Opinion dissidente de M. Oda, juge (traduction)

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121-20020214-JUD-01-02-EN
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121-20020214-JUD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

(Traduction]

It1comp~;teizcede lu (Our - Absence de ciiffirend d'ordrejuridique uu sens de
I'articl~36, parcrgrt~pph2 e, d~rStatut -- Seule convict'otz du Congo que la loi
belge i~ioluitle tlroit internutionul n'uttestant pus. ni ce prouvunt, qu'un d;fyé-
rentl r.uistuit entre le ('ongo et lu Belgique - Requit,, introrluctive d'instance

n'indiqucintpas les moyens de droit quifoncieraient la cwnpétenceU'Ll'u Cour ni
l'objet (lu c/ifi;rc,-t/(Congon'invoquant tiucun t/on?rn,igeou prt?judiceque lui-
mêtneou M. Yerodiu luuruient .subi.sou pourruient su~~ire.uceptéun préjudice
morul- Tran.~formutionpur le Congo (le l'objet de lrin.stance- Princip selon
lequel un Etut ne peut euercer son autorité Iîors de sor territoire - Jurisprir-
dence natiotiale, droit c.onvpntionne1et doctrine concervunt la compétence uni-
verselle- Iticclpacitéd'un Etat d'urrêterun individu Ilors de .sonterritoire -
Mcrndutd'arrct seul non directement contraignant pour les uutorité.cétrangères
- Etl~issionet d(fJusion internutionale du mmandutd'arrGtn'ayant uzrcutzimpact

jurirliqu~..sItdc,tnatl(i~d~'t~rrrstutionn'estpas iulidéep,7rI'Etat de réception -
himut~iti d'un mini.rtrc:des ufirire.~ PtrtingPreset qutstioii de .scrvoirsi cette
immuniti peut êtreinvoquéeen cas de violations gruvc,.sdu droit internutional
humcrnitube -- 0b.servations finales.

1. J'ai votécontre toutes les dispositions du dispositif de l'arrêt.Mes
objections ne visent pas les diverses dispositions prises individuellement
puisque je suis incapable d'appuyer aucun aspect de la position que la
Cour a prise lorsqu'elle a étésaisie de l'affaire par le Congo.

Je suis fermement convaincu que la Cour aurait dû d'office se décla-
rer incompétente pour connaître de la requêtedu Congo en date du
17 octobre 2000 parce qu'a cette date il n'existait entre le Congo et la
Belgique, aucun dgf'6rend d'ordre juridique au seni; de l'article 36, para-

graphe 2. du Statut, une conviction que ;'ai déjâexpriméedans ma décla-
ration jointe à l'ordorinance rendue par la Cour le 8 décembre2000 sur la
demande en indicatioin de mesures conservatoires. Je réitère monopinion
selon laquelle la Cour aurait dû rejeter la requêtedéposéepar le Congo

le 17 octobre 2000 parce qu'elle n'étaitpas compéiente.
Selon moi, l'affaire. aurait dû êtrerayéedu rôle généralau stade des
mesures conserva toi ri:^. Si, dans l'ordonnance du 8 décembre 2000, j'ai
voté pour que l'affaire ne soit pu,s rayée du rôle ,;énéral,je ne l'ai fait
qu'avec réticence et ~rniquernentpar esprit de solidxité judiciaire)) (Mun-

clut tl'iirrr^t(l1 I trvril2000 (Rkpublique &nzocrur;que du Congo c. Brl-
gique), tnesures ~orz~servutoires, or~lonnance du 8 decernbre 2000,
C.I.J. Recueil 2000, p. 205, par. 6, déclaration de M. Oda). Je regrette
maintenant ce vote. 2. Il me paraît m,alheureux que la Cour, aprè.; avoir jugé qu'«elle a
compétence pour connaître de la requête))et que :<larequête ...est rece-
vable» (arrêt, par. 78 l) B) et D)). parvient rapidement à certaines
conclusions concerna~nt((l'immunitéde juridiction pénaleet l'inviolabilité
dont le ministre des affaires étrangères en exercict ... du Congo jouissait
en vertu du droit international)) relativement à ((l'émission,à l'encontre

de [M. Yerodia], du mandat d'arrêt du 11avril 20(10»et ((sa diffusion sur
le plan international))(arrêt,par. 78,2)).

3. Pour commencer, la requêtedu Congo ne fournit aucune base dont
on puisse déduire que le Congo a jamais penséqu'un dijférend existait
entre lui et la Belgique au sujet du mandat d'arrêt:mis par un juge d'ins-
truction belge le11 avril 2000 à l'encontre deM. 'i'erodia, le ministre des
affaires étrangères du Congo. Le mot ((différend» n'apparaît dans la
requêteque tout iila fin, sous la rubriqu«V. Rec:vabilité de la présente
requête)),dans laquelle le Congo déclare:

«Quant à l'existence d'un tl'iff(.rcnclsur cctte question [à savoir
celle que la Cour est appeléeà trancher], elle est établied'embléepar
le fait que la contrariété au droit internatio ial de la loi de 1'Etat

belge sur laquelle le juge d'instruction fonde son mandat est l'objet
mêmedes moyeins de droit que [le Congo] solimet iila Cour.)) (Les
italiques sont de moi.)

Sans donner d'autre explication quant au diffénvzd allégué,le Congo
affirmait simplement que la loi belge de 1993, telle qu'amendée en 1999,
relative à la répression des violations graves du droit humanitaire. était
contraire au droit international.
4. La seule convici:ion du Congo que la loi belge violait le droit inter-
national n'atteste pas, et prouve encore moins, qu'un thff'ferendexistait
entre le Congo et la Eielgique.Elle démontre au mic:uxque le Congo avait

une opinion juridique différente, qui s'opposait à l'action de la Belgique.
Il est clair que le Congo ne pensait pas qu'il saisi:;sait la Cour d'un diJl
.fi;rrnd. Le Congo. de plus, n'a jamais pensé qu'ils'agissait d'un cl~ff24r'rnd
cl'oru'rejuriciique, dont l'existence, aux termes du paragraphe 2 de
l'article 36 du Statut de la Cour. est une condition de l'introduction
d'une requête unilatéi-aledevant la Cour. La seule opposition du Congo à
la loi belge etiicertains actes accomplis par la Belgique en application de

celle-ci ne peut êtreconsidéréecomme un cliJj/éretzn di un cl!ff$rei~cdl'or-cire
,juricliclueentre le Congo et la Belgique. En fait, un tel difYZrendd'ordre
jurici'iquen'existait pas en l'espèce.
Je trouve étrange que la Cour n'aborde pas ce point dans son arrêt;
elle se contente en efkt de déclarerdans le premier paragraphe de sa déci-
sion que «le Congo ... a déposéau Greffe de la C3ur une requêteintro-duisant une instance contre ... [la] Belgique ail sujet d'un dxférend
concernant un ((mandat d'arrêtinternational ..» (arrêt, par. 1,les ita-
liques sont de moi) et vise «un dijfzrend d'ordrejuridiqup [entre le Congo
et la Belgique] quant à la licéitéau regard du droit international du man-
dat d'arrêtdu 11 avril2000 et auant aux conséauences à tirer d'une éven-
tuelle illicéitéde ce mandat» (arrêt,par. 27,les taliques sont de moi).

Une fois encore, le Congo a bien, dans sa requête, mentionnéun drffé-
rend mais uniquemerit relativement iila recevabi1i.éde sa requête,et non
«[p]our fonder la compétence de la Cour)). comme la Cour l'affirme erro-
nément au paragraphe 1 de son arrêt.
5. Si l'articl40 d1.1Statut de la Cour n'exige pas de 1'Etat demandeur
qu'il expose «les moyens de droit sur lesquels [il]prétend fonder la com-
pétencede la Cour)), I'article 38, paragraphe 2, du Règlement de la Cour
le fait, et le Congo n'a pas exposéces moyens dans sa requête.De plus, le

Congo n'a pas indiqué «l'objet d~idifférend)).ce que I'article 40 du Sta-
tut l'obligeait à faire.
Dans sa requête, le Congo mentionne seulenient des «Moyens de
droit» (section 1) et un «Exposé des moyens sur lesquels repose la
demande» (section IV). Dans ces sections de la requête, le Congo, sans
évoquerle fondemeni: de la compétenceni l'objet dii différend,se contente
de mentionner la (([vliolation du principe selon I:quel un Etat ne peut

exercer [son autorité] sur le territoire d'un autre Etat et du principe de
l'égalitésouveraine)) et la «[v]iolation de I'immuniiédiplomatique du mi-
nistre des affaires étrangères d'un Etat souverain >:.
6. Le Congo affirme que, premièrement, la Ici belge de 1993, telle
qu'amendée en 1999..viole les deux principes susinentionnés et, deuxiè-
mement, qu'en engageant l'action pénalecontre M Yerodia, ministre des
affaires étrangèresdu Congo, la Belgique viole l'immunité diplomatique

que le droit international accorde aux ministres <lesaffaires étrangères.
Le Congo ne dit pus que le Congo ou M. Yerodia lui-mêmeont subi ou
subiront un quelconque dommage ou préjudice, excepté uncertain pré-
judice moral; c'est-à-dire, au pire, queM. Yerodia aurait pu penser qu'il
était sage de renonc~crà se rendre dans des pays étrangers de crainte
d'êtrearrêté parles Istats en question en applicat on du mandat d'arrêt
délivrépar le juge d'instruction belge (cette crainte n'étant pas fondée).
Ainsi, comme on l'a déjànoté, le Congo n'a pas demandé à la Cour de

trancher un difi5rcna'd'ordre juridique.qui l'aurait opposé iila Belgique
mais bien de rendre uin uvisjuridi~juesur la licéité(le la loi belge de 1993,
telle qu'amendéeen 1999,et des actes accomplis en application de celle-ci.
7. Je crains que les conclusions par lesquelles a Cour a jugé que la
présente affaire impliquait un diflZrend d'ordrejur.idique entre le Congo
et la Belgique au sens de I'article 36, paragraphe :!, du Statut (ces ques-
tions étant les seules qui peuvent êtresoumises à la Cour) et s'est déclarée

compétente en l'espècene finissent par amener un nombre excessif d'af-
faires de cette nature à être portées devantla Cour même en l'absence
de préjudiceréel,simplement parce qu'un Etat estimera qu'un autre Etat a
agi contrairement au droit international.Je crains égalementque de nom- MANDAT D'ARRÊT (OP.DISS.OD~) 49

breux Etats ne retirent alors leur reconnaissance de la juridiction obliga-
toire de la Cour afin d'éviter d'être victimedse cet e distorsion des règles

régissant sa saisine. (VoirMandur d'arrêt dzi1I I,vril 2000 (République
di.mocratiyue du Congo c. Belgiqur), mesures cons~vatoires, or don nunc^
du 8 décembre2000, C.IJ. Recueil 2000. p. 204, dt*claration deM. Oda.)
Cette interprétation «large» de la juridiction clbligatoire de la Cour
décevra les attentes d'un certain nombre de nations respectueuses du
droit. Je tiensiisouligner que la compétence de la Cour repose, en prin-

cipe, sur le consenterrient des Etats souverains qui sollicitent un règlement
judiciaire par la Couir.

II.TRANSFORMATI OAR LE CONGO DE L'OBJ :T DU DIFFÉREND

8. En réaffirmant rna conviction selon laquelle12 requêteque le Congo
a déposée unilatéralementdevant la Cour ne pouvait normalement yfaire
l'objet d'une procédure contentieuse, je souhaitei.ais évoquer quelques
autres points dont j'estime qu'ils sont cruciaux pour comprendre l'essence
de cette instance inappropriée, injustifiéeet, si je puis me permettre, mal
jugée. 11convient premièrement de noter que, entre le moment où il a

déposésa requête,le 17octobre 2000. et celui oùil déposé son mémoire,
le 15mai 7001, le Corigo a reformuléles questions :n litige, transformant
ce faisant l'objet fonclamental de l'affaire.
Le Congo affirmait dans sa requête: i) que la loi belge de 1993, telle
qu'amendée en 1999, violait le ((principequ'un Et; t ne peut exercer [son

autorité] sur le territoire d'un autretat?) et le <<Prncipe de l'égalitésou-
veraine?)et ii) que l'exercice par la Belgique de sa compétence pénaleà
l'égardde M. Yerodia, alors ministre des affaires étrangèresdu Congo,
violait l'<<immunitédiplomatique du ministre des a -faires étrangèresd'un
Etat souverain)). Les violations alléguéesdes deilx premiers principes
concernent la question de la ((compétence univt:rselle», qui demeure

controversée au sein idela communauté internatioiiale des juristes, alors
que le dernier argument ne concerne que l1«irnr1unitédiplomatique))
dont jouit un ministre des affaires étrangères en exercice.
9. Le Congo a moclifiéses prétentions dans son rlémoire, présenté plu-
sieurs mois plus tard, déclarant que:

«en émettant et en diffusant au plan international le mandat d'arrêt

du 11avril 2000 contre [M. Ycrodia], la Belgicue a commis une vio-
lation vis-a-vis de la RDC de la règle de droit international coutu-
mier concernant l'inviolabilitéabsolue et I'imtrunitéde lajuridiction
pénale desministres des affaires étrangèresen t*xercice»(mémoirede
la République démocratique du Congo en date du 15 mai 2001,
p. 64).

Accuser et arrêterun suspect sont à l'évidence desa:tes relevant de I'exer-

cice de la compétence pénaled'un Etat. Les questicms initialement soule-vées - iisavoir si uin Etat a une compétenceextraterritoriale s'agissant
des infractions constiituant des violations graves di1droit humanitaire où

qu'elles soient comniises et quels qu'en soient les auteurs (en d'autres
termes, la question de la compétence universelle; et si un ministre des
affaires étrangères est exempt de cette juridictio i (en d'autres termes,
la question de l'immunité diplomatique) - on8: ététransformées en
questions concernani: l'«émission et la diffusion ;lu plan international))

d'un mandat d'arrêt contre un ministre des aff.iires étrangères et les
immunités des ministres des affaires étrangèresen exercice.
Ily a à l'évidenceun changement d'objet, qui snrt du droit «de déve-
lopper plus avant les moyens de sa requête)),que le Congo s'est réservé
dans sa requêtedu 17 octobre 2000.
10. Pourquoi la Belgique n'a pas d'embléesou11:vé des exceptions pré-

liminaires a la compé,tencede la Cour demeure polir moi un mystère. Au
lieu de cela, la Belgique a admis dans son contre-mémoire qu'un diffé-
rend susceptible d'êtreréglé judiciairement par la Cour opposait les deux
Etats au moment où l'instance a étéintroduite, et lue la Cour étaitalors
saisie de l'affaire,omme la Cour lejuge elle-même(arrêt,par. 27-28). La

Belgique considérait-ellecette affaire comme impliquant une requêteuni-
latérale et la reconnaissance ultérieure par le défendeur de la compétence
de la Cour, une situation dont on trouve des exen~plesdans l'histoire de
cette dernière?
La Belgique semble avoir considéréque, dès lors que M. Yerodia avait

cesséd'être ministre des affairesétrangères,un différend existaitleconcer-
nant en sa qualité d'ancien ministre des affaires étrangères,et elle arguait
que la Cour n'étaitpas compétente dans ces circoristances. Ainsi, la Bel-
gique semble aussi substituer aux questionsqui se posaient a la date de la
requêtedu Congo celles qui se sont poséesultérieurement. Il semblerait
que la Belgique n'ait pas contesté la compétence dc la Cour dans l'affaire

initiale mais ne se soit préoccupéede la recevabilitéde la requêteou de ce
que la demande fût devenue sans objet que lorsque M. Yerodia n'exerçait
plus ses fonctions di: ministre des affaires étransères (voir les quatre
exceptions préliminaires que la Belgique a soule.iées dans son contre-
mémoire et qui sont (examinéesdans l'arrêt,par. 23, 29, 33 et 37).

A cet égard,je partage l'opinion de la Cour (en ri servant, bien entendu,
ma position selon laquelle il n'existait pas de diJjc,;rend),à savoir que le
dijjzrend allégué estcelui qui existait en octobre 2100 (arrêt, par. 38) et,
bien que j'aie votécontre le paragraphe 78 1) A) de l'arrêtpour les rai-
sons exposéesau paragraphe l de mon opinion, je rejette avec la Cour les

exceptions de la Belgique concernant «la compétl:nce, le non-lieu et la
recevabilité))pour ce qui est du dqférend alléguédont la Belgique croyait
qu'il existait après quie M. Yerodia eut quitté ses fonctions.
Assurément, la question de savoir si un arzcier ministre des affaires
étrangèresa droit aux mêmesprivilèges et immunités qu'un ministre des
affaires étrangères en.e.uer-cicrpeut très bien êtreune question d'ordre

juridique, mais elle n'est pas régulièrementl'objet (le la présente instance
introduite par le Congo en octobre 2000. III.LA PRÉSENTI AFFAIRE SOULÈVE-T-EL LES QUESTIONS D'ORDRE
JURIDIQUE SUR LECSQUELLESLE CONGO ET LA BELGIQU EVAIENT DES

OPINIONS CONTRADICTOIRES ?

Il. Mettant de côté pour le moment mon opinion selon laquelle il
n'existait pas entre le Congo et la Belgique de diifZrend d'ordre juridique
susceptible d'êtrerégléjudiciairement par la Cour au regard de son Sta-
tut, et selon laquelle le Congo semble simplement avoir demandé à la

Cour de rendre un aivis,je note que je ne comprem~dspas l'intention et le
but qui étaient ceux du Congo lorsqu'il a introduit sa requête devant la
Cour en octobre 20ClO alors queM. Yerodia occu1)aitle poste de ministre
des affaires étrangères.
Dans sa requêted'octobre 2000, le Congo demandait si la loi belge

de 1993, telle qu'amendée en 1999. pour la répression des violations
graves du droit humanitaire était en elle-mêmecmtraire au principe de
l'égalitésouveraine en droit international (voir requête de la République
démocratique du Colngo en date du 17octobre 2C100s ,ection TI 1Exposé
des faits,A). Pourtant il semble que le Congo kit abandonné ce point

dans son mémoire de mai 2001, comme la Cour l'admet (arrêt, par. 45),
et ne l'ait jamais abordé durant la procédure orale.
12.Un des principes fondamentaux du droit iriternational veut qu'un
Etat ne puisse exercer sa juridiction hors de son territoire. Toutefois, les
quelques décenniespasséesont vu un accroissemtnt progressif de I'éten-
due de lajuridiction s'agissant de prescrire le droit. Sur la base établiepar

la Cour permanente dans sa décision rendue en 1927 dans l'affaire du
Lotus, la portéede la compétencepénaleextraterr toriale s'est étendueau
cours des décennies passéesà des criines tels que la piraterie, le détour-
nement d'aéronefs, etc. La compétence universeile est de plus en plus
reconnue en cas de terrorisme ou de génocide.On sait que la Belgique est

à l'avant-garde dans ce domaine et peut-être sa1c.ide 1993 (qui rendrait
M. Yerodia passible d'une peine pour les crimes contre le droit humani-
taire qu'il pourrait avoir commis hors de Belgiqu~:)est-elle l'avant-garde
d'une tendance. Il existe une jurisprudence natioiiale et des dispositions
de droit conventionriel qui en attestent.
Des publicistes du tnonde entier ont abondamment débattu de la ques-

tion. Certaines des opinions jointes au présent arrêt donnent également
des indications à cet égard. J'estime toutefois que la Cour s'est montrée
sage en s'abstenant ideprendre une position défiritive, car le droit n'est
pas suffisamment développéet, en fait, il n'est pas demandéà la Cour de
statuer sur ce point idans la présente espèce.

13.Il est clair qu'un Etat ne peut arrêterun individu hors de son ter-
ritoire et l'amener cle force devant ses tribunau:: pour le jugerA cet
égard, ilest nécessaired'examiner l'effet d'un ma~idat d'arrêtdélivrépar
une autorité étatique à l'encontre d'un individu qui est soumis à la juri-
diction de cet Etat sqagissant de dire le droit.
Le mandat d'arrêt est un document officiel délivrépar l'autoritéjudi-

ciaire de I'Etat qui habilite les autorités de poaiutiliser la force pour MANDAT D'ARRET (OP.DISS.01)~) 52

arrêterl'individu concerné. En lui-même,néanmoins, le mandat n'est pas
directement contraignant pour des autorités étrangères, qui ne font pas

partie du mécanisme d'application de la loi de 1'Etat qui l'a délivré.
L'individu peut êtrearrêté à l'étranger (c'est-à-dire hors du territoire de
1'Etatqui a délivréle mandat) uniquement par les autorités de 1'Etatdans
lequel il est présent, puisque c'est cet Etat qui a j midiction exclusive sur
ce territoire. Ces autorités arrêteront l'individu recherchépar I'Etat qui a
émisle mandat uniquement si I'Etat requis est ten .Ide le faire en applica-

tion d'arrangements internationaux conclus ave: 1'Etat qui a émis le
mandat. Interpol est seulement une organisation qsii transmet la demande
d'arrestation d'un Etat a un autre; elle n'a pas de pouvoirs d'exécution
. .Dres.
IIconvient de souligner que la délivrance d'un mandat d'arrêtpar un
Etat et sa diffusion internationale par Interpol n'oit aucun effetjuridique

si la demande d'arrestation n'est pas validéepar 1'Etat qui la reçoit. Le
Congo semble n'avoir pas saisi que le simple fait d'émettreet de diffuser
au plan international un mandat d'arrêt n'a guèred'importance. On peut
mêmese demander si la Cour elle-mêmel'a bien compris, en particulier
pour ce qui est de l'effet juridique d'un mandat. Le point crucial à cet
égard rz'estpas l'émission ou la diffusion internationale d'un mandat

d'arrêtmais la réaction de 1'Etat qui reçoit ce mandat.
14. L'immunité diplomatique est l'immunité dont jouit un individu
ayant le statut de diplomate à l'égard de l'exercice de la juridiction
d'autres Etats que cirlui dont il est le national.Li question de savoir si
M. Yerodia, en sa qualité de ministre des affaire: étrangèresdu Congo,
aurait dû êtreexempt en 2000 de l'exercice par la Belgique de sa juridic-

tion pénale en upplicution de lu loi belge de 1993, telle qu'utîiencli 'e eJ'i
1999, est double. Premièrement, il s'agit de savoir si en principe un mi-
nistre des affaires étrangères, poste que M. Yerodia occupait en 2000,
a droit à la mêmeimmunitéque les agents diplomatiques. Ni la convention
de Vienne de 1961sur les relations diplomatiques ri aucune autre conven-
tion ne définit les privilèges des ministres des aj'faires étrangères et la

réponse à cette question n'est peut-être pas claire en droit international
coutumier. L'arrêt n'aborde cette question que soiis la forme d'une expli-
cation didactique, aux paragraphes 5 1a 55. Je n'a; pas d'autres commen-
taires à faire sur ce point.
L'aspect le plus important est le second: I'irnmunité diplomatique
peut-elle aussi être invoquéeen cas de violations graves du droit huma-

nitaire - pour lesquelles nombreux sont ceux qi i défendent l'existence
d'une compétence universelle et qui font l'objet de la loi belge de 1993,
telle qu'amendée en 1999 - et, en outre, un ministre des affaires étran-
gères a-t-il droit à cet égard à une immunité plu! étendue que celle des
agents diplomatique:, ordinaires? Ces questions scnt trop nouvelles pour
qu'on puisse y donni:r une réponse catégorique.

La Cour, après avoir cité plusieurs incidents récentssurvenus dans des
pays européens, semlbleconclure que les ministres des affaires étrangères
jouissent d'une immunité absolue (arrêt,par. 56-01). On peut raisonna- MANDAT D'ARKET (OP. DISS. OLIA) 53

blement demander s'ilétaitnécessaireou souhaitat~leque la Cour s'engage
sur cette question, qui demeure hautement hypot iétique puisque la Bel-
gique n'a pas exercésa compétence pénale a l'égardde M. Yerodia en
application de la loi belge de 1993, telle qu'amendee en 1999,et qu'aucun

Etat tiers n'a encore donné suite à l'affirmation par la Belgique de sa
compétence universelle.

IV. OBSERVATIO NISALES

15. J'estime que l'injonction de la Cour qui figiire au paragraphe 3 du
dispositif de son arrêt,et qui dans la logique de la Cour semble êtrela
conséquence de la conclusion figurant au paragraphe 2, n'a guèrede sens
(arrêt,par. 78).Puisque la Cour conclut que la violation du droit inter-
national s'est produite en 2000 et qu'elle semble y'enserque rien en 2002

n'empêche la Belgique d'émettre un nouveau inandat d'arrêt contre
M. Yerodia, cette fois, en sa qualité d'ancien ministre des affaires étran-
gèreset non de ministre des affaires étrangèresen exerciceiln'y a guère
d'intérêt pratiqueA ordonner A la Belgique d'annuler le mandat d'arrêt
d'avril 2000. Si la Cour estime que la dignité souv:raine du Congo est en
cause et que cette dignité atévioléeen 2000, ce qui à l'époque a causé

un préjudice au Congo, le dommage ainsi causé ne peut être réparé en
annulant le mandat d'arrêt; le seul remède serait une excuse de la Bel-
gique. Mais je ne pense pas que la Belgique ait causé un préjudice au
Congo parce qu'aucune mesure n'a jamais étépris':contre M. Yerodia en
exécutiondu mandai:. De plus, la Belgique n'était pas tenue de fournir au
Congo des assurances selon lesquelles l'immunité(lejuridiction pénale du

ministre des affaires étrangères en exercice serait respectéesous l'empire
de la loi belge de 1993, telle qu'amendée en 1999 mais telle n'est pas la
question en l'espèce.
16. En conclusion, j'estime que la présenteaffa-re non seulement ne se
prête pas à êtrejugée actuellement mais est aussi fondamentalement
inapte à êtreexaminéepar la Cour. Il n'y a mêmepas d'accord entre le

Congo et la Belgiqu'esur les questions en litige dans la présente espèce.
Les questions potenitiellement importantes (la validité de la compétence
universelle, la portée généralede l'immunitédiplomatique) ont ététrans-
forméesen une question simple, celle de 1'émissic.net la diffusion inter-
nationale d'un mandat d'arrêt entant qu'elles affectent l'immunité diplo-

matique. Il est de Fait malheureux que la Cour ait choisi de traiter
cette question comme une affaire contentieuse se prêtanta un règlement
judiciaire.

(Signé) Shigeru ODA.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE ODA

Lack ofjurisdiction of'the Court - Absence of'u legal dispute 117ithithepur-
view of Article 36, paragraph 2, qf'the Sratutr - Mere hclief of the Congo that
the Belgiun LUIVviolated irîternationul IUIInot c,videnceor pro(?f'thcita dispute
e.ui.stedhetkiwn it and Belgiunî Failure of'the Application irîstituting pro-
ceedings to specifiv the legul gro~1nd.sporlit3hicl1thejurisdictiorîof the Court is

stiid to he hused or to indicare the suhject of the dipzrtc- Failurc.of'the Congo
ro cite anjl dclrnageor irîjury kihich the Congo or Mr. Yerodiu has su~fLeredor
will sulfLere.xceptfor sonie tnoral injury - Chungir7g of' the suhject-mutter qf'
the proceedings hl! the Congo - Principle tlzuttrStatr cunnot eserc.isc'itsjuris-
diction outsidc~ifs territory Ntltionul cusc Iutv, treaty-rnade Iuit~antf Iegal
ii<ritingin respect uf'the is.sur(~f'ur~ivcr.sal,ju -riInsuhilfj~(?/'aState to
tlrrest un individual outside it.rterritory- Arrest iixrirrantnot directly hinding
ii,ithout nlore onfireign uutlzoritie.-- Is,sutincc.unrlinternational circ~llutioncf'
urrest itvurranthuiling no legal iinpuct urz1cs.surrrst request validc~tedhy the

rereiving Statr - Question of the inzrnunify of u MirzisterJiir Foreign Affiirs
and of whetlicr it cun he clrimc~din conneetion it.ith serious hreaclies uf'inter-
nutionul hurnanituricinlu~i, - Conc~ludingrenîurks.

1. 1 voted against al1provisions of the operative part of the Judgment.
My objections are not directed individually at the various provisions
since 1 am unable to support any aspect of the position the Court has
taken in dealing with the presentation of this case by the Congo.
It is my firm belief that the Court should have declared es officio that

it lacked jurisdiction to entertain the Congo's Application of 17 Octo-
ber 2000 for the reason that there was, at that date, no Irgul dispute
between the Congo and Belgium falling within the purview of Article 36,
paragraph 2, of the Statute, a belief already expressed in my declaration

appended to the Court's Order of 8 December 2000 concerning the
request for the indication of provisional measures. 1 reiterate my view
that the Court should have dismissed the Application submitted by the
Congo on 17 October 2000 for lack of jurisdiction.

My opinion was that the case should have been removed from the
General List at the provisional measures stage. In the Order of 8 Decem-
ber 2000, however, 1voted in favour of the holding that the case should
not be removed from the General List but did so reluctantly "only from

a sense of judicial solidarity" (Arrest Wurrunt of 11 April2000 (Den~o-
cratic Rrpuhlic of the Congo v. Belgiilm), Pro vision~ilme usure.^,Order of
8 Drcenzher 2000, 1. C.J. R~~port~2000, p. 205, para. 6, declaration of
Judge Oda). 1now regret that vote. OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

(Traduction]

It1comp~;teizcede lu (Our - Absence de ciiffirend d'ordrejuridique uu sens de
I'articl~36, parcrgrt~pph2 e, d~rStatut -- Seule convict'otz du Congo que la loi
belge i~ioluitle tlroit internutionul n'uttestant pus. ni ce prouvunt, qu'un d;fyé-
rentl r.uistuit entre le ('ongo et lu Belgique - Requit,, introrluctive d'instance

n'indiqucintpas les moyens de droit quifoncieraient la cwnpétenceU'Ll'u Cour ni
l'objet (lu c/ifi;rc,-t/(Congon'invoquant tiucun t/on?rn,igeou prt?judiceque lui-
mêtneou M. Yerodiu luuruient .subi.sou pourruient su~~ire.uceptéun préjudice
morul- Tran.~formutionpur le Congo (le l'objet de lrin.stance- Princip selon
lequel un Etut ne peut euercer son autorité Iîors de sor territoire - Jurisprir-
dence natiotiale, droit c.onvpntionne1et doctrine concervunt la compétence uni-
verselle- Iticclpacitéd'un Etat d'urrêterun individu Ilors de .sonterritoire -
Mcrndutd'arrct seul non directement contraignant pour les uutorité.cétrangères
- Etl~issionet d(fJusion internutionale du mmandutd'arrGtn'ayant uzrcutzimpact

jurirliqu~..sItdc,tnatl(i~d~'t~rrrstutionn'estpas iulidéep,7rI'Etat de réception -
himut~iti d'un mini.rtrc:des ufirire.~ PtrtingPreset qutstioii de .scrvoirsi cette
immuniti peut êtreinvoquéeen cas de violations gruvc,.sdu droit internutional
humcrnitube -- 0b.servations finales.

1. J'ai votécontre toutes les dispositions du dispositif de l'arrêt.Mes
objections ne visent pas les diverses dispositions prises individuellement
puisque je suis incapable d'appuyer aucun aspect de la position que la
Cour a prise lorsqu'elle a étésaisie de l'affaire par le Congo.

Je suis fermement convaincu que la Cour aurait dû d'office se décla-
rer incompétente pour connaître de la requêtedu Congo en date du
17 octobre 2000 parce qu'a cette date il n'existait entre le Congo et la
Belgique, aucun dgf'6rend d'ordre juridique au seni; de l'article 36, para-

graphe 2. du Statut, une conviction que ;'ai déjâexpriméedans ma décla-
ration jointe à l'ordorinance rendue par la Cour le 8 décembre2000 sur la
demande en indicatioin de mesures conservatoires. Je réitère monopinion
selon laquelle la Cour aurait dû rejeter la requêtedéposéepar le Congo

le 17 octobre 2000 parce qu'elle n'étaitpas compéiente.
Selon moi, l'affaire. aurait dû êtrerayéedu rôle généralau stade des
mesures conserva toi ri:^. Si, dans l'ordonnance du 8 décembre 2000, j'ai
voté pour que l'affaire ne soit pu,s rayée du rôle ,;énéral,je ne l'ai fait
qu'avec réticence et ~rniquernentpar esprit de solidxité judiciaire)) (Mun-

clut tl'iirrr^t(l1 I trvril2000 (Rkpublique &nzocrur;que du Congo c. Brl-
gique), tnesures ~orz~servutoires, or~lonnance du 8 decernbre 2000,
C.I.J. Recueil 2000, p. 205, par. 6, déclaration de M. Oda). Je regrette
maintenant ce vote. 2. It strikes me as unfortunate that the Court,after finding that "it has
jurisdiction to entertain the Application" and that "the Application . ..is
admissible" (Judgment, para. 78 (1) (B) and (D)), quickly comes to cer-
tain conclusions concerning "the immunity froin criminal jurisdiction
and the inviolability which the incumbent Minister for Foreign Affairs of

[the Congo] enjoyed under international law" in connection with "the
issue against [Mr. Yerodia] of the arrest warrant of 11 April 2000" and
"its international circulation" (Judgment, para. 78 (2)).

3. To begin with, the Congo's Application provides no basis on which
to infer that the Congo ever thought that a dispute existed between it and
Belgium regarding the arrest warrant issued by a Belgian investigating
judge on 11 April 2000 against Mr. Yerodia, the Minister for Foreign
Affairs of the Congo. The word "dispute" appears in the Application

only at its very end, under the heading "V. Admissibility of the Present
Application", in which the Congo stated that:
"As to the existence of a dispute on that question [namely, the

question that the Court is called upon to decide], this is established
ah initio by the very fact that it is the non-conformity with interna-
tional law of the Law of the Belgian State on which the investigating
judge founds his warrant which is the subject of the legal grounds
which [the Congo] has submitted to the Court." (Emphasis added.)

Without giving any further explanation as to the alleged dispute, the
Congo simply asserted that Belgium's 1993 Law, as amended in 1999,
concerning the Punishment of Serious Violations of International
Humanitarian Law contravened international law.

4. The Congo's mere belief that the Belgian law violated international
law is not evidence, let alone proof, that a rlisput~existed between it and
Belgium. It shows at most that the Congo held a different legal view, one
opposed to the action taken by Belgium. It is clear that the Congo did
not think that it was referring a clispute to the Court. The Congo,
furthermore, never thought of this as a leg~ildiLupute,the existence of

which is a requirement for unilateral applications to the Court under
Article 36, paragraph 2, of the Court's Statute. The Congo's mere oppo-
sition to the Belgian Law and certain acts taken by Belgium pursuant to
it cannot be regarded as a dispute or a leg~lldispute between the Congo
and Belgium. In fact, there existed no such legrrldispute in this case.

1find it strange that the Court does not take up this point in the Judg-
ment; instead the Court simply states in the first paragraph of its decision
that "the Congo . . . filed in the Registry of the Court an Application 2. Il me paraît m,alheureux que la Cour, aprè.; avoir jugé qu'«elle a
compétence pour connaître de la requête))et que :<larequête ...est rece-
vable» (arrêt, par. 78 l) B) et D)). parvient rapidement à certaines
conclusions concerna~nt((l'immunitéde juridiction pénaleet l'inviolabilité
dont le ministre des affaires étrangères en exercict ... du Congo jouissait
en vertu du droit international)) relativement à ((l'émission,à l'encontre

de [M. Yerodia], du mandat d'arrêt du 11avril 20(10»et ((sa diffusion sur
le plan international))(arrêt,par. 78,2)).

3. Pour commencer, la requêtedu Congo ne fournit aucune base dont
on puisse déduire que le Congo a jamais penséqu'un dijférend existait
entre lui et la Belgique au sujet du mandat d'arrêt:mis par un juge d'ins-
truction belge le11 avril 2000 à l'encontre deM. 'i'erodia, le ministre des
affaires étrangères du Congo. Le mot ((différend» n'apparaît dans la
requêteque tout iila fin, sous la rubriqu«V. Rec:vabilité de la présente
requête)),dans laquelle le Congo déclare:

«Quant à l'existence d'un tl'iff(.rcnclsur cctte question [à savoir
celle que la Cour est appeléeà trancher], elle est établied'embléepar
le fait que la contrariété au droit internatio ial de la loi de 1'Etat

belge sur laquelle le juge d'instruction fonde son mandat est l'objet
mêmedes moyeins de droit que [le Congo] solimet iila Cour.)) (Les
italiques sont de moi.)

Sans donner d'autre explication quant au diffénvzd allégué,le Congo
affirmait simplement que la loi belge de 1993, telle qu'amendée en 1999,
relative à la répression des violations graves du droit humanitaire. était
contraire au droit international.
4. La seule convici:ion du Congo que la loi belge violait le droit inter-
national n'atteste pas, et prouve encore moins, qu'un thff'ferendexistait
entre le Congo et la Eielgique.Elle démontre au mic:uxque le Congo avait

une opinion juridique différente, qui s'opposait à l'action de la Belgique.
Il est clair que le Congo ne pensait pas qu'il saisi:;sait la Cour d'un diJl
.fi;rrnd. Le Congo. de plus, n'a jamais pensé qu'ils'agissait d'un cl~ff24r'rnd
cl'oru'rejuriciique, dont l'existence, aux termes du paragraphe 2 de
l'article 36 du Statut de la Cour. est une condition de l'introduction
d'une requête unilatéi-aledevant la Cour. La seule opposition du Congo à
la loi belge etiicertains actes accomplis par la Belgique en application de

celle-ci ne peut êtreconsidéréecomme un cliJj/éretzn di un cl!ff$rei~cdl'or-cire
,juricliclueentre le Congo et la Belgique. En fait, un tel difYZrendd'ordre
jurici'iquen'existait pas en l'espèce.
Je trouve étrange que la Cour n'aborde pas ce point dans son arrêt;
elle se contente en efkt de déclarerdans le premier paragraphe de sa déci-
sion que «le Congo ... a déposéau Greffe de la C3ur une requêteintro-48 ARREST WARRANT (DISS.OP. ODA)

instituting proceedings against . . .Belgium . .. in respect of a dispute
concerning an 'international arrest warrant . . ."' (Judgrnent, para. 1,
emphasis added) and speaks of "a legul dispute between [the Congo and
Belgium] concerning the international lawfulness of the arrest warrant of
11 April2000 and the consequences to be drawn if the arrest warrant was
unlawful" (Judgment, para. 27, emphasis added). To repeat, the Congo

did refer in its Application to a dispute but only in reference to the admis-
sibility of the case, not "[iln order to found the Court's jurisdiction", as
the Court mistakenly asserts in paragraph 1 of the Judgment.

5. While Article 40 of the Court's Statute does not require from an
applicant State a statement of "the legal grounds upon which the jurisdic-
tion of the Court is said to be based", Article 38, paragraph 2, of the

Rules of Court does and the Congo failed to specify those grounds in its
Application. Furthermore, the Congo did not indicate "the subject of the
dispute", which is required under Article 40 of the Statute.
In its Application the Congo refers only to "Legal Grounds" (Sec-
tion 1) and "Statement of the Grounds on which the Claim is Based"
(Section IV). In those sections of the Application, the Congo, without
referring to the basis of jurisdiction or the subject of dispute, simply men-

tions "[v]iolation of the principle that a State may not exercise [its
authority] on the territory of another State and of the principle of
sovereign equality" and "[v]iolation of the diplomatic immunity of the
Minister for Foreign Affairs of a sovereign State".
6. The Congo's claim is, first, that the 1993Belgian Law, as amended in
1999, is in breach of those two aforementioned principles and, secondly,
that Belgium's prosecution of Mr. Yerodia, Foreign Minister of the

Congo, violates the diplomatic immunity granted under international
law to Ministers for Foreign Affairs. The Congo did not cite any damage
or injury which the Congo or Mr. Yerodia himself has suffered or will
suffer except for some moral injury; that is, at most, Mr. Yerodia might
have thought it wise to forgo travel to foreign countries for fear of being
arrested by those States pursuant to the arrest warrant issued by the Bel-
gian investigating judge (that fear being ungrounded). Thus, as already

noted, the Congo did not ask the Court to settle a legul dispute with
Belgium but rather to render a legul opinion on the lawfulness of
the 1993 Belgian Law as amended in 1999 and actions taken under it.

7. 1fear that the Court's conclusions finding that this case involves a
legul dispute between the Congo and Belgium within the meaning of
Article 36, paragraph 2, of the Statute (such questions being the only

ones which can be submitted to the Court) and upholding its jurisdiction
in the present case will eventually lead to an excessive number of cases
of this nature being referred to the Court even when no real injury has
occurred, simply because one State believes that another State has acted
contrary to international law. 1am also afraid that many States will thenduisant une instance contre ... [la] Belgique ail sujet d'un dxférend
concernant un ((mandat d'arrêtinternational ..» (arrêt, par. 1,les ita-
liques sont de moi) et vise «un dijfzrend d'ordrejuridiqup [entre le Congo
et la Belgique] quant à la licéitéau regard du droit international du man-
dat d'arrêtdu 11 avril2000 et auant aux conséauences à tirer d'une éven-
tuelle illicéitéde ce mandat» (arrêt,par. 27,les taliques sont de moi).

Une fois encore, le Congo a bien, dans sa requête, mentionnéun drffé-
rend mais uniquemerit relativement iila recevabi1i.éde sa requête,et non
«[p]our fonder la compétence de la Cour)). comme la Cour l'affirme erro-
nément au paragraphe 1 de son arrêt.
5. Si l'articl40 d1.1Statut de la Cour n'exige pas de 1'Etat demandeur
qu'il expose «les moyens de droit sur lesquels [il]prétend fonder la com-
pétencede la Cour)), I'article 38, paragraphe 2, du Règlement de la Cour
le fait, et le Congo n'a pas exposéces moyens dans sa requête.De plus, le

Congo n'a pas indiqué «l'objet d~idifférend)).ce que I'article 40 du Sta-
tut l'obligeait à faire.
Dans sa requête, le Congo mentionne seulenient des «Moyens de
droit» (section 1) et un «Exposé des moyens sur lesquels repose la
demande» (section IV). Dans ces sections de la requête, le Congo, sans
évoquerle fondemeni: de la compétenceni l'objet dii différend,se contente
de mentionner la (([vliolation du principe selon I:quel un Etat ne peut

exercer [son autorité] sur le territoire d'un autre Etat et du principe de
l'égalitésouveraine)) et la «[v]iolation de I'immuniiédiplomatique du mi-
nistre des affaires étrangères d'un Etat souverain >:.
6. Le Congo affirme que, premièrement, la Ici belge de 1993, telle
qu'amendée en 1999..viole les deux principes susinentionnés et, deuxiè-
mement, qu'en engageant l'action pénalecontre M Yerodia, ministre des
affaires étrangèresdu Congo, la Belgique viole l'immunité diplomatique

que le droit international accorde aux ministres <lesaffaires étrangères.
Le Congo ne dit pus que le Congo ou M. Yerodia lui-mêmeont subi ou
subiront un quelconque dommage ou préjudice, excepté uncertain pré-
judice moral; c'est-à-dire, au pire, queM. Yerodia aurait pu penser qu'il
était sage de renonc~crà se rendre dans des pays étrangers de crainte
d'êtrearrêté parles Istats en question en applicat on du mandat d'arrêt
délivrépar le juge d'instruction belge (cette crainte n'étant pas fondée).
Ainsi, comme on l'a déjànoté, le Congo n'a pas demandé à la Cour de

trancher un difi5rcna'd'ordre juridique.qui l'aurait opposé iila Belgique
mais bien de rendre uin uvisjuridi~juesur la licéité(le la loi belge de 1993,
telle qu'amendéeen 1999,et des actes accomplis en application de celle-ci.
7. Je crains que les conclusions par lesquelles a Cour a jugé que la
présente affaire impliquait un diflZrend d'ordrejur.idique entre le Congo
et la Belgique au sens de I'article 36, paragraphe :!, du Statut (ces ques-
tions étant les seules qui peuvent êtresoumises à la Cour) et s'est déclarée

compétente en l'espècene finissent par amener un nombre excessif d'af-
faires de cette nature à être portées devantla Cour même en l'absence
de préjudiceréel,simplement parce qu'un Etat estimera qu'un autre Etat a
agi contrairement au droit international.Je crains égalementque de nom-withdraw their recognition of the Court's compulsory jurisdiction in
order to avoid falling victim to this distortion of the rules governing the
submission of cases. (See Arrest Wurrunt of'II April2000 (Democratic
Republic oJ 'he Congo v. Belgiurn), Provisional Meclsures, Order of

8 December 2000, 1.C. J. Reports 2000, p. 204, declaration of Judge Oda.)
This "loose" interpretation of the compulsory jurisdiction of the Court
will frustrate the expectations of a number of law-abiding nations. 1
would emphasize that the Court's jurisdiction is, in principle, based on
the consent of the sovereign States seeking judicial settlement by the
Court.

II. THECONGO'S CHANGIN< OF THE SUBJECT-MATTER

8. In reaffirming my conviction that the Congo's Application uni-
laterally submitted to the Court was not a proper subject of contentious
proceedings before the Court, 1would like to take up a few other points
which 1 find to be crucial to understanding the essence of this inappro-

priate, unjustified and, if 1may Say so, wrongly decided case. It is to be
noted, firstly, that between filing its Application of17October 2000 and
submitting its Memorial on 15 May 2001, the Congo restated the issues,
changing the underlying subject-matter in the process.

The Congo contended in the Application: (i) that the 1993 Belgian

Law, as amended in 1999, violated the "principle that a State may not
exercise [its authority] on the territory of another State" and the "prin-
ciple of sovereign equality" and (ii) that Belgium's exercise of criminal
jurisdiction over Mr. Yerodia, then Minister for Foreign Affairs of the
Congo, violated the "diplomatic immunity of the Minister for Foreign
Affairs of a soverei~n State". The allened violations of those first two
" "
principles concern the question of "universal jurisdiction", which rernains
a matter of controversy within the international legal community, while
the last claim relates only to a question of the "diplomatic immunity"
enjoyed by the incumbent Minister for Foreign Affairs.
9. The Congo changed its claim in its Memorial, submitted seven
months later, stating that

"by issuing and internationally circulating the arrest warrant of

11April 2000 against [Mr. Yerodia], Belgium committed a violation
in regard to the DRC of the rule of customary international law con-
cerning the absolute inviolability and immunity from criminal pro-
cess of incumbent foreign ministers" (Memorial of the Democratic
Republic of the Congo of 15 May 2001, p. 64). [Trnn.slutiorî by tlzo
Registr)~.]

Charging and arresting a suspect are clearly acts falling within the exer-

cise of a State's criminal jurisdiction. The questions originally raised- MANDAT D'ARRÊT (OP.DISS.OD~) 49

breux Etats ne retirent alors leur reconnaissance de la juridiction obliga-
toire de la Cour afin d'éviter d'être victimedse cet e distorsion des règles

régissant sa saisine. (VoirMandur d'arrêt dzi1I I,vril 2000 (République
di.mocratiyue du Congo c. Belgiqur), mesures cons~vatoires, or don nunc^
du 8 décembre2000, C.IJ. Recueil 2000. p. 204, dt*claration deM. Oda.)
Cette interprétation «large» de la juridiction clbligatoire de la Cour
décevra les attentes d'un certain nombre de nations respectueuses du
droit. Je tiensiisouligner que la compétence de la Cour repose, en prin-

cipe, sur le consenterrient des Etats souverains qui sollicitent un règlement
judiciaire par la Couir.

II.TRANSFORMATI OAR LE CONGO DE L'OBJ :T DU DIFFÉREND

8. En réaffirmant rna conviction selon laquelle12 requêteque le Congo
a déposée unilatéralementdevant la Cour ne pouvait normalement yfaire
l'objet d'une procédure contentieuse, je souhaitei.ais évoquer quelques
autres points dont j'estime qu'ils sont cruciaux pour comprendre l'essence
de cette instance inappropriée, injustifiéeet, si je puis me permettre, mal
jugée. 11convient premièrement de noter que, entre le moment où il a

déposésa requête,le 17octobre 2000. et celui oùil déposé son mémoire,
le 15mai 7001, le Corigo a reformuléles questions :n litige, transformant
ce faisant l'objet fonclamental de l'affaire.
Le Congo affirmait dans sa requête: i) que la loi belge de 1993, telle
qu'amendée en 1999, violait le ((principequ'un Et; t ne peut exercer [son

autorité] sur le territoire d'un autretat?) et le <<Prncipe de l'égalitésou-
veraine?)et ii) que l'exercice par la Belgique de sa compétence pénaleà
l'égardde M. Yerodia, alors ministre des affaires étrangèresdu Congo,
violait l'<<immunitédiplomatique du ministre des a -faires étrangèresd'un
Etat souverain)). Les violations alléguéesdes deilx premiers principes
concernent la question de la ((compétence univt:rselle», qui demeure

controversée au sein idela communauté internatioiiale des juristes, alors
que le dernier argument ne concerne que l1«irnr1unitédiplomatique))
dont jouit un ministre des affaires étrangères en exercice.
9. Le Congo a moclifiéses prétentions dans son rlémoire, présenté plu-
sieurs mois plus tard, déclarant que:

«en émettant et en diffusant au plan international le mandat d'arrêt

du 11avril 2000 contre [M. Ycrodia], la Belgicue a commis une vio-
lation vis-a-vis de la RDC de la règle de droit international coutu-
mier concernant l'inviolabilitéabsolue et I'imtrunitéde lajuridiction
pénale desministres des affaires étrangèresen t*xercice»(mémoirede
la République démocratique du Congo en date du 15 mai 2001,
p. 64).

Accuser et arrêterun suspect sont à l'évidence desa:tes relevant de I'exer-

cice de la compétence pénaled'un Etat. Les questicms initialement soule-namely, whether a State has extruterritoriul jurisdiction over crimes con-
stituting serious violations of humanitarian law wherever committed and
by whomever (in other words, the question of universal jurisdiction) and
whether a Foreign Minister is exempt from such jurisdiction (in other

words, the question of diplomatic immunity) - were transmuted into
questions of the "issue and international circulation" of an arrest warrant
against a Foreign Minister and the immunities of incumbent Foreign
Ministers.

This is clearly a change in subject-matter, one not encompassed in "the

right to argue further the grounds of its Application", which the Congo
reserved in its Application of 17 October 2000.
10. It remains a mystery to me why Belgium did not raise preliminary
objections concerning the Court's jurisdiction at the outset of this case.
Instead, it admitted in its Counter-Memorial that there had been a dis-
pute between the two States, one susceptible to judicial settlement by the

Court, at the time the proceedings were instituted and that the Court was
then seised of the case, as the Court itself finds (Judgment, paras. 27-28).
Did Belgium viewthis as a case involving a unilateral application and the
Respondent's subsequent recognition of the Court's jurisdiction, instances
of which are to be found in the Court's past?

Belgium seems to have taken the position that once Mr. Yerodia had
ceased to be Foreign Minister, a dispute existed concerning him in his
capacity as a former. Foreign Minister and contended that the Court
lackedjurisdiction under those circumstances. Thus, Belgium also appears
to have replaced the issues as they existed on the date of the Congo's
Application with those arising at a later date. It would appear that Bel-

gium did not challenge the Court's jurisdiction in the original case but
rather was concerned only with the admissibility of the Application or
the mootness of the case once Mr. Yerodia had been relieved of his duties
as Foreign Minister (see Belgium's four preliminary objections raised in
its Counter-Memorial, referred to in the Judgment, paras. 23, 29, 33
and 37).

In this respect,1share the view of the Court (reserving, of course, my
position that a dispute did not exist) that the alleged disputc was the one
existing in October 2000 (Judgment, para. 38) and, although 1 voted
against paragraph 78 (1) (A) of the Judgment for the reasons set out in
paragraph 1 of my opinion, 1 concur with the Court in rejecting Bel-
gium's objections relating to "jurisdiction, mootness and admissibility"

in regard to the alleged disp~rtewhich Belgium believed existed after
Mr. Yerodia left office.
Certainly, the question whether a jorn~er Foreign Minister is entitled to
the same privileges and immunities as an itzztul??he~~ Ftoreign Minister
may well be a legal issue but it is not a proper subject of the present case
brought by the Congo in October 2000.vées - iisavoir si uin Etat a une compétenceextraterritoriale s'agissant
des infractions constiituant des violations graves di1droit humanitaire où

qu'elles soient comniises et quels qu'en soient les auteurs (en d'autres
termes, la question de la compétence universelle; et si un ministre des
affaires étrangères est exempt de cette juridictio i (en d'autres termes,
la question de l'immunité diplomatique) - on8: ététransformées en
questions concernani: l'«émission et la diffusion ;lu plan international))

d'un mandat d'arrêt contre un ministre des aff.iires étrangères et les
immunités des ministres des affaires étrangèresen exercice.
Ily a à l'évidenceun changement d'objet, qui snrt du droit «de déve-
lopper plus avant les moyens de sa requête)),que le Congo s'est réservé
dans sa requêtedu 17 octobre 2000.
10. Pourquoi la Belgique n'a pas d'embléesou11:vé des exceptions pré-

liminaires a la compé,tencede la Cour demeure polir moi un mystère. Au
lieu de cela, la Belgique a admis dans son contre-mémoire qu'un diffé-
rend susceptible d'êtreréglé judiciairement par la Cour opposait les deux
Etats au moment où l'instance a étéintroduite, et lue la Cour étaitalors
saisie de l'affaire,omme la Cour lejuge elle-même(arrêt,par. 27-28). La

Belgique considérait-ellecette affaire comme impliquant une requêteuni-
latérale et la reconnaissance ultérieure par le défendeur de la compétence
de la Cour, une situation dont on trouve des exen~plesdans l'histoire de
cette dernière?
La Belgique semble avoir considéréque, dès lors que M. Yerodia avait

cesséd'être ministre des affairesétrangères,un différend existaitleconcer-
nant en sa qualité d'ancien ministre des affaires étrangères,et elle arguait
que la Cour n'étaitpas compétente dans ces circoristances. Ainsi, la Bel-
gique semble aussi substituer aux questionsqui se posaient a la date de la
requêtedu Congo celles qui se sont poséesultérieurement. Il semblerait
que la Belgique n'ait pas contesté la compétence dc la Cour dans l'affaire

initiale mais ne se soit préoccupéede la recevabilitéde la requêteou de ce
que la demande fût devenue sans objet que lorsque M. Yerodia n'exerçait
plus ses fonctions di: ministre des affaires étransères (voir les quatre
exceptions préliminaires que la Belgique a soule.iées dans son contre-
mémoire et qui sont (examinéesdans l'arrêt,par. 23, 29, 33 et 37).

A cet égard,je partage l'opinion de la Cour (en ri servant, bien entendu,
ma position selon laquelle il n'existait pas de diJjc,;rend),à savoir que le
dijjzrend allégué estcelui qui existait en octobre 2100 (arrêt, par. 38) et,
bien que j'aie votécontre le paragraphe 78 1) A) de l'arrêtpour les rai-
sons exposéesau paragraphe l de mon opinion, je rejette avec la Cour les

exceptions de la Belgique concernant «la compétl:nce, le non-lieu et la
recevabilité))pour ce qui est du dqférend alléguédont la Belgique croyait
qu'il existait après quie M. Yerodia eut quitté ses fonctions.
Assurément, la question de savoir si un arzcier ministre des affaires
étrangèresa droit aux mêmesprivilèges et immunités qu'un ministre des
affaires étrangères en.e.uer-cicrpeut très bien êtreune question d'ordre

juridique, mais elle n'est pas régulièrementl'objet (le la présente instance
introduite par le Congo en octobre 2000. 111. DOES THE PRESENT CASEINVOLVA ENYLEGALISSUES ON WHICH
THE CONGO AND BELGIUM HELD CONFLICTINV GIEWS?

Il. Putting aside for now my view that that there was nIegaldispute
between the Congo and Belgium susceptible to judicial settlement by the
Court under its Statute and that the Congo seems simply to have asked
the Court to render an opinion, 1shall note my incomprehension of the
Congo's intention and purpose in brjnging this request to the Court

in October 2000 when Mr. Yerodia held the office of Foreign Minister.

In its Application of October 2000, the Congo raised the question
whether the 1993 Belgian Law, as amended in 1999, providing for the
punishment of serious violations of humanitarian law was itself contrary

to the principle of sovereign equalityder international law (see Appli-
cation of the Democratic Republic of the Congo of 17 October 2000,
Part III: Statement of the FactsA).Yet it appears that the Congo aban-
doned this point in its Memorial of May 2001, as the Court admits (Judg-
ment, para. 45),and never took it up during the oral proceedings.
12. It is one of the fundamental principles of international law that a

State cannot exercise its jurisdiction outside its territory. However, the
past few decades have seen a gradua1 widening in the scope of the juris-
diction to prescribe law. From the base established by the Pernîanent
Court's decision in 1927 in the "Lotus" case, the scope of extraterritorial
criminal jurisdiction has been expanded over the past few decades to
cover the crimes of piracy,ijacking, etc. Universaljurisdiction is increas-

ingly recognized in cases of terrorism and genocide. Belgium is known
for taking the lead in this field and its 1993 Law (which would make
Mr. Yerodia liable to punishment for any crimes against humanitarian
law he committed outside of Belgium) may well be at the forefront of a
trend. There is some national case law and some treaty-made law evi-
dencing such a trend.

Legal scholars the world over have written prolifically on this issue.
Some of the opinions appended to this Judgment also give guidance in
this respect.1 believe, however, that the Court has shown wisdom in
refraining from taking a definitive stance in this respect as the law is not
sufficiently developed and, in fact, the Court is not requested in the

present case to take a decision on this point.
13.It is clear that a State cannot arrest an individual outside its terri-
tory and forcibly bring him before its courts for trial. In this connection,
it is necessary to examine the effect of an arrest warrant issued by a State
authority against an individual who is subject to that State's jurisdiction
to prescribe law.

The arrest warrant is an officia1document issued by the State's judi-
ciary empowering the police authorities to take forcible action to place III.LA PRÉSENTI AFFAIRE SOULÈVE-T-EL LES QUESTIONS D'ORDRE
JURIDIQUE SUR LECSQUELLESLE CONGO ET LA BELGIQU EVAIENT DES

OPINIONS CONTRADICTOIRES ?

Il. Mettant de côté pour le moment mon opinion selon laquelle il
n'existait pas entre le Congo et la Belgique de diifZrend d'ordre juridique
susceptible d'êtrerégléjudiciairement par la Cour au regard de son Sta-
tut, et selon laquelle le Congo semble simplement avoir demandé à la

Cour de rendre un aivis,je note que je ne comprem~dspas l'intention et le
but qui étaient ceux du Congo lorsqu'il a introduit sa requête devant la
Cour en octobre 20ClO alors queM. Yerodia occu1)aitle poste de ministre
des affaires étrangères.
Dans sa requêted'octobre 2000, le Congo demandait si la loi belge

de 1993, telle qu'amendée en 1999. pour la répression des violations
graves du droit humanitaire était en elle-mêmecmtraire au principe de
l'égalitésouveraine en droit international (voir requête de la République
démocratique du Colngo en date du 17octobre 2C100s ,ection TI 1Exposé
des faits,A). Pourtant il semble que le Congo kit abandonné ce point

dans son mémoire de mai 2001, comme la Cour l'admet (arrêt, par. 45),
et ne l'ait jamais abordé durant la procédure orale.
12.Un des principes fondamentaux du droit iriternational veut qu'un
Etat ne puisse exercer sa juridiction hors de son territoire. Toutefois, les
quelques décenniespasséesont vu un accroissemtnt progressif de I'éten-
due de lajuridiction s'agissant de prescrire le droit. Sur la base établiepar

la Cour permanente dans sa décision rendue en 1927 dans l'affaire du
Lotus, la portéede la compétencepénaleextraterr toriale s'est étendueau
cours des décennies passéesà des criines tels que la piraterie, le détour-
nement d'aéronefs, etc. La compétence universeile est de plus en plus
reconnue en cas de terrorisme ou de génocide.On sait que la Belgique est

à l'avant-garde dans ce domaine et peut-être sa1c.ide 1993 (qui rendrait
M. Yerodia passible d'une peine pour les crimes contre le droit humani-
taire qu'il pourrait avoir commis hors de Belgiqu~:)est-elle l'avant-garde
d'une tendance. Il existe une jurisprudence natioiiale et des dispositions
de droit conventionriel qui en attestent.
Des publicistes du tnonde entier ont abondamment débattu de la ques-

tion. Certaines des opinions jointes au présent arrêt donnent également
des indications à cet égard. J'estime toutefois que la Cour s'est montrée
sage en s'abstenant ideprendre une position défiritive, car le droit n'est
pas suffisamment développéet, en fait, il n'est pas demandéà la Cour de
statuer sur ce point idans la présente espèce.

13.Il est clair qu'un Etat ne peut arrêterun individu hors de son ter-
ritoire et l'amener cle force devant ses tribunau:: pour le jugerA cet
égard, ilest nécessaired'examiner l'effet d'un ma~idat d'arrêtdélivrépar
une autorité étatique à l'encontre d'un individu qui est soumis à la juri-
diction de cet Etat sqagissant de dire le droit.
Le mandat d'arrêt est un document officiel délivrépar l'autoritéjudi-

ciaire de I'Etat qui habilite les autorités de poaiutiliser la force pourthe individual under arrest. Without more, however, the warrant is
not directly binding on foreign authorities, who are not part of the law
enforcement mechanism of the issuing State. The individual may be
arrested abroad (that is, outside the issuing State) only by the authorities

of the State where he or she is present, since jurisdiction over that terri-
tory lies exclusively with that State. Those authorities will arrest the indi-
vidual being sought by the issuing State only if the requested State is
committed to do so pursuant to international arrangements with the
issuing State. Interpol is merely an organization which transmits the
arrest request from one State to another; it has no enforcement powers

of its own.

It bears stressing that the issuance of an arrest warrant by one State
and the international circulation of the warrant through Interpol have no
legal impact unless the arrest request is validated by the receiving State.
The Congo appears to have failed to grasp that the mere issuance and

international circulation of an arrest warrant have little significance.
There is even some doubt whether the Court itself properly understood
this, particularly as regards a warrant's legal effect. The crucial point in
this regard is not the issuance or international circulation of an arrest
warrait but the response of the State receiving it.
14. Diplomatic immunity is the immunity which an individual holding

diplomatic status enjoys from the exercise of jurisdiction by States other
than his own. The issue whether Mr. Yerodia, as Foreign Minister of the
Congo, should have been immune in 2000 from Belgium's exercise of
criminal jurisdiction pursuunt to the 1993 Law us urnended in 1999 is two-
fold. The first question is whether in principle a Foreign Minister, the
post which Mr. Yerodia held in 2000, is entitled to the same immunity as

diplomatic agents. Neither the 1961 Vienna Convention on Diplomatic
Relations nor any other convention spells out the privileges of Foreign
Ministers and the answer may not be clear under customary international
law. The Judgment addresses this question merely by giving a hornbook-
like explanation in paragraphs 51 to 55. 1have no further comment on
this.

The more important aspect is the second one: can diplomatic immu-
nity also be claimed in respect of serious breaches of humanitarian law -
over which many advocate the existence of universal jurisdiction and
which are the subject-matter of Belgium's 1993 Law as amended in

1999 - and, furthermore, is a Foreign Minister entitled to greater immu-
nity in this respect than ordinary diplomatic agents? These issues are too
new to admit of any definite answer.

The Court, after quoting several recent incidents in European coun-
tries, seems to conclude that Ministers for Foreign Affairs enjoy absolute

immunity (Judgment, paras. 56-61). It may reasonably be asked whether MANDAT D'ARRET (OP.DISS.01)~) 52

arrêterl'individu concerné. En lui-même,néanmoins, le mandat n'est pas
directement contraignant pour des autorités étrangères, qui ne font pas

partie du mécanisme d'application de la loi de 1'Etat qui l'a délivré.
L'individu peut êtrearrêté à l'étranger (c'est-à-dire hors du territoire de
1'Etatqui a délivréle mandat) uniquement par les autorités de 1'Etatdans
lequel il est présent, puisque c'est cet Etat qui a j midiction exclusive sur
ce territoire. Ces autorités arrêteront l'individu recherchépar I'Etat qui a
émisle mandat uniquement si I'Etat requis est ten .Ide le faire en applica-

tion d'arrangements internationaux conclus ave: 1'Etat qui a émis le
mandat. Interpol est seulement une organisation qsii transmet la demande
d'arrestation d'un Etat a un autre; elle n'a pas de pouvoirs d'exécution
. .Dres.
IIconvient de souligner que la délivrance d'un mandat d'arrêtpar un
Etat et sa diffusion internationale par Interpol n'oit aucun effetjuridique

si la demande d'arrestation n'est pas validéepar 1'Etat qui la reçoit. Le
Congo semble n'avoir pas saisi que le simple fait d'émettreet de diffuser
au plan international un mandat d'arrêt n'a guèred'importance. On peut
mêmese demander si la Cour elle-mêmel'a bien compris, en particulier
pour ce qui est de l'effet juridique d'un mandat. Le point crucial à cet
égard rz'estpas l'émission ou la diffusion internationale d'un mandat

d'arrêtmais la réaction de 1'Etat qui reçoit ce mandat.
14. L'immunité diplomatique est l'immunité dont jouit un individu
ayant le statut de diplomate à l'égard de l'exercice de la juridiction
d'autres Etats que cirlui dont il est le national.Li question de savoir si
M. Yerodia, en sa qualité de ministre des affaire: étrangèresdu Congo,
aurait dû êtreexempt en 2000 de l'exercice par la Belgique de sa juridic-

tion pénale en upplicution de lu loi belge de 1993, telle qu'utîiencli 'e eJ'i
1999, est double. Premièrement, il s'agit de savoir si en principe un mi-
nistre des affaires étrangères, poste que M. Yerodia occupait en 2000,
a droit à la mêmeimmunitéque les agents diplomatiques. Ni la convention
de Vienne de 1961sur les relations diplomatiques ri aucune autre conven-
tion ne définit les privilèges des ministres des aj'faires étrangères et la

réponse à cette question n'est peut-être pas claire en droit international
coutumier. L'arrêt n'aborde cette question que soiis la forme d'une expli-
cation didactique, aux paragraphes 5 1a 55. Je n'a; pas d'autres commen-
taires à faire sur ce point.
L'aspect le plus important est le second: I'irnmunité diplomatique
peut-elle aussi être invoquéeen cas de violations graves du droit huma-

nitaire - pour lesquelles nombreux sont ceux qi i défendent l'existence
d'une compétence universelle et qui font l'objet de la loi belge de 1993,
telle qu'amendée en 1999 - et, en outre, un ministre des affaires étran-
gères a-t-il droit à cet égard à une immunité plu! étendue que celle des
agents diplomatique:, ordinaires? Ces questions scnt trop nouvelles pour
qu'on puisse y donni:r une réponse catégorique.

La Cour, après avoir cité plusieurs incidents récentssurvenus dans des
pays européens, semlbleconclure que les ministres des affaires étrangères
jouissent d'une immunité absolue (arrêt,par. 56-01). On peut raisonna-it was necessary, or advisable, for the Court to commit itself on this issue,
which remains a highly hypothetical question as Belgium has not exer-
cised its criminal jurisdiction over Mr. Yerodia pursuant to the 1993
Belgian Law, as amended in 1999, and no third State has yet acted in

pursuance of Belgium's assertion of universal jurisdiction.

IV. CONCLUDINR GEMARKS

15. 1 find little sense in the Court's finding in paragraph (3) of the

operative part of the Judgment, which in the Court's logic appears to be
the consequence of the finding set out in paragraph (2) (Judgment,
para. 78). Given that the Court concludes that the violation of interna-
tional law occurred in 2000 and the Court would appear to believe that
there is nothing in 2002 to prevent Belgi~imfrom issuing a new arrest
warrant against Mr. Yerodia, this time as a.forn~er Foreign Minister and

not the incumhrnt Foreign Minister, there is no practical significance in
ordering Belgium to cancel the arrest warrant of April 2000. If the Court
believes that this is an issue of the sovereign dignity of the Congo and
that that dignity was violated in 2000, thereby causing injury at that time
to the Congo, the harm done cannot be remedied by the cancellation of
the arrest warrant; the only remedy would be an apology by Belgium.
But I do not believe that Belgium caused any injury to the Congo because

no action was ever taken against Mr. Yerodia pursuant to the warrant.
Furthermore, Belgium was under no obligation to provide the Congo
with any assurances that the incumbent Foreign Minister's immunity
from criminal jurisdiction would be respected under the 1993 Law, as
amended in 1999. but that is not the issue here.

16. In conclusion, 1 find the present case to be not only unripe for
adjudication at this tinle but also fundamentally inappropriate for the
Court's consideration. There is not even agreement between the Congo
and Belgium concerning the issues in dispute in the present case. The
potentially significant questions (the validity of universal jurisdiction, the
general scope of diplomatic immunity) were transmuted into a simple
question of the issuance and international circulation of an arrest war-

rant as they relate to diplomatic immunity. It is indeed unfortunate that
the Court chose to treat this matter as a contentious case suitable for
judicial resolution.

(Sig~wd) Shigeru ODA. MANDAT D'ARKET (OP. DISS. OLIA) 53

blement demander s'ilétaitnécessaireou souhaitat~leque la Cour s'engage
sur cette question, qui demeure hautement hypot iétique puisque la Bel-
gique n'a pas exercésa compétence pénale a l'égardde M. Yerodia en
application de la loi belge de 1993, telle qu'amendee en 1999,et qu'aucun

Etat tiers n'a encore donné suite à l'affirmation par la Belgique de sa
compétence universelle.

IV. OBSERVATIO NISALES

15. J'estime que l'injonction de la Cour qui figiire au paragraphe 3 du
dispositif de son arrêt,et qui dans la logique de la Cour semble êtrela
conséquence de la conclusion figurant au paragraphe 2, n'a guèrede sens
(arrêt,par. 78).Puisque la Cour conclut que la violation du droit inter-
national s'est produite en 2000 et qu'elle semble y'enserque rien en 2002

n'empêche la Belgique d'émettre un nouveau inandat d'arrêt contre
M. Yerodia, cette fois, en sa qualité d'ancien ministre des affaires étran-
gèreset non de ministre des affaires étrangèresen exerciceiln'y a guère
d'intérêt pratiqueA ordonner A la Belgique d'annuler le mandat d'arrêt
d'avril 2000. Si la Cour estime que la dignité souv:raine du Congo est en
cause et que cette dignité atévioléeen 2000, ce qui à l'époque a causé

un préjudice au Congo, le dommage ainsi causé ne peut être réparé en
annulant le mandat d'arrêt; le seul remède serait une excuse de la Bel-
gique. Mais je ne pense pas que la Belgique ait causé un préjudice au
Congo parce qu'aucune mesure n'a jamais étépris':contre M. Yerodia en
exécutiondu mandai:. De plus, la Belgique n'était pas tenue de fournir au
Congo des assurances selon lesquelles l'immunité(lejuridiction pénale du

ministre des affaires étrangères en exercice serait respectéesous l'empire
de la loi belge de 1993, telle qu'amendée en 1999 mais telle n'est pas la
question en l'espèce.
16. En conclusion, j'estime que la présenteaffa-re non seulement ne se
prête pas à êtrejugée actuellement mais est aussi fondamentalement
inapte à êtreexaminéepar la Cour. Il n'y a mêmepas d'accord entre le

Congo et la Belgiqu'esur les questions en litige dans la présente espèce.
Les questions potenitiellement importantes (la validité de la compétence
universelle, la portée généralede l'immunitédiplomatique) ont ététrans-
forméesen une question simple, celle de 1'émissic.net la diffusion inter-
nationale d'un mandat d'arrêt entant qu'elles affectent l'immunité diplo-

matique. Il est de Fait malheureux que la Cour ait choisi de traiter
cette question comme une affaire contentieuse se prêtanta un règlement
judiciaire.

(Signé) Shigeru ODA.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Oda, juge (traduction)

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