Opinion dissidente de Mme. Van den Wyngaert, juge ad hoc (texte original français)

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OPINION DISSIDENTE DE MM' VAN DEN WYNGAERT

Inrmllnit6.sau regtrrddu droit i~lterticitiotitrclourun~ier - Non tipl~iic.uh/e.usun

nrinirtre t/c>.usffuircs 6tr~lngPrc>-.s Principe t/e I'ohligutiorrde rrnrlïr conzpte. u
I'c;chelleitzternr~tiorrctlet,le crinies rie guerre clt tle crinies contre I'hur71~1nit6
- Rôle lie lu soci6t6 civile ducinslu ,fiirmution tie I'opinio juris Inip~ltiité
-- Cotnpétetr ce e.\-truterritoric~lcc./ctn.rICLI.de. c,rinlcsde guerre et fie criitle.~
cotitre /'/1umunit6 - C'o~?i[i>trn~ crltrivcrs~!/e/'(;gc~r~(t/ct,e/.s(.I.~-c>Asl~piicu-
tiolrdu crit?rc~du Lotus (i (Ic't~1.scri17lev Co171pc;tetic neortn(itill- Stc~t~lctie

Ronre de lu COLIY pinule. itzternutionulc~ - Princip(, de 1r1cor?ll~/Pt?renturité
- Fuit infrrtzutionule~?~i~n iltlic,i-e Con7péfrnc.er/'e.ui'<.utiot -l Muti(krits
d'urrct (itztrrrzutionous) - Re~îi?clessirsceprihle.\tl'6tr.erec.lzer<.lrc(;l.evvant ICI
Cour inter~~t~tioir~l~ ileJustice - Ahus d'itnrnunitc;.~ er boîte (i~Pandore.

TABLE DES MATIERES

II. LA QUESTIO~\ DES IMMUNITES 8-39

1. Il n'existe aucune règlede droit international coutumier confé-
rant l'immunitéaux ministres des affaires étrangères en exer-
cice 11-23
2. Les ministres des affaires étrangèresen exercice ne bénéficient
d'aucune immunité de juridiction vis-à-vis des autres Etats

lorsqu'ils sont accusésde crimes de guerre et de crimes contre
l'humanité 24-38
u) La distinction entre l'immunité en tant qu'exception de

procédure et l'immunitéen tant que défenseau fond n'est
pas pertinente en l'espèce 29-33
h) La proposition de la Cour selon laquelle I'immunité ne
conduirait pas nécessairement à l'impunité esterronée 34-38

3. Conclusion 39

III. LA COMPETENCE UNIVERSELLE 40-67
1. La compétence universelle pour les crimes de guerre et crimes
contre l'humanité est compatible avec le critère du Lotu.~ 48-62

O) Le droit international n'interdit pas aux Etats d'exercer
une compétence universelle à l'égarddes crimes de guerre
et des crimes contre l'humanité 52-58

b) Le droit international permet aux Etats d'exercer une com-
pétence universelle à l'égarddes crimes de guerre et des
crimes contre l'humanité 59-62 2. La compétence universelle n'est pas contraire au principe de
complémentaritétel qu'énoncépar le statut de Rome portant
création de la Cour pénaleinternationale
3. Conclusion

IV. EXISTE~C [)UN t:.41T INTEKNA'I'IONALEMLNl ILLICITE

1. L'énlissionen Belgique du mandat d'arrêtlitigieux n'étaitpas
contraire au droit international
2. La rlif'rsion internotionale du mandat d'arrêtlitigieux n'était
pas contraire au droit international
3. Conclusion

VI. REMARQUES IFINALES139 MANDAT D'ARRET (OP. DISS.VAN DEN WYNGAERT)

1. J'ai votécontre les paragraphes 2 et3 du dispositif de cet arrêt.Le
droit international coutumier ne confère aucune immunité aux ministres

des affaires étrangèresen exercice soupçonnés de crimes de guerre et de
crimes contre I'humanité. Aucun élément n'étaye l'affirmation selon
laquelle un Etat serait tenu, en vertu du droit international coutumier,
d'accorder l'immunité pénaleà un ministre des affaires étrangères en
exercice. En émettant et en diffusant le mandat d'arrêt,la Belgique a

peut-êtremanqué aux règlesde la courtoisie internationale, mais n'a pas
pour autant violéune obligation juridique internationale (par. 78, ai. 2,
de l'arrêt).
Le mandat décernépour crimes de guerre et crimes contre I'humanité
ne saurait à l'évidence contrevenir cr~!jourd'lzuiaux règles relatives
à l'immunité: M. Yerodia a cessé d'exercer les fonctions de ministre

des affaires étrangères et n'est plus qu'un simple citoyen. Aussi la
Cour a-t-elle tort de conclure, dans la dernière partie de son dispositif,
que la Belgique doit mettre à néant le mandat d'arrêtet en informer les
autorités auprès desquelles ce mandat a étédiffusé (par. 78, al. 3, de
l'arrêt).

Je développerai ci-après les motifs de mon dissentiment, mais je sou-
haiterais auparavant formuler certaines remarques d'ordre général.
3. L'affaire portait sur le mandat d'arrêt décernéà I'encontre de
M. Yerodia pour des actes qu'il aurait commis en 1998,alors qu'il n'était
pas encore ministre. 11s'agirait notamment de divers discours incitant ii
la haine raciale et de propos particulièrement virulents qui, faisant réfé-

rence à des opérations de ratissage, a des chasses à l'homme et à des
scènes de lynchage, auraient eu pour effet d'inciter la population à
s'en prendre aux résidentstutsi de Kinshasa. Plusieurs victimes réfugiées
en Belgique ayant porté plainte, une instruction a été ouverteen 1998,la
suite de laquelle un mandat a été délivré en avri2l000 à I'encontre de

M. Yerodia, devenu entre-temps ministre des affaires étrangèresde la
République dénlocratique du Congo. Ce mandat n'a pas étéexécuté
durant la visite officielledM. Yerodia en Belgique. en juin 2000, et la
Belgique, si elle a diffuséle mandat à l'échelleinternationale par l'inter-
médiaired'une notice verte d'Interpol, n'a pas non plus requis l'extradi-

tion de M. Yerodia tant qu'il étaiten fonction. Ce n'est qu'en 2001 qu'a
étédemandée la diffusion d'une notice rouge d'Interpol, upri.s que
M. Yerodia eut cesséd'êtreministre.
3. La Belgique dispose à l'heure actuelle d'une législation trèsétendue
permettant aux victimes de prétendus crimes de guerre ou crimes contre
l'humanité d'engager des poursuites pénales devant ses tribunaux, atti-

tude qui suscite des réactions négativesdans certains milieux, tandis que
d'autres s'en félicitent. Le comportement de la Belgique, qui s'exprime au
travers de ses organes législatifs,judiciaires et exécutifs.pèche peut-être
par manque de courtoisie intern«tioriulc. Quand bien mêmecela serait, il
ne s'ensuit pas que la Belgique ait nécessairement enfreint le droit inter-prononcer sur un certain nombre de questions qui n'avaient pas étéexa-
minéesdepuis le célèbrearrêt rendu par sa devancière dans l'affaire du

Lotus en 1927'.
D'un point de vue technique, le différend portait ici sur un mandat
d'arrêtdécernéâ l'encontre d'un ministre des affaires étrangèresen exer-
cice - mandat qui faisait toutefois état de crimes de guerre et de crimes
contre l'humanité, ce que la Cour n'a pas mêmepris soin de préciserdans

le dispositif. D'un point de vue plus théorique. il s'agissait de savoir
jusqu'où les Etats peuvent ou doivent aller lorsqu'ils appliqueilt le
droit international pénal moderne. Il s'agissait de déterminer ce que
le droit international impose aux Etats de faire, ou ce qu'il les autorise
â faire, en leur qualité d'«agents» de la communauté internationale,

lorsqu'ils sont saisis de plaintes par les victimes de tels crimes, dès lors
que les juridictions pénales internationales ne sont pas en mesure de
juger tous les crimes de droit international. Il s'agissait de faire la part
entre deux intérêts divergentsdu point de vue du droit international

(pénal)moderne, â savoir la nécessitéde faire respecter l'obligation inter-
nationale de rendre compte d'infractions telles que les actes de torture,
les actes de terrorisme, les crimes de guerre et les crimes contre l'l-iumanité,
et le principe de l'égalité souveraine des Etats, qui suppose un
système d'immunités.

6. La Cour n'a pas examiné I'affaire dans cette perspective, privilé-
giant au contraire la question tres restrictive des immunités des ministres
des affaires étrangèresen exercice. Ce faisant, la Cour internationale de
Justice a manqué une excellente occasion de contribuer au développe-
ment du droit international pénal moderne.

Pourtant, le droit international pénal est en passe de devenir une
branche tres importante du droit international - évolution qui
trouve son expression dans diverses conventions. dans la jurisprudence
de tribunaux nationaux, dejuridictions pénalesinternationales et de juri-

dictions internationales garantes des droits de l'homme, ainsi que dans
la doctrine juridique et dans les activitésde la sociétécivile. Les auteurs
sont nombreux â avoir traité de concepts tels que la compétence uni-
verselle. l'immunitéde juridiction et l'obligation internationale de rendre
compte de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité8. Il est sur-

prenant que la Cour internationale de Justice n'emploie pas le terme
de droit international pénal, et ne prenne pas acte des travaux de ces
auteurs.
7. Bien que, en toute logique, la question de la compétence soit la
première a se présenter â l'esprit" je suivrai le raisonnement qui sous-

tend l'arrêtet commencerai par traiter la question des immunités.

' C.P.J.I.affaire du Lotus7 septembre 1927. CP.J.I. R~cucilsc;rieA n"10
Woir ci-après. la ilot98.
" Voir ci-après. par. 41. 11. LA QUESTION DES IMMUNITES

8. La Cour commence par relever que, dans la mesure oii aucun texte
général nedéfinitles immunitésdes ministres des affaires étrangères,c'est

sur la base du droit international coutumier qu'elle doit trancher les ques-
tions y afférentes soulevéesen l'espéce(par. 52,dernier alinéa, de I'arrêt).
Elle ajoute immédiatement aprèsque, «[e]n droit international coutumier,
les immunités reconnues au ministre des affaires étrangèresne lui sont
pas accordées pour son avantage personnel, mais pour lui permettre de
s'acquitter librement de ses fonctions pour le compte de 1'Etatqu'il repré-

sente)) (par.53 de l'arrêt).La Cour compare ensuite les fonctions des mi-
nistres des affaires étrangèresà celles, d'une part, des ambassadeurs et
autres agents diplomatiques, et, d'autre part, des chefs d'Etat et de gou-
vernement; elle

((en conclut que les fonctions d'un ministre des affaires étrangères
sont telles que, pour toute la durée de sa charge, il bénéficied'une
immunitéde juridiction pénaleet d'une inviolabilitétotales à l'étran-

ger. Cette immunité et cette inviolabilité protègent l'intéressécontre
tout acte d'autorité de la part d'un autre Etat qui ferait obstacle à
l'exercice de ses fonctions. » (Par. 54 de I'arrêt.)

9. Par ailleurs, la Cour affirme que,ayant examinéla pratique des Etats
au regard des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité(par. 58 de
l'arrêt),

«[e]lle n'est pas parvenue iidéduire de cette pratique l'existence,
en droit international coutumier, d'une exception quelconque à la
règleconsacrant l'immunitédejuridiction pénaleet l'inviolabilité des
ministres des affaires étrangèresen exercice, lorsqu'ils sont soupçon-

nés d'avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre
l'humanité)).

10. Je suis en désaccord avec le raisonnement de la Cour, qui peut être
résuméde la maniéresuivante: (1)il existe une règlede droit international
coutumier accordant aux ministres des affaires étrangèresen exercice une
immunité «totale» (par. 54 de I'arrêt),et h)iln'existe pas, en droit inter-
national coutumier, d'exception à cette règle dans le cas de crimes de
guerre et de crimes contre l'humanité(par. 58 de I'arrêt). Cesdeux affir-

mations sont erronées.
En premier lieu, il n'existe aucune règle de droit international coutu-
mier mettant les ministres en exercice à l'abri de poursuites pénales. La
courtoisie internationale et la sagesse politique commandent peut-être
une certaine modération, mais le droit international positif ne fait nulle-
ment obligation aux Etats de s'abstenir d'exercer leur compétence ii

l'égard de ministres des affaires étrangères en exercice soupçonnés de
crimes de guerre et de crimes contre I'humanité. En second lieu, le droit international n'interdit pas aux Etats d'enquê-
ter sur des allégationsde crimes de guerre et de crimes contre l'humanité,
mêmesi l'auteur présuméde ces faits occupe un poste officiel dans un
Etat tiers; au contraire, il lysencourage.

Il s'ensuit que la Belgique n'a violéaucune obligation de droit interna-
tional en émettant et en diffusant à l'échelleinternationale le mandat
d'arrêt décerné A l'encontre de M. Yerodia. Je m'expliquerai sur ce point
dans les deux paragraphes suivants.

11. Je ne puis souscrire à l'idéeque le droit international coutumier
reconnaît aux ministres des affaires étrangères en exercice des immunités,
pour la simple raison que rien ne vient étayer cette thèse. Avant de

parvenir à cette conclusion, la Cour aurait dû s'assurer de l'existence
d'une règle de droit international coutumier en ce sens. Il ne suffit pas
de comparer les logiques mises en Œuvre pour justifier que les diplo-
mates, les chefs d'Etat ou les ministres des affaires étrangéres
soient à l'abri de poursuites pour conclure à I'existence. en droit inter-
national coutumier,d'une règlegarantissant une protection aux ministres
des affaires étrangéres:c'est une chose que d'identifier dans une règle

protectrice une rrrison (l'Are commune A ses divers bénéficiaires,
c'en est une autre que d'ériger celle-ci au rang de règle de droit
international coutumier. La Cour aurait dû, dans un premier temps,
chercher ilsavoir si les conditions qui président à la formation d'une
règle de droit international coutumier étaient réunies dans le cas des
ministres des affaires étrangères en exercice. En une décision dont la

brièveté ade quoi surprendre, la Cour conclut d'emblée à l'existence
d'une telle règle. Une démarche plus rigoureuse aurait été éminemment
souhaitable.
12. A se contenter d'lin raisonnement succinct, la Cour méconnaît sa
propre jurisprudence en matière de formation du droit international cou-
tumier. Pour exister, une règlede droit international coutumier doit être

reflétéedans la pratique des Etats jusus) etI'opiniojuris.

Dans un des plus célèbresprécédentsrelatifs à la formation du droit
international coutumier, les affaires duPluteuzrc,onti~zentrrdle,?riniedu
Nord, la Cour a indiqué:

«Non seulement les actes considérés doivent représenterune pra-
tique constante, mais en outre ils doivent témoigner, par leur nature
ou la manière dont ils sont accomplis, de la conviction que cette pra-

tique est rendue obligatoire par l'existence d'une règle de droit. La
nécessitéde pareille conviction, c'est-à-dire l'existence d'un élément
subjectif, est implicite dans la notion mêmed'opinio,jurissive neces-
.~it(iti.es Etats intéressésdoivent donc avoir le sentiment de se conformer à ce qui équivaut à une obligation juridique. Ni la fré-
quence ni mêmele caractère habituel des actes ne suffisent. Il existe
nombre d'actes internationaux, dans le domaine du protocole

par exemple, qui sont accomplis presque invariablement mais sont
motivés par de simples considérations de courtoisie, d'opportu-
nité ou de tradition et non par le sentiment d'une obligation juri-

dique. » l0

Dans l'affaire N~CLI~C~ C~~ELtIrrts-Uni., cl'iltnkrique, la Cour a statué:

«La Cour, à laquelle l'article 38 du Statut prescrit entre autres
d'appliquer la coutume internationale «comme preuve d'une pra-
tique générale acceptée comme étant le droit », ne peut ignorer le rôle

essentiel d'une pratique générale ... La Cour doit s'assurer que I'exis-
tence de la règledans I'opiniojuris des Etats est confirméepar la pra-
tique. » ''

13. En l'espèce,il n'existe aucune pratique bien établie (~lstls)quant a
l'immunité«totale» supposéedes ministres des affairesétrangèresàlaquelle
la Cour internationale de Justice fait référenceau paragraphe 54 de l'arrêt.

Il existe peut-êtreune pratique des Etats, quoique limitée, relativeaux
immunités des chefs d'Etat en exercice" ou des anciens chefs d'EtatI3
devant des tribunaux nationaux. mais iln'en estaucune en ce qui concerne

les ministres des affaires étrangèresen exercice.Bien au contraire. trèsrares
sont les cas de ministres des affaires étrangèresayant bénéficié de I'immu-
nitéde juridiction à l'étranger'? Cela peut paraître étonnant. La question

qui se pose, toutefois, est de savoir ce qu'il convient d'inférerde cette «pra-
tique négative)).Est-elle l'expressiond'une opirzojzrris selon laquelle le droit

I''Plrrtc~riroririr~c~r~rtIrrncr tllr Noi-tl, trrr<;tJ.:Rcc,irc~i1l969.p. 44. par. 77.
" A<~tii~ifi'r.r\rilittrires i.t ~>trrtrrrrc~N.\i<~orlr,qrrert (.onrrcJc,rliri-<,i(il'ictrrcrgurr
c. Ettrrs-L'riirtl'Aini.ricluc~if.orrtl,trr.r<;t,C:1.J. Rt,crrp. 97-98. par. 184.
" Voir par exemple Cour de cassation française. 13mars 2001 iKtrtllit@).
" Voir par exemple R. L. Boii Srrcvt 2.lrtropolittrn Stipriitlitr~ iI4trgictrritetrrltlOthers,
ex parte Pirioclrrt Ugirrte25 novembre 1998. [1998] Al1 ER, vol. 4, p. 897.
l4Un seul cas a été porté à l'attention de la Cour: ClrorigBoon Kin1 v.Kirii Yang Sliik
rrntl Dtrricl Kim. Circuit Court (First Circuit. St;ite of Hawaii). 9 septembre 1963,
AJIL. 1964.\ol. 58. p. 186-187.Il s'agissait d'uii ministre des ;iffaires étrangèrespo~irsuivi
alors q~i'ilse trouvait aux Etats-Unis <,ri.i.tirc,offrci(voir par. 1 de la Sirg~t~srioi~f
hrrerrst présentéeau nom des Etats-Unis. ihicl.L'immunité aégalementété reconnue,
noii à uii ministre mais A un prince, dans l'affaire Kilro.13v. Çt'ir~tl.sor(Prirrt,<,Clitrrle.<.
Pri/rc,eof W'tr1c.tUS District Court for the ND of Ohio. 7dkccrnbrc 1978. Ir~tc~rr~trtiorrrrl

Liiii. R<,port.1990. \ol. 81. p. 605-607. Dans cette allàire. lejugea constate :

«L'Arrorirrl-G~rio.tr1... a établi que le prince de Galles bénéficieen l'espècedc
l'immunitédejuridiction. et a présenté à la Cour une «~~rg~yt,stio(r?rf'in7rl1irri[.]a»

doctrine, dans la mesure où elle se fonde sur des considérationsde politique étrangère
et le souhait de l'exécutifde maintenir des relations amicales avec les Etats étrangers.
s'applique d'autant plus résolument dans le cas des personnes repr2sentant une
nation étrangére 1.11vi.c.rtc(~fl$t.» (Les italiq~ies soiit de moi.) [Trrrtlirc~tioi u
Grrffr.]145 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

international interdirait l'exercicede poursuites pénaleset ferait, en consé-
quence, obligation A la Belgique de s'abstenir d'engager de telles pour-
suites à l'encontre d'un ministre des affaires étrangères en exercice?

Une ((pratique négative))des Etats. consistant pour ceux-ci A s'abstenir
d'engager des poursuites pénales, nesaui-ait, en tant que telle, êtreconsi-
déréecomme la manifestation d'une opitîio juris. Cette abstention
peut obéirà bien d'autres motivations, relevant, par exemple, de la cour-

toisie, de considérations politiques, de préoccupations d'ordre pratique
ou de l'absence d'une compétence pénale e~traterritoriale'~. Elle ne
pourrait être à l'origine d'une règle de droit international coutumier

que si elle procédait d'une décision conscientede la part des Etats concer-
nés.L'arrêtrendu en 1927 dans l'affaire du Lotus constitue à cet égard
un important précédent:le Gouvernement français avait excipé d'une
règlede droit international coutumier ne permettant pu.^ à la Turquie de

poursuivre les délits commis par des étrangers à l'étranger'". La Cour
permanente de Justice internationale rejeta cet argument, estimant
que :

((Mêmesi la rareté des décisions judiciaires que l'on peut trouver
dans les recueils de jurisprudence était une preuve suffisante du fait
invoquépar l'agent du Gouvernement français, il en résulterait sim-

plement que les Etats se sont souvent abstenus, en fait, d'exercer des
poursuites pénales,et non qu'ils se reconnaissent obligésde ce faire;
or, c'est seulement si l'abstention était motivée par la conscience
d'un devoir de s'abstenir que l'on pourrait parler de coutume inter-

nationale. » ''

l5Dans certains pays, dont les Etats-Unis, les victiincs de violations extraterritoriales
des droits de I'hoinmc peuveiit intenter des actions ciii1c.rdevant les tribunaux. Voir par
exemple l'affaire Ktrrirc/:i?(Ktrtlii.v. Ktrrtrt1:ii.70 F. 3d 232 (2d Cir. 1995)). Nombreux
sont les exemples de procéd~ircscivilesengagéesà l'encontre de chefs d'Eta- en exercice
ou ayant cesséde l'être .souvent pour des infractions pénales.Citons, parmi les exem-
ples marquants, Ica affaires Ari.sfcgirietci(Jitllcv.cAri.~rc~glrictt, R. 1962. p. 353),
Ari.stic1(Lti/orittrY.Ari.stitle.844 F. Supp. 128(EDNY, 1994).mentionnéedans AJIL.
1994. vol. 88, p. 528-532). :\fcrrc.o.s(E,stof'Siltiic,G. Boinii1,v. Fc~rt~ir~ci2.tllor.c.o.s.
no C82-1055V. AJIL. 1983. vol. 77. p. 305. Re~/?irhlrocf'flic Pliili~?~?itiv.lluicot trnti
Otlirrr (1986). ILK.. vol. 81. p. 581, et R~plrhof'the Pliilippit~v. !Clarco.\tiiid Oth(,r.s
(1987. 1988).ILR, vol. 81. p. 609et 642)et Diriirlici(Jc>trii-e Duici/ic,r.no 86-0459Civ
(US District Court, SD Fla.). AJIL, 1988,vol. 82. p. 596). toutes évoquéeset commentées
par Watts (A. Watts, ((The Lcgal Position in International Law of Heads of Stateh, Heads
of Goveriinients and Foreign Ministers)). Re(.ircl/c,.\coici..\tkzI'ActrtkCrii(irlerivoitiiifertltr-

tiotirrltlt, Ltr Htrj~,.1994. vol. 247. p. 54 et siiiv.). Voir aussi la loi américaine de 1996
intitulée.411tirc~i.roi.itliEj'ftccrii~Bi,i,trtliPj c/. portant rnodificatioiideForeign
Soi~ei.ci<yIiiriri~~~rtic.t~(FSIA), qui formule Liiienouvelle exccptionà l'immunitédes
Etats dans le cas d'actioiis civiles intentées pour actes de torture. Voir. F. M~irphy.
((Civil Liability for the Comniission of International Crimes as an Alteriiative to Crimirial
Prosccution », HtriitrrrlHlrriiirriRig1it.sJourr~trl.1999, vol. 12, p. 1-56.
'"Voir également ci-après,par. 48.
''Voir l'arrêtrendu dans l'affaire du Lorir.~(note 7, ci-dessus). p. 28. Pour Lincommen-
taire. voir1.C. McGibboii. (<Cuatomary International Law and Acquiescence)), Bl'BtL,
1957, p. 129. 14. La décision de la Cour internationale de Justice procède, en

l'espèce,d'une simple analogie avec les immunités reconnues aux agents
diplomatiques et aux chefs d'Etat. Toutefois, comme l'a observé
sir Arthur Watts, au sujet de la situation des chefs d'Etat, des chefs de
gouvernement et des ministres des affaires étrangèresau regard du droit
international, dans les cours qu'il a donnés à l'Académiede droit inter-

national, ((l'analogie ne constitue pas toujours une base sur laquelle fon-
der des règles de droit))'". Joe Verhoeven, dans le rapport sur cette
même question pour l'Institut de droit international, relève également
que les tribunaux et les commentateurs, s'ils comparent les différentes
catégories, se gardent généralementde formuler «une analogie pure et

simple ))'.
15. Il existe des différences fondamentales entre les situations respec-
tives des agents diplomatiques, des chefs d'Etat et des ministres des af-
faires étrangères. Celle des ugetît~ dip1onzatique.rest comparable, mais

non identique, à celle des ministres des affaires étrangères.Aux termes de
la convention de Vienne de 1961sur les relations diplomatiques"), les agents
diplomatiques jouissent de l'immunitéde juridiction dans 1'Etat accrédi-
taire. Toutefois, alors que les diplomates résident et exercent leurs fonc-
tions sur le territoire de 1'Etat accréditaire, les ministres résident généra-

lement dans I'Etat où ils exercent leurs fonctions. Les Etats concernés
peuvent décider d'accréditerou non des diplomates étrangers et illeur est
toujours loisible de les déclarerpersonu non grata. Ils ont de ce fait leur
«mot à dire» à l'égard despersonnes auxquelles ils reconnaissent la qua-

litéde représentant d'un autre Etat2', faculté qu'ils n'ont pas à l'égard
des ministres d'un gouvernement, lesquels sont désignespar celui-ci dans
le cadre de ses prérogatives souveraines.
16. On pourrait de mêmevoir une analogie entre les chefs d'Etut, qui
jouissent certainement de l'immunité en vertu du droit international cou-

tumier", et les ministres des affaires étrangères, mais on ne saurait les
assimiler pour la seule raison que leurs fonctions offrent matière â com-
paraison. Tous deux représentent I'Etat, mais les ministres des affaires

A. Watts. «The Legal Position in International Law of Heads of States, Heads of
Governments and Foreign Ministers ». Recueil rli,.scodesI'Acuti6mie (ie tlroit intcrtlu-
tiorztilde LHq,r. 1994.vol. 247. p. 40. [Trrithrctiontlii Gr~fjlr.1
c11ej.ili'Etut, rapporàlla 13' commission de l'Institut de droit international, p. 46.at rt cincirtzs
par. 18.
'('Convention sur les relations diplomatiques. Vienne, 18 avril 1961. Nations Unies.
Recueil (les truifi.~,vol. 500, p. 95.
" Voir par exemple les hésitationsdu Danemark concernant I'accréditationd'un nou-
vel ambassadeur d'Israël après le changement de gouvernement intervenu dans ce pays:
The Copenl~ugcnPost. 29 juillet 2001. Tllc CoperzhcigenPo.st,31juillet 2001. The Copen-
liugen Post, 24 août 2001, et <<Prosecutionof New Ambassador'?)), The CopctlliPost,
7 novembre 2001 (tous disponibles sur Internet: http:llcphpost.periskop.dk).
" Cette immunité n'est toutefois pas absolue dans le cas d'actions civiles et adminis-
tratives. Voir. Watts, op. cit.. p. 36 et 54. Voir aussi ci-dessus, la note 15.147 MANDAT D'ARRET (OP. DISS. VAN DEN \VYNGAEKT)

étrangèresne ((personnifient))pas 1'Etat de la même façonque les chefs
d'Etat, qui en sont l'rzlterego. La pratique relative aux immunités des
chefs d'Etat3 (en exercice ou ayant cesséde l'être)ne s'applique pas telle
quelle aux ministres des affaires étrangères.Il n'existe aucune pratique

des Etats révélatriced'une oppiniojuris sur ce point.
17. La Commission du droit international, qui a vocation normative et
Œuvreau développement progressif du droit international, est parvenue a
codifier la coutume internationale à l'égarddes agents diplomatiques et

consulaire^'^, mais no11des chefs d'Etat ou des ministres des affaires
étrangères,II convient de souligner que le rapporteur spécialde la Com-
mission du droit international sur les immunités juridictionnelles des
Etats et de leurs biens a estimé, dans son rapport de 1989, que les privi-

lèges et immunités dont bénéficientles ministres des affaires étrangères
sont octroyés au titre de la courtoisie plutôt que de règles de droit
international établies". De l'avis de sir Arthur Watts, cela pourrait
expliquer que des doutes quant à la portée des immunités juridiction-

nelles accordées en droit international aux chefs de gouvernement et
aux ministres des affaires étrangères subsistent dans la version finale du
projet d'articles de 199 1 de la Commission du droit international sur les
immunitésjuridictionnelles des Etats et de leurs biens2" qui fait mention

des chefs d'Etat, mais non des ministres des affaires étrangères
(art. 3, par. 2).
Pour ce qui a trait au droit pénalau regard des crimes les plus graves
en droit international, tels que les crimes de guerre et les crimes contre

l'humanité, la Commission du droit international adopte manifestement
à l'égarddes immunités une perspective restrictive, comme en témoigne
l'article 7 du Projet de code des crimes contre la paix et la sécuritéde
I'humanitéde 1996. Les articles de ce projet ne concernent pas seulement

lesjuridictions pénalesinternatiot7rrles,mais aussi les Etats qui établissent
leur compétence pour connaître de ces crimes (art. 8 du projet de code)
ou,dans uneoptique de coopération,extradent ou poursuivent lesauteurs
présumésde crimes de droit international (art. 9 du projet de code). Je

reviendrai sur ce point lorsque je traiterai la question des immunités
accordées aux ministres des affaires étrangères inculpés de crimes de
guerre et de crimes contre l'humanité".
18. Le seul texte de droit international conventionnel qui puisse nous

permettre de trancher la question de la protection reconnue aux ministres

Voir ci-dessus. les notes 12et 13.
'Tonvention sur les relations diploinatiqiies. Vieniie, 18 avril 1961. Nations Unies.
Rc,c,~iel/(,trtrit6.vol.500, p. 95. et convention sur les relations coiisulaires. Vienne,
24 avril 1963, Nations Unies.Reclrc,iltlc~slrrri.ol. 596, p. 262.
" At7tiutriric,Icr Cot~~nii.rsihr tlr.oit itiic~rtitrf1989. vol. II(2). II' partie.
par. 446.
'"A. Watts. o/~.cil.p. 107.
" Voir ci-après, piir. 24 et suiv., en particulier piti-.32.des affaires étrangères est la convention de 1969 sur les missions spé-
ciales2" dont l'article 21 opère une nette distinction entre les chefs
d'Etat (par. 1) et les ministres des affaires étrangères(par.2):

« 1. Le chef de 1'Etat d'envoi, quand il se trouve à la têted'une
mission spéciale,jouit, dans 1'Etatde réceptionou dans un Etat tiers,
des facilités,privilègeset immunités reconnus par le droit internatio-

nal aux chefs d'Etat en visite officielle...
2. Le chef du gouvernement, le ministre des affaires étrangèreset
les autres personnalités de rang élevéq , uand ils prennent part à une
mission spécialede 1'Etat d'envoi, jouissent, dans I'Etat de réception

ou dans un Etat tiers, en plus de ce qui est accordé par la présente
convention, des facilités, privilèges et immunités reconnus par le
droit international. ))

La doctrine juridique est diviséesur la question de savoir dans quelle
mesure cet instrument peut êtreconsidérécomme codifiant le droit inter-
national coutumier2'. La convention, qui n'a pas étératifiée par les

Parties au différend,si elle fait mention de ((facilités,privilègeset immu-
nités» reconnus aux ministres des affairesétrangères, les circonscrit néan-
moins au cadre des visites oj3cielles («quand ces ministres prennent part
à une mission spéciale de 1'Etat d'envoi))). L'idéequ'un ministre des
affaires étrangères devrait se voir accorder les mêmesprivilègeset immu-

nitésqu'un chef de 1'Etatest certainement empreinte de sagesse politique,
mais un tel principe peut aussi bien relever de la courtoisie, et n'établit
pas pour autant l'existence d'une règle de droit international coutumier

en ce sens. Une telle règle nesaurait, en tout état de cause, êtreinféréedu
texte de la convention sur les missions spéciales. Quand bien mêmela
convention s'appliquerait au différendopposant la République démocra-
tique du Congo à la Belgique, sa seule répercussion serait qu'un mandat

d'arrêtne peut êtreexécuté à l'encontre d'un ministre des affaires étran-
gères en exercice lorsqu'il prend part à une visite officielle (immunité
d'exécution) 'O.
19. La convention de 1973sur la prévention et la répression desinfrac-

tions contre les personnes jouissant d'une protection internationale" fait
elle aussi mention des ministres des affaires étrangères. Aux termes de

'X Convention del'Organisation des Nations Unies sur lesmissions spéciales. NewYork.
16dccembre 1969.annexe àla résolution2530(XXIV) du 8décembre1969de l'Assemblée
généralede l'Organisation des Nations Unies.
" J. Salmon observe que la ratification de la convention par un nombre restreint
d'Etats peut s'expliquer par le fait que cet instrument n'établitaucune hiérarchieentre les
missions spéciales. puisqu'elle accorde auxmembres de commissions administratives
prenant part à des négociations sur des questions techniques les mêmesprivilèges et
immunités qu'aux chefs d'Etat en visite officielle. VoirJ. Salmon, hfu1ieclroi, tliplo-
i~~~ricll1994. p. 546.
'" Voir aussi ci-après, par. 75 (inviolabilité).
3' Convention de 1973sur la prévention et la répression desinfractions contre les per-
sonnes jouissant d'une protection internationale. New York, 14 décembre 1973,Nations
Unies. Rrclrril (/C,.\fr..ol. 78, p. 277.149 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

cette convention, les chefs dlEtat, les chefs de gouvernement, les ministres
des affaires étrangères et les autres représentants de 1'Etat sont définis
comme des ((personnes jouissant d'une protection internationale)); cette

définition laisse entendre, semble-t-il, que ces différents statuts sont assi-
milables (art. 1). Cette assimilation n'est toutefois pas pertinente en
l'espèce. La convention de 1973 ne porte pas sur les immunités pénales
dans un autre Etat, mais sur la protection de certains dignitaires étran-

gers lorsque ceux-ci sont rictirî~esd'actes terroristes tels que le meurtre.
l'enlèvement ou toute autre atteinte à leur personne ou à leur liberté
(art. 2). Elle ne traite pas des protections procédurales reconnues à ces
personnes lorsqu'elles sont elles-mêmesles ~iutezlr.~résumésde crimes de

guerre et de crimes contre l'humanité.
20. Peu d'élémentsdans la doctrine juridique viennent corroborer
l'analogie entre les ministres des affaires étrangèreset les chefs d7Etat
postuléepar la Cour internationale de Justice. Oppenheim et Lauterpacht

écrivent: <<lesmembres d'un gouvernement n'occupent pas la situation
exceptionnelle des chefs d'Etat ...D~?, un point de vue que partagent
A. Cavaglieri", P. Cahier3j, J. Salmon3', B. S. Murty" et J. S. de Erice
v O'Shea3'.

Sir Arthur Watts est catégorique à cet égard,lorsqu'il observe: «Ainsi
le principe donne à penser qu'un chef de gouvernement ou qu'un ministre
des affaires étrangèresqui se rend dans un autre Etat à titre (dficieljouit
d'une immunitéde juridiction pour toute la dur& de son .sc;joz~r/un,cedit
Etut. »'8 Au sujet des ((déplacements privés)),sir Arthur ajoute:

«Il se peut fort bien qu'un chef d'Etat, lorsqu'il se rend à titre

privédans un autreEtat, continue de bénéficier de certains privilèges
et immunités, mais il est beaucoup moins sûr que cela soit le cas des
chefs de gouvernement et des ministres des affaires étrangères.L'Etat
hôte pourra accorder à ces derniers un traitement spécial. mais il

?' Publiésous la direction de L. Oppenheini et de H. Lauterpacht. Int(~rnntionulLclii,.
Tretrfi.sc,.1955, v1.p. 358. Voir aussi la 9' éditionde 1992(p~ibliéesous la direction de
Jennings et de Watts), p. 1046.
.''A. Cavaglieri. ('or.sotli Biritfo Intrinri:ioneil(~.?' éd.,p. 321-322.
'IP. Cahier, Le droit tliplonrutic/ur(~ori~erii~or.rr1i,9i.62. p. 359-360.
fi J. Sainlon, Muriuc,lde tiroir iiip/ori~t19,94, p. 539.
'('B. S. Murty, Tlrc,Ititrr.ri<rrulit,~f'Dil~lor~ici<-T~l:zc Biplottwfic In.strri?(/rz
World Public Ortler.,1989,p. 333-334.
" J. S. de Erice y O'Shea. D(~r.ccDij7/oriiritico.1954. p. 377-378.
'%. Watts. op. cit.. p. 106 (les italiques sont de moi). Voir aussi p. 54:
<<Ence qui concerne les poiirsuites peiiales. I'irnniunitéd'uri chef d'Etat est géné-
ralement reconnue comme rih.solirà.l'instar de celle des ambassadeurs. et conformé-
ment au paragraphe 1de l'article 31 de la conventioii sur les missions spéciales,qui
reconnaît une telle immunité aux chefs d'Etat entrant dans son champ d'applica-
tioil. » (Les italiques sont de moi.) [Trathrctioi~cl~r]..c.ffi~150 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

agira vraisemblablement par courtoisie et respect pour l'éminent

visiteur, et non pas tant parce qu'il pense que le droit international
impose un tel traitement. >)'y

21. Plus récemment, l'Institut de droit international a examiné (a sa
session de Vancouver en 2001) la question de l'immunité des chefsd7Etat
et des chefs de gouvernement. Le projet de résolution assimilait expres-
sément,à son article 14 intitulé ((Le chef de gouvernement et le ministre
des affaires étrangères)), les chefs de gouvernement et les ministres des

affaires étrangères aux chefs d'Etat. Ce projet d'article n'apparaît pas
dans la version finale de la résolution de l'Institut, qui fait mention des
chefs de gouvernement, mais pas des ministres des affaires étrangères.
Cette comparaison entre le projet de résolution et le texte final révèleà

tout le moins que les éminents membres de l'Institut ont songé - puis
renoncé - a placer les ministres des affaires étrangères sur un pied d'éga-
lité avecles chefs d'Etat40.
Il est difficile de savoir avec certitude ce qui a motivél'adoption de la
résolution finale. Peut-êtrereflète-t-ellele sentiment de l'Institut, à savoir

qu'il n'existe aucune régle de droit international coutumier assimi-
lant chefs d'Etat et ministres des affaires étrangères. Quoi qu'il en soit,
l'Institut a agi sagement. Procéder à des assimilations du type de celles
que l'on trouve dans le projet de résolution aurait pour effet de mul-
tiplier démesurémentle nombre de personnes jouissant, à l'échelleinter-

nationale, d'une immunité de juridiction, et ouvrirait la porte a des
abus. Des gouvernements pourraient, à leur escient, nommer à des
postes ministériels des personnes soupçonnées d'avoir commis de graves
violations des droits de l'homme afin de les mettre à l'abri de poursuites

à l'étranger.
22. L'immunité de juridiction viendrait dès lors faire obstacle à la
volonté des victimes de telles violations de poursuivre leurs auteurs
à l'étranger. Celles-ci se heurtent certes aujourd'hui a l'immunité
d'exécution découlant de l'application du principe énoncé à l'ar-

ticle 21 de la convention de 1969 sur les missions spéciales4',lorsque le
ministre est en visite officielle, mais ne se trouvent pas pour autant pla-
céesdans l'incapacité d'intenter une action en justice. A aller au-dela,

" A. Watts. op.cit.p. 109. [TruductiociuGr-fi.]
" Voir le rapport de J. Verhoeven mentionnéci-dessus, note 19 (projets de résolution)
et les résolutions finales adoàtla session de Vancouver le 26 août 2001 (qui seront
publiéesdans le prochain annuaire de l'Institut), et «The Resolution of the Insti-
tute of International Law on the Immunities of Heads of State and Government)).
ICLQ. 2002. vol. 51p. 119-125.
4'Voir ci-dessus. par. 18.le risque existerait d'entrer en contradiction avec les régles interna-
tionales relatives aux droits de l'homme, comme le montre la récente

affaire Al-Adsuni portée devant la Cour européenne des droits de
l'homme42.
23. Je suis donc d'avis que, en jugeant que les ministres des affaires
étrangères en exercice bénéficientd'une immunité totale de juridiction

pénale(par. 54 de l'arrêt), laCour est parvenue i une conclusion dépour-
vue de fondement en droit international positif. Avant d'en arriver a cette
conclusion, la Cour aurait dû s'assurer qu'il existait un usus et une opinio
j~4ri.sétablissant une coutume internationale en la matière. Il n'existe ni

usus ni opirzioluvis établissant l'existence d'une coutume internationale en
ce sens, il n'existe aucun traité sur ce point et la doctrine juridique ne
semble pas étayer cette thèse. La conclusion de la Cour ne tient aucun
compte de la tendance générale 6 restreindre l'immunité desreprésentants

de I'Etat (y compris les chefs d'Etat), non seulement dans la sphére du
droit privéet du droit commercial - qui limitent de plus en plus le prin-
cipe PLII.in pureni4', autrefois sacro-saint - mais également en droit
pénal, lorsque sont allégués descrimes graves au regard du droit inter-

national44. Si la Belgique peut êtreaccuséede ne pas avoir respectéla
courtoisie internationale, on ne saurait en revanche pas l'accuser d'avoir
enfreint le droit international. J'estime par conséquent que l'arrêtse

fonde sur un raisoiinement erroné.

" Voir l'affaire AI-AcIscii, our européenne des droits de l'homme, AI-Adrcirii c.
Ro?~airr?zr-Uti.1 novembre 2001 (http://www.echr.coe.int). Dans cette affaire, le
requérant, qui possédait la double nationalité koweïtienne et britannique, affirmait avoir
subi de gravesviolations des droits de l'homme (torture) au Koweït aux mains d'agents du
gouvernement de ce pays. II se plaignait de n'avoir pu exercer son droit de saisir la justice
britannique, les tribunaux ayant refuséde connaître de sa requêteau titre de la loi sur
l'immunitéde I'Etat de 1978. Jusqu'alors. les affaires portées devant la Cour européenne
des droits de l'homme avaient habituellement pour source des violations de ces droits
commises sur le territoire de I'Etat défendeuret imputéesaux autorités de cet Etatà non
celles d'Etats tiers. En conséquence,la question des immunités internationales ne seposait
pas. Elle s'est poséedans I'affaire-A(lsatii,car. en l'espèce.la violation présumée des
droits de l'homme avait été commise à l'étranger. par les autorités d'un autre Etat. La
Cour européenne des droits de l'homme a rejeté. par 9 voix contre 8, les demandes
de M. Al-Adsani. estimant qu'il n'y avait pas eu violation du paragrap1ede I'article 6
de la convention européennedes droits de l'homme(droià uriprocèséquitable).Cette déci-
sion a toutefois étéprise une faible majorité (9 voix contre 8 et 8 opinions dissidentes)
et son contenu est égalenieritrestreint: elle ne tranche la question des immunités que
dans le cas d'une procédureii,i/,ans traiter le cas d'une proccdure j~P. ans leur opi-
nion dissidente,à laquelle se sont ralliés les juges Wildhaber. Costa, Cabral Barreto,
Vajii- et Loucaides. les juges Rozakis et Caflisch interprètent la décisionde la majorité
au sens que la Cour aurait admis qu'il avait eu violation si la procédure au Royaume-
Uni avait étéengagéeau pénal à l'encontre d'un individu pour acte de torture présumé
(paragraphe 60 de l'arrêt,tel qu'interprétépar les jugesparagraphe 4 de leur opinion
dissidente).
" Voir ci-dessus. la note 32.
'4Voir ci-après. par. 24 et suiv. 2. Les ministres des ujjuires étrungèresen exercice ne bénijicient
d'aucune inzn~unité dejuridiction vis-a-vls de.\ autres Etats lorsqu'ils

sont accust?.~de crirnes rieguerre et de critne~contre /'/?uMLIM~~~?

24. S'agissant des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, la
Cour arrive a la conclusion suivante. Elle déclarequ'elle ne saurait déter-
miner l'existence, en droit international coutumier, d'une exception quel-

conque a la règle consacrant l'immunitéde juridiction pénale et I'invio-
labilitédes ministres des affaires étrangèresen exercice soupçonnés d'avoir
commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité (par. 58,
al. 1, de I'arrêt).
Elle poursuit en observant que rien, dans les dispositions des instru-

ments juridiques portant création des tribunaux pénaux internationaux
relatives à l'immunitéou A la responsabilité pénale despersonnes agissant
a titre officiel, ne permet de conclure a l'existence d'une telle exception en
droit international coutumier s'agissant des juridictions pénales natio-
nales (par. 58, al. 2, de I'arrêt).

Elle conclut que ces immunités ((demeurent opposables devant les tri-
bunaux d'un Etat étranger, mêmelorsque ces tribunaux exercent une telle
compétence sur la base de ces conventions)) (fin du par. 59 de I'arrêt).
25. Je m'élèvevivement contre ces conclusions. Tout d'abord, et
comme je l'ai dit plus haut, la Cour se fonde sur une base erronéeen sup-

posant que le droit international coutumier reconnaît aux ministres des
affaires étrangèresen exercice une immunitéde juridiction totale. Ce pos-
tulat, qui fausse toute la suite du raisonnement, est a l'origine d'une
seconde méprise :afin de pondérer la règlepostuléeconsacrant «l'immu-
nité totale)) en droit international coutumier, il faudrait prouver l'exis-

tence d'une seconde règle de droit international coutumier s'opposant à
la première. Il faudrait égalementétablirque le principe de l'obligation de
rendre des comptes sur le plan international a été consacrépar le droit
international coutumier. La Cour conclut, sans avoir trouvé l'ombre
d'une preuve confirmant l'existence d'une telle règledans l'éventaillimité

des sources qu'elle examine45, qu'il y a eu violation de la première règle,
celle de l'immunité.
26. La Cour souligne qu'immunité de procédure pénale ne vaut pas
impunité lorsqu'un ministre des affaires étrangèresest accuséde crimes,
quelle que soit leur gravité. Elle poursuit en faisant valoir deux

45Au paragraphe 58 de I'arrêt.la Cour fait uniquement référenceaux instruments rela-
tifs aux tribunaux pénaux intc~riiutiotiuus(les statuts des tribunaux de Nuremberg et de
Tokyo, les statuts des tribunaux pénaux lzocet le statut de Rome portant création
d'une Cour pénale internationale). Mais il existe également d'autres instruments perti-
leur exemple en est la loi 10 du Conseil de contrôle sur le châtiment des individus
coupables decrimes de guerre. crimes contre la paix et crimes contre l'humariité.Berlin.
20 décembre 1945(Joirrtiulojficiel du Coiriecotltr(ilepour I'AlIen~ugnr,II" 3, Berlin.
31janvier 1946).Voir égalementl'artic7du projet de code de la Commission du droit
international de 1996sur les crimes contre la paix ct la sécuritéde I'humanité.arguments prouvant son adhésionà ce principe: o) elle opère une distinc-

tion entre l'immunité de juridiction, qui revêtun caractère procédural,
et la responsabilité pénale,qui touche au fond du droit; ainsi, l'immunité
dejuridiction ne saurait exonérerla personne qui en bénéficie de toute res-
ponsabilité pénale(par. 60 de l'arrêt);h) elle soutient que les immunités
dont bénéficieen droit international un ministre ou un ancien ministre

des affaires étrangèresen exercice ne font pas obstacle à ce que leur res-
ponsabilité pénale soit recherchée dans quatre cas particuliers, qu'elle
examine par la suite (par. 61 de l'arrêt).
Il est extrêmement regrettable de constater que cette conclusion réfute

non seulement les arguments en faveur de l'obligation, au regard du droit
pénal,de rendre compte de crimes de guerre et de crimes contre I'huma-
nité,mais qu'en outre elle ne reconnaît pas la primauté des normes rele-
vant de cette dernière catégorie. Je développerai ces deux points dans les

alinéas cc) et h) de cette section, ci-après, mais je souhaite auparavant
émettre un commentaire général sur l'approche de la Cour.
27. La Cour a tort, non seulement d'un point de vue juridique, mais
également pour une autre raison. Son approche généralepèche essentiel-

lement par le fait qu'elle négligetoute l'évolution récentedu droit inter-
national pénalmoderne qui tend à instituer une obligation individuelle de
rendre compte des crimes internationaux les plus graves. Certes, elle ne
l'ignore pas totalement, mais elle se contente d'une approche extrême-
ment minimaliste, en adoptant une interprétation trés réductrice des

«clauses d'exclusion de l'immunité)) figurant dans les instruments inter-
nationaux.
Ce principe est pourtant codifiédans diverses sources de droit, y com-
pris les principes de Nuremberg4%t l'article IV de la convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide4'. Plusieurs résolu-

4h Principes de droit international reconnus par le statut de Nuremberg, Genève,
29juillet 1950.ocumc,nfsc!ffic,iel.tsle I'A.s.l.cn~ércikec,,incluit;rnscc,.s.sion,.siipl~lérrient
n" 12.Nations Unies. doc. A11316(1950).
" Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Paris.9 dé-
cembre 1948,Nations Unies, Recueiltles fruités.vol. 78.p. 277. Voir aussil'article 7du sta-
tut de Nuremberg (statut duribunal militaire international, Londres. 8 août 1945,Rrcuc~il
c1tj.str~litd.~v,ol. 82, p. 279); article 6 de la charte de Tokyo (charte du Tribunal militaire
international pour l'Extrême-Orient,Tokyo, 19janvier946. TIAS, no 1589); article (II)4
de la loi no 10du Conseil de contrôle (loi no 10du Conseil de contrôle sur le châtiment des
individus coupables de crimes de guerre. crimes contreaix et crimes contre l'humanité.
Berlin, 20 décembre 1945,Jourtiiil «ficiel riuConseil de coiitrôlepour I'Allrmu~ne,no 3,
Berlin. 31janvier 1946); paragraphe 2 de l'article 7 du statut du Tribunal pénal pour I'ex-
Yougoslavie (statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. New York,
25 niai 1993,LM, 1993, p. 1192); paragraphe 2 de l'article 6 du statut du Tribunal pénal
pour le Rwanda (statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, New York,
8 novembre 1994, ILM, 1994, p. 1598); articl7du projet de code de la Comniission du
droit international des crimes contre la paix et la sécuritéde I'humanité denève.
5 juillet 1996,Anriucriretic, ICICoinini,ssion~hrtiroir intrr~ztr, 996. vol. II (2);
article 27 du statut de Rome de la Cour pénaleinternationale, Rome. 17juillet 1998.ILM.
1998. p. 999.154 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

ti~ns~~et rapports4' de l'organisation des Nations Unies sont en outre
consacrés a la responsabilité internationale pour crimes de guerre et
crimes contre l'humanité.

Sur le plan de la doctrine juridique, les textes récents et spécialisésqui
traitent de la compétence universelle sont extrêmement nombreuxs0.
D'importantes sociétéssavantes, dont l'International Law Association"

et l'Institut de droit internationals2,ont adopté des résolutions sur le
sujet. De nouveaux groupes de réflexion,comme ceux des rédacteurs des
((principes de Princeton »" et des «principes du Caire »s4,se sont expri-

méssur la question. Des organisations de défensedes droits de I'homme,
telles que Amnesty International", Avocats sans frontièress". Human

" Voir, par exemple: Sous-Commission des droits de l'homme, résolution 2000124,
ROle rlelu cornpétenccuniiersrlle ou estrriterritoriule tluris I'uction priventivr contre
I'inipuniti.,18août 2000. EICN.4lSUB.2lRES12000124:Commissiondesdroits de l'homme.
résolution2000168, hnpuriiti, 26 avril 2000. EICN.4/RES/2000168; Commission des droits
de I'homme, résolution 2000170,Irnpuniti, 25 avril 2001, E1CN.41RES12000170(prenant
note de la résolution 2000124de la sous-commission).
49Soos-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection
des minorités. Adrnii~ii.strutdz lrij~t.sticeet droits dite nu.cluestiorz(ILI''iwip~~nitdi.es
ciuteursde violr~tiorses droiis tle l'liornme(riroits civils et politirlues), rupport,finul revis6
{r6ptiri pcrr M. Joiriet, conforii~r;r,ci/ritléci.siortiItrsous-comrlzi.ssioiiI996lllY du
- octobre 1997. E1CN.41Sub.2119971201Rev. 1Cornmission des droits de I'homme. Droits
civils etpo1itirllie.s.riontles questiori.~(le: l'intl~(lru~pouvoirjurliciuir-c.l,'ciciriiinistru-

tiori de lu,justice, l'ir>ipunit(;l,e cirestitutionciindtv~iiii.sutiondtricrduptution des
i~ictirnesriegraves t~iolutionsries drori(l'liomnzeet dcs libertis ,fondunzentale.s,rtrpport
finciltiu rupporteur .spicirrl,M. M. Clierjf Btr.ssiouni.pri.sent6 coriforrciI(résolution
1999133(le h conznîi.ssion,ElCN.4/2000/62.
Voir ci-après, la note 98.
" International Law Association (Committee on International Human Rights Law and
Practice), Fiiiul Report ori the E'cerci.reof' Uizirrrsul Jiiri.sc~iNIiRr.s/~c~cotf Gr0s.s
Hun~unRiglzts Offrnces. 2000.
" Voir aussi la résolution de Saint-Jacques-de-Compostelle du 13 septembre 1989 de
l'Institut de droit international. commentée par G. Sperduti. «La protection des droits de
I'homme et le principe de non-intervention dans les affaires intérieures desEtats. Rapport
provisoire)), Annuuire rie l'Institut 111,rlroit iiztrrn(itionu1,session de Saint-Jacques-de-
Compostelle, 1989, vol. 63, part. 1,p. 309-351.
" Princeton Project on Universal Jurisdiction, T/zr P~.irzcetorl rinciplc~son Uriiversul
Jurisdiction, 23juillet 3001, avec un avant-propos de Mary Robinson, Commissaire pour
les droits de I'homme des Nations Unies, www.princeton.edu1-lapa111niv Veoirur.pdf.
M. C. Bassiouni «Universal Jurisdiction for International Crimes: Historical Perspectives
and Contemporary Practicen. Virginiu Journul of Interriutionril Luil, 2001, vol. 42,
p. 1-100.
j4Africa Legal Aid (AFLA), Preliniintiry Brtifr of tl~eCairo GiridingPrinciplrs oit Uni-
v~,r.~rJiluri~dictioriin Re.sprct ofCross Hunmrl Riglits 0ffencc.s: An Afiicu~i Perspective,
LeCaire.31juillet2001.http :l/www.afla.unimaas.nllenlactlunivjurisdlpreliminaryprinciples,htm.
s5Amnesty International. Unii~erscilJuristiiction. Tlie Dufy of Stutc..s to Eriuct und
Irnplement Legislution, septembre 2001, AI index IOR 5312001.
shAvocats sans frontières, «Débat sur la loi relative à la répression des violations
graves du droit international humanitaire)), avant-projet du 14 octobre 2001. disponible

sur le site http:llwww.asf.be.RightsWatch, la Fédérationinternationale des droits de l'homme (FIDH)

et la Commission internationale de juristes5', ont adopté des positions
très claires à l'égardde la responsabilité internati~nale'~. Ces initiatives
peuvent êtreconsidéréescomme traduisant l'opinion de la sociPtc Pivile,
opinion dont le droit international coutumier en formation ne saurait
faire aujourd'hui totalement abstraction. Les conventions internationales

ont étéplus d'une fois le fruit d'un processus lancépar des organisations
de la sociétécivile59.Parmi les exemples bien connus figurent: la conven-
tion de 1968 sur l'imprescriptibilité des crimes contre I'humanité et des
crimes de guerre") qui, si l'on remonte à ses origines, est l'aboutissement

d'une initiative de l'Association internationale de droit pénal; la conven-
tion de 1984contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhu-
mains ou dégradants, dont l'élaboration a probablement été motivée par
la campagne contre la torture menéepar Amnesty International; le traité

de 1997 pour l'interdiction des mines terrestresh', auquel la campagne
pour l'interdiction des mines terrestres a donné un élan extraordinaire";
et, enfin, le statut de 1998 portant création de la Cour pénale internatio-
nale, dont la promotion a été assuréepar une coalition d'organisations

non gouvernementales.
28. La Cour ne tient aucun compte de ces évolutions et n'examine pas
les sources de droit pertinentes. Elle adopte au contraire un mode de rai-
sonnement formaliste en concluant d'emblée - et à tort - qu'il n'existe,
en droit international coutumier, aucune exception à la règleconsacrant

l'immunité desministres des affaires étrangèresen exercice soupçonnés de
crimes internationaux (par. 58 de l'arrêt). Enadoptant cette approche, la
Cour établit implicitement une hiérarchie entre les règles en matière

2001. réponse àTun article écrit par un ancien ministre des affaires étrangèresdans labre
même revue (Henry Kissinger, «The Pitfalls of Universal Jurisdiction)). Foreign
Affirirs, juilletlaoût 2001).
Voir le rapport de presse publiéconjointement parman Rights Watch, la Fédéra-
tion internationale des droits de l'homme et laCommission internationale de juristes,
«Rights Croup Supports Belgium's Universal Jurisdiction Law)), 16novembre 2000, qui
peut être consulté surles sites http://www.hrw.org/press/2000/l llworld-coiirt.htm ou
http://www.icj.org/press/pressOl/english/belgiuml I.htm. Voir aussi les efforts déployés
par le comité international de la Croix-Rouge. en faveur de l'adoption d'instruments
internationaux du droit international humanitaire et son souàileur mise en Œuvrepar
les Etats(http://www.icrc.org/eng/advisory-service-ihl; http://www.icrc.org/eng/ihl).
" M. C. Bassiouni. «Universal Jurisdiction for International Crimes: Historical Per-
spectives and Contemporary Practicen. Vir,~iniJourntrl ofInteri~ulioncilLuit,. 2001.
vol. 42, p. 92.
"" Convention sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité et des crimes de
guerre. New York, 26 novembre 1968.ILM, 1969, p. 68.
Convention sur I'interdiction l'emploi. du stockage, de la production et du trans-
fert des mines antipersonnel et sur leur destruction, Oslo. 18 septembre 1997.ILM, 1997.
p. 1507.
" La campagne internationale pour I'interdiction desmines terrestres est une coalition
d'organisations non gouvernementales. dont les membres fondateurs sont Handicap
International.Human Rights Watch, Medico International. Mines Advisory Croup. Phy-
sicians for Human Rights et Vietnam Vcterans of America Foundation. 156 MANDAT D'ARRET (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

d'immunité (qui protègent les ministres des affaires étrangèresen exer-
cice) et les règles en matière d'obligation internationale de rendre des

comptes (qui veulent que toute accusation de crimes de guerre et de
crimes contre l'humanité portéeà l'encontre de ministres des affaires
étrangèresen exercice fasse l'objet d'une enquête).
En élevantcelles-là au rang de principes de droit international coutu-

mier dans la première partie de son raisonnement, et en concluant dans la
seconde partie que celles-ci n'ont pas le mêmestatut, la Cour n'a pas
besoin de s'attacher davantage à examiner le statut du principe de l'obli-
gation de répondre de ses actes au regard du droit international. Par
conséquent, elle laisse ce principe de côté. En revanche, d'autres juridic-

tions, comme la Chambre des lords en l'affaire Pinocheth' ou la Cour
européenne desdroits de l'homme en l'affaire Al-Ad.sunib4,se sont davan-
tage interrogées sur la part qu'il conviendrait de faire, sur le plan norma-
tif, entre les crimes internationaux relevant du jus cogens et les immuni-
tés.

Parmi les questions touchant à l'obligation internationale de rendre
compte de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité,la Cour inter-
nationale de Justice n'a pas répondu aux suivantes: cette obligation peut-
elle êtreconsidéréecomme un principe généralde droit au sens de I'ar-

ticle 38 du Statut de la Cour? La Cour. avant de conclure qu'il n'existait
aucune exception aux immunitésprévuespar le droit international, même
en cas de crimes internationaux, n'aurait-elle pas dû faire plus grand cas
du fait que, bien souvent, des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanitéont été considérécsomme des crimes au regard du droit inter-

national coutumierb5? N'aurait-elle pas dû examiner la thèse des auteurs
selon qui les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité sont des
crimes relevant du jus cogen~h6,ce qui, si tel est bien le cas, ne ferait que
différencierdavantage le statut des règlessanctionnant ces crimes de celui

" R. v. Bo». Strc~etMetropolitun Stiprndiur~ Mugistrute und 0tlrer.s.ex parte Pinochc~t
Ugurte, 24 mars 1999, [1999]Al1 ER. vol. 2. HL, p. 97.
" Voir l'affaire AI-A~lsuni; Cour européenne des droits de l'homme. AI-Arlstrni c.
R-cir<tne-Uni, 21 novembre 2001(http :llwww.echr.coe.int).
65 Voir American Law Institute. Restcitenrentof't/te Luii Third The Foreign Relutions
LUM(.?ff11eUnited States, vol. 1,par. 404, commentaire; M. C. Bassiouni, Crit?resuguinst
Huntunity in Internntionul CrirnNztrlLuic, 1999; T. Meron, Humun Rig11t.surrdHurncini-
tciriun Norm.sU.YCu.rtomriry Llrii., 1989; T. Meron, «International Criminalization of
Interna1 Atrocitiesn, Atncricrrn Journtil of Intc,rnritior?olLriii. 1995, vol. 89. p. 558;
international pour l'ex-Yougoslavi«Decision on the Defence Motion for Interlocutorypénal
Appeal on Jurisdictioii)~. 2 octobre 1995, Tadi?, par. 96-127 et 134(article 3 commun).
" M. C. Bassiouni, «International Crimes: JUSCogerzsand Ohligutio ErgciOn~we.s».
Luii und Contrniporury Prohlet?t.s,1996, vol. 59, no 4, p. 63-74; M. C. Bassiouni, Crirnes
uxurn.rrHumunitj~in I~~tertlclti/ri~?tinl IIIV.1999.p. 210-217: C. J. R. Dugard. Opi-
nion en l'affaireBouter..ve,par. 4.5.5, figurant sur le site http:Ilwww.icj.orglobjectivesl
opinion.htm; K. C. Randall, Universal Jurisdiction uiider International Law)>LUW~xus
Review, 1988, vol. 66. p. 829-832; Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie,
jugement du 10décembre1998,Fcrrzindrijri.ar. 153(torture).des règlesvisant a protéger les suspects au titre des immunités reconnues

aux ministres des affaires étrangèresen exercice, qui. elles, ne font pro-
bablement pas partie du jus cogensh7?
Après ces observations liminaires de portée générale, j'examinerai plus
particulièrement maintellant les deux affirmations de la Cour internatio-

nale de Justice évoquéesplus haut, A savoir la distinction entre les dé-
fenses au fond et les exceptions de procédure et l'idéeselon laquelle les
immunités ne font pas obstacle à des poursuites pénales".

a) Lu d~~trntclon entrr l'li?lnzunltken t~ri~(tp~'('~cept~od nt>procc;cl~lrect
l'rnîmunltè en taiît que dk/ense au fond n'e~t PLIA p(lrtlflPnte en
l'espèce

29. La distinction entre immunitédejuridiction et responsabilitépénale
existe certes dans tous les systèmes juridiques du monde, mais elle ne
fonde en rien la thèse selon laquelle les ministres des affaires étrangères
seraient a l'abri de poursuites engagéespar d'autres Etats lorsqu'ils sont

soupçonnés d'avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité. La convention de 1948 sur le génocideh',le projet de code de
1996 de la Commission du droit international sur les crimes contre la
paix et la sécuritéde l'h~manité~~l'e ,s statuts des tribunaux pénaux inter-

nationaux (rd 11oc7'et le statut de Rome de la Cour pénale internatio-
nale7%ont autant de sources qui confirment la proposition exprimée
dans le troisième principe de Nuremberg7', selon lequel:

«Le fait que l'auteur d'un acte qui constitue un crime de droit inter-
national a agi en qualité de chef d'Etat ou de gouvernement ne

dégagepas sa responsabilité en droit international. »

30. Le Congo soutient, dans ses pièceset plaidoiries, que ces sources
n'ont trait qu'aux immunités de fond, et non aux immunités de procé-

dure, et qu'elles ne prévoient par conséquent aucune exception au prin-
cipe selon lequel les ministres des affaires étrangèresen exercicejouissent

h7Voir la conclusion du professeur J. Verhoeven dans le rapport de Vancouver pour
l'Institut de droit international, cité ciàdla note 19.
hWoir aussi, ci-dessus. par. 26.
" Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Paris. 9dé-
cembre 1948.Nations Unies, Rec~rriltics traitvol. 78. p. 277.
"' Projet de code des crimes contre la paix et la sécuritéde l'humanité,Rapport de la
Commission du droit international, 1996, Nations Unies.c. A/51/10, p. 59.
" Statut du Tribunal pinal internationalpour l'ex-Yougoslavie, New York,
25 mai 1993.ILIM. 1993.p. 1197: statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda.
Nen York, 8 novembre 1994, ILM, 1994. p. 1598.
'"tatut de Rome de la Cour pénaleinternationale. Rome. 17juillet 1998,ILM, 1998,
p. 999.
'j Voir ci-dessus. la note 46.d'une immunité de juridiction vis-à-vis des autres Etats. Certaines auto-
ritéssemblent appuyer cette thèse7",mais la plupart, y compris la Com-
mission du droit international, ne font nullement référenceàcette distinc-
tion, voire la rejettent.

31. Le troisième principe de Nuremberg (et ses codifications ulté-
rieures) traite non pas de la question des immunités (procédurales ou
substantielles), mais de l'ir~zputation à des individus d'actes criminels.
Les crimes internationaux ne sont, de fait, pas commis par des entités

abstraites, mais par des individus qui, dans bien des cas, peuvent avoir agi
au nom de 1'Etat75.Sir Arthur Watts fait trèsjustement observer que:

((Les Etats sont des personnes morales artificielles: ils ne peuvent
agir que par le biais de leurs institutions et organes, c'est-à-dire, en
fin de compte, par le biais de leurs représentants et des individus

agissant en leur nom. Il serait irréalisteet contraire aux principes élé-
mentaires de la justice de n'attribuer qu'à I'Etat, entité imperson-
nelle, une conduite internationale si grave qu'elle soit entachée de
<<criminalité»,et non aux individus qui ont ordonné ou adopté la

conduite en question. »76

La question qui est au cŒur du principe 3 est celle de la responsabilité
individuelle en tant qu'elle s'oppose à la responsabilité étatique, et non
celle du caractère procédural ou substantiel de la protection des représen-
tantsd'un gouvernement. Cela ne peut signifier qu'une chose: lorsque des

crimes internationaux tels que des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité sont commis, l'immunité ne saurait faire obstacle à I'instruc-
tion desdits crimes ou aux poursuites de leur auteur. Peu importe que la
procédure soit engagéeà l'échellenationale ou internationale.

32. L'article 7 du projet de code des crimes contre la paix et la sécurité
de I'humanité de 199677 de la Commission du droit international, qui
concerne les juridictions pénales nationales et internationales, confirme

cette interprétation. Dans son commentaire, la Commission du droit
international s'exprime ainsi :

((L'absence de toute immunité de procédure permettant de se

'"oit par exemple le principe 5 de TlzePriricctonPrinc,ip.n~Ur?ii~c,r.cJcurrli~dictiotz.
Le commentaire indique qu'«il existe toutefois une distinction extrêmement importante
entreimmunitc <<substantielle»et immunité«procédurale»», mais préciseensuite qu'«au-
cun de ces statuts [Nuremberg,Tribunal pénalinternational pour l'ex-Yougoslavie, Tri-
bunal pénalinternational pour le Rwanda] ne traite la question de l'immunitéde procé-
dure »,p. 48-51 [trczrlirctclrrGreffc~](voir ci-dessus la note 53).
75 Voir Procèsdes grand.^criniir1e1.dse guerreJclee,Trihunulmilitciireitirerriutionul.
Nurernherg,jugnnetit. vol. 22,p. 496: «Ce sont des hommes, et non des entitésabstraites,
qui commettent les crimes dont la répression'impose comme sanction du droit interna-
tional.
A. Watts, «The Legal Position in International Law of Heads of States. Heads of
Governments and Foreign Ministers)). Recuc~icllcjscours c/cI'Accid@rniirkedroit ititc~rriu-
tioricilde Lu Hcij~, 1994, vol. 247, p. 82. [Trudi~c./ionclicGreffi..]
" Voir aussi ci-dessus, par. 17. soustraire aux poursuites ou au châtiment dans le cadre d'une pro-
cédure judiciaire appropriée constitue un corollaire essentiel de
l'absence de toute immunité de fond ou de tout fait justificatif. Il

serait paradoxal que l'intéresséne puisse pas invoquer sa qualité
officielle pour s'exonérer de sa responsabilité pénale,mais puisse
l'invoquer pour se soustraire aux conséq~iencesde cette responsabi-
lité. '"

33. En concluant que les clauses d'exclusion de l'immunitéprévuespar
les instruments internationaux pertinents n'ont trait qu'aux immunitésde
fond, et non aux immunitésde procédure, la Cour internationale de Jus-
tice adopte une position purement doctrinale qui n'est fondée ni sur le

droit international coutumier ou conventioiinel. ni sur la pratique des
Etats, et qui n'est pas étayéepar l'opinion d'un nombre important
d'auteurs; il est particulièrement regrettable qu'elle le fasse sans en indi-
quer les raisons.

h) Llr ~wopositiorz(le lu Cour ,selon Iuquclle I'ir?~nzunitcn;c c.onu'lrir.uit
ptrs nkc.c.~.ccrircr?lrinIt'i~npurîiti.cst rr.r.onc;c

34. J'examinerai à présent la proposition de la Cour selon laquelle les
immunités de procédure dont, aux termes du droit international, bénéfi-

cie un ministre des affaires étrangères en exercice ne feraient pas obstacle
a des poursuites pénales dans certaines circonstances, préciséespar la
Cour. Celle-ci relèvequatre cas dans lesquels ilest possible de poursuivre
un ministre des affaires étrangèresen exercice ou un ancien ministre des
affaires étrangèresen dépit des immunitésque lui reconnaît le droit inter-

national coutumier: 1)il peut faire l'objet de poursuites dans son propre
pays; 2) il peut êtrepoursuivi par d'autres Etats si celui qu'il représente
lèveson immunité; 3) il peut êtrepoursuivi lorsqu'il cesse sesfonctions de
ministre des afcdires étrangères;et 4) il peut êtrepoursuivi par une juri-
diction internationale (par. 61 de l'arrêt).
La Cour a peut-être raison en théorie: imniunité et impuniténe sont

pas synonymes et les deux notions ne sauraient donc êtreconfondues. En
pratique toutefois, l'immunité conduit iiune impunitéde fait. Les quatre
cas relevéspar la Cour revêtenttous Lincaractère largement hypothé-
tique.
35. Les poursuites viséesdans les ckus pr.crnier.scus supposent que

1'Etatqui a nommél'intéressé au poste de ministre des affaires étrangères
soit disposéa instruire les allégatioiisvisant son ministre, à engager des
poursuites devant les juridictions nationales OLI à lever son immunitéafin
qu'un autre Etat puisse en faire autant.
Or, c'est justement là que résidele problème fondamental de I'impu-
nité: lorsque les autorités nationales ne veulent ou ne peuvent pas mener

7X Projet de code des cr~illescola paixctla st'c~~rdc I'h~iiiiaiiitS,Rapporlade
Commission ci11droit iiitcrnatioiial. 1996. Nations LJnirs. doc. A/59.10, p.160 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

une enquêteou traduire l'accuséen justice, le crime reste impuni. Et c'est
précisément cequi s'est passédans le cas de M. Yerodia. Le Congo a
accusé la Belgique d'avoir exercéune compétence universelle dans une
situation où la personne soupçonnée - un ministre des affaires étran-
gèresen exercice - ne se trouvait pas sur son territoire. alors qu'en s'abs-

tenant lui-mêmede poursuivre M. Yerodia, qui étaitpourtant présentsur
le sol national, le Congo a enfreint les conventions de Genève et toute
une sériede résolutions de l'organisation des Nations Unies allant dans
le mêmesens7'.

Le Congo était donc mal fondé a accuser la Belgique d'exercer abusi-
vement sa compétence universelle à l'encontre de M. Yerodia Ndombasi.
Si le Congo avait agi comme il aurait dû le faire, c'est-a-dire s'il avait
instruit les accusations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité
pesant sur M. Yerodia à raison de faits qu'il lui était reproché d'avoir

commis au Congo, la Belgique n'aurait pas étécontrainte d'engager des
poursuites. Cette dernière a indiqué iplusieurs reprises, et réaffirmédans
son exposéliminaire ainsi que dans sa déclaration finale devant la Courx0,
qu'elle avait tenté de transmettre le dossier aux autorités congolaises

pour qu'elles procèdent elles-mêmesa une enquêteet des poursuites. Le
Congo ne dit nulle part qu'il a enquêté surles accusations de crimes de
guerre et de crimes contre l'humanité portées a l'encontre de M. Yerodia.
Le conseil du Congo a même estimé que l'initiative de la Belgique cons-

tituait, pour comble, une pression indue à son endroit8'.
Le Congo n'avait pas «les mains propres)) lorsqu'il s'est présenté
devant la Cour8'. En reprochant a la Belgique d'avoir instruit des allé-
gations de crimes internationaux et engagé des poursuites, ce qu'il était

lui-mêmetenu de faire, le Congo fait preuve de mauvaise foi. Il prétend
que la Belgique l'a offenséet lui a fait subir un préjudicemoral, insinuant
que l'exercice par celle-ci d'une ((compétence universelle excessive))
(par. 42 de l'arrêt)était incompatible avec sa dignité.Cependant, comme
le faisait observer sir Hersch Lauterpacht en 1951. invoquer l'immunité

''Voir ci-dessus, les notes 48 et 49.
"'CR 200118.Dar. 5: CR 2001111.Dar. 3 et 11
CR 2001110~p. 7.
X'G. Fitzmaurice. «The General Princivles of International Law Considered from the
Standpoint of the Rule of Law,Recrtcilt1e.sc,os'I'Acud~niic,(1'droit iiiterncrtiun(r(1IL>
Lu Huj'c,.1957. vol92.p. 119:

ciQui demande réparation en équitédoit avoir les mains propres. » Ainsi. un Etat
qui se rend coupable d'une conduite illicite peut êtreprivédu néc1oi~1rs.tsuntii
injudicio l'autorisaàtse plaindre d'actes illicites correspondants d'autres Etats. en
particulier si ces actes résultent dessiens oàrépliqueraux sien-- en d'autres
termes s'ils ont étéovoqiiés par lui-mêm. [Trrrtl~rctionclirGrcffè.]
Voir aussi S. M. Schwebel.«Clean Hands in the Court)). dans l'ouvrage de E. Brown Weiss
ct rrl. (dir. publ.), Tlw Worlrl Borlk, IntrrncitionrrlFinirncitrlInslitution.~und the Dc~irl-
oprncnrofInrc~iiiurio~Llrtii,. 1999. p. 74-78.et l'affaire des Actii~iic'srnililtrireset puru-
r>iilitrrirc,usu Nictrr.cr,ycreut cor2tr.rcelui-ci (Nicctr(rguctc. Etuts-LJnis ci'Aini.ric/ue),fon~l,
cirrP1,C.I.J. Rilc~reil1986. opinion dissidente de M. Schwebel, p. 382-384 et 392-394.peut être pluspréjudiciable à la dignité d'un Etat que la non-invocation
de celle-cix3.La Cour internationale de Justice aurait au moins dû indi-
quer clairement qu'il revenait au Congo de connaître lui-mêmede l'affaire.

36. Le troisiPtne CU.\ relevépar la Cour, qui fait valoir que l'immunité
n'est pas nécessairement synonyme d'impunité, est celui ou l'intéressé
cesse d'occuper la fonction de ministre des affaires étrangères(par. 61 de

l'arrêt,«En troisième lieu))). Dans ce cas, il ne bénéficieraplus des immu-
nitésde juridiction que lui accordait le droit international dans les autres
Etats. La Cour ajoute que l'immunitétotale ne peut dans ce cas êtrelevée
que pour des actes «accomplis avant ou aprèsla périodependant laquelle

il [leministre des affaires étrangères] aoccupéces fonctions)). Pour ce qui
est des actes commis alors que le ministre des affaires étrangères étaiten
exercice, l'immunité ne peut être levée «qu'au titre d'actes qui, bien

qu'accomplis durant cette période, l'ont étéà titre privé)).La Cour ne se
prononce pas sur la question de savoir si les crimes de guerre et les crimes
contre l'humanité relèvent de cette catégories4.
Il est extrêmement regrettable que la Cour internationale de Justice

n'ait pas nuancé cette déclaration", comme la Chambre des lords l'avait
fait en l'affaire Pit7ocI7et.Elle aurait pu - et aurait mêmedû - ajouter
que les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité ne tombent

jamais dans cette catégorie. Certains crimes de droit international (par
exemple certains actes de génocideet d'agression) ne peuvent être com-
mis. pour des raisons d'ordre pratique, qu'avec des moyens dont seul un
Etat peut disposer et dans le cadre d'une politique adoptée par lui - en

d'autres termes, vus sous cet angle, ces actes ne peuvent êtreque des actes
«officiels ».L'immuniténe devraitjamais s'appliquer aux crimes au regard
du droit international, que ce soit devant desjuridictions internationales
ou nationales. Je souscris pleinement à la déclaration de lord Steyn, qui

faisait observer dans la première affaire Pinochet:

((11en découledonc que l'ordre donné par Hitler de recourir à la

«solution finale))doit être considérécomme un acte accompli à titre
officiel dans le cadre de ses fonctions de chef d'Etat. Voilà ou
conduit inexorablement le raisonnement de la Cour d'appel. ))8h

La Cour internationale de Justice aurait dû dire clairement que son

X'H. Lauterpacht. «The Problem of Jurisdictional Immunities of Foreign States)).
BYBIL. 1951,vol. 28, p. 232. La formulation utiliséeen anglais par sir Hersch est la sui-
vante: ((the dignity of a foreign state may suffer more from an appeal to i~ninunitythan
from a denial of it».
" Voir également le paragraphe 55 de l'arrêt.dans lequel la Cour bit valoir que.
compte tenu de cette ((immunitétotale)) (par.54), il ii'estpas possible d'opérer dedistinc-
tion entre les actes accomplis parun ministre des affaires étrüngèreà titre ((offi))et
ceux qui l'auraient étéà titrc «privé».
" Voir ci-dessus. les notes 12et 13.
X('R. v.Boii Str.c,etMcrropolitrrn Stipen~liu,:,. Ma,yi.sfi.citeuiex parterPir~«c/zet
C:gurrr75 r~ovcmbrc1998. [l998] Al1 ER. vol.4. p. 945.162 MANDAT D'ARRET (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

arrêtne saurait en aucun cas conduire à une telle conclusion et quede tels
actes ne pourront jamais êtrecouverts par une quelconque immunité.
37. Le quatrième cc~sd'exception au principe de l'immunité envisagé

par la Cour est celui où les ministres des affaires étrangères - anciens ou
actuels - peuvent faire l'objet de poursuites pénales «devant certaines
juridictions pénales internationales dès lors que celles-ci sont compé-
tentes» (par. 61 de l'arrêt,((En quatrième lieu))).
La Cour surestime grandement la marge de manŒuvre d'une juridic-

tion pénaleinternationale dans les cas où 1'Etatsur le territoire duquel les
crimes ont étécommis. ou dont un ressortissant en est l'auteur résumé.
est peu enclin à poursuivre. Les tribunaux pénauxinternationaux actuels
n'auraient compétence pour connaître d'affaires impliquant des ministres
des affaires étrangères en exercice accusésd'avoir commis des crimes de

guerre ou des crimes contre l'humanitéque dans la mesure où ces affaires
relèveraient spécifiquement de leur ressort, comme le conflit en ex-
Yougoslavie ou le conflit au Rwanda.
La compétence de la Cour pénaleinternationale, établie par le statut de
Rome, est en outre subordonnée au principe de la complémentarité:

lorsque devront être jugées des affaires mettant en jeu des crimes de
guerre ou des crimes contre l'humanité, cette responsabilité incombera
en premier lieu aux Etats. La Cour pénale internationale ne pourra con-
naître de ces affaires que lorsque les ((Etats compétents)) ne voudront
ou ne pourront véritablement mener bien l'instruction et les pour-

suites (art. 17).
Mais mêmesi 1'Etat en cause fait preuve de bonne volonté, la Cour
pénale internationale, tout comme les tribunaux internationaux au'hoc,
ne sera pas en mesure de juger tous les crimes relevant de sa compétence.
Elle n'en aura pas la capacité, et ilfaudra toujours que des Etats ins-

truisent les affaires de graves crimes internationaux et qu'ils en pour-
suivent les auteursx7. Par Etats, il convient d'entendre, mais ce n'est pas
exclusif, les Etats nationaux et territoriaux. Il y aura toujours besoin
d7Etats tiers pour instruire et poursuivre, à plus forte raison lorsque l'on
se trouvera en présenced'un simulacre de procès jsl~arntriul) ".

La Cour pénaleinternationale ne pourra pas juger tous les crimes inter-
nationaux. Elle ne sera compétente que pour connaître d'affaires néesde
comportements criminels intervenus uprèsl'entrée en vigueurdu statutde
Rome. En outre, la question de savoir si certains actes de terrorisme
international ou certaines violations graves des droits de l'homme perpé-

tréesdans des conflits armés nationaux relèveront de la compétencede la
Cour n'a pas encore été tranchée. M. Tomuschat a fait très justement
observer que ce serait commettre une ((erreur fatale)) que de postuler

u7 Voir par exemple le procèsde quatre ressortissaiits rwandais par un tribunal pénalde
Bruxelles: Cour d'assises de l'arrondissement administratif de Bruxelles-capitale, arrêtdu
8juin 2001, non publié.
" Voir aussi ci-après, p65.163 MANDAT D'ARRÊT (OP.DISS .AN DEN WYNGAERT)

que, en l'absence d'une juridiction internationale compétente, les chefs
d'Etat et ministres des affaires étrangèressoupçonnésde certains crimes
ne peuvent être traduits enjustice que dans leurs propres pays et nulle

part ailleurss9.
38. J'en conclus que les arguments fournis par la Cour internationale
de Justice pour étayer sathèse selon laquelle l'immunité n'esp tas néces-
sairement, de fait, synonyme d'impuniténe sont nullement convaincants.

3. Conclusion

39. Ma conclusion généralesur la question de l'immunité"' eslta sui-
vante: si un ministre des affaires étrangères enexercice bénéficie bien

d'immunités,celles-ci netrouvent pas leur originedans le droit internatio-
nal coutumier maisrelèventtout au plus de la courtoisie internationale. Ces
immunitésne sont certainement pas (ctotales))ou absolues et ne sauraient
s'appliquer en cas de crimes deguerre ou de crimes contre l'humanité.

III. LA COMPÉTENCE UNIVERSELLE

40. Initialement, lorsque le Congo a déposé,en 2000, sa demande en
indication de mesure conservatoire. le différendvortait sur deux voints:
a) celui de la compétenceuniverselle en matièrede crimes de guerre et de

crimes contre I'humanité: et bi celui des immunités accordéesaux mi-
nistres des affaires étrangèresen exercice accusésde crimes de guerre et
de crimescontre I'humanité (voirpar. 1et 42 de I'arrêt)A. u coursde la pro-
céduresur le fond, en 2001, le Congo a restreint le différend a la seule
seconde question (voir par. 10-12 de l'arrêt),sans objection de la Bel-
gique, qui a mêmepriéla Cour de ne pas statuer ultra petita(par. 41 de
l'arrêt).En conséquence, laCour ne pouvait se prononcer sur la question
de la compétenceuniverselle en général.

41. Pour des raisons qui leur sont propres, lesParties ont ainsi invitéla
Cour internationale de Justice a simplifier sa décisionet a statuer sur la
question de l'immunitédejuridiction seulement. La Cour, tout en recon-
naissant que, d'un point de vue logique, elle ne saurait traiter de la
seconde question qu'aprèss'êtreprononcéesur la première, anéanmoins
décidéde n'examiner que celle-la. Elle le fait en supposant, pour les
besoins de son raisonnement, que la Belgique était compétente,au plan

du droit international, pour émettreet diffuser le mandat d'arrêt(par. 45
de l'arrêt in fine).

XyIntervention de M. C. Tomuschat, lors de la réunion de l'Institut de droit interna-
relative aux immunitésde juridiction et d'exécutiondes chefs et de gouvernementrésolution
en droit international,et donne l'exempledu dictateur iraquien Saddam Hussein
de la 13"commission de l'Institut de droit international, Vancouver, 2001. p. 94; voir
égalementci-dessus la note 19et le texte correspondant.
90Sur la question de l'inviolabilité, voir ci-aprèspar. 75. 42. Mêmesi les Parties n'ont pas demandé un arrêt surl'ensemble des

points soulevéspar l'affaire, elles n'en ont pas moins développé desargu-
ments détailléssur la question de la compétence (universelle). La Cour
internationale de Justice, quoiqu'elle n'ait pas étépriéede statuer sur ce
point dans son dispositif, aurait toutefois pu et dû l'aborder dans sa

motivation. Elle se contente de faire observer que «la compétence n'im-
plique pas l'absence d'immunitéet [que] l'absence d'immunitén'implique
pas la compétence)) (par. 59 de l'arrêt,première phrase), et poursuit en
observant que, si les conventions qui imposent aux Etats des obligations

de poursuite ou d'extradition ((leur ont fait par suite obligation d'étendre
leur compétence juridictionnelle, cette extension de compétence ne porte
en rien atteinte aux immunités résultantdu droit international coutumier,
et notamment aux immunités des ministres des affaires étrangères))

(par. 59 de l'arrêt,deuxième phrase).
En adoptant cette perspective très restrictive, la Cour ne prend encore
une fois pas la peine d'examiner les instruments donnant effet au principe
de l'obligation internationale de rendre compte de crimes de guerre et de

crimes contre l'humanité.Pourtant, la plupart des arguments invoquésen
l'espècepar les deux Parties reposaient sur ces instruments. En éludant
totalement la question de la compétence(universelle), la Cour ne s'est pas
prononcée sur ces arguments et a laissé cesquestions sans réponse. Je

souhaite les examiner ici brièvement.
43. Le Congo a accuséla Belgique d'avoir (([exercé]une compétence
universelle e.ucr,ssiiledans la mesure où, outre le fait qu'elle enfreint les
règlesétabliesen matière d'immunités internationales, la législationbelge

sur la compétence universelle peut être appliquée indépendammentde la
présencede l'auteur de l'infraction sur le territoire national (par. 42 de
l'arrêt;les italiques sont de moi). Cette facultéest prévuepar l'article 7 de
la loi belge relative iila répression desviolations graves de droit interna-

tional humanitaire (ci-après dénomméeloi belge de 1993/1999)91. Le

Loi du 16juin 1993 relativeà la repression des violations graves de droit interna-
tional humanitaire. Moniteurbelge.5 août 1993, modiliéepar la loi du 10 février 1999,
Monitcirr hel~c. 23 mars 1999: une traduction anglaise a étépubliéedans ILM. 1999.
p. 921-925. Voir d'une manière générale: A.Andries, C. Van den Wyngaert, E. David et
J. Verhaegen. «Commentaire de la loi du 16juin 1993 relative la repression des viola-
tions graves du droit international humanitaire)), Rco. (Ir. pér?.,1994, p. 1114-1184:
E. David. <(Laloi belge sur les crimes de droit international humanitaire)). RBDI, 1995.
vol. 28,p. 668-684: P. d'Argent, «La loi du 10 février 1999 relaàila répression des
violations graves du droit international humanitaire)).onrncrlu'ec~rihiinuu.\-,1999.
vol. 118. p. 549-555: L. Reydams, ((Universal Jurisdiction over Atrocities in Rwanda:
Theory and Practice ». Eirr.opr,unJournof'Crime, Criminul Ln~i,cnzd('rinlincrlJu.rtice,
1996, p. 18-47: D. Vandermeersch. «La répression endroit belge des crimes de droit inter-
national)),RIDP. 1997, vol. 68. p. 1093-1115: D. Vandermeersch, ((Les poursuites et le
jugement des infractions de droit international humanitaire en droit belge)). dans
H. D. Bosly (11..Acturilit6 clu rlroit internutionrrl hiinluniterire. 2001, p. 123-180:
J. Verhoeven. ((Vers un ordre répressif unilersel'? Quelques observations)), Annuuirc,
fi.un(,cdc.droit inter.ncrtio1,999. p. 55-71.165 MANDAT D'ARRET (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

Congo a vu là un excès dans la mesure où la Belgique, en émettant le
mandat d'arrêtdu 11avril 2000 en l'absence de M. Yerodia, avait en fait

exercécette compétence par défaut.
La Belgique a répondu à cette accusation en affirmant qu'elle était fon-
déeà exercer sa compétence en l'espècedans la mesure où le droit inter-
national n'interdit pas aux Etats d'exercer une compétence extraterrito-

riale pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité; au
contraire, elle les y encourage.
44. 11n'existe pas de définitioncommunémentadmise de la compétence
universelle dans le droit international conventionnel ou coutumier. Les
Etats qui ont intégréce principe dans leur législationnationale l'ont fait de

manière très différenteles uns des autresg2.Il existe maints exemples de cas
où des Etats exercent une compétence extraterritoriale pour des crimes tels
que des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanitéet la torture, mais
leur intervention repose sur d'autres bases juridictionnelles, telles que la
nationalitéde la victime. Un exemple éminentest l'affaire Eicl?inann, où la

Cour a fondésa compétencenon sur la compétenceuniverselle mais sur la
personnalité passive9'. Dans l'affaire Pinochet en Espagne, un point de
rattachement important était la nationalité espagnole de certaines vic-
timesg4.De même,dans le cas de M. Yerodia, certaines victimes étaientde

nationalité belge", bienqu'il ne semble pas que des ressortissants belgesg6

" Pour une étudede l'application. dans différentspays. du principe de la compétence
universelle pour les crimes internationaux, voir notamment Amnesty International,-
vcr.sul Juri.sdiction. Tl~e Duof Stutc.s to Entrcr utid I~nple~nefitLegislutio~~.sep-
tembre 2001. Al IndexIOR 5312001 ;International Law Association (Commiiteeon Inter-
national Human Rights Law and Practice), Finul Rc,port oti thc E.urr<,iof C/~~ivc,r.sul
Juri.sdicriot~in Re.spc,(,tofGro.s.s Huniur~Rig11t.sOfJc,n<~ea.sn,nexe. 2000; Redrcss, C1nii~~r-
su1Juri.~diciionin Europe. Crinlinul Pro.se<.uiio~li,ns Europe .sincc,1990for Wur C~~III~S.
Crirtirs uguirist Hunzunity. Torture rrndGeiiocidc,,30 juin 1999: http:Ilwww.redress.orgl
inpract.html; voir aussi ((Crimes internationaux et juridictions nationales)). Presses uni-
versitaires de France (sous presse).
Attornc,y-Grnr,rtiIof the Goicrnment ofIsracl v. Eiclinicrnt~I,LR, 1961.vp.5.36.
Voir aussi US v. Yurlis(no 2), District Court, DC, 12 février 1988, ILR. 1990, vol. 82,
p. 343: Court of Appeals, DC, 29janvier 1991.ILM, 1991.vol. 3, p. 403.
" Audiencirr N~rciorzul,Auto rle lu Sulri de 10Prnrrl de lu Audi(,nciu Nuciot~ulconfir-
corneticlos durunir lu dictaduru cliilerirr.5 novembre 1998, http:Ilwww.derechos.orglc~rrorisrno
nizkorlchileljuicio1audi.html. Voir aussi M. Marquez Carrasco et J. A. Fernandez, «Span-
ish National Court, Criminal Division (Plenary Session). Case 19/97.4 Nov. 1998.Case 11
98. 5 Nov. 1998», AJIL, 1999, p. 690-696.
" CR 200118,p. 16.
'" Une certaine confusion est apparuàpropos de la différenceentre la notion de «vic-
time)) et celle de ((partie civile)). Le droit belge ne connaît ppopul(iris; la cons-
titution de partie civile est seulement ouverte aux victimes deaction pénaleàtleurs
ayants droit. Voir C. Van den Wyngaert, «Belgiumn. dans C. Van den Wyngaert et ul.
(dir. publ.), Crirninul Procedure S~v.stt~nii.ns thclMctnheqfSthe Europoun Conztnu-
nity, 1993.166 MANDAT D'ARRET (OP. DISS. VAN DEN WYNCAERT)

eussent figuréparmi les victimes dps violenc ressultant des discours de
haine que M. Yerodia était soupçonné d'avoir tenus (par. 15de l'arrêt)97.
45. La compétence universelle a donnélieu à une littérature abondante
dans la doctrine juridique. Les points de vue les plus variésont été expri-

mésquant à la signification de cette notiony8 et à son statut juridique en
droit international9'. Nous n'entendons pas les examiner dans la présente
opinion. Ce qui importe, en l'espèce,est de savoir de quelle manière la

Belgique a codifié lacompétence universelle dans sa législationnationale
et si elle est compatible ou non avec le droit international.
L'article 7 de la loi belge de 199311999,qui est au cceur du litige. dis-
pose ce qui suit: «Les juridictions belges sont compétentes pour con-

naître des infractions prévues à la présente loi. indépendamment du lieu
où celles-ci auront étécommises. » "'O
46. Malgréle flou qui entoure la définitionde la notion de compétence

universelle, une chose est sûre: la ratio legi se la compétence universelle
repose sur la réprobation internationale de certains crimes particulière-
ment graves tels que les crimes de guerre et les crimes contre I'humanité.
Elle a pour raison d'êtred'éviterl'impunité etd'empêcherles auteurs de

"' La notion de i.ictiti~rs'étendau-delà de la victime tlircc,tedu crime, et concerne égale-
ment les victimes indirectes (par exemple, lesendarits ou descendants de la victime dans
le cas de I'assassinat). De surcroît, q~iandil s'agit de crimes du type de ceux dont M. Yero-
dia était soupçonné (incitationà commettre des crimes de guerre ou des crimes contre
l'humanité),la mort ou ledoinmage corporel subi par la victime n'est pas un élémetons-
titutif de l'infraction. Les victimes ne sont seulement celles qui ont étéeffcctivemeiit
tuéesou blessées à la suite des discours de haine allégués, mais aussitoutes les personnes
à l'encontre desquelles les incitations étaient dirigées. ycompris les victimes de nationalité
belge qui se sont constituées parties civiles devant lejuge d'instruction belge. En mettant.
au paragraphe 15de l'arrêt,l'accent sur les victimes le.^i~io1c11crl.as.Cour semble adopter
une définitiontrès restrictive de la notion de victime.
"XPour une analyse circonstanciéeet récente des diverses positions, dans une perspec-
tive tant diachronique que synchronique, voir M. Henzelin, Leprincipcdel'u11ii~er.scillirt6
droit PPIILIiInt~r~~(rtiorirl.o('ohligutio~ipoztr ll,.sEttits de poursiiii'rc.etjuger st,liirile
principe LI^I'u~zii~er~uli20. 00. Parmi d'autres publications récentes: M. C. Bas-
siouni, «Universal Jurisdictioii for International Crimes: Historical Perspectives and
Contemporary Practice », Virgir~itrJourr~uof'InterncitioririlLUII..2001. vol. 42,-100;
L. Benavides. ((The Universal Jurisdiction Principle)). itnuiiiio M~,.(o1. crrclio III~CI.-
ntr(~ioii(2,001. vol. 1.p. 20-96; 1.Charney. «Internatioilal Criminal Law and thc Role
of Domestic Courts)). AJIL. 2001. vol. 25. p. 120-124; G. de La Pradelle, ((La com-
pétence universelle)),dans H. Ascensio cr 111(.dir. publ.). Droit inlrrntrtior~ulpi.n(rl.2000.
p. 905-918; A. Hays Butler,« Universal Jurisdiction: A Review of the Literature)). Cvinii-
nul Lriii Forun?. 2000. p. 353-373; R. van Elst. «Implementing Universal Jurisdiction over
Grave Breachcs of the Geneva Conventions)), LJIL, 2000, p. 815-854.Voir égalementles
actes du colloque sur la compétence universelle: mythes. réalitéset perspectives. Neii,
Erigltrr~tlLuit. Rri,ic,ii.,2001. vol. 35. no 2.
'"Ainsi. certains auteurs sont-ils d'avis que, s'agissant des crimes de droit iiiterna-
tional, il existe une théorie indépendantede la compétence universelle. Voir par exeiriple
M. C. Bassiouni, <Universal Jurisdiction for Ii~ternatioual Crimes: Historical Perspec-
tives and Conteniporary Practice)), Virginio JoirrncofIiiferricrtion1,cii2001. vol. 42.
p. 28.
""'Voir la note 91 pour des référencescomplémentaires.tels crimes de trouver refuge dans des pays tiers. C'est ce qu'ont souligné
des sociétéssavantes qui ont pris part au débat, et notamment les rédac-
teurs des ((principes de Princeton )Io',des ((principes du Caire » 'O2,ou du

((rapport Kammingan de l'International Law Association"".
47. Peut-être n'appartenait-il pas à la Cour internationale de Justice de
définirde manière abstraite la compétence universelle. Elle aurait dû tou-
tefois examiner la question suivante: la Belgique était-elleautorisée, aux
termes du droit international, à exercer en l'espèceune compétencee'ctrri-
territoriale à l'encontre de M. Yerodia (abstraction faite de la question de

l'immunité)? LaCour n'a absolument pas répondu à cette question.

1. Lu compétence univrrselle pour les crinze., de guerre et critnes contre

l'lzun?uniti.est cot~zputihleavec le critère du Lotus

48. L'affaire du Lotus de 1927 constitue la référenceen matière de
compétence extraterritoriale. Dans cette affaire, la Cour permanente de
Justice internationale avait étéinvitéeà statuer sur un différendopposant
la France et la Turquie, néd'une procédure pénale engagéepar la Tur-

quie à l'encontre d'un ressortissant français. Ce dernier, capitaine d'un
navire français, était accusé d'homicide involontaire ayant entraîné la
mort de citoyens turcs, suite à une collision en haute mer entre son navire
et un navire turc. Comme en la présenteespèce, laquestion était de savoir
si 1'Etat défendeur, la Turquie, était habilité à engager des poursuites
pénalesà l'encontre d'un étrangerau titre de crimes commis en dehors de

son territoire. La France fit valoir que la Turquie n'était pashabilitéeà
poursuivre des ressortissants français devant ses tribunaux nationaux. au
motif que le droit international n'autorisait pas les Etats à exercer une
compétence extraterritoriale, mais au contraire l'interdisait. Selon la Tur-
quie, le droit international l'autorisait à exercer une telle compétence.

49. La Cour permanente de Justice internationale a jugé qu'il n'existait
aucune règle de droit international conventionnel ou coutumier interdi-
sant à la Turquie d'exercer sa compétence pour des faits commis en
dehors de son territoire national. Elle commença par dire que, en prin-
cipe, la compétence est territoriale et qu'un Etat ne peut l'exercer en
dehors de son territoire, sauf en vertu d'une règle permissive découlant

du droit international coutumier ou d'une convention. Elle poursuivit
toutefois en limitant la portée de cette affirmation dans un célèbredic-
tunz, bien connu des étudiants en droit international:

«Mais il ne s'ensuit pas que le droit international défend à un Etat
d'exercer, dans son propre territoire, sajuridiction dans toute affaire
où il s'agit de faits qui se sont passésà l'étranger et où il ne peut
s'appuyer sur une règle permissive du droit international ... Loin de

"" Voir ci-dessus la note 54.
"''Voir ci-dessus la riote 51.168 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS.VAN DEN WYNGAERT)

défendred'une manière généraleaux Etats d'étendre leurslois et leur
juridiction a des personnes, des biens et des actes hors du territoire,
il leur laissa,cet égard,une large liberté,qui n'est limitéeque dans
quelques cas par des règlesprohibitives; pour les autres cas, chaque

Etat reste libre d'adopter les principes qu'il juge lesleilleurs et les
plus convenables. » 'O4

11convient d'établir une distinction entre compétence ~zortîî~itiveet
colîzpétence(l'exécution. Le dictum cité ci-dessus a trait à lcoinpc5tence
nortnutive: ils'agit de savoir ce qu'un Etat est autorisé à faire sur son
propre territoire, lorsqu'il instruit des crimes commis a l'étranger et
engage des poursuites, non ce qu'il peut fairesur le territoire d'uutres

Etats lorsqu'il poursuit les auteurs de tels crimes. De toute évidence, un
Etat n'a pas, à l'égardde tels crimes, de cotî~pétence d'exécution hors de
son territoire: il ne peut donc, sauf à obtenir une permission à cet effet,
exercer son pouvoir sur le territoire d'un autre Etat. Il s'agit de «la limi-
tation primordiale qu'impose le droit international [aux Etat~]»'~~.En
d'autres termes, la règlepermissive ne s'applique qu'a la compétencenor-

mative, non a la compétence d'exécution: en l'absence d'interdiction, un
Etat A peut engager des poursuites pour des crimes commis dans un
Etat B (règlepermissive), mais, en l'absence d'autorisation, un Etat A ne
peut pus intervenir sur le territoire dudit Etat B.
50. Le mandat d'arrêtdu 11 avril 2000 entre-t-il dans le cadre du pre-
mier type de compétence, du second ou des deux? En d'autres termes, en
exerçant sa compétence par l'émissionet la diffusion d'un mandat d'arrêt

a l'encontre d'un étranger pour des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité commisa l'étranger,la Belgique a-t-elle exercé sacompétence
normative, sa compétence d'exécution,ou les deux?

Dans la mesure où le mandat n'a pas étéexécuté,le différend porte
surtout sur la compétence normative. Toutefois, l'intitulé du mandat

(mandat d'arrêt ((international))soulève également desquestions rela-
tives la compétence d'exécution.
Je suis d'avis que la Belgique, en décernant et en diffusant le mandat
d'arrêt,n'a violé ni les règlesen matière de compétence normative, ni
cellesen matière de compétence d'exécution.S'exposeraimon point de vue
sur la compétence d'exécutiondans les arguments que je développe à la
partie IV de mon opinion dissidente, où j'examinerai la question de

savoir s'il y a eu ou non un fait internationalement illicite en l'espèc'O6.
S'étudieraila disposition qui se trouve au cŒur du litige, à savoir I'ar-
ticle7 de la loi belge de 199311999,à l'aune du ((critèredu Lotus)) relatif
a la compétence normative.

'OT.P.J.I., affaidu lotir.^.7 septembre 1927. C.P.J.I. Rsi.rieri"10.p.19.
""Ihid., p. 18.
IUVoir ci-aprt's.par. 68 et suiv.

169 51. Il découlede l'arrêtrendu en l'affaire du Lotus qu'un Etat est en
droit d'exercer sur son territoire une compétenceextraterritoriale à moins
que le droit international ne le lui interdise. Or,j'estime que rien,en droit
international, n'interdit d'édicter des loispermettant d'enquêteret d'enga-
ger des poursuites en cas de crimes de guerre et de crimes contre I'huma-
nitécommis à l'étranger.
Non sans raison, la thèsea souvent été avancée selon laquelllee critère

du Lotus serait trop libéral et que, compte tenu de la complexité
croissante des relations internationales contemporaines, il conviendrait
désormais d'adopter une approche plus restrictiveio7.Dans l'affaire
relative à la Licéitéde lu menace ou de i'ernploi d'armes nucléuires,
deux groupes d'Etats s'opposaient, avançant chacun une interprétation
différentedu critère du Lotus sur ce point 'O8e ,t, dans sa déclaration, le
président Bedjaoui fit part de ses doutes a cet égard Io'. La légis-

lation belge résiste mêmeau plus restrictif de ces points de vue. Les
preuves ne manquent pas pour étayer la thèse selon laquelle le droit
permet aux Etats d'exercer unecompétence extraterritoriale pour ce type
de crimes.
Dans les paragraphes qui suivent, j'apporterai des éléments à l'appui
des deux thèses. Selonmoi, le droit international a) n'interdit pus I'exer-
cice d'une compétence universellepour les crimes de guerre et les crimes

contre l'humanité, b) l'autorise formellement.

a) Le droit internationul n'interdit pas aux Etats d'exercer une com-
pétenceuniverselle à l'égarddes crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité

52. Le Congo affirme que la notion mêmede compétence universelle
suppose la présencede l'auteur de l'infraction sur le territoire de 1'Etat
qui engage une action à son encontre. Selon lui, l'exercicede la compé-
tence universelle in ubsentiu est contraire au droit international. Cette
thèsedoit êtreexaminée à la lumièredu droit international conventionnel
et coutumier, ainsi que de la doctrine.

53. En guise de remarque préliminaire,j'aimerais souligner un point
d'ordre linguistique. L'expression ((compétenceuniverselle)) ne veut pas
nécessairement dire que le suspect doive êtreprésent sur le territoire

'OVoir American Law Institute, Restutemcwt (Third) Foreign Relations Lqfvthe
UnitedStates, 1987, p. 235-236: 1. Cameron, The Protective Principle of Interntitionul
CrimiiicilJurisdictiori, 1994,p. 319; .Mann, ((The Doctrine of International Juris-
tionul (IJu Huyc~,1964. vol. 111,p. 35: R. Higgins, Prohlems und Process. Intrrnationul
Luic und Ho+i We Use It. 1994,p.77; voir également Conseilde l'Europe, Compétence
extruterritoriule en muti?r(,pénale, 1990,p. 20 et suiv.
'OLicPitédelu menuce ou de l'emploi d'urmes nucli.ciirr.s,uvis con.sultcitifdu 8 juillet
1996, C.I.J. Recueil 1996, 238-239, par. 21.
'OC.I.J. Recueil 1996, p. 270, par. 12. 170 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

de 1'Etat engageant les poursuites. Même si ce critère de présence est
implicite, ce qui est le cas chez certains auteurs, cela ne signifie pas

obligatoirement qu'elle constitue une prescription légale. L'expression
est peut-être ambiguë, mais c'est précisémentpour cette raison qu'il faut
segarder detoute conclusion hâtive. Les maximes latines parfois employées,
et qui semblent postuler la présence de l'auteur de l'infraction (jucles
deprelîensionis - ubi te inijenero ihi te judicuho), n'ont aucune valeur

juridique et ne coïncident pas avec le concept de compétence uni-
verselle.
54. Aucune règle de dro~tinternutional conventionnel ne vise A inter-
dire l'exercice d'une compétence universelle in ubsentiu. S'agissant de la
compétence universelle à l'égarddes crimes de guerre, la principale base

juridique est constituée par l'article 146 de la quatrième convention de
Genève de 1949 'Io,qui énoncele principe aut dc~cl're autjudicare '''.Une
interprétation textuelle de cet article ne présuppose pas logiquement la
présence du contrevenant, comme tente de le démontrer le Congo. Son
raisonnement à cet égard est certes intéressant d'un point de vue doc-

trinal, mais ne constitue pas une conséquence logique du texte. En
matière de crimes de guerre, les conventions de Genève de 1949, qui ont
étératifiéesquasi universellement et pourraient, compte tenu de cette très
large acceptation, avoir une portée plus large que celle de simples
obligations conventionnelles, n'exigent pas la présence de la personne

soupçonnée. Voir dans l'article 146de la quatrième convention de Genève
une restriction au droit d'un Etat d'exercer la compétence universelle
serait totalement contraire à une interprétation tél6ologique des
conventions de Genève. Ces instruments n'avaient, à l'évidence,pas pour
objet de limiter la compétence des Etats à l'égard descrimes de droit

international.
55. Le droit internutional coutumier ne la limite pas davantage. Le
Congo soutient qu'il existe une pratique des Etats, révélatriced'une opi-
nio juris selon laquelle l'exercice de la compétence universelle suppose
nécessairement la présencede l'auteur de l'infraction sur le territoire de

1'Etat qui engage une action à son encontre. Nombre de systèmesnatio-
naux qui donnent effet à l'obligation aut rlerlereriutjudicare etlou au sta-

"" Convention de Genève relative i la protection des personnes civiles en temps de
guerre. 12août 1949,Nations Unies,Rc,cu<,i'etruir6s.vol. 75. p. 287. Voir aussi art. 49
de la convention pour l'amélioration du sort des blesséset des malades dans les forces
arméesen campagne. Genève. 12 août 1949, Nations Unies, Recireil rle.7traitfis. vol. 75,
p. 31: art. 50 de la convention pour l'améliorationdu sort des blessés.des malades et des
naufragés des forces armées sur mer, Genève, 12 août 1949, Nations Unies,ueil de.s
de guerre. Genève, 12 août 1949, Nations Unies.Recueil des rvaitfis, vol. 75. p. 335:iers
art. 85(1)du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12août 1949relaàif
la protection des victimes des conflits armés internationaux (protocol1).Genève.
8 juin 1977, Nations Unies.ecueil des traitfis. vol. 1125, p. 3.
'''Voir ci-après. par. 62171 MANDAT D'ARRÊT (OP. DIS. VAN DEN WYNGAERT)

tut de Rome portant création d'une cour pénale internationale perma-

nente requièrent la présence de l'accusé, ainsi qu'ilressort de diverses
dispositions de droit interne Il2 et d'un certain nombre de décisionsnatio-
nales, notamment dans l'affaire Surir au Danemark Il3, l'affaire Juvor en

France Il4 et l'affaire Jorgii. en Allemagne "'. En revanche, il existe égale-
ment des systèmesnationaux dans lesquels la présencede l'auteur de I'in-
fraction sur le territoire de 1'Etatengageant les poursuites n'est pas impé-
rative Il6.De plus, dans un mêmeEtat, les pouvoirs exécutifet judiciaire

peuvent avoir des avis différents surla question: ilest alors d'autant plus dif-
ficile d'y discerner I'existence d'une quelconque opiniojuris en ce sens Il7.
Mêmele fait qu'une législation nationale exige la présencede l'accusé

ne reflètepas nécessairement I'existence d'une opinio juris selon laquelle
cette présence serait requise en droit international. Les décisions natio-

"Voir par exemple le Code pénal suisse, art. 6 bis. I ; le Code pénal français,
art. 689-1; la loi canadienne de 2000 sur les crimes contre l'humanité et les crimes de
guerre, art. 8.
Il3Ministi.re public c. T., Cour suprême danoise (Hoejesteret), arrêt. 15 août 1995.
Ugeskr.ift,for Retsvue.serz,1995,p. 838, citédans I'Annutriredu droit internutionul hurnuni-
tuire de 1998, p. 431.et dans R. Maison, «Les premiers cas d'application des dispositions
pénales des conventions de Genève: commentaire des affaires danoise et française)).
EJIL, 1995, p. 260.
Il4Cour de cassation française (Juvor]. 26 mars 1996, Bull. crin^.1996,p. 379-382.
IlsBundesgerichtshof. 30 avril 1999,3 StR 215198,NStZ, 1999,p. 396. Voir également
le commentaire critique (Atimerkung) d'Ambos, ibid.. p. 405-406, qui ne partage pas
l'opinion desjuges selon laquelle un «lien»est nécessairepour ((légitimer» l'exercice,par

l'Allemagne. de sa compétence à l'égardde crimes perpétréspar des étrangersà l'encontre
d'autres étrangerset en dehors de son territoire. même dans le cas de crimes graves au
regard du droit international (il s'agissait en I'occurrcnce du crime de génocide).La Cour
allemande a toutefois estimérécemment,dans un arrêtrelatif à l'application des conven-
tions de Genève,qu'un tel lienn'était pasnécessaire.puisque la compétencede l'Allemagne
se fondait sur une règle contraignante du droit international instituant l'obligation de
poursuivre et que l'on pouvait donc difficileillent considérer l'exercice d'une telle com-
pétence comme une violation du principe de non-intervention (Bundesgerichtshof,
21 février2001, 3 StR 372100.consultable sur le site http:Ilwww.hrr-strafrecht.de).
Il6Voir, par exemple. les poursuites engagées enEspagne, en vertu de l'article 23-4 de
la loi no 611985du 1" juillet 1985sur le pouvoir judiciairà.l'encontre du sénateur Pino-
chet et d'autres ressortissants de pays d'Amérique du Sud dont les autorités espagnoles
demandaient l'extradition. En Nouvelle-Zélande. despoursuites peuvent êtreengagées
pour les ((principaux crimes)) de droit international, même si l'auteur présuméde ces
crimes ne se trouve pas dans le pays au moment où les autoritésjudiciaires décidentde
l'inculper (loi néo-zélandaise de2000 sur les crimes de droit international et la Cour
pénaleinternationale, art. 8, par. 1, al. c) iii).

Il7Le Gouvernement allemand vient d'adopter un projet de «code des crimes de droit
international »(V~lkerstrufgesri-huch) (voir Bundesministerium der Justiz, Mitteiliingfür
die Prc~sse02/02, Berlin. 16 janvier 2002) qui devrait permettre aux services allemands
chargésde l'application des loisd'engager des poursuites pour certaines infractions mêmesi
celles-cin'ont aucun lien avecl'Allemagne et que leur auteur présuméne setrouve pas sur
le territoire allemand. Aux termes de ce nouveau code, mêmes'il n'existeaucun lien avec
l'Allemagne, les services chargésde l'application des lois peuvent déciderde surseoir aux
poursuites uniquement dans le cas où le suspect estdéjà poursuivipar unejuridiction inter-
nationale ou par celle d'un Etat exerçant sa compétence territoriale ou personnelle (voir
Bundesministerium der Justiz, Et~tivurfein~s Ge.retzeszur Einführung des VGlkerstrufge-
serrh~lches,p. 19et 89.consultable sur lesite Inter:www.bmj.bund.delimagesl11222.pdf).nales doivent être interprétéea svec beaucoup de prudence. Dans l'affaire

Bouterse, par exemple, la Cour suprême desPays-Bas n'a pas estiméque
la présencede la personne soupçonnée était nécessaire envertu du droit
international, mais seulement en vertu du droit interne. Elle a décidéque,
et1droit néerlandrris M, . Bouterse ne pouvait faire l'objet de poursuites au

titre d'une telle compétence, mais elle n'a nullement dit que l'exercice de
celle-ci serait contraire au droit internationrrl. En fait, elle n'clpas retenu
la conclusion de l'avocat généralà cet égard'18.
56. L'affaire du Lotus constitue un précédentnon seulement en matière

de compétence, mais aussi au regard de la formation du droit internatio-
nal coutumier, ainsi que je l'ai dit plus haut. Une ((pratique négative))des
Etats consistant pour ceux-ci à s'abstenir d'engager des poursuites judi-
ciaires ne saurait être considérée, ensoi, comme révélatriced'une opi-

niojuris. C'est uniquement si cette abstention était délibéréq eue la pra-
tique pourrait donner naissance à une règle de droit international
coutumier'ly. Tout comme dans le cas des immunités, l'abstention peut
êtremotivéepar d'autres facteurs que l'existence d'une opiniojuris en ce

sens. En effet, un Etat peut avoir des raisons valables, d'un point de vue
politique ou pratique, de s'abstenir d'exercer sa compétenceen l'absence
de l'auteur de l'infraction.
Une compétence si étenduepeut être inopportune du point de vue poli-

tique: elle n'est pas propice aux relations internationales, et traduire en
justice les auteurs étrangers de crimes commis à l'étrangerrisque de heur-
ter l'opinion publique nationale. Pour autant, de tels procès ne sont pas
illicites au regard du droit international.

D'un point de vue prutique, il peut se révéler difficile de recueillir les
élémentsde preuve lors de procès concernant des crimes extraterrito-
riaux, à quoi s'ajoute le fait que les Etats peuvent craindre de surcharger
leurs tribunaux. Ce dernier motif a étéinvoqué par la cour d'appel bri-

tannique dans l'affaire Al-Acls~ni"~ et il semble que l'Assembléenatio-
nale française en ait expressément tiréargument pour écarter la compé-
tence universelle ilz abserztirr lorsqu'elle a approuvé l'application du
principe de la compétence universelle pour les crimes viséspar le statut

du Tribunal pénalinternational pour l'ex-Yougoslavie 12'.Quant au pro-

IlXVoir ci-dessus la note 5. Dans son arrêtdu 20 novembre 2000, la cour d'appel
d'Amsterdam avait décidé, entre autres. que des poursuites pouvaient être engagéespar
défaut contreM. Bouterse pour actes de torture (faits commis au Suriname en 1982). La
décisiona été annuléepar la Cour suprêmedes Pays-Bas le 18septembre 2001, au motif,
notamment. que la compétence universelle avait étéexercée~icih,sc,~lcis conclusions
de I'avocat général éerlandais sont annexéesl'arrêtde la Cour suprême,Io<,.<,: voir
les paragraphes 113à 137; voir aussi en particulier le paragraphe 138.
IlVoir ci-dessus. par. 13.
""Cour européenne des droits de l'homme. affaire Al-A(l.~~rri. Roj,u~rnic,-L'rii.
71 novembre 2001, opinion du juge Pellonpiiià.laquelle s'est ralliéle juge Bratza, con-
sultable sur le site http:llwww.echr.coe.int. Voir la discussion dans Marks. «Torture and
the Jurisdictional Immunities of Foreign States)),1. 1997.p. 8-10.
"' Voir leJolii-rr(rloffi<(/c11A.~~~~t~irh1r6io~?(i~, décembre 1994. 2' séance.
p. 9446.173 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

blème du rattachement à l'ordre interne, il semble revêtirun caractère
plus pragmatique que juridique. La volonté de procéder à un tel ratta-
chement ne constitue donc pas nécessairement l'expressiond'une doctrine
selon laquelle cette forme de compétence universelle serait contraire au

droit international.
57. Le thème de la compétence universelle a suscitéune littérature à la
fois abondante et savante i22.Je me contenterai de citer trois études réa-

liséespar des groupes de chercheurs: les «principes de Princeton » "', les
((principes du Caire» '3 et le ((rapport Kammingan au nom de l'Interna-
tional Law Association Iz5, en concentrant mon attention sur une ques-
tion: les auteurs plaident-ils, comme le Congo, que la compétence uni-

verselle in absentiu est contraire au droit international'? La réponse est
négative '26.
58. Ma conclusion est qu'il n'existe aucune règledu droit international

conventionnel ou coutumier. ni aucune doctrine juridique, susceptibles
d'étayerl'affirmation selon laquelle la compétence (universelle) à l'égard
des crimes de guerre et des crimes contre I'humaniténe peut êtreexercée
que si l'accusése trouve sur le territoire de 1'Etatqui engage une action à

son encontre.

b) Le droit intcrnutionui permet au.v Etats d'e.\-ercerutle compétence
universelle ù l'égurtl'des crinzes de guerre cjt des crirîzes contre
I'hun~unité

59. Le droit international permet à l'évidenceaux Etats d'exercer une
compétence universelle à l'égarddes crimes de guerre et des crimes contre

I'humanité. Pour les crimes contre l'lzumunité,il n'existe pas de disposi-
tion claire en droit conventionnel à cet égard, mais il est admis que, du
moins dans le cas de génocide,les Etats ont le droit d'exercer une com-
pétenceextraterritoriale "'. En revanche, les cxritîze.d re guerre font l'objet

de conventions internationales spécifiques.Le droit international permet

12'Pour des sources récentes, voir ci-dessusla note 98.
I2jVoir ci-dessus la notc 53.
Iz4Voir ci-dessus la notc 54.
'25Voir ci-dessus la note 51.
Bien que le libelle du deuxième paragraphe du principe I de Princeton puisse
quelque peu prêter àconfusion. il est clair que les auteurs n'entendaient pas empêcherun
Etat d'engager une procédure penale, de mener une enquête.de délivrerun acte d'accusa-
tion ou de demander l'extradition dans le cas où l'accusést pas présentsur le territoire.
ce que confirme le paragraphe 3 du principe 1.Voir Cornn~c,r~rri/oyn i/ic>Pvincc~toirPrirl-
<,iplc,.. 44.
12'A propo5 du génocideet de la convention sur le génocidede 1948,la Cour interna-
tionale de Justice a dit quelesdroits et obligations consacrés par la convention sont des
droits et obligationsrgrrortine.vet «que l'obligation qu'a ainsi chaque Etat de prévenir
et de réprimerle crime de génociden'est pas limitéeterritorialemcnt par la convention»:
affaire relatià I'Appli<~citiitelu <~or~vc~rzrioolrlrr lu pri.('lu ri./~rc.~.~iodrurcrirnc
gPt~o(.ide(B~~t~i~-Heï:G,yo~,in. ,Yougo.vlcri~ic,)c.,rcc,srl.lin7irztrirc.sr,rrrct. CI1.J.
Rccuril 1996 (II),p. 616, par. 31.aux Etats d'exercer une compétence universelle à I'égard des crimesde-
guerre, mais aussi à I'égard descrimes contre l'humanité. Dans le cas des
premiers, cette permission est confirméepar le droit international conven-
tionnel, plus précisémentpar l'article 146 de la quatrième convention de

Genève l'" qui énonce le principe (tut declereuzrt,j~(dic~~p rour les crimes
de guerre perpétrésà l'encontre de civils IN'.
Cette convention est probablement la première, dans l'histoire des
conventions de droit international pénal, a avoir codifiéle principe (lut

tlelkereaut judicrrre: en effet, si celui-ci existe depuis Hugo Grotius dans
la doctrine juridique. et a sans doute des origines plus lointainesencore 13".
ce n'est qu'en 1949 qu'il a étéinscrit dans le droit international conven-
tionnel. D'autres instruments plus anciens, comme la convention de 1926

relative a l'esclavage'" ou la convention de 1929 pour la répression du
faux monnayage 132, exigent des Etats qu'ils réglementent la c.otnpétc~nce,
mais sans leur imposer l'obligation (rutcktlere uzlt,judicare. Les conven-
tions de 1949 sont vraisemblablement les premières à consacrer ce prin-

cipe dans un article qui prévoit à la fois l'exercice de la compétence et
I'obligation de poursuivre.
Les rédacteurs des conventions ultérieures ont étéplus préciset ont

inclus dans ces textes des dispositions portant spécifiquementsur la com-
pktenc.~,d'une part, et sur l'obligation de poursuivre (uut lletterc,uutjudi-
ccrrc), d'autre part. C'est le cas notamment de la convention de 1970
pour la répression de la capture illicite d'aéronefs(art. 4 et 7 respective-

ment)'33 et de la convention de 1984contre la torture (art. 5 et 7 respec-
tivement) 134.
60. Pour évaluer dans quelle mesure ilest permis aux Etats d'exercer
une compétence universelle à I'égarddes crimes de droit international, il

importe que les conventions de droit international pénal établissent une
distinction entre les dispositions relatives à la (.on~pc;t~/~c et celles rela-
tives à I'ohligtrtiot~(lepoursuivre ((rut dc3der.c (lutjzldic.~rrc').
61. Dans ces conventions, les dispositions relatives à la c.o/n/?étcric.c

IzXVoir ci-dessus In note 110.
'"'Voir comitéinternational de la Croix-Rouge. N(~tiorrriOl ?fOr.c~crire~nft'Ir~tc~rnorioirtrl
f~ur~~c~r~ifurLi(ui.: L'II~LY,~.Jur./.rdicf~oto7vc~ K'cirC'rirr~Rc;pre~.~.xiro~itioi~(dI,.\~
violririotr.~dit tlroit itrtc~ri~(rilr~rciiritoiIc:c~or~rp6tc,rru(ii~c~r.s<~,lir~rtrtiici,.
ciirrictkeguc,r.rc,l.consultable sur le site: littp:llwww.icrc.orgl: R. vari(<lmplement-
in&Universal Jurisdictioii over Grave Breaches of the Geiieva Corivenlions». LJIL. 2000,
vol. 13, p. 815-854.
13"G. Guilla~~nie.<<Lacompétence universelle. Formes ancieriries ct nouvelles». dans
h.l<:lritrgrc~!.fsfcGc~orgc,Lsci.rr.,.\c. 992. p. 27.
"' Co~iventionrelative à l'esclavage. Genève. 25 septembre 1926.Sociétédes Nations.
Recueil r1c.ctr.uiti.s,vol. 60. p. 253.
'" Convention pour la répressiondu faux nionnayage. Genève, 20 avril 1929, Société
des Natioris. Rc,c,u<,ili<sriitfic..vol. 112, p. 371.
'" Convention pour la répressionde la capture illicited'aéronefs,adoptée à La Haye le
16 décembre 1970, ILM. 1971, p. 133.
Convention contre 12torture et autres peines LI traitcrnents cruels. inhumains ou
dégradants. adoptée h New York le 10décembre1984.ILM. 1984,p. 1027,modifiéedans
ILM, 1985, p. 535.175 MANDAI' D'ARKÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAEKT)

imposent habituellement aux Etats de se doter d'une compétence extra-
territoriale, mais ne leur interdisent pas d'exercer leur compétence confor-
mément à leur législationnationale. Mêmelorsqu'elles ne prévoient pas

la compétence universelle, ces dispositioiis ne l'excluent pas non plus, pas
davantage qu'elles ne demandent aux Etats d'éviter d'exercercette forme
de compétence en vei-tu de leur droit interne. Ce principe est liabituelle-
ment exprimé par la formule suivante: «[l]a présenteconvention n'écarte

aucune compétence pénale exercéeconformément aux lois nationales)).
que l'on retrouve dans un grand nombre d'instruments. notamment dans
la convention de 1970 pour la répression de la capture illicite d'aéronefs

(art. 4, par. 3) et dans la convention de 1984 contre la torture (art. 5.
par. 3).
62. Les dispositions relatives à l'ohlig~ltion tic] po~rr.szriiv-c(~(ILI/ dc,dc>rr

crirtjurlic~~rr) lient parfois cette dernière à l'extradition, dans le sens où un
Etat n'est tenu de poursuivre un suspect que ((s'il n'extrade pas ce der-
nier)). C'est notamment le cas de l'article 7 de la convention de 1970pour
la répressionde la capt~ireillicite d'aéroiiefset de l'article 7 de la coiiveil-

tioii de 1984contre la torture. Toutefois, cela ne signifie pas qu'un Etat
ne puisse poursuivre un suspect cl~tcs'il a refuséde l'extrader.
On ne retrouve assurément Das cette formule dans l'article 146 de la

quatrienie convention de Genève. dont certains auteurs affirment qu'il
fait mêmepasser l'obligation de poursuivre avant celle d'extrader: /)ritno
~r.o.verlui..sc~<~zrnr~leclcrr 13'.Mêmeen considérant que la notion de com-
pétence~iniverselletelle que la voit la doctrine présuppose la présencede

l'accusé,rien dans I'articlc 146 ne permet de conclure au caractère obli-
gatoire de cette présence"".

2. Lrr c.o~lip>tctzc.cu~r~ii.cr.sc~l~~'e~.pstt~s c.orltrrrir1/11/lrill(.ipe> (.ot11/11é-
t>~cntlirit& /cl il~i'6rzo11c.cp;rrr Ic .st~tr~rt(le, Ro~~icj17ort~111<t.r.c;~rtio(le,ILI
COilr./)(;tl(lI> illtc'rll~ltiolllll~

63. D'aucuns font valoir que, en vert~idu statut de Ronie, les auteurs

présuniésde crimes de guerre et de crimes contre l'humanité devront être
poursuivis par la Cour pénale internationale et non par des Etats qui
voudraient exercer une compétence universelle, et que, déslors, les Iégis-

lations nationales qui. comme celle de la Belgique, prévoient la compé-
tence ~inivei-selleseraient en contradiction avec cette nouvelle approche et
risq~ieraient d'entraver le fonctionnement de la Cour pénale internatio-

nale. C'était aussi la thèse du Congo dans le présent différend'''.

'" Les coii~entioris de Gciièbede 1940sont ~iiiiclucsen ce cl~i'clle5prkioiei~irinéca-
nisiiic qui va pl~isloin que l'obligationcrut tlecl<our,jirrlic,<riiniposaiiiiiisEtiits ce
que 1'01po~~rr:iitappelerIcirègle«trrlr jir(lic~(ILIr/c,r/c,rou même nl~ririio prosc~lui,
~<'c,i~ri(/(o/?</<Voir, respeclivcnleiitK. i,iiil Eih/oc,.<,ip. 818-810. et M. Hcnzcliii.
op. c.ir.. 353. par. 1111.
'"'Voir M. Henzeliii.011.c,itp. 354. par. 1113.
'" Voir le niCii~oii-cd121Rcpubliq~iedemocratiq~ie du Congo. p. 59: <<Obligationdc
iiepiis pi-iverle Stat~iide le Cotir pL:iialeinternniioii:son tobjet etdc son but.>> 64. Cette thèse est erronée. Le statut de Rome n'interdit pas l'exercice
de la compétence universelle. Il serait absurde d'interpréter ce statut

comme limitant à 1'Etat de nationalité, A 1'Etat territorial ou à la Cour
pénaleinternationale la compétence à I'égarddes crimes les plus graves.
Les dispositions du statut qui traitent de la compétence énoncent les

conditions requises pour que la Cour pénale internationale puisse con-
naître d'une affaire (art. 17 du statut de Rome, principe de la complé-
mentarité); on ne saurait y voir une restriction généraleinterdisant aux
Etats tiers d'enquêteret d'engager des poursuites en cas de crimes particu-
lièrement graves. Le statut de Rome n'empêcheassurément pas les Etats

tiers (autres que 1'Etatterritorial et I'Etat de la nationalité) d'exercer une
compétence universelle. On ne saurait le déduire de son préambule, qui
affirme sans équivoque que l'objectif viséest de faire échec à I'impunité.

En outre, I'opiniojuvi.~qui se dégagedes résolutionsdesNations Unies '38
insiste sur la lutte contre l'impunité, l'obligation individuellede répondre
de ses actes et le devoir de to~rsles Etats de punir les auteurs des crimes
les 1us gbaves.
65. Un aspect pratique important réside dans le fait que la Cour

pénaleinternationale ne pourra pas traiter toute.\ les infractions. et que le
besoin existera toujours de voir les Etats tiers - notamment, mais non
exclusivement, ceux de la nationalité et du territoire - ouvrir des

enquêtes et engager des poursuites pour punir les crimes les plus graves,
en particulier en cas de simulacre de procès. En outre, la Cour pénale
internationale ne sera pas compétente à l'égarddes crimes commis avant
l'entrée en vigueurde son statut (art. 11). Si les auteurs de ces crimes-là
ne pouvaient êtrepoursuivis par le biais d'autres mécanismes tels que

les juridictions nationales exerçant une compétence universelle, il en
découlerait une impunité inacceptable'".
66. Le statut de Rome ne constitue pas un nou~,ruufondement juri-

dique à l'établissement de la compétence universelle d'Etats tiers. Ilne
l'interdit pas, certes, mais il ne l'autorise pas non plus. II s'ensuit que.
pour ce qui est des crimes relevant du statut de Rome (crimes de guerre,
crimes contre l'humanité, génocideet, peut-être,a l'avenir, agression et

autres crimes), les sources de droit international préexistantes conservent
toute leur importance.

3. Conclusion

67. L'article 7 de la loi belge de 199311999,qui donne effet au principe
de la compétence universelle à I'égarddes crimes de guerre et des crimes

contre l'humanité, n'est pas contraire au droit international. Ce dernier
n'interdit pas aux Etats de se doter d'une telle compétence normative. Au
contraire, il les autorise et les encourage même A prévoircette forme de
compétencepour empêcherlespersonnes soupçonnées de crimes de guerre

'lx
Voir ci-dessus les no48 et49
lx')Voir ci-dessus, pa37.177 M.4ND4T D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN ~YNGA~KT)

et de crimes contre l'humanité d'échapper à la justice. Une telle compé-
tence ne va pasà l'encontre du principe de complémentaritétel qu'énoncé
par le statut de Rome portant création de la Cour pénaleinternationale.

IV. EXISTLN LCD'LIN 1AIT INTERNATION4LFMENT ILLICITE

68. Après avoir conclu que les ministres des affaires étrangères en
exercice bénéficientd'une immunitéde juridiction pénaletotale à I'étran-
ger (par. 54de l'arrêt), mêmleorsqu'ils sont accusésde crimes de guerre
ou de crimes contre l'humanité(par. 58 de I'arrêt),la Cour internationale
de Justice examine si l'émission et la diffusion du mandat d'arrêtdu

11 avril 2000 constituaient une violation de ces règles. Concernant
1'érni.tsioet la di/fu.tiorzde ce mandat, la Cour conclut respectivement:

«que l'émissiondudit mandat aconstitué une violation d'une obliga-
tion de la Belgique à l'égarddu Congo, en ce qu'elle a méconnu
I'immunitéde ce ministre et, plus particulièrement, violél'immunité
de juridiction pénaleet l'inviolabilitédont il jouissait alorsvertu

du droit international)) (par. 70 de I'arrêt)
«que la diffusion dudit mandat, qu'elle ait ou non entravé en fait
l'activité diplomatique de M. Yerodia, a constitué une violation

d'une obligation de la Belgique à l'égarddu Congo, en ce qu'elle a
méconnu l'immunitédu ministre des affaires étrangèresen exercice
du Congo et, plus particulièrement, violél'immunitéde juridiction
pénaleet l'inviolabilitédont iljouissait alors en vertu du droit inter-
national)) (par. 71 de I'arrêt).

69. Ainsi que je I'ai déjàfait remarquer au début de mon opinion, je

trouve extrêmement regrettable que la Cour, dans ces deux phrases capi-
tales de son argumentation, ne mentionne pas que le mandat d'arrêt
concernait des crimes de guerre et des crimes contre I'liuniaiiité.Le dis-
positif non plus n'en fait pas mention (par. 78. al. 2, de I'arrêt).
70. Je ne souscris pas à la conclusion selon laquelle il y a eu violation

d'une obligation de la Belgique iil'égarddu Congo, parce que j'en rejette
le postulat de départ. Pour les raisons exposées plushaut, M. Yerodia ne
bénéficiaitpas en Belgique de l'immunitéde juridiction pour les crimes de
guerre et les crimes contre l'humanité. Comine je I'ai dit précédemment,
cet étatde fait est peut-êtrecontraireA la courtoisie internationale, mais
aucune règledu droit international coutumier ou conventionnel n'accorde

d'immunitéà des ministres des affaires étrangèresen exercice soupçonnés
de criines de guerre et de criines contre l'liuinaiiité.
71. En outre. M. Yerodia n'a en fait jamais étéarreté en Belgique,
et rien ne prouve qu'il ait étéenipêchéd'exercei- ses fonctions à I'étran-
ger. Associant ce qui précèdeaux reniai-ques sui- la co~npétenceuni-

verselle que j'ai formulées au chapitre précédent,je souliaite établii-une distinction entre les deux «actes>>que la Cour internationale de

Justice, dans son arrêt, qualifie de violations du droit international
coutumier:d'une part, l'én~i.s.siodu mandat d'arrêtlitigieux et,d'autre
part, sa cliffitsion.

1. L'émission en Belgique tlu ~nunci'cltc/'~rrr.L;littigieu'i n'Ptuit pus
contraire rrudroit intcrrzc~fionrrl

72. M. Yerodia n'a jamais étéarrêté,pas davantage lors de sa visite

officielle en Belgique, en juin 2000140,que par la suite. Si la Cour avait
appliqué la seule disposition de droit international conventionnel perti-
nente en l'affaire, à savoir l'article 21. paragraphe 2, de la convention sur
les missions spéciales,elle n'aurait pu parvenir à la conclusion qui est la
sienne aujourd'hui. Cet article prévoitque les ministres des affaires étran-

gères,
((quand ils prennent part à une mission spécialede 1'Etat d'envoi,
jouissent, dans 1'Etat de réception ou dans un Etat tiers, en plus de

ce qui est accordépar la présente convention, des facilités, privilèges
et immunités reconnus par le droit international» '"'.
Au vu de cette disposition, on ne pourrait conclure en l'espèce qu'à

l'absence de violation, puisque le mandat d'arrêt n'a jamais été exécuté,
ni en Belgique, ni dans un Etat tiers.
73. La Belgique a accepté, conformément aux règles de la courtoisie
internationale, que le mandat d'arrêtne soit pas exécuté A l'encontre de
M. Yerodia si ce dernier devait se rendre en visite officielle en Belgique.

Cette immunité d'exécutionétaitexdicitement wrécisée dans le mandat:
celui-ci n'était pas exécutoire et n'a, de fait, pas étésignifiéni exécuté
lorsque M. Yerodia a effectué une visite officielle en Belgiclue en juin
2000. La Belgique a donc respectéle principe énoncéà l'article 21 de la

convention sur les missions spéciales, principe qui ressortit non pas au
droit international coutumier mais uniquement à la courtoisie internatio-
nale la.
74. 11 s'agit là des seuls klétî~etrtsohjec.tif:sque la Cour aurait dû

'"'La visite officiellede M. Yerodia en Belgique n'est pas mentionnéedans l'arrét,les
Parties au différend ayant étéassez ambiguës sur ce point. Pourtant semblerait que
M. Ycrodia s'est effectivement rendu en Belgique le 17juin 2000. Cette visite a étérap-
port&~par les mkdias (voir le déclaration du ministre des affaires étrangkresau jouriial
Be Sitrncltrtr7 juillet 2000) et évoquéeà l'occasion d'une questionparlementaire
adresséeau ministre dc la justice: voir question orale de M. Tony Van Parys au ministre
de la justice sur «l'intervention politique durriement dans le dossieà charge du
ministre congolais des affaires étrangères. M. Yerodia)Clirrrizhrc,(les rc,pri.sc,rlttrnfi
th /tr Belcyicluec,onzpter.<rlP~rrrlrri.c,cc.oif~/~trco,iithrciCommission de la
J~isticc, 14no~embre 2000. CRIV 50 COM 394, p. 12. Mêmesi ce fait ne faisait pas. en
tant que tel. partie du dossier judiciaire, je suis d'avis que la Cour internationale de
aurait pu le prendre eri considération.
'-Voir ci-dessus, par. 18.
'-Voir la dkclaration du rapporteur spécialde la Comnlission du droit international
citée ci-dessus.r. 17.prendre en considération. Les éléments subjectif:s,autrement dit la question

de savoir si le mandat d'arrêta produit un effet psychologique sur M. Yero-
dia ou s'ila été perçuconime une offense par le Congo (voir le terme i~juritr
employépar Mc Rigaux tout au long de sa plaidoirie, en octobre 2001 Id3,et
les termes c~~piti,sdiiilii~lltioemployés par Mc Verges dans la sienne,

en novembre 2000 '44),sont dépourvusde pertinence en l'espèce.Le mandat
d'arrêtn'était susceptibled'avoir un effet juridique sur M. Yerodia en tant
que particulier que dans la mesure où celui-cise serait rendu à titre privéen
Belgique, ce qui n'a pas étéle cas.
75. Dans son dispositif (par. 78, al. 2, de l'arrêt),la Cour estime que

la Belgique a méconnu l'immunitéde juridiction pénaleet I'inviol~rhilit~;
des ministres des affàires étrangèresen exercice. J'ai déjàexposéles rai-
sons pour lesquelles j'estirne qu'il n'y a pas eu violation des règles rela-
tives à I'iti~tll~i~itc;e juridiction péiîale. Il m'est difficile de coinprendre

comment. LIU SLI~~IL (lSCour utilisant le mot (cet»), la Belgique aurait pu
méconnaître I'itzvioluhilit6de M. Yerodia par la seule diffusion d'un acte
qui n'a jamais étéexécuté.
L'arrêtn'explique pas ce qu'il entend par «inviolabilité». et se borne à

accoler ce terme au mot «immunité». Ce peut êtreuile source de confu-
sion. La Cour estime-t-elle qu'il n'y a pas de différenceentre un mandat
rjkcern6 et un mandat eskcut6'? Cela signifierait-il que les enquêtesrela-
tives à des accusations formulées à l'encontre d'un iiiinistre des affaires

étrangèresseraient contraires au principe de l'inviolabilité?
Il est clair que, en ce qui concerne les agents diploinatiques, qui
jouissent d'une immunitéet d'une inviolabilitéabsolues en vertu de la con-
vention de Vienne sur lesrelations diplomatiques de 1961 un crimequ'un

diplomate est soupçonné d'avoir commis peut faire l'objet d'une enquête
aussi longtemps que le diplomate n'est pas interrogé ou citéà compa-
raître enjustice. M. Jean Salmon se prononce trèsclairemeiit àcet égard 14('.
M. Jonathan Brown note que, dans le cas d'un diplomate, un acte de cita-

tion (~.S.SLILI II(.C SIIMIIII~IIS ou) d'inculpation (i.r.sumlcr of'ri (,licir,yr)
méconnaîtrait probablement I'itlltiluilitc;du diplon~ate. alors que I'exécu-
tion de ces actes méconnaîtrait vraisemblablement son ii~~~iol~r/~ilirr~~~~.
Si, de l'interprétation du dispositif de I'arrêt,il ressortait que le simple

fait d'ouvrir une enquêteau pénal à l'encontre de ministres des affaires
étrangères méconnaîtl'inviolabilitéde ceux-ci, cela impliquerait que ces
ministres jouissent d'une plus grande protection que les diplomates en
vertu de la convention de Vienne. Cette protection irait clairement au-

delà de ce qui est actuellernent acceptéen droit international à l'égardde
diplomates.

14'CR 700115, p. 14.
I4TR 7200132.
IJiConvention surles relations diplomatiq~ies. Vicnnc. 18 avril 1961. Nations Unies.
Rcc.crc,/t,.ti.rrit.ol. 500, p. 95.
14" .s.a1mon. Mtri?~~tl (/i.oirr/iploii~r~t,994. p. 304.
J. Brown. <Diplornatic Imiii~inity:State Practicc uiithe Vienna Convcntioii on
Diplornatic Relations)). IC'LQ. 1988.vol37. p.53. 2. Lu diffusion internationale du t71undrrtd'urrêr

Iitigirusn'duit pus contruirc
riu droit iiztrrrzutionul

76. La question de la diffusion du mandat d'arrêtest quelque peu dif-
férente,car l'on pourrait faire valoir que diffuser un tel mandat à l'échelle
internationale revenait à exercer une compétence t/'es~$c,utionce qui, en
vertu du critère de l'arrêtdu Lotus, est en principe interdit. Selon ce cri-

tère, un Etat ne peut étendre sa compétence au territoire d'un autre Etat
que si le droit internationall'yautorise. C'est la ((limitationprimordiale))
qu'impose le droit international aux Etats'".
77. Mêmeen admettant, à l'instar de la Cour, qu'il existe une règlede
droit international coutumier visant à protéger les ministres des affaires

étrangèresde toute procédure pénale engagéepar un Etat tiers, y compris
lorsqu'ils sont soupçonnésde crimes de guerre et de crimes contre l'huina-
nité, il resterait à démontrer que la Belgique a effectivement violécette
régle en exerçant une compétence d'exécution. L'intitulé du mandat
d'arrêt,qualifiéde «mandat d'arrêt iiztcrizutio~zudans le document éta-

bli par le juge belge, a provoqué une grande confusion. II s'agit là d'un
intitulé très trompeur tant en droit belge qu'en droit international. Les
mandats d'arrêtinternationaux proprement dits n'existent pas, pas plus
en droit belge qu'en droit international. Les termes utilisésdans le man-
dat étaientcertes de nature à créerune confusion, mais ce n'est pas parce
qu'un document porte un intitulétrompeur qu'il produit en réalitél'effet

suggérépar celui-ci.
78. L'expression ((mandat d'arrêt intrrnntionc~l» est trompeuse en ce
qu'elle donne i penser que le mandat en question peut êtreexécutédans
un Etat tiers sans avoir étévalidépar les autorités locales. Or, tel n'est
pas le cas: une validation par les autorités de 1'Etat où se trouve la per-

sonne viséepar le mandat est toujours indispensable. En conséquence, le
mandat d'arrêtbelge décernéà l'encontre de M. Yerodia ne pouvait pas,
mêmeaprès sa diffusion par le biais d'Interpol, êtreautomatiquement
exécutédans tous les Etats membres de cette organisation. Ce mandat
peut avoir occasionné des désagréments perçuscomme une offense par

M. Yerodia ou par les autorités congolaises, mais il ne constitue pas en
soi une restriction au droit du ministre congolais des affaires étrangères
de voyager et d'exercer ses fonctions.
Je n'ai connaissance d'aucun Etat qui exécute automatiquement des
mandats d'arrêtémisdans d'autres Etats, pas mêmeau sein de structures

régionalescomme l'union européenne. De fait, le débat qui est en cours
à propos du niand(~t rl'urrL;t europkeporte sur une proposition visant à
introduire quelque cliose qui n'existe pas actuellement: une règlepermet-

Voir ci-dessupar. 49

181tant à tout Etat membre de l'union européenne d'exécuterautomatique-
ment les mandats d'arrêtémisdans un autre Etat membre de

Actuellement, les mandats du genre de celui qui a étédécernépar lejuge
belge à l'encontre de M. Yerodia ne sont pas automatiquement exécu-
toires en Europe.

Dans le cadre des relations interétatiques, lorsqu'un Etat veut s'assurer
la présence de délinquants qui ne se trouvent pas sur son territoire, la
démarche à suivre consiste à en demander i'e.\tru(litioi~.C'est dans cette

optique que doivent êtreexaminésles effets juridiques du mandat d'arrêt
belge dans les Etats tiers. Lorsqu'un juge décerne un mandat d'arrêt
à l'encontre d'un suspect dont il pense qu'il se trouve à l'étranger. ce
niandat peut déboucher sur iirie demande d'c.vtrclditiot~,sans toute-

fois que cela soit automatique: c'est au gouvernement de demander ou
non I'e~tradition'~~'.Les demandes d'extradition sont souvent pré-
cédées d'une clernunci~t~ l'rirrc.vrrrtioproi1i.soirc~ulr'i,firz.vtl'c.utrc~rlitiorz.

C'est la l'objet des tzotic.c>r sougr.s rl'lntc~rpol.Les notices rouges sont
émisespar Interpol à la demande d'un Etat souhaitant qu'un Etat tiers
arrêteprovisoirenient, en viie de l'extrader, la personne viséedans le man-

dat. Les Etats ne donnent cependant pas tous cet effet à une notice
rouge d'Interpol 15'.
Les demandes d'arrestation provisoire sont, à leur tour, souvent pré-
cédéesd'une cl~mctncle (/clrrc.hcrclzeinrerrlrrtioncrieq ,ui vise à localiser la

personne désignéedans le mandat d'arrêt. Cette <<communication» n'a
pas l'effet d'iine notice rouge et ne con~prend pas de demande d'arresta-
tion provisoire de la personne désignée.Certains pays peuvent refuser

l'entréesur leur territoire à une personne dont le nom a étédiffusépar le
biais d'Interpol oii qui a fait l'objet d'une demande d'émissionde notice
rouge. Cependant, il s'agit là d'une question de droit interne.
Les Etats peuvent également interdire la visite officiellede personnes

soupçonnées de crimes au regard du droit international. en leur refusant

14"Voir laPropo.\itiori(1. tlic.i.siori-c~rrttIrlr(i, Coii.s<,irlc,lrrtii.co,rrr~rtriitltrtfl'trrr?lclrro/~,icri
LIII/~~~oc(;drrr(sr<,riii~cc,,Et(ll~ 1\4<,/1i(,oc~imentCOM(2001)572). disponible
sur Internet:http:lle~iropa.eu.intleirr-lex. Une vei-sion modili6e en date du 10 décembre
2001 figure dans le document 1486711101REV 1 COPEN 79 CATS 50.

15"Souve~it.les gouvernen~eiits s'abstiennent de demander I'cxtradition po~irdes rai-
sons politiques, comme on l'a vu dans Ic cas de M. Ocalan. dont I'Allemagne a décidé
de ne pas solliciter l'extraditiauprès de l'Italie. Voir les comptes rendus publiéà ce
s~ijetdans la presse: ((Bonn stellt .4uslicfcr~1ngscrsuchcnfür Ocalnn zurück>>firirrk-

f~rrrcr,411g(~rii<~iZtrrrig21 novembre 1008,,et ((Die R~indesregierungvcrzichtct clid-
gültig a~ifdie Aiislielèrung des Kurdenführers 0c;iln,iFrrriikfirrrc,rAll,ycv~irc~tlrrr~.
28 no\embre 1998.
Ii'Iiitci-pol. secrétariat gt:ntRtr/)/)or/ .sliri.cilcrrrj~rritlitlii(,tli,s rioti<,c,srorr,yc,.s.
OIPC-Interpol. a5semblt:cgén6r>ile .6'session, New Delhi. 15-21octobre 1997.AGNI661
RAPI8. n" 8 ((noticesrouges)). tel que niodifit:coril'oriiiét la résolutionri" AGNI661
RESI7.un visa, ou refuser de les accréditer si elles sont proposées pour un poste

diplomatique 15<mais, là encore, c'est une affaire interne propre à chaque
Etat tiers, et non laconséquenceautomatique d'un mandat d'arrêt décerné
par un juge.
79. Dans le cas de M. Yerodia, la Belgique a transmis le mandat
d'arrêtà Interpol (finjuin 2000), mais elle rie lui a pas demandéd'émettre

une notice rouge avant septembre 2001, date à laquelle M. Yerodia avait
cesséd'exercer toute fonction ministérielle.Il s'ensuit que la Belgique n'a
jamais demandé à aucun pays d'arrêter provisoirement M. Yerodia aux
fins d'extradition pendant qu'il était ministre des affaires étrangères.Le

Congo affirme que M. Yerodia a vu sa libertéde mouvement restreinte
par le mandat d'arrêt belge. 11ne fournit toutefois aucun éléilientde
preuve àl'appui de cetteaffirmation. Il semble, au contraire, que M. Yero-
dia ait effectuéun certain nombre de voyages à I'étrangeraprès la diffu-
sion du mandat par le biais d'Interpol (en 2000), notamment pour assis-

ter à titre officiel à une conférencedes Nations Unies. Lors des audiences,
il a étéditque, au cours de ce voyage à New York, M. Yerodia avait choisi
le pllis court trajet entre l'aéroport et le bâtiment des Nations Unies,
parce qu'il craignait d'être arrêté15'.Cette crainte, qu'il peut avoir éprou-

vée,tenait à des raisons psychologiques et non pas à des motifs juri-
diques. Aux termes de la convention des Nations Unies de 1969 sur les
missions spéciales, M. Yerodia ne pouvait pas être arrêté dans un pays
tiers pendant un voyage officiel. Lors des voyages officiels qu'il a effec-
tuésà I'étranger,il n'a fait l'objet d'aucune mesure decontrainte en appli-

cation du mandat d'arrêtbelge.

80. Le mandat d'arrêt n'était exécutoire - et, de fait, n'a pas étéexé-
cuté - ni dans le pays ou il a étéCnîis(la Belgique), ni dans les pays où
il a étécliff~~.II n'a pas étéexécuté ci7Brlgirluc.lors de la visite officielle
de M. Yerodia en juin 2000. Cet Etat n'a pas formulé de demande

d'extradition auprès de pcij:stiers, ni de demande d'arrestation provisoire
aux fins d'extradition. Le mandat n'était pas un ((mandat d'arrêt inter-
national)), malgréles mots employéspar le juge belge. Il ne pouvait pas
produire cet effet, ni en Belgique ni dans des pays tiers, et cela n'a pas été

le cas. Le fait internationalement illicite reprochéà la Belgique était une
mesure purement interne, sans effet -ffi.ctfextraterritorial.

81. La République démocratique du Congo a sollicitéde la Cour deux
mesures de réparation différentes: ci) un jugement déclaratoire consta-

15'Voir les comptes rendus publiésdans la presse daàopropos des hésitationsdu
Gouvernement danois concernant I'accréditationun ambassadeur d'Israël. ~oir ci-
dessus la ilote 21.
'" CR R001/10120.tant le caractère illicite, au regard du droit international, du mandat et de

sa diffusion dans le cadre d'Interpol et h) une décisioiiappelant la Bel-
gique à mettre à néantet à ((retirer de la circulation)) le mandat. La Cour
a fait droiti ces deux demandes: elle a dit cl)que l'éniissioiidu mandat
d'arrêtet sa diffusion sur le plan interiiational avaient constitué des vio-
lations d'une obligation juridique de la Belgique à l'égardde la Répu-

blique démocratique du Coiigo (par. 78, al.2, du dispositif de l'arrêt) et
(1) que la Belgique devait, par les moyens de son choix, iiiettre à néant
le mandat d'arrêtdu II avril 2000 et en informer les autorités auprès des-
quelles ce mandat avait étédiffusé(par. 78, al. 3, du dispositif de l'arrêt).
82. J'ai exposé,dans les deuxième, troisièmeet quatrième parties de la

présente opinion dissidente, consacrées respectivement aux immunités, à
la compétence et à l'existence d'un fait iiiternatioiialeinent illicite, les rai-
sons qui m'avaient amenée A voter contre l'alinéa 2 du paragraphe 2 du
dispositif relatif à I'illicédu niaiidat d'arrêtau regard du droit interna-
tional: j'estime que le droit international positif ne faisait pas obligatioiî

à la Belgique d'accorder l'immunité à M. Yerodia dès lors que celui-ci
étaitsoupçonnéde crimes de guerre et de crinies contre I'huinanitéet que,
de surcroît, la Belgique étaittout à fait fondéeà vouloir exercer, pour de
tels crimes, sa compétence extraterritoriale A l'encontre de M. Yerodia.
83. Il me reste à expliquer pourquoi j'ai votécontre l'alinéa 3 du para-

graphe 78 du dispositif, appelant la Belgique à mettre à néantet à ~reti-
rer de la circulation)) le iilandat litigieux. Même A admettre, pour les
besoins de l'arguiiientation que leiiiandat d'arrêt étaiitllicite enl'an 2000,
illie l'étaitplus lorsque la Cour s'est pronoiicéeen la présenteespèce. La
violation d'une obligation internationale qu'aurait coinmise la Belgique

n'avait pas de caractère continu: elle a peut-êtreduré tant que M. Yero-
dia était en fonction, mais elle ne s'est pas perpétuée au-delà 15? C'est
pourquoi je pense que la Cour internatio~iale de Justice ne peut demaiides
à la Belgique de mettre à néant et de ((retirerde la circulation)) un acte
qui ne revêtaujourd'hui aucun caractère illicite.

84. Dans soli contre-mémoire et dans ses plaidoiries, la Belgique a
soulevé trois exceptions préliminaires fondées sur le changement inter-
venu dans les foiîctions de M. Yerodia. Selon la Belgique, le fait que
M. Yerodia ne soit plus iniiiistre aujourd'hui signifiait que: rr) la Cour
n'avait plus compéteiice pour connaître du différend, h) l'affaire était

devenue sans objet et <,) la requêtedu Congo n'était pas recevable. La
Cour a rejetéces trois exceptions préliminaires.

liJVoir I'arriclc 14 des projets d'articles de 2001 sur la rcsponsabilité de 1'Etat pour
Iàit internationalemenillicite élaborés par la Corn~nission du droit international
(Nations Unies, doc. AICN.4IL.60?IRc\. 1).re;iI'exteiisiondans le temps de la \:iola-
tion d'une obligation internatio~iale. qui énonce:
« 1. La violation d'~iiieobligatioii internationale par le ïait de I'LIII ~i'ayantpas
caractère coiitarIICLaIu 1ll0111enotii le fait se produit. mêmesi sesellèts pcrdurcnt.

2. La violatioii d'une obligation internationale par le Iàit de I'Etat ayant un carac-
tèrecontinu $'&tendsur toute la périodedurant laq~icllele fait continue et reste iioti
conforme à l'obligation internatio)>le. 184 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

J'ai votéen faveur de cette décision dans les trois cas. Je partage l'avis
de la Cour lorsqu'elle conclut que la Belgique avait tort sur les questio~is
de conlp6tetzce et de recrvrrhilit6. Il existe une solide jurisprudence mon-
trant que, aux fins d'apprécier la c~omp6tctice de la Cour pour connaître

d'une affaire et la rrc.evahilité d'une requête,la date pertinente est celle
du dépôt de cette dernière (en l'espèce, M. Yerodia était encore ministre
à cette date) et non celle du prononcé de l'arrêtde la Cour (M. Yerodia

n'était alors plus ministre). Ce principe ressort de plusieurs précédents,
dont le plus notable est celui de l'affaire Lockcrbie'55. C'est pourquoi je
souscris aux sous-alinéas B) et D) de l'alinéa 1 du paragraphe 78 de

l'arrêt.
J'ai davantage hésitée , n revanche, sur la question du non-lieu. La Cour
a estimé à ce sujet que la requête du Congo n'était «pas dépourvue

d'objet )>(par. 78,al. 1, sous-alinéaC)). Il ne ressort pas de l'affaire Locku-
hie que, aux fins d'apprécier le défautd'objet d'un différend,la date per-
tinente soit celle du dépôtde la requête 15? Une affaire peut êtreprivéede
son objet en raison d'un événement postérieurà ce dépôt. La question

était donc de savoir si, dans la mesure où M. Yerodia n'exerçait plus la
fonction de ministre des affaires étrangères,il y avait toujours lieu, pour
1'Etatdéfendeur, de rencontrer les moyens de 1'Etatdemandeur. Je pense

que oui, pour la raison suivante: ce n'est pas parce qu'un acte présumé
illicite a cesséd'êtreque son illicéitédisparaît. De ce point de vue, je
pense que l'affaire n'était pas dépourvue d'objet. Cela n'est toutefois

valable que pour la première demande du Congo (prononcé d'un juge-
ment déclaratoire proclamant solennellement I'illicéité de la conduite de
la Belgique). Concernant la deuxième demande du Congo, je pense que

l'affaire était peut-êtresans objet, du fait que M. Yerodia n'exerce plus la
fonction de ministre aujourd'hui.
Si une violation du droit international a été commiseen 2000 (ce que je
conteste, pour les raisons exposées plus haut), elle n'existe certainement

plus aujourd'hui. Mêmeen admettant que la Belgique ait manqué, ainsi
que cela lui était reproché. à une obligation interiiationale - si tant est
que cette obligation existait, ce dont je doute. il s'agissait en tout état

'" Qlrc>.~~iotl\ i~c~rpi~~ttro,rtitl'u~~~~lic~c,ei~c,o~~~~t,r~t/lMi o~itr+trI(le,1971
ri..sirlteri~ttic I'i~rc~itlcrt~rit.ric,nde)Lockcihir (Jo~l~ul~iriyrc,.Roj.tru~~icL,'-ni).
c,.\-c,c,pfprs:lir~iinnir.c~t.rvrr,<it. C.I.J. Rc,p. 23, par. 38 (compétence),et p. 26,
par. 44 (recevabilité).Voir igalement S. Ro~eiineTire,'aii,ci111rnc,ticO/ I/ICI~~tc,r-rlti-
rior~cilCourt. 1920-1996.1997. vol. 11.p. 521-522.
"" Dans I'aflàire relatiAedes Q~1r.stiotl'.isrrteipr-+t<rtioircf d'upplicle1 1~0111~~11-
tior~(le,i2.10~~ri/el 1971 i.i..sulrtriitcl<,I'i~Pfiicii (kt,Loc,ko.hic,(.ltri~~crr he-ijt~rrtn
lihj~cr~nc,.Ro!~rrrrr7ic~-CarCour a statuéuniquemcnt sur les questions de corripctence

(ihitl.. c~scc2p/ionpsri.limintrire.~,Ce1.Jr<Rec~irc~1il998p. 30. par. 53. al. )et de
recevabilitéihid.par. 53. al. 2). sans trancher celledu non-l(ihid.p. 31. par. 53, al. 3).
Le rtrtio tlc.c~icdetla Cour, dans ces alinéas 1 el 2 du paragraphe 53, est quc la date
pertinente aux fins d'apprécier la con~pétenceet la recevabilitéest celle du dépôt de la
requête.La Cour n'a formuléaucune observatiori analogue sur la questioii du non-lieu
(par. 53. al.).de cause de la violation d'une obligation non permanente. Si la Cour
avait suivijusqu'au bout son propre raisonnement sur les immunités(lien

temporel entre la protection garantie par les immunités et la fonction de
ministre des affaires étrangères),elle aurait logiquement conclu qu'il fal-
lait rejeter les troisième et quatrième conclusions du Congo. C'est la
raison pour laquellej'ai voté avecla Cour en faveur du sous-alinéaC) de

l'alinéa I du paragraphe 78 concernant l'exception préliminaire de non-
lieu soulevéepar la Belgique. mais que, contrairement à la majorité de
mes collègues,j'ai votécontre l'alinéa3 du paragraphe 78 du dispositif.
Je pense également, ë supposer liencore que la Belgique ait manqué à

une obligation internationale, que la coiîstatation de ce manquement
dans l'arrêtsuffisait à réparer le préjudice moral subi par le Congo.
Mêmesi Linacte constituant une violation trvrriété commis,ce que je ne

crois pas (il s'agissait de l'émissionpar un juge belge d'un mandat d'arrêt
ne contrevenant pas au droit international coutumier et n'ayant en outre
jamais étéexécuté), cetacte serait insignifiant en comparaison de la viola-
tion. par le Congo. de l'obligation qui est la sienne aux termes de l'ar-

ticle 146de la quatrième convention de Genève (A savoir enquêtersur les
crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commissur son territoire,
en vue d'en poursuivre les auteurs). Le Congo n'avait pas ((les mains

propres)) lorsqu'il s'est présentédevant la CourI5' internationale de Jus-
tice. et sa requêteaurait dû êtrerejetée.Bo rllir~irnisr1o11 c11rcztles IiX.

VI. REMARQUE FINAI-ES

85. Pour les raisons exposéesdans la présenteopinion, j'estin~eque la
Cour internationale de Justice a eu tort de dire qu'une règle de droit
international coutumier confère, vis-à-vis d'Etats tiers, une immunité

pénaleaux ministres des affaires étrangèresen exercice soupçon~iésd'avoir
commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Le droit
international coutumier ne prévoitrien de tel. La Cour n'a pas recherché

le juste milieu qui ililportait tant en l'espèce.En adoptant une approche
minimaliste et formaliste, elle a privilégiécleflicto l'intérêd tes Etats, qui
est de favoriser la conduite de relations internationales, au détriment de
l'intérêd te la communauté internationale. qui est d'assurer l'application

du principe selon lequel les dignitaires d'Etat soupçonnés de crimes de
guerre et de crimes contre l'lîurnanité sont tenus de rendre compte de
leurs actes sur le plan international.
86. La loi belge de 199311999va peut-êtretrop loin et il serait proba-

blement sage, ~'LIIIpoint de vue politique, de prévoir des exceptions de
procédure en faveur des étrangers ou de restreindre l'exercicede la coni-
pétenceuniverselle. II se peut que la Belgique fasse preuve de naïvetéen

Ii'Voir ci-dessus. par. 35.
"Te concept n'estpas égal ail((ilriiir~irriorc,iii.pr.tr<,toen droitcontinental.
Voir, suril<, t~iiriiior(~riit11~1.. Blii(L~I,,/Ii(~~ior~iir~,.cherchant à se placer à l'avant-garde de la répressiondes crimes de droit
international et en défendant l'idéeque, à défaut d'intervention de I'Etat
territorial, ilappartient aux Etats tiers d'ouvrir aux victimes des voies de

droit. La Belgique a peut-êtretort, d'un point de vue politique, de vouloir
transposer l'idéede simulacre de procès (statut de Rome portant création
de la Cour pénaleinternationale - principe de complémentarité(art. 17))
à des situations régiespar le principe «(i~rt t1erk.i.(rutjudic.arcj»"". Tou-

tefois, la question pour la Cour n'est pas de savoir si la Belgique fait
preuve de naïvetéou de sagesse politique, ni mêmesi la courtoisie inter-
nationale exigerait une application plus stricte de la compétence univer-

selle ou davantage de respect pour les dignitaires étrangers. La question
était de savoir si la Belgique avait méconnu une obligation en vertu du
droit international à ne ilas décerner et faire circuler un mandat d'arrêt
pour crimes de guerre et crimes contre l'humanitécontre un ministre des

affaires étrangèresen fonction.
87. Peut-êtrecet arrêtvise-t-il, de manière implicite, iiéviterd'ouvrir la
voie aux abus et au chaos, la Cour craignant que les Etats n'invoquent
sans cesse la compétence universelle pour engager des poursuites abusives

contre les ministres des affaires étrangères et1 exercice d'autres Etats,
paralysant ainsi le fonctionnement de ces derniers. L'argument de la
«/lzou.stl.ucu.srcucopliorîir~ '"' était très prése~ltdans le mémoire et les
plaidoiries du Congo. Il peut se résumerainsi: si les Etats engageaient des

poursuites contre les membres de gouvernements étrangers sans égard
pour les immunitésqui leur sont reconnues, la situation ne tarderait pas
i devenir chaotique; de même,si les Etats invoquaient de manière

outrancière la compétence universelle en l'absence d'un quelconq~ie lien
avec leur ordre juridique interne, des tensions politiques pourraient naître
sur le plan international.
Dans la présenteaffaire, aucune allégationd'abus de procédure n'a été

portée à l'encontre de la Belgique. La procédure pénale engagéecontre
M. Yerodia n'était ni inconséquente, ni abusive. Le mandat a étéémis
après deux ans d'instruction pénaleet nul n'a accusélejuge d'instruction
qui l'a décerné d'avoir fondésa décision sur des faits erronés. L'accusa-

tion selon laquelle la Belgique aurait appliqué sa loi sur les crimes de
guerre de manière insultante et discriminatoire à l'encontre d'un ministre
des affaires étrangères congolais était manifestement mal fondée. La Bel-
gique souhaite - i tort ou à raison - se faire le bras de la communauté

internationale en permettant aux étrangers de porter plainte contre de
graves violations desdroits de l'homme dont ils ont étévictimes à l'étran-
ger. Depuis la tristement célèbre affaireDutroux (une affaire de sévices
sur enfants qui a canalisé l'attention des médias à la fin des années

quatre-vingt-dix), la Belgique a amendé ses lois afin d'accorder davan-

15'Voir ci-dessus. par. 37.
'"'J.Verhoeven. «M. Pinochet, la coutume internationale et la compétence uni-
versell», Jo~rr.tdes1tr-ihun(ru1999,p. 315;J. Verhoeven. <Vers un ordre répressifuni-
versel'!uelq~iesobser\ations >>.ilirlc(rir.e fr.(/.(/].oit iirtc~i~rrt1999. p.55.tage de droits procéduraux aux victimes, que celles-ci soient belges ou
étrangères. Ce faisant, la Belgique a également ouvert ses tribunaux
aux victimes portant plainte pour des crimes de guerre et des crimes
contre l'humanité commis à I'étranger. Cette nouvelle législation a été
appliquée non seulement dans le cas de M. Yerodia, mais également

dans le cadre d'affaires contre. Pinochet,M. Sharon. M. Rafsandjani,
M. Hisséne Habré. M. Fidel Castro. etc. Il serait donc faux d'affirmer
que la loi sur les crimes de guerre a étéappliquée de manière discri-
minatoire à l'encontre d'un ressortissant congolais.
II se peut. dans l'abstrait, que l'argument du chaos soit pertinent. Ce
risque existe peut-être,et la Cour aurait pu, de manière légitime,mettre

en garde contre ce risque dans son arrêt sans pour autant conclui-equ'il
existe ilne règle de droit international coutumier reconnaissant l'immu-
nité aux ministres des affaires étrangères.Accorder des immunités aux
ministres des affaires étrangèrespourrait, en revanche, ouvrir la voie à
d'autres sortes d'abus. Cela revient à accroître de manière extraordinaire
le nombre de personnes bénéficiantd'une immunitéde juridiction inter-

nationale. De là à reconnaître des immunités aux autres membres de gou-
vernement, il n'ya qu'un pas: dans la société actuelle,tous les membres
de cabinet représentent leur pays dans diverses réunions. Si le ministre
des affaires étrangèresa besoin d'immunités pour exercer ses fonctions.
pourquoi ne pas égalementles accorder aux autres membres du gouver-

nement? Certes, la Cour internationale de Justice ne déclare rien de tel.
mais cette conclusion ne s'impose-t-elle pas d'elle-mêmelorsque la Cour
conclut que les ministres des affaires étrangèressont des personnes pro-
tégées? La raison pour laquelle la Cour assimile les ministres des affaires
éti-angkresaux agents diplomatiques et aux chefs d'Etat, qui est au cŒur
de son raisonnement, est égaleiiîe~t alable s'agissant des autres ministres

qui représentent officielleinent I'Etat, par exemple les ministres de I'édu-
cation qui assistent aux conférences de l'Unesco à New York ou tout
autre ministre recevant le titre de docteur l~orz~(ILISà I'étranger. Des
gouvernements pourraient, à leur escient, nomnier à des postes ministé-
riels des personnes soupçonnées d'avoir coniinis de graves violations des
droits de l'homme afin de lesmettre à l'abri de ~oursuites à l'étranger.11
L
se peut que la Cour internationale de Justice. en essayant de refermer une
boîte de Pandore par crainte du chaos et des abus, en ait ouvert une
autre, avec le risque de conférer l'in~munité,et donc l'impunitétlfacto,
à un nombre croissant de représentants de gouvernemeiit.

(Sig/?<;)ChristineVAN DEN WYNGAEKTPRINTED IN THE NETHERI.ANDS

ISSN 0074-4441
ISBN 92-1-070940-3

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE MM' VAN DEN WYNGAERT

Inrmllnit6.sau regtrrddu droit i~lterticitiotitrclourun~ier - Non tipl~iic.uh/e.usun

nrinirtre t/c>.usffuircs 6tr~lngPrc>-.s Principe t/e I'ohligutiorrde rrnrlïr conzpte. u
I'c;chelleitzternr~tiorrctlet,le crinies rie guerre clt tle crinies contre I'hur71~1nit6
- Rôle lie lu soci6t6 civile ducinslu ,fiirmution tie I'opinio juris Inip~ltiité
-- Cotnpétetr ce e.\-truterritoric~lcc./ctn.rICLI.de. c,rinlcsde guerre et fie criitle.~
cotitre /'/1umunit6 - C'o~?i[i>trn~ crltrivcrs~!/e/'(;gc~r~(t/ct,e/.s(.I.~-c>Asl~piicu-
tiolrdu crit?rc~du Lotus (i (Ic't~1.scri17lev Co171pc;tetic neortn(itill- Stc~t~lctie

Ronre de lu COLIY pinule. itzternutionulc~ - Princip(, de 1r1cor?ll~/Pt?renturité
- Fuit infrrtzutionule~?~i~n iltlic,i-e Con7péfrnc.er/'e.ui'<.utiot -l Muti(krits
d'urrct (itztrrrzutionous) - Re~îi?clessirsceprihle.\tl'6tr.erec.lzer<.lrc(;l.evvant ICI
Cour inter~~t~tioir~l~ ileJustice - Ahus d'itnrnunitc;.~ er boîte (i~Pandore.

TABLE DES MATIERES

II. LA QUESTIO~\ DES IMMUNITES 8-39

1. Il n'existe aucune règlede droit international coutumier confé-
rant l'immunitéaux ministres des affaires étrangères en exer-
cice 11-23
2. Les ministres des affaires étrangèresen exercice ne bénéficient
d'aucune immunité de juridiction vis-à-vis des autres Etats

lorsqu'ils sont accusésde crimes de guerre et de crimes contre
l'humanité 24-38
u) La distinction entre l'immunité en tant qu'exception de

procédure et l'immunitéen tant que défenseau fond n'est
pas pertinente en l'espèce 29-33
h) La proposition de la Cour selon laquelle I'immunité ne
conduirait pas nécessairement à l'impunité esterronée 34-38

3. Conclusion 39

III. LA COMPETENCE UNIVERSELLE 40-67
1. La compétence universelle pour les crimes de guerre et crimes
contre l'humanité est compatible avec le critère du Lotu.~ 48-62

O) Le droit international n'interdit pas aux Etats d'exercer
une compétence universelle à l'égarddes crimes de guerre
et des crimes contre l'humanité 52-58

b) Le droit international permet aux Etats d'exercer une com-
pétence universelle à l'égarddes crimes de guerre et des
crimes contre l'humanité 59-62 DISSENTING OPINION OF JUDGE VAN DEN WYNGAERT

In7ni~tnitiesunrkercustornury internationcillaiv - h'ot e~pplictrhlr to Ministrr
,fOrForeign A,iy(rir.s -- Principlr of'Nzternutionul uccountubilit~ 101.ii7urcrinles
und crirnrs ug~rinst11ut~crnit ~-~ Role c?f'c.ivi.lsocic~t!in thc,/i>rniationof'opinio
juris - Itnpunity - E.utrtitc~rritoria1jurisdiction 101. ii~rrcrit17e.cancl criti7r.v

ugclinst Ii~rn~crtzit j~ Utzivc~r.~jcurrli~dictiot~,/i)r .\.u(.Iicrinles - "Lotus" test
upplird to .s~/chcrinze.~ - Prc.s<,riiitii.irrisdic~tion - Konir Strrt~tte,for (117Inter-
ncrtionrrlCrirllin~ilCourt - Con~pleri~enrurit~~ - ir~itccrizprtioncilicrong-
,114rict - Et~forcenîeritjurisefii.tion - (Internutiorzul) clrrest ii~rrrants - Rcni-
cclies b<fOrethe I~~tc~,l.ncitionC ulurt of' Ju.~tii.c- .4huse O/'itntwz~i7itic~U sI~

Pcrtzc/orci'b.sox.

TABLE OF CONTENTS

II. IMMUVITI~S 8-39
1. There is no rule of customary international law grantin~ 7'mmu-

nity to incumbent Foreign Ministers 11-23

2. Incumbent Foreign Ministers are not immune from the juris-
diction of otlîer States when charged with war crimes and
crimes againsit humanity 24-38

(rr) The distinction between immunity as a procedural defence
and immunity as a substantive defence is not relevant for

the purposes of this dispute 29-33
(hl The Court's proposition that immunity does not neces-
sarily lead to impunity is wrong 34-38

3. Conclusion 39

III. UNIVERSAL JL'RISIIICTION 40-67
1. Universal jurisdiction for war crimes and crimes against

humanity is compatible with the "Lotus" test 48-62
ici) International law does not prohibit universal jurisdiction
for war crimes and crimes against humanity 52-58

ih) International law permits universal jurisdiction for war
crimes and crimes against humanity 59-62 2. La compétence universelle n'est pas contraire au principe de
complémentaritétel qu'énoncépar le statut de Rome portant
création de la Cour pénaleinternationale
3. Conclusion

IV. EXISTE~C [)UN t:.41T INTEKNA'I'IONALEMLNl ILLICITE

1. L'énlissionen Belgique du mandat d'arrêtlitigieux n'étaitpas
contraire au droit international
2. La rlif'rsion internotionale du mandat d'arrêtlitigieux n'était
pas contraire au droit international
3. Conclusion

VI. REMARQUES IFINALES 2. Universal jurisdiction is not contrary to the complementarity
principle in tl-ieStatute for an International Criminal Court

3. Conclusion

IV. EXISTENC OF AN INTERNATIONAW LRYONGFUA L(-T
1. The i.s.suancof the disputed arrest warrant in Belgium was
not in violation of international Iaw

2. The internntionacirculatioof the disputed arrest warrant
was not in violation of international law
3. Conclusion

V. RFMEDIES

VI. FINALOBSERVATIONS139 MANDAT D'ARRET (OP. DISS.VAN DEN WYNGAERT)

1. J'ai votécontre les paragraphes 2 et3 du dispositif de cet arrêt.Le
droit international coutumier ne confère aucune immunité aux ministres

des affaires étrangèresen exercice soupçonnés de crimes de guerre et de
crimes contre I'humanité. Aucun élément n'étaye l'affirmation selon
laquelle un Etat serait tenu, en vertu du droit international coutumier,
d'accorder l'immunité pénaleà un ministre des affaires étrangères en
exercice. En émettant et en diffusant le mandat d'arrêt,la Belgique a

peut-êtremanqué aux règlesde la courtoisie internationale, mais n'a pas
pour autant violéune obligation juridique internationale (par. 78, ai. 2,
de l'arrêt).
Le mandat décernépour crimes de guerre et crimes contre I'humanité
ne saurait à l'évidence contrevenir cr~!jourd'lzuiaux règles relatives
à l'immunité: M. Yerodia a cessé d'exercer les fonctions de ministre

des affaires étrangères et n'est plus qu'un simple citoyen. Aussi la
Cour a-t-elle tort de conclure, dans la dernière partie de son dispositif,
que la Belgique doit mettre à néant le mandat d'arrêtet en informer les
autorités auprès desquelles ce mandat a étédiffusé (par. 78, al. 3, de
l'arrêt).

Je développerai ci-après les motifs de mon dissentiment, mais je sou-
haiterais auparavant formuler certaines remarques d'ordre général.
3. L'affaire portait sur le mandat d'arrêt décernéà I'encontre de
M. Yerodia pour des actes qu'il aurait commis en 1998,alors qu'il n'était
pas encore ministre. 11s'agirait notamment de divers discours incitant ii
la haine raciale et de propos particulièrement virulents qui, faisant réfé-

rence à des opérations de ratissage, a des chasses à l'homme et à des
scènes de lynchage, auraient eu pour effet d'inciter la population à
s'en prendre aux résidentstutsi de Kinshasa. Plusieurs victimes réfugiées
en Belgique ayant porté plainte, une instruction a été ouverteen 1998,la
suite de laquelle un mandat a été délivré en avri2l000 à I'encontre de

M. Yerodia, devenu entre-temps ministre des affaires étrangèresde la
République dénlocratique du Congo. Ce mandat n'a pas étéexécuté
durant la visite officielledM. Yerodia en Belgique. en juin 2000, et la
Belgique, si elle a diffuséle mandat à l'échelleinternationale par l'inter-
médiaired'une notice verte d'Interpol, n'a pas non plus requis l'extradi-

tion de M. Yerodia tant qu'il étaiten fonction. Ce n'est qu'en 2001 qu'a
étédemandée la diffusion d'une notice rouge d'Interpol, upri.s que
M. Yerodia eut cesséd'êtreministre.
3. La Belgique dispose à l'heure actuelle d'une législation trèsétendue
permettant aux victimes de prétendus crimes de guerre ou crimes contre
l'humanité d'engager des poursuites pénales devant ses tribunaux, atti-

tude qui suscite des réactions négativesdans certains milieux, tandis que
d'autres s'en félicitent. Le comportement de la Belgique, qui s'exprime au
travers de ses organes législatifs,judiciaires et exécutifs.pèche peut-être
par manque de courtoisie intern«tioriulc. Quand bien mêmecela serait, il
ne s'ensuit pas que la Belgique ait nécessairement enfreint le droit inter- 1. 1have voted against paragraphs (2) and (3) of the di.spo.sit~fof this
Judgment. International law grants no immunity from criminal process

to incumbent Foreign Ministers suspected of n.ar crimes and crimes
against humanity. There is no evidence for the proposition that a State is
under an obligation to grant immunity from criminal process to an
incumbent Foreign Fdinister under customary international law. By issu-
ing and circulating the warrant, Belgium may have acted contrary to
international comity. It has not, however. acted in violation of an inter-

national legal obligation (Judgment, para. 78 (2)).

Surely, the warrant based on charges of war criines and crimes against
huinanity cannot infringe rules on immunity toduj?,given the fact that
Mr. Yerodia has novi ceased to be a Foreign Minister and has become an
ordinary citizen. Therefore. the Court is wrong when it finds, in the last

part of its di.spo.sitif;that Belgium must cancel the arrest warrant and so
inform the authorities to which the warrant was circulated (Judgment,
para. 78 (3)).

1will develop the reasons for this dissenting view below. Before doing

so, 1 wish to make slomegeneral introductory observations.
2. The case was a'bout an arrest warrant based on acts allegedly com-
mitted by Mr. Yerodia in 1998 when he was not yet a Minister. These
acts included various speeches inciting racial hatred, particularly virulent
reniarks, allegedly having the effect of inciting the population to attack
Tutsi residents in Kinshasa, dragnet searches, manhunts and lynchings.

Following complaini.~of a number of victims who had fled to Belgium,
a criminal investigation was initiated in 1908, which eventually,
in April 2000. led to the arrest warrant against Mr. Yerodia, who had
meanwhile become ii Minister for Foreign Affairs in the Congo. This
warrant was not enf'orcedwhen Mr. Yerodia visited Belgium on an offi-
cial visit in June 2000, and Belgium, although it circulated the warrant

internationally via ain Interpol Green Notice, did not request Mr. Yero-
dia's extradition as long as he was in office. The request for an Interpol
Red Notice was only made in 2001, ~~ficjM r.r. Yerodia had ceased to be a
Minister.

3. Belgium has, at present, very broad legislation that allows victims of
alleged war crimes and crimes against humanity to institute criminal pro-
ceedings in its couris. This triggers negative reactions in some circles,
while inviting acclaim in others. Belgium's conduct (by its Parliament,
judiciary and executive powers) may show a lack of internationcl1cour-

t'~. Even if this were true, it does not follow that Belgium actually vio-
lated (customary or conventional) international law. Politictrl ivis~/orîi
may command a change in Belgian legislation, as has beeii proposed invarious circles'. Judiciul irisdom may lead to a more restrictive applica-
tion of the present statute, and may result from proceedings that are
pending before the Belgian courts'. This does not inean that Belgium has

acted in violation of international law by applying it in the case of
Mr. Yerodia. 1see no evidence for the existence of such a norm, not in
conventional or in customary international law for the reasons set out
below '.

4. The Judgment is shorter than expected because the Court, which

was invited by the Parties to narrow the dispute, did not decide the ques-
tion of (universal) jurisdiction, and has only decided the question of
immunity from jurisdiction, even though, logically the question of juris-
diction would have preceded that of immunity4. In addition, the Judg-

ment is very brief in its reasoning and analysis of the arguments of the
Parties. Some of these arguments were not addressed, others in a very
succinct manner, ccrtainly in comparison with recent judgments of
national5 and interriational courts" on issues that are comparable to

those that were before the International Court of Justice.

5. This case was to be a test case, probably the first opportunity for the
International Court of Justice to address a number of questions that have

'The Belgian Foreign Minister, the Belgian Minister of Justice, and the Chairman of the
Foreign Affairs Commission House of Representatives have made public statements in
which they called for a revision of the Beigian Act of 1993/1999.The Government referred
the matter to the Parliament, where a bill was introduced in Ilecember 2001 (Proposition
de loi modifiant. sur leliin de la procédure,la loi du 16juin 1993relatiàela répression
des violations graves du droit international humanitaire.oc. parl. Chambre 2001-2002,
No. 15681001.available at http:/lwww.lachambre.beldocuments_parleinentaires.html).

Q. Wiiiants. LC :Min,i.~fi>prterhli<.et le tlioit pc;nulintrrr~utionul,Di~rononci.
ir1'occcr.siotrlie l'uutlience.solc~e. rcritri.ede lu Cour d'cpprl de Bru'irlle.~clu3 .sep-
trnzhrr2001. p. 45.
h!frtr, paras. 11 et sec/.
Scc further infrri. par,l. 41.
Prominent examples are the Pilîoch~tcases in Spain and the United Kingdom (Aurli-
t,nt.iri!L'ci(~iAcr. tlcILIS(rlu(1.Io Peil(r1(It,lu Autlietic,icrNticionrrlconfirmcrndoIuJuris-
di(,cicin(IL,E.spufi(ip(ir(i cono<.cïcle los <.rinîenesde getzoJ'~ferrorisrno comrtirl».s
tlurri~~tcI,LItlictti~lurci<,h5, November 1998, http://www.derechos.org/nizkor/chile/
juicio/audi.html; R. v. Bow Street Metropolitc~rSfipendi~irj~Mugi.sfmlc~und 0fhei.r. ex
parte Pinochet U~~lrtc,2.4 March 1999, [1999]2 All ER 97. FIL,p. 97). the Qudclaficase
in France (Cour de cassation. 13 March 2001. http:llcourdecassation.frlagendalarretsl
arretsl00-87215.htm) ancl the Boutc,rsr case in the Netherlands (Hof Amsterdam,
No. R 971163112Sv and R 971176112Sv, 20 November 2000; Hoge Raad, Strafkamer,
Zaaknr. 00749101CW 2323, 18 September 2001, http:llwww.rechtspraak.nI).
ECHR (European Commission of Human Rights). Al-,ldsuni v. Unifrd Kingdoin,
21 November 2001. http:l/www.echr.coe.int.prononcer sur un certain nombre de questions qui n'avaient pas étéexa-
minéesdepuis le célèbrearrêt rendu par sa devancière dans l'affaire du

Lotus en 1927'.
D'un point de vue technique, le différend portait ici sur un mandat
d'arrêtdécernéâ l'encontre d'un ministre des affaires étrangèresen exer-
cice - mandat qui faisait toutefois état de crimes de guerre et de crimes
contre l'humanité, ce que la Cour n'a pas mêmepris soin de préciserdans

le dispositif. D'un point de vue plus théorique. il s'agissait de savoir
jusqu'où les Etats peuvent ou doivent aller lorsqu'ils appliqueilt le
droit international pénal moderne. Il s'agissait de déterminer ce que
le droit international impose aux Etats de faire, ou ce qu'il les autorise
â faire, en leur qualité d'«agents» de la communauté internationale,

lorsqu'ils sont saisis de plaintes par les victimes de tels crimes, dès lors
que les juridictions pénales internationales ne sont pas en mesure de
juger tous les crimes de droit international. Il s'agissait de faire la part
entre deux intérêts divergentsdu point de vue du droit international

(pénal)moderne, â savoir la nécessitéde faire respecter l'obligation inter-
nationale de rendre compte d'infractions telles que les actes de torture,
les actes de terrorisme, les crimes de guerre et les crimes contre l'l-iumanité,
et le principe de l'égalité souveraine des Etats, qui suppose un
système d'immunités.

6. La Cour n'a pas examiné I'affaire dans cette perspective, privilé-
giant au contraire la question tres restrictive des immunités des ministres
des affaires étrangèresen exercice. Ce faisant, la Cour internationale de
Justice a manqué une excellente occasion de contribuer au développe-
ment du droit international pénal moderne.

Pourtant, le droit international pénal est en passe de devenir une
branche tres importante du droit international - évolution qui
trouve son expression dans diverses conventions. dans la jurisprudence
de tribunaux nationaux, dejuridictions pénalesinternationales et de juri-

dictions internationales garantes des droits de l'homme, ainsi que dans
la doctrine juridique et dans les activitésde la sociétécivile. Les auteurs
sont nombreux â avoir traité de concepts tels que la compétence uni-
verselle. l'immunitéde juridiction et l'obligation internationale de rendre
compte de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité8. Il est sur-

prenant que la Cour internationale de Justice n'emploie pas le terme
de droit international pénal, et ne prenne pas acte des travaux de ces
auteurs.
7. Bien que, en toute logique, la question de la compétence soit la
première a se présenter â l'esprit" je suivrai le raisonnement qui sous-

tend l'arrêtet commencerai par traiter la question des immunités.

' C.P.J.I.affaire du Lotus7 septembre 1927. CP.J.I. R~cucilsc;rieA n"10
Woir ci-après. la ilot98.
" Voir ci-après. par. 41. ARREST \YARRANT (DISS. OP. V.4N DEN \\'YNGAERT) 141

not been considered since the famous "Lot~~.v"case of the Permanent
Court of International Justice in 1927'.

In technical terms, the dispute was about an arrest warrant against an

incumbent Foreign blinister. The warrant was, however, based on charges
of war crimes and crimes against humanity. which the Court even fails to
mention in the dispo.siti/: In a more principled way, the case was about
ho\v far States can or must go when implementing modern international

criininal law. It was about the question what international law requises
or allows States to do as "agents" of the international community when
they are confronted with complaiiits of victims of such crimes, given the
fact that international criminal courts will not be able to judge (111 inter-

national crimes. It was about balancing two divergent interests in modern
international (crimi~ial)law: the need of international accountability for
such crimes as torture, terrorism, war crimes and crimes against human-
ity and the principle of sovereign equality of States, which presupposes a

system of immunitiei;.

6. The Court has not addressed the dispute from this perspective and
has instead focused on the very narrow question of immunities of incum-
bent Foreign Ministers. In failing to address the dispute from a more

principled perspective, the International Court of Justice Iîas missed an
excellent opportunity to contribute to the development of modern inter-
national criminal law.
Yet international criminal law is becoming a very important branch of

international law. This is manifested in conventions, in judicial decisions
of national courts, international criminal tribunals and of international
human rights courts. in the writings of scholars und in the activities of
civil society. There is a wealth of authority on concepts such as universal

jurisdiction, immunity from jurisdiction and international accountability
for war crimes and crimes against humanitg X. It is surprising that the
International Court of Justice does not use the term international crimi-
na1 law and does no1 acknowledge the existerice of these authorities.

7. Although, as a matter of logic, the question of jurisdiction comes

first", 1will follow the chronology of the reasoning of the Judgment and
deal with immunities first.

' ''Lot~l.~,LI(/~I?INII~9. 1927. P.C.I.J.Seric~sA. h'o. 10
See furtherinfku,fooi.note 98.
y II~/~(I,;ir41. 11. LA QUESTION DES IMMUNITES

8. La Cour commence par relever que, dans la mesure oii aucun texte
général nedéfinitles immunitésdes ministres des affaires étrangères,c'est

sur la base du droit international coutumier qu'elle doit trancher les ques-
tions y afférentes soulevéesen l'espéce(par. 52,dernier alinéa, de I'arrêt).
Elle ajoute immédiatement aprèsque, «[e]n droit international coutumier,
les immunités reconnues au ministre des affaires étrangèresne lui sont
pas accordées pour son avantage personnel, mais pour lui permettre de
s'acquitter librement de ses fonctions pour le compte de 1'Etatqu'il repré-

sente)) (par.53 de l'arrêt).La Cour compare ensuite les fonctions des mi-
nistres des affaires étrangèresà celles, d'une part, des ambassadeurs et
autres agents diplomatiques, et, d'autre part, des chefs d'Etat et de gou-
vernement; elle

((en conclut que les fonctions d'un ministre des affaires étrangères
sont telles que, pour toute la durée de sa charge, il bénéficied'une
immunitéde juridiction pénaleet d'une inviolabilitétotales à l'étran-

ger. Cette immunité et cette inviolabilité protègent l'intéressécontre
tout acte d'autorité de la part d'un autre Etat qui ferait obstacle à
l'exercice de ses fonctions. » (Par. 54 de I'arrêt.)

9. Par ailleurs, la Cour affirme que,ayant examinéla pratique des Etats
au regard des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité(par. 58 de
l'arrêt),

«[e]lle n'est pas parvenue iidéduire de cette pratique l'existence,
en droit international coutumier, d'une exception quelconque à la
règleconsacrant l'immunitédejuridiction pénaleet l'inviolabilité des
ministres des affaires étrangèresen exercice, lorsqu'ils sont soupçon-

nés d'avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre
l'humanité)).

10. Je suis en désaccord avec le raisonnement de la Cour, qui peut être
résuméde la maniéresuivante: (1)il existe une règlede droit international
coutumier accordant aux ministres des affaires étrangèresen exercice une
immunité «totale» (par. 54 de I'arrêt),et h)iln'existe pas, en droit inter-
national coutumier, d'exception à cette règle dans le cas de crimes de
guerre et de crimes contre l'humanité(par. 58 de I'arrêt). Cesdeux affir-

mations sont erronées.
En premier lieu, il n'existe aucune règle de droit international coutu-
mier mettant les ministres en exercice à l'abri de poursuites pénales. La
courtoisie internationale et la sagesse politique commandent peut-être
une certaine modération, mais le droit international positif ne fait nulle-
ment obligation aux Etats de s'abstenir d'exercer leur compétence ii

l'égard de ministres des affaires étrangères en exercice soupçonnés de
crimes de guerre et de crimes contre I'humanité. II. IMMUNITIES

8.The Court starts by observing that, in the absence of a general text

defining the immunitilrs of Ministers for Foreign Affairs, it is on the basis
of customary international law that it must decide the questions relating
to the immunities of Ministers for Foreign Affairs raised by the present
case (Judgment, para. 52 itz,fineIt immediately coiltinues by stating that
"In customary international law. tlie immunities accorded to Ministers
for Foreign Affairs are not granted for their pessonal benefit. but to
ensiire the effective performance of their furictions on behalf of their

respective States" (Juidgment, para. 53). The Court then compares the
functions of Foreign lvlinisters with those of Ambassadors and other dip-
lomatic agents on the one hand, and those of Heads of State and Heads
of Ciovernments on thieother. whereupon it reaches the following conclu-
sion (Judgment, para. 54):

"The Court accordingly concludes that the functions of a Minister
for Foreign Affairs are such that, throughout the duration of his or
her office, he or she when abroad enjoys full immunity from criminal
jurisdiction and inviolability. That immunity and that inviolability

protect the individual concerned against anIf act of authority of
another State which would hinder him or her in the performance of
his or her duties."

9. On tlie other ha.nd, the Court, looking at State practice in the field
of war crimes and crimes against humanity (Judgment, para. 58), decides
that :

"It has been uinable to deduce from this practice that there exists
under customary international law aiiy form of exception to the rule
according imniuriity from criminal jurisdictioii and inviolability to
incumbent Ministers for Foreign Affairs, where they are suspected
of having committed war crimes or crimes against humanity."

10. I disagree with the reasoning of the Coilrt, \vhich can be summa-
rized as follows: (a) there is a rule of custon~ary international law grant-
ing "full" in~inunityto incumbent Foreign Ministers (Judgment. para. 54),

and (h) there is no rule of customary international law departing from
this rule in the case of war crimes and crimes against humanity (Judg-
ment, para. 58). Both propositions are wrong.

First, there is no ruUeof customary international law protecting incum-
bent Foreign Ministers against criminal prosecution. International com-

ity and political wisdom iiiay command restraint, but there is no obliga-
tion under positive initernational law on States to refrain from exercising
jurisdiction in the case of incumbent Foreign Ministers suspected of war
crimes and crimes against humanity. En second lieu, le droit international n'interdit pas aux Etats d'enquê-
ter sur des allégationsde crimes de guerre et de crimes contre l'humanité,
mêmesi l'auteur présuméde ces faits occupe un poste officiel dans un
Etat tiers; au contraire, il lysencourage.

Il s'ensuit que la Belgique n'a violéaucune obligation de droit interna-
tional en émettant et en diffusant à l'échelleinternationale le mandat
d'arrêt décerné A l'encontre de M. Yerodia. Je m'expliquerai sur ce point
dans les deux paragraphes suivants.

11. Je ne puis souscrire à l'idéeque le droit international coutumier
reconnaît aux ministres des affaires étrangères en exercice des immunités,
pour la simple raison que rien ne vient étayer cette thèse. Avant de

parvenir à cette conclusion, la Cour aurait dû s'assurer de l'existence
d'une règle de droit international coutumier en ce sens. Il ne suffit pas
de comparer les logiques mises en Œuvre pour justifier que les diplo-
mates, les chefs d'Etat ou les ministres des affaires étrangéres
soient à l'abri de poursuites pour conclure à I'existence. en droit inter-
national coutumier,d'une règlegarantissant une protection aux ministres
des affaires étrangéres:c'est une chose que d'identifier dans une règle

protectrice une rrrison (l'Are commune A ses divers bénéficiaires,
c'en est une autre que d'ériger celle-ci au rang de règle de droit
international coutumier. La Cour aurait dû, dans un premier temps,
chercher ilsavoir si les conditions qui président à la formation d'une
règle de droit international coutumier étaient réunies dans le cas des
ministres des affaires étrangères en exercice. En une décision dont la

brièveté ade quoi surprendre, la Cour conclut d'emblée à l'existence
d'une telle règle. Une démarche plus rigoureuse aurait été éminemment
souhaitable.
12. A se contenter d'lin raisonnement succinct, la Cour méconnaît sa
propre jurisprudence en matière de formation du droit international cou-
tumier. Pour exister, une règlede droit international coutumier doit être

reflétéedans la pratique des Etats jusus) etI'opiniojuris.

Dans un des plus célèbresprécédentsrelatifs à la formation du droit
international coutumier, les affaires duPluteuzrc,onti~zentrrdle,?riniedu
Nord, la Cour a indiqué:

«Non seulement les actes considérés doivent représenterune pra-
tique constante, mais en outre ils doivent témoigner, par leur nature
ou la manière dont ils sont accomplis, de la conviction que cette pra-

tique est rendue obligatoire par l'existence d'une règle de droit. La
nécessitéde pareille conviction, c'est-à-dire l'existence d'un élément
subjectif, est implicite dans la notion mêmed'opinio,jurissive neces-
.~it(iti.es Etats intéressésdoivent donc avoir le sentiment de se ARREST WARRANT (DISS. OP. VAN DEN UYNGAERT) 143

Secondly, international law does not prohibit, but instead encourages
States to investigate allegations of war crimes and crimes against human-
ity, even if the alleged perpetrator holds an official position in another

State.
C'onsequently, Belgium has not violated an obligation under interna-
tional law by issuing and internationally circulating the arrest warrant
against Mr. Yerodia. 1will explain the reasons for this conclusion in the
following two paragraphs.

1. T/zerc I.\ No Rule of Custotîzur~ Ii~ternutionul Luti, Gruntiizg I~?zn~u-
nici' to Iilcumhent Foreign Mirzistcl.~

11. 1 disagree with. the proposition that incumbent Foreign Ministers

enjoy immunities on the basis of customary international law for the
simple reason that tliere is no evidence in support of this proposition.
Before reaching this conclusion, the Court should have examined whether
there is a rule of customary international law to this effect. It is not suffi-
cient to compare the rationale for the protection from suit in the case of
diplomats. Heads of State and Foreign Ministers to draw the conclusion

that there is a rule of customary international law protecting Foreign
Ministers: identifying a common raison d'êtrefor a protective rule is
one thing, elevating this protective rule to the status of customary inter-
national law is quite another thing. The Court should have first examined
whether the conditions for the formation of a rule of customary law

were fulfilled in the case of incumbent Foreign Ministers. In a surprisingly
shoi-t decision, the Court immediately reaches the conclusion that such a
rule exists.A more rigorous approach would have been highly desirable.

12. In the brevity of its reasoning, the Court disregards its own case
law on the subject on the formation of customar) international law. In
order to constitute a rule of customary international law, there must be
evidence of State practice (u.su.r) and opinio jz4r.i~to the effect that this
rule exists.

In one of the leading precedents on the formation of customary inter-
national law. the Corltinentul Sl~elfcase, the Court stated the following:

"Not only must the acts concerned aniount to a settled practice,
but they must alijo be such, or be carried out in such a way, as to be
evidence of a belief that this practice is rendered obligatory by the

existence of a rule of law requiring it. The need for such a belief, Le.,
the existence of a subjective element, is implicit in the very notion of
the oyiniojuris sr'venecessitrrti,~.The States concerned must therefore
feel that they are conforming to what amounts to a legal obligation. conformer à ce qui équivaut à une obligation juridique. Ni la fré-
quence ni mêmele caractère habituel des actes ne suffisent. Il existe
nombre d'actes internationaux, dans le domaine du protocole

par exemple, qui sont accomplis presque invariablement mais sont
motivés par de simples considérations de courtoisie, d'opportu-
nité ou de tradition et non par le sentiment d'une obligation juri-

dique. » l0

Dans l'affaire N~CLI~C~ C~~ELtIrrts-Uni., cl'iltnkrique, la Cour a statué:

«La Cour, à laquelle l'article 38 du Statut prescrit entre autres
d'appliquer la coutume internationale «comme preuve d'une pra-
tique générale acceptée comme étant le droit », ne peut ignorer le rôle

essentiel d'une pratique générale ... La Cour doit s'assurer que I'exis-
tence de la règledans I'opiniojuris des Etats est confirméepar la pra-
tique. » ''

13. En l'espèce,il n'existe aucune pratique bien établie (~lstls)quant a
l'immunité«totale» supposéedes ministres des affairesétrangèresàlaquelle
la Cour internationale de Justice fait référenceau paragraphe 54 de l'arrêt.

Il existe peut-êtreune pratique des Etats, quoique limitée, relativeaux
immunités des chefs d'Etat en exercice" ou des anciens chefs d'EtatI3
devant des tribunaux nationaux. mais iln'en estaucune en ce qui concerne

les ministres des affaires étrangèresen exercice.Bien au contraire. trèsrares
sont les cas de ministres des affaires étrangèresayant bénéficié de I'immu-
nitéde juridiction à l'étranger'? Cela peut paraître étonnant. La question

qui se pose, toutefois, est de savoir ce qu'il convient d'inférerde cette «pra-
tique négative)).Est-elle l'expressiond'une opirzojzrris selon laquelle le droit

I''Plrrtc~riroririr~c~r~rtIrrncr tllr Noi-tl, trrr<;tJ.:Rcc,irc~i1l969.p. 44. par. 77.
" A<~tii~ifi'r.r\rilittrires i.t ~>trrtrrrrc~N.\i<~orlr,qrrert (.onrrcJc,rliri-<,i(il'ictrrcrgurr
c. Ettrrs-L'riirtl'Aini.ricluc~if.orrtl,trr.r<;t,C:1.J. Rt,crrp. 97-98. par. 184.
" Voir par exemple Cour de cassation française. 13mars 2001 iKtrtllit@).
" Voir par exemple R. L. Boii Srrcvt 2.lrtropolittrn Stipriitlitr~ iI4trgictrritetrrltlOthers,
ex parte Pirioclrrt Ugirrte25 novembre 1998. [1998] Al1 ER, vol. 4, p. 897.
l4Un seul cas a été porté à l'attention de la Cour: ClrorigBoon Kin1 v.Kirii Yang Sliik
rrntl Dtrricl Kim. Circuit Court (First Circuit. St;ite of Hawaii). 9 septembre 1963,
AJIL. 1964.\ol. 58. p. 186-187.Il s'agissait d'uii ministre des ;iffaires étrangèrespo~irsuivi
alors q~i'ilse trouvait aux Etats-Unis <,ri.i.tirc,offrci(voir par. 1 de la Sirg~t~srioi~f
hrrerrst présentéeau nom des Etats-Unis. ihicl.L'immunité aégalementété reconnue,
noii à uii ministre mais A un prince, dans l'affaire Kilro.13v. Çt'ir~tl.sor(Prirrt,<,Clitrrle.<.
Pri/rc,eof W'tr1c.tUS District Court for the ND of Ohio. 7dkccrnbrc 1978. Ir~tc~rr~trtiorrrrl

Liiii. R<,port.1990. \ol. 81. p. 605-607. Dans cette allàire. lejugea constate :

«L'Arrorirrl-G~rio.tr1... a établi que le prince de Galles bénéficieen l'espècedc
l'immunitédejuridiction. et a présenté à la Cour une «~~rg~yt,stio(r?rf'in7rl1irri[.]a»

doctrine, dans la mesure où elle se fonde sur des considérationsde politique étrangère
et le souhait de l'exécutifde maintenir des relations amicales avec les Etats étrangers.
s'applique d'autant plus résolument dans le cas des personnes repr2sentant une
nation étrangére 1.11vi.c.rtc(~fl$t.» (Les italiq~ies soiit de moi.) [Trrrtlirc~tioi u
Grrffr.] The frequency, or even habitua1 character of the acts is not in itself
enough. There are many international acts, e.g., in the field of
ceremony and protocol, which are performed almost invariably, but
which are m~tiv~atedonly by considerations ol'courtesy, convenience

or tradition, and not by any sense of legal d~ity."'~

In the Nicur~lyuu case, the Court held that:

"Bound as it is by Article 38 of its Statute to apply, inter ulicr.
international custom 'as evidence of a generiil practice accepted as
law', the Court may not disregard the essential role played by gen-

eral practice . . . The Court must satisfy itself that the existence of
the rulc in the opitzio juri.~ of States is confirnied by practice." ''

13. In the preseiit case, there is rio settled practice lusus) about the
postulated "f~ill" iniiliunity of Foreign Mii-iisters to which the Interna-

tiorial Court of Justice refers in paragraph 54 of its presei-it Judgment.
There may be limited State practice about iinmuiiities for current" or
former Heads of StaiteL3iii national courts, but there is no such practice
about Foreign Minisiters.On the contrary, the practice rather seems to be

that there are hardly any examples of Foreign Mii-iisters being granted
immunity in foreign j~urisdictions14.Why this is so is a matter of specula-
tiori. The question, however. is what to infer froin this "negative prac-
tice". 1s this the exp.ression of an opiliiojz4t.i.rto the effect that interna-

tiorial law prohibits criminal proceedings or, coi-icomitantly, that Belgium

"'Nortli Setr Contiric~rittrSlhelf; Jutlgrizent,I.report.^ lYhY,p. 44. para. 77.
" j2filiterrj5ciriclPurerrnil~ctii~itic.~irlerrrculguirl.rtNiculcfNictrrtrgurrv. L'iirrrel
Stcrre.\of Ai?~criccr, erirs. JzrclgiiierrtI,.C.J. Rc,p1986, pp. 97-98. para. 184.
" Cour de cassation (Fr.), 13 March 2001 (Qcrdccifi).
" R. P.Bo~i,Slrcet ,'Mefropolitr~ntiper~tliurj,Mugirtrtrir (/nt/0tlicr.s. eu parte Pinoclier
C:crrtc. 25 November 1998. [1998]4 All ER 897.
l4Only one case has been brought to the attention of the Court: CliorigBoorl Kif11 v.
Kir??Yon,qSllik trneiDerrit1Kiril.Circuit Court (First Circuit, State of Hawaii), 9 Septem-
ber 1963.58 AJIL. 1964.pp. 186-187.This casc was about an incumbent Foreign Minister
against whom process wa!,served while he wason an qffic.icrrivit in thc United States (see
paragraph 1 of the "Suggestion of Interest Submitted on Behalf of the United States",
ibitl.). Aiiother case where immunity was recognized, not of a Miiiister but of a prince,
wabin the case of Kilroj'v. Wiriebor(Prin<,eChrirle.~, rinceO/ I.l.'crl),S District Court
for the ND of Ohio. 7 December 1978. Inrci.rititioi~lait. Rc,/)r~V.ol. 81, 1990.pp. 605-
607. In that case. the judlje observes:

"The Attorney-General . . has determined that the l'rince of Wales is immune
from suit in this matter and has filed a 'suggestion of immunity' with the Court ...
[Tlhe doctrine, being based on foreign policy considerations and the Executive's
desire to maintain amiable relations with foreign States, applies with even more
force to live persons representing a foreign nation on crnofficicil visit." (Emphasis
added.)145 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

international interdirait l'exercicede poursuites pénaleset ferait, en consé-
quence, obligation A la Belgique de s'abstenir d'engager de telles pour-
suites à l'encontre d'un ministre des affaires étrangères en exercice?

Une ((pratique négative))des Etats. consistant pour ceux-ci A s'abstenir
d'engager des poursuites pénales, nesaui-ait, en tant que telle, êtreconsi-
déréecomme la manifestation d'une opitîio juris. Cette abstention
peut obéirà bien d'autres motivations, relevant, par exemple, de la cour-

toisie, de considérations politiques, de préoccupations d'ordre pratique
ou de l'absence d'une compétence pénale e~traterritoriale'~. Elle ne
pourrait être à l'origine d'une règle de droit international coutumier

que si elle procédait d'une décision conscientede la part des Etats concer-
nés.L'arrêtrendu en 1927 dans l'affaire du Lotus constitue à cet égard
un important précédent:le Gouvernement français avait excipé d'une
règlede droit international coutumier ne permettant pu.^ à la Turquie de

poursuivre les délits commis par des étrangers à l'étranger'". La Cour
permanente de Justice internationale rejeta cet argument, estimant
que :

((Mêmesi la rareté des décisions judiciaires que l'on peut trouver
dans les recueils de jurisprudence était une preuve suffisante du fait
invoquépar l'agent du Gouvernement français, il en résulterait sim-

plement que les Etats se sont souvent abstenus, en fait, d'exercer des
poursuites pénales,et non qu'ils se reconnaissent obligésde ce faire;
or, c'est seulement si l'abstention était motivée par la conscience
d'un devoir de s'abstenir que l'on pourrait parler de coutume inter-

nationale. » ''

l5Dans certains pays, dont les Etats-Unis, les victiincs de violations extraterritoriales
des droits de I'hoinmc peuveiit intenter des actions ciii1c.rdevant les tribunaux. Voir par
exemple l'affaire Ktrrirc/:i?(Ktrtlii.v. Ktrrtrt1:ii.70 F. 3d 232 (2d Cir. 1995)). Nombreux
sont les exemples de procéd~ircscivilesengagéesà l'encontre de chefs d'Eta- en exercice
ou ayant cesséde l'être .souvent pour des infractions pénales.Citons, parmi les exem-
ples marquants, Ica affaires Ari.sfcgirietci(Jitllcv.cAri.~rc~glrictt, R. 1962. p. 353),
Ari.stic1(Lti/orittrY.Ari.stitle.844 F. Supp. 128(EDNY, 1994).mentionnéedans AJIL.
1994. vol. 88, p. 528-532). :\fcrrc.o.s(E,stof'Siltiic,G. Boinii1,v. Fc~rt~ir~ci2.tllor.c.o.s.
no C82-1055V. AJIL. 1983. vol. 77. p. 305. Re~/?irhlrocf'flic Pliili~?~?itiv.lluicot trnti
Otlirrr (1986). ILK.. vol. 81. p. 581, et R~plrhof'the Pliilippit~v. !Clarco.\tiiid Oth(,r.s
(1987. 1988).ILR, vol. 81. p. 609et 642)et Diriirlici(Jc>trii-e Duici/ic,r.no 86-0459Civ
(US District Court, SD Fla.). AJIL, 1988,vol. 82. p. 596). toutes évoquéeset commentées
par Watts (A. Watts, ((The Lcgal Position in International Law of Heads of Stateh, Heads
of Goveriinients and Foreign Ministers)). Re(.ircl/c,.\coici..\tkzI'ActrtkCrii(irlerivoitiiifertltr-

tiotirrltlt, Ltr Htrj~,.1994. vol. 247. p. 54 et siiiv.). Voir aussi la loi américaine de 1996
intitulée.411tirc~i.roi.itliEj'ftccrii~Bi,i,trtliPj c/. portant rnodificatioiideForeign
Soi~ei.ci<yIiiriri~~~rtic.t~(FSIA), qui formule Liiienouvelle exccptionà l'immunitédes
Etats dans le cas d'actioiis civiles intentées pour actes de torture. Voir. F. M~irphy.
((Civil Liability for the Comniission of International Crimes as an Alteriiative to Crimirial
Prosccution », HtriitrrrlHlrriiirriRig1it.sJourr~trl.1999, vol. 12, p. 1-56.
'"Voir également ci-après,par. 48.
''Voir l'arrêtrendu dans l'affaire du Lorir.~(note 7, ci-dessus). p. 28. Pour Lincommen-
taire. voir1.C. McGibboii. (<Cuatomary International Law and Acquiescence)), Bl'BtL,
1957, p. 129.is iinder an international obligation to refrain froin instituting such pro-
ceedings against an incumbent Foreign Minister?

il "negative practice" of States, consisting in their abstaining from
instituting crinlinal proceedings, cannot, in itself, be seen as evidence of

an opiriio juris. Abstinence may be explained blr many other reasons,
including courtesy, political considerations, practical concerns and lack
of extraterritorial criminal jurisdictioni5. Only if this abstention was
based on a consciou:j decision of the States in question can this practice

generate customary international law. An important precedent is the
1927 "Lotus" case, nihere the French Government argued that there was
a rule of customary international law to the effect that Turkey was izot

entitled to institute criminal proceedings with regard to offences com-
mitted by foreigners abroad '". The Permanent Court of International
Justice rejected this argument and held:

"Even if the rarity of the judicial decisions to be found among the

reported cases vderesufficient to prove in point of fact the circum-
stance alleged by the Agent for the French Government, it would
merely show that States had often, in practice, abstained from insti-
tuting criminal proceedings, and not that they recognized themselves

as being obligecl to do so; for only if such abstention were based
on their being conscious of having a duty to abstain would it be
possible to spealk of an international custom." l7

l5In some States, for example. thc United States. victims of extraterritorial human
rights abuses cati bring cii,i/actions before the Courts. See, for example, the Kurcidzii.case
(Kudit v. K~irtitlzii.,70 F. 3d 232 (2d Cir. 1995)).There are niany enamples of civil suits
against incumbeni or former Hcads of State. which often arose from criminal offences.
Proininent examples are the Aristrguic~rtrcase (Jinirnez v. Ari.c~ejiuietu.ILR, 1962.p. 353),
the Ari.sri(le case (L~!fotiru~ltv. Aristide. 844 F. Supp. 128 (EDNY 1994), noted in
88 AJIL, 1994,pp. 528-532). the Morc,oscascs iE,st(rtrof Silnr~G. Domingo v. fir.dinernd
Murc.o.s.No. C82-1055V. 77 AJIL, 1983, p. 305: Repirhlic o/ ~IIc, 11ilippinc.sv. Mcrrc~os
otzd Ot/zcr.\(1986). ILR, 81.p. 581 and Rc,plrhlofrhe Philippinesv. MLIT~O(Snid Oflrers.
1987, 1988. IL.R, 81, pp. 609 and 642) and the Diivulier case (Jeun-Juste v. Dusrilic~r.
No. 86-0459 Civ (US Disirict Court. SD Fla.). 82 AJIL, 1988,p. 596). al1mentioned and
discussed by Watts (A. Watts. "The Lcgal Position in Inteinational Law of Heads of
States, Heads of Govcrnrnents and Foreign Ministers". Roc,ueildes c,our.sde I'Accidc;i.i?lic
(le cir.»itN~f~~rtitrtclLtr Huy<,,1994, Vol. 247, pp. 54 cr .\(Y/.).See also the Amcrican
1996Antiterroris~n and E:tfèctivcDeath Penalty Act wliich ainended the Foreign Sover-
eign Immunities Act (FSIA). including anew exception to State immunity in case of tor-
ture for cibil clainis. See J. F. Murphy, "Civil Liability for the Commission of Interna-
tional Criines as an Altcrnative to Criminal Prosecution", 12 Murrtrrd Hunltrtz Ri,qlit.s
Joirrncil.1999. pp. 1-56.

l"See also infiri. para. 48.
"Lofus", .sul>ruf.ootriote 7, p. 28. For a commentary. see 1.C. McGibbon. "Custom-
ary International Law an(j Acquiescence", BYBIL,, 1957. p. 129. 14. La décision de la Cour internationale de Justice procède, en

l'espèce,d'une simple analogie avec les immunités reconnues aux agents
diplomatiques et aux chefs d'Etat. Toutefois, comme l'a observé
sir Arthur Watts, au sujet de la situation des chefs d'Etat, des chefs de
gouvernement et des ministres des affaires étrangèresau regard du droit
international, dans les cours qu'il a donnés à l'Académiede droit inter-

national, ((l'analogie ne constitue pas toujours une base sur laquelle fon-
der des règles de droit))'". Joe Verhoeven, dans le rapport sur cette
même question pour l'Institut de droit international, relève également
que les tribunaux et les commentateurs, s'ils comparent les différentes
catégories, se gardent généralementde formuler «une analogie pure et

simple ))'.
15. Il existe des différences fondamentales entre les situations respec-
tives des agents diplomatiques, des chefs d'Etat et des ministres des af-
faires étrangères. Celle des ugetît~ dip1onzatique.rest comparable, mais

non identique, à celle des ministres des affaires étrangères.Aux termes de
la convention de Vienne de 1961sur les relations diplomatiques"), les agents
diplomatiques jouissent de l'immunitéde juridiction dans 1'Etat accrédi-
taire. Toutefois, alors que les diplomates résident et exercent leurs fonc-
tions sur le territoire de 1'Etat accréditaire, les ministres résident généra-

lement dans I'Etat où ils exercent leurs fonctions. Les Etats concernés
peuvent décider d'accréditerou non des diplomates étrangers et illeur est
toujours loisible de les déclarerpersonu non grata. Ils ont de ce fait leur
«mot à dire» à l'égard despersonnes auxquelles ils reconnaissent la qua-

litéde représentant d'un autre Etat2', faculté qu'ils n'ont pas à l'égard
des ministres d'un gouvernement, lesquels sont désignespar celui-ci dans
le cadre de ses prérogatives souveraines.
16. On pourrait de mêmevoir une analogie entre les chefs d'Etut, qui
jouissent certainement de l'immunité en vertu du droit international cou-

tumier", et les ministres des affaires étrangères, mais on ne saurait les
assimiler pour la seule raison que leurs fonctions offrent matière â com-
paraison. Tous deux représentent I'Etat, mais les ministres des affaires

A. Watts. «The Legal Position in International Law of Heads of States, Heads of
Governments and Foreign Ministers ». Recueil rli,.scodesI'Acuti6mie (ie tlroit intcrtlu-
tiorztilde LHq,r. 1994.vol. 247. p. 40. [Trrithrctiontlii Gr~fjlr.1
c11ej.ili'Etut, rapporàlla 13' commission de l'Institut de droit international, p. 46.at rt cincirtzs
par. 18.
'('Convention sur les relations diplomatiques. Vienne, 18 avril 1961. Nations Unies.
Recueil (les truifi.~,vol. 500, p. 95.
" Voir par exemple les hésitationsdu Danemark concernant I'accréditationd'un nou-
vel ambassadeur d'Israël après le changement de gouvernement intervenu dans ce pays:
The Copenl~ugcnPost. 29 juillet 2001. Tllc CoperzhcigenPo.st,31juillet 2001. The Copen-
liugen Post, 24 août 2001, et <<Prosecutionof New Ambassador'?)), The CopctlliPost,
7 novembre 2001 (tous disponibles sur Internet: http:llcphpost.periskop.dk).
" Cette immunité n'est toutefois pas absolue dans le cas d'actions civiles et adminis-
tratives. Voir. Watts, op. cit.. p. 36 et 54. Voir aussi ci-dessus, la note 15. ARREST 'WARRANT (DISS. OP. VAN DEN WYNGAERT) 146

14. In the preseni. case, the Judgment of the international Court of
Justice proceeds from a mere analogy with immunities for diplomatic
agents and Heads of State. Yet, as Sir Arthur Watts observes in his lec-
tures published in the Recueil des cours de I'Acarr'émie de droit internu-

tionul on the legal position in international law of Heads of States, Heads
of Governments and Foreign Ministers: "analogy is not always a reliable
basis on which to biiild rules of law" lx.Professor Joe Verhoeven, in his
report on the same subject for the Institut de droit international likewise
makes the point that courts and legal writers, wliile comparing the dif-

ferent categories, tisually refrain from making "a straightforward
analogy" Iy.

15. There are fundamental differences betweeii the circumstances of

diplomatic agents, Heads of State and Foreign Ministers. The circum-
stances of diplomrrticugents are comparable, but not the same as those of
Foreign Ministers. Under the 1961 Vienna Convention on Diplomatic
relation^'^', diplomatic agents enjoy immunity from the criminal juris-

diction of the receiving State. However, diplomitts reside and exercise
their functions on the territory of the receiving States whereas Ministers
normally reside in the State where they exercise their functions. Receiving
States may decide wlhether or not to accredit foreign diplomats and may

always declare them personu non grata. Consequently, they have a "say"
in what persons they accept as a representative of the other State". They
do not have the sanie opportunity vis-à-vis Cabinet Ministers, who are
appointed by their Governments as part of their sovereign prerogatives.

16. Likewise, there may be an analogy betweeii Heuds of Stutp, who
probably enjoy immilnity under customary international lawZ2.and For-
eign Ministers. But the two cannot be assimilated for the only reason that

their functions may be compared. Both represent the State, but Foreign
Ministers do not "impersonate" the State in the same way as Heads of

'%. Watts. "The Legal Position in International Law of Heads of States. Heads of
Governments and Foreign Ministers", Rccui,il descoirr.~rli,/'Ar,ridi(kcrlroit intc~rrirr-
riotiirl(le Lrr Hcr1,94, Vol. 247, p. 40.
'" J. Verhoeven, L'ir?irnunircr;lc,jurirli01ii'e.ubc.ittiorcik,.\c,l~cf\1,1irnri~ri.c
c.hq/Sti'Eirit. Report of the 13th Commission of the Institut tle droit internp.i46,l.
para. 18. [Tïtrrislcr~ij rhc Rrgi.tty./
"' Convention on Diplomatic Relations, Vienna. 18April 1061. United Nations, Treutj
SeritjsiL.'NTS). Vol. 500, p. 95.
ambassador forelsrael in 2001. after a new government had come to power in that State:
Tlir C'oj~c~rihorroist. 29 July 2001, Tlzr Copc,riiost, 31 July 2001, Tlie Coprnkagcw
PO.YI.24 AU~LIS2~001. arid "Prosecution of New Ambassador'?". Tlie CopenlztrgenPosf.
7 No~ember 1001 (al1av;iilable on the Interne:http://cphpost.periskop.dk).
'' In civil and adniinistrative proceedinys this immunity is. however. iiot absolute. See
A. Watts, 01).i,ir.. pp. 36 and 54. See also .supru.footnote 15.147 MANDAT D'ARRET (OP. DISS. VAN DEN \VYNGAEKT)

étrangèresne ((personnifient))pas 1'Etat de la même façonque les chefs
d'Etat, qui en sont l'rzlterego. La pratique relative aux immunités des
chefs d'Etat3 (en exercice ou ayant cesséde l'être)ne s'applique pas telle
quelle aux ministres des affaires étrangères.Il n'existe aucune pratique

des Etats révélatriced'une oppiniojuris sur ce point.
17. La Commission du droit international, qui a vocation normative et
Œuvreau développement progressif du droit international, est parvenue a
codifier la coutume internationale à l'égarddes agents diplomatiques et

consulaire^'^, mais no11des chefs d'Etat ou des ministres des affaires
étrangères,II convient de souligner que le rapporteur spécialde la Com-
mission du droit international sur les immunités juridictionnelles des
Etats et de leurs biens a estimé, dans son rapport de 1989, que les privi-

lèges et immunités dont bénéficientles ministres des affaires étrangères
sont octroyés au titre de la courtoisie plutôt que de règles de droit
international établies". De l'avis de sir Arthur Watts, cela pourrait
expliquer que des doutes quant à la portée des immunités juridiction-

nelles accordées en droit international aux chefs de gouvernement et
aux ministres des affaires étrangères subsistent dans la version finale du
projet d'articles de 199 1 de la Commission du droit international sur les
immunitésjuridictionnelles des Etats et de leurs biens2" qui fait mention

des chefs d'Etat, mais non des ministres des affaires étrangères
(art. 3, par. 2).
Pour ce qui a trait au droit pénalau regard des crimes les plus graves
en droit international, tels que les crimes de guerre et les crimes contre

l'humanité, la Commission du droit international adopte manifestement
à l'égarddes immunités une perspective restrictive, comme en témoigne
l'article 7 du Projet de code des crimes contre la paix et la sécuritéde
I'humanitéde 1996. Les articles de ce projet ne concernent pas seulement

lesjuridictions pénalesinternatiot7rrles,mais aussi les Etats qui établissent
leur compétence pour connaître de ces crimes (art. 8 du projet de code)
ou,dans uneoptique de coopération,extradent ou poursuivent lesauteurs
présumésde crimes de droit international (art. 9 du projet de code). Je

reviendrai sur ce point lorsque je traiterai la question des immunités
accordées aux ministres des affaires étrangères inculpés de crimes de
guerre et de crimes contre l'humanité".
18. Le seul texte de droit international conventionnel qui puisse nous

permettre de trancher la question de la protection reconnue aux ministres

Voir ci-dessus. les notes 12et 13.
'Tonvention sur les relations diploinatiqiies. Vieniie, 18 avril 1961. Nations Unies.
Rc,c,~iel/(,trtrit6.vol.500, p. 95. et convention sur les relations coiisulaires. Vienne,
24 avril 1963, Nations Unies.Reclrc,iltlc~slrrri.ol. 596, p. 262.
" At7tiutriric,Icr Cot~~nii.rsihr tlr.oit itiic~rtitrf1989. vol. II(2). II' partie.
par. 446.
'"A. Watts. o/~.cil.p. 107.
" Voir ci-après, piir. 24 et suiv., en particulier piti-.32.State, who are the State's alter ego. State practice concerning immunities
of (incumbent and former) Heads of State" does not, pev se, apply to
Foreign Ministers. There is no State practice evidencing an opinio juri,r

on this point.

17. Whereas the International Law Commission (ILC), in its mission
to codify and progressively develop international law, has managed to

codify customary ini.ernational law in the case of ~Liplomaticand consular
ageilts", it has not achieved the same result regarding Heads of State or
Foreign Ministers. It is noteworthy that the International Law Comniis-
sion's Special Rapporteui- on Jurisdictional Iminunities of States and

their Property, in his 1989report. expressed the view that privileges and
iiiini~iiiities enjoyed by Foreign Ministers are granted on the basis of
comity rather than on the basis of established rules of international
la\v2'.This, accordirig to Sir Arthur Watts. may explain why doubts as to

the extent of jurisdictional immunities of Heads of Governnient and For-
eign Ministers under customary international law have survived in the
final version of the Ihternational Law Comniission's 1991 Draft Articles

on Jurisdictional Innmunities of States and their Pr~perty'~, wliich in
Article 3. paragraph 2, only refer to Heads of State, not to Foreign
Ministers.

In the field of the criminal law regarding international core crimes such
as war crinies and crimes against humanity, the International Law Com-
mission clearly adopts a restrictive view on immunities, which is reflected
in Article 7 of the 1996 Draft Code of Offences against the Peace and

Security of Mankind. These Articles are intended to apply, iiot only to
inte~nutioncilcriminal courts, but also to ncrtionc~a luthorities exercising
jurisdiction (Article 8 of the Draft Code) or co-operating mutually by
extraditing or prosecuting alleged perpetrators of international crimes

(Article 9 of the Driift Code). 1will further develop this when addressing
the problem of immi.initiesfor incumbent Foreign Ministers charged with
war crimes and crimes against humanity".

18. The only text of conventional international law. which may be of
relevance to answer this question of the protection of Foreign Ministers,

''See .s~rpri,ootnote:; II and 13.
''Convention on Diplornatic Relations, Vienna. 18April 1961, UIVTS. Vol. 500,p. 95,
aiiciConvention on Coniular Relations. Vienna, 24 April 1963, Cr,VTS.Vol. 596. p. 262.

'' Yetrrhooir (~f'tl~c/,i~,rc~r.rrli.iCoil1tl7ic.ri(rYILC'). 1989. Vol. 11(2). Part 2.
para. 446.
'(' A. Watts.OIJcir..ri.107.
-,See iirfroparas. 14 rt .\c(and piirticularly para. 32.des affaires étrangères est la convention de 1969 sur les missions spé-
ciales2" dont l'article 21 opère une nette distinction entre les chefs
d'Etat (par. 1) et les ministres des affaires étrangères(par.2):

« 1. Le chef de 1'Etat d'envoi, quand il se trouve à la têted'une
mission spéciale,jouit, dans 1'Etatde réceptionou dans un Etat tiers,
des facilités,privilègeset immunités reconnus par le droit internatio-

nal aux chefs d'Etat en visite officielle...
2. Le chef du gouvernement, le ministre des affaires étrangèreset
les autres personnalités de rang élevéq , uand ils prennent part à une
mission spécialede 1'Etat d'envoi, jouissent, dans I'Etat de réception

ou dans un Etat tiers, en plus de ce qui est accordé par la présente
convention, des facilités, privilèges et immunités reconnus par le
droit international. ))

La doctrine juridique est diviséesur la question de savoir dans quelle
mesure cet instrument peut êtreconsidérécomme codifiant le droit inter-
national coutumier2'. La convention, qui n'a pas étératifiée par les

Parties au différend,si elle fait mention de ((facilités,privilègeset immu-
nités» reconnus aux ministres des affairesétrangères, les circonscrit néan-
moins au cadre des visites oj3cielles («quand ces ministres prennent part
à une mission spéciale de 1'Etat d'envoi))). L'idéequ'un ministre des
affaires étrangères devrait se voir accorder les mêmesprivilègeset immu-

nitésqu'un chef de 1'Etatest certainement empreinte de sagesse politique,
mais un tel principe peut aussi bien relever de la courtoisie, et n'établit
pas pour autant l'existence d'une règle de droit international coutumier

en ce sens. Une telle règle nesaurait, en tout état de cause, êtreinféréedu
texte de la convention sur les missions spéciales. Quand bien mêmela
convention s'appliquerait au différendopposant la République démocra-
tique du Congo à la Belgique, sa seule répercussion serait qu'un mandat

d'arrêtne peut êtreexécuté à l'encontre d'un ministre des affaires étran-
gères en exercice lorsqu'il prend part à une visite officielle (immunité
d'exécution) 'O.
19. La convention de 1973sur la prévention et la répression desinfrac-

tions contre les personnes jouissant d'une protection internationale" fait
elle aussi mention des ministres des affaires étrangères. Aux termes de

'X Convention del'Organisation des Nations Unies sur lesmissions spéciales. NewYork.
16dccembre 1969.annexe àla résolution2530(XXIV) du 8décembre1969de l'Assemblée
généralede l'Organisation des Nations Unies.
" J. Salmon observe que la ratification de la convention par un nombre restreint
d'Etats peut s'expliquer par le fait que cet instrument n'établitaucune hiérarchieentre les
missions spéciales. puisqu'elle accorde auxmembres de commissions administratives
prenant part à des négociations sur des questions techniques les mêmesprivilèges et
immunités qu'aux chefs d'Etat en visite officielle. VoirJ. Salmon, hfu1ieclroi, tliplo-
i~~~ricll1994. p. 546.
'" Voir aussi ci-après, par. 75 (inviolabilité).
3' Convention de 1973sur la prévention et la répression desinfractions contre les per-
sonnes jouissant d'une protection internationale. New York, 14 décembre 1973,Nations
Unies. Rrclrril (/C,.\fr..ol. 78, p. 277. ARREST WARRANT (DISS.OP. VAN DEN WYNGAERT) 148

is the 1969 Convention on Special MissionsZN.Article 21 of this Conven-
tion clearly distinguishes between Heads of State (para. 1) and Foreign
Ministers (para. 2) :

"1. The Head of the sending State, when he leads a special
mission, shall enjoy in the receiving State or in a third State the
facilities, privileges and immunities accorded by international
law . . .

2. The Head of the Government, the Minister for Foreign Affairs
and other persons of high rank, when they take part in a special mis-
sion of the sending State, shall enjoy in the receiving State or in a
third State, in addition to what is granted by the present Conven-
tion, the facilities. privileges and immunities accorded by interna-

tional law."
Legal opinion is clivided on the question to what extent this Conven-

tion may be considered a codification of customary international law19.
This Convention has not been ratified by the Parties to the dispute. It
links the "facilities, privileges and immunities" of Foreign Ministers' offi-
cicrlvi5it.v(when they take part in a special mission of the sending State).
There may be some political wisdom in the proposition that a Foreign

Minister should be accorded the same privileges and immunities as a
Head of State, but this may be a matter of courtesy, and does not
necessarily lead to the conclusion that there is a rule of customary inter-
national law to this effect. It certainly does 11otfollow from the text of

the Special Missions Convention. Applying this to the dispute between
the Democratic Republic of the Congo and Belgium, the only conclusion
that follows from the Special Missions Convention, were it to be appli-
cable between the two States concerned, is that an arrest warrant against
an incumbent Foreign Minister cannot be enforced when he is on an offi-

cial visit (immunity from executi~n)~~.

19. Another international convention that mentions Foreign Ministers
is the 1973 Conveni:ion on the Prevention and Punishment of Crimes

against Internationally Protected Persons3'. This Convention indeed

United Nations Coiivention on Spccial Missions, New York. 16 December 1969,
Annex to UNGA res. 2530 (XXIV) of 8 December 1969.

3'J. Salmon observes that the limited nuinber of ratificatioiis of the Convention can be
explainedbec;~useof the fact that the Convention sets al1 special missions on the same
footing, according the sarne privileges and immunities to Heads of State on a official visit
and to themeinbers of ari administrative commission which comes negotiating over tech-
nical issues. Sce J. Salmon. Munuel (le clroitdip/omcitic/ue.1994. p. 546.

See alsoil~frupara. 75 (inviolability).
?'Convention on the Prevention and Punishment of Crimes against Internationally
Protected Persons. New 'Iork, 14 December 1973. CINTS. p. 277.149 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

cette convention, les chefs dlEtat, les chefs de gouvernement, les ministres
des affaires étrangères et les autres représentants de 1'Etat sont définis
comme des ((personnes jouissant d'une protection internationale)); cette

définition laisse entendre, semble-t-il, que ces différents statuts sont assi-
milables (art. 1). Cette assimilation n'est toutefois pas pertinente en
l'espèce. La convention de 1973 ne porte pas sur les immunités pénales
dans un autre Etat, mais sur la protection de certains dignitaires étran-

gers lorsque ceux-ci sont rictirî~esd'actes terroristes tels que le meurtre.
l'enlèvement ou toute autre atteinte à leur personne ou à leur liberté
(art. 2). Elle ne traite pas des protections procédurales reconnues à ces
personnes lorsqu'elles sont elles-mêmesles ~iutezlr.~résumésde crimes de

guerre et de crimes contre l'humanité.
20. Peu d'élémentsdans la doctrine juridique viennent corroborer
l'analogie entre les ministres des affaires étrangèreset les chefs d7Etat
postuléepar la Cour internationale de Justice. Oppenheim et Lauterpacht

écrivent: <<lesmembres d'un gouvernement n'occupent pas la situation
exceptionnelle des chefs d'Etat ...D~?, un point de vue que partagent
A. Cavaglieri", P. Cahier3j, J. Salmon3', B. S. Murty" et J. S. de Erice
v O'Shea3'.

Sir Arthur Watts est catégorique à cet égard,lorsqu'il observe: «Ainsi
le principe donne à penser qu'un chef de gouvernement ou qu'un ministre
des affaires étrangèresqui se rend dans un autre Etat à titre (dficieljouit
d'une immunitéde juridiction pour toute la dur& de son .sc;joz~r/un,cedit
Etut. »'8 Au sujet des ((déplacements privés)),sir Arthur ajoute:

«Il se peut fort bien qu'un chef d'Etat, lorsqu'il se rend à titre

privédans un autreEtat, continue de bénéficier de certains privilèges
et immunités, mais il est beaucoup moins sûr que cela soit le cas des
chefs de gouvernement et des ministres des affaires étrangères.L'Etat
hôte pourra accorder à ces derniers un traitement spécial. mais il

?' Publiésous la direction de L. Oppenheini et de H. Lauterpacht. Int(~rnntionulLclii,.
Tretrfi.sc,.1955, v1.p. 358. Voir aussi la 9' éditionde 1992(p~ibliéesous la direction de
Jennings et de Watts), p. 1046.
.''A. Cavaglieri. ('or.sotli Biritfo Intrinri:ioneil(~.?' éd.,p. 321-322.
'IP. Cahier, Le droit tliplonrutic/ur(~ori~erii~or.rr1i,9i.62. p. 359-360.
fi J. Sainlon, Muriuc,lde tiroir iiip/ori~t19,94, p. 539.
'('B. S. Murty, Tlrc,Ititrr.ri<rrulit,~f'Dil~lor~ici<-T~l:zc Biplottwfic In.strri?(/rz
World Public Ortler.,1989,p. 333-334.
" J. S. de Erice y O'Shea. D(~r.ccDij7/oriiritico.1954. p. 377-378.
'%. Watts. op. cit.. p. 106 (les italiques sont de moi). Voir aussi p. 54:
<<Ence qui concerne les poiirsuites peiiales. I'irnniunitéd'uri chef d'Etat est géné-
ralement reconnue comme rih.solirà.l'instar de celle des ambassadeurs. et conformé-
ment au paragraphe 1de l'article 31 de la conventioii sur les missions spéciales,qui
reconnaît une telle immunité aux chefs d'Etat entrant dans son champ d'applica-
tioil. » (Les italiques sont de moi.) [Trathrctioi~cl~r]..c.ffi~ ARREST WARRANT (DISS. OP. VAN DEN WYNGAERT) 149

defines "internationally protected persons" so as to include Heads of
State, Heads of Government and Foreign Ministers and other repre-
seritatives of the State, and may hereby create the impression that the dif-
ferent categories meiltioned can be assimilated (Art. 1).This assimilation,
however, is not relekant for the purposes of the present dispute. The 1973

Convention is not about iinmunities from criminal proceedings in another
State, but about the protection of the high foreign officiais it enumerates
when they are ilicrirtu of certain acts of terrorism such as murder, kid-
napping or other aittacks on their person or liberty (Art. 2). It is not

about procedural protections for these persons wlien they are themselves
accused of being yrr;urtrutors of war criines and crimes against humanity.

20. There is hardly any support in legal doctriiie for the International

Court of Justice's postulated analogy between Foreign Ministers and
Heads of State on the subject of immunities. Oppenheim and Lauter-
pacht write: "members of a Government have not the exceptional posi-
tion of Heads of States .. ."32. This view is shared by A. Cavaglieri"',

P. Cahier33, J. Salmon3', B. S. Murty'" and J. S. de Erice y O'Shea3'.

Sir Arthur Watts is adamant in observing that principle "suggests that
a head of government or foreign minister who visits another State for
oJfr<.lcllpcrrpo~r iJ immune from legal process irl~iletlzc~e" Comment-

ing further on the question of "private visits", he writes:

"Although it may well be that a Head of State, when on a private
visit to another State, still enjoys certain privileges and immunities,
it is much less likely that the same is true of heads of governments
and foreign miriisters. Although they may be accorded certain spe-

cial treatment by the host State. this is more likely to be a matter of

'' L. Oppenheim and H. Lauterpacht (eds.), I~itc~rtic/ti»~l~,c1rTrruti~r, Vol1. 1955.
p. 358. Seealao the Niiith (1992) Edition (Jennings and Watts. eds.) at p. 1046.

" A. Cavaglieri. Cors(1di Diritto Inter~zcrzioriulc2~n,d ed.. pp. 321-322.
''IP. Cahier. Lr rlroit ~lij~lo~ntitiq~cio<~~itc~l1i9n6.7. pp. 359-360.
" J. Salmon. Munucl </cclroitdiplon~trtique.1994.p. 539.
'" B. S. Murty, The Ii~terncrriontirr~i./'Diplorntr<:i: h<.Diplor?iuricIn.strurt~entcrrid
Worltl Public Ortler, 198'9,pp. 333-334.
?' J. S.de Erice y O'Shea. Do~~clzoDiplorirutico, 1954, pp. 377-378.
Watts. op. cil.p. 106(emphasis added). See also p. 54:
"So far as concerris criminal proceedings, a Head of State's immunity is generally
accepted as beingcih~olute,as it is for ambassadors. and as provided in Article 31 (1)
of the Convention on Special Missions for Heads of States coming within itscope."
(Emphasis added.)150 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

agira vraisemblablement par courtoisie et respect pour l'éminent

visiteur, et non pas tant parce qu'il pense que le droit international
impose un tel traitement. >)'y

21. Plus récemment, l'Institut de droit international a examiné (a sa
session de Vancouver en 2001) la question de l'immunité des chefsd7Etat
et des chefs de gouvernement. Le projet de résolution assimilait expres-
sément,à son article 14 intitulé ((Le chef de gouvernement et le ministre
des affaires étrangères)), les chefs de gouvernement et les ministres des

affaires étrangères aux chefs d'Etat. Ce projet d'article n'apparaît pas
dans la version finale de la résolution de l'Institut, qui fait mention des
chefs de gouvernement, mais pas des ministres des affaires étrangères.
Cette comparaison entre le projet de résolution et le texte final révèleà

tout le moins que les éminents membres de l'Institut ont songé - puis
renoncé - a placer les ministres des affaires étrangères sur un pied d'éga-
lité avecles chefs d'Etat40.
Il est difficile de savoir avec certitude ce qui a motivél'adoption de la
résolution finale. Peut-êtrereflète-t-ellele sentiment de l'Institut, à savoir

qu'il n'existe aucune régle de droit international coutumier assimi-
lant chefs d'Etat et ministres des affaires étrangères. Quoi qu'il en soit,
l'Institut a agi sagement. Procéder à des assimilations du type de celles
que l'on trouve dans le projet de résolution aurait pour effet de mul-
tiplier démesurémentle nombre de personnes jouissant, à l'échelleinter-

nationale, d'une immunité de juridiction, et ouvrirait la porte a des
abus. Des gouvernements pourraient, à leur escient, nommer à des
postes ministériels des personnes soupçonnées d'avoir commis de graves
violations des droits de l'homme afin de les mettre à l'abri de poursuites

à l'étranger.
22. L'immunité de juridiction viendrait dès lors faire obstacle à la
volonté des victimes de telles violations de poursuivre leurs auteurs
à l'étranger. Celles-ci se heurtent certes aujourd'hui a l'immunité
d'exécution découlant de l'application du principe énoncé à l'ar-

ticle 21 de la convention de 1969 sur les missions spéciales4',lorsque le
ministre est en visite officielle, mais ne se trouvent pas pour autant pla-
céesdans l'incapacité d'intenter une action en justice. A aller au-dela,

" A. Watts. op.cit.p. 109. [TruductiociuGr-fi.]
" Voir le rapport de J. Verhoeven mentionnéci-dessus, note 19 (projets de résolution)
et les résolutions finales adoàtla session de Vancouver le 26 août 2001 (qui seront
publiéesdans le prochain annuaire de l'Institut), et «The Resolution of the Insti-
tute of International Law on the Immunities of Heads of State and Government)).
ICLQ. 2002. vol. 51p. 119-125.
4'Voir ci-dessus. par. 18. courtesy and respect for the seniority of the visitor, than a reflection
of any belief lhat such a treatment is required by international
law." 3y

21. More recently, the Institut de droit international, at its 2001 Van-
couver session, addressed the question of the immunity of Heads of State
and Heads of Government. The draft resolution explicitly assimilated
Heads of Government und Foreign Ministers with Heads of State in

Article 14, entitled "Le Chef de gouvernement et le ministre des Affaires
étrangères'..This draft Article does not appear in the final version of the
Institut de droit international resolution. The final resolution only men-
tions Heads of Government, not Foreign Ministers. The least one can
conclude from this idifference between the draft resolution and the final

text is that the distii~guished members of the Institut considered but did
not decide to place Foreign Ministers on the same footing as Heads of
State40.
The reasons behirid the final version of the resolution are not clear. It
may or may not reflect the Institut de droit international's view that there

is no customary international law rule that assiinilates Heads of State
and Foreign Ministers. Whatever may be the Institut de droit interna-
tional's reasons, it was a wise decision. Proceeding to assimilations of the
kirid proposed in the draft resolution would dramatically increase the
number of persons 1hat enjoy international immiinity from jurisdiction.

There would be a potential for abuse. Mcile fitke Governments could
appoint suspects of serious human rights violations to cabinet posts in
order to shelter thern from prosecution in third States.

22. Victims of suoh violations bringing legal action against such per-
sons in third States would face the obstacle of immunity from jurisdic-
tion. Today, they may, by virtue of the application of the principle con-
tained in Article 21 of the 1969 Special Missions Convention4', face the
obstacle of immunit,~from execution while the Minister is on an officia1

visit, but they would not be barred from bringing an action altogether.
Taking immunities further than this may even lead to conflict with inter-

j'A. Watts, op. cir., p. 109.
"'See the Report of J. Verhoeven, slipru, footnote 19(draft resolutions) and the final
resolutions adopted at the Vancouver meeting on 26 August 2001 (publication in the
Yeurhook of the Institute forthcoming). See further H. Fox, "The Resolution of the Insti-
tute of International Law on the Immunities of Heads of State and Government". 51
IC1.Q. 2002, pp. 119-125.
" Suprri, para. 18.le risque existerait d'entrer en contradiction avec les régles interna-
tionales relatives aux droits de l'homme, comme le montre la récente

affaire Al-Adsuni portée devant la Cour européenne des droits de
l'homme42.
23. Je suis donc d'avis que, en jugeant que les ministres des affaires
étrangères en exercice bénéficientd'une immunité totale de juridiction

pénale(par. 54 de l'arrêt), laCour est parvenue i une conclusion dépour-
vue de fondement en droit international positif. Avant d'en arriver a cette
conclusion, la Cour aurait dû s'assurer qu'il existait un usus et une opinio
j~4ri.sétablissant une coutume internationale en la matière. Il n'existe ni

usus ni opirzioluvis établissant l'existence d'une coutume internationale en
ce sens, il n'existe aucun traité sur ce point et la doctrine juridique ne
semble pas étayer cette thèse. La conclusion de la Cour ne tient aucun
compte de la tendance générale 6 restreindre l'immunité desreprésentants

de I'Etat (y compris les chefs d'Etat), non seulement dans la sphére du
droit privéet du droit commercial - qui limitent de plus en plus le prin-
cipe PLII.in pureni4', autrefois sacro-saint - mais également en droit
pénal, lorsque sont allégués descrimes graves au regard du droit inter-

national44. Si la Belgique peut êtreaccuséede ne pas avoir respectéla
courtoisie internationale, on ne saurait en revanche pas l'accuser d'avoir
enfreint le droit international. J'estime par conséquent que l'arrêtse

fonde sur un raisoiinement erroné.

" Voir l'affaire AI-AcIscii, our européenne des droits de l'homme, AI-Adrcirii c.
Ro?~airr?zr-Uti.1 novembre 2001 (http://www.echr.coe.int). Dans cette affaire, le
requérant, qui possédait la double nationalité koweïtienne et britannique, affirmait avoir
subi de gravesviolations des droits de l'homme (torture) au Koweït aux mains d'agents du
gouvernement de ce pays. II se plaignait de n'avoir pu exercer son droit de saisir la justice
britannique, les tribunaux ayant refuséde connaître de sa requêteau titre de la loi sur
l'immunitéde I'Etat de 1978. Jusqu'alors. les affaires portées devant la Cour européenne
des droits de l'homme avaient habituellement pour source des violations de ces droits
commises sur le territoire de I'Etat défendeuret imputéesaux autorités de cet Etatà non
celles d'Etats tiers. En conséquence,la question des immunités internationales ne seposait
pas. Elle s'est poséedans I'affaire-A(lsatii,car. en l'espèce.la violation présumée des
droits de l'homme avait été commise à l'étranger. par les autorités d'un autre Etat. La
Cour européenne des droits de l'homme a rejeté. par 9 voix contre 8, les demandes
de M. Al-Adsani. estimant qu'il n'y avait pas eu violation du paragrap1ede I'article 6
de la convention européennedes droits de l'homme(droià uriprocèséquitable).Cette déci-
sion a toutefois étéprise une faible majorité (9 voix contre 8 et 8 opinions dissidentes)
et son contenu est égalenieritrestreint: elle ne tranche la question des immunités que
dans le cas d'une procédureii,i/,ans traiter le cas d'une proccdure j~P. ans leur opi-
nion dissidente,à laquelle se sont ralliés les juges Wildhaber. Costa, Cabral Barreto,
Vajii- et Loucaides. les juges Rozakis et Caflisch interprètent la décisionde la majorité
au sens que la Cour aurait admis qu'il avait eu violation si la procédure au Royaume-
Uni avait étéengagéeau pénal à l'encontre d'un individu pour acte de torture présumé
(paragraphe 60 de l'arrêt,tel qu'interprétépar les jugesparagraphe 4 de leur opinion
dissidente).
" Voir ci-dessus. la note 32.
'4Voir ci-après. par. 24 et suiv.national human rigl-itsrules as appears from the recent Al-Adsuni case of
the European Court. of Human Right~~~.

23. 1conclude that the International Court of Justice, by deciding that
incumbent Foreign Ministers enjoy full immunity from foreign criminal
jurisdiction (Judgmcnt, para. 54), has reached a conclusion which has no

basis in positive international law. Before reaching this conclusion, the
Court should have satisfied itself of the existence of usus and opitziojuris.
There is neither State practice nor opinio juri.~ establishing an interna-
tional custom to thiij effect. There is rio treaty on the subject and there is

no legal opinion in iivour of this proposition. The Court's conclusion is
reached without regard to the general tendency toward the restriction of
immunity of the State officials (including even Heads of State), not only

in the field of private and commercial law where the pur inpurem prin-
ciple has become niore and more restricted and deprived of its mys-
tique"', but also in the field of criminal law, when there are allegations of
serious international crimes4". Belgiurn may have acted contrary to inter-

national comity, but has not infringed international law. The Judgment is
therefore based on flawed reasoning.

J'ECHR. Al-Acl.strn.,UnitedKingdoni, 21 November 2001. http:llwww.echr.coe.int.
In that case, the Applicant. a KuwaitilBritish national, claimed to have been the victim
of serious huinan rights violations (torture) in Kuwait by agents of the Government of
Kuwait. In the United K.ingdoin. he complaitied about the tàct that he had been denied
access to court in Britain because the courts refused to entertain his complaint on the
basis of the 1978State Inimunity Act. Previous cases before the ECHR had usually arisen
from human rights violations committed on the territory of the respondent State and
related to acts of torture allegedly committed by the authorities of the respondent State
itself. not by the authorities of third States. Therefore. the question of international
imrnunities did not arise. In theAl-Ad.srrniase, the alleged human rights violation was
committed abroad, by authorities of another State ancl so the question of immunity did
arise. The ECHR (with a 918majority). has rejected Mr. Al-Adsani's application and iield
that there has becn no \iolation of Article 6. paragraph 1. of the Convention (right of
access to court).However. the decision was reached with a narrow majority (918and 8
disscnting opinions) and was itself very iiarrow: it only decicled the question of immuni-
ties in ac,ii,proceedinp.. leaving the question as to the application of immunities in a
c,riinintprocecding unanswered. Dissenting judges, Judges Rozakis and Caflisch joined
by Judges Wildhaber, Costa, Cabral Barreto and Vajic and also Loucaides read the deci-
si011of the majority as iniplying that the court would have found a violation had the pro-
ceedings in the United K.ingdom been criminal proceedings against an individual for an
alleged act of torture (paragraph 60 of the judgment, as iiiterpreted by the dissenting
judges in paragraph 4 of their opinion).

4'Suprrr.footnote 22.
Infrrrparas. 24 riscq 2. Les ministres des ujjuires étrungèresen exercice ne bénijicient
d'aucune inzn~unité dejuridiction vis-a-vls de.\ autres Etats lorsqu'ils

sont accust?.~de crirnes rieguerre et de critne~contre /'/?uMLIM~~~?

24. S'agissant des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, la
Cour arrive a la conclusion suivante. Elle déclarequ'elle ne saurait déter-
miner l'existence, en droit international coutumier, d'une exception quel-

conque a la règle consacrant l'immunitéde juridiction pénale et I'invio-
labilitédes ministres des affaires étrangèresen exercice soupçonnés d'avoir
commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité (par. 58,
al. 1, de I'arrêt).
Elle poursuit en observant que rien, dans les dispositions des instru-

ments juridiques portant création des tribunaux pénaux internationaux
relatives à l'immunitéou A la responsabilité pénale despersonnes agissant
a titre officiel, ne permet de conclure a l'existence d'une telle exception en
droit international coutumier s'agissant des juridictions pénales natio-
nales (par. 58, al. 2, de I'arrêt).

Elle conclut que ces immunités ((demeurent opposables devant les tri-
bunaux d'un Etat étranger, mêmelorsque ces tribunaux exercent une telle
compétence sur la base de ces conventions)) (fin du par. 59 de I'arrêt).
25. Je m'élèvevivement contre ces conclusions. Tout d'abord, et
comme je l'ai dit plus haut, la Cour se fonde sur une base erronéeen sup-

posant que le droit international coutumier reconnaît aux ministres des
affaires étrangèresen exercice une immunitéde juridiction totale. Ce pos-
tulat, qui fausse toute la suite du raisonnement, est a l'origine d'une
seconde méprise :afin de pondérer la règlepostuléeconsacrant «l'immu-
nité totale)) en droit international coutumier, il faudrait prouver l'exis-

tence d'une seconde règle de droit international coutumier s'opposant à
la première. Il faudrait égalementétablirque le principe de l'obligation de
rendre des comptes sur le plan international a été consacrépar le droit
international coutumier. La Cour conclut, sans avoir trouvé l'ombre
d'une preuve confirmant l'existence d'une telle règledans l'éventaillimité

des sources qu'elle examine45, qu'il y a eu violation de la première règle,
celle de l'immunité.
26. La Cour souligne qu'immunité de procédure pénale ne vaut pas
impunité lorsqu'un ministre des affaires étrangèresest accuséde crimes,
quelle que soit leur gravité. Elle poursuit en faisant valoir deux

45Au paragraphe 58 de I'arrêt.la Cour fait uniquement référenceaux instruments rela-
tifs aux tribunaux pénaux intc~riiutiotiuus(les statuts des tribunaux de Nuremberg et de
Tokyo, les statuts des tribunaux pénaux lzocet le statut de Rome portant création
d'une Cour pénale internationale). Mais il existe également d'autres instruments perti-
leur exemple en est la loi 10 du Conseil de contrôle sur le châtiment des individus
coupables decrimes de guerre. crimes contre la paix et crimes contre l'humariité.Berlin.
20 décembre 1945(Joirrtiulojficiel du Coiriecotltr(ilepour I'AlIen~ugnr,II" 3, Berlin.
31janvier 1946).Voir égalementl'artic7du projet de code de la Commission du droit
international de 1996sur les crimes contre la paix ct la sécuritéde I'humanité. 2. Incumhent Foreign Ministers Are Not Immune from the
Jurisdiction of'Other States When Charged iilitlz War Crirnes and

Crimes against Humanity

24. On the subject of war crimes and crimes against humanity, the
Court reaches the following decision: it holds that it is unable to decide
that there exists under customary international law any form of exception

to the rule accordingimmunity from criminal process and inviolability to
incumbent Ministers for Foreign Affairs, where they are suspected of
having committed war crimes or crimes against humanity (Judgment,
para. 58, first subparagraph).
It goes on by observing that there is nothing in the rules concerning the

immunity or the criminal responsibility of persons having an official
capacity contained in the legal instruments creating international crimi-
na1 tribunals that enables it to find that such an exception exists under
customary international law before national criminal tribunals (Judg-

ment, para. 58, second subparagraph).
This immunity, it concludes, "remain[s] opposable before the courts of
a foreign State, even where those courts exercise such a jurisdiction under
these conventions" (Judgment,para. 59 in,fine).
25. 1 strongly disagree with these propositions. To start with, as set

out above, the Court starts from a fiawed premise, assuming that incum-
bent Foreign Ministers enjoy full immunity from jurisdiction under cus-
toinary international law. This premise taints the rest of the reasoning. It
leads to another fiaw in the reasoning: in order to "counterbalance" the
postulated customairy international law rule of "full immunity", there

needs to be evidence of another customary international law rule that
would negate the fir:jt rule. It would need to be established that the prin-
ciple of international accountability has also reached the status of cus-
toinary international law. The Court finds no evidence for the existence
of such a rule in thie limited sources it considers4' and concludes that

there is a violation of the first rule, the rule of immunity.

26. Immunity from criminal process, the International Court of Jus-
tice emphasizes, does not mean the impunity of a Foreign Minister for

crimes that he may Eiavecommitted, however serious they may be. It goes

45In paragraph 58 of the Judgment. the Court only refers to instruments that are rele-
vant forintrrnutiorzul criminal tribunals (the statutes of the Nuremberg and the Tokyo
tribunals. statutes of the ud hoc criminal tribunals and the Rome Statute for an Interna-
tioiial Criminal Court). But there are also other instruments that are of relevance, and
that refer to thejurisdiction of riutionultribunals. A prominent example is Control Coun-
cil Law No. 10. Punishment of Persons Guilty of War Crimes. Crimes against Peace and
against Humanity, Officiul Curettoftl~eC.onirol Counci1,for Gc~rrnuny,No. 3. Berlin.
31 January 1946. See also Article 7 of the 1996 ILC Draft Code of Offences against the
Peace and Security of Mankind.arguments prouvant son adhésionà ce principe: o) elle opère une distinc-

tion entre l'immunité de juridiction, qui revêtun caractère procédural,
et la responsabilité pénale,qui touche au fond du droit; ainsi, l'immunité
dejuridiction ne saurait exonérerla personne qui en bénéficie de toute res-
ponsabilité pénale(par. 60 de l'arrêt);h) elle soutient que les immunités
dont bénéficieen droit international un ministre ou un ancien ministre

des affaires étrangèresen exercice ne font pas obstacle à ce que leur res-
ponsabilité pénale soit recherchée dans quatre cas particuliers, qu'elle
examine par la suite (par. 61 de l'arrêt).
Il est extrêmement regrettable de constater que cette conclusion réfute

non seulement les arguments en faveur de l'obligation, au regard du droit
pénal,de rendre compte de crimes de guerre et de crimes contre I'huma-
nité,mais qu'en outre elle ne reconnaît pas la primauté des normes rele-
vant de cette dernière catégorie. Je développerai ces deux points dans les

alinéas cc) et h) de cette section, ci-après, mais je souhaite auparavant
émettre un commentaire général sur l'approche de la Cour.
27. La Cour a tort, non seulement d'un point de vue juridique, mais
également pour une autre raison. Son approche généralepèche essentiel-

lement par le fait qu'elle négligetoute l'évolution récentedu droit inter-
national pénalmoderne qui tend à instituer une obligation individuelle de
rendre compte des crimes internationaux les plus graves. Certes, elle ne
l'ignore pas totalement, mais elle se contente d'une approche extrême-
ment minimaliste, en adoptant une interprétation trés réductrice des

«clauses d'exclusion de l'immunité)) figurant dans les instruments inter-
nationaux.
Ce principe est pourtant codifiédans diverses sources de droit, y com-
pris les principes de Nuremberg4%t l'article IV de la convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide4'. Plusieurs résolu-

4h Principes de droit international reconnus par le statut de Nuremberg, Genève,
29juillet 1950.ocumc,nfsc!ffic,iel.tsle I'A.s.l.cn~ércikec,,incluit;rnscc,.s.sion,.siipl~lérrient
n" 12.Nations Unies. doc. A11316(1950).
" Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Paris.9 dé-
cembre 1948,Nations Unies, Recueiltles fruités.vol. 78.p. 277. Voir aussil'article 7du sta-
tut de Nuremberg (statut duribunal militaire international, Londres. 8 août 1945,Rrcuc~il
c1tj.str~litd.~v,ol. 82, p. 279); article 6 de la charte de Tokyo (charte du Tribunal militaire
international pour l'Extrême-Orient,Tokyo, 19janvier946. TIAS, no 1589); article (II)4
de la loi no 10du Conseil de contrôle (loi no 10du Conseil de contrôle sur le châtiment des
individus coupables de crimes de guerre. crimes contreaix et crimes contre l'humanité.
Berlin, 20 décembre 1945,Jourtiiil «ficiel riuConseil de coiitrôlepour I'Allrmu~ne,no 3,
Berlin. 31janvier 1946); paragraphe 2 de l'article 7 du statut du Tribunal pénal pour I'ex-
Yougoslavie (statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. New York,
25 niai 1993,LM, 1993, p. 1192); paragraphe 2 de l'article 6 du statut du Tribunal pénal
pour le Rwanda (statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, New York,
8 novembre 1994, ILM, 1994, p. 1598); articl7du projet de code de la Comniission du
droit international des crimes contre la paix et la sécuritéde I'humanité denève.
5 juillet 1996,Anriucriretic, ICICoinini,ssion~hrtiroir intrr~ztr, 996. vol. II (2);
article 27 du statut de Rome de la Cour pénaleinternationale, Rome. 17juillet 1998.ILM.
1998. p. 999. ARREST WARRANT (DISS. OP. VAN DEN \VYNGAERT) 153

on by making two points showing its adherence to this principle: (a) juris-

dictional immunity, being procedural in nature, is not the same as crimi-
na1 responsibility, which is a question of substantive law and the person
to whom jurisdictiorial immunity applies is not exonerated from al1crimi-
na1 responsibility (Judgment, para. 60); (b) imn~unities enjoyed by an

incumbent Foreign Minister under international law do not represent a
bar to criminal prosecution in four sets of circumstances, which the
Court further examines (Judgment, para. 61).

'Thisis a highly unsatisfactory rebuttal of the arguments in favour of
international accounitability for war crimes and crimes against humanity,
which moreover disregards the higher order of the norms that belong to
the latter category. 1will address both points in subsections (u) and (b)
of this section. belovi. Before doing so. 1wish to make a general comment

on the approach of the Court.

27. Apart from being wrong in law, the Court is wrong for another
reason. The more fundamental problem lies in its general approach, that

disregards the whole recent movement in modern international criminal
law towards recognition of the principle of individual accountability for
international core crimes. TheCourt does not conipletely ignore this, but
it takes an extremely minimalist approach by adopting a very narrow

interpretation of the "no immunity clauses" in international instruments.

Yet, there are mariy codifications of this principle in various sources of

law, including the Nuremberg Prin~iples~~and Article IV of the Geno-
cide Convention4'. In addition. there are several United Nations resolu-

4Wuremberg Principles. Geneva. 29 July 1950. Officia1 Recordsof tlzr Grriertrl
As.remhly. Fifih Session. Supplcrnent No. 12, United Nations doc. Al1316 (1950).

47Convention on the Prevention and Suppression of the Crime of Genocide. Paris.
9 December 1948. UNTS, Vol. 78, p.277. See also Art. 7 of the Nuremberg Charter
(Charter of the International Military Tribunal. London, 8 August 1945. Vol. 82.
p. 279): Art. 6 of the Tokyo Charter (Charter of the Military Tribunal for the Far East.
Tokyo, 19January 1946. TIAS. No. 1589); Art. 11(4)of the Control Council Law No. 10
(Control Council Law No. 10. Punishment of Persons Guilty of War Crimes, Crimes
against Peace andagainst Humanity, Berlin. 20 December 1945. Ofj?cirilGrizette qf'flie
Control ('ouncil JOr Grrmcitîy. No. 3. Berlin, 31 January 1946); Art. 7. para. 2. of the
ICTY Statute (Statute cif the Internatiorial Tribunal for the Former Yugoslavia. New
York, 25 Ma) 1993.ILIVI. 1993.p.1192); Art. 6. para. 2. of the ICTR Statute (Statute of
the International Tribunal for Rwanda, New York, 8 November 1994. ILM, 1994,
p. 1598):Art. 7 of the 1996C Draft Code of Offences agaiiist the Peace and Security of
Mankind (Draft Code of Crimes against the Peace and Security of Mankind. Geneva.
5July 1996. YILC 1996. Vol.II (2)): and Art. 27 of the Rome Statute foran International
Criminal Court (Statute of the International Criminal Court. Rome, 17July 1998.ILM.
1998. p. 999).154 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

ti~ns~~et rapports4' de l'organisation des Nations Unies sont en outre
consacrés a la responsabilité internationale pour crimes de guerre et
crimes contre l'humanité.

Sur le plan de la doctrine juridique, les textes récents et spécialisésqui
traitent de la compétence universelle sont extrêmement nombreuxs0.
D'importantes sociétéssavantes, dont l'International Law Association"

et l'Institut de droit internationals2,ont adopté des résolutions sur le
sujet. De nouveaux groupes de réflexion,comme ceux des rédacteurs des
((principes de Princeton »" et des «principes du Caire »s4,se sont expri-

méssur la question. Des organisations de défensedes droits de I'homme,
telles que Amnesty International", Avocats sans frontièress". Human

" Voir, par exemple: Sous-Commission des droits de l'homme, résolution 2000124,
ROle rlelu cornpétenccuniiersrlle ou estrriterritoriule tluris I'uction priventivr contre
I'inipuniti.,18août 2000. EICN.4lSUB.2lRES12000124:Commissiondesdroits de l'homme.
résolution2000168, hnpuriiti, 26 avril 2000. EICN.4/RES/2000168; Commission des droits
de I'homme, résolution 2000170,Irnpuniti, 25 avril 2001, E1CN.41RES12000170(prenant
note de la résolution 2000124de la sous-commission).
49Soos-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection
des minorités. Adrnii~ii.strutdz lrij~t.sticeet droits dite nu.cluestiorz(ILI''iwip~~nitdi.es
ciuteursde violr~tiorses droiis tle l'liornme(riroits civils et politirlues), rupport,finul revis6
{r6ptiri pcrr M. Joiriet, conforii~r;r,ci/ritléci.siortiItrsous-comrlzi.ssioiiI996lllY du
- octobre 1997. E1CN.41Sub.2119971201Rev. 1Cornmission des droits de I'homme. Droits
civils etpo1itirllie.s.riontles questiori.~(le: l'intl~(lru~pouvoirjurliciuir-c.l,'ciciriiinistru-

tiori de lu,justice, l'ir>ipunit(;l,e cirestitutionciindtv~iiii.sutiondtricrduptution des
i~ictirnesriegraves t~iolutionsries drori(l'liomnzeet dcs libertis ,fondunzentale.s,rtrpport
finciltiu rupporteur .spicirrl,M. M. Clierjf Btr.ssiouni.pri.sent6 coriforrciI(résolution
1999133(le h conznîi.ssion,ElCN.4/2000/62.
Voir ci-après, la note 98.
" International Law Association (Committee on International Human Rights Law and
Practice), Fiiiul Report ori the E'cerci.reof' Uizirrrsul Jiiri.sc~iNIiRr.s/~c~cotf Gr0s.s
Hun~unRiglzts Offrnces. 2000.
" Voir aussi la résolution de Saint-Jacques-de-Compostelle du 13 septembre 1989 de
l'Institut de droit international. commentée par G. Sperduti. «La protection des droits de
I'homme et le principe de non-intervention dans les affaires intérieures desEtats. Rapport
provisoire)), Annuuire rie l'Institut 111,rlroit iiztrrn(itionu1,session de Saint-Jacques-de-
Compostelle, 1989, vol. 63, part. 1,p. 309-351.
" Princeton Project on Universal Jurisdiction, T/zr P~.irzcetorl rinciplc~son Uriiversul
Jurisdiction, 23juillet 3001, avec un avant-propos de Mary Robinson, Commissaire pour
les droits de I'homme des Nations Unies, www.princeton.edu1-lapa111niv Veoirur.pdf.
M. C. Bassiouni «Universal Jurisdiction for International Crimes: Historical Perspectives
and Contemporary Practicen. Virginiu Journul of Interriutionril Luil, 2001, vol. 42,
p. 1-100.
j4Africa Legal Aid (AFLA), Preliniintiry Brtifr of tl~eCairo GiridingPrinciplrs oit Uni-
v~,r.~rJiluri~dictioriin Re.sprct ofCross Hunmrl Riglits 0ffencc.s: An Afiicu~i Perspective,
LeCaire.31juillet2001.http :l/www.afla.unimaas.nllenlactlunivjurisdlpreliminaryprinciples,htm.
s5Amnesty International. Unii~erscilJuristiiction. Tlie Dufy of Stutc..s to Eriuct und
Irnplement Legislution, septembre 2001, AI index IOR 5312001.
shAvocats sans frontières, «Débat sur la loi relative à la répression des violations
graves du droit international humanitaire)), avant-projet du 14 octobre 2001. disponible

sur le site http:llwww.asf.be. ARREST 'WARRANT (DISS. OP. VAN DEN WYNGAERT) 154

tion~~~and reports49 on the subject of international accountability for
war crimes and crimes against humanity.

In legal doctrine, i.here is a plethora of recent scholarly writings on the
subject 50. Major schislarly organizations, including the International Law

Asso~iation~~and the Institut de droit international have adopted reso-
lutionsi' and newly established think tanks, such as the drafters of the
"Princeton principle:;" 53 and of the "Cairo principles" 54 have made state-

ments on the issue. Advocacy organizations, such as Amnesty Interna-
tional". Avocats sans Frontièressh, Human Rights Watch, The Interna-
tional Federation of Human Rights Leagues (FJDH) and the Interna-

4"ee, for example. Sub-Commission on Human Rights, res. 2000124.Role of U~iivrrsul
or Estrutcrritoriul Conipeterici~in Preveritii.i>Actiori cl,qiin.stIr~zpun~8 August 2000,
EIC'N.4ISUB.2IRESI2OOCi/24 C:ommission on Human Rights. res. 2000168. Ir?ipirr~ity,
26 April 2000. ElCN.4/RES12000/68; Coinmission on Huma11Rights. res. 2000170,Inipu-
r~itj.,25 April 2001. EiCN.4/RES/2000170 (taking note of Sub-Commission res. 2000124).

Sub-Commission on Prevention of Discrimination and Protection of Minorities. Tllr
Athnini.strritioliqf'Jusriceriridtlic,HiirRi~y11to.f Betuir~ces,Qurc;tiorof'tlie Itliput~-1i.
Perpetrutors ([fHur~lrrriights Viio1utiori.sCivil und Politic~ili. Reili.scd,finolreport prc-
pureri b~.MF. Joiiiet pursutrr~tto S~<h-Cori~r~ii.~.~ sienisionIYY6/1IY, 2 October 1997,
EICN.4ISub.2I1997/20 :CRom:m~.sion on Human Rights, Cii'ilrrrlriPoliricul Rights,
Iri(,lut/i~igtlie Quc,.~rios':Iricic~pc~t~clc~frrile Ju~l~cirirj.A~lri~irii~trrltioqnf Ju~ti(,(,.
Iriip~rnitj..the Riglit to Rt,.stitirtiori,Cornpeii~titiori~fldRc~l~~ifirjr~ Vicfi.f~Gr0.5.s
C'iolritiorr(~!f'H~rrRiii~ql\rtltiFutzd~rrric~rttr~cl,c~loc.irilrli.c>/rfr the,Spi~c,iulR~I~J-
/~orrc~urA,ir. :LI.Clic~rifGIri.s~io~.is~iirih,i~~ittci,rdicit.~hCoriiiiii.~\iorrie.s.lYYYl33,
EIC'N.4/2000/62.
"'See irlfku. footnote 98.
" International Law Association (Committee on International Human Rights Law and

Practice). Firiul Ri~portotz tlio E.~erc.i.\cqf L'nii.er.\rilJuri.s(lictioriiri Rrsprct of Gr05.s
Hw?icinRig1it.vOffiwcr.~,2000.
5'See also the Institut de droit international's Resolution of Santiago de Compostela.
13 September 1989. commented by G. Sperduti. "Protection of Human Rights and the
Priiiciple of Non-intervention in the Domestic Conceriis of States. Rapport provisoire".
l'c,i.cirhoookftht, Irisfitute of'Itif~r~~rirIiit,,Session of Santiago de Compostela. 1989,
Vol. 63, Part 1. pp. 309-351.
" Princeton Project on Universal Jurisdiction. The Princlrtoti Prin(,iples on C'niivr.sn1
Jriri.sciictior17,3 July 2001. with a foreword by Mary Robiiison. United Nations High
Coinmissioner for Human Rights. http:Ilwww.princeton.edul-lapa/uni Svecejur.pdf.
M. C. Bassiouni, "Universal Jurisdiction for International Crimes :Historical Perspectives
and Contemporary Practice". Virxiilirr Jour.11~1 of Ir~terriir~ior~Liolir. 2001. Vol. 42.
pp. 1-100.
2.Africa Legal Aid (AFLA). Prclii~iinur~D ~rcrfto/'tlir Cuiro Guii.clgrin<,iplesot~C'rzi-
i~er.sciJ1iiristli(,tioriiti Rc.spect of Gross Humtrn Righrs Offinies: An Africuri Per.spectii.e.
Cairo. 31July 2001.http :~lwww.afla.unimaas.~~lleniactlunivjurisdiprelimin~~ryprinciples.htm.
i5Amnesty International. C'iiii~c~r.rJuu1ri.srliction. Tl~eDirtj. of Stiites to Erlcrclcriid
Irriplrr~ietitLepislirriori.September 2001, AI Index IOR 5312001.
56Avocats sans frontières, "Débat sur la loi relative à la répression des violations
graves de droit international humanitaire", discussion paper of 14October 2001. available

on http:llwww.asf.be.RightsWatch, la Fédérationinternationale des droits de l'homme (FIDH)

et la Commission internationale de juristes5', ont adopté des positions
très claires à l'égardde la responsabilité internati~nale'~. Ces initiatives
peuvent êtreconsidéréescomme traduisant l'opinion de la sociPtc Pivile,
opinion dont le droit international coutumier en formation ne saurait
faire aujourd'hui totalement abstraction. Les conventions internationales

ont étéplus d'une fois le fruit d'un processus lancépar des organisations
de la sociétécivile59.Parmi les exemples bien connus figurent: la conven-
tion de 1968 sur l'imprescriptibilité des crimes contre I'humanité et des
crimes de guerre") qui, si l'on remonte à ses origines, est l'aboutissement

d'une initiative de l'Association internationale de droit pénal; la conven-
tion de 1984contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhu-
mains ou dégradants, dont l'élaboration a probablement été motivée par
la campagne contre la torture menéepar Amnesty International; le traité

de 1997 pour l'interdiction des mines terrestresh', auquel la campagne
pour l'interdiction des mines terrestres a donné un élan extraordinaire";
et, enfin, le statut de 1998 portant création de la Cour pénale internatio-
nale, dont la promotion a été assuréepar une coalition d'organisations

non gouvernementales.
28. La Cour ne tient aucun compte de ces évolutions et n'examine pas
les sources de droit pertinentes. Elle adopte au contraire un mode de rai-
sonnement formaliste en concluant d'emblée - et à tort - qu'il n'existe,
en droit international coutumier, aucune exception à la règleconsacrant

l'immunité desministres des affaires étrangèresen exercice soupçonnés de
crimes internationaux (par. 58 de l'arrêt). Enadoptant cette approche, la
Cour établit implicitement une hiérarchie entre les règles en matière

2001. réponse àTun article écrit par un ancien ministre des affaires étrangèresdans labre
même revue (Henry Kissinger, «The Pitfalls of Universal Jurisdiction)). Foreign
Affirirs, juilletlaoût 2001).
Voir le rapport de presse publiéconjointement parman Rights Watch, la Fédéra-
tion internationale des droits de l'homme et laCommission internationale de juristes,
«Rights Croup Supports Belgium's Universal Jurisdiction Law)), 16novembre 2000, qui
peut être consulté surles sites http://www.hrw.org/press/2000/l llworld-coiirt.htm ou
http://www.icj.org/press/pressOl/english/belgiuml I.htm. Voir aussi les efforts déployés
par le comité international de la Croix-Rouge. en faveur de l'adoption d'instruments
internationaux du droit international humanitaire et son souàileur mise en Œuvrepar
les Etats(http://www.icrc.org/eng/advisory-service-ihl; http://www.icrc.org/eng/ihl).
" M. C. Bassiouni. «Universal Jurisdiction for International Crimes: Historical Per-
spectives and Contemporary Practicen. Vir,~iniJourntrl ofInteri~ulioncilLuit,. 2001.
vol. 42, p. 92.
"" Convention sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité et des crimes de
guerre. New York, 26 novembre 1968.ILM, 1969, p. 68.
Convention sur I'interdiction l'emploi. du stockage, de la production et du trans-
fert des mines antipersonnel et sur leur destruction, Oslo. 18 septembre 1997.ILM, 1997.
p. 1507.
" La campagne internationale pour I'interdiction desmines terrestres est une coalition
d'organisations non gouvernementales. dont les membres fondateurs sont Handicap
International.Human Rights Watch, Medico International. Mines Advisory Croup. Phy-
sicians for Human Rights et Vietnam Vcterans of America Foundation. ARREST 'NARRANT (DISS. OP. VAN DEN WYNGAERT) 155

tional Commission of Juristsj7, have taken clear positions on the subject
of international accountability jX.This may be seen as the opinion of ciilil
.rotiety, an opinion ihat cannot be completely discounted in the forma-

tion of customary international law today. In several cases, civil society
organizations have set in motion a process that ripened into international
conventions5'. Well-known examples are the 1968 Convention on the
Non-Applicability of Statutory Limitations to War Crimes and Crimes

against Humanityh". which can be traced back to efforts of the Interna-
tional Association of Penal Law, the 1984 Convention against Torture
and Other Cruel. lnhuman or Degrading Treatment or Punishment,
probably triggered by Amnesty International's C'ampaign against Tor-

ture, the 1997 Treaty banning landmines", to uhich the International
Campaign to Ban Landmines gave a considerable impetush' and the 1998
Statute for the International Criminal Court, which was promoted by a

coalition of non-governmental organizations.

28. The Court fails to acknowledge this development, and does not
discuss the relevant sources. Instead, it adopts a formalistic reasoning,
examining whether there is, under customary international law, an inter-

national crimes excelption to the - wrongly postulated - rule of immu-
nity for incumbent Ibîinisters under customary international law (Judg-
ment, para. 58). By adopting this approach, the Court implicitly estab-
lishes a hierarchy between the rules on immunity (protecting incumbent

K. Roth, "The Casi: for Universal Jurisdiction". Foreign Afluirs, SeptemberlOcto-
ber 2001. responding to an article written by an ex-Minister of'Foreigii Affairs in the same
review (Henry Kissinger. "The Pitfalls of Universal Jurisdiction", For.ci,yrrAffirirs, Julyl
August 2001).
'"ee the joint Press Report of Human Rights Watch, the International Federation
of Humai1 Rights Leagues and the International Commission of Jurists. "Rights Croup
Supports Belgium's Universal Jurisdiction Law". 16 November 2000. available at
http:Ilwww.hrw.orglpres~;I2000IIllworld-court.htmor http -llwww.icj.orglpresslpressOl/
englishlbelgiuinl I.htm. See also the efforts of the International Committee of the Red
Cross in promoting the ;idoption of iiiternational instruments on international humani-
tarian law and its support of national implementation efforts (http:Ilwww.icrc.orglengl
advisory-service-ih: http :Ilwww.icrc.org/englihl).
")M. C. Bassiouni. "Uiliversal Jurisdictioii for International Crimes: Historical Per-
spectives and Coiitemporary Practice", Vir,yir?itrJour.r?lf Intri-rzationLtrii'2001,
Vol. 42. p. 92.
"" Convention on the Non-Applicability of Statutory Limitations to War Crimes and
Crimes against Humanit;!. New York, 26 November 1968. ILM, 1969. p. 68.
" Convention on the Prohibition of the Use. Stockpiling. Production and Transfer of
Anti-personnel Mines and on Their Destruction. Oslo, 18 September 1997. ILM. 1997,
p. 1507.
" The Iiiternational Ciimpaign to Ban Landmines (ICBL) 1sa coalition of non-govern-
meiital organizations. with Handicap International, Human Rights Watch, Medico Inter-
national, Mines Advisory Group, Physicians for Human Riglits alid Vietnam Veterans of
America Fouridation as Iounding members. 156 MANDAT D'ARRET (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

d'immunité (qui protègent les ministres des affaires étrangèresen exer-
cice) et les règles en matière d'obligation internationale de rendre des

comptes (qui veulent que toute accusation de crimes de guerre et de
crimes contre l'humanité portéeà l'encontre de ministres des affaires
étrangèresen exercice fasse l'objet d'une enquête).
En élevantcelles-là au rang de principes de droit international coutu-

mier dans la première partie de son raisonnement, et en concluant dans la
seconde partie que celles-ci n'ont pas le mêmestatut, la Cour n'a pas
besoin de s'attacher davantage à examiner le statut du principe de l'obli-
gation de répondre de ses actes au regard du droit international. Par
conséquent, elle laisse ce principe de côté. En revanche, d'autres juridic-

tions, comme la Chambre des lords en l'affaire Pinocheth' ou la Cour
européenne desdroits de l'homme en l'affaire Al-Ad.sunib4,se sont davan-
tage interrogées sur la part qu'il conviendrait de faire, sur le plan norma-
tif, entre les crimes internationaux relevant du jus cogens et les immuni-
tés.

Parmi les questions touchant à l'obligation internationale de rendre
compte de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité,la Cour inter-
nationale de Justice n'a pas répondu aux suivantes: cette obligation peut-
elle êtreconsidéréecomme un principe généralde droit au sens de I'ar-

ticle 38 du Statut de la Cour? La Cour. avant de conclure qu'il n'existait
aucune exception aux immunitésprévuespar le droit international, même
en cas de crimes internationaux, n'aurait-elle pas dû faire plus grand cas
du fait que, bien souvent, des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanitéont été considérécsomme des crimes au regard du droit inter-

national coutumierb5? N'aurait-elle pas dû examiner la thèse des auteurs
selon qui les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité sont des
crimes relevant du jus cogen~h6,ce qui, si tel est bien le cas, ne ferait que
différencierdavantage le statut des règlessanctionnant ces crimes de celui

" R. v. Bo». Strc~etMetropolitun Stiprndiur~ Mugistrute und 0tlrer.s.ex parte Pinochc~t
Ugurte, 24 mars 1999, [1999]Al1 ER. vol. 2. HL, p. 97.
" Voir l'affaire AI-A~lsuni; Cour européenne des droits de l'homme. AI-Arlstrni c.
R-cir<tne-Uni, 21 novembre 2001(http :llwww.echr.coe.int).
65 Voir American Law Institute. Restcitenrentof't/te Luii Third The Foreign Relutions
LUM(.?ff11eUnited States, vol. 1,par. 404, commentaire; M. C. Bassiouni, Crit?resuguinst
Huntunity in Internntionul CrirnNztrlLuic, 1999; T. Meron, Humun Rig11t.surrdHurncini-
tciriun Norm.sU.YCu.rtomriry Llrii., 1989; T. Meron, «International Criminalization of
Interna1 Atrocitiesn, Atncricrrn Journtil of Intc,rnritior?olLriii. 1995, vol. 89. p. 558;
international pour l'ex-Yougoslavi«Decision on the Defence Motion for Interlocutorypénal
Appeal on Jurisdictioii)~. 2 octobre 1995, Tadi?, par. 96-127 et 134(article 3 commun).
" M. C. Bassiouni, «International Crimes: JUSCogerzsand Ohligutio ErgciOn~we.s».
Luii und Contrniporury Prohlet?t.s,1996, vol. 59, no 4, p. 63-74; M. C. Bassiouni, Crirnes
uxurn.rrHumunitj~in I~~tertlclti/ri~?tinl IIIV.1999.p. 210-217: C. J. R. Dugard. Opi-
nion en l'affaireBouter..ve,par. 4.5.5, figurant sur le site http:Ilwww.icj.orglobjectivesl
opinion.htm; K. C. Randall, Universal Jurisdiction uiider International Law)>LUW~xus
Review, 1988, vol. 66. p. 829-832; Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie,
jugement du 10décembre1998,Fcrrzindrijri.ar. 153(torture).Foreign Ministers) and the rules on international accountability (calling
for the investigation of charges against incumbent Foreign Ministers
charged with war crimes and crimes against humanity).

By elevating the former rules to the level of customary international
law in the first part of its reasoning, and finding that the latter have failed

to reach the same sratlis in the second part of its reasoning, the Court
does not need to give further consideration to the status of the principle
of international accountability under international law. As a result, the
Court does not further examine the status of the principle of interna-

tional accountability. Other courts, for example the House of Lords in
the Pinochet caseh7and the European Court of Human Rights in the Al-
Ad~uni caseh4,have given more thought and consideration to the balan-
cing of the relative normative status of international jus cogrns crimes

and immunities.
Questions concerriing international accountability for war crimes and
crimes against humanity and that were not addressed by the Interna-
tional Court of Justice include the following. Can international account-

ability for such crimiesbe considered to be a general principle of law in
the sense of Article 38 of the Court's Statute? Should the Court. in reach-
ing its conclusion ihat there is no international crimes exception to

immunities under international law. not have eiken mor" consideration
to the factor that war crimes and crimes against humanity have, by
many, been considered to be customary international law crimes6'?
Should it not have considered the proposition of writers who suggest that

war crimes and crimesagainst humanity are jus copens crimeshh,which, if
it were correct, would only enhance the contrast between the status of the
rules punishing these crimes and the rules protecting suspects on the

h3 R. v. Botv Street Mt,rr«polirun Srir~t,tidiur~itfugistrute unrl Othrr-S.ex parte Pinochet
Ugurte, 24 March 1999, [1999]2 All ER 97, HL.
" Al-Adsuni case: ECHR. Al-Adsani v. Crnited Kingdom, 21 November 2001.
http:Ilwww.echr.coe.int.
fi See: American Law Institute. Rc~~tutetnr'tfth(. Law, Tllird The Foreign Relurioris
Lut, 01 hr tirlitrd St~rte:;.Vol. 1. para. 404, Comment; <:.Bassiouni, Crinzesuguinst
Hurnrrnity in Interrirrrioilrin~inulLuiv, 1999; T. Meron, Hutnun Riglits und Hutnurii-
furitrti NorniLISCu~to~i~rurLj'u11'.1989;T. Meron, "International Criminalization of
Interna1 Atrocities", 89 AJIL, 1995, p. 558: A. H. S.Swart. Dr herrchting vun infer-
rzc~rioncrlteni.sdrijsen, 1996. p.CTY, Decision on the Defence Motion for Inter-
lociitory Appeal on Jiirisdiction, 2 October 1995, Tud~i., paras. 96-127 and 134
(common Article 3).
M. C. Bassiouni. "Iiiternational Crimes: Jus Cogrtz.sancl Ohligutio Ergu On~n.9~"5
Luir und Curitetrrporur.l:Prohlems, 1996. Issue 4, pp. 63-74; M. C. Bassiouni. Crirne.c
ugi~itz.stHurn~irlifjin InterrzcrtionulCriti uw, 1999. pp. 210-217; C.S. R. Dugard,
Opinion in: Re Boutersic. para. 4.5.5, to be consulted at: http:/iwww.icj.orglobjectivesl
opinion.htm; K. C. Randall, "Universal Jurisdictioii under Iiiternational Law", 66 Toucrs
Luir Reriew. 1988, pp. 829-832; ICTY. Judgment. 10 Deceniber 1998. Furundziju,
para. 153(torture).des règlesvisant a protéger les suspects au titre des immunités reconnues

aux ministres des affaires étrangèresen exercice, qui. elles, ne font pro-
bablement pas partie du jus cogensh7?
Après ces observations liminaires de portée générale, j'examinerai plus
particulièrement maintellant les deux affirmations de la Cour internatio-

nale de Justice évoquéesplus haut, A savoir la distinction entre les dé-
fenses au fond et les exceptions de procédure et l'idéeselon laquelle les
immunités ne font pas obstacle à des poursuites pénales".

a) Lu d~~trntclon entrr l'li?lnzunltken t~ri~(tp~'('~cept~od nt>procc;cl~lrect
l'rnîmunltè en taiît que dk/ense au fond n'e~t PLIA p(lrtlflPnte en
l'espèce

29. La distinction entre immunitédejuridiction et responsabilitépénale
existe certes dans tous les systèmes juridiques du monde, mais elle ne
fonde en rien la thèse selon laquelle les ministres des affaires étrangères
seraient a l'abri de poursuites engagéespar d'autres Etats lorsqu'ils sont

soupçonnés d'avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité. La convention de 1948 sur le génocideh',le projet de code de
1996 de la Commission du droit international sur les crimes contre la
paix et la sécuritéde l'h~manité~~l'e ,s statuts des tribunaux pénaux inter-

nationaux (rd 11oc7'et le statut de Rome de la Cour pénale internatio-
nale7%ont autant de sources qui confirment la proposition exprimée
dans le troisième principe de Nuremberg7', selon lequel:

«Le fait que l'auteur d'un acte qui constitue un crime de droit inter-
national a agi en qualité de chef d'Etat ou de gouvernement ne

dégagepas sa responsabilité en droit international. »

30. Le Congo soutient, dans ses pièceset plaidoiries, que ces sources
n'ont trait qu'aux immunités de fond, et non aux immunités de procé-

dure, et qu'elles ne prévoient par conséquent aucune exception au prin-
cipe selon lequel les ministres des affaires étrangèresen exercicejouissent

h7Voir la conclusion du professeur J. Verhoeven dans le rapport de Vancouver pour
l'Institut de droit international, cité ciàdla note 19.
hWoir aussi, ci-dessus. par. 26.
" Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Paris. 9dé-
cembre 1948.Nations Unies, Rec~rriltics traitvol. 78. p. 277.
"' Projet de code des crimes contre la paix et la sécuritéde l'humanité,Rapport de la
Commission du droit international, 1996, Nations Unies.c. A/51/10, p. 59.
" Statut du Tribunal pinal internationalpour l'ex-Yougoslavie, New York,
25 mai 1993.ILIM. 1993.p. 1197: statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda.
Nen York, 8 novembre 1994, ILM, 1994. p. 1598.
'"tatut de Rome de la Cour pénaleinternationale. Rome. 17juillet 1998,ILM, 1998,
p. 999.
'j Voir ci-dessus. la note 46.ground of irnmunities for incumbent Foreign Ministers, which are prob-
ably not part of jus ~:.ogen.r"~.

Ilaving made these general introductory observations, 1 will now turn

to the two specific propositions of the International Court of Justice
referred to above, i.e., the distinction between substantive and procedural
defences and the ide;*that irnmunities are not a bar to prosecuti~n"~.

(a) Tlzcdi.r/inctiolihrt~z,ccninzmulzitj.us ciprocec/lrrrrldej2nc.e(~rlc~ lMIII~U-
nitj ris u .suh.stuntivedcf&nceis not rt~lei.lczfnotr the purl7o.se.s of'tl~is
o'i.rpte

29. The distinction between jurisdictional inimunity and criminal
responsibility of course exists in al1legal systems in the world, but is not

an argument in support of the proposition that incumbent Foreign Min-
isters cannot be subject to the jurisdiction of other States when they are
suspected of war crimes and crimes against humanity. There are a host of
sources, including the 1948 Genocide Convention "', the 1996 Interna-

tional Law Commission's Draft Code of Crimes against the Peace and
Seçurity of Mankind 70,the Statutes of the al1lzoc international criminal
tribunals7' and the Rome Statute for an International Criminal Court7'.
All these sources corifirm the proposition contained in the Principle 3 of
the Nuremberg principlesÏ7 which States:

"The fact that a person who committed an act which constitutes
a crime under international law acted as Head of State or respon-
sible Government official does not relieve him from responsibility
under international law."

30. The Congo argued that these sources only address substantive
iminunities, not procedural immunities and that therefore they offer no
exception to the principle that incumbent Foreign Ministers are immune
from the jurisdiction of other States. Although some authorities seem to

"' See the conclusion of Professor J. Verhoeven in his Vancouver report for the Institut
de droit internationalsu,r>i-ootnote 19, p. 70.
h"ee alsosuprcr,para. 26.
"" Convention on the Prevention and Suppression of the Crime of Genocide. Paris.
Y December 1948. L'NTS'.Vol. 78. p. 277.
"' Draft Code of Crinies against the Peace and Security of Mankind, Report of the
In''rStatute of the Internatioiial Tribunal for the formerl5lYugoslavia, New York.
25 May 1993. Il.:M.1993. p. 1192: Statute of the International Tribunal for Rwanda.
8 November 1994. ILM. 1994, p. 1598.
'-!Ronie Stzit~iteof the International Criminal Court. Rome. 17July 1998.ILM. 1998.
p. 999.
''Su111.ciootnotc 46.d'une immunité de juridiction vis-à-vis des autres Etats. Certaines auto-
ritéssemblent appuyer cette thèse7",mais la plupart, y compris la Com-
mission du droit international, ne font nullement référenceàcette distinc-
tion, voire la rejettent.

31. Le troisième principe de Nuremberg (et ses codifications ulté-
rieures) traite non pas de la question des immunités (procédurales ou
substantielles), mais de l'ir~zputation à des individus d'actes criminels.
Les crimes internationaux ne sont, de fait, pas commis par des entités

abstraites, mais par des individus qui, dans bien des cas, peuvent avoir agi
au nom de 1'Etat75.Sir Arthur Watts fait trèsjustement observer que:

((Les Etats sont des personnes morales artificielles: ils ne peuvent
agir que par le biais de leurs institutions et organes, c'est-à-dire, en
fin de compte, par le biais de leurs représentants et des individus

agissant en leur nom. Il serait irréalisteet contraire aux principes élé-
mentaires de la justice de n'attribuer qu'à I'Etat, entité imperson-
nelle, une conduite internationale si grave qu'elle soit entachée de
<<criminalité»,et non aux individus qui ont ordonné ou adopté la

conduite en question. »76

La question qui est au cŒur du principe 3 est celle de la responsabilité
individuelle en tant qu'elle s'oppose à la responsabilité étatique, et non
celle du caractère procédural ou substantiel de la protection des représen-
tantsd'un gouvernement. Cela ne peut signifier qu'une chose: lorsque des

crimes internationaux tels que des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité sont commis, l'immunité ne saurait faire obstacle à I'instruc-
tion desdits crimes ou aux poursuites de leur auteur. Peu importe que la
procédure soit engagéeà l'échellenationale ou internationale.

32. L'article 7 du projet de code des crimes contre la paix et la sécurité
de I'humanité de 199677 de la Commission du droit international, qui
concerne les juridictions pénales nationales et internationales, confirme

cette interprétation. Dans son commentaire, la Commission du droit
international s'exprime ainsi :

((L'absence de toute immunité de procédure permettant de se

'"oit par exemple le principe 5 de TlzePriricctonPrinc,ip.n~Ur?ii~c,r.cJcurrli~dictiotz.
Le commentaire indique qu'«il existe toutefois une distinction extrêmement importante
entreimmunitc <<substantielle»et immunité«procédurale»», mais préciseensuite qu'«au-
cun de ces statuts [Nuremberg,Tribunal pénalinternational pour l'ex-Yougoslavie, Tri-
bunal pénalinternational pour le Rwanda] ne traite la question de l'immunitéde procé-
dure »,p. 48-51 [trczrlirctclrrGreffc~](voir ci-dessus la note 53).
75 Voir Procèsdes grand.^criniir1e1.dse guerreJclee,Trihunulmilitciireitirerriutionul.
Nurernherg,jugnnetit. vol. 22,p. 496: «Ce sont des hommes, et non des entitésabstraites,
qui commettent les crimes dont la répression'impose comme sanction du droit interna-
tional.
A. Watts, «The Legal Position in International Law of Heads of States. Heads of
Governments and Foreign Ministers)). Recuc~icllcjscours c/cI'Accid@rniirkedroit ititc~rriu-
tioricilde Lu Hcij~, 1994, vol. 247, p. 82. [Trudi~c./ionclicGreffi..]
" Voir aussi ci-dessus, par. 17.support this vie^'^, nnost authorities do not mention the distinction at al1
and even reject it.

3 1. Principle 3 of the Nuremberg principles (and the subsequent codi-
fications of this principle), in addition to addressing the issue of (pro-
cedural or substantive) immunities, deals with the uttribution of criminal
acts to individuals. ]International crimes are indeed not committed by

abstract entities, but by individuals who, in many cases, may act on
behalf of the State75. Sir Arthur Watts very pertinently writes:

"States are ari:ificial legal persons: they can only act through the
institutions and agencies of the State, which means. ultimately,

through its officials and other individuals acting on behalf of the
State. For international conduct which is so serious as to be tainted
with criminality to be regarded as attributable only to the imper-
sonal State and not to the individuals who ordered or perpetrated it

is both unrealistiic and offensive to common notions of ju~tice."'~

At the heart of Principle 3 is the debate about individual versus State
responsibility, not the discussion about the procedural or substantive
nature of the proteci.ion for government officials This can only mean

that, where international crimes such as war crimes and crimes against
humanity are concerned, immunity cannot block investigations or
prosecutions to such crimes, regardless of whether such proceedings
are brought before national or before international courts.

32. Article 7 of the International Law Commisston's 1996 Draft Code
of Crimes against the Peace and Security of Mankind7', which is intended
to apply to both national and international criminal courts, only con-

firms this interpretation. In its Commentary to this Article, the Interna-
tional Law Commission states:

"The absence of any procedural immunity with respect to

See. for example, Principle 5 of TPrinceton Prirzciplc.\on tinii,rrstrlJurisdiction.
The Commentary states that "There is an extremely important distinction. however,
between 'substantive' and 'procedural' immunity". b~itgoes on by saying that "None of
these statutes [Nuremberg,, ICTY, ICTR] addresses the issue of procedural immunity".
pp. 48-51 (sirprrr.footnote 53).

" Scc thc Judgment of the International Military Tribunal for the Triof German
Major War Criminals, Ni~rrmh<,r~ Tritrl Pro<,ecw'ins,ol. 22, p. 466, "Crimes against
internationallaw are committed by men, not by abstract entiiies, and only by punishing
individuals who commit siich crimes can the provisions of international law be enforced."
7h A. Watts. "Thc Legal Position in International Law of Heads of States, Heads of
Governments ai-idForeigri Ministers", Rci,irc,il(/c.,c,orrr.\(le l(c,clvoit intrrnci-
tiontrldi, L(IHLIJC. 994. Vol. 247. p. 82.
" See also .clrp, ara. 17. soustraire aux poursuites ou au châtiment dans le cadre d'une pro-
cédure judiciaire appropriée constitue un corollaire essentiel de
l'absence de toute immunité de fond ou de tout fait justificatif. Il

serait paradoxal que l'intéresséne puisse pas invoquer sa qualité
officielle pour s'exonérer de sa responsabilité pénale,mais puisse
l'invoquer pour se soustraire aux conséq~iencesde cette responsabi-
lité. '"

33. En concluant que les clauses d'exclusion de l'immunitéprévuespar
les instruments internationaux pertinents n'ont trait qu'aux immunitésde
fond, et non aux immunitésde procédure, la Cour internationale de Jus-
tice adopte une position purement doctrinale qui n'est fondée ni sur le

droit international coutumier ou conventioiinel. ni sur la pratique des
Etats, et qui n'est pas étayéepar l'opinion d'un nombre important
d'auteurs; il est particulièrement regrettable qu'elle le fasse sans en indi-
quer les raisons.

h) Llr ~wopositiorz(le lu Cour ,selon Iuquclle I'ir?~nzunitcn;c c.onu'lrir.uit
ptrs nkc.c.~.ccrircr?lrinIt'i~npurîiti.cst rr.r.onc;c

34. J'examinerai à présent la proposition de la Cour selon laquelle les
immunités de procédure dont, aux termes du droit international, bénéfi-

cie un ministre des affaires étrangères en exercice ne feraient pas obstacle
a des poursuites pénales dans certaines circonstances, préciséespar la
Cour. Celle-ci relèvequatre cas dans lesquels ilest possible de poursuivre
un ministre des affaires étrangèresen exercice ou un ancien ministre des
affaires étrangèresen dépit des immunitésque lui reconnaît le droit inter-

national coutumier: 1)il peut faire l'objet de poursuites dans son propre
pays; 2) il peut êtrepoursuivi par d'autres Etats si celui qu'il représente
lèveson immunité; 3) il peut êtrepoursuivi lorsqu'il cesse sesfonctions de
ministre des afcdires étrangères;et 4) il peut êtrepoursuivi par une juri-
diction internationale (par. 61 de l'arrêt).
La Cour a peut-être raison en théorie: imniunité et impuniténe sont

pas synonymes et les deux notions ne sauraient donc êtreconfondues. En
pratique toutefois, l'immunité conduit iiune impunitéde fait. Les quatre
cas relevéspar la Cour revêtenttous Lincaractère largement hypothé-
tique.
35. Les poursuites viséesdans les ckus pr.crnier.scus supposent que

1'Etatqui a nommél'intéressé au poste de ministre des affaires étrangères
soit disposéa instruire les allégatioiisvisant son ministre, à engager des
poursuites devant les juridictions nationales OLI à lever son immunitéafin
qu'un autre Etat puisse en faire autant.
Or, c'est justement là que résidele problème fondamental de I'impu-
nité: lorsque les autorités nationales ne veulent ou ne peuvent pas mener

7X Projet de code des cr~illescola paixctla st'c~~rdc I'h~iiiiaiiitS,Rapporlade
Commission ci11droit iiitcrnatioiial. 1996. Nations LJnirs. doc. A/59.10, p. prosecution or punishment in appropriate judicial proceedings is
an essential corollary of the absence of any substantive immunity or
defence. It would be paradoxical to prevent an individual from
invoking his official position to avoid responsibility for a crime only

to permit him to invoke this same consideration to avoid the conse-
quences of this respo~isibility."~"

33. In adopting the view that the non-impunity clauses in the relevant
international instruments only address substantive. not procedural immu-
nities, the Internatioinal Court of Justice has adopted a purely doctrinal
proposition. which is not based on customary or conventional interna-
tional law or on national practice and &hich is not supported by a siib-

stailtial part of legal tloctrine. It is particularly unfortunate that the Inter-
national Court of Justice adopts this position without giving reasons.

(b) Tlzr Court's proposition thcrt it?7ttzu~iQI/OCS /lot 11~ce.s.s~~liu d to
in2purzitjis\i3rong

34. 1 now turn to the Court's proposition that immunities protecting
an incumbent Foreign Minister under international law are not a bar to
criminal prosecution in certain circumstances, which the Court enumer-
ates. TheCourt meniions four cases where an incumbent or former Min-
ister for Foreign Affairs can, despite his immunities under customary

international law. bt. prosecuted: (1) he can be ~~rosecutedin his own
country; (2) he can Ibeprosecuted in other States if the State whom he
represents waives irrimunity; (3) he can be prosecuted after he ceases
being a Minister for Foreign Affairs; and (4) he can be prosecuted before
an international court (Judgment. para. 61).

In theory, the Court may be right: immunity and impunity are not
synonymous and the two concepts should therefoi-e not be conflated. In
practice, however, immunity leads to ck j~~cto impunity. AI1 four cases
mentioned by the Cciurt are highly hypothetical.

35. Prosecution in the firstt1r.cu.sc~ presupposes a willingness of the
State wliich appointed the person as a Foreign Minister to investigate
and prosecute allegations against him domesticallq or to lift immunity in
order to allow another State to do the same.

This, however, is the core of the problem of impunity: where national

authorities are not willing or able to investigate or prosecute. the crime

7XDraft Code of Crimes agairist the Peace and SecurofMarikind. Report of the
Iiitcrnational Law Commission, 1996, United Nations Al51110.p. 41.160 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

une enquêteou traduire l'accuséen justice, le crime reste impuni. Et c'est
précisément cequi s'est passédans le cas de M. Yerodia. Le Congo a
accusé la Belgique d'avoir exercéune compétence universelle dans une
situation où la personne soupçonnée - un ministre des affaires étran-
gèresen exercice - ne se trouvait pas sur son territoire. alors qu'en s'abs-

tenant lui-mêmede poursuivre M. Yerodia, qui étaitpourtant présentsur
le sol national, le Congo a enfreint les conventions de Genève et toute
une sériede résolutions de l'organisation des Nations Unies allant dans
le mêmesens7'.

Le Congo était donc mal fondé a accuser la Belgique d'exercer abusi-
vement sa compétence universelle à l'encontre de M. Yerodia Ndombasi.
Si le Congo avait agi comme il aurait dû le faire, c'est-a-dire s'il avait
instruit les accusations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité
pesant sur M. Yerodia à raison de faits qu'il lui était reproché d'avoir

commis au Congo, la Belgique n'aurait pas étécontrainte d'engager des
poursuites. Cette dernière a indiqué iplusieurs reprises, et réaffirmédans
son exposéliminaire ainsi que dans sa déclaration finale devant la Courx0,
qu'elle avait tenté de transmettre le dossier aux autorités congolaises

pour qu'elles procèdent elles-mêmesa une enquêteet des poursuites. Le
Congo ne dit nulle part qu'il a enquêté surles accusations de crimes de
guerre et de crimes contre l'humanité portées a l'encontre de M. Yerodia.
Le conseil du Congo a même estimé que l'initiative de la Belgique cons-

tituait, pour comble, une pression indue à son endroit8'.
Le Congo n'avait pas «les mains propres)) lorsqu'il s'est présenté
devant la Cour8'. En reprochant a la Belgique d'avoir instruit des allé-
gations de crimes internationaux et engagé des poursuites, ce qu'il était

lui-mêmetenu de faire, le Congo fait preuve de mauvaise foi. Il prétend
que la Belgique l'a offenséet lui a fait subir un préjudicemoral, insinuant
que l'exercice par celle-ci d'une ((compétence universelle excessive))
(par. 42 de l'arrêt)était incompatible avec sa dignité.Cependant, comme
le faisait observer sir Hersch Lauterpacht en 1951. invoquer l'immunité

''Voir ci-dessus, les notes 48 et 49.
"'CR 200118.Dar. 5: CR 2001111.Dar. 3 et 11
CR 2001110~p. 7.
X'G. Fitzmaurice. «The General Princivles of International Law Considered from the
Standpoint of the Rule of Law,Recrtcilt1e.sc,os'I'Acud~niic,(1'droit iiiterncrtiun(r(1IL>
Lu Huj'c,.1957. vol92.p. 119:

ciQui demande réparation en équitédoit avoir les mains propres. » Ainsi. un Etat
qui se rend coupable d'une conduite illicite peut êtreprivédu néc1oi~1rs.tsuntii
injudicio l'autorisaàtse plaindre d'actes illicites correspondants d'autres Etats. en
particulier si ces actes résultent dessiens oàrépliqueraux sien-- en d'autres
termes s'ils ont étéovoqiiés par lui-mêm. [Trrrtl~rctionclirGrcffè.]
Voir aussi S. M. Schwebel.«Clean Hands in the Court)). dans l'ouvrage de E. Brown Weiss
ct rrl. (dir. publ.), Tlw Worlrl Borlk, IntrrncitionrrlFinirncitrlInslitution.~und the Dc~irl-
oprncnrofInrc~iiiurio~Llrtii,. 1999. p. 74-78.et l'affaire des Actii~iic'srnililtrireset puru-
r>iilitrrirc,usu Nictrr.cr,ycreut cor2tr.rcelui-ci (Nicctr(rguctc. Etuts-LJnis ci'Aini.ric/ue),fon~l,
cirrP1,C.I.J. Rilc~reil1986. opinion dissidente de M. Schwebel, p. 382-384 et 392-394.goes unpunished. And this is precisely what happened in the case of
Mr. Yerodia. The Congo accused Belgium of exercising universal juris-
diction in ubsentiu against an incumbent Foreign Minister, but it had
itself omitted to exercise its jurisdiction in presentiu in the case of

Mr. Yerodia, thus infringing the Geneva Conventions and not complying
with a host of United Nations resolutions to this effect7'.

The Congo was il1placed when accusing Belgium of exercising univer-
sa1jurisdiction in the case of Mr. Yerodia. If the Congo had acted appro-
priately, by investigating charges of war crimes and crimes against human-

ity allegedly commitited by Mr. Yerodia in the Congo, there would have
been no need for Belgium to proceed with the case. Belgium repeatedly
declared, and again emphasized in its opening and closing statements8"
before the Court, thait it had tried to transfer the dossier to the Congo, in

order to have the case investigated and prosecuted by the authorities of
the Congo. Nowhere does the Congo mention thai it has investigated the
allegations of war crimes and crimes against humanity against Mr. Yero-
dia. Counsel for the Congo even perceived this Iselgian initiative as an

improper pressure oirlthe Congo8', as if it were adding insult to injury.

The Congo did not come to the Court with clean handsx'. In blaming

Belgium for investigating and prosecuting allegations of international
crimes that it was obliged to investigate and prosecute itself, the Congo
acts in bad faith. It pretends to be offended and morally injured by Bel-
gium by suggesting that Belgium's exercise of "excessive universal juris-

diction" (Judgment. para. 42) was incompatible with its dignity. How-
ever, as Sir Hersch Lauterpacht observed in 1951, "the dignity of a
foreign state may suffer more from an appeal to immunity than from a

"' Siioru, footnotes 48 and 49.
'" CR 200118,para. 5; CR 2001111, paras. 3 aiid 11
" CR 2001110, p.7.
" CG.~itzmauriie. "The General Principles of I~iternational Law Considered from the
Staridpoint of the Rule of Law". Rccuril rli~.cs,our.sLI.I'A~tr(li.i?iitcli1(/roi/ interncrtiotlolrli,
Li1Hrrye, 1957, Vol. 92.13.119writes:

"'He who comes IO equity for relief must come with clean hands.' Thus a State
whicli is guilty of illegal conduct may be deprived of tlie neceasary IOC.tt~ti(iiiti
,jirtliciofor complaining of correaponding illegalities on the part of other States, espe-
cially if tliese were çonsequential on or were embarked iipon in order to counter its
own illegalit-- in short were provoked by it."
Secalso S. M. Schwebel, "Clean Hands in the Court", in E. Brown Weiss et 01.(eds.). Tlre
World Brri~k,Intc~rizcrtionulin(rtzciIiz.\titirti. r~dthe D?i.c,lopnic~notf Iiirernuiionul
Ltrii,. 1999, pp. 74-78, and Miiiturj. rriidP(iru~??Actiiiih~s ;(itzt(rguitit iciircixutr
(Nicrrr(rgu(rv. ClnitcdStirtrs of'Atnericu). hlrrits, Ju/lgnzen/, 1.C J. Ri,p1986. dis-
senting opinion of Judge Schwebel, pp. 382-384 and 392-394.peut être pluspréjudiciable à la dignité d'un Etat que la non-invocation
de celle-cix3.La Cour internationale de Justice aurait au moins dû indi-
quer clairement qu'il revenait au Congo de connaître lui-mêmede l'affaire.

36. Le troisiPtne CU.\ relevépar la Cour, qui fait valoir que l'immunité
n'est pas nécessairement synonyme d'impunité, est celui ou l'intéressé
cesse d'occuper la fonction de ministre des affaires étrangères(par. 61 de

l'arrêt,«En troisième lieu))). Dans ce cas, il ne bénéficieraplus des immu-
nitésde juridiction que lui accordait le droit international dans les autres
Etats. La Cour ajoute que l'immunitétotale ne peut dans ce cas êtrelevée
que pour des actes «accomplis avant ou aprèsla périodependant laquelle

il [leministre des affaires étrangères] aoccupéces fonctions)). Pour ce qui
est des actes commis alors que le ministre des affaires étrangères étaiten
exercice, l'immunité ne peut être levée «qu'au titre d'actes qui, bien

qu'accomplis durant cette période, l'ont étéà titre privé)).La Cour ne se
prononce pas sur la question de savoir si les crimes de guerre et les crimes
contre l'humanité relèvent de cette catégories4.
Il est extrêmement regrettable que la Cour internationale de Justice

n'ait pas nuancé cette déclaration", comme la Chambre des lords l'avait
fait en l'affaire Pit7ocI7et.Elle aurait pu - et aurait mêmedû - ajouter
que les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité ne tombent

jamais dans cette catégorie. Certains crimes de droit international (par
exemple certains actes de génocideet d'agression) ne peuvent être com-
mis. pour des raisons d'ordre pratique, qu'avec des moyens dont seul un
Etat peut disposer et dans le cadre d'une politique adoptée par lui - en

d'autres termes, vus sous cet angle, ces actes ne peuvent êtreque des actes
«officiels ».L'immuniténe devraitjamais s'appliquer aux crimes au regard
du droit international, que ce soit devant desjuridictions internationales
ou nationales. Je souscris pleinement à la déclaration de lord Steyn, qui

faisait observer dans la première affaire Pinochet:

((11en découledonc que l'ordre donné par Hitler de recourir à la

«solution finale))doit être considérécomme un acte accompli à titre
officiel dans le cadre de ses fonctions de chef d'Etat. Voilà ou
conduit inexorablement le raisonnement de la Cour d'appel. ))8h

La Cour internationale de Justice aurait dû dire clairement que son

X'H. Lauterpacht. «The Problem of Jurisdictional Immunities of Foreign States)).
BYBIL. 1951,vol. 28, p. 232. La formulation utiliséeen anglais par sir Hersch est la sui-
vante: ((the dignity of a foreign state may suffer more from an appeal to i~ninunitythan
from a denial of it».
" Voir également le paragraphe 55 de l'arrêt.dans lequel la Cour bit valoir que.
compte tenu de cette ((immunitétotale)) (par.54), il ii'estpas possible d'opérer dedistinc-
tion entre les actes accomplis parun ministre des affaires étrüngèreà titre ((offi))et
ceux qui l'auraient étéà titrc «privé».
" Voir ci-dessus. les notes 12et 13.
X('R. v.Boii Str.c,etMcrropolitrrn Stipen~liu,:,. Ma,yi.sfi.citeuiex parterPir~«c/zet
C:gurrr75 r~ovcmbrc1998. [l998] Al1 ER. vol.4. p. 945.denial of itmXST . he International Court of Justice should at least have

made it explicit that the Congo should have takeri up the matter itself.

36. The third case mentioned by the Court in support of its proposi-
tion that immunity does not necessarily lead to impunity is where the per-

son has ceased to be a Foreign Minister (Judgment, para. 61, "Thirdly").
In that case, he or she will no longer enjoy al1of the immunities accorded
by international law in other States. The Court adds that the lifting of
full immunity, in thils case, is only for "acts committed prior or subse-
quent to his or her period of office". For acts committed during that

period of office, imniunity is only lifted "for acts committed during that
period of office in a private capacity". Whether war crimes and crimes
against humanity fa11into this category the Court does not sayg4.

It is highly regrettable that the International Court of Justice has not,
like the House of Loirdsin the Pinochet case. aualified this statementX5I.t

could and indeed should have added that war crimes and crimes against
huinanity can never fa11into this category. Some crimes under interna-
tional law (e.g., certain acts of genocide and of aggression) can, for prac-
tical purposes, only be committed with the means and mechanisms of a

State and as part of a State policy. They cannot, from that perspective, be
anything other than "official" acts. Immunity should never apply to
criines under international law, neither before international courts nor
national courts. 1 an-iin full agreement with the statement of Lord Steyn
in the first Pinochet case, where he observed that:

"It follows tl-iat when Hitler ordered the 'final solution' his act
must be regarded as an official act deriving from the exercise of his
functions as Heizd of State. That is where the reasoning of the Divi-
sional Court inexorably leads." 8h

The International Court of Justice should have made it clearer that its

Xi H. Lauterpacht, "The Problem of Jurisdictional lmmunities of Foreign States".
28 RYBIL, 1951, p. 232.

X"ee also paragraph 55 of the Judgment, where the Court says that, from the perspec-
tive of his "full immunity", no distinction be drawn between acts performed by a
Minister for ForeignAffàirs in an "official capacity" and those claimed to have been
performed in a "private capacity".
" See supru.footnotes 12 and 13.
Xf'R. v.Boit, Strcrt Metropolifatz Stipendiury Magistrutr uiid Oex partePinochet
L'gurt~,25 November 19'98,[1998]4 All ER 897, p. 945.162 MANDAT D'ARRET (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

arrêtne saurait en aucun cas conduire à une telle conclusion et quede tels
actes ne pourront jamais êtrecouverts par une quelconque immunité.
37. Le quatrième cc~sd'exception au principe de l'immunité envisagé

par la Cour est celui où les ministres des affaires étrangères - anciens ou
actuels - peuvent faire l'objet de poursuites pénales «devant certaines
juridictions pénales internationales dès lors que celles-ci sont compé-
tentes» (par. 61 de l'arrêt,((En quatrième lieu))).
La Cour surestime grandement la marge de manŒuvre d'une juridic-

tion pénaleinternationale dans les cas où 1'Etatsur le territoire duquel les
crimes ont étécommis. ou dont un ressortissant en est l'auteur résumé.
est peu enclin à poursuivre. Les tribunaux pénauxinternationaux actuels
n'auraient compétence pour connaître d'affaires impliquant des ministres
des affaires étrangères en exercice accusésd'avoir commis des crimes de

guerre ou des crimes contre l'humanitéque dans la mesure où ces affaires
relèveraient spécifiquement de leur ressort, comme le conflit en ex-
Yougoslavie ou le conflit au Rwanda.
La compétence de la Cour pénaleinternationale, établie par le statut de
Rome, est en outre subordonnée au principe de la complémentarité:

lorsque devront être jugées des affaires mettant en jeu des crimes de
guerre ou des crimes contre l'humanité, cette responsabilité incombera
en premier lieu aux Etats. La Cour pénale internationale ne pourra con-
naître de ces affaires que lorsque les ((Etats compétents)) ne voudront
ou ne pourront véritablement mener bien l'instruction et les pour-

suites (art. 17).
Mais mêmesi 1'Etat en cause fait preuve de bonne volonté, la Cour
pénale internationale, tout comme les tribunaux internationaux au'hoc,
ne sera pas en mesure de juger tous les crimes relevant de sa compétence.
Elle n'en aura pas la capacité, et ilfaudra toujours que des Etats ins-

truisent les affaires de graves crimes internationaux et qu'ils en pour-
suivent les auteursx7. Par Etats, il convient d'entendre, mais ce n'est pas
exclusif, les Etats nationaux et territoriaux. Il y aura toujours besoin
d7Etats tiers pour instruire et poursuivre, à plus forte raison lorsque l'on
se trouvera en présenced'un simulacre de procès jsl~arntriul) ".

La Cour pénaleinternationale ne pourra pas juger tous les crimes inter-
nationaux. Elle ne sera compétente que pour connaître d'affaires néesde
comportements criminels intervenus uprèsl'entrée en vigueurdu statutde
Rome. En outre, la question de savoir si certains actes de terrorisme
international ou certaines violations graves des droits de l'homme perpé-

tréesdans des conflits armés nationaux relèveront de la compétencede la
Cour n'a pas encore été tranchée. M. Tomuschat a fait très justement
observer que ce serait commettre une ((erreur fatale)) que de postuler

u7 Voir par exemple le procèsde quatre ressortissaiits rwandais par un tribunal pénalde
Bruxelles: Cour d'assises de l'arrondissement administratif de Bruxelles-capitale, arrêtdu
8juin 2001, non publié.
" Voir aussi ci-après, p65.Judgment can never lead to this conclusion and tliat such acts can never
be covered by immunity.
37. The fourtlz cu:ieof "non-impunity" envisaged by the Court is that
incumbent or former Foreign Ministers can be prosecuted before "certain

international criminal courts, where they have jurisdiction" (Judgment,
para. 61, "Fourthly"').

The Court grossly overestimates the role an international criminal
court can play in cases where the State on whose territory the crimes were

cornmitted or whose national is suspected of the crime are not willing to
prosecute. The curreint ad Iloc international criminal tribunals would only
have jurisdiction over incumbent Foreign Ministers accused of war crimes
and crimes against humanity in so far as the charges would emerge from
a situation for which they are competent, i.e., the conflict in the former

Yugoslavia and the iconflictin Rwanda.

The jurisdiction of an International Criminal Court, set up by the
Rome Statute, is moreover conditioned by the principle of complemen-
tarity : primary responsibility for adjudicating war crimes and crimes
against humanity lies with the States. The International Criminal Court

will only be able to act if States which have jurisdiction are unwilling or
unable genuinely to carry out investigation or prosecution (Art. 17 ).

And even where such willingness exists, the International Criminal

Court, like the ud lzor international tribunals, will iiot be able to deal with
(111crimes that come under its jurisdiction. The [nternational Criminal
Court will not have the capacity for that, and there will always be a need
forStates to investigate and prosecute core crimes". These States include,
but are not limited to, national and territorial States. Especially in the

case of sham trials, there will still be a need for third States to investigate
and prosecute

Not al1 international crimes will be justiciable before the permanent
International Criminal Court. It will only be competent to try cases aris-

ing from criminal behaviour occurring rrfter the entry into force of the
Rome Statute. In addition, there is uncertainty as to whether certain acts
of international terrorism or certain gross human rights violations in
non-international armed conflicts would come under the jurisdiction of
the Court. Professor Tomuschat has rightly observed that it would be a
"fatal mistake" to assert that, in the absence of an international criminal

"'See for exarnple the trial of four Rwandan citizens by a Criminal Court in Brussels:
Cour d'assises de l'arrondissement administratif de Bi-uxelles-capitale. arrêt du
8 juin 2001, not publisheij.
'<"ee alsoinfrtrpara. 65.163 MANDAT D'ARRÊT (OP.DISS .AN DEN WYNGAERT)

que, en l'absence d'une juridiction internationale compétente, les chefs
d'Etat et ministres des affaires étrangèressoupçonnésde certains crimes
ne peuvent être traduits enjustice que dans leurs propres pays et nulle

part ailleurss9.
38. J'en conclus que les arguments fournis par la Cour internationale
de Justice pour étayer sathèse selon laquelle l'immunité n'esp tas néces-
sairement, de fait, synonyme d'impuniténe sont nullement convaincants.

3. Conclusion

39. Ma conclusion généralesur la question de l'immunité"' eslta sui-
vante: si un ministre des affaires étrangères enexercice bénéficie bien

d'immunités,celles-ci netrouvent pas leur originedans le droit internatio-
nal coutumier maisrelèventtout au plus de la courtoisie internationale. Ces
immunitésne sont certainement pas (ctotales))ou absolues et ne sauraient
s'appliquer en cas de crimes deguerre ou de crimes contre l'humanité.

III. LA COMPÉTENCE UNIVERSELLE

40. Initialement, lorsque le Congo a déposé,en 2000, sa demande en
indication de mesure conservatoire. le différendvortait sur deux voints:
a) celui de la compétenceuniverselle en matièrede crimes de guerre et de

crimes contre I'humanité: et bi celui des immunités accordéesaux mi-
nistres des affaires étrangèresen exercice accusésde crimes de guerre et
de crimescontre I'humanité (voirpar. 1et 42 de I'arrêt)A. u coursde la pro-
céduresur le fond, en 2001, le Congo a restreint le différend a la seule
seconde question (voir par. 10-12 de l'arrêt),sans objection de la Bel-
gique, qui a mêmepriéla Cour de ne pas statuer ultra petita(par. 41 de
l'arrêt).En conséquence, laCour ne pouvait se prononcer sur la question
de la compétenceuniverselle en général.

41. Pour des raisons qui leur sont propres, lesParties ont ainsi invitéla
Cour internationale de Justice a simplifier sa décisionet a statuer sur la
question de l'immunitédejuridiction seulement. La Cour, tout en recon-
naissant que, d'un point de vue logique, elle ne saurait traiter de la
seconde question qu'aprèss'êtreprononcéesur la première, anéanmoins
décidéde n'examiner que celle-la. Elle le fait en supposant, pour les
besoins de son raisonnement, que la Belgique était compétente,au plan

du droit international, pour émettreet diffuser le mandat d'arrêt(par. 45
de l'arrêt in fine).

XyIntervention de M. C. Tomuschat, lors de la réunion de l'Institut de droit interna-
relative aux immunitésde juridiction et d'exécutiondes chefs et de gouvernementrésolution
en droit international,et donne l'exempledu dictateur iraquien Saddam Hussein
de la 13"commission de l'Institut de droit international, Vancouver, 2001. p. 94; voir
égalementci-dessus la note 19et le texte correspondant.
90Sur la question de l'inviolabilité, voir ci-aprèspar. 75.court having jurisdiction, Heads of State and Foreign Ministers sus-
pected of such crimes would only be justiciable in their own States, and
nowhere elsexy.

38. My conclusion on this point is the follouing: the Court's argu-

ments in support of its proposition that immunity does not, in fact,
amount to impunity, are very unconvincing.

3. Conclusion

39. My general conclusion on the question of'immunityyO is as fol-
lows: the immunity of an incumbent Minister for Foreign Affairs, if any,

is not based on customary international law but at most on international
comity. It certainly is not "full" or absolute and does not apply to war
crimes and crimes against humanity.

III.UNIVERSAJL URISDICTION

40. Initially, wheri the Congo introduced its request for the indication
of a provisional measure in 2000, the dispute addressed two questions:
(u i univer.su1jurisdiction for war crimes and crimes against humanity ;
and (h) immunities for incumbent Foreign Ministers charged with such
crimes (see Judgment, paras. 1 and 42). In the proceedings on the merits
in 2001, the Congo reduced its case to the second point only (see Judg-

ment, paras. 10-12), with no objection from Belgium, which even asked
the Court not to judge ultru petitu (Judgment, para. 41). The Court
could, for that reason, not have made a ruling on the question of univer-
sa1jurisdiction in general.

41. For their owri reasons, the Parties thus invited the International
Court of Justice to short-cut its decision and to address the question of
the immunity from jurisdiction only. The Court, conceding that, as a
matter of logic, the second ground should be addressed only once there
has been a determination in respect of the first, iievertheless decided to
address the second question only. It addressed this question assuming,

for the purposes of its reasoning, that Belgium had jurisdiction under
international law to issue and circulate the arrest warrant (Judgment,
para. 46 in.fine).

""C. Tomuschat, Intervention at the Institut de droit international's meeting in Van-
couver, August 2001, cotnmenting on the draft resolutionmmunities from Jurisdic-
tion and Execution of Heads of State and of Government in International Law, and
giving thexample of Iraqi dictator SaddaHussein:Repori of the 13th Commission of
the Institut de droit international, Vancouver, 2001, p. 94; see further supru, footnote 19
and corresponding text.
""On the subject of inviolability, see infi.u, para. 75. 42. Mêmesi les Parties n'ont pas demandé un arrêt surl'ensemble des

points soulevéspar l'affaire, elles n'en ont pas moins développé desargu-
ments détailléssur la question de la compétence (universelle). La Cour
internationale de Justice, quoiqu'elle n'ait pas étépriéede statuer sur ce
point dans son dispositif, aurait toutefois pu et dû l'aborder dans sa

motivation. Elle se contente de faire observer que «la compétence n'im-
plique pas l'absence d'immunitéet [que] l'absence d'immunitén'implique
pas la compétence)) (par. 59 de l'arrêt,première phrase), et poursuit en
observant que, si les conventions qui imposent aux Etats des obligations

de poursuite ou d'extradition ((leur ont fait par suite obligation d'étendre
leur compétence juridictionnelle, cette extension de compétence ne porte
en rien atteinte aux immunités résultantdu droit international coutumier,
et notamment aux immunités des ministres des affaires étrangères))

(par. 59 de l'arrêt,deuxième phrase).
En adoptant cette perspective très restrictive, la Cour ne prend encore
une fois pas la peine d'examiner les instruments donnant effet au principe
de l'obligation internationale de rendre compte de crimes de guerre et de

crimes contre l'humanité.Pourtant, la plupart des arguments invoquésen
l'espècepar les deux Parties reposaient sur ces instruments. En éludant
totalement la question de la compétence(universelle), la Cour ne s'est pas
prononcée sur ces arguments et a laissé cesquestions sans réponse. Je

souhaite les examiner ici brièvement.
43. Le Congo a accuséla Belgique d'avoir (([exercé]une compétence
universelle e.ucr,ssiiledans la mesure où, outre le fait qu'elle enfreint les
règlesétabliesen matière d'immunités internationales, la législationbelge

sur la compétence universelle peut être appliquée indépendammentde la
présencede l'auteur de l'infraction sur le territoire national (par. 42 de
l'arrêt;les italiques sont de moi). Cette facultéest prévuepar l'article 7 de
la loi belge relative iila répression desviolations graves de droit interna-

tional humanitaire (ci-après dénomméeloi belge de 1993/1999)91. Le

Loi du 16juin 1993 relativeà la repression des violations graves de droit interna-
tional humanitaire. Moniteurbelge.5 août 1993, modiliéepar la loi du 10 février 1999,
Monitcirr hel~c. 23 mars 1999: une traduction anglaise a étépubliéedans ILM. 1999.
p. 921-925. Voir d'une manière générale: A.Andries, C. Van den Wyngaert, E. David et
J. Verhaegen. «Commentaire de la loi du 16juin 1993 relative la repression des viola-
tions graves du droit international humanitaire)), Rco. (Ir. pér?.,1994, p. 1114-1184:
E. David. <(Laloi belge sur les crimes de droit international humanitaire)). RBDI, 1995.
vol. 28,p. 668-684: P. d'Argent, «La loi du 10 février 1999 relaàila répression des
violations graves du droit international humanitaire)).onrncrlu'ec~rihiinuu.\-,1999.
vol. 118. p. 549-555: L. Reydams, ((Universal Jurisdiction over Atrocities in Rwanda:
Theory and Practice ». Eirr.opr,unJournof'Crime, Criminul Ln~i,cnzd('rinlincrlJu.rtice,
1996, p. 18-47: D. Vandermeersch. «La répression endroit belge des crimes de droit inter-
national)),RIDP. 1997, vol. 68. p. 1093-1115: D. Vandermeersch, ((Les poursuites et le
jugement des infractions de droit international humanitaire en droit belge)). dans
H. D. Bosly (11..Acturilit6 clu rlroit internutionrrl hiinluniterire. 2001, p. 123-180:
J. Verhoeven. ((Vers un ordre répressif unilersel'? Quelques observations)), Annuuirc,
fi.un(,cdc.droit inter.ncrtio1,999. p. 55-71. ARREST WARRANT (DISS. OP. VAN DEN WYNGAERT) 164

42. While the Parties did not request a general ruling, they neverthe-
less developed extensive arguments on the subject of (universal) jurisdic-
tion. The Internatioilal Court of Justice, though it was not asked to rule
on this point in its dispositifi could and should nevertheless have addressed

this question aspart of its reasoning. It confines it3elf to observing "juris-
diction does not imply absence of immunity, while absence of immunity
does not imply juris~diction" (Judgment. para. 59, first sentence). It goes

on by observing that various international conventions impose an obliga-
tion on States either to extradite or to prosecute, "requiring them to
extend their criminal jurisdiction", but immediately adds that "such
extension of jurisdiction in no way affects immunities under customary

international law,including those of Ministers for Foreign Affairs" (Judg-
ment, para. 59, second sentence).

Adopting this narrow perspective, the Court does, again, not need to

look at instruments giving effect to the principle of'international account-
ability for war crime:^and crimes against humanitj. Yet most of the argu-
ments of either Party to this dispute were based on these instruments. By
not touching the subject of (universal) jurisdiction at all, the Court did

not reply to these arguments and leaves the questions unanswered. 1wish
to briefly address them here.

43. The Congo accused Belgium of the "exercise of an excessliJe uni-
versal jurisdiction" (Judgment, para. 42; emphasis added) because, apart
from infringing the 1-uleson international immunities, Belgium's legisla-
tion on universal jurisdiction can be applied regardless of the presence of

the offender on Belgian territory. This flows from 4rticle 7 of the Belgian
Act concerning the Punishment of Grave Breaches of International
Humanitarian Law (hereinafter 199311999Act)". The Congo found that
this was excessive because Belgium in fact exercised its jurisdiction it~

"' Loi du 16juin 1993 relativeà la répression desviolations graves du droit interna-
tional humanitaire.Moniteur hrlgr,5 August 1993,as amended by Loi du 10février1999,
Monircur hrlgc.23 Marcli 1999: an English translation has bcen published ILM. 1999.
pp. 921-925. See genera1l.y:A. Andries, C. Van den Wyngaeit. E. David, and J. Verhae-
gen, "Commentaire de la loi du 16juin 1993relativà 1;répression desinfractions graves
du droit international hurnanitaire", Rtlr. pCn.1994,pp. 1114-1184: E. David, "La loi
belge sur les crimes deg.uerrc". 28 RBDI. 1995. pp. 668-684; P. d'Argent, "La loi du
10février1999relative àla répression desviolations graves du droit international humani-
taire", 118Jo~rr~itrdles trihu~ie1999. pp. 549-555; L. Reydams. "Universal Jurisdic-
tion over Atrocities in Rwanda: Theory and Practice". Eur.o/~c,urJiourriul of' C'rirlle,
CrirwNicilLrrtt.triltl Cririlirltrl1996. pp. 18-47; D. Vanderineersch. "La réprcssion
en droit belge des crimes de droit international". 68 RIDP. 1997, pp. 1093-1135: D. Van-
dermeersch, "Les poursuites et lejugement des infractions de droit international hunxuii-
taire en droit belge", in D. H. BoslclLI/.ActuulitC dir ciroit iliterricitionulIiiitnnnitrrirc~,
200 1.pp. 123-180: J. Vei-hoeven,"Vers un ordre répressifu~iiversel?Quelques observa-
tions",Arit~irtrireficitzqcristie tiroir iritel999, pp. 55-71.165 MANDAT D'ARRET (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

Congo a vu là un excès dans la mesure où la Belgique, en émettant le
mandat d'arrêtdu 11avril 2000 en l'absence de M. Yerodia, avait en fait

exercécette compétence par défaut.
La Belgique a répondu à cette accusation en affirmant qu'elle était fon-
déeà exercer sa compétence en l'espècedans la mesure où le droit inter-
national n'interdit pas aux Etats d'exercer une compétence extraterrito-

riale pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité; au
contraire, elle les y encourage.
44. 11n'existe pas de définitioncommunémentadmise de la compétence
universelle dans le droit international conventionnel ou coutumier. Les
Etats qui ont intégréce principe dans leur législationnationale l'ont fait de

manière très différenteles uns des autresg2.Il existe maints exemples de cas
où des Etats exercent une compétence extraterritoriale pour des crimes tels
que des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanitéet la torture, mais
leur intervention repose sur d'autres bases juridictionnelles, telles que la
nationalitéde la victime. Un exemple éminentest l'affaire Eicl?inann, où la

Cour a fondésa compétencenon sur la compétenceuniverselle mais sur la
personnalité passive9'. Dans l'affaire Pinochet en Espagne, un point de
rattachement important était la nationalité espagnole de certaines vic-
timesg4.De même,dans le cas de M. Yerodia, certaines victimes étaientde

nationalité belge", bienqu'il ne semble pas que des ressortissants belgesg6

" Pour une étudede l'application. dans différentspays. du principe de la compétence
universelle pour les crimes internationaux, voir notamment Amnesty International,-
vcr.sul Juri.sdiction. Tl~e Duof Stutc.s to Entrcr utid I~nple~nefitLegislutio~~.sep-
tembre 2001. Al IndexIOR 5312001 ;International Law Association (Commiiteeon Inter-
national Human Rights Law and Practice), Finul Rc,port oti thc E.urr<,iof C/~~ivc,r.sul
Juri.sdicriot~in Re.spc,(,tofGro.s.s Huniur~Rig11t.sOfJc,n<~ea.sn,nexe. 2000; Redrcss, C1nii~~r-
su1Juri.~diciionin Europe. Crinlinul Pro.se<.uiio~li,ns Europe .sincc,1990for Wur C~~III~S.
Crirtirs uguirist Hunzunity. Torture rrndGeiiocidc,,30 juin 1999: http:Ilwww.redress.orgl
inpract.html; voir aussi ((Crimes internationaux et juridictions nationales)). Presses uni-
versitaires de France (sous presse).
Attornc,y-Grnr,rtiIof the Goicrnment ofIsracl v. Eiclinicrnt~I,LR, 1961.vp.5.36.
Voir aussi US v. Yurlis(no 2), District Court, DC, 12 février 1988, ILR. 1990, vol. 82,
p. 343: Court of Appeals, DC, 29janvier 1991.ILM, 1991.vol. 3, p. 403.
" Audiencirr N~rciorzul,Auto rle lu Sulri de 10Prnrrl de lu Audi(,nciu Nuciot~ulconfir-
corneticlos durunir lu dictaduru cliilerirr.5 novembre 1998, http:Ilwww.derechos.orglc~rrorisrno
nizkorlchileljuicio1audi.html. Voir aussi M. Marquez Carrasco et J. A. Fernandez, «Span-
ish National Court, Criminal Division (Plenary Session). Case 19/97.4 Nov. 1998.Case 11
98. 5 Nov. 1998», AJIL, 1999, p. 690-696.
" CR 200118,p. 16.
'" Une certaine confusion est apparuàpropos de la différenceentre la notion de «vic-
time)) et celle de ((partie civile)). Le droit belge ne connaît ppopul(iris; la cons-
titution de partie civile est seulement ouverte aux victimes deaction pénaleàtleurs
ayants droit. Voir C. Van den Wyngaert, «Belgiumn. dans C. Van den Wyngaert et ul.
(dir. publ.), Crirninul Procedure S~v.stt~nii.ns thclMctnheqfSthe Europoun Conztnu-
nity, 1993.ubsentiu by issuing the arrest warrant of 11 September 2000 in the
absence of Mr. Yerodia.

To this accusation, Belgium answered it was entitled to assert jurisdic-
tion in the present case because international law does not prohibit and
even permits States itoexercise extraterritorial jurisdiction for war crimes
and crimes against humanity.

44. There is no generally accepted definition of universal jurisdiction
in conventional or customary international law. States that have incor-
porated the principle in their domestic legislatiori have done so in very

different waysy2.Although there are many examples of States exercising
extraterritorial jurisdiction for international crimes such as war crimes
and crimes against hiumanity and torture, it may often be on other juris-

dictional grounds such as the nationality of the victim. A prominent
example was the Eichrnunn case which was in fact based not on universal
jurisdiction but on passive personalityy'. In the Spanish Pinochet case, an
important connecting factor was the Spanish nationality of some of the

victimsq4. Likewise, in the case against Mr. Yerodia, some of the com-
plainants were of Belgian nationality y5,even if there were, apparently, no
Belgian nationals that were victimsy6of the violencdthat allegedly resulted

'' For a survey of the implementation of the principle of universal jurisdiction for inter-
national crimes in different countries, see, inter aliu: Amnesty International. Unii~er.sul
Jurisdiction. Thc Duty cfStutes to Encrctund Inlplernent L~.gz.~lcrtne,ptember 2001, AI
Index IOR 5312001 ; International Law Association (Committee on International Human
Rights Law and Practice), Fincil Report on the E-~.uerci.soef L~rrii'~~rsJcurr1isdiction Nz
Rr.cpe<, tfCross Hunlun Riglzts OfJfi~rzces,nn., 2000; Redrcss, Universu1Jurisdicri»n i~z
Europe. C'ri~nincrlrosec,ution.sirz Europe since 1990 ,for M'ur Critne.~,rimes crgciii~st
Hun~crr~i-,Torture und G:e~zo<,ic3le,June 1999: http :llwww.i~edress.orglinpract.html: see
also "Crimes internationauxet juridictions nationales"Io be published by the Presses uni-
versitaires de France (in print).
"'Attornc,y-G'erzerc~' flic Goi~rrrznzerf'Isruei v. Eichmoilrr.36 ILR, 1961 p. 5. See
also C'Sv. Yunis (No. 21, District Court, DC. 13 February 1988,82 ILR. 1990, p. 343;
Court of Appeals. DC, 29 January 1991. ILM, 1991,Vol. 3. p. 403.
"4 Auc/ic,nci(rNucioncrl,Auto rkelu Sulu cl(,Io Penul de lu Audienciu Nucionul confir-
n7crnclIr Juri.sdici~irjiczi(,Esppuru conoccr de los crinlencs(k.gerzociciioy terrorisme
c,orn<~tidod.rz~rutitczlu c/i8r,rohtrccihilena. 5 November 1998, http:Ilwww.dereclios.or~l
nizkor1chileljuicioiau Seei.alomlM.. Marquez Carrasco and S. A. Fernandez,
"Spanish National Court. Criminal Division (Plenary Session). Case 19/97. 4 Nov. 1998.
Case 1/98, 5 Nov. 1998", AJIL. 1999.pp. 690-696.
"''CR 300118,p. 16.
"'Some confusion arose over the difference between the notion of "victim" and the
notioii of "complainant" (pirrtie cii,ile). Belgian law does no1 provide an rrcriopoyukiris,
but only allows victims and their relatives to trigger criminal investigations through the
procedure of a formal cornplaint (constitution depurtir civile). On the Belgian system, see

C. Vari den Wyngaert, "Belgiuni". in C. Van den Wyngaert rt 01. (eds.). Cri1?7i11P ctrIo-
cc,durc,S!..stcn~.isritl7cMt~rnhrrSta1e.sof'tlze EuropeuizComniunity. 1993.166 MANDAT D'ARRET (OP. DISS. VAN DEN WYNCAERT)

eussent figuréparmi les victimes dps violenc ressultant des discours de
haine que M. Yerodia était soupçonné d'avoir tenus (par. 15de l'arrêt)97.
45. La compétence universelle a donnélieu à une littérature abondante
dans la doctrine juridique. Les points de vue les plus variésont été expri-

mésquant à la signification de cette notiony8 et à son statut juridique en
droit international9'. Nous n'entendons pas les examiner dans la présente
opinion. Ce qui importe, en l'espèce,est de savoir de quelle manière la

Belgique a codifié lacompétence universelle dans sa législationnationale
et si elle est compatible ou non avec le droit international.
L'article 7 de la loi belge de 199311999,qui est au cceur du litige. dis-
pose ce qui suit: «Les juridictions belges sont compétentes pour con-

naître des infractions prévues à la présente loi. indépendamment du lieu
où celles-ci auront étécommises. » "'O
46. Malgréle flou qui entoure la définitionde la notion de compétence

universelle, une chose est sûre: la ratio legi se la compétence universelle
repose sur la réprobation internationale de certains crimes particulière-
ment graves tels que les crimes de guerre et les crimes contre I'humanité.
Elle a pour raison d'êtred'éviterl'impunité etd'empêcherles auteurs de

"' La notion de i.ictiti~rs'étendau-delà de la victime tlircc,tedu crime, et concerne égale-
ment les victimes indirectes (par exemple, lesendarits ou descendants de la victime dans
le cas de I'assassinat). De surcroît, q~iandil s'agit de crimes du type de ceux dont M. Yero-
dia était soupçonné (incitationà commettre des crimes de guerre ou des crimes contre
l'humanité),la mort ou ledoinmage corporel subi par la victime n'est pas un élémetons-
titutif de l'infraction. Les victimes ne sont seulement celles qui ont étéeffcctivemeiit
tuéesou blessées à la suite des discours de haine allégués, mais aussitoutes les personnes
à l'encontre desquelles les incitations étaient dirigées. ycompris les victimes de nationalité
belge qui se sont constituées parties civiles devant lejuge d'instruction belge. En mettant.
au paragraphe 15de l'arrêt,l'accent sur les victimes le.^i~io1c11crl.as.Cour semble adopter
une définitiontrès restrictive de la notion de victime.
"XPour une analyse circonstanciéeet récente des diverses positions, dans une perspec-
tive tant diachronique que synchronique, voir M. Henzelin, Leprincipcdel'u11ii~er.scillirt6
droit PPIILIiInt~r~~(rtiorirl.o('ohligutio~ipoztr ll,.sEttits de poursiiii'rc.etjuger st,liirile
principe LI^I'u~zii~er~uli20. 00. Parmi d'autres publications récentes: M. C. Bas-
siouni, «Universal Jurisdictioii for International Crimes: Historical Perspectives and
Contemporary Practice », Virgir~itrJourr~uof'InterncitioririlLUII..2001. vol. 42,-100;
L. Benavides. ((The Universal Jurisdiction Principle)). itnuiiiio M~,.(o1. crrclio III~CI.-
ntr(~ioii(2,001. vol. 1.p. 20-96; 1.Charney. «Internatioilal Criminal Law and thc Role
of Domestic Courts)). AJIL. 2001. vol. 25. p. 120-124; G. de La Pradelle, ((La com-
pétence universelle)),dans H. Ascensio cr 111(.dir. publ.). Droit inlrrntrtior~ulpi.n(rl.2000.
p. 905-918; A. Hays Butler,« Universal Jurisdiction: A Review of the Literature)). Cvinii-
nul Lriii Forun?. 2000. p. 353-373; R. van Elst. «Implementing Universal Jurisdiction over
Grave Breachcs of the Geneva Conventions)), LJIL, 2000, p. 815-854.Voir égalementles
actes du colloque sur la compétence universelle: mythes. réalitéset perspectives. Neii,
Erigltrr~tlLuit. Rri,ic,ii.,2001. vol. 35. no 2.
'"Ainsi. certains auteurs sont-ils d'avis que, s'agissant des crimes de droit iiiterna-
tional, il existe une théorie indépendantede la compétence universelle. Voir par exeiriple
M. C. Bassiouni, <Universal Jurisdiction for Ii~ternatioual Crimes: Historical Perspec-
tives and Conteniporary Practice)), Virginio JoirrncofIiiferricrtion1,cii2001. vol. 42.
p. 28.
""'Voir la note 91 pour des référencescomplémentaires.from the hate speeches of which Mr. Yerodia was suspected (Judgment,
para. 15)"'.
45. Much has be~cnwritten in legal doctrine about universal jurisdic-

tion. Many views exist as to its legal meaningyx and its legal status under
international law". This is not the place to discuss them. What matters
for the present dispute is the way in which Belgiurn has codified universal

jurisdiction in its domestic legislation and whether it is, as applied in the
case of Mr. Yerodia~,compatible with international law.

Article 7 of the 199311999Belgian Act, which is at the centre of the

dispute, states the following: "The Belgian courts shall be competent to
deal with breaches provided for in the present Act, irrespective of where
such breaclies have been committed . . ." 'Oo
46. Despite uncertainties that may exist conccrning the definition of

universal jurisdictioil, one thing is very clear: the ratio legis of universal
jurisdiction is based on the international reprobation for certain very
serious crimes such as war crimes and crimes against humanity. Its raison

d'êtreis to avoid irripunity, to prevent suspects of such crimes finding a

''The notion "victim" is wider than the direct victim of the crime only, and also
includes indirect victinise.g. the relatives of the assassinatei person in the case of mur-
der). Moreover, for cririles such as those with which Mr. Yerodia has been charged
(incitement to war crimes and crimes against humanity). death or injury of the (direct)
victim is not a constituent element of the crime. Not only those who were effectivelykilled
or irijured after the alleged hate speeches are victims, but al1persons against whom the
incitements were directed. including the victims of Belgian iiationality who brought the
case before the Belgian irivestigatingj~idgeby lodging a con.stitution(leprirtir civile action.
By focuaing on the victims of the isiolrrl<.ein paragraph 15 of the Judgment. the Inter-
national Court of Justice seems to adopt a very narrow definition of the notion of
victim.
""or a very thorougl-Irecent analysis of the various positions, diachronically and syn-
chronically, see M. Henzelin, Lr prin<,ipc,ci<,1'1rriii.c~r.ruIétiroit pénulinternt~tion~~l.
Droit ct ohligtrrioripolir /c,sEt(rt.s(icpour.suivrcct jirger 1.prin(,ip~dl,/'~inii,er.~irlitc~.
2000. Other recent publications are M. C. Bassiouni, "Universal Jurisdiction for Interna-
tional Crimes: Historical Perspectives and Contemporary Pi-actice". Virginio Journul of'
Intcrn(rtior~t1ori,. 2001. Vol. 42. pp. 1-100: L. Benavides, "The Universal Jurisdiction
Principle". I Atniurio Mc.~it,rinorl<,Dcrrc,hoIntrrnriciorrul.2001. pp. 20-96; J. 1.Charney,
"International Criminal Law aiid the Role of Domcstic Courts", 25 AJIL, 2001, pp. 120-
174; G. de Li Pradelle. "La compétence universelle". in H. Ascensio c.(11.(eds.), Broil
ii~rc~r~~trrio~~ciI~~00~~up,. 905-918; A. Hays Butler. "Unikersal Jurisdiction: A Review
of the Literature", Crirn1111LcirvForn~n,2000, pp. 353-373 :R. van Elst. "Implementiiig
Universal Jurisdiction o.ver Grave Breaches of the Geneva Conventions", LJIL, 2000.
pp. 815-854. See also the proceedings of the symposium on Uiiiversal Jurisdiction:Myths,
Realities. and Prospects, 35 Nrii Erigl(int/LrrriRcvic)il,,2001, No. 2.

""For example. some writers hold the view that an iiidependent theory of universal

jurisdictioii ewists with respect to jus co,qcn.\international crimes. See. for example.
M. C. Bassiouni, "Universal Jurisdictior~ for International Crirnes: Historical Perspec-
tives and Contemporary Practice". I'iyit~iuJourrrtrlof Internutionul Ltiiv, 2001, Vol. 42.
p. 28.
""'Sec footnote 91 for furthcr references.tels crimes de trouver refuge dans des pays tiers. C'est ce qu'ont souligné
des sociétéssavantes qui ont pris part au débat, et notamment les rédac-
teurs des ((principes de Princeton )Io',des ((principes du Caire » 'O2,ou du

((rapport Kammingan de l'International Law Association"".
47. Peut-être n'appartenait-il pas à la Cour internationale de Justice de
définirde manière abstraite la compétence universelle. Elle aurait dû tou-
tefois examiner la question suivante: la Belgique était-elleautorisée, aux
termes du droit international, à exercer en l'espèceune compétencee'ctrri-
territoriale à l'encontre de M. Yerodia (abstraction faite de la question de

l'immunité)? LaCour n'a absolument pas répondu à cette question.

1. Lu compétence univrrselle pour les crinze., de guerre et critnes contre

l'lzun?uniti.est cot~zputihleavec le critère du Lotus

48. L'affaire du Lotus de 1927 constitue la référenceen matière de
compétence extraterritoriale. Dans cette affaire, la Cour permanente de
Justice internationale avait étéinvitéeà statuer sur un différendopposant
la France et la Turquie, néd'une procédure pénale engagéepar la Tur-

quie à l'encontre d'un ressortissant français. Ce dernier, capitaine d'un
navire français, était accusé d'homicide involontaire ayant entraîné la
mort de citoyens turcs, suite à une collision en haute mer entre son navire
et un navire turc. Comme en la présenteespèce, laquestion était de savoir
si 1'Etat défendeur, la Turquie, était habilité à engager des poursuites
pénalesà l'encontre d'un étrangerau titre de crimes commis en dehors de

son territoire. La France fit valoir que la Turquie n'était pashabilitéeà
poursuivre des ressortissants français devant ses tribunaux nationaux. au
motif que le droit international n'autorisait pas les Etats à exercer une
compétence extraterritoriale, mais au contraire l'interdisait. Selon la Tur-
quie, le droit international l'autorisait à exercer une telle compétence.

49. La Cour permanente de Justice internationale a jugé qu'il n'existait
aucune règle de droit international conventionnel ou coutumier interdi-
sant à la Turquie d'exercer sa compétence pour des faits commis en
dehors de son territoire national. Elle commença par dire que, en prin-
cipe, la compétence est territoriale et qu'un Etat ne peut l'exercer en
dehors de son territoire, sauf en vertu d'une règle permissive découlant

du droit international coutumier ou d'une convention. Elle poursuivit
toutefois en limitant la portée de cette affirmation dans un célèbredic-
tunz, bien connu des étudiants en droit international:

«Mais il ne s'ensuit pas que le droit international défend à un Etat
d'exercer, dans son propre territoire, sajuridiction dans toute affaire
où il s'agit de faits qui se sont passésà l'étranger et où il ne peut
s'appuyer sur une règle permissive du droit international ... Loin de

"" Voir ci-dessus la note 54.
"''Voir ci-dessus la riote 51.safe haven in third countries. Scholarly organizations that participated

in the debate have emphasized this, for example in the Princeton prin-
ciples 'O1,the Cairo l~rinciples'~~and the Kamminga report on behalf of
the International Law Association IO3.
47. It may not have been the International Court of Justice's task to
define universal jurisdiction in abstract terms. Wliat it should, however,

have considered is the following question: was Relgium under interna-
tional law entitled to assert extrcltrrritoriul jurisdiction against Mr. Yero-
dia (apart from the cluestion of immuaity) in the present case? The Court
did not consider this question at all.

1. Universal Jurisdiiic-tioJOr Wur Crimes and Crimes ugainst Hurnunity
Is Compatible ,rith the "Lotus" Test

48. The leading case on the question of extraterritorial jurisdiction is

the 1927 "Lotus" case. In that case, the Permanent Court of Interna-
tional Justice was asked to decide a dispute between France and Turkey,
which arose from a criminal proceeding in Turkey against a French
national. This persori, the captain of a French ship, was accused of invol-
untary manslaughter causing Turkish casualties alter a collision between

his ship and a Turkish ship on the high seas. Like in the present dispute,
the question was whether the respondent State, Turkey, was entitled to
conduct criminal proceedings against a foreign national for crimes com-
mitted outside Turkey. France argued that Turkey was not entitled to
prosecute the Frenclh national before its domestic courts because there

was no permission, and indeed a prohibition, under customary interna-
tional law for a State to assume extraterritorial jurisdiction. Turkey
argued that it was ientitled to exercise jurisdiction under international
law.
49. The Permanent Court of International Justice decided that there

was no rule of convirntional or customary international law prohibiting
Turkey from assertirig jurisdiction over facts committed outside Turkey.
It started by saying that, as a matter of principle, jurisdiction is territorial
and that a State cannot exercise jurisdiction outside its territory without
a permission derived from international custom or from a convention. It

however immediately added a qualification to this principle in a famous
dicturn that students of international law know very well:

"It does not, however, follow that international law prohibits a
State from exerirising jurisdiction in its own territory, in respect of
any case which relates to acts which have taken place abroad, and in

which it cannot rely on some permissive rule of international law . . .

lu'Supru,footnote 53.
"" Supra,footnote 54.
"17Supra,footnote 51.168 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS.VAN DEN WYNGAERT)

défendred'une manière généraleaux Etats d'étendre leurslois et leur
juridiction a des personnes, des biens et des actes hors du territoire,
il leur laissa,cet égard,une large liberté,qui n'est limitéeque dans
quelques cas par des règlesprohibitives; pour les autres cas, chaque

Etat reste libre d'adopter les principes qu'il juge lesleilleurs et les
plus convenables. » 'O4

11convient d'établir une distinction entre compétence ~zortîî~itiveet
colîzpétence(l'exécution. Le dictum cité ci-dessus a trait à lcoinpc5tence
nortnutive: ils'agit de savoir ce qu'un Etat est autorisé à faire sur son
propre territoire, lorsqu'il instruit des crimes commis a l'étranger et
engage des poursuites, non ce qu'il peut fairesur le territoire d'uutres

Etats lorsqu'il poursuit les auteurs de tels crimes. De toute évidence, un
Etat n'a pas, à l'égardde tels crimes, de cotî~pétence d'exécution hors de
son territoire: il ne peut donc, sauf à obtenir une permission à cet effet,
exercer son pouvoir sur le territoire d'un autre Etat. Il s'agit de «la limi-
tation primordiale qu'impose le droit international [aux Etat~]»'~~.En
d'autres termes, la règlepermissive ne s'applique qu'a la compétencenor-

mative, non a la compétence d'exécution: en l'absence d'interdiction, un
Etat A peut engager des poursuites pour des crimes commis dans un
Etat B (règlepermissive), mais, en l'absence d'autorisation, un Etat A ne
peut pus intervenir sur le territoire dudit Etat B.
50. Le mandat d'arrêtdu 11 avril 2000 entre-t-il dans le cadre du pre-
mier type de compétence, du second ou des deux? En d'autres termes, en
exerçant sa compétence par l'émissionet la diffusion d'un mandat d'arrêt

a l'encontre d'un étranger pour des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité commisa l'étranger,la Belgique a-t-elle exercé sacompétence
normative, sa compétence d'exécution,ou les deux?

Dans la mesure où le mandat n'a pas étéexécuté,le différend porte
surtout sur la compétence normative. Toutefois, l'intitulé du mandat

(mandat d'arrêt ((international))soulève également desquestions rela-
tives la compétence d'exécution.
Je suis d'avis que la Belgique, en décernant et en diffusant le mandat
d'arrêt,n'a violé ni les règlesen matière de compétence normative, ni
cellesen matière de compétence d'exécution.S'exposeraimon point de vue
sur la compétence d'exécutiondans les arguments que je développe à la
partie IV de mon opinion dissidente, où j'examinerai la question de

savoir s'il y a eu ou non un fait internationalement illicite en l'espèc'O6.
S'étudieraila disposition qui se trouve au cŒur du litige, à savoir I'ar-
ticle7 de la loi belge de 199311999,à l'aune du ((critèredu Lotus)) relatif
a la compétence normative.

'OT.P.J.I., affaidu lotir.^.7 septembre 1927. C.P.J.I. Rsi.rieri"10.p.19.
""Ihid., p. 18.
IUVoir ci-aprt's.par. 68 et suiv.

169 Far from laying.down a general prohibition IO the effect that States
may not extend the application of their laws and the jurisdiction of
their courts to persons, property and acts oiitside their territory, it
leaves them in tlhisrespect a wide measure of discretion which is only
limited in certain cases by prohibitive rules; as regards other cases,

every State remains free to adopt the principles which it regards as
best and most suitable." 'O4

A distinction must be made between prescriptiilc. ,juri.sdiction and
enfbrcernentjuri.~dicr'ionT . he above-mentioned dictum concerns prescrip-

rive~urisdiction: it is about what a State may do oll its o~c~tzrritorj) when
investigating and prosecuting crimes committed abroad, not about what
a State may do on ~lheterritory of other Stc1te.swhen prosecuting such
crimes. Obviously, a State has no enforcenzerît,uri.sdictior~outside its ter-
ritory: a State may, failing permission to the contrary, not exercise its

power on the territory of another State. This is "the first and foremost
restriction imposed by international law upon a State" 'O5.In other words,
the permissive rule o11lyapplies to prescriptivejurisdiction, not to enforce-
ment jurisdiction: failing a prohibition, State A nzcly,on its own territory,

prosecute offences committed in State B (pernzissive rule) ;failing a per-
mission, State A mg,: not act on the territory of State B.

50. Does the arrest warrant of 11 April 2000 come under the first
species of jurisdictioin, under the second, or under both? In other words:
has Belgium, by asserting jurisdiction in the form of the issuing and cir-
culation of an arrest warrant on charges of nar crimes and crimes

against humanity against a foreign national Cor crimes committed
abroad, engaged in prescriptive jurisdiction, in enforcement jurisdiction,
or in both?
Given the fact that the warrant has never been enforced, the dispute is
in the first place about prescriptive jurisdiction. However, the title of the

warrant ("jt~ternationul arrest warrant") gave rise to questions about
enforcement jurisdiction also.
1believe that Belgium, by issuing and circulating the warrant, violated
neither the rules on prescriptive jurisdiction nor the rules on enforcement

jurisdiction. My vievis on enforcement jurisdiction will be part of my rea-
soning in Section IV, where 1will consider whether there was an interna-
tionally wrongful acitin the present case"'? In the present Section, 1 will
deal with prescriptive jurisdiction. 1 will measure the statutory provision

that is at the centre of the dispute, Article 7 of the 199311999Belgian Act,
against the yardstick of the "Lotus" test on prescriptiile jurisdiction.

lo4"Lotus", Judgment No. 9. 1927, P.C:I.J.. Ser4,.No 10.p. 19.
""Ibitl.. 18.
IoSee ir~fitparas. 68et secl. 51. Il découlede l'arrêtrendu en l'affaire du Lotus qu'un Etat est en
droit d'exercer sur son territoire une compétenceextraterritoriale à moins
que le droit international ne le lui interdise. Or,j'estime que rien,en droit
international, n'interdit d'édicter des loispermettant d'enquêteret d'enga-
ger des poursuites en cas de crimes de guerre et de crimes contre I'huma-
nitécommis à l'étranger.
Non sans raison, la thèsea souvent été avancée selon laquelllee critère

du Lotus serait trop libéral et que, compte tenu de la complexité
croissante des relations internationales contemporaines, il conviendrait
désormais d'adopter une approche plus restrictiveio7.Dans l'affaire
relative à la Licéitéde lu menace ou de i'ernploi d'armes nucléuires,
deux groupes d'Etats s'opposaient, avançant chacun une interprétation
différentedu critère du Lotus sur ce point 'O8e ,t, dans sa déclaration, le
président Bedjaoui fit part de ses doutes a cet égard Io'. La légis-

lation belge résiste mêmeau plus restrictif de ces points de vue. Les
preuves ne manquent pas pour étayer la thèse selon laquelle le droit
permet aux Etats d'exercer unecompétence extraterritoriale pour ce type
de crimes.
Dans les paragraphes qui suivent, j'apporterai des éléments à l'appui
des deux thèses. Selonmoi, le droit international a) n'interdit pus I'exer-
cice d'une compétence universellepour les crimes de guerre et les crimes

contre l'humanité, b) l'autorise formellement.

a) Le droit internationul n'interdit pas aux Etats d'exercer une com-
pétenceuniverselle à l'égarddes crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité

52. Le Congo affirme que la notion mêmede compétence universelle
suppose la présencede l'auteur de l'infraction sur le territoire de 1'Etat
qui engage une action à son encontre. Selon lui, l'exercicede la compé-
tence universelle in ubsentiu est contraire au droit international. Cette
thèsedoit êtreexaminée à la lumièredu droit international conventionnel
et coutumier, ainsi que de la doctrine.

53. En guise de remarque préliminaire,j'aimerais souligner un point
d'ordre linguistique. L'expression ((compétenceuniverselle)) ne veut pas
nécessairement dire que le suspect doive êtreprésent sur le territoire

'OVoir American Law Institute, Restutemcwt (Third) Foreign Relations Lqfvthe
UnitedStates, 1987, p. 235-236: 1. Cameron, The Protective Principle of Interntitionul
CrimiiicilJurisdictiori, 1994,p. 319; .Mann, ((The Doctrine of International Juris-
tionul (IJu Huyc~,1964. vol. 111,p. 35: R. Higgins, Prohlems und Process. Intrrnationul
Luic und Ho+i We Use It. 1994,p.77; voir également Conseilde l'Europe, Compétence
extruterritoriule en muti?r(,pénale, 1990,p. 20 et suiv.
'OLicPitédelu menuce ou de l'emploi d'urmes nucli.ciirr.s,uvis con.sultcitifdu 8 juillet
1996, C.I.J. Recueil 1996, 238-239, par. 21.
'OC.I.J. Recueil 1996, p. 270, par. 12. ARREST 'NARRANT (DISS.OP. VAN DEN WYNGAERT) 169

51. It follows frorn the "Lotw" case that a State has the right to pro-
vide extraterritorial j~urisdictionon its territory unless there is a prohibi-
tion under international law. 1 believe that there 1s no prohibition under

international law to enact legislation allowing it to investigate and
prosecute war crime:; and crimes against humanity committed abroad.

It has often been argued, not without reason, that the "Lotus" test is
too liberal and that, given the growing complexity of contemporary inter-

national intercourse, a more restrictive approach should be adopted
today 'O7.In the Nuclrar Weupons case, there were two groups of States
each giving a different interpretation of "Lotus" on this pointlos and
President Bedjaoui, in his declaration, expressed hesitations about
"Lot~s"'~'. Even uiider the more restrictive vicw, Belgian legislation
stands. There is ample evidence in support of the proposition that inter-

national law clearly ,oermits States to provide extraterritorial jurisdiction
for such crimes.

1 will give reasons for both propositions in the next paragraphs. 1

believe that (uj international law does not prohih~t universal jurisdiction
for war crimes and crimes against humanity, (bj clearly permits it.

(a) Internation~~lluiv does not proiiihit univers~lljurisdiction for war
crimes and crirntlsaguinst hunzanity

52. The Congo argued that the very concept of universal jurisdiction

presupposes the presence of the defendant on the territory of the
prosecuting State. Clniversal jurisdiction in absentia, it submitted, was
contrary to international law. This proposition needs to be assessed
in the light of conventional and customary international law and of legal
doctrine.

53. As a preliminary observation, 1 wish to make a linguistic com-
ment. The term "universal jurisdiction" does not necessarily mean that
the suspect should be present on the territory of the prosecuting State.

IO7Cf. American Law Institute. Restutemcnt (Third) Foreign Relutions Lui.i3of' the
United Stutes. 1987. pp. 235-236; 1. Cameron, The Protrctiiv Principle of'Internationa1
Critninul Jurisdiction. 1994.p. 319: F. A. Mann, "The Doctrine of International Jurisdic-
tion Revisited after Twenty Years". Recueil dc,scours de 1I'Acudi.miede droit internutionul
de Lu Huyt~,1964. Vol. 11,p. 35: R. Higgins, Prohlrms und Proce.\s. Ititernutionul Luus
unclHow WC,U.vrIr, 1994,p. 77. See also Council of Europe, E,~truterritorialJurisciiction
in (JrinzinalMurters, 1990, pp. 20 et seq.
Legu1it.ofthe Thrcut or Useof'Nucleur Weupons. Advirory Opinion, I.C.J. Reports
1996, pp. 238-239. para. 21.
"" I.C.J. Rc2portlYY6,p. 270. para. 12. 170 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

de 1'Etat engageant les poursuites. Même si ce critère de présence est
implicite, ce qui est le cas chez certains auteurs, cela ne signifie pas

obligatoirement qu'elle constitue une prescription légale. L'expression
est peut-être ambiguë, mais c'est précisémentpour cette raison qu'il faut
segarder detoute conclusion hâtive. Les maximes latines parfois employées,
et qui semblent postuler la présence de l'auteur de l'infraction (jucles
deprelîensionis - ubi te inijenero ihi te judicuho), n'ont aucune valeur

juridique et ne coïncident pas avec le concept de compétence uni-
verselle.
54. Aucune règle de dro~tinternutional conventionnel ne vise A inter-
dire l'exercice d'une compétence universelle in ubsentiu. S'agissant de la
compétence universelle à l'égarddes crimes de guerre, la principale base

juridique est constituée par l'article 146 de la quatrième convention de
Genève de 1949 'Io,qui énoncele principe aut dc~cl're autjudicare '''.Une
interprétation textuelle de cet article ne présuppose pas logiquement la
présence du contrevenant, comme tente de le démontrer le Congo. Son
raisonnement à cet égard est certes intéressant d'un point de vue doc-

trinal, mais ne constitue pas une conséquence logique du texte. En
matière de crimes de guerre, les conventions de Genève de 1949, qui ont
étératifiéesquasi universellement et pourraient, compte tenu de cette très
large acceptation, avoir une portée plus large que celle de simples
obligations conventionnelles, n'exigent pas la présence de la personne

soupçonnée. Voir dans l'article 146de la quatrième convention de Genève
une restriction au droit d'un Etat d'exercer la compétence universelle
serait totalement contraire à une interprétation tél6ologique des
conventions de Genève. Ces instruments n'avaient, à l'évidence,pas pour
objet de limiter la compétence des Etats à l'égard descrimes de droit

international.
55. Le droit internutional coutumier ne la limite pas davantage. Le
Congo soutient qu'il existe une pratique des Etats, révélatriced'une opi-
nio juris selon laquelle l'exercice de la compétence universelle suppose
nécessairement la présencede l'auteur de l'infraction sur le territoire de

1'Etat qui engage une action à son encontre. Nombre de systèmesnatio-
naux qui donnent effet à l'obligation aut rlerlereriutjudicare etlou au sta-

"" Convention de Genève relative i la protection des personnes civiles en temps de
guerre. 12août 1949,Nations Unies,Rc,cu<,i'etruir6s.vol. 75. p. 287. Voir aussi art. 49
de la convention pour l'amélioration du sort des blesséset des malades dans les forces
arméesen campagne. Genève. 12 août 1949, Nations Unies, Recireil rle.7traitfis. vol. 75,
p. 31: art. 50 de la convention pour l'améliorationdu sort des blessés.des malades et des
naufragés des forces armées sur mer, Genève, 12 août 1949, Nations Unies,ueil de.s
de guerre. Genève, 12 août 1949, Nations Unies.Recueil des rvaitfis, vol. 75. p. 335:iers
art. 85(1)du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12août 1949relaàif
la protection des victimes des conflits armés internationaux (protocol1).Genève.
8 juin 1977, Nations Unies.ecueil des traitfis. vol. 1125, p. 3.
'''Voir ci-après. par. 62Assuming the presence of the accused, as some authors do, does not
necessarily mean that it is a legal requirement. The term may be ambig-
uous, but precisely for that reason one should refrain from jumping to
conclusions. The Lai.in maxims that are sometimes used, and that seem

to suggest that the offender must be present (judcx deprehensionis -
ubi te invencro ibi te judicubo) have no legal value and do not necessarily
coincide with universal jurisdiction.

54. There is no rule of conventional internationcd luit,to the effect that
universal jurisdiction in ubseiîtiu is prohibited. The most important legal
basis, in the case of iiniversal jurisdiction for war crimes is Article 146 of

the IV Geneva Convention of 1949Il0, which lays down the principle (lut
cke(1ereazrtjudicarr '". A textual interpretation of this Article does not
logically presuppose the presence of the offender. as the Congo tries to
show. The Congo's reasoning in this respect is interesting from a doctri-

nal point of view, but does not logically follow from the text. For war
crimes, the 1949 Gerieva Conventions, which are :ilmost universally rati-
fied and could be considered to encompass more than mere treaty obli-
gations due to this very wide acceptance, do not require the presence of

the suspect. Reading into Article 146 of the IV Geneva Convention a
limitation on a State's right to exercise universal jiirisdiction would fly in
the face of a teleological interpretution of the Gerieva Conventions. The
pui-pose of these Coniventions, obviously, is not to restrict the jurisdiction

of States for crimes iunder international law.

55. There is no custonzarq~international luw to this effect either. The
Congo submits there is a State practice, evidencing an opiniojuri.~assert-
ing that universal jurisdiction, per se, requires the presence of the offender
on the territory of the prosecuting State. Many national systems giving

effect to the obligati'on clut dedere aut judicar-e andlor the Rome Statute
for an International Criminal Court indeed require the presence of the

'IConvention Relative to the Protection of Civilian Persons in Time of War, Geneva,
12 August 1949, UNTS, Vol. 75. p. 287. Seealso Art. 49, Convention for the Ameliora-
tion of the Condition of the Wounded and Sick in Armed Forces in the Field, Geneva,
12August 1949. UNTS, Vol. 75. p. 31: Art. 50. Convention for the Amelioration of the
Condition of Wounded. Sick and Shipwrecked Membersof Aimed Forces at Sea,Geneva.
12A~igust1949,UNTS, Vol. 75, p. 85; Art. 129,Convention Relative to the Treatment of
Prisoners of War, Geneva, 12August 1949. UNTS, Vol. 75. 1,.135: Art. 85 (1). Protocol
Additional (1)to the Geneva Conventions of 12August 1949,and relating to the Protec-
tion of Victims of 1ntern:itional Armed Conflicts. Geneva, 8 June 1977, United Nations.
Officicil Recordof the GetiercilAssen~hhdoc. A1321144.15 August 1977.

"1 See further infru, para. 62.171 MANDAT D'ARRÊT (OP. DIS. VAN DEN WYNGAERT)

tut de Rome portant création d'une cour pénale internationale perma-

nente requièrent la présence de l'accusé, ainsi qu'ilressort de diverses
dispositions de droit interne Il2 et d'un certain nombre de décisionsnatio-
nales, notamment dans l'affaire Surir au Danemark Il3, l'affaire Juvor en

France Il4 et l'affaire Jorgii. en Allemagne "'. En revanche, il existe égale-
ment des systèmesnationaux dans lesquels la présencede l'auteur de I'in-
fraction sur le territoire de 1'Etatengageant les poursuites n'est pas impé-
rative Il6.De plus, dans un mêmeEtat, les pouvoirs exécutifet judiciaire

peuvent avoir des avis différents surla question: ilest alors d'autant plus dif-
ficile d'y discerner I'existence d'une quelconque opiniojuris en ce sens Il7.
Mêmele fait qu'une législation nationale exige la présencede l'accusé

ne reflètepas nécessairement I'existence d'une opinio juris selon laquelle
cette présence serait requise en droit international. Les décisions natio-

"Voir par exemple le Code pénal suisse, art. 6 bis. I ; le Code pénal français,
art. 689-1; la loi canadienne de 2000 sur les crimes contre l'humanité et les crimes de
guerre, art. 8.
Il3Ministi.re public c. T., Cour suprême danoise (Hoejesteret), arrêt. 15 août 1995.
Ugeskr.ift,for Retsvue.serz,1995,p. 838, citédans I'Annutriredu droit internutionul hurnuni-
tuire de 1998, p. 431.et dans R. Maison, «Les premiers cas d'application des dispositions
pénales des conventions de Genève: commentaire des affaires danoise et française)).
EJIL, 1995, p. 260.
Il4Cour de cassation française (Juvor]. 26 mars 1996, Bull. crin^.1996,p. 379-382.
IlsBundesgerichtshof. 30 avril 1999,3 StR 215198,NStZ, 1999,p. 396. Voir également
le commentaire critique (Atimerkung) d'Ambos, ibid.. p. 405-406, qui ne partage pas
l'opinion desjuges selon laquelle un «lien»est nécessairepour ((légitimer» l'exercice,par

l'Allemagne. de sa compétence à l'égardde crimes perpétréspar des étrangersà l'encontre
d'autres étrangerset en dehors de son territoire. même dans le cas de crimes graves au
regard du droit international (il s'agissait en I'occurrcnce du crime de génocide).La Cour
allemande a toutefois estimérécemment,dans un arrêtrelatif à l'application des conven-
tions de Genève,qu'un tel lienn'était pasnécessaire.puisque la compétencede l'Allemagne
se fondait sur une règle contraignante du droit international instituant l'obligation de
poursuivre et que l'on pouvait donc difficileillent considérer l'exercice d'une telle com-
pétence comme une violation du principe de non-intervention (Bundesgerichtshof,
21 février2001, 3 StR 372100.consultable sur le site http:Ilwww.hrr-strafrecht.de).
Il6Voir, par exemple. les poursuites engagées enEspagne, en vertu de l'article 23-4 de
la loi no 611985du 1" juillet 1985sur le pouvoir judiciairà.l'encontre du sénateur Pino-
chet et d'autres ressortissants de pays d'Amérique du Sud dont les autorités espagnoles
demandaient l'extradition. En Nouvelle-Zélande. despoursuites peuvent êtreengagées
pour les ((principaux crimes)) de droit international, même si l'auteur présuméde ces
crimes ne se trouve pas dans le pays au moment où les autoritésjudiciaires décidentde
l'inculper (loi néo-zélandaise de2000 sur les crimes de droit international et la Cour
pénaleinternationale, art. 8, par. 1, al. c) iii).

Il7Le Gouvernement allemand vient d'adopter un projet de «code des crimes de droit
international »(V~lkerstrufgesri-huch) (voir Bundesministerium der Justiz, Mitteiliingfür
die Prc~sse02/02, Berlin. 16 janvier 2002) qui devrait permettre aux services allemands
chargésde l'application des loisd'engager des poursuites pour certaines infractions mêmesi
celles-cin'ont aucun lien avecl'Allemagne et que leur auteur présuméne setrouve pas sur
le territoire allemand. Aux termes de ce nouveau code, mêmes'il n'existeaucun lien avec
l'Allemagne, les services chargésde l'application des lois peuvent déciderde surseoir aux
poursuites uniquement dans le cas où le suspect estdéjà poursuivipar unejuridiction inter-
nationale ou par celle d'un Etat exerçant sa compétence territoriale ou personnelle (voir
Bundesministerium der Justiz, Et~tivurfein~s Ge.retzeszur Einführung des VGlkerstrufge-
serrh~lches,p. 19et 89.consultable sur lesite Inter:www.bmj.bund.delimagesl11222.pdf).offender. This appears from legislation Il2 and from a number of national

decisions including i.he Danish Saric caseii', the French Juvor case'I4
and the German Jurgic case'I5. However, there are also examples of
national systems that do not require the presence of the offender on the

territory of the prosecuting StateiI6. Governn~ents and national courts in
the same State may lholddifferent opinions on thr: same question, which
makes it even more difficult to identify the oplnio juris in that State'".

And even where national law requires the presence of the offender, this
is not necessarily the expression of an opiniojuris to the effect that this is
a requirement under international law. National dzcisions should be read

Il2See, for example. the Swiss Penal Code, Art. 6bi.s. I ;the French Penal Code,
Art. 689-1 ;the Canadian Crimes against Humanity and Wai. Crimes Act (2000), Art. 8.

Pirhlic P~.osc,<,uto1,.T., Supreme Court (Hojesteret), .Iudgment. 15 August 1995.

L'gcskrifi fur Rrtsvuesrn. 1995, p. 838.reported in Yeurhook ~~f'l~ilternutionc Hrln~utlitur-
ion LLIII..1998. p. 431.anidin R. Maison, "Les premiers cas d'application des dispositions
~énalesdes Conventions de Genève: commentaire des affaires danoise et fraiicaiae".
EJIL. 1995. p. 260.
Cour de cassation (fr.). 26 March 1996. Bull. Crinz.. 1996. un. 379-382.
I1"undesgerichtshof '30April 1999. 3 StR 215198. hlSrZ. 19%. p. 396. See also the
critical note (Anr??erkurig)by Ambos, ibid., pp. 405-406, who doesn't sliare the view of
the judges that a "legitimizing link" is required to allow Gerrnany to exercise its jurisdic-
tion over crimes perpetrated outside its territory by foreigneis against foreigners, even if
these amount to serious crimes under international law (in L.(I.\Ig ~enocide). Iii a recent
judgment concerning the application of the Geneva Conveiitions, the Court. however.
decided that such a link was riot required, since German jurisdictioii was grounded on a
binding norm of international law instituting a duty to proseciite, so therc could hardly be

a violation of the principle of non-intervention (Bundesgerizhtshof, 71 February 2001.
3 StR 372i00. retrievable on http:liwww.hrr-strafrechtde).

"" See, for exainple. the prosecutions instituted in Spain oii the basis of Article 23.4 of
the Ley Orginica del Potler Judicial (Law 611985of 1 July 1985on the Judicial Power)
against Senator Pinochet aiid other South American suspccts whose extradition was
requested. In New Zealarid. proceedings may be brought for interiiational "core crimes"
regardless of whether or riot the persoii accused was in New Zealand at the time a decision
was made to charge the peraon with an offeiice (Sec. 8 (1) IC) (iii) of the International
Criines and International Criminal Court Act, 2000).

Il7The German Government very receiitly reached agreeirient on a text for an "Inter-

national Crimes Code" (V~lkrrvtrcif~e.retzh11~~1(1ee Bundesininisterium der Justiz, Mit-
rcil~rii,~,fliePresse OZlli?,Berlin, 16January 2002). The neMCode would allow German
law enforcement agencies to prosecute cases without any link to Gerinany and without the
presence of the offender on thc national territory. However if there is no link to Ger-
mariy, the law enforcement agcncies have discretion to defer prosecutioii in such a case
when an International Court or the Courts of a State basing its jurisdiction on territori-
ality or personality were in fact prosecuting thc suspect (see Biindesmiiiisterium der Justiz,
E~ltwurJeiric,sGr.\<,tzrszur Einfiilirurrg</esI'ijlker.ctru/gc~sc~tzi~ucIpc. , 9and 89, to be
consulted on the Internet: http:llwww.bmj.bund.de/i1m2a 22.pdf).nales doivent être interprétéea svec beaucoup de prudence. Dans l'affaire

Bouterse, par exemple, la Cour suprême desPays-Bas n'a pas estiméque
la présencede la personne soupçonnée était nécessaire envertu du droit
international, mais seulement en vertu du droit interne. Elle a décidéque,
et1droit néerlandrris M, . Bouterse ne pouvait faire l'objet de poursuites au

titre d'une telle compétence, mais elle n'a nullement dit que l'exercice de
celle-ci serait contraire au droit internationrrl. En fait, elle n'clpas retenu
la conclusion de l'avocat généralà cet égard'18.
56. L'affaire du Lotus constitue un précédentnon seulement en matière

de compétence, mais aussi au regard de la formation du droit internatio-
nal coutumier, ainsi que je l'ai dit plus haut. Une ((pratique négative))des
Etats consistant pour ceux-ci à s'abstenir d'engager des poursuites judi-
ciaires ne saurait être considérée, ensoi, comme révélatriced'une opi-

niojuris. C'est uniquement si cette abstention était délibéréq eue la pra-
tique pourrait donner naissance à une règle de droit international
coutumier'ly. Tout comme dans le cas des immunités, l'abstention peut
êtremotivéepar d'autres facteurs que l'existence d'une opiniojuris en ce

sens. En effet, un Etat peut avoir des raisons valables, d'un point de vue
politique ou pratique, de s'abstenir d'exercer sa compétenceen l'absence
de l'auteur de l'infraction.
Une compétence si étenduepeut être inopportune du point de vue poli-

tique: elle n'est pas propice aux relations internationales, et traduire en
justice les auteurs étrangers de crimes commis à l'étrangerrisque de heur-
ter l'opinion publique nationale. Pour autant, de tels procès ne sont pas
illicites au regard du droit international.

D'un point de vue prutique, il peut se révéler difficile de recueillir les
élémentsde preuve lors de procès concernant des crimes extraterrito-
riaux, à quoi s'ajoute le fait que les Etats peuvent craindre de surcharger
leurs tribunaux. Ce dernier motif a étéinvoqué par la cour d'appel bri-

tannique dans l'affaire Al-Acls~ni"~ et il semble que l'Assembléenatio-
nale française en ait expressément tiréargument pour écarter la compé-
tence universelle ilz abserztirr lorsqu'elle a approuvé l'application du
principe de la compétence universelle pour les crimes viséspar le statut

du Tribunal pénalinternational pour l'ex-Yougoslavie 12'.Quant au pro-

IlXVoir ci-dessus la note 5. Dans son arrêtdu 20 novembre 2000, la cour d'appel
d'Amsterdam avait décidé, entre autres. que des poursuites pouvaient être engagéespar
défaut contreM. Bouterse pour actes de torture (faits commis au Suriname en 1982). La
décisiona été annuléepar la Cour suprêmedes Pays-Bas le 18septembre 2001, au motif,
notamment. que la compétence universelle avait étéexercée~icih,sc,~lcis conclusions
de I'avocat général éerlandais sont annexéesl'arrêtde la Cour suprême,Io<,.<,: voir
les paragraphes 113à 137; voir aussi en particulier le paragraphe 138.
IlVoir ci-dessus. par. 13.
""Cour européenne des droits de l'homme. affaire Al-A(l.~~rri. Roj,u~rnic,-L'rii.
71 novembre 2001, opinion du juge Pellonpiiià.laquelle s'est ralliéle juge Bratza, con-
sultable sur le site http:llwww.echr.coe.int. Voir la discussion dans Marks. «Torture and
the Jurisdictional Immunities of Foreign States)),1. 1997.p. 8-10.
"' Voir leJolii-rr(rloffi<(/c11A.~~~~t~irh1r6io~?(i~, décembre 1994. 2' séance.
p. 9446.with much caution. In the Bouterse case, for example, the Dutch Supreme
Court did not state that the requirement of the presence of the suspect

was a requirement under international law, but only under domestic law.
It found that, unc1t.rDutch lu,v, there was no such jurisdiction to
prosecute Mr. Bouterse but did not Say that exercising such juris-
diction would be contrary to internutionul luit,. In fact, the Supreme

Court did rzotfollow the Advocate General's submission on this point IlX.

56. The "Lotus" case is not only an authority on jurisdiction, but also
on the formation of lcustomary international law as was set out above. A

"negative practice" of States, consisting in their alxtaining from institut-
in& criminal proceedings, cannot, in itself, be seen as evidence of an
op~lziojurls. Only if ihis abstinence was based on .iconscious decision of
the States in question can this practice generate customary international

law 'l".As in the case of immunities, such abstinence may be attributed to
other factors than the existence of an opinio jurl~. There may be good
political or practical reasons for a State not to assert jurisdiction in the
absence of the offender.

It may be politici~ll~ inconvenient to have such a wide jurisdiction
because it is not conlduciveto international relations and national public
opinion may not approve of trials against foreigners for crimes com-

mitted abroad. This does not, however, make siich trials illegal under
international law.
A practical consicleration may be the difficulty in obtaining the evi-
dence in trials of extraterritorial crimes. Another practical reason may be

that States are afraid of overburdening their court system. This was
stated by the Court of Appeal in the United Kingdom in the Al-Adsani
case"0 and seems to have been an explicit reason for the Assemblée
nationale in France to refrain from introducine universal iurisdiction in
"
uhsentiu wlien adopting universal jurisdiction over the crimes falling
within the Statute of the Yueosl"via Tribunal '". The concern for a link-
age with the national1order thus seems to be more of a pragmatic than of

IlXSee siqrci, footnote 5. The Court of Appeal of Amsterdam had. in its judgment of
20 November 2000, decided, inter rrliu,that Mr. Bouterse could be prosecuted in oh.cc~ntitr
on charges of torture (fàcts committed in Suriname in 1982) This decision was reversed
by the Dutch Supreme Court on 18September 2001. irttc~cilir"on the point of the exercise
of ~iniversaljurisdictiirrrh.srrtti.he s~ibmissionsof the 1)utch Advocate General are
attached to thejudgmeni of the Supreme Court, Io<,.cir.. paras. 113-137 and especially
nara. 138.
""ee .siiprri.para. 13.
"" ECHR. Al-Ai/.srirzi,iLlnir<,dKirznclo~2.1 November 2001. para. 18, and the con-
curring opinions of Judges Pellonpiiii a%dBratza. retrievable at: liftp:Ilwww.echr.coe.int.
See the discussion iiiMarks. "Torture and the Jurisdictional lmmunities of Foreign
States". CLJ. 1997, pp. 8-10,
'" See Jorrrntrlofficic.1tkc,I'A.~.cnrtionrrlr,10 décem1)re1994. 2' séance.p. 9446.173 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

blème du rattachement à l'ordre interne, il semble revêtirun caractère
plus pragmatique que juridique. La volonté de procéder à un tel ratta-
chement ne constitue donc pas nécessairement l'expressiond'une doctrine
selon laquelle cette forme de compétence universelle serait contraire au

droit international.
57. Le thème de la compétence universelle a suscitéune littérature à la
fois abondante et savante i22.Je me contenterai de citer trois études réa-

liséespar des groupes de chercheurs: les «principes de Princeton » "', les
((principes du Caire» '3 et le ((rapport Kammingan au nom de l'Interna-
tional Law Association Iz5, en concentrant mon attention sur une ques-
tion: les auteurs plaident-ils, comme le Congo, que la compétence uni-

verselle in absentiu est contraire au droit international'? La réponse est
négative '26.
58. Ma conclusion est qu'il n'existe aucune règledu droit international

conventionnel ou coutumier. ni aucune doctrine juridique, susceptibles
d'étayerl'affirmation selon laquelle la compétence (universelle) à l'égard
des crimes de guerre et des crimes contre I'humaniténe peut êtreexercée
que si l'accusése trouve sur le territoire de 1'Etatqui engage une action à

son encontre.

b) Le droit intcrnutionui permet au.v Etats d'e.\-ercerutle compétence
universelle ù l'égurtl'des crinzes de guerre cjt des crirîzes contre
I'hun~unité

59. Le droit international permet à l'évidenceaux Etats d'exercer une
compétence universelle à l'égarddes crimes de guerre et des crimes contre

I'humanité. Pour les crimes contre l'lzumunité,il n'existe pas de disposi-
tion claire en droit conventionnel à cet égard, mais il est admis que, du
moins dans le cas de génocide,les Etats ont le droit d'exercer une com-
pétenceextraterritoriale "'. En revanche, les cxritîze.d re guerre font l'objet

de conventions internationales spécifiques.Le droit international permet

12'Pour des sources récentes, voir ci-dessusla note 98.
I2jVoir ci-dessus la notc 53.
Iz4Voir ci-dessus la notc 54.
'25Voir ci-dessus la note 51.
Bien que le libelle du deuxième paragraphe du principe I de Princeton puisse
quelque peu prêter àconfusion. il est clair que les auteurs n'entendaient pas empêcherun
Etat d'engager une procédure penale, de mener une enquête.de délivrerun acte d'accusa-
tion ou de demander l'extradition dans le cas où l'accusést pas présentsur le territoire.
ce que confirme le paragraphe 3 du principe 1.Voir Cornn~c,r~rri/oyn i/ic>Pvincc~toirPrirl-
<,iplc,.. 44.
12'A propo5 du génocideet de la convention sur le génocidede 1948,la Cour interna-
tionale de Justice a dit quelesdroits et obligations consacrés par la convention sont des
droits et obligationsrgrrortine.vet «que l'obligation qu'a ainsi chaque Etat de prévenir
et de réprimerle crime de génociden'est pas limitéeterritorialemcnt par la convention»:
affaire relatià I'Appli<~citiitelu <~or~vc~rzrioolrlrr lu pri.('lu ri./~rc.~.~iodrurcrirnc
gPt~o(.ide(B~~t~i~-Heï:G,yo~,in. ,Yougo.vlcri~ic,)c.,rcc,srl.lin7irztrirc.sr,rrrct. CI1.J.
Rccuril 1996 (II),p. 616, par. 31. ARREST WARRANT (DISS. OP. V.4N DEN M YNGAERT) 173

a juridical nature. It is not, therefore, necessarily the expression of an

opinio juri.r to the effect that this form of universaljurisdiction is contrary
to international law.

57. There is a massive literature of learned scholarly writings on the

sub.ject of universal jurisdictiori "'. 1 confine myself to three studies.
which emanate from groups of scholars: the Princeton principles "'. the
Cairo principle~"~ aind the Kamminga report on behalf of the ILA l".

and look at one poii~t: do the authors support tht: Congo's proposition
that universal jurisdiction in trhscwtin is contrary to international law'.'
The answer is: no "".

58. 1 co~~cludethkit there is no conventional or customary interna-
tional law or legal doctrine in support of the proposition that (universal)

jurisdiction for war crimes and crimesagainst humiinity can only be exer-
cised if the defendant is present on the territory of the prosecuting State.

(b) I~lter~zntionul kric prrr?îit.s urzivo..ral ,jtlrist/iction,for iiur crir7îc.s arzci

crir?rc>sagainst h~ir?i(~tîit)'

59. International law clearly permits universal jurisdiction for war
crimes and crimes agairist humanity. For both criines, permission under
international law exists. For crimes trgaii~st l~irn~ui~itj~, there is no clear

treaty provision on tlie subject but it is accepted that, at least in the case
of geiiocide, States are entitled to assert extraterritorial jurisdiction "'. In
tlie case of ii,crrcri nie.^.however, there is specific conventional interna-

tional law in support of the proposition that States are entitled to assert

"' For recerit sources see ,\ilp~'tr.footnote 98
i2iSLI~I~~ fI.otnote 53.
Sirnrrr. footnote 54.
"' Sirl~rrr.rootnote 5l.
'IrAlthoueh-the wordinr of-Princetoii I'rinciple 1 (2) rii.iy..Dpear soillcwliat coiiflisiiig.
tlie ;i~itliorsdefiriitely did iiot waiit to prebeiit a Statc frorri ini7iating the criininal proccss.
coiid~icting an iiivestigatioii. issuiiig ail iridictmentor req~iesting cutrndition hlieii tlie
accuseci is not pscaerit,a!,is confirmed by 1'1-iiiciple1 (3). Sce the Coil11nerit:iry «il the
Priiicctoii 1'1-inciplatp. 44.

On tlie siil~jectol'genocide and the Cienocidc Coiiverition of 1948, the 11iteriiation:il
Co~irt of Juhtice held tliat "the rights aiid obligations erishriiied bq tlie Converitiori Lire
riphtsaiid obligations c2rg(l iiriic.\" aiid "that the obligatioii ench Stntc tlius has to prevcnt

and to p~iiiislithe criiiof genocidc is iiot Lerritorially liinited by thc Coii\ention(Al~lili-
<,(~tioof'rlic, ('oiiv<~ritioiror7flic' Prc,io~rioii rrii(1P~riii.O/rrrlic, Ci.iic!fGriio<.itlr
(Bo\~ii((III(H~,r:r,~qor,ir~ Yr~,qo.\/(rii(, rc~/;~ii;i~r/?;c,crioriJi,~d,qrii(, C.J. R~,/JII./
lYY6 (11). p. 616. pnr;i. 31).aux Etats d'exercer une compétence universelle à I'égard des crimesde-
guerre, mais aussi à I'égard descrimes contre l'humanité. Dans le cas des
premiers, cette permission est confirméepar le droit international conven-
tionnel, plus précisémentpar l'article 146 de la quatrième convention de

Genève l'" qui énonce le principe (tut declereuzrt,j~(dic~~p rour les crimes
de guerre perpétrésà l'encontre de civils IN'.
Cette convention est probablement la première, dans l'histoire des
conventions de droit international pénal, a avoir codifiéle principe (lut

tlelkereaut judicrrre: en effet, si celui-ci existe depuis Hugo Grotius dans
la doctrine juridique. et a sans doute des origines plus lointainesencore 13".
ce n'est qu'en 1949 qu'il a étéinscrit dans le droit international conven-
tionnel. D'autres instruments plus anciens, comme la convention de 1926

relative a l'esclavage'" ou la convention de 1929 pour la répression du
faux monnayage 132, exigent des Etats qu'ils réglementent la c.otnpétc~nce,
mais sans leur imposer l'obligation (rutcktlere uzlt,judicare. Les conven-
tions de 1949 sont vraisemblablement les premières à consacrer ce prin-

cipe dans un article qui prévoit à la fois l'exercice de la compétence et
I'obligation de poursuivre.
Les rédacteurs des conventions ultérieures ont étéplus préciset ont

inclus dans ces textes des dispositions portant spécifiquementsur la com-
pktenc.~,d'une part, et sur l'obligation de poursuivre (uut lletterc,uutjudi-
ccrrc), d'autre part. C'est le cas notamment de la convention de 1970
pour la répression de la capture illicite d'aéronefs(art. 4 et 7 respective-

ment)'33 et de la convention de 1984contre la torture (art. 5 et 7 respec-
tivement) 134.
60. Pour évaluer dans quelle mesure ilest permis aux Etats d'exercer
une compétence universelle à I'égarddes crimes de droit international, il

importe que les conventions de droit international pénal établissent une
distinction entre les dispositions relatives à la (.on~pc;t~/~c et celles rela-
tives à I'ohligtrtiot~(lepoursuivre ((rut dc3der.c (lutjzldic.~rrc').
61. Dans ces conventions, les dispositions relatives à la c.o/n/?étcric.c

IzXVoir ci-dessus In note 110.
'"'Voir comitéinternational de la Croix-Rouge. N(~tiorrriOl ?fOr.c~crire~nft'Ir~tc~rnorioirtrl
f~ur~~c~r~ifurLi(ui.: L'II~LY,~.Jur./.rdicf~oto7vc~ K'cirC'rirr~Rc;pre~.~.xiro~itioi~(dI,.\~
violririotr.~dit tlroit itrtc~ri~(rilr~rciiritoiIc:c~or~rp6tc,rru(ii~c~r.s<~,lir~rtrtiici,.
ciirrictkeguc,r.rc,l.consultable sur le site: littp:llwww.icrc.orgl: R. vari(<lmplement-
in&Universal Jurisdictioii over Grave Breaches of the Geiieva Corivenlions». LJIL. 2000,
vol. 13, p. 815-854.
13"G. Guilla~~nie.<<Lacompétence universelle. Formes ancieriries ct nouvelles». dans
h.l<:lritrgrc~!.fsfcGc~orgc,Lsci.rr.,.\c. 992. p. 27.
"' Co~iventionrelative à l'esclavage. Genève. 25 septembre 1926.Sociétédes Nations.
Recueil r1c.ctr.uiti.s,vol. 60. p. 253.
'" Convention pour la répressiondu faux nionnayage. Genève, 20 avril 1929, Société
des Natioris. Rc,c,u<,ili<sriitfic..vol. 112, p. 371.
'" Convention pour la répressionde la capture illicited'aéronefs,adoptée à La Haye le
16 décembre 1970, ILM. 1971, p. 133.
Convention contre 12torture et autres peines LI traitcrnents cruels. inhumains ou
dégradants. adoptée h New York le 10décembre1984.ILM. 1984,p. 1027,modifiéedans
ILM, 1985, p. 535.jurisdiction over acts committed abroad: the relevant provision is

Article 146 of the IV Geneva Conventionn8, which lays down the
principle (rut dederc~uut jzldiccrre for war crimes committed against
civilians "".

IZromthe perspective of the drafting history of international criminal
law conventions, this is probably one of the first codifications of this
principle, whicli, in 1t:galdoctrine, goes back at least to Hugo Grotius but

has probably much older roots"". However, it had not been codified in
conventional international law until 1949. There are older Conventions
such as the 1926 Slavery Conventioni3' or the 1929 Convention on
Counterfeiting'", which require States to lay down rules on jurisdir~tion

but which do not provide an ucrtciedereuut,judicur.eobligation. The 1949
Conventions are probably the first to lay down this principle in an article
that is meant to cover both jurisdiction and prosccution.

Subsequent Co~ivt:ntions have refined this waq of drafting and have
laid down distinctive provisions on juri.s~lilicetio onii the one hand and on
prosecution ((rut cleldereuut judicure) on the other. Examples are the

1970 Convention for the Suppression of Unlawtùl Seizure of Aircraft
(Articles 4 and 7 respectively) '" and the 1984 Convention against Tor-
ture (Articles 5 and 7 re~pectively)"~.

60. In order to assess the "permissibility" of uriiversal jurisdiction for
international crimes. it is important to distinguish between juri,rclictiorz
clauses and prosecutl;on (uut (/e~lerr(lutjudicure) clauses in international
criminal law conveni.ions.

01. Thejurisdiction clauses in these Conventioris usually oblige States

""ee suprtr, footnote 110.
'2"See International Cornmittee of the Red Cross. Ntitrnntrl Et!forcc,rllet~tof' Irltc~r-
~ltrtiorlrrlHurlwnittrr~.LII.,C~ni~~or.srri.st/i<.tiotloikVur Crir)~c,.sr,etrievant :
http:Ilwww.icrc.org; R. van Elst. "Implenlenting Univers;il Jurisdiction over Grave
Breaches of the Geneva (?onventions". 13 LJIL. 2000. pp. 815-854.

G. Guillaume. "La compitence universelle. Formes lnciennes et noiivelles". in
M<;l~~ti,ycc!sffriGcorprs L.ei~ci.s.slr.2. p. 27.
1'1Slavery Convention. Geneva, 25 Septcmber 1926. Leagiie of Nations. Trecrt),Serics
(LNTS), Vol. 60. p. 253.
"' International Convention for the Suppression of Coiintertèiting Ciirrency, Geneva.
20 April 1929. L.NTS. Vol. 112.p. 371.
1'3Convention for thr: Suppression of Unlawful Seizure of Aircraft, signed at The
Hague on 16 December 1970,ILM. 1971. p. 134.
''4Convention ngainst Torture and Other Cruel, lnhuman or Degrnding Treatnieiit or
Punishment. Neu York, 10 December 1984. ILM. 1984. p. 1027.with changes in 1L.M.
1985. p. 535.175 MANDAI' D'ARKÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAEKT)

imposent habituellement aux Etats de se doter d'une compétence extra-
territoriale, mais ne leur interdisent pas d'exercer leur compétence confor-
mément à leur législationnationale. Mêmelorsqu'elles ne prévoient pas

la compétence universelle, ces dispositioiis ne l'excluent pas non plus, pas
davantage qu'elles ne demandent aux Etats d'éviter d'exercercette forme
de compétence en vei-tu de leur droit interne. Ce principe est liabituelle-
ment exprimé par la formule suivante: «[l]a présenteconvention n'écarte

aucune compétence pénale exercéeconformément aux lois nationales)).
que l'on retrouve dans un grand nombre d'instruments. notamment dans
la convention de 1970 pour la répression de la capture illicite d'aéronefs

(art. 4, par. 3) et dans la convention de 1984 contre la torture (art. 5.
par. 3).
62. Les dispositions relatives à l'ohlig~ltion tic] po~rr.szriiv-c(~(ILI/ dc,dc>rr

crirtjurlic~~rr) lient parfois cette dernière à l'extradition, dans le sens où un
Etat n'est tenu de poursuivre un suspect que ((s'il n'extrade pas ce der-
nier)). C'est notamment le cas de l'article 7 de la convention de 1970pour
la répressionde la capt~ireillicite d'aéroiiefset de l'article 7 de la coiiveil-

tioii de 1984contre la torture. Toutefois, cela ne signifie pas qu'un Etat
ne puisse poursuivre un suspect cl~tcs'il a refuséde l'extrader.
On ne retrouve assurément Das cette formule dans l'article 146 de la

quatrienie convention de Genève. dont certains auteurs affirment qu'il
fait mêmepasser l'obligation de poursuivre avant celle d'extrader: /)ritno
~r.o.verlui..sc~<~zrnr~leclcrr 13'.Mêmeen considérant que la notion de com-
pétence~iniverselletelle que la voit la doctrine présuppose la présencede

l'accusé,rien dans I'articlc 146 ne permet de conclure au caractère obli-
gatoire de cette présence"".

2. Lrr c.o~lip>tctzc.cu~r~ii.cr.sc~l~~'e~.pstt~s c.orltrrrir1/11/lrill(.ipe> (.ot11/11é-
t>~cntlirit& /cl il~i'6rzo11c.cp;rrr Ic .st~tr~rt(le, Ro~~icj17ort~111<t.r.c;~rtio(le,ILI
COilr./)(;tl(lI> illtc'rll~ltiolllll~

63. D'aucuns font valoir que, en vert~idu statut de Ronie, les auteurs

présuniésde crimes de guerre et de crimes contre l'humanité devront être
poursuivis par la Cour pénale internationale et non par des Etats qui
voudraient exercer une compétence universelle, et que, déslors, les Iégis-

lations nationales qui. comme celle de la Belgique, prévoient la compé-
tence ~inivei-selleseraient en contradiction avec cette nouvelle approche et
risq~ieraient d'entraver le fonctionnement de la Cour pénale internatio-

nale. C'était aussi la thèse du Congo dans le présent différend'''.

'" Les coii~entioris de Gciièbede 1940sont ~iiiiclucsen ce cl~i'clle5prkioiei~irinéca-
nisiiic qui va pl~isloin que l'obligationcrut tlecl<our,jirrlic,<riiniposaiiiiiisEtiits ce
que 1'01po~~rr:iitappelerIcirègle«trrlr jir(lic~(ILIr/c,r/c,rou même nl~ririio prosc~lui,
~<'c,i~ri(/(o/?</<Voir, respeclivcnleiitK. i,iiil Eih/oc,.<,ip. 818-810. et M. Hcnzcliii.
op. c.ir.. 353. par. 1111.
'"'Voir M. Henzeliii.011.c,itp. 354. par. 1113.
'" Voir le niCii~oii-cd121Rcpubliq~iedemocratiq~ie du Congo. p. 59: <<Obligationdc
iiepiis pi-iverle Stat~iide le Cotir pL:iialeinternniioii:son tobjet etdc son but.>>to provide extraterritorial jurisdiction, but do not exclude States from

exercising jurisdiction under their national laws. Even where they do not
provide universal jurisdiction, they do not exclude it either, iîor do they
require States to refrain from providing this forln of jurisdiction under
their domestic law. The standard formulatioiî of this idea is that "[tlhis

Coiiventiori does not exclude any criminal jurisdici ioii exercised in accord-
ance with national I,LIw" T.his formula can be fouiid in a host of Conven-
tions, including the 1970 Conveiltion for the Siippression of Urilawful
Seizure of Aircraft (Art. 4, para. 3) and the 1984Convention against Tor-

ture (Art. 5, para. 3).

62. The proscczrtioiiclauses (clut dec1c~r(.lrut,jlr(licure), however, some-

times link the prosecution obligation to extradition, in the sense that a
State's duty to proseCute a suspect only exists "if it does not extradite
him". Examples are Article 7 of the 1970Coiivention for the Suppression
of Unlawful Seizur~:of Aircraft and Article 7 of the 1984 Convention

against Torture. This, however, does not mean that prosecutioii is otifi,
possible in cases where extradition has been refused.
Surely, this formiila cannot be read iiîto Article 146of the IV Geiieva
Coiivention which iaccording to some authors even prioritizes prosecu-

tion over extradition : pri~~zopros~clui, .srcutzrlo~ietlerc 5. Even if one
adopts the doctrinal viewpoint that the notion of universal jurisdiction
assumes the presence of the offender, there is nothing in Article 146that
warrants the conclusion that this is an actual requirenient 17".

7. LJi~i~~c~r .I.t.ri.Ir(/l'ctiotIz,s Not Contr~rr~t'o tll~ COIII~~CI~I~~I~P LrIn- ~!.
c.ipIein flic Sfutzrtc,fOr (in Itztcrnationul Critl~iri~rC lourt

63. Some argue that, in the light of the Rome Statute for an Interna-
tional Criminal Court, it will be for the International Criininal Court,
and not for States acting on the basis of uriiversal jurisdiction, to
prosecute suspects of war crimes and crimes against huinanity. Natioiial
statutes providing ~iniversaljurisdiction, like the Belgian Statute, would

be contrary to this iiew philosophy and could paralyse the Interiiational
Criininal Court. This was also the propositiori of the Congo in the
present dispute '".

Il5Tlic Geiieva Con~:entioiis of 1949 are unicluc inthar they provide a mechanisili
which goes fiirther than the"1111clc,rlc~rt.rci,i,fjl~(lic~ric"mode1and which cari bedescribed
as "tri~tjlr(/iciri.c,trirt t/~~"r.. cven more poign>intlq.-1s"l)r.Uno/~ro.cc,c/~. (~irrr(lo
(/e(/c,ic,".See. respecti~e1.y.R. van Io(.tir. pp. 818-819: M. Henzelin, op. <.il..p. 353.
para. 1112.
Ii1Sec M. Henzelin, ,111. ,if..p. 354, para. 1113.
": See Mernorial of the Congo. p. 59. "The obligation not io defeat thc object
aiid purpose of the Statiite of the International Crimiiinl Court." [Ti.cii~sl~rti.1rlic,
Rc,,qist,/i 64. Cette thèse est erronée. Le statut de Rome n'interdit pas l'exercice
de la compétence universelle. Il serait absurde d'interpréter ce statut

comme limitant à 1'Etat de nationalité, A 1'Etat territorial ou à la Cour
pénaleinternationale la compétence à I'égarddes crimes les plus graves.
Les dispositions du statut qui traitent de la compétence énoncent les

conditions requises pour que la Cour pénale internationale puisse con-
naître d'une affaire (art. 17 du statut de Rome, principe de la complé-
mentarité); on ne saurait y voir une restriction généraleinterdisant aux
Etats tiers d'enquêteret d'engager des poursuites en cas de crimes particu-
lièrement graves. Le statut de Rome n'empêcheassurément pas les Etats

tiers (autres que 1'Etatterritorial et I'Etat de la nationalité) d'exercer une
compétence universelle. On ne saurait le déduire de son préambule, qui
affirme sans équivoque que l'objectif viséest de faire échec à I'impunité.

En outre, I'opiniojuvi.~qui se dégagedes résolutionsdesNations Unies '38
insiste sur la lutte contre l'impunité, l'obligation individuellede répondre
de ses actes et le devoir de to~rsles Etats de punir les auteurs des crimes
les 1us gbaves.
65. Un aspect pratique important réside dans le fait que la Cour

pénaleinternationale ne pourra pas traiter toute.\ les infractions. et que le
besoin existera toujours de voir les Etats tiers - notamment, mais non
exclusivement, ceux de la nationalité et du territoire - ouvrir des

enquêtes et engager des poursuites pour punir les crimes les plus graves,
en particulier en cas de simulacre de procès. En outre, la Cour pénale
internationale ne sera pas compétente à l'égarddes crimes commis avant
l'entrée en vigueurde son statut (art. 11). Si les auteurs de ces crimes-là
ne pouvaient êtrepoursuivis par le biais d'autres mécanismes tels que

les juridictions nationales exerçant une compétence universelle, il en
découlerait une impunité inacceptable'".
66. Le statut de Rome ne constitue pas un nou~,ruufondement juri-

dique à l'établissement de la compétence universelle d'Etats tiers. Ilne
l'interdit pas, certes, mais il ne l'autorise pas non plus. II s'ensuit que.
pour ce qui est des crimes relevant du statut de Rome (crimes de guerre,
crimes contre l'humanité, génocideet, peut-être,a l'avenir, agression et

autres crimes), les sources de droit international préexistantes conservent
toute leur importance.

3. Conclusion

67. L'article 7 de la loi belge de 199311999,qui donne effet au principe
de la compétence universelle à I'égarddes crimes de guerre et des crimes

contre l'humanité, n'est pas contraire au droit international. Ce dernier
n'interdit pas aux Etats de se doter d'une telle compétence normative. Au
contraire, il les autorise et les encourage même A prévoircette forme de
compétencepour empêcherlespersonnes soupçonnées de crimes de guerre

'lx
Voir ci-dessus les no48 et49
lx')Voir ci-dessus, pa37. 64. This proposition is wrong. The Rome Statute does not prohibit
universal jurisdictiori. It would be absurd to reatl the Rome Statute in
such a way that it limits the jurisdiction for cose crimes to either the
national State or the territorial State or the Interncitional Criminal Court.

The relevant clauses are about the preconditions for the International
Criminal Court to exercise jurisdiction (Art. 17, Rome Statute - the
coinplementarity principle), and cannot be construed as containing a gen-
eral limitation for tkiird States to investigate and prosecute core crimes.

Surely. the Rome Statute does not preclude third States (other than the
territorial State and the State of nationality) from exercising universal
jurisdiction. The prcamble, which uilequivocally states the objective of
avoiding impunity, cloes not allow this inference. In addition, the opirîio

jur.i.v. as it appears from United Nations re~olutions~~~,focuses on
impuiiity. individual accountability and the resporisibility of riilStates to
punish core crimes.

65. An important practical elenlent is that the International Criminal
Court will not be able to deal with al1 crimes; there will still be a need for
States to investigate and prosecute core crimes. These States include, but

are not limited to. na.tional and territorial States. As observed previously,
there will still be a need for third States to invtstigate and prosecute,
especially in the case of sham trials. Also, the International Criniinal
Court will not have jurisdiction over crimes comrnitted before the entry

into force of its Statute (Art. 11, Rome Statute). In the absence of other
mechanisms for the prosecution of these crimes, such as national courts
exercising universal jurisdiction, this would leave :in unacceptable source
of iinpu~iity"".

66. The Rome Statute does not establish a rze\i.legal basis for
third States to introd.uce uiiiversal jurisdiction. It cloesnot prohibit it but
does not authorize it either. This means that,as fai as crimes in the Rome
Statute are concerned (war crimes, crimes against humanity. genocide

and in the future perhaps aggression and other crimes), pre-existiilg
sources of international law retain their importance.

3.Conclusion

67. Article 7 of Belgiuni's 199311999Act, giving effect to the principle
of universal jurisdict,ion regarding war crimes aiid crimes against human-
ity, is not contrary t~ internationi~l law. International law does not pro-
hibit States from asserting prescriptive jurisdiction of this kind. On the

contrary, international law permits and even encourages States to assert
this forni of jurisdiction in order to ensure that iiuspects of war crinies

ITHSCC.siipr(footnotej 48 and 49
1:"Se,,150 .cliprpara. 37.177 M.4ND4T D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN ~YNGA~KT)

et de crimes contre l'humanité d'échapper à la justice. Une telle compé-
tence ne va pasà l'encontre du principe de complémentaritétel qu'énoncé
par le statut de Rome portant création de la Cour pénaleinternationale.

IV. EXISTLN LCD'LIN 1AIT INTERNATION4LFMENT ILLICITE

68. Après avoir conclu que les ministres des affaires étrangères en
exercice bénéficientd'une immunitéde juridiction pénaletotale à I'étran-
ger (par. 54de l'arrêt), mêmleorsqu'ils sont accusésde crimes de guerre
ou de crimes contre l'humanité(par. 58 de I'arrêt),la Cour internationale
de Justice examine si l'émission et la diffusion du mandat d'arrêtdu

11 avril 2000 constituaient une violation de ces règles. Concernant
1'érni.tsioet la di/fu.tiorzde ce mandat, la Cour conclut respectivement:

«que l'émissiondudit mandat aconstitué une violation d'une obliga-
tion de la Belgique à l'égarddu Congo, en ce qu'elle a méconnu
I'immunitéde ce ministre et, plus particulièrement, violél'immunité
de juridiction pénaleet l'inviolabilitédont il jouissait alorsvertu

du droit international)) (par. 70 de I'arrêt)
«que la diffusion dudit mandat, qu'elle ait ou non entravé en fait
l'activité diplomatique de M. Yerodia, a constitué une violation

d'une obligation de la Belgique à l'égarddu Congo, en ce qu'elle a
méconnu l'immunitédu ministre des affaires étrangèresen exercice
du Congo et, plus particulièrement, violél'immunitéde juridiction
pénaleet l'inviolabilitédont iljouissait alors en vertu du droit inter-
national)) (par. 71 de I'arrêt).

69. Ainsi que je I'ai déjàfait remarquer au début de mon opinion, je

trouve extrêmement regrettable que la Cour, dans ces deux phrases capi-
tales de son argumentation, ne mentionne pas que le mandat d'arrêt
concernait des crimes de guerre et des crimes contre I'liuniaiiité.Le dis-
positif non plus n'en fait pas mention (par. 78. al. 2, de I'arrêt).
70. Je ne souscris pas à la conclusion selon laquelle il y a eu violation

d'une obligation de la Belgique iil'égarddu Congo, parce que j'en rejette
le postulat de départ. Pour les raisons exposées plushaut, M. Yerodia ne
bénéficiaitpas en Belgique de l'immunitéde juridiction pour les crimes de
guerre et les crimes contre l'humanité. Comine je I'ai dit précédemment,
cet étatde fait est peut-êtrecontraireA la courtoisie internationale, mais
aucune règledu droit international coutumier ou conventionnel n'accorde

d'immunitéà des ministres des affaires étrangèresen exercice soupçonnés
de criines de guerre et de criines contre l'liuinaiiité.
71. En outre. M. Yerodia n'a en fait jamais étéarreté en Belgique,
et rien ne prouve qu'il ait étéenipêchéd'exercei- ses fonctions à I'étran-
ger. Associant ce qui précèdeaux reniai-ques sui- la co~npétenceuni-

verselle que j'ai formulées au chapitre précédent,je souliaite établii- ARREST WARRANT (DISS.01'VAN DEN WYNGAERT) 177

and crimes against Eiumanity do not find safe havens. is not in conflict
with the principle of'complementarity in the Statiite for an International

Criminal Court.

IV. EXISTE~C OEF AN INTERNATI~NAL WLRONGFCJ ALCT

68. Having concluded that incumbent Ministers for Foreign Affairs
are fully immune from foreign criminal jurisdiction (Judgment, para. 54).
even if charged with war crimes and crimes against humanity (Judgment.

para. 58), the International Court of Justice examines whether the issuing
and circulating of the warrant o11April 2000 constituted a violation of
those rulesOn the subject of the i.s.sircrtzcarnd the circ~rlc/tionof the war-
rant respectively. tlii: Court concludes:

"that the issue of the warrant constituted a violation of an obligation
of Belgium towiirds the Congo, in that it failcd to respect the imiîiu-

iiity of that Miiiister and, more particularly, infringed the immunity
from criminal jurisdiction and tlie inviolability then enjoyed by him
under international law" (Judgment, para. 70)

"that thecircu1:ationof the warrant, whethei- or not it significantly
interfered witli Mr. Yerodia's diplomatic act~vity.constituted a vio-
lation of an obligation of Belgium towards the Congo, in that it
failed to respect the iinmunity of the incumbent Minister for Foreign
Affairs of the Congo and, more particularly, infringed the immunity
from criminal jilrisdiction and the inviolabi1ii.ythen enjoyed by him

under international law" (Judgment, para. 1).

69. As stated at the outset. 1find it highly regrettable that neither of
tliese crucial sentences in the Court's reasoiîing mention the fact that tlie
arrest warrant was about war crimes alid criines against humanity. The
di.vl)o.sitif'(p.8 (2)) also fails to mention this iàct.

70. 1 disagree with the conclusion that there was a violation of an
obligation of Belgium towards the Congo, because 1 reject its premise.
Mr. Yerodia was not immune from Belgian jurisdiction for war crimes
and crimes against humanity for the reasons set out above. As set out
before, this may be contrary to international courtesy, but there is no rule

of customary or conventional international law granting immunity to
incumbent Foreign Pvlinisterswho are suspected ot'war crimes and crimes
against huinanity.

71. Moreover, Mr. Yerodia was never actually arrested in Belgium,

and there is no evidence that he was hindered in the exercise of his func-
tions in third countries. Linking the foregoing with my observations on
the question of universal jurisdiction in the preceding section of my dis-une distinction entre les deux «actes>>que la Cour internationale de

Justice, dans son arrêt, qualifie de violations du droit international
coutumier:d'une part, l'én~i.s.siodu mandat d'arrêtlitigieux et,d'autre
part, sa cliffitsion.

1. L'émission en Belgique tlu ~nunci'cltc/'~rrr.L;littigieu'i n'Ptuit pus
contraire rrudroit intcrrzc~fionrrl

72. M. Yerodia n'a jamais étéarrêté,pas davantage lors de sa visite

officielle en Belgique, en juin 2000140,que par la suite. Si la Cour avait
appliqué la seule disposition de droit international conventionnel perti-
nente en l'affaire, à savoir l'article 21. paragraphe 2, de la convention sur
les missions spéciales,elle n'aurait pu parvenir à la conclusion qui est la
sienne aujourd'hui. Cet article prévoitque les ministres des affaires étran-

gères,
((quand ils prennent part à une mission spécialede 1'Etat d'envoi,
jouissent, dans 1'Etat de réception ou dans un Etat tiers, en plus de

ce qui est accordépar la présente convention, des facilités, privilèges
et immunités reconnus par le droit international» '"'.
Au vu de cette disposition, on ne pourrait conclure en l'espèce qu'à

l'absence de violation, puisque le mandat d'arrêt n'a jamais été exécuté,
ni en Belgique, ni dans un Etat tiers.
73. La Belgique a accepté, conformément aux règles de la courtoisie
internationale, que le mandat d'arrêtne soit pas exécuté A l'encontre de
M. Yerodia si ce dernier devait se rendre en visite officielle en Belgique.

Cette immunité d'exécutionétaitexdicitement wrécisée dans le mandat:
celui-ci n'était pas exécutoire et n'a, de fait, pas étésignifiéni exécuté
lorsque M. Yerodia a effectué une visite officielle en Belgiclue en juin
2000. La Belgique a donc respectéle principe énoncéà l'article 21 de la

convention sur les missions spéciales, principe qui ressortit non pas au
droit international coutumier mais uniquement à la courtoisie internatio-
nale la.
74. 11 s'agit là des seuls klétî~etrtsohjec.tif:sque la Cour aurait dû

'"'La visite officiellede M. Yerodia en Belgique n'est pas mentionnéedans l'arrét,les
Parties au différend ayant étéassez ambiguës sur ce point. Pourtant semblerait que
M. Ycrodia s'est effectivement rendu en Belgique le 17juin 2000. Cette visite a étérap-
port&~par les mkdias (voir le déclaration du ministre des affaires étrangkresau jouriial
Be Sitrncltrtr7 juillet 2000) et évoquéeà l'occasion d'une questionparlementaire
adresséeau ministre dc la justice: voir question orale de M. Tony Van Parys au ministre
de la justice sur «l'intervention politique durriement dans le dossieà charge du
ministre congolais des affaires étrangères. M. Yerodia)Clirrrizhrc,(les rc,pri.sc,rlttrnfi
th /tr Belcyicluec,onzpter.<rlP~rrrlrri.c,cc.oif~/~trco,iithrciCommission de la
J~isticc, 14no~embre 2000. CRIV 50 COM 394, p. 12. Mêmesi ce fait ne faisait pas. en
tant que tel. partie du dossier judiciaire, je suis d'avis que la Cour internationale de
aurait pu le prendre eri considération.
'-Voir ci-dessus, par. 18.
'-Voir la dkclaration du rapporteur spécialde la Comnlission du droit international
citée ci-dessus.r. 17.senting opinion, 1 vdish to distinguish between the two different "acts"

that, in the International Court of Justice's Judgnient, constitute a viola-
tion of customary iriternational law: on the one Iiand, the issuing of the
disputed arrest warrant, on the other its r~irculr~fiotz.

1. Tllr Issuance of' tl~r Disputetl Auest Wlirrt~~tin BeIgi~1inWt1.sNot

rn Violutior?of Intcr~?utionul 1,crii'

72. Mr. Yerodia was never arrested. either when he visited Belgium
officially in June 2000140or thereafter. Had it applied the only relevant
provision of convenitional international law to the dispute, Article 21,
paragraph 2, of the Special Missions Convention, the Court could not

have reached its decision. According to this article. Foreign Ministers

"when they take part in a special mission of the sending State, shall
enjoy in the receiving State or in third State. in addition to what is
granted by the present Convention. the fc~cilities,privileges and

immunities accorded by international law" '".
In the present dispute, this could only lead to the conclusioil that there

was no violation: the warrant was never executed, either in Belgium, or
in third countries.
73. Belgiurn accepted, as a matter of international courtesy, that the
warrant could not Ibe executed against Mr. Yerodia were he to have

visited Belgium officially. This was explicitly mentioned in the warrant:
the warrant was ncit enforceable and was in fact not served on him
or executed when Mr. Yerodia came to Brlgium on an official visit
in June 2001. Belgium thus respected the principle, contained in

Article 21 of the Special Missions Convention, that is not a statement
of customary international law but only of international courtesy la?.

74. These are the only objective e1e1l1cnt.ts he Court should have looked

lu' Mr. Yerodia's visit to Belgium is not mentioned in the Judgment because the Parties
were rather uriclear on this point. Yet. it seems that Mr. Yerodia effcctively visited Bel-
giuiii on 17June 2000. Tliis was reported in the niedia (see tl-testatenient by the Minister
for Foreign AlTairsin DL,Strri~tltrrrlJuly 2000) and also iia question that was put in
Parlianient to the Minister of Justice. See oral question put b) Mr. Tony Van Parys to the
Miriister of Justice concerninz "the political intervention by rlic Goberninent in the pro-
ceedings againsi the Congolese Ministcr for Foreign Affairs Mr. Yerodia" (rrtrr~.clcr/ior~
-i.rlic,Rc:i.i.tr,i,]. (7rrril1hrre/c.crc,l)r6.trrrroiitsr/c<.,or!1/7/rc~rid1rir~t+grt~tIr~.e,c.
c.oriiptci,~c~rilrrr!i.ti,ommission de la Justice. 14 November 2000, CRlV 50 COM
294. p. 12. Despite the fact that this fact is not. as such, reccbrdediii the documents tliat
werc before the International Court of Justice1believe the C'o~irtcould have taken judi-
cial notice of it.
'" Sirprtrpara. 18.
'-" See the htateinent of the International Law Commission's Special Rapporteur.
relèrred to.YLI~~Lpara. 17.prendre en considération. Les éléments subjectif:s,autrement dit la question

de savoir si le mandat d'arrêta produit un effet psychologique sur M. Yero-
dia ou s'ila été perçuconime une offense par le Congo (voir le terme i~juritr
employépar Mc Rigaux tout au long de sa plaidoirie, en octobre 2001 Id3,et
les termes c~~piti,sdiiilii~lltioemployés par Mc Verges dans la sienne,

en novembre 2000 '44),sont dépourvusde pertinence en l'espèce.Le mandat
d'arrêtn'était susceptibled'avoir un effet juridique sur M. Yerodia en tant
que particulier que dans la mesure où celui-cise serait rendu à titre privéen
Belgique, ce qui n'a pas étéle cas.
75. Dans son dispositif (par. 78, al. 2, de l'arrêt),la Cour estime que

la Belgique a méconnu l'immunitéde juridiction pénaleet I'inviol~rhilit~;
des ministres des affàires étrangèresen exercice. J'ai déjàexposéles rai-
sons pour lesquelles j'estirne qu'il n'y a pas eu violation des règles rela-
tives à I'iti~tll~i~itc;e juridiction péiîale. Il m'est difficile de coinprendre

comment. LIU SLI~~IL (lSCour utilisant le mot (cet»), la Belgique aurait pu
méconnaître I'itzvioluhilit6de M. Yerodia par la seule diffusion d'un acte
qui n'a jamais étéexécuté.
L'arrêtn'explique pas ce qu'il entend par «inviolabilité». et se borne à

accoler ce terme au mot «immunité». Ce peut êtreuile source de confu-
sion. La Cour estime-t-elle qu'il n'y a pas de différenceentre un mandat
rjkcern6 et un mandat eskcut6'? Cela signifierait-il que les enquêtesrela-
tives à des accusations formulées à l'encontre d'un iiiinistre des affaires

étrangèresseraient contraires au principe de l'inviolabilité?
Il est clair que, en ce qui concerne les agents diploinatiques, qui
jouissent d'une immunitéet d'une inviolabilitéabsolues en vertu de la con-
vention de Vienne sur lesrelations diplomatiques de 1961 un crimequ'un

diplomate est soupçonné d'avoir commis peut faire l'objet d'une enquête
aussi longtemps que le diplomate n'est pas interrogé ou citéà compa-
raître enjustice. M. Jean Salmon se prononce trèsclairemeiit àcet égard 14('.
M. Jonathan Brown note que, dans le cas d'un diplomate, un acte de cita-

tion (~.S.SLILI II(.C SIIMIIII~IIS ou) d'inculpation (i.r.sumlcr of'ri (,licir,yr)
méconnaîtrait probablement I'itlltiluilitc;du diplon~ate. alors que I'exécu-
tion de ces actes méconnaîtrait vraisemblablement son ii~~~iol~r/~ilirr~~~~.
Si, de l'interprétation du dispositif de I'arrêt,il ressortait que le simple

fait d'ouvrir une enquêteau pénal à l'encontre de ministres des affaires
étrangères méconnaîtl'inviolabilitéde ceux-ci, cela impliquerait que ces
ministres jouissent d'une plus grande protection que les diplomates en
vertu de la convention de Vienne. Cette protection irait clairement au-

delà de ce qui est actuellernent acceptéen droit international à l'égardde
diplomates.

14'CR 700115, p. 14.
I4TR 7200132.
IJiConvention surles relations diplomatiq~ies. Vicnnc. 18 avril 1961. Nations Unies.
Rcc.crc,/t,.ti.rrit.ol. 500, p. 95.
14" .s.a1mon. Mtri?~~tl (/i.oirr/iploii~r~t,994. p. 304.
J. Brown. <Diplornatic Imiii~inity:State Practicc uiithe Vienna Convcntioii on
Diplornatic Relations)). IC'LQ. 1988.vol37. p.53. ARREST 'WARRANT (DISS. OP. VAN DEN \VYNGAERT) 179

at.The s~rhjective elements, Le., whether the warrant had a psychological
effect on Mr. Yerotlia or whether it was perceiced as offensive by the
Congo (cf. the terril itzjuriu used by Maître R.igaux throughout liis

pleadings in October 2001 '43 and the terin c,(rpitis dii?~ir~utiused
by Maître Verges during his pleadings in Noveinber 2000'"" was
irrelevant for the dispute. The warrant only had a potential legal effect
on Mr. Yerodia as a private person in case lie would have visited

Belgium privately, cl,!ior/11on.

75. In its t/i.vpo.sii'(Judgment, para. 78 (2)). the Court fiiids that
Belgium failed to rcspect the immunity fi-om criininal jurisdiction (1rzl1

ii~~~ioluhilitfor incumbent Foreign Miilisters. 1 have already explaiiied
why. in my opinion, there has been no infringement of the rules on ii11i71~1-
nit)' from crinlinal jurisdictio11. 1 find it hard to see how, in ui/(/ition
(the Court using the word "and"), Belgiuni coiild have infringed the

i17~iol(lhili~ of Mr. Yerodia by the niere issuaiice of a warrant that
was never enforced.
The Judgment does not explain what is meani. by the word "inviol-
ability". and simply j~uxtaposesit to the word "imrnunity". This may give

sise to confusion. Does the Court put the 111~1.ix~/ui~c(>of a11order on
the same footing as the (rc'tii(r1cizf0rcc1?1eof the (xder? Would this also
mean that the mese act of investigating crimii~al charges against a
Foreign Minister would be contrary to the principle of inviolability?

Surely, in the case of diplomatic agents, who enjoy absolute immunity
and inviolability ~iiiderthe 1961Vienna Conventicn on Diplornatic Rela-
tions '"',allegations of criminal offences inay be iivestigated as long as
the agent is not interrogated or served with an ordrrto appear. This view

is clearly stated by Jean Salmoili4". Jonathan Brown notes that, in the
case of a diplomat, the issuance of a charge or surimons is probably con-
trary to the diplomat's irllrnunit!.whereas its execution uodd be likely to
infringe the agent's inviol(rhili/~~'~~.

If the Court's disposirif were to be interpreted as to inean that mere
investigations of criminal charges against Forzign Ministers would

infringe tlieir ini~io/irr'~ilthe implication would he that Foreign Minis-
ters enjoy greater protection than diplomatic agents under the Vienna
Convention. This wc~uldclearly go beyoiid what i~iaccepted under inter-

national law in the case of diplomats.

l4'CR 200115. p. II.
CR 2000132.
14:Coiiveiitioii on Diplornatic Relations. Vicriri;~,18 April 1961. C.':. ol. 500.
p.95.
IJ(J. Salmon, hltrn~~c(lle clro~ttliplor>ic1994, p. 304.
'" J. Brown, "Diplornatic Inimunity: Stntc Practice undei- the Vienna Coiivention on
Diploinatic Relations". 37 ICLQ.1988.p. 53. 2. Lu diffusion internationale du t71undrrtd'urrêr

Iitigirusn'duit pus contruirc
riu droit iiztrrrzutionul

76. La question de la diffusion du mandat d'arrêtest quelque peu dif-
férente,car l'on pourrait faire valoir que diffuser un tel mandat à l'échelle
internationale revenait à exercer une compétence t/'es~$c,utionce qui, en
vertu du critère de l'arrêtdu Lotus, est en principe interdit. Selon ce cri-

tère, un Etat ne peut étendre sa compétence au territoire d'un autre Etat
que si le droit internationall'yautorise. C'est la ((limitationprimordiale))
qu'impose le droit international aux Etats'".
77. Mêmeen admettant, à l'instar de la Cour, qu'il existe une règlede
droit international coutumier visant à protéger les ministres des affaires

étrangèresde toute procédure pénale engagéepar un Etat tiers, y compris
lorsqu'ils sont soupçonnésde crimes de guerre et de crimes contre l'huina-
nité, il resterait à démontrer que la Belgique a effectivement violécette
régle en exerçant une compétence d'exécution. L'intitulé du mandat
d'arrêt,qualifiéde «mandat d'arrêt iiztcrizutio~zudans le document éta-

bli par le juge belge, a provoqué une grande confusion. II s'agit là d'un
intitulé très trompeur tant en droit belge qu'en droit international. Les
mandats d'arrêtinternationaux proprement dits n'existent pas, pas plus
en droit belge qu'en droit international. Les termes utilisésdans le man-
dat étaientcertes de nature à créerune confusion, mais ce n'est pas parce
qu'un document porte un intitulétrompeur qu'il produit en réalitél'effet

suggérépar celui-ci.
78. L'expression ((mandat d'arrêt intrrnntionc~l» est trompeuse en ce
qu'elle donne i penser que le mandat en question peut êtreexécutédans
un Etat tiers sans avoir étévalidépar les autorités locales. Or, tel n'est
pas le cas: une validation par les autorités de 1'Etat où se trouve la per-

sonne viséepar le mandat est toujours indispensable. En conséquence, le
mandat d'arrêtbelge décernéà l'encontre de M. Yerodia ne pouvait pas,
mêmeaprès sa diffusion par le biais d'Interpol, êtreautomatiquement
exécutédans tous les Etats membres de cette organisation. Ce mandat
peut avoir occasionné des désagréments perçuscomme une offense par

M. Yerodia ou par les autorités congolaises, mais il ne constitue pas en
soi une restriction au droit du ministre congolais des affaires étrangères
de voyager et d'exercer ses fonctions.
Je n'ai connaissance d'aucun Etat qui exécute automatiquement des
mandats d'arrêtémisdans d'autres Etats, pas mêmeau sein de structures

régionalescomme l'union européenne. De fait, le débat qui est en cours
à propos du niand(~t rl'urrL;t europkeporte sur une proposition visant à
introduire quelque cliose qui n'existe pas actuellement: une règlepermet-

Voir ci-dessupar. 49

181 2. T/w International Circulation oj'tl~eDisplrted Arrest Wurrant

Wu Not in Violution of'
Internution~~ILa111

76. The question of the circulation of the warrant may be somewhat
different, because it might be argued that circulating a warrant interna-
tionally brings it within the realm of et7forcemont jurisdiction, which,

under the "Lotus" test, is in principle prohibited. Under that test, States
can only act on the territory of other States if there is permission to this
effect in international law. This is the "first and foremost restriction" that
international law imposes on StatesId8.
77. Even if one \vould accept, together with ihe Court, the premise

there is a rule under customary law protecting Foreign Ministers sus-
pected of war criml-s and crimes against humai-iity from the criminal
process of other States, it still remains to be established that Belgium
actually infringed tl-lisrule by asserting enforcement jurisdiction. Much
confusion arose frorn the title that was given to the warrant, which was

called "intcrrîutioncrlarrest warrant" on the document issued by the Bel-
gian judge. However, this is a very misleading term both under Belgian
law and under intei-national law. International iirrest warrants do not
exist as a special category under Belgian law. It is true that the title of the
document was misleading, but giving a documt,nt a misleading name

does not actually mean that this document also has the effect that it
suggests it has.

78. The term i17ternutionc1larrest warrant is misleading, in that it
suggests that arrest warrants can be enforced in {.hirdcountries without

the validation of the local authorities. This is not the case: there is always
a need for a validation by the authorities of the State where the person.
mentioned in the warrant, is found. Accordingly, the Belgian arrest war-
rant against Mr. Yeirodia, even after being circulated in the Interpol sys-
tein. could not be ailton~atically enforced in al1 Iiiterpol member States.

It may have caused an inconvenience that was perceived as offensive by
Mr. Yerodia or by t:heCongolese authorities. It is not pcr se a limitation
of the Congolese Foreign Minister's right to travel and to exercise his
functions.

1know of no Stale that automatically enforces arrest warrants issued
in other States, not even in regional frameworks such as the European
Union. Indeed, the discussions concerning the Eirropceinarrcst ii7urrunt
were about introducing something that does not exist at present: a rule
by which member States of the European Union would automatically

'I-ee .sii/)r.r.. 49tant à tout Etat membre de l'union européenne d'exécuterautomatique-
ment les mandats d'arrêtémisdans un autre Etat membre de

Actuellement, les mandats du genre de celui qui a étédécernépar lejuge
belge à l'encontre de M. Yerodia ne sont pas automatiquement exécu-
toires en Europe.

Dans le cadre des relations interétatiques, lorsqu'un Etat veut s'assurer
la présence de délinquants qui ne se trouvent pas sur son territoire, la
démarche à suivre consiste à en demander i'e.\tru(litioi~.C'est dans cette

optique que doivent êtreexaminésles effets juridiques du mandat d'arrêt
belge dans les Etats tiers. Lorsqu'un juge décerne un mandat d'arrêt
à l'encontre d'un suspect dont il pense qu'il se trouve à l'étranger. ce
niandat peut déboucher sur iirie demande d'c.vtrclditiot~,sans toute-

fois que cela soit automatique: c'est au gouvernement de demander ou
non I'e~tradition'~~'.Les demandes d'extradition sont souvent pré-
cédées d'une clernunci~t~ l'rirrc.vrrrtioproi1i.soirc~ulr'i,firz.vtl'c.utrc~rlitiorz.

C'est la l'objet des tzotic.c>r sougr.s rl'lntc~rpol.Les notices rouges sont
émisespar Interpol à la demande d'un Etat souhaitant qu'un Etat tiers
arrêteprovisoirenient, en viie de l'extrader, la personne viséedans le man-

dat. Les Etats ne donnent cependant pas tous cet effet à une notice
rouge d'Interpol 15'.
Les demandes d'arrestation provisoire sont, à leur tour, souvent pré-
cédéesd'une cl~mctncle (/clrrc.hcrclzeinrerrlrrtioncrieq ,ui vise à localiser la

personne désignéedans le mandat d'arrêt. Cette <<communication» n'a
pas l'effet d'iine notice rouge et ne con~prend pas de demande d'arresta-
tion provisoire de la personne désignée.Certains pays peuvent refuser

l'entréesur leur territoire à une personne dont le nom a étédiffusépar le
biais d'Interpol oii qui a fait l'objet d'une demande d'émissionde notice
rouge. Cependant, il s'agit là d'une question de droit interne.
Les Etats peuvent également interdire la visite officiellede personnes

soupçonnées de crimes au regard du droit international. en leur refusant

14"Voir laPropo.\itiori(1. tlic.i.siori-c~rrttIrlr(i, Coii.s<,irlc,lrrtii.co,rrr~rtriitltrtfl'trrr?lclrro/~,icri
LIII/~~~oc(;drrr(sr<,riii~cc,,Et(ll~ 1\4<,/1i(,oc~imentCOM(2001)572). disponible
sur Internet:http:lle~iropa.eu.intleirr-lex. Une vei-sion modili6e en date du 10 décembre
2001 figure dans le document 1486711101REV 1 COPEN 79 CATS 50.

15"Souve~it.les gouvernen~eiits s'abstiennent de demander I'cxtradition po~irdes rai-
sons politiques, comme on l'a vu dans Ic cas de M. Ocalan. dont I'Allemagne a décidé
de ne pas solliciter l'extraditiauprès de l'Italie. Voir les comptes rendus publiéà ce
s~ijetdans la presse: ((Bonn stellt .4uslicfcr~1ngscrsuchcnfür Ocalnn zurück>>firirrk-

f~rrrcr,411g(~rii<~iZtrrrig21 novembre 1008,,et ((Die R~indesregierungvcrzichtct clid-
gültig a~ifdie Aiislielèrung des Kurdenführers 0c;iln,iFrrriikfirrrc,rAll,ycv~irc~tlrrr~.
28 no\embre 1998.
Ii'Iiitci-pol. secrétariat gt:ntRtr/)/)or/ .sliri.cilcrrrj~rritlitlii(,tli,s rioti<,c,srorr,yc,.s.
OIPC-Interpol. a5semblt:cgén6r>ile .6'session, New Delhi. 15-21octobre 1997.AGNI661
RAPI8. n" 8 ((noticesrouges)). tel que niodifit:coril'oriiiét la résolutionri" AGNI661
RESI7.enforce each other's arrest warrants"". At present, warrants of the kind

that the Belgian judge issued in the case of Mr. Yerodia are not auto-
matically enforceatlle in Europe.

In inter-State relations, the proper way for States to obtain the pres-
ence of offenders who are not on their territory is through the process of
P.\-trclditiotz.The discussion about the legal effect of the Belgian arrest

warrant in third States has to be seen from that perspective. When a
judge issues an arrest warrant agaiiist a suspect whom he believes to be
abroad, this warrant may lead to an e.'tr~lc/itiotzreqiiest. This is not auto-

tionc:150. Extradition requests are often preceded by a reqiiest for prori-

siotl~ll(lr.rc~f.otr flîepzlrpo.ve.v of'c.\-frrrdition.This is what the Interpol Red
Noticc~sare about. ]RedNotices are issued by 1ntc:rpolon the request of a

State which wishes .tohave the person nained in the warrant provisionally
arrested in a third State for the purposes of extradition. Not al1 States,
however, give this effect to an Interpol Red NoticetSt.

Requests for the provisional arrest are, in turn. often preueded by an

inferntrtiori~~tlrac.i~i,q recjuc,rt,which aiins at localizing the person named
in the arrest warrant. This "communication" does not have the effect of
a Red Notice, and tioes not include a request for the provisional arrest of
tlie person named in tlie warrant. Some countries may refuse access to a

person whose nanie lias beeii circulated in the Interpol system or agaiilst
whom a Red Notice has been req~iested.This is. however, a question of
domestic law.

States may also prohibit the official visits of perçons who are suspected
of internatioiial crirnes refiising a visa, or by ref~i>~inagccreditation if such

la"Sce the P~~o/~o,s tolrrrC'ouircilFi.rrir~c,ii~hcc,i.\iotioii tllc,E~ii.opi rrc,.\t I-l't11.-
rtrirt(III(/tlic,S~rrrc~~ci~roc,c<l~rct,i.\i~c~ctvh~cl,2ic,tit.r'c,.\.COM(31)522. available
on tlie Internet: http:Ile~1ropa.ei1.iiitieur-lexIen/co1iilpdfi~ A0n01/eii~501PC05?I.pdf.
iiniciidcd beraion can be 1o~indin: Council of the European Union. Outconic of Proceed-

iiiss, 10 Dcccinbcr 3001. llX67/1/01 REV I COPEN 79 CATS 50.
''"Oftcii. C;overnments refrain ti.oiii req~iestiiigextraditien for political rciisowns. as
sliouii in the cilse of Fdr. 0c:ilaii. wherc Gerrnnriy decidrd iiot to proceed to recluest
Mr. Ocalaii's,,r>ttraditiorfrorii Italy. Sec Preas Reports: "Bonn stellt Aualieferungs-
ersuchen für Ocalan zurück". Fi.triikf~ir.tc,i.l/,yc,tri<iei,irr,~II November 1998.,and
"L>icBundesregieruiig ~erziclitet endgültig auf die AusliefCi-ungdes Kurdeiiluhrers Oca-
l:iii". Fi.rriiXfir~rllgc~ii~c~ir~itirr~.8 Novembei- 1998.

"' Iriterpoi, (;encrai Secretariat, Rrilipor.tsirl. /ri i-(i/c,lirjir~c,.\iloticc.~1.011,yc.v.
IC'PO-Interpol. Gencral Assenibly. 66th Session, New Delhi. 15-21October 1997. AGNI
66/RAP/8. No. 8 Red T\l»ticca. as aniended pursuant to re!olution No. AGN/66/KES/7.un visa, ou refuser de les accréditer si elles sont proposées pour un poste

diplomatique 15<mais, là encore, c'est une affaire interne propre à chaque
Etat tiers, et non laconséquenceautomatique d'un mandat d'arrêt décerné
par un juge.
79. Dans le cas de M. Yerodia, la Belgique a transmis le mandat
d'arrêtà Interpol (finjuin 2000), mais elle rie lui a pas demandéd'émettre

une notice rouge avant septembre 2001, date à laquelle M. Yerodia avait
cesséd'exercer toute fonction ministérielle.Il s'ensuit que la Belgique n'a
jamais demandé à aucun pays d'arrêter provisoirement M. Yerodia aux
fins d'extradition pendant qu'il était ministre des affaires étrangères.Le

Congo affirme que M. Yerodia a vu sa libertéde mouvement restreinte
par le mandat d'arrêt belge. 11ne fournit toutefois aucun éléilientde
preuve àl'appui de cetteaffirmation. Il semble, au contraire, que M. Yero-
dia ait effectuéun certain nombre de voyages à I'étrangeraprès la diffu-
sion du mandat par le biais d'Interpol (en 2000), notamment pour assis-

ter à titre officiel à une conférencedes Nations Unies. Lors des audiences,
il a étéditque, au cours de ce voyage à New York, M. Yerodia avait choisi
le pllis court trajet entre l'aéroport et le bâtiment des Nations Unies,
parce qu'il craignait d'être arrêté15'.Cette crainte, qu'il peut avoir éprou-

vée,tenait à des raisons psychologiques et non pas à des motifs juri-
diques. Aux termes de la convention des Nations Unies de 1969 sur les
missions spéciales, M. Yerodia ne pouvait pas être arrêté dans un pays
tiers pendant un voyage officiel. Lors des voyages officiels qu'il a effec-
tuésà I'étranger,il n'a fait l'objet d'aucune mesure decontrainte en appli-

cation du mandat d'arrêtbelge.

80. Le mandat d'arrêt n'était exécutoire - et, de fait, n'a pas étéexé-
cuté - ni dans le pays ou il a étéCnîis(la Belgique), ni dans les pays où
il a étécliff~~.II n'a pas étéexécuté ci7Brlgirluc.lors de la visite officielle
de M. Yerodia en juin 2000. Cet Etat n'a pas formulé de demande

d'extradition auprès de pcij:stiers, ni de demande d'arrestation provisoire
aux fins d'extradition. Le mandat n'était pas un ((mandat d'arrêt inter-
national)), malgréles mots employéspar le juge belge. Il ne pouvait pas
produire cet effet, ni en Belgique ni dans des pays tiers, et cela n'a pas été

le cas. Le fait internationalement illicite reprochéà la Belgique était une
mesure purement interne, sans effet -ffi.ctfextraterritorial.

81. La République démocratique du Congo a sollicitéde la Cour deux
mesures de réparation différentes: ci) un jugement déclaratoire consta-

15'Voir les comptes rendus publiésdans la presse daàopropos des hésitationsdu
Gouvernement danois concernant I'accréditationun ambassadeur d'Israël. ~oir ci-
dessus la ilote 21.
'" CR R001/10120. ARREST WARRANT (DISS. OP. VAN DEN WYNGAERT) 182

persons are propostzd for a diplomatic function ". but this, again, is a
domestic matter for third States to consider. and not an automatic con-

sequence of a judge's arrest warrant.

79. In the case of Mr. Yerodia, Belgium communicated the warrant to
Interpol (end of Jurie 2000), but did not request an Interpol Red Notice
until September 2001, which was when Mr. Yerodia had ceased to be a
Minister. It follows that Belgium never requested any country to arrest

Mr. Yerodia provisionally for the purposes of exiradition while he was a
Foreign Minister. The Congo claims that Mr. Yerodia was, in fact,
restricted in his movements as a result of the Belgian arrest warrant. Yet,
it fails to adduce evidence to prove this point. It appears, on thecontrary,
that Mr. Yerodia has made a number of foreign travels after the warrant

had been circulated in the Interpol system (2000). including an official
visit to the United ]Nations. During the hearings, it was said that. when
attending this Unitlcd Nations Conference in New York, Mr. Yerodia
chose the shortest way between the airport and the United Nations build-
ing, because he feaired being arre~ted"~. This fear, which he may have
had, was based on psychological, not on legal giounds. Under the 1969

Special Missions Convention, he could not be arrested in third countries
when on an official visit. On his official visits in third States, no coercive
action was taken agiainst him on the basis of the Belgian warrant.

3. Conclusion
80. The warrant could not be and was not executed in the country

where it was i.~.sued(Belgium) or in the countries to which it was circu-
Iatrd. The warrant was not executed in Belgilrr~zwhen Mr. Yerodia
visited Belgium officially in June 2000. Belgium did not lodge an extradi-
tion request to tllird countrie.~or a request for the provisional arrest for
the purposes of extradition. The warrant was not an "international arrest
warrant", despite the language used by the Belgian judge. It could and

did not have this eiffect, neither in Belgium nor in third countries. The
allegedly wrongful ;zct was a purely domestic act, with no actucil extra-
territorial effect.

81. On the subject of remedies, the Congo asked the Court for two dif-
ferent actions: (a) (1declaratory judgment to the effect that the warrant

I5'See the Danish hesitalioiis cvncerning the accredilation of an Ambassador for
Israel.sirPrfootnote 21.tant le caractère illicite, au regard du droit international, du mandat et de

sa diffusion dans le cadre d'Interpol et h) une décisioiiappelant la Bel-
gique à mettre à néantet à ((retirer de la circulation)) le mandat. La Cour
a fait droiti ces deux demandes: elle a dit cl)que l'éniissioiidu mandat
d'arrêtet sa diffusion sur le plan interiiational avaient constitué des vio-
lations d'une obligation juridique de la Belgique à l'égardde la Répu-

blique démocratique du Coiigo (par. 78, al.2, du dispositif de l'arrêt) et
(1) que la Belgique devait, par les moyens de son choix, iiiettre à néant
le mandat d'arrêtdu II avril 2000 et en informer les autorités auprès des-
quelles ce mandat avait étédiffusé(par. 78, al. 3, du dispositif de l'arrêt).
82. J'ai exposé,dans les deuxième, troisièmeet quatrième parties de la

présente opinion dissidente, consacrées respectivement aux immunités, à
la compétence et à l'existence d'un fait iiiternatioiialeinent illicite, les rai-
sons qui m'avaient amenée A voter contre l'alinéa 2 du paragraphe 2 du
dispositif relatif à I'illicédu niaiidat d'arrêtau regard du droit interna-
tional: j'estime que le droit international positif ne faisait pas obligatioiî

à la Belgique d'accorder l'immunité à M. Yerodia dès lors que celui-ci
étaitsoupçonnéde crimes de guerre et de crinies contre I'huinanitéet que,
de surcroît, la Belgique étaittout à fait fondéeà vouloir exercer, pour de
tels crimes, sa compétence extraterritoriale A l'encontre de M. Yerodia.
83. Il me reste à expliquer pourquoi j'ai votécontre l'alinéa 3 du para-

graphe 78 du dispositif, appelant la Belgique à mettre à néantet à ~reti-
rer de la circulation)) le iilandat litigieux. Même A admettre, pour les
besoins de l'arguiiientation que leiiiandat d'arrêt étaiitllicite enl'an 2000,
illie l'étaitplus lorsque la Cour s'est pronoiicéeen la présenteespèce. La
violation d'une obligation internationale qu'aurait coinmise la Belgique

n'avait pas de caractère continu: elle a peut-êtreduré tant que M. Yero-
dia était en fonction, mais elle ne s'est pas perpétuée au-delà 15? C'est
pourquoi je pense que la Cour internatio~iale de Justice ne peut demaiides
à la Belgique de mettre à néant et de ((retirerde la circulation)) un acte
qui ne revêtaujourd'hui aucun caractère illicite.

84. Dans soli contre-mémoire et dans ses plaidoiries, la Belgique a
soulevé trois exceptions préliminaires fondées sur le changement inter-
venu dans les foiîctions de M. Yerodia. Selon la Belgique, le fait que
M. Yerodia ne soit plus iniiiistre aujourd'hui signifiait que: rr) la Cour
n'avait plus compéteiice pour connaître du différend, h) l'affaire était

devenue sans objet et <,) la requêtedu Congo n'était pas recevable. La
Cour a rejetéces trois exceptions préliminaires.

liJVoir I'arriclc 14 des projets d'articles de 2001 sur la rcsponsabilité de 1'Etat pour
Iàit internationalemenillicite élaborés par la Corn~nission du droit international
(Nations Unies, doc. AICN.4IL.60?IRc\. 1).re;iI'exteiisiondans le temps de la \:iola-
tion d'une obligation internatio~iale. qui énonce:
« 1. La violation d'~iiieobligatioii internationale par le ïait de I'LIII ~i'ayantpas
caractère coiitarIICLaIu 1ll0111enotii le fait se produit. mêmesi sesellèts pcrdurcnt.

2. La violatioii d'une obligation internationale par le Iàit de I'Etat ayant un carac-
tèrecontinu $'&tendsur toute la périodedurant laq~icllele fait continue et reste iioti
conforme à l'obligation internatio)>le.and its circulation through Interpol was contraiy to international law
and (h) a decision to the effect that Belgium should withdraw the war-
rant and its circulation. The Court granted boih requests: it decided

(CI)that the issue and international circulation of the arrest warrant were
in breach of a legal obligation of Belgium towards the Congo (Judginent.
para. 78 (2) of the r/i.~posit!'fa)nd (hi that Belgium must, by means of its
own choosing, cancel the arrest warrant and so inform the authorities to
whom the warrant \vas issued (Judgment, para. 18 (3) of the di.vpo.vitif).

82. 1have, in Sections II (lmmunities), III (Juri,;diction) and IV (Exist-
ence of an Internationally Wrongful Act) of my dissenting opinion, giveii

the reasons wliy 1voted against paragraph 78 (2) of the tli.s~~o.siiif'relatii7g
to the illegality, under international law, of the ai-rest warrant: 1believe
that Belgium was not. under positive international law, obliged to grant
immunity to Mr. Yerodia on suspicions of war crimes and criines against

humanity and. moreover, 1believe that Belgium vgasperfectly entitled to
assert extraterritorial jurisdiction against Mr. Yeiodia for suc11crimes.

83. 1still need to give reasons for my vote against paragraph 78 (3) of
the dis~~osit~fc:alling for the cancellation and the "de-circulation" of the
disputed arrest warrant. Even assuming. (irguctztio. that the arrest war-
rant was illegal in tlie year 2000. it was no longer illegal at the moment
when the Court gavlcJudgment in this case. Belgium's alleged breach of

an international obligation did not have a conti~uing character: it may
have lasted as long as Mi-.Yerodia was in office, but it did not continue
in tiine thei-eafter"-'.For that reason. 1believe the International Court of
Justice cannot ask Belgium to caiicel and "decirc~ilate" an act that is not

illegal today.

84. In its Counier-Memorial and pleadings, Belgium formulated
three preliniinary objections based on Mr. Yerodia's change of position.

It argued that, due io Mr. Yerodia's ceasing to be a Minister today, the
Court (ri)rio longer had jurisdiction to try tlie case, (hl that the case had
become inoot. and (c.) that the Congo's App1ic:ttion was inadmissible.
The Court dismissed al1these preliminary objections.

Sec Article 14 of the 2001 ILC Drnfi Articleson Statc Responsibility. Unitcd
Nations doc. AlCN.4IL.60?1Re~.1. coriccriiiiig the extensiori in time of the brcacli of ail
intci-national oblig;itiori. uliicli states tlic lollouirig:

"1. Tlie breach ofan iriternatioiinl obligation by an net of a State not lla\ing a
continuing char;ictcr occurs at the niornent wlien the .ict is perlormed. everi if its
effccts continue.
2. The breach of,.iinternational obligatiby an act of;State having a continu-
ing chariicter extenadaover the eritire period durinhi ch tlie act continues and
i-eiii;iiiisiiot in conf(.,rrnit>vfith tllc international. . .";i:ioii 184 MANDAT D'ARRÊT (OP. DISS. VAN DEN WYNGAERT)

J'ai votéen faveur de cette décision dans les trois cas. Je partage l'avis
de la Cour lorsqu'elle conclut que la Belgique avait tort sur les questio~is
de conlp6tetzce et de recrvrrhilit6. Il existe une solide jurisprudence mon-
trant que, aux fins d'apprécier la c~omp6tctice de la Cour pour connaître

d'une affaire et la rrc.evahilité d'une requête,la date pertinente est celle
du dépôt de cette dernière (en l'espèce, M. Yerodia était encore ministre
à cette date) et non celle du prononcé de l'arrêtde la Cour (M. Yerodia

n'était alors plus ministre). Ce principe ressort de plusieurs précédents,
dont le plus notable est celui de l'affaire Lockcrbie'55. C'est pourquoi je
souscris aux sous-alinéas B) et D) de l'alinéa 1 du paragraphe 78 de

l'arrêt.
J'ai davantage hésitée , n revanche, sur la question du non-lieu. La Cour
a estimé à ce sujet que la requête du Congo n'était «pas dépourvue

d'objet )>(par. 78,al. 1, sous-alinéaC)). Il ne ressort pas de l'affaire Locku-
hie que, aux fins d'apprécier le défautd'objet d'un différend,la date per-
tinente soit celle du dépôtde la requête 15? Une affaire peut êtreprivéede
son objet en raison d'un événement postérieurà ce dépôt. La question

était donc de savoir si, dans la mesure où M. Yerodia n'exerçait plus la
fonction de ministre des affaires étrangères,il y avait toujours lieu, pour
1'Etatdéfendeur, de rencontrer les moyens de 1'Etatdemandeur. Je pense

que oui, pour la raison suivante: ce n'est pas parce qu'un acte présumé
illicite a cesséd'êtreque son illicéitédisparaît. De ce point de vue, je
pense que l'affaire n'était pas dépourvue d'objet. Cela n'est toutefois

valable que pour la première demande du Congo (prononcé d'un juge-
ment déclaratoire proclamant solennellement I'illicéité de la conduite de
la Belgique). Concernant la deuxième demande du Congo, je pense que

l'affaire était peut-êtresans objet, du fait que M. Yerodia n'exerce plus la
fonction de ministre aujourd'hui.
Si une violation du droit international a été commiseen 2000 (ce que je
conteste, pour les raisons exposées plus haut), elle n'existe certainement

plus aujourd'hui. Mêmeen admettant que la Belgique ait manqué, ainsi
que cela lui était reproché. à une obligation interiiationale - si tant est
que cette obligation existait, ce dont je doute. il s'agissait en tout état

'" Qlrc>.~~iotl\ i~c~rpi~~ttro,rtitl'u~~~~lic~c,ei~c,o~~~~t,r~t/lMi o~itr+trI(le,1971
ri..sirlteri~ttic I'i~rc~itlcrt~rit.ric,nde)Lockcihir (Jo~l~ul~iriyrc,.Roj.tru~~icL,'-ni).
c,.\-c,c,pfprs:lir~iinnir.c~t.rvrr,<it. C.I.J. Rc,p. 23, par. 38 (compétence),et p. 26,
par. 44 (recevabilité).Voir igalement S. Ro~eiineTire,'aii,ci111rnc,ticO/ I/ICI~~tc,r-rlti-
rior~cilCourt. 1920-1996.1997. vol. 11.p. 521-522.
"" Dans I'aflàire relatiAedes Q~1r.stiotl'.isrrteipr-+t<rtioircf d'upplicle1 1~0111~~11-
tior~(le,i2.10~~ri/el 1971 i.i..sulrtriitcl<,I'i~Pfiicii (kt,Loc,ko.hic,(.ltri~~crr he-ijt~rrtn
lihj~cr~nc,.Ro!~rrrrr7ic~-CarCour a statuéuniquemcnt sur les questions de corripctence

(ihitl.. c~scc2p/ionpsri.limintrire.~,Ce1.Jr<Rec~irc~1il998p. 30. par. 53. al. )et de
recevabilitéihid.par. 53. al. 2). sans trancher celledu non-l(ihid.p. 31. par. 53, al. 3).
Le rtrtio tlc.c~icdetla Cour, dans ces alinéas 1 el 2 du paragraphe 53, est quc la date
pertinente aux fins d'apprécier la con~pétenceet la recevabilitéest celle du dépôt de la
requête.La Cour n'a formuléaucune observatiori analogue sur la questioii du non-lieu
(par. 53. al.). 1 voted with the Court on these three points. 1 agree with the Court

that Belgium was wrong on the points of jurisd/irc.tionand cld~ni.ssihilit~~.
Tliere is well-establiished case law to the effect tl-iatthe Court's jurisdic-
tion to adjudicate a case and the adinissibility of ihe Application must be

determined on the date on which the Application was filed (when
Mr. Yerodia was still a Minister), not on the date of the Judgment (when
Mr. Yerodia had ceased to be a Minister). This follows from several
precedents, the most important of whicli is the Loirc.kerhic c~ase"'. 1there-

fore agree with paragraph 78 (1) (B) and (D) of the Judgment.

1 was, however, tnore hesitant on the subject of mootnes.s, where the
Court held that the Congo's Application was 'hot without object" (Judg-
ment, para. 78 (1) (IF)). It does not follow from 1,ockcrhie that the ques-

tion of mootness milst be assessed on the date of the filing of the applica-
tion'''. An event subsequent to the filing of an application can still
render a case moot The question therefore was whether, given the fact

that Mr. Yerodia is no longer a Foreign Miriister today, tliere was still a
case for the resoondent State to answer. I think there was. for the fol-
lowing reason: it is not because an allegedly illegal act has ceased to con-

tinue in time that the illegality disappears. From that perspective, 1think
the case was not moot. This, however, is only true for the Congo's first
claim (a declaratory judgment solernnly declaririg the illegality of Bel-
gium's act). However, 1 think the case might ha\/e been nioot regarding

the Congo's second claim, given the fact that Mr Yerodia is no longer a
Minister today.

If there was an infringement of international law in the year 2000
(which 1 do not think exists, for the reasons set out above), it has cer-

tainly ceased to exist today. Belgium's allegedbrc:ach of an international
obligation, if such ainobligation existed - which 1doubt - was in any
everit a breach of (Linobligation not of a continuing character. If the

"' Qric,.stiot~(~~/'lr?t~,rl~rernti Al)plic~rrfiorles1971 Montrrtrl Cotrverrtion ririsii~g
fiotn rllc,Acrirrl Ificirlc~ntrit Lockrrhie j Lihj'crt~Aruh Jut?Y.hL:ilitc,d Kil1,qtlolll). Pr('-
litilitltOhic,c~/ions.1C J. Rc,/~ort.c1998p. 23. para. 38 Cj~irisdiction)and p. 26, para. 44
(adinissibility). See further. S. RoseiinT11cLuii rrt~rlPrrrctic!f'tlz(~Intc~rncrtil oirrt,
1920-1996. Vol. II, 1997.pp. 521-523.
l5"In the Qur.stiorr.\(!fItitc,rprc,trltiorr tint/ Al~p/i<~rrtior(r!/'l/ic~1971 ,CIontrrrr/ Corl~riition
trri.virrgfiorii f/zr A~ritll Itr(11L<ockwhir j L~~J'LIII rcif Jtrtiirrl~iV.~C'ililc'rl Kit~g-
tloin)case the Court only decided on the points of jurisdictio~i(ihirl.. Prc,liniitruq, Ohjr(,-
tiotr.~. Jr~tIgtric~~rtI..Rc,port.~ 1998. p. 30, para. 53 (1)) and adniissibility (ihicl..
para. 53 (1)) iiot on mootiiess (ihirl.p. 31. para. 53 (3)). The rtrtio rlc~r~irror para-
gr;iphs 5.3(1)and (?)is that the rele\;ant date for the assessinent of both jurisdiction and

kidmissibilityis the datc of the filing of the Applictitioii. T'hi:Court did not make s~ach
atatcment in relation to mootness.de cause de la violation d'une obligation non permanente. Si la Cour
avait suivijusqu'au bout son propre raisonnement sur les immunités(lien

temporel entre la protection garantie par les immunités et la fonction de
ministre des affaires étrangères),elle aurait logiquement conclu qu'il fal-
lait rejeter les troisième et quatrième conclusions du Congo. C'est la
raison pour laquellej'ai voté avecla Cour en faveur du sous-alinéaC) de

l'alinéa I du paragraphe 78 concernant l'exception préliminaire de non-
lieu soulevéepar la Belgique. mais que, contrairement à la majorité de
mes collègues,j'ai votécontre l'alinéa3 du paragraphe 78 du dispositif.
Je pense également, ë supposer liencore que la Belgique ait manqué à

une obligation internationale, que la coiîstatation de ce manquement
dans l'arrêtsuffisait à réparer le préjudice moral subi par le Congo.
Mêmesi Linacte constituant une violation trvrriété commis,ce que je ne

crois pas (il s'agissait de l'émissionpar un juge belge d'un mandat d'arrêt
ne contrevenant pas au droit international coutumier et n'ayant en outre
jamais étéexécuté), cetacte serait insignifiant en comparaison de la viola-
tion. par le Congo. de l'obligation qui est la sienne aux termes de l'ar-

ticle 146de la quatrième convention de Genève (A savoir enquêtersur les
crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commissur son territoire,
en vue d'en poursuivre les auteurs). Le Congo n'avait pas ((les mains

propres)) lorsqu'il s'est présentédevant la CourI5' internationale de Jus-
tice. et sa requêteaurait dû êtrerejetée.Bo rllir~irnisr1o11 c11rcztles IiX.

VI. REMARQUE FINAI-ES

85. Pour les raisons exposéesdans la présenteopinion, j'estin~eque la
Cour internationale de Justice a eu tort de dire qu'une règle de droit
international coutumier confère, vis-à-vis d'Etats tiers, une immunité

pénaleaux ministres des affaires étrangèresen exercice soupçon~iésd'avoir
commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Le droit
international coutumier ne prévoitrien de tel. La Cour n'a pas recherché

le juste milieu qui ililportait tant en l'espèce.En adoptant une approche
minimaliste et formaliste, elle a privilégiécleflicto l'intérêd tes Etats, qui
est de favoriser la conduite de relations internationales, au détriment de
l'intérêd te la communauté internationale. qui est d'assurer l'application

du principe selon lequel les dignitaires d'Etat soupçonnés de crimes de
guerre et de crimes contre l'lîurnanité sont tenus de rendre compte de
leurs actes sur le plan international.
86. La loi belge de 199311999va peut-êtretrop loin et il serait proba-

blement sage, ~'LIIIpoint de vue politique, de prévoir des exceptions de
procédure en faveur des étrangers ou de restreindre l'exercicede la coni-
pétenceuniverselle. II se peut que la Belgique fasse preuve de naïvetéen

Ii'Voir ci-dessus. par. 35.
"Te concept n'estpas égal ail((ilriiir~irriorc,iii.pr.tr<,toen droitcontinental.
Voir, suril<, t~iiriiior(~riit11~1.. Blii(L~I,,/Ii(~~ior~iir~,. AKKEST WARRANT (DISS. 01'. VAN DEN TVYNGAERT) 185

Court would take its own reasoning about imniuilities to its logical con-
clusion (the temporal linkage between the protection of immunities and
the function of the Foreign Minister). then it should have reached the

conclusion that the Congo's third and fourth submissions should have
been rejected. This is why 1 have voted with the Court on para-
graph 78 (1) (C) concerning Belgium's preliminary objection regarding
mootness, but against the Court on paragraph 78 (3) of the ~li.s/~o.\itif.

1also believe, assuming again that there has bzen an infringement of
an international obligation by Belgium, that the declaratory part of the

Judgment should have sufficed as reparation for the moral injury suffered
by Congo. If there ii3~uan act constituting an inti-ingenient, which 1 do
not believe exists (a Belgian arrest warrant that was not contrary to cus-
tomary international law and that was moreover never enforced), it was
trivial in coniparisori with the Congo's failure to ,:ornply with its obliga-

tion under Article 146 of the IV Geneva Convention (investigating and
prosecuting charges of war crimes and crimes against humanity commit-
ted on its territory). The Congo did not come to the International Court

with clean bands"', and its Application should have been rejected. Br
niinitî1i.MOII (.i~l.u/CSIsX.

85. For the reasons set out in this opinion, 1 !.hink the lnternational
Coui-t of Justice ha:; erred in finding that there is a iule of customary
international law protecting incuinbent Foreign Ministers suspected of

war crimes and crirnes against humanity from the criminal process in
other States. No such rule of custonîary international law exists. The
Court has not engaged in the balancing exercise that was crucial for thc
present dispute. Adopting a miniinist and foi-malisricapproach. the Court

has cic.,fuc.tbalanced in favour of the interests of States in conducting
international relations, not the international cclrninunity's interest in
asserting international accountability OSState officiais suspected of war
crimes and crimes against humanity.

86. Tlie Belgian 109311999Act inay go too far and it may be politically
wise to provide proci:dural restrictions for foreign clignitaries or to restrict

the exercise of universal jurisdiction. Proposals to tliis effect are under
study in Belgium. Bclgiuin inay be naive in tryin;: to be a forerunner in

''Sec .cir/7rpara. 35
''"Th expression is iiot syiionyiiious w(leillii~iiIII'I~ ~111.c11/Jin civil law
aysteins. SeB/och'.sL(riiDic.rioiloy3.cherchant à se placer à l'avant-garde de la répressiondes crimes de droit
international et en défendant l'idéeque, à défaut d'intervention de I'Etat
territorial, ilappartient aux Etats tiers d'ouvrir aux victimes des voies de

droit. La Belgique a peut-êtretort, d'un point de vue politique, de vouloir
transposer l'idéede simulacre de procès (statut de Rome portant création
de la Cour pénaleinternationale - principe de complémentarité(art. 17))
à des situations régiespar le principe «(i~rt t1erk.i.(rutjudic.arcj»"". Tou-

tefois, la question pour la Cour n'est pas de savoir si la Belgique fait
preuve de naïvetéou de sagesse politique, ni mêmesi la courtoisie inter-
nationale exigerait une application plus stricte de la compétence univer-

selle ou davantage de respect pour les dignitaires étrangers. La question
était de savoir si la Belgique avait méconnu une obligation en vertu du
droit international à ne ilas décerner et faire circuler un mandat d'arrêt
pour crimes de guerre et crimes contre l'humanitécontre un ministre des

affaires étrangèresen fonction.
87. Peut-êtrecet arrêtvise-t-il, de manière implicite, iiéviterd'ouvrir la
voie aux abus et au chaos, la Cour craignant que les Etats n'invoquent
sans cesse la compétence universelle pour engager des poursuites abusives

contre les ministres des affaires étrangères et1 exercice d'autres Etats,
paralysant ainsi le fonctionnement de ces derniers. L'argument de la
«/lzou.stl.ucu.srcucopliorîir~ '"' était très prése~ltdans le mémoire et les
plaidoiries du Congo. Il peut se résumerainsi: si les Etats engageaient des

poursuites contre les membres de gouvernements étrangers sans égard
pour les immunitésqui leur sont reconnues, la situation ne tarderait pas
i devenir chaotique; de même,si les Etats invoquaient de manière

outrancière la compétence universelle en l'absence d'un quelconq~ie lien
avec leur ordre juridique interne, des tensions politiques pourraient naître
sur le plan international.
Dans la présenteaffaire, aucune allégationd'abus de procédure n'a été

portée à l'encontre de la Belgique. La procédure pénale engagéecontre
M. Yerodia n'était ni inconséquente, ni abusive. Le mandat a étéémis
après deux ans d'instruction pénaleet nul n'a accusélejuge d'instruction
qui l'a décerné d'avoir fondésa décision sur des faits erronés. L'accusa-

tion selon laquelle la Belgique aurait appliqué sa loi sur les crimes de
guerre de manière insultante et discriminatoire à l'encontre d'un ministre
des affaires étrangères congolais était manifestement mal fondée. La Bel-
gique souhaite - i tort ou à raison - se faire le bras de la communauté

internationale en permettant aux étrangers de porter plainte contre de
graves violations desdroits de l'homme dont ils ont étévictimes à l'étran-
ger. Depuis la tristement célèbre affaireDutroux (une affaire de sévices
sur enfants qui a canalisé l'attention des médias à la fin des années

quatre-vingt-dix), la Belgique a amendé ses lois afin d'accorder davan-

15'Voir ci-dessus. par. 37.
'"'J.Verhoeven. «M. Pinochet, la coutume internationale et la compétence uni-
versell», Jo~rr.tdes1tr-ihun(ru1999,p. 315;J. Verhoeven. <Vers un ordre répressifuni-
versel'!uelq~iesobser\ations >>.ilirlc(rir.e fr.(/.(/].oit iirtc~i~rrt1999. p.55. ARREST WARRANT (DISS.OP. VAN DEN WYNGAERT) 186

the suppression of international crimes and in substantiating the view
that, where the territorial State fails to take action, it is the responsibility
of third States to offer a forum to victims. It may be politically wrong in
its efforts to transpose the "sham trial" exception to complementarity in

the Rome Statute for an International Criminal Court (Art. 17)15"into
"uut tleclerr [lutjutticclre" situations. However, the question that was
before the Court wris not whether Belgium is n,iive or has acted in a
politically wise manrier or whether international comity would command

a stricter application of universal jurisdiction or a greater respect for for-
eign dignitaries. The question was whether Belgiiiin had violated an obli-
gation under international law to refrain from issiling and circulating an
arrest warrant on charges of war crimes and crimes against humanity

against an incumbent Foreign Minister.

87. An implicit consideration behind this Judginent may have been a

concern for abuse and chaos. arising from the risk of States asserting
unbridled universal jurisdiction and engaging in abusive prosecutions
against incumbent Foreign Ministers of other States and thus paralysing
the functioning of these States. The "nzon.strou,scucophony" argument Io"

was very present in the Congo's Memorial and pleadings. The argument
can be sumniarized as follows: if a State would prosecute members of
foreign Governmentis without respecting their iminunities, chaos will be
the result; likewise, if States exercise unbridled universal jurisdiction

without any point of linkage to the domestic legal order, there is a danger
for political tensions between States.

In the present dispute. there was no allegation of abuse of process on
the part of Belgium. Criminal proceedings against Mr. Yerodia were not
fri\olous or abusive. The warrant was issued aftei two years of criminal
investigations and there were no allegations that the investigating judge
who issued it acted on false factual evidence. The accusation that Bel-

gium applied its Wair Crimes Statute in an offensive and discriminatory
mannes against a Congolese Foreign Minister was manifestly il1founded.
Belgium, rightly or wrongly, wishes to act as an agent of the world com-
munity by allowing complaints brought by foreign victims of serious

human rights abuse:; committed abroad. Since the infamous Dutro~rs
case (a case of child inolestation attracting great media attention in the
late 1990s). Belgium has amended its laws in order to improve victims'
procedural rights, without discriminating between Belgian and foreign

victims. In doing so, Belgium has also opened its courts to victims bring-

Ii'See s~rl~rrara. 37.
'""S.Verhoeven, "M. Pinochet. la coutume internationale ct la compétenceuniverselle".
Jo~rrrztrdlt,.\trih~rt~999.p. 315 ;S.Verhoeven, "Vers LIIordrc répressif universel?
Quelques observations"..4FDI. 1999, p. 55.tage de droits procéduraux aux victimes, que celles-ci soient belges ou
étrangères. Ce faisant, la Belgique a également ouvert ses tribunaux
aux victimes portant plainte pour des crimes de guerre et des crimes
contre l'humanité commis à I'étranger. Cette nouvelle législation a été
appliquée non seulement dans le cas de M. Yerodia, mais également

dans le cadre d'affaires contre. Pinochet,M. Sharon. M. Rafsandjani,
M. Hisséne Habré. M. Fidel Castro. etc. Il serait donc faux d'affirmer
que la loi sur les crimes de guerre a étéappliquée de manière discri-
minatoire à l'encontre d'un ressortissant congolais.
II se peut. dans l'abstrait, que l'argument du chaos soit pertinent. Ce
risque existe peut-être,et la Cour aurait pu, de manière légitime,mettre

en garde contre ce risque dans son arrêt sans pour autant conclui-equ'il
existe ilne règle de droit international coutumier reconnaissant l'immu-
nité aux ministres des affaires étrangères.Accorder des immunités aux
ministres des affaires étrangèrespourrait, en revanche, ouvrir la voie à
d'autres sortes d'abus. Cela revient à accroître de manière extraordinaire
le nombre de personnes bénéficiantd'une immunitéde juridiction inter-

nationale. De là à reconnaître des immunités aux autres membres de gou-
vernement, il n'ya qu'un pas: dans la société actuelle,tous les membres
de cabinet représentent leur pays dans diverses réunions. Si le ministre
des affaires étrangèresa besoin d'immunités pour exercer ses fonctions.
pourquoi ne pas égalementles accorder aux autres membres du gouver-

nement? Certes, la Cour internationale de Justice ne déclare rien de tel.
mais cette conclusion ne s'impose-t-elle pas d'elle-mêmelorsque la Cour
conclut que les ministres des affaires étrangèressont des personnes pro-
tégées? La raison pour laquelle la Cour assimile les ministres des affaires
éti-angkresaux agents diplomatiques et aux chefs d'Etat, qui est au cŒur
de son raisonnement, est égaleiiîe~t alable s'agissant des autres ministres

qui représentent officielleinent I'Etat, par exemple les ministres de I'édu-
cation qui assistent aux conférences de l'Unesco à New York ou tout
autre ministre recevant le titre de docteur l~orz~(ILISà I'étranger. Des
gouvernements pourraient, à leur escient, nomnier à des postes ministé-
riels des personnes soupçonnées d'avoir coniinis de graves violations des
droits de l'homme afin de lesmettre à l'abri de ~oursuites à l'étranger.11
L
se peut que la Cour internationale de Justice. en essayant de refermer une
boîte de Pandore par crainte du chaos et des abus, en ait ouvert une
autre, avec le risque de conférer l'in~munité,et donc l'impunitétlfacto,
à un nombre croissant de représentants de gouvernemeiit.

(Sig/?<;)ChristineVAN DEN WYNGAEKT 4RREST WARRANT (DISS.OP. VAN DEN MYNC~AER?.) 187

ing charges based oii war crimes and crimes against humanity coinmitted
abroad. This ilew legislation has been applied not only in the case against

Mr. Yerodia but also in cases against Mr. Pinochet, Mr. Sharon,Mr. Raf-
zaniani. Mr. Hissen Habré. Mr. Fidel Castro. etc. It would therefore be
wrotig to say that i.he War Crimes Statute has been applied against a
Congolese national in a discriminatory way.

In the abstract, the chaos argument may be pertinent. This risk may
exist, and the Court could have legitimately warned against this risk in its
Judgment without necessarily reaching the conclusioi~ that a rule of
customary international law exists to the effect of granting immunity to

Foreign Ministers. 1-Io\vever.granting immunities to incumbent Foreign
Ministers may operi the door to other sorts of abuse. lt dramatically
increases the number of perçons that enjoy interiîational imniunity from
jurisdictioi-i. Recognizing immunities for other mernbers of government is
just one step further.: in present-day society, al1Cabinet niembers repre-

seiit tlieir countries in various meetings. If Foreigii Ministers need iminu-
nities to perform tlieir functions. why not grant immunities to other
Cabinet niembers a:; well? The International Court of Justice does not
state this, but doesli't this flow from its reasoning leading to the conclu-
sion that Foreign Mlinisters are immune?The rationale for assimilating
Foreign Ministers with diplonlatic agents and Heads of State, which is at

the centre of the Court's reasoning, also exists for other Ministers who
represent the State officially, for example, Ministers of Education who
have to attend Unesco conferences iii New York or other Ministers
1-eceivinghoiiorary doctorates abroad. Malcl ,fich Governments may
appoint persoils to Cabinet posts in order to shelrer thein from prosecu-

tions oii charges of international crimes. Perliaps the International Court
of Justice. in its effort to close one Pandora's bo:; for fear of chaos and
abuse, has opened another one: that of granting iinmunity and thus rlc.
,fircto impuility to ari increasing number of goveriimentofficiais.PRINTED IN THE NETHERI.ANDS

ISSN 0074-4441
ISBN 92-1-070940-3

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de Mme. Van den Wyngaert, juge ad hoc (texte original français)

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