,le Conseil de

sécuritéa décidédans sa résolution 808 (1993) que le Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie seraitcréé «pour poursuivre les per-
sonnes responsables de violations graves du droit international humani-
taire commisessur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis1991 »et que le
Tribunal créé le 25mai 1993en application de la résolution827 (1993)du
Conseil de sécurité est actuellementopérationnel.

10. Je souhaite ajouter une chose,à savoir que la Cour devrait demeu-
rer très strictesur sa compétence. C'estle consensus d'Etats souverainsconsensus of the sovereign States in dispute essentially constitutes the
basis of that jurisdiction. Were we ever to relax the basic conditions,
1 would expect to see a flood of cases pouring into this judicial institu-
tion, the task of whichis mainly the settlement of international disputes.
Genocide is preciselythe sort of issue that should be settled by any other
appropriate organ of the United Nations as suggested in Article VI11of
the Convention, or by the international penal tribunal under Article VI.
This is, as 1repeat, the main idea of the Genocide Convention.
1admit that the extremelyvague and uncertain provision of Article IX
of the GenocideConvention may leaveroom for the Court to allow itself
to be seised of the present case, but consider that such a conclusion
would be based on a misinterpretation of the real spirit of the Genocide
Convention. Moreover. note should be taken in ~arallel of the re~eated
resolutions taken by the Security Council or the Statementsmade ky the
President of the Security Council concerning Yugoslavia (which were
made prior to the Dayton-Paris Agreement) and the current work of the
International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia for the deter-
mination of criminal responsibility.

11. Finally, 1 would like to add that my vote against the decision on
the jurisdiction of the Court does not in any way prejudge the position 1
may take during the meritsphase with regard to my legal evaluation con-
cerning the allegations of genocide committed in the former Yugoslavia
which are covered by the Application of Bosnia and Herzegovina of
20 March 1993.

(Signed) Shigeru ODA. APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCLO . DA) 630

parties à un différendqui pour l'essentielfonde cette compétence.Si la
Cour devait assouplir ces conditions fondamentales, elle risquerait d'être
submergéepar un flot d'affaires, alors que sa tâche est principalement de
réglerles différends internationaux. Le génocide est précisémenlte type
de problème qui devrait êtreréglépar un autre organe compétent de
l'ornanisation des Nations Unies comme l'indiaue l'article VI11de la
convention, ou par la cour criminelle internationale viséeà l'article VI.

Cela est,je le répète,l'idéeprincipale de la convention sur le génocide.
J'admets que les dispositions extrêmement vagueset incertaines de
l'articleX de la convention sur le génocidelaissentpeut-êtreàla Cour la
latitude nécessairepour se saisir de la présente affaire, mais j'estime
qu'une telle conclusionreposerait sur une interprétation erronée duvéri-
table esprit de la convention. En outre, il convient de prendre note en
parallèledes résolutionssuccessivesadoptéespar le Conseilde sécurité ou
desdéclarationsdu président duConseil de sécurité en ce qui concerne la
Yougoslavie (qui ont étéfaites avant les accords de Dayton-Paris) et du
travail qu'accomplit actuellement le Tribunal international pour l'ex-
Yougoslavie s'agissant de déterminer la responsabilitépénale.
11. Enfin, j'ajouterai que mon vote contre la décisionconcernant la

compétencede la Cour ne préjugeen rien la position que je pourrais
adopter lors de l'examenau fond en ce qui concernemon évaluationjuri-
dique des allégationsdegénocidedans l'ex-Yougoslaviequi figurent dans
la requête introduitepar la Bosnie-Herzégovinele 20 mars 1993.

(Sign jéShigeru ODA.

Document file FR
Document Long Title

Déclaration de M. Oda (traduction)

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