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CR 2015/10

Mardi 21 avril 2015 à 10 heures

Tuesday 21 April 2015 at 10 a.m. - 2 -

10 The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. The Court meets this morning to

hear the conclusion of the first round of Nicaragua’s oral argument. I give the floor to

Mr. Reichler.

M. REICHLER :

E LÉMENTS DE PREUVE :DEUXIÈME PARTIE
L ES DOMMAGES CAUSÉS AU N ICARAGUA

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, bonjour. Il m’incombe

aujourd’hui de vous présenter les éléments qui démontrent que la construction de la route du

Costa Rica a causé des dommages importants au Nicaragua.

2. Mon analyse portera essentiellement sur les dommages causés par l’accumulation de

sédiments provenant de la route dans le San Juan inférieur. Dans cette partie du fleuve, des bancs

de sable et digues formées par les dépôts sédimentaires entravent déjà la navigation, et entraînent

une diminution des quantités d’eau qui alimentent les zones humides en aval, notamment pendant

la saison sèche. En se déposant dans le cours inférieur du San Juan, les sédiments de la route

viennent aggraver ces problèmes de manière substantielle et quantifiable. M. Loewenstein, qui me

succèdera à la barre, examinera les dommages que cause à l’équilibre écologique du San Juan et de

son cours inférieur, ainsi qu’aux espèces qui les peuplent, l’apport de sédiments produits par la

route. Le Costa Rica n’ayant pas réalisé d’évaluation de l’impact sur l’environnement avant

d’entreprendre cet important chantier de construction, ainsi qu’il y était pourtant tenu au regard de

ses obligations internationales, il n’existe à ce jour aucune étude portant sur ces dommages

particuliers et d’autres répercussions importantes, ainsi que sur les risques prévisibles liés,

notamment, au développement de la région du point de vue des activités agricoles et commerciales

et de l’implantation humaine, qui, ainsi que l’a exposé hier M. Sheate , ne manquera pas de se

produire une fois que la route aura été achevée et mise en service. M. McCaffrey examinera les

dommages et les risques qu’entraîne pour le Nicaragua la violation, par le Costa Rica, de ses

obligations internationales relatives à la conduite d’une évaluation de l’impact sur l’environnement.

1CR 2015/9, p. 45-46 (Sheate). - 3 -

3. J’en viens maintenant au préjudice important que le Nicaragua a subi et continue à subir

en raison de l’accumulation des sédiments de la route dans le cours inférieur du San Juan.

11 4. La position du Nicaragua en ce qui concerne les dépôts de sédiments dans cette partie du

fleuve est fondée sur huit points, sur lesquels les Parties s’accordent ou qui sont étayés par des

éléments de preuve aujourd’hui incontestables.

o
5. Point n 1. La construction de la route a entraîné des rejets considérables de sédiments

dans le fleuve San Juan, en amont du point de bifurcation entre le Colorado et le San Juan inférieur.

Selon les calculs du Costa Rica, les dépôts imputables à la route s’élèvent chaque année à

75 000 tonnes ; le Nicaragua, ainsi que cela a été précisé hier par M. Kondolf et confirmé par

M. Weaver dans son exposé écrit, avance, quant à lui, un chiffre situé entre 190 000 et

3
250 000 tonnes , s’en tenant aux conclusions de ses experts, comme l’a aussi indiqué M. Kondolf.

6. Point n 2. Les sédiments émanant de la route sont transportés par le courant jusqu’au

point de bifurcation où, selon les conclusions de M. Kondolf, de M. Andrews et de l’ICE, la régie

costa-ricienne de l’électricité, 10 % des eaux du fleuve et une grande partie de ses sédiments

passent dans le San Juan inférieur . Cette estimation est fondée sur les calculs établis et produits

tout récemment par l’ICE, qui sont admis par les experts du Nicaragua.

7. Point n 3. La charge entrant dans le San Juan inférieur est composée de sédiments

grossiers à hauteur de 20 % environ, et de sédiments fins pour les 80 % restants, proportions

également fondées sur les données les plus récentes fournies par le Costa Rica et admises par le

5
Nicaragua . Selon M. Andrews, l’intégralité des sédiments grossiers et 60 % des sédiments fins

6
atteignent le San Juan inférieur .

8. Point n 4. Ces sédiments s’accumulent, pour l’essentiel, dans le San Juan inférieur, et

viennent grossir les bancs de sable qui entravent déjà la navigation, en particulier pendant la saison

2
DCR, par. 2.61.
3CR 2015/9, p. 13-14 (Kondolf) ; Weaver, exposé écrit, 15 mars 2015, par. 52.

4CR 2015/9, p. 13-14 (Kondolf) et p. 27 (Andrews) ; Régie costa-ricienne d’électricité (Instituto costarricense de
Electricidad, ICE), «Second rapport sur l’hydrologie et les sédiments des bassins hydrographiques costa-riciens dont les
eaux sont drainées parle fleuve San Juan», décembre 2014 (DCR, annexe 5) (le «rapport de l’ICE de 2014»), p. 30-31,

figures 6.6-6.7.
5CR 2015/9, p. 26-27 (Andrews) ; rapport de l’ICE de 2014, p. 53.

6CR 2015/9, p. 26, 30 (Andrews) ; Andrews, exposé écrit, 15 mars 2015, par. 26, 33. - 4 -

12 sèche, le fleuve devenant alors impraticable, comme l’a exposé M. Thorne. Cela est également

confirmé par MM. van Rhee et Andrews . 7

o
9. Point n 5. L’accumulation de sédiments sur ces bancs de sable entraîne une diminution

de la profondeur du fleuve, ce qui affecte sa capacité de transport des sédiments en aval et se

traduit par une augmentation des apports sédimentaires dans son cours inférieur et une

accumulation accrue des sédiments à cet endroit. Ainsi que l’a exposé M. van Rhee, et ainsi que

l’admet l’expert du Costa Rica, ce processus se répète à l’infini, le taux d’accumulation augmentant

en permanence avec le grossissement des bancs de sable et la diminution consécutive de la capacité

8
de transport du fleuve .

10. Point n 6. En raison de l’accumulation de sédiments sur les bancs de sable formés dans

le San Juan inférieur, il est indispensable de procéder au dragage du fleuve afin d’en préserver la

navigabilité, y compris pour les petites embarcations d’à peine un mètre de tirant d’eau, et de

maintenir une source suffisante d’eau propre pour les zones humides situées en aval.

9
MM. van Rhee et Thorne sont également d’accord sur ce point .

11. Point n 7. C’est pourquoi le Nicaragua procède, depuis 2011, au dragage de cette partie

du fleuve. Malgré cela, les sédiments continuent de s’accumuler plus rapidement qu’ils ne sont

évacués par les opérations du Nicaragua, lequel, en dépit d’efforts considérables déployés avec des

ressources limitées, ne peut que ralentir le rythme de cette accumulation. Ainsi, les opérations de

dragage du Nicaragua ont permis non pas d’accroître le débit du San Juan inférieur, mais de réduire

le rythme auquel il décroît. C’est, là encore, un point sur lequel les experts des deux Parties

s’accordent .10

o
12. Point n 8. Dès lors que le Nicaragua est déjà contraint de draguer le San Juan inférieur,

il s’ensuit que tout apport supplémentaire de sédiments dans le fleuve, comme celui produit par la

route du Costa Rica, vient s’ajouter aux volumes sédimentaires qui se déposent notamment au

7
Van Rhee, exposé écrit, 15 mars 2015, par. 4-6 ; CR 2015/3, p. 25 (Thorne) ; Colin Thorne, «Evaluation de
l’impact physique des travaux effectués par le Nicaragua depuis octobre 2010 sur la géomorphologie, l’hydrologie et la
dynamique des sédiments du fleuve San Juan, ainsi que leur impact environnemental en territoire costa-ricien»,
octobre 2011 (Certaines activités, MCR, appendice 1) (le «rapport Thorne d’octobre 2011»), p. II-27 ; CR 2015/9,
p. 31-32 (Andrews).
8
Van Rhee, exposé écrit, 15 mars 2015, par. 4 ; rapport Thorne d’octobre 2011, p. II-27-28.
9
Ibid., par. 6-11 ; rapport Thorne d’octobre 2011, p. II-28.
10 CR 2015/6, p. 33-36 (van Rhee) ; CR 2015/3, p. 43 (Thorne). - 5 -

niveau des bancs de sable, et, partant, accroît la quantité de sédiments à évacuer. Or, étant donné

que les sédiments s’accumulent déjà dans ces secteurs à un rythme supérieur à celui auquel ils

13 peuvent être évacués, le Nicaragua doit non seulement faire face à une augmentation de la charge

de travail, mais aussi, comme il ne dispose pas de la capacité suffisante pour mener des opérations

à plus grande échelle, à une accumulation régulière des sédiments supplémentaires de la route, qui

viennent grossir les formations entravant déjà la navigation et réduire le débit des eaux vers les

zones humides en aval.

13. Selon le Nicaragua, les dommages causés par l’élargissement de ces formations faisant

obstacle à la navigation et à l’écoulement des eaux en aval  phénomène qui, ainsi que je l’ai

précisé, s’accentue continûment et mécaniquement, puisque tout élargissement des bancs de sable

et autres formations accroît la quantité de sédiments qui s’y accumuleront par la suite, ce qui aura

pour effet d’élargir ces formations et d’en aggraver l’action obstructive  sont nécessairement

significatifs. A l’évidence, tout ce qui accroît les entraves à la navigation existantes, ou ralentit

encore le débit du fleuve, constitue un dommage significatif.

14. Monsieur le président, le Costa Rica se livre à une bataille de chiffres ; alors regardons

les chiffres. Supposons, à cet égard, que la quantité de sédiments rejetés chaque année par la route

dans le San Juan est de l’ordre de 190 000 tonnes, ce qui correspond à l’estimation basse de

MM. Kondolf et Weaver. Les deux Parties conviennent que 20 % des sédiments grossiers et 16 %

11
des sédiments fins passent dans le San Juan inférieur, en aval du point de bifurcation . S’y

déposent l’intégralité de ces sédiments grossiers et 60 % de ces sédiments fins , soit 7600 tonnes

13 14
pour les premiers et 14 592 tonnes pour les seconds , ce qui fait 22 192 tonnes de sédiments au

total, qui s’accumulent chaque année dans le San Juan inférieur.

11 CR 2015/9, p. 19-20 (Kondolf) et p. 27 (Andrews) ; rapport de l’ICE de 2014, p. 30-31, figures 6.6 b) et 6.7 b).
12
CR 2015/9, p. 26, 30 (Andrews) ; Andrews, exposé écrit, 15 mars 2015, par. 26, 33.
13 38 000 tonnes (20 % de 190 000) de sédiments grossiers en provenance de la route sont rejetés dans le fleuve
chaque année ; 7600 tonnes  20% de ce chiffre  représente donc la quantité de sédiments grossiers qui atteindraient

le San Juan inférieur et s’y accumuleraient chaque année.
14 152 000 tonnes (80 % de 190 000) de sédiments fins en provenance de la route sont rejetés dans le fleuve
chaque année ; 24 320 tonnes  16 % de ce chiffre  représente donc la quantité de sédiments fins qui atteindraient le
San Juan inférieur, où ils s’accumuleraient à hauteur de 60 % (14 592 tonnes) chaque année. - 6 -

15. Les éléments versés au dossier montrent que, en 2014, le Nicaragua a retiré du San Juan

15
inférieur quelque 260 000 tonnes de sédiments . La part imputable à la route représente donc

environ 8,5 % du volume que le Nicaragua a été contraint  et en mesure  de draguer au cours

14 de l’année écoulée. Ainsi que M. Andrews l’a souligné hier, il s’agit de «quantités considérables
16
de sédiments» . Et il s’agit d’un accroissement de 8,5 % qui n’a pas lieu une seule fois mais

chaque année, phénomène qui s’auto-alimente, comme les intérêts composés.

16. Peut-on qualifier d’«important» le chiffre de 22 192 tonnes ou plus, correspondant aux

sédiments rejetés chaque année par la route dans le San Juan inférieur, dont la navigabilité est déjà

entravée par de nombreux obstacles ? Telle est la question sur laquelle la Cour doit se prononcer.

Il convient, dès lors, de s’interroger sur la manière dont celle-ci devrait procéder, et sur le sens à

donner au terme «important» dans le présent contexte.

17. Monsieur le président, ces derniers mots  «dans le présent contexte»  revêtent, du

point de vue du Nicaragua, une importance capitale. Ainsi que M. Kondolf l’a exposé hier  et

cela semble évident même sans la confirmation d’un expert , la question de savoir si quelque

17
chose peut être qualifié d’«important» dépend du contexte . De toute évidence, cela est

parfaitement admis en droit international de l’environnement et dans la pratique en la matière, ainsi

que M. McCaffrey le démontrera tout à l’heure. Plus précisément, le degré d’importance d’un

impact ne se réduit bien souvent pas à l’ampleur du fait générateur ; il dépend également, et parfois

principalement, de la fragilité de l’environnement concerné. C’est ce que M. Kondolf a expliqué

dans l’une de ses réponses à M. Wordsworth : «il importe … de ne pas confondre ampleur et

importance» . 18 Appliquant ce principe à la présente espèce, M. Kondolf, interrogé par

M. Wordsworth sur ce qu’étaient «les dommages importants», a indiqué ce qui suit : «le Nicaragua

a lancé un programme de dragage qui, selon MM. Thorne et van Rhee, suffit difficilement à

15 Rapport annuel de l’EPN pour l’année 2014, p. 20 (annexe 1 de la lettre HOL-EMB-0035 en date du
9 mars 2015 adressée au greffier par l’agent du Nicaragua), qui indique que 158 109,78 m , soit 264 043 tonnes, de

sédiments ont été évacués lors des opérations de dragage de 2014.
16CR 2015/9, 20 avril 2015, p. 31 (Andrews).
17
CR 2015/8, p. 42-43 (Kondolf).
18
Ibid., p. 42 (Kondolf). - 7 -

endiguer la sédimentation excessive. Donc, tout apport supplémentaire de sédiments qui se dépose

dans le San Juan inférieur alourdit la tâche de dragage» . 19

18. Voici comment M. Kondolf l’a formulé, en réponse à une question de

M. le juge Greenwood : «[J]e crois que le principe est simple : la quantité de sédiments qui se

déverse dans cette partie du fleuve est si importante que tout apport supplémentaire ajoute à cet

impact et alourdit la charge à draguer.» 20 Peut-être est-il utile de rappeler à la Cour que

M. Kondolf a une longue expérience en matière d’évaluation d’impact sur l’environnement,

notamment dans le domaine de la géomorphologie fluviale et de ses rapports avec l’activité

15 humaine, et qu’il a siégé au conseil consultatif sur l’environnement du corps du génie de l’armée

des Etats-Unis .21

19. M. le juge Greenwood a posé une autre question fort intéressante et, me semble-t-il,

importante. Se référant au programme de dragage du Nicaragua, il a demandé «[p]ourquoi, si

3
l’enlèvement de 200 000 m de sédiments du cours inférieur du fleuve San Juan a un effet

3
négligeable sur l’environnement, le dépôt de 200 000 m de sédiments dans le cours supérieur du

fleuve aurait, lui, un impact important» . La réponse, selon le Nicaragua, tient au contexte. Il ne

s’agit pas simplement de comparer quantitativement les sédiments dragués et ceux qui sont rejetés

et, si les chiffres peuvent être équivalents, ils ne reflètent que l’ampleur des phénomènes, et pas

nécessairement leur impact. Ainsi que l’a démontré le Nicaragua la semaine dernière, le dragage

du San Juan inférieur n’a pas d’effets préjudiciables sur l’environnement ; il n’a aucune incidence

sur le débit du fleuve Colorado au Costa Rica, contrairement à ce que celui-ci allègue, pas plus que

sur les zones humides situées en aval. Bien au contraire, MM. van Rhee et Thorne ont tous deux

affirmé que le dragage était utile pour ces zones humides, et qu’il serait même souhaitable qu’il fût

davantage pratiqué . Dans sa réponse à la question posée par M. le juge Owada la semaine

19CR 2015/8, p. 43 (Kondolf).

20CR 2015/9, p. 18 (Kondolf).
21
Kondolf, exposé écrit en l’affaire relative à Certaines activités (16 mars 2015), par. 1.
22
CR 2015/9, p. 19 (Greenwood).
23Van Rhee, exposé écrit, 15 mars 2015, par. 10-11. - 8 -

dernière, M. Thorne a souligné, à propos du programme de dragage du Nicaragua, qu’«il faudrait

beaucoup plus que cela pour améliorer la situation du fleuve sur le plan environnemental…» 24

20. Par contre, le fait de déverser des sédiments dans le fleuve a bien un effet néfaste. Non

pas tant dans le cours supérieur du fleuve San Juan, comme l’a demandé M. le juge Greenwood,

mais dans le cours inférieur, où parvient une quantité importante des sédiments qui ont été rejetés

dans le cours supérieur du fleuve. Lorsque ceux-ci atteignent le cours inférieur du San Juan,

comme l’ont indiqué les experts du Nicaragua et M. Thorne, ils s’accumulent, viennent grossir les

bancs de sable existants qui font obstacle à la navigation et diminuent encore davantage le débit

déjà faible du fleuve, alourdissant ainsi la tâche du Nicaragua en matière de dragage et accélérant

l’assèchement du fleuve. M. Kondolf a répondu à la question de M. le juge Greenwood de la

manière suivante : «[L]a quantité de sédiments est déjà trop importante et pose problème, l’apport

supplémentaire ne fait qu’aggraver la situation.» 25 En ce qui concerne l’impact sur

16 l’environnement du dragage du Nicaragua, voici sa réponse : «Le dragage ne semble pas offrir de

solution pérenne, car la sédimentation se poursuit, laissant inchangé l’état du fleuve à cet

26
endroit.»

21. Monsieur le président, le Nicaragua considère que le contre-interrogatoire de

M. Andrews est particulièrement instructif à cet égard. Comme vous le savez, M. Andrews a

travaillé pendant trente-quatre ans en qualité d’hydrologue au sein de la United States Geological

Survey. Il y était responsable des programmes concernant les ressources hydriques, la

géomorphologie et le transport de sédiments . Son contre-interrogatoire d’hier a permis d’établir

au moins deux éléments particuliers. Premièrement, toute l’approche du Costa Rica consiste à

présent à mettre sur le même pied l’importance de l’impact et la contribution de la route, en

pourcentage, à la charge sédimentaire globale du fleuve. Deuxièmement, cette approche est

erronée. Je cite : «M. Wordsworth : Mais, relativement parlant, il s’agit toujours d’un très faible

pourcentage par rapport au pourcentage total ? M. Andrews : Cela reste une quantité

24
CR 2015/3, p. 43 (Thorne).
25CR 2015/9, p. 19 (Kondolf).

26Ibid.
27
Exposé écrit de M. Andrews, 15 mars 2015, par. 1-2. - 9 -

considérable… M. Wordsworth : Oui, à mon avis nous ne devrions pas débattre de la question de

28
la quantité réelle de sédiments» . Et pourquoi ne pas en débattre, Monsieur le président ? Le

problème, c’est la «quantité réelle de sédiments» qui s’accumule dans le cours inférieur du

fleuve San Juan et vient grossir les obstacles à la navigation, et non une simple statistique.

22. Je reprends : «M. Wordsworth : La question est de savoir s’ils ont un impact significatif.

Celle que je vous pose est la suivante : étant donné que, d’après les éléments de preuve que vous

avez présentés, 0,5 à 2 % seulement de la quantité réellement draguée par le Nicaragua provient de

la route, peut-on la considérer comme importante ?» 29 Avant d’en arriver à la réponse de

M. Andrews, il convient de noter que la question de M. Wordsworth repose sur un postulat erroné.

Comme nous l’avons déjà démontré, la quantité de sédiments provenant de la route s’élevait

approximativement, en 2014, à 8,5 % du volume dragué par le Nicaragua. Voici donc maintenant

la réponse de M. Andrews :

«[L]e postulat dans votre question est que cette quantité se répand
régulièrement, ce qui n’est pas le cas, elle ne se répand pas dans les mêmes
proportions en divers endroits du chenal, autour des bancs, des bancs de sable, qui

sont relativement peu profonds et où le débit est faible. Les sédiments ne peuvent plus
être transportés, ils se déposent et c’est là que des obstacles à la navigation se
créent.» 30

17 23. M. Wordsworth a ensuite demandé à M. Andrews s’il pouvait présenter le moindre

élément attestant que  je cite M. Wordsworth  la quantité de sédiments «provenant de la route

31
et déposée dans la zone du delta [était] répandue le long de bancs de sable» . Monsieur le

président, je suis certain que mon cher ami M. Wordsworth sait où trouver cet élément sans l’aide

de M. Andrews. C’est le propre expert du Costa Rica, M. Thorne, qui l’a fourni. Dans son rapport

d’octobre 2011, joint au contre-mémoire du Costa Rica, M. Thorne a ainsi indiqué que lorsque les

sédiments provenant du cours supérieur atteignaient le cours inférieur du fleuve San Juan, ils se

«dépos[aient] à l’intérieur et le long du chenal (le plus souvent sinueux) sous forme de bancs,

d’îles, de lobes et de digues naturelles» . Et il s’agit là du rapport d’expert de M. Thorne.

28
CR 2015/9, p. 31.
29
CR 2015/9, p. 31 (Wordsworth).
30CR 2015/9, p. 31 (Andrews).
31
Ibid.
32
Rapport Thorne de 2011, p. II-27. - 10 -

24. Hier, M. Andrews est revenu sur l’importance de cet élément de preuve crucial :

«Lorsque l’on parle d’obstacle à la navigation, cela ne signifie pas que sur une

distance de quelques kilomètres chaque mètre serait obstrué et que vous ne pourriez
pas naviguer. Il suffit d’un obstacle toutes les centaines de mètres ou à peu près et
vous êtes coincés, d’un seul obstacle sur deux ou trois kilomètres. Si votre bateau ne
passe pas, il ne passe pas.» 33

25. Et c’est cela, Monsieur le président, qui explique pourquoi le Nicaragua a raison en ce

qui concerne l’importance du dommage. Il n’est pas contesté, à tout le moins par les experts des

Parties, que les sédiments charriés jusque dans le cours inférieur du San Juan, y compris ceux qui

proviennent de la route, se «dépos[ent] à l’intérieur et le long du chenal … sous forme de bancs,

34
d’îles, de lobes et de digues naturelles» qui entravent la navigation. En 2014, comme je l’ai déjà

dit, la route a contribué pour 22 192 tonnes de sédiments qui, pour l’essentiel, sont venus grossir

ces obstacles. Le conseil du Costa Rica vous a recommandé de ne pas vous attacher à la «question

de la quantité réelle de sédiments» ; s’il l’a fait, selon nous, c’est parce que le Costa Rica n’a pas

de réponse à apporter à ce sujet. Il s’agit, comme M. Andrews l’a indiqué, d’une «quantité

18 considérable» , et son impact, pour les raisons que MM. Andrews et Kondolf ont données — et

qui vont de soi —, est significatif. La route ajoute chaque année plus de 22 000 tonnes de

sédiments qui, pour l’essentiel, viennent grossir les obstacles à la navigation. Et c’est au Nicaragua

qu’il incombe de draguer ces sédiments.

26. Monsieur le président, le Costa Rica esquive la question de «la quantité réelle de

sédiments»  ces 22 000 tonnes annuelles provenant de la route qui viennent grossir les bancs de

sable dans le cours inférieur du San Juan  et formule une, ou plutôt deux assertions erronées. En

novembre 2013, lors des audiences sur les mesures conservatoires, il vous a dit que les sédiments

provenant de la route se répandaient de manière uniforme sur l’intégralité du lit du fleuve, et que,

par conséquent, leur impact sur la profondeur de celui-ci ne dépassait pas la grosseur de quelques

33
CR 2015/9, p. 32-33 (Andrews).
34
Rapport Thorne de 2011, p. II-27.
35 CR 2015/9, p. 31 (Wordsworth).

36 CR 2015/9, p. 31 (Andrews).
37
Ibid., p. 30-33 (Andrews).
38 CR 2015/8, p. 42-43 (Kondolf). - 11 -

grains de sable . Or nous savons à présent, en particulier grâce au propre expert du Costa Rica,

M. Thorne, qu’il n’en est rien. Il serait encore moins juste de supposer que les sédiments provenant

de la route se dispersent de manière uniforme au fond du cours supérieur — bien plus long — du

fleuve San Juan, sur toute la largeur du lit et sur les 108 kilomètres bordés par la route ; et ce,

d’autant plus que les griefs du Nicaragua relatifs à l’existence d’un dommage significatif du point

de vue des obstacles à la navigation et de l’affaiblissement du débit, s’appliquent principalement au

cours inférieur du San Juan, dont la longueur ne correspond même pas à un tiers de celle du cours

supérieur.

27. C’est pourquoi le Costa Rica formule désormais une seconde assertion, tout aussi fausse.

Il fait valoir que, compte tenu du niveau très élevé de la charge sédimentaire globale du fleuve, le

pourcentage  le pourcentage  de sédiments en provenance de la route est très faible . Encore 40

une fois, il préfère ne pas aborder la question de «la quantité réelle de sédiments» car, comme

M. Andrews l’a dit, celle-ci est «considérable» . Quant au Nicaragua, il soutient que, dans le cas

d’un environnement qui, du fait de sa charge sédimentaire déjà élevée, est particulièrement sensible

à toute quantité supplémentaire de sédiments, c’est le volume de ceux-ci qui détermine leur impact.

Contrairement à ce que souhaiterait le Costa Rica, ce n’est pas une bataille de chiffres ou de

pourcentages qui permet d’apprécier l’importance de l’impact. L’ampleur seule présente un intérêt,

mais elle ne détermine pas l’importance. Un volume considérable peut avoir un impact négligeable

dans un environnement capable de l’absorber. Nous en avons un exemple : le fleuve Colorado,

bien plus grand et plus puissant que le San Juan, n’est pas obstrué par l’accumulation de

sédiments ; ceux qu’il reçoit de la route n’ont donc aucune incidence sur lui. M. Andrews dit que
42
19 le cours inférieur du fleuve San Juan reçoit une «quantité considérable» de sédiments . Mais

même un faible volume peut se révéler significatif dans un environnement incapable de l’absorber.

A cet égard, il n’est pas inutile de rappeler la déclaration de M. Thorne, pour qui le cours inférieur

39
CR 2013/29, p. 10, par. 10 (Ugalde) et p. 28, par. 14 (Wordsworth) ; CR 2013/31, p. 18, par. 6 (Wordsworth) et
p. 22, par. 22 c) (Wordsworth).
40Par exemple, DCR, par. 1.4, 2.10, 2.80, 2.117 b).

41CR 2015/9, p. 31 (Andrews).
42
Ibid. - 12 -

du fleuve San Juan est «incapable d’absorber» la charge sédimentaire qu’il reçoit depuis l’amont . 43

Compte tenu de cet environnement, la «quantité [réelle] considérable» de sédiments que la route

apporte au cours inférieur du San Juan ne doit donc pas être considérée comme étant sans

importance.

28. Il ne s’agit pas là d’un cas inhabituel. Au contraire, c’est ainsi que les organismes de

réglementation en matière de protection de l’environnement évaluent dans le monde entier

l’importance d’un impact. De nombreux Etats et organismes internationaux réglementent les cours

d’eau qui présentent des niveaux de pollution très élevés, sédiments inclus. Leur pratique ne

consiste pas à autoriser des rejets de sédiments supplémentaires, au motif que ces cours d’eau

seraient déjà dans un état tel que cela ne changerait plus rien. Au contraire, en matière de

protection de l’environnement, les régimes fluviaux fixent généralement des limites maximales

pour les polluants, y compris les sédiments. Une fois ces limites atteintes, toute pollution

supplémentaire, même en petite quantité, est considérée comme importante et interdite.

29. Aux Etats-Unis, par exemple, en application du Clean Water Act, les autorités

environnementales des Etats recensent les fleuves dont les eaux sont menacées par une pollution

cumulative, calculent la charge quotidienne maximale de polluants que chacun de ces fleuves peut

supporter, et y interdisent tout rejet supplémentaire . Dans ce contexte, l’agence fédérale de

protection de l’environnement a fait expressément figurer la pollution sédimentaire parmi les

éléments soumis à une charge quotidienne maximale . 45

30. L’Union européenne a suivi une approche analogue, puisque, aux termes de la directive

établissant un cadre pour une politique de l’eau, les Etats membres sont tenus de surveiller le bassin

des fleuves situés sur leur territoire afin de mesurer les progrès réalisés en vue d’assurer un «bon

état des eaux» . Les directives qui ont été prises en application de ce texte ont ainsi défini

45 polluants différents et fixé pour chacun d’eux une «norme de qualité de l’environnement»

correspondant au niveau de concentration qui ne peut être dépassé. C’est en fonction de cette

43Rapport Thorne de 2011, p. II-27.

44USC, vol. 33, par. 1313 d) 1).
45
Agence de protection de l’environnement des Etats-Unis, «Protocol for Developing Sediment TMDLs»,
octobre 1999, p. 2-1, peut être consulté sur le site Internet http://www.epa.gov/owow/tmdl/sediment/pdf/sediment.pdf
(consulté pour la dernière fois le 21 avril 2015).
46
Directive cadre 2000/60/EC. - 13 -

20 norme que les Etats membres délivrent leurs autorisations et établissent leurs autres exigences,

interdisant toute charge supplémentaire au-dessus d’un certain niveau, et ce, même dans des eaux
47
déjà fort polluées .

31. Monsieur le président, ayant passé une grande partie de ma vie à défendre de petits Etats,

dont certains sont situés dans ce que l’on avait coutume d’appeler le tiers monde, j’ai été très

heureux de voir que M. le juge Bhandari s’intéressait au point de savoir si certains Etats

d’Amérique latine avaient des politiques environnementales analogues. Eh bien, la réponse est oui.

Compte tenu du temps limité qui m’est imparti, je ne donnerai qu’un seul exemple  mais il est

d’importance , dont la Cour se souviendra certainement. Dans l’affaire des Usines de pâte à

papier, l’Argentine et l’Uruguay avaient créé une commission binationale afin de contrôler la

pollution dans leur cours d’eau partagé, le fleuve Uruguay, qui constituait la frontière entre les

deux Etats. La CARU, selon l’acronyme espagnol qui servait à désigner cette commission, a ainsi

réglementé de très nombreux polluants. Et de quelle manière ? Eh bien, en fixant des niveaux de

concentration maximale. Une fois que ce niveau était atteint pour un polluant donné, aucun des

deux Etats n’était autorisé à rejeter dans le fleuve, ou à permettre qu’y soit rejetée, quelque quantité

supplémentaire du polluant en question . 48

32. A cet égard, le traitement qui avait été réservé au phosphore revêt un intérêt tout

particulier, notamment dans le contexte de la présente espèce. En effet, la CARU n’avait pas

réglementé cette substance car les parties n’étaient pas parvenues à se mettre d’accord sur une

limite maximale. En revanche, le droit uruguayen prévoyait un tel seuil . Dès lors que celui-ci

était atteint, l’Uruguay interdisait tout nouveau rejet, quelle qu’en soit la quantité, sauf si ce surcroît

de pollution était compensé par une réduction du niveau de phosphore dans le fleuve de même

proportion ou d’une proportion supérieure . 50

33. Les éléments de preuve qui avaient été présentés dans cette affaire montraient que plus

de 19 000 tonnes de phosphore étaient déversées chaque année dans le fleuve, toutes sources

47
Directives 2013/39/EU et 2008/105/EC.
48 Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p. 94,
par. 242.

49Ibid., p. 95, par. 245.
50
Ibid. - 14 -

confondues. Quant au rejet annuel de phosphore par l’usine de pâte à papier autorisée par

51
l’Uruguay, il n’était que de 15 tonnes, c’est-à-dire moins de 0,1 % de la charge annuelle totale .

Ce rejet demeurait néanmoins interdit au regard du droit uruguayen. C’est pourquoi l’Uruguay

avait autorisé la mise en service de l’usine à la stricte condition que celle-ci prenne des mesures

21 pour réduire les rejets de phosphore en d’autres points du fleuve, et ce, dans une quantité égale ou

supérieure aux 15 tonnes qu’elle rejetterait elle-même . Et c’est ce qu’ont fait les dirigeants de

l’usine.

34. Au vu de cette situation, la Cour a fait droit à l’autorisation, par l’Uruguay, de l’usine en

question, faisant expressément mention de la «compensation», par cet Etat, des rejets de phosphore

dans le fleuve dus à l’usine. Même si «le volume de phosphore total rejeté dans le fleuve qui [était]

attribuable à l’usine [était] proportionnellement insignifiant, par rapport à la teneur globale du

fleuve en phosphore total provenant d’autres sources», ce rejet aurait néanmoins constitué en tant

que tel une violation des normes applicables en matière de qualité des eaux . La Cour a cependant

jugé que l’Uruguay n’avait pas manqué à ses obligations internationales, «compte tenu … des

mesures prises par [lui] à titre de compensation» . Cette observation est importante aux fins de la

présente espèce. La responsabilité de l’Uruguay n’était pas engagée car celui-ci compensait les

rejets supplémentaires de phosphore dans le fleuve qu’il avait autorisés en éliminant dudit fleuve

un volume égal ou supérieur de cette même substance, empêchant ainsi toute augmentation  ne

fût-ce que de 0,1 %  de la charge totale en phosphore.

35. Or, Monsieur le président, en la présente espèce, le Costa Rica ne compense nullement le

rejet de sédiments qu’il cause dans le fleuve du Nicaragua.

36. Ce fleuve, notamment dans son cours inférieur, après la bifurcation, ressemble au

fleuve Uruguay, sauf que 1) ce n’est pas un fleuve partagé, mais il appartient exclusivement au

Nicaragua ; et 2) il n’est pas surchargé en phosphore, mais en sédiments. Le Costa Rica reconnaît

que sa charge sédimentaire dépasse déjà sa capacité maximale de transport, et qu’il s’assèche.

51
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p. 94,
par. 240.
52Ibids, p. 96, par. 246.

53Ibid., par. 247.
54
Ibid., par. 247. - 15 -

L’expert du Costa Rica convient par ailleurs que le San Juan a besoin d’être dragué en permanence

par le Nicaragua, ne serait-ce que pour permettre à de petites embarcations de l’emprunter. Ce

nonobstant, le Costa Rica soutient que les dommages causés par la route sont insignifiants.

Insignifiants pour qui ? Eh bien, pas pour le Nicaragua, à qui il faut draguer les quantités

importantes de sédiments que le Costa Rica déverse dans le fleuve.

37. Ainsi que M. Andrews l’a précisé, «que l’apport sédimentaire provenant de la route

constitue ou non un pourcentage important ou faible de la charge globale totale ne change rien au

22 fait que, la charge existante étant élevée, tout sédiment supplémentaire apporté à cause de la route

55
entraînera un dépôt et nécessitera un dragage supplémentaire» .

38. Dans son ordonnance du 13 décembre 2013, par laquelle elle a refusé d’indiquer les

mesures conservatoires sollicitées par le Nicaragua, la Cour a considéré que celui-ci

«n’a[vait] pas établi en la présente procédure que les travaux de construction en cours
[avaient] conduit à un accroissement sensible de la charge en sédiments du fleuve [et

noté] que le Nicaragua n’a[vait] pas contesté la déclaration faite par l’expert du
Costa Rica, M. Thorne, selon laquelle, même [d’après] M. Kondolf, les activités de
construction de la route ne contribu[ai]ent à la charge en sédiments du San Juan
qu’à hauteur de 1 à 2 %, et de 2 à 3 % pour son cours inférieur».

A l’époque, la Cour a jugé que «ce pourcentage [paraissait] trop faible pour avoir
56
dans l’immédiat un impact important sur le fleuve» , concluant que «le Nicaragua n’a[vait] pas

établi qu’il exist[ait] un risque réel et imminent de voir un préjudice irréparable causé aux droits

57
qu’il invoqu[ait]» .

39. Bien évidemment, il ne s’agissait pas là d’une conclusion au fond. De fait, comme c’est

toujours le cas pour des mesures conservatoires, cette conclusion ne préjugeait en rien le fond de

l’affaire. La Cour avait déjà déterminé, dans un paragraphe antérieur de son ordonnance, que la

construction de la route avait été suspendue par le Costa Rica, et que celui-ci avait donné

l’assurance que cette construction ne reprendrait pas avant la fin de l’année 2014 ou le début de

l’année 2015, concluant dès lors que la demande du Nicaragua tendant à une cessation des activités

55
Exposé écrit de M. Andrews, 15 mars 2015, par. 4.
56Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), ordonnance du
13 décembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 407, par. 34 ; les italiques sont de moi.
57
Ibid., par. 35. - 16 -

de construction ne revêtait pas un caractère d’urgence . C’est également dans ce contexte que la

Cour a jugé que, étant donné que les activités de construction étaient interrompues, et compte tenu

de la faible contribution de la route à la charge sédimentaire totale du fleuve, il n’y aurait pas «dans

l’immédiat» d’incidence importante sur les droits du Nicaragua.

40. Monsieur le président, si vous voulez bien me passer l’expression, bien de l’eau a coulé

sous les ponts depuis le mois de décembre 2013. Les audiences sur les mesures conservatoires se

sont tenues moins d’un mois avant le dépôt par le Costa Rica de son contre-mémoire. Celui-ci

disposait donc d’une quantité considérable d’éléments, y compris des rapports d’experts, dont le

Nicaragua n’avait pas encore eu connaissance et auxquels il a littéralement dû répondre du jour au

lendemain. Ce n’est qu’au mois d’août 2014, lorsqu’il a déposé sa réplique, que le Nicaragua a été

23 pleinement en mesure de répondre au Costa Rica, et qu’il a pu démontrer, sur la base de ses propres

éléments de preuve  dont le premier rapport de M. Andrews , que l’impact des sédiments

rejetés dans le cours inférieur du San Juan du fait de la route était important.

41. Dans son premier rapport, M. Andrews, pour se montrer prudent dans son estimation de

l’accumulation sédimentaire dans le San Juan inférieur, s’était fondé sur les relevés effectués par

l’ICE, l’agence gouvernementale costa-ricienne, en 2013. Or, en 2014, l’ICE a présenté de

nouvelles données, dont il ressortait que le rejet de sédiments dû à la route dans le cours inférieur

du fleuve était nettement plus important. M. Andrews a alors revu ses estimations en fonction de

59
ces nouveaux relevés de l’ICE . A cet égard, il est intéressant de noter que M. Wordsworth,

durant son contre-interrogatoire, a persisté à interroger M. Andrews sur les estimations basses

60
figurant dans son premier rapport — qui reposaient sur les premiers relevés de l’ICE —, chiffres

dont M. Andrews a pourtant précisé qu’ils avaient été rendus caduques par ses nouvelles

estimations, fondées sur le rapport plus récent de l’ICE de 2014 . Pourquoi n’avoir pas interrogé

M. Andrews sur les éléments les plus récents qu’il a fournis, sur la base des données actualisées de

58
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), ordonnance du
13 décembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, par. 33.
59CR 2015/9, p. 27 (Andrews).

60Ibid., p. 29 (Wordsworth).
61
Ibid., p. 29 (Andrews). - 17 -

l’ICE ? Là encore, le Costa Rica joue avec les chiffres, ou plutôt, en l’occurrence, avec les

pourcentages.

42. En résumé, Monsieur le président, la méthode consistant à évaluer l’impact de la route en

fonction de sa contribution à la charge sédimentaire d’un fleuve supportant déjà une charge trop

importante de sédiments est erronée. L’importance de cet impact ne peut être déterminée qu’en

fonction du contexte. Le volume est effectivement significatif, et ce volume est, selon nous,

«important» ; c’est ce que disent les experts du Nicaragua, y compris M. Andrews, dès lors que

l’on prend en compte la «quantité réelle de sédiments», ce que le Costa Rica vous demande de ne

pas faire. Mais le volume doit également être examiné au regard de la fragilité de l’environnement

récepteur. En l’occurrence, cet environnement n’est autre que le cours inférieur du San Juan,

lequel est déjà, selon les termes du professeur Thorne, «incapable de gérer» sa charge sédimentaire.

Dès lors, comment une quantité supplémentaire «importante», une «quantité réelle», pourrait-elle

ne pas être significative ? Selon le Nicaragua, étant donné que le fleuve ne parvient pas même à

gérer sa charge sédimentaire existante, toute charge supplémentaire mesurable est nécessairement

significative, comme l’est le dommage qui en résulte, dans un environnement dont le Costa Rica

lui-même reconnaît qu’il est particulièrement fragile.

43. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé.

Je vous remercie de nouveau pour votre attention, et vous prie de bien vouloir appeler à la barre

mon collègue M. Loewenstein.

24 The PRESIDENT: Thank you, Mr. Reichler. I now give the floor to Mr. Loewenstein.

M. LOEWENSTEIN :

INCIDENCES ÉCOLOGIQUES ET GESTION DU RISQUE

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, bonjour. Je vais poursuivre

l’exposé du Nicaragua sur les incidences nocives de la construction de la route 1856. Je montrerai

d’abord que le Costa Rica a mis écologiquement en danger le cours du fleuve San Juan, site inscrit

sur la liste de Ramsar. Je montrerai ensuite que le Costa Rica a choisi de ne pas évaluer les risques - 18 -

que la route présente pour les zones humides d’importance internationale et de ne pas se soucier

des conséquences que cette décision entraîne pour le Nicaragua.

Dommages écologiques causés au fleuve San Juan

2. Je traiterai d’abord des impacts écologiques. Les effets nocifs des sédiments ne se limitent

pas à la formation de seuils, de banc de sable et autres accumulations. Les sédiments peuvent aussi

nuire aux organismes aquatiques qui vivent dans un cours d’eau. M. Thorne, l’expert cité par le

Costa Rica, a lui-même répertorié nombre de ces effets nocifs. En voici quelques-uns :

 «perte de végétation aquatique ;

 productivité primaire réduite ;

 perte de périphyton et impact résultant sur la chaîne alimentaire ;

 perte ou décroissance des populations de macro-invertébrés ;

 encrassement et endommagement des branchies des poissons ; et

62
 altération de l’équilibre des espèces de poissons» .

3. Le diagnostic de l’impact sur l’environnement produit par le Costa Rica lui-même, en

novembre 2013, ainsi que son étude de suivi de janvier 2015, montrent que les sédiments provenant

de la route mettent en danger la santé écologique de la zone où celle-ci se trouve. Ces deux études

63
ont été établies aux fins de la présente instance à la demande du ministre costa-ricien des affaires

25 étrangères, et ont été rédigées par des scientifiques affiliés au centre costa-ricien de sciences

64
tropicales . Les auteurs reconnaissent que «la sédimentation élevée des cours d’eau [constitue l’un
65
des] principaux problèmes menaçant la diversité aquatique» . Pour déterminer si la route est à

l’origine de tels effets, des échantillons ont été prélevés dans dix affluents du San Juan se trouvant

en territoire costa-ricien, en des points très proches de leurs confluents avec le fleuve. Il est

expliqué dans le diagnostic que pour chacun de ces affluents, «deux points d’échantillonnage ont

62Thorne, exposé écrit, affaire relative à Certaines activités, mars 2015, par. 5.8.

63 Centre de sciences tropicales (Centrocientífico tropical, CCT), «Rapport de suivi et de contrôle, diagnostic de
l’impact sur l’environnement, route 1856  volet écologique», janvier 2015 ( le «rapport du CCT de 2015»), duplique du
Costa Rica (DCR), annexe 14, p. 10. («Le ministère costa-ricien des affaires étrangères et des cultes s’est assuré le
concours du centre de sciences tropicales pour réaliser le diagnostic de l’impact sur l’environnement…»).
64
Ibid., p. 2.
65
Contre-mémoire du Costa Rica (CMCR), annexe 10, diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 111. - 19 -

été choisis, l’un en amont» de l’endroit où la route 1856 le traverse, où «aucune influence directe»

exercée par la route n’a été relevée, et l’autre «situé en aval», où il a été constaté que la route avait

66
une «influence directe» .

4. Le centre de sciences tropicales a procédé à des prélèvements de macro-invertébrés aux

points d’échantillonnage situés en amont et en aval de la route. Il l’a fait parce que ces organismes

sont des «bio-indicateurs» de la qualité de l’eau . 67 Il s’agit là d’une pratique standard : la

directive-cadre européenne sur l’eau, les algues et les invertébrés benthiques, notamment, prévoit

68
que des spécimens de macro-invertébrés soient analysés à cette fin . Les macro-invertébrés sont

de plus importants en eux-mêmes en raison du rôle essentiel qu’ils jouent dans la chaîne

69
alimentaire . Les prélèvements ont été analysés pour déterminer la densité de ces organismes pour

chaque point d’échantillonnage, c’est-à-dire leur nombre par unité de volume, et pour déterminer

aussi la richesse de leur population, c’est-à-dire la diversité des espèces, en chaque point

d’échantillonnage . 70

5. Les résultats sont exposés dans le diagnostic de 2013. Les incidences de la route sur la

faune et la flore aquatiques ressortent clairement des données qui y sont présentées. Les auteurs du

diagnostic ont en effet constaté que pour cinq des dix affluents ayant fait l’objet de prélèvements

d’échantillons, la densité et la richesse des populations d’organismes étaient plus faibles en aval

qu’en amont de la route . 71

6. Les auteurs du diagnostic de l’impact sur l’environnement ont interprété ces données pour

évaluer l’incidence de la route sur la qualité de l’eau. Ils se sont servis pour exprimer celle-ci d’un

indice costa-ricien qui distingue six degrés de qualité, allant d’«excellente» à «extrêmement

polluée». En se fondant sur les données recueillies, le centre de sciences tropicales a attribué un

indice de qualité aux échantillons d’eau prélevés en amont et en aval de la route. Pour cinq des

dix affluents considérés, la qualité de l’eau en aval de la route était inférieure à ce qu’elle était en

66 Contre-mémoire du Costa Rica (CMCR), annexe 10, diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 89.

67 Ibid., p. 87.

68 Réplique du Nicaragua (RN), annexe 4, rapport Ríos, sect. 1 b) et 4 c), renvoi au JOCE, 2000.
69
CMCR, annexe 10, diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 109.
70 Ibid., p. 17.

71 Ibid., p. 242. - 20 -

amont. Selon le diagnostic de l’impact sur l’environnement, «pour les sites 1, 3, 5, 6 et 9, la qualité

26 de l’eau aux points d’échantillonnage d’aval (donc sous l’influence de la route) s’était dégradée par

rapport aux valeurs mesurées en amont, passant de moyenne à mauvaise ou de mauvaise à très
72
mauvaise…» .

7. Pour les sites se trouvant entre le Río Infiernito et l’embouchure du San Carlos, considérés

comme «touché» par la route en raison de processus de sédimentation, les auteurs du diagnostic de

l’impact sur l’environnement ont constaté que «la qualité de l’eau était influencée par les travaux

réalisés sur le parcours de la route, de même que la richesse et la densité des communautés

73
d’organismes» . Ils ont admis que cette constatation démontrait que la route présentait un risque.

Ils ont conclu que «la détérioration de la qualité de l’habitat» et la «décroissance de la richesse des

taxons» pouvaient être imputées aux «activités et processus qui se sont déroulés pendant et après la

construction de la route, tels que terrassements, abattages d’arbres et phénomènes d’érosion et de

sédimentation» .74

8. Le diagnostic de l’impact sur l’environnement présenté en 2013 contenait

27 recommandations qu’il fallait, selon les auteurs, appliquer dans le cadre d’un programme «de

mesures de prévention, d’atténuation et d’amélioration des conditions environnementales dans la

75
zone du tracé de la route 1856» . Voici quelques-unes des mesures recommandées :

 «procéder à l’enlèvement de tous les sédiments accumulés afin de permettre

l’écoulement normal de l’eau par les systèmes naturels de drainage ;

 améliorer les structures de drainage et les remblais afin d’éviter l’altération des
zones humides ;

 poursuivre les travaux de protection des surfaces des talus par l’application de
géo-textiles et l’amélioration des angles de talus et des systèmes de drainage ;

 renforcer les travaux de stabilisation des talus dans les meilleurs délais, en
particulier pour ce qui est des talus considérés comme instables, afin d’éviter la
sédimentation des environnements aquatiques».

72CMCR, annexe 10, diagnostic de l’impact sur l’environnement p. 99.
73
Ibid., p. 100.
74Ibid.
75
Ibid., p. 161. - 21 -

76
9. Un an plus tard, le centre de sciences tropicales a établi une étude de suivi . L’un des

objectifs de cette étude consistait à évaluer «l’efficacité» des «recommandations

77
27 environnementales» figurant dans le diagnostic de l’impact sur l’environnement . Les résultats de

cette étude sont consignés dans une annexe de la duplique du Costa Rica.

10. Les recommandations ont-elles été efficaces ? Comme la Cour l’a appris hier de

M. Reichler, le Costa Rica n’a pas pris de mesures efficaces pour remédier aux effets de la route.

Force est donc de répondre à cette question par la négative. En fait, l’ampleur des incidences

écologiques n’a fait que s’étendre. Alors qu’en 2013, la baisse de la densité et de la richesse des

populations de macro-invertébrés avait été constatée pour 5 des 10 affluents en aval des points où

ceux-ci sont traversés par la route , cet impact négatif se manifestait en 2014 pour sept d’entre

79
eux . Pour certains des affluents considérés, l’étude indique une réduction considérable de la

richesse des populations entre le point d’échantillonnage situé en amont de la route et celui situé en

o
aval. Comme le montre le document que vous trouverez sous l’onglet n 7 de notre dossier de

plaidoiries, le nombre des taxons est tombé de 20 à 9 pour le site 6, et de 18 à 9 pour le site 2.

Dans le cas du site 10, le nombre est passé de 7 à 3, et dans celui du site 9, de 12 à seulement 2.

Les auteurs de l’étude de suivi du diagnostic de l’impact sur l’environnement admettent que ces

chiffres attestent qu’il y a un risque. Ils concluent que la route 1856 «pourrait être à l’origine des

80
réductions constatées aux points d’échantillonnage situés en aval» .

11. La même tendance négative ressort de l’interprétation par le centre de sciences tropicales

des données relatives à la qualité de l’eau. Vous le constaterez en consultant le document figurant

sous l’onglet n 8 de votre dossier. Alors qu’en 2013, une baisse de la qualité de l’eau entre les

points d’échantillonnage situés en amont et en aval de la route avait été constatée pour cinq des

sites d’échantillonnage , ce phénomène se manifestait en 2014 pour neuf des dix sites . Dans le 82

76
Rapport du CCT de 2015, DCR, annexe 14.
77
Ibid., p. 12.
78 CMCR, annexe 10, diagnostic de l’impact sur l’environnement p. 242.

79 Rapport du CCT de 2015, p. 49.
80
Ibid., p. 80.
81
CMCR, annexe 10, diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 99-100.
82 Rapport du CCT de 2015, p. 98-99. - 22 -

cas du site 6, par exemple, l’eau était «modérément polluée» au point d’échantillonnage situé en

amont de la route, mais «très polluée» au point d’échantillonnage se trouvant en aval. Pour le

site 9, l’étude a montré que l’eau, «polluée» en amont, devenait «extrêmement polluée», au point

d’échantillonnage aval. Les auteurs de l’étude de suivi du diagnostic de l’impact sur

l’environnement ont jugé que les sédiments imputables à la route présentaient un risque, et conclu

que les «baisses localisées de la qualité de l’eau» étaient «dues en particulier aux phénomènes de

83
sédimentation» .

12. Ces constatations concernant les incidences de la route montrent que les sédiments

déversés dans le fleuve San Juan par ses affluents situés en territoire costa-ricien posent un

problème grave. Selon l’étude de suivi, les affluents du San Juan qui ont fait l’objet de

28 prélèvements d’échantillon, à l’exception d’un seul, ont des eaux «polluées», «très polluées» ou

«extrêmement polluées». L’eau d’un seul de ces neuf affluents est simplement «polluée» ; elle est

«très polluée», dans cinq autres, et «extrêmement polluée» dans les trois derniers. Une baisse de la

qualité de l’eau a été constatée pour presque tous les affluents considérés entre le point

d’échantillonnage situé en amont de la route et celui situés en aval. L’affluent où la qualité de

l’eau est la meilleure, si l’on peut dire, est classé comme «modérément polluant», et encore faut-il

préciser qu’il mériterait presque d’être classé comme «pollué».

13. En tout cas, ce qu’il faut retenir, c’est que même selon les études établies par le

Costa Rica aux fins de la présente instance, les données montrent que les sédiments imputables à la

route ont des incidences néfastes sur la faune et la flore aquatiques et la qualité de l’eau des

affluents du fleuve San Juan, et que ces incidences vont s’aggravant. Les données figurant dans ces

études montrent à tout le moins que le San Juan est exposé à un risque de dommages, conclusion

qui est étayée par l’analyse d’échantillons prélevés sur le cours du San Juan lui-même, qui indique

que pour les macro-invertébrés, le périphyton, les indices de densité et de richesse sont plus élevés

à proximité de la rive nord du fleuve, qui n’est pas touchée par la route, qu’à proximité de sa rive

sud, qui elle est touchée .

83Rapport du CCT de 2015, p. 80.

84 Blanca Ríos Touma, «Répercussions écologiques de la route 1850 sur le fleuve San Juan (Nicaragua)»,
juillet 2014, p. 46 ; RN, vol. II, annexe 4. - 23 -

14. Les auteurs du diagnostic de l’impact sur l’environnement affirment certes que les

répercussions sur la qualité de l’eau qu’ils ont constatées ne sont pas transposables au cas du fleuve

San Juan proprement dit. Il reste que l’on ne peut pas simplement supposer qu’il n’y a pas de

risque pour le San Juan. Les affluents considérés se jettent directement dans le San Juan, et des

baisses notables de la qualité de leur eau ont été constatées en des points d’échantillonnage situés

juste en amont de leur confluent avec le fleuve. Le risque est d’autant plus grave que les sédiments

polluants déversés dans le San Juan par ses nombreux affluents touchés par la route risquent

d’avoir des effets cumulatifs sur le fleuve. Le Costa Rica n’a procédé à des prélèvements

d’échantillon que pour dix des affluents du San Juan, mais les scientifiques qui ont établi le

diagnostic de l’impact sur l’environnement admettent qu’il y en a 30 autres, qui n’ont fait l’objet

85
d’aucune analyse d’échantillons . Même si ces affluents avaient été pris en considération, les

risques d’incidences cumulatives auraient encore été sous-évalués, étant donné que M. Mende,

l’expert du Costa Rica qui a étudié les cours d’eau traversés par la route, a compté pas moins de

127 affluents capables de déverser directement dans le San Juan des sédiments imputables à la

route .

La nécessité d’une évaluation de l’impact sur l’environnement

15. Monsieur le président, j’en viens maintenant à la décision du Costa Rica de ne pas

procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement, et aux conséquences que cette décision

entraîne pour le Nicaragua.

29 16. Je n’aurai pas besoin de m’étendre sur ce sujet étant donné que les faits pertinents sont

dans une large mesure incontestés. Le Costa Rica admet qu’il n’a pas procédé à une évaluation de

l’impact sur l’environnement avant d’entreprendre la construction de la route 1856. Il a parfois

laissé entendre qu’une telle évaluation n’était peut-être pas nécessaire, mais cette assertion a été

balayée par ce qui est dit dans le rapport de son propre expert des évaluations d’impact sur

l’environnement, M. Neil Craik, qui figure dans une annexe à la duplique. M Craik a en effet écrit

85CMCR, annexe 10, diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 69.
86 o
o Andreas Mende, «Second inventaire des pentes et cours d’eau liés à la route frontalière n 1856 entre la
borne n II et Delta Costa Rica», décembre 2014, p 29 ; DCR, vol. II, annexe 3. - 24 -

ceci, je cite : «selon le droit costa-ricien, sauf situation d’urgence, la construction d’une route de ce

87
type aurait fait l’objet d’une évaluation de l’impact sur l’environnement» .

17. M. McCaffery vous expliquera pourquoi le Costa Rica n’était pas fondé à se prévaloir

d’une exemption pour situation d’urgence. Pour le moment ; je me contenterai de souligner que

l’expert des évaluations de l’impact sur l’environnement désigné par le Costa Rica admet lui-même

que la construction de la route 1856 aurait normalement nécessité une évaluation préalable des

risques. Autrement dit, le projet présentait par définition un risque de dommages importants. Il

suit que le Nicaragua se trouve lui-même exposé à un risque de dommages importants, dès lors que

son territoire n’est éloigné que de quelques mètres du site des travaux de construction et qu’il y est

relié par son système hydrologique. Ce risque aurait dû être évalué. J’ajoute que le fait que la

partie immédiatement adjacente du territoire nicaraguayen se trouve être un site inscrite sur la liste

de Ramsar vient confirmer la nécessité d’une évaluation de l’impact sur l’environnement. Dans

son exposé écrit, M. Sheate a écrit ceci, je cite : «il semble inconcevable qu’une évaluation de

l’impact sur l’environnement ne soit pas normalement exigée, compte tenu des nombreux facteurs

88
entrant en ligne de compte pour établir la probabilité d’effets importants sur l’environnement» .

18. Monsieur le président, la décision prise par le Costa Rica de ne pas procéder à une

évaluation de l’impact sur l’environnement avant d’entreprendre la construction de la route 1856 a

entre autres pour conséquence que le Costa Rica est maintenant incapable de dire si la route a des

incidences néfastes pour le fleuve. M. Thorne s’est exprimé franchement là-dessus. Il a en effet

déclaré, je cite : «il est actuellement impossible de démontrer par une étude scientifique la

possibilité que des effets négatifs soient causés à l’écologie du fleuve San Juan par la construction

89
de la route» . Il explique pourquoi dans les termes suivants, je cite : «pour cela, il faudrait en

effet établir pour les principales espèces vivant dans le fleuve des seuils de tolérance, de morbidité

et de mortalité liés aux sédiments et à la sédimentation, ce qui n’a pas été fait à ce jour et exigerait

plusieurs années» . 90

87 Neil Craik, «La nécessité d’effectuer au préalable une évaluation de l’impact sur l’environnement»,
janvier 2015, par. 4.7 ; DCR, vol. II, annexe 1.

88Sheate, exposé écrit, 15 mars 2015, par. 11.
89
Thorne, «Evaluation de l’impact de la construction au Costa Rica de la route frontalière sur le fleuve
San Juan», décembre 2013, CMCR, appendice A, p. 108, par. 10-20.
90
Ibid. - 25 -

30 19. Le Nicaragua souscrit à ce constat. M. Thorne a bien vu quel était le problème. Avant

d’entreprendre la construction de la route, le Costa Rica n’a pas cherché, pour reprendre les termes

de M. Thorne, à déterminer, «pour les principales espèces vivant dans le fleuve[,] des seuils de

tolérance de morbidité et de mortalité liés aux sédiments et à la sédimentation» . En conséquence,

le Costa Rica est incapable, pour reprendre encore une fois les termes de M. Thorne, «de

déterminer par une étude scientifique la possibilité que des effets négatifs soient causés à l’écologie

92
du fleuve San Juan par la construction de la route» . A quoi le Nicaragua peut se permettre

d’ajouter qu’en ne procédant pas à une évaluation préalable, le Costa Rica s’est privé de la

possibilité de concevoir le projet de façon à exclure ou à limiter au strict minimum le risque de

franchissement de ces seuils, et s’est privé aussi de la possibilité de définir des stratégies

d’atténuation qui auraient permis d’obtenir les mêmes résultats après la construction de la route.

20. Il en va de même pour la détermination des incidences néfastes sur les populations de

poissons qui vivent dans les eaux du fleuve San Juan. L’expert du Costa Rica en la matière,

M. Cowx, admet que, parmi les familles de poissons vivant dans le fleuve San Juan, il se trouve des

espèces sensibles à l’élévation de la charge sédimentaire. Il admet aussi que faute de données, il

est impossible de déterminer si telle ou telle espèce vivant dans le San Juan est vulnérable ou non.

Cette constatation amène M. Thorne à reconnaître pour sa part «qu’il n’existe pas de données

disponibles pour la portion du San Juan qui longe la route» , et à résumer l’opinion de M. Cowx

dans les termes suivants : «seules des recherches longues et approfondies conduites à l’aide

d’équipements spécialisés permettraient d’établir des adaptations propres à chacune [des] espèces

94
[vivant dans le fleuve]» . Autrement dit, le Costa Rica est incapable de déterminer si la route

entraîne des répercussions néfastes pour les poissons vivant dans le San Juan parce qu’on ne sait

pas si les poissons qui vivent dans la partie pertinente du fleuve sont sensibles à la charge

sédimentaire et, s’ils le sont, à partir de quels seuils. Bref, tout cela revient à dire qu’il faut une

évaluation de l’impact sur l’environnement.

91
Thorne, «Evaluation de l’impact de la construction au Costa Rica de la route frontalière sur le fleuve
San Juan», décembre 2013, CMCR, appendice A, p. 108, par. 10-20.
92Ibid.

93Thorne, «Evaluation de l’impact sur le fleuve San Juan de la construction de la route frontalière au Costa Rica :
rapport en réponse», février 2015 ; DCR, appendice A, par. 6.17.
94
Ibid., par. 6.10. - 26 -

21. En procédant à un diagnostic de l’impact sur l’environnement trois ans après le

démarrage des travaux de construction, le Costa Rica n’a pas remédié au défaut d’évaluation de

l’impact environnemental. Je cite ce qu’a dit M. Sheate à ce sujet :

«A titre d’exercice postérieur à la construction, l’EDE peut seulement chercher
à identifier et recommander des manières d’atténuer une partie des impacts et d’y
remédier après l’événement. A l’inverse, la vocation de l’EIE est de chercher à

identifier les impacts potentiels avant qu’ils ne surviennent. Une EIE aurait également
conduit à répondre soigneusement à des questions telles que : quelles sont les normes
31 techniques de construction de la route ? Où les excès de déblai et déchets résultant de
la construction de la route seront-ils déversés, et comment la conception ou la
localisation de la route contribueront-elles à éviter ou à atténuer les effets de ces

activités sur l’environnement ? Ces questions, et d’autres du même ordre, ne sont pas
traitées dans l’EDE, qui ne saurait donc être considérée comme un substitut à une EIE,
ou équivaloir à celle-ci en aucune manière.» 95

22. Les auteurs du diagnostic ont eux-mêmes donné l’une des raisons pour lesquelles celui-ci

ne saurait tenir lieu d’évaluation de l’impact sur l’environnement. Voici ce qu’ils ont dit dans les

conclusions de leur étude concernant la biologie aquatique :

«Afin de répondre avec une plus grande certitude à la question de savoir

si ... [la] construction de la route [1856] ont conduit à un niveau de sédimentation
susceptible d’avoir une incidence sur la faune aquatique du fleuve San Juan et de ses
affluents situés dans la zone étudiée, il est dans un premier temps nécessaire d’établir
et de valider les seuils de sédimentation risquant d’affecter les espèces vivant dans ces
cours d’eau, puisqu’il n’existe aucune information concernant les organismes
96
aquatiques de la zone étudiée.»

23. Les auteurs du diagnostic poursuivent en ces termes :

«Il faut également établir et valider les seuils de mortalité et de morbidité des

espèces vivant dans ces rivières, ainsi que leur ... tolérance à la sédimentation, afin
d’évaluer si la construction de la route 1856 a effectivement eu une incidence sur la
faune aquatique du fleuve San Juan, pour la même raison que celle indiquée au
paragraphe précédent [(le défaut d’information sur la faune aquatique de la zone
étudiée)].»97

24. En d’autres termes, selon les auteurs eux-mêmes de diagnostic de l’impact sur

l’environnement, celui-ci ne pouvait pas permettre d’établir si les sédiments provenant de la route

avaient des effets nocifs pour les organismes vivant dans le fleuve San Juan, parce que, comme ils

l’ont écrit, «il n’existe aucune information concernant les organismes aquatiques de la zone

95
Sheate, exposé écrit, mars 2015, par. 43.
96CMCR, annexe 10, diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 158.

97Ibid. - 27 -

98
étudiée» . Les informations dont ils constatent le défaut sont justement celles que l’évaluation de

l’impact sur l’environnement aurait permis d’obtenir si elle avait été réalisée.

25. Bref, la décision prise par le Costa Rica de ne pas procéder à une évaluation de l’impact

sur l’environnement a pour conséquence qu’il est incapable de déterminer si la route 1856 a des

incidences pour le Nicaragua, y compris sur son site inscrit sur la liste de Ramsar, qu’il est

incapable aussi de concevoir, malgré l’impérieuse nécessité qui s’en fait sentir, des mesures

d’atténuation propres à ramener à un minimum ou à éviter ces effets, et qu’il est de même

incapable de planifier l’achèvement des travaux de telle sorte que la route soit construite et utilisée

sans qu’il en résulte des dommages supplémentaires pour le Nicaragua.

26. Monsieur le président, je suis parvenu au terme de mon intervention. Je vous remercie

de votre patiente attention et vous prie de bien vouloir maintenant appeler à la barre

M. Mc Caffrey.

32 The PRESIDENT: Thank you, Mr. Loewenstein. I shall ask Professor McCaffrey to come

to the Bar and begin his argument, which I shall no doubt have to interrupt a little later, at some

suitable point, for us to take a break. But for now, Professor McCaffrey, please begin your

presentation.

Mr. McCAFFREY : Thank you, Mr. President.

LES MANQUEMENTS DU C OSTA RICA À SES OBLIGATIONS EN MATIÈRE
DE PROTECTION DE L ’ENVIRONNEMENT

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ma tâche ce matin consistera à

établir que le Costa Rica, par le comportement dont il a fait preuve pour construire sa

route 1856  que je me contenterai désormais souvent d’appeler la «route» tout court , a

manqué et continue de manquer aux obligations en matière de protection de l’environnement qui

lui incombent vis-à-vis du Nicaragua.

2. Mon exposé portera sur les points suivants : premièrement, l’invocation, par le Costa Rica,

d’un état d’urgence en vertu de son droit interne ne saurait justifier ses violations du droit

9CMCR, annexe 10, diagnostic de l’impact sur l’environnement, p. 11. - 28 -

international ; deuxièmement, le Costa Rica a manqué à l’obligation qui lui incombait de réaliser

une évaluation de l’impact sur l’environnement avant de mettre sa route en chantier ;

troisièmement, le Costa Rica a manqué à l’obligation qui était la sienne d’informer préalablement

le Nicaragua de son projet ; quatrièmement, le Costa Rica a construit sa route d’une manière qui va

à l’encontre de son obligation de ne pas causer de dommage transfrontière significatif au

Nicaragua ; et cinquièmement, le Costa Rica a violé des traités auxquels les deux Etats sont parties

en raison de la façon dont la route a été, et continue d’être, construite.

3. Monsieur le président, la semaine dernière, la Cour m’a entendu exposer à titre liminaire

que le Nicaragua estimait que bien des obligations en matière de protection de l’environnement que

le Costa Rica avait fait valoir en l’affaire relative à Certaines Activités ne lui étaient en réalité pas

applicables, étant donné la lex specialis qui régissait les relations entre les Parties eu égard au

fleuve San Juan. Peut-être vous étonnerez-vous donc maintenant de me voir faire volte-face et

invoquer nombre de ces mêmes obligations à l’encontre du Costa Rica en la présente espèce.

4. Monsieur le président, il y a une explication simple et évidente à cela. La présente affaire,

contrairement à celle relative à Certaines Activités, n’implique pas d’allégations du Costa Rica

relatives à des activités menées par le Nicaragua telles que le dragage du fleuve San Juan, le

dégagement de caños, etc. que le président Cleveland avait toutes traitées dans sa sentence de 1888.

Ainsi que vous l’avez entendu hier et ce matin, elle porte au contraire sur la construction,

caractérisée par une négligence stupéfiante, d’une route surplombant en grande partie le San Juan,

de sorte que des quantités considérables de sédiments et de débris sont rejetées dans le fleuve et,

33 partant, sur le territoire souverain du Nicaragua. Il va de soi que le traité de 1858 est pertinent,

précisément parce qu’il établit que le fleuve se trouve sur ledit territoire, mais ni cet instrument ni

les sentences arbitrales ne présentent la moindre incompatibilité avec les obligations en matière de

protection de l’environnement qu’il appartient au Costa Rica de respecter dans le cadre de son

projet de route.

5. Monsieur le président, une lecture entre les lignes des pièces écrites du Costa Rica permet

de constater que celui-ci semble considérer, non sans dédain, le problème du rejet de sédiments et

de débris dans le fleuve comme une simple «invasion par de la terre», par opposition à une invasion

militaire ou analogue. Le Costa Rica a beau tenter de minimiser la situation  ce qu’il lui est - 29 -

facile de faire puisque ce n’est pas lui qui en subit les conséquences , celle-ci n’en pose pas

moins de véritables problèmes au Nicaragua, lui causant donc des dommages réels et significatifs,

ainsi que mes confrères l’ont démontré ce matin encore. Loin d’être couverte par la lex specialis,

cette situation relève donc totalement des principes applicables du droit international de

l’environnement.

1. L’invocation, par le Costa Rica, d’un état d’urgence en vertu de son droit interne
ne saurait justifier ses violations du droit international

6. Monsieur le président, je me pencherai tout d’abord sur l’invocation, par le Costa Rica,

d’un état d’urgence et le fait que celui-ci ne saurait justifier ses manquements.

7. Le 21 février 2011, le Gouvernement du Costa Rica a pris un décret exécutif intitulé

«Proclamation de l’état d’urgence à la suite de la violation de la souveraineté costa-ricienne par le
99
Nicaragua» , laquelle a constitué, dans le droit interne de cet Etat, la base juridique qui lui a

permis de construire la route sans se conformer aux obligations normalement prévues dans sa

propre législation. Le Gouvernement costa-ricien a également tenté de se servir de cette

proclamation pour justifier les violations du droit international commises par le Costa Rica à la

suite des travaux de construction. J’aborderai plus tard la question évidente que soulève le titre de

ce décret, à savoir celle du rapport entre le dégagement du caño, auquel le Nicaragua a procédé

avec des outils manuels, et la construction d’une route ayant abouti loin de ce caño et du territoire

litigieux.

8. Pour commencer, Monsieur le président, permettez-moi d’assurer à la Cour que le

Nicaragua reconnaît bien évidemment la nécessité, en droit international, de prévoir des exceptions

34 pour les situations d’urgence réelles, qui empêchent effectivement un Etat de satisfaire à ses

obligations internationales. Il va de soi que pareilles situations se présentent parfois, et il convient,

en droit international, de trouver le juste équilibre entre la reconnaissance de ce que l’Etat touché

est dépassé par les événements et devrait être temporairement dispensé de se conformer aux

obligations qui s’imposent normalement à lui  entre cette considération, donc, et le préjudice subi

par le ou les Etats auxquels l’obligation est due. En droit international, pareilles situations sont, en

99Mémoire du Nicaragua (MN), annexe 11. - 30 -

règle générale, couvertes par le droit de la responsabilité de l’Etat et, plus particulièrement, par les

circonstances excluant l’illicéité.

9. Dans le commentaire de ses articles sur la responsabilité de l’Etat, la CDI souligne que,

comme la Cour l’a fait observer en l’affaire relative au Projet Gabčíkovo-Nagymaros , les 100

circonstances excluant l’illicéité «n’ont pas pour effet d’annuler ou d’éteindre l’obligation ; elles

constituent plutôt un fait justificatif ou une excuse de l’inexécution tant que subsistent les

101
circonstances en cause» . Pour en revenir à la présente espèce, il en découle que, même si le

Costa Rica parvenait à ses fins en invoquant une circonstance excluant l’illicéité  possibilité dont

il n’a pas fait usage et qui, de l’avis du Nicaragua, ne s’offre pas à lui , les obligations qui sont

les siennes ne seraient suspendues que tant que subsisterait ladite circonstance.

10. En l’espèce, cette «circonstance», et je mets le terme entre guillemets, serait le prétendu

état d’urgence. Deux questions se poseraient donc pour le Costa Rica, à savoir existe-t-il une

quelconque circonstance excluant l’illicéité dans le cas d’un état d’urgence proclamé par un

gouvernement, et les obligations internationales de l’Etat intéressé seraient-elles suspendues pour

autant ?

11. La réponse à la première question, Monsieur le président, est «non». Il n’existe pas de

circonstance excluant l’illicéité qui s’intitule «état d’urgence». Mais peut-être une telle

proclamation, par un Etat, pourrait-elle entrer dans l’une des catégories de circonstances

reconnues ? Pour en avoir le cœur net, permettez-moi, Monsieur le président, de passer brièvement

en revue les options les plus probables.

102
12. Premièrement, la légitime défense . Cette circonstance exclut l’illicéité de l’emploi de

la force par un Etat lorsque sont remplies les strictes conditions visées à l’article 51 de la Charte

des Nations Unies. Elle ne peut donc s’appliquer à la tentative faite par le Costa Rica pour

s’exempter de l’obligation de réaliser une évaluation de l’impact sur l’environnement et des autres

obligations qui lui incombent vis-à-vis du Nicaragua.

100Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 39, par. 48.
101
Commentaire des articles sur la respoesabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, Annuaire de la
Commission du droit international, 2001, vol. II, 2 partie, p. 75, par. 2 (commentaire du chap. V, circonstances excluant
l’illicéité) ; annexé à la résolution 56/83 de l’Assemblée générale en date du 12 décembre 2001 (ci-après les «articles sur
la responsabilité de l’Etat»).
102
Articles sur la responsabilité de l’Etat, art. 21. - 31 -

35 13. Deuxièmement, les contre-mesures relatives à un fait internationalement illicite . Il 103

pourrait être tentant, de prime abord, de considérer cette circonstance comme applicable, le

Costa Rica ayant déclaré que la construction précipitée de la route constituait une réaction à

l’«invasion» présumée, par le Nicaragua, de son territoire dans la zone litigieuse. La CDI a en effet

précisé dans son commentaire que «la commission par un Etat d’un fait internationalement illicite à

l’encontre d’un autre Etat [pouvait] justifier l’adoption par l’Etat lésé par ce fait de contre-mesures

n’impliquant pas l’emploi de la force pour obtenir la cessation du fait et réparation du préjudice

subi» . Comme cela est clairement indiqué dans le chapitre des articles de la CDI consacré aux

contre-mesures, deux conditions préalables sont donc importantes pour qu’une contre-mesure soit

licite, d’une part, «l’existence d’un fait internationalement illicite causant un préjudice à l’Etat qui

prend la contre-mesure» 105 et, d’autre part, la nécessité que celle-ci soit prise «pour amener [l’]Etat

106
[responsable] à s’acquitter des obligations de cessation et de réparation qui lui incombent» .

14. Ni l’une ni l’autre de ces conditions préalables n’est toutefois remplie en l’espèce.

Premièrement, la question de savoir si le Nicaragua a commis un fait internationalement illicite en

dégageant le caño ne sera pas tranchée avant que la Cour ne rende son arrêt dans les affaires

jointes. Et deuxièmement, la construction de la route par le Costa Rica n’a absolument rien d’une

tentative qu’aurait faite cet Etat pour inciter le Nicaragua à se conformer aux obligations de

cessation et de réparation qui lui incombent  si tant est que pareilles obligations s’imposent à lui,

ce que l’on ne saura, là encore, qu’après le prononcé de l’arrêt de la Cour dans les affaires jointes.

Voilà pour ce qui était d’une éventuelle circonstance excluant l’illicéité des manquements du

Costa Rica au motif que son comportement aurait constitué une contre-mesure.

15. Une troisième circonstance excluant l’illicéité qui pourrait s’appliquer en l’espèce est

l’état de nécessité (necessity en anglais). Les probabilités d’abus de ce moyen de défense étant

élevées, la Commission et la pratique des Etats que reflète son texte font preuve d’une grande

prudence en ce qui concerne le recours à cette circonstance ; voici ce que la Commission conclut :

103
Articles sur la responsabilité de l’Etat, art. 22.
104Ibid., p. 79.

105Ibid., p. 139.
106
Ibid. - 32 -

«Dans l’ensemble, la pratique des Etats et la jurisprudence étayent le point de vue selon lequel

l’état de nécessité peut constituer une circonstance excluant l’illicéité dans certaines conditions très

107
restrictives.» De fait, la Commission indique dans ses commentaires que «l’état de nécessité ne

36 pourra être que rarement invoqué pour excuser l’inexécution d’une obligation et que cette excuse

108
est soumise à de strictes limitations pour prévenir les abus» .

16. Puisqu’il n’existe pas de circonstance excluant l’illicéité pour «état d’urgence» en tant

que tel, l’état de nécessité semblerait être ce qui se rapproche le plus du motif invoqué par le

Costa Rica pour s’exempter de ses obligations internationales. Celui-ci souligne cependant avec

109
véhémence qu’il «n’a pas invoqué [l’état de nécessité] et [qu’]il n’a pas à le faire» . Si le

Costa Rica ne l’a pas fait, c’est peut-être parce qu’il savait très bien ne pas pouvoir satisfaire aux

conditions à remplir pour l’invoquer, qui sont très rigoureuses.

17. Dans son commentaire, la Commission fait effectivement observer que l’état de nécessité

est invoqué pour «préserver l’existence même de l’Etat et de ses ressortissants dans des situations

d’urgence publique». «Mais», ajoute-t-elle, «la possibilité d’exciper d’une telle circonstance est

soumise à des conditions rigoureuses» . Comme le Nicaragua l’a relevé , selon la Commission

du droit international, le Costa Rica ne pouvait invoquer avec succès l’état de nécessité pour

exclure l’illicéité de la construction de la route qu’en établissant que la proclamation de l’«état

d’urgence» «[c]onstitu[ait] pour [lui] le seul moyen de protéger un intérêt essentiel contre un péril

grave et imminent» . Or, il n’a même pas essayé de le faire et en était en réalité incapable.

18. Monsieur le président, comme je l’ai déjà signalé, s’il n’existe pas de circonstance

distincte excluant l’illicéité pour état d’urgence, c’est vraisemblablement parce qu’une telle

catégorie serait tout simplement trop vaste. Le Nicaragua considère qu’aucune des circonstances

reconnues par la Commission du droit international n’est applicable en l’espèce. Ainsi qu’il l’a

indiqué dans ses pièces écrites, il pense en revanche qu’en construisant une route le long du fleuve

107
Articles sur la responsabilité de l’Etat, p. 88, par. 14.
108Ibid., p. 85, par. 2.

109Contre-mémoire du Costa Rica (CMCR), p. 113, par. 5.15.
110
Articles sur la responsabilité de l’Etat, p. 88, par. 14.
111
Réplique du Nicaragua (RN), p. 183, par. 6.10.
112Articles sur la responsabilité de l’Etat, article 25, par. 1 a). - 33 -

San Juan à la hâte, sans véritable plan et avec des conséquences désastreuses pour l’environnement,

le Costa Rica a réagi de manière peu judicieuse — peut-être à des fins de politique intérieure —

aux modestes travaux de dragage et de dégagement de caños du Nicaragua, exécutés très loin du

fleuve Colorado, point terminal de cette route de 140 kilomètres de long. Je reviendrai dans un

moment sur l’authenticité du prétendu «état d’urgence» .

19. Plutôt que d’invoquer l’état de nécessité, le Costa Rica dit que sa «législation … n’exige
37

pas la réalisation d’une évaluation de l’impact sur l’environnement en cas d’urgence ; or le droit
113
international défère sur ce point au droit des Etats» . Monsieur le président, je ferai

trois observations à cet égard : premièrement, dès lors que le Costa Rica a déclaré l’état d’urgence,

sa législation  mais non, et ce n’est pas sans intérêt, sa réglementation sur l’évaluation de

l’impact sur l’environnement  lève non seulement l’obligation de l’EIE, mais aussi pratiquement

toute autre procédure. Deuxièmement, quelles que soient les dispositions de la législation du

Costa Rica, ou de tout autre Etat, elles ne sauraient prévaloir sur les obligations qui lui incombent

en droit international  point sur lequel je reviendrai dans un moment. Et, troisièmement, dans ce

contexte, qu’entend dire le Costa Rica lorsqu’il affirme que «le droit international défère sur ce

point au droit des Etats» ? Je traiterai cette dernière question lorsque j’aborderai le manquement du

Costa Rica à l’obligation qui lui incombait de procéder à une EIE dans le cadre de son projet

routier.

20. Il n’est pas sans importance, Monsieur le président, que le Costa Rica n’ait même pas

cherché à établir une correspondance entre sa déclaration de l’état d’urgence et l’une des

circonstances excluant l’illicéité reconnues par le droit international. Il se contente d’affirmer

qu’en vertu du droit interne, la proclamation de l’état d’urgence relève de son seul pouvoir. Ce

n’est bien évidement pas un problème en soi, mais le Costa Rica va plus loin et ajoute que cette

proclamation discrétionnaire de l’état d’urgence le décharge également des obligations

correspondantes qui lui incombent en droit international. Et c’est ce point qui pose un problème au

Nicaragua.

113CMCR, p. 113, par. 5.15. - 34 -

o
21. Point peut-être le plus frappant [projection n 1 à l’écran], voici ce qu’a déclaré, le

13 décembre 2011, celle qui était alors présidente du Costa Rica en réponse aux demandes répétées

du Nicaragua visant à obtenir des informations concernant le projet routier  cette déclaration

apparaît à présent sur vos écrans : «un décret instituant l’état d’urgence a été pris pour des raisons

de nécessité nationale et telle est la base sur laquelle les projets ont été conçus. Nous ne reculerons

114
pas d’un iota» . Elle a indiqué que le Costa Rica «n’a[vait donc] aucune explication à donner au

Gouvernement du Nicaragua» . 115

22. Monsieur le président, c’est cette position du Costa Rica, et non le décret instituant l’état

d’urgence qui, selon le Nicaragua, est clairement injustifiable au regard du droit international.

[Fin de la projection n 1] o Elle prend le contre-pied du principe qui trouve notamment son

o
38 expression à l’article 27 de la convention de Vienne sur le droit des traités [projection n 2 à

l’écran] : «Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la

116
non-exécution d’un traité. Cette règle est sans préjudice de l’article 46.» L’article 46 porte sur

les «dispositions du droit interne concernant la compétence pour conclure des traités», dont il n’est

pas question ici. [Fin de la projection n 2 ; projection n 3 à l’écran] Le même principe est énoncé

d’une manière plus générale à l’article 32 des articles sur la responsabilité de l’Etat, intitulé

«[n]on-pertinence du droit interne» . Cet article, que vous voyez à présent à l’écran, est libellé

comme suit : «L’Etat responsable ne peut pas se prévaloir des dispositions de son droit interne pour

justifier un manquement aux obligations qui lui incombent en vertu de la présente partie» . 118

o
[Fin de la projection n 3]

23. Monsieur le président, ces deux articles, conjugués au fait que le Costa Rica s’est

délibérément abstenu d’invoquer l’état de nécessité ou toute autre circonstance excluant l’illicéité,

ne lui laissent que très peu de possibilités d’échapper à ses obligations envers le Nicaragua,

lesquelles découlent de la construction bâclée de la route et de ses conséquences. Le

114
El País (Costa Rica), «Mme Chinchilla défend l’autoroute critiquée par le Nicaragua et refuse le dialogue»,
14 décembre 2011, MN, vol. II, annexe 24.
115
Ibid.
116Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1155,

p. 331, art. 27.
117Articles sur la responsabilité de l’Etat, art. 32, p. 100.

118Ibid. - 35 -

Gouvernement costa-ricien a peut-être réussi à se mettre à l’abri de toute responsabilité au regard

de sa législation, mais il ne s’est protégé en rien au regard du droit international.

24. Monsieur le président, il me reste à traiter très brièvement, car le temps presse, d’autres

questions qui découlent de la déclaration d’état d’urgence faite par le Costa Rica ; m’autorisez-vous

à continuer ? Je vous remercie.

25. Premièrement, à l’exception de la déclaration même de la présidente, Mme Chinchilla, le

Costa Rica n’a fourni aucun élément démontrant en quoi que ce soit l’existence d’un état d’urgence

imposant au Costa Rica de construire la route frontalière.

26. S’il y avait véritablement eu un état d’urgence exigeant l’existence d’une voie de transit

longeant le fleuve, on se serait attendu à ce que le Costa Rica construise à tout le moins une route,

certes rudimentaire mais praticable, reliant le caño au territoire litigieux. En fait, la route a) n’est

pas praticable, même aujourd’hui, quelque quatre ans et demi après sa construction et b) s’arrête

bien avant la zone litigieuse, au delta ou avant celui-ci, là où le fleuve Colorado se sépare du

San Juan proprement dit. Et même si elle était praticable, elle ne permettrait pas de se rendre dans

la zone en litige. En outre, il n’y a eu pratiquement aucune activité de construction sur la route

39 pendant de longues périodes, apparemment pour des raisons budgétaires, ce qui indique qu’il ne

s’agissait pas d’une priorité du gouvernement. Ce n’est pas ainsi que les gouvernements agissent

généralement dans les situations d’urgence.

27. Par ailleurs, le lien entre le projet routier et la proclamation de l’état d’urgence est

objectivement douteux si l’on se fonde sur les éléments de preuve. La construction de la route a

commencé avant la publication du décret instituant l’état d’urgence. Le chantier a débuté en

décembre 2010 ; la présidente n’a publié son décret que le 21 février 2011. La justification du

projet routier par l’état d’urgence semble donc avoir été inventée après coup.

28. Enfin, si l’on croit le Costa Rica sur parole, il a entamé la construction de la route en

décembre 2010, en réponse aux travaux de dégagement du caño exécutés par le Nicaragua en

octobre de la même année. C’était après que le Costa Rica eut prié la Cour d’indiquer des mesures

conservatoires dans le cadre de l’instance en l’affaire relative à Certaines activités qu’il avait

introduite en novembre de la même année. Ainsi, le Costa Rica s’est fait justice lui-même en

entamant la construction de la route après avoir prié la Cour de lui accorder des mesures - 36 -

conservatoires au sujet de la situation même qu’il a invoquée pour justifier ces travaux. La

présidente, Mme Chinchilla, a pris le décret instituant l’état d’urgence après la tenue des audiences

sur la demande en indication de mesures conservatoires déposée par le Costa Rica et, comme l’a

relevé l’agent du Nicaragua, un jour avant que la Cour ne rende son ordonnance à cet égard. Dans

l’affaire relative au Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis

119
d’Amérique c. Iran) , la Cour a désapprouvé la prise de pareilles initiatives unilatérales

individuelles après qu’un différend lui eut été soumis. Tel semble pourtant avoir été le mode

opératoire du Costa Rica.

29. Mais, Monsieur le président, même s’il y avait véritablement eu état d’urgence, et même

si la réponse apportée par le Costa Rica  la construction de la route  avait été appropriée,

quod non, ce dernier restait tenu par un certain nombre d’obligations, comme celle de notifier

préalablement le Nicaragua, de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement et

d’empêcher qu’un dommage important soit causé à celui-ci, car, comme je l’ai exposé, pareils

manquements n’auraient pas été excusés. Ce sont ces obligations que je voudrais aborder ensuite,

peut-être après une pause, Monsieur le président ? Je vous remercie.

The PRESIDENT: Yes, thank you, Professor. This is indeed an appropriate point for us to

take a 15-minute break. The Court will therefore now adjourn. The hearing is suspended.

40 The Court adjourned from 11.35 a.m. to 11.55 a.m.

The PRESIDENT: Please be seated. Professor, you have the floor again to continue your

presentation.

Mr. McCAFFREY : Merci, Monsieur le président.

2. Le Costa Rica a enfreint son obligation d’établir préalablement une
évaluation de l’impact sur l’environnement de son projet de route

30. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’en viens à l’évaluation de

l’impact sur l’environnement. Les deux Parties reconnaissent l’obligation qu’elles ont en droit

119Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, p. 3. - 37 -

international général d’établir une évaluation de l’impact sur l’environnement transfrontière, ou

EIE, comme l’a dit la Cour dans l’affaire relative aux Usines de Pâte à Papier . Mais le 120

Costa Rica affirme qu’il n’était pas tenu de procéder à une évaluation de l’impact sur

l’environnement de son projet de route pour trois raisons. Premièrement, une situation d’urgence

en droit interne est une exception à l’obligation internationale d’établir une EIE. Deuxièmement,

«le traité de 1858 ne réglemente pas les travaux d’infrastructure routière sur le territoire

121
costa-ricien» et, troisièmement, les travaux de construction «ont eu lieu exclusivement sur le

122
territoire costa-ricien» . Je vais examiner chacune de ces affirmations.

31. Premièrement, le Costa Rica fait valoir que le décret par lequel il a proclamé l’état

d’urgence conformément au droit interne l’exempte de l’obligation de procéder à une évaluation de

l’impact sur l’environnement transfrontière . 123 (Entre parenthèses, Monsieur le président, le

Costa Rica dit que la proclamation de l’état d’urgence l’exempte aussi, en droit interne, de procéder

à une EIE mais, comme nous l’a dit M. Sheate hier , il n’existe pas de dérogation pour état

d’urgence en vertu de la réglementation costa-ricienne sur l’évaluation de l’impact sur

l’environnement.) Le Costa Rica parvient à cette remarquable conclusion quant à l’effet de ses

décrets d’exception sur ses obligations internationales essentiellement en faisant valoir que la

présente Cour, dans son arrêt sur les Usines de Pâte à Papier, n’a pas dit qu’une proclamation de

l’état d’urgence n’était pas une exception, et donc qu’elle doit en être une . Plus précisément, le

Costa Rica fait observer dans sa duplique qu’«on ne saurait donc déduire du paragraphe 205 de cet

41 arrêt qu’il serait interdit à un Etat d’inscrire dans son droit interne qu’une situation d’urgence

126
constitue une cause d’exemption de l’obligation de réaliser une EIE» . Ce paragraphe est celui

dans lequel vous indiquiez l’obligation de réaliser l’EIE. Il s’ensuit prétendument qu’un état

d’urgence proclamé en droit interne est une exception à l’obligation que fait le droit international

120
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (I), p. 83,
par. 204.
121Contre-mémoire du Costa Rica (CMCR), par. 4.4.

122Ibid.

123Duplique du Costa Rica (DCR), p. 95-101.
124
CR 2015/9, p. 38 (Sheate).
125Ibid., p. 95.

126CR 2015/9, p. 38 (Sheate), par. 3.32. - 38 -

général de réaliser une évaluation de l’impact sur l’environnement, exception reconnue par la Cour.

Et bien, Monsieur le président, les contorsions de la logique costa-ricienne ne peuvent que susciter

l’admiration.

32. Le Costa Rica cite ensuite un certain nombre de sources, de l’Antarctique à Espoo, de

Kiev au Canada, admettant des dérogations en cas de proclamation de l’état d’urgence. Tout cela

est fort bien. Le problème du Costa Rica, et c’est un problème auquel il ne fait pas face, c’est que,

comme M. Sheate l’a démontré, toutes ces exemptions font partie d’une réglementation des

évaluations de l’impact sur l’environnement qui a été soigneusement élaborée, aux niveaux

national et international, de manière à garantir que les projets susceptibles d’avoir des effets

significatifs sur l’environnement soient évalués avant que ne soit donnée l’autorisation de les

réaliser, et à ce que l’évaluation puisse être prise en compte dans le processus décisionnel . 127

Malgré ces garanties, les dérogations pour état d’urgence sont rarement utilisées et, selon

M. Sheate, «pour une bonne raison car, dans le cas contraire, il serait trop facile de contourner la

vocation de l’EIE…» , ce qui est tout à fait le cas en l’espèce.

33. M. Sheate a reconnu qu’un grand nombre, pour ne pas dire la plupart, des principaux

régimes d’EIE contiennent, sous une forme ou sous une autre, une dérogation soigneusement

réglementée en cas de situation d’urgence, ce dont M. Kohen a fait grand cas. Mais cela n’aide en

rien le Costa Rica. Premièrement, la législation costa-ricienne ne contient pas ce type de

dérogation. Deuxièmement, ces régimes limitent l’exemption à la situation immédiate, à condition

qu’elle soit levée dès que cette situation le permet, et ils prévoient souvent une autre forme de

processus d’évaluation qui doit souvent se dérouler en même temps que le projet. Ce n’est pas le

cas du décret du Costa Rica et ce n’est pas non plus ce que le Costa Rica a fait après la

proclamation de l’état d’urgence. Et troisièmement, le Costa Rica ne prouve pas que les

législations nationales qu’il cite exemptent l’Etat en question de ses obligations internationales en

matière d’EIE. Pourtant, c’est précisément ce qu’il doit démontrer.

42 34. Dans son exposé écrit, M. Sheate cite l’exemple d’une urgence réelle qui a été

absolument dévastatrice pour l’environnement naturel et humain. Cet exemple est particulièrement

127
William R. Sheate, exposé écrit, 15 mars 2015, p. 11, par. 31.
128Ibid. - 39 -

intéressant car en dépit de l’ampleur de la catastrophe et de ses effets, une évaluation de l’impact

sur l’environnement a été établie alors même que divers travaux d’urgence étaient entrepris. Cet

exemple est celui de l’éruption du Mont Saint Helens dans l’Etat de Washington aux Etats-Unis,

dont vous voyez maintenant des images à l’écran et sous l’onglet n 12 de votre dossier de

plaidoirie. [Projection 4] Comme M. Sheate l’explique, l’éruption, qui a fait 57 victimes :

«a causé une inondation de grande ampleur, une sédimentation fluviale et des effets

négatifs sur les poissons et la faune, ainsi que sur les établissements humains. Le
Corps des ingénieurs de l’armée des Etats-Unis (US Army Corps of Engineers)  la
principale agence fédérale américaine à intervenir  a invoqué la disposition de la

réglementation d’application de la loi américaine relative à la politique nationale dans
le domaine de l’environnement (National Environnement Policy Act, NEPA)
concernant les «circonstances particulières» en vertu desquelles elle était autorisée à

procéder sans délai à certaines opérations de dragage de cours d’eau, ainsi qu’à divers
autres travaux d’urgence, toute en conduisant, dans le même temps, une EIE
accélérée.» 129

35. Pour M. Sheate, cet exemple montre combien :

«il est inéluctable que surviennent des occasions dans lesquelles il est tout simplement
impossible d’entreprendre une EIE en raison de la nécessité de prendre des mesures ou

de mettre en place des infrastructures pour sauver des vies ou prévenir la destruction
immédiate de l’environnement. Mais en guise de reconnaissance de l’importance de
l’EIE, une telle exemption est toutefois limitée aux urgences immédiates et, dès que
possible, un processus d’évaluation alternatif doit être entrepris.» 130 [Fin de la

projection]

36. Si l’on peut établir une EIE tout en faisant face à un désastre de cette ampleur, Monsieur

le président, nul doute que le Costa Rica pourrait en avoir établi une pour son projet de route.

37. Monsieur le président, j’en viens maintenant aux deuxième et troisième raisons

invoquées par le Costa Rica pour ne pas avoir établi d’évaluation de l’impact sur l’environnement

transfrontière. Comme la Cour s’en souviendra, le Costa Rica affirme que «le traité de 1858 ne

réglemente pas les travaux d’infrastructure routière sur le territoire costa-ricien» 131 et que les

travaux de construction ont été «réalisés exclusivement en territoire costa-ricien» . Ce sont là des

truismes qui n’aident en rien le Costa Rica à se justifier.

129
William R. Sheate, exposé écrit, 15 mars 2015, p. 11, par. 32 ; les italiques sont de nous.
130Ibid., p. 11-12.

131CMCR, par. 4.4.
132
Ibid. - 40 -

38. Ce que ces justifications taisent mais sous entendent manifestement, Monsieur le

président, c’est que le Costa Rica est convaincu qu’il peut faire ce qu’il veut sur son territoire sans

se soucier le moins du monde des conséquences transfrontières de ses actions. On aurait pu penser

que l’échec retentissant de la doctrine Harmon de souveraineté territoriale absolue en 1895 avait

fait disparaître cette idée à tout jamais . 133

43 39. En fait, il y a bien longtemps que cette thèse du Costa Rica ne résiste plus à l’analyse. Le

134
Nicaragua a présenté à la Cour , si cela était encore nécessaire, des décisions datant de 1928

à 2013 qui le confirment, de la sentence rendue en l’affaire de l’Ile de Palmas 135et de l’affaire du

136 137
Détroit de Corfou à l’affaire de la Fonderie de Trail et à la sentence arbitrale rendue en

l’affaire des Eaux de l’Indus Kishenganga . 138

40. Même si nous examinons le comportement du Costa Rica à l’égard de son propre

territoire, nous constatons des violations flagrantes d’obligations qu’il a contractées au titre

d’instruments multilatéraux, tels que la convention sur la diversité biologique et la convention de

139
Ramsar . Pour ce qui est de cette dernière, très prisée par le Costa Rica dans l’affaire relative à

Certaines activités, et à laquelle je reviendrai brièvement plus tard, plusieurs des zones humides

d’importance internationale qui y figurent sont situées au Costa Rica à proximité du projet de route

140
et en ont indubitablement souffert, comme M. Sheate l’observe dans son rapport .

41. Ainsi que je l’ai mentionné précédemment, Monsieur le président, le Costa Rica affirme

qu’il n’a aucunement l’obligation de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement de

ses projets de construction routière, car «sa législation n’exige pas la réalisation d’une EIE en cas

d’urgence ;»  il n’a manifestement pas lu sa propre législation en la matière  «or le droit

13321 Op. Attorney General 274 (1895). Voir RN, p. 155-157.
134
Voir par exemple RN, p. 152-153.
135
Sentence arbitrale, 4 avril 1928, Ile de Palmas (Pays Bas c. Etats-Unis d’Amérique),Nations Unies, Recueil
des sentences arbitrales, vol. II, p. 838.
136Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 22.

137 Sentence arbitrale, 11 mars 1941, Arbitrage de la fonderie de Trail (Etats-Unis d’Amérique c. Canada),
Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. III, p. 1965.

138Sentence partielle, 18 février 2013, Arbitrage des Eaux de l’Indus Kishenganga (Pakistan c. Inde), accessible
à l’adresse suivante : http ://www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1392.

139Voir William R. Sheate, «Observations sur l’absence d’évaluation de l’impact sur l’environnement préalable à
la construction de la route frontalière longeant le San Juan», juillet 2014, section 5 ; RN, vol. II, annexe 5.

140Ibid. - 41 -

international défère sur ce point au droit des Etats» . Le Nicaragua a démontré que cet argument

est confus et totalement dénué de fondement. Je vais revenir brièvement sur cette explication.

42. Premièrement, par principe, il faut se demander si le Costa Rica a véritablement réfléchi

à ce brillant argument. Si le droit international déférait effectivement et intégralement au droit

interne s’agissant de la nécessité de procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement,

comment faudrait-il alors interpréter la conclusion de la Cour de céans en l’affaire des Usines de

44 pâte à papier concernant l’obligation, en droit international général, de procéder à une EIE ?

o
[Projection n 5] Un extrait de la décision de la Cour en l’affaire des Usines de pâte à papier

s’affiche à présent à l’écran et se trouve également sous l’onglet n 13 du dossier de plaidoiries . 142

Cet extrait étant désormais bien connu, je n’en ferai pas lecture pour gagner du temps. La Cour a

donc conclu qu’il existait, en droit international général, une obligation de procéder à une

évaluation de l’impact sur l’environnement transfrontière.

43. Malgré tous mes efforts, Monsieur le président, je ne trouve rien dans la décision de la

Cour indiquant que le droit international «défère sur ce point au droit des Etats». [Fin de la

projection n 5] Voici, en revanche, ce que la Cour a dit : [Début de la projection n 6] «la Cour

o
estime [nous sommes à l’onglet n 14] qu’il revient à chaque Etat de déterminer, dans le cadre de sa

législation nationale ou du processus d’autorisation du projet, la teneur exacte de l’évaluation de

l’impact sur l’environnement requise dans chaque cas» . Je m’en tiendrai là, toujours faute de

temps, mais vous trouverez la citation dans son intégralité dans le dossier de plaidoiries.

44. Il s’ensuit, Monsieur le président, que c’est la teneur de l’évaluation de l’impact sur

l’environnement, et non son bien-fondé, qu’établit la législation nationale de l’Etat sur le territoire

duquel se déroule le projet. Ce dernier point relève du droit international, ainsi que la Cour l’a

clairement exposé dans le premier extrait de l’arrêt rendu en l’affaire des Usines de pâte à papier

que j’ai projeté à l’écran il y a quelques minutes.

45. De surcroît, la Cour a précisé «qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement

d[evai]t être réalisée avant la mise en œuvre du projet», précisant que, même «une fois les

141CMCR, p. 113, par. 5.15.
142
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (I), p. 83,
par. 204.
143Ibid., p. 83-84, par. 205 ; les italiques sont de nous. - 42 -

opérations commencées, une surveillance continue des effets dudit projet sur l’environnement

sera[it] mise en place, qui se poursuivra[it] au besoin pendant toute la durée de vie du projet». La

Cour a donc estimé qu’une EIE devait être réalisée préalablement et que le projet devait faire

l’objet d’un suivi pendant toute sa durée. Si le Costa Rica convient qu’il n’a pas satisfait à la

première de ces conditions, il n’a guère présenté d’éléments de preuve indiquant qu’il se
o
conformait à la seconde avec diligence. [Fin de la projection n 6]

46. Pourtant, le Costa Rica tente, tel Houdini, d’échapper à son obligation de procéder à une

EIE en invoquant une autre raison, qu’il fait également valoir à propos d’autres obligations.

Malheureusement pour lui, n’est pas Houdini qui veut et cette tentative est, elle aussi, vouée à

l’échec.

47. L’argument du Costa Rica est, en substance, que s’il accepte les obligations qui lui

incombent en vertu de la convention centraméricaine sur la biodiversité et ce qu’il caractérise

comme «trois obligations principales : … réaliser une évaluation de l’impact sur

l’environnement ..., [adresser une] notification … [et] ne pas causer de dommage transfrontière

important» , pareilles obligations ne s’appliquent pas en l’espèce. Pourquoi ? Parce que, selon le
45

Costa Rica, la «condition minimale» d’application, à savoir «le risque d’impact préjudiciable

important», n’est pas remplie . Le Costa Rica affirme que les quantités de sédiments et de débris

charriés vers le San Juan depuis la route sont «négligeables» compte tenu de la charge sédimentaire

déjà élevée du fleuve et, partant, que la condition minimale d’application desdites obligations n’est

pas remplie. Or, Monsieur le président, elle l’est : en vertu de la loi costa-ricienne relative aux EIE,

le projet de route relève de la catégorie A, à «fort impact potentiel sur l’environnement», et

nécessite donc la réalisation d’une étude complète de l’impact sur l’environnement. Par définition,

y compris selon la loi costa-ricienne, le projet en cause présente un risque pour l’environnement et,

partant, un risque de dommage transfrontière, le territoire du Nicaragua ne se situant qu’à quelques

mètres du chantier.

48. Monsieur le président, à la lumière des dépositions de MM. Kondolf et Andrews hier et

des interventions de mes collègues MM. Loewenstein et Reichler, cet argument peut être

144
CMCR, p. 109, par. 5.6.
14Ibid., p. 195, par. 6.30. - 43 -

promptement rejeté. Le Costa Rica confond ampleur et importance et ne tient pas compte des

difficultés auxquelles le Nicaragua doit faire face pour ce qui est du cours inférieur du fleuve

San Juan.

49. Selon les estimations de M. Thorne, le propre expert du Costa Rica, la construction de la

route entraîne l’apport de 75 000 tonnes supplémentaires de sédiments par an au fleuve San Juan,
146
en territoire nicaraguayen . Soixante-quinze mille tonnes. M. Andrews nous a dit que cela

représenterait une colonne de sédiments de la hauteur de la grande salle de justice, sur la longueur

d’un terrain de football. En outre, selon les calculs effectués par le Nicaragua, la quantité de

sédiments est bien plus importante. Même en admettant que les chiffres avancés par le Costa Rica

soient exacts, compte tenu du fait que le programme de dragage mené par le Nicaragua ne parvient

pas à suivre le rythme des quantités de sédiments charriées vers le cours inférieur du fleuve

147
San Juan , force est de constater que ce dernier devra redoubler d’efforts et consacrer davantage

de ressources humaines, matérielles et financières à un programme de dragage déjà en difficulté.

Voilà pourquoi la Cour devrait conclure que le Costa Rica aurait dû, à tout le moins, être conscient

du risque, selon vos propres termes, que «l’activité industrielle projetée [ait] un impact

46 préjudiciable important dans un cadre transfrontière». C’est également pour cette raison que la

Cour devrait conclure que ce risque demeure aujourd’hui, et demeurera jusqu’à ce qu’il soit

remédié au problème, pour autant que cela soit possible. Il apparaît donc indispensable que le

Costa Rica procède, selon les termes employés par la Cour, à «une surveillance continue des effets

[du] projet sur l’environnement».

50. Monsieur le président, j’aimerais aborder un point supplémentaire avant d’en venir à la

violation par le Costa Rica de l’obligation de notification. Ainsi que le Nicaragua l’a fait valoir

dans ses écritures et qu’il est clairement ressorti de la déposition de M. Sheate, si la Cour venait à

conclure que la réalisation d’une évaluation de l’impact transfrontière sur l’environnement, même

sommaire, n’était pas possible en raison d’une véritable situation d’urgence, selon la pratique des

Etats, le Costa Rica aurait dû, à tout le moins, évaluer les effets de la route sur l’environnement

pendant sa construction et communiquer au Nicaragua toutes les informations dignes d’intérêt.

146
Exposé écrit de Colin Thorne, mars 2015, p. 6, par. 3.2.
147Voir, de façon générale, l’exposé écrit de Cornelis van Rhee, 15 mars 2015. - 44 -

Pour les raisons invoquées par mon collègue M. Loewenstein, le «diagnostic de l’impact sur

l’environnement» réalisé par le Costa Rica ne satisfait pas à cette exigence et M. Sheate a confirmé

hier dans sa déposition que ce document n’était en rien l’équivalent d’une EIE

3. Le Costa Rica a violé son obligation de notifier le Nicaragua préalablement
au début des travaux de construction de la route

51. Monsieur le président, j’en viens à présent à la violation de l’obligation de notification ;

j’ai déjà fait remarquer que les Parties s’accordent quant à l’existence de cette obligation et que le

Costa Rica n’en remet pas l’existence en question. En revanche, comme je l’ai déjà dit, il affirme

qu’elle ne s’appliquait pas dans son cas, car la condition minimale «d’importance» n’était pas

remplie. Sur ce point, Monsieur le président, je serai bref.

52. Une fois encore, le Costa Rica confond ampleur et importance, comme l’a expliqué mon

collègue M. Reichler. Le Nicaragua a démontré l’existence de dommages significatifs et le risque

de dommages significatifs pour lui-même, sur le plan des ressources humaines, matérielles et

financières à mobiliser, ainsi que pour le fleuve et son environnement aquatique. Le Costa Rica

était donc dans l’obligation de notifier le Nicaragua de son projet de construction de route, ce qu’il

n’a pas fait.

4. Le Costa Rica a violé son obligation de ne pas causer de
dommage transfrontière significatif au Nicaragua

53. J’en viens à présent, Monsieur le président, à la violation par le Costa Rica de son

obligation de ne pas causer de dommage transfrontière significatif au Nicaragua. Comme

précédemment, le Costa Rica conteste non pas l’existence de cette obligation mais sa violation. Le

risque posé par le projet de route s’étant matérialisé, sous la forme d’un apport d’au moins

47 75 000 tonnes de sédiments chaque année, soit 325 000 tonnes depuis le début de la construction il

y a plus de quatre ans  et je rappelle à la Cour qu’il s’agit là de l’estimation fournie par le

Costa Rica, que le Nicaragua estime très prudente , celui-ci est d’avis que pareil volume est

important, qu’il lui cause des dommages significatifs et fait valoir, pour reprendre les termes

employés par la Cour, que «l’activité industrielle projetée  en l’espèce, une activité réelle 

risque d’avoir un impact préjudiciable important dans un cadre transfrontière» à l’avenir aussi.

Mon collègue M. Reichler a amplement démontré que le projet de route du Costa Rica cause des - 45 -

dommages significatifs dans le cours inférieur du fleuve San Juan, en grossissant les dépôts de

sédiments qui obstruent déjà la navigation et en réduisant le débit d’eau douce vers les zones

humides en aval, dont l’équilibre écologique dépend. Cela est d’autant plus vrai que les dragues du

Nicaragua ne peuvent déjà plus suivre le rythme des dépôts de sédiments ainsi que mon collègue

M. Reichler l’a fait observer précédemment.

54. Tout comme il reconnaît les obligations de réalisation d’une EIE et de notification

préalable, le Costa Rica admet que la route contribue à l’apport de ce que le Nicaragua considère

être des quantités très importantes de sédiments dans le fleuve. Une fois encore, le Costa Rica

affirme que ces quantités sont négligeables au regard de la charge sédimentaire déjà très élevée du

fleuve. Le Nicaragua souhaite apporter deux réponses à ces arguments.

55. Premièrement, le Costa Rica est très éloigné de la vérité, puisque la question qui se pose

n’est pas celle de l’ampleur, mais bien de l’importance dans le contexte. Mon collègue M. Reichler

a démontré que les apports de sédiments et de débris au fleuve dus au projet de route costa-ricienne

sont, de fait, significatifs dans le contexte, si on les relie non pas à la charge sédimentaire totale du

fleuve, mais à l’aggravation des obstacles à la navigation et des dommages aux écosystèmes

aquatiques, dont les zones humides, qu’ils entraînent, ainsi qu’aux ressources additionnelles que le

Nicaragua doit consacrer au traitement de ces apports supplémentaires.
148
56. Deuxièmement, ainsi que le Nicaragua le démontre dans sa réplique , le Costa Rica, qui

reconnaît être responsable de la majeure partie de la charge sédimentaire charriée par le San Juan,

principalement en raison de mauvaises pratiques d’utilisation des sols encouragées par son
149
gouvernement , ne saurait faire valoir qu’il ne peut être tenu pour responsable de l’apport de

48 75 000 tonnes par an dont il admet qu’elles proviennent du projet de route, sous prétexte que ce

volume représenterait un pourcentage de sédiments très faible par rapport à la charge sédimentaire

existante. Le Nicaragua est convaincu que la Cour saura voir le caractère inique de l’argument

avancé par le Costa Rica et qu’elle ne permettra pas que soit ainsi diminuée l’importance des

quantités de sédiments déversées dans le fleuve par la construction de la route.

14RN, voir par exemple, p. 69-70.

14Ibid. - 46 -

57. Pour ces raisons, Monsieur le président, le Nicaragua fait valoir qu’en causant l’apport

 d’après ses propres chiffres  de 75 000 tonnes de sédiments par an au fleuve San Juan,

territoire souverain du Nicaragua, le Costa Rica viole son obligation de ne pas causer de dommage

significatif au Nicaragua.

5. Le Costa Rica a violé des traités auxquels les deux Etats sont parties, de par
les techniques passées et présentes de construction de la route

58. Monsieur le président, j’en viens enfin  très brièvement  aux violations par le

Costa Rica des traités auxquels les deux Etats sont parties, de par les techniques passées et

présentes de construction de la route.

59. Les traités dont il est question sont la convention sur la diversité biologique, la

convention de Ramsar, la convention centraméricaine pour la protection de l’environnement et

d’autres traités régionaux, ainsi que l’accord bilatéral sur les zones frontalières protégées, dit

«SI-A-PAZ». Le Costa Rica balaye ces accords lorsqu’on les lui oppose, alors qu’il ne s’est pas

privé de les citer à l’encontre du Nicaragua en l’affaire relative à Certaines activités. Là encore, au

lieu de se défendre en démontrant qu’il en respecte l’esprit et la lettre, il se retranche derrière

l’exigence de «dommage significatif», même pour ce qui est d’accords multilatéraux dont la

violation, comme mon collègue M. Pellet l’a démontré, ne concernait que le seul territoire du

Costa Rica, à savoir la convention centraméricaine sur la biodiversité et la convention de Ramsar.

Le Nicaragua continue d’affirmer que les techniques, passées et présentes, de construction et de

gestion de la route par le Costa Rica constituent une violation desdits accords. Les arguments du

Costa Rica, qui affirme ne pas avoir agi en violation de ces instruments, sont totalement contraires

aux conclusions des experts en droit de l’environnement de l’Université du Costa Rica concernant

la construction de la route, auxquelles mon collègue M. Reichler a fait référence hier, à savoir

150
qu’«il n’existe presque aucune de nos lois relatives à l’environnement qui n’ait été enfreinte» .

49 60. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon

intervention. Je vous remercie de votre attention et de votre patience. Monsieur le président, je

vous prierais de bien vouloir appeler à présent à la barre mon collègue M. Pellet.

150CR 2015/8, p. 21 (Reichler). - 47 -

The PRESIDENT: Thank you, Professor. I give the floor to Professor Pellet.

Mr. PELLET: Thank you, Mr. President. As one of my former and eminent colleagues

recently said in a case, my team has given me a lot to do, but has left me with little time in which to

do it. So rather than rush through my presentation, trying to make cuts here and there, I will stop at

the fated hour and, if necessary, take up any arguments I am unable to put forward today during the

second round.

R EMEDIES

1. Mr. President, Members of the Court, Costa Rica is responsible for constructing (very

badly) a road along the San Juan River. That road extends over some 160 km, 108 of which run

right beside the river.

2. Costa Rica is at great pains to show that it has the right to build whatever roads it wants on

its own territory, and insists that “Costa Rica’s sovereign right to develop its own territory and to

construct roads anywhere in its territory must be fully respected” . We do not dispute that. As

long as the road does not interfere with the territory of a neighbouring State, and does not cause

that State harm (I will leave the question of the degree of harm for later), then Costa Rica can build

the most impractical, dangerous and pointless roads that it sees fit — it is, in principle, a matter for

the State and its inhabitants or the users of those roads. But international law places a legal limit on

the exercise of that unquestionable right — something our opponents have been quick to point out

152
in the joined case concerning Certain Activities ; a State’s use of its territory must be

non-injurious: “[a] State is . . . obliged to use all the means at its disposal in order to avoid

activities which take place in its territory, or in any area under its jurisdiction, causing significant

50 damage to the environment of another State” . As we said last week , and as reiterated by

Professor McCaffrey earlier, we fully support both the principle and the consequences ensuing

15RCR, p. 140, para. 8 (c); see also CMCR, p. 107, para. 5.3; p. 1, para. 1.2; p. 6, para. 1.11; p. 9, para. 1.16;
p. 18, para. 1.34; p. 96, para. 4.4; p. 99, para. 4.9, and RCR, p. 5, para. 1.12; p. 71, para. 2.108, and p. 140, para. 8 (c).

15See in particular MCR, pp. 199-213, paras. 5.1-5.32, and CR 2015/3, pp. 45-48, paras. 3-11 (Parlett).
153
Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Judgment, I.C.J. Reports 2010 (I), pp. 55-56,
para. 101.
15See CR 2015/5, pp. 36-40, paras. 30-36 (Pellet) and CR 2015/7, p. 30, para. 25, and pp. 34-35, para. 34

(McCaffrey). - 48 -

from that in contemporary international law; I would echo almost word for word Ms Parlett’s

155
presentation on that subject last Tuesday : every State has an obligation to notify in advance any

State or States which may be affected by the activities carried out on its territory posing a

significant risk of transboundary damage. In such instances, it must carry out an environmental

impact assessment (EIA).

3. Mr. President,

 did the plan to build a road beside 108 km of unfamiliar “fluid territory” pose a significant risk

of transboundary damage? Answer: of course it did;

 did Costa Rica notify Nicaragua of its plans? Answer: no;

 did Costa Rica carry out an EIA? Answer: no.

4. My colleagues have done an excellent job of establishing the validity of the three cursory

responses I have just given, and I have nothing useful to add. It is clear that Costa Rica’s

responsibility is engaged: it is clear that the construction of Route 1856 is attributable to

Costa Rica (which does not claim otherwise), and that it violates several of the latter’s international

obligations .56 Furthermore, as shown — once again — by Professor McCaffrey, Costa Rica

cannot rely on circumstances precluding wrongfulness; which confirms that its responsibility is

engaged. One must therefore now consider the consequences of its internationally wrongful act or

acts .7

5. Mr. President, it is not news to you that, according to today’s modern “post-Ago”

51 thinking, damage has no role to play in the engagement of responsibility . It is, on the other hand,

key when it comes to the “Content of the . . . responsibility”, as codified by Part Two of the

International Law Commission’s 2001 Articles on the Responsibility of States for Internationally

Wrongful Acts. Hence the importance of our lengthy presentations establishing the existence and

extent of the damage caused to the San Juan River by the construction of the road, its defects and

its deterioration, as well as the lack of consultation and failure to produce an EIA. Those are the

155
CR 2015/3, pp. 45-48, paras. 3-11 (Parlett).
15Cf. Arts. 1 and 2 of the ILC’s Articles on the Responsibility of States for Internationally Wrongful Acts,
annexed to United Nations General Assembly resolution 56/83 of 12 Dec. 2001.

15Cf. Art. 28 of the ILC’s Articles on the Responsibility of States for Internationally Wrongful Acts (legal
consequences of an internationally wrongful act).
158
Cf. Arts. 1 and 2 of the ILC’s Arts. on the Responsibility of States. - 49 -

consequences arising from Costa Rica’s responsibility as established, which I will present by way

of a conclusion to our first round of oral argument. Once again, perhaps only some of those

consequences.

6. Mr. President, in cases of responsibility, arguing in favour of reparation, or “remedies”

more generally, is always somewhat of a charade. The applicant State is rightly trying to convince

the Court that the respondent State must submit to all the obligations arising from the engagement

of its responsibility, as codified in Articles 28 to 39 of the ILC’s Articles; and the Respondent will

reason that, since it has not committed any violations, the question does not arise.

7. In this respect, our case, or rather our cases — since the Court joined them, only to then

virtually separate them again subsequently — are atypical. In the first, which the Court entitled

Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area, Nicaragua is the Respondent; in

the second, the case concerning Construction of a Road in Costa Rica along the San Juan River, it

is the Applicant. Thus, last Friday, I went to great lengths to show that the activities Nicaragua is

accused of in the first case do not call for any “remedies”, since they are not internationally

wrongful and do not therefore engage its responsibility; by contrast, today, it falls to me to

convince you that Nicaragua is entitled to request that the Court order the customary remedies on

account of Costa Rica’s responsibility in the second case.

8. At this stage, Mr. President, Costa Rica’s responsibility is well established: there is no

question that it has committed one or more internationally wrongful acts — it has breached a

52 number of its obligations under international law; it is also clear that that act or those acts have

caused serious harm to Nicaragua.

9. It is for the Court to determine the consequences arising from that and for me to set out

what those consequences could be, by presenting Nicaragua’s submissions in detail. Those

submissions are relatively complex, because the situation created by the wrongful construction of

Route 1856 is in itself problematic and requires suitably tailored responses. I will attempt to justify

each of those submissions separately — though not necessarily in the order in which they appear in

our Reply — and succinctly. For the convenience of the judges and of our opponents, the text of

my speech includes, in respect of each of those submissions, references to the key passages in the

Parties’ written pleadings likely to shed light on those points. - 50 -

[Slide 1: Cessation of Costa Rica’s continuing internationally wrongful acts and performance of

the obligation breached]

159
1. Cessation of the breach and resumption of the violated obligations

10. Mr. President, as the International Law Commission observed in its commentary on

Article 30 of the 2001 Articles, “[c]essation of conduct in breach of an international obligation is

160
the first requirement in eliminating the consequences of wrongful conduct” . Cessation is

essentially, although not exclusively, required where the violation is a continuing one, and in such

161
cases it will necessarily result in a resumption of the duty to perform the violated obligation .

11. Apart from its “Pavlovian” claims that it has not committed any wrongful act , and that 162

Nicaragua has suffered no harm as a result of the construction of Route 1856, Costa Rica relies in

its Rejoinder on the following extract from your 2009 Judgment:

“It is not necessary, and it serves no useful purpose as a general rule, for the

Court to recall the existence of this obligation in the operative paragraphs of the
53 judgments it renders: the obligation incumbent on the State concerned to cease such
conduct derives by operation of law from the very fact that the Court establishes the

existence of a violation of a continuing character.

The Court may consider it appropriate, in special circumstances, to mention that
obligation expressly in the operative part of its judgment. It sees no particular reason
163
to do so in the present case.”

12. I confess, with all due respect, that I am not entirely sure about the actual principle laid

down here, if only because there may be some doubt as to whether or not the internationally

wrongful act is a continuing one . But that is of no importance here. In our case

 the breach is undoubtedly a continuing one;

 it is clearly continuing to produce harmful effects; and

 there are certainly specific reasons for the Court to insist on the obligation to cease in the

operative part of its judgment.

159
See MN, pp. 231-234, paras. 6.13-6.16; CMCR, p. 132, para. 6.9; RN, pp. 255-257, paras. 7.3-7.6 ; RCR,
pp. 124-125, paras. 4.11-4.13. See also RN, pp. 264-265, paras. 7.17-7.18 ; RCR, pp. 128-131, paras. 4.18-4.24.
16Commentary on Article 30 of the ILC Articles on the Responsibility of States for Internationally Wrongful
Acts, para. 4, Yearbook 2001, Vol. II, Part 2, p. 89.

16See Article 29 of the ILC Articles.
162
See RCR, pp. 124-125, paras. 4.11 and 4.13.
16Dispute regarding Navigational and Related Rights (Costa Rica v. Nicaragua), Judgment, I.C.J. Reports 2009,

p. 267, para. 148.
16See the 2001 commentary on Article 14 of the ILC Articles, in particular paras. 4 and 5 (2001 Yearbook,
Vol. II, Part 2, p. 60). - 51 -

13. Regarding the first point (the continuing breach), it should be borne in mind that the

construction of the road was begun in December 2010 . The work then proceeded at a cracking

pace (and I do mean “cracking”!): in one year (that is to say, by the time the Application was

filed), 100 km of road had been “bodged up”, rather than constructed. On 7 March 2011, the

Costa Rican Government published a decree establishing a state of emergency , supplemented, in

167
September, by a further decree regulating that state of emergency ; both sought to justify ex post

facto the haste with which construction of the road had been commenced and conducted. I do not

know whether these “Potemkin” provisions can have an exculpatory effect in domestic law as

Costa Rica maintains ; in any event, they certainly cannot constitute “circumstances excluding

wrongfulness” in international law, as Professor McCaffrey  that man again!  demonstrated

just now.

54 14. The filing of Nicaragua’s Application has put a brake on the constructional ardour of the

Costa Rican Government  which explains the slowdown, or indeed suspension, of the works for

lack of funds , in addition to apparent problems of corruption and irregularities in the award of

the construction contracts . Nonetheless, I cannot help but noticing curious coincidences between

the different stages in these proceedings and the successive announcements of delays in the

resumption of the works. It all gives the impression that Costa Rica regularly postpones the

resumption of the works, in order, it might be said, to “soothe” this Court and prevent it from

imposing binding measures as long as the case remains before it. However, as soon as the

proceedings are closed, or you have rendered judgment, Costa Rica will resume the works 

which have never been officially suspended, still less halted. And this situation would amply

165
See CRCR, p. 102, para. 3.41 and CR 2013/29, p. 13, para. 6, and p. 14, para. 9 (Brenes).
16Costa Rica, Decree No. 36440 of 7 March 2011 (Year CXXXIII), La Gaceta No. 46 (La Uruca, San José
(Costa Rica)); MN, Vol. II, Ann. 11.

16Decision No. 0362-2011, Specific By-Laws regarding Purchasing and Contracts Procedures under Exceptions
Mechanisms Regimen by virtue of a State of Emergency by virtue of Decree No. 36440 (MN, Vol. II, Ann. 12).

16CMCR, pp. 22-27, paras. 2.25-2.35, and RCR, p. 61, para. 3.42. See also CR 2015/3, p. 47, para. 10 (Parlett).
169
CR 2013/29, p. 17, para. 17 (Brenes).
170
See, inter alia, R. Madrigal, “Works on the Trail Paralyzed while Waiting for Designs and
Modular Bridges”, www.crhoy.com, 10 July 2014; RN, Vol. II, Ann. 21. See also La Nacion, 7 Oct. 2014
(http://www.nacion.com/sucesos/poder-judicial/Fiscal-jefe-OIJ-chocan-tro…) and ibid.,
5 Feb. 2015 (http://www.nacion.com/sucesos/poder-judicial/Llega-numero-imputados-tro…
853357.html). See also ibid. - 52 -

justify you in ordering Costa Rica to cease  and refrain from resuming — its wrongful activities.

I note moreover, in passing, that the Costa Rican authorities “play” quite systematically with the

schedule of the proceedings, since — yet another coincidence — Mr. Segnini, the Costa Rican

Minister for Public Works and Transportation, yesterday announced not only construction of new

sections of the road, but works to repair it, describing it as being in a “deteriorated and abandoned”

171
state (deteriorada y abandonada) .

[End slide 1-slide 2: in the absence of repair works, the damage continues]

15. Moreover, even if Costa Rica failed to act on its proclaimed intention to continue the

actual construction of the road, the principle of wrongful use of territory would continue — what

am I saying “would continue”? Continues to be breached as long as the defects in the design and

construction of the road continue to cause damage to the River San Juan de Nicaragua. I cannot,

Mr. President, match the eloquence of Mr. Reichler, who showed you in his presentations yesterday

and this morning how greatly the river had suffered, and was continuing to suffer, from the defects

in the road, and from the hundreds of thousands of tons of sediment which have poured into it, and

55 continue to pour into it. He also showed how the very partial repair works carried out so far

themselves often left much to be desired and had in no way put a stop to the damage being caused

to the integrity of the river and, even worse, that in many cases the unremedied deterioration in the

road has further aggravated the situation caused by its construction. If I had the time, I would have

reminded you of certain figures, but you have already been given enough of these.

16. In any case, in reality it is not the figures that count. Reading its pleadings, I have had

the impression that Costa Rica has been seeking to assess the damage in purely “statistical” terms;

hence these interminable disputes over the number of grains of sand per square metre or kilometre,

which yesterday impelled President Tomka to get out his calculator. But reading or listening to the

experts, it seemed to me that this was not the right way to approach the matter: sedimentation is

not spread uniformly along the riverbed; it is concentrated in specific locations, which then

become material obstacles to navigation of the river  to which Costa Rica shows itself, moreover,

17J. Bravo, “Costa Rica reinicia mejoramiento de carretera fronteriza”, La Prensa, 20 April 2015
(http://www.laprensa.com.ni/2015/04/02/nacionales/1818310-costa-rica-rei…). - 53 -

to be so viscerally attached; and this all particularly increases siltation in the lower part of the

San Juan.

17. All of this has all been confirmed by the experts consulted by Nicaragua, whom you

were able to hear and question yesterday; as Mr. Weaver forcefully summarized the matter (and

Costa Rica did not see fit to cross-examine him):

“Four years after construction of the Road, widespread and effective mitigation
is not apparent . . . The majority of watercourse crossings, cut slopes, and full slopes
remain unstable, exhibit significant visible erosion, and have not been treated or fully
treated with appropriate stabilization and erosion control measures. The lack of
progress is striking, as is the amount of work that remains to be done.”172

[End slide 2]

18. There can thus be no doubt as to the continuing nature of the breach (and its damaging

effects). And it is for Costa Rica to bring it to an end. But there are also excellent “special

reasons” before you to include a forceful reminder of this obligation in your Judgment, Members of

the Court. And I can see at least three:

56  as I said a moment ago, Costa Rica, far from undertaking to put an end to the disputed

construction work, on the contrary proclaims its intention to resume it; at most, it prudently

delays such resumption until after you have given judgment;

 in so doing, Costa Rica is acting in such a way as to prevent the Court from determining

whether or not such new works comply with its international obligations — and indeed this is

how it succeeded in persuading the Court that there was no urgent need to rule in its Order of

13 December 2013 on the Request for the indication of provisional measures submitted by

Nicaragua;

 thus, even while delaying the resumption of construction, Costa Rica avoids committing itself

to the different course of action incumbent upon it, namely putting in place all necessary

precautionary measures to ensure that construction of the road  and the road itself, once

constructed  do not cause significant harm to the River San Juan de Nicaragua; this is both

regrettable and logical, given that the Respondent persists in refusing to recognize that the

17Written statement of Mr. William E. Weaver, 15 Mar. 2015, p. 19, para. 50. - 54 -

sections already built have been constructed in breach of its obligations under international

law;

 only works of rehabilitation and repair on all of the sections already built, designed so as

permanently to prevent any damage to the San Juan  that is to say to Nicaragua’s sovereign

territory  would be capable of bringing to an end this internationally wrongful act engaging

Costa Rica’s responsibility; such repairs have been promised any number of times, but barely

a quarter of them have been carried out, and the works designed to make good the current

defects often fail to do so.

19. That said, Mr. President, agreement needs to be reached on the terms of the cessation

requested by Nicaragua. Clearly, you cannot be expected to order the cessation for all time of

road-building in the region, or indeed along the river. As I have said, we in no way challenge

Costa Rica’s right to build whatever it likes on the right bank of the river; what must cease is the

current project and its unacceptable consequences. In that sense, the cessation which Nicaragua

requests you to order is inseparable from the work of restoration  the restitutio in integrum (I

have always regretted that, in Article 35 of its Articles on State responsibility, the ILC has

“delatinized” this phrase). I believe that you are sufficiently well acquainted with this Article, so I

will not reread it.

57 [Slide 3: Restoring the status quo ante]

2. Restitutio in integrum 173

20. As it explained in its Reply , Nicaragua is not demanding full restoration of the status

quo ante  which would mean completely destroying Route 1856 and recreating, or rehabilitating,

the geography, morphology and landscape, which is doubtless impossible in practice. Far from

expressing its gratitude, Costa Rica is indignant about this moderate stance, which nevertheless

accords with the provisions of Article 35. It considers our request for restitution to be confused,

unsuitable, and inconsistent with our claim for compensation.

17MN, pp. 241-242, paras. 6.31-6.32; RN, pp. 257-258, paras. 7.7-7.10; RCR, pp. 122-123, paras. 4.5-4.8; see
also, as regards the dredging of the river: MN, p. 252, para. 3 (i) and (ii); CMCR, pp. 133-134, paras. 6.10-6.11; RN,
pp. 277-279, paras. 7.44-7.47; RCR, pp. 134-135, paras. 4.34-4.35; see also CMN (Certain Activities carried out by
Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), pp. 455-456, para. 2 (iii) and (iv)).

17See RN, pp. 257-259, paras. 7.8-7.10. - 55 -

[End of slide 3  Slide 4: Paragraph 7.9 of Nicaragua’s Reply]

21. As far as the alleged confusion is concerned, may I refer you, Members of the Court, to

paragraph 7.9 of our Reply. It is rather lengthy to read, but it can be found at tab 18 of your

folders. The Court is requested to decide that Costa Rica shall do the following:

 replant trees in the areas affected by ill-considered deforestation (as a reminder, the

construction of the Road has caused the destruction of more than 83 hectares of forest,

including 68.3 hectares of primary forest in wetland which is protected under the Ramsar
175
Convention );

 rebuild and consolidate the banks of the river where they have been affected by the

ill-conceived and botched construction of the Road, and, more generally;

 carry out rehabilitation work in accordance with best practice.

This does not seem to be either unreasonable or impracticable. And all of a sudden Costa Rica

reveals itself to be very touchy, waxing indignant at the fact that we have dared to suggest that, in

so doing, it should comply with the recommendations of experts (be they appointed by Nicaragua,

by the Court, or even possibly by Costa Rica itself  provided that this is not exclusively the case,

a point to which I shall return if I have time). Professor Kohen was less fastidious about the limits

of the Court’s jurisdiction when he explained to you last Wednesday, Members of the Court, that

58 the Court need have no particular scruples about ordering the repeal or modification of the

Nicaraguan Decree of 2009 on tourist navigation on the San Juan . 176

[End of slide 4. Slide 5: A declaration that Nicaragua is entitled to dredge the San Juan]

22. Moreover, Costa Rica claims to be troubled by our request for compensation “for

restoring the natural flow of the waters that flow through the south basin to the San Juan River

which has been modified as a consequence of the construction works which also have modified the

drainage of the surrounding wetlands in the lower San Juan and its delta”. Mr. President, I do not

think that this is so troubling, but it is true that this request lies halfway, as it were, between

restitution and compensation. Let me explain: there can be no doubt that dredging the San Juan

17Costa Rica, Tropical Science Center, Environmental Diagnostic Assessment (EDA), Route 1856 Project 
Ecological Component, Nov. 2013 (CMCR, case concerning the Road, Vol. II, Ann. 10).

17See CR 2015/4, p. 37, para. 9. - 56 -

will play an essential role in its rehabilitation; that is evident, in particular, from

177
Professor Andrews’ report of July 2014 , and from numerous scientific documents which have

been submitted to the Court . Nevertheless, since Nicaragua alone has sovereignty over the

riverbed, it intends to carry out that work itself, which can only be done on its territory, and it

intends to be compensated for its cost by Costa Rica. This is clearly about restitution, and the

compensation expected from the other Party is intended to compensate for the cost of that

restitution. There does not seem to me to be anything inconsistent or incoherent about that.

23. Costa Rica also asserts that the same request was rejected by your 2009 Judgment in the

179
first case concerning the San Juan . At that time, the Court noted that the question  an abstract

and general one  of Nicaragua’s “right to dredge the San Juan in order to return the flow of water

to that obtaining in 1858 even if this affects the flow of water to other present day recipients of this

flow such as the Colorado River”, was settled

“in the decision made in the Cleveland Award. It was determined in paragraphs 4 to 6
of the third clause of the Award that Costa Rica is not bound to share in the expenses
necessary to improve navigation on the San Juan River and that Nicaragua may

59 execute such works of improvement as it deems suitable, provided that such works do
not seriously impair navigation on tributaries of the San Juan belonging to
Costa Rica” .180

Here, however, the circumstances are completely different from what the Court had in mind

at that time: in this case, Nicaragua is not asking the Court to confirm the right recognized by the

Cleveland Award in the abstract, but to declare very specifically that, in order to rehabilitate the

river, by way of reparation, of restitutio in integrum, it may actually dredge it; and it may do so at

Costa Rica’s expense, a hypothesis which is not at all envisaged by the 1888 Award, which is

based on a completely different situation from the one at hand. What is at issue here is

Costa Rica’s responsibility for the situation which gives rise to the obligation to dredge. Similarly,

181
Costa Rica protests that we made the same request in the Certain Activities case . It is true that,

177
Edmund D. Andrews, “An Evaluation of the Methods, Calculations, and Conclusions Provided by Costa Rica
Regarding the Yield and Transport of Sediment in the Rio San Juan Basin”, July 2014, Sec. V I; RN, Vol. II, Ann. 3.
17Written Statement of Emeritus Professor Edmund D. Andrews, 15 Mar. 2015, p. 2, para. 3.

17See CMCR, pp. 133-134, para. 6.11.
180
Dispute regarding Navigational and Related Rights (Costa Rica v. Nicaragua), Judgment, I.C.J. Reports 2009,
p. 269, para. 155.
181
See CMCR, p. 133, para. 6.11, and RCR, p. 134, para. 4.34. - 57 -

in that case, we put forward a counter-claim, which was couched in similar terms to those used in

182
the submissions in the Reply concerning the road . However, I would recall that the Court

rejected Nicaragua’s counter-claim, noting that “the . . . link between [it] and Costa Rica’s

principal claims is not sufficient for purposes of admissibility under Article 80 of the Rules of

Court” . Nevertheless, it seems obvious that the factual and legal link, which Nicaragua’s claim

lacked in 2013, exists in the present case  particularly given that this is not (at least, not

exclusively) about invoking a conventional entitlement, but simply about a modality whereby the

restitutio in integrum could, and even should, be achieved.

[End of slide 5. Slide 6: Compensation for financially assessable damage]

60 184
3. Compensation

24. Mr. President, for the reasons which I indicated a few moments ago, the cost of the

dredging, which is necessary to rehabilitate the river, must be included in the compensation, which

Nicaragua requests the Court to determine in a subsequent phase of the proceedings  in

accordance with the established practice, which Costa Rica, moreover, cites in the Certain

185
Activities case .

25. Our opponents have not had a great deal to say about the compensation claimed by

Nicaragua in so far as full reparation cannot be achieved by restitution. In both their

Counter-Memorial and Rejoinder, they merely repeat: “the simple point is that Nicaragua’s claim

for compensation is not based on any showing of actionable damage. The water continues to flow

from the south basin on Costa Rican territory to the San Juan River, as it has always done” . 186

Well, no, Mr. President, unfortunately that is not true. Admittedly, the waters of the south basin

are continuing to swell the river; however, the usual sediment is being augmented by enormous

18CMN (Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua)),
pp. 455-456, para. 2 (iii) and (iv).

18Construction of a Road in Costa Rica along the San Juan River (Nicaragua v. Costa Rica); Certain Activities
Carried Out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Counter-Claims, Order of 18 April 2013,
I.C.J. Reports 2013, p. 214, paras. 36 and 37; see also p. 215, para. 38.
184
See MN, pp. 242-243, paras. 6.32-6.34; CMCR, pp. 134-136, paras. 6.12-6.14; RN, pp. 265-266,
paras. 7.19-7.21; RCR, pp. 123-124, paras. 4.9-4.10.
185
See CR 2015/4, pp. 36-37, para. 7 (Kohen).
18RCR, pp. 123-124, para. 4.10. - 58 -

quantities from the construction of the Road, as well as by debris from bridges and culverts, which

is causing completely excessive sedimentation of the river, affecting the water quality and the

quality of the river fauna, causing the formation of ever larger deltas of sediment, and increasingly

compromising the navigability of the San Juan de Nicaragua  particularly in the lower reaches of

187
the river (between the bifurcation with the Colorado and the river mouth) .

26. Faced with our opponents’ obstinate silence on compensation, I shall merely make a few

remarks, with telegraphic brevity:

61 (1) as is commonly acknowledged, compensation is only due by way of reparation “in so far as

[the] damage is not made good by restitution” ; 188

(2) in our case, as I have said, restitution alone cannot make good the damage, if only because it

cannot have retroactive effect, and cannot therefore erase the damage which has already been

done to the river and to its use by Nicaragua (as well as by Costa Rica  but that is not the

injury for which we are requesting reparation here!);

(3) the impossibility of assessing the extent of the material injury suffered by Nicaragua at this

stage is all the greater given that, since the Road has not been repaired, it  or its defects  are

continuing to cause extremely substantial damage to Nicaragua’s “riverine territory”;

(4) if the Court were to take the view that the nature and extent of that damage have not been

sufficiently well established by the precise, detailed and reasoned reports of the experts whom

we have consulted, we continue to express the wish for it to appoint one or more experts of its

choice, in order to establish, in a completely objective and irrefutable manner, the existence of

that injury and its chain of causality;

(5) and finally, as I had the opportunity to say on Friday, when I was discussing the reparation

requested by Costa Rica in the case concerning Certain Activities , it seems to us to go

187
See, in particular, Written Statement of Mr. William E. Weaver, 15 Mar. 2015; Written Statement of
Prof. G. Mathias Kondolf (Road case), 16 Mar. 2015; RN, pp. 47-48, para. 2.40 and p. 48, fig. 2.13.
18Art, 36 of the ILC Draft Articles on responsibility of States for internationally wrongful acts with
commentaries thereto, Yearbook of the International Law Commission, 2001, Vol. II, Part Two, pp. 105-113. See also, in
particular: Factory at Chorzów, Merits, Judgment No. 13, 1928, P.C.I.J., Series A, No. 17, p. 47; Gabčíkovo-Nagymaros
Project (Hungary/Slovakia), Judgment, I.C.J. Reports 1997, p. 80, para. 149;Pulp Mills on the River Uruguay
(Argentina v. Uruguay), Judgment, I.C.J. Reports 2010 (I), p. 103, para. 273Ahmadou Sadio Diallo (Republic of
Guinea v. Democratic Republic of the Congo), Judgment, I.C.J. Reports 2010 (II), p. 691, para. 161, or Jurisdictional

Immunities of the State (Germany v. Italy: Greece intervening), Judgment, I.C.J. Reports 2012 (I), p. 153, para. 137; or
International Tribunal for the Law of the Sea, Judgment of 1 July 1999, The M/V “SAIGA” (No. 2) Case (Saint Vincent
and the Grenadines v. Guinea), para. 170. - 59 -

without saying that, in the unlikely event that the Court were to consider that pecuniary

compensation must be paid by Nicaragua, in reparation for the (very modest) material injury

caused by the digging and cleaning, in 2013, of two small caños by Mr. Pastora and his team,

that pecuniary compensation would have to be deducted from the surely much larger sum which

Costa Rica will be required to pay to Nicaragua for the considerable damage resulting from the

construction of the Road that it will not have been possible to make good by restitution. And

this also seems to be a natural consequence of the joinder of the cases.

62 [End of slide No. 6  Slide No. 7: A Declaration by the Court on Costa Rica’s Internationally

Wrongful Acts]

4. A declaration that Costa Rica has violated its obligations

27. In any event, neither restitution nor compensation can make good the moral (or

“juridical”) injury suffered by Nicaragua. That is why Nicaragua is also asking the Court to

formally declare that Costa Rica has violated its international obligations in respect of Nicaragua 190

and, first and foremost, its territorial sovereignty, by unlawfully dumping in the San Juan de

Nicaragua River, without any consultation of the territorial sovereign, enormous quantities of

sediment, altering the course of that river and limiting its navigability. What we are talking about

here is a different, more directly restorative, form of declaration, which comes under the head of

satisfaction.

28. Costa Rica is opposed to this, claiming — like all Respondents! — that it has not

committed any breach. Ex hypothesi, when discussing remedies we are bound to assert the

contrary, at least for the purposes of the debate — and the absence of any discussion by Costa Rica

of this request by Nicaragua, other than that catch-all defence, shows, a contrario, that it accepts

that, should the Court find that it has committed the violations of which Nicaragua accuses it, then

such a declaration statement would be justified.

29. In truth, it would ill-behove it to claim otherwise. Such a finding is, of course, the

necessary basis of any future judgment. Nonetheless, in the Certain Activities case, despite

189
CR 2015/7, p. 61, para. 43 (Pellet).
19MN, pp. 229-231, paras. 6.10-6.12; CMCR, p. 132, para. 6.8; RN, pp. 268-269, paras. 7.24-7.26; RCR,
p. 132, paras. 4.27-4.28. - 60 -

suffering infinitely less significant harm, Costa Rica has requested comparable declarations and

without clear justification, even though in that case its sovereignty is in dispute. In the case we are

focusing on today, Nicaragua’s territorial sovereignty over the San Juan is not disputed, and the

harm it has suffered as a result of the road’s construction is established. The question is one of

non-material damage, which is in addition to the material damage caused to the river and its

environment, and which calls for satisfaction. As noted by the International Law Commission in

its commentary on Article 37 of the 2001 Articles, in cases of this type, “[o]ne of the most common

63 modalities of satisfaction . . . is a declaration of the wrongfulness of the act by a competent court or

tribunal” . This is what Nicaragua is seeking from the Court.

30. I would add that, in this case, Costa Rica’s consistently insulting and excessive attitude

offers ample justification for that request, which will enable the legal situation — always more

uncertain when confined to the reasoning of the judgment — to be clarified definitively with the

force of res judicata. And while I do not think it helpful to dwell on this point, allow me,

Mr. President, to give two examples of Costa Rica’s attitude which help to explain Nicaragua’s

bitterness and support the argument for such a declaration in this case:

 first (once again, these are only examples), there is the road’s official name (“Juan Rafael Mora

Porras — Route 1856”), which rekindles bitter memories for the whole of Nicaragua: 1856 is

the year in which Nicaragua was invaded and occupied by the American adventurer

William Walker; as for Juan Rafael Mora Porras, although he helped in the fight against

Walker, in 1857 he and his army occupied an area of Nicaraguan territory and plotted with the

192
envoy of businessman Cornelius Vanderbilt to steal the San Juan from Nicaragua ;

19Commentary on Article 37 of the ILC Articles on the Responsibility of States for Internationally Unlawful
Acts, para. 6, Yearbook, 2001, Vol. II, Part Two, p. 266. See in particular the case concerning the Corfu Channel (United
Kingdom v. Albania), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1949, p. 35, and the arbitral award of 30 April 1990, Case

concerning the difference between New Zealand and France concerning the interpretation or application of two
agreements, concluded on 9 July 1986 between the two States and which relate to the problems arising from the Rainbow
Warrior Affair, United Nations, RIAA, Vol. XX, p. 273, para. 123.
19Arthur McMillan, 163 Success Facts, Cornelius Vanderbilt — Everything you need to know about Cornelius
Vanderbilt, Emereo Publishing, 23 May 2014 — Biography and Autobiography — 170 pages, Google eBook 
https://books.google.fr/books?id=ndgKBwAAQBAJ&pg=PT85&lpg=PT85&dq=juan+…
bilt&source=bl&ots=rsjlkFeu4h&sig=mPEuIDbro-8qQfXA6ZED9raPQjg&hl=en&sa=X&ei=9C00VcbNDZLfa
P6kgcAM&ved=0CDsQ6AEwBA#v=onepage&q=vanderbiltjuan%20rafael%20mora%20porras%20%20%20vanderbilt

&f=false. See MN, p. 2, fn. 1; see also CMN (Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area
(Costa Rica v. Nicaragua)), pp. 30-31, paras. 2.25-2.27, and CMN (Dispute regarding Navigational and Related Rights
(Costa Rica v. Nicaragua)), pp. 31-33, paras. 1.2.41-1.2.43. - 61 -

 I would also mention Costa Rica’s completely disproportionate reaction to the caños case,

which has been transformed into an “occupation of Isla Portillos”, and which led to the

emergency decree and the hasty construction of that disastrous road.

We are convinced that a clear and authoritative statement — which is what the Court’s decisions

are — would help to bring about the conciliation required, by clarifying, in the operative part of the

Judgment, the respective rights and obligations of both Parties.

[End of slide 7. Slide 8: Other declaratory relief]

193
64 5. Other declaratory relief

31. Members of the Court, in view of the very particular circumstances of this case,

Nicaragua further requests the Court to rule:

 first, that Costa Rica cannot undertake new activities in the region of the San Juan without first

drawing up an EIA and presenting this in a timely fashion to Nicaragua; and

 second, that it will not use, or allow others to use, Route 1856 for the transport of hazardous

material.

32. These are, perhaps, what are known as “guarantees of non-repetition”, although I admit

that I am not particularly fond of that notion, which the ILC Articles bizarrely (and, in my opinion,
194
wrongly) lump in with the cessation of the internationally unlawful act , and which parties have a

bad habit of invoking somewhat indiscriminately before the Court, even when they are clearly

inappropriate in the case in question. The Certain Activities case is a good example: Costa Rica

demands such guarantees, but carefully avoids stating what those guarantees might be . 195

33. The same cannot be said of the present case, in which Nicaragua has, I think, good

reason to ask the Court to order these two quite specific measures, which are a sensible precaution.

Costa Rica rejects them both.

193
See MN, pp. 234-238, paras. 6.18-6.25; RN, pp. 259-263, paras. 7.11-7.15; RCR, pp. 125-126, para. 4.14.
19Article 30 of the 2001 Articles: “Cessation and non-repetition”.
195
See CR 2015/7, p. 62, para. 46 (Pellet). - 62 -

34. As regards the need to conduct an EIA before undertaking any new activity posing — it

goes without saying — a significant risk of transboundary harm , as was the case for the road,

Costa Rica’s response “misses the point”.

 as always, Costa Rica claims not to have violated any international obligations, because the

197
construction of the road has not caused any harm to Nicaragua — I have nothing more to say

on this;

65  all the more so in this case, it argues, because the emergency decree dispensed with the need to

198
carry out an EIA ;

 in any event, it did eventually produce the assessment in question in . . . November 2013, three

years after the work had begun; and

 contradicting itself (not for the first time!), despite having produced that assessment — or so it

says — Costa Rica claims “that it would have been materially impossible for [it] to conduct a

transboundary EIA since Nicaragua has systematically denied Costa Rica access to the

San Juan River” ! 199

35. It is precisely because this all gives such cause for concern, Mr. President, that a firm

declaration on the part of the Court seems necessary. Indeed, it is more-than-somewhat worrying

that Costa Rica has taken the view that the construction of Route 1856 poses no risk of significant

harm to Nicaragua’s territory (the San Juan River in this instance). It is rather alarming that

Costa Rica persists in sheltering behind its domestic law in order to claim that its conduct in the

matter is internationally lawful. And it is downright appalling that it believes an EIA worthy of the

name can be carried out three years after the completion of the work it is supposed to be assessing.

[End of slide 8 — slide 9: Imagine a tanker truck . . . (Sediment deltas downslope from failing
watercourse crossings and exposed slopes. Severely Eroding Area 9, Kondolf (2014),
March 2015)]

36. The other precautionary declaration that Nicaragua is requesting the Court to make is

above all a matter of common sense — once again, Costa Rica’s response only exacerbates our

196
See MN, pp. 233-236, para. 6.17, and p. 252, para. 2 (iv); CMCR, pp. 132-133, para. 6.9; RN, pp. 269-273,
paras. 7.27-7.35; RCR, pp. 132-133, paras. 4.29-4.31.
19RCR, pp. 132-133, para. 4.29.

19Ibid.
199
RCR, p. 133, paras. 4.31. - 63 -

concerns and strengthens our conviction that the Court must order the road to be closed to vehicles

transporting hazardous material until it complies with best practice and meets the usual safety
200
standards , which is far from the case at present. Just imagine a tanker truck venturing down the

stretch of road visible in this photo . . .

66 The PRESIDENT: Professor, you have just two more minutes.

Mr. PELLET: I will only be 30 seconds.

37. In its Rejoinder, Costa Rica writes that this is mere speculation and that, in any event,

Route 1856 is not open to vehicles transporting hazardous material. So that’s all right then! And

yet this is hardly reassuring, given the way in which Costa Rica ignores its own, much vaunted,

environmental legislation in inventing an emergency following a minor boundary dispute.

Nicaragua would derive far more reassurance from a clear declaration by the Court — which

should be particularly acceptable to our Costa Rican friends, given that it would be in keeping with

their domestic law as they describe it.

[End of slide 9]

Members of the Court, I will abandon the idea of explaining to you why we would like the

Court to appoint one or more experts. Thank you, Mr. President. My apologies for running over

by two or three minutes.

The PRESIDENT: Professor, we have reached the end of the first round of Nicaragua’s oral

argument. One of the Members of the Court would like to put a question to Nicaragua, to which it

is invited to respond during its second round of oral argument in the present case. I give the floor

to Judge Xue.

La juge XUE : Merci, Monsieur le président. J’aimerais poser une question au Nicaragua à

l’issue du premier tour de plaidoiries :

«Afin de lui permettre de déterminer le seuil au-delà duquel la sédimentation
dans le cours inférieur du San Juan cesse d’être tolérable, le Nicaragua pourrait-il, au

cours du second tour de plaidoiries, faire savoir à la Cour si, au cours du siècle
dernier, il a effectué des opérations de dragage dans ce cours d’eau et, dans

20See RN, pp. 273-276, paras. 7.36-7.43; RCR, p. 134, paras. 4.32-4.33. - 64 -

l’affirmative, à quelle fréquence, avec mention du nombre approximatif de tonnes de
sédiments dragués dans chaque cas, à supposer que ces données soient disponibles ?»

Je vous remercie, Monsieur le président.

The PRESIDENT: Thank you. The written text of that question will be transmitted to the
67
Parties shortly. The Court will meet again on Thursday afternoon, from 3 p.m. to 6 p.m., to hear

the opening of Costa Rica’s first round of oral argument. Thank you. The sitting is closed.

The Court rose at 1.05 p.m.

___________

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