Opinion dissidente de M. Klaestad (traduction)

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015-19520701-JUD-01-06-EN
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015-19520701-JUD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. I<LAESTAD
[Tradirction]

Le Gouvernement hellénique, qui n'a pas fait de déclaration
en vertu de l'article 36 (2) du Statut de la Cour. soutient que
la compétence de la Cour peut êtretirée de l'article 29 du traité
de commerce et de navigation, conclu en 1926 entre la Grande-
Bretagne et la Grèce. Le texte de cet article est le suivant :

«Les deux Parties contractantes conviennent, en principe, que
interprétation ou application de l'une quelconque des dispositions
du présent traité sera, àla demande de l'une ou de l'autre Partie,
soumis à l'arbitrage.
Le tribunal d'arbitrage auquel ces différends seront soumis,
sera la Cour permanente de Justice internationale de La Haye,
à moins que, dans un cas particulier quelconque, les deux Parties
contractantes n'en conviennent autrement. n

Les faits invoqués par le Gouvemement hellénique ont trait à
la période comprise entre 1919 et 1923. Ces faits ne peuvent guère
impliquer l'interprétation ou l'application des dispositions d'un
traité qui n'existait pas à l'époque où se sont produits les actes
dont on se plaint. On ne peut enfreindre les dispositions d'un
traité qui n'existe pas, et, s'il se trouvait qu'un traité à venir

contint des dispositions plus ou moins similaires à certaines des
dispositions du traité de commerce anglehellénique de 1886.
leqiiel existait effectivement à l'époque où furent commis les
manquements allégiiésà ces dispositions, cela n'y changerait rien.
Les deux traités sont des instruments juridiques indépendants,
auxquels s'appliquent des clauses d'arbitrage différentes.
Le Gouvemement hellénique soutient en outre que la compl-
tence de la Cour peut êtretirée de la déclaration jointe au traité
de 1926. Le texte de cette déclaration est le suivant :

(Il est bien entendu que le traité de commerce et' de naviga-
tion entre la Grande-Bretagne et la Grècedatéde ce jour ne porte
pas préjudice aux réclainations au nom de personnes privées
fondéessur les dispositions du traité commercial anglugrec de
1886,et que tout différendpouvant s'éleverentre nos deux gouver-
nements quant i la validité de telles réclamations sera, à la
demancie de l'un des deux gouvernements, soumis à arbitrage
c.onfomémentaux dispositions du protocole du IO novembre 1SS6;
annexé audit traité.)1
Comme la déclaration elle-même ne défèreaucun différend à
la Cour permanente de Justice internationale, la thèse du Gouver-
nement hellénique est que la déclaratioii est une partie du traité

de 1926 et qu'à ce titre la clause d'arbitrage de l'article 29 s'y
59 81
OPINION DISIDENTE DE M. KLAESTAD
applique. L'appréciation à porter sur cette thèse dépend de consi-
dérations de forme aussi bien que de fond.
Au point de vue de la forme, il convient d'observer que le
traité et la déclaration ont été traitéscomme deux instruments

distincîs, en tant qu'ils ont étérédigéset publiés comme des
documents distincts, et signés séparément. D'autre part, ils ont
étésignés en mêmetemps, par les mêmessignataires, et la décla-
ration a étératifiée par les deux gouvernements en mêmetemps
que le traité. Le fait que les deux instruments ont étératifiés
en même temps, et que l'antique ciause de style utilisée pour
les ratifications leur a étéappliquée, ne signifie pas nécessairement
que l'un puisse être considérécomme une partie de l'autre. Ce
point étant traité dans l'opinion dissidente de sir -4rnold McNair,
Mident, je ne m'en occuperai pas davantage.
Quant aux questions de fond, il convient d'observer que rien,
dans le traité ou la déclaration, n'indique que cette dernière
doive êtreconsidéréecomme une partie du traité. La déclaration
ne se présente pas elle-même comme une interprétation d'une
quelconque des dispositions du traité, ni comme une application
de l'une quelconque de ces dispositions. Eile ne modifie en rien
le traité.lle n'ajoute rien à ses dispositions et n'en retranche rien.

On a fait valoir que la déclaration touche l'interprétation de
certains articles du traité de 1926, en ce sens qu'elle empêche
que l'entrée en vigueur du traité ne fasse disparaître des récla-
mations néesde faits régispar le traité de 1886. La réelleet seule
portée de la déclaration est cependant, à mon avis, qu'elle indique
ce que l'on doit faire de certaines réclamations,néesdu traité de
1886, quand ce traité est expiré. La déclaration garde en vie ces
réclamations, ainsi que la procédure arbitrale prescrite par le
protocole joint au traité de 1886. Elle a trait au traité de 1886
et à ce traité seulement.
Eu égard à ces diverses considérations, j'incline à penser que
la déclaration ne peut êtreconsidéréecomme une partie di; traité
de 1926 et que, partant, l'article29 ne s'y applique pas. Je me
bornerai à énoncer les brèves observations qui précèdent, au
sujet de cet aspect de l'affaire,car les considérations qui suivent
sont, selon moi, plus décisives. Je vais maintenant examiner ce
différend préliminaire en partant de l'hypothèse, contraire à ma

manière de voir, selon laquelie la déclaration serait partie du
traité.
~'akicle 29 contient une clause d'arbitrage générale,aux termes
de laquelle les Parties«conviennent en principe que tout différend
qui pourrait surgir entre eiles quant à l'exacte interprétation ou
application de l'une quelconque desdispositions du présent traité
sera, à la demande de l'une ou de l'autre Partie, soumis à l'arbi-
trage » - arbitrage exerce par la Cour permanente de Justice
internationale (ou, maintenant, par la Cour internationale de
Justice, du fait de l'article 37 du Statut de la Cour). OPINION DISSIDENTE DE M. KLAEST;\D 82
La déclaration contient une clause d'arbitrage spéciale, par

laquelle les différendsrelatifsà certaines réclamations particulières,
fondées sur le traité de 1886, sont soumis à l'arbitrage conformé-
ment aux dispositions du protocole de 1886. Cette clause d'arbi-
trage spéciale doit, conformément aux principes générauxd'inter-
prétation, l'emporter sur la clause d'arbitrage génkrale.
En fait, les Parties sont convenues (en principe ))que les diffé-
rends portant sur l'interprétation ou l'application des dispositions
du traité de 1926 seront soumis à la Cour. Mais, lorsqu'elles ont

envisagi. les réclamations particulières fondées sur le traité de
1886, elles ont prévu exprcssément que les différends relatifs à
ces réclamations seraient déférés à la commission arbitrale. Elles
ont conservé. pour ces différends, la procédure:arbitrale du proto-
cole de 1886. Les Parties, en d'autres termcs, sont convenues
que ces dcux méthodes d'arbitrage differentes coexisteraient.
Mêmesi la déclaration doit être considérée comme une partie
du traité dc 1926, la mkthocle d'arbitrage. prescrite par l'article 29,

ne pourrait donc être appliquée au cas des différends portant
sur des réclamations qui se fondent sur le traité de 1886. Polir ces
différends, l'autre méthode d'arbitrage a étémaintenue expreç-
sément.
J'avancerai maintenant d'un pas, et je supposerai que, contraire-
ment à ma manière de voir, l'article 29 s'applique à la déclaration.
et que la Cour est compétente pour interpréter et appliquer cette
déclaration et pour décider si le Gouvernement du Royaume-I-ni

est tenu de soumettre le présent différend à la commission arbitrale.
La déclaration entoure de diverses conditions la soumission
d'un différend à cette commission. La réclamation doit être
((fondée sur les dispositions du traité commercial anglo-grec de
1886 ».Elle doit être présentée ((au nom de personnes privées n.
Le différend doit s'être élevé (entre nos deux gouvernements )).
Il doit avoir trait (<à la validité de telles réclan~ations 1).A cet
égard, il convient de mentionner également la thèse du Gouver-

nement du Royaume-C'ni. selon laquelle la réclamation doit avoir
étéformulée avant la signature de la déclaration. Cette condition,
alléguée pax le Gouvernement du Royaume-Uni, a trait selon moi,
de même que toutes les autres conditions mentionnées ci-dessus,
à la question relative à l'interprétation ou à l'application de la
déclaration et non à celle, qui est actuellement examinée, de
savoir si la Cour est compétente pour interpréter et pour appliquer
la déclaration. D'autres conditions sont énoncéesdans le protocole
de 1886 auquel se réfere la déclaration.

Avant que la Cour puisse décidt,r si le Gouvernement du
Royaume-Cni est tenu de soumettre le différend à la commission
arbitrale, elle devra vkrificr iliicllcs sont les conditions prt.scritgls,
en vue de cettc soumission. t.t se rendre compte si ces conditions
sorit remplies. OPINION DISSIDENTE DE M. KL.4EST.4D 83
D'autre part, le fond du différend ne pourrait d'aucune manière,
en vertu de la déclaration, être soumis à la Cour, étant donné
qu'il est expressément prévu dans cette déclaration que les diffé-

rends, quant à la validité des réclamations fondées sur le traité
de 1886,seront, à la demande de l'un ou l'autre des gouvernements,
soumis à la commission arbitrale.
Dans l'hypothèse où la Cour serait compétente pour interpréter
et appliquer la déclaration, on instituerait ainsi une dualité de
compétence à l'égarddes différendsquiportent sur ces réclamations.
Il existerait, pour le même différend, deux modes d'arbitrage
distincts. Des questions relatives à l'interprétation ou à l'appli-
cation de la déclaration, et à une partie du protocole de 1886,
y compris celle qui a trait à la compétence de la commission
arbitrale, devraient êtrerenvoyées à la Cour, tandis que d'autres
questions, s'élevant à propos du même différend, y compris
l'appréciation du fond, devraient être soumises à la commission

arbitrale. Tandis que, par exemple, un différend relatifà la validité
d'une réclamation devrait être soumis à cette commission, ainsi
que le prescrit expressément la déclaration, le point de savoir
si le différend en fait porte sur la validité deréclamation devrait
êtresoumis à la Cour, puisqu'il y a là une condition de la soumis-
sion à l'arbitrage qui implique une interprétation ou une appli-
cation à la déclaration.
Lïne telle dualité de procédure d'arbitrage, pour le même diffé-
rend, serait si compliquée et artificielle, elle gaspillerait tant de
temps et serait si inusitée, que l'on ne peut guère supposer qu'eue
ait 4té envisagée et acceptée par les Parties au traité et à la
déclaration de 1926. Celles-ci, en fait, n'ont rien prescrit de la
sorte, autant que je puisse m'en rendre compte. Elles ont simple-

ment renvoyé à l'arbitrage, conformément au protocole de 1886,
des différends qui portaient sur des réclamations fondées sur le
traité de 1886. Elles n'ont pas renvoyé à la Cour de question
visant ces différends. Elles n'ont pas prescrit que ces différends
doivent, en tout ou partie, être réglés selonle mode d'arbitrage
prévu à l'article 29 du traité de 1926, encore qu'elles eussent
pu facilement le faire, si telle avait étéleur intention.
Il convient, en outre, d'observer que, selon un principe reconnu
du droit international, un tribunal international a le pouvoir de
décider sur sa propre compétence. Il appartiendrait donc à la
commission arbitrale elle-mêmede décider si elle est compétente
pour connaître d'un différend qui lui est soumis. Seule, une dispo-

sition expresse et claire pourrait empêcherla commission d'exercer
cette compétence ; mais aucune disposition de cet ordre, limitant
la compétence de la commission, n'est contenue dans l'article 29
du traité de 1926 OU dans la déclaration. Il est difficile de croire
que les Parties, par les dispositions de l'article 29, aient entendu
conférer également à la Cour permanente de Justice internationale
la compétence de décider si un différend relcve de la compétence
62 OPINION DISSIDENTE DE M. KLAESTAD
84
de la commission arbitrale, s'exposant ainsi au risque de voir
les deux tribunaux aboutir à des résultats opposés.
Pour ces motifs, j'arriveà la conclusion que la Cour n'est pas

compétente en l'espèce. Ceci est conforme à l'avis exprimé par
le Gouvernement hellénique, dans une note adressée, en date du
6 août 1940, au secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères du
Royaume-Uni et où il était dit :ccDu mémorandum ci-inclus il
ressort nettement, de l'avis du Gouvernement royal hellénique,
que la commission arbitrale, prévue par le protocole final du
traité de commerce anglo-grec de 1886, est la seule autorité
compktente en la matière ...1)Cette interprétation donnée par le
Gouvernement hellénique lui-même, quant à la compétence
exclusive de la commission arbitrale, confirme la conclusion selon
laquelle la Cour n'est pas compétente dans le cas présent.

(Signé )elge KLAESTAD.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE KLAESTAD

The Hellenic Government, which has not made any declaration
under Article 36 (2) of the Court's Statute, contends that the juris-
diction of the Court can be derived from Article 29 of the Treaty
of Commerce and Navigation of 1926 between Great Britain and
Greece. The text of this Article is as follows :

"The two Contracting Parties agree in principle that any dispute
that may arise between them as to the proper interpretation or
application of any of the provisions of the present Treaty shall, at
the request of either Party, be referred to arbitration.

The Court of arbitration to which disputes shall be referred shall
unless in any particular case the two Contracting Parties agree other-
wise."

The facts invoked by the Hellenic Government relate to the period
from 1919to 1923. Such facts can hardly involve an interpretation
or application of provisions of a treaty which did not exist at the
time when the acts complained of were done. One cannot commit a
breach of non-existing treaty provisions, and it cannot make any
difference ifsuch provisions in a future treaty might become more
or less similar to some of tlie provisions of the Anglo-Greek Com-

mercial Treaty of 1886 actually existing at the time when the
alleged breaches of those provisions were committed. The two
Treaties were independent legal instruments, governed by different
arbitration clauses.

The Hellenic Government further contends that the jurisdiction
of the Court can be derived from the Declaration attached to the
Treaty of 1926. The text of this Declaration is as follows :
"It is well understood that the Treaty of Commerce and Naviga-
tion between Great Britain and Greece of to-day's date does not
prejudice claims on belialf of private persons based on the provi-
sions of tlie Anglo-Greek Commercial Treaty of 1886,and that any
differences which may arise between our two Governments as to the
validity of such claims shall, at the request of either Government,
be referred to arbitration in accordance with the provisions of the
Protocol of November ~oth, 1886, annexed to the said Treaty."

As the Declaration itself does not refer any dispute to the Perma-
nent Court of Internatiorial Justice, the contention of the Hellenic
Government is that the Declaration is a part of the 1926Treatyand
as such is covered by the arbitration clause in Article 29. The
59 OPINION DISSIDENTE DE M. I<LAESTAD
[Tradirction]

Le Gouvernement hellénique, qui n'a pas fait de déclaration
en vertu de l'article 36 (2) du Statut de la Cour. soutient que
la compétence de la Cour peut êtretirée de l'article 29 du traité
de commerce et de navigation, conclu en 1926 entre la Grande-
Bretagne et la Grèce. Le texte de cet article est le suivant :

«Les deux Parties contractantes conviennent, en principe, que
interprétation ou application de l'une quelconque des dispositions
du présent traité sera, àla demande de l'une ou de l'autre Partie,
soumis à l'arbitrage.
Le tribunal d'arbitrage auquel ces différends seront soumis,
sera la Cour permanente de Justice internationale de La Haye,
à moins que, dans un cas particulier quelconque, les deux Parties
contractantes n'en conviennent autrement. n

Les faits invoqués par le Gouvemement hellénique ont trait à
la période comprise entre 1919 et 1923. Ces faits ne peuvent guère
impliquer l'interprétation ou l'application des dispositions d'un
traité qui n'existait pas à l'époque où se sont produits les actes
dont on se plaint. On ne peut enfreindre les dispositions d'un
traité qui n'existe pas, et, s'il se trouvait qu'un traité à venir

contint des dispositions plus ou moins similaires à certaines des
dispositions du traité de commerce anglehellénique de 1886.
leqiiel existait effectivement à l'époque où furent commis les
manquements allégiiésà ces dispositions, cela n'y changerait rien.
Les deux traités sont des instruments juridiques indépendants,
auxquels s'appliquent des clauses d'arbitrage différentes.
Le Gouvemement hellénique soutient en outre que la compl-
tence de la Cour peut êtretirée de la déclaration jointe au traité
de 1926. Le texte de cette déclaration est le suivant :

(Il est bien entendu que le traité de commerce et' de naviga-
tion entre la Grande-Bretagne et la Grècedatéde ce jour ne porte
pas préjudice aux réclainations au nom de personnes privées
fondéessur les dispositions du traité commercial anglugrec de
1886,et que tout différendpouvant s'éleverentre nos deux gouver-
nements quant i la validité de telles réclamations sera, à la
demancie de l'un des deux gouvernements, soumis à arbitrage
c.onfomémentaux dispositions du protocole du IO novembre 1SS6;
annexé audit traité.)1
Comme la déclaration elle-même ne défèreaucun différend à
la Cour permanente de Justice internationale, la thèse du Gouver-
nement hellénique est que la déclaratioii est une partie du traité

de 1926 et qu'à ce titre la clause d'arbitrage de l'article 29 s'y
5981 DISSENTING OPINION OF JUDGE KLAESTAD

appreciation of this contention depends on considerations of form
as well as of substance.
As to matters of form, it should be noted that the Treaty and the
Declaration were treated as two separate instruments, in so far as
they were drafted and issued as separate documents and signed

separately. On the other hand, they were signed at the same time
by the same signatories, and the Declaration was ratified by both
Governments, together with the Treaty. That the two instruments
were ratified together and covered by the ancient routine formula
for ratifications does not necessarily mean that the one is to be
regarded as a part of the other. As this point is developed in the
Dissenting Opinion of President Sir Arnold McNair, 1 shall not deal
further with it.

As to matters of substance, it should be taken into consideration
that nothing in the Treaty or Declaration indicates that the Declar-
ation shall be regarded as a part of the Treaty. The Declaration does
not present (self as an interpretation of any of the Treaty provi-
sions,nor does it appear as an application of any of those provisions.
It does not in any way modify the Treaty. It adds nothing to its
provisions, nor does it subtract anything from them.

It has been argued that the Declaration affects the interpretation
of Certain articles of the 1926 Treaty in the sense that it prevents
the coming into force of the Treaty from extinguishing claims which
have accrued out of facts governed by the 1886Treaty. The real and
only scope of the Declaration is, however, in my opinion, that it
provides what is to be done with certain claims accrued under the
1886 Treaty when that Treaty disappears. It keeps such claims
alive, together with the arbitral procedure prescribed by the Pro-
toc01 attached to the 1886 Treaty. It relates to the 1886 Treaty,
and to that Treaty only.
Having regard to these various considerations, 1 am inclined to
hold that the Declaration cannot be regarded as a part of the 1926
Treaty, and that Article 29 therefore does not apply to it. 1 shall
limit myself to these brief remarks with regard to this aspect of the
matter, since the following considerations are, in my opinion, more
conclusive. 1 shall now examine this preliminary dispute on the

hypothesis that, contrary to my view, the Declaration does form a
part of the Treaty.

Article 29 contains a general arbitration clause by which the
Parties "agree in principle that any dispute that may arise between
them as to the proper interpretation or application of any of the
provisions of the present Treaty shall, at the request of either Party,
be referred to arbitrationV-arbitration by the Permanent Court of
International Justice (or now by the International Court of Justice
by the operation of Article 37 of the Court's Statute). 81
OPINION DISIDENTE DE M. KLAESTAD
applique. L'appréciation à porter sur cette thèse dépend de consi-
dérations de forme aussi bien que de fond.
Au point de vue de la forme, il convient d'observer que le
traité et la déclaration ont été traitéscomme deux instruments

distincîs, en tant qu'ils ont étérédigéset publiés comme des
documents distincts, et signés séparément. D'autre part, ils ont
étésignés en mêmetemps, par les mêmessignataires, et la décla-
ration a étératifiée par les deux gouvernements en mêmetemps
que le traité. Le fait que les deux instruments ont étératifiés
en même temps, et que l'antique ciause de style utilisée pour
les ratifications leur a étéappliquée, ne signifie pas nécessairement
que l'un puisse être considérécomme une partie de l'autre. Ce
point étant traité dans l'opinion dissidente de sir -4rnold McNair,
Mident, je ne m'en occuperai pas davantage.
Quant aux questions de fond, il convient d'observer que rien,
dans le traité ou la déclaration, n'indique que cette dernière
doive êtreconsidéréecomme une partie du traité. La déclaration
ne se présente pas elle-même comme une interprétation d'une
quelconque des dispositions du traité, ni comme une application
de l'une quelconque de ces dispositions. Eile ne modifie en rien
le traité.lle n'ajoute rien à ses dispositions et n'en retranche rien.

On a fait valoir que la déclaration touche l'interprétation de
certains articles du traité de 1926, en ce sens qu'elle empêche
que l'entrée en vigueur du traité ne fasse disparaître des récla-
mations néesde faits régispar le traité de 1886. La réelleet seule
portée de la déclaration est cependant, à mon avis, qu'elle indique
ce que l'on doit faire de certaines réclamations,néesdu traité de
1886, quand ce traité est expiré. La déclaration garde en vie ces
réclamations, ainsi que la procédure arbitrale prescrite par le
protocole joint au traité de 1886. Elle a trait au traité de 1886
et à ce traité seulement.
Eu égard à ces diverses considérations, j'incline à penser que
la déclaration ne peut êtreconsidéréecomme une partie di; traité
de 1926 et que, partant, l'article29 ne s'y applique pas. Je me
bornerai à énoncer les brèves observations qui précèdent, au
sujet de cet aspect de l'affaire,car les considérations qui suivent
sont, selon moi, plus décisives. Je vais maintenant examiner ce
différend préliminaire en partant de l'hypothèse, contraire à ma

manière de voir, selon laquelie la déclaration serait partie du
traité.
~'akicle 29 contient une clause d'arbitrage générale,aux termes
de laquelle les Parties«conviennent en principe que tout différend
qui pourrait surgir entre eiles quant à l'exacte interprétation ou
application de l'une quelconque desdispositions du présent traité
sera, à la demande de l'une ou de l'autre Partie, soumis à l'arbi-
trage » - arbitrage exerce par la Cour permanente de Justice
internationale (ou, maintenant, par la Cour internationale de
Justice, du fait de l'article 37 du Statut de la Cour).82 DISSENTING OPINION OF JUDGE KLAESTAD
The Declaration contains a special arbitration clause which refers
disputes asto certain particular claims based on the 1886 Treaty to

arbitratiorl in accordance with the provisions of the 1886 Protocol.
This special arbitration clause must, in accordance with general
principles of interpretation, prevail over the general arbitration
clause.
III fact. the Parties agreed "in principle" that disputes as to the
interpretation or application of the provisions of the 1926 Treaty
should be referred to the Coiirt. But when they considered the
particular claims based on the 1886Treaty, they expressly provided
that disputes as to such claims should be referred to the Arbitral
Commission. They maintained for such disputes the arbitral proce-
dure of the 1886 Protocol. The Parties agreed, in other words, that
these two different methods of arbitration should exist side by side.
Even if the Lkclaration is to be regarded as a part of the Treaty of

1926, the method of arbitration prescribed by Article 29 could not
therefore be applied in the case of disputes concerning claims based
ori the Treaty of 1886. For such disputes the other method of
arbitration was expressly maintained.

1 shall now take a step further and assume that, contrary to my
vie-., Article 29 does apply to the Declaration, and that the Court
lias jurisdiction to interpret and apply this Declaration and to
decide whether the United Kingdom Government is under an obliga-
tion to submit the present dispute to the Arbitral Coinmission.
The Declaration contains various conditions for the submission
of a dispute to that Commission. The claim must be "based on the

provisions of the Anglo-Greek Commercial Treaty of 1886". It must
be made "on behalf of private perçons". The difference must have
arisen "between Our two Governments". It must relate "to the
validity of such claims". In this coniiection should also be men-
tioned the contention of the United Kingdom Government that the
claim must have been formulated before the Declaration was signed.
This alleged condition invoked by the United Kingdom Government
relates, in my opinion, as do â11the other above-mentioned condi-
tions, to the question of the interpretation or application of the
Declaration and not to the question, now under consideration, as
to whether the Court has jurisdiction to interpret and apply the
Ilcclaration. Further conditions are contained in the 1886 Protocol
to whiîh the Ueclaration refers.

J3efore the Court could decide whether the United Kingdom
Government is under an obligation to submit the dispute to the
Arbitral Commission, it would have to determine the conditions
prescribed for such a submission and to ascertain whether these
conditions are fulfilled. OPINION DISSIDENTE DE M. KLAEST;\D 82
La déclaration contient une clause d'arbitrage spéciale, par

laquelle les différendsrelatifsà certaines réclamations particulières,
fondées sur le traité de 1886, sont soumis à l'arbitrage conformé-
ment aux dispositions du protocole de 1886. Cette clause d'arbi-
trage spéciale doit, conformément aux principes générauxd'inter-
prétation, l'emporter sur la clause d'arbitrage génkrale.
En fait, les Parties sont convenues (en principe ))que les diffé-
rends portant sur l'interprétation ou l'application des dispositions
du traité de 1926 seront soumis à la Cour. Mais, lorsqu'elles ont

envisagi. les réclamations particulières fondées sur le traité de
1886, elles ont prévu exprcssément que les différends relatifs à
ces réclamations seraient déférés à la commission arbitrale. Elles
ont conservé. pour ces différends, la procédure:arbitrale du proto-
cole de 1886. Les Parties, en d'autres termcs, sont convenues
que ces dcux méthodes d'arbitrage differentes coexisteraient.
Mêmesi la déclaration doit être considérée comme une partie
du traité dc 1926, la mkthocle d'arbitrage. prescrite par l'article 29,

ne pourrait donc être appliquée au cas des différends portant
sur des réclamations qui se fondent sur le traité de 1886. Polir ces
différends, l'autre méthode d'arbitrage a étémaintenue expreç-
sément.
J'avancerai maintenant d'un pas, et je supposerai que, contraire-
ment à ma manière de voir, l'article 29 s'applique à la déclaration.
et que la Cour est compétente pour interpréter et appliquer cette
déclaration et pour décider si le Gouvernement du Royaume-I-ni

est tenu de soumettre le présent différend à la commission arbitrale.
La déclaration entoure de diverses conditions la soumission
d'un différend à cette commission. La réclamation doit être
((fondée sur les dispositions du traité commercial anglo-grec de
1886 ».Elle doit être présentée ((au nom de personnes privées n.
Le différend doit s'être élevé (entre nos deux gouvernements )).
Il doit avoir trait (<à la validité de telles réclan~ations 1).A cet
égard, il convient de mentionner également la thèse du Gouver-

nement du Royaume-C'ni. selon laquelle la réclamation doit avoir
étéformulée avant la signature de la déclaration. Cette condition,
alléguée pax le Gouvernement du Royaume-Uni, a trait selon moi,
de même que toutes les autres conditions mentionnées ci-dessus,
à la question relative à l'interprétation ou à l'application de la
déclaration et non à celle, qui est actuellement examinée, de
savoir si la Cour est compétente pour interpréter et pour appliquer
la déclaration. D'autres conditions sont énoncéesdans le protocole
de 1886 auquel se réfere la déclaration.

Avant que la Cour puisse décidt,r si le Gouvernement du
Royaume-Cni est tenu de soumettre le différend à la commission
arbitrale, elle devra vkrificr iliicllcs sont les conditions prt.scritgls,
en vue de cettc soumission. t.t se rendre compte si ces conditions
sorit remplies. DISSENTING OPINION OF JUDGE KLAESTAD
83
On the other hand, the merits of the dispute could not in any
case, by virtue of the Declaration, be referred to the Court, since it
is expressly provided in that Declaration that differences as to the
validity of claims based on the 1886 Treaty shall, at the request of
either Government, be referred to the Arbitral Commission.

On the hypothesis that the Court has jurisdiction to interpret and
apply the Declaration, there would thus be established a duality oi
jurisdiction with regard to disputes relating to such claims. For one
and the same dispute there would be two different processes of
arbitration. Questions relating to the interpretation or application
of the Declaration and to a part of the 1886Protocol, including the
question of the competence of the Arbitral Commission, would have
to be referred to the Court, while other questions arising out of the
same dispute, including the appreciation of the merits, would have
to be submitted to the Arbitral Commission. While, for instance, a
difference as to the validity of a claim would have to be referred to
that Commission, as expressly prescribed by the Declaration, the
question whether the difference, in fact, does relate to the validity

of the claim would have to be referred to the Court, since this is a
condition for submission to arbitration and involves an interpreta-
tion or application of the Declaration.

Such a dual arbitral procedure for one and the same dispute would
be'so complicated and artificial, so time-wasting and unusual, that
it can hardly be believed to have been contemplated and accepted
by the Parties to the Treaty and Declaration of 1926. In fact, they
prescribed nothing of the kind, as far as 1 can see. They simply
referred disputes concerning claims based on the 1886 Treaty to
arbitration in accordance with the 1886 Protocol. They did not
refer any question relating to such disputes to the Court. They did
not prescribe that these disputes, or parts thereof, shall be settled

by the method of arbitration provided for by Article 29 of the 1926
Treaty, though they could easily have done so if it had been their
intention.

It should, moreover, be taken into consideration that, according
to a recognized principle of international law, an international
tribunal has the power to determine its own competence. It would
accordingly be for the Arbitral Commission itself to decide whether
it is competent todeal with a dispute referred to it. The Commission
could be excluded from exercising such a competence only by an
express and clear provision to that effect ; but no such provision
limiting the competence of the Commission is contained in Article 29
of the 1926 Treaty or in the Declaration. It is difficult to believe

that the Parties, by the provisions of Article 29, intended to confer
also on the Permanent Court of International Justice the conipe-
tence to decide whether a dispute is within the competence of the
62 OPINION DISSIDENTE DE M. KL.4EST.4D 83
D'autre part, le fond du différend ne pourrait d'aucune manière,
en vertu de la déclaration, être soumis à la Cour, étant donné
qu'il est expressément prévu dans cette déclaration que les diffé-

rends, quant à la validité des réclamations fondées sur le traité
de 1886,seront, à la demande de l'un ou l'autre des gouvernements,
soumis à la commission arbitrale.
Dans l'hypothèse où la Cour serait compétente pour interpréter
et appliquer la déclaration, on instituerait ainsi une dualité de
compétence à l'égarddes différendsquiportent sur ces réclamations.
Il existerait, pour le même différend, deux modes d'arbitrage
distincts. Des questions relatives à l'interprétation ou à l'appli-
cation de la déclaration, et à une partie du protocole de 1886,
y compris celle qui a trait à la compétence de la commission
arbitrale, devraient êtrerenvoyées à la Cour, tandis que d'autres
questions, s'élevant à propos du même différend, y compris
l'appréciation du fond, devraient être soumises à la commission

arbitrale. Tandis que, par exemple, un différend relatifà la validité
d'une réclamation devrait être soumis à cette commission, ainsi
que le prescrit expressément la déclaration, le point de savoir
si le différend en fait porte sur la validité deréclamation devrait
êtresoumis à la Cour, puisqu'il y a là une condition de la soumis-
sion à l'arbitrage qui implique une interprétation ou une appli-
cation à la déclaration.
Lïne telle dualité de procédure d'arbitrage, pour le même diffé-
rend, serait si compliquée et artificielle, elle gaspillerait tant de
temps et serait si inusitée, que l'on ne peut guère supposer qu'eue
ait 4té envisagée et acceptée par les Parties au traité et à la
déclaration de 1926. Celles-ci, en fait, n'ont rien prescrit de la
sorte, autant que je puisse m'en rendre compte. Elles ont simple-

ment renvoyé à l'arbitrage, conformément au protocole de 1886,
des différends qui portaient sur des réclamations fondées sur le
traité de 1886. Elles n'ont pas renvoyé à la Cour de question
visant ces différends. Elles n'ont pas prescrit que ces différends
doivent, en tout ou partie, être réglés selonle mode d'arbitrage
prévu à l'article 29 du traité de 1926, encore qu'elles eussent
pu facilement le faire, si telle avait étéleur intention.
Il convient, en outre, d'observer que, selon un principe reconnu
du droit international, un tribunal international a le pouvoir de
décider sur sa propre compétence. Il appartiendrait donc à la
commission arbitrale elle-mêmede décider si elle est compétente
pour connaître d'un différend qui lui est soumis. Seule, une dispo-

sition expresse et claire pourrait empêcherla commission d'exercer
cette compétence ; mais aucune disposition de cet ordre, limitant
la compétence de la commission, n'est contenue dans l'article 29
du traité de 1926 OU dans la déclaration. Il est difficile de croire
que les Parties, par les dispositions de l'article 29, aient entendu
conférer également à la Cour permanente de Justice internationale
la compétence de décider si un différend relcve de la compétence
62 DISSENTING OPINION OF JUDGE KLAESTAD
84
Arbitral Commission, thereby exposing themselves to the risk that
the two tribunals might arrive at opposite results.
For these reasons, 1have arrived at the conclusion that the Court
lacks jurisdiction in the matter. This conforms with the view
expressed by the Greek Government in a note to the Foreign
Secretary of the United Kingdom, dated 6th August 1940 in which
it declared:"From the enclosed Memorandum it clearly appears, in

the opinion of the Royal Hellenic Government, that the Arbitral
Cornmittee provided for by the final Protocol of the Greco-British
Commercial Treaty of 1886 is the only competent authority in the
matter ....This interpretation by the Greek Government itself as
to the exclusive competence of the Arbitral Commission confirms
the conclusion that the Court has no jurisdiction in the present case.

(Szgned) Helge KLAESTAD. OPINION DISSIDENTE DE M. KLAESTAD
84
de la commission arbitrale, s'exposant ainsi au risque de voir
les deux tribunaux aboutir à des résultats opposés.
Pour ces motifs, j'arriveà la conclusion que la Cour n'est pas

compétente en l'espèce. Ceci est conforme à l'avis exprimé par
le Gouvernement hellénique, dans une note adressée, en date du
6 août 1940, au secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères du
Royaume-Uni et où il était dit :ccDu mémorandum ci-inclus il
ressort nettement, de l'avis du Gouvernement royal hellénique,
que la commission arbitrale, prévue par le protocole final du
traité de commerce anglo-grec de 1886, est la seule autorité
compktente en la matière ...1)Cette interprétation donnée par le
Gouvernement hellénique lui-même, quant à la compétence
exclusive de la commission arbitrale, confirme la conclusion selon
laquelle la Cour n'est pas compétente dans le cas présent.

(Signé )elge KLAESTAD.

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Opinion dissidente de M. Klaestad (traduction)

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