Opinion individuelle de M. Cançado Trindade

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322

OPINION INDIVIDUELLE
DE M. LE JUGE CANÇADO TRINDADE

[Traduction]

table des matières

Paragraphes

I. Introduction 1-3

II. Les causes de la résurgfience du différend 4-12

III. Quelques précisions sfiur des points de termifinologie et

d’herméneutique 13-18

IV. Les incidents (survenufis de 2007 à2011) qui ont conduit le
Cambodge à déposer une dfiemande en indicationfi de mesures
conservatoires et unfie demande en interprétfiation de

l’arrêt de 1962 19-27

V. Les mesures conservatofiires de protection infidiquées par la
Cour en 2011 28-33

VI. Ce qu’ont dit les Partifies au sujet de l’exécufition de
l’ordonnance en indification de mesures confiservatoires de

protection rendue pafir la Cour 34-37

VII. L’obligation incombanfit aux États en cause dfie s’abstenir
de la menace ou de l’emfiploi de la force et defi régler leur
différend par des moyefins pacifiques 38-42

VIII. L’indissociabilité defi l’exposé des motifsdu dispositif 43-61

1. Aperçu de la jurisprudence de la Cour de La Haye (la CPJI

et la CIJ) en la matière 45-49
2. Raisons invoquées et effort de persuasion 50-51
3. L’importance, reconnue de longue date, d’un raisonnement

juridique rigoureux 52-61

IX. Observations finales 62-67

*

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8 Ord 1050.indb 87 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 323

I. Introduction

1. J’ai souscrit, par mon vote, à l’interprétation que la Cour fiinternatio -
nale de Justice (CIJ) a donnée de son arrêt de 1962 en l’affaire du Temple
de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande). Néanmoins, je relève que la
Cour n’a pas exposé et développé explicitement toutes les cofinsidérations
qui me paraissent l’avoir conduite à sa décision, et, vu la haute impor -

tance que j’attache à ces considérations, je me vois dans l’fiobligation d’ex-
poser dans la présente opinion ce qui constitue le fondement de ma
position les concernant. J’estime accomplir ainsi mon devoir au service de
la justice internationale.

2. Je traiterai pour commencer des causes de la résurgence du diffé -
rend, puis j’aborderai quelques points de terminologie et d’herméfineutique
qu’il me paraît utile de préciser. Je rappellerai ensuite brièfivement les inci-
dents (survenus de 2007 à 2011) qui ont conduit le Cambodge à saisir

simultanément la Cour d’une demande en indication de mesures consefir -
vatoires et d’une demande en interprétation de son arrêt de 1962, et je
rappellerai également ce que les Parties ont dit dans leurs écritures
et leurs plaidoiries en ce qui concerne l’exécution des mesures conserva -
toires indiquées par la Cour. Je m’appuierai sur les écritures et les fiplaido-i

ries des Parties en la présente affaire relative à l’interprétation defi l’arrêt
de 1962.
3. Après avoir rappelé les principes fondamentaux de droit internatiofi-
nal qui étaient en jeu, je traiterai de l’indissociabilité de lfi’exposé des
motifs et du dispositif d’un arrêt. Je donnerai tout d’abord un aperçu de

la jurisprudence en la matière de la Cour de La Haye (la CPJI et la CIJ) ;
j’aborderai ensuite le rôle que les raisons invoquées et les efffiorts de per -
suasion jouent dans un raisonnement juridique; enfin, j’insisterai sur l’im-
portance, reconnue depuis bien des siècles, que revêt un raisonnement
juridique rigoureux, ce qui me permettra de mieux cerner le lien étroit qui

existe entre l’exposé des motifs et le dispositif d’un arrêtfi. Je terminerai en
exposant mes observations finales.

II. Les causes de la résurgfience du différend

4. Je relève tout d’abord que, dans leurs écritures et plaidoiriesfi en la
présente affaire concernant l’interprétation de l’arrêt defi 1962, les Parties
ont elles-mêmes traité des causes de la résurgence de leur différend. Afiinsi,
lors des audiences (le 15 avril 2013), le Cambodge, considérant dans leur

dimension temporelle les faits qui constituaient le contexte de la contefista -
tion l’opposant à la Thaïlande, a déclaré ce qui suit :

«Entre 1970 et 2007, [cette contestation] est restée latente, dans un fi
premier temps, en raison de la guerre civile qui faisait rage au Cam -

46

8 Ord 1050.indb 89 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 324

bodge, puis, lorsque des Cambodgiens s’installèrent paisiblement
autour du temple et dans ses environs, parce que la Thaïlande ne

protesta pas, si l’on excepte des plaintes occasionnelles concernant fila
pollution. Ce n’est qu’en 2007-2008 qu’il y a eu résurgence de la
contestation, due à ce que la Thaïlande s’opposait à l’infiscription du

temple [par l’UNESCO] sur la liste du patrimoine mondial, et avait
publié une nouvelle carte « secrète» … Après ces incidents, le Cam -
bodge a protesté contre cette carte. » 1

5. Dans sa requête introductive d’instance (déposée le 28 avril 2011), il
affirmait ce qui suit :

«A la suite des accords de Paris de 1991, de la fin définitive du
conflit avec le mouvement des Khmers rouges en 1998, et de la

consolidation d’un gouvernement démocratique effectif au Cam -
bodge ayant la capacité de conduire des relations normales et apai -
sées avec ses voisins et au-delà, des étapes furent franchies de manière

à initier un processus bilatéral entre le Cambodge et la Thaïlafinde
qui, si cela avait fonctionné de la manière que le Cambodge espéfirait,
aurait conduit à l’établissement d’une situation stable grâfice à laquelle
l’application de l’arrêt de 1962 de la Cour aurait été pleinement pos -

sible. Le moyen principal en était le processus de démarcation de fila
frontière entre les deux Etats … Si ce processus avait pu être mené
avec succès à son terme, comme le Cambodge le souhaitait, il auraifit
supprimé ipso facto la possibilité d’un différend comme celui qui

concerne l’interprétation à propos du régime territorial danfis la zone
spécifique dans laquelle le temple de Préah Vihéar est situé. Ce n’est
qu’à la suite de l’opposition de la Thaïlande au processus pfiour l’ins -

cription en 2008 du temple sur la liste du patrimoine mondial
de l’UNESCO qu’il est devenu clair pour le Cambodge que ce pro -
cessus n’avait aucune chance réaliste d’aboutir sans une inter-
prétation claire et autorisée de la Cour sur le sens et la portéfie

de l’arrêt de 1962. Le Cambodge ne pense pas que la Cour puisse
considérer de manière défavorable le fait que le Cambodge a expfiloré
l’ensemble des possibilités bilatérales avant d’en arriver àfi la conclu -
sion qu’il existait une interprétation fondamentalement différente defi

celle de son voisin quant au sens et la portée de l’arrêt de 1962, qui
ne pourrait être tranchée que par le moyen de la présente requêfite en
interprétation. » 2

6. Dans sa requête , puis dans sa réponse (déposée le 8 mars 2012) 4

aux observations de la Thaïlande, le Cambodge affirmait avec insis -
tance que la contestation l’opposant à la Thaïlande ne s’était firavivée

1
2 Audience publique du 15 avril 2013, CR 2013/1, p. 74, par. 86.
Requête introductive d’instance, déposée par le Cambodge le fi28 avril 2011, p. 25,
par3 30.
4 Ibid., par. 12, 15 et 17.
Réponse du Cambodge, par. 2.9, 2.23, 2.90-2.91, 2.104 et 4.60.

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8 Ord 1050.indb 91 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 325

que lorsqu’il avait demandé en 2007 à l’UNESCO l’inscription du

temple de Préah Vihéar sur la liste du patrimoine mondial, demande qui
avait abouti en 2008, et que les Parties reconnaissaient ne pas être d’ac -
cord sur l’interprétation de l’arrêt de 1962. La Thaïlande, dans ses obser -
vations écrites déposées le 21 novembre 2011 , faisait observer que l’arrêt

de 1962 par lequel la Cour avait tranché la question de la souverainetéfi sur
le temple de Préah Vihéar, qu’elle ne contestait pas, avait créé une situa -
tion dont il fallait tenir compte pour la délimitation et la démarfication de

sa frontière avec le Cambodge dans la zone du temple.

7. La Thaïlande faisait de plus observer qu’en 2004 un conseil ministé-
riel constitué conjointement par le Cambodge et elle-même s’était réuni à

Bangkok pour examiner la possibilité, pour les deux pays, de « soumettre
ensemble» à l’UNESCO une proposition d’inscription du temple sur la fi
liste du patrimoine mondial, mais que, « cette même année, le Cambodge,

sans en informer la Thaïlande, soumettait unilatéralement à l’fiUNESCO
une proposition en ce sens» . Dans son supplément d’information (déposé
le 21 juin 2012), la Thaïlande ajoutait que le Cambodge espérait ainsi

«élargir le sens du terme « environs»» figurant au deuxième point du
dispositif de l’arrêt de 1962, en vue d’obtenir l’inscriptiofin du temple
par l’UNESCO sur la liste du patrimoine mondial « sans l’indispensable
coopération de la Thaïlande » 7.

8. Le Cambodge et la Thaïlande ont repris leurs arguments durant la
procédure orale (avril 2013). Selon le Cambodge, l’inscription du temple
sur la liste du patrimoine mondial était à l’origine des « actes d’agression

armée» p8rpétrés par la Thaïlande contre « le Cambodge, faiblement
armé » . La Thaïlande, pour sa part, affirmait que « la demande d’ins-
cription unilatérale du temple sur la liste du patrimoine mondial de fi
l’UNESCO, en 2007, a[vait] de nouveau envenimé la situation » 9.

9. La contestation soumise à la Cour avait été portée à l’fiattention du
Conseil de sécurité des Nations Unies. Il ressort clairement des arguments

avancés par les Parties dans leurs lettres de juillet 2008 au président
du Conseil de sécurité (M. Le Luong Minh) qu’elles ont fait état de leurs
divergences peu après l’inscription du temple sur la liste du patri -
moine mondial à la demande du Cambodge. Dans sa lettre datée du

19 juillet 2008, adressée au président du Conseil de sécurité, file représen -
tant permanent du Cambodge auprès de l’Organisation des Nations Unies
dénonçait la « provocation militaire thaïlandaise » visant à « créer sur le

5 Observations écrites de la Thaïlande, par. 4.69, 4.75, 4.110 et 7.1.
6 Ibid., par. 1.21.
7 Supplément d’information de la Thaïlande, par. 5.5.
8 Audience publique du 15 avril 2013, CR 2013/1, p. 17-18, par. 7-8. Le Cambodge a
de plus soutenu que la Thaïlande n’avait « jamais réellement accepté la solution de l’arrêt

de 9962» (ibid., p. 18, par. 9).
Audience publique du 17 avril 2013, CR 2013/3, p. 63, par. 26.

48

8 Ord 1050.indb 93 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 326

sol cambodgien » une zone de chevauchement de facto « qui n’a[vait]
aucun fondement légitime », en violation de « la souveraineté et de l’inté -
grité territoriales» du Cambodge . 10

10. La Thaïlande, de son côté, dans une lettre datée du 21 juillet 2008,
adressée au président du Conseil de sécurité par son repréfisentant perma -
nent auprès des Nations Unies, affirmait que, par son arrêt de 1962,

la Cour « n’avait en aucun cas déterminé l’emplacement de la frontièfire
entre le Cambodge et la Thaïlande », et soutenait que « le différend
soumis à la CIJ dans cette affaire se limitait à la question de la sou-
veraineté sur la région du temple de Préah Vihear » et que « l’emplace -

ment de la frontière terrestre [devait] encore être déterminéfi conformément
au droit international » 1.
11. Il ressort des positions des Parties (voir également ci-après) que la

présente affaire est une affaire non pas de délimitation ou de défimarcation,
mais de souveraineté territoriale. Dans son arrêt du 15 juin 1962, la Cour
parle indifféremment de « la souveraineté territoriale du Cambodge sur la
12
région du temple de Préah Vihéar» , de «la souveraineté dans la zone du
temple » 13 et de « la souveraineté sur le temple » . De même, les expres -
sions « région contestée », « souveraineté sur Préah Vihéar » et « temple
15
ou … zone du temple » sont employées indifféremment dans l’arrêt . On
ne peut qu’en retirer l’impression que quelques précisions sur fides points
de terminologie et d’herméneutique s’imposent (voir ci-après).

12. Avant d’aborder ce volet de mon propos, j’ajouterai simplement
qu’à mon sens la question en cause est celle de la souveraineté territo -

riale qui doit être exercée pour assurer la sécurité des populatiofins
locales relevant de la juridiction de l’une ou l’autre des Parties à lafi
lumière des principes fondamentaux de droit international, dont celui du

règlement pacifique des différends internationaux et celui qui intefirdit
la menace ou l’emploi de la force (voir la section VII ci-après).
Cette souveraineté territoriale doit être exercée par chacun des deuxfi Etats
concernés en étroite coopération avec l’autre, en sa qualitéfi de partie à la

Convention du patrimoine mondial, aux fins de la préservation, au profifit
(culturel) de l’humanité, du temple qui est désormais inscritfi sur la liste de
l’UNESCO.

10 Requête introductive d’instance, annexe 2, p. 43, 45.
11 Ibid., annexe 4, p. 91 et 95. La Thaïlande ajoutait que

«l’inscription du temple de Préah Vihéar sur la liste du patrimoine mondial ne
préjuge[ait] en rien les droits de la Thaïlande concernant son intfiégrité et sa souverai
neté territoriales ainsi que le levé et la démarcation d’unefi frontière terrestre dans la
zone et la situation juridique de la Thaïlande » (ibid., p. 99).

12 Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962,
p. 14 (dernier paragraphe).
13 Ibid., p. 17 (premier paragraphe) et p. 29 (premier paragraphe).
14 Ibid., p. 21 (deuxième paragraphe).
15 Ibid., p. 36 (trois paragraphes).

49

8 Ord 1050.indb 95 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 327

III. Quelques précisions sfiur des points de termifinologie

et d’herméneutique

13. Il me paraît à ce stade utile d’apporter brièvement quelquesfi préci -
sions sur des points de terminologie et d’herméneutique, afin de mfiieux
éclairer les causes de la résurgence du différend porté en 1962 devant la

Cour, qui décidément semble résister au passage du temps. Dans le pre -
mier point du dispositif de son arrêt du 15 juin 1962, la Cour a dit : « le
temple de Préah Vihéar est situé en territoire relevant de la souveraineté
du Cambodge»; dans le deuxième point, elle a en conséquence énoncé la
décision suivante : « la Thaïlande est tenue de retirer tous les éléments de

forces armées ou de police ou autres gardes ou gardiens qu’elle a fiinstallés 16
dans le temple ou dans ses environs situés en territoire cambodgien » .
14. Il ressort clairement du premier point du dispositif que le différend fi
portait sur la souveraineté territoriale, et non pas sur la délimitation ou la
démarcation de la frontière. Au deuxième point, il eût peut-être été sou -

haitable que, pour désigner le lieu d’où la Thaïlande devaitfi retirer ses
troupes et ses forces de police, la Cour emploie un terme autre que «fienvi -
rons», qui est un peu vague. Il se peut cependant que la Cour, il y a un fi
demi-siècle, ait préféré rester vague.
15. Il me semble fort possible qu’elle ait décidé de retenir un terfime qui

ne soit pas trop précis. Si elle avait voulu que l’obligation faitfie à la Thaï -
lande de retirer ses troupes et ses forces de police s’applique uniqufiement
au terrain où se trouvent le temple ou ses « ruines», sa décision se serait
prêtée à une interprétation plus étroite, selon laquelle fides troupes thaï -
landaises pouvaient rester stationnées devant l’enceinte du templefi ou

autour de celle-ci. Pareille interprétation se serait heurtée à une impossi -
bilité pratique, car elle aurait rendu le temple inaccessible au personnel
non militaire cambodgien. Même si la Cour, dans son arrêt de 1962, n’a
pas défini précisément en quoi consistent les « environs» du temple, j’es -
time donc qu’il importe d’interpréter le terme « environs» comme dési -

gnant une zone telle que le personnel non militaire cambodgien puisse
accéder au temple et en sortir.
16. Il importe également, à mon sens, que le terme «environs», tel qu’il
est employé dans le deuxième point du dispositif, soit de plus intfierprété
comme définissant l’étendue de l’obligation de retrait des tfiroupes et des

forces de police, afin que soit respecté dans le temple et dans ses «fi envi -
rons» le principe fondamental, s’imposant à l’une et l’autre fiPartie, qui
interdit la menace ou l’emploi de la force. Par quelque ironie du sort, c’est
l’inscription par l’UNESCO du temple sur la liste du patrimoine mofindial
qui a déclenché les affrontements à l’origine de la résurgfience du différend

porté devant la Cour en 1962, sous la forme d’une contestation porfitant
principalement sur l’interprétation du terme « environs» et sur l’obliga -
tion de « retrait» des éléments de forces armées ou de police.

16
C.I.J. Recueil 1962, p. 36-37.

50

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17. Etymologiquement, le verbe « se retirer/to withdraw » remonte à la
fin du XII et au XIII siècle (il est tiré du verbe latin retrahere, qui signi -
fie s’éloigner/to retract). Il a depuis été employé dansfi le sens de « s’éloi-
17
gner d’un lieu » ou de « quitter un lieu ou une position » . Le verbe est
apparu dans différents contextes, dont celui des questions de souveraifineté
territoriale, comme dans le cas du différend qui s’est ravivé entre le Cam -

bodge et la Thaïlande, mais il n’a pas été employé à pfiropos de la délimi -
tation d’un territoire ou de la démarcation de ses limites. Cette ficonstatation
vaut pour le langage employé dans le dispositif de l’arrêt de 1fi962 (voir

ci-dessus).
18. Pour l’interprétation de cet arrêt, la Cour a eu raison de direfi:

«[l]orsqu’un différend relatif à une question de souveraineté fiterrito-

riale a été tranché et que l’incertitude a été levéfie, chacune des parties
doit s’acquitter de bonne foi de l’obligation qu’a tout Etat defi respec -
ter l’intégrité territoriale des autres Etats. De même, les fiParties ont

l’obligation de régler par des moyens pacifiques tout différend fiqui les
oppose» (arrêt, par. 105).

Elle a relevé que la Thaïlande avait dûment reconnu qu’elle fiétait soumise
à l’obligation continue de respecter l’intégrité du territoire du Cambodge

(ibid., par. 51 et 105), y compris l’éperon de Preah Vihéar.

IV. Les incidents (survenufis de 2007 à2011) qui ont conduit
le Cambodge à déposer unfie demande en indicatifion de mesures

conservatoires et unfie demande en interprétfiation
de l’arrêt de 1962

19. Une série d’incidents survenus de 2007 à 2011 a conduit le Cam -
bodge à déposer une demande en indication de mesures conservatoirefis de
protection et une demande en interprétation de l’arrêt de 1962 ; il a relaté

ces incidents dans sa requête, déposée, je le rappelle, le 28 avril 2011. Le
17 mai 2007, le premier ministre thaïlandais a élevé une protestation fi
contre le plan de zonage (publié le 10 novembre 2006) que le Cambodge

17Voir Dictionnaire historique de la langue française (Alain Rey, dir. publ.), 3 éd., Paris,
Dictionnaires Le Robert, 2000, p. 1921 ; The Oxford English Dictionary (J. A. Simpson et
E. S. C. Weiner, dir. publ.), 2., vol. XX, Oxford, Clarendon Press, 1989, p. 450 ; Barn‑
hart Dictionary of Etymology (R. K. Barnhart et S. Steinmetz, dir. publ.), New York,
H. W. Wilson Co., 1988, p. 1241 ; Dictionnaire étymologique et historique du français

(J. Dubois, H. Mitterand et A. Dauzat, dir. publ.), Paris, Larousse, 2007, p. 717; The New
Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles (L. Brown, dir. publ.), vol. 2,
Oxford, Clarendon Press, 1993, p. 3704 ; Legal Thesaurus (W. C. Burton, dir. publ.),
New York/Londres, Macmillan Publs., 1980, p. 514 ; Vocabulaire juridique (G. Cornu, dir.
publ.), 8 éd., Paris, Association Henri Capitant/PUF, 2007, p. 827-828; Black’s Law Dictio‑
nary (B. A. Garner, dir. publ.), 9 éd., St. Paul/Mn., West/Thomson Reuters, 2009, p. 1739.

51

8 Ord 1050.indb 99 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 329

avait établi en vue d’obtenir que l’UNESCO inscrive le temple sfiur la liste

du patrimoine mondial. Après l’ouverture de pourparlers en ce sensfi avec
l’UNESCO, les relations entre les deux Etats sont allées se détfiériorant. A
partir du 15 juillet 2008, « de nombreux soldats thaïlandais ont franchi la

frontière et occupé une zone du territoire cambodgien près du tfiemple sur
le site de la pagode Keo Sikha Kiri Svara » 1.
20. Dans ses observations écrites, déposées le 21 novembre 2011, la

Thaïlande 19de son côté admis que des incidents s’étaientfi produits à partir
de 2007 . Selon elle, rien n’indiquait qu’elle ne se fût pas conforméfie à
l’arrêt de 1962. De son point de vue, « les incidents frontaliers des [der -
nières années] tenaient au fait que le Cambodge cherch[ait] à afiffirmer son

autorité sur une zone bien plus vaste que celle dont il s’était jusque-là
contenté » 20.
21. La controverse sur la souveraineté territoriale avait bel et bien

refait surface et, cette fois, le Conseil de sécurité des Nations Unies en a
été saisi (le 21 juillet 2008) 21. Dans une lettre datée du 21 juillet 2008,
adressée au président du Conseil de sécurité (M. Le Luong Minh), le

représentant permanent de la Thaïlande auprès de l’Organisatfiion des
Nations Unies affirmait que la question initialement portée devant la
Cour, sur laquelle celle-ci avait statué par son arrêt de 1962, « se limitait

uniquement à la souveraineté sur la région du temple de Préah Vihéar» et
ne se rapportait nullement à la détermination du tracé de la frfiontière
«dans la zone adjacente au temple »; il ajoutait que « les deux pays
[devaient] encore déterminer conformément au droit international » le
22
tracé de la frontière de ladite zone .
22. Trois mois plus tard, le représentant permanent du Cambodge
auprès de l’Organisation des Nations Unies a informé le président du

Conseil de sécurité que « des troupes thaïlandaises [avaient] de nouveau
franchi la frontière à trois endroits » (la pagode Keo Sikha Kiri
Svara, Veal Intry et la colline de Phnom Trap) situés « à l’intérieur du

territoire cambodgien » et avaient « ouvert le feu sur des soldats cam-
bodgiens», tuant deux d’entre eux et en blessant deux autres (incident dufi
15 octobre 2008) 2. Un incident du même genre s’est produit le 3 avril 2009
(sur la colline de Phnom Trap et aux lieux-dits de Tasem et Veal Intry),

«dans les environs immédiats du temple », causant des dégâts « aux
abords du temple », l’escalier donnant accès à celui-ci étant notamment
endommagé 24.

23. L’année suivante (le 20 août 2010), le Secrétaire général des Nations
Unies (M. Ban Ki-moon) a offert ses bons offices pour le règlement du

18
Requête introductive d’instance, p. 12 et 14, par. 13-16.
19 La Thaïlande a fait état de faits remontant à 2004-2005 ; voir observations écrites de
la Thaïlande, par. 1.26-1.27.
20 Ibid., par. 1.30.
21 Voir requête introductive d’instance, p. 20, par. 25.
22 Ibid., annexe 4, p. 87, par. 4.1.
23 Ibid., p. 26, par. 33.
24 Ibid., par. 34.

52

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différend opposant le Cambodge à la Thaïlande 2, mais malheureuse -
ment, du 4 au 7 février 2011, des troupes thaïlandaises, employant « de

l’artillerie lourde et des bombes à fragmentation », ont mené une opéra -
tion qui a fait « de nombreuses victimes parmi les militaires et civils cam -
bodgiens» et «endommagé le temple lui-même», ce qui a amené le Conseil
de sécurité, le 14 février 2011, à engager les deux Etats à conclure « un

cessez-le-feu permanent »; le Cambodge a appellé tout particulièrement
l’attention de la Cour sur la déclaration faite à la même dafite par la prési -
dente du Conseil de sécurité (M me Maria Luiza Ribeiro Viotti), publiée
26
dans un communiqué de presse des Nations Unies ; en voici la teneur :
«Les membres du Conseil de sécurité ont entendu un exposé sur lafi

situation à la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, préfisenté
par le Secrétaire général adjoint, M. B. Lynn Pascoe, et par le ministre
des affaires étrangères de l’Indonésie et président de l’fiAssociation des
nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), M. Marty Natalegawa.

Les membres du Conseil ont également entendu le vice-premier
ministre et ministre des affaires étrangères du Cambodge, M. Hor
Namhong, et le ministre des affaires étrangères de la Thaïlande,fi

M. Kasit Piromya.
Les membres du Conseil se sont dits très préoccupés par les affrfionte -
ments armés qui ont opposé récemment le Cambodge et la Thaïlfiande.
Les membres du Conseil ont demandé aux deux parties de faire

preuve de la plus grande retenue et d’éviter toute action qui pourfirait
aggraver la situation. Ils ont en outre engagé les parties à déficlarer un
cessez-le-feu permanent et à le respecter scrupuleusement, et à régler
la situation par des moyens pacifiques dans le cadre d’un dialogue

constructif.
Les membres du Conseil ont dit appuyer l’action résolue que
l’ANASE mène à cet égard et ont invité les parties à cfiontinuer de
coopérer avec l’organisation. Ils ont accueilli favorablement la pro -

chaine réunion des ministres des affaires étrangères de l’ANAfiSE qui
se tiendra le 22 février. » 27

24. Dans sa requête, le Cambodge présentait les incidents du début de
février 2011 comme constituant « une grave menace pour la paix et la
sécurité dans la région », ce que le Secrétaire général de l’ONU avait pour
28
sa part de nouveau souligné . L’UNESCO, dans un rapport de son
comité du patrimoine mondial daté du 26 mai 2009, avait quant à elle
manifesté son souci de renforcer «la protection et … la gestion du bien du
patrimoine mondial » (voir annexe 12). Toujours dans sa requête, le

Cambodge ajoutait ceci à propos du rôle de l’UNESCO :

25Requête introductive d’instance, voir annexe 8, communiqué de presse des Nations

Uni26 du 20 août 2010, p. 150.
27Ibid., p. 26, par. 34.
Ibid., voir annexe 9, communiqué de presse des Nations Unies du 14 février 2011,
p. 283.
Ibid., p. 28, par. 34.

53

8 Ord 1050.indb 103 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 331

«Lors de ces différents incidents entre 2008 et 2011, des éléments
architecturaux du temple ont été endommagés, provoquant enquêfites

et rapports de la part des autorités de l’UNESCO, qui ont recom -
mandé la mise en place d’un comité de coordination internationafil
comme ceci était envisagé dans la décision de classement… A la suite

des graves incidemes de début février 2011, la directrice générale de
l’UNESCO, M Irina Bokova, a décidé d’envoyer une mission sur
le site ainsi qu’un envoyé spécial en la personne de l’anciefin directeur
général de l’UNESCO, M. Koïchiro Matsuura. » 29

L’initiative de l’UNESCO, qui n’était pas la seule 30, avait pour objet

d’évaluer sur place l’état du temple de Préah Vihéar.
25. Dans un autre communiqué de presse des Nations Unies, publié le
23 avril 2011, le Secrétaire général exprimait dans les termes suivants sa
préoccupation devant les nouveaux affrontements entre forces thaïlafindaises

et cambodgiennes le long de la «frontière commune» des deux Etats:

«Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, est pré -
occupé par les informations faisant état de nouveaux combats ces
deux derniers jours entre des troupes cambodgiennes et thaïlandaises
à la frontière entre les deux pays, qui auraient fait plusieurs morts

des deux côtés, a déclaré samedi son porte-parole.
«Il avait été encouragé par les signes initiaux de progrès dafins les
efforts régionaux pour renforcer les mécanismes bilatéraux destifinés à
gérer le différend entre les deux voisins », a ajouté le porte-parole.

«Le Secrétaire général appelle les deux parties à exercer le fimaximum
de retenue et à prendre des mesures immédiates pour mettre en placfie
un cessez-le-feu effectif et vérifiable. »

Ban Ki-moon « estime également que le différend ne peut pas être
résolu par des moyens militaires et appelle le Cambodge et la Thaïfilande
à entamer un dialogue sérieux pour trouver une solution durable ».
Selon la presse, des accrochages ont fait six morts vendredi à

la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge en dépit d’un cefissez --
feu négocié en février. Trois soldats thaïlandais et trois sfioldats cam -
bodgiens ont trouvé la mort dans ces affrontements et dix-neuf autres
— treize Thaïlandais et six Cambodgiens — ont été blesséfis.

Thaïlande et Cambodge se sont rejeté la responsabilité de cette
fusillade, qui a eu lieu autour des temples de Ta Moan et Ta Krabei,
à quelque 150 km au sud-ouest du temple de Préah Vihéar où un
31
conflit armé avait fait onze morts il y a deux mois, du4 au 7février.»

29Requête introductive d’instance, par. 35; voir également ibid., annexe 12, p. 160-172.
30
Par exemple, le Parlement européen a lui aussi, le 17 février 2011, adopté une réso -
lution sur les affrontements frontaliers entre troupes cambodgiennes et tfihaïlandaises; voir
ibi31, annexe 13, p. 174-178.
Ibid., voir annexe 11, communiqué de presse des Nations Unies du 23 avril 2011,
p. 158.

54

8 Ord 1050.indb 105 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 332

26. Pour moi, il est clair que la situation portée à la connaissance dfie la

Cour le 28 avril 2011 (en vue de l’interprétation de son arrêt de 1962)
révélait l’existence d’un différend portant principalementfi sur le retrait des
éléments stationnés dans le temple et dans ses environs, considfiéré à la
lumière des principes généraux de droit international, dont celui qui inter-
dit la menace ou l’emploi de la force et le principe du règlement fipacifique

des différends internationaux. La demande en interprétation dépofisée par
le Cambodge est indissociable de sa demande en indication de mesures
conservatoires, l’une et l’autre ayant pour origine les événfiements surve -
nus dans le temple et ses environs (à partir de 2007), qui avaient fiatteint
leur paroxysme au début de 2011.

27. Ces incidents sont fort regrettables. Comme je l’ai expliqué dans fi
l’opinion individuelle que j’ai jointe à l’ordonnance du 18 juillet 2011 en
indication de mesures conservatoires de protection,

«Dans la présente affaire du Temple de Préah Vihéar, il est vrai -
ment regrettable qu’un édifice inspiré, bâti au cours de la fipremière
moitié du XI esiècle afin de répondre aux aspirations religieuses
d’êtres humains, et qui est considéré à notre époque — depuis la fin
e
de la première décennie du XXI siècle — comme un élément du
patrimoine de l’humanité, se trouve aujourd’hui pris dans le lifitige qui
oppose les deux Etats voisins concernés. Je vois là un signe de lafi
fragilité alarmante de la condition humaine, partout dans le monde,
les hommes paraissant prêts à se battre et à s’entretuer poufir posséder

ou contrôler ce qui a été construit en d’autres temps en vuefi d’aider
les êtres humains à comprendre leur vie et leur monde, et à trouver
leur lien avec l’Univers. » (Demande en interprétation de l’arrêt du
15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge
c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires,

ordonnance du 18 juillet 2011, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 603-604,
par. 108.)

V. Les mesures conservatofiires de protection
indiquées par la Cour efin2011

28. A la suite de la flambée d’engagements armés entre la Thaïfilande et
le Cambodge (voir ci-dessus), la Cour a tenu des audiences publiques les
30 et 31 mai 2011, et a peu après (le 18 juillet 2011) rendu une ordonnance
en indication de mesures conservatoires. Dans l’interprétation qu’fielle
vient de donner de son arrêt de 1962, elle a fait expressément référence

(arrêt, par. 35) à cette ordonnance, qui répondait à une demande liée à la
demande en interprétation, même si la Cour l’avait rendue sans fipréjudice
de son interprétation de l’arrêt de 1962. L’Etat demandeur afi déposé
simultanément les deux demandes. En son présent arrêt en interpfirétation,
la Cour a fait mention (ibid., par. 29 et 35-36) de son ordonnance en indi -

cation de mesures conservatoires, qu’elle a prise en considération pour

55

8 Ord 1050.indb 107 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 333

répondre à la demande en interprétation ; elle a ainsi clairement signifié
que les deux demandes qui lui avaient été adressées simultanéfiment
n’étaient pas indépendantes.
29. Dans son ordonnance en indication de mesures conservatoires du

18 juillet 2011, la Cour, invoquant le principe fondamental interdisant la
menace ou l’emploi de la force consacré par la Charte des Nations Unies,
a désigné une « zone démilitarisée provisoire » englobant la zone du
temple et le secteur voisin de la frontière entre les deux Etats, et fia décidé

que les Parties devaient en retirer immédiatement leur personnel milifitaire
et que la liberté d’accès au temple pour le ravitaillement du pfiersonnel non
militaire qui s’y trouvait devait être respectée. Elle a de plufis décidé que les
deux Etats devaient reprendre et poursuivre leurs négociations afin dfi’évi -

ter que leur différend ne s’envenime et de le régler pacifiquemefint.
30. Dans l’opinion individuelle que j’ai jointe à l’ordonnance, j’ai dit
que la Cour avait eu raison de prendre la décision sans précédefint de dési -
gner une «zone démilitarisée provisoire», décision dans laquelle je voyais,

de sa part, la volonté de protéger non seulement le territoire confitesté,
mais aussi sa population et les monuments qui s’y trouvent, ceux consfiti -
tuant le complexe du temple de Préah Vihéar. Le temple, par une décision
du comité du patrimoine mondial, organe de l’UNESCO, a été inscrit

en 2008 sur la liste du patrimoine mondial, où figurent les sites et monfiu -
ments constituant l’héritage culturel et spirituel de l’humanitfié (C.I.J.
Recueil 2011 (II), p. 588-598, par. 66-95).
31. Ne voulant pas m’en tenir à la conception classique et strictementfi

axée sur le territoire, j’ai dit aussi qu’il fallait tenir compfite du facteur
humain, ce qui impliquait la protection, grâce aux mesures indiquées ou
ordonnées par la Cour, du droit à la vie et du droit à l’intégrité de la
personne des membres des collectivités locales, ainsi que la protec -

tion du patrimoine culturel et spirituel de l’humanité (ibid., p. 598-606,
par. 96-113). Au cœur de cette position inspirée par la jurisprudence, aifi-je
ajouté, se trouve ce que j’appelle le principe d’humanité, dont procède la
volonté d’améliorer les conditions d’existence de la populatfiion et de

défendre le bien commun (ibid., p. 606, par. 114-115) selon la conception
nouvelle du droit des gens qui se dégage à notre époque (ibid., p. 607,
par. 117) 3. Dans des situations telles que celle qui se présentait en l’es -
pèce, on ne saurait s’intéresser uniquement au territoire en cafiuse et faire

abstraction de la population qui y vit (et de son héritage culturel et spiri -
tuel), en quoi il faut voir, à mon avis, ce qu’il y a de plus précieux parmi
les éléments qui font une nation.
32. Dans son ordonnance en indication de mesures conservatoires de

protection, la Cour a dûment tenu compte non seulement du territoire
contesté, mais aussi des gens qui y vivent, en se préoccupant de lfia protection
de la population du territoire. Dans mon opinion individuelle jointe à l’or -

32 Voir également, pour une étude exhaustive de ce sujet, A. ACançado Trindade,
International Law for Humankind — Towards a New Jus Gentium, 2 e éd., La Haye,
Martinus Nijhoff/Académie de droit international de La Haye, 2013, p. 1-726.

56

8 Ord 1050.indb 109 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 334

donnance, j’ai avancé que, par-delà les Etats, il fallait considérer la popula -
tion qui en est le substrat (C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 606, par. 114). Dans
une affaire telle que celle dont il s’agit ici, affaire qui de prime abfiord est
d’ordre purement territorial, rien ne s’oppose, du point de vue éfipistémolo -
gique, à ce que la protection s’étende aux vies humaines et aux éléments du

patrimoine culturel et spirituel de l’humanité (le temple de Préfiah Vihéar),
pour parer à un préjudice spirituel (ibid., p. 588, par. 66); telle est la concep -
tion que j’ai voulu développer en 2005 dans l’opinion individuelle que j’ai
jointe à l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’fihomme en l’affaire
Communauté Moiwana c. Suriname (arrêt du 15 juin 2005).

33. Dans mon opinion individuelle jointe à l’ordonnance en indication fi
de mesures conservatoires du 18 juillet 2011, j’ai jugé utile de faire obser -
ver que la présente affaire ne pouvait pas être considérée cofimme portant
exclusivement sur une question de souveraineté territoriale (C.I.J. Recueil

2011 (II), p. 599, par. 99), les mesures conservatoires indiquées par la
Cour s’étendant au droit à la vie et au droit à l’intégrité de la personne,
ainsi qu’à un élément du patrimoine culturel et spirituel defi l’humanité.
J’ai résumé ma position en faisant observer que les mesures confiserva -
toires indiquées par la Cour allaient « bien au-delà de la souveraineté ter -

ritoriale d’un Etat pour englober territoire, population et valeurs humaines »
(ibid., p. 600, par. 100), en toute conformité avec le jus gentium de notre
temps (ibid., p. 606-607, par. 115 et 117).

VI. Ce qu’ont dit les Partifies au sujet de l’exécufition
de l’ordonnance en infidication de mesures cfionservatoires
de protection renduefi par la Cour

34. Comme je l’ai déjà indiqué, je considère que la demande efin indica -
tion de mesures conservatoires et la demande en interprétation de l’fiarrêt
de 1962 sont liées (voir ci-dessus, par. 28). En toute probabilité, le Cam -
bodge n’aurait pas déposé une demande en interprétation si lfies engage -
ments armés entre la Thaïlande et lui-même n’avaient pas eu filieu. Ces

hostilités constituent le contexte factuel dans lequel il faut voir lfi’origine
de la demande en interprétation comme celle de la demande en indicatifion
de mesures conservatoires, et ce sont ces hostilités qui ont nécessité
l’adoption par la Cour de telles mesures.

35. Il incombait aux Parties de se conformer à l’ordonnance du 18 juil -
let 2011, la décision sur les mesures de protection ayant un caractèrefi
contraignant. Il y a lieu de noter que, au cours de la procédure consfiacrée
à l’examen de la demande en interprétation, la Thaïlande comfime le Cam -
bodge ont jugé utile d’exposer à la Cour leurs vues sur l’exfiécution des
33
mesures conservatoires prévues par son ordonnance . Il s’agit là, de la

33 Ils l’ont fait en application du point C) de l’ordonnance du 18 juillet 2011, dans des
pièces de correspondance adressées à la Cour entre la date d’fiadoption de l’ordonnance

(juillet 2011) et juillet 2012.

57

8 Ord 1050.indb 111 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 335

part des Parties, d’un geste louable et important, que la Cour auraitfi dû

saluer dans l’arrêt qu’elle vient d’adopter.

36. Les arguments que les Parties ont avancés au cours de la procédurefi
orale consacrée, à la mi-avril 2013, à l’examen de la demande en interpré -

tation sont révélateurs. Selon la Thaïlande, l’adoption par la Cour de son
ordonnance en indication de mesures conservatoires de protection

«avait pour finalité primordiale d’éviter de nouvelles pertes enfi vies
humaines telles celles dont la région avait malheureusement étéfi le

théâtre. Elle faisait également état de dommages qui auraienfit été causés
aux biens. Depuis son adoption, le cessez-le-feu que la Thaïlande et le
Cambodge avaient déjà adopté dans la région rest[ait] en vigueur. Il n’y
a[vait] eu ni incidents armés, ni pertes en vies humaines, ni dégâfits maté -
34
riels … [L]’ordonnance de la Cour [était] respectée sur le terrain» fi.

37. Le Cambodge, quant à lui, a dit qu’il attachait une grande impor -
tance à la décision que la Cour allait prendre (sur l’interpréfitation de son
arrêt de 1962), décision qui selon lui allait « conditionner les relations
entre les deux Etats », dont « dépend[aient] la paix et la sécurité dans la
35
région » . La Thaïlande a réaffirmé que, depuis l’adoption par la Cofiur de
son ordonnance en indication de mesures conservatoires, « sur le terrain,
le calme régn[ait] aux abords de la frontière, conformément àfi l’ordon -
nance » . Le Cambodge a quant à lui présenté une version différente dfies

faits, soulignant ce qui suit :

«les négociations bilatérales sur le retrait des troupes de la zonefi
démilitarisée provisoire, conformément aux mesures conservatoires
décidées par votre juridiction le 18 juillet 2011, n’ont pas abfiouti …
En conséquence, il n’a pas été possible de mettre en place des obser -

vateurs indonésiens chargés, sous les auspices de l’ANASE, de
contrôler le retrait des troupes de la zone du temple en attendant
votre jugement définitif. » 37

VII. L’obligation incombanfit aux États en cause
de s’abstenir de la mefinace ou de l’emploi defi la force

et de régler leur difffiérend par des moyens pfiacifiques

38. J’ai déjà fait observer que, en l’espèce, le différend fiopposant la
Thaïlande au Cambodge portait essentiellement sur le retrait des forces

34 Audience publique du 17 avril 2013, CR 2013/3, CR 2013/3, p. 22-23, par. 39.
35 Audience publique du 18 avril 2013, CR 2013/5, CR 2013/5, p. 48.
36 Audience publique du 19 avril 2013, CR 2013/6, CR 2013/6, p. 51.
37 Audience publique du 15 avril 2013, CR 2013/1, p. 18, par. 10. Le Cambodge a égale-
ment affirmé que les incidents armés qui avaient eu lieu à profiximité de la frontière avaient

été «provoqués» par la Thaïlande « en représailles à l’inscription du temple sur la liste du
patrimoine mondial de l’UNESCO » (ibid., p. 23-24, par. 6).

58

8 Ord 1050.indb 113 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 336

stationnées dans le temple ou dans ses environs, eu égard à deufix principes
fondamentaux de droit international, celui de l’interdiction de la mefinace
ou de l’emploi de la force et celui du règlement pacifique des difffiérends
internationaux (voir ci-dessus, par. 26). Dans l’interprétation fiqu’elle vient
de donner de son arrêt de 1962, la Cour, à juste titre, a appelé l’attention

sur les principes de la Charte des Nations Unies (arrêt, par. 106), en parti -
culier ceux qui importaient dans la présente affaire (voir ci-dessus)fi.
39. En fait, la Cour, dans d’autres affaires récentes, avait déjàfi jugé utile
de réaffirmer de tels principes ; elle l’a fait par exemple dans son arrêt en
l’affaire des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine

c. Uruguay) (C.I.J. Recueil 2010 (I), p. 105-106, par. 281) ; dans son arrêt
sur le fond en l’affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée
c. République démocratique du Congo) (C.I.J. Recueil 2010 (II),
p. 691-692, par. 163-164); ainsi que dans son arrêt en l’affaire relative à

l’Application de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex‑République
yougoslave de Macédoine c. Grèce) (C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 644).
Dans ce dernier, la Cour a souligné ce qui suit :

«l’accord intérimaire de 1995 met les Parties dans l’obligation fide négo -
cier de bonne foi sous les auspices du Secrétaire général de l’Organisa-
tion des Nations Unies conformément aux résolutions pertinentes du
Conseil de sécurité, en vue de parvenir à un accord sur la divefirgence

visée dans ces résolutions» (ibid., p. 692, par. 166).

40. Cette obligation faite aux Etats de régler pacifiquement leurs difféfi -
rends revêt une importance particulière lorsqu’un Etat menace dfi’employer
la force ou y recourt effectivement, en violation d’un principe fondamfiental
consacré par l’article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies. La
Cour est «l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unie»s

(article 92 de la Charte et article 1 du Statut de la Cour). Son Statut fait
partie intégrante de la Charte des Nations Unies. Elle est donc tenue, lors -
qu’elle règle un différend entre Etats, de veiller à ce que lfies parties se
conforment aux principes fondamentaux énoncés dans la Charte, dontfi
celui qui interdit le recours à la force (art. 2, par. 4) et le principe du règle

ment pacifique des différends internationaux (art. 2, par. 3).
41. La Cour n’a pas seulement le pouvoir inhérent de le faire dans
l’exercice de ses fonctions ; elle est tenue de veiller à ce que les Etats se
conforment aux principes généraux de droit international. Je rappelle que,

voici près de quarante ans, la Cour, dans son arrêt du 20 décembre 1974
en l’affaire des Essais nucléaires (Australie c. France), a dit ce qui suit :

«la Cour possède un pouvoir inhérent qui l’autorise à prendrefi toute
mesure voulue … Un pouvoir inhérent de ce genre … découle de
l’existence même de la Cour, organe judiciaire établi par le cofinsente -
ment des Etats, et lui est conféré afin que sa fonction judiciairefi fon -
damentale puisse être sauvegardée. » 38

38
Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 259-260.

59

8 Ord 1050.indb 115 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 337

42. Quant à l’importance du principe général de droit internatiofinal qui
interdit la menace ou l’emploi de la force et de celui qui fait obligfiation
aux Etats de régler leurs différends par des moyens pacifiques, toufis deux

consacrés par la Charte des Nations Unies (art. 2, par. 4 et par. 3), je me
bornerai ici à renvoyer aux observations que j’ai formulées danfis l’opinion
individuelle jointe à l’ordonnance rendue par la Cour le 18 juillet 2011 en
39
la présente affaire . Précédemment, j’avais de même, en six autres occa -
sions, appelé l’attention sur la pertinence des principes généfiraux 4. Ce
rappel de la nécessité d’accorder l’importance voulue à cfies principes

m’amène à aborder le domaine des valeurs humaines supérieures qu’il
importe de sauvegarder, mais qui pourtant n’occupent pas la place
qu’elles méritent dans la jurisprudence internationale et dans la fidoctrine

du droit international. En dernière analyse, c’est de ces principefis que
découlent les normes applicables et que procède tout système jufiridique.

VIII. L’indissociabilité defi l’exposé
des motifs et du dispositif

43. J’aborde maintenant une autre question dont la présente espèce fi
illustre l’importance, celle du rapport entre les points du dispositifif d’un

arrêt et les motifs qui ont conduit la Cour à les énoncer. Je rappelle que,
dans son arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar, la
Cour a dit ce qui suit :

«Se référant finalement aux conclusions présentées à la fifin de la

procédure orale, la Cour, pour les raisons indiquées au début dfiu pré -
sent arrêt, constate que les première et deuxième conclusions dfiu Cam -
bodge priant la Cour de se prononcer sur le statut juridique de la

carte de l’annexe I et sur la ligne frontière dans la région contestée ne
peuvent être retenues que dans la mesure où elles énoncent des fimotifs

39Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah
Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires,
ordonnance du 18 juillet 2011, C.I.J. Recueil 2011 (II), opinion individuelle de M. le juge
Cançado Trindade, par. 72-81 et 114-115.
40
Je l’ai fait dans mon opinion individuelle (par. 8-113 et 191-217) jointe à l’arrêt en
l’affaire des Usines de pâte à papier (Argentine c. Uruguay) (C.I.J. Recueil 2010 (I)); dans
mon opinion individuelle (par. 177-211) jointe à l’avis consultatif sur la Conformité au droit
international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo (C.I.J. Recueil
2010 (II)); dans mon opinion individuelle (par. 93-106) jointe à l’arrêt sur le fond en l’af -
faire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo)
(C.I.J. Recueil 2010 (II)); dans mon opinion dissidente (par. 79-87) jointe à l’arrêt en l’af-
faire concernant l’Application de la convention internationale sur l’élimin▯ ute forme de

discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie)(C.I.J. Recueil 2011 (I)o; dans mon
opinion individuelle (par. 28-51 et 82-100) jointe à l’avis consultatif relatif a2867gement n
du Tribunal administratif de l’Organisation internationale du Travail▯ sur requête contre le Fonds
international de développement agricole (C.I.J. Recueil 2012 (I)); et enfin dans mon opinion
individuelle (par. 74-76) jointe à l’arrêt sur les réparations en l’affaire Ahmadou Sadio Diallo
(République de Guinée c. République démocratique du Congo) (C.I.J. Recueil 2012 (I)).

60

8 Ord 1050.indb 117 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 338

et non des demandes à retenir dans le dispositif de l’arrêt. Elfile constate
d’autre part qu’après avoir énoncé sa propre demande concfiernant la
souveraineté sur Préah Vihéar la Thaïlande, dans ses conclusions for-
mulées à la fin de la procédure orale, s’est bornée à fiénoncer les argu-
ments et dénégations opposés à la Partie adverse, laissant àfi la Cour le

soin de rédiger à sa convenance les motifs de son arrêt.
La Cour, en présence des demandes que le Cambodge et la Thaï -
lande lui ont respectivement soumises concernant la souveraineté,
ainsi contestée entre ces deux Etats, sur Préah Vihéar, décide en
faveur du Cambodge conformément à sa troisième conclusion. Ellefi

décide également en faveur du Cambodge en ce qui concerne sa qua -
trième conclusion relative au retrait des éléments de forces arfimées.»
(C.I.J. Recueil 1962, p. 36.)

44. Elle a ensuite, dans le dispositif, énoncé les points suivants : 1) « le
temple de PréahVihéar est situé en territoire relevant de la souveraineté du

Cambodge»; 2) «la Thaïlande est [en conséquence] tenue de retirer tous
les éléments de forces armées ou de police ou autres gardes ou figardiens
qu’elle a installés dans le temple ou dans ses environs situés en territoire
cambodgien » (ibid., p. 36-37). Avant d’énoncer les points du dispositif, la
Cour a fait référence aux raisons qui l’avaient décidée dfians le sens qu’elle

avait retenu. Ce n’était pas la première fois que le rapport enfitre les motifs
et les points énoncés dans le dispositif était ainsi mis en relfiief.

1. Aperçu de la jurisprudence de la Cour de La Haye
(la CPJI et la CIJ) en la matière

45. De fait, la Cour permanente de Justice internationale s’était déjà
penchée sur cette question. Dans son arrêt rendu en l’affaire defi l’Interpré ‑
tation des arrêts nos7 et 8 (usine de Chorzów), qui opposait l’Allemagne à

la Pologne, la CPJI a dit que, pour qu’une divergence de vues puisse fifaire
l’objet d’une demande en interprétation en vertu de l’articlfie 60 de son
Statut, il fallait qu’il y ait divergence entre les parties sur ce qufii, dans
l’arrêt en question, avait été « tranché avec force obligatoire ». Elle a
ajouté ce qui suit :

«Cela ne veut pas dire qu’il doive être incontesté que le point fidont

le sens prête à discussion regarde une partie de l’arrêt ayafint force
obligatoire. Une divergence de vues … [sur la question de savoir] si fi
tel ou tel point a été décidé avec force obligatoire… confistitue, elle
aussi, un cas qui rentre dans le cadre de la disposition en question, etfi
la Cour ne pourrait se soustraire à l’obligation d’interprétfier l’arrêt

dans la mesure nécessaire pour pouvoir se prononcer sur pareille
divergence. » (Arrêt n o 11, 1927, C.P.J.I. série A n 13, p. 11-12.)

46. Autrement dit, la Cour ne doit pas considérer seulement les points du
dispositif de son arrêt en faisant abstraction de tout le raisonnemenfit qui l’a

61

8 Ord 1050.indb 119 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 339

amenée à les énoncer. Elle doit garder à l’esprit ce raisfionnement et en tenir
compte lorsqu’il y a lieu. C’est seulement en procédant ainsi qfiu’elle peut
interpréter convenablement un arrêt, en éclairant, pour reprendre les termes

eoployés par la CPJI, les «vrais sens et portée» de celui-ci (C.P.J.I. série A
n 13, p. 14). Les motifs et le dispositif sont indissociables ; ils ne sauraient
aller l’un sans l’autre, les premiers constituant l’assise du second. Même àfi
l’époque de la CPJI — la fin des années vingt —, c’était là un point large -

ment admis.
47. Des années plus tard, dans son arrêt du 27 novembre 1950 relatif à
la Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du
droit d’asile (Colombie c. Pérou), la CIJ a dit qu’une demande en interpré -
tation d’un arrêt devait avoir pour seul but d’obtenir des éficlaircissements

sur «le sens et la portée de ce qui a[vait] été décidé avec force obligatoire »
(C.I.J. Recueil 1950, p. 402). A mon avis, si le dispositif n’est pas assez
clair, la Cour, en donnant l’interprétation demandée, doit tenifir compte des
raisons qui l’ont amenée à prendre ses décisions énoncéfies dans les motifs.

48. C’est ce que la Cour a eu l’occasion de faire, un demi-siècle plus
tard, dans son arrêt du 25 mars 1999 relatif à la Demande en interprétation
de l’arrêt du 11 juin 1998 en l’affaire de la Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions prélimi -

naires (Nigéria c. Cameroun). Elle a rappelé pour quelles raisons (énon -
cées dans deux paragraphes des considérants de l’arrêt à fiinterpréter) elle
avait pris les décisions figurant dans le dispositif de celui-ci, et a dit que ces
raisons étaient «inséparables» de ce dernier (C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 36,

par. 11). Elle avait auparavant pris soin de préciser que toute demande efin
interprétation (présentée en vertu de l’article 60 du Statut) devait « porter
sur le dispositif de l’arrêt et ne [pouvait] concerner les motifs fique dans la
mesure où ceux-ci [étaient] inséparables du dispositif» (ibid., p. 36, par.10).
49. Précédemment, dans son arrêt du 10 décembre 1985 relatif à la

Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du 24 février 1982 en
l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne)
(Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), elle avait rappelé (C.I.J. Recueil
1985, p. 217-218, par. 46) l’obiter dictum énoncé par la CPJI dans son
os
arrêt relatif à l’Interprétation des arrêts n 7 et 8 (usine de Chorzów) (voir
ci-dessus). Récemment, dans son arrêt du 19 janvier 2009 relatif à la
Demande en interprétation de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena et
autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique)

(Mexique c. Etats‑Unis d’Amérique), la Cour a invoqué la jurisprudence
constante (voir ci-dessus) qui avait été la sienne en matière d’interpréta -
tion de ses arrêts (C.I.J. Recueil 2009, p. 10, par. 21). Bref, je considère
qu’il existe bien un rapport incontournable entre les motifs et le difispositif
41
d’un arrêt. Ce rapport n’a d’ailleurs pas échappé aux fiauteurs .

41 Voir, par exemple, L. Cavaré, « Les recours en interprétation et en appréciation de
la légalité devant les tribunaux internationaux », Zeitschrift für ausländisches öffentliches
Recht und Völkerrecht, vol. 15 (1954), p. 488 ; E. Zoller, « Observations sur la révision et
l’interprétation des sentences arbitrales », Annuaire français de droit international, vol. 24
(1978), p. 343 ; E. Decaux, « L’arrêt du 10 décembre 1985 de la Cour internationale de

62

8 Ord 1050.indb 121 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 340

2. Raisons invoquées et efforts de persuasion
50. Voici cinq ans, siégeant dans un autre tribunal, la Cour interaméri -

caine des droits de l’homme, j’ai joint une opinion individuelle àfi l’arrêt
rendu le 2 août 2008 par cette Cour au sujet de l’interprétation de son arrêt
en l’affaire de la Prison de Castro‑Castro, mettant en cause le Pérou, afin
d’exposer mes réflexions sur le rapport entre les raisons invoquées et les
efforts de persuasion, d’une part, et l’énoncé du verdict, d’autre part. Je
disais dans cette opinion que les points du dispositif d’un arrêt fine pou -

vaient être dissociés du raisonnement suivi par la Cour, qui en cofinstituait
le substrat. Je faisais observer que, dès 458 avant J.-C., Eschyle, dans sa
tragédie Les Euménides, faisait dire à Athénée, qui annonçait ainsi la créa-
tion de l’Areios Pagos (cour permanente de cassation), qu’il fallait fournir
aux justiciables l’explication des décisions judiciaires et les cofinvaincre de

leur bien-fondé. Tous les tribunaux internationaux de notre temps se
donnent la peine de motiver leurs décisions et de les défendre par des argu-
ments convaincants; le sens et la portée de celles-ci ne peuvent être conve-
nablement appréciés qu’à la lumière du raisonnement dont fielles procèdent.
Cette constatation met en relief la part de subjectivité que comportefi inévi -
tablement un raisonnement juridique (par. 38-39, 41-42, 44 et 46).

51. La CIJ a été amenée à considérer cette question pour réfipondre à la
demande en interprétation de son arrêt de 1962 en l’affaire du Temple de
Préah Vihéar. Autant que je sache, les raisons qui ont amené un tribunal
international à prendre telle ou telle décision sont habituellemenfit préci -
sées dans l’exposé des motifs de son arrêt. Il serait donc vain de vouloir

« séparer » les motifsdes éléments correspondants du dispositif et de ne
prendre en considération que ces derniers. Motifs et dispositif sont indis-
sociables. A-t-on jamais vu un arrêt dont le dispositif se suffirait à
lui-même? Je suis bien sûr que non ; le dispositif est systématiquement
étayé par l’exposé des motifs. Lorsqu’il dit le droit (dfians l’exercice de son
pouvoir de juris dictio), un tribunal international doit déterminer quel est

le droit applicable et expliquer comment il l’interprète et le met en œuvre
en l’espèce considérée. Cela nous ramène à l’importfiance de l’exposé des
raisons et des efforts de persuasion.

3. L’importance, reconnue de longue date,
d’un raisonnement juridique rigoureux

52. L’importance que revêt la rigueur du raisonnement juridique est
reconnue depuis l’Antiquité. En effet, la tradition du raisonnementfi juri -
dique trouve son origine dans le droit de la Rome antique. Dans ses traifi-
tés, Ulpien (vers 170-228 après J.-C.) utilise le terme juris‑prudencia(dérivé

Justice sur la demande en revision et en interprétation de l’arrêfit du 24 février 1982 en
l’affaire du Plateau continental », Annuaire français de droit international, vol. 31 (1985),
p. 338; P. Dumberry, «Le recours en interprétation des arrêts de la Cour internationale fide
Justice et des sentences arbitrales », Revue québécoise de droit international, vol. 13 (2000),
p. 213 et 220 ; S. Rosenne, Interpretation, Revision and Other Recourse from International

Judgments and Awards, Leyde, Martinus Nijhoff, 2007, p. 94-95, 98-100 et 108-111.

63

8 Ord 1050.indb 123 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 341

du verbe providere) pour désigner la connaissance de ce qui est juste ou
injuste; pour lui, lorsqu’il s’agissait de rendre la justice, la jurisprudencia

consistait à expliquer comment justice avait été faite, et42on pas seulement
à montrer que la procédure avait été dûment suivie . Son œuvre, compre-
nant des écrits produits de 211 à 222, est considérée comme ayant très
largement inspiré le Digeste de Justinien (le principal volume de son Cor ‑
43
pus juris civilis, publié de 529 à 534 , en est tiré pour un bon tiers).
53. Inspiré par les travaux d’Ulpien, le Digeste a contribué à répandre
certaines maximes telles que « justitia est constans et perpetua voluntas
suum cuique tribuere » («la justice est la volonté constante et perpétuelle

de donner à chacun son dû »), ou « honeste vivere, alterum non laedere,
suum cuique tribuere» («vivre honorablement, ne faire de mal à personne,
donner à chacun son dû »). La jurisprudencia s’est développée à mesure
qu’étaient précisées les applications des principes généfiraux ; ayant assumé

un certain rôle créateur (émergence d’un corpus de lois préfitorien), la juris ‑
prudencia a commencé à retenir l’attention. Dans les temps modernes,
l’importance du raisonnement juridique s’est plus solidement affifirmée et a
été de plus en plus largement admise.

54. Pour être rigoureux, un raisonnement juridique doit allier cohé -
rence et harmonie, et éviter ainsi les contradictions. Pareil raisonnfiement
doit se garder des syllogismes, et ne saurait se limiter à la simple fiénoncia -
tion des normes applicables. Il doit comprendre une part d’interpréfitation

et l’invocation des sources du droit (dont les principes générfiaux, la doc -
trine et le principe d’équité), sans perdre de vue les valeurs humaines 4.
La prudence y a aussi sa place, comme l’indique le terme jurisprudencia.

Ces considérations sur la rigueur du raisonnement juridique nous
ramènent, une fois encore, à l’importance de l’exposé desfi raisons et
des efforts de persuasion.
55. Ce qui constitue une décision judiciaire peut s’entendre de deux

façons: d’un point de vue strictement procédural, il ne s’agit que defi ce qui
a été formellement décidé (dans le dispositif) ; du point de vue du fond,
cependant, il s’agit de surcroît de la matière du contentieux. L’arrêt
lui-même, selon moi, comprend non seulement la décision du tribunal

international (le dispositif), mais également le raisonnement suivifi par
celui-ci, l’indication des sources du droit invoqué, le rappel des princfiipes
fondamentaux sur lesquels il repose et toute autre considération que le
tribunal juge utile d’exprimer (exposé des motifs). Je considèfire que les

motifs et le dispositif forment un tout organique infrangible.
56. La question a fait l’objet d’une attention particulière dans lafi doc -
trine juridique du XIX siècle, selon laquelle le dispositif doit être consi -

42
J.-P. Andrieux, Histoire de la jurisprudence — Les avatars du droit prétorien, Paris,
Vui43rt, 2012, p. 11, 13-14, 19, 23 et 161; voir également p. 241, 263, 281 et 284.
Voir T. Honoré, Justinian’s Digest : Character and Compilation, Oxford University
Press, 2010, p. 5, 53, 74, 103, 119 et 142.
44 Voir [différents auteurs], Le raisonnement juridique (P. Deumier, dir. publ.), Paris,
Dalloz, 2013, p. 25, 31, 33, 75, 95-98, 101, 109-110, 240, 246 et 268.

64

8 Ord 1050.indb 125 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 342

déré en même temps que le raisonnement (les motifs) dont il pfirocède.
Cette conception s’est alors imposée dans les pays de tradition jufiridique

romano-germanique, avant d’être transposée dans le système juridiqufie
international. Je cite à ce sujet un auteur qui a exposé cette docfitrine,

«Selon la conception bien connue de Savigny, le jugement forme
un tout unique et infrangible ; il y a entre les motifs et le dispositif un
rapport si étroit qu’on ne saurait les dissocier sans compromettrefi

l’unité logique et juridique de la décision. Telle était l’fiidée dominante
au siècle dernier… » 45

57. Cependant, avec le temps, sous l’influence du positivisme juridiquefi,
s’est imposée une conception plus simpliste selon laquelle seul le dispositif
46
constituerait la matière d’une décision judiciaire . Les tenants de cette
conception entendent que l’attention se concentre sur les dispositionfis
contraignantes de l’arrêt considéré ; ils y attachent trop d’importance, et

font à mon sens indûment abstraction des autres parties de l’arfirêt. Ils font
comme si le dispositif pouvait être détaché du restant de l’fiarrêt, autre -
ment dit comme si les dispositions à caractère obligatoire pouvaient être
lues indépendamment du raisonnement qui a conduit le tribunal à enfi

décider. Cette conception s’est largement répandue, ce qui n’fia rien d’éton -
nant vu qu’elle n’exigeait pas un gros effort de réflexion.
58. Par exemple, les positivistes se montrent généralement très dogfima -
tiques lorsqu’ils soutiennent que la force obligatoire d’un arrêfit se limite

aux décisions énoncées dans les différents points de son dispfiositif, et ne
saurait s’étendre à ce qui est dit dans l’exposé du raisofinnement. C’est là
une façon de voir strictement formaliste. Ses tenants invoquent le prfiincipe

de l’autorité de la chose jugée pour minimiser l’importance fidu raisonne -
ment sur lequel le tribunal s’est fondé. Telle est, pour ne citer fiqu’un
exemple, la position qu’a défendue le juge Anzilotti dans son opinion dis -
sidente jointe à l’arrêt de la CPJI sur l’Interprétation des arrêts n os7 et 8

(usine de Chorzów) ; néanmoins, Dionisio Anzilotti, qui était un fin
juriste, a jugé bon, après avoir exposé sa position, de la nuanficer dans les
termes suivants :

«En disant que seul le dispositif de l’arrêt est obligatoire, je n’fien -
tends pas dire que seulement ce qui est matériellement écrit dans file

dispositif constitue la décision de la Cour. Il est certain, par contfire,
qu’il est presque toujours nécessaire d’avoir recours aux motiffis
pour bien comprendre le dispositif et surtout pour déterminer la
o o
causa petendi. » (Arrêt n 11, 1927, C.P.J.I. série A n 13, p. 24,
par. 2.)

45
E. J. Couture, Fundamentos do Direito ProcessualeCivil, São Paulo, Saraiva, 1946,
p. 354-355 ; Fundamentos del Derecho Procesal Civil, 4 éd., Montevideo/Buenos Aires,
Edi46 B de F, 2004, p. 347.
E. J. Couture, Fundamentos do Direito…, op. cit. supra note 45, p. 355 et 358; Funda‑
mentos del Derecho…, op. cit. supra note 45, p. 348 et 350.

65

8 Ord 1050.indb 127 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 343

59. Le raisonnement ou les motifs exposés dans un arrêt peuvent à
mon avis être librement invoqués pour interpréter tout point oufi passage

de son dispositif qui demande à être éclairci ; en effet, on ne saurait guère
déterminer la portée exacte d’un point du dispositif sans tenirfi compte du
raisonnement (des motifs). Motifs et dispositif apparaissent ainsi indfiis-
sociables, et ils le sont à telle enseigne qu’il arrive que la Coufir juge

utile, dans le dispositif d’un arrêt, de faire 47pressément réféfirence aux
paragraphes pertinents des considérants . Dans l’interprétation qu’elle
vient de donner de son arrêt de 1962, par exemple, la Cour, au point 2
du dispositif, a fait expressément référence aux considérants fifigurant au

paragraphe 97.
60. Le raisonnement juridique n’est pas une opération purement intel -
lectuelle (procédant de la seule logique), la recherche de la justifice étant
également guidée par l’expérience et par le principe d’éfiquité sociale.

Comme je l’ai déjà dit, la fonction du juge ne saurait se réfiduire, tant s’en
faut, à énoncer des syllogismes ; l’interprétation jurisprudentielle va bien
au-delà: elle puise dans toutes les sources du droit, envisage différents
choix, considère les faits à la lumière des normes applicables ; c’est ainsi

que le juge peut dire le droit dans l’exercice de son pouvoir de juris dictio.
Le raisonnement juridique fait appel aux éléments subjectifs de lafi réflexion
du juge.
61. Dans cet ordre d’idées, Piero Calamandrei, voici plus d’un demi-

siècle, aimait à rappeler que le terme sententia a la même racine que l’ex -
pression sentiment. Il faisait observer qu’un sujet de droit (n’en déplaise
aux bureaucrates) ne peut être réduit au contenu de son dossier, fiet qu’il

reste «un être vivant». Pour la construction d’un raisonnement juridique,
jamais les machines électroniques ne pourront supplanter l’intellifigence
humaine. On peut considérer que, s’il est nécessaire d’exposfier les motifs
(les motivations) d’une décision, c’est parce qu’il importfie de « donner au
48
sens de la justice une expression rationnelle » . L’exposé du raisonne -
ment (les considérants) dont procède un arrêt n’a donc pasfi seulement une
utilité pédagogique: il « sert à montrer que l’arrêt est juste, et pourquoi il
est juste »49. La sententia émane de la conscience humaine, guidée par le

sens de la justice.

IX. Observations finales

62. J’en arrive à mes observations finales. Je n’ai nullement l’fiintention de
reprendre ici les considérations sur l’éternelle question de lafi dimension tem ‑
porelle du droitque j’ai exposées dans mon opinion individuelle jointe à l’o-r

47
E. J. Couture, Fundamentos do Direito…, op. cit. supra note 45, p. 357 et 360; Funda‑
mentos del Derecho…, op. cit. supra note 45, p. 349 et 351.
48P. Calamandrei, Proceso y Democracia, Buenos Aires, Ed. Jurídicas Europa-
América, 1960, p. 67, 80-81 et 125.
49 Ibid., p. 116-117, et voir p. 81.

66

8 Ord 1050.indb 129 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 344

donnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour
le 18 juillet 2011 . Je me bornerai à renvoyer à mes réflexions, en y ajoutant
un seul point. Tant que nous sommes, notre vie, notre travail s’inscrivent

inéluctablementdans le temps, et la conscience que le temps nous est mesuré
est au cœur de nos préoccupations existentielles. Dans l’interpfirétation qu’elle
vient de donner de son arrêt de 1962, la Cour n’a abordé que timidement
(arrêt, par. 75) la question de l’incidence que les faits survenus depuis le

prononcé dudit arrêt pouvaient avoir sur l’interprétation qufii lui en était
demandée. Je pense que quelques éclaircissements s’imposent àfi ce sujet.
63. Dans sa présente interprétation de son arrêt de 1962, la Cour a fait
référence à maintes reprises aux faits survenus depuis le pronofincé de

celui-ci51lesquels avaient été portés à son attention par l’unefi et l’autre des
Parties . Elle ne pouvait d’ailleurs pas faire autrement. Ayant ainsi rap -
pelé les faits, elle a interprété son arrêt de 1962 en concentrant son atten -
tion sur le dispositif de celui-ci et sur les motifs correspondants. Elle a dit

que, pour déterminer le sens et la portée du dispositif de l’arrêt initial, elle
tiendrait compte des motifs de ce dernier dans la mesure où ils écfilairaient
l’interprétation à donner du dispositif (ibid., par. 68). Elle a ensuite pré -
cisé ce qu’il fallait entendre par les « environs» du temple de Préah Vihéar

(ibid., par. 97-98).

64. Dans son ordonnance du 18 juillet 2011, la Cour, comme je l’ai fait
observer dans l’opinion individuelle que j’y ai jointe, avait suivfii une
démarche englobant territoire, population et valeurs humaines, se confor -

mant ainsi au droit des gens de notre temps (C.I.J. Recueil 2011 (II),
par. 100, 114-115 et 117). Elle a, ce 11 novembre 2013, adopté une
démarche semblable pour interpréter son arrêt de 1962, jugeant utile de
dire ce qui suit :

«Ainsi que cela ressort clairement des dossiers de la présente pro -

cédure et de celle de 1959-1962, le temple de Préah Vihéar est, du
point de vue religieux et culturel, un site important pour les peuples
de la région, et il a été inscrit par l’UNESCO au patrimoinefi mon -
dial … A cet égard, la Cour rappelle que, en application de l’articlfie 6

de la convention du patrimoine mondial [de 1972], à laquelle ils sontfi
tous deux parties, le Cambodge et la Thaïlande ont le devoir de coo -
pérer entre eux et avec la communauté internationale afin de protéfi -
ger le site en tant qu’élément du patrimoine universel. En outre, les

deux Etats ont l’obligation de ne « prendre délibérément aucune
mesure susceptible d’endommager directement ou indirectement » ce
patrimoine.» (Arrêt, par. 106.)

50 J’ai aussi traité de cette question dans mon opinion dissidente (fipar. 46-64 et 74-77)
jointe à l’ordonnance relative à des Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’ex ‑
trader (Belgique c. Sénégal) (C.I.J. Recueil 2009)ainsi que dans mon opinion indivi -
duelle (par. 145-157) jointe à l’arrêt rendu par la Cour en la même affaire (C.I.J. Recueil
2012 (II)).
51 Voir les paragraphes 25, 39-40, 43-44 et 106 de l’arrêt rendu ce jour.

67

8 Ord 1050.indb 131 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 345

65. En adoptant la perspective intertemporelle qu’il convenait de rete -

nir en l’espèce, la Cour me semble avoir donné sa caution au prfiocessus en
cours d’humanisation du droit international, processus auquel je me suis
attaché depuis le milieu des années 1990 à apporter ma contribution en
tant que membre, successivement, de deux juridictions internationales 5.

Une comparaison de l’arrêt de 1962 et de l’arrêt par lequel la Cour vient
d’interpréter celui-ci illustre clairement cette évolution dans le sens de
l’humanisation du droit international. En accordant l’importance vfioulue

à la préservation du patrimoine culturel de l’humanité au lifieu de s’intéres -
ser uniquement à la sauvegarde de la souveraineté territoriale, lafi Cour a
contribué à éviter un préjudice spirituel (voir ci-dessus, par. 32-33).
66. Elle l’a fait tout en appelant l’attention sur l’importance desfi prin ‑

cipes généraux de droit international tels que celui qui interdit la menace
ou l’emploi de la force et le principe du règlement pacifique des fidifférends
(voir ci-dessus, par. 38-39). L’évocation de l’importance qu’il faut accor -

der à ces principes nous amène à considérer les valeurs humaines supé -
rieures , qui sont celles de la communauté internationale tout entière.
C’est de ces principes que procèdent les normes applicables. Sans eux, il

ne pourrait tout simplement pas exister de systèmes juridiques ; aussi
sont-ils d’une importance capitale, en droit international comme en droit fi
interne.
67. En dernière analyse, ce sont les principes fondamentaux qui

confèrent à chaque système juridique sa cohésion, sa cohéfirence et sa
légitimité, et lui donnent son indispensable dimension axiologiquefi. Ils
imprègnent dans son entier l’ordre juridique international, ils enfi forment

le substrat et lui sont consubstantiels. Ces principes donnent corps àfi l’idée
d’une justice objective, transcendant la volonté individuelle des Etats. Ils
sont, enfin, révélateurs du status conscientiae qu’a atteint la communauté
internationale dans son ensemble.

(Signé) Antônio Augusto Cançado Trindade.

52
Au sujet de la contribution que j’ai tenté d’apporter à partfiir de 1997-1998 à
l’enrichissement de la jurisprudence internationale, voir A. A. Cançado Trindade, Los
Tribunales Internacionales Contemporáneos y la Humanización del De▯recho Internacional,
Buenos Aires, Ed. Ad-Hoc, 2013, p. 163-185. Pour des contributions plus anciennes, voir
A. A. Cançado Trindade, «A Emancipação do Ser Humano como Sujeito do Direito Inter-
nacional e os Limites da Razão de Estado », Revista da Faculdade de Direito da Universi ‑
dade do Estado do Rio de Janeiro, vol. 6/7 (1998-1999), p. 425-4; A. A. Cançado Trin -
dade, A Humanização do Direito Internacional, Belo Horizonte/Brésil, Ed. Del Rey, 2006,
p. 3-409.
53 J’ai traité plus en détail de l’importance des valeurs humaines fondamentales dans

mon opinion dissidente (par. 32-40) jointe à l’arrêt en l’affaireImmunités juridiction‑
nelles de l’Etat (Allemagne c. Italie) (C.I.J. Recueil 2012 (I)).

68

8 Ord 1050.indb 133 25/06/14 13:11

Bilingual Content

322

SEPARATE OPINION

OF JUDGE CANÇADO TRINDADE

table of contents

Paragraphs

I. Introduction 1-3

II. Essence of the Resurfaficed Dispute before thefi Court 4-12

III. A Couple of Terminologifical and Hermeneutic Preficisions 13-18

IV. The Incidents (2007-2011) Leading to Cambodia’sfi Request

for Provisional Measures of Protection and for Interpre -
tation of the 1962 Judgment 19-27

V. The Provisional Measurefis of Protection of thefi ICJ o2f011
28-33

VI. The Parties’ Submissionfis as to the Compliance fiwith the
Order of the ICJ on Provisfiional Measures of Protfiection 34-37

VII. The States’ Duties to Refrain from the Threat or Use of
Force and to Reach a Peaficeful Settlement of thfie Dispute

at Issue 38-42

VIII. The Ineluctable Relatiofinship between M otifs and D is-
positif 43-61

1. Overview of the case law of the Hague Court (PCIJ and
ICJ) on the matter 45-49
2. Reason and persuasion 50-51

3. The everlasting acknowledgment of the relevance of sound
legal reasoning 52-61

IX. Concluding Observations 62-67

*

45

8 Ord 1050.indb 86 25/06/14 13:11 322

OPINION INDIVIDUELLE
DE M. LE JUGE CANÇADO TRINDADE

[Traduction]

table des matières

Paragraphes

I. Introduction 1-3

II. Les causes de la résurgfience du différend 4-12

III. Quelques précisions sfiur des points de termifinologie et

d’herméneutique 13-18

IV. Les incidents (survenufis de 2007 à2011) qui ont conduit le
Cambodge à déposer une dfiemande en indicationfi de mesures
conservatoires et unfie demande en interprétfiation de

l’arrêt de 1962 19-27

V. Les mesures conservatofiires de protection infidiquées par la
Cour en 2011 28-33

VI. Ce qu’ont dit les Partifies au sujet de l’exécufition de
l’ordonnance en indification de mesures confiservatoires de

protection rendue pafir la Cour 34-37

VII. L’obligation incombanfit aux États en cause dfie s’abstenir
de la menace ou de l’emfiploi de la force et defi régler leur
différend par des moyefins pacifiques 38-42

VIII. L’indissociabilité defi l’exposé des motifsdu dispositif 43-61

1. Aperçu de la jurisprudence de la Cour de La Haye (la CPJI

et la CIJ) en la matière 45-49
2. Raisons invoquées et effort de persuasion 50-51
3. L’importance, reconnue de longue date, d’un raisonnement

juridique rigoureux 52-61

IX. Observations finales 62-67

*

45

8 Ord 1050.indb 87 25/06/14 13:11 323 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

I. Introduction

1. I have concurred, with my vote, for the adoption by the Interna -
tional Court of Justice (ICJ), of the present Request for Interpretation of
the Judgment of 15 June 1962 in the Case concerning the Temple of
Preah Vihear (Cambodia v. Thailand) (Cambodia v. Thailand) [herein-
after Temple of Preah Vihear]. Although I stand in agreement with the

Court’s decision, not all the considerations that I regard as supportfiing it
are explicitly developed and stated in the present interpretation of judfig -
ment. Given the great importance that I attach to them, I feel obliged tfio
leave on the records the foundations of my own personal position thereon.
I do so moved by a sense of duty in the exercise of the international judi -

cial function.
2. I shall first dwell upon the essence of the resurfaced dispute before
the Court, and then proceed to a couple of terminological and hermeneu -
tic precisions. Next, I shall briefly recall the incidents (2007-2011) leading
to Cambodia’s concomitant requests for provisional measures of protec -

tion and for interpretation of the 1962 Judgment, and the parties’ submis-
sions as to the compliance with the Court’s Order on provisional measfiures
of protection. I shall do so on the basis of the Parties’ submissionsfi to the
Court, in the course of the proceedings pertaining to the present interpfire-
tation of judgment.

3. After recalling the fundamental principles of international law at
issue, I shall dwell upon the ineluctable relationship between motifs and
dispositif. To this effect, I shall : first, proceed to an overview of the rele -

vant case law of the Hague Court (PCIJ and ICJ) on the matter ; sec-
ondly, I shall refer to the presence of reason and persuasion in the exefircise
of legal reasoning ; and, thirdly, I shall stress the acknowledgment,
throughout the centuries, of the relevance of sound legal reasoning, beafir-
ing witness to the close relationship between motifs and dispositif. The

way will then be paved, last but not least, to the presentation of my cofin-
cluding observations.

II. Essence of the Resurfaficed Dispute before thefi Court

4. To start with, may I point out that the Parties themselves, in their
submissions to the Court, addressed the essence of the resurfaced disputfie
before the ICJ, in the course of the proceedings pertaining to the present
interpretation of judgment. Thus, in its oral arguments (of 15 April 2013)

before the Court, Cambodia stated, as to the factual context, projected fiin
time, of the dispute opposing it to Thailand, that :

“Between 1970 and 2007, it became dormant, first because of the
civil war in Cambodia, and then when Cambodians settled peacefully

46

8 Ord 1050.indb 88 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 323

I. Introduction

1. J’ai souscrit, par mon vote, à l’interprétation que la Cour fiinternatio -
nale de Justice (CIJ) a donnée de son arrêt de 1962 en l’affaire du Temple
de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande). Néanmoins, je relève que la
Cour n’a pas exposé et développé explicitement toutes les cofinsidérations
qui me paraissent l’avoir conduite à sa décision, et, vu la haute impor -

tance que j’attache à ces considérations, je me vois dans l’fiobligation d’ex-
poser dans la présente opinion ce qui constitue le fondement de ma
position les concernant. J’estime accomplir ainsi mon devoir au service de
la justice internationale.

2. Je traiterai pour commencer des causes de la résurgence du diffé -
rend, puis j’aborderai quelques points de terminologie et d’herméfineutique
qu’il me paraît utile de préciser. Je rappellerai ensuite brièfivement les inci-
dents (survenus de 2007 à 2011) qui ont conduit le Cambodge à saisir

simultanément la Cour d’une demande en indication de mesures consefir -
vatoires et d’une demande en interprétation de son arrêt de 1962, et je
rappellerai également ce que les Parties ont dit dans leurs écritures
et leurs plaidoiries en ce qui concerne l’exécution des mesures conserva -
toires indiquées par la Cour. Je m’appuierai sur les écritures et les fiplaido-i

ries des Parties en la présente affaire relative à l’interprétation defi l’arrêt
de 1962.
3. Après avoir rappelé les principes fondamentaux de droit internatiofi-
nal qui étaient en jeu, je traiterai de l’indissociabilité de lfi’exposé des
motifs et du dispositif d’un arrêt. Je donnerai tout d’abord un aperçu de

la jurisprudence en la matière de la Cour de La Haye (la CPJI et la CIJ) ;
j’aborderai ensuite le rôle que les raisons invoquées et les efffiorts de per -
suasion jouent dans un raisonnement juridique; enfin, j’insisterai sur l’im-
portance, reconnue depuis bien des siècles, que revêt un raisonnement
juridique rigoureux, ce qui me permettra de mieux cerner le lien étroit qui

existe entre l’exposé des motifs et le dispositif d’un arrêtfi. Je terminerai en
exposant mes observations finales.

II. Les causes de la résurgfience du différend

4. Je relève tout d’abord que, dans leurs écritures et plaidoiriesfi en la
présente affaire concernant l’interprétation de l’arrêt defi 1962, les Parties
ont elles-mêmes traité des causes de la résurgence de leur différend. Afiinsi,
lors des audiences (le 15 avril 2013), le Cambodge, considérant dans leur

dimension temporelle les faits qui constituaient le contexte de la contefista -
tion l’opposant à la Thaïlande, a déclaré ce qui suit :

«Entre 1970 et 2007, [cette contestation] est restée latente, dans un fi
premier temps, en raison de la guerre civile qui faisait rage au Cam -

46

8 Ord 1050.indb 89 25/06/14 13:11 324 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

around the Temple and its vicinity without any protest from Thailand
except for occasional complaints about pollution. The dispute only

re-emerged in 2007-2008 as a result of Thailand’s objections to the
inscription of the Temple as a World Heritage Site [of UNESCO],
and the publication of Thailand’s new ‘secret’ map (. . .). That map
1
was protested by Cambodia after these incidents.”

5. In its Application instituting proceedings (of 28 April 2011), Cam -
bodia further contended that

“Following the Paris Accords of 1991, the final ending of the con -
flict with the Khmer Rouge movement in 1998 and the consolidation

of an effective, democratic government in Cambodia able to conduct
normal and peaceful relations with its neighbours and beyond, steps
were taken to initiate a bilateral process between Cambodia and Thai -

land which, had it functioned in the way that Cambodia hoped, would
have led to a stable situation being established, whereby the imple -
mentation of the Court’s 1962 Judgment would have been entirely
possible. The principal means of achieving that was the process of

demarcating the boundary between the two States (. . .). Had that
process been successfully completed, as Cambodia wished, it would
have removed ipso facto the possibility of a dispute such as that con -
cerning interpretation of the territorial régime in the particular arfiea

where the Temple of Preah Vihear is situated. It was only following
Thailand’s opposition to the process of including the Temple on
UNESCO’s list of World Heritage sites in 2008 that it became clear

to Cambodia that the demarcation process had no realistic chance of
being completed without a clear and authorized interpretation from
the Court as to the meaning and scope of the 1962 Judgment. Cam -
bodia does not believe that the Court can look unfavourably on the

fact that Cambodia explored every bilateral possibility before reach -
ing the conclusion that a fundamentally different interpretation
existed between itself and its neighbour as to the meaning and scope
of the 1962 Judgment, which could only be settled by means of this
2
request for interpretation.”

6. Both in its Application 3, as well as in its Response (of 8 March
4
2012) , Cambodia insisted on the point that only from 2007 (with
the initiative to have the Temple of Preah Vihear declared a World

1
2 Compte rendu (CR) 2013/1, of 15 April 2013, p. 74, para. 86.
Application instituting proceedings, filed by Cambodia on 28 April 2011, p. 25,
par3. 30.
4 Ibid., paras. 12, 15 and 17.
Response of Cambodia, paras. 2.9, 2.23, 2.90-2.91, 2.104 and 4.60.

47

8 Ord 1050.indb 90 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 324

bodge, puis, lorsque des Cambodgiens s’installèrent paisiblement
autour du temple et dans ses environs, parce que la Thaïlande ne

protesta pas, si l’on excepte des plaintes occasionnelles concernant fila
pollution. Ce n’est qu’en 2007-2008 qu’il y a eu résurgence de la
contestation, due à ce que la Thaïlande s’opposait à l’infiscription du

temple [par l’UNESCO] sur la liste du patrimoine mondial, et avait
publié une nouvelle carte « secrète» … Après ces incidents, le Cam -
bodge a protesté contre cette carte. » 1

5. Dans sa requête introductive d’instance (déposée le 28 avril 2011), il
affirmait ce qui suit :

«A la suite des accords de Paris de 1991, de la fin définitive du
conflit avec le mouvement des Khmers rouges en 1998, et de la

consolidation d’un gouvernement démocratique effectif au Cam -
bodge ayant la capacité de conduire des relations normales et apai -
sées avec ses voisins et au-delà, des étapes furent franchies de manière

à initier un processus bilatéral entre le Cambodge et la Thaïlafinde
qui, si cela avait fonctionné de la manière que le Cambodge espéfirait,
aurait conduit à l’établissement d’une situation stable grâfice à laquelle
l’application de l’arrêt de 1962 de la Cour aurait été pleinement pos -

sible. Le moyen principal en était le processus de démarcation de fila
frontière entre les deux Etats … Si ce processus avait pu être mené
avec succès à son terme, comme le Cambodge le souhaitait, il auraifit
supprimé ipso facto la possibilité d’un différend comme celui qui

concerne l’interprétation à propos du régime territorial danfis la zone
spécifique dans laquelle le temple de Préah Vihéar est situé. Ce n’est
qu’à la suite de l’opposition de la Thaïlande au processus pfiour l’ins -

cription en 2008 du temple sur la liste du patrimoine mondial
de l’UNESCO qu’il est devenu clair pour le Cambodge que ce pro -
cessus n’avait aucune chance réaliste d’aboutir sans une inter-
prétation claire et autorisée de la Cour sur le sens et la portéfie

de l’arrêt de 1962. Le Cambodge ne pense pas que la Cour puisse
considérer de manière défavorable le fait que le Cambodge a expfiloré
l’ensemble des possibilités bilatérales avant d’en arriver àfi la conclu -
sion qu’il existait une interprétation fondamentalement différente defi

celle de son voisin quant au sens et la portée de l’arrêt de 1962, qui
ne pourrait être tranchée que par le moyen de la présente requêfite en
interprétation. » 2

6. Dans sa requête , puis dans sa réponse (déposée le 8 mars 2012) 4

aux observations de la Thaïlande, le Cambodge affirmait avec insis -
tance que la contestation l’opposant à la Thaïlande ne s’était firavivée

1
2 Audience publique du 15 avril 2013, CR 2013/1, p. 74, par. 86.
Requête introductive d’instance, déposée par le Cambodge le fi28 avril 2011, p. 25,
par3 30.
4 Ibid., par. 12, 15 et 17.
Réponse du Cambodge, par. 2.9, 2.23, 2.90-2.91, 2.104 et 4.60.

47

8 Ord 1050.indb 91 25/06/14 13:11 325 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

Heritage site by UNESCO) and from 2008 (with the inclusion of the

Temple in the World Heritage sites) onwards, the present dispute resur -
faced; the Parties themselves reckoned that they differed in terms of
their understanding of the Court’s Judgment of 1962. For its part, Thai -
land, in its written observations of 21 November 2011 , observed that

the Court’s Judgment of 1962, in deciding the question of sovereignty
over the Temple of Preah Vihear, which it accepted, created a situation
to be taken into account for the process of delimitation and demarca -

tion of its common border with Cambodia, of the area surrounding the
Temple.
7. Thailand further pointed out that in 2004 a joint Thai-Cambodian
Council of Ministers had met in Bangkok to consider submitting a “joifint

nomination” to include the Temple on the UNESCO World Heritage
List, but, “later that year, without informing Thailand, Cambodia madfie
a unilateral request to UNESCO to list the Temple as a World Heritage
6
Site” . In its further written explanations (of 21 June 2012), Thailand
added that Cambodia thereby hoped “to extend the meaning of the word fi
‘vicinity’”, found in the dispositif (para. 2) of the Court’s Judgment

of 1962, so as to put the Temple on UNESCO’s World Heritage List and7
“to get around the indispensable co-operation of Thailand” .

8. Both Cambodia and Thailand retook their arguments in the oral
phase (April 2013) of the proceedings before the Court. Cambodia con -
tended that the registration of the Temple as a UNESCO World Heritage

site was the starting-point for the “acts of armed aggression8carried out
by Thailand”, against “a poorly armed Cambodia” . Thailand, for its
part, argued that Cambodia’s “unilateral request for inscription ofif the
Temple on the UNESCO World Heritage List in 2007 once again poi -
9
soned the situation” .
9. Besides the ICJ, the dispute at issue was also taken to the attention
of the UN Security Council. It clearly flows from the arguments of thefi

contending Parties in their letters of July 2008 to the President of the
Security Council (Mr. Le Luong Minh) that their differences were
expressed shortly after the inclusion of the Temple of Preah Vihear —
upon the initiative of Cambodia — on the list of UNESCO World

Heritage Sites. Thus, in its letter of 19 July 2008 to the President of the
Security Council, the Permanent Mission of Cambodia to the United
Nations complained of the “Thai military provocation” in seeking tfio

5 Written observations of Thailand, paras. 4.69, 4.75, 4.110 and 7.1.
6 Ibid., para. 1.21.
7 Further written explanations of Thailand, para. 5.5.
8 CR 2013/1, of 15 April 2013, pp. 17-18, paras. 7-8. Cambodia further argued that
Thailand had “never truly accepted the solution in the 1962 Judgment” of the Court (ibid.,

p. 98, para. 9).
CR 2013/3, of 17 April 2013, p. 63, para. 26.

48

8 Ord 1050.indb 92 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 325

que lorsqu’il avait demandé en 2007 à l’UNESCO l’inscription du

temple de Préah Vihéar sur la liste du patrimoine mondial, demande qui
avait abouti en 2008, et que les Parties reconnaissaient ne pas être d’ac -
cord sur l’interprétation de l’arrêt de 1962. La Thaïlande, dans ses obser -
vations écrites déposées le 21 novembre 2011 , faisait observer que l’arrêt

de 1962 par lequel la Cour avait tranché la question de la souverainetéfi sur
le temple de Préah Vihéar, qu’elle ne contestait pas, avait créé une situa -
tion dont il fallait tenir compte pour la délimitation et la démarfication de

sa frontière avec le Cambodge dans la zone du temple.

7. La Thaïlande faisait de plus observer qu’en 2004 un conseil ministé-
riel constitué conjointement par le Cambodge et elle-même s’était réuni à

Bangkok pour examiner la possibilité, pour les deux pays, de « soumettre
ensemble» à l’UNESCO une proposition d’inscription du temple sur la fi
liste du patrimoine mondial, mais que, « cette même année, le Cambodge,

sans en informer la Thaïlande, soumettait unilatéralement à l’fiUNESCO
une proposition en ce sens» . Dans son supplément d’information (déposé
le 21 juin 2012), la Thaïlande ajoutait que le Cambodge espérait ainsi

«élargir le sens du terme « environs»» figurant au deuxième point du
dispositif de l’arrêt de 1962, en vue d’obtenir l’inscriptiofin du temple
par l’UNESCO sur la liste du patrimoine mondial « sans l’indispensable
coopération de la Thaïlande » 7.

8. Le Cambodge et la Thaïlande ont repris leurs arguments durant la
procédure orale (avril 2013). Selon le Cambodge, l’inscription du temple
sur la liste du patrimoine mondial était à l’origine des « actes d’agression

armée» p8rpétrés par la Thaïlande contre « le Cambodge, faiblement
armé » . La Thaïlande, pour sa part, affirmait que « la demande d’ins-
cription unilatérale du temple sur la liste du patrimoine mondial de fi
l’UNESCO, en 2007, a[vait] de nouveau envenimé la situation » 9.

9. La contestation soumise à la Cour avait été portée à l’fiattention du
Conseil de sécurité des Nations Unies. Il ressort clairement des arguments

avancés par les Parties dans leurs lettres de juillet 2008 au président
du Conseil de sécurité (M. Le Luong Minh) qu’elles ont fait état de leurs
divergences peu après l’inscription du temple sur la liste du patri -
moine mondial à la demande du Cambodge. Dans sa lettre datée du

19 juillet 2008, adressée au président du Conseil de sécurité, file représen -
tant permanent du Cambodge auprès de l’Organisation des Nations Unies
dénonçait la « provocation militaire thaïlandaise » visant à « créer sur le

5 Observations écrites de la Thaïlande, par. 4.69, 4.75, 4.110 et 7.1.
6 Ibid., par. 1.21.
7 Supplément d’information de la Thaïlande, par. 5.5.
8 Audience publique du 15 avril 2013, CR 2013/1, p. 17-18, par. 7-8. Le Cambodge a
de plus soutenu que la Thaïlande n’avait « jamais réellement accepté la solution de l’arrêt

de 9962» (ibid., p. 18, par. 9).
Audience publique du 17 avril 2013, CR 2013/3, p. 63, par. 26.

48

8 Ord 1050.indb 93 25/06/14 13:11 326 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

create ade facto “overlapping area” which “legally does not exist on
Cambodia soil”, in breach of Cambodia’s “sovereignty and territfiorial
integrity” .0

10. Thailand, for its part, in the letter of its Permanent Mission to the
United Nations of 21 July 2008 to the President of the Security Council,
after stating that the 1962 ruling of the ICJ “did not in any case deter -

mine the location of the boundary between Thailand and Cambodia”,
argued that “the issue before the ICJ in this case was limited solelyfi to the
question of the sovereignty over the region of the Temple of Preah Vihear”
and that “the location of the boundary line in the area adjacent to tfihe

Temple of Preah Vihear is still to be determined by both countries in
accordance with international law” 11.
11. It ensues, from the position of the two contending Parties (cf. also

infra), that the present case of the Temple of Preah Vihear is not a case
of delimitation, nor of demarcation, of frontier, but rather a case of
territorial sovereignty. The ICJ Judgment of 15 June 1962 speaks indis -
12
tinctly of “sovereignty over the region of the Temple of Preah Vihear” ,
of “sovereignty over the Temple area” 13, or else of “sovereignty over the
Temple” 14 itself. The 1962 Judgment reiterates the interchangeable use

of the terms “disputed region”, “sovereignty over Preah Vihear”, and
“the Temple or Temple area” 15. One cannot avoid the impression that a
couple of terminological and hermeneutic precisions are called for

(cf. infra).
12. Before turning to that, may I just add that, in my perception, this
is a case of territorial sovereignty to be exercised to secure the safetfiy of

local populations under the respective jurisdictions of the two contendifing
States, in the light of basic principles of international law, such as those
of peaceful settlement of international disputes and of the prohibition fiof

the threat or use of force (cf. Section VII, infra) ; it is, furthermore, a case
of territorial sovereignty to be exercised by the State concerned, in cofi-
operation with the other State concerned, as parties to the World Heri -
tage Convention, for the preservation of the Temple at issue as part of fithe

world heritage (reckoned as such in the UNESCO List) and to the (cul -
tural) benefit of humankind.

10Application instituting proceedings, Annex 2, pp. 42, 44.
11Ibid., Annex 4, p. 86. Thailand added that

“the inscription of the Temple of Preah Vihear on the World Heritage List shall in
no way prejudice Thailand’s rights regarding her territorial integrity and sovereigntyfi
as well as the survey and demarcation of land boundary in the area and Tfihailand’s
legal position” (ibid., p. 88).

12Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports
1962, p. 14 (last paragraph).
13Ibid., p. 17 (first paragraph), and cf. p. 29 (first paragraph).
14Ibid., p. 21 (second paragraph).
15Ibid., p. 36 (three paragraphs).

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8 Ord 1050.indb 94 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 326

sol cambodgien » une zone de chevauchement de facto « qui n’a[vait]
aucun fondement légitime », en violation de « la souveraineté et de l’inté -
grité territoriales» du Cambodge . 10

10. La Thaïlande, de son côté, dans une lettre datée du 21 juillet 2008,
adressée au président du Conseil de sécurité par son repréfisentant perma -
nent auprès des Nations Unies, affirmait que, par son arrêt de 1962,

la Cour « n’avait en aucun cas déterminé l’emplacement de la frontièfire
entre le Cambodge et la Thaïlande », et soutenait que « le différend
soumis à la CIJ dans cette affaire se limitait à la question de la sou-
veraineté sur la région du temple de Préah Vihear » et que « l’emplace -

ment de la frontière terrestre [devait] encore être déterminéfi conformément
au droit international » 1.
11. Il ressort des positions des Parties (voir également ci-après) que la

présente affaire est une affaire non pas de délimitation ou de défimarcation,
mais de souveraineté territoriale. Dans son arrêt du 15 juin 1962, la Cour
parle indifféremment de « la souveraineté territoriale du Cambodge sur la
12
région du temple de Préah Vihéar» , de «la souveraineté dans la zone du
temple » 13 et de « la souveraineté sur le temple » . De même, les expres -
sions « région contestée », « souveraineté sur Préah Vihéar » et « temple
15
ou … zone du temple » sont employées indifféremment dans l’arrêt . On
ne peut qu’en retirer l’impression que quelques précisions sur fides points
de terminologie et d’herméneutique s’imposent (voir ci-après).

12. Avant d’aborder ce volet de mon propos, j’ajouterai simplement
qu’à mon sens la question en cause est celle de la souveraineté territo -

riale qui doit être exercée pour assurer la sécurité des populatiofins
locales relevant de la juridiction de l’une ou l’autre des Parties à lafi
lumière des principes fondamentaux de droit international, dont celui du

règlement pacifique des différends internationaux et celui qui intefirdit
la menace ou l’emploi de la force (voir la section VII ci-après).
Cette souveraineté territoriale doit être exercée par chacun des deuxfi Etats
concernés en étroite coopération avec l’autre, en sa qualitéfi de partie à la

Convention du patrimoine mondial, aux fins de la préservation, au profifit
(culturel) de l’humanité, du temple qui est désormais inscritfi sur la liste de
l’UNESCO.

10 Requête introductive d’instance, annexe 2, p. 43, 45.
11 Ibid., annexe 4, p. 91 et 95. La Thaïlande ajoutait que

«l’inscription du temple de Préah Vihéar sur la liste du patrimoine mondial ne
préjuge[ait] en rien les droits de la Thaïlande concernant son intfiégrité et sa souverai
neté territoriales ainsi que le levé et la démarcation d’unefi frontière terrestre dans la
zone et la situation juridique de la Thaïlande » (ibid., p. 99).

12 Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962,
p. 14 (dernier paragraphe).
13 Ibid., p. 17 (premier paragraphe) et p. 29 (premier paragraphe).
14 Ibid., p. 21 (deuxième paragraphe).
15 Ibid., p. 36 (trois paragraphes).

49

8 Ord 1050.indb 95 25/06/14 13:11 327 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

III. A Couple of Terminologifical
and Hermeneutic Precisfiions

13. At this stage, may I briefly dwell upon a couple of terminological
and hermeneutic precisions, to clarify further the essence of this resurfi -

faced dispute before the Court, which appears to defy the passing of time.
In the dispositif of its Judgment of 15 June 1962 the Court found that
“the Temple of Preah Vihear is situated in territory under the sovereignty
of Cambodia” (para. 1) ; it further found, in consequence, that “Thailand
is under an obligation to withdraw any military or police forces, or othfier

guards or keepers, stationed by her at the Temple, or in its vicinity onfi
Cambodian territory” (para. 2) 1.

14. The first resolutory point of the dispositif leaves it clear that the

dispute before it concerns territorial sovereignty, rather than delimitafition
or demarcation of frontier. As to the second resolutory point of the dis ‑
positif, one might have hoped that it would not have been somewhat
vague, as it appears in the use of the term “vicinity”, in indicating where -
from Thai troops had to withdraw. Yet, this may have been done on

purpose by the Court half a century ago.
15. The Court may well have decided to use a term not too narrowly
circumscribed. Had the Court held the obligation to withdraw military
troops or police forces precisely only as to the ground where the Templefi,

or its “ruins”, stood, this could have led to a stricter interpretfiation that
Thai troops could still be stationed right outside, or around, the wallsfi of
the Temple. This would have been impracticable, in hindering the access fi
to the Temple of Cambodian non-military personnel. Thus, in my percep -
tion, while in its 1962 Judgment the Court did not precisely define the

scope of the “vicinity” of the Temple, it seems important that thefi term
“vicinity” be understood to comprise what is essential to guarantefie the
free access in and out of the Temple itself, the freedom of movement in fi
and out of the Temple of non-military Cambodian personnel.

16. Furthermore, it seems likewise relevant that the term “vicinity”, fi
used in the second resolutory point of the dispositif, be understood also to
describe the scope of the obligation to withdraw troops or police force fiin
pursuance, on the part of both parties, of the fundamental principle of

the prohibition of the threat or use of force, in the Temple itself, or fiin its
“vicinity”. It is somewhat ironical that it was the inscription byfi UNESCO
of the Temple of Preah Vihear in the World Heritage List that led to the
conflicts provoking the resurfacing of the present dispute before the fiICJ,
centred on the term “vicinity” as well as the obligation of “withdrawal”

of military or police forces.

16
I.C.J. Reports 1962, pp. 36-37.

50

8 Ord 1050.indb 96 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 327

III. Quelques précisions sfiur des points de termifinologie

et d’herméneutique

13. Il me paraît à ce stade utile d’apporter brièvement quelquesfi préci -
sions sur des points de terminologie et d’herméneutique, afin de mfiieux
éclairer les causes de la résurgence du différend porté en 1962 devant la

Cour, qui décidément semble résister au passage du temps. Dans le pre -
mier point du dispositif de son arrêt du 15 juin 1962, la Cour a dit : « le
temple de Préah Vihéar est situé en territoire relevant de la souveraineté
du Cambodge»; dans le deuxième point, elle a en conséquence énoncé la
décision suivante : « la Thaïlande est tenue de retirer tous les éléments de

forces armées ou de police ou autres gardes ou gardiens qu’elle a fiinstallés 16
dans le temple ou dans ses environs situés en territoire cambodgien » .
14. Il ressort clairement du premier point du dispositif que le différend fi
portait sur la souveraineté territoriale, et non pas sur la délimitation ou la
démarcation de la frontière. Au deuxième point, il eût peut-être été sou -

haitable que, pour désigner le lieu d’où la Thaïlande devaitfi retirer ses
troupes et ses forces de police, la Cour emploie un terme autre que «fienvi -
rons», qui est un peu vague. Il se peut cependant que la Cour, il y a un fi
demi-siècle, ait préféré rester vague.
15. Il me semble fort possible qu’elle ait décidé de retenir un terfime qui

ne soit pas trop précis. Si elle avait voulu que l’obligation faitfie à la Thaï -
lande de retirer ses troupes et ses forces de police s’applique uniqufiement
au terrain où se trouvent le temple ou ses « ruines», sa décision se serait
prêtée à une interprétation plus étroite, selon laquelle fides troupes thaï -
landaises pouvaient rester stationnées devant l’enceinte du templefi ou

autour de celle-ci. Pareille interprétation se serait heurtée à une impossi -
bilité pratique, car elle aurait rendu le temple inaccessible au personnel
non militaire cambodgien. Même si la Cour, dans son arrêt de 1962, n’a
pas défini précisément en quoi consistent les « environs» du temple, j’es -
time donc qu’il importe d’interpréter le terme « environs» comme dési -

gnant une zone telle que le personnel non militaire cambodgien puisse
accéder au temple et en sortir.
16. Il importe également, à mon sens, que le terme «environs», tel qu’il
est employé dans le deuxième point du dispositif, soit de plus intfierprété
comme définissant l’étendue de l’obligation de retrait des tfiroupes et des

forces de police, afin que soit respecté dans le temple et dans ses «fi envi -
rons» le principe fondamental, s’imposant à l’une et l’autre fiPartie, qui
interdit la menace ou l’emploi de la force. Par quelque ironie du sort, c’est
l’inscription par l’UNESCO du temple sur la liste du patrimoine mofindial
qui a déclenché les affrontements à l’origine de la résurgfience du différend

porté devant la Cour en 1962, sous la forme d’une contestation porfitant
principalement sur l’interprétation du terme « environs» et sur l’obliga -
tion de « retrait» des éléments de forces armées ou de police.

16
C.I.J. Recueil 1962, p. 36-37.

50

8 Ord 1050.indb 97 25/06/14 13:11 328 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

17. The etymological origins of the verb “to withdraw/se retirer” go
back to the late twelfth and the thirteenth centuries (from the Latin retra‑

here, to retract/se retirer). From then onwards, the verb is recorded to
have been used in the sense of “to remove oneself from”, or “tofi draw
oneself away from”, a place or a position 17; the verb came to be used in

respect of distinct situations, among which that of territorial sover -
eignty — not delimitation or demarcation of territory — as in the present
resurfaced dispute before the Court, opposing Cambodia to Thailand.
This is corroborated by the dispositif of the 1962 Judgment of the ICJ in

the case of the Temple of Preah Vihear (supra).
18. In the present interpretation of judgment, the ICJ has rightly pon -
dered that

“[o]nce a dispute regarding territorial sovereignty has been resolvedfi
and uncertainty removed, each party must fulfil in good faith the

obligation which all States have to respect the territorial integrity offi
all other States. Likewise, the Parties have a duty to settle any disputfie
between them by peaceful means” (Judgment, para. 105).

In this connection, the Court has taken note that Thailand has commend-

ably accepted that it has a continuing obligation to respect the integrity of
Cambodian territory (ibid., paras. 51 and 105), including that of the
promontory of Preah Vihear.

IV. The Incidents (2007-2011) Leading
to Cambodia’s Requestsfi for Provisional Measurfies

of Protection and forfi Interpretation
of the 1962 Judgment

19. A series of incidents, which took place in the period of 2007-2011

and prompted Cambodia’s Requests for provisional measures of protec -
tion and for interpretation of the 1962 Judgment of the ICJ, are reported
in its Application instituting proceedings, of 28 April 2011. On 17 May
2007 the Thai Prime Minister protested at Cambodia’s zoning plan (issued

on 10 November 2006) as part of its proposal to declare the Temple a

17Cf. Dictionnaire historique de la langue française (ed. Alain Rey), 3rd ed. Paris,
Dictionnaires Le Robert, 2000, p. 1921; The Oxford English Dictionary (eds. J. A. Simpson
and E. S. C. Weiner), 2nd ed., Vol. XX, Oxford, Clarendon Press, 1989, p. 450 ; Barnhart
Dictionary of Etymology (eds. R. K. Barnhart and S. Steinmetz), N.Y., H. W. Wilson Co.,
1988, p. 1241; Dictionnaire étymologique et historique du français (eds. J. Dubois, H. Mitte-
rand and A. Dauzat), Paris, Larousse, 2007, p. 71; The New Shorter Oxford English

Dictionary on Historical Principles (ed. L. Brown), Vol. 2, Oxford, Clarendon Press, 1993,
p. 3704 ; Legal Thesaurus (ed. W. C. Burton), N.Y./London, Macmillan Publs., 1980,
p. 514 ; Vocabulaire juridique (ed. G. Cornu), 8th ed., Paris, Association Henri Capitant/
PUF, 2007, pp. 827-828; Black’s Law Dictionary (ed. B. A. Garner), 9th ed., St. Paul/Mn.,
West/Thomson Reuters, 2009, p. 1739.

51

8 Ord 1050.indb 98 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 328

17. Etymologiquement, le verbe « se retirer/to withdraw » remonte à la
fin du XII et au XIII siècle (il est tiré du verbe latin retrahere, qui signi -
fie s’éloigner/to retract). Il a depuis été employé dansfi le sens de « s’éloi-
17
gner d’un lieu » ou de « quitter un lieu ou une position » . Le verbe est
apparu dans différents contextes, dont celui des questions de souveraifineté
territoriale, comme dans le cas du différend qui s’est ravivé entre le Cam -

bodge et la Thaïlande, mais il n’a pas été employé à pfiropos de la délimi -
tation d’un territoire ou de la démarcation de ses limites. Cette ficonstatation
vaut pour le langage employé dans le dispositif de l’arrêt de 1fi962 (voir

ci-dessus).
18. Pour l’interprétation de cet arrêt, la Cour a eu raison de direfi:

«[l]orsqu’un différend relatif à une question de souveraineté fiterrito-

riale a été tranché et que l’incertitude a été levéfie, chacune des parties
doit s’acquitter de bonne foi de l’obligation qu’a tout Etat defi respec -
ter l’intégrité territoriale des autres Etats. De même, les fiParties ont

l’obligation de régler par des moyens pacifiques tout différend fiqui les
oppose» (arrêt, par. 105).

Elle a relevé que la Thaïlande avait dûment reconnu qu’elle fiétait soumise
à l’obligation continue de respecter l’intégrité du territoire du Cambodge

(ibid., par. 51 et 105), y compris l’éperon de Preah Vihéar.

IV. Les incidents (survenufis de 2007 à2011) qui ont conduit
le Cambodge à déposer unfie demande en indicatifion de mesures

conservatoires et unfie demande en interprétfiation
de l’arrêt de 1962

19. Une série d’incidents survenus de 2007 à 2011 a conduit le Cam -
bodge à déposer une demande en indication de mesures conservatoirefis de
protection et une demande en interprétation de l’arrêt de 1962 ; il a relaté

ces incidents dans sa requête, déposée, je le rappelle, le 28 avril 2011. Le
17 mai 2007, le premier ministre thaïlandais a élevé une protestation fi
contre le plan de zonage (publié le 10 novembre 2006) que le Cambodge

17Voir Dictionnaire historique de la langue française (Alain Rey, dir. publ.), 3 éd., Paris,
Dictionnaires Le Robert, 2000, p. 1921 ; The Oxford English Dictionary (J. A. Simpson et
E. S. C. Weiner, dir. publ.), 2., vol. XX, Oxford, Clarendon Press, 1989, p. 450 ; Barn‑
hart Dictionary of Etymology (R. K. Barnhart et S. Steinmetz, dir. publ.), New York,
H. W. Wilson Co., 1988, p. 1241 ; Dictionnaire étymologique et historique du français

(J. Dubois, H. Mitterand et A. Dauzat, dir. publ.), Paris, Larousse, 2007, p. 717; The New
Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles (L. Brown, dir. publ.), vol. 2,
Oxford, Clarendon Press, 1993, p. 3704 ; Legal Thesaurus (W. C. Burton, dir. publ.),
New York/Londres, Macmillan Publs., 1980, p. 514 ; Vocabulaire juridique (G. Cornu, dir.
publ.), 8 éd., Paris, Association Henri Capitant/PUF, 2007, p. 827-828; Black’s Law Dictio‑
nary (B. A. Garner, dir. publ.), 9 éd., St. Paul/Mn., West/Thomson Reuters, 2009, p. 1739.

51

8 Ord 1050.indb 99 25/06/14 13:11 329 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

UNESCO World Heritage site. With the opening of discussions within
UNESCO to have the Temple declared a World Heritage site, there fol -
lowed a deterioration in relations between the two States concerned. As fi

from 15 July 2008, “large numbers of Thai soldiers crossed the border
and occupied an area of Cambodian territory near the Temple, on the sitefi
of the Keo Sikha Kiri Svara Pagoda” 18.

20. Thailand, likewise, in its written observations of 21 November 19
2011, acknowledged the occurrence of those incidents as from 2007 .
Thailand contended that there was no evidence of non-compliance on its
part of the Court’s Judgment of 1962. In its perception,“[T]he border

incidents that have occurred over recent years result from Cambodia
seeking to assert authority over an area much greater than they have beefin
content with in the past” 20.

21. The controversy over territorial sovereignty had indeed reemerged,
and [this time] reached the UN Security Council on 21 July 2008 21. In his
letter of that date to the President of the UN Security Council

(Mr. Le Luong Minh), the Permanent Representative of Thailand to the
United Nations stated that the issue that had originally been brought
before the ICJ for its Judgment of 1962 had been “limited solely to the

question of the sovereignty over the region of the Temple of Preah Vihear”,
and not the determination of the boundary line in the “area adjacent to
the Temple” ; this latter still remained “to be determined by both coun -
22
tries in accordance with international law” .

22. Three months later, the President of the Security Council was
informed by Cambodia’s representative at the United Nations that “fiThai
troops [had] once again crossed the frontier at three locations”

(Keo Sikha Kiri Svara Pagoda, Veal Intry and the hill of Phnom Trap,
“inside Cambodian territory”), and had “opened fire on Cambodifian sol -
diers”, causing the death of two of them and injuries in two others (fiinci -
dent of 15 October 2008) . Another armed incident of the kind occurred

on 3 April 2009 (in Phnom Trap, Tasem and Veal Intry), in “the immedi -
ate vicinity of the Temple”, causing damage in “the area around thfie Tem -
ple”, including the stairway leading to it 24.

23. In the following year, the UN Secretary-General (Mr. Ban Ki-moon)

offered (on 20 August 2010) his help to resolve the dispute between Cam -

18
19 Application instituting proceedings, pp. 13 and 15, paras. 13-16.
Thailand referred to facts going back to 2004-2005 ; cf. written observations of
Thailand, pp. 13-14, paras. 1.26-1.27.
20 Ibid., p. 15, para. 1.30.
21 Application instituting proceedings, p. 21, para. 25.
22 Ibid., Annex 4, p. 86, para. 4.1.
23 Ibid., p. 27, para. 33.
24 Ibid., para. 34.

52

8 Ord 1050.indb 100 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 329

avait établi en vue d’obtenir que l’UNESCO inscrive le temple sfiur la liste

du patrimoine mondial. Après l’ouverture de pourparlers en ce sensfi avec
l’UNESCO, les relations entre les deux Etats sont allées se détfiériorant. A
partir du 15 juillet 2008, « de nombreux soldats thaïlandais ont franchi la

frontière et occupé une zone du territoire cambodgien près du tfiemple sur
le site de la pagode Keo Sikha Kiri Svara » 1.
20. Dans ses observations écrites, déposées le 21 novembre 2011, la

Thaïlande 19de son côté admis que des incidents s’étaientfi produits à partir
de 2007 . Selon elle, rien n’indiquait qu’elle ne se fût pas conforméfie à
l’arrêt de 1962. De son point de vue, « les incidents frontaliers des [der -
nières années] tenaient au fait que le Cambodge cherch[ait] à afiffirmer son

autorité sur une zone bien plus vaste que celle dont il s’était jusque-là
contenté » 20.
21. La controverse sur la souveraineté territoriale avait bel et bien

refait surface et, cette fois, le Conseil de sécurité des Nations Unies en a
été saisi (le 21 juillet 2008) 21. Dans une lettre datée du 21 juillet 2008,
adressée au président du Conseil de sécurité (M. Le Luong Minh), le

représentant permanent de la Thaïlande auprès de l’Organisatfiion des
Nations Unies affirmait que la question initialement portée devant la
Cour, sur laquelle celle-ci avait statué par son arrêt de 1962, « se limitait

uniquement à la souveraineté sur la région du temple de Préah Vihéar» et
ne se rapportait nullement à la détermination du tracé de la frfiontière
«dans la zone adjacente au temple »; il ajoutait que « les deux pays
[devaient] encore déterminer conformément au droit international » le
22
tracé de la frontière de ladite zone .
22. Trois mois plus tard, le représentant permanent du Cambodge
auprès de l’Organisation des Nations Unies a informé le président du

Conseil de sécurité que « des troupes thaïlandaises [avaient] de nouveau
franchi la frontière à trois endroits » (la pagode Keo Sikha Kiri
Svara, Veal Intry et la colline de Phnom Trap) situés « à l’intérieur du

territoire cambodgien » et avaient « ouvert le feu sur des soldats cam-
bodgiens», tuant deux d’entre eux et en blessant deux autres (incident dufi
15 octobre 2008) 2. Un incident du même genre s’est produit le 3 avril 2009
(sur la colline de Phnom Trap et aux lieux-dits de Tasem et Veal Intry),

«dans les environs immédiats du temple », causant des dégâts « aux
abords du temple », l’escalier donnant accès à celui-ci étant notamment
endommagé 24.

23. L’année suivante (le 20 août 2010), le Secrétaire général des Nations
Unies (M. Ban Ki-moon) a offert ses bons offices pour le règlement du

18
Requête introductive d’instance, p. 12 et 14, par. 13-16.
19 La Thaïlande a fait état de faits remontant à 2004-2005 ; voir observations écrites de
la Thaïlande, par. 1.26-1.27.
20 Ibid., par. 1.30.
21 Voir requête introductive d’instance, p. 20, par. 25.
22 Ibid., annexe 4, p. 87, par. 4.1.
23 Ibid., p. 26, par. 33.
24 Ibid., par. 34.

52

8 Ord 1050.indb 101 25/06/14 13:11 330 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

bodia and Thailand 2, but unfortunately, from 4 to 7 February 2011,
Thai troops, using “heavy artillery and fragmentation shells”, caufised

“many casualties among the Cambodian armed forces and civilians”, fias
well as “material damage to the Temple itself”, leading to the Secfiurity
Council’s urging of a “permanent ceasefire” on 14 February 2011 ; the
applicant State draws particular attention to the Security Council’s fistate -
26
ment of that date . That UN Press Release was issued by the President
of the Security Council (Mrs. Maria Luiza Ribeiro Viotti) on 14 Febru -
ary 2011, containing the following statement on the Cambodia/Thailand

border situation :
“The members of the Security Council were briefed by Under-

Secretary-General B. Lynn Pascoe and by the Minister for Foreign
Affairs of Indonesia, and Chair of the Association of South-East
Asian Nations (ASEAN), Marty Natalegawa, on the situation on the
border between Cambodia and Thailand.

The members of the Security Council also heard from the Deputy
Prime Minister and Minister for Foreign Affairs of Cambodia,
Hor Namhong, and Minister for Foreign Affairs of Thailand,

Kasit Piromya.
The members of the Security Council expressed their grave concern
about the recent armed clashes between Cambodia and Thailand.
The members of the Security Council called on the two sides to

display maximum restraint and avoid any action that may aggravate
the situation. The members of the Security Council further urged the
parties to establish a permanent ceasefire, and to implement it fully
and resolve the situation peacefully and through effective dialogue.

The members of the Security Council expressed support for ASEAN’s
active efforts in this matter and encouraged the parties to continue
to co-operate with the organization in this regard. They welcomed

the upcoming Meeting of Ministers for Foreign Affairs of ASEAN
on 22 February.” 27

24. In its Application instituting proceedings, Cambodia referred to
the incidents of early February 2011 as “a serious threat to peace and
security in the region”, as again stressed by the UN Secretary-General
28
(Mr. Ban Ki-moon) . The concern of UNESCO, for its part, expressed
in the Report of 26 May 2009 of the UNESCO World Heritage Commit -
tee, was with strengthening “the protection and management of the Worfild
Heritage property” (cf. Annex 12). As further reported by Cambodia in

its Application :

25Application instituting proceedings, cf. Annex 8, UN Press Release of 20 August

20126 p. 151.
27Ibid., p. 27, para. 34.
Ibid., Annex 9, UN Press Release of 14 February 2011, p. 152. [English official trans-
lat28n.]
Ibid., p. 29, para. 34.

53

8 Ord 1050.indb 102 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 330

différend opposant le Cambodge à la Thaïlande 2, mais malheureuse -
ment, du 4 au 7 février 2011, des troupes thaïlandaises, employant « de

l’artillerie lourde et des bombes à fragmentation », ont mené une opéra -
tion qui a fait « de nombreuses victimes parmi les militaires et civils cam -
bodgiens» et «endommagé le temple lui-même», ce qui a amené le Conseil
de sécurité, le 14 février 2011, à engager les deux Etats à conclure « un

cessez-le-feu permanent »; le Cambodge a appellé tout particulièrement
l’attention de la Cour sur la déclaration faite à la même dafite par la prési -
dente du Conseil de sécurité (M me Maria Luiza Ribeiro Viotti), publiée
26
dans un communiqué de presse des Nations Unies ; en voici la teneur :
«Les membres du Conseil de sécurité ont entendu un exposé sur lafi

situation à la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, préfisenté
par le Secrétaire général adjoint, M. B. Lynn Pascoe, et par le ministre
des affaires étrangères de l’Indonésie et président de l’fiAssociation des
nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), M. Marty Natalegawa.

Les membres du Conseil ont également entendu le vice-premier
ministre et ministre des affaires étrangères du Cambodge, M. Hor
Namhong, et le ministre des affaires étrangères de la Thaïlande,fi

M. Kasit Piromya.
Les membres du Conseil se sont dits très préoccupés par les affrfionte -
ments armés qui ont opposé récemment le Cambodge et la Thaïlfiande.
Les membres du Conseil ont demandé aux deux parties de faire

preuve de la plus grande retenue et d’éviter toute action qui pourfirait
aggraver la situation. Ils ont en outre engagé les parties à déficlarer un
cessez-le-feu permanent et à le respecter scrupuleusement, et à régler
la situation par des moyens pacifiques dans le cadre d’un dialogue

constructif.
Les membres du Conseil ont dit appuyer l’action résolue que
l’ANASE mène à cet égard et ont invité les parties à cfiontinuer de
coopérer avec l’organisation. Ils ont accueilli favorablement la pro -

chaine réunion des ministres des affaires étrangères de l’ANAfiSE qui
se tiendra le 22 février. » 27

24. Dans sa requête, le Cambodge présentait les incidents du début de
février 2011 comme constituant « une grave menace pour la paix et la
sécurité dans la région », ce que le Secrétaire général de l’ONU avait pour
28
sa part de nouveau souligné . L’UNESCO, dans un rapport de son
comité du patrimoine mondial daté du 26 mai 2009, avait quant à elle
manifesté son souci de renforcer «la protection et … la gestion du bien du
patrimoine mondial » (voir annexe 12). Toujours dans sa requête, le

Cambodge ajoutait ceci à propos du rôle de l’UNESCO :

25Requête introductive d’instance, voir annexe 8, communiqué de presse des Nations

Uni26 du 20 août 2010, p. 150.
27Ibid., p. 26, par. 34.
Ibid., voir annexe 9, communiqué de presse des Nations Unies du 14 février 2011,
p. 283.
Ibid., p. 28, par. 34.

53

8 Ord 1050.indb 103 25/06/14 13:11 331 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

“In these various incidents between 2008 and 2011, architectural
features of the Temple have been damaged, leading to inquiries and

reports by the UNESCO authorities, which have recommended the
convening of an international co-ordinating committee, as envisaged
in the decision to list the site. (. . .) Following the serious incidents in
early February 2011, the Director-General of UNESCO,

Mrs. Irina Bokova, decided to send a mission to the site, together with
a special envoy in the person of the former UNESCO Director-
General, Mr. Koïchiro Matsuura.” 29

UNESCO’s initiative, among others 30, purported to assess in loco the
state of the Temple of Preah Vihear.
25. Another UN press release, of 23 April 2011, expressed the grave

concern of the UN Secretary-General (Mr. Ban Ki-moon) with the new
clashes between Cambodia and Thailand along their “common border” :

“United Nations Secretary-General Ban Ki-moon is troubled by
reports of renewed fighting in the past two days between Cambodian

and Thai troops along the two countries’ common border, which has
reportedly claimed numerous lives from both sides, said his spokes -
person on Saturday.
‘He had been encouraged by the initial signs of progress in regional fi

efforts to strengthen bilateral mechanisms for dealing with the dispute
between the two neighbours’, the spokesperson added. ‘The Secretary-
General calls on both sides to exercise maximum restraint and to take

immediate measures to put in place an effective and verifiable cease -
fire.’
Mr. Ban ‘also believes the dispute cannot be resolved by military
means and urges Cambodia and Thailand to engage in serious dialogue

to find a lasting solution’.
According to reports, six people died on Friday as a result of fight -
ing along the border between Thailand and Cambodia, despite the
ceasefire negotiated in February. Three Thai and three Cambodian

soldiers lost their lives in these clashes and a further 19 — 13 Thais
and six Cambodians — were injured.
Thailand and Cambodia hold each other responsible for the
gunfire, which took place close to the Temples of Ta Moan and

Ta Krabei, some 150 km south-west of the Temple of Preah Vihear,
where armed clashes claimed 11 lives two months ago, between 4 and
7 February.” 31

29
30Application instituting proceedings, para. 35 ; and cf. ibid., Annex 12, pp. 161-173.
E.g., the European Parliament, likewise, adopted a resolution, on 17 February 2011,
on the border clashes between Thailand and Cambodia (cf. ibid., Annex 13, pp. 175-179).

31UN Press Release of 23 April 2011, reproduced in ibid., Annex 11, p. 159. [English
official translation.]

54

8 Ord 1050.indb 104 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 331

«Lors de ces différents incidents entre 2008 et 2011, des éléments
architecturaux du temple ont été endommagés, provoquant enquêfites

et rapports de la part des autorités de l’UNESCO, qui ont recom -
mandé la mise en place d’un comité de coordination internationafil
comme ceci était envisagé dans la décision de classement… A la suite

des graves incidemes de début février 2011, la directrice générale de
l’UNESCO, M Irina Bokova, a décidé d’envoyer une mission sur
le site ainsi qu’un envoyé spécial en la personne de l’anciefin directeur
général de l’UNESCO, M. Koïchiro Matsuura. » 29

L’initiative de l’UNESCO, qui n’était pas la seule 30, avait pour objet

d’évaluer sur place l’état du temple de Préah Vihéar.
25. Dans un autre communiqué de presse des Nations Unies, publié le
23 avril 2011, le Secrétaire général exprimait dans les termes suivants sa
préoccupation devant les nouveaux affrontements entre forces thaïlafindaises

et cambodgiennes le long de la «frontière commune» des deux Etats:

«Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, est pré -
occupé par les informations faisant état de nouveaux combats ces
deux derniers jours entre des troupes cambodgiennes et thaïlandaises
à la frontière entre les deux pays, qui auraient fait plusieurs morts

des deux côtés, a déclaré samedi son porte-parole.
«Il avait été encouragé par les signes initiaux de progrès dafins les
efforts régionaux pour renforcer les mécanismes bilatéraux destifinés à
gérer le différend entre les deux voisins », a ajouté le porte-parole.

«Le Secrétaire général appelle les deux parties à exercer le fimaximum
de retenue et à prendre des mesures immédiates pour mettre en placfie
un cessez-le-feu effectif et vérifiable. »

Ban Ki-moon « estime également que le différend ne peut pas être
résolu par des moyens militaires et appelle le Cambodge et la Thaïfilande
à entamer un dialogue sérieux pour trouver une solution durable ».
Selon la presse, des accrochages ont fait six morts vendredi à

la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge en dépit d’un cefissez --
feu négocié en février. Trois soldats thaïlandais et trois sfioldats cam -
bodgiens ont trouvé la mort dans ces affrontements et dix-neuf autres
— treize Thaïlandais et six Cambodgiens — ont été blesséfis.

Thaïlande et Cambodge se sont rejeté la responsabilité de cette
fusillade, qui a eu lieu autour des temples de Ta Moan et Ta Krabei,
à quelque 150 km au sud-ouest du temple de Préah Vihéar où un
31
conflit armé avait fait onze morts il y a deux mois, du4 au 7février.»

29Requête introductive d’instance, par. 35; voir également ibid., annexe 12, p. 160-172.
30
Par exemple, le Parlement européen a lui aussi, le 17 février 2011, adopté une réso -
lution sur les affrontements frontaliers entre troupes cambodgiennes et tfihaïlandaises; voir
ibi31, annexe 13, p. 174-178.
Ibid., voir annexe 11, communiqué de presse des Nations Unies du 23 avril 2011,
p. 158.

54

8 Ord 1050.indb 105 25/06/14 13:11 332 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

26. The situation brought to the knowledge of the Court on 28 April
2011 (for interpretation of its 1962 Judgment) was thus clearly that of a

dispute, in my perception concerning mainly the withdrawal of forces
from the Temple or its vicinity, in the light of general principles of ifinter-
national law, such as those of the prohibition of the threat or use of ffiorce,
and of peaceful settlement of international disputes. The Cambodian
Request for interpretation is ineluctably intermingled with the Cambo -

dian Request for provisional measures, both having been prompted by
the events which have occurred (as from 2007, and culminating in
early 2011) in the Temple area and its vicinity.

27. Those incidents are to be much regretted. As I pondered in my
separate opinion, in the Court’s Order (of 18 July 2011) of provisional

measures of protection in the cas d’espèce,
“In the present case of the Temple of Preah Vihear before the ICJ,

it is indeed a pity that a temple that was built with inspiration in thefi
first half of the eleventh century, to assist in fulfilling the religious
needs of human beings, and which is nowadays — since the end of
the first decade of the twenty-first century — regarded as integrating
the world heritage of humankind, becomes now part of the bone of

contention between the two bordering States concerned. This seems
to display the worrisome frailty of the human condition, anywhere in
the world, in that individuals appear prepared to fight each other and
to kill each other in order to possess or control what was erected in
times past to help human beings to understand their lives and their

world, and to relate themselves to the cosmos.” (Request for Interpre ‑
tation of the Judgment of 15 June 1962 in the Case concerning the
Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand) (Cambodia v. Thai ‑
land), Provisional Measures, Order of 18 July 2011, I.C.J. Reports
2011 (II), pp. 603-604, para. 108.)

V. The Provisional Measurefis of Protection

of the ICJ of 2011

28. As a consequence of the eruption of armed hostilities between
Thailand and Cambodia (supra), the ICJ convened public sittings on
30 and 31 May 2011, and shortly afterwards issued its Order of provi -
sional measures of protection, on 18 July 2011. In the present interpreta -

tion of judgment that the Court has just issued, it expressly refers
(Judgment, para. 35) to its Order of provisional measures of 18 July 2011,
related as it is to Cambodia’s Request for interpretation of the 1962fi Judg -
ment, even though delivered without prejudice to the ICJ’s present inter -
pretation of judgment. The two Requests were lodged together with the

Court by the applicant State. In the present interpretation of judgment,fi
the ICJ has taken note of its Order of provisional measures (ibid.,

55

8 Ord 1050.indb 106 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 332

26. Pour moi, il est clair que la situation portée à la connaissance dfie la

Cour le 28 avril 2011 (en vue de l’interprétation de son arrêt de 1962)
révélait l’existence d’un différend portant principalementfi sur le retrait des
éléments stationnés dans le temple et dans ses environs, considfiéré à la
lumière des principes généraux de droit international, dont celui qui inter-
dit la menace ou l’emploi de la force et le principe du règlement fipacifique

des différends internationaux. La demande en interprétation dépofisée par
le Cambodge est indissociable de sa demande en indication de mesures
conservatoires, l’une et l’autre ayant pour origine les événfiements surve -
nus dans le temple et ses environs (à partir de 2007), qui avaient fiatteint
leur paroxysme au début de 2011.

27. Ces incidents sont fort regrettables. Comme je l’ai expliqué dans fi
l’opinion individuelle que j’ai jointe à l’ordonnance du 18 juillet 2011 en
indication de mesures conservatoires de protection,

«Dans la présente affaire du Temple de Préah Vihéar, il est vrai -
ment regrettable qu’un édifice inspiré, bâti au cours de la fipremière
moitié du XI esiècle afin de répondre aux aspirations religieuses
d’êtres humains, et qui est considéré à notre époque — depuis la fin
e
de la première décennie du XXI siècle — comme un élément du
patrimoine de l’humanité, se trouve aujourd’hui pris dans le lifitige qui
oppose les deux Etats voisins concernés. Je vois là un signe de lafi
fragilité alarmante de la condition humaine, partout dans le monde,
les hommes paraissant prêts à se battre et à s’entretuer poufir posséder

ou contrôler ce qui a été construit en d’autres temps en vuefi d’aider
les êtres humains à comprendre leur vie et leur monde, et à trouver
leur lien avec l’Univers. » (Demande en interprétation de l’arrêt du
15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge
c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires,

ordonnance du 18 juillet 2011, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 603-604,
par. 108.)

V. Les mesures conservatofiires de protection
indiquées par la Cour efin2011

28. A la suite de la flambée d’engagements armés entre la Thaïfilande et
le Cambodge (voir ci-dessus), la Cour a tenu des audiences publiques les
30 et 31 mai 2011, et a peu après (le 18 juillet 2011) rendu une ordonnance
en indication de mesures conservatoires. Dans l’interprétation qu’fielle
vient de donner de son arrêt de 1962, elle a fait expressément référence

(arrêt, par. 35) à cette ordonnance, qui répondait à une demande liée à la
demande en interprétation, même si la Cour l’avait rendue sans fipréjudice
de son interprétation de l’arrêt de 1962. L’Etat demandeur afi déposé
simultanément les deux demandes. En son présent arrêt en interpfirétation,
la Cour a fait mention (ibid., par. 29 et 35-36) de son ordonnance en indi -

cation de mesures conservatoires, qu’elle a prise en considération pour

55

8 Ord 1050.indb 107 25/06/14 13:11 333 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

paras. 29 and 35-36), in order to address the Request for interpretation ;
it has thus made it clear that the two concomitant Requests cannot make
abstraction of each other.
29. In its Order of provisional measures of 18 July 2011, the Court
determined, as from the basic principle of the prohibition of the threat or

use of force, enshrined into the UN Charter, the creation of a “provifi -
sional demilitarized zone” around the Temple of Preah Vihear and in the
proximities of the frontier between the two countries, and the immediatefi
withdrawal of their military personnel, and the guarantee of free accessfi to

the Temple of those in charge of supplies to the non-military personnel
present therein. It further determined the retaking and pursuance of
negotiations between them, aiming at the peaceful settlement of the dis -
pute, so as not to allow its aggravation.

30. In my separate opinion, I endorsed the correct determination by
the ICJ of the unprecedented creation of a “provisional demilitarizedfi
zone”, whereby it seeks to protect, in my understanding, not only thefi ter -
ritory at issue, but also the populations that live thereon, as well as fithe set
of monuments found therein, conforming the Temple of Preah Vihear.

This latter integrates, as from 2008, by decision of the World Heritage
Committee of UNESCO, its World Heritage List, which constitutes the
cultural and spiritual heritage of humankind (I.C.J. Reports 2011 (II),
pp. 588-598, paras. 66-95).

31. Beyond the classic territorialist outlook, I proceeded in my separate
opinion, lies the human factor, calling for the protection, by the measures
indicated or ordered by the ICJ, of the rights to life and personal intefig -

rity of the members of the local population, as well as the cultural and
spiritual heritage of human kind (ibid., pp. 598-606, paras. 96-113).
Underlying this jurisprudential construction, I added, is the principle of
humanity, orienting the search for improvement of the conditions of liv -
ing of the population and the realization of the common good (ibid.,

p. 606, paras. 114-115), in the ambit of the new jus gentium of our times
(ibid., p. 607, para. 117) 32. In situations of the kind, one cannot consider
the territory making abstraction of the local populations (and their cufil -
tural and spiritual heritage), who, in my view, constitute the most prefi -

cious component of statehood.

32. In its aforementioned provisional measures of protection, the ICJ
took into due account not only the territory at issue, but, jointly, thefi
people on territory, i.e., the protection of the population on territory. In my
aforementioned separate opinion, I pondered that, beyond the States, arefi

32And cf., for a comprehensive study, A. A. Cançado Trindade, International Law
for Humankind — Towards a New Jus Gentium, 2nd ed., The Hague, Martinus Nijhoff/

The Hague Academy of International Law, 2013, pp. 1-726.

56

8 Ord 1050.indb 108 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 333

répondre à la demande en interprétation ; elle a ainsi clairement signifié
que les deux demandes qui lui avaient été adressées simultanéfiment
n’étaient pas indépendantes.
29. Dans son ordonnance en indication de mesures conservatoires du

18 juillet 2011, la Cour, invoquant le principe fondamental interdisant la
menace ou l’emploi de la force consacré par la Charte des Nations Unies,
a désigné une « zone démilitarisée provisoire » englobant la zone du
temple et le secteur voisin de la frontière entre les deux Etats, et fia décidé

que les Parties devaient en retirer immédiatement leur personnel milifitaire
et que la liberté d’accès au temple pour le ravitaillement du pfiersonnel non
militaire qui s’y trouvait devait être respectée. Elle a de plufis décidé que les
deux Etats devaient reprendre et poursuivre leurs négociations afin dfi’évi -

ter que leur différend ne s’envenime et de le régler pacifiquemefint.
30. Dans l’opinion individuelle que j’ai jointe à l’ordonnance, j’ai dit
que la Cour avait eu raison de prendre la décision sans précédefint de dési -
gner une «zone démilitarisée provisoire», décision dans laquelle je voyais,

de sa part, la volonté de protéger non seulement le territoire confitesté,
mais aussi sa population et les monuments qui s’y trouvent, ceux consfiti -
tuant le complexe du temple de Préah Vihéar. Le temple, par une décision
du comité du patrimoine mondial, organe de l’UNESCO, a été inscrit

en 2008 sur la liste du patrimoine mondial, où figurent les sites et monfiu -
ments constituant l’héritage culturel et spirituel de l’humanitfié (C.I.J.
Recueil 2011 (II), p. 588-598, par. 66-95).
31. Ne voulant pas m’en tenir à la conception classique et strictementfi

axée sur le territoire, j’ai dit aussi qu’il fallait tenir compfite du facteur
humain, ce qui impliquait la protection, grâce aux mesures indiquées ou
ordonnées par la Cour, du droit à la vie et du droit à l’intégrité de la
personne des membres des collectivités locales, ainsi que la protec -

tion du patrimoine culturel et spirituel de l’humanité (ibid., p. 598-606,
par. 96-113). Au cœur de cette position inspirée par la jurisprudence, aifi-je
ajouté, se trouve ce que j’appelle le principe d’humanité, dont procède la
volonté d’améliorer les conditions d’existence de la populatfiion et de

défendre le bien commun (ibid., p. 606, par. 114-115) selon la conception
nouvelle du droit des gens qui se dégage à notre époque (ibid., p. 607,
par. 117) 3. Dans des situations telles que celle qui se présentait en l’es -
pèce, on ne saurait s’intéresser uniquement au territoire en cafiuse et faire

abstraction de la population qui y vit (et de son héritage culturel et spiri -
tuel), en quoi il faut voir, à mon avis, ce qu’il y a de plus précieux parmi
les éléments qui font une nation.
32. Dans son ordonnance en indication de mesures conservatoires de

protection, la Cour a dûment tenu compte non seulement du territoire
contesté, mais aussi des gens qui y vivent, en se préoccupant de lfia protection
de la population du territoire. Dans mon opinion individuelle jointe à l’or -

32 Voir également, pour une étude exhaustive de ce sujet, A. ACançado Trindade,
International Law for Humankind — Towards a New Jus Gentium, 2 e éd., La Haye,
Martinus Nijhoff/Académie de droit international de La Haye, 2013, p. 1-726.

56

8 Ord 1050.indb 109 25/06/14 13:11 334 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

the human beings who compose them (I.C.J. Reports 2011 (I), p. 606,
para. 114). In a case of this kind, seemingly only territorial, there is episfi-
temologically no inadequacy to extend protection also to human life, andfi
to the cultural and spiritual world heritage (the Temple of Preah Vihear),

thus avoiding a spiritual damage (ibid., p. 588, para. 66) — as I sought to
conceptualize this latter in 2005, within the Inter-American Court of
Human Rights (IACtHR), in my separate opinion in the case of the Moi ‑
wana Community v. Suriname (judgment of 15 June 2005).

33. In my separate opinion in the Court’s Order of 18 July 2011 in the
present case of the Temple of Preah Vihear, I deemed it fit to warn that,
in effect, not everything in the cas d’espèce can be subsumed under territo -

rial sovereignty (I.C.J. Reports 2011 (II), p. 599, para. 99), as the provi -
sional measures indicated by the Court encompassed the human rights to
life and to personal integrity, as well as cultural and spiritual world fiheri -
tage. In sum, the Court’s Order went “well beyond State territoriafil sover-

eignty, bringing territory, people and human values together” (ibid., p. 600,
para. 100), well in keeping with the jus gentium of our times (ibid.,
pp. 606-607, paras. 115 and 117).

VI. The Parties’ Submissionfis as to the Compliance fi
with the Order of the ICfiJ

on Provisional Measurefis of Protection

34. As I have already mentioned, in my perception the Requests for
provisional measures of protection and for interpretation of the

1962 Judgment appear interrelated (para. 28, supra). In all likelihood the
Request for interpretation would not have been lodged with the Court if fi
the aforementioned armed hostilities between Thailand and Cambodia
had not occurred. Such armed hostilities form the factual context which fi

originated the Request for interpretation as well as the Request for profivi -
sional measures of protection, and rendered necessary the adoption of
those measures by the Court.
35. As from the Court’s Order of 18 July 2011, the contending Parties
were faced with the duty to comply with it, binding as such protective

measures are. It should not pass unnoticed that, in the course of the prfio -
ceedings before the ICJ as to the Request for interpretation, both Thai -
land and Cambodia deemed it fit to present to the Court their views
concerning compliance with the Court’s provisional measures 33. The pre-

33They did so in compliance with resolutory point (C) of the ICJ’s Orfider of 18 July
2011, in their correspondence sent to the Court, after its Order, from Jfiuly 2011 until
July 2012.

57

8 Ord 1050.indb 110 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 334

donnance, j’ai avancé que, par-delà les Etats, il fallait considérer la popula -
tion qui en est le substrat (C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 606, par. 114). Dans
une affaire telle que celle dont il s’agit ici, affaire qui de prime abfiord est
d’ordre purement territorial, rien ne s’oppose, du point de vue éfipistémolo -
gique, à ce que la protection s’étende aux vies humaines et aux éléments du

patrimoine culturel et spirituel de l’humanité (le temple de Préfiah Vihéar),
pour parer à un préjudice spirituel (ibid., p. 588, par. 66); telle est la concep -
tion que j’ai voulu développer en 2005 dans l’opinion individuelle que j’ai
jointe à l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’fihomme en l’affaire
Communauté Moiwana c. Suriname (arrêt du 15 juin 2005).

33. Dans mon opinion individuelle jointe à l’ordonnance en indication fi
de mesures conservatoires du 18 juillet 2011, j’ai jugé utile de faire obser -
ver que la présente affaire ne pouvait pas être considérée cofimme portant
exclusivement sur une question de souveraineté territoriale (C.I.J. Recueil

2011 (II), p. 599, par. 99), les mesures conservatoires indiquées par la
Cour s’étendant au droit à la vie et au droit à l’intégrité de la personne,
ainsi qu’à un élément du patrimoine culturel et spirituel defi l’humanité.
J’ai résumé ma position en faisant observer que les mesures confiserva -
toires indiquées par la Cour allaient « bien au-delà de la souveraineté ter -

ritoriale d’un Etat pour englober territoire, population et valeurs humaines »
(ibid., p. 600, par. 100), en toute conformité avec le jus gentium de notre
temps (ibid., p. 606-607, par. 115 et 117).

VI. Ce qu’ont dit les Partifies au sujet de l’exécufition
de l’ordonnance en infidication de mesures cfionservatoires
de protection renduefi par la Cour

34. Comme je l’ai déjà indiqué, je considère que la demande efin indica -
tion de mesures conservatoires et la demande en interprétation de l’fiarrêt
de 1962 sont liées (voir ci-dessus, par. 28). En toute probabilité, le Cam -
bodge n’aurait pas déposé une demande en interprétation si lfies engage -
ments armés entre la Thaïlande et lui-même n’avaient pas eu filieu. Ces

hostilités constituent le contexte factuel dans lequel il faut voir lfi’origine
de la demande en interprétation comme celle de la demande en indicatifion
de mesures conservatoires, et ce sont ces hostilités qui ont nécessité
l’adoption par la Cour de telles mesures.

35. Il incombait aux Parties de se conformer à l’ordonnance du 18 juil -
let 2011, la décision sur les mesures de protection ayant un caractèrefi
contraignant. Il y a lieu de noter que, au cours de la procédure consfiacrée
à l’examen de la demande en interprétation, la Thaïlande comfime le Cam -
bodge ont jugé utile d’exposer à la Cour leurs vues sur l’exfiécution des
33
mesures conservatoires prévues par son ordonnance . Il s’agit là, de la

33 Ils l’ont fait en application du point C) de l’ordonnance du 18 juillet 2011, dans des
pièces de correspondance adressées à la Cour entre la date d’fiadoption de l’ordonnance

(juillet 2011) et juillet 2012.

57

8 Ord 1050.indb 111 25/06/14 13:11 335 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

paredness of the Parties to do so is commendable, and significant, and

should have been so acknowledged by the Court in the present Judgment
in the case of the Temple of Preah Vihear, that the Court has just adopted.
36. The oral arguments of the two Parties, in the course of the pro -
ceedings of mid-April 2013 on the Request for interpretation, are reveal -

ing. Thailand expressed its understanding that the “most important
purpose” which led to the adoption by the Court of its Order on provi -
sional measures of protection was :

“to prevent a recurrence of the loss of human life which unfortunatelfiy
had taken place in the area. The Order also noted allegations of dam-

age to property. Since the adoption of the Order, the ceasefire in the
area, which Thailand and Cambodia had adopted before the Order,
has continued. There has been no recurrence of armed incidents or
loss of life ; and there has been no damage to property. (. . .) [T]he
34
situation on the ground is consistent with the purposes of the Order.”fi

37. Cambodia stated that it ascribed to the decision (on interpretation)
that the Court was to render much importance, as it would “condition fithe
relations between the two States”, on which “depend the peace and fisecu-
rity in the region” 35. Thailand reiterated the “reality on the ground”,

after the Court’s Order of provisional measures of protection, “is that the
border is peaceful and calm, consistent with the intent of the Court’fis
Order” . Cambodia, for its part, submitted a different version of the
facts, in pointing out that

“bilateral negotiations on the withdrawal of troops from the Provi -
sional Demilitarized Zone, in accordance with the provisional meas -
ures decided on by this Court on 18 July 2011, have failed (. . .). As a
result, it has not been possible to put in place the Indonesian observerfis

responsible, under the auspices of ASEAN, for monitoring the with -
drawal of troops from the Temple area pending your final judgment.” 37

VII. The States’ Duties to Refifrain from the Threat
or Use of Force and to Refiach

a Peaceful Settlement ofif the Dispute at Issue

38. I have already pointed out that, in the cas d’espèce, the dispute
opposing Thailand to Cambodia concerns mainly the withdrawal of forces

34CR 2013/3, of 17 April 2013, pp. 22-23, para. 39.
35CR 2013/5, of 18 April 2013, p. 48.
36CR 2013/6, of 19 April 2013, p. 51.
37CR 2013/1, of 15 April 2013, pp. 18-19, para. 10. Cambodia further argued that the
armed incidents by the border were “provoked” by Thailand as “rfieprisals to the inscription

of the Temple in the World Heritage List of UNESCO” (ibid., pp. 23-24, para. 6).

58

8 Ord 1050.indb 112 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 335

part des Parties, d’un geste louable et important, que la Cour auraitfi dû

saluer dans l’arrêt qu’elle vient d’adopter.

36. Les arguments que les Parties ont avancés au cours de la procédurefi
orale consacrée, à la mi-avril 2013, à l’examen de la demande en interpré -

tation sont révélateurs. Selon la Thaïlande, l’adoption par la Cour de son
ordonnance en indication de mesures conservatoires de protection

«avait pour finalité primordiale d’éviter de nouvelles pertes enfi vies
humaines telles celles dont la région avait malheureusement étéfi le

théâtre. Elle faisait également état de dommages qui auraienfit été causés
aux biens. Depuis son adoption, le cessez-le-feu que la Thaïlande et le
Cambodge avaient déjà adopté dans la région rest[ait] en vigueur. Il n’y
a[vait] eu ni incidents armés, ni pertes en vies humaines, ni dégâfits maté -
34
riels … [L]’ordonnance de la Cour [était] respectée sur le terrain» fi.

37. Le Cambodge, quant à lui, a dit qu’il attachait une grande impor -
tance à la décision que la Cour allait prendre (sur l’interpréfitation de son
arrêt de 1962), décision qui selon lui allait « conditionner les relations
entre les deux Etats », dont « dépend[aient] la paix et la sécurité dans la
35
région » . La Thaïlande a réaffirmé que, depuis l’adoption par la Cofiur de
son ordonnance en indication de mesures conservatoires, « sur le terrain,
le calme régn[ait] aux abords de la frontière, conformément àfi l’ordon -
nance » . Le Cambodge a quant à lui présenté une version différente dfies

faits, soulignant ce qui suit :

«les négociations bilatérales sur le retrait des troupes de la zonefi
démilitarisée provisoire, conformément aux mesures conservatoires
décidées par votre juridiction le 18 juillet 2011, n’ont pas abfiouti …
En conséquence, il n’a pas été possible de mettre en place des obser -

vateurs indonésiens chargés, sous les auspices de l’ANASE, de
contrôler le retrait des troupes de la zone du temple en attendant
votre jugement définitif. » 37

VII. L’obligation incombanfit aux États en cause
de s’abstenir de la mefinace ou de l’emploi defi la force

et de régler leur difffiérend par des moyens pfiacifiques

38. J’ai déjà fait observer que, en l’espèce, le différend fiopposant la
Thaïlande au Cambodge portait essentiellement sur le retrait des forces

34 Audience publique du 17 avril 2013, CR 2013/3, CR 2013/3, p. 22-23, par. 39.
35 Audience publique du 18 avril 2013, CR 2013/5, CR 2013/5, p. 48.
36 Audience publique du 19 avril 2013, CR 2013/6, CR 2013/6, p. 51.
37 Audience publique du 15 avril 2013, CR 2013/1, p. 18, par. 10. Le Cambodge a égale-
ment affirmé que les incidents armés qui avaient eu lieu à profiximité de la frontière avaient

été «provoqués» par la Thaïlande « en représailles à l’inscription du temple sur la liste du
patrimoine mondial de l’UNESCO » (ibid., p. 23-24, par. 6).

58

8 Ord 1050.indb 113 25/06/14 13:11 336 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

from the Temple or its vicinity, keeping in mind the general principles fiof
international law of the prohibition of the threat or use of force, and of
peaceful settlement of international disputes (para. 26, supra). In its pres -
ent interpretation of judgment, that the Court has just adopted, it righfit -
fully draws attention to the principles of the Charter of the United Nations

(Judgment, para. 106), in particular those of importance in the present
case of the Temple of Preah Vihear (cf. supra).
39. In fact, on other recent occasions the ICJ has likewise asserted,
e.g., the State’s duty of co-operation and peaceful settlement, in its Judg -
ments in the case concerning Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina

v. Uruguay) (I.C.J. Reports 2010 (I), pp. 105-106, para. 281) ; in the
Ahmadou Sadio Diallo (Republic of Guinea v. Democratic Republic of
the Congo) case (I.C.J. Reports 2010 (II), pp. 691-692, paras. 163-164) ;
and in the case of the Application of the Interim Accord of 13 September

1995 (the former Yugoslav Republic of Macedonia v. Greece) (I.C.J. Reports
2011 (II), p. 644). In this last case, the ICJ emphasized that

“the 1995 Interim Accord places the Parties under a duty to negotiate
in good faith under the auspices of the Secretary-General of the
United Nations pursuant to the pertinent Security Council resolu -
tions with a view to reaching agreement on the difference described

in those resolutions” (ibid., p. 692, para. 166).

40. Such duty of peaceful settlement grows in importance in face of
threats of, or actual recourse to, the use of force, in breach of a fundfia -
mental principle enshrined into Article 2 (4) of the UN Charter. The ICJ
is “the principal judicial organ of the United Nations” (Article 92 of the
Charter, and Article 1 of the Statute). Its Statute forms an integral part of

the UN Charter. The ICJ is thus bound to make sure, in the settlement of
inter-State disputes lodged with it, that the contending Parties abide by
the fundamental principles enshrined into the UN Charter, such as those
of non-use of force (Article 2 (4)) and of peaceful settlement of interna -
tional disputes (Article 2 (3)).

41. The Court not only has an inherent faculty to do so, in the exercise
of its functions ; in effect, it is bound to do so, to secure compliance by
States with the general principles of international law. May it be recalfiled

that, almost four decades ago, the ICJ pondered, in its Judgment
of 20 December 1974 in the Nuclear Tests (Australia v. France) case, that

“the Court possesses an inherent jurisdiction enabling it to take sucfih
action as may be required (. . .). Such inherent jurisdiction (. . .)
derives from the mere existence of the Court as a judicial organ estab -
lished by the consent of States, and is conferred upon it in order that fi
its basic judicial functions may be safeguarded.” 38

38
Nuclear Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, pp. 259-260.

59

8 Ord 1050.indb 114 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 336

stationnées dans le temple ou dans ses environs, eu égard à deufix principes
fondamentaux de droit international, celui de l’interdiction de la mefinace
ou de l’emploi de la force et celui du règlement pacifique des difffiérends
internationaux (voir ci-dessus, par. 26). Dans l’interprétation fiqu’elle vient
de donner de son arrêt de 1962, la Cour, à juste titre, a appelé l’attention

sur les principes de la Charte des Nations Unies (arrêt, par. 106), en parti -
culier ceux qui importaient dans la présente affaire (voir ci-dessus)fi.
39. En fait, la Cour, dans d’autres affaires récentes, avait déjàfi jugé utile
de réaffirmer de tels principes ; elle l’a fait par exemple dans son arrêt en
l’affaire des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine

c. Uruguay) (C.I.J. Recueil 2010 (I), p. 105-106, par. 281) ; dans son arrêt
sur le fond en l’affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée
c. République démocratique du Congo) (C.I.J. Recueil 2010 (II),
p. 691-692, par. 163-164); ainsi que dans son arrêt en l’affaire relative à

l’Application de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex‑République
yougoslave de Macédoine c. Grèce) (C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 644).
Dans ce dernier, la Cour a souligné ce qui suit :

«l’accord intérimaire de 1995 met les Parties dans l’obligation fide négo -
cier de bonne foi sous les auspices du Secrétaire général de l’Organisa-
tion des Nations Unies conformément aux résolutions pertinentes du
Conseil de sécurité, en vue de parvenir à un accord sur la divefirgence

visée dans ces résolutions» (ibid., p. 692, par. 166).

40. Cette obligation faite aux Etats de régler pacifiquement leurs difféfi -
rends revêt une importance particulière lorsqu’un Etat menace dfi’employer
la force ou y recourt effectivement, en violation d’un principe fondamfiental
consacré par l’article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies. La
Cour est «l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unie»s

(article 92 de la Charte et article 1 du Statut de la Cour). Son Statut fait
partie intégrante de la Charte des Nations Unies. Elle est donc tenue, lors -
qu’elle règle un différend entre Etats, de veiller à ce que lfies parties se
conforment aux principes fondamentaux énoncés dans la Charte, dontfi
celui qui interdit le recours à la force (art. 2, par. 4) et le principe du règle

ment pacifique des différends internationaux (art. 2, par. 3).
41. La Cour n’a pas seulement le pouvoir inhérent de le faire dans
l’exercice de ses fonctions ; elle est tenue de veiller à ce que les Etats se
conforment aux principes généraux de droit international. Je rappelle que,

voici près de quarante ans, la Cour, dans son arrêt du 20 décembre 1974
en l’affaire des Essais nucléaires (Australie c. France), a dit ce qui suit :

«la Cour possède un pouvoir inhérent qui l’autorise à prendrefi toute
mesure voulue … Un pouvoir inhérent de ce genre … découle de
l’existence même de la Cour, organe judiciaire établi par le cofinsente -
ment des Etats, et lui est conféré afin que sa fonction judiciairefi fon -
damentale puisse être sauvegardée. » 38

38
Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 259-260.

59

8 Ord 1050.indb 115 25/06/14 13:11 337 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

42. As to the significance of the general principles of international law,
of prohibition of use or threat of force and of peaceful settlement of dfiis -
putes, enshrined into the UN Charter (Article 2 (4) and (3)), suffice it

here, in the present separate opinion, to refer to my considerations alrfieady
developed in my previous separate opinion in the Court’s Order (of 18 July
2011) in the present case of the Temple of Preah Vihear 39. Earlier on, on

six other occasions so far, I have likewise drawn attention to the relevance
of general principles 40. The necessary attention to those principles brings
us closer to the domain of superior [higher] human values, to be safe -

guarded, not sufficiently worked upon in international case law and docfi-
trine. It is, ultimately, those principles that inform and conform the
applicable norms, and ultimately any legal system.

VIII. The Ineluctable Relatiofinship
between M otifs and D ispositif

43. Another particular issue that comes to the fore in the cas d’espèce
is the relationship of the resolutory points of a judgment (in the dispositif)

with the corresponding motifs. May it be recalled that, in its Judgment
of 15 June 1962 in the present case of the Temple of Preah Vihear, the ICJ
stated :

“Referring finally to the Submissions presented at the end of the

oral proceedings, the Court, for the reasons indicated at the beginning
of the present Judgment, finds that Cambodia’s first and second Sub -
missions, calling for pronouncements on the legal status of the Annex I

map and on the frontier line in the disputed region, can be entertained
only to the extent that they give expression to grounds, and not as

39Request for Interpretation of the Judgment of 15 June 1962 in the Case concerning
the Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand) (Cambodia v. Thailand), Provisional
Measures, Order of 18 July 2011, I.C.J. Reports 2011 (II), separate opinion of Judge
Cançado Trindade, paras. 72-81 and 114-115.
40
Namely, in my separate opinion (paras. 8-113 and 191-217) in the case of the Pulp
Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay) (I.C.J. Reports 2010 (I)); in my sepa
rate opinion (paras. 177-211) in the Advisory Opinion on the Accordance with International
Law of the Unilateral Declaration of Independence in Respect of Kos(I.C.J. Reports
2010 (II)); in my separate opinion (paras. 93-106) in the Ahmadou Sadio Diallo (Republic
of Guinea v. Democratic Republic of the Congo) cas(I.C.J. Reports 2010 (II)) ; in my
dissenting opinion (paras. 79-87) in the case concerning the Application of the International
Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Ge▯orgia v. Russian

Federation) (I.C.J. Reports 2011 (I)); in my separate opinion (paras. 28-51 and 82-100) in
the Advisory Opinion on a Judgment No. 2867 of the Administrative Tribunal of the Interna‑
tional Labour Organization upon a Complaint Filed against the Internatio▯nal Fund for Agri ‑
cultural Development (I.C.J. Reports 2012 (I)); and in my separate opinion (paras. 74-76)
in the Ahmadou Sadio Diallo (Republic of Guinea v. Democratic Republic of the Congo)
case (I.C.J. Reports 2012 (I)).

60

8 Ord 1050.indb 116 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 337

42. Quant à l’importance du principe général de droit internatiofinal qui
interdit la menace ou l’emploi de la force et de celui qui fait obligfiation
aux Etats de régler leurs différends par des moyens pacifiques, toufis deux

consacrés par la Charte des Nations Unies (art. 2, par. 4 et par. 3), je me
bornerai ici à renvoyer aux observations que j’ai formulées danfis l’opinion
individuelle jointe à l’ordonnance rendue par la Cour le 18 juillet 2011 en
39
la présente affaire . Précédemment, j’avais de même, en six autres occa -
sions, appelé l’attention sur la pertinence des principes généfiraux 4. Ce
rappel de la nécessité d’accorder l’importance voulue à cfies principes

m’amène à aborder le domaine des valeurs humaines supérieures qu’il
importe de sauvegarder, mais qui pourtant n’occupent pas la place
qu’elles méritent dans la jurisprudence internationale et dans la fidoctrine

du droit international. En dernière analyse, c’est de ces principefis que
découlent les normes applicables et que procède tout système jufiridique.

VIII. L’indissociabilité defi l’exposé
des motifs et du dispositif

43. J’aborde maintenant une autre question dont la présente espèce fi
illustre l’importance, celle du rapport entre les points du dispositifif d’un

arrêt et les motifs qui ont conduit la Cour à les énoncer. Je rappelle que,
dans son arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar, la
Cour a dit ce qui suit :

«Se référant finalement aux conclusions présentées à la fifin de la

procédure orale, la Cour, pour les raisons indiquées au début dfiu pré -
sent arrêt, constate que les première et deuxième conclusions dfiu Cam -
bodge priant la Cour de se prononcer sur le statut juridique de la

carte de l’annexe I et sur la ligne frontière dans la région contestée ne
peuvent être retenues que dans la mesure où elles énoncent des fimotifs

39Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah
Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires,
ordonnance du 18 juillet 2011, C.I.J. Recueil 2011 (II), opinion individuelle de M. le juge
Cançado Trindade, par. 72-81 et 114-115.
40
Je l’ai fait dans mon opinion individuelle (par. 8-113 et 191-217) jointe à l’arrêt en
l’affaire des Usines de pâte à papier (Argentine c. Uruguay) (C.I.J. Recueil 2010 (I)); dans
mon opinion individuelle (par. 177-211) jointe à l’avis consultatif sur la Conformité au droit
international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo (C.I.J. Recueil
2010 (II)); dans mon opinion individuelle (par. 93-106) jointe à l’arrêt sur le fond en l’af -
faire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo)
(C.I.J. Recueil 2010 (II)); dans mon opinion dissidente (par. 79-87) jointe à l’arrêt en l’af-
faire concernant l’Application de la convention internationale sur l’élimin▯ ute forme de

discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie)(C.I.J. Recueil 2011 (I)o; dans mon
opinion individuelle (par. 28-51 et 82-100) jointe à l’avis consultatif relatif a2867gement n
du Tribunal administratif de l’Organisation internationale du Travail▯ sur requête contre le Fonds
international de développement agricole (C.I.J. Recueil 2012 (I)); et enfin dans mon opinion
individuelle (par. 74-76) jointe à l’arrêt sur les réparations en l’affaire Ahmadou Sadio Diallo
(République de Guinée c. République démocratique du Congo) (C.I.J. Recueil 2012 (I)).

60

8 Ord 1050.indb 117 25/06/14 13:11 338 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

claims to be dealt with in the operative provisions of the Judgment. It
finds on the other hand that Thailand, after having stated her own

claim concerning sovereignty over Preah Vihear, confined herself in
her Submissions at the end of the oral proceedings to arguments and
denials opposing the contentions of the other Party, leaving it to the
Court to word as it sees fit the reasons on which its Judgment is based.fi
In the presence of the claims submitted to the Court by Cambodia

and Thailand, respectively, concerning the sovereignty over
Preah Vihear thus in dispute between these two States, the Court finds
in favour of Cambodia in accordance with her third Submission. It
also finds in favour of Cambodia as regards the fourth Submission
concerning the withdrawal of the detachments of armed forces.”
(I.C.J. Reports 1962, p. 36.)

44. The Court then found that : (1) “the Temple of Preah Vihear is

situated in territory under the sovereignty of Cambodia” ; and, in conse -
quence, that : (2) “Thailand is under an obligation to withdraw any mili -
tary or police forces, or other guards of keepers, stationed by her at tfihe
Temple, or in its vicinity on Cambodian territory” (ibid., pp. 36-37).
Before laying down the resolutory points, the ICJ made a cross-reference
to the reasons which led it to decide the way it did. This is not the fifirst

time that the relationship between such reasons and the resolutory pointfis
comes to the fore.

1. Overview of the Case Law of the Hague Court
(PCIJ and ICJ) on the Matter

45. In fact, already in its time, the Permanent Court of International
Justice (PCIJ) dwelt upon the matter at issue. Thus, in the case of thfie
Interpretation of Judgments Nos. 7 and 8 (Factory at Chorzów), opposing
Germany to Poland, the PCIJ observed that a difference of opinion

should exist between the contending Parties as to the points, “decidefid
with binding force”, in the judgment at issue, for a request for intefirpreta -
tion be lodged with it under Article 60 of the Statute. Having said so, the
PCIJ added :

“That does not imply that it must be beyond dispute that the point
the meaning of which is questioned is related to a part of the judgment fi
having binding force. A difference of opinion as to whether a particu -

lar point has or has not been decided with binding force also
constitutes a case which comes within the terms of the provision in
question, and the Court cannot avoid the duty incumbent upon it of
interpreting the judgment in so far as necessary, in order to adjudi -
cate upon such a difference of opinion.” (Judgment No. 11, 1927,

P.C.I.J., Series A, No. 13., pp. 11-12.)
46. In other words, the Court is not to restrict itself only to the operativfie

part of the judgment, making abstraction of all its reasoning which led fito it

61

8 Ord 1050.indb 118 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 338

et non des demandes à retenir dans le dispositif de l’arrêt. Elfile constate
d’autre part qu’après avoir énoncé sa propre demande concfiernant la
souveraineté sur Préah Vihéar la Thaïlande, dans ses conclusions for-
mulées à la fin de la procédure orale, s’est bornée à fiénoncer les argu-
ments et dénégations opposés à la Partie adverse, laissant àfi la Cour le

soin de rédiger à sa convenance les motifs de son arrêt.
La Cour, en présence des demandes que le Cambodge et la Thaï -
lande lui ont respectivement soumises concernant la souveraineté,
ainsi contestée entre ces deux Etats, sur Préah Vihéar, décide en
faveur du Cambodge conformément à sa troisième conclusion. Ellefi

décide également en faveur du Cambodge en ce qui concerne sa qua -
trième conclusion relative au retrait des éléments de forces arfimées.»
(C.I.J. Recueil 1962, p. 36.)

44. Elle a ensuite, dans le dispositif, énoncé les points suivants : 1) « le
temple de PréahVihéar est situé en territoire relevant de la souveraineté du

Cambodge»; 2) «la Thaïlande est [en conséquence] tenue de retirer tous
les éléments de forces armées ou de police ou autres gardes ou figardiens
qu’elle a installés dans le temple ou dans ses environs situés en territoire
cambodgien » (ibid., p. 36-37). Avant d’énoncer les points du dispositif, la
Cour a fait référence aux raisons qui l’avaient décidée dfians le sens qu’elle

avait retenu. Ce n’était pas la première fois que le rapport enfitre les motifs
et les points énoncés dans le dispositif était ainsi mis en relfiief.

1. Aperçu de la jurisprudence de la Cour de La Haye
(la CPJI et la CIJ) en la matière

45. De fait, la Cour permanente de Justice internationale s’était déjà
penchée sur cette question. Dans son arrêt rendu en l’affaire defi l’Interpré ‑
tation des arrêts nos7 et 8 (usine de Chorzów), qui opposait l’Allemagne à

la Pologne, la CPJI a dit que, pour qu’une divergence de vues puisse fifaire
l’objet d’une demande en interprétation en vertu de l’articlfie 60 de son
Statut, il fallait qu’il y ait divergence entre les parties sur ce qufii, dans
l’arrêt en question, avait été « tranché avec force obligatoire ». Elle a
ajouté ce qui suit :

«Cela ne veut pas dire qu’il doive être incontesté que le point fidont

le sens prête à discussion regarde une partie de l’arrêt ayafint force
obligatoire. Une divergence de vues … [sur la question de savoir] si fi
tel ou tel point a été décidé avec force obligatoire… confistitue, elle
aussi, un cas qui rentre dans le cadre de la disposition en question, etfi
la Cour ne pourrait se soustraire à l’obligation d’interprétfier l’arrêt

dans la mesure nécessaire pour pouvoir se prononcer sur pareille
divergence. » (Arrêt n o 11, 1927, C.P.J.I. série A n 13, p. 11-12.)

46. Autrement dit, la Cour ne doit pas considérer seulement les points du
dispositif de son arrêt en faisant abstraction de tout le raisonnemenfit qui l’a

61

8 Ord 1050.indb 119 25/06/14 13:11 339 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

and supports it. The Court is to bear it in mind, and take it into accoufint
whenever needed. Only in this way can it produce a proper interpretationfi
clarifying — as it said — “the true meaning and scope” of its judgment at
issue (P.C.I.J., Series A No. 13, p. 14). Motifs and dispositif cannot simply

be dissociated from each other ; they go together, the former setting the
grounds on which the latter was established. Already at the time of the
PCIJ, in the late twenties, this was the prevailing understanding on thifis
particular point.

47. Years later, the ICJ, in its Judgment of 27 November 1950 on
Request for Interpretation of the Judgment of 20 November 1950 in the
Asylum Case (Colombia v. Peru), stated that a request for interpretation
of a judgment must aim solely at obtaining clarification on “the meanfiing
and the scope of what the Court has decided with binding force” (I.C.J.

Reports 1950, p. 402). In my view, if the operative part is not clear enough,
the Court, in providing the interpretation requested, has to take into
account the reasons set forth in the corresponding motifs.
48. The Court had the occasion to do this, half a century later, in its
Judgment of 25 March 1999, on the Request for Interpretation of the Judg ‑

ment of 11 June 1998 in the Case concerning the Land and Maritime Boun- d
ary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v . Nigeria), Preliminary
Objections (Nigeria v. Cameroon). The Court identified the reasons, set
forth in the motifs (in two paragraphs of the previous judgment) whichfi pro -

vided the grounds for the operative part of the judgment at issue, and wfiere
thus “inseparable” from that operative part (I.C.J. Reports 1999 (I), p. 36,
para. 11). The ICJ had warned that any request for interpretation (under
Article 60 of the Statute) “must relate to the operative part of the judgmenfit”
and can only concern “the reasons for the judgment” in so far as “fithese are

inseparable from the operative part” (ibid., p. 36, para. 10).
49. Earlier on, in its Judgment of 10 December 1985 on the Application
for Revision and Interpretation of the Judgment of 24 February 1982 in t▯he
Case concerning the Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya)

(Tunisia v. Libyan Arab Jamahiriya), the ICJ recalled (I.C.J. Reports 1985,
pp. 217-218, para. 46) the célèbre obiter dictum of the PCIJ in the Interpre ‑
tation of Judgments Nos. 7 and 8 (Factory at Chorzów) case (cf. supra).
Recently, in its Judgment of 19 January 2009 on the Request for Interpreta ‑
tion of the Judgment of 31 March 2004 in the Case concerning Avena

and Other Mexican Nationals (Mexico v. United States of America)
( Mexico v. United States of America), the ICJ referred to its jurisprudence
constante (supra) in respect of requests for interpretation of judgments
(I.C.J. Reports 2009, p. 10, para. 21). In sum, in my perception, there is

indeed an ineluctable relationship between motifs and dispositif. Such re41 -
tionship has not passed unnoticed in expert writing along the years .

41Cf., e.g., L. Cavaré, “Les recours en interprétation et en appréciation defi la légalité
devant les tribunaux internationaux”, 15 Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und
Völkerrecht (1954), p. 488 ; E. Zoller, “Observations sur la révision et l’interprétation des
sentences arbitrales”, 24 Annuaire français de droit international (1978), p. 343 ; E. Decaux,
“L’arrêt du 10 décembre 1985 de la Cour internationale de Justice sur la demande en firevi-

62

8 Ord 1050.indb 120 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 339

amenée à les énoncer. Elle doit garder à l’esprit ce raisfionnement et en tenir
compte lorsqu’il y a lieu. C’est seulement en procédant ainsi qfiu’elle peut
interpréter convenablement un arrêt, en éclairant, pour reprendre les termes

eoployés par la CPJI, les «vrais sens et portée» de celui-ci (C.P.J.I. série A
n 13, p. 14). Les motifs et le dispositif sont indissociables ; ils ne sauraient
aller l’un sans l’autre, les premiers constituant l’assise du second. Même àfi
l’époque de la CPJI — la fin des années vingt —, c’était là un point large -

ment admis.
47. Des années plus tard, dans son arrêt du 27 novembre 1950 relatif à
la Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du
droit d’asile (Colombie c. Pérou), la CIJ a dit qu’une demande en interpré -
tation d’un arrêt devait avoir pour seul but d’obtenir des éficlaircissements

sur «le sens et la portée de ce qui a[vait] été décidé avec force obligatoire »
(C.I.J. Recueil 1950, p. 402). A mon avis, si le dispositif n’est pas assez
clair, la Cour, en donnant l’interprétation demandée, doit tenifir compte des
raisons qui l’ont amenée à prendre ses décisions énoncéfies dans les motifs.

48. C’est ce que la Cour a eu l’occasion de faire, un demi-siècle plus
tard, dans son arrêt du 25 mars 1999 relatif à la Demande en interprétation
de l’arrêt du 11 juin 1998 en l’affaire de la Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions prélimi -

naires (Nigéria c. Cameroun). Elle a rappelé pour quelles raisons (énon -
cées dans deux paragraphes des considérants de l’arrêt à fiinterpréter) elle
avait pris les décisions figurant dans le dispositif de celui-ci, et a dit que ces
raisons étaient «inséparables» de ce dernier (C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 36,

par. 11). Elle avait auparavant pris soin de préciser que toute demande efin
interprétation (présentée en vertu de l’article 60 du Statut) devait « porter
sur le dispositif de l’arrêt et ne [pouvait] concerner les motifs fique dans la
mesure où ceux-ci [étaient] inséparables du dispositif» (ibid., p. 36, par.10).
49. Précédemment, dans son arrêt du 10 décembre 1985 relatif à la

Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du 24 février 1982 en
l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne)
(Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), elle avait rappelé (C.I.J. Recueil
1985, p. 217-218, par. 46) l’obiter dictum énoncé par la CPJI dans son
os
arrêt relatif à l’Interprétation des arrêts n 7 et 8 (usine de Chorzów) (voir
ci-dessus). Récemment, dans son arrêt du 19 janvier 2009 relatif à la
Demande en interprétation de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena et
autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique)

(Mexique c. Etats‑Unis d’Amérique), la Cour a invoqué la jurisprudence
constante (voir ci-dessus) qui avait été la sienne en matière d’interpréta -
tion de ses arrêts (C.I.J. Recueil 2009, p. 10, par. 21). Bref, je considère
qu’il existe bien un rapport incontournable entre les motifs et le difispositif
41
d’un arrêt. Ce rapport n’a d’ailleurs pas échappé aux fiauteurs .

41 Voir, par exemple, L. Cavaré, « Les recours en interprétation et en appréciation de
la légalité devant les tribunaux internationaux », Zeitschrift für ausländisches öffentliches
Recht und Völkerrecht, vol. 15 (1954), p. 488 ; E. Zoller, « Observations sur la révision et
l’interprétation des sentences arbitrales », Annuaire français de droit international, vol. 24
(1978), p. 343 ; E. Decaux, « L’arrêt du 10 décembre 1985 de la Cour internationale de

62

8 Ord 1050.indb 121 25/06/14 13:11 340 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

2. Reason and Persuasion

50. Half a decade ago, in another international jurisdiction, I had the
occasion, in my separate opinion appended to the interpretation of judg -
ment of 2 August 2008 of the Inter-American Court of Human Rights
(IACtHR), in the case of the Prison of Castro‑Castro v. Peru, to ponder
that reason and persuasion go together with the verdict. Resolutory points

cannot be dissociated from the Court’s reasoning which provides theirfi
foundations. Already in Aeschylus’s Eumenides (458 bc), Athena felt the
need — in announcing the creation, forever, of the Areios Pagos — to
provide explanation for judicial decisions and to persuade as to their
rightness. All international tribunals of our times devote their labour also

to reason and persuasion in respect of their own judgments ; the meaning
and extent of their decisions can only be properly appreciated in the light
of their reasoning — which brings to the fore the ineluctable subjective
element of the judges’ thinking (paras. 38-39, 41-42, 44 and 46).

51. The ICJ has been faced with this matter in the present interpreta -
tion of judgment, which it has just delivered, in the case of the Temple of
Preah Vihear. In my understanding, the reasons which substantiate a

resolutory point reached at by an international tribunal are regularly
expounded in the motifs of its judgment at issue. There would be no sense
in attempting to “separate” such motifs from the corresponding dispositif,
and taking into account only this latter. The two go together. Is there fiany
judgment where the operative part stands on its own ? Not at all ; this lat-

ter is regularly supported by the motifs. In saying what the law is (i.e., in
exercising its juris dictio), an international tribunal is bound to determine
the applicable law, and to expound its own understanding of the appli -
cable law and of its application in the cas d’espèce. We are here, once
again, faced with reason and persuasion.

3. The Everlasting Acknowledgment
of the Relevance of Sound Legal Reasoning

52. The relevance of sound legal reasoning has been duly acknowledged

since ancient times. In effect, the exercise of legal reasoning (i.e., tfihe elabo
ration of the motifs/la motivation) has historical roots which go back, e.g.,
to ancient Roman law. In his fragments, Ulpian (circa 170-228 ad) took

sion et en interprétation de l’arrêt du 24 février 1982 en l’affaire du Plateau continental”,
31 Annuaire français de droit international (1985), ; P. Dumberry, “Le recours en
interprétation des arrêts de la Cour internationale de Justice et fides sentences arbitrales”,
13 Revue québécoise de droit international (2000), pp. 213 and 220 ; S. Rosenne, Interpre ‑
tation, Revision and Other Recourse from International Judgments and Awa▯rds, Leiden,
Martinus Nijhoff, 2007, pp. 94-95, 98-100 and 108-111.

63

8 Ord 1050.indb 122 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 340

2. Raisons invoquées et efforts de persuasion
50. Voici cinq ans, siégeant dans un autre tribunal, la Cour interaméri -

caine des droits de l’homme, j’ai joint une opinion individuelle àfi l’arrêt
rendu le 2 août 2008 par cette Cour au sujet de l’interprétation de son arrêt
en l’affaire de la Prison de Castro‑Castro, mettant en cause le Pérou, afin
d’exposer mes réflexions sur le rapport entre les raisons invoquées et les
efforts de persuasion, d’une part, et l’énoncé du verdict, d’autre part. Je
disais dans cette opinion que les points du dispositif d’un arrêt fine pou -

vaient être dissociés du raisonnement suivi par la Cour, qui en cofinstituait
le substrat. Je faisais observer que, dès 458 avant J.-C., Eschyle, dans sa
tragédie Les Euménides, faisait dire à Athénée, qui annonçait ainsi la créa-
tion de l’Areios Pagos (cour permanente de cassation), qu’il fallait fournir
aux justiciables l’explication des décisions judiciaires et les cofinvaincre de

leur bien-fondé. Tous les tribunaux internationaux de notre temps se
donnent la peine de motiver leurs décisions et de les défendre par des argu-
ments convaincants; le sens et la portée de celles-ci ne peuvent être conve-
nablement appréciés qu’à la lumière du raisonnement dont fielles procèdent.
Cette constatation met en relief la part de subjectivité que comportefi inévi -
tablement un raisonnement juridique (par. 38-39, 41-42, 44 et 46).

51. La CIJ a été amenée à considérer cette question pour réfipondre à la
demande en interprétation de son arrêt de 1962 en l’affaire du Temple de
Préah Vihéar. Autant que je sache, les raisons qui ont amené un tribunal
international à prendre telle ou telle décision sont habituellemenfit préci -
sées dans l’exposé des motifs de son arrêt. Il serait donc vain de vouloir

« séparer » les motifsdes éléments correspondants du dispositif et de ne
prendre en considération que ces derniers. Motifs et dispositif sont indis-
sociables. A-t-on jamais vu un arrêt dont le dispositif se suffirait à
lui-même? Je suis bien sûr que non ; le dispositif est systématiquement
étayé par l’exposé des motifs. Lorsqu’il dit le droit (dfians l’exercice de son
pouvoir de juris dictio), un tribunal international doit déterminer quel est

le droit applicable et expliquer comment il l’interprète et le met en œuvre
en l’espèce considérée. Cela nous ramène à l’importfiance de l’exposé des
raisons et des efforts de persuasion.

3. L’importance, reconnue de longue date,
d’un raisonnement juridique rigoureux

52. L’importance que revêt la rigueur du raisonnement juridique est
reconnue depuis l’Antiquité. En effet, la tradition du raisonnementfi juri -
dique trouve son origine dans le droit de la Rome antique. Dans ses traifi-
tés, Ulpien (vers 170-228 après J.-C.) utilise le terme juris‑prudencia(dérivé

Justice sur la demande en revision et en interprétation de l’arrêfit du 24 février 1982 en
l’affaire du Plateau continental », Annuaire français de droit international, vol. 31 (1985),
p. 338; P. Dumberry, «Le recours en interprétation des arrêts de la Cour internationale fide
Justice et des sentences arbitrales », Revue québécoise de droit international, vol. 13 (2000),
p. 213 et 220 ; S. Rosenne, Interpretation, Revision and Other Recourse from International

Judgments and Awards, Leyde, Martinus Nijhoff, 2007, p. 94-95, 98-100 et 108-111.

63

8 Ord 1050.indb 123 25/06/14 13:11 341 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

juris‑prudencia (from the verb providere) as referring to the knowledge of
what is just and unjust; in dispensing justice, jurisprudencia was understood

as teaching how justice was to be re42ized, besides showing that the pro-
cedure had been well followed . His writings altogether, undertaken in
the period 211-222 ad, are believed to have considerably contributed to
Justinian’s Digest (the main volume of his Corpus Juris Civilis, 529
43
to 534 ad) , providing not less than a third of its contents.
53. As from Ulpian’s teaching, the Digest rendered certain maxims
widespread, such as “justitia est constans et perpetua voluntas suum cuique
tribuere” (“justice is the constant and perpetual will to give everyone his

due”); or else, “honeste vivere, alterum non laedere, suum cuique tribuere”
(“to live honourably, to harm no one, to give each one his due”)fi. Juris ‑
prudencia developed, elaborating on general principles ; it started arising
attention, having assumed a certain creative (Praetorian) role. Legal firea -

soning kept on attracting increasing attention in modern times, amidst
widespread acknowledgment of its relevance.

54. The elaboration of sound legal reasoning, for its part, sought
coherence and harmony, so as to avoid contradictions. It did not amount fi
to a syllogism, nor did it exhaust itself in the simple identification ofif the
applicable norms. It went further than that, encompassing interpre-

tation, and recourse to sources of law (including principles, doctrine, and
equity), bearing in mind human values 44. Prudence played its role, in
jurisprudencia. In such elaboration of sound legal reasoning, we are faced,

once more, with reason and persuasion.

55. One can speak of the object of a judicial decision in two senses,

namely: in a strictly procedural sense, it amounts to what has actually
been decided (the dispositif ); and in a material or substantial sense, it
encompasses also what formed the matter of the contentieux. The judg -
ment itself, in my understanding, encompasses not only the decision

reached by the international tribunal (the dispositif), but also the reason -
ing of this latter, the indication of the sources of law it resorts to, fithe
fundamental principles it relies upon, and other considerations that it fi
deems fit to develop (the motifs). In effect, to my mind, motifs and disposi ‑

tif form an organic, inseparable whole.
56. The issue became object of special attention in the legal doctrine of
the nineteenth century, which upheld the view that the dispositif is to be

42
J.-P. Andrieux, Histoire de la jurisprudence — Les avatars du droit prétorien, Paris,
Vui43rt, 2012, pp. 11, 13-14, 19, 23 and 161 ; and cf. pp. 241, 263, 281 and 284.
Cf. T. Honoré, Justinian’s Digest : Character and Compilation, Oxford University
Press, 2010, pp. 5, 53, 74, 103, 119 and 142.
44 Cf. [Various Authors], Le raisonnement juridique (ed. P. Deumier), Paris, Dalloz,
2013, pp. 25, 31, 33, 75, 95-98, 101, 109-110, 240, 246 and 268.

64

8 Ord 1050.indb 124 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 341

du verbe providere) pour désigner la connaissance de ce qui est juste ou
injuste; pour lui, lorsqu’il s’agissait de rendre la justice, la jurisprudencia

consistait à expliquer comment justice avait été faite, et42on pas seulement
à montrer que la procédure avait été dûment suivie . Son œuvre, compre-
nant des écrits produits de 211 à 222, est considérée comme ayant très
largement inspiré le Digeste de Justinien (le principal volume de son Cor ‑
43
pus juris civilis, publié de 529 à 534 , en est tiré pour un bon tiers).
53. Inspiré par les travaux d’Ulpien, le Digeste a contribué à répandre
certaines maximes telles que « justitia est constans et perpetua voluntas
suum cuique tribuere » («la justice est la volonté constante et perpétuelle

de donner à chacun son dû »), ou « honeste vivere, alterum non laedere,
suum cuique tribuere» («vivre honorablement, ne faire de mal à personne,
donner à chacun son dû »). La jurisprudencia s’est développée à mesure
qu’étaient précisées les applications des principes généfiraux ; ayant assumé

un certain rôle créateur (émergence d’un corpus de lois préfitorien), la juris ‑
prudencia a commencé à retenir l’attention. Dans les temps modernes,
l’importance du raisonnement juridique s’est plus solidement affifirmée et a
été de plus en plus largement admise.

54. Pour être rigoureux, un raisonnement juridique doit allier cohé -
rence et harmonie, et éviter ainsi les contradictions. Pareil raisonnfiement
doit se garder des syllogismes, et ne saurait se limiter à la simple fiénoncia -
tion des normes applicables. Il doit comprendre une part d’interpréfitation

et l’invocation des sources du droit (dont les principes générfiaux, la doc -
trine et le principe d’équité), sans perdre de vue les valeurs humaines 4.
La prudence y a aussi sa place, comme l’indique le terme jurisprudencia.

Ces considérations sur la rigueur du raisonnement juridique nous
ramènent, une fois encore, à l’importance de l’exposé desfi raisons et
des efforts de persuasion.
55. Ce qui constitue une décision judiciaire peut s’entendre de deux

façons: d’un point de vue strictement procédural, il ne s’agit que defi ce qui
a été formellement décidé (dans le dispositif) ; du point de vue du fond,
cependant, il s’agit de surcroît de la matière du contentieux. L’arrêt
lui-même, selon moi, comprend non seulement la décision du tribunal

international (le dispositif), mais également le raisonnement suivifi par
celui-ci, l’indication des sources du droit invoqué, le rappel des princfiipes
fondamentaux sur lesquels il repose et toute autre considération que le
tribunal juge utile d’exprimer (exposé des motifs). Je considèfire que les

motifs et le dispositif forment un tout organique infrangible.
56. La question a fait l’objet d’une attention particulière dans lafi doc -
trine juridique du XIX siècle, selon laquelle le dispositif doit être consi -

42
J.-P. Andrieux, Histoire de la jurisprudence — Les avatars du droit prétorien, Paris,
Vui43rt, 2012, p. 11, 13-14, 19, 23 et 161; voir également p. 241, 263, 281 et 284.
Voir T. Honoré, Justinian’s Digest : Character and Compilation, Oxford University
Press, 2010, p. 5, 53, 74, 103, 119 et 142.
44 Voir [différents auteurs], Le raisonnement juridique (P. Deumier, dir. publ.), Paris,
Dalloz, 2013, p. 25, 31, 33, 75, 95-98, 101, 109-110, 240, 246 et 268.

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8 Ord 1050.indb 125 25/06/14 13:11 342 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

approached together with the reasoning (the motifs) which give support
to it. This understanding then prevailed in civil procedural law (in cofiun-

tries of that legal tradition), before being transposed into the internfia -
tional legal procedure. According to an account of one of its exponents,fi

“According to the well-known teaching of Savigny, the judgment
is a sole and inseparable whole; there is, between the foundations and
the dispositif, a relationship so intimate that ones and the other can
never be dismembered if one does not wish to denaturalize the logical

and juridical unity of the decision. This was the dominant idea in the
last century (. . .).”45

57. With the passing of time, however, under the influence of legal
positivism, a more simplistic view came to prevail, to the effect that onfily
the dispositif forms the object of a judicial decision 46. This argument

sought to shift attention onto the terms of a judgment which were bind -
ing; it overvalued them, making abstraction of the other parts of the
judgment. It was as if the operative part of a judgment could be severedfi
from the other parts of it, and become binding by itself, independently fiof

the whole reasoning developed by the tribunal in its support. It is not fi
surprising that this superficial view became widespread, as it did not
require much thinking.

58. Positivists, for example, tend characteristically to be very dogmatic
in stating and insisting that the binding effect of a judgment attaches only
to its operative part, i.e., its resolutory points, and does not extend to its

reasoning. This is a strictly formalistic approach. The res judicata is thus
brought into the picture, minimizing the reasoning supporting it. This ifis
what — to recall but one illustration of this outlook — Judge Dioni -
sio Anzilotti upheld in his dissenting opinion in the aforementioned case

Interpretation of Judgments Nos. 7 and 8 (Factory at Chorzów) ; yet, as a
learned jurist, Anzilotti, after so asserting, conceded :

“When I say that only the terms of a judgment are binding, I do

not mean that only what is actually written in the operative part con -
stitutes the Court’s decision. On the contrary, it is certain that itfi is
almost always necessary to refer to the statement of reasons to under -

stand clearly the operative part and above all to ascertain the causa
petendi.” (Judgment No. 11, 1927, P.C.I.J., Series A, No. 13, p. 24,
para. 2.)

45
E. J. Couture, Fundamentos do DireitoProcessual Civil, São Paulo, Saraiva, 1946,
pp. 354-355; E. J. Couture, Fundamentos del Derecho Procesal Civil, 4th ed., Montevideo/
Buenos Aires, Ed. B de F, 2002, p. 347 [my own translation].
46 E. J. Couture, Fundamentos do Direito . . ., op. cit. supra note 45, pp. 355 a;d 358
Fundamentos del Derecho . . ., op. cit. supra note 45, pp. 348 and 350.

65

8 Ord 1050.indb 126 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 342

déré en même temps que le raisonnement (les motifs) dont il pfirocède.
Cette conception s’est alors imposée dans les pays de tradition jufiridique

romano-germanique, avant d’être transposée dans le système juridiqufie
international. Je cite à ce sujet un auteur qui a exposé cette docfitrine,

«Selon la conception bien connue de Savigny, le jugement forme
un tout unique et infrangible ; il y a entre les motifs et le dispositif un
rapport si étroit qu’on ne saurait les dissocier sans compromettrefi

l’unité logique et juridique de la décision. Telle était l’fiidée dominante
au siècle dernier… » 45

57. Cependant, avec le temps, sous l’influence du positivisme juridiquefi,
s’est imposée une conception plus simpliste selon laquelle seul le dispositif
46
constituerait la matière d’une décision judiciaire . Les tenants de cette
conception entendent que l’attention se concentre sur les dispositionfis
contraignantes de l’arrêt considéré ; ils y attachent trop d’importance, et

font à mon sens indûment abstraction des autres parties de l’arfirêt. Ils font
comme si le dispositif pouvait être détaché du restant de l’fiarrêt, autre -
ment dit comme si les dispositions à caractère obligatoire pouvaient être
lues indépendamment du raisonnement qui a conduit le tribunal à enfi

décider. Cette conception s’est largement répandue, ce qui n’fia rien d’éton -
nant vu qu’elle n’exigeait pas un gros effort de réflexion.
58. Par exemple, les positivistes se montrent généralement très dogfima -
tiques lorsqu’ils soutiennent que la force obligatoire d’un arrêfit se limite

aux décisions énoncées dans les différents points de son dispfiositif, et ne
saurait s’étendre à ce qui est dit dans l’exposé du raisofinnement. C’est là
une façon de voir strictement formaliste. Ses tenants invoquent le prfiincipe

de l’autorité de la chose jugée pour minimiser l’importance fidu raisonne -
ment sur lequel le tribunal s’est fondé. Telle est, pour ne citer fiqu’un
exemple, la position qu’a défendue le juge Anzilotti dans son opinion dis -
sidente jointe à l’arrêt de la CPJI sur l’Interprétation des arrêts n os7 et 8

(usine de Chorzów) ; néanmoins, Dionisio Anzilotti, qui était un fin
juriste, a jugé bon, après avoir exposé sa position, de la nuanficer dans les
termes suivants :

«En disant que seul le dispositif de l’arrêt est obligatoire, je n’fien -
tends pas dire que seulement ce qui est matériellement écrit dans file

dispositif constitue la décision de la Cour. Il est certain, par contfire,
qu’il est presque toujours nécessaire d’avoir recours aux motiffis
pour bien comprendre le dispositif et surtout pour déterminer la
o o
causa petendi. » (Arrêt n 11, 1927, C.P.J.I. série A n 13, p. 24,
par. 2.)

45
E. J. Couture, Fundamentos do Direito ProcessualeCivil, São Paulo, Saraiva, 1946,
p. 354-355 ; Fundamentos del Derecho Procesal Civil, 4 éd., Montevideo/Buenos Aires,
Edi46 B de F, 2004, p. 347.
E. J. Couture, Fundamentos do Direito…, op. cit. supra note 45, p. 355 et 358; Funda‑
mentos del Derecho…, op. cit. supra note 45, p. 348 et 350.

65

8 Ord 1050.indb 127 25/06/14 13:11 343 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

59. The reasoning or the motifs of a judgment can be freely resorted to,
in the interpretation of any point or passage of the dispositif which

requires clarification ; in fact, it will be hardly possible to determine the
exact scope of a dispositif without taking into account the reasoning (the
motifs). They may indeed appear inseparable from each other, and there

are even the dispositifs that deem it fit to 47ke express cross-references to
corresponding paragraphs of the motifs . In the present interpretation of
judgment, for example, resolutory point No. 2 of the dispositif expressly
refers to paragraph 97 of the motifs.

60. Legal reasoning is not simply an intellectual output (of logic), as
the search for justice is also moved by experience and social equity. Asfi

already indicated, the function of the judge is not reduced simply to prfio -
duce syllogisms, far from it : jurisprudential construction goes further
than that, it resorts to all available sources of law, it has a latitudefi of

choice, it matches the facts with the applicable norms, and it tells whafit
the law is, in the exercise of juris dictio. Legal reasoning counts on the
subjective element of the judge’s thinking.

61. In this respect, over half a century ago Piero Calamandrei used to
recall that sententia derives from sentiment, as indicated by etymology.
He further warned that the subjects of law (sujets de droit) are not trans -

formed into a dossier (as hinted by bureaucratic indifference), but remain
“living persons”. In legal reasoning, electronic machines will nevfier replace
human beings. The requisite of providing the motifs (la motivation)
48
appears as the “rationalization of the sense of justice” . The reasoning
(motifs) of a judgment is thus important, besides being pedagogical : it
“serves to demonstrate that the judgment is just, and why it is just”fi 4.
Sententia emanates from human conscience, moved by the sense of

justice.

IX. Concluding Observationfis

62. I have now come to my concluding observations. It is not my inten -
tion to reiterate here the considerations I developed, in my separate opfiin-
ion in the ICJ’s Order of provisional measures of protection, of 18 July

47
E. J. Couture, Fundamentos do Direito . . ., op. cit. supra note 45, pp. 357 a;d 360
Fun48mentos del Derecho . . ., op. cit. supra note 45, pp. 349 and 351.
P. Calamandrei, Proceso y Democracia, Buenos Aires, Ed. Jurídicas Europa-
Amé49ca, 1960, pp. 67, 80-81 and 125.
Ibid., pp. 116-117, and cf. p. 81.

66

8 Ord 1050.indb 128 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 343

59. Le raisonnement ou les motifs exposés dans un arrêt peuvent à
mon avis être librement invoqués pour interpréter tout point oufi passage

de son dispositif qui demande à être éclairci ; en effet, on ne saurait guère
déterminer la portée exacte d’un point du dispositif sans tenirfi compte du
raisonnement (des motifs). Motifs et dispositif apparaissent ainsi indfiis-
sociables, et ils le sont à telle enseigne qu’il arrive que la Coufir juge

utile, dans le dispositif d’un arrêt, de faire 47pressément réféfirence aux
paragraphes pertinents des considérants . Dans l’interprétation qu’elle
vient de donner de son arrêt de 1962, par exemple, la Cour, au point 2
du dispositif, a fait expressément référence aux considérants fifigurant au

paragraphe 97.
60. Le raisonnement juridique n’est pas une opération purement intel -
lectuelle (procédant de la seule logique), la recherche de la justifice étant
également guidée par l’expérience et par le principe d’éfiquité sociale.

Comme je l’ai déjà dit, la fonction du juge ne saurait se réfiduire, tant s’en
faut, à énoncer des syllogismes ; l’interprétation jurisprudentielle va bien
au-delà: elle puise dans toutes les sources du droit, envisage différents
choix, considère les faits à la lumière des normes applicables ; c’est ainsi

que le juge peut dire le droit dans l’exercice de son pouvoir de juris dictio.
Le raisonnement juridique fait appel aux éléments subjectifs de lafi réflexion
du juge.
61. Dans cet ordre d’idées, Piero Calamandrei, voici plus d’un demi-

siècle, aimait à rappeler que le terme sententia a la même racine que l’ex -
pression sentiment. Il faisait observer qu’un sujet de droit (n’en déplaise
aux bureaucrates) ne peut être réduit au contenu de son dossier, fiet qu’il

reste «un être vivant». Pour la construction d’un raisonnement juridique,
jamais les machines électroniques ne pourront supplanter l’intellifigence
humaine. On peut considérer que, s’il est nécessaire d’exposfier les motifs
(les motivations) d’une décision, c’est parce qu’il importfie de « donner au
48
sens de la justice une expression rationnelle » . L’exposé du raisonne -
ment (les considérants) dont procède un arrêt n’a donc pasfi seulement une
utilité pédagogique: il « sert à montrer que l’arrêt est juste, et pourquoi il
est juste »49. La sententia émane de la conscience humaine, guidée par le

sens de la justice.

IX. Observations finales

62. J’en arrive à mes observations finales. Je n’ai nullement l’fiintention de
reprendre ici les considérations sur l’éternelle question de lafi dimension tem ‑
porelle du droitque j’ai exposées dans mon opinion individuelle jointe à l’o-r

47
E. J. Couture, Fundamentos do Direito…, op. cit. supra note 45, p. 357 et 360; Funda‑
mentos del Derecho…, op. cit. supra note 45, p. 349 et 351.
48P. Calamandrei, Proceso y Democracia, Buenos Aires, Ed. Jurídicas Europa-
América, 1960, p. 67, 80-81 et 125.
49 Ibid., p. 116-117, et voir p. 81.

66

8 Ord 1050.indb 129 25/06/14 13:11 344 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

50
2011, on the perennial issue of time and law . In the present separate
opinion, I now limit myself to refer to my reflections developed therefiin,
with only one additional point. We all live and work within time, and the

acceptance of the passing of time is one of the greatest challenges of
human existence. In the present interpretation of judgment, the Court
addressed with timidity (Judgment, para. 75) the effects of facts subse -
quent to the original judgment upon the requested interpretation of judgfi-

ment. This requires, in my perception, a clarification.

63. In its present interpretation of judgment in the case of the Temple
of Preah Vihear, the ICJ has repeatedly taken note of the facts, subse -

quent to its original Judgment of 1962 in the cas d’espèce51which have
been brought to its attention by the contending Parties . And it could
not have done otherwise. Having done so, it undertook the exercise of
providing the requested interpretation of the original 1962 Judgment,

focusing on its dispositif together with the corresponding motifs. It stated
that, in determining the meaning and scope of the resolutory points (orfi
the dispositif) of the original 1962 Judgment, it had regard to the corre -
sponding motifs, to the extent that its own pertinent reasoning shed light

on the dispositif (ibid., para. 68). It then clarified the meaning of the
“vicinity” of the Temple of Preah Vihear (ibid., paras. 97-98).
64. Already in its provisional measures of protection indicated in its
Order of 18 July 2011 in the present case of the Temple of Preah Vihear,
the Court — as I pointed out in my previous separate opinion — brought

together territory, people and human values, well in keeping with the jus
gentium of our times (I.C.J. Reports 2011 (II), paras. 100, 114-115
and 117). And today, 11 November 2013, it does so again in the present
interpretation of judgment, wherein it has deemed it fit to assert that

“As is clear from the record of both the present proceedings and

those of 1959-1962, the Temple of Preah Vihear is a site of religious
and cultural significance for the peoples of the region and is now listefid
by UNESCO as a world heritage site (. . .). In this respect, the Court
recalls that under Article 6 of the [1972] World Heritage Convention,

to which both States are parties, Cambodia and Thailand must co-
operate between themselves and with the international community in
the protection of the site as a world heritage. In addition, each
State is under an obligation not to take ‘any deliberate measures

which might damage directly or indirectly’ such heritage.” (Judgmfient,
para. 106.)

50I have also dwelt upon this issue in my dissenting opinion (paras. 46-64 and 74-77)
in the case of Questions relating to tObligation to Prosecute or Extradite (Belgium
v. Senegal) (I.C.J. Reports 2009) followed by my separate opinion in the same case
(paras. 145-157) (I.C.J. Reports 2012 (II)).

51Cf., to this effect, paragraphs 25, 39-40, 43-44 and 106 of the present Judgment.

67

8 Ord 1050.indb 130 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 344

donnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour
le 18 juillet 2011 . Je me bornerai à renvoyer à mes réflexions, en y ajoutant
un seul point. Tant que nous sommes, notre vie, notre travail s’inscrivent

inéluctablementdans le temps, et la conscience que le temps nous est mesuré
est au cœur de nos préoccupations existentielles. Dans l’interpfirétation qu’elle
vient de donner de son arrêt de 1962, la Cour n’a abordé que timidement
(arrêt, par. 75) la question de l’incidence que les faits survenus depuis le

prononcé dudit arrêt pouvaient avoir sur l’interprétation qufii lui en était
demandée. Je pense que quelques éclaircissements s’imposent àfi ce sujet.
63. Dans sa présente interprétation de son arrêt de 1962, la Cour a fait
référence à maintes reprises aux faits survenus depuis le pronofincé de

celui-ci51lesquels avaient été portés à son attention par l’unefi et l’autre des
Parties . Elle ne pouvait d’ailleurs pas faire autrement. Ayant ainsi rap -
pelé les faits, elle a interprété son arrêt de 1962 en concentrant son atten -
tion sur le dispositif de celui-ci et sur les motifs correspondants. Elle a dit

que, pour déterminer le sens et la portée du dispositif de l’arrêt initial, elle
tiendrait compte des motifs de ce dernier dans la mesure où ils écfilairaient
l’interprétation à donner du dispositif (ibid., par. 68). Elle a ensuite pré -
cisé ce qu’il fallait entendre par les « environs» du temple de Préah Vihéar

(ibid., par. 97-98).

64. Dans son ordonnance du 18 juillet 2011, la Cour, comme je l’ai fait
observer dans l’opinion individuelle que j’y ai jointe, avait suivfii une
démarche englobant territoire, population et valeurs humaines, se confor -

mant ainsi au droit des gens de notre temps (C.I.J. Recueil 2011 (II),
par. 100, 114-115 et 117). Elle a, ce 11 novembre 2013, adopté une
démarche semblable pour interpréter son arrêt de 1962, jugeant utile de
dire ce qui suit :

«Ainsi que cela ressort clairement des dossiers de la présente pro -

cédure et de celle de 1959-1962, le temple de Préah Vihéar est, du
point de vue religieux et culturel, un site important pour les peuples
de la région, et il a été inscrit par l’UNESCO au patrimoinefi mon -
dial … A cet égard, la Cour rappelle que, en application de l’articlfie 6

de la convention du patrimoine mondial [de 1972], à laquelle ils sontfi
tous deux parties, le Cambodge et la Thaïlande ont le devoir de coo -
pérer entre eux et avec la communauté internationale afin de protéfi -
ger le site en tant qu’élément du patrimoine universel. En outre, les

deux Etats ont l’obligation de ne « prendre délibérément aucune
mesure susceptible d’endommager directement ou indirectement » ce
patrimoine.» (Arrêt, par. 106.)

50 J’ai aussi traité de cette question dans mon opinion dissidente (fipar. 46-64 et 74-77)
jointe à l’ordonnance relative à des Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’ex ‑
trader (Belgique c. Sénégal) (C.I.J. Recueil 2009)ainsi que dans mon opinion indivi -
duelle (par. 145-157) jointe à l’arrêt rendu par la Cour en la même affaire (C.I.J. Recueil
2012 (II)).
51 Voir les paragraphes 25, 39-40, 43-44 et 106 de l’arrêt rendu ce jour.

67

8 Ord 1050.indb 131 25/06/14 13:11 345 request for interprefitation (sep. op. cançadfio trindade)

65. In a proper inter-temporal dimension, the Court, in my perception,

has thus endorsed the ongoing process of humanization of interna -
tional law — to which I have been endeavouring to contribute,
successively within two distinct international jurisdictions, since the
mid-nineties 52. A parallel between the Judgment of 1962 and the present

interpretation of judgment of 2013 in the case of the Temple of
Preah Vihear gives clear testimony of that. By giving its due to the pres -
ervation of world cultural heritage, parallel to the safeguard of territfiorial

sovereignty, the Court is contributing to the avoidance of a spiritual dam ‑
age (cf. paras. 32-33, supra).

66. It does so at the same time that it draws attention to the relevance

of general principles of international law, such as of prohibition of use or
threat of force and of peaceful settlement of disputes (paras. 38-39, supra).
The necessary attention to those principles brings us closer to the domafiin
53
of higher human values , shared by the international community as a
whole. It is, ultimately, those principles that inform and conform the
applicable norms. Without them, there is ultimately no legal system at

all; hence their utmost importance, at both international and domestic
levels.

67. After all, it is the fundamental principles that confer cohesion,

coherence and legitimacy, and the ineluctable axiological dimension, to fi
every legal system. In effect, general principles permeate the whole intefir -
national legal order ; they conform their substratum, being consubstantial

to it. They give expression to the idea of an objective justice, above the
will of individual States. They indicate, at last, the status conscientiae
reached by the international community as a whole.

(Signed) Antônio Augusto Cançado Trindade.

52
For an account of my endeavours in this respect, in the international cafise law,
from 1997-1998 onwards, cf. A. A. Cançado Trindade, Los Tribunales Internacio ‑
nales Contemporáneos y la Humanización del Derecho Internacional, Buenos Aires, Edit.
Ad-Hoc, 2013, pp. 163-185 ; and cf., earlier on, e.g., A. A. Cançado Trindade, “A Eman -
cipação do Ser Humano como Sujeito do Direito Internacional e os Lfiimites da Razão de
Estado”, 6/7 Revista da Faculdade de Direito da Universidade do Estado do Rio de Janeiro
(1998-1999), pp. 425-434 ; A. A. Cançado Trindade, A Humanização do Direito Interna‑
cional, Belo Horizonte/Brazil, Edit. Del Rey, 2006, pp. 3-409.

53I have further dwelt upon the importance of fundamental human values in my

dissenting opinion (paras. 32-40) in the case of the Jurisdictional Immunities of the State
(Germany v. Italy) (I.C.J. Reports 2012 (I)).

68

8 Ord 1050.indb 132 25/06/14 13:11 demande en interprétafition (op. ind. cançadotrindade) 345

65. En adoptant la perspective intertemporelle qu’il convenait de rete -

nir en l’espèce, la Cour me semble avoir donné sa caution au prfiocessus en
cours d’humanisation du droit international, processus auquel je me suis
attaché depuis le milieu des années 1990 à apporter ma contribution en
tant que membre, successivement, de deux juridictions internationales 5.

Une comparaison de l’arrêt de 1962 et de l’arrêt par lequel la Cour vient
d’interpréter celui-ci illustre clairement cette évolution dans le sens de
l’humanisation du droit international. En accordant l’importance vfioulue

à la préservation du patrimoine culturel de l’humanité au lifieu de s’intéres -
ser uniquement à la sauvegarde de la souveraineté territoriale, lafi Cour a
contribué à éviter un préjudice spirituel (voir ci-dessus, par. 32-33).
66. Elle l’a fait tout en appelant l’attention sur l’importance desfi prin ‑

cipes généraux de droit international tels que celui qui interdit la menace
ou l’emploi de la force et le principe du règlement pacifique des fidifférends
(voir ci-dessus, par. 38-39). L’évocation de l’importance qu’il faut accor -

der à ces principes nous amène à considérer les valeurs humaines supé -
rieures , qui sont celles de la communauté internationale tout entière.
C’est de ces principes que procèdent les normes applicables. Sans eux, il

ne pourrait tout simplement pas exister de systèmes juridiques ; aussi
sont-ils d’une importance capitale, en droit international comme en droit fi
interne.
67. En dernière analyse, ce sont les principes fondamentaux qui

confèrent à chaque système juridique sa cohésion, sa cohéfirence et sa
légitimité, et lui donnent son indispensable dimension axiologiquefi. Ils
imprègnent dans son entier l’ordre juridique international, ils enfi forment

le substrat et lui sont consubstantiels. Ces principes donnent corps àfi l’idée
d’une justice objective, transcendant la volonté individuelle des Etats. Ils
sont, enfin, révélateurs du status conscientiae qu’a atteint la communauté
internationale dans son ensemble.

(Signé) Antônio Augusto Cançado Trindade.

52
Au sujet de la contribution que j’ai tenté d’apporter à partfiir de 1997-1998 à
l’enrichissement de la jurisprudence internationale, voir A. A. Cançado Trindade, Los
Tribunales Internacionales Contemporáneos y la Humanización del De▯recho Internacional,
Buenos Aires, Ed. Ad-Hoc, 2013, p. 163-185. Pour des contributions plus anciennes, voir
A. A. Cançado Trindade, «A Emancipação do Ser Humano como Sujeito do Direito Inter-
nacional e os Limites da Razão de Estado », Revista da Faculdade de Direito da Universi ‑
dade do Estado do Rio de Janeiro, vol. 6/7 (1998-1999), p. 425-4; A. A. Cançado Trin -
dade, A Humanização do Direito Internacional, Belo Horizonte/Brésil, Ed. Del Rey, 2006,
p. 3-409.
53 J’ai traité plus en détail de l’importance des valeurs humaines fondamentales dans

mon opinion dissidente (par. 32-40) jointe à l’arrêt en l’affaireImmunités juridiction‑
nelles de l’Etat (Allemagne c. Italie) (C.I.J. Recueil 2012 (I)).

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8 Ord 1050.indb 133 25/06/14 13:11

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Opinion individuelle de M. Cançado Trindade

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