Opinion dissidente de M. Badawi, Vice-président

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032-19571126-JUD-01-01-EN
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032-19571126-JUD-01-00-EN
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OPINIOX DISSIDENTE DE M. BADAWI,
VICE-PRÉSIDENT

Je suis d'accord sur les décisionsde la Cour en ce qui concerne
les exceptions 1, 3, 4 et5,sans toutefois souscrire à certains aspects
de la motivation de ces décisions.
Je regrette cependant de ne pouvoir me rallier à celles relatives
aux exceptions 2 et 6 que j'estime justifiées. Chacune de ces deux
exceptions suffit pour exclure la compétence de la Cour pour
connaître du différend relatif au droit de passage.

La deuxième Exception a trait à l'introduction prématuréede la
requête portugaise du 22 décembre 1955.
La déclaration du Portugal a étédéposéeauprès du Secrétaire
généfalle 19 décembre, mais les pleins pouvoirs du représentant de
cet Etat n'ont étésignés à Lisbonne que le 20 et n'ont étéremis au
Secrétaire généralque le 21.
Donc, la déclaration a beau avoir étéprésentéele 19 décembre,
elle n'a étérégulièrement déposéq eue le 21.
Mais la -requêtea été introduite devant la Cour le 22 décembre.
Le Gouvernement de l'Inde a pu, par ses propres investigations,

découvrir l'existence de la déclaration vers la fin de décembre, mais
le Secrétaire général ne l'a transmise aux Etats qu'au cours du
mois de janvier 1956 (le19).
L'Inde fonde son exception sur le défaut d'égalité, demutualité
et de réciprocité, maisces fondements ne sont pour l'Inde que les
conséquencesdu caractère consensuel des déclarations. A mon avis,
ces conséquencesn'apportent àl'argument tirélu caractère consen-
suel aucune force supplémentaire. Je m'en tiens donc à ce caractère
consensuel, base de cette exception. ,
On s'accorde à reconnaître qu'un Etat ne peut êtresoumis à une
juridiction internationale que de son consentement. Le système de
déclaration, tout ingénieux qu'il soit pour vaincre certaines résis-

tances et pour trouver une formule pratique et variable pour l'ac-
ceptation de la juridiction de la Cour sans une prescription directe-
ment et uniformément obligatoire, n'en est pas moins basé sur la
notion du consentement.
Lorsque l'article 36 dit cde plein droit et sans convention
spéciale ))il souligne le caractère conventionnel des déclarations,
qu'il confirme par la phrase ((à l'égardde tout Etat acceptant la
même obligation 1).Ces formules excluent toute idée d'attribuer à
la seule déclaration un caratère unilatéral et un effet obligatoire de
ce chef.

33 On a prétendu que la Cour a, dans certains considérants de ses
décisions, qualifié lesdéclarations comme des actesunilatéraux, mais
l'examen de ces considérants montre que cette qualification n'a
aucunement la $pification que la déclaration liait par sa seule
force les autres Etats. La Cour constatait simplement qu'aux fins
de l'interprétation de ces déclarations leur origine unilatérale
devrait êtreprise en considération.
Le Portugal ne conteste pas, du reste, le,caractère consensuel du
rapport juridique qui se forme entre les Etats qui ont souscrit à

des déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour. Mais il a soutenu que ce qui créele lien consensuel entrc ces
Etats est la CO-incidencede leurs déclarations ou, plus exactement,
c'est la disposition de l'article 36, paragraphe 2, qui établit une
réciprocité de droits et d'obligations entre les Etats acceptant la
même obligation. Mais cette réciprociténe peut créer l'accord. Elle
peut en déterminer l'étendue. >lais ce qui créel'accord ici, comme
dans toute autre conjoncture. c'est toujours la notion classique de
l'offre et de l'acceptation.
En effet, toiite déclaration nc peut s'analyser qu'en une accep-
tation, par 1'Etat qui la dépose, des déclarations des Etats qui l'ont
précédé,et en une offre de sa part à ceux-ci. Cette analyse est
particulièrement évidente lorsque la nouvelle déclaration contient
des réserves nouvelles.
Or quel que soit, dans cette analyse, l'État qui offre ou celui,qui
accepte, il faut dans tous les cas que l'offre soit acceptée par 1'Etat
auquel elle est adressée. Cette acceptation, même considérée comme

délimitéepar la réciprocité,n'en est pas moins indispensable. Elle
doit ,exister car elle est la base de l'obligation qui en résulte pour
ces Etats de se soumettre à la juridiction de la Cour. Peu importe
que cette acceptation soit effective ou présumée, en vertu d'une
construction juridique que la communicatioii vaut acceptation, elle
doit toujours étre reconnue comme le seul fondement de la compé-
tence de-la Coiir.

Il va sans dire que le Secrétaire généraln'est pas le destinat~ire
de la déclaration qui est,censée êtreadressée ou notifiée, par 1'Etat
qui la fait, aux autres Etats qui y ont déjà souscrit, pour que le
contrat judiciaire se forme entre eux.

La notification des déclarations au Secrétaire général, ou son
Gépôtauprès de lui et son obligation de la communiquer aux autres
Etats sont simplement destinés à remplacer la communication

directe. Le Secrétaire général estdonc un çimple dépositaire chargé
de la porter à la connaissance des autres Etats. En canalisant cette
opération de communication dans les serr~icesdu Secrétaire général,
le Statut a uniquement cherché à en assurer l'accomplissementd'une manière efficace et régulière.Cette communication constitue
une obligation spéciale du Secrétairegénéralprévuepar l'article 36
du Statut.

Traduit dans la terminologie juridique, le système des déclara-
tions constitue un contrat par correspondance entre YEtat déclarant
et les autres Etats par l'organe et l'intermédiaire du Secrétaire
généralqui, en l'occurrence, constitue un relais de transmission. Le
conseil du Portugal a bien reconnu cette construction juridique,
mais il a soutenu que le contrat serait formépar le seul dépôtauprès
du Secrétaire général.
Il y a lieuà cet égard de rappeler que toute déclaration est à la
fois une acceptation et une offre.L'offfe du Portugal, contenue dans

sa déclaration et adresséeaux autres Etats, n'avait pas étéacceptée
par l'Inde, ni même communiquéeà l'Inde.

En ce qui concerne la formation des contratspar correspondance,
les systèmes législatifs internes adoptent des positions variées. Les
uns adoptent la théorie de la déclaration, d'autres celle de l'expé-
dition. D'autres, enfin, considèrent que le contrat est conclu dans
le lieu et le moment où l'auteur de l'offre a pris connaissance de
l'acceptation - sans compter le système de la Cour de Cassation
française qui considère que c'est une question de fait qui doit être
déterminéesuivant les circonstances de chaque espèce.
Le Portugal soutient que l'article 36 du Statut ne prévoit rien à
ce sujet mais, obligé de reconnaître le caractère consensuel des

déclarations comme une implication tacite du système, cherche à
expliquer l'expression du consentement entre les Etats par la
simple CO-incidence de leurs déclarations. Or, en fait, cette co-
incidence souvent fait défaut et, en tout cas, ne constitue que la
mesure et l'étendue des obligations respectives des Etats.
Certes, le cas est nouveau et sans précédent. D'une manière
générale, nila doctrine ni la jurisprudence ne s'en sont occupées.
Le cas actuel trahit le souci de faire une surprise et d'éviter les
dénonciations ou exclusions éventuelles. Mais il n'atteint d'aucune
manière le minimum des conditions exigées pour la formation
d'un contrat.

La déclaration ayant étédéposéeauprès du Secrétaire généralla
veille de la requête,il aurait étéinconceyable de supposer qu'il fût
possible de la transmettre aux autres Etats dans les 24 heures.

La déclaration est donc restée comme si elle n'avait pas encore
étéfaite.
II est oiseux et mêmeinutile de discuter au sujet du moment où
un consentement a pu-exister, où un contrat a pu êtreconsidéré
comme formé entre YEtat déclarant et les autres. Quel que soit ce moment, nous nous trouvons, en l'espèce, dans une situation
qui, en tout état de cause et quel que soit le critère ou le moment
que l'on adopte relativement à la formation du contrat par corres-
pondance, est manifestement antérieure audit moment. Le cas se
limiterait à une offre non encore expédiée.

En invoquant l'article 36, paragraphe 2, du Statut pour démon-
trer que la déclaration produit son effet immédiatement et permet
de saisir la Cour le lendemain de son dépôt, la Cour met l'accent
sur l'expression ((de plein droit », ((ipso facto D, mais en isolant
cette expression de l'expression suivante: (cet sans convention
spéciale »,qui la complète, l'intégritéde la penséedu Statut a été
méconnueet rompue. Ce que le Statut a voulu prévoir, c'est qu'il

n'y aura pas besoin, pour l'acceptation de la juridiction de la
Cour, d'une convention spécia( let je souligne le mot (spéciale 1))
entre chaque État et les autres États. Toutefois, comme la soumis-
sion à une juridiction internationale est essentiellement et éminem-
ment d'ordre conventionnel, cette soumission résultera, d'après le
Statut, de plein droit de la convention qui s'accomplit entre 1'Etat
déclarant et les autres États, par l'échange dela déclaration entre
eux, échange dont le Statut a assuré l'opération par la double
obligation :celle de 1'Etat déclarant de la déposerauprès du Secré-

-ire généralet celle de ce dernier de la communiquer aux autres
Etats. La notion conventionnelle, tant en substance que dans la
forme, a donc étérigoureusement observée dans le système de la
clause facultative.

Mais le respect de cette notion aurait-il étépossible sans le
mécanisme classique de l'offre et de l'acceptation? Il est évident
que les auteurs du Statut n'ont pu innover dans les conceptions
juridiques. Or en dehors de ce mécanisme classique, il n'existe que

le système de la théorie de la déclaration de la volonté et celui du
contrat d'adhésion oii la dualité de l'offre et de l'acceptation
s'estompe. Mais très peu de législations connaissent le premier
système, alors que le second ne présente aucune analogie avec la
clause facultative.
En effet, alors que l'essence du contrat d'adhésion est l'unifor-
mité, celle des déclarations est la variétéet la diversité. Chaque
declaration exprime les conditions, les objectifs et la (policy n de
1'Etat qui la fait. D'autre part, dans les contrats d'adhésion,l'une
des parties se trouve en fait dans l'impossibilité de discuter les

conditions du contrat. Elle est obligéede contracter et donne son
adhésion à la volonté toute puissante de l'autre. On range dans
cette catégorie, entre autres, le contrat de travail, le contrat de
36transport, celui d'assurance. Quelle analogie peut exister entre ces
contrats et les déclarations d'acceptation de juridiction?

On a citéégalementle cas de conventions collectives ou inultila-
térales dans lesquelles 1'Etat qui y accèdeassunie par sa seule acces-
sion la qualité de partieà la convention, bénéficiantdes droits que
la convention confère et soun~is aux ,obligations qu'elle prescrit,
sans égard à l'acceptation des autres Etats. Mais la situation dans
ce cas ne diffère pas de celle signaléedans les contrats d'adhésion
des droits internes, puisque la convention est acceptée en bloc -
telle quelle -- et qu'elle demeure mêmeouverte aux accessions
par la volonté de ses signataires.

On s'est prévalu, cependant, de l'avis de la Cour, du28 mai 1951,
sur les Réserves à la Convention pour la prévention et la répression

du crime de Génocide.Mais tout d'abord, cet avis ne traite pas de
la règle relative à l'adhésionaux conventions collectives; en outre,
l'avis reconnaît qu'une réserve quelconque n'est valable que si elle
est acceptée par tous les contractants sans exception, et que cette
conception, directement inspirée de la notion di1contrat, conserve
une valeur de principe indéniable. L'avis donné par la Cour a, du
reste, étéexpressément limité à la seule convention sur le géno-
cide.
D'autre part, le système de la clause facultative, établi par
l'article 36 du Statut, n'a rien de commun avec une convention
collective. Il s'agit de déclarations individuelles, d'un type assez
variable, qui, combinéespar leur échange, constituent des conven-
tions également variables, limitées par la réciprocité.

On a invoqué la pratique des États qui dénoncent et renouvellent
leurs déclarations avec la conviction que tant la dénonciation que
le renouvellement prennent effet immédiatement et, d'une manière
particulière, on a opposé l'attitude et la thèse de l'Inde sur le
caractère prématuréde la requête à la formule adoptée par elle en
ce qui concerne la dénonciation de sa propre déclaration du 7 jan-
vier 1957, comme devant produire son effet immédiatement, pour
dire que ce qui serait valable pour la dénonciation de la décla-
ration indienne devrait l'être également pour la déclaration por-

tugaise.
Mais il est plus que contestable, à mon avis, que le mot « immé-
diatement » ait le pouvoir d'abolir la notion consensuelle pour
37la dénonciation du contrat d'acceptation de la juridiction de la

Cour.
Dans les deux cas de formation de ce contrat et de sa dénoncia-
tion, les mêmes règles relatives à la nécessitéde l'acceptation
devraient s'appliquer.

J'estime donc que la construction juridique qui, à la fois, répond
aux éléments defait du différend sounlis à la Cour et est conforme
au Statut, ne permet pas de dire qu'un accord a pu exister entre
le Portugal et l'Inde sur l'acceptation de la.juridiction de la Cour.
La Cour serait donc incompétente pour connaître de la requêtedu
22 décembre 1955, sur la base de la deuxième Exception.

La sixième Exception invoque la clause relative aux différends
nésaprès le 5 février 1930, concernant des situations ou des faits
postérieurs à cette date, l'exception ratione temporis.
Je laisse de côté la première phase où cette exception était dans
un certain rapport de dépendance avec la cinquième Exception et
où la portée de l'exception était vague, imprécise et hypothétique,
pour m'en tenir à la forme définitive qu'elle a prise dans la
phase de la réplique. Dans cette phase, comme dans les phases

antérieures, les deux Parties ont invoquéen leurfaveur,l'arrêt des
Phosphates et celui de I'Electricitéde Sofia, et chacun de s'appuyer
sur la formule adoybtéepar la Cour permanente dans les deux
décisionspour considérer la situation telle qu'il l'a décrite,comme
le fait générateurdu digérend.
Dans les deux cas, PhosPhates et Électricitéde Sofia,on pouvait
nettement distinguer le différendde la situation. Pans l'affaire des
Phorplzutes, tant le différend que la situation qui l'a fait naître
étaient, aux yeux de l'Italie, des actes illicites. Mais la Cour,
faisant remonter la situation qui a engendré le conflit à 1920, date
du dahir qui a établi le monopole des phosphates, a dû se déclarer
incompétente puisque cette date est antérieure à la date de la
ratification de la déclaration.
Dans l'affaire de Sofia, le Gouvernement bulgare a cherché à

faire remonter le différend à une situation antérieure: à savoir les
sentences arbitrales qui dataient d'avant la déclaration et qui
auraient rendu la Cour incompétente; mais la Cour a constaté que
ces sentences étaient reconnues par les deux parties comme obliga-
toires et que ce sont leurs applications postérieuresà la déclaration
qui étaient les faits générateurs des différends.
38 160 DROIT DE PASSAGE (OP. DISS. DE M. BADAWI)

Dans le cas actuel, et bien que l'Inde ait prétendu que le diffé-
rend serait antérieur à 1930, il se situe en 1954. Le Portugal admet
cette date et c'est en fin juillet qu'il se cristallise.

Mais quel serait le fait ou la situation qui peut êtreconsidéré

comme générateur du différend? Le Portugal, dans la dernière
phase des plaidoiries, estime que «ce sont ceux qui se sont tradz6its
par la rupture des communications avec les enclaves du fait de
l'Union indienne en 1954 et par la persistance de cet état de choses.
A un moment donné, l'Inde décida d'empêcher l'accès du Portugal
à ses enclaves et mit en Œuvre cette décision » (p. 236 du volume
sur la procédure orale).
Dans une phase antérieure, le Portugal décIarait: a On sait
comment ce différend a pris naissance. L'Union indienne, dans ses

notes du 27 février 1950, du 14 janvier et du I~~mai 1953, a mani-
festé laprétention de mettre fin à la souveraineté du Portugal dans
ses territoires de la Péninsule hindoustanique en se les incorporant.
Ces notes constituent - comme il est dit au paragraphe 30 du
mémoire - le «prélude des événementsqui sont à la base de la
présente action ».1)(Mêmevolume, p. 117.)
Selon cette thèse, la situation aurait commencé en 1950 et elle
aurait engendréle différendde 1954.

Pour l'Inde, la situation remonte à 1818 et serait, par consé-
quent, antérieure à 1930.
Avant d'examiner la thèse indienne, on ne peut ne pas constater
que le Portugal confond le différend et la situation. Le fait qu'il
y a un point culminant dans un différend,à savoir 1954, n'empêche
pas qu'il se compose de plus d'une étape, et c'est le Portugal, dans
sa première plaidoirie, qui qualifie les notes de1950 et 1953 comme
«le prélude des événementsqui sont à la base de la présente ac-

tion ». Ce serait mécoiinaître le sens des (faits et situations »que
d'y comprendre les développements du différend. Le différend
a commencé dès 1950, et, comme c'est à la fois un différendpoli-
tique et juridique, il a pris des formes variées et des phases suc-
cessives.

En effet, s'agissant, du côtéde l'Inde, d'un passage de tolérance,
les difficultés ou avanies infligéespar elle au Portugal, qui ont
commencé en 1950 et culminé en 1954, ne seraient que les mani-

festations graduées du différend. Elles constituent le différenddès
son début et jusqu'à sa fin, et non la situation qui l'a engendré.

Pour l'Inde, les faits et situations qui ont engendré le différend,
ce sont ceux qui ont précédé la période 1950-1954 et qui remontent
dans le passé, depuis 1818, c'est-à-dire pendant toute la période
où le passage a étéexercé.
C'est de cette situation au caractère ambigu et équivoque qu'est

né le différendprovoqué par les mesures prises en 1954. Il s'agit là,
39en effet, d'une situation matérielle: autorisation de passage, qui
aurait étéentendue de manières différentespar chacune des Parties:
l'Inde commeune toléranceou (act of grace »,et le Portugal comme
un droit. En vérité,cette situation est effectivement susceptible de
deux interprétations. Le passage ne serait incompatible avec
aucune de ces deux interprétations. Mêmedans les conditions où
il a été pratiqué,sous forme d'autorisations individuelles, il a
davantage le caractère d'une tolérance. Consu comnie droit, de
nombreux traits d'un droit y feraient défaut.

En effet, le caractère fragmentaire et individuel des demandes
d'autorisations pour chaque transport, soumises à la discrétion de
l'autorité à laquelle ces demandes sont adressées,exclut pvinta facie
la conclusion qu'il existe un droit général,et exclut également que
par la répétitionde ces autorisations il s'est forméun droit de pas-
sage. Le droit de refuser à toute ou àchaque occasion le passage est
présumédans la nécessitéd'une demande.

Quoi qu'il en soit, c'est une situation identique qui a existéavant
comme après 1930, une situation d'équivoquequi a donnénaissance
au différendde 1954, lorsque l'Inde a estiméque certaines circous-

tances politiques justifiaient pour elle le refus définitif de cette
tolérance. La longue durée decette tolérancen'a aucune portée sur
le caractère de ce passage, puisque faute de reconnaissance expresse
d'un droit pendant cette longue période, l'équivoque n'a jamais
cessé.
Il importe peu qu'un différend ait ou non éclatéexpressément
au sujet de cette situation, l'antériorité ne se rattache qu'à la situa-
tion et non au différend.La déclaration ne dit pas (concernant des
différends antérieurs ))mais ((des faits ou situations antérieurs ».
Elle s'applique donc, mêmesi ces faits ou situations n'ont jamais

fait l'objet de contestations entre les Parties.

Toujours est-il que cette situation est antérieure à 1930, et,
quelleque soit la valeur ou la validité desarguments que le Portugal
peut invoquer en faveur de sa conception de ce passage comme droit,
la seule vraisemblance de la conception de tolérance de l'Inde serait
suffisante pour justifier l'exception ratiotzetemporis.
Mêmes'il s'avérait à l'examen que la représentation que le
Portugal se fait ou la construction juridique qu'il élabore decette

situation est correcte, cela ne changerait rien à l'antérioritéde la
situation qui, à elle seule et abstraction faite du fond de la question,
suffit pour excliire le différendde la compétence de la Cour.

Dans l'affaire des Phosphates du Maroc, il a suffi à la Cour de
constater que l'acte qui faisait l'objet du litige entre la France et

40l'Italie n'était qu'une application d'un dahir de 1920, date anté-
rieure à la ratification de la déclaration française, pour se déclarer
incompétente, sans avoir à examiner si ce dahir est ou non contraire
aux engagements internationaux de la France.

En conséquence, à supposer mêmeque le Portugal puisse réussir
à établir qu'à la véritéil jouissait d'un droit, cette possibilité est

complètement étrangère à la sixième Exception. Si la Cour avait
rejeté cette exception, elle aurait donné à la déclaration indienne
un effet rétroactif et aurait ainsi jugé une situation vieille de près
de deux siècles.

Il est édifiant à ce sujet de rappeler ce que la Cour permanente a
dit dans l'affaire des Phosphates, comme explication de la raison

d'être decette exception « ratione temporis )):
((Si les termes qui expriment la limitation ratione temporissont
clairs, l'intention qui les a dictés n'en apparaît pas moins bien
établie:en la formulant, on a entendu enlever à l'acceptation de la
jcridiction obligatoire tout effet rétroactif,soit pour éviterde façon
généralederéveillerdes griefsanciens,soit pour exclure la possibilité
de voir déférépsar requête à !a Cour des situations ou des faits qui
remontent àune époqueoù 1'Etat mis en cause ne serait pas àmême
de prévoirle recours dont pourraient êtrel'objet ces faits et situa-
tions )(p. 24).

Les faits et situations viséspar la sixième Exception ne secorifon-
dent pas avec les titres sur lesquels se base le demandeur, et l'argu-
ment que les principes généraux du droit et la coutume générale
seraient au-dessus et en dehors des dates n'a aucune pertinence en

l'espèce.
Ces principes et coutume ne constituent pas une situation. Ils en
seraient la justification. Or ce qui importe dans cette exception,
c'est l'antériorité et non la légalité. Lefait ou situation, générateur
du différend, a un rapport de causalité avec ce dernier. Les titres
n'en ont pas et ne peuvent en avoir.

La Cour a décidéde joindre cette exception au fond. Cette jonc-
tion est justifiée tantôt par les liens qui existeraient entre les faits
relatifs et ceux de la cinquième Exception, ettantôt par la nécessité
de clarifier les origines du différend. Mais, d'une part, cette exception est distincte et indépendante de
la cinquième, et les faits qui en constituent les élémentsn'ont rien
de commun avec ceux de la cinquième.

D'autre part, il ne s'agit, pour retenir cette exception, que de
constater le rapport entre le différendactuel et une situation anté-
rieure qui y aurait donnénaissance. Or les élémentsde ce rapport
existent dans la documentation actuelle et ont étésuffisamment
discutés par les Parties. Point n'est besoin, pour arriver à une
conclusion au sujet de ce rapport, d'accumuler des faits ou de
découvrir des faits nouveaux.

Pour toutes ces considérations, je conclus que le fait générateur
du différend est la situation ambiguë et équivoque, résultant d'un
svstème d'autorisations individuelles qui dépendent de la discrétiori
de l'autorité qui les accorde, et entendue de manière différentepar
les deux Parties. Cette situation a étédéterminéeou influencéepar
des considérations politiques. Le différend est nélorsque, par suite
d'une conjoncture politique différente,l'Inde a décidéde refuser de
continuer ces autorisations.

Cette situation ayant existé depuis le commencement du siècle
dernier, l'exception serait justifiée et la Cour incompétente de
connaître du différend.

(Signé)A. BADAWI.

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OPINIOX DISSIDENTE DE M. BADAWI,
VICE-PRÉSIDENT

Je suis d'accord sur les décisionsde la Cour en ce qui concerne
les exceptions 1, 3, 4 et5,sans toutefois souscrire à certains aspects
de la motivation de ces décisions.
Je regrette cependant de ne pouvoir me rallier à celles relatives
aux exceptions 2 et 6 que j'estime justifiées. Chacune de ces deux
exceptions suffit pour exclure la compétence de la Cour pour
connaître du différend relatif au droit de passage.

La deuxième Exception a trait à l'introduction prématuréede la
requête portugaise du 22 décembre 1955.
La déclaration du Portugal a étédéposéeauprès du Secrétaire
généfalle 19 décembre, mais les pleins pouvoirs du représentant de
cet Etat n'ont étésignés à Lisbonne que le 20 et n'ont étéremis au
Secrétaire généralque le 21.
Donc, la déclaration a beau avoir étéprésentéele 19 décembre,
elle n'a étérégulièrement déposéq eue le 21.
Mais la -requêtea été introduite devant la Cour le 22 décembre.
Le Gouvernement de l'Inde a pu, par ses propres investigations,

découvrir l'existence de la déclaration vers la fin de décembre, mais
le Secrétaire général ne l'a transmise aux Etats qu'au cours du
mois de janvier 1956 (le19).
L'Inde fonde son exception sur le défaut d'égalité, demutualité
et de réciprocité, maisces fondements ne sont pour l'Inde que les
conséquencesdu caractère consensuel des déclarations. A mon avis,
ces conséquencesn'apportent àl'argument tirélu caractère consen-
suel aucune force supplémentaire. Je m'en tiens donc à ce caractère
consensuel, base de cette exception. ,
On s'accorde à reconnaître qu'un Etat ne peut êtresoumis à une
juridiction internationale que de son consentement. Le système de
déclaration, tout ingénieux qu'il soit pour vaincre certaines résis-

tances et pour trouver une formule pratique et variable pour l'ac-
ceptation de la juridiction de la Cour sans une prescription directe-
ment et uniformément obligatoire, n'en est pas moins basé sur la
notion du consentement.
Lorsque l'article 36 dit cde plein droit et sans convention
spéciale ))il souligne le caractère conventionnel des déclarations,
qu'il confirme par la phrase ((à l'égardde tout Etat acceptant la
même obligation 1).Ces formules excluent toute idée d'attribuer à
la seule déclaration un caratère unilatéral et un effet obligatoire de
ce chef.

33 DISSENTING OPINION

OF VICE-PRESIDENT BADAWI
[Translation]
1am in agreement with the decisions of the Court on Objections 1,
3, 4 and 5, without, however, subscribing to certain aspects of the
reasoning for those decisions.
1 regret, however, that 1 cannot concur in the decisions relating

to Objections 2 and 6, which 1 consider well-founded. Each of these
Objections would be sufficient in itself to exclude the jurisdiction
of the Court to deal with the dispute relating to right of passage.

The Second Objection relates to the premature filing of the
Portuguese Application of December zznd, 1955.
The Portuguese Declaration was deposited with the Secretary-
General on December ~gth, but the Full Powers of the representative
of that State were signed at Lisbon only on the 20th and were
transmitted to the Secretary-General only on the ~1st.
Therefore, although the beclaration was submitted on Decem-
ber ~gth, it u-as properly deposited only on the ~1st.
But the Application to the Court was filed on December zznd.
The Government of India, as a result of its own investigations, u7as
able to discover the existence of the Declaration towards the end
of December, but the Secretary-General did not transmit it to the
19th).
States until January 1956 (the
India bases its Objection on the lack of equality, mutuality and
reciprocity, but these bases are for India but the consequences of
the consensual character of the Declarations. In my opinion, these
consequences do not furnish any additional force to the argument
based on that consensual character. 1 shall, therefore,confine
myself to this consensual character, the basis of this Objection.
It is generally recognized that a State can be brought before an
international tribunal only with its consent. The system ofDeclara-
tions, howeveringenious it may be as a means of overcoming certain
hesitations and of finding a practical and variable formula for the
acceptance of the jurisdiction of the Court vrithout a rule which
is directly and uniformly binding, is none the less based on the
idea of consent.
When Article 36 of the Statute uses the words "ipso facto and
nithout special agreement", it stresses the conventional character
of Declarations and it confirms that character by the expression
"in relation to any other State accepting the same obligation".

These words make it quite impossible to attribute to a Declaration
by itself aunilateral character and a binding effect on this ground.
33 On a prétendu que la Cour a, dans certains considérants de ses
décisions, qualifié lesdéclarations comme des actesunilatéraux, mais
l'examen de ces considérants montre que cette qualification n'a
aucunement la $pification que la déclaration liait par sa seule
force les autres Etats. La Cour constatait simplement qu'aux fins
de l'interprétation de ces déclarations leur origine unilatérale
devrait êtreprise en considération.
Le Portugal ne conteste pas, du reste, le,caractère consensuel du
rapport juridique qui se forme entre les Etats qui ont souscrit à

des déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour. Mais il a soutenu que ce qui créele lien consensuel entrc ces
Etats est la CO-incidencede leurs déclarations ou, plus exactement,
c'est la disposition de l'article 36, paragraphe 2, qui établit une
réciprocité de droits et d'obligations entre les Etats acceptant la
même obligation. Mais cette réciprociténe peut créer l'accord. Elle
peut en déterminer l'étendue. >lais ce qui créel'accord ici, comme
dans toute autre conjoncture. c'est toujours la notion classique de
l'offre et de l'acceptation.
En effet, toiite déclaration nc peut s'analyser qu'en une accep-
tation, par 1'Etat qui la dépose, des déclarations des Etats qui l'ont
précédé,et en une offre de sa part à ceux-ci. Cette analyse est
particulièrement évidente lorsque la nouvelle déclaration contient
des réserves nouvelles.
Or quel que soit, dans cette analyse, l'État qui offre ou celui,qui
accepte, il faut dans tous les cas que l'offre soit acceptée par 1'Etat
auquel elle est adressée. Cette acceptation, même considérée comme

délimitéepar la réciprocité,n'en est pas moins indispensable. Elle
doit ,exister car elle est la base de l'obligation qui en résulte pour
ces Etats de se soumettre à la juridiction de la Cour. Peu importe
que cette acceptation soit effective ou présumée, en vertu d'une
construction juridique que la communicatioii vaut acceptation, elle
doit toujours étre reconnue comme le seul fondement de la compé-
tence de-la Coiir.

Il va sans dire que le Secrétaire généraln'est pas le destinat~ire
de la déclaration qui est,censée êtreadressée ou notifiée, par 1'Etat
qui la fait, aux autres Etats qui y ont déjà souscrit, pour que le
contrat judiciaire se forme entre eux.

La notification des déclarations au Secrétaire général, ou son
Gépôtauprès de lui et son obligation de la communiquer aux autres
Etats sont simplement destinés à remplacer la communication

directe. Le Secrétaire général estdonc un çimple dépositaire chargé
de la porter à la connaissance des autres Etats. En canalisant cette
opération de communication dans les serr~icesdu Secrétaire général,
le Statut a uniquement cherché à en assurer l'accomplissement It has been said tl~at the Court has, in ccrtain passages in its
decisions, described neclarations as unilateral acts, but an examina-
tion of these passagcs shows that this description in no way signifies
that a neclaration by itself and of its own force binds other States.
The Court n7assimply indicating that for the purpose of interpreting
such Declarations their unilateral origin should be taken into
consideration.
Portugal, moreover, does not contest the consensual character
of the legal relationçhip urhich is formed betu-eeii States u-hich ha\ e
subscribed to Declarations accepting the compulsory jurisdiction
of the Court. But it has argued that what creates the consensual
bond between these States is the coinciding of their Declarations,

or, more accurately, the pro\-ision of Article 36, paragraph 2, which
estahlishes a reciprocity of rights and obligations as between the
States accep'iing the same obligation. But that reciprocity cannot
create the agreement. It may define its extent. Rut what creates
the agreement here, as in every other meeting of ~vills,is aln-ays
the basic idea of offer-and acceptance.
Indeed, any Declaration can be analysed only into an acceptance,
by the State depositing it, of the Declarations of those States which
have preceded it and into an offer by it to them. This analysis is
particularly evident when the nem. Declaration contains ne\\
reservations.
But whichever, in this analysjs, is the State which offers and
that which accepts, it is essential in each case that the offer should
bc accepted hy the State to \\-hich it is addressed. This acceptance,
even though it be regarded as tieliniited by reciprocity, is none the
less indispensable. Jt must esist, for it is the basis of the resultiilg
obligation upon these States to submit to the jurisdiction of the

Court. It matters little nhether the acceptance be actual or
constructive, on the basis of a legal interpretation that commu-
nication is equivalent to acceptance, it must alu-ays be recogriized
as the only foundation for the jurisdiction of the Court.

It goes without saying that the Secretary-General is not the
ultimate recipient of the Declaration, which is deemed to be
addressed or notified by the State making it to the other States
which have already accepted the compulsory juriscliction, so that
a binding contract may be fornled between them.
The notification of neclarations to the Secretary-General, or
their deposit with him and his obligation to communicate them
to other States, are merely intended to take the place of direct
communications. The Secretary-General is thus a mere depository
entrusted with the duty of bringing the Declarations to the

knowledge of the other States. By channelling these communi-
cations through the office of the Secretary-General, the Statute
31d'une manière efficace et régulière.Cette communication constitue
une obligation spéciale du Secrétairegénéralprévuepar l'article 36
du Statut.

Traduit dans la terminologie juridique, le système des déclara-
tions constitue un contrat par correspondance entre YEtat déclarant
et les autres Etats par l'organe et l'intermédiaire du Secrétaire
généralqui, en l'occurrence, constitue un relais de transmission. Le
conseil du Portugal a bien reconnu cette construction juridique,
mais il a soutenu que le contrat serait formépar le seul dépôtauprès
du Secrétaire général.
Il y a lieuà cet égard de rappeler que toute déclaration est à la
fois une acceptation et une offre.L'offfe du Portugal, contenue dans

sa déclaration et adresséeaux autres Etats, n'avait pas étéacceptée
par l'Inde, ni même communiquéeà l'Inde.

En ce qui concerne la formation des contratspar correspondance,
les systèmes législatifs internes adoptent des positions variées. Les
uns adoptent la théorie de la déclaration, d'autres celle de l'expé-
dition. D'autres, enfin, considèrent que le contrat est conclu dans
le lieu et le moment où l'auteur de l'offre a pris connaissance de
l'acceptation - sans compter le système de la Cour de Cassation
française qui considère que c'est une question de fait qui doit être
déterminéesuivant les circonstances de chaque espèce.
Le Portugal soutient que l'article 36 du Statut ne prévoit rien à
ce sujet mais, obligé de reconnaître le caractère consensuel des

déclarations comme une implication tacite du système, cherche à
expliquer l'expression du consentement entre les Etats par la
simple CO-incidence de leurs déclarations. Or, en fait, cette co-
incidence souvent fait défaut et, en tout cas, ne constitue que la
mesure et l'étendue des obligations respectives des Etats.
Certes, le cas est nouveau et sans précédent. D'une manière
générale, nila doctrine ni la jurisprudence ne s'en sont occupées.
Le cas actuel trahit le souci de faire une surprise et d'éviter les
dénonciations ou exclusions éventuelles. Mais il n'atteint d'aucune
manière le minimum des conditions exigées pour la formation
d'un contrat.

La déclaration ayant étédéposéeauprès du Secrétaire généralla
veille de la requête,il aurait étéinconceyable de supposer qu'il fût
possible de la transmettre aux autres Etats dans les 24 heures.

La déclaration est donc restée comme si elle n'avait pas encore
étéfaite.
II est oiseux et mêmeinutile de discuter au sujet du moment où
un consentement a pu-exister, où un contrat a pu êtreconsidéré
comme formé entre YEtat déclarant et les autres. Quel que soitwas simply seeking to ensure communication in an efficient and
regular way. This communication constitutes a special obligation
of the Secretary-General which is provided for by Article 36 of
the Statute.
Translated into legal terminology, the system of Declarations
constitutes a contract by correspondence between the declarant
State and the other States through the agency of the Secretary-
General as an intermediary who, in these cases, constitutes a stage
in the transmission. Counsel for Portugal indeed recognized the cor-

rectness of tliis legal construction, but he contended that the con-
tract was formed by the mere deposit with the Secretary-General.
It is necessary in this connection torecd that every Declaration
is itself an acceptance and an offer. The offer by Portugal, contained
in its Declaration and addressed to the other States, had not been
accepted by India or, indeed, communicated to India.

IVith regard to the formation of contracts by correspondence,
rriunicipal legal systems adopt different positions. Some adopt the
declaration theory; others the dispatch theory. Still others take
the view that the contract is concluded at the time and place where
the author of the ofler becomes aware of its acceptance. and there
is the further view, which is that of the French Coztr ~i'eCassation,
that it is a question of fact ~vhichhas to be decided in the light
of the circumstances of each case.
Portugal contends that Article 36 of the Statute is silent on this
point but, being obliged to recognize the consensual character of

Declarations as a tacit implication of the system, it seeks toxplain
the expression of consent as between States by the mere coinciding
of their Declarations. But, in fact, this coincidence is often lacking
and, in any event, it constitutes only the measure and the extent
of the respective obligations of the States.
It is triie that the point ia new one and one for which there is
no precedent. Generally speaking, the point has not been dealt
u~th either in the writings of publicists or in judicial decisions.
The present case reveals the desire that was felt to spring a surprise
and thus to avoid the possibility 01 abrogation of or exclusion
from a Declaration. But it fails wholly to satisfy the minimum
conditions required for the formation of a contract.
Since the Declaration was deposited with the Secretary-General
on the eve of the Application, it would have been impossible to
suppose that it would be transmitted to the other States within
24 hours. The position therefore is the same as if the Declaration
had not been made.
It is unnecessary and would indeed be useless to discuss the

question of the moment at which consent may be said to exist,
at which a contract may be regarded ashaving been formed between ce moment, nous nous trouvons, en l'espèce, dans une situation
qui, en tout état de cause et quel que soit le critère ou le moment
que l'on adopte relativement à la formation du contrat par corres-
pondance, est manifestement antérieure audit moment. Le cas se
limiterait à une offre non encore expédiée.

En invoquant l'article 36, paragraphe 2, du Statut pour démon-
trer que la déclaration produit son effet immédiatement et permet
de saisir la Cour le lendemain de son dépôt, la Cour met l'accent
sur l'expression ((de plein droit », ((ipso facto D, mais en isolant
cette expression de l'expression suivante: (cet sans convention
spéciale »,qui la complète, l'intégritéde la penséedu Statut a été
méconnueet rompue. Ce que le Statut a voulu prévoir, c'est qu'il

n'y aura pas besoin, pour l'acceptation de la juridiction de la
Cour, d'une convention spécia( let je souligne le mot (spéciale 1))
entre chaque État et les autres États. Toutefois, comme la soumis-
sion à une juridiction internationale est essentiellement et éminem-
ment d'ordre conventionnel, cette soumission résultera, d'après le
Statut, de plein droit de la convention qui s'accomplit entre 1'Etat
déclarant et les autres États, par l'échange dela déclaration entre
eux, échange dont le Statut a assuré l'opération par la double
obligation :celle de 1'Etat déclarant de la déposerauprès du Secré-

-ire généralet celle de ce dernier de la communiquer aux autres
Etats. La notion conventionnelle, tant en substance que dans la
forme, a donc étérigoureusement observée dans le système de la
clause facultative.

Mais le respect de cette notion aurait-il étépossible sans le
mécanisme classique de l'offre et de l'acceptation? Il est évident
que les auteurs du Statut n'ont pu innover dans les conceptions
juridiques. Or en dehors de ce mécanisme classique, il n'existe que

le système de la théorie de la déclaration de la volonté et celui du
contrat d'adhésion oii la dualité de l'offre et de l'acceptation
s'estompe. Mais très peu de législations connaissent le premier
système, alors que le second ne présente aucune analogie avec la
clause facultative.
En effet, alors que l'essence du contrat d'adhésion est l'unifor-
mité, celle des déclarations est la variétéet la diversité. Chaque
declaration exprime les conditions, les objectifs et la (policy n de
1'Etat qui la fait. D'autre part, dans les contrats d'adhésion,l'une
des parties se trouve en fait dans l'impossibilité de discuter les

conditions du contrat. Elle est obligéede contracter et donne son
adhésion à la volonté toute puissante de l'autre. On range dans
cette catégorie, entre autres, le contrat de travail, le contrat de
36the declarant State and the other States. Whatever that moment
may be, the position in the present case is that, in any event, and
whatever criterion or moment may be adopted with regard to the
formation of a contract by correspondence, it was prior to that
moment. The present case is similar to one in which there is an
offer which has not yet been dispatched.

In relying upon Article 36, paragraph 2, of the Statute to say
that a Declaration produces its effects immediately and makes it
pernissible to seise the Court the day after it is deposited, the
Court puts the emphasis on the expression "ipso facto", "de plein
droit", but. by isolating that expression from the following expres-
sion "and without special agreement", which completes it, the
complete idea contained in the Statute has been dismembered and
disregarded. What the Statute sought to provide was that there
should be no need. for the acce~tance of the iurisdiction of the
Court, of a special agreement (1 stress the word "special") between

each State and the other States. However, since submission to an
international tribunal is essentially and pre-eminently conventional
in character, such subn~ission, in accordance with the Statute,
is to result ipso facto from the convention which comes into being
between the declarant State and the other States by the exchange
of Declarations between them-an exchange the operation of which
is ensured by the Statute through a dual obligation: that of the
declaring State to deposit it with the Secretary-General and that
of the latter to communicate it to the other States. The notion of
a convention has thus been strictlv observed both in substance
and in form in the Optional Clause iustem.
But would it have been possible to preserve this idea without
the operation of the classical notion of offer and acceptance? It is
obvious that the authors of the Statute could not have hrought

about innovations in legal concepts. But apart from this classical
mechanism, there remains only the theory of the dedaration of the
will and that of the contract by accession in which the dual elements
of offer and acceptance become merged. Very few legal systems,
however, recognize the first theory, whereas the second has no
points of analogj- with the Optional Clause.
Indeed, whereas the essential feature of the "adherence" or
"accession" contract is uniformity, that of Declarations is variety
and diversity. Each Declaration expresses the conditions, the
purposes and the policy of the State which makes it. Furthermore,
in "adherence contracts" one of the parties in fact is in a position
in which it is impossible to discuss the ternls of the contract. It is
obliged to contract and gives its adherence to the al1powerful will
of the other. In this category are included, inter alia, contracts oftransport, celui d'assurance. Quelle analogie peut exister entre ces
contrats et les déclarations d'acceptation de juridiction?

On a citéégalementle cas de conventions collectives ou inultila-
térales dans lesquelles 1'Etat qui y accèdeassunie par sa seule acces-
sion la qualité de partieà la convention, bénéficiantdes droits que
la convention confère et soun~is aux ,obligations qu'elle prescrit,
sans égard à l'acceptation des autres Etats. Mais la situation dans
ce cas ne diffère pas de celle signaléedans les contrats d'adhésion
des droits internes, puisque la convention est acceptée en bloc -
telle quelle -- et qu'elle demeure mêmeouverte aux accessions
par la volonté de ses signataires.

On s'est prévalu, cependant, de l'avis de la Cour, du28 mai 1951,
sur les Réserves à la Convention pour la prévention et la répression

du crime de Génocide.Mais tout d'abord, cet avis ne traite pas de
la règle relative à l'adhésionaux conventions collectives; en outre,
l'avis reconnaît qu'une réserve quelconque n'est valable que si elle
est acceptée par tous les contractants sans exception, et que cette
conception, directement inspirée de la notion di1contrat, conserve
une valeur de principe indéniable. L'avis donné par la Cour a, du
reste, étéexpressément limité à la seule convention sur le géno-
cide.
D'autre part, le système de la clause facultative, établi par
l'article 36 du Statut, n'a rien de commun avec une convention
collective. Il s'agit de déclarations individuelles, d'un type assez
variable, qui, combinéespar leur échange, constituent des conven-
tions également variables, limitées par la réciprocité.

On a invoqué la pratique des États qui dénoncent et renouvellent
leurs déclarations avec la conviction que tant la dénonciation que
le renouvellement prennent effet immédiatement et, d'une manière
particulière, on a opposé l'attitude et la thèse de l'Inde sur le
caractère prématuréde la requête à la formule adoptée par elle en
ce qui concerne la dénonciation de sa propre déclaration du 7 jan-
vier 1957, comme devant produire son effet immédiatement, pour
dire que ce qui serait valable pour la dénonciation de la décla-
ration indienne devrait l'être également pour la déclaration por-

tugaise.
Mais il est plus que contestable, à mon avis, que le mot « immé-
diatement » ait le pouvoir d'abolir la notion consensuelle pour
37 RIGHT OF PASSAGE (DISS.OP. OF VICE-PRES .ADAWI)
158
service, contracts for transport and for insurance. What analogy
can there be between such contracts and Declarations accepting
jurisdietion?

Reference has also been made to the case of collective or multi-
lateral conventions in which a State, by acceding thereto, assumes
by its mere act of accession the capacity ofa partyto the convention,
benefiting from the rights conferred by the convention and subject
to the obligations which it yrescribes independently of acceptance
by other States. But the position in this case is no different from
that referred to in "adherence contracts" under n~unicipal legal
systems, since the conventioil is accepted as a whole-as it stands
-and since indeed it remains open to accessions by the will of
its signatories.
Reliance has, however, been placed upon the Opinion of the
Court of May 28th, 1951, on Reservations to the Convention on

the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide. Rut, in
the first place, this Opiniondoes not deal with the rule relating to
adherence to collective conventions; furthermore, the Opinion
recognizes that a given reservation is valid only if it is accepted by
every one of the contracting parties and that this conception,
directly inspired by the idea of contract, constitutes an undeniable
principle. Moreover, the Opinion given by the Court was expressly
limited to the Genocide Convention itself.
Furthermore, the Optional Clause system established by Article 36
of the Statute has nothing in common with a collective convention.
It is concerned with individual Declarations, varying considerably
in character, which, combined together by means of their mutual
exchange, constitute conventions which are equally variable and
limited by reciprocity .

Reference has been made to the practice of States which denounce
and renew their Declarations in the belief that both their denun-
ciation and their renewal take immediate effect, and, in particular,
the contrast has been pointed out between the attitude and the
contentions of India with regard to the premature character of the
Application and the formula adopted bji that State with reference
to its denunciation of January 7th, 1957, of its own Declaration,
a denunciation which was to take immediate effect; and it has
been argued that what applies to the denunciation of the Indian
Declaration should likewise apply to the Portuguese Declaration.

But it is more than doubtful, in my opinion, whether the word
"immediate" can have the effect of eliminating the consensual
37la dénonciation du contrat d'acceptation de la juridiction de la

Cour.
Dans les deux cas de formation de ce contrat et de sa dénoncia-
tion, les mêmes règles relatives à la nécessitéde l'acceptation
devraient s'appliquer.

J'estime donc que la construction juridique qui, à la fois, répond
aux éléments defait du différend sounlis à la Cour et est conforme
au Statut, ne permet pas de dire qu'un accord a pu exister entre
le Portugal et l'Inde sur l'acceptation de la.juridiction de la Cour.
La Cour serait donc incompétente pour connaître de la requêtedu
22 décembre 1955, sur la base de la deuxième Exception.

La sixième Exception invoque la clause relative aux différends
nésaprès le 5 février 1930, concernant des situations ou des faits
postérieurs à cette date, l'exception ratione temporis.
Je laisse de côté la première phase où cette exception était dans
un certain rapport de dépendance avec la cinquième Exception et
où la portée de l'exception était vague, imprécise et hypothétique,
pour m'en tenir à la forme définitive qu'elle a prise dans la
phase de la réplique. Dans cette phase, comme dans les phases

antérieures, les deux Parties ont invoquéen leurfaveur,l'arrêt des
Phosphates et celui de I'Electricitéde Sofia, et chacun de s'appuyer
sur la formule adoybtéepar la Cour permanente dans les deux
décisionspour considérer la situation telle qu'il l'a décrite,comme
le fait générateurdu digérend.
Dans les deux cas, PhosPhates et Électricitéde Sofia,on pouvait
nettement distinguer le différendde la situation. Pans l'affaire des
Phorplzutes, tant le différend que la situation qui l'a fait naître
étaient, aux yeux de l'Italie, des actes illicites. Mais la Cour,
faisant remonter la situation qui a engendré le conflit à 1920, date
du dahir qui a établi le monopole des phosphates, a dû se déclarer
incompétente puisque cette date est antérieure à la date de la
ratification de la déclaration.
Dans l'affaire de Sofia, le Gouvernement bulgare a cherché à

faire remonter le différend à une situation antérieure: à savoir les
sentences arbitrales qui dataient d'avant la déclaration et qui
auraient rendu la Cour incompétente; mais la Cour a constaté que
ces sentences étaient reconnues par les deux parties comme obliga-
toires et que ce sont leurs applications postérieuresà la déclaration
qui étaient les faits générateurs des différends.
38notion in respect of the denunciation of the contract by which
the jurisdiction of the Court is accepted.
In the case both of the formation of this contract and of its
denunciation, the same rules relating to the neceçsity for acceptance
should be applied.

1 therefore consider that the juridical construction which both
takes into account the factual elements of the dispute submitted to
the Court and is in conformity urith the Statute, does not make it
possible to Say that any agreement existed between Portugal and
India with regard to acceptance of the jurisdiction of the Court.
It would follow that the Court is without jurisdiction to deal
with the Application of December zznd, 1955, on the basis of
the Second Objection.

The Sixth Objection is based upon the provision relating to
disputes arising after February 5th, 1930, 6th regard to situations
or facts subsequent tothat date; it is an objection rationetemporis.
1 shall disregard the first phase in which this Objection bore a
certain relationship of dependence with the Fifth Objection and in
which the scope of the Objection was vague, imprecise and hypo-
thetical, and 1shall confine myself to the final form of the Objection,
the form in which it was put fonvard in the oral reply. In this

phase, as inthe earlierones, both Parties relied upon the Judgrnents
in the Phosphates case and in the Electricity Company of Sofia case,
and each relied upon the words used by the Permanent Court in
the two decisions regarding the situation which it described as the
source of the dispute.
In both the Phosphatescase and the Electricity Company of Sofia
case, there was a clear distinction between the dispute and the
situation. In the Phosphatescase, both the dispute and the situation
which gave rise to it were, in the view of Italy, unlawful acts. But
the Court traced back the situation, which gave rise to the conflict,
to 1920, the date of the dahir establishing the phosphate monopoly,
and it held itself without jurisdiction because that date was prior
to the date of the ratification of the Declaration.
In the Electricity Company of Sofia case, the Bulgarian Govern-
ment sought to trace back the dispute to an earlier date, namely,
that of the arbitral awards made prior to the Declaration, in which

case the Court would have been without jurisdiction; but the
Court iound that the awards had been recognized by both parties
as being binding and that the question of their application after
the date of the Declaration was the source of the disputes.
38 160 DROIT DE PASSAGE (OP. DISS. DE M. BADAWI)

Dans le cas actuel, et bien que l'Inde ait prétendu que le diffé-
rend serait antérieur à 1930, il se situe en 1954. Le Portugal admet
cette date et c'est en fin juillet qu'il se cristallise.

Mais quel serait le fait ou la situation qui peut êtreconsidéré

comme générateur du différend? Le Portugal, dans la dernière
phase des plaidoiries, estime que «ce sont ceux qui se sont tradz6its
par la rupture des communications avec les enclaves du fait de
l'Union indienne en 1954 et par la persistance de cet état de choses.
A un moment donné, l'Inde décida d'empêcher l'accès du Portugal
à ses enclaves et mit en Œuvre cette décision » (p. 236 du volume
sur la procédure orale).
Dans une phase antérieure, le Portugal décIarait: a On sait
comment ce différend a pris naissance. L'Union indienne, dans ses

notes du 27 février 1950, du 14 janvier et du I~~mai 1953, a mani-
festé laprétention de mettre fin à la souveraineté du Portugal dans
ses territoires de la Péninsule hindoustanique en se les incorporant.
Ces notes constituent - comme il est dit au paragraphe 30 du
mémoire - le «prélude des événementsqui sont à la base de la
présente action ».1)(Mêmevolume, p. 117.)
Selon cette thèse, la situation aurait commencé en 1950 et elle
aurait engendréle différendde 1954.

Pour l'Inde, la situation remonte à 1818 et serait, par consé-
quent, antérieure à 1930.
Avant d'examiner la thèse indienne, on ne peut ne pas constater
que le Portugal confond le différend et la situation. Le fait qu'il
y a un point culminant dans un différend,à savoir 1954, n'empêche
pas qu'il se compose de plus d'une étape, et c'est le Portugal, dans
sa première plaidoirie, qui qualifie les notes de1950 et 1953 comme
«le prélude des événementsqui sont à la base de la présente ac-

tion ». Ce serait mécoiinaître le sens des (faits et situations »que
d'y comprendre les développements du différend. Le différend
a commencé dès 1950, et, comme c'est à la fois un différendpoli-
tique et juridique, il a pris des formes variées et des phases suc-
cessives.

En effet, s'agissant, du côtéde l'Inde, d'un passage de tolérance,
les difficultés ou avanies infligéespar elle au Portugal, qui ont
commencé en 1950 et culminé en 1954, ne seraient que les mani-

festations graduées du différend. Elles constituent le différenddès
son début et jusqu'à sa fin, et non la situation qui l'a engendré.

Pour l'Inde, les faits et situations qui ont engendré le différend,
ce sont ceux qui ont précédé la période 1950-1954 et qui remontent
dans le passé, depuis 1818, c'est-à-dire pendant toute la période
où le passage a étéexercé.
C'est de cette situation au caractère ambigu et équivoque qu'est

né le différendprovoqué par les mesures prises en 1954. Il s'agit là,
39 In the present case, in spite of the fact that India claims that
the dispute was prior to rg30, its real date is 1954. This is the date
contended for by Portugal and it was at the end of July of that
year that it became cryst,dized.
But what is the fact or the situation which can be regarded as
the source of the dispute? Portugal, in the Iast phase of the oral
arguments, expressed the vieu- that "They are those which were
constituted by the interruption of communications with the encla-

ves, brought about by the act of the Indian Union in 1954,and by
the continuance of that state of affairs. At a given moment India
decided to prevent access by Portugal to its enclaves and put that
decision into effect" (p. 236 of the Oral Proceedings volume).
In an earlier phase, Portugal stated: "It is well known how this
dispute came into existence. In its Notes of February qth, 1950,
and of January 14th and May ~st, 1353, the Indian Union
manifested its claim to put an end to the sovereignty of Portugal
over its territories in the Hindustan Peninsula by absorbing these
territories. These Notes-as stated in paragraph 30 of the Memonal
-constitute the 'prelude to the events which are the basis of the
present action'." (Same volume, p. 117.)
According to this argument, the situation began in 1950 and
gave rise to the dispute of 1954.
In the view of India, the situation must be traced back to 1818
and is consequently prior to 1930.

Before examining the Indian argument, it should be said that
one cannot avoid the conclusion that Portugal is confusing the
dispute and the situation. The fact that there is a culrninating
point in the dispute, namely, 1954, does not niean that it does
not consist of more than one phase, and it was Portugal, in its
first oral argument, which descnbed the 1950 and 1953 Notes as
"the prelude to the events which are the basis of the present
action". To include within the words "facts and situations" the
developments of the dispute would be to distort the meaning of
those words. The dispute had already begun in 1950 and since it
is both a political and legal dispute, it took various forms and
passed through several stages.
In so far as India is concerned, since what is involved is merely
passage on sufferance, the difficulties and obstacles which that
country inflicted on Portugal, which began in 1950 and culminated
in 1954, are but progressive manifestations of the dispute which
constitute the dispute from its beginning until its end, and not the

situation which gave rise to the dispute.
In the view of India, the facts and situations which gave rise to
the dispute are those preceding the penod 1950-1954, which go
back into the past, to 1818, that is to say, the whole period during
which passage was exercised.
It is out of this situation, uith its ambiguous and equivocal
character, that the dispute provoked by the measures taken inen effet, d'une situation matérielle: autorisation de passage, qui
aurait étéentendue de manières différentespar chacune des Parties:
l'Inde commeune toléranceou (act of grace »,et le Portugal comme
un droit. En vérité,cette situation est effectivement susceptible de
deux interprétations. Le passage ne serait incompatible avec
aucune de ces deux interprétations. Mêmedans les conditions où
il a été pratiqué,sous forme d'autorisations individuelles, il a
davantage le caractère d'une tolérance. Consu comnie droit, de
nombreux traits d'un droit y feraient défaut.

En effet, le caractère fragmentaire et individuel des demandes
d'autorisations pour chaque transport, soumises à la discrétion de
l'autorité à laquelle ces demandes sont adressées,exclut pvinta facie
la conclusion qu'il existe un droit général,et exclut également que
par la répétitionde ces autorisations il s'est forméun droit de pas-
sage. Le droit de refuser à toute ou àchaque occasion le passage est
présumédans la nécessitéd'une demande.

Quoi qu'il en soit, c'est une situation identique qui a existéavant
comme après 1930, une situation d'équivoquequi a donnénaissance
au différendde 1954, lorsque l'Inde a estiméque certaines circous-

tances politiques justifiaient pour elle le refus définitif de cette
tolérance. La longue durée decette tolérancen'a aucune portée sur
le caractère de ce passage, puisque faute de reconnaissance expresse
d'un droit pendant cette longue période, l'équivoque n'a jamais
cessé.
Il importe peu qu'un différend ait ou non éclatéexpressément
au sujet de cette situation, l'antériorité ne se rattache qu'à la situa-
tion et non au différend.La déclaration ne dit pas (concernant des
différends antérieurs ))mais ((des faits ou situations antérieurs ».
Elle s'applique donc, mêmesi ces faits ou situations n'ont jamais

fait l'objet de contestations entre les Parties.

Toujours est-il que cette situation est antérieure à 1930, et,
quelleque soit la valeur ou la validité desarguments que le Portugal
peut invoquer en faveur de sa conception de ce passage comme droit,
la seule vraisemblance de la conception de tolérance de l'Inde serait
suffisante pour justifier l'exception ratiotzetemporis.
Mêmes'il s'avérait à l'examen que la représentation que le
Portugal se fait ou la construction juridique qu'il élabore decette

situation est correcte, cela ne changerait rien à l'antérioritéde la
situation qui, à elle seule et abstraction faite du fond de la question,
suffit pour excliire le différendde la compétence de la Cour.

Dans l'affaire des Phosphates du Maroc, il a suffi à la Cour de
constater que l'acte qui faisait l'objet du litige entre la France et

40 1954 arose. What is here involved is a factual situation: the
authorization of passage which was differently understood by each
of the Parties: by India, as on sufferance or as an act of grace, and
by Portugal, as a right. In reality, the situation is one susceptible
of two interpretations. The exercise of passage would not be
incompatible with either of those interpretations. In the actual

conditions in which it was exercised, that is, by means of separate
authorizations, it would appear rather to have been permitted on
sufferance. Considered as a right,various elements of a right would
appear to be lacking.
Indeed, the fragmentary and individual character of the requests
for authorization in respect of each transport, subject to the discre-
tion of the authority to which the requests were addressed, would
prima facie exclude the conclusion that any general right did exist,
and would likewise exclude the possibility that by the repetition of
these authorizations a right of passage came into being. The right
to refuse passage on any or every occasion is to be assumed from
the necessity for a request.
However that may be, the situation which existed before 1930
was identical with that which existed aftenvards, an equivocal
situation which gave rise to the dispute of 1954, when India took
the view that certain political circumstances justified it in finally
refusing further to extend this sufferance. The lengthy duration of

this sufferance has no bearing upon the character of this passage
since, in the absence of any express recognition of right during
this long period, there was no change in the equivocal position.
It matters little whether a dispute has or has not arisen expressly
with regard to that situation, the priority of date is referable only
to the situation and not to the dispute. The neclaration does not
Say "conceming prior dispiites" but "prior situations or facts".
It is therefore applicable even if those facts or situations have
never given rise to differences between the Parties.

The fact remains that this situation was prior to 1930, and
whatever may be the validity and weight of the arguments adduced
by Portugal in support of its conception of this passage as a right,
the mere probability of India's conception of passage as on suffer-
ance would be sufficient to justify the objection ratio?letenzfioris.

Even if it should appear on examination that the view which
Portugal has formed or the legal construction which it puts upon
this situation is correct, that would in no way alter the fact that
the situation existed prior to 1930 and that fact, by itself, and irre-
spective of the merits of the question, is sufficient to exclude the
dispute from the jurisdiction of the Court.
In the Phosphates in Morocco case, the Court considered it suf-
ficient as a reason for holding itself without jurisdiction that thel'Italie n'était qu'une application d'un dahir de 1920, date anté-
rieure à la ratification de la déclaration française, pour se déclarer
incompétente, sans avoir à examiner si ce dahir est ou non contraire
aux engagements internationaux de la France.

En conséquence, à supposer mêmeque le Portugal puisse réussir
à établir qu'à la véritéil jouissait d'un droit, cette possibilité est

complètement étrangère à la sixième Exception. Si la Cour avait
rejeté cette exception, elle aurait donné à la déclaration indienne
un effet rétroactif et aurait ainsi jugé une situation vieille de près
de deux siècles.

Il est édifiant à ce sujet de rappeler ce que la Cour permanente a
dit dans l'affaire des Phosphates, comme explication de la raison

d'être decette exception « ratione temporis )):
((Si les termes qui expriment la limitation ratione temporissont
clairs, l'intention qui les a dictés n'en apparaît pas moins bien
établie:en la formulant, on a entendu enlever à l'acceptation de la
jcridiction obligatoire tout effet rétroactif,soit pour éviterde façon
généralederéveillerdes griefsanciens,soit pour exclure la possibilité
de voir déférépsar requête à !a Cour des situations ou des faits qui
remontent àune époqueoù 1'Etat mis en cause ne serait pas àmême
de prévoirle recours dont pourraient êtrel'objet ces faits et situa-
tions )(p. 24).

Les faits et situations viséspar la sixième Exception ne secorifon-
dent pas avec les titres sur lesquels se base le demandeur, et l'argu-
ment que les principes généraux du droit et la coutume générale
seraient au-dessus et en dehors des dates n'a aucune pertinence en

l'espèce.
Ces principes et coutume ne constituent pas une situation. Ils en
seraient la justification. Or ce qui importe dans cette exception,
c'est l'antériorité et non la légalité. Lefait ou situation, générateur
du différend, a un rapport de causalité avec ce dernier. Les titres
n'en ont pas et ne peuvent en avoir.

La Cour a décidéde joindre cette exception au fond. Cette jonc-
tion est justifiée tantôt par les liens qui existeraient entre les faits
relatifs et ceux de la cinquième Exception, ettantôt par la nécessité
de clarifier les origines du différend.act, which was the subject of the dispute between France and
Italy, was merely the application of a dahir of 1920, that is, a date
earlier than the ratification of the French Declaration, and held
that it was unnecessary to consider whether the dahir was or was
not contrary to the international ot~ligations assumed by France.
Itfollows that even if Portugal could succeed in showing that it
did in reality enjoy a right, that possibility is wholly unconnected
with the Sixth Objection. If the Court had rejected that Objection,
it would have gjven retroactive effect to the Indian Declaration
and would thus have adjudicated upon a situation some two
centuries old.
*
* *

Itis of interest in this connection to recall what the Permanent
Court said in the Phosehates case as an explanation of the raison
d'êtreof this objection "ratione temporis":

"Not only are the terms expressing the limitation rationetemporis
clear, but the intention which inspired it seems equally clear: it was
inserted with the object of depriving the acceptance of the compul-
general, a revival of old disputes, and to preclude the possibility, in
of the subinission to the Court by means of an application of situa-
tions or facts dating from a period when the State whose action
was impugned was not in a position to foreseethe legal proceedings
to which these facts and situations might give rise" (p. 24).

The facts and situations referred to in the Sixth Objection are
not the same as the grounds on which the applicant relies, and the
argument that the general principles of law and general custom
are above and beyond dates is of no relevance in the present case.

These principles and custom do not constitute a situation. They
might be a justification for a situation. But what is relevant
to this Objection is priority of date, not legality. The fact or
situation which is the source of a dispute has a causal connection
with that dispute. Legal grounds have not, and cannot have, any
such connection.

The Court has decided to join this Objection to the merits. This
joinder is said to be justified, on the one hand, by the connection
between the facts relevant thereto and those relevant to the Fifth
Objection, and, on the other hand, by the need to have further
clarification of theorigins of the dispute. Mais, d'une part, cette exception est distincte et indépendante de
la cinquième, et les faits qui en constituent les élémentsn'ont rien
de commun avec ceux de la cinquième.

D'autre part, il ne s'agit, pour retenir cette exception, que de
constater le rapport entre le différendactuel et une situation anté-
rieure qui y aurait donnénaissance. Or les élémentsde ce rapport
existent dans la documentation actuelle et ont étésuffisamment
discutés par les Parties. Point n'est besoin, pour arriver à une
conclusion au sujet de ce rapport, d'accumuler des faits ou de
découvrir des faits nouveaux.

Pour toutes ces considérations, je conclus que le fait générateur
du différend est la situation ambiguë et équivoque, résultant d'un
svstème d'autorisations individuelles qui dépendent de la discrétiori
de l'autorité qui les accorde, et entendue de manière différentepar
les deux Parties. Cette situation a étédéterminéeou influencéepar
des considérations politiques. Le différend est nélorsque, par suite
d'une conjoncture politique différente,l'Inde a décidéde refuser de
continuer ces autorisations.

Cette situation ayant existé depuis le commencement du siècle
dernier, l'exception serait justifiée et la Cour incompétente de
connaître du différend.

(Signé)A. BADAWI. But, in the first place, this Objection is distinct from and inde-
pendent of the Fifth Objection, and the facts which make up its
elements have nothing in common with those pertaining to the
Fifth Objection.
In the second place, in order to uphold this Objection, it is
necessary only to perceive the relationship between the present
dispute and a prior situation said to have given rise to it. But the
elements of this relationship are to be found in the documents now
before the Court and they have been sufficiently discussed by the
Parties. There is no need, in order to reach a conclusion with regard
to this relationship, to accumulate facts or to discover any new
facts.
In view of al1 these considerations, 1 am of opinion that the

source of the dispute is the ambiguohs and eq&ocal situation,
resulting from a system of individual authoiizations depending
upon the discretion of the authority granting them, which was
understood in different ways by the two Parties. This situation
was determined or influenced by political considerations. The dis-
pute arose when, as a result of changed political circumsta.nces,
India decided to refuse to continue these authorizations.
This situation having existed since the beginning of the last
century, 1 consider the Objection to be justified and the Court to
be without jurisdiction to deal with the dispute.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Badawi, Vice-président

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