Opinion individuelle de M. Koroma, juge (traduction)

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121-20020214-JUD-01-04-EN
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121-20020214-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. ((OROMA

[Traduction]

Démarchejuridique adoptéepar la Courjustijée étuntdonnéla position des

Parties, I'originet les sources du dif'érend,et confi~rmeLilajurispruu'encede lu
Cour - Qut,stion dont est effectivement saisie la C~ur n'btarztpas urz choi.~
entre c.ol?~pétencuenii,c~r.seet immunité ---Deux notiolzs liêc~n.z, is non iden-
tique.- Arrêtrzeu'evcrnptas êtrelu c.ornrîzerejetanoa cri~~li.cult conzpételzce
unii~erselle---Lu Cour n'i'tulztpus neutre sur lu qua.vtronde.7vio1rtion.rgraves
-- Muis notions juridiques devant Gtrecornpcltihlescri'ecl.es doctrilzesjuridiques
-- Anrzulation du rnarzdut&tantune réactionapproprite aufait illicite.

1. Au paragraphe 46 de son arrêt,la Cour reconnaît que, du point de
vue de la logique jurildique, la question de la violat on alléguée desimmu-

nitésdu ministre des affaires étrangères de la République démocratique
du Congo ne devrait êtreenvisagéequ'une fois tranchée celle de la licéité
de l'exercicepar la Belgique de la compétenceuniv,:rselle. Toutefois, dans
le cadre de la présentiraffaire et étant donnéles pri lcipales questionsjuri-
diques en litige, la Cour a choisi d'exercer selon ure autre technique, une

autre méthode, son pouvoir discrétionnaire de dliterminer l'ordre dans
lequel elle répond lorsque plus d'une question lui est soumise pour déci-
sion. Cette technique n'est pas seulement conform: à la jurisprudence de
la Cour, mais la Cour est aussi fondéeà l'adopter r:tant donné la position
prise par les Parties.

2. Le Congo, dans ses conclusions finales, invoque seulement les
moyens relatifs à la violation alléguéede l'immunité de son ministre des
affaires étrangères, alors qu'il avait déclaréau pré21.lablqeue tout examen
par la Cour des questions de droit international soulevéespar la compé-
tence universelle serait entrepris non a sa demande mais bien en raison de

la stratégie adoptée par la Belgique pour sa défeIse. La Belgique avait
pour sa part maintenu d'embléeque l'exercice de la compétence univer-
selle était un contrepoids valide au respect des immunités, et que ce
n'étaitpas que la compétence universelle fût une c:xception à l'immunité
mais plutôt que l'imrnunitéétaitexclue en cas de violation grave du droit

pénalinternational. IdaBelgique a cependant demandé à la Cour de limi-
ter sa compétence aiix questions qui font l'objet (les conclusions finales
du Congo, et en particulier de ne pas statuer sur ;a portée et le contenu
du droit relatif à la c:ompétenceuniverselle.

3. Ainsi, puisque les deux Parties conviennent que l'objet du différend
est de savoir si le mandat d'arrêtdélivrécontre le ministre des affaires
étrangèresdu Congo viole le droit international, et qu'il est demandé à la
Cour de se prononcer sur la question de la com~étence universelle uni-
quement dans la mesure où elle affecte l'immuiiité d'un ministre des

affaires étrangères en exercice, les deux Parties ont donc abandonné laquestion de la compétence universelle; cela habilit *it la Cour à appliquer
son principe bien étalbliselon lequel elle a «le devoir non seulement de ré-
pondre aux demandes des parties telles qu'elles s'expriment dans leurs con-
clusions finales, maiis aussi celui de s'abstenir de statuer sur des points

non compris dans lesdites demandes ainsi exprimées)) (Droi d 'asile, arrêt,
C.1.J. Recueil 1950, p.402). En d'autres termes, selon la jurisprudence de
la Cour, celle-ci statue sur le petiturn, ou l'objet du différend tel qu'il est
définipar les demandes formuléespar les Parties dans leurs conclusions;
la Cour n'est pas liéepar les moyens et les arguments avancés par les
Parties à l'appui de leurs demandes, et elle n'est pas non plus tenue de

répondre à toutes ces demandes, dès lors qu'elle fo lrnit une réponse com-
plète aux conclusions. Et cette position est aussi conforme aux conclu-
sions des Parties.
4. Cette démarche est d'autant plus justifiée dans la présente espèce,
qui a vivement intéresséle public et dans laquelle deux importants prin-
cipesjuridiques sembllentêtreen concurrence, alors qu'en fait tel n'est pas

le cas. La Cour est parvenue àla conclusion, à moi1avis àjuste titre, qu'il
n'y a pas en l'espèced'opposition entre le principe de la compétence uni-
verselle et celui de ]"immunitéd'un ministre des affaires étrangères. Le
différend dont la Cour est saisie porte sur la question de savoir si I'émis-
sion et la diffusion internationale du mandat d'arrêt par la Belgique à

I'encontre du ministre des affaires étrangèresen exercice du Congo vio-
laient I'immunité de ce ministre et donc l'obligation due par la Belgique
au Congo. Il est demandé à la Cour de se prononcer sur la question de la
compétenceuniverselle uniquement dans la mesure où elle affecte I'immu-
nité du ministre des affaires étrangères. Cette question, et non celle de
savoir lequel de ces principes juridiques est prééininent ou devrait être

considéré commetel.,est, en dépitdes apparences contraires, la véritable
question que la Cou]: est appelée à trancher.
5. Bien que l'immilinitépostule la compétence -- nationale ou interna-
tionale - il convient de souligner que les deux notions ne sont pas iden-
tiques. La compétence renvoie au pouvoir de 1'Eiat d'affecter les droits
d'une personne ou de personnes par des mesures législatives, exécutives

ou judiciaires, alors que I'immunité représente I'intlépendance et I'exemp-
tion de la compéteni:e ou de la juridiction des cours et tribunaux d'un
Etat étranger, et est un attribut essentiel de 1'Etat. ,:'est pourquoi la com-
pétence et l'immunitédoivent être conformes au dioit international. Tou-
tefois, I'immunité ne représente pas l'exonération de la responsabilité
juridique en tant que telle, mais plutôt une exem.)tion de la juridiction.

La Cour étaitdonc e:nl'espècejustifiée lorsqu'elle a, dans le cadre de ses
investigations juridiques, décidéde commencer par répondre à l'une des
questions directemerit pertinentes en l'espèce, ce1e de savoir si le droit
international autorisait une dérogation à I'immunité d'un ministre des
affaires étrangères en,exercice et si le mandat d'arrêt émisà I'encontre du
ministre des affaires étrangères violait le droit irternational, et elle est

parvenue à la conclusion que le droit internationll n'autorisait pas une
telle dérogation à l'immunité. MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. KORCIMA)
61

6. Pour prendre sa décision,la Cour, comme elle l'a fait observer dans
l'arrêt, a tenudûment compte des conventions, Ciela jurisprudence des
juridictions nationales et internationales, et des i.ésolutionsd'organisa-
tions internationales et d'établissements universitaires pertinentes en la
matière avant de conclure que l'émission et la diffusion du mandat

étaientcontraires au droit international coutumier et violaient I'immunité
du ministre des affaires étrangères.La première justification juridique de
cette conclusion est, à mon avis, que l'immunitécu ministre des affaires
étrangèresn'est pas seulement une nécessitéfonctionnelle mais tient de
plus en plus à ce que, de nos jours, le ministre des affaires étrangères
représente I'Etat, mê,mesi sa position n'est pas assinlilable i celle d'un
chef d'Etat. La Cour n'a pas jugé nécessaired'entreprendre une étude

approfondie du droit pour parvenir à sa décisio~i,mêmes'il aurait été
intéressant qii'elle le fasse. Si l'on admet que la Cour s'est abstenue de
mener une telle étude pour parvenir à sa conclusion, peut-être parce
qu'elle ne voulait pas se lier les mains alors qu'elle n'étaitpas tenue de le
faire, on ne peut dire que l'arrêt soitjuridiquemert contraint ou qu'il ne
réponde pas aux coniclusions. Dans la mesure où il fournit une réponse

raisonnée et comp1èi.eaux conclusions, l'arrêt de la Cour peut, par sa
nature, ne pas exprimer ni épuisertous les principes juridiques qui sous-
tendent une affaire.
7. Dans la présent12espèce,la démarche adoptée par la Cour peut aussi
êtreconsidéréecomme justifiéeet appropriée pou- des raisons pratiques
et autres. Le ministr~edes affaires étrangères du (Iongo a fait l'objet de

poursuites en Belgique, sur la base de la loi belge. !>eloncette loi, I'immu-
nitén'est pas un obstacle aux poursuites, mêmes agissant d'un ministre
des affaires étrangèresen exercice. lorsqu'il est allcguéque certaines vio-
lations graves du droit international humanitaire ont étécommises.
L'immunité revendiquéepar le ministre des affaire? étrangèresest I'immu-
nité de la juridiction nationale belge sur la base de la loi belge. L'arrêt

implique que, si la Belgique peut exercer l'action oénaledans sa juridic-
tion contre n'importe qui, un ministre des affaires étrangèresen exercice
d'un Etat étranger est exempt de lajuridiction belge. Le droit internatio-
nal impose une limite à la juridiction de la Belgique lorsqu'un ministre
des affaires étrangères en exercice d'un Etat étran :er est concerné.
8. D'autre part, selon moi, l'émissionet la diffusion du mandat d'arrêt

montrent à quel point la Belgique prend sérieu:;ement son obligation
internationale de lutter contre les crimes internaticnaux. La Belgique a le
droit d'invoquer sa compétence pénale contre quiconque, à l'exception
d'un ministre des affaires étrangères en exercice. II est malheureux qu'une
mauvaise cause semble avoir étéchoisie par la Belgique pour tenter d'exé-
cuter ce qu'elle considère comme son obligation iiiternationale.
9. Dans ce contexte. l'arrêt ne peut êtreconsidéréni comme un rejet

du principe de la compétence universelle, dont la p,>rtéea continuéd'évo-
luer. ni comme invalidant ce principe. Après mûre réflexion, jeconsidère
qu'aujourd'hui la compétence universelle peut êtieexercéeà l'égardde
certains crimes, outre la piraterie. comme les ciimes de guerre et les MANDAT D'ARKÊT (OP. IND. KOROMA) 62

crimes contre I'huma~nité,notamment la traite dcs esclaves et le géno-
cide. La Cour ne s'est pas prononcée sur la compéence universelle parce
qu'il ne lui étaitpas indispensable de le faire pour p~rvenasa conclusion,

et qu'il ne lui était pas non plus demandé de le faire. Cela explique dans
une certaine mesure 1;position prise par la Cour.
10. En ce qui concerne les conclusions de la Ccur sur les remèdes, sa
décision selon laquelle la Belgique doit, par les inoyens de son choix,
mettre anéant le mandat d'arrêtet en informer le,,autorités auwres des-
quelles ce mandat a étédiffusé estune réponsejuridique appropriée dans

le contexte de la présente affaire.Car, en premier lieu, c'est l'émissionet la
diffusion du mandat d'arrêt quiont déclenchéet constitué la violation
non seulement de l'iinmuniié du ministre des afiàires étrangèreu mais
aussi de l'obligation due à la République démocra ique du Congo par le
Royaume de Belgique. L'injonction faite iila Belgique d'annuler le man-
dat devrait remédier aux deux violations, tout en réparant le préjudice

moral subi par le Congo et en rétablissant la situa~ion qui existait avant
que ce mandat ne soit émis et diffusé (Usine de Chorzriiv, fond, arrêt
no 13. 1928. C.P.J.I. sérieA no 17. .. 47,.
11. Compte tenu de ce qui précède,il ne serait pas légitimede qualifier
le jugement de formaliste, ou d'affirmer que la Coiir a éludé la véritable
question, celle de la commission de crimes odieux. La Cour ne peut

prendre et, en l'espèce,n'a pas pris une position reutre sur le problème
des crimes odieux. S,ddécision doit plutôt être considérée comme une
réponse a la question qui lui était posée.Cette décisiongarantit que les
conceptsjuridiques sont conformes au droit international et aux doctrines
juridiques, et en accord avec la véritéjuridique.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE KOROMA

Legal approuch taker~hy Court just13ed in vielisof po.vition of Parties. the
origin and sources of the dispute and consi.stent ii'iti~juri.vprudence qf the
Court - Actual que.stionhejOrc~Court not a cl~oiceberiveen ur~iver.saljurisclic-
tion or inzmunitj~- Though tii.o concepts are linkecl.hut not identica- Judg-
nzent not to he seen as rejectiorz or endorsement of urziver.vu1 jurisdiction -
Court not rzeutralon issues qf'gralv hreuclzr.~ - But lrgal concepts should he
consistent ivith legui tenc,-.sCaizcellationof ii.arrantuppropriate response,fbr
urllalvfulact.

1. The Court in paragraph 46 of the Judgment acknowledged that, as

a matter of legal logic, the question of the alleged violation of the immu-
nities of the Minister for Foreign Affairs of the Democratic Republic of
the Congo should be addressed only once there has been a determination
in respect of the legality of the purported exercise of universal jurisdiction

by Belgium. However, in the context of the present case and given the
main legal issues in contention, the Court chose another technique,
another method, of exercising its discretion in arranging the order in
which it will respond when more than one issue has been submitted for
determination. This technique is not only consistent with the jurispru-

dence of the Court, but the Court is also entitled to such an approach,
given the position taken by the Parties.
2. The Congo, in its final submissions, invoked only the grounds relat-
ing to the alleged violation of the immunity of its Foreign Minister, while
it had earlier stated that any consideration by the Court of the issues of

international law raised by universal jurisdiction would be undertaken
not at its request but, rather, by virtue of the defence strategy adopted by
Belgium. Belgium, for its part, had, at the outset, maintained that the
exercise of universal jurisdiction is a valid counterweight to the observ-

ance of immunities, and that it is not that universal jurisdiction is an
exception to immunity but rather that immunity is excluded when there is
a grave breach of international criminal law. Belgium, nevertheless, asked
the Court to limit itsjurisdiction to those issues that are the subject of the
Congo's final submissions, in particular not to pronounce on the scope

and content of the law relating to universal jurisdiction.

3. Thus, since both Parties are in agreement that the subject-matter of
the dispute is whether the arrest warrant issued against the Minister for

Foreign Affairs of the Congo violates international law, and the Court is
asked to pronounce on the question of universal jurisdiction only in so
far as it relates to the question of the immunity of a Foreign Minister in
office, both Parties had therefore relinquished the issue of universal juris- OPINION INDIVIDUELLE DE M. ((OROMA

[Traduction]

Démarchejuridique adoptéepar la Courjustijée étuntdonnéla position des

Parties, I'originet les sources du dif'érend,et confi~rmeLilajurispruu'encede lu
Cour - Qut,stion dont est effectivement saisie la C~ur n'btarztpas urz choi.~
entre c.ol?~pétencuenii,c~r.seet immunité ---Deux notiolzs liêc~n.z, is non iden-
tique.- Arrêtrzeu'evcrnptas êtrelu c.ornrîzerejetanoa cri~~li.cult conzpételzce
unii~erselle---Lu Cour n'i'tulztpus neutre sur lu qua.vtronde.7vio1rtion.rgraves
-- Muis notions juridiques devant Gtrecornpcltihlescri'ecl.es doctrilzesjuridiques
-- Anrzulation du rnarzdut&tantune réactionapproprite aufait illicite.

1. Au paragraphe 46 de son arrêt,la Cour reconnaît que, du point de
vue de la logique jurildique, la question de la violat on alléguée desimmu-

nitésdu ministre des affaires étrangères de la République démocratique
du Congo ne devrait êtreenvisagéequ'une fois tranchée celle de la licéité
de l'exercicepar la Belgique de la compétenceuniv,:rselle. Toutefois, dans
le cadre de la présentiraffaire et étant donnéles pri lcipales questionsjuri-
diques en litige, la Cour a choisi d'exercer selon ure autre technique, une

autre méthode, son pouvoir discrétionnaire de dliterminer l'ordre dans
lequel elle répond lorsque plus d'une question lui est soumise pour déci-
sion. Cette technique n'est pas seulement conform: à la jurisprudence de
la Cour, mais la Cour est aussi fondéeà l'adopter r:tant donné la position
prise par les Parties.

2. Le Congo, dans ses conclusions finales, invoque seulement les
moyens relatifs à la violation alléguéede l'immunité de son ministre des
affaires étrangères, alors qu'il avait déclaréau pré21.lablqeue tout examen
par la Cour des questions de droit international soulevéespar la compé-
tence universelle serait entrepris non a sa demande mais bien en raison de

la stratégie adoptée par la Belgique pour sa défeIse. La Belgique avait
pour sa part maintenu d'embléeque l'exercice de la compétence univer-
selle était un contrepoids valide au respect des immunités, et que ce
n'étaitpas que la compétence universelle fût une c:xception à l'immunité
mais plutôt que l'imrnunitéétaitexclue en cas de violation grave du droit

pénalinternational. IdaBelgique a cependant demandé à la Cour de limi-
ter sa compétence aiix questions qui font l'objet (les conclusions finales
du Congo, et en particulier de ne pas statuer sur ;a portée et le contenu
du droit relatif à la c:ompétenceuniverselle.

3. Ainsi, puisque les deux Parties conviennent que l'objet du différend
est de savoir si le mandat d'arrêtdélivrécontre le ministre des affaires
étrangèresdu Congo viole le droit international, et qu'il est demandé à la
Cour de se prononcer sur la question de la com~étence universelle uni-
quement dans la mesure où elle affecte l'immuiiité d'un ministre des

affaires étrangères en exercice, les deux Parties ont donc abandonné ladiction; this entitled the Court to apply its well-established principle that
it has a "duty . . . not only to reply to the questions as stated in the final
submissions of the parties, but also to abstain from deciding points not
included in those submissions" (Asylum, Judgment, I. C.J. Reports 1950,
p. 402). In other words, according to the jurisprudence of the Court, it

rules on the petiturn, or the subject-matter of the dispute as defined by the
claims of the Parties in their submissions; the Court is not bound by the
grounds and arguments advanced by the Parties in support of their
claims, nor is it obliged to address al1such claims, as long as it provides
a complete answer to the submissions. And that position is also in
accordance with the submissions of the Parties.

4. This approach is al1the more justified in the present case, which has
generated much public interest and where two important legal principles
would appear to be in competition, when in fact no such competition
exists. The Court came to the conclusion, and rightly in my view,that the

issue in contention is not one pitting the principle of universal jurisdic-
tion against the immunity of a Foreign Minister. Rather, the dispute
before it is whether the issue and international circulation of the arrest
warrant by Belgium against the incumbent Minister for Foreign Affairs
of the Congo violated the immunity of the Foreign Minister, and hence
the obligation owed by Belgium to the Congo. The Court is asked to pro-

nounce on the issue of universal jurisdiction only in so far as it relates to
the question of the immunity of the Foreign Minister. This, in spite of
appearances to the contrary, is the real issue which the Court is called
upon to determine and not which of those legal principles is pre-eminent,
or should be regarded as such.

5. Although immunity is predicated upon jurisdiction - whether
national or international - it must be emphasized that the concepts are
not the same. Jurisdiction relates to the power of a State to affect the
rights of a person or persons by legislative, executive or judicial means,
whereas immunity represents the independence and the exemption from

the jurisdiction or competence of the courts and tribunals of a foreign
State and is an essential characteristic of a State. Accordingly, jurisdic-
tion and immunity must be in conformity with international law. It is
not, however, that immunity represents freedom from legal liability as
such, but rather that it represents exemption from legal process. The
Court was therefore justified that in this case, in its legal enquiry, it took

as its point of departure one of the issues directly relevant to the case for
determination, namely whether international law permits an exemption
from immunity of an incumbent Foreign Minister and whether the arrest
warrant issued against the Foreign Minister violates international law,
and came to the conclusion that international law does not permit such
exemption from immunity.question de la compétence universelle; cela habilit *it la Cour à appliquer
son principe bien étalbliselon lequel elle a «le devoir non seulement de ré-
pondre aux demandes des parties telles qu'elles s'expriment dans leurs con-
clusions finales, maiis aussi celui de s'abstenir de statuer sur des points

non compris dans lesdites demandes ainsi exprimées)) (Droi d 'asile, arrêt,
C.1.J. Recueil 1950, p.402). En d'autres termes, selon la jurisprudence de
la Cour, celle-ci statue sur le petiturn, ou l'objet du différend tel qu'il est
définipar les demandes formuléespar les Parties dans leurs conclusions;
la Cour n'est pas liéepar les moyens et les arguments avancés par les
Parties à l'appui de leurs demandes, et elle n'est pas non plus tenue de

répondre à toutes ces demandes, dès lors qu'elle fo lrnit une réponse com-
plète aux conclusions. Et cette position est aussi conforme aux conclu-
sions des Parties.
4. Cette démarche est d'autant plus justifiée dans la présente espèce,
qui a vivement intéresséle public et dans laquelle deux importants prin-
cipesjuridiques sembllentêtreen concurrence, alors qu'en fait tel n'est pas

le cas. La Cour est parvenue àla conclusion, à moi1avis àjuste titre, qu'il
n'y a pas en l'espèced'opposition entre le principe de la compétence uni-
verselle et celui de ]"immunitéd'un ministre des affaires étrangères. Le
différend dont la Cour est saisie porte sur la question de savoir si I'émis-
sion et la diffusion internationale du mandat d'arrêt par la Belgique à

I'encontre du ministre des affaires étrangèresen exercice du Congo vio-
laient I'immunité de ce ministre et donc l'obligation due par la Belgique
au Congo. Il est demandé à la Cour de se prononcer sur la question de la
compétenceuniverselle uniquement dans la mesure où elle affecte I'immu-
nité du ministre des affaires étrangères. Cette question, et non celle de
savoir lequel de ces principes juridiques est prééininent ou devrait être

considéré commetel.,est, en dépitdes apparences contraires, la véritable
question que la Cou]: est appelée à trancher.
5. Bien que l'immilinitépostule la compétence -- nationale ou interna-
tionale - il convient de souligner que les deux notions ne sont pas iden-
tiques. La compétence renvoie au pouvoir de 1'Eiat d'affecter les droits
d'une personne ou de personnes par des mesures législatives, exécutives

ou judiciaires, alors que I'immunité représente I'intlépendance et I'exemp-
tion de la compéteni:e ou de la juridiction des cours et tribunaux d'un
Etat étranger, et est un attribut essentiel de 1'Etat. ,:'est pourquoi la com-
pétence et l'immunitédoivent être conformes au dioit international. Tou-
tefois, I'immunité ne représente pas l'exonération de la responsabilité
juridique en tant que telle, mais plutôt une exem.)tion de la juridiction.

La Cour étaitdonc e:nl'espècejustifiée lorsqu'elle a, dans le cadre de ses
investigations juridiques, décidéde commencer par répondre à l'une des
questions directemerit pertinentes en l'espèce, ce1e de savoir si le droit
international autorisait une dérogation à I'immunité d'un ministre des
affaires étrangères en,exercice et si le mandat d'arrêt émisà I'encontre du
ministre des affaires étrangères violait le droit irternational, et elle est

parvenue à la conclusion que le droit internationll n'autorisait pas une
telle dérogation à l'immunité. 6. In making its determination, as it pointed out in the Judgment, the
Court took into due consideration the pertinent conventions, judicial

decisions of both national and international tribunals, resolutions of
international organizations and academic institutes before reaching the
conclusion that the issue and circulation of the warrant is contrary to
international customary law and violated the immunity of the Minister

for Foreign Affairs. The paramount legal justification for this, in my
opinion, is that immunity of the Foreign Minister is not only of func-
tional necessity but increasingly these days the Foreign Minister repre-
sents the State, even though his or her position is not assimilable to that
of Head of State. While it would have been interesting if the Court had

done so, the Court did not consider it necessary to undertake a disquisi-
tion of the law in order to reach its decision. In acknowledginn "haL the
Court refrained from carrying out such an undertaking, in reaching its
conclusion, perhaps not wanting to tie its hands when not compelled to
do so, the Judgment cannot be said to be juridically constraining or not

to have responded to the submissions. The Court's Judgment by its
nature may not be as expressive or exhaustive of al1the underlying legal
princi-les -ertaining to a case, so long as it provides a reasoned and com-
plete answer to thesubmissions.

7. In the present case, the approach taken by the Court can also be
viewed as justified and apposite on practical and other grounds. The
Minister for Foreign Affairs of the Congo was sued in Belgium, on the
basis of Belgian law. According to that law, immunity does not represent

a bar to prosecution, even for a Minister for Foreign Affairs in office,
when certain grave breaches of international humanitarian law are alleged
to have been committed. The immunity claimed by the Foreign Minister
is from Belgian national jurisdiction based on Belgian law. The Judgment

implies that while Belgium can initiate criminal proceedings in its juris-
diction against anyone, an incumbent Minister for Foreign Affairs of a
foreign State is immune from Belgian jurisdiction. International law
imposes a limit on Belgium's jurisdiction where the Foreign Minister in
office of a foreign State is concerned.

8. On the other hand, in my view, the issue and circulation of the
arrest warrant show how seriously Belgium viewsits international obliga-
tion to combat international crimes. Belgium is entitled to invoke its

criminal jurisdiction against anyone, Savea Foreign Minister in office. It
is unfortunate that the wrong case would appear to have been chosen in
attempting to carry out what Belgium considers its international obliga-
tion.
9. Against this background, the Judgment cannot be seen either as a

rejection of the principle of universal jurisdiction, the scope of which has
continued to evolve, or as an invalidation of that principle. In my con-
sidered opinion, today, together with piracy, universal jurisdiction is
available for certain crimes, such as war crimes and crimes against MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. KORCIMA)
61

6. Pour prendre sa décision,la Cour, comme elle l'a fait observer dans
l'arrêt, a tenudûment compte des conventions, Ciela jurisprudence des
juridictions nationales et internationales, et des i.ésolutionsd'organisa-
tions internationales et d'établissements universitaires pertinentes en la
matière avant de conclure que l'émission et la diffusion du mandat

étaientcontraires au droit international coutumier et violaient I'immunité
du ministre des affaires étrangères.La première justification juridique de
cette conclusion est, à mon avis, que l'immunitécu ministre des affaires
étrangèresn'est pas seulement une nécessitéfonctionnelle mais tient de
plus en plus à ce que, de nos jours, le ministre des affaires étrangères
représente I'Etat, mê,mesi sa position n'est pas assinlilable i celle d'un
chef d'Etat. La Cour n'a pas jugé nécessaired'entreprendre une étude

approfondie du droit pour parvenir à sa décisio~i,mêmes'il aurait été
intéressant qii'elle le fasse. Si l'on admet que la Cour s'est abstenue de
mener une telle étude pour parvenir à sa conclusion, peut-être parce
qu'elle ne voulait pas se lier les mains alors qu'elle n'étaitpas tenue de le
faire, on ne peut dire que l'arrêt soitjuridiquemert contraint ou qu'il ne
réponde pas aux coniclusions. Dans la mesure où il fournit une réponse

raisonnée et comp1èi.eaux conclusions, l'arrêt de la Cour peut, par sa
nature, ne pas exprimer ni épuisertous les principes juridiques qui sous-
tendent une affaire.
7. Dans la présent12espèce,la démarche adoptée par la Cour peut aussi
êtreconsidéréecomme justifiéeet appropriée pou- des raisons pratiques
et autres. Le ministr~edes affaires étrangères du (Iongo a fait l'objet de

poursuites en Belgique, sur la base de la loi belge. !>eloncette loi, I'immu-
nitén'est pas un obstacle aux poursuites, mêmes agissant d'un ministre
des affaires étrangèresen exercice. lorsqu'il est allcguéque certaines vio-
lations graves du droit international humanitaire ont étécommises.
L'immunité revendiquéepar le ministre des affaire? étrangèresest I'immu-
nité de la juridiction nationale belge sur la base de la loi belge. L'arrêt

implique que, si la Belgique peut exercer l'action oénaledans sa juridic-
tion contre n'importe qui, un ministre des affaires étrangèresen exercice
d'un Etat étranger est exempt de lajuridiction belge. Le droit internatio-
nal impose une limite à la juridiction de la Belgique lorsqu'un ministre
des affaires étrangères en exercice d'un Etat étran :er est concerné.
8. D'autre part, selon moi, l'émissionet la diffusion du mandat d'arrêt

montrent à quel point la Belgique prend sérieu:;ement son obligation
internationale de lutter contre les crimes internaticnaux. La Belgique a le
droit d'invoquer sa compétence pénale contre quiconque, à l'exception
d'un ministre des affaires étrangères en exercice. II est malheureux qu'une
mauvaise cause semble avoir étéchoisie par la Belgique pour tenter d'exé-
cuter ce qu'elle considère comme son obligation iiiternationale.
9. Dans ce contexte. l'arrêt ne peut êtreconsidéréni comme un rejet

du principe de la compétence universelle, dont la p,>rtéea continuéd'évo-
luer. ni comme invalidant ce principe. Après mûre réflexion, jeconsidère
qu'aujourd'hui la compétence universelle peut êtieexercéeà l'égardde
certains crimes, outre la piraterie. comme les ciimes de guerre et leshumanity, including the slave trade and genocide. The Court did not rule
on universal jurisdiction, because it was not indispensable to do so to
reach its conclusion, nor was such submission before it. This, to some
extent, provides the explanation for the position taken by the Court.

10. With regard to the Court's findings on remedies, the Court's ruling
that Belgium must, by means of its own choosing, cancel the arrest war-

rant and so inform the authorities to whom that warrant was circulated is
a legal and an appropriate response in the context of the present case.
For, in the first place, it was the issue and circulation of the arrest war-
rant that triggered and constituted the violation not only of the Foreign
Minister's immunity but also of the obligation owed by the Kingdom to
the Republic. The instruction to Belgium to cancel the warrant should
cure both violations, while at the same time repairing the moral injury

suffered by the Congo and restoring the situation to the .~tatu.squo ante
before the warrant was issued and circulated (Fuctoiy ut Clîoriri~i~,
Merits, Judgment No. 13, 1928, P.C.1.J., SeriesA, No. 17, p. 47).

11. In the light of the foregoing, any attempt to qualify the Judgment
as formalistic, or to assert that the Court avoided the real issue of the
commission of heinous crimes is without foundation. The Court cannot

take, and in the present case has not taken, a neutral position on the issue
of heinous crimes. Rather, the Court's ruling should be seen as respond-
ing to the question asked of it. The ruling ensures that legal concepts are
consistent with international law and legal tenets, and accord with legal
truth.

(Signed) Abdul G. KOROMA. MANDAT D'ARKÊT (OP. IND. KOROMA) 62

crimes contre I'huma~nité,notamment la traite dcs esclaves et le géno-
cide. La Cour ne s'est pas prononcée sur la compéence universelle parce
qu'il ne lui étaitpas indispensable de le faire pour p~rvenasa conclusion,

et qu'il ne lui était pas non plus demandé de le faire. Cela explique dans
une certaine mesure 1;position prise par la Cour.
10. En ce qui concerne les conclusions de la Ccur sur les remèdes, sa
décision selon laquelle la Belgique doit, par les inoyens de son choix,
mettre anéant le mandat d'arrêtet en informer le,,autorités auwres des-
quelles ce mandat a étédiffusé estune réponsejuridique appropriée dans

le contexte de la présente affaire.Car, en premier lieu, c'est l'émissionet la
diffusion du mandat d'arrêt quiont déclenchéet constitué la violation
non seulement de l'iinmuniié du ministre des afiàires étrangèreu mais
aussi de l'obligation due à la République démocra ique du Congo par le
Royaume de Belgique. L'injonction faite iila Belgique d'annuler le man-
dat devrait remédier aux deux violations, tout en réparant le préjudice

moral subi par le Congo et en rétablissant la situa~ion qui existait avant
que ce mandat ne soit émis et diffusé (Usine de Chorzriiv, fond, arrêt
no 13. 1928. C.P.J.I. sérieA no 17. .. 47,.
11. Compte tenu de ce qui précède,il ne serait pas légitimede qualifier
le jugement de formaliste, ou d'affirmer que la Coiir a éludé la véritable
question, celle de la commission de crimes odieux. La Cour ne peut

prendre et, en l'espèce,n'a pas pris une position reutre sur le problème
des crimes odieux. S,ddécision doit plutôt être considérée comme une
réponse a la question qui lui était posée.Cette décisiongarantit que les
conceptsjuridiques sont conformes au droit international et aux doctrines
juridiques, et en accord avec la véritéjuridique.

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Opinion individuelle de M. Koroma, juge (traduction)

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