Opinion dissidente de M. Badawi Pacha

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007-19501120-JUD-01-02-EN
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OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

Je partage l'opinion de la Cour sur les diverses conclusions,
sauf celles relativesà la pratique américaine, au (cas d'urgence ))
et au maintien de l'asile jusqu'au 31 août 1949, date de l'Acte
de Lima.
Pour expliquer ma dissidence sur la question d'urgence, il est
nécessaire de rappeler les circonstances de fait qui ont entouré
l'octroi de l'asile lejanvier 1949 et qui sont relatées dans l'arrêt
de la Cour.

De ces circonstances et de quelques autres, la Colombie a
cherché à insinuer que la justice au Pérou, à la suite des événe-
ments du 3 octobre, n'était pas et ne pouvait être administrée
d'une manière objective et impartiale. J'estime que la Cour n'a
pas à examiner cette défense. Elle est saisie de la seule validité
ou régularité de l'asile et de l'interprétation de la Convention
de 1928. Cette question peut et doit être résolue sans avo@ à
apprécier le fonctionnement de la justice ordinaire de 1'Etat
territorial qu'aucune mesure prise par le gouvernement de jure
ou de facto, pas mêmel'état de siège, n'a eu pour motif ou objet

d'influencer.

La dénonciation du ministre de l'Intérieur, qu'on a qualifiée
d'injonction à la justice, n'a, malgré sa forte stigmatisation de
lJApra, rien que d'usuel dans ce genre de dénoilciations.
D'autre part, pour le Pérou,les cas d'urgence viséspar l'article2,
paragraphe 2, premièrement, ne paraissent être autres que la
poursuite par une foule déchaînéeou l'action d'une justice arbi-
traire, exercée par une faction politique contre ses adversaires

ou dans des conditions qui excluent d'une manière évidente toutes
les garanties d'un examen objectif et impartial. Le danger de
poursuites judiciaires pour délit politique ne saurait par consé-
quent êtreun cas d'urgence aux termes de la disposition précitée.

Des ((cas d'urgence »,la Convention de La Havane de 1928 ne
donne aucune définition.Elle est le seul instrument quiait employé
ces termes. Si l'on exclut la Convention de Montevideo de 1933,

laquelle n'avait pour objet que de modifier celle cle 1925 et,
partant, n'a pas un caractcre de réglementatioil totale et complète
4=304 OPIXION DISSIDESTE DE RADAWI PrlCHA

de la matière, les deux Conventions de 1889 et de 1939 n'y font
aucune allusion.
Ces termes seraient-ils en fait susceptibles de définition ? Il
est permis d'en douter. La notion de l'urgence est essentiellement
variable et relative. Elle dépend tout d'abord des cas auxquels
elle est appliquée et ensuite des circonstances du temps et de
l'espace. C'est l'expérience, non générale mais particulière, et
l'expérience seule, qui peut donner à cette notion une forme
concrète. Mêmeles deux cas invoqués par le Pérou et qui sont
les seuls connus ou admis en Europe (et encore dans les seuls
projets des associations savantes mais non par les Etats) n'ont

pas été conçus a priori mais d'après certaines données expéri-
mentales. Ils ne peuvent donc êtrelimitatifs ou exclusifs d'autres
formes d'urgence ou de formes plus nuancées.
A défaut de définition et de critère, quelle serait donc la base
sur laauelle on se fonderait Dour inter~réter ces termes ? Le sens
étymologique n'est évidemment d'aucun secours.
S'agissant non d'une institution rationnelle à créer ou à régle-
menter pour la première fois comme ce serait le cas d'un projet
de convention à élaborer par une association savante, mais d'une
institution vivante et presque centenaire, la prati-que, dans la
mesure où elle peut interpréter les intentions des Etats qui ont
Etats qui
choisi ces termes et convenu de les adopter ou des
avaient charge de les mettre à exécution, tantôt comme Etat de
refuge et tantôt comme Etat territorial, serait le seul guide sûr.
Cette pratique serait d'autant plus décisive pour déterminer la
~ortée de ces termes au'elle aurait étéà la fois ~ostérieure et
antérieure à la convention, c'est-à-dire une pratique sans solution
de continuité.
Cette pratique a étécitée de part et d'autre. Elle n'est pas
limitée aux seules parties à telle ou telle autre convention. MeAme
des Etats qui ne sont pas liéspar une convention, tels que le Vene-
zuela, l'adoptent. Elle est donc transcendante à la Convention de
1928 et se rattache aux origines de l'institution de l'asile.

La Colombie a voulu, sans succès, en tirer certaines concliisions
relativement à la qualification unilatérale. D'autre part, le Pérou,
en prétendant que les seills cas d'urgence sont la poursuite par la
foule ou la justice arbitraire d'une faction politique, a procédé
par simple affirmation ou s'est référé à des autorités non améri-
caines. Il n'a tenté d'apporter aucune preuve tirée de la vie ou
de la pratique américaine, ou des autorités américaines qui ont
traité de la question.
Les circonstances particulières de fait, les modalités ou les
détails des cas cités comme illustration de cette pratique n'ont
généralement pas étéfournis ou ne l'ont pas étéd'une manière

complète. Il n'est toutefois nullement malaisé de constater que
tous ces cas. sans exce~tion.'Irése ententun trait commun. à savoir
qu'ils se sont produits à l'occasion d'une révolution ou d'une3O5 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

rébellion. La révolution oii la rébelliony est le seul motif et circons-
tance. Aucune poursuite de foule ou justice de faction politique
n'a étésignalée à leur égard. Les asilésétaient simplement recher-

chés par les autorités publiques de leurs pays, aux fins de pour-
suites judiciaires.
Les cas cités présentent également cet autre trait que tous se
sont terminés par des sauf-conduits accordésaux asilés,et qu'aucun
cas n'a étécitéoù un asiléaurait étéremis aux autoritésterritoriales

aux fins de poursuites judiciaires.
Dans tous ces cas, la révolution aura crééune situation troublée
où soit des révolutionnaires qui ont réussià renverser le gouverne-
ment en rechercheraient les membres pour leur gestion passée, soit

un gouvernement qui a triomphé de la révolution poursuivrait ses
auteurs pour leur acte incriminépar le code pénal, soit, comme dans
le cas d'espèce, des révolutionnaires qui ont renversé le gouverne-
ment poursuivraient d'autres révolutionnaires moins heureux

qu'eux-mêmes.
Dans ces situations troublées, des mesures exceptionnelles sont
généralement prises, mais l'édifice général du gouvernement
demeure intact. Tout particulièrement la justice continue à foric-
tionner comme d'habitude, nonobstant mêmeles cas où des justices

particulières sont établies concurremment avec les juridictions de
droit commun.
L'existence de cette pratique est donc incontestable. A défaut
de toute autre preuve, il suffit de rappeler ce qui s'est produit en ce

qui concerne les mêmesévénementsdu 3 octobre. Indépendamment
du degré de responsabiliti: (question absolument étrangère à la
validité de l'asile), tous les asilésdans huit missions diplomatiques,
sauf Haya de la Torre, ont eu leurs sauf-conduits l, alors qu'au

point de vue de la nature du délit dont ils étaient accusésou de la
nature du cas d'urgence, tous se trouvent dans la mêmesituation 2.

La seuie question qui puisse se poser dans ces conditions serait

celle de savoir si cette pratique est licite ou illicite.
Sans aucun doute, un acte qui sefait le résultat d'un libre accord
explicite ou implicite entre deux Etats exerçant leurs droits sou-
verains ne saurait être qualifié d'illicite.
Or, de deux choses l'une :ou cette pratique a abrogéla condition

d'urgence, ou elle l'a simplement interprétée d'une manière libérale.
Sans avoir à examiner si une coutume internationale peut abroger

l Voir le communiqué du Gouvernement du Pérou du 12 octobre 1948, publié
dans le journalofficiell Pe~uano du 13 octobre (v. hldmoire de la Colombie).
Voir surtout à cet égard la correspondance échangée entre I'ambassade de
l'Uruguay et le minist6redes Relations extérieures du Pérou, citée dans la
rbplique de la Colombie, dans laquelle mCme la qualification unilatérale et
(lL.finiti\-e par l'Édc refuge a CtG invoqiiée par l'Uruguay.1)aris le cas des
asilés2 l'ambassade de l'Uruguay, les sauf-conduitfurentaccordbs le 17 fevrier
1949.306 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

une règle de droit positif, on doit admettre que considérer cette
pratique comme un mode d'interprétation de la condition d'urgence
est l'explication la plus naturelle et la plus juridique.

Mais cette pratique, outre qu'elle est postérieure à la convention

et, à ce titre, en constitue la saine interprétation, est antérieure
même à cette convention. Elle devrait donc êtreconsidérée comme
une des (règles qu'ils [les gouvernements des États d'Amérique]
doivent observer pour la concession du droit d'asile dans leurs
relations mutuelles 1)que ces gouvernements étaient ((désireux de
fixer 1)par cette convention (Préambule de la Convention).
Cette pratique était à la connaissance de ces gouvernements,

Elle était de notoriété publique et n'avait pas étécontestée. Si
ces gouvernements désiraient la discontinuer. ils n'au~aient pas
manqué de la désavouer d'une manière ou d'une autre. L'absence
d'un pareil désaveu est une preuve concluante qu'elle continue
et q~l'elleest définitivement reconnue, Cette preuve ne peut être
combattue que par la démonstration que les mots ((CAS d'urgence ».
ainsi interprétés seraient dépourvus de tout sens. Cette démons-
tration n'a pas été et ne pouvait pas être faite. Nous verrons

plus tard ce que ces termes entendent exclure.

Resterait à savoir si Ies autres dispositions de la Convention

de 1928 viendraient à corroborer l'interprétation des termes (cas
d'urgence ))tirée de la pratique tant antérieure que postérieure à
la convention.
Dans l'examen des dispositions de la conuention, je presu-
merais qu'il n'y a aucun conflit entre 1'Etat territorial et 1'Etat
de refuge relativement au caractère politique du délit qui a donné
lieu à l'asile, ou qu'un conflit élevé à ce sujet s'est terminé par la
reconnaissance par 1'Etat territorial dudit caractère,

Or, on conviendra que l'asile d'un délinquant politique, à
moins de se perpétuer, devrait se terminer par l'une ou l'autre.
fin : ou bien l'asilémuni d'un sauf-conduit quittera le territoire,
ou bien il sera remis à 1'Etat territorial aux fins de poiirsuites
judiciaires.
Pour contester le fait que, suivant la pratique reconnue, l'asile

devrait se terminer par l'octroi d'un sauf-conduit, il faut bien
admettre que 1'Etat territorial a le droit de se faire remettre le
délinquant politique pour le poursuivre.

Certes, cet État a le droit de se faire remettre un asili. délinquant
de droit commun. L'article 1, paragraphe 2, le dit expressément-

Mais rien d'analogue n'a étédit au sujet du délinquant politiqiie 3O7 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

Ne résulte-t-il pas de cette disposition, par un argument a
contrario,que pareil droit n'existe pas dans le cas d'un délinquant
politique ? L'argument a contrario est un argument concluant à
condition qu'il soit confirmé par d'autres arguments ou considé-
rations. En l'espèce, il est confirmé par le fait que la convention
a cherchéà établir que les deux cas d'asile se distinguent nettement
l'un de l'autre. Chacun est l'objet d'un article qui prévoit toutes
les modalités qui lui sont propres.

L'article I déclare, dans son paragraphe 1, non permis l'asile
des délinquants de droit commun, mais il prévoit, dans son para-
graphe 2, les cas où, en fait, l'asile a pu êtredonné, notamment
le cas où le chef de la mission diplomatique, estimant au moment
de l'asile qu'il le donneà un délinquant politique, reconnaît clans
la suite qu'il ne s'agit que d'un délinquant commun.
Dans ces cas, une mesure d'urgence est nécessairement impliquée
dans l'asile. Cette mesure ne peut être que l'urgence dans le sens
strict du terme, qui est celui donné par le Pérou à l'article2,
paragraphe 2, de la convention, à savoir poursuite de la foule

ou justice de faction politique. En effet, même un délinquant
commun a droit à une justice régulièreet il est justifiéà chercher
asile dans une pareille contingence d'urgence.
Le paragraphe 2 de l'articlI prescrit que,dans ce cas et lorsque.
bien entendu, le chef de la mission n'aura pas contestéle caractère
commun du délinquant, 1'Etat territorial peut exiger qu'il lui
soit remis.
Mais il est de toute évidence que, mêmepour un délinquant
commun, le cas d'urgence dans le sens strict susindiqué dev~ait
avoir cessé. La demande de remise elle-même faite par 1'Etat

territorial tend à im~IiauIr cette cessation.
Dans ces conditions, on pourrait se demander pour quelle
raison une distinction aussi nette aura étéétablie entre les deux
catégories de délinquants, si, d'une part, l'urgence avait pour
les deux le mêmesens strict, et que, d'autre part, aussitôt que
le cas d'urgence aura cesséou dans le cas où il n'aurait pas existé,
l'asilé, délinquant commun ou politique, devait être remis à
1'Etat territorial aux fins de poursuites judiciaires.
La vérité est que la notion d'urgence n'est pas la mêmepour
l'une ou l'autre catégorie de délinquants et que la suite de l'asile,

suivant qu'il s'agit d'un délinquant commun ou politique, est
également différente.Pour le premier, aussitôt que l'urgence dans
le sens strict du mot aura cesséou dans le cas où elle n'aurait même
pas existé, 1'Etat territorial peut exiger sa remise, alors que pour
le second c'est la nature de la situation (révolution ou rébellion)
qui détermine l'urgence et justifie la demande et l'octroi immédiat
du sauf-conduit.
A l'appui de la conclusion tirée des textes, la pratique donne
une confirmation indéniable. Non seulement cette pratique a été

constante dans le sens que la révolution est un cas d'urgence et30S OPIXIOS DISSIDESTE DE RADATVI PrlCHA
une condition valable de l'asile, mais aussi dans le sens que l'effet

invariable de l'asile diplomatique d'un délinquant politi-que
régulièrement accordé est la non-remise du délinquant à 1'Etat
territorial et son départ du pays en vertu d'un sauf-conduit
accordé par ce dernier.
Aucun cas dans un sens contraire n'a étécité.

L'article 2, paragraphe 2 (premièrement), prévoit en outre que

ccl'asile ne pourra être accordé (sauf dans les cas d'urgence) et
pozw le temps strictenzentindispensable pour que le réfzigié se mette
en sdretéd'une autre manière n.
Cedernier membre de phrase pourrait-il se référerà une remise
à 1'Etat territorial aux fins de poursuites judiciaires ? Il peut
être vrai qu'en cas de poursuite par la foule ou par une justice
de faction politique, pareille remise peut être une sûreté d'une
autre manière, mais il est encore plus vrai que cette manière
d'exprimer serait inadéquate : se mettre en sureté d'une autre
manière que l'asile signifie, de toute évidence, et ne peut signifier,

que le départ du pays.
Quitter le territoire semble donc êtrelafin de tout asile politique.
C'est la seule conclusion compatible avec les textes.

On pourrait rétorquer qu'en admettant mêmequ'en généralla
pratique met le cas de révolution à l'égal de la poursuite paf la
foule ou par la justice d'une faction politique, tout ce que 1'Etat
territorial serait tenu de faire est de respecter 1'a;silejusqu'au
retour à la normalité. Alors, il pourrait demander à lJEtat de refuge

de lui remettre l'asilé pour le poursuivre devant les tribunaux de
droit commun.
Mais le retour à la normalité est une question d'appréciation.
Elle pourrait donner lieu à des contestations. D'autre part, pareille
interprétation du membre de phrase en question conduirait à la
conclusion inadmissible que 1'Etat de refuge serai: dans l'obliga-
tion de garder l'asilé jusqu'à ce qu'il plaise à 1'Etat territorial,
dans sa discrétion absolue, de réclamer sa remise.

Au surplus, quelle serait la signification ou la portée de la règle

inscrite dans l'article 2, paragraphe I : «L'asile des criminels
politiques dans les légations, sur les navires de guerre, dans les
campements ou sur les aéronefs militaires sera respecté ..N,
si ce respect ne devait se manifester, en dernier lieu, par l'octroi
d'un sauf-conduit ? Cette obligation de respecter l'asile se limite-
rait-elleà une sim~le défense à l'État territorial de forcer le local
de la mission diplomatique pour mettre la main sur l'asilé?
Ici encore, on devrait rappeler la pratique qui n'a pas connu, à
l'occasion d'une révolution, d'asiles se prolongeant jusqu'au retour3O9 OPIYION DIÇSIDEXTE DE BADAWI PACHA
à la normalité ou se terminant autrement que par le départ de
l'asilé.

L'analyse de la pratique qui a pfécédéet suivi la Convention de
1928 et qui a étéadoptée par les Etats de l'Amérique du Sud sans
distinction entre signataires et non-signataires de cette convention,
ainsi que l'analyse des dispositions de cette convention, tant au
point de vue de l'opposition qu'elle établit entre les délinquants
communs et politiques, de l'absence de toute allusion à la remise
des derniers à leur Etat territorial, quede la détermination du sens

et de la portée du membre de phrase ((se mettre en sûreté »,etc.,
ou de l'obligation de respecterl'asil- cette double analyse conduit
donc indiscutablement à établir que l'article2 se réfèretout parti-
culi<rement au cas de révolutions qu'il qualifie de cas d'urgence.
En fait, la Convention de 1928 ne cherche, par cette référence
au cas d'urgence, qu'à exclure du bénéficede l'asile les cas où
l'asile est accordéà la suite d'une poursuite judiciaire instituée en
temps normal, en l'absence des troubles occasionnéspar un mouve-
ment révolutionnaire et des possibilités de mesures d'exception.

Certes, la Convention de 1928 a dans son ensemble un caractère
restrictif en ce qui concerne l'exercice du droit d'asile, mais ce
caractère général ne peut contre-balancer la somme d'arguments
tirés d'une pratique à la fois constante et non ambiguë sur un
point déterminé,corroborée d'autre part par l'analyse des principales
dispositions de la convention elle-même.

11 résulte de la description de l'asile qui précède que cette

institution a en Amérique du Sud une physionomie qu'elle n'a pas
ailleurs. Si l'on n'arrive pas à découvrir la raison d'êtrede cette
différence, les conclusions tirées de la pratique et des textes, si
concordants qu'ils soient, pourraient ne pas paraître décisives.
Dans la recherche de cette différence, je ne crois pas nécessaire
de m'arrêter soit au caractère des révolutions dans cette partie
du monde, soit aux causes qüi les déterminent, soit aux diverses
conditions qui en favorisent l'éclosion. Il suffit de constater que
les révolutions et les rébellions sont très fréquentes. Elles font

parfois fonction d'un recours aux urnes, lorsqu'une partie de
l'opinion publique, mécontente du gouvernement, désirele changer
d'une manière moins lente et laborieuse qu'une opération électorale.
C'est cette fréquence de révolutions, conjuguée avec leurs carac-
tEre, causes et conditions, qui a donné à l'asile un objet et une
utilité qu'il ne paraît pas avoir ailleurs. Par une sorte, d'entente
généraleet implicite, on semble y voir un moyen de permettre
aux auteurs d'une conspiration manquée, de se dérober aux rigueurs31° OPINIOK DISSIDENTE DE BADAWI PACHA
des actes vindicatifs du gouvernernent au pouvoir, ainsi qu'aux
membres d'un gouvernement vaincu d'échapper aux mesures par

lesqiielles la conspiration triomphante chercherait à assurer sa
sécurité.
Grâce à cette utilité, l'asile s'est érigéen facteur de paet de
modération dans la mesure où il évite des violences, il procure
un répit plus ou moins long, il fait oublier les amertumes des
défaites, il apporte, par le danger du retour éventuel de l'asilé
expatrié, des conseils de sagesse et de modération.
Jl n'y a aucun doute que l'asile peut également êtreun élément
d'instabilité dans la mesure où il réduit ou supprime les risques
de révolutions, mais ces inconvénients, en regard des avantages
précités,ne semblent en avoir modifié ni le cours ni le rythme.

On cherche parfois à expliquer le développement particulier de
cette institution en Amérique par la chevalerie ou l'humanité. Il
est permis d'êtresceptique à cet égard, !)ien que ces notions ne lui
soient pas tout à fait étrangères. Qvoi qii'il en soit, la notion de
la chevalerie est toute relative. Anciennement, en son nom, l'asile
était reconnu pour les délits de droit commun, alors que nous le
condamnons maintenant parce que contraire à la sécuritéet A la
solidarité sociales. 11était refusé poar les délits politiques parce
que contraire à une certaine solidarité d'intérêts dynastiques.
Daris les temps modernes, il est admis pour ces délits précisément

parce que la notion de gouvernement n'a plus le caractère de
pérennitéqu'elle avait auparavant. En effet, la démocratie suppose
nécessairement des luttes pour le pouvoir et des changements de
gouvernement. Dans ces lutteset changements, des erreurs peuvent
êtrecommises, mais on les considère comme la rançon nécessaire
des bienfaits de la démocratie.

Mais si grande que puisse être l'utilité de l'asile, elle serait
insuffisante pour en expliquer le développement si on n'y joignait

pas une autre considération relative à la tenue des révolutions.
En effet, dans les périodes troublées qui les accompagnent ou les
suivent, les passions se déchaînent et échappent au contrôle de la
raison et de l'équité.Elles ont généralement à leur ser~ice un
pouvoir presque absolu, qui, il faut le reconnaître, pourrait être
nécessaire pour venir à bout des troubles occasionnéspar la révo-
lution. Cepouvoir résulterait pour un gouvernement constitutionnel
d'une déclaration d'état de siège. Un gouvernement de fait se
l'arroge purement et simplement. Dans les deux cas, il se traduit
par la réunion des pouvoirs législatif et exécutif entre les mains
des membres du gouvernement. C'est dans ces circonstances que

le gouvernement, sans avoir à porter atteinte à l'organisation311 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

judiciaire générale, pourrait être tenté de créer des organes de
justice particuliers qui portent l'empreinte d'une justice politique.

Tel est le cas du décret du 4 novembre, édictépar la Junte
militaire, et instituant une Cour martiale pour juger sommairement
les auteurs, complices ou autres responsables des délits de rébellion,
sédition ou émeute, dans un court délai (instruction, trois jours ;
poursuite et jugement, six jours).

Il importe peu que ce décret particulier soit ou non rétroactif
au point de vue de la justice sommaire qu'il a créée.L'important
est que pareille justice politique pouvait être instituée par la
mêmeJunte et qu'elle pouvait être saisie de faits antérieurs à
son institution. Un de ces faits aurait pu être le cas de Haya
de la Torre, envers lequel l'instruction semble avoir été suspendue
depuis la sommation publiée le 16 novembre 1948, nonobstant
la sommation que avisait les inculpés qu'elle serait poursuivie
en leur absence.
L'institution d'organes judiciaires nouveaux et le fait de leur

reconnaître une compétence de juger des faits antérieurs à leur
institution et qui jusqu'alors relevaient de la compétence des
juridictions de droit commun, auraient été des actes réguliers de
la part d'un gouvernement constitutionnel. Le pouvoir législatif
n'est pas empêchéde le faire par la règle de non-rétroactivité
qui n'est pas d'application généraleen matière de procédure et
d'organisation judiciaire. La possibilité pour un gouvernement
non constitutionnel de le faire est encore plus évidente.
La Junte avait accédéau pouvoir, le 27 octobre 1948, comme

gouvernement de fait. Elle avait donc tous les pouvoirs, sans
avoir à se prévaloir de l'état de siège, proclamé le 4 octobre par
le gouvernement constitutionnel qui l'avait précédéeE . lle a, cepen-
dant, cru devoir le renouveler toutes les fois qu'il venait à expirer
(tous les trente jours). En fait, elle l'a renouvelé le 2 novembre,
le 2 décembre et le 2 janvier. Ces renouvellements successifs,
bien que superflus, démontraient qu'au moins jusqu'à la dernière
date, la Junte estimait nécessaire d'annoncer publiquement
qu'elle pourrait encore avoir besoin de mesures exceptionnelles
et que la situation, à cette date, n'était pas devenue normale.

Le fait que l'agent du Pérou a déclarédans la duplique au
nom de son Gouvernement - déclaration qu'il a confirmée dans
son exposé oral du 2 octobre 1950 - que le décretdu 4 novembre
((fut promulgué afin d'être appliqué aux délits qui auraient pu
se perpétrer après sa publication », ne change rien à la possibilité
qui existait au mois de janvier 1949 d'édicter un autre décret
pour instituer une autre Cour martiale avec une procédure som-
maire analogue pour des faits antérieurs. Il faut, au demeurant,
comprendre la référence à la rétroactivité dans la déclaration

précitée commeportant sur l'application des peines établies dans
le décret du 4 novembre.
493Iz OPISION DISSIDEKTE DE BADAITTI P-ICH.4
C'est cette possibilité de mesures exceptionnelles qui caractérise
les périodes de révolutions et qui rend toujours possible le danger
de poursuites judiciaires, doublé d'un autre danger éventuel, celui
de ,poursuites devant une justice politique.

Evidemment, le danger de poursuites judiciaires pour délit
politique est un danger dont l'imminence ne justifie pas, en
principe, l'octroi de l'asileà celui que menace le danger.
Mais l'asile, tel qu'il est pratiqué en Amérique, a étéindisso-
lublement lié à la notion de la révolution. D'une part, il présentait
l'utilité sociale et politique esquissée plus haut et, d'autre part,
il trouvait une justification généraledans la possibilité des mesures
exceptionnelles.
Dans ce climat tout particulier, l'asile a pris le caractère d'une
institution régionale ou cofitinentale, sanctionnée par les gouver-
nements au pouvoir, aussi bien ceux qui ont triomphé d'une
conspiration que ceux qui ont triomphé par suite d'une conspi-
ration, les uns et les autres se ménageant mêmepar la recon-

naissance de l'asile une ressource éventuelle en cas de revers de
for~une. Il est devenu un usage de révolution, comme il existe
des usages de guerre, faisant l'objet d'un accord implicite et
généralentre les Etats d'Amérique.
C'est à ce titre que l'exercice de l'asile est si fréquent et si large-
ment reconnu.
Or, vu isolément,l'asile d'un délinquant politique peut facilement
avoir l'aspect d'une atteinte à la souveraineté territoriale, et, pour
peu qu'il fasse échecà une poursuite judiciaire, celui d'une suspicion
envers la justice nationale et, en tout cas, une intervention dans les
affaires intérieures d'un Etat. Mais acceptépar les uns et les autres,
tant en qualité d'Etat territorial qu'en qualité d'Etat de refuge,
il perd ces aspects pour devenir une règle de conduite génér~.le et

impersonnelle.
Le fait que des abus ont pu se commettre dans l'exercice de
l'asile est absolument étranger et non pertinent à l'appréciation de
la nature de l'institution en tant que phénomène juridique. Aiissi
étranger et non pertinent est le fait que des gouvernements établis
et jouissant du respect et de la confiance de tous doivent leur
existence à des révolutions ou à l'exercice de l'asile. Ces mérites
ou abus peuvent affecter l'évolution de l'institution ou ses trans-
formations ou amener sa disparition. Ils demeurent, en tout cas,
sans influence sur la tâche de la Cour dans l'examen d'une applica-
tion individuelle de cette institution.
D'autre part, on peut bien admettre qu'un certain nombre de
cas, qui ne seraient pas des cas réguliers d'asile, ont pu se mêler

avec la pratique déjàsignaléeet qui est reconnue comme une rèyle
de conduite générale.Ce sont, par exemple, les cas où, pour des
raisons d'opportunité polifique, des sauf-conduits auraient été
accordés à des asilésque 1'Etat territorial considère comme délin-
quants de droit commun, mais n'entend pas élever de conflit à3I3 OPlNION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA
leur sujet. Je ne comprends pas dans ces cas ceux de personnes

qui, n'étant pas l'objet d'une accusation quelconque mais craignant
de l'être,cherchent asile, car c'est dans l'esprit de cette institution
d'étendre à ceux-là la protection de l'asile.
En dépit de ce mélange, la pratique de l'asile, en tant qu'usage

de révolution, reste un phénomène juridique susceptible de régle-
mentation, d'interprétation et d'application, aussi bien que les
usages de guerre. Le fait que les deux Parties ont eu recours à
la Cour pour trancher leur différend au sujet d'un cas d'asile en
est une preuve suffisante.

On peut donc conclure qu'en édictant que l'asile ne peut être
accordé que dans un cas d'urgence, la Convention de La Havane
de 1928 a voulu afixer les règles ))(préambule de la convention)
jusque-là appliquées. Ces règles tendent à ne pas admettre l'asile

en temps de paix et d'ordre et à l'accorder en temps de révolution
- ce que la convention, par euphémisme, appelle (cas d'urgence ».
Que l'octroi de l'asile dans ce cas puisse être interprété comme
impliquant une suspicion de la justice territoriale ou une inter-

vention dans les affaires intérieures d'un autre Etat serait exclu,
d'une manière certaine, parce qu'il s'agit là d'une situation parti-
culière, avec de larges possibilités de degénérer, par l'adoption
de mesures d'exception, et que tous les Etats dans leurs qualités
alternatives d'Etat de refuge et d'Etat territorial ont accepté

cette règle comme règle de conduite générale.
Dans l'espèce sous examen, le 3 janvier, la situation troublée
occasionnée par la révolution du 3 octobre durait encore. La
preuve en est que la Junte militaire jugeait nécessaire, à la veille

de cette date, de proclamer le renouvellement de l'état de siège
et, par conséquent, la possibilité de prendre des mesures excep-
tionnelles. L'asile a donc étérégulièrement accordéà Haya de la
Torre puisqu'il se trouvait dans un cas d'urgence, la situation
troublée résultant de la rébellion durait encore, et que le délit

à lui imputé est incontestablement un délit politique *.

En fait, la poursuite pourrébellion contre Haya de la Torre, en l'absence
de presque tous les responsablesqui ont étéautorisés par le Gouvernement du
Pérou à quitter le territoire,pouvait être quepartielle et fragmentaire. Cette
discrimination initialepar l'exécutif ne semble pas être une parfaite garantie
d'impartialité.
Le Gouvernement de jztre du Pérou a semblé surtout s'intére-seà enleverà
1'Apra ses ressources financièreet publicitaires(Voir dans le contre-mémoire,
dénonciation du ministre de l'Intérieur du Pérou du 5 octobre 1948.) A en
juger par le communiqué du 12 octobre, les poursuites passaient au second
ordre. Par contre, le Gouvernement de fait, une fois cette fin assurée,emblé
surtout s'intéressàrfrapperà la tête. (Voirles attitudes contemporainescontraires
de cc Gouvernement à l'égard de la Colombie et de l'Uruguay.) 3I4 OPINJON DISSIDENTE DE BADAWI PACHA
Il est très significatià ce propos que la correspondance diplo-
matique entre la Colombie et le Pérou, qui a durétrois mois et qui
est censéerefléterles réactions directes des deux Parties et contenir

toutes les bases fondamentales de leurs positions respectives, ne
touche pas un seul instant à la question d'urgence : voir surtout
dans le mémoire, lettre du Pérou du 19 mars: VI, zme paragraphe;
VII, premier paragraphe ; IX et X, premier paragraphe, et lettre
du Pérou du 6 août: VI.
Si le Pérou estimait qu'en l'espèce il n'y avait pas un cas
d'urgence, il n'aurait pas manqué de s'en prévaloir et de se dis-
penser de cette longue controverse au sujet du terrorisme qui,
visiblement, n'avait aucune chance de convaincre la Colombie
pour les simples raisons que, ni en fait ni en droit, elle ne pouvait

êtreconvaincante, et que les délits soi-disant terroristes n'avaient
pas fait l'objet d'une accusation antérieure à l'asile.
Ce n'est que depuis le contre-mémoire qu'on a cherché à relever
l'absence d'un cas d'urgence dans l'espèce Haya de la Torre, sans
toutefois donner à cette défense au début l'importance qu'on lui
avait donnée ultérieurement. C'est surtout dans la réplique orale
finale que cette absence d'urgence devient le motif et le fondement
essentiel de la demande reconventionnelle. On n'explique pas, et
pour une raison évidente, pourquoi, si elle est si décisive et non
controversée comme le terrorisme, elle n'a pas étéinvoquée en
premier lieu et au cours de la correspondance diplomatique.

Dans cette correspondance, la Colombie, se retranchant derrière
sa doctrine de qualification unilatérale et définitive, se défendait
de discuter les affaires intérieuresdu Pérou,ce que celui-ci, curieuse-
ment, l'invitait à faire. Cette attitude de la Colombie s'explique
cependant facilement par son désir d'éviter d'êtreentraînée dans
la discussion de la responsabilité de Haya de la Torre et du caractère
terroriste des crimes commis au cours des événementsdu 3 octobre,
lesquels, aux yeux du Pérou, devaient transformer les crimes dont
Haya de la Torre était accuséen crimes de droit commun et ainsi

rendre son asile sans objet.

Vu la conclusion qui précède,tout examen de la durée de l'asile
me paraît tout à fait superflu, d'autant plus qu'en fait le prolon-
gement de l'asile est entièrement dû à la correspondance diplo-
matique. Cette correspondance constitue la négociation entre deux
Etats au sujet d'un différendqui les divise. C'est cette négociation3I5 OPINION DISSIDENTE DE Br\DATVI PACHA

qui a amené l'Acte de Lima en vertu duquel le différend a pu
être soumis à la Cour.

Or, on ne saurait contester à la Colombie la faculté de soutenir,
par voie de négociation, un droit qu'elle croit lui appartenir ni

celle de maintenir l'asile pendant ladite négociation.

(Signé) RADAWIPACHA.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

Je partage l'opinion de la Cour sur les diverses conclusions,
sauf celles relativesà la pratique américaine, au (cas d'urgence ))
et au maintien de l'asile jusqu'au 31 août 1949, date de l'Acte
de Lima.
Pour expliquer ma dissidence sur la question d'urgence, il est
nécessaire de rappeler les circonstances de fait qui ont entouré
l'octroi de l'asile lejanvier 1949 et qui sont relatées dans l'arrêt
de la Cour.

De ces circonstances et de quelques autres, la Colombie a
cherché à insinuer que la justice au Pérou, à la suite des événe-
ments du 3 octobre, n'était pas et ne pouvait être administrée
d'une manière objective et impartiale. J'estime que la Cour n'a
pas à examiner cette défense. Elle est saisie de la seule validité
ou régularité de l'asile et de l'interprétation de la Convention
de 1928. Cette question peut et doit être résolue sans avo@ à
apprécier le fonctionnement de la justice ordinaire de 1'Etat
territorial qu'aucune mesure prise par le gouvernement de jure
ou de facto, pas mêmel'état de siège, n'a eu pour motif ou objet

d'influencer.

La dénonciation du ministre de l'Intérieur, qu'on a qualifiée
d'injonction à la justice, n'a, malgré sa forte stigmatisation de
lJApra, rien que d'usuel dans ce genre de dénoilciations.
D'autre part, pour le Pérou,les cas d'urgence viséspar l'article2,
paragraphe 2, premièrement, ne paraissent être autres que la
poursuite par une foule déchaînéeou l'action d'une justice arbi-
traire, exercée par une faction politique contre ses adversaires

ou dans des conditions qui excluent d'une manière évidente toutes
les garanties d'un examen objectif et impartial. Le danger de
poursuites judiciaires pour délit politique ne saurait par consé-
quent êtreun cas d'urgence aux termes de la disposition précitée.

Des ((cas d'urgence »,la Convention de La Havane de 1928 ne
donne aucune définition.Elle est le seul instrument quiait employé
ces termes. Si l'on exclut la Convention de Montevideo de 1933,

laquelle n'avait pour objet que de modifier celle cle 1925 et,
partant, n'a pas un caractcre de réglementatioil totale et complète
4= DISSENTING OPINION BY JUDGE BADAWI PASHA
[TrnnslationJ

1 share the opinion of the Court on the various conclusions except
those relating to the American practice, the "question of urgency",
and the maintenance of asylum until August 31st, 1919, the date
of the -4ct of Lima.
To explain my dissent on the question of urgency, it will be
necessary to recall the circumstances in which asylum was granted
on January 3rd. 1949, and which are set out in the judgment of the
Court.

Kelying on these and certain other circumsta~~ces,Colombia has
sought to imply that Peruvian justice, as a result of the events of
October 3rd, was not, and could not be administered inan objective

and impartial manner. 1 do not consider that it is necessary for the
Court to examine this argument. The only issue before the Court is
the validity or regularity of the asylum and the interpretation of
the Convention of 1928. This question must and can be resolved
without its being necessary to appreciate the operation of ordinary
justice in the territorial State,cause no measure, not even a state
of siege, adopted by a de jure or a de factogovernment, was ever
inspired by a desire to influence that justice, or aimed at such a
result.
The denunciation by the Minister of the Interior, which has been
described as an injunction to justice, is, in spite of its violent attack
on Apra, quite usual for such denunciations.
On the other hand, in the opinion of Peru, the cases of urgency
referred to in Article2,paragraph 2, "First", seem to be none other

than pursuit by a furious mob or the action of arbitrary justice,
exercised by a political faction against its adversaries or in condi-
tions which evidently preclude al1 guarantees of an impartial and
objective examination. The danger of legal proceedings for political
offences could consequently not be considered as a case of urgency
within the meaning of the above-mentioned provision.

The Havana Convention of 1928 gives no definition of "urgent
cases". That Convention is the only instrument to have used the
expression. With the exception of the Montevideo Convention of
1933, the object of which was merely to define the terms of that of

1928, and which consequently does not rcgulate the question in its
41304 OPIXION DISSIDESTE DE RADAWI PrlCHA

de la matière, les deux Conventions de 1889 et de 1939 n'y font
aucune allusion.
Ces termes seraient-ils en fait susceptibles de définition ? Il
est permis d'en douter. La notion de l'urgence est essentiellement
variable et relative. Elle dépend tout d'abord des cas auxquels
elle est appliquée et ensuite des circonstances du temps et de
l'espace. C'est l'expérience, non générale mais particulière, et
l'expérience seule, qui peut donner à cette notion une forme
concrète. Mêmeles deux cas invoqués par le Pérou et qui sont
les seuls connus ou admis en Europe (et encore dans les seuls
projets des associations savantes mais non par les Etats) n'ont

pas été conçus a priori mais d'après certaines données expéri-
mentales. Ils ne peuvent donc êtrelimitatifs ou exclusifs d'autres
formes d'urgence ou de formes plus nuancées.
A défaut de définition et de critère, quelle serait donc la base
sur laauelle on se fonderait Dour inter~réter ces termes ? Le sens
étymologique n'est évidemment d'aucun secours.
S'agissant non d'une institution rationnelle à créer ou à régle-
menter pour la première fois comme ce serait le cas d'un projet
de convention à élaborer par une association savante, mais d'une
institution vivante et presque centenaire, la prati-que, dans la
mesure où elle peut interpréter les intentions des Etats qui ont
Etats qui
choisi ces termes et convenu de les adopter ou des
avaient charge de les mettre à exécution, tantôt comme Etat de
refuge et tantôt comme Etat territorial, serait le seul guide sûr.
Cette pratique serait d'autant plus décisive pour déterminer la
~ortée de ces termes au'elle aurait étéà la fois ~ostérieure et
antérieure à la convention, c'est-à-dire une pratique sans solution
de continuité.
Cette pratique a étécitée de part et d'autre. Elle n'est pas
limitée aux seules parties à telle ou telle autre convention. MeAme
des Etats qui ne sont pas liéspar une convention, tels que le Vene-
zuela, l'adoptent. Elle est donc transcendante à la Convention de
1928 et se rattache aux origines de l'institution de l'asile.

La Colombie a voulu, sans succès, en tirer certaines concliisions
relativement à la qualification unilatérale. D'autre part, le Pérou,
en prétendant que les seills cas d'urgence sont la poursuite par la
foule ou la justice arbitraire d'une faction politique, a procédé
par simple affirmation ou s'est référé à des autorités non améri-
caines. Il n'a tenté d'apporter aucune preuve tirée de la vie ou
de la pratique américaine, ou des autorités américaines qui ont
traité de la question.
Les circonstances particulières de fait, les modalités ou les
détails des cas cités comme illustration de cette pratique n'ont
généralement pas étéfournis ou ne l'ont pas étéd'une manière

complète. Il n'est toutefois nullement malaisé de constater que
tous ces cas. sans exce~tion.'Irése ententun trait commun. à savoir
qu'ils se sont produits à l'occasion d'une révolution ou d'une DISSENTING OPINION BY JUDGE BADAWI PASHA 3O4

entirety, the Conventions of 1889 and 1939 make no reference to the
matter of urgency.
Indeed, can these terms be defined ? This is open to doubt. The
conception of urgency is essentially variable and relative. It depends
first of al1 on the cases to which it is applied, and then on the
circumstances of time and place. It is experience-not general but
particular-and experience alone which can give concrete form to
this notion. Even the two cases cited by Peru and which are the
only ones known or accepted in Europe (and then only in the drafts
of learned societies and not by States) were not conceived a pviori,
but according to certain experimental data. Thus they cannot be

restrictive to the exclusion of other or more subtle forms of urgency.

In the absence of definition and criteria, upon what basis can
the expression be interpreted ? The etymological meaning is
obviously of no help whatsoever.
Since this is not a rational institution which is in the process
of creation or which is being regulated for the first time-as ulould
be the case of a draft convention of a learned society-but a living
institution which is almost a hundred years old, the only safe guide
would appear to be practice, to the extent to which such practice
interprets the intentions of the States which chose these expressions
and agreed to adoptthem, or of those States entrusted with carrying
out their intention, either as States of refuge or asterritorial States.

This practice would be al1 the more decisive in determining the
scope of these expressions if it is both subsequent and prior to the
Convention, in other words, if it is uninterrupted.

This practice has been invoked by both sides. It is not limited to
the parties to any particular convention. It has even been adopted
by States which are not bound by any convention, as for instance
Venezuela. It therefore transcends the Convention of 1928 and goes
back to the origins of the institution of asylum.
Colombia has attempted, unsuccessfully, to draw from this
practice certain conclusions respecting unilateral qualification. On
the other hand, Peru, in arguing that the only cases of urgency are
those arising from pursuit by a mob or from arbitrary justice at the
hands of a political faction, is proceeding by mere assertion or has

referred to non-American authorities. Peru has made no attempt to
submit evidence derived from American life or practice or from
American authorities ~vhohave studied this question.
The special circuinstances, the conditions or details of the cases
cited in illustration of this practice, havenerallÿ not been supplied
or at any rate have not been suppliecl iil a complete manner. It is,
however, easy to see that a11 these cases without exception have a
cominon characteristic, i.e., they arose in connexion with a revolu-
tion or a rcbellion. Revolution or rcbellion is their only reason and

423O5 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

rébellion. La révolution oii la rébelliony est le seul motif et circons-
tance. Aucune poursuite de foule ou justice de faction politique
n'a étésignalée à leur égard. Les asilésétaient simplement recher-

chés par les autorités publiques de leurs pays, aux fins de pour-
suites judiciaires.
Les cas cités présentent également cet autre trait que tous se
sont terminés par des sauf-conduits accordésaux asilés,et qu'aucun
cas n'a étécitéoù un asiléaurait étéremis aux autoritésterritoriales

aux fins de poursuites judiciaires.
Dans tous ces cas, la révolution aura crééune situation troublée
où soit des révolutionnaires qui ont réussià renverser le gouverne-
ment en rechercheraient les membres pour leur gestion passée, soit

un gouvernement qui a triomphé de la révolution poursuivrait ses
auteurs pour leur acte incriminépar le code pénal, soit, comme dans
le cas d'espèce, des révolutionnaires qui ont renversé le gouverne-
ment poursuivraient d'autres révolutionnaires moins heureux

qu'eux-mêmes.
Dans ces situations troublées, des mesures exceptionnelles sont
généralement prises, mais l'édifice général du gouvernement
demeure intact. Tout particulièrement la justice continue à foric-
tionner comme d'habitude, nonobstant mêmeles cas où des justices

particulières sont établies concurremment avec les juridictions de
droit commun.
L'existence de cette pratique est donc incontestable. A défaut
de toute autre preuve, il suffit de rappeler ce qui s'est produit en ce

qui concerne les mêmesévénementsdu 3 octobre. Indépendamment
du degré de responsabiliti: (question absolument étrangère à la
validité de l'asile), tous les asilésdans huit missions diplomatiques,
sauf Haya de la Torre, ont eu leurs sauf-conduits l, alors qu'au

point de vue de la nature du délit dont ils étaient accusésou de la
nature du cas d'urgence, tous se trouvent dans la mêmesituation 2.

La seuie question qui puisse se poser dans ces conditions serait

celle de savoir si cette pratique est licite ou illicite.
Sans aucun doute, un acte qui sefait le résultat d'un libre accord
explicite ou implicite entre deux Etats exerçant leurs droits sou-
verains ne saurait être qualifié d'illicite.
Or, de deux choses l'une :ou cette pratique a abrogéla condition

d'urgence, ou elle l'a simplement interprétée d'une manière libérale.
Sans avoir à examiner si une coutume internationale peut abroger

l Voir le communiqué du Gouvernement du Pérou du 12 octobre 1948, publié
dans le journalofficiell Pe~uano du 13 octobre (v. hldmoire de la Colombie).
Voir surtout à cet égard la correspondance échangée entre I'ambassade de
l'Uruguay et le minist6redes Relations extérieures du Pérou, citée dans la
rbplique de la Colombie, dans laquelle mCme la qualification unilatérale et
(lL.finiti\-e par l'Édc refuge a CtG invoqiiée par l'Uruguay.1)aris le cas des
asilés2 l'ambassade de l'Uruguay, les sauf-conduitfurentaccordbs le 17 fevrier
1949. DISSENTING OPINION BY JUDGE BADAWI PASHA 3O5

circumstance. No reference has been made in that connexion tothe
threat of mobs or of justice at the hands of a political faction. The
refugees were merely sought by the public authorities of their
countries for the purpose of legal proceedings.

The cases cited as examples also present another aspect : they al1

terminated by the grant of safe-conducts to the refugees, and no
case was mentioned of a refugee being surrendered to the territorial
authorities for the purpose of legal proceedings.
In all such cases, revolutions may have produced a state of
disturbance ; successful revolutionaries may then be seeking mem-
bers of the former government to make them answerable for their

past tenure of office ; or a government which has suppressed a rebel-
lion may be seeking outits authors in order to prosecute them under
the criminal code ; or, as in the present case, successful revolution-
aries, having overthrown a government, may be seeking other
revolutionaries who have been less fortunate than themselves.
In such troubled circumstances, exceptional measures are usually

adopted, but the general structure of the government remains
intact. More especially, justice continues to function as usual even
in cases where special tribunals have been instituted in addition to
the ordinary courts.

The existence of this practice is thus undeniable. In the absence

of further proof, it is sufficient to recall what happened in connexion
with these same events of October 3rd. Independently of the degree
of responsibility (a question which is entirely irrelevant to the
validity of the asylum), al1 the refugees in the eight diplomatic
missions, with the exception of Haya de la Torre, received safe-
conducts l,whereas from the point of view of the nature of offence

with which they were charged, and from the point of view of
urgency, they were al1in the same situation 2.
The only question which may arise in the circumstances is
whether this practice is lawful or unlawful.
There is no doubt that an act resulting from an explicit cr
implicit agreement freely entered into by two States exercising

their sovereign rights cannot be called unlawful.
There are only two alternatives : either this practice has
abrogated the condition of urgency or it has merely interpreted it in
a liberal fashion. Without having to consider whether an inter-

l See the communiqué of the Peruvian Government of October ~zth, 1948,
published in the officia1 gazetteEl Pevuano of October 13th (see hIemorial
of Colombia).
In this connexion, see especiallthe correspondence exchanged between the
Embassy of Uruguay and the hlinistry of Foreign Affairof Peru, quoted in the
Reply of Colombia, in w-hich even the unilateraland definitive qualification
by the State of asylum has been invoked by Uruguay. In the case of the
refugees who were granted asylum ithe Uruguayan Embassy, safe-canductsu7ere
granted on February 17th, 1949.306 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

une règle de droit positif, on doit admettre que considérer cette
pratique comme un mode d'interprétation de la condition d'urgence
est l'explication la plus naturelle et la plus juridique.

Mais cette pratique, outre qu'elle est postérieure à la convention

et, à ce titre, en constitue la saine interprétation, est antérieure
même à cette convention. Elle devrait donc êtreconsidérée comme
une des (règles qu'ils [les gouvernements des États d'Amérique]
doivent observer pour la concession du droit d'asile dans leurs
relations mutuelles 1)que ces gouvernements étaient ((désireux de
fixer 1)par cette convention (Préambule de la Convention).
Cette pratique était à la connaissance de ces gouvernements,

Elle était de notoriété publique et n'avait pas étécontestée. Si
ces gouvernements désiraient la discontinuer. ils n'au~aient pas
manqué de la désavouer d'une manière ou d'une autre. L'absence
d'un pareil désaveu est une preuve concluante qu'elle continue
et q~l'elleest définitivement reconnue, Cette preuve ne peut être
combattue que par la démonstration que les mots ((CAS d'urgence ».
ainsi interprétés seraient dépourvus de tout sens. Cette démons-
tration n'a pas été et ne pouvait pas être faite. Nous verrons

plus tard ce que ces termes entendent exclure.

Resterait à savoir si Ies autres dispositions de la Convention

de 1928 viendraient à corroborer l'interprétation des termes (cas
d'urgence ))tirée de la pratique tant antérieure que postérieure à
la convention.
Dans l'examen des dispositions de la conuention, je presu-
merais qu'il n'y a aucun conflit entre 1'Etat territorial et 1'Etat
de refuge relativement au caractère politique du délit qui a donné
lieu à l'asile, ou qu'un conflit élevé à ce sujet s'est terminé par la
reconnaissance par 1'Etat territorial dudit caractère,

Or, on conviendra que l'asile d'un délinquant politique, à
moins de se perpétuer, devrait se terminer par l'une ou l'autre.
fin : ou bien l'asilémuni d'un sauf-conduit quittera le territoire,
ou bien il sera remis à 1'Etat territorial aux fins de poiirsuites
judiciaires.
Pour contester le fait que, suivant la pratique reconnue, l'asile

devrait se terminer par l'octroi d'un sauf-conduit, il faut bien
admettre que 1'Etat territorial a le droit de se faire remettre le
délinquant politique pour le poursuivre.

Certes, cet État a le droit de se faire remettre un asili. délinquant
de droit commun. L'article 1, paragraphe 2, le dit expressément-

Mais rien d'analogue n'a étédit au sujet du délinquant politiqiie DISSEXTING OPINION BY JUDGE BADXWI P.4SH.4 306

national custom can abrogate a rule of positive law, it must be
admitted that the most natural and the most juridical explanation
is to consider this practice as a method of interpretation of the
condition or urgency.
But this practice was not only subsequent to the Convention (and
consequently constitutes a sound interpretation thereof), italso
existed before the Convention. It should, therefore, be considered
as one of the "rules they [the governments of the Latin-American
States] must observe for the granting of asylum in their mutual

relations", which rules these governments were "desirous of fixing"
by that Convention (Preamble to the Convention).
This practice was known to these governments. It was common
knowledge and had not been contested. Ifthese governments had
wished to discontinue it, tkey would not have failed to denounce
it in one manner or another. The absence of such a denunciation
is conclusive proof that the practice continues and is definitively
recognized. This proof can only be refuted by showing fhat the
words "urgent cases" thus interpreted would be devoid of meaning.
This has not and could not be shown. It will later be shown what
these words were intended to exclude.

It remains to be seen whether the other provisions of the
Convention of 1928 corroborate the interpretation of the words
"urgent cases" deduced from practice which is both prior and
subsequent to the Convention.
In considering the provisions of the Convention, it is presumed

that there is no conflict between the territorial State and the State
of refuge concerning the political nature of the offence which gave
rise to the asylum, or that any dispute arising on that point was
resolved by the recognition of that political charactx by the
territorial State.
But it will be admitted that asylum of a political offender,
if it is not to be indefinitely prolonged, should come to an end by
one or other of the following solutions :either the refugee leaves
the territory with a safe-conduct, or else he is surrendered to the
territorial State for the purpose of legal proceedings.
In order to contest the fact that, according to recognized practice,

asylum should always terminate in the grant of a safe-conduct, it
is necessary to admit that the territorial State has the right to
demand the surrender of the political offender for the purpose of
legal proceedings.
That State has, of course, the right to insist on the surrender of a
common criminal. Article 1, paragraph 1, expressly says so. But
nothing of the kind is said concerning political offenders. 3O7 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

Ne résulte-t-il pas de cette disposition, par un argument a
contrario,que pareil droit n'existe pas dans le cas d'un délinquant
politique ? L'argument a contrario est un argument concluant à
condition qu'il soit confirmé par d'autres arguments ou considé-
rations. En l'espèce, il est confirmé par le fait que la convention
a cherchéà établir que les deux cas d'asile se distinguent nettement
l'un de l'autre. Chacun est l'objet d'un article qui prévoit toutes
les modalités qui lui sont propres.

L'article I déclare, dans son paragraphe 1, non permis l'asile
des délinquants de droit commun, mais il prévoit, dans son para-
graphe 2, les cas où, en fait, l'asile a pu êtredonné, notamment
le cas où le chef de la mission diplomatique, estimant au moment
de l'asile qu'il le donneà un délinquant politique, reconnaît clans
la suite qu'il ne s'agit que d'un délinquant commun.
Dans ces cas, une mesure d'urgence est nécessairement impliquée
dans l'asile. Cette mesure ne peut être que l'urgence dans le sens
strict du terme, qui est celui donné par le Pérou à l'article2,
paragraphe 2, de la convention, à savoir poursuite de la foule

ou justice de faction politique. En effet, même un délinquant
commun a droit à une justice régulièreet il est justifiéà chercher
asile dans une pareille contingence d'urgence.
Le paragraphe 2 de l'articlI prescrit que,dans ce cas et lorsque.
bien entendu, le chef de la mission n'aura pas contestéle caractère
commun du délinquant, 1'Etat territorial peut exiger qu'il lui
soit remis.
Mais il est de toute évidence que, mêmepour un délinquant
commun, le cas d'urgence dans le sens strict susindiqué dev~ait
avoir cessé. La demande de remise elle-même faite par 1'Etat

territorial tend à im~IiauIr cette cessation.
Dans ces conditions, on pourrait se demander pour quelle
raison une distinction aussi nette aura étéétablie entre les deux
catégories de délinquants, si, d'une part, l'urgence avait pour
les deux le mêmesens strict, et que, d'autre part, aussitôt que
le cas d'urgence aura cesséou dans le cas où il n'aurait pas existé,
l'asilé, délinquant commun ou politique, devait être remis à
1'Etat territorial aux fins de poursuites judiciaires.
La vérité est que la notion d'urgence n'est pas la mêmepour
l'une ou l'autre catégorie de délinquants et que la suite de l'asile,

suivant qu'il s'agit d'un délinquant commun ou politique, est
également différente.Pour le premier, aussitôt que l'urgence dans
le sens strict du mot aura cesséou dans le cas où elle n'aurait même
pas existé, 1'Etat territorial peut exiger sa remise, alors que pour
le second c'est la nature de la situation (révolution ou rébellion)
qui détermine l'urgence et justifie la demande et l'octroi immédiat
du sauf-conduit.
A l'appui de la conclusion tirée des textes, la pratique donne
une confirmation indéniable. Non seulement cette pratique a été

constante dans le sens que la révolution est un cas d'urgence et DISSENTING OPINION BY JUDGE B-IDXn'I P-ISHA 3O7

Does it therefore not follow from this provision, by an argument
a co~ztrariot,hat such a right does not exist in the case of political
offenders ? This argument a contrariois conclusive provided it is
confirmed by other arguments or considerations. In this case it is
confirmed by the fact that the Convention has sought to establish
that the two cases of asylum are clearly distinct. Each is the object
of an article which provides al1 the conditions relating to it.

Article 1, paragraph 1, States that it is not permissible to grant
asylum to common criminals ;but paragraph 2 provides for cases
where, in fact, asylum may have been granted, particularly the
case lvhere the head of a diplomatic mission, considering at the time
of asylum that he was granting it to a political offender, subse-
quently recognized that the refugee \vas only a common criminal.
In such cases a measure of urgency is necessarily implied in the
asylum. This measure can only be urgency in the strict meaning of

the word, in accordance with Peru's interpretation of Article 2,
paragraph 2, of the Convention, i.e., pursuit by a mob, or justice
at the hands of a political faction. In fact, even a common criminal
is entitled to regular justice, and he is justified in seeking asylum
in such circumstances of urgency.
Paragraph 2 of Article I enacts that, in such a case (provided of
course that the head of the mission does not dispute the fact that
the refugee is a common criminal), the territorial State may demand
the surrender of the refugee.
But it is quite obvious that, even in the case of a common crim-

inal, urgency in its strict meaning described above ought to have
ceased. The reqiiest for surrender made by the territorial State is in
itself an implication of the fact that urgency has ceased.
In the circumstances, it might well be wondered why such a
clear distinction has been established bet~veen the two categories of
offenders if, on the one hand, urgency has the same strict meaning
for both and if, on the other hand, the refugee, whether a common
criminal or a political offender, has to be surrendered to the terri-
torial State for the purpose of legal proceedings, as soon as the case

of urgency has ceased or in case urgency never even existed.
The truth is that the notion of urgency is not the same for the
two categories of offenders and that the consequeilces of asylum
also differ according to whether the refugee is a cominon criminal or
a political offender. In the former case, as soon as urgency in its
strictsense has ceased, or if it has never even existed, the territorial
State may demand his surrender, whereas in thelatter case it is the
nature of the situation (revolution or rebellion) which determines
the urgency and justifies the request and immediate grant of a

safe-conduct.
Practice has furnished indisputable confirmation of the conclu-
sions deduced from the texts. Not only has this yractice been
constant in the sense that revolutio~l is a case of iirgency and a30S OPIXIOS DISSIDESTE DE RADATVI PrlCHA
une condition valable de l'asile, mais aussi dans le sens que l'effet

invariable de l'asile diplomatique d'un délinquant politi-que
régulièrement accordé est la non-remise du délinquant à 1'Etat
territorial et son départ du pays en vertu d'un sauf-conduit
accordé par ce dernier.
Aucun cas dans un sens contraire n'a étécité.

L'article 2, paragraphe 2 (premièrement), prévoit en outre que

ccl'asile ne pourra être accordé (sauf dans les cas d'urgence) et
pozw le temps strictenzentindispensable pour que le réfzigié se mette
en sdretéd'une autre manière n.
Cedernier membre de phrase pourrait-il se référerà une remise
à 1'Etat territorial aux fins de poursuites judiciaires ? Il peut
être vrai qu'en cas de poursuite par la foule ou par une justice
de faction politique, pareille remise peut être une sûreté d'une
autre manière, mais il est encore plus vrai que cette manière
d'exprimer serait inadéquate : se mettre en sureté d'une autre
manière que l'asile signifie, de toute évidence, et ne peut signifier,

que le départ du pays.
Quitter le territoire semble donc êtrelafin de tout asile politique.
C'est la seule conclusion compatible avec les textes.

On pourrait rétorquer qu'en admettant mêmequ'en généralla
pratique met le cas de révolution à l'égal de la poursuite paf la
foule ou par la justice d'une faction politique, tout ce que 1'Etat
territorial serait tenu de faire est de respecter 1'a;silejusqu'au
retour à la normalité. Alors, il pourrait demander à lJEtat de refuge

de lui remettre l'asilé pour le poursuivre devant les tribunaux de
droit commun.
Mais le retour à la normalité est une question d'appréciation.
Elle pourrait donner lieu à des contestations. D'autre part, pareille
interprétation du membre de phrase en question conduirait à la
conclusion inadmissible que 1'Etat de refuge serai: dans l'obliga-
tion de garder l'asilé jusqu'à ce qu'il plaise à 1'Etat territorial,
dans sa discrétion absolue, de réclamer sa remise.

Au surplus, quelle serait la signification ou la portée de la règle

inscrite dans l'article 2, paragraphe I : «L'asile des criminels
politiques dans les légations, sur les navires de guerre, dans les
campements ou sur les aéronefs militaires sera respecté ..N,
si ce respect ne devait se manifester, en dernier lieu, par l'octroi
d'un sauf-conduit ? Cette obligation de respecter l'asile se limite-
rait-elleà une sim~le défense à l'État territorial de forcer le local
de la mission diplomatique pour mettre la main sur l'asilé?
Ici encore, on devrait rappeler la pratique qui n'a pas connu, à
l'occasion d'une révolution, d'asiles se prolongeant jusqu'au retourvalid condition for asylum, but also in the sense that the invariable
effect of diplomaticasylum, regularly granted to a political offender,
has been the non-surrender of the offender to the territorial State

and his departure from the country by virtue of a safe-conduct
granted by that State.
No case to the contrary has been cited.

Article 2, paragraph 2 ("First"), further provides that "asylum
may not be granted except in urgent cases and for the period of time
strictly indispensable for the perso?ziwhohas soztghtasylzrmto enszrre
in some other iway his safety".
Could the last part of this sentence refer to the surrender to the
territorial State for purposes of legal proceedings ? It may be true
that in case of pursuit by a mob or legal proceedings at the hands of

a political faction,such a surrender may ensure safety in some other
way, but it is even more true that this term would be inadequate;
to ensure safety in some way other than asylum can obviously only
mean departure from the country.

Thus, departure from the territory seems to be the end of any
political asylum. That is the only conclusion compatible ~vith the
texts.
It could be argued, on the other hand, that, even admitting that
general practice places revolution on the same footing as pursuit by
a mob or justice at the hands of a political faction, al1 that the
territorial State is bound to do is to respect asylum until the return
of normal conditions. It could then request the State of refuge to

surrender the refugee for prosecution before the ordinary courts.

But whether or not normal conditions have returned is a question
of opinion. It might give rise to argument. On the other hand, such
an interpretation of the phrase in question would lead to the
inadmissible conclusion that the State of refuge \vas under an
obligation to keep the refugee until such time as it might please
the territorial State, at its absolute discretion, to demand his
surrender.
Rforeover, what would be the significanceor the scope of the rule
appearing in Article 2, paragraph 1, to the effect that "asylum
granted to political offenders in legations, warships, military camps

or military aircraft shall be respected...", if that respect were not to
manifest itself as a last resort, by the grant of a safe-conduct ? Does
this obligation to respect asylum confine itself to a mere prohibition
for the territorial State to force an entrance into the diplomatic
mission for the purpose of seizing the refugee ?
Here again it should be recalled that practice gives 110 example
of asylum granted on the occasion of a re\-olution having conti~iiied
463O9 OPIYION DIÇSIDEXTE DE BADAWI PACHA
à la normalité ou se terminant autrement que par le départ de
l'asilé.

L'analyse de la pratique qui a pfécédéet suivi la Convention de
1928 et qui a étéadoptée par les Etats de l'Amérique du Sud sans
distinction entre signataires et non-signataires de cette convention,
ainsi que l'analyse des dispositions de cette convention, tant au
point de vue de l'opposition qu'elle établit entre les délinquants
communs et politiques, de l'absence de toute allusion à la remise
des derniers à leur Etat territorial, quede la détermination du sens

et de la portée du membre de phrase ((se mettre en sûreté »,etc.,
ou de l'obligation de respecterl'asil- cette double analyse conduit
donc indiscutablement à établir que l'article2 se réfèretout parti-
culi<rement au cas de révolutions qu'il qualifie de cas d'urgence.
En fait, la Convention de 1928 ne cherche, par cette référence
au cas d'urgence, qu'à exclure du bénéficede l'asile les cas où
l'asile est accordéà la suite d'une poursuite judiciaire instituée en
temps normal, en l'absence des troubles occasionnéspar un mouve-
ment révolutionnaire et des possibilités de mesures d'exception.

Certes, la Convention de 1928 a dans son ensemble un caractère
restrictif en ce qui concerne l'exercice du droit d'asile, mais ce
caractère général ne peut contre-balancer la somme d'arguments
tirés d'une pratique à la fois constante et non ambiguë sur un
point déterminé,corroborée d'autre part par l'analyse des principales
dispositions de la convention elle-même.

11 résulte de la description de l'asile qui précède que cette

institution a en Amérique du Sud une physionomie qu'elle n'a pas
ailleurs. Si l'on n'arrive pas à découvrir la raison d'êtrede cette
différence, les conclusions tirées de la pratique et des textes, si
concordants qu'ils soient, pourraient ne pas paraître décisives.
Dans la recherche de cette différence, je ne crois pas nécessaire
de m'arrêter soit au caractère des révolutions dans cette partie
du monde, soit aux causes qüi les déterminent, soit aux diverses
conditions qui en favorisent l'éclosion. Il suffit de constater que
les révolutions et les rébellions sont très fréquentes. Elles font

parfois fonction d'un recours aux urnes, lorsqu'une partie de
l'opinion publique, mécontente du gouvernement, désirele changer
d'une manière moins lente et laborieuse qu'une opération électorale.
C'est cette fréquence de révolutions, conjuguée avec leurs carac-
tEre, causes et conditions, qui a donné à l'asile un objet et une
utilité qu'il ne paraît pas avoir ailleurs. Par une sorte, d'entente
généraleet implicite, on semble y voir un moyen de permettre
aux auteurs d'une conspiration manquée, de se dérober aux rigueurs DISSENTING OPINION BY JUDGE BADAWI PASHA 3O9

until return to normal conditions or having terminated otherwise
than by the departure of the refugee.

The analysis of the practice of the South-American States
(whether signatories or not) before and after the Convention of
1928 and the analysis of the provisions of that Convention as regards
the difference it laid down between common criminals and political
offenders, the absence of any reference to the surrender of thelatter
to the territorial State, aswell as of the meaning and scope of the
expression "ensure in some other way his safety", and of the
obligation to respect asylum - this double analysis establishes

beyond any question that Article 2 refers especially to cases of
revolution which are qualified in that article as urgent cases.

In fact, the Convention of 1928 merely seeks by this reference to
"urgent cases" to exclude from asylum those cases in which it is
granted following legal proceedings, instituted in normal circum-
stances and in the absence of revolutionary disturbances or of
possible exceptional measures.
Of course, the Convention of 1928 as a whole has a restrictive
character with regard to the exercise of the right of asylum, but
that general character cannot offset al1the arguments derived from
a practice which is both constant and unambiguous on a given
point ; this practice is further corroborated by the analysis of
the principal provisions of the Convention itself.

It results from the foregoing description of asylum that this
institution has an aspect in South America which it has not else-
where. If the reason for this difference cannot be discovered, the
conclusions deduced from practice and from texts, however concor-
dant they may be, might not appear decisive.
In the search for this difference, do not consider it necessary to
dwell on the nature of revolutions in that part of the world, their
causes or the various conditions which favour their outbreak. It is
sufficient to Say that revolutions and rebellions are very frequent.
They sometimes fulfil the functions of an election, when a section

of public opinion which is dissatisfied with the government wishes
to effect a change in a manner which is less slow and laborious than
voting.
It is this frequency of revolutions combined with their character,
causes and conditions, which has given to asylum an object and a
usefulness which it does not seem to have elsewhere. By a
kind of general and implicit agreement it is to be regarded
as a means enabling the authors of u~~successfulconspiracies to31° OPINIOK DISSIDENTE DE BADAWI PACHA
des actes vindicatifs du gouvernernent au pouvoir, ainsi qu'aux
membres d'un gouvernement vaincu d'échapper aux mesures par

lesqiielles la conspiration triomphante chercherait à assurer sa
sécurité.
Grâce à cette utilité, l'asile s'est érigéen facteur de paet de
modération dans la mesure où il évite des violences, il procure
un répit plus ou moins long, il fait oublier les amertumes des
défaites, il apporte, par le danger du retour éventuel de l'asilé
expatrié, des conseils de sagesse et de modération.
Jl n'y a aucun doute que l'asile peut également êtreun élément
d'instabilité dans la mesure où il réduit ou supprime les risques
de révolutions, mais ces inconvénients, en regard des avantages
précités,ne semblent en avoir modifié ni le cours ni le rythme.

On cherche parfois à expliquer le développement particulier de
cette institution en Amérique par la chevalerie ou l'humanité. Il
est permis d'êtresceptique à cet égard, !)ien que ces notions ne lui
soient pas tout à fait étrangères. Qvoi qii'il en soit, la notion de
la chevalerie est toute relative. Anciennement, en son nom, l'asile
était reconnu pour les délits de droit commun, alors que nous le
condamnons maintenant parce que contraire à la sécuritéet A la
solidarité sociales. 11était refusé poar les délits politiques parce
que contraire à une certaine solidarité d'intérêts dynastiques.
Daris les temps modernes, il est admis pour ces délits précisément

parce que la notion de gouvernement n'a plus le caractère de
pérennitéqu'elle avait auparavant. En effet, la démocratie suppose
nécessairement des luttes pour le pouvoir et des changements de
gouvernement. Dans ces lutteset changements, des erreurs peuvent
êtrecommises, mais on les considère comme la rançon nécessaire
des bienfaits de la démocratie.

Mais si grande que puisse être l'utilité de l'asile, elle serait
insuffisante pour en expliquer le développement si on n'y joignait

pas une autre considération relative à la tenue des révolutions.
En effet, dans les périodes troublées qui les accompagnent ou les
suivent, les passions se déchaînent et échappent au contrôle de la
raison et de l'équité.Elles ont généralement à leur ser~ice un
pouvoir presque absolu, qui, il faut le reconnaître, pourrait être
nécessaire pour venir à bout des troubles occasionnéspar la révo-
lution. Cepouvoir résulterait pour un gouvernement constitutionnel
d'une déclaration d'état de siège. Un gouvernement de fait se
l'arroge purement et simplement. Dans les deux cas, il se traduit
par la réunion des pouvoirs législatif et exécutif entre les mains
des membres du gouvernement. C'est dans ces circonstances que

le gouvernement, sans avoir à porter atteinte à l'organisation DISSEKTING OPIXION RY JUDGE BAIjAWI P.4SHA 31°

escape the severity of the acts of vengeance of the government in
poner and permitting members of a defeated government to evade
the measures bj7which a successful conspiracy would seek to ensure
its security.
By virtue of this usefulness, asylum has become a factor of peace
and moderation to the extent that it avoids violence, it provides
a certain respite, attenuates the bitterness of defeat and imposes
n-isdom and moderation in view of the potential danger of the
return of an exiled refugee.
There is no doubt that asylum can also be an element of instab-
ility in so far as it reduces or eliminates the risks involved in revolu-
tion, but these disadvantages, in comparison with the afore-men-
rioned advantages, do not seem to have affected either its course or

recurrence.
Itis sometimes attempted to explaïn the particular development
of this institution in America by referring to chivalry and humanity.
This point may be open to doubt, although these concepts are not
completely alien to the institution of asylum. In any case, the idea
of chivalry is quite relative. In former times, asylum for common
crimes was recognized in the name of chivalry, whereas we nou7
condemn this practice as being contrary to social security and
solidarity. Inthose days it was refused in cases of political offences,
being contrary to a certain dynastic solidarjty. In modern times
it is admitted for these offences precisely because governments
to-day no longer have the character of permanency which they
enjoyed in former times. In fact, democracy necessarily supposes

struggle for power and changes of government. In such struggles
and changes errors may be committed, but they are considered as
the price that must be paid for the advantages of democracy.

But however great the usefulness of asylum may be, this usefui-
ness would be insufficient to explain the development of asylum
without having regard to another consideration relating to the
character of revolutions. In fact, in the troubled times which
accompany or follow them, passions are unleashed which fre-
queiltly cannot be controlled by reason and justice, and generally

have at their command an almost absolute power which, it must be
admitted, may be necessary in order to curb the disturbances
occasioned by the revolution. This power would, in the case of a
constitutional government, resiilt from the proclamation of a state
of siege. A de facto government simply confers this ponrer upoi-i
itsclf. In both cases it manifests itself by a fusion of the legislative
and executive powers in the hands of the mcmbcrs of the go\.crii-
ment. It is in such circiimstances that the. go\.ixrrimciit. \vithout311 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

judiciaire générale, pourrait être tenté de créer des organes de
justice particuliers qui portent l'empreinte d'une justice politique.

Tel est le cas du décret du 4 novembre, édictépar la Junte
militaire, et instituant une Cour martiale pour juger sommairement
les auteurs, complices ou autres responsables des délits de rébellion,
sédition ou émeute, dans un court délai (instruction, trois jours ;
poursuite et jugement, six jours).

Il importe peu que ce décret particulier soit ou non rétroactif
au point de vue de la justice sommaire qu'il a créée.L'important
est que pareille justice politique pouvait être instituée par la
mêmeJunte et qu'elle pouvait être saisie de faits antérieurs à
son institution. Un de ces faits aurait pu être le cas de Haya
de la Torre, envers lequel l'instruction semble avoir été suspendue
depuis la sommation publiée le 16 novembre 1948, nonobstant
la sommation que avisait les inculpés qu'elle serait poursuivie
en leur absence.
L'institution d'organes judiciaires nouveaux et le fait de leur

reconnaître une compétence de juger des faits antérieurs à leur
institution et qui jusqu'alors relevaient de la compétence des
juridictions de droit commun, auraient été des actes réguliers de
la part d'un gouvernement constitutionnel. Le pouvoir législatif
n'est pas empêchéde le faire par la règle de non-rétroactivité
qui n'est pas d'application généraleen matière de procédure et
d'organisation judiciaire. La possibilité pour un gouvernement
non constitutionnel de le faire est encore plus évidente.
La Junte avait accédéau pouvoir, le 27 octobre 1948, comme

gouvernement de fait. Elle avait donc tous les pouvoirs, sans
avoir à se prévaloir de l'état de siège, proclamé le 4 octobre par
le gouvernement constitutionnel qui l'avait précédéeE . lle a, cepen-
dant, cru devoir le renouveler toutes les fois qu'il venait à expirer
(tous les trente jours). En fait, elle l'a renouvelé le 2 novembre,
le 2 décembre et le 2 janvier. Ces renouvellements successifs,
bien que superflus, démontraient qu'au moins jusqu'à la dernière
date, la Junte estimait nécessaire d'annoncer publiquement
qu'elle pourrait encore avoir besoin de mesures exceptionnelles
et que la situation, à cette date, n'était pas devenue normale.

Le fait que l'agent du Pérou a déclarédans la duplique au
nom de son Gouvernement - déclaration qu'il a confirmée dans
son exposé oral du 2 octobre 1950 - que le décretdu 4 novembre
((fut promulgué afin d'être appliqué aux délits qui auraient pu
se perpétrer après sa publication », ne change rien à la possibilité
qui existait au mois de janvier 1949 d'édicter un autre décret
pour instituer une autre Cour martiale avec une procédure som-
maire analogue pour des faits antérieurs. Il faut, au demeurant,
comprendre la référence à la rétroactivité dans la déclaration

précitée commeportant sur l'application des peines établies dans
le décret du 4 novembre.
49 DISSEirjTING OPINION BY JUDGE BADAWI PASHA 311

having to encroach on the general judicial organization, could be
tempted to create special organs of justice bearing the imprint of
political justice.
Such is the case of the decree of November 4th enacted by the
Military Junta providing for Courts-Martial to judge summarily the
authors, accomplices and others responsible for the offences of
rebellion,sedition or mutiny within short time-limits (enquiry three

days ; prosecution and judgment six da-s).
It matters little whether this particular decree was retroactive
or not from the point of view of the summary justice which -it
instituted. What is important is the fact that such political justice
could be set up by that same Junta and could examine facts which
had occurred ri or to its institution. Such a fact could have been
the case of ~&a de la Torre where the enquiry seemç to have been
suspended since the summons to appear published on Novem-
ber 16th, 1948, in spite of the fact that the summons informed
the accused that the enquiry would proceed in their absence.
The creation of new judicial organs and the recognition of their

competence to judge facts prior to their existence, which hitherto
fell within the jurisdiction of ordinary tribunals, could have been
regularly accomplished by a constitutional government. Legislative
Dower is not ~revented from so doine bv the rule of non-retro-
activity which' is not generally applicabfe in matters of judicial
procedure and organization. The possibility for an unconstitutional
government to proceed in this manner is even more obvious.

The Junta assumed pouTeron October 27th, 1948, as a de facto
government. It thus held al1 the power without needing to invoke

the state of siege proclaimed on October 4th by theconstitutional
government which had preceded it. However, it saw fit to renew
the state of siege whenever it expired (every thirty days). In fact,
the state of siege was renewed on November and, December and
and January and. These successive renewals, although superfluous,
prove that, at any rate until the last date, theJunta considered it
necessary to announce publicly that it might still need excep-
tional measures and that the situation, at the time, was not yet
normal.
The fact that the Agent of Peru declared in his Rejoinder on
behalf of his Government-a declaration which was subsequently

confirmed in the oral statement of October and, 1950-that the
decree of November 4th was "intended to apply to crimes occurring
after its publication" in no way alters the possibility existing in
January, 1949, of enacting another decree providing for another
Court-Martial with similar summary procedure to deal with facts
which had occurred ri orto the decree. The reference to retroactivitv
in the foregoing deharation must be interpreted as bearing on the
application of the penalties provided in the decree of November 4th.3Iz OPISION DISSIDEKTE DE BADAITTI P-ICH.4
C'est cette possibilité de mesures exceptionnelles qui caractérise
les périodes de révolutions et qui rend toujours possible le danger
de poursuites judiciaires, doublé d'un autre danger éventuel, celui
de ,poursuites devant une justice politique.

Evidemment, le danger de poursuites judiciaires pour délit
politique est un danger dont l'imminence ne justifie pas, en
principe, l'octroi de l'asileà celui que menace le danger.
Mais l'asile, tel qu'il est pratiqué en Amérique, a étéindisso-
lublement lié à la notion de la révolution. D'une part, il présentait
l'utilité sociale et politique esquissée plus haut et, d'autre part,
il trouvait une justification généraledans la possibilité des mesures
exceptionnelles.
Dans ce climat tout particulier, l'asile a pris le caractère d'une
institution régionale ou cofitinentale, sanctionnée par les gouver-
nements au pouvoir, aussi bien ceux qui ont triomphé d'une
conspiration que ceux qui ont triomphé par suite d'une conspi-
ration, les uns et les autres se ménageant mêmepar la recon-

naissance de l'asile une ressource éventuelle en cas de revers de
for~une. Il est devenu un usage de révolution, comme il existe
des usages de guerre, faisant l'objet d'un accord implicite et
généralentre les Etats d'Amérique.
C'est à ce titre que l'exercice de l'asile est si fréquent et si large-
ment reconnu.
Or, vu isolément,l'asile d'un délinquant politique peut facilement
avoir l'aspect d'une atteinte à la souveraineté territoriale, et, pour
peu qu'il fasse échecà une poursuite judiciaire, celui d'une suspicion
envers la justice nationale et, en tout cas, une intervention dans les
affaires intérieures d'un Etat. Mais acceptépar les uns et les autres,
tant en qualité d'Etat territorial qu'en qualité d'Etat de refuge,
il perd ces aspects pour devenir une règle de conduite génér~.le et

impersonnelle.
Le fait que des abus ont pu se commettre dans l'exercice de
l'asile est absolument étranger et non pertinent à l'appréciation de
la nature de l'institution en tant que phénomène juridique. Aiissi
étranger et non pertinent est le fait que des gouvernements établis
et jouissant du respect et de la confiance de tous doivent leur
existence à des révolutions ou à l'exercice de l'asile. Ces mérites
ou abus peuvent affecter l'évolution de l'institution ou ses trans-
formations ou amener sa disparition. Ils demeurent, en tout cas,
sans influence sur la tâche de la Cour dans l'examen d'une applica-
tion individuelle de cette institution.
D'autre part, on peut bien admettre qu'un certain nombre de
cas, qui ne seraient pas des cas réguliers d'asile, ont pu se mêler

avec la pratique déjàsignaléeet qui est reconnue comme une rèyle
de conduite générale.Ce sont, par exemple, les cas où, pour des
raisons d'opportunité polifique, des sauf-conduits auraient été
accordés à des asilésque 1'Etat territorial considère comme délin-
quants de droit commun, mais n'entend pas élever de conflit à DISSENTING OPINION BY JCDGE BADAWI PASHA 312

It is this possibility of exceptional measures which characterizes
periods of revolution and which makes it always possible to speak
of the danger of legal proceedings, in so far as it involves a
further danger, namely proceedings before a political tribunal.
Obviously the danger of legal proceedings for a political offence
is not in principle sufficient to justify the grant of asylum tothe
person threatened.
Rut asylum as practised in America has been indissolubly bound
to the conception of revolution. On the one hand, it provided the
social and political usefulness referred to above, and on the other

hand, it found a general justification in the possibility of exceptional
measures.
In this very special environment, asylum assumed the aspect of
a regional or continental institution, approved by the governmerits
in power, those which triumphed over a conspiracy as me11as those
which had triumphed as a result of a conspiracy ;and by their
recognition of asylum both types of government considered it as a
possible resort in the event of a reversa1 of fortune. Just as there
esist usages of war, so a usage of revolution has arisen, which
became the object of implicit and general agreement between the
American States.

It is as such that the exercise of asylum is so frequently and
widely recognized.
Viewed as an isolated phenomenon, the asylum of a political
offender rnay easily acquire the aspect of an encroachment on
territorial sovereignty, and, as far as it is an obstacle to legal
proceedings, it rnay appear as a suspicion of the national justice
and, in any case, as an interference in the domestic affairs of a
State. However, when it is accepted by al1States, both in the rôle
of the territorial State and the State of refuge, it loses al1 such
aspects and becomes a general and impersonal rule of conduct.

The fact that abuses rnay have arisen in the exercise of asylum
is absolutely alien and irrelekant to the appreciation of that
institution as a juridical phenomenon. Just as alien and irrelevant
is the fact that established governments, enjoying general respect
and confidence, owe their existence to revolutions or to the exer-
cise of asylum. Such merits or abuses rnay influence the evo-
lution of the institution or its transformation, or bring about
its extinction. They remain, however, irrelevant to the task of
the Court when considering an individual application of that
institution.

On the other hand, it rnay readily be agreed that a number of
cases which are not regular cases of asylum have intruded on the
practice already referred to which is recognized as a general rule of
conduct. Such, for example, are cases where, for reasons of political
expediency, safe-conducts rnay have been granted to refugees whom
the territorial State regarded as common crimiilals, but in whose
case it did not choose to enter into a dispute. 1do not include in this

503I3 OPlNION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA
leur sujet. Je ne comprends pas dans ces cas ceux de personnes

qui, n'étant pas l'objet d'une accusation quelconque mais craignant
de l'être,cherchent asile, car c'est dans l'esprit de cette institution
d'étendre à ceux-là la protection de l'asile.
En dépit de ce mélange, la pratique de l'asile, en tant qu'usage

de révolution, reste un phénomène juridique susceptible de régle-
mentation, d'interprétation et d'application, aussi bien que les
usages de guerre. Le fait que les deux Parties ont eu recours à
la Cour pour trancher leur différend au sujet d'un cas d'asile en
est une preuve suffisante.

On peut donc conclure qu'en édictant que l'asile ne peut être
accordé que dans un cas d'urgence, la Convention de La Havane
de 1928 a voulu afixer les règles ))(préambule de la convention)
jusque-là appliquées. Ces règles tendent à ne pas admettre l'asile

en temps de paix et d'ordre et à l'accorder en temps de révolution
- ce que la convention, par euphémisme, appelle (cas d'urgence ».
Que l'octroi de l'asile dans ce cas puisse être interprété comme
impliquant une suspicion de la justice territoriale ou une inter-

vention dans les affaires intérieures d'un autre Etat serait exclu,
d'une manière certaine, parce qu'il s'agit là d'une situation parti-
culière, avec de larges possibilités de degénérer, par l'adoption
de mesures d'exception, et que tous les Etats dans leurs qualités
alternatives d'Etat de refuge et d'Etat territorial ont accepté

cette règle comme règle de conduite générale.
Dans l'espèce sous examen, le 3 janvier, la situation troublée
occasionnée par la révolution du 3 octobre durait encore. La
preuve en est que la Junte militaire jugeait nécessaire, à la veille

de cette date, de proclamer le renouvellement de l'état de siège
et, par conséquent, la possibilité de prendre des mesures excep-
tionnelles. L'asile a donc étérégulièrement accordéà Haya de la
Torre puisqu'il se trouvait dans un cas d'urgence, la situation
troublée résultant de la rébellion durait encore, et que le délit

à lui imputé est incontestablement un délit politique *.

En fait, la poursuite pourrébellion contre Haya de la Torre, en l'absence
de presque tous les responsablesqui ont étéautorisés par le Gouvernement du
Pérou à quitter le territoire,pouvait être quepartielle et fragmentaire. Cette
discrimination initialepar l'exécutif ne semble pas être une parfaite garantie
d'impartialité.
Le Gouvernement de jztre du Pérou a semblé surtout s'intére-seà enleverà
1'Apra ses ressources financièreet publicitaires(Voir dans le contre-mémoire,
dénonciation du ministre de l'Intérieur du Pérou du 5 octobre 1948.) A en
juger par le communiqué du 12 octobre, les poursuites passaient au second
ordre. Par contre, le Gouvernement de fait, une fois cette fin assurée,emblé
surtout s'intéressàrfrapperà la tête. (Voirles attitudes contemporainescontraires
de cc Gouvernement à l'égard de la Colombie et de l'Uruguay.) DISSENTIKG OPINION BY JUDGE BADAWI PASHA 313

category the case of persons against whom no charge has been made
but who, fearing that such a charge may arise, seek asylum ;for it

is in the spirit of the institution to grant to such persons the protec-
tion of asylum.
In spite of this intrusion, the practice of asylum as a usage of

revolution remains a juridical phenomenon which can be regulated,
interpreted and applied, just as the usages of war. The fact that the
Parties had recourse to the Court in order to solve a dispute on the
subject of asylum is sufficient proof thereof.

It may therefore be concluded that in enacting that asylum may

only be granted in urgent cases, the Havana Convention of 1928
was desirous of "fixing the rules" (preamble to the Convention)
which had been applied up to that time. These rules tend not to
admit asylum in times of peace and order, but to grant it in times

'< revolution, euphemistically described in the Convention as
urgent cases". To interpret asylum in such a case, as implying
suspicion of territorial justice or interference in the domestic affairs

of another State, is definitely out of the question because this is a
special situation, with ample possibilities of deterioration through
the adoption of exceptional measures, and because al1the States,
in their alternative capacity as State of refuge and territorial

State, have accepted this rule as a general rule of conduct.
In the case under consideration, the state of disturbance caused
by the revolution of October 3rd still persisted on January 3rd.
Proof of this may be found in the fact that, the day before, the

Military Junta considered it necessary to proclaim the renewal of
thestate of siege, thus implying the possibility of taking exceptional
measures. Asylum was thus regularly granted to Haya de la Torre

since this was a case of urgency, the state of disturbance caused by
the rebellion still persisted, and the offence with which he was
charged \vas unquestionably a political offence l.

In fact, the procccdiiigfor rebellion against 1-Iaya de la Torre, in the aùsencc
of almost al1 thosc rcsponsible,who had been authorized by tlie Government of
Peru to leave tlie country, coultl only be partial and fragmentary-. This initial
discrimination bv the Esccutive does not appcar to be a perfect guarantce of
impartiality.
The de jii1.Goverilment of l'cru secmcd specially desirous of depriving .\pra
of its financial and publicity resourccs. (Sc? in the Connter-IIernorial thc
(lenunciation of the Pcruviail llinister of the Intcrior of October ith, 194s.)
Judging by the communiqué of October rzth, the prosecution assumed sc,c«n-
dar?~ importance. 011 the othcr hailcl, the dejacto Govcrnmciit, iliis aim lia\-iiig
been achie~rctl, secincdto bc especially ansioiis to strilic at tlic Iieatl of tlie
Party. (See thc coiitr:iiiictoattitudes of tliis Govcrnrncntat that tiiric towards
Coloiiibiaand Griiguny.) 3I4 OPINJON DISSIDENTE DE BADAWI PACHA
Il est très significatià ce propos que la correspondance diplo-
matique entre la Colombie et le Pérou, qui a durétrois mois et qui
est censéerefléterles réactions directes des deux Parties et contenir

toutes les bases fondamentales de leurs positions respectives, ne
touche pas un seul instant à la question d'urgence : voir surtout
dans le mémoire, lettre du Pérou du 19 mars: VI, zme paragraphe;
VII, premier paragraphe ; IX et X, premier paragraphe, et lettre
du Pérou du 6 août: VI.
Si le Pérou estimait qu'en l'espèce il n'y avait pas un cas
d'urgence, il n'aurait pas manqué de s'en prévaloir et de se dis-
penser de cette longue controverse au sujet du terrorisme qui,
visiblement, n'avait aucune chance de convaincre la Colombie
pour les simples raisons que, ni en fait ni en droit, elle ne pouvait

êtreconvaincante, et que les délits soi-disant terroristes n'avaient
pas fait l'objet d'une accusation antérieure à l'asile.
Ce n'est que depuis le contre-mémoire qu'on a cherché à relever
l'absence d'un cas d'urgence dans l'espèce Haya de la Torre, sans
toutefois donner à cette défense au début l'importance qu'on lui
avait donnée ultérieurement. C'est surtout dans la réplique orale
finale que cette absence d'urgence devient le motif et le fondement
essentiel de la demande reconventionnelle. On n'explique pas, et
pour une raison évidente, pourquoi, si elle est si décisive et non
controversée comme le terrorisme, elle n'a pas étéinvoquée en
premier lieu et au cours de la correspondance diplomatique.

Dans cette correspondance, la Colombie, se retranchant derrière
sa doctrine de qualification unilatérale et définitive, se défendait
de discuter les affaires intérieuresdu Pérou,ce que celui-ci, curieuse-
ment, l'invitait à faire. Cette attitude de la Colombie s'explique
cependant facilement par son désir d'éviter d'êtreentraînée dans
la discussion de la responsabilité de Haya de la Torre et du caractère
terroriste des crimes commis au cours des événementsdu 3 octobre,
lesquels, aux yeux du Pérou, devaient transformer les crimes dont
Haya de la Torre était accuséen crimes de droit commun et ainsi

rendre son asile sans objet.

Vu la conclusion qui précède,tout examen de la durée de l'asile
me paraît tout à fait superflu, d'autant plus qu'en fait le prolon-
gement de l'asile est entièrement dû à la correspondance diplo-
matique. Cette correspondance constitue la négociation entre deux
Etats au sujet d'un différendqui les divise. C'est cette négociation DISSENTING OPINION BY JUDGE BADATVI PASHA 3I4
It is very significant in this connexion that the diplomatic
correspondence between Colombia and Peru, which lasted three
months, and which purported to reflect the direct reactions of the

two Parties and to contain the fundamental bases of their respective
attitudes, does not for a single moment touch on the question of
urgency; see especially in the memorial, the letter of Peru of
March 19th : VI, second paragraph; VII, first paragraph; IX, X,
first paragraph, and Peru's letter of August 6th : VI.
If Peru considered that there was no urgency in this case, she
~vouldnot have failed to rely on this argument and to avoicl this
long controversy concerning terrorism, which apparently had no
chance of convincing Colombia for the simple reason that it had no
foundation in fact or in law, and that the so-called terrorist crimes
had not given rise to any accusation prior to the grant of asylum.

It was only after the presentation of the Counter-Memorial that

an attempt was made to argue urgency in the case of Haya de la
Torre, without, however, attributing to this argument, at the
beginning, the importance which it subsequently acquired. It was
especially in the final oralreply that this absence of urgency became
the essential basis and grounds of thecounter-claim. No explanation
has been given-and for an obvious reason-to show why this
argument, if it is so decisive and so much less controversial than
that of terrorism, has not been invoked at the very outset in the
diplomatic correspondence.
In that correspondence, Colombia, relying on her doctrine of
unilateral and definitive qualification, refrained fromany discussion
of thedomestic affairs of Peru,although the latter, curiously enough,
had invited Colombia to participate in such a discussion. This
attitude on the part of Colombia may easily be explained by a

desire to avoid being drawn into a discussion of the responsibility
of Haya de la Torre and the terroristic aspect of the crimes com-
mitted in the course of the events of October 3rd, which, in the
view of Peru, were to transform the offences with which Haya de la
Torre was charged into common crimes and thus render his
asylum pointles<

In view of the foregoing conclusion, any consideration of the
duration of asylum seems to me completely superfluous, especially
since the prolongation of asylum is, in fact, entirely due to the

diplomatic correspondence. This correspondence constitutes the
negotiations between two States concerning a dispute which has3I5 OPINION DISSIDENTE DE Br\DATVI PACHA

qui a amené l'Acte de Lima en vertu duquel le différend a pu
être soumis à la Cour.

Or, on ne saurait contester à la Colombie la faculté de soutenir,
par voie de négociation, un droit qu'elle croit lui appartenir ni

celle de maintenir l'asile pendant ladite négociation.

(Signé) RADAWIPACHA. DISSENTIKG OPINION BY JUDGE RADATVI PASHA 3I5

arisen between them. It was these negotiations which led to the
;Ict of Lima, by virtue of which the dispute was submitted to the
Court.
It is impossible to deny that Colombia is entitled to maintain,
by means of negotiations, what she considers to be her right or to

deny that she is entitled to continue the asylum throughout such
negotiations.

(Signed) BADAWIPASHA.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Badawi Pacha

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