Déclaration de M. Ranjeva, juge

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121-20020214-JUD-01-03-EN
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121-20020214-JUD-01-00-EN
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Effet du retrait de lapremière conclusioninitiale du Congo - E-cclusionde la
conlpétenceuniverselle par défautde l'objet des demandes - Compétence uni-
verselle de lajuridiction nationale; 1égi.sIatiobelge- Evolution en droit inter-
national du régimede la compétenceuniverselle - Piraterie maritime et com-
pétence universelle endroit coutumier - Obligation u' eéprimeret compétence
desjuridictions nationales - Aut judicareaut dedere - Gravitédes infractions
non constitutive de titre de compétenceuniverselle - Interprétation de I'afjaire
du Lotus -Compétence universellepar défauten l'absence de lien de connexité
non encore consacrée endroit international.

1. Je souscris sans réserve à la conclusion de l'arrêtselon laquelle
l'émissionet la diffusion internationale du mandat d'arrêt du11avril 2000
constituaient des violations d'une obligation internationale de la Belgique
à l'égarddu Congo en ce qu'elles ont méconnul'immunité dejuridiction
pénaledu ministre des affaires étrangèresdu Congo. J'approuve égale-
ment la position de la Cour qui, au vu des conclusions du Congo en leur

dernier état,s'est abstenue d'aborder et de traiter la question de savoir si
la licéitédudit mandat devait êtreremise en cause au titre de la compé-
tence universelle telle qu'elle a été exercép ear la Belgique.
2. Les considérations delogique auraient dû amener la Cour à aborder
la question de la compétenceuniverselle, une question d'actualité et sur
laquelle une décision en la présenteaffaire aurait nécessairement fait

jurisprudence. Le retrait de la première conclusion initiale du Congo
(voir paragraphes 17et 21 du texte de l'arrêt)en soi n'étaitpas suffisant
pour justifier l'attitude de la Cour. On pouvait raisonnablement considé-
rer cette premièredemande initiale comme une fausse conclusion et I'ana-
lyser comme un moyen qui a été exposé pour servir de fondement à la
principale demande :la déclaration deI'illicéité du mandat d'arrêt sur le

terrain de la violation des immunités dejuridiction pénale. L'évolution
des demandes du Congo montre que de moyen de demande, la question
de la compétenceuniverselle s'est transforméeen moyen de défensede la
Belgique. Sur le plan procédural, c'est cependant par rapport aux petitu
et aux moyens de demande que la Cour statue quel que soit, par ailleurs,
l'intérêt en soi deq suestions soulevéesau cours de la procédure.Compte

tenu des conclusions sur le caractère illicite du mandat, il n'étaitplus
nécessaired'aborder le second aspect de I'illicéité, à mon grand regret.
Une chose est certaine :on ne saurait inférerdu texte de l'arrêtune inter-
prétation selon laquelle la Cour se serait montréeindifférente à l'égardde
la compétenceuniverselle; la question reste ouverte au regard du droit.
3. Le silencede l'arrêtsur la question de la compétence universelleme

met dans une situation inconfortable. L'expression d'une opinion sur la55 MANDAT D'ARRÊT (DÉCL. RANJEVA)

question est singulière :elle porterait sur des développements hypothé-
tiques alors que le problème est réeltant dans la présente affaire que
compte tenu de l'évolutiondu droit pénalinternational lorsqu'il s'agit de
la prévention et de la répression des crimes odieux et attentatoires aux
droits et a la dignité de l'être humainau regard du droit international.

Aussi la présentedéclaration portera-t-elle sur l'interprétation quela Bel-
gique donne de la compétenceuniverselle.
4. En application de la loi belge du 16juin 1993modifiéele 10février
1999, portant répression des violations graves du droit international
humanitaire, lejuge d'instruction prèsle tribunal de premièreinstance de
Bruxelles a émisun mandat d'arrêtinternational à l'encontre de M. Yero-
dia Ndombasi, alors ministre des affaires étrangèresdu Congo; ilétait
reproché ace dernier des violations graves de règlesde droit humanitaire
ainsi que des crimes contre l'humanité. Aux termes de l'article 7 de ladite
loi, les auteurs de telles infractions ((relèventde la compétencedes juri-
dictions belges, quelles que soient leur nationalité et celle des victimes))
(mandat d'arrêt, par. 3.4). L'intérêd te la présente décision réside dans le
fait aue l'affaire est une véritableavant-~remière.
5. La législationbelge qui institue la compétence universelle in ahsen-

tia Dour les violations uraves du droit international humanitaire a consa-
crél'interprétation la plus extensive de cette compétence.Lesjuridictions
ordinaires belges sont compétentes pour juger lescrimes de guerre, contre
l'humanitéet de génocide, commispar des non-Belges, en dehors du ter-
ritoire belge tandis que le mandat émis à l'encontre de M. Yerodia Ndom-
basi est la première des applications de cette hypothèse extrême.II ne
semble pas que des dispositions législatives en droit positif autorisent
l'exercicede la compétencepénaleen l'absence d'un lien de connexité ter-
ritoriale ou personnelle, actif ou passif. L'innovation de la loi belgeréside
dans la possibilitéde l'exercicede la compétence universelle en l'absence
de tout lien de la Belgique avec l'objet de l'infraction, la personne de
l'auteur présuméde l'infraction ou enfin le territoire pertinent. Mais
après les tragiques événementssurvenus en Yougoslavie et au Rwanda,

plusieurs Etats ont invoqué la compétence universellepour engager des
poursuites contre des auteurs présumésde crimes de droit humanitaire;
cependant, a la différencedu cas de M. Yerodia Ndombasi, les personnes
impliquéesavaient auparavant fait l'objet d'une procédure ou d'un acte
d'arrestation, c'est-à-dire qu'un lien de connexion territoriale existait au
préalable.
6. En droit international, la mêmeconsidération liée au lien de
connexité vatione loci est égalementexigéepour l'exercice de la compé-
tence universelle. La piraterie maritime est l'unique cas classique d'appli-
cation de la compétence universelle selonle droit coutumier. L'article 19
de la convention de Genève du 29 avril 1958 puis l'article 105 de la
convention de Montego Bay 'du 10 décembre 1982disposent que :

'Convention des Nations Unies sur le droit de la mcr

56 «Tout Etat peut, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de
la juridiction d'aucun Etat, saisir un navire ou un aéronefpirate, ou
un navire ou un aéronefcapturé à la suite d'un acte de piraterie et
aux mains de pirates, et appréhender les personnes et saisir les biens
se trouvant à bord. Les tribunaux de 1'Etat qui a opéréla saisie
peuvent se prononcer sur les peines à infliger))

La compétence universelle, en l'occurrence, s'explique enhaute mer par
l'absence de souverainetédéterminéeet le régimede liberté;lajuridiction
de 1'Etatdu pavillon représente ainsinormalement le facteur de garantie
du respect du droit. Mais la piraterie étantdéfiniecomme la répudiation
et la soustraction du pirate de lajuridiction de tout ordre étatique,l'exer-
cice de la compétence universelle permet d'assurer le rétablissement de
l'ordre juridique. C'est donc l'atteinte à l'aménagementinternational de
l'ordre des juridictions des Etats qui explique, dans ce cas particulier, la
consécration de la compétenceuniverselle des tribunaux nationaux char-
gésde juger les pirates et les actes de piraterie. En revanche, la gravité, en

soi, des infractions, n'a pas été considéréceomme suffisante pour établir
la compétenceuniverselle. 11n'y a pas d'autre exemple d'infraction com-
mise en haute mer pour laquelle la compétenceuniverselle a été consacrée
(par exemple :conventions du 18mai 1904et du 4 mai 1910(relatives à la
répression de la traite des Blanches); convention du 30 septembre 1921
(pour la répression de la traite des femmes et des enfants); convention
du 28 juin 1930 (sur le travail forcéou obligatoire) et du 25 juin 1957
(abolissant le travail forcé)).
7. L'évolutiondu droit pénalconventionnel, dans les dernières décen-
nies, s'est orientéevers la consécration de l'obligation de réprimer etun
nouvel aménagement de la compétence des Etats en matière de répres-
sion. Alors que les conventions de droit humanitaire de Genève de 1949

sont sources d'obligations juridiques internationales, elles ne comportent
aucune disposition sur la compétencedes juridictions nationales pour en
assurer sur le plan judiciaire l'effectivité.en était demêmede la conven-
tion de 1948sur le génocide.Il a fallu attendre l'organisation sur le plan
international de ilalutte contre le terrorisme sur les aéronefspour l'adop-
tion de dispositions qui relèvent de l'exercice de la compétence univer-
selle: la consécration du principe aut judicare uut dedere dans le para-
graphe 2 de l'article 4de la convention de La Haye du 16décembre1970,
dans les termes suivants: «Tout Etat contractant prend les mesures
nécessairespour établir sa compétence aux fins de connaître de I'infrac-
tion dans le cas où l'auteur présuméde celle-ci setrouve sur son territoire
et où ledit Etat ne l'extrade pas.»2 On relèvera que la mise en Œuvre du
principe aut judicare aut dedere est conditionnée par l'arrestation effec-

tive au préalablede l'auteur présumé.Cette disposition de 1970a servi de
modèle pour l'extension, dans diverses conventions ultérieures, de la

Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs.

57compétence pénale des juridictions nationales dans l'exercice de la com-
pétenceuniverselle. Ce développement n'a pas eu pour effet la reconnais-
sance d'une compétence in uhsentiu ou par défaut.
8. L'argumentation belge invoque a son profit non seulement une obli-
gation juridique internationale de réprimerles infractions graves de droit
humanitaire mais également la faculté qui est reconnue de légiférerde

manière discrétionnaire en la matière. Il n'est Das utile de revenir sur le
manque de fondement du premier volet de cette argumentation qui
confond a tort l'obligation de réprimeret son mode opératoire :la reven-
dication de la compétence in rrh.setztiudes juridictions pénalesnationales
en l'absence de clause attributive de compétence.Ainsi l'affirmation de la
Belgique selon laquelle «on sait que la justice belge a le droit de connaître

de violations g"aves du droit international humanitaire mêmesi leur au-
teur présumén'est pas trouvé surle territoire belge))(contre-mémoirede la
Belgique, p. 89, par. 3.3.28) reste une pétition de principe. Les exemples
invoqués à l'appui de cette proposition ne sont pas concluants: sur
cent vingt-cinq législations nationales concernant la répression de crimes
de guerre ou contre l'humanité, seuls cinq Etats ne requièrent pas la

présencesur le territoire pour l'ouverture de poursuites pénales(contre-
mémoire de la Belgique, p. 98-99, par. 3.3.57).
9. Quant à l'étenduede la compétencelégislativenationale, la Belgique
l'a justifiéede la jurisprudence de l'affaire du Lotus:

«Mais il ne s'ensuit Ealaue le droit international défend aun Etat
d'exercer, dans son propre territoire, sajuridiction dans toute affaire
où il s'agit de faits qui se sont passés i l'étranger et où il ne peut
s'appuyer sur une règle permissivedu droit ... Loin de défendred'une

manière généraleaux Etats d'étendre leurs lois et leur juridiction à
des personnes, des biens et des actes hors du territoire, illeur laisse,
à cet égard, une large liberté,qui n'est limitéeque dans quelques cas
par des règles pohibitives; pour les autres cas, chaque Etat reste
libre d'adopter les principes qu'il juge les meilleurs et les plus conve-
nables.)) (C.P.J.I. série A no10, p. 19.)

Et plus loin le mêmearrêt dedire

«tout ce qu'on peut demander a un Etat, c'est de ne pas dépasser les
limites que le droit international trace à sa compétence; ... La terri-
torialité du droit pénal n'est donc pas un principe absolu du droit

international et ne se confond aucunement avec la souveraineté
territoriale. » (Ibid , p. 19-20.)

Sans aucun doute, on peut analyser l'évolution desidées etdes conditions
politiques dans le monde contemporain comme favorable a une atténua-
tion de la conception territorialiste de la compétence et à l'émergence
d'une approche plus fonctionnaliste dans le sens d'un service au profit des
fins supérieurescommunes. Prendre acte de cette tendance ne saurait jus-
tifier l'immolation des principes cardinaux du droit sur l'autel d'une cer-taine modernité. Le caractère territorial de la base du titre de compétence

reste encore une des valeurs sûres, le noyau dur du droit international
positif contemporain. L'acceptation doctrinale du principe énoncédans
l'affaire du Lotus, lorsqu'il s'est agi de la lutte contre les crimes interna-
tionaux, ne s'est pas encore traduite par un développement consécutifdu
droit positif en matière de compétence juridictionnelle pénale.
10. Enfin l'argumentation de la Belgique invoque plus particulière-

ment a l'appui de son interprétation de la compétence universelle in
ahsentia le passage suivant du mêmearrêtLotus:
«S'il est vrai que le principe de la territorialité du droit pénal ast
la base de toutes les législations,il n'en est pas moins vrai que toutes

ou presque toutes ces législations étendent leur action à des délits
commis hors du territoire; et cela d'après des systèmes qui changent
d'Etat a Etat.)) (C.P.J.I.série A no 10, p. 20.)

Il est difficile d'induire de cette proposition la consécration de la compé-
tence universelle in ahsentia. Au contraire, la Cour permanente se montre
très prudente; elle restreint sa sphère d'investigation au cas d'espèce qui
est soumis à son examen et recherche des analogies étroites avec des
situations analogues. En fait toute tentative d'y vouloir trouver les bases
d'une compétenceuniverselle in uhsentiu relèvede la spéculation : les faits
de l'espèce se limitaient au problème de la compétence des juridictions

pénalesturques à la suite de l'arrestation du lieutenant Demons dans les
eaux territoriales turques alors que cet officier commandait en second un
navire battant pavillon français.
11. En définitive,la question liéeà la compétence universellein ah.sen-
tiu résidedans la difficulté qui existedans la possibilitéd'une compétence
pénaleextraterritoriale en l'absence de tout lien de rattachement de 1'Etat

qui revendique I'exercicede cette compétence avecle territoire ou les faits
incriminés ont eu lieu, avec l'effectivité de son autorité sur les auteurs
présumésde ces forfaits. Ce problème s'explique par la nature d'un acte
en procédure pénale: iln'a pas un caractère virtuel, il est exécutoire et
requiert, à cette fin, une base matérielle minimale au regard du droit
international. Pour ces raisons, l'interdiction explicite de l'exercice d'une

compétence universelle, au sens où la Belgique l'a interprété,ne constitue
pas une base suffisante.
12. En conclusion, indépendamment de l'ardente obligation de rendre
effective la nécessitéde prévenir et de réprimer les crimes de droit inter-
national humanitaire pour favoriser l'avènement de la paix et de la sécu-
ritéinternationale, et sans qu'il soit, pour autant, indispensable de réprou-
ver la loi belge du 16juin 1993 modifiéele 10 février 1999, il aurait été

difficile, au regard du droit positif contemporain, de ne pas donner droit
à la première conclusion initiale de la République démocratique du
Congo.

(Signé) Raymond RANJEVA.

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Effet du retrait de lapremière conclusioninitiale du Congo - E-cclusionde la
conlpétenceuniverselle par défautde l'objet des demandes - Compétence uni-
verselle de lajuridiction nationale; 1égi.sIatiobelge- Evolution en droit inter-
national du régimede la compétenceuniverselle - Piraterie maritime et com-
pétence universelle endroit coutumier - Obligation u' eéprimeret compétence
desjuridictions nationales - Aut judicareaut dedere - Gravitédes infractions
non constitutive de titre de compétenceuniverselle - Interprétation de I'afjaire
du Lotus -Compétence universellepar défauten l'absence de lien de connexité
non encore consacrée endroit international.

1. Je souscris sans réserve à la conclusion de l'arrêtselon laquelle
l'émissionet la diffusion internationale du mandat d'arrêt du11avril 2000
constituaient des violations d'une obligation internationale de la Belgique
à l'égarddu Congo en ce qu'elles ont méconnul'immunité dejuridiction
pénaledu ministre des affaires étrangèresdu Congo. J'approuve égale-
ment la position de la Cour qui, au vu des conclusions du Congo en leur

dernier état,s'est abstenue d'aborder et de traiter la question de savoir si
la licéitédudit mandat devait êtreremise en cause au titre de la compé-
tence universelle telle qu'elle a été exercép ear la Belgique.
2. Les considérations delogique auraient dû amener la Cour à aborder
la question de la compétenceuniverselle, une question d'actualité et sur
laquelle une décision en la présenteaffaire aurait nécessairement fait

jurisprudence. Le retrait de la première conclusion initiale du Congo
(voir paragraphes 17et 21 du texte de l'arrêt)en soi n'étaitpas suffisant
pour justifier l'attitude de la Cour. On pouvait raisonnablement considé-
rer cette premièredemande initiale comme une fausse conclusion et I'ana-
lyser comme un moyen qui a été exposé pour servir de fondement à la
principale demande :la déclaration deI'illicéité du mandat d'arrêt sur le

terrain de la violation des immunités dejuridiction pénale. L'évolution
des demandes du Congo montre que de moyen de demande, la question
de la compétenceuniverselle s'est transforméeen moyen de défensede la
Belgique. Sur le plan procédural, c'est cependant par rapport aux petitu
et aux moyens de demande que la Cour statue quel que soit, par ailleurs,
l'intérêt en soi deq suestions soulevéesau cours de la procédure.Compte

tenu des conclusions sur le caractère illicite du mandat, il n'étaitplus
nécessaired'aborder le second aspect de I'illicéité, à mon grand regret.
Une chose est certaine :on ne saurait inférerdu texte de l'arrêtune inter-
prétation selon laquelle la Cour se serait montréeindifférente à l'égardde
la compétenceuniverselle; la question reste ouverte au regard du droit.
3. Le silencede l'arrêtsur la question de la compétence universelleme

met dans une situation inconfortable. L'expression d'une opinion sur la DECLARATION OF JUDGE RANJEVA

Ejyect qf )t,ithdra>valof' the Congo's original jîrst submissio- Exclusion
oJ 'niversal jurisdictionin absentia fiom the subjecr-matter of the claims -
Uni~>ersa jlrisdiction qf'national courts: Belgian legi:,lat-onDevelopment of
the rkgime of uniilersaljurisdiction under internationuIUM -! Maritime piracy
and universaljurisdiction under customary law - 0bli:ation topunish andjuris-
diction qfnational courts-- Autjudicare aut dedere -- Seriousness of offences
nota hasisfor univer~aljurisdiction Interpretation (Ithe "Lotus" case No
recognition yet under international /aw of universai jurisdictionin absentia in
the absrnce ?fa connecting factor.

1. 1 fully subscribe to the Judgment's conclu:,ion that the issue and
international circula~tionof the arrest warrant O' II April 2000 consti-
tuted violations of ;in international obligation owed by Belgium to the
Congo in that they Sailedto respect the immunity from criminal jurisdic-

tion of the Congo's Minister for Foreign Affairs. 1 also approve of the
Court's position in refraining, in the light of the Congo's submissions as
finally stated, from raising and dealing with the issue whether the legality
of the warrant was subject to challenge on accou ~t of universal jurisdic-
tion as it was exercised by Belgium.
2. Logical considerations should have led the Court to address the
question of universal jurisdiction, a topical issue on which a decision in

the present case wcluld have necessarily set a precedent. The Congo's
withdrawal of its original first submission (see paragraphs 17 and 21 of
the Judgment) was not sufficient per se to justify the Court's position.
The first claim as originally formulated could reasonably have been
deemed a false submission and construed as a grciund advanced to serve
as the basis for the main relief sought: a declaration that the arrest war-
rant was unlawful as constituting a violation of irmunities from criminal

jurisdiction. As a result of the amendment of the Congo's claim, the
question of universal jurisdiction was transfornied from a ground of
claim into a defence for Belgium. Procedurally, however, the Court must
rule on the submissions and the grounds of the cl:iims, and do so regard-
less of the intrinsic iiiterest presented by questions raised in the course of
the proceedings. Given the submissions concerni lg the unlawfulness of
the warrant, it became unnecessary, to my great regret, to address the
second aspect of unlawfulness. One thing is certain: there is no basis for

concluding from the text of the Judgment that thi: Court was indifferent
to the question of universal jurisdiction. That .emains an open legal
issue.
3. The silencemanntained by the Judgment on the question of univer-
sa1jurisdiction places me in an awkward position. Expressing an opinion55 MANDAT D'ARRÊT (DÉCL. RANJEVA)

question est singulière :elle porterait sur des développements hypothé-
tiques alors que le problème est réeltant dans la présente affaire que
compte tenu de l'évolutiondu droit pénalinternational lorsqu'il s'agit de
la prévention et de la répression des crimes odieux et attentatoires aux
droits et a la dignité de l'être humainau regard du droit international.

Aussi la présentedéclaration portera-t-elle sur l'interprétation quela Bel-
gique donne de la compétenceuniverselle.
4. En application de la loi belge du 16juin 1993modifiéele 10février
1999, portant répression des violations graves du droit international
humanitaire, lejuge d'instruction prèsle tribunal de premièreinstance de
Bruxelles a émisun mandat d'arrêtinternational à l'encontre de M. Yero-
dia Ndombasi, alors ministre des affaires étrangèresdu Congo; ilétait
reproché ace dernier des violations graves de règlesde droit humanitaire
ainsi que des crimes contre l'humanité. Aux termes de l'article 7 de ladite
loi, les auteurs de telles infractions ((relèventde la compétencedes juri-
dictions belges, quelles que soient leur nationalité et celle des victimes))
(mandat d'arrêt, par. 3.4). L'intérêd te la présente décision réside dans le
fait aue l'affaire est une véritableavant-~remière.
5. La législationbelge qui institue la compétence universelle in ahsen-

tia Dour les violations uraves du droit international humanitaire a consa-
crél'interprétation la plus extensive de cette compétence.Lesjuridictions
ordinaires belges sont compétentes pour juger lescrimes de guerre, contre
l'humanitéet de génocide, commispar des non-Belges, en dehors du ter-
ritoire belge tandis que le mandat émis à l'encontre de M. Yerodia Ndom-
basi est la première des applications de cette hypothèse extrême.II ne
semble pas que des dispositions législatives en droit positif autorisent
l'exercicede la compétencepénaleen l'absence d'un lien de connexité ter-
ritoriale ou personnelle, actif ou passif. L'innovation de la loi belgeréside
dans la possibilitéde l'exercicede la compétence universelle en l'absence
de tout lien de la Belgique avec l'objet de l'infraction, la personne de
l'auteur présuméde l'infraction ou enfin le territoire pertinent. Mais
après les tragiques événementssurvenus en Yougoslavie et au Rwanda,

plusieurs Etats ont invoqué la compétence universellepour engager des
poursuites contre des auteurs présumésde crimes de droit humanitaire;
cependant, a la différencedu cas de M. Yerodia Ndombasi, les personnes
impliquéesavaient auparavant fait l'objet d'une procédure ou d'un acte
d'arrestation, c'est-à-dire qu'un lien de connexion territoriale existait au
préalable.
6. En droit international, la mêmeconsidération liée au lien de
connexité vatione loci est égalementexigéepour l'exercice de la compé-
tence universelle. La piraterie maritime est l'unique cas classique d'appli-
cation de la compétence universelle selonle droit coutumier. L'article 19
de la convention de Genève du 29 avril 1958 puis l'article 105 de la
convention de Montego Bay 'du 10 décembre 1982disposent que :

'Convention des Nations Unies sur le droit de la mcr

56on the subject would be an unusual exercise, because it would involve
reasoning in the realm of hypothesis, whereas the problem is a real one,
not only in the present case but also in the light oj'developments in inter-
national criminal law aimed at preventing and PLnishing heinous crimes
violating human riglits and dignity under international law. This declara-
tion will accordingly address Belgium's interpretation of universal juris-

diction.
4. Acting pursuanit to the Belgian Law of 16Julie 1993,as amended on
10 February 1999, iconcerning the punishment of serious violations of
international humariitarian law, an investigating judge of the Brussels
Tribunal de première instance issued an international arrest warrant
against Mr. Yerodia Ndombasi, the then Ministei for Foreign Affairs of
the Congo. Mr. Yerodia was accused of serious v'olations of humanitar-

ian law and of crimes against humanity. Under Article 7 of that Law,
perpetrators of such offences are "subject to the jurisdiction of the Bel-
gian courts, irrespective of their nationality or that of the victims" (arrest
warrant, para. 3.4). 'ï'heinterest presented by this decision lies in the fact
that the case is truly one of first impression.
5. The Belgian legislation establishing universal jurisdiction in uhsentiu

for serious violations of international humanitarian law adopted the
broadest possible interpretation of such jurisdicticln. The ordinary courts
of Belgium have bee:ngiven jurisdiction over war crimes, crimes against
humanity and genocide committed by non-Belgiaris outside Belgium, and
the warrant issued against Mr. Yerodia is the firs. instance in which this
radical approach has been applied. There would appear to be no other

legislation which permits the exercise of crimiiial jurisdiction in the
absence of a territorial or personal connecting factor, active or passive.
The innovative nature of the Belgian statute 1i':sin the possibility it
affords for exercising universal jurisdiction in the lbsence of any connec-
tion between Belgiuin and the subject-matter of ihe offence, the alleged
offender or the relevant territory. In the wake ~f the tragic events in
Yugoslavia and Rwanda, several States have invoked universal jurisdic-

tion to prosecute persons suspected of crimes under humanitarian law;
unlike Mr. Yerodia, however, the individuals in question had first been
the subject of some form of proceedings or had 3een arrested; in other
words, there was already a territorial connection.

6. Under international law, the same requirement of a connection
rcrtioneloci again applies to the exercise of universal jurisdiction. Mari-
time piracy affords the sole traditional example where universal jurisdic-
tion exists under customary law. Article 19of the Geneva Convention of
29 April 1958 and Article 105 of the Montego Bay Convention of
1ODecember 1982 ' provide:

' United Nations Convention on tLaw of thSea. «Tout Etat peut, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de
la juridiction d'aucun Etat, saisir un navire ou un aéronefpirate, ou
un navire ou un aéronefcapturé à la suite d'un acte de piraterie et
aux mains de pirates, et appréhender les personnes et saisir les biens
se trouvant à bord. Les tribunaux de 1'Etat qui a opéréla saisie
peuvent se prononcer sur les peines à infliger))

La compétence universelle, en l'occurrence, s'explique enhaute mer par
l'absence de souverainetédéterminéeet le régimede liberté;lajuridiction
de 1'Etatdu pavillon représente ainsinormalement le facteur de garantie
du respect du droit. Mais la piraterie étantdéfiniecomme la répudiation
et la soustraction du pirate de lajuridiction de tout ordre étatique,l'exer-
cice de la compétence universelle permet d'assurer le rétablissement de
l'ordre juridique. C'est donc l'atteinte à l'aménagementinternational de
l'ordre des juridictions des Etats qui explique, dans ce cas particulier, la
consécration de la compétenceuniverselle des tribunaux nationaux char-
gésde juger les pirates et les actes de piraterie. En revanche, la gravité, en

soi, des infractions, n'a pas été considéréceomme suffisante pour établir
la compétenceuniverselle. 11n'y a pas d'autre exemple d'infraction com-
mise en haute mer pour laquelle la compétenceuniverselle a été consacrée
(par exemple :conventions du 18mai 1904et du 4 mai 1910(relatives à la
répression de la traite des Blanches); convention du 30 septembre 1921
(pour la répression de la traite des femmes et des enfants); convention
du 28 juin 1930 (sur le travail forcéou obligatoire) et du 25 juin 1957
(abolissant le travail forcé)).
7. L'évolutiondu droit pénalconventionnel, dans les dernières décen-
nies, s'est orientéevers la consécration de l'obligation de réprimer etun
nouvel aménagement de la compétence des Etats en matière de répres-
sion. Alors que les conventions de droit humanitaire de Genève de 1949

sont sources d'obligations juridiques internationales, elles ne comportent
aucune disposition sur la compétencedes juridictions nationales pour en
assurer sur le plan judiciaire l'effectivité.en était demêmede la conven-
tion de 1948sur le génocide.Il a fallu attendre l'organisation sur le plan
international de ilalutte contre le terrorisme sur les aéronefspour l'adop-
tion de dispositions qui relèvent de l'exercice de la compétence univer-
selle: la consécration du principe aut judicare uut dedere dans le para-
graphe 2 de l'article 4de la convention de La Haye du 16décembre1970,
dans les termes suivants: «Tout Etat contractant prend les mesures
nécessairespour établir sa compétence aux fins de connaître de I'infrac-
tion dans le cas où l'auteur présuméde celle-ci setrouve sur son territoire
et où ledit Etat ne l'extrade pas.»2 On relèvera que la mise en Œuvre du
principe aut judicare aut dedere est conditionnée par l'arrestation effec-

tive au préalablede l'auteur présumé.Cette disposition de 1970a servi de
modèle pour l'extension, dans diverses conventions ultérieures, de la

Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs.

57 PiRREST WARRANT (DECL. RANJI VA) 56

"On the high seas, or in any other place outside the jurisdiction of
any State, every State may seize a pirate ship or aircraft, or a ship or
aircraft taken by piracy and under the control of pirates, and arrest
the persons and seize the property on board. The courts of the State
which carried clut the seizure inay decide upon the penalties to be
imposed . . ."

Universal jurisdiction under those circumstance,; may be explained by
the lack of any predetermined sovereignty over tlie high seas and by the
régime of their freedom; thus, normally, the jurisdiction of the flag

State serves as the mechanism which ensures respect for the law. But
since piracy by defiriition involves the pirate's delial and evasion of the
jurisdiction of any State system, the exercise 01' universal jurisdiction
enables the legal order to be re-established. Thus, in this particular situa-
tion the conferring of universal jurisdiction on national courts to try
pirates and acts of piracy is explained by the harm done to the interna-
tional system of Sitate jurisdiction. The inhercnt seriousness of the

offence itself has, however, not been deemed sufficient per se to estab-
lish universal jurisdiction. Universal jurisdictioii has not been estab-
lished over any other offence committed on tlie high seas (see, for
example: the Conkentions of 18 May 1904 2nd 4 May 1910 (for
the suppression of the white slave traffic); the Convention of 30 Sep-
tember 1921 (for the suppression of the traffic in women and children);

the Conventions of 28 June 1930 (concernin,: forced labour) and
of 25 June 1957 (abolishing forced labour)).
7. There has beeri a movement in treaty-basec criminal law over the
last few decades towards recognition of the obligation to punish and
towards a new svstem of State iurisdiction in ciiminal matters. While
the 1949 Geneva humanitarian law convention2 do give rise to inter-

national legal obligations, they contain no prcvision concerning the
jurisdiction of natiolnal courts to enforce those 3bligations by judicial
means. The same is true of the 1948 Genocide (:onvention. It was not
until an international régimewas established tocombat terrorist attacks
on aircraft that provisions were adopted implying the exercise of
universal jurisdiction: the Hague Convention of 16 December 1970
enshrined the principle uut judicure uut dedere in Article 4, para-

graph 2, as follows: "Each Contracting State shall . ..take such meas-
ures as may be neceijsary to establish its jurisdiction over the offence in
the case where the alleged offender is present in its territory and it does
not extradite him . . ."' It is to be noted that aoplication of the prin-
ciple uut jzldicure aut dedere is conditional or the alleged offender
having first been arrested. This provision dating from 1970 served as a

mode1 for the extension in various subsequent conventions of the crimi-
na1 jurisdiction of national courts through the exercise of universal

Convention for the Suppression of Unlawful Seizure of 'iircraftcompétence pénale des juridictions nationales dans l'exercice de la com-
pétenceuniverselle. Ce développement n'a pas eu pour effet la reconnais-
sance d'une compétence in uhsentiu ou par défaut.
8. L'argumentation belge invoque a son profit non seulement une obli-
gation juridique internationale de réprimerles infractions graves de droit
humanitaire mais également la faculté qui est reconnue de légiférerde

manière discrétionnaire en la matière. Il n'est Das utile de revenir sur le
manque de fondement du premier volet de cette argumentation qui
confond a tort l'obligation de réprimeret son mode opératoire :la reven-
dication de la compétence in rrh.setztiudes juridictions pénalesnationales
en l'absence de clause attributive de compétence.Ainsi l'affirmation de la
Belgique selon laquelle «on sait que la justice belge a le droit de connaître

de violations g"aves du droit international humanitaire mêmesi leur au-
teur présumén'est pas trouvé surle territoire belge))(contre-mémoirede la
Belgique, p. 89, par. 3.3.28) reste une pétition de principe. Les exemples
invoqués à l'appui de cette proposition ne sont pas concluants: sur
cent vingt-cinq législations nationales concernant la répression de crimes
de guerre ou contre l'humanité, seuls cinq Etats ne requièrent pas la

présencesur le territoire pour l'ouverture de poursuites pénales(contre-
mémoire de la Belgique, p. 98-99, par. 3.3.57).
9. Quant à l'étenduede la compétencelégislativenationale, la Belgique
l'a justifiéede la jurisprudence de l'affaire du Lotus:

«Mais il ne s'ensuit Ealaue le droit international défend aun Etat
d'exercer, dans son propre territoire, sajuridiction dans toute affaire
où il s'agit de faits qui se sont passés i l'étranger et où il ne peut
s'appuyer sur une règle permissivedu droit ... Loin de défendred'une

manière généraleaux Etats d'étendre leurs lois et leur juridiction à
des personnes, des biens et des actes hors du territoire, illeur laisse,
à cet égard, une large liberté,qui n'est limitéeque dans quelques cas
par des règles pohibitives; pour les autres cas, chaque Etat reste
libre d'adopter les principes qu'il juge les meilleurs et les plus conve-
nables.)) (C.P.J.I. série A no10, p. 19.)

Et plus loin le mêmearrêt dedire

«tout ce qu'on peut demander a un Etat, c'est de ne pas dépasser les
limites que le droit international trace à sa compétence; ... La terri-
torialité du droit pénal n'est donc pas un principe absolu du droit

international et ne se confond aucunement avec la souveraineté
territoriale. » (Ibid , p. 19-20.)

Sans aucun doute, on peut analyser l'évolution desidées etdes conditions
politiques dans le monde contemporain comme favorable a une atténua-
tion de la conception territorialiste de la compétence et à l'émergence
d'une approche plus fonctionnaliste dans le sens d'un service au profit des
fins supérieurescommunes. Prendre acte de cette tendance ne saurait jus-
tifier l'immolation des principes cardinaux du droit sur l'autel d'une cer-jurisdiction. These legal developments did not ri:sult in the recognition
of jurisdiction in crhsentiu.

8. In support of its argument, Belgium invok1:s not only an interna-
tional legal obligation to punish serious violatioiis of humanitarian law
but also a generally recognized discretion to enact legislation in this area.

It is not worth cominenting further on the lack of merit in the first limb
of this argument, v~hich mistakenly confuses the obligation to punish
with the manner in which it is fulfilled: namelj a claim that national
criminal courts have jurisdiction in czhserztinota.ithstanding the lack of
any provision conferring such jurisdiction. Thus Ilelgium's assertion that
"[als has already be'enaddressed, pursuant to Belgian law, Belgium lias
the right to investigate grave breaches of internat'onal humanitarian law

even when the presumptive perpetrator is not fourid on Belgian territory"
(Counter-Memorial of Belgium, p. 89, para. 3.3.28) begs the question.
The examples cited in support of this propositior are not persuasive: of
the 125 States having national legislation concerr ing punishment of war
crimes and crimes against humanity, only five prwide that the presence
of the accused in their territory is not required for initiating prosecution

(see Counter-Memorial of Belgium, pp. 98-99, para. 3.3.57).
9. Belgium relies on the decision in the "Lotus" case to justify the
scope of national legislative powers:

"It does not, however, follow that international law prohibits a
State from exercising jurisdiction in its own territory, in respect of
anv case which relates to acts which have tak:n dace abroad. and in
which it cannot rely on some permissive rule of international law . . .
Far from layinp:down a general prohibition o the effect that States
may not extend the application of their laws and the jurisdiction of

their courts to persons, property and acts outside their territory, it
leaves them in tlhisrespect a wide measure of tliscretion which is only
limited in certain cases by prohibitive rules; as regards otlier cases,
every State remains free to adopt the principles which it regards as
best and most suitable." (P.C.I.J., Srries A, No. 10, p. 19.)

That same Judgment states further on :

"[AlIl that can be required of a State is thar it should not overstep
the limits which international law places upon its jurisdiction; . . .
The territoriality of criminal law, therefore, is not an absolute prin-
ciple of international law and by no means coincides with territorial
sovereignty." (I,bid., pp. 19-20.)

Doubtless, evolving (opinionand political conditions in the contemporary
world can be seen a:; favouring the retreat from the territory-based con-
ception of jurisdiction and the emergence of a more functional approach
in the service of higher common ends. Acknowleciging such a trend can-

not however justify the sacrifice of cardinal princi sles of law in the name
of a particular kind of modernity. Territoriality as the basis of entitle-taine modernité. Le caractère territorial de la base du titre de compétence

reste encore une des valeurs sûres, le noyau dur du droit international
positif contemporain. L'acceptation doctrinale du principe énoncédans
l'affaire du Lotus, lorsqu'il s'est agi de la lutte contre les crimes interna-
tionaux, ne s'est pas encore traduite par un développement consécutifdu
droit positif en matière de compétence juridictionnelle pénale.
10. Enfin l'argumentation de la Belgique invoque plus particulière-

ment a l'appui de son interprétation de la compétence universelle in
ahsentia le passage suivant du mêmearrêtLotus:
«S'il est vrai que le principe de la territorialité du droit pénal ast
la base de toutes les législations,il n'en est pas moins vrai que toutes

ou presque toutes ces législations étendent leur action à des délits
commis hors du territoire; et cela d'après des systèmes qui changent
d'Etat a Etat.)) (C.P.J.I.série A no 10, p. 20.)

Il est difficile d'induire de cette proposition la consécration de la compé-
tence universelle in ahsentia. Au contraire, la Cour permanente se montre
très prudente; elle restreint sa sphère d'investigation au cas d'espèce qui
est soumis à son examen et recherche des analogies étroites avec des
situations analogues. En fait toute tentative d'y vouloir trouver les bases
d'une compétenceuniverselle in uhsentiu relèvede la spéculation : les faits
de l'espèce se limitaient au problème de la compétence des juridictions

pénalesturques à la suite de l'arrestation du lieutenant Demons dans les
eaux territoriales turques alors que cet officier commandait en second un
navire battant pavillon français.
11. En définitive,la question liéeà la compétence universellein ah.sen-
tiu résidedans la difficulté qui existedans la possibilitéd'une compétence
pénaleextraterritoriale en l'absence de tout lien de rattachement de 1'Etat

qui revendique I'exercicede cette compétence avecle territoire ou les faits
incriminés ont eu lieu, avec l'effectivité de son autorité sur les auteurs
présumésde ces forfaits. Ce problème s'explique par la nature d'un acte
en procédure pénale: iln'a pas un caractère virtuel, il est exécutoire et
requiert, à cette fin, une base matérielle minimale au regard du droit
international. Pour ces raisons, l'interdiction explicite de l'exercice d'une

compétence universelle, au sens où la Belgique l'a interprété,ne constitue
pas une base suffisante.
12. En conclusion, indépendamment de l'ardente obligation de rendre
effective la nécessitéde prévenir et de réprimer les crimes de droit inter-
national humanitaire pour favoriser l'avènement de la paix et de la sécu-
ritéinternationale, et sans qu'il soit, pour autant, indispensable de réprou-
ver la loi belge du 16juin 1993 modifiéele 10 février 1999, il aurait été

difficile, au regard du droit positif contemporain, de ne pas donner droit
à la première conclusion initiale de la République démocratique du
Congo.

(Signé) Raymond RANJEVA. irRREST WARRAN (DECL. RANJI VA) 58

ment to jurisdiction remains a given, the core of contemporary positive
international law. Scholarly acceptance of the principle laid down in the
"Lotus" case in the context of combating international crimes has not yet
found expression ini a consequential development of the positive law

relating to criminal jurisdiction.

10. Finally, Belgium places particular relia~ice on the following
passage from the "'Lotu.r" Judgment in suppoit of its interpretation
of universal jurisdict.ion in absentiu:

"Though it is true that in al1 systems of liw the principle of the
territorial character of criminal law is fundaniental, it is equally true
that al1 or nearly al1 these systems of law extend their action to
offences committed outside the territory of he State which adopts

them, and they do so in ways which Vary from State to State."
(P.C. I.J.,Serie:; A, No. 10, p. 20).
It cannot reasonably be inferred that this proposition establishes univer-

sa1jurisdiction in ubsentiu. To the contrary, the Permanent Court mani-
fested great caution; it limited its realm of investigation to the case before
it and sought close similarities with analogous sit~ations. Any attempt to
read into this the bases of universal jurisdiction LI absentiu is mere con-
jecture: the facts of the case were confined to tf~eissue of the Turkish

criminal courts' jurisdiction as a result of the arrejt in Turkish territorial
waters of Lieutenant Demons, the second-in-command of a vesse1flying
the French flag.

11. In sum, the issue of universal jurisdiction in absentiu arises from

the problem created by the possibility of extraterritorial criminal jurisdic-
tion in the absence of any connection between the State claiming such
jurisdiction and the territory in which the alleged offences took place -
of any effective authority of that State over the suspected offenders. This
problem stems from the nature of an instrument of criminal process: it is
not a mere abstraction; it is enforceable, and, as such, requires a mini-

mum material basis under international law. It follows that an explicit
prohibition on the exercise, as construed by Belg um, of universal juris-
diction does not represent a sufficient basis.

12. In conclusion, notwithstanding the deep-se2ted sense of obligation

to give effect to the requirement to prevent antl punish crimes under
international humanitarian law in order to promote peace and interna-
tional security, and without there being any o~erriding consequential
need to condemn the Belgian Law of 16 June 1993, as amended on
10 February 1999. it would have been difficult untler contemporary posi-

tive law not to uphold the Democratic Republic of the Congo's original
first submission.

(Signed) Raymond RANJEVA.

Document file FR
Document Long Title

Déclaration de M. Ranjeva, juge

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