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128-20031219-ORA-01-01-BI
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CR 2003/29 (traduction)
CR 2003/29 (translation)
Vendredi 19 décembre 2003 à 15 heures
Friday 19 December 2003 at 3 p.m.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. La Cour se réunit cet après-midi pour entendre le
deuxième tour de plaidoiries des Etats-Unis d’Amérique, qui prendront la parole pendant
deux heures. Je commence donc par donner la parole à M. Taft, agent des Etats-Unis d’Amérique.
M. TAFT : Je vous remercie, Monsieur le président.
I. INTRODUCTION
1.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, éminents conseils. Les
Etats-Unis concluront cet après-midi leurs plaidoiries. Notre approche dans cette affaire demeure
aujourd’hui, dans ses grandes lignes, ce qu’elle a toujours été. La Cour devrait en l’espèce s’en
tenir à la décision qu’elle a rendue dans l’affaire LaGrand. Le Mexique ne peut se fonder sur cette
décision pour demander, ni même envisager, des résultats comme ceux qu’il énonce dans ses
conclusions, pas même dans leur version actuelle, revue et édulcorée. Le remède défini par la Cour
dans l’affaire LaGrand, à savoir le réexamen et la revision du verdict de culpabilité et de la peine,
en tenant compte d’une éventuelle violation de l’article 36, par des moyens choisis par l’Etat de
résidence, est un remède souple et efficace. La Cour ne devrait pas, en l’espèce, aller plus loin
qu’elle ne l’avait fait dans ladite affaire.
1.2. Monsieur le président, les Etats-Unis, conformément à l’Instruction de procédure VI, ont
limité leur réplique orale aux questions qu’ils considèrent comme essentielles à ce stade de la
procédure. A tous les égards, cependant, je souhaite réitérer les déclarations que nous avons faites
mardi au nom des Etats-Unis, ainsi que dans notre contre-mémoire. Cet après-midi, nos
intervenants seront, dans l’ordre, Mme Brown, M. Philbin, puis quelqu’un que nous nous
réjouissons tous de revoir, je veux parler de M. Thessin, et enfin Mme Zoller et M. Weigend. Je
prendrai moi-même la parole en dernier. Pour ne pas faire perdre du temps à la Cour, je propose de
commencer de suite et vous prie, Monsieur le président, d’appeler Mme Brown à la barre. Je vous
remercie infiniment.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Taft. Je donne maintenant la parole à
Mme Catherine Brown.
- 2 -
Mme BROWN : Je vous remercie, Monsieur le président.
II. L’INTERPRETATION QU’IL CONVIENT DE DONNER AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE 36
2.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, éminents conseils, c’est pour
moi un honneur que de pouvoir vous parler encore aujourd’hui de l’interprétation qu’il convient de
donner au paragraphe 1 de l’article 36 de la convention de Vienne. Ce faisant, j’examinerai
également la première, la deuxième et la huitième conclusion du Mexique, en commençant par la
deuxième puisqu’elle touche directement à l’interprétation de l’expression «sans retard».
2.2. Hier, M. Dupuy nous a rappelé que le droit interne ne pouvait justifier le non-respect
d’obligations internationales1
. Mais il importe de rappeler que cela ne répond pas à la question
fondamentale que nous avons soulevée, à savoir que le Mexique demande à la Cour de réécrire le
paragraphe 1 de l’article 36 et d’attribuer à l’expression «sans retard» un sens qu’il n’a jamais été
prévu de lui donner. Le sens véritable du paragraphe 1 de l’article 36 doit être déduit du texte
même de la disposition, lue à la lumière de son contexte, de son but et son objet. Et, en application
du droit international coutumier comme du paragraphe 3 de l’article 31 de la convention de Vienne
sur le droit des traités, il faut également tenir compte de la pratique des Etats. Or, si l’on en croit
les observations faites par M. l’ambassadeur Gómez-Robledo hier, une telle analyse devrait aboutir
en l’espèce à la conclusion que la pratique est conforme aux obligations auxquelles les
Etats-Unis ¾ et tous les autres Etats parties à la convention de Vienne ¾ ont volontairement
adhéré lorsqu’ils ont signé cette convention.
2.3. Or, hier, M. Donovan a reconnu que le libellé du paragraphe 1 de l’article 36 ne faisait
aucune mention des interrogatoires, qu’il n’exigeait pas qu’un fonctionnaire consulaire puisse se
rendre «sans retard» auprès de la personne détenue, et qu’il ne créait pas un droit à l’assistance
consulaire2
. Ces concessions importantes confortent notre position selon laquelle une violation du
paragraphe 1 de l’article 36 ne porte pas atteinte aux droits qui sont au cœur de la procédure pénale;
et que l’obligation, énoncée à l’alinéa b), d’informer sans retard l’intéressé de ses droits et de
notifier sans retard sa situation au consulat ne peut être interprétée au sens où les autorités devraient

1
CR 2003/28, par. 153-154.
2
CR 2003/28, par. 89, 91 (Donovan).
- 3 -
permettre la communication entre le consulat et le ressortissant étranger placé en détention avant
que celui-ci ne soit interrogé, ou au sens où une enquête pénale devrait être interrompue le temps
que la procédure de notification consulaire soit achevée.
2.4. M. Donovan a donc cherché à s’appuyer sur le but et l’objet de l’article 363
. A cet
égard, il a donné une description quelque peu déformée de notre position. Nous reconnaissons bien
sûr que l’un des buts de l’article 36 est de faciliter l’exercice des fonctions consulaires au profit de
toute personne placée en détention à la suite d’une arrestation pour infraction pénale, ce qui inclut
le fait de l’aider à obtenir une représentation en justice, et qu’il peut incontestablement être
applicable dans le cas de poursuites judiciaires au pénal, comme la Cour l’a relevé dans l’arrêt
LaGrand4
.
2.5. Mais les poursuites et l’enquête sont deux choses distinctes, et M. Donovan n’est pas
parvenu à réfuter notre démonstration selon laquelle le but de l’article 36 n’est pas de permettre au
fonctionnaire consulaire de s’immiscer dans l’enquête pénale. Ce n’est pas de permettre au
fonctionnaire consulaire de participer à l’interrogatoire, ne serait-ce qu’en qualité de témoin.
M. Donovan n’a pas davantage contesté que le but de l’article 36 n’était pas de permettre au
fonctionnaire consulaire de faire fonction d’avocat ni de conseiller le ressortissant étranger sur les
conséquences juridiques de ses actes ni de jouer de quelque autre façon le rôle de l’avocat. Et pour
être clairs, précisons qu’aux Etats-Unis, les fonctionnaires consulaires ne sont pas autorisés à servir
d’avocat.
2.6. De même, nous n’avons entendu hier aucun argument contredisant notre démonstration
selon laquelle les travaux préparatoires n’étayent en rien la position du Mexique. S’agissant de la
pratique des Etats, personne n’a démontré hier, ni d’ailleurs lundi, que nous avions tort d’affirmer
que la manière dont le Mexique lui-même applique le paragraphe 1 de l’article 36 dans le cadre des
interrogatoires et des enquêtes allait à l’encontre de l’interprétation qu’il donne ici de cette
disposition. Personne n’a non plus réfuté les conclusions de notre étude sur la pratique des Etats,
qui démontre que la pratique des autres Etats ne confirme pas davantage l’interprétation du
Mexique. Au lieu de cela, M. Donovan s’est efforcé une fois de plus, comme il l’avait déjà fait

3
Ibid., par. 84.
4
LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, par. 91.
- 4 -
lundi, de minimiser l’importance de la pratique des Etats, et il s’est mis à jongler avec des chiffres
pour jeter le doute sur nos preuves, pourtant suffisantes, selon lesquelles cette pratique contredit
absolument la position du Mexique5
.
2.7. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, on ne saurait nier «qu’il sera
tenu compte», pour citer la convention de Vienne sur le droit des traités, de la pratique ultérieure
des Etats, même si le Mexique affirme que ce n’est pas là «un élément nécessaire de
l’interprétation des traités». Le Mexique cite à cet égard le critère de M. Sinclair selon lequel cette
pratique doit être «concordante, commune et cohérente»6
. Mais cela ne signifie évidemment pas
qu’elle doive être uniforme, ou vérifiée dans 100 % des cas, ce qui semble être le critère que le
Mexique voudrait imposer aux Etats-Unis7
. En tout état de cause, en invoquant ce critère, le
Mexique ne fait que conforter notre position, parce que nous avons clairement démontré que la
pratique des Etats ne reflétait aucunement l’interprétation singulière que le Mexique donne de
l’expression «sans retard». Le Mexique, à l’inverse, n’a pas du tout démontré l’existence d’une
pratique — à fortiori concordante, commune et cohérente — qui confirmerait son interprétation.
En outre, le fait que la pratique des Etats-Unis et celle du Mexique soient, à cet égard, identiques,
devrait être déterminant aux fins de l’espèce.
2.8. Permettez-moi de récapituler brièvement. Notre étude de la pratique des Etats nous
montre qu’à l’heure actuelle, les Etats ne comprennent pas l’article 36 au sens où il exigerait que
les obligations en matière d’information et de notification consulaires et de communication entre
consulats et détenus soient remplies avant l’interrogatoire ou les autres étapes d’une enquête
pénale. Par conséquent, l’article 36 n’a pu être compris en ce sens en 1963. Il est en réalité
inconcevable qu’il ait pu être compris de cette manière. A l’époque, la législation interne d’un
certain nombre de pays autorisait ¾ et continue d’ailleurs d’autoriser ¾ une période de détention

5 CR 2003/28, par. 93, 98.
6
CR 2003/24, par. 200 (Donovan) (citant Ian Sinclair, The Vienna Convention on the Law of Treaties, 1984,
2
e
éd., p. 137).
7
Voir ibid.
- 5 -
au secret aux fins de l’enquête8
. De plus, ceux qui négocièrent la convention étaient parfaitement
conscients du fait que la notification consulaire ne pouvait être donnée immédiatement dans tous
les cas, et ils étaient disposés à tenir compte de cette réalité9
. En outre, la notification à l’époque
pouvait être faite par courrier ou par une note diplomatique, et telle est toujours la pratique dans
certains cas. Ainsi, on ne pouvait s’attendre à ce qu’elle fût donnée avant l’interrogatoire ou que
l’interrogatoire et les autres étapes fussent suspendus pendant les jours ou les semaines que le
fonctionnaire consulaire aurait mis à venir.
2.9. Dans sa deuxième conclusion, le Mexique propose que la Cour dise
«qu’une notification des droits consulaires [doit avoir] lieu et qu’une possibilité
raisonnable d’accès aux autorités consulaires [doit être] donnée avant que les autorités
compétentes de l’Etat de résidence ne prennent aucune mesure susceptible de porter
atteinte aux droits des ressortissants étrangers».
Si l’on interprète l’article 36 dans son contexte, à la lumière de son but et de son objet, et en tenant
compte de la pratique pertinente des Etats, la seule conclusion qui s’impose raisonnablement est
qu’aucun Etat n’a compris le paragraphe 1 de l’article 36 dans ce sens : on ne saurait donc lui
donner ce sens aujourd’hui.
2.10. Par conséquent, la deuxième conclusion du Mexique doit être rejetée. Elle demande à
la Cour d’accomplir une tâche ¾ réécrire complètement le traité ¾ dont la Cour a dit précisément
qu’elle n’était pas de son ressort. La règle proposée dans cette conclusion ne trouve aucun
fondement dans l’article 36 et ne pourrait servir qu’à semer la confusion et produire des résultats
absurdes.
2.11. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, pour être clairs sur ce point, il
convient de souligner que si le paragraphe 1 de l’article 36 avait été écrit dans le sens où le
Mexique l’entend, les Etats parties ne l’auraient pas accepté. En particulier, les Etats-Unis
n’auraient pu ratifier la convention sans formuler une réserve importante. Sur le plan pratique, un
pays de la taille des Etats-Unis, avec une population variée comme la leur, n’aurait jamais accepté

8
«M. Matine-Daftary dit … [qu]’il faut tenir compte de ce fait que, selon les règles de procédure applicables dans
de nombreux pays, toute communication avec l’extérieur peut être interdite à l’accusé pendant un certain laps de temps
au cours de l’instruction. Durant cette période, le consul non plus ne saurait avoir d’entretien privé avec le détenu.»
(Annuaire de la Commission du droit international, «Comptes rendus analytiques de la douzième session», p. 51, par. 48,
Nations Unies, doc. A/CN.4/SER.A/1960.)
9
Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, Deuxième Commission, treizième session,
17e
séance, doc. A/Conf.25/6 (1963), p. 340.
- 6 -
une obligation qui aurait compromis la conduite ordinaire des enquêtes pénales et la sécurité
publique. Sur le plan juridique, de graves questions d’ordre constitutionnel auraient été soulevées
quant à la capacité de notre gouvernement fédéral de souscrire à un traité susceptible d’entraîner de
telles conséquences pour les systèmes de la justice pénale des différents Etats des Etats-Unis. Et
d’autres Etats parties ¾ en particulier ceux dotés d’un système fédéral ¾ auraient assurément eu la
même inquiétude. Les Etats-Unis n’auraient pas adhéré ¾ et si vous me permettez de citer encore
une fois M. l’ambassadeur Gómez-Robledo ¾ ils n’ont pas volontairement adhéré à des
obligations qui se rapprocheraient, même très vaguement, de celles que le Mexique demande à la
Cour de leur imposer et d’imposer, par voie de conséquence, à plus de cent soixante autres Etats
parties.
2.12. Monsieur le président, j’aborde à présent l’application du paragraphe 1 de l’article 36
aux circonstances de l’espèce, ainsi que la première conclusion du Mexique.
2.13. Premièrement, à titre préliminaire, nous confirmons notre position sur la charge de la
preuve. Selon la théorie du Mexique, l’article 36 est en quelque sorte une forme de disposition sur
la responsabilité objective. Toute violation d’un élément quelconque du paragraphe 1 de
l’article 36, de l’avis du Mexique, aboutit automatiquement à une violation des garanties
fondamentales d’une procédure régulière et nécessite la prescription de remèdes extrêmes dans le
système de justice pénale d’un Etat souverain. Cette théorie est erronée, du point de vue de la
causalité, et notre position à cet égard est claire. Toutefois, dans la mesure où le Mexique continue
néanmoins à insister sur ce point, la présente espèce ne saurait être régie par la charge de la preuve
applicable à une affaire mettant en jeu ce que le Mexique a appelé hier les principes ordinaires en
matière de responsabilité des Etats. Le Mexique ne saurait espérer bénéficier d’une charge de la
preuve ordinaire et faire valoir en même temps qu’une violation, une fois établie, comporte
automatiquement de telles graves conséquences extraordinaires et graves pour la souveraineté. Un
critère plus strict, comme celui qui a été adopté dans l’affaire du Détroit de Corfou, est
manifestement plus approprié10
.

10 Détroit de Corfou, fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 17-18.
- 7 -
2.14. Nous confirmons aussi notre position sur les éléments de preuve servant à démontrer
les violations du paragraphe 1 de l’article 36. A cet égard, le Mexique continue à adopter une
attitude cavalière sur des questions importantes, ce qui devrait faire hésiter la Cour. Dans sa
première conclusion, il demande à la Cour de dire que, «en arrêtant, détenant, jugeant, déclarant
coupables et condamnant à mort» tous les cinquante-deux ressortissants mexicains, les Etats-Unis
ont violé les trois alinéas du paragraphe 1 de l’article 36. Nous avons expliqué dans notre
contre-mémoire les raisons pour lesquelles la Cour n’a pas compétence pour examiner
«l’arrestation, la détention, le jugement, la déclaration de culpabilité et la peine» dont a fait l’objet
l’un quelconque des ressortissants mexicains. Le paragraphe 1 de l’article 36 ne prescrit aucune
obligation concernant ces étapes fondamentales de la procédure pénale. Nous avions pensé que le
Mexique avait reconnu ce point lundi. Or, même si le Mexique avait tout simplement, dans sa
deuxième conclusion, demandé à la Cour de dire que les prescriptions du paragraphe 1 de
l’article 36 n’ont pas été respectées dans tous les cinquante-deux cas, la Cour ne pourrait se
prononcer de la sorte que si elle constate tous les éléments nécessaires pour établir la violation de
chaque alinéa dans chacun des cas. Et la Cour ne peut procéder de la sorte.
2.15. Par exemple, sur la question de la citoyenneté : dans le cas de l’accusé no
2, M. Ayala,
nous sommes quasiment certains que l’intéressé est citoyen des Etats-Unis. Nous aurions pu
affirmer cela en toute certitude si le Mexique avait produit les renseignements relatifs à sa mère que
seuls le Mexique ou M. Ayala détient. A la différence de ce qui s’est passé dans l’affaire LaGrand,
où l’Allemagne, avant de saisir la Cour, avait pris soin de vérifier auprès des autorités américaines
compétentes que les frères LaGrand n’étaient pas citoyens des Etats-unis, le Mexique n’a pas pris
cette précaution en l’espèce, à l’égard des cas de citoyenneté américaine éventuelle, ce qui laisse
planer le doute sur une question centrale pour la Cour.
2.16. Par ailleurs, le Mexique omet d’assumer la responsabilité qui lui incombe de démontrer
si les fonctionnaires ayant procédé à l’arrestation ou à la détention savaient en fait que la personne
qu’ils avaient arrêtée n’était pas un ressortissant des Etats-Unis, mais un citoyen mexicain, et à quel
moment ces fonctionnaires en ont eu connaissance. Nous avons montré dans notre contre-mémoire
et mardi que les fonctionnaires procédant à l’arrestation ne peuvent pas déterminer aisément la
nationalité d’un individu si celui-ci ne communique pas cette information de manière précise. Il ne
- 8 -
suffit pas de se présenter devant la Cour, comme l’a fait hier Mme Babcock, et de dire que les
Etats-Unis, en donnant un simple coup de fil, peuvent déterminer sans peine ce que savaient les
fonctionnaires ayant procédé à l’arrestation. En particulier, un simple coup de fil ne peut suffire
dans un cas où le Mexique avait connaissance depuis des années de la question et s’était néanmoins
abstenu de la soulever auprès des Etats-Unis. Au fil du temps, les dossiers se perdent, les souvenirs
s’estompent et les fonctionnaires de police changent de fonctions. Le fait que le Mexique n’a pas
soulevé ces affaires auprès de nous en temps utile a porté atteinte à notre capacité à enquêter sur
celles-ci. Nous avons néanmoins pu recenser de nombreux cas où il apparaît que les fonctionnaires
ayant procédé à l’arrestation ignoraient qu’ils avaient arrêté un ressortissant mexicain, souvent
parce que l’individu avait menti sur son lieu de naissance ou donné d’autres informations indiquant
qu’il était ressortissant des Etats-Unis. Il est évident, dans ces conditions, que la responsabilité doit
être imputée au Mexique et non aux Etats-Unis.
2.17. S’agissant de la question des violations des alinéas a) et c), le Mexique a semé une
confusion totale hier en soulevant le point de savoir si les violations de l’alinéa b) auraient pu
causer des préjudices à l’individu. J’ai expliqué mardi que, en l’affaire LaGrand, la Cour a
expressément conclu qu’une violation de l’alinéa b) n’impliquait pas nécessairement celle des
alinéas a) et c). La Cour a aussi précisé en l’affaire LaGrand que, même dans des cas de violation
des alinéas a) et c), le point de savoir si l’individu a subi ou non un préjudice relativement à la
déclaration de culpabilité et à la peine prononcées contre lui est une question entièrement distincte.
Mme Babcock a embrouillé cette question hier. Elle a affirmé à tort que l’affaire LaGrand a eu
pour effet d’exonérer l’Allemagne, et à présent le Mexique, de toute obligation de démontrer de
façon particulière un lien de causalité et un préjudice eu égard à l’individu concerné une fois la
violation de l’alinéa b) établie. Or, en fait, l’affaire LaGrand n’a pas eu cet effet.
2.18. Nous n’avons pas entendu le même argument de nouveau hier, mais, lundi, le Mexique
a aussi tenté de fonder sa position à cet égard sur l’avis consultatif OC-16 de la Cour
interaméricaine des droits de l’homme. Mais la Cour se rappellera que ladite décision avait été
portée à sa connaissance lors de son examen de l’affaire LaGrand; et il ne faut pas attacher
davantage de poids à cette décision en l’espèce que cela n’avait été le cas dans l’affaire LaGrand.
Lorsque la Cour a prescrit le remède du réexamen et de la revision, qui permet d’examiner la
- 9 -
question du préjudice sur une base individuelle, elle a rejeté la proposition de l’avis consultatif
selon laquelle une violation de l’alinéa b) aboutit nécessairement à annuler une déclaration de
culpabilité et une peine. Ainsi, dans la mesure où l’argumentation de Mme Babcock avait pour
prémisse un point de vue juridique selon lequel il faut présumer un préjudice de toute violation de
l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36, à moins que les Etats-Unis ne prouvent le contraire, elle
avait tort; et dans la mesure où elle affirmait qu’il y avait préjudice en fait à l’égard des individus et
à propos des déclarations de culpabilité et des peines prononcées contre eux, elle formulait un
recours qui devrait être adressé non pas à la Cour, mais aux autorités compétentes des Etats-Unis
chargées du réexamen et de la revision.
2.19. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, résumons, en ce qui concerne
l’application du paragraphe 1 de l’article 36 aux cinquante-deux cas : compte tenu des éléments de
preuve et de la charge de la preuve, la Cour ne peut pas conclure à la violation des alinéas a), b)
et c) du paragraphe 1 de l’article 36 dans chacun des cinquante-deux cas, comme le Mexique le
demande. Tout au plus, pour trancher la question du paragraphe 1 de l’article 36, il faudrait qu’elle
examine séparément chaque cas. De notre point de vue, toutefois, il n’y a pas lieu pour la Cour
d’entreprendre pareille tâche. La raison en est qu’il peut être remédié efficacement à chaque
violation du paragraphe 1 de l’article 36 tant qu’il existe un mécanisme de réexamen et de revision
de toute déclaration de culpabilité en tenant compte de la violation commise. Et il en existe un
dans les procédures judiciaires et les procédures de recours en grâce des Etats-Unis.
2.20. Enfin, je voudrais traiter de l’argument du Mexique concernant les violations
systématiques du paragraphe 1 de l’article 36 et de la huitième conclusion du Mexique. Hier,
Mme Babcock a de nouveau affirmé que le Mexique avait étayé l’argument des violations
systématiques du paragraphe 1 de l’article 36 en apportant la preuve de cent deux nouvelles
violations11 ¾ pour reprendre un terme qu’elle a employé. Cette affirmation est tout simplement
erronée. Aucune de ces cent deux violations alléguées n’a été prouvée; nous avons démontré que,
dans nombre de ces affaires, aucune violation de l’alinéa b) n’aurait pu avoir lieu parce que
l’individu concerné était citoyen des Etats-Unis, n’avait pas révélé sa nationalité ou en fait avait

11 CR 2003/28, par. 38-40.
- 10 -
reçu l’information consulaire. Nous n’avons admis aucune des violations alléguées de l’alinéa b)
parce que nous n’avons pas été pleinement en mesure d’enquêter sur ces affaires et de régler les
questions pertinentes ¾ y compris celles ayant trait à la nationalité12
.
2.21. De surcroît, il est évident qu’il n’y a eu violation des alinéas a) ou c) dans aucune de
ces cent deux affaires. Ce qui démontre de manière évidente que les efforts déployés par les
Etats-Unis pour mieux se conformer aux prescriptions du paragraphe 1 de l’article 36 et faire
mieux prendre conscience de l’importance qu’il y a de respecter ces prescriptions sont en train de
porter leurs fruits. Les fonctionnaires consulaires mexicains sont informés des arrestations plus
fréquemment et plus rapidement après la mise en détention de ressortissants mexicains, et ils sont
allés jusqu’à nous dire qu’ils crouleront bientôt sous le nombre des notifications qu’ils reçoivent.
On se rappelle que le Mexique a, en cette enceinte, affirmé qu’il avait «souvent réussi» ces
dernières années à convaincre l’accusation de renoncer à requérir la peine de mort13; une telle
réussite serait impossible, il va sans dire, si les Etats-Unis ne «s’acquittaient pas dans une large
mesure» des obligations leur incombant en matière d’information et de notification. En fait, nous
avons coopéré de manière extraordinaire avec le Mexique lui-même pour mieux nous acquitter de
nos obligations, en particulier dans les zones géographiques les plus proches de la frontière entre
les Etats-Unis et le Mexique, qui constituent une source de préoccupation très grave pour le
Mexique. Les Etats-Unis agissent indéniablement de bonne foi.
2.22. Les membres de la Cour ont entre les mains la déclaration de notre secrétaire d’Etat
adjoint aux affaires consulaires, où il donne les assurances de l’engagement continu des Etats-Unis
à s’acquitter toujours mieux des obligations leur incombant en vertu du paragraphe 1 de
l’article 36. Toutefois, comme la Cour l’a reconnu en l’affaire LaGrand, et comme l’avaient
reconnu les négociateurs eux-mêmes de la convention, l’article 36 établit une obligation qu’il est
impossible de respecter à la perfection. A cet égard, il convient que la Cour tienne particulièrement
compte du fait que le Mexique avait eu connaissance, dès 198314 et 198615, de cas de Mexicains

12 CMEU, annexe 1, p. A.33.
13 CR 2003/24, par. 135 (M. Uribe); CR 2003/28, par. 64 (Babcock).
14 M. Caballero Hernandez (cas no
45).
15 M. Tristan Montoya, p. A.7.
- 11 -
condamnés à mort qui, apparemment, n’avaient pas été informés de leurs droits en vertu de
l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36. Pourtant, il a omis de porter ces cas à l’attention des
autorités américaines jusqu’en 199616. Si le Mexique avait agi rapidement pour appeler notre
attention sur ces cas, au lieu d’attendre treize ans, les Etats-Unis auraient pu redoubler d’efforts
pour s’acquitter de leurs obligations dès le milieu des années quatre-vingt, plutôt que celui des
années quatre-vingt-dix. Nous sommes confiants que, lorsque la Cour examinera notre déclaration
sur cette question, elle conclura que les accusations de violations systématiques alléguées par le
Mexique ou que la huitième conclusion de celui-ci au sujet du paragraphe 1 de l’article 36 sont
dénuées de fondement.
2.23. Monsieur le président, ceci met fin à mon exposé. Je vous remercie du temps et de
l’attention que vous avez bien voulu m’accorder et je vous demande de bien vouloir appeler à la
barre M. Philbin.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Madame Brown. Je donne maintenant la parole à
M. Philbin.
M. PHILBIN :
III. LA PROCEDURE JUDICIAIRE AUX ETATS-UNIS PERMET LE REEXAMEN ET LA REVISION
CONFORMEMENT A L’ARRET LAGRAND
3.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, il m’échet d’examiner
l’obligation de réexamen et de revision telle qu’énoncée dans l’arrêt que la Cour a rendu dans
l’affaire LaGrand, et de répondre aux griefs mal fondés du Mexique selon lesquels les Etats-Unis
ne permettraient pas le réexamen et la revision dans leurs procédures judiciaires.
3.2. Dans son mémoire, et dans les exposés qu’il a faits cette semaine devant la Cour, le
Mexique a prétendu que les recours judiciaires aux Etats-Unis ne pouvaient pas permettre le
réexamen et la revision prescrits par le précédent LaGrand. Selon lui, le réexamen judiciaire aux
Etats-Unis est inefficace parce que les juridictions n’accorderont pas de remède pour une demande,
même soulevée en temps utile, dès lors qu’elle sera qualifiée de demande en réparation au titre de

16 Voir CMEU, annexe 1, p. A.8.
- 12 -
la convention de Vienne en tant que telle. De même, le Mexique soutient que la doctrine de la
carence procédurale empêchera souvent les juridictions saisies du recours d’accorder réparation
pour une demande fondée sur la convention de Vienne ¾ là encore, dès lors que celle-ci sera
présentée comme telle ¾ si cette demande n’a pas été soulevée préalablement en première
instance. Peu importe, d’après le Mexique, que les juridictions américaines puissent pleinement
apprécier, sous une qualification juridique différente, tout préjudice substantiel que l’accusé pourra
faire valoir comme résultant de la violation de l’article 36 ¾ par exemple, l’impossibilité d’assurer
une assistance consulaire avant que l’intéressé ne fasse des aveux.
3.3. Ainsi que M. Donovan l’a souligné hier, pour le Mexique, l’important n’est pas
l’analyse de fond que les juridictions des Etats-Unis opèrent en réalisant le réexamen et la revision.
Il ne suffit pas d’examiner si une quelconque garantie essentielle à un procès équitable ¾ comme
la protection du droit de garder le silence ¾ a été violée. Tout ce qui importe, c’est plutôt la
qualification que retiennent les juridictions. Si une juridiction américaine ne qualifie pas son
examen de réexamen au titre de la convention de Vienne, tout ce qu’elle pourra faire par ailleurs
n’aura aucune pertinence et sera par définition inapproprié.
3.4. J’expliquerai pourquoi ces thèses sont erronées et pourquoi les postulats fondamentaux
sous-tendant les prétentions du Mexique contredisent l’approche prescrite par la Cour en l’affaire
LaGrand. Pour ce faire, je commencerai par examiner la véritable signification du «réexamen et
[de] la revision» au sens de l’arrêt LaGrand ¾ c’est-à-dire, en quoi doivent consister le réexamen
et la revision au vu de la décision rendue par la Cour en cette affaire. Ensuite, je montrerai
comment le réexamen judiciaire aux Etats-Unis répond aux critères formulés par la Cour.
A. Le réexamen et la revision au sens de l’arrêt LaGrand
3.5. Le point de départ de notre analyse est l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire LaGrand.
Au paragraphe 125 de cet arrêt, la Cour a déclaré que, dans les cas où le paragraphe 1 de
l’article 36 aura été violé et où l’accusé aura été reconnu coupable et condamné à des peines
sévères, les Etats-Unis devront «permettre le réexamen et la revision du verdict de culpabilité et de
la peine en tenant compte de la violation des droits prévus par la convention»17. Dans cette partie

17 LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, par. 125.
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de son arrêt LaGrand, la Cour a clairement exigé une procédure. Cela veut dire que le remède
envisagé par la Cour consistait nécessairement en un mécanisme d’examen individualisé du verdict
de culpabilité et de la peine permettant de déterminer si la violation de l’article 36 avait eu une
quelconque incidence sur l’équité fondamentale de la procédure et si cette incidence pouvait fonder
une modification du verdict et de la peine.
3.6. La Cour n’a pas présumé par là que toute violation de l’article 36 aurait inévitablement
un effet sur le verdict de culpabilité et la peine qui appellerait d’une manière ou d’une autre
réparation. Au contraire, elle a visiblement présumé que tel pourrait fort bien ne pas être le cas.
L’essentiel est simplement d’examiner le verdict de culpabilité et la peine à la lumière de la
violation pour voir si, dans les circonstances propres à l’affaire concernée, la violation de
l’article 36 a eu la moindre conséquence ¾ la moindre incidence ¾ portant atteinte à l’équité
fondamentale du procès, et pour déterminer les mesures éventuellement nécessaires à l’égard du
verdict de culpabilité et de la peine. Si la violation n’a pas porté d’une façon ou d’une autre
préjudice à l’accusé, alors il n’y a assurément aucune autre mesure à prendre au sein du système de
justice pénale.
3.7. Ce qui ressort ici, c’est qu’en formulant le remède en l’affaire LaGrand, la Cour
reconnaissait que l’information et la notification consulaires prévues à l’article 36 ne constituaient
pas en elles-mêmes des conditions essentielles à une procédure régulière. La Cour n’a pas formulé
un remède fondé sur le postulat qu’une violation de l’article 36 devait nécessairement, en soi,
porter atteinte à une condition essentielle d’une procédure régulière. Et cela est parfaitement
logique. Comme nous l’avons fait observer l’autre jour, il serait réellement difficile de traiter ainsi
l’information et la notification consulaires. Après tout, même si l’information consulaire est
fournie à un ressortissant étranger détenu et que, à la demande de celui-ci, son consulat est ensuite
avisé de sa mise en détention, ces mesures peuvent très bien ne donner lieu à aucune suite. Il est
parfaitement loisible à l’Etat d’envoi de ne pas répondre à la demande d’assistance, avec ou sans
motif. Et la décision d’un fonctionnaire consulaire particulier de ne pas répondre dans un cas
donné ne peut certainement pas être qualifiée d’atteinte à un droit de l’accusé.
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3.8. Au contraire, l’arrêt LaGrand traduit nécessairement la reconnaissance que
l’information et la notification consulaires ne peuvent tout au plus qu’avoir un effet indirect sur les
garanties qui sont fondamentales pour la tenue d’un procès équitable. En d’autres termes,
l’information et la notification consulaires ¾ et l’assistance consulaire susceptible d’en
découler ¾ peuvent contribuer à faciliter l’exercice, par l’accusé, des droits qui sont les siens.
Mais l’information et la notification consulaires ne sont pas, en elles-mêmes, essentielles à un
procès équitable.
3.9. En fait, si on examine les griefs mexicains sur la manière dont le défaut d’information et
de notification consulaires a lésé les ressortissants mexicains, il apparaît qu’au fond toutes les
atteintes substantielles que le Mexique dénonce constituent des préjudices relevant d’une autre
catégorie juridique. Elles traduisent des atteintes à un droit essentiel de la défense, comme le droit
à l’assistance effective d’un conseil ou le droit de garder le silence. Or, c’est l’effet que la violation
de l’article 36 a eu sur ces droits qui forme le nœud de la revendication du Mexique dans chacun
des cas.
3.10. Ce qui importe donc réellement en cas de violation de l’article 36, c’est l’éventuelle
incidence de la violation sur ces garanties qui sont fondamentales pour l’équité du procès. Et si une
procédure judiciaire permet d’évaluer cette incidence, elle permet un réexamen et une revision
pleinement conformes au précédent LaGrand.
3.11. Cette lecture de l’arrêt LaGrand se trouve confirmée si l’on examine les demandes que
l’Allemagne avait présentées à la Cour dans ladite affaire. En demandant le réexamen et la
revision, l’Allemagne reconnaissait elle-même qu’elle ne pouvait obtenir davantage qu’un
réexamen permettant d’apprécier si une violation avait eu le moindre effet sur les droits
véritablement fondamentaux pour l’équité du procès. Ainsi, l’Allemagne avait demandé «des
procédures de recours permett[a]nt de revenir sur la décision et soit de revoir le verdict de
culpabilité, soit de prononcer une autre peine», «dans les cas où il [ne pouvait être] exclu que le
jugement prononcé [fût] vicié par la violation du droit à la notification consulaire»18. Cette
proposition impliquait un critère de réexamen relativement ambitieux pour évaluer le préjudice,

18 Ibid., par. 118.
- 15 -
critère que la Cour n’avait pas adopté. Mais le point essentiel ici, c’est que même l’Allemagne
reconnaissait que le réexamen et la revision avaient pour objet de garantir une procédure permettant
de déterminer si le jugement avait été «vicié» d’une manière appelant réparation. En outre, dans la
mesure où l’Allemagne allait plus loin dans ses demandes et vous invitait à déclarer que l’article 36
énonçait un droit de l’homme fondamental, la Cour s’était à juste titre gardée de trancher cette
question au paragraphe 126 de son arrêt.
3.12. Cette lecture de l’arrêt LaGrand est également conforme à l’approche généralement
adoptée dans presque tous les systèmes de justice pénale, lesquels, comme M. Weigend l’a déjà
expliqué, n’autoriseraient pas l’infirmation d’une peine ou d’un verdict de culpabilité à moins
qu’une erreur n’ait porté atteinte à une quelconque garantie essentielle d’une procédure régulière.
Il aurait été extraordinaire, de la part de la Cour, de proposer en l’affaire LaGrand un remède
imposant d’infirmer les verdicts de culpabilité et les peines prononcés de manière pleinement
conforme au droit interne d’un Etat sans qu’il n’ait nullement été démontré que la violation de la
convention avait porté atteinte aux garanties essentielles d’une procédure régulière. Et bien
entendu, la Cour n’avait rien fait de tel en l’affaire LaGrand.
3.13. Monsieur le président, la position du Mexique en l’espèce et ses demandes de
réparation sont totalement contraires aux principes énoncés dans l’arrêt LaGrand. En demandant à
la Cour d’annuler l’ensemble des cinquante-deux verdicts de culpabilité et des peines, le Mexique
lui demande tout bonnement une mesure qui va bien au-delà d’une simple procédure de réexamen
et de revision. Il lui demande plutôt de présumer automatiquement que toute violation de
l’article 36 rend les procédures ultérieures fondamentalement iniques et, sur la base de cette
présomption, d’imposer elle-même un résultat. Or, c’est précisément cette sorte d’approche que la
Cour avait refusé d’adopter en l’affaire LaGrand.
3.14. Mme Babcock a en outre argué hier que toute violation du paragraphe 1 de l’article 36
était «intrinsèquement porteus[e] de préjudice». Mais il ne s’agit là que d’une tentative
supplémentaire visant à traiter l’obligation d’information et de notification consulaires comme
constituant en soi un élément fondamental d’une procédure régulière, nécessaire pour garantir un
procès équitable. Là encore, comme je l’ai expliqué, cette approche n’est pas celle qui a été
adoptée par la Cour en l’affaire LaGrand. Le Mexique ne peut pas davantage se prévaloir sur ce
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point des décisions Artico et John Murray rendues par la Cour européenne des droits de l’homme,
lesquelles ont été citées hier pour tenter d’illustrer la proposition selon laquelle même une infime
possibilité de préjudice suffit à justifier l’octroi d’un remède dès lors qu’un droit fondamental est
en cause. Même si l’on fait abstraction des autres points de divergence, ces affaires ne peuvent être
invoquées ici car elles n’impliquaient pas d’allégations directes de violations de garanties
judiciaires fondamentales ¾ à savoir le droit à un avocat et le droit de garder le silence.
3.15. L’arrêt LaGrand renferme une autre indication importante quant au réexamen et à la
revision, que je tiens à souligner. En l’affaire LaGrand, la Cour avait pris le soin de préciser que le
choix des moyens pour procéder au réexamen et à la revision devait être laissé aux Etats-Unis.
Cette prudente limitation de l’arrêt traduisait l’application d’un principe plus général ¾ à savoir
que, habituellement, les mécanismes particuliers de droit interne qu’un Etat choisit d’actionner
pour s’acquitter de ses obligations juridiques internationales n’intéressent nullement le droit
international. Ce qui importe, c’est de satisfaire à la substance de l’obligation juridique
internationale. Les caractéristiques des mécanismes de droit interne qu’un Etat utilise pour assurer
le respect de son obligation ne revêtent pas d’importance.
3.16. Ce même principe aide à saisir l’essence du réexamen et de la revision prescrits en
l’affaire LaGrand. Ainsi que je l’ai expliqué, la pierre de touche du réexamen et de la revision
énoncés dans l’arrêt LaGrand consiste en un mécanisme permettant, d’abord, d’examiner de
manière individualisée le verdict de culpabilité et la peine afin d’évaluer l’incidence de la violation
de la convention de Vienne sur les garanties essentielles d’une procédure régulière et, ensuite, de
déterminer s’il faut reviser d’une façon ou d’une autre le verdict et la condamnation. Pour savoir si
les Etats-Unis respectent les obligations juridiques que leur impose le droit international, on ne
saurait attacher d’importance à la manière dont ils qualifient, dans leur droit interne, le mécanisme
destiné à répondre aux critères énoncés par la Cour. Ce qui importe, c’est de savoir si les
Etats-Unis respectent la substance des obligations qui sont les leurs. Dès lors qu’ils offrent un
mécanisme permettant de réexaminer et de reviser un verdict de culpabilité et une peine compte
tenu d’une éventuelle violation de l’article 36, et de l’éventuelle incidence de cette violation sur les
éléments essentiels d’un procès équitable, les Etats-Unis satisfont au critère énoncé dans l’arrêt
LaGrand.
- 17 -
3.17. A en croire le Mexique, cela ne suffit pas car en l’affaire LaGrand, et plus précisément
au paragraphe 91 de l’arrêt, il est dit que le réexamen doit permettre d’attacher des conséquences
juridiques au défaut d’information et de notification consulaires en tant que tel. Apparemment, le
Mexique considère que les juridictions américaines sont de ce fait contraintes de procéder, au-delà
de tout réexamen servant à analyser l’éventuelle incidence de la violation de l’article 36 sur un
droit essentiel de la défense, à un réexamen supplémentaire, totalement indépendant ¾ à l’aune
d’un critère non précisé par la Cour ¾ afin de déterminer si la peine ou le verdict de culpabilité
doit être infirmé compte tenu de la violation de l’article 36 pour une raison autre que l’atteinte à
une garantie essentielle pour le déroulement d’un procès équitable.
3.18. En fait, le Mexique va plus loin ¾ il décrit clairement le critère qu’il voudrait voir
appliquer. Et ce qu’il voudrait, c’est un réexamen et une revision pour voir si, en toute hypothèse,
l’information et la notification consulaires auraient pu faire quelque différence dans le cadre du
procès. Il n’est d’ailleurs guère surprenant de constater que, comme Mme Babcock l’a démontré
hier dans son exposé, les avocats sont capables de faire preuve d’une imagination débordante
lorsqu’il s’agit de spéculer sur ce qui aurait pu se produire, si seulement l’article 36 n’avait pas été
violé. De l’avis du Mexique, étant donné qu’il sera toujours possible d’imaginer des cas
hypothétiques où la violation de l’article 36 aura peut-être changé quelque chose, pareille violation
doit être considérée, selon les termes de Mme Babcock, comme «intrinsèquement porteus[e] de
préjudice».
3.19. Ce n’est certainement pas la bonne approche. L’adopter reviendrait, pour la Cour, à
traiter dans les faits l’information et la notification consulaires comme un droit essentiel de la
défense dont la violation commande toujours l’infirmation du verdict de culpabilité et de la peine.
Mais cette approche est inconciliable avec le postulat fondamental sur lequel repose le remède du
réexamen et de la revision ¾ qui est que la violation de l’article 36 n’est pas irrémédiable en soi et
qu’il existe des recours permettant d’examiner le verdict de culpabilité et de la peine à un autre
titre puis de déterminer les mesures qu’il convient de prendre. Lorsque le réexamen a lieu dans le
cadre de la procédure judiciaire, cette condition est remplie puisque la juridiction saisie recherche
si la violation a eu quelque incidence sur un droit essentiel, justifiant de prendre des mesures au
sein du système de justice pénale pour annuler la peine ou le verdict de culpabilité.
- 18 -
3.20. Il est bien sûr possible d’envisager une approche moins extrême que celle proposée par
le Mexique. Il est possible d’envisager une approche selon laquelle un réexamen et une revision
limités uniquement aux atteintes causées aux droits essentiels de la défense ne suffiraient pas aux
fins de l’arrêt LaGrand. Il faudrait plutôt prévoir un réexamen plus poussé pour permettre
d’examiner la violation de l’article 36 et, s’il y a lieu, d’accorder réparation dans un sous-ensemble
d’affaires même lorsque la violation n’a nullement porté atteinte à une garantie judiciaire
essentielle ¾ avec, là encore, un critère de réexamen non précisé. Or, pour des raisons que j’ai
exposées, ce n’est pas la meilleure façon d’interpréter le précédent LaGrand. L’arrêt LaGrand ne
doit pas être lu comme suggérant quelque nouveau critère prévoyant l’infirmation d’un verdict ou
d’une peine lorsqu’il n’a été porté aucune atteinte à un droit essentiel. Mais à supposer même que
cette autre interprétation soit correcte, il en ressortirait tout au plus qu’un système de recours
judiciaire limité à réagir à des atteintes graves aux garanties judiciaires essentielles, bien
qu’efficace la plupart du temps, ne pourrait pas permettre dans 100 % des cas la pleine réalisation
du réexamen prévu en l’affaire LaGrand. Cela dit, dans les rares cas nécessitant ce réexamen plus
poussé (allant au-delà d’une simple analyse de l’incidence de la violation sur les droits
fondamentaux de la défense), il serait possible d’appliquer un autre mécanisme de réexamen et de
revision ¾ tel que le mécanisme de recours en grâce aux Etats-Unis, qui tient compte de motifs et
de critères plus vastes pour accorder réparation.
B. Le système de réexamen judiciaire aux Etats-Unis permet le réexamen et la revision de
tout verdict de culpabilité et de toute peine, conformément à l’arrêt LaGrand
3.21. Ayant présenté sous le meilleur éclairage les obligations de réexamen et de revision
prescrits en l’affaire LaGrand, je pense qu’il devrait à présent être clair que la procédure de recours
judiciaire aux Etats-Unis satisfait pleinement à l’obligation juridique internationale énoncée par la
Cour.
3.22. Ainsi que nous l’avons expliqué mardi, lors de la procédure pénale, les juridictions
peuvent connaître de toute allégation selon laquelle les garanties essentielles d’une procédure
régulière auraient été violées par suite d’une violation de la convention de Vienne, tout comme
elles peuvent y porter remède. Il est vrai qu’aux Etats-Unis, une juridiction n’accordera
généralement pas réparation à un individu en raison d’une demande présentée simplement comme
- 19 -
une demande fondée, en tant que telle, sur une violation de la convention de Vienne. Mais pour les
raisons que je viens d’exposer, cela ne constitue nullement un obstacle au respect des obligations
dictées par l’arrêt LaGrand. L’important réside dans la substance, non dans la qualification donnée
au réexamen judiciaire. Et les juridictions peuvent connaître de toute demande faisant état d’une
violation de la convention qui aurait porté atteinte à un droit particulier essentiel à l’équité du
procès.
3.23. Il est également vrai que si un accusé omet de faire valoir un moyen fondé sur la
convention de Vienne en temps utile, la règle de la carence procédurale l’empêchera d’en exciper
au stade de l’appel. Mais là encore, pour autant que l’intéressé a préservé son moyen relatif à
l’atteinte sous-jacente, une atteinte à quelque droit substantiel ¾ s’il fait valoir, par exemple, qu’il
n’avait pas conscience de renoncer à son droit de se faire assister d’un conseil lors de
l’interrogatoire ¾ ce moyen-là pourra être considéré. Ainsi, l’incidence de la violation de
l’article 36 sur le procès et sur l’équité fondamentale de celui-ci ¾ soit l’objet principal du
réexamen et de la revision prescrits en l’affaire LaGrand ¾ peut parfaitement être examinée. Et
même si l’accusé n’a pas préservé correctement son moyen, bien souvent les juridictions,
lorsqu’elles devront déterminer s’il y a exception à la règle de la carence procédurale, n’en
chercheront pas moins à savoir si l’intéressé a été lésé d’une quelconque manière par le préjudice
qu’il invoque. Par conséquent, même si elles décident qu’elles ne peuvent pas connaître de la
demande d’un point de vue technique, les juridictions procèdent souvent à un examen qui leur
permet d’apprécier si l’erreur alléguée a, en tout état de cause, porté préjudice à l’intéressé.
3.24. Dans ces conditions, la procédure judiciaire est pleinement suffisante pour permettre le
réexamen et la revision qui protègent tous les droits fondamentaux. D’ailleurs, comme nous
l’avons souligné mardi, le Mexique n’a cité aucun cas, parmi les cinquante-deux qui sont soumis à
la Cour, où la violation de l’article 36 aurait privé le condamné d’un élément essentiel d’une
procédure régulière. Hier encore, Mme Babcock n’en a désigné aucun. Au lieu de cela, le
Mexique s’est livré à de la spéculation ¾ spéculation sur ce que les fonctionnaires consulaires
auraient peut-être fait dans tel ou tel cas et sur la manière dont un juré en aurait peut-être été
influencé, à fortiori dans une affaire où l’accusé encourrait la peine capitale. Cela ne répond
- 20 -
absolument pas à notre point fondamental : le système judiciaire des Etats-Unis protège pleinement
les droits inhérents à une procédure régulière ¾ ces droits précis qui, selon le Mexique, seraient
garantis par ses fonctionnaires consulaires.
3.25. Enfin, je relèverai que si la Cour devait tenter d’examiner le fonctionnement du
système judiciaire américain pour déterminer si celui-ci a permis le réexamen et la revision dans les
cas particuliers que le Mexique invoque, elle verrait qu’elle ne peut même pas entreprendre
pareilles recherches. Dans quarante-neuf des cinquante-deux cas présentés ici, la procédure de
réexamen judiciaire n’est pas encore achevée. En fait, dans vingt-trois des cas le premier appel
direct du verdict et de la peine est toujours en instance19. Dans chacun de ces cas, l’accusé fait
valoir des demandes qui, s’il obtient gain de cause, pourront donner lieu à un nouveau procès ou à
une nouvelle procédure de détermination de la peine, au cours desquels il lui sera parfaitement
loisible de tirer profit de toute assistance consulaire que le Mexique voudra bien et pourra lui
dispenser.
3.26. Voilà, bien entendu, l’une des raisons pour lesquelles les demandes du Mexique sont
irrecevables en l’espèce. Avant de se présenter devant la Cour en demandant réparation, en droit
international, pour une violation d’une obligation juridique internationale, le Mexique doit épuiser
les voies de recours qui lui sont ouvertes dans le droit interne des Etats-Unis. Or, il ne l’a pas fait
ici.
3.27. Le Mexique ne peut pas davantage prétendre qu’il serait vain d’épuiser tous ces recours
judiciaires. Ainsi que nous l’avons expliqué mardi, même lorsque des demandes fondées sur la
convention de Vienne ont achoppé sur la doctrine de la carence procédurale, les juridictions
peuvent toujours connaître de demandes dénonçant l’atteinte sous-jacente qui constitue précisément
le nœud d’une plainte relative à une violation de l’article 36. En l’affaire Valdez v. Oklahoma20
,
par exemple, si la demande fondée sur la convention de Vienne a été rejetée pour cause de carence
procédurale, une juridiction de l’Oklahoma n’en a pas moins examiné une autre fondée sur
l’inefficacité de l’assistance du conseil. La juridiction concernée a infirmé la peine de M. Valdez,
car elle a conclu à l’inefficacité de son conseil en première instance, ce dernier n’ayant pas dévoilé

19 Il s’agit des cas nos 3, 5-14, 16-17, 19-27 et 29.
20 Valdez v. State, 46 P.3d 703 (Okla. Crim. App. 2002), annexe 23, pièce 58.
- 21 -
certaines preuves importantes qui auraient pu faire bénéficier l’accusé de circonstances atténuantes,
et qui ont été découvertes par la suite grâce à l’intervention et à l’assistance de fonctionnaires
consulaires mexicains. La juridiction a donc effectivement accordé réparation sur la base de cette
même substance qui sous-tendait la demande fondée sur la convention de Vienne ¾ à savoir les
conséquences qui découlaient en l’affaire du défaut d’assistance consulaire. Dans n’importe lequel
des quarante-neuf cas toujours en instance, une décision similaire pourrait fort bien entraîner
l’annulation d’un verdict de culpabilité ou d’une peine.
3.28. Monsieur le président, voilà qui conclut mon exposé. Je vous prie de bien vouloir
appeler à présent M. Thessin à la barre.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Philbin. Je donne maintenant la parole à
M. Thessin.
M. THESSIN :
IV. REPONSES A LA REFUTATION DES RECOURS EN GRACE
4.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, estimés conseils. Je suis très
heureux de me trouver devant vous aujourd’hui.
4.2. M. Philbin vient d’expliquer comment notre procédure judiciaire protège ces droits
mêmes que les fonctionnaires consulaires du Mexique souhaitent sauvegarder.
4.3. Mon intervention portera sur le recours en grâce, dont j’expliquerai notamment pourquoi
il satisfait au critère établi dans l’affaire LaGrand, selon lequel le réexamen et la revision des
verdicts de culpabilité et des peines doivent être permis à la moindre violation de l’article 36, et
pourquoi le Mexique se trompe en affirmant que la procédure de recours en grâce ne peut pas
satisfaire aux prescriptions de l’arrêt LaGrand. Permettez-moi de rappeler en quoi consiste et en
quoi ne consiste pas le recours en grâce.
4.4. Premièrement, les procédures de recours en grâce sont un élément du système de justice
pénale. L’argument du Mexique selon lequel les Etats-Unis qualifient la procédure de recours en
grâce de «procédure judiciaire»21 est déroutant et faux. Les Etats-Unis ont présenté le recours en

21 CR 2003/28, par. 68 (déclaration de Mme Babcock).
- 22 -
grâce comme un élément important du système de justice pénale; nous n’avons jamais prétendu
qu’il faisait partie de la procédure judiciaire ou qu’il devait obéir aux mêmes règles que celle-ci.
Le recours en grâce n’est pas censé faire en tous points pendant à la procédure judiciaire, avec des
juges, des audiences et des règles d’administration de la preuve. Au contraire, le recours en grâce
est conçu pour compléter les procédures judiciaires. Le recours en grâce peut aussi s’exercer
indépendamment du réexamen judiciaire, sans être entravé par des procédures et des précédents
judiciaires. Par ce biais, la procédure de recours en grâce peut combler toutes les lacunes de la
procédure judiciaire, traiter tous les problèmes qui n’ont pas été entièrement résolus par les
juridictions, analyser tous éléments de preuve récemment découverts, et régler toutes questions qui
ne peuvent pas être soumises à l’examen des juridictions. Une décision concernant un recours en
grâce peut certes s’appuyer sur les procédures de recours judiciaire, rigoureuses et à niveaux
multiples, qui l’ont nécessairement précédée, mais cela n’est pas une obligation. C’est pourquoi la
Cour suprême des Etats-Unis a décrit le recours en grâce comme le «remède historique destiné à
éviter les erreurs judiciaires lorsque les voies de recours judiciaires ont été épuisées»22
.
4.5. Deuxièmement, les procédures de recours en grâce constituent un mécanisme bien établi
en droit, juridiquement protégé et durable. Le Mexique prétend que les autorités chargées
d’examiner les recours en grâce «pourraient adopter en toute légalité une politique consistant à ne
jamais commuer la sentence capitale d’un condamné qui aurait fondé son recours sur une violation
reconnue et incontestée de l’article 36». Le Mexique affirme aussi qu’un Etat «pourrait
même … supprimer purement et simplement la procédure du recours en grâce, sans pour autant
bafouer la Constitution des Etats-Unis»23. Ces affirmations sont fantaisistes et ne méritent pas
l’attention de la Cour. Le Mexique n’a présenté aucune preuve attestant qu’un quelconque Etat
envisage une telle mesure, et encore moins qu’un Etat l’ait jamais prise. Et en effet, compte tenu
du rôle historique du recours en grâce et de ses fondements juridiques, ces demandes hypothétiques
sont tout à fait impensables.

22 Herrera v. Collins, 506 U.S. 390, p. 412 (1993).
23 CR 2003/25, par. 274 (déclaration de Mme Babcock).
- 23 -
4.6. Déclarer que les procédures de recours en grâces ne sont pas consacrées par la
Constitution des Etats-Unis n’apporte non plus rien au débat. Le fait essentiel dont le Mexique ne
tient pas compte est que chaque Etat concerné par cette affaire a consacré le pouvoir de grâce dans
sa constitution et que chacun de ces Etats donne également effet au pouvoir de grâce à travers ses
lois et règlements étatiques.
4.7. Troisièmement, contrairement une fois encore à une affirmation récente du Mexique, la
procédure de recours en grâce fournit tous les moyens d’examiner les points de droit et les
questions factuelles. Les autorités chargées de l’examen des recours en grâce ne sont pas limitées
par les principes de la carence procédurale, du caractère définitif des décisions de justice rendues
en dernier ressort, de normes en matière de préjudice, ni par aucune autre limitation pesant sur la
revision judiciaire24. Le Mexique prétend que les membres des commissions des grâces et les
gouverneurs «ne sont pas tenus d’avoir une quelconque formation juridique», «n’appliquent pas la
jurisprudence et … ne déterminent généralement pas si un verdict de culpabilité et une sentence ont
été établis conformément aux lois fédérales et à celles de l’Etat».
4.8. Je peux répondre sur plusieurs plans. Bien entendu, des non juristes rendent des
décisions d’ordre juridique dans toutes sortes de situations, plus particulièrement lorsqu’ils
remplissent les fonctions de ministres ou de gouverneurs ayant prêté serment d’appliquer
fidèlement la loi ou interviennent en qualité de jurés — autant de fonctions qui peuvent d’ailleurs
être exercées par des avocats. Cela dit, qu’il en soit ainsi ou non, dans chacun des neuf Etats
concernés, c’est le ministère public qui conseille les autorités chargées d’examiner les recours en
grâce25
. Par exemple, au Texas, la commission des grâces et le gouverneur prennent leurs
décisions après avoir consulté leurs conseillers juridiques en matière de grâce 26. En fait, c’est
précisément ce qui s’est passé dans le cas de M. Suarez27, ainsi que dans celui de M. Valdez en

24 Déclaration concernant la justice pénale américaine, M. Christopher A. Wray, annexe 7, par. 71-72
25 Voir CMEU, annexes 8 à 17.
26 Voir CMEU, annexe 17.
27 Voir la lettre du président de la commission des grâces du Texas déclarant que «[l]e 8 août 2002, accompagné
du conseiller juridique et des membres de la commission, j’ai rencontré, dans l’exercice de mes fonctions officielles, les
fonctionnaires consulaires mexicains et Mme Babcock» (CMEU, annexe 23, pièce 195).
- 24 -
Oklahoma28. Prétendre que l’examen des recours en grâce n’est mené que par des non juristes,
sans bénéficier de tous les conseils juridiques nécessaires, n’est, en d’autres termes, que pure
fiction.
4.9. En outre, à ce stade avancé, le Mexique ne peut vraiment pas affirmer sérieusement qu’il
convient de suivre les précédents judiciaires et les doctrines juridiques lors du réexamen et de la
revision des verdicts de culpabilité et des peines. Le Mexique a déjà attaqué de front la procédure
judiciaire des Etats-Unis, affirmant que des précédents tels que la carence judiciaire et le caractère
définitif des décisions de justice rendues en dernier ressort empêchent les ressortissants étrangers
de faire valoir leurs droits devant un tribunal. Etant donné que la procédure de recours en grâce
n’est pas limitée par ces règles de procédure judiciaire, par les doctrines de la carence procédurale
ou par de quelconques restrictions en matière de preuve, les autorités chargées d’examiner les
recours en grâce peuvent compléter ou annuler les décisions judiciaires lors de l’examen des
violations de l’article 36. Le réexamen et la revision de points de droit en cas de violation de
l’article 36 sont donc manifestement assurés à travers les procédures de recours en grâce. Voyons,
par exemple, ce qui s’est passé en Californie. Le Mexique affirme sans citer sa source que le
gouverneur a «maintes fois déclaré qu’i[l] ne procéd[ait] pas à l’examen d’erreurs judiciaires»29
.
Nous ne sommes pas certains de comprendre à quel gouverneur le Mexique se réfère, mais les deux
derniers gouverneurs qui ont précédé le gouverneur Schwarzenegger ont chacun réexaminé le
verdict de culpabilité et la peine d’un ressortissant étranger à la lumière d’une prétendue violation
de l’article 36 dans le cadre d’un recours en grâce et ont prononcé des jugements adaptés à chaque
cas qu’ils ont présentés dans leurs décisions30. Le Texas, également visé par les critiques du
Mexique, est lui aussi en mesure d’examiner à travers des procédures de recours en grâce, ce qu’il
a d’ailleurs fait, des allégations invoquant une violation de la convention de Vienne31
.

28 Voir la lettre du gouverneur Keating expliquant que «[s]on service juridique, [s]es conseillers et [lui]-même
[ont] examiné les arguments et les éléments de preuve soumis dans cette affaire avec l’idée particulière de déterminer les
effets de la violation de l’article 36» (MM, annexe 26, p. A359).
29 CR 2003/28, par. 67 (déclaration de Mme Babcock).
30 Déclaration des autorités compétentes en matière de grâce dans l’Etat de Californie, annexe 10.
31 Voir CMEU, annexe 17. Voir aussi CMEU, par. 7.24-7.27 (Suárez Medina); ibid. annexe 1, pièce 5, p. A41-45
(MM. Irineo Tristan Montoya et Miguel Angel Flores).
- 25 -
4.10. Quatrièmement, le recours en grâce est une procédure ouverte à tous, sans parti pris
contre quiconque. Le Mexique prétend que «l’accès à ce mécanisme n’est pas égal pour tous»32. Il
poursuit en énumérant une multitude de cas hypothétiques, décrivant l’incapacité de Mexicains
maîtrisant mal l’anglais à présenter des demandes de grâce parce qu’ils n’auraient d’après lui pas
eu accès à des avocats. Cette affirmation n’est pas du tout crédible. Le Mexique s’est amplement
vanté de son programme de grande envergure destiné à fournir une assistance juridique à des
Mexicains indigents à chaque stade de la procédure pénale33. Le Mexique affirme que le
gouvernement mexicain est intervenu au plus haut niveau pour ses ressortissants dans toute une
série de procédures de recours en grâce34. Personne ne peut croire sérieusement qu’un ressortissant
mexicain puisse présenter une demande de grâce sans l’aide d’un avocat et sans l’appui de hauts
fonctionnaires du gouvernement mexicain.
4.11. Cinquièmement, la procédure de recours en grâce est une procédure équitable. Le
Mexique affirme que la procédure est fortement influencée par des «considérations d’ordre
politique». En fait, le Mexique tente de dénaturer le recours en grâce dans l’esprit de la Cour, en en
donnant l’image faussée d’audience à l’issue aléatoire accordée par un monarque, au cours de
laquelle ce dernier répond de manière irrationnelle à un suppliant autorisé à demander grâce. Ce
n’est pas ainsi que fonctionne la procédure de recours en grâce aux Etats-Unis, qui sont une
république. Chaque Etat en cause dans cette affaire permet, à tous égards, aux cinquante-deux
intéressés d’obtenir une audience où seront examinées leurs demandes de grâce. Chaque Etat
dispose de procédures permettant d’étudier de manière approfondie les demandes dans lesquelles
des griefs importants sont soulevés. Chaque Etat permet aux parties concernées de présenter tous
arguments et informations que l’intéressé ou le fonctionnaire consulaire de son pays juge
pertinents. Chaque fonctionnaire chargé des recours en grâce s’est engagé sous serment à remplir
ses fonctions de manière appropriée.

32 CR 2003/25, par. 275 (déclaration de Mme Babcock).
33 Voir CR 2003/24, par. 133-135 (déclaration de M. Uribe).
34 MM, annexe 7, par. 311.
- 26 -
4.12. L’une des principales critiques du Mexique porte sur le fait que cette procédure de
recours en grâce repose sur l’appréciation du pouvoir exécutif. Pourtant, si l’on examine de près la
manière dont les fonctionnaires consulaires mexicains tentent de porter assistance aux
ressortissants mexicains, cette critique est sans fondement. Comme le Mexique l’a souvent répété,
il s’efforce notamment d’influer sur la procédure pénale à trois stades : lorsque le procureur décide
de requérir ou non la peine de mort; lorsque le jury décide ou non de prononcer la peine de mort; et
lorsque le gouverneur décide ou non d’accorder la grâce. A chacun de ces stades, les
fonctionnaires consulaires mexicains tentent d’influer sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Il
est donc tout simplement impossible que l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dans la procédure
de recours en grâce empêche cette dernière, comme le prétend le Mexique, d’assurer un «réexamen
et [une] revision». C’est tout le contraire. Le recours en grâce se prête idéalement à l’intervention
des fonctionnaires consulaires, et le Mexique a maintes fois bénéficié de ce fait.
4.13. Le Mexique affirme aussi que, contrairement aux commutations de peines, les grâces
sont rarement accordées dans les affaires de crimes passibles de la peine de mort. Cela n’est guère
surprenant, étant donné que la question de la culpabilité ne se pose que rarement lorsqu’une
condamnation à la peine capitale fait l’objet d’un recours en grâce. Après tout, au moment où ces
cas atteignent le stade du recours en grâce, ces accusés ont été jugés «coupables au-delà de tout
doute raisonnable» et leurs condamnations ont été confirmées à différents niveaux du réexamen
judiciaire. En outre, la règle de la carence procédurale n’est pas en cause, étant donné qu’elle ne
fait pas obstacle à une demande de recours présentée par un accusé effectivement innocent35
.
4.14. Sixièmement, le recours en grâce permet de réexaminer et de reviser les verdicts de
culpabilité et les sentences à la moindre violation de l’article 36. Le Mexique prétend que les
Etats-Unis ont dénaturé le rôle du recours en grâce dans les sept affaires postérieures à l’arrêt
LaGrand, que nous avons discutées. Cette affirmation est tout simplement fausse.

35 «Lorsque la demande de revision d’un accusé est rejetée pour carence procédurale parce que ce dernier n’a pas
invoqué ce moyen lors de la procédure d’appel direct, une demande en habeas ne peut être déposée que si ce dernier peut
démontrer le «bien-fondé» de sa demande, l’existence d’un «préjudice» véritable, ou «son innocence».» (Bousley v.
United States, 523 US 614, 622 (1998).)
- 27 -
4.15. Permettez-moi de retracer brièvement ces réexamens dans leurs grandes lignes. Dans
l’Illinois, la commission de revision (Prisoner Review Board) a tenu des audiences, examiné les
observations du Mexique fondées sur l’arrêt LaGrand et présenté des recommandations au
Gouverneur; celui-ci, après s’être entretenu avec le président Fox, a commué la peine de cinq
ressortissants étrangers. Le Mexique prétend que les grâces accordées dans l’Illinois sont dénuées
de pertinence puisque «[c]hacun … aurait obtenu la grâce» de toute façon36. Cette affirmation se
trouve contredite par la déclaration du gouverneur Ryan, qui a reconnu lui-même avoir été
influencé par les arguments fondés sur la convention de Vienne37. Tout comme elle est contredite
par de précédentes déclarations du Mexique en la présente espèce. Dans son mémoire38, le
Mexique s’est targué d’avoir influencé ces décisions d’accorder la grâce. Selon ses termes, «[e]n
réponse [aux protestations du Mexique], le gouverneur de l’Illinois, George Ryan, a procédé … à
une commutation de la peine de mort de M. Flores Urbán»39
.
4.16. Au Texas, la commission des grâces et des libertés conditionnelles a examiné la
demande fondée sur l’article 36 avant de décider de ne pas recommander la grâce au gouverneur.
La commission s’était vu conseiller par le département d’Etat de procéder au réexamen et à la
revision conformément à l’arrêt LaGrand. Le président de la commission a rencontré plusieurs
représentants du Gouvernement mexicain, un résumé des débats préparé par Mme Babcock a été
distribué à tous les membres de la commission, et un délai supplémentaire a été prévu aux fins de
l’examen de la commission. Ainsi qu’un membre de la commission texane l’a dit dans sa lettre, lui
et ses collègues ont «eu en leur possession, et ont pu soigneusement apprécier, les informations
[fournies par les avocats de M. Suarez et les fonctionnaires mexicains] au sujet de l’obligation de
notification consulaire prévue à l’article 36»40
.
4.17. Dans l’Oklahoma, la commission des grâces et des libertés conditionnelles, s’étant vu
conseiller par le département d’Etat de procéder au réexamen et à la revision conformément à

36 CR 2003/28, par. 69 (Babcock).
37 Voir CMEU, annexe 12, par. 9.
38 MM, annexe 7, par. 293, 298, p. A116-A117.
39 Ibid., par. 298, p. A117.
40 Voir CMEU, annexe 23, p. A2470 (lettre du président de la commission des grâces et des libertés
conditionnelles).
- 28 -
l’arrêt LaGrand, a examiné des preuves susceptibles de faire bénéficier l’accusé de circonstances
atténuantes et recueillies avec l’aide du Gouvernement mexicain. Après avoir accordé plusieurs
prorogations de délai pour permettre un réexamen exhaustif, s’être entretenu avec le président Fox
et avoir consulté à plusieurs reprises le département d’Etat, le gouverneur Keating a rejeté la
demande de grâce, décrivant longuement ses raisons au regard de la convention de Vienne dans une
lettre adressée au président Fox41
.
4.18. Ces faits démontrent clairement que les autorités chargées d’examiner les recours en
grâce avaient connaissance du principe énoncé en l’affaire LaGrand, selon lequel les verdicts de
culpabilité et les peines doivent faire l’objet d’un réexamen et d’une revision à la lumière des
violations de l’article 36, et que ces autorités se sont attelées au réexamen des cas qui leurs étaient
soumis de manière minutieuse et consciencieuse.
4.19. De tels cas ne sont d’ailleurs pas destinés à demeurer isolés. Il y en a aujourd’hui un
huitième. La semaine dernière, la commission des grâces et des libertés conditionnelles de
l’Oklahoma a recommandé de gracier M. Hung Thanh Le, un ressortissant vietnamien reconnu
coupable d’homicide volontaire. Cette recommandation en faveur de la grâce était en partie fondée
sur le défaut d’information, de notification et d’assistance consulaires. Hier, le gouverneur Henry a
décidé qu’il serait sursis de trente jours à l’exécution afin de se donner le temps de «se livrer à un
examen mûrement réfléchi comme dans les cas précédents où la grâce était recommandée»42
.
4.20. En bref, la rhétorique du Mexique ne peut déformer les faits. Dans ces huit cas de
recours en grâce, nous avons vu cinq commutations, une annulation de la condamnation à mort, un
ajournement et un refus d’accorder la grâce. Dans tous les cas, l’argument fondé sur l’article 36 a
joué un rôle décisif dans le processus décisionnel. La manière dont le Mexique déprécie la
procédure de recours en grâce n’a de sens que si l’on accepte son postulat selon lequel le précédent
LaGrand impose un résultat précis quant au fond plutôt qu’une procédure de «réexamen et [de]
revision». Que le Mexique n’obtienne pas dans tous les cas le résultat qu’il souhaite, c’est une
chose, mais cela ne signifie pas qu’il n’a pas bénéficié de la procédure prescrite. Le Mexique

41 Voir MM, annexe 26, p. A359 (lettre du gouverneur Keating).
42 Associated Press State and Local Wire, «Governor grants 30-day stay to Vietnamese national» [le gouverneur
accorde un sursis de trente jours à un ressortissant vietnamien], 17 décembre 2003 (texte reproduit sous l’onglet no
1 du
dossier de plaidoiries).
- 29 -
prétend qui rien n’a été fait depuis l’arrêt LaGrand. Et pourtant, les cas que nous venons de décrire
viennent clairement réfuter cette assertion. Tout a été fait depuis l’arrêt LaGrand. Depuis ce
précédent, chaque personne condamnée à la peine capitale ayant excipé de la convention de Vienne
au stade de son recours en grâce a bénéficié d’un «réexamen et [d’une] revision» minutieux,
motivés et mûrement réfléchis. Chaque décision d’accorder ou non la grâce a été le reflet de la
nécessité de permettre le réexamen et la revision.
4.21. Pour conclure, Monsieur le président, comme M. Philbin et moi-même l’avons
expliqué, les Etats-Unis sont dotés de systèmes de justice pénale et de mécanismes de recours en
grâce auprès de l’exécutif qui permettent le réexamen et la revision des affaires dans lesquelles
l’information consulaire n’a pas été fournie. Pris aussi bien conjointement qu’individuellement, ils
satisfont manifestement à la décision rendue par la Cour en l’affaire LaGrand. Monsieur le
président, je vous prie maintenant de bien vouloir appeler Mme Zoller à la barre.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Thessin. Je donne à présent la parole à
Mme Zoller.
Ms ZOLLER:
V. REPARATION
Mr. President, Members of the Court.
5.1. The Applicant’s submissions on the reparation that it seeks have somewhat evolved
since it drafted its Application instituting proceedings and its Memorial. One of those submissions
has been dropped, at least in the extreme form in which Mexico initially presented it; that was the
request for judicial satisfaction. The other has been maintained in full, but it is accompanied by a
quasi-counterclaim, in case the principal request is not upheld. That is the request for restitutio in
integrum, to which an alternative request for reparation has now been added. The third submission,
however, namely that concerning cessation and guarantees of non-repetition, has remained
unchanged.
5.2. Those last-minute adjustments speak for themselves. Mexico’s initial claims were
excessive; they went beyond what the Court was entitled to grant it, at the very best. For the
- 30 -
United States, the latest Mexican requests still go beyond the powers of the Court, particularly with
respect to the second, inter alia the alternative to a restoration of the status quo ante.
5.3. I propose to examine Mexico’s reparation claims in the order adopted by us on Tuesday
and subsequently taken up by the opposite Party. Let us deal first with satisfaction.
A. Satisfaction
5.4. Mexico has abandoned its initial idea of judicial satisfaction in the form of a declaration
“to state clearly and precisely the international legal obligations of the United States under the
Vienna Convention”. Instead Mexico is simply asking you to “begin at the beginning”43 and it is
requesting the Court to “find that the State [i.e. the United States] has failed to fulfil its
obligations”44. Thus Mexico is no longer requesting the Court to exercise preventive justice, in a
form which was almost tantamount to a settlement regulating the Parties’ interests. The idea now
is to obtain, as in the Corfu Channel case, which the Applicant has expressly invoked45, a
declaration constituting reparation of the moral injury suffered by the claimant.
5.5. Mr. President, Members of the Court, the United States is of the view that if,
notwithstanding all the efforts it has made to comply with the LaGrand Judgment, the Court were
to hold it in violation of the obligations laid down by that decision, such a finding of violation
directed to the past would constitute adequate reparation.
5.6. Mexico does not see it that way and persists in its submissions about an alleged right to
restitutio in integrum. That will be my next subject.
B. Restitutio in integrum
Concerning the request for restitutio in integrum, there are two aspects to consider: the
principal request and the alternative request.
1. The principal request
5.7. As a principal request, Mexico has fully maintained its right to restitutio in integrum. It
is still demanding the annulment of the 52 convictions and sentences. Such persistence verges on

43CR 2003/28, para. 143 (Dupuy).
44CR 2003/28, para. 144 (Dupuy).
45CR 2003/28, para. 144 (Dupuy).
- 31 -
stubbornness, since our opponent has nothing more to contribute to the debate other than: (1) an
erroneous interpretation of a major, recent decision of the Court; and (2) an Article from the
International Law Commission’s Draft Articles on State Responsibility, which itself has been
insufficiently analysed.
5.8. Members of the Court will recall that last Tuesday, in dismissing Mexico’s request for
restitution, we enlarged upon the idea that there are no conclusive examples in international case
law where judgments of domestic courts have been annulled by international courts or tribunals.
Mexico countered that argument by referring to numerous human rights cases where international
courts have found domestic judgments to be null and void. However, this Court is not an
international court of human rights; it is a court that is only open to States. As a result, in such
cases its decisions are of a totally different nature, as Professor Weigend will explain.
5.9. Counsel for the Mexican Government has invoked in its defence the Yerodia case, in
respect of which it stated that “the final result was precisely reflected in a decision by this Court to
order the Respondent to annul an internal juridical act”46. However, in that case it was the arrest
warrant itself which constituted the wrongful act and its “cancellation” was the only way to execute
the Court’s Judgment. The jurisdiction of the State was bound by international law. Any lawyer
versed in terminology would refrain from jumping to the headstrong conclusion ¾ as
Professor Dupuy did yesterday ¾ that “annulment is the normal means of restitution in a case of
reparation of a juridical injury”47. This is not true when the injury is caused, not directly by the
judicial act itself as in the Arrest Warrant case, but by an associated non-substantive procedural
formality, indirectly connected to judgments rendered by the independent judicial authorities of a
State applying the rule of law.
5.10. The second justification latched onto by counsel for Mexico in defence of restitutio is
Article 32 of the International Law Commission’s draft articles. The United States does not share
Mexico’s views on those articles. Even assuming that Article 32 is relevant, it does not state what
counsel for Mexico would like to derive from it. With all due respect for the Court, it should be
noted that the issue here is not the State, i.e., the United States, but the Court itself.

46CR 2003/28, para. 165 (Dupuy).
47CR 2003/28, para. 164 (Dupuy).
- 32 -
5.11. The United States has stated that there are certain decisions of the Court which it
awaits with the greatest concern ¾ like that now demanded by Mexico ¾ because, if they were to
be rendered, it would not know how to comply with them. But the United States is not alone in that
situation. No executive of a State applying the rule of law would be happy with a decision of the
highest international Court which annulled, all at once, 52 judgments rendered by its various
domestic courts.
2. The alternative request
5.12. One may wonder whether it was really necessary for Mexico to be made aware of the
excessive nature of its request for the annulment of 52 judgments, if all it could come up with was
to suggest to the Court “on a purely alternative basis, in the event that restitution by annulment of
the original convictions and sentences were not to be granted, . . . the alternative establishment of a
genuinely judicial procedure of review and reconsideration”48. Such claims cannot be upheld, on
the one hand because the United States applies and continues to apply the LaGrand jurisprudence,
and on the other, because the Mexican request is tantamount to inviting the Court to exercise
enforcement functions which do not lie within its jurisdiction.
5.13. Mr. President, Members of the Court, under United States law there is already a system
which provides for the review and reconsideration of convictions and sentences in situations
covered by the LaGrand jurisprudence. The nature of that system of review and reconsideration is
not as Mexico would have the Court believe. That system at the very least has the merit of
existing; it is tangible, it is concrete and it functions. As I said on Tuesday, out of the seven cases
which have been dealt with under that system since LaGrand, five sentences have been commuted
and in the sixth case, the conviction was vacated by an American court.

48CR 2003/28, para. 173 (Dupuy).
- 33 -
5.14. Mexico’s main criticism of our review and reconsideration procedures is that we
allegedly implement them as we see fit. Ambassador Gómez-Robledo stated yesterday that the
United States based its arguments “on the position that the choice of means left open by the Court
gave [it] unrestricted latitude”49. We have never believed that things are as simple as our opponent
would like to make out. The United States has never “adapt[ed] the LaGrand decision to its
conduct”, as the Agent of Mexico alleged yesterday. On the contrary, the United States has taken
all measures in its power to implement that Judgment “in conformity with the laws and regulations
of the receiving State”, to use the wording of Article 36, paragraph 2. Mexico has repeatedly told
us that it had no objection to leaving the United States a free choice of means to execute the
Court’s decision. However, the type of remedy that it requests of the Court would not amount to a
“free choice of means”, but as Mr. Dupuy stated yesterday, to a “certain choice of means”. If
Mexico’s arguments were to be upheld, the choice of means would no longer be free, but rather
imposed. However, as Professor Weigend will show, if the United States were to be bound by an
obligation of result, consisting of giving Mexico the extravagant restitutio in integrum that it
demands, what other means could the United States envisage other than one which the Court
simply does not have the power to impose on it? When it comes to fulfilling an obligation of
result, like that contemplated in the LaGrand jurisprudence, international law always leaves the
State a certain latitude, which the Court has rightly called “a free choice of means”. The
international rules which define the lawfulness of such means are of a customary nature, but they
are quite clear. In the case concerning British Claims in the Spanish Zone of Morocco, Max Huber
pointed out: “No administration of justice is perfect and one probably has to accept, even in the
best administered countries, a considerable latitude within which forbearance is called for.”50 In
the James Pugh case, concerning the conduct of Panamanian authorities with respect to an
Irishman who had even died following their actions against him, the tribunal observed that the
authorities “did not exceed the powers reasonably vested in them”51
.

49CR 2003/26, para. 10 (Gómez-Robledo).
50UNRIAA, Vol. II, p. 641 in fine.
51Great Britain/Panama, 6 July 1933, UNRIAA, Vol. III, p. 1439.
- 34 -
5.15. Mr. President, Members of the Court, the United States expects the Court to judge it in
the light of those established principles of international jurisprudence, no more and no less.
5.16. If the Court follows those principles, as it has done in the past, it can only dismiss
Mexico’s request seeking to impose on the United States the introduction of a “genuinely judicial
procedure” of review and reconsideration.
5.17. Even assuming, for the sake of argument, that the Court regards the American system
of review and reconsideration as being incompatible with the LaGrand jurisprudence, the United
States doubts whether the Court could, as an alternative solution, oblige it to introduce a different
procedure. To order a State to adopt legislation for the purpose of attaining a certain result would
go beyond the judicial settlement of disputes. Such measures would imply the exercise of
enforcement functions, because they are comparable with measures of specific enforcement, which,
as I said on Tuesday, is not one of the methods used in public international law.
5.18. Before concluding on restitutio in integrum, there is one last argument to rebut. In his
statement yesterday, Mr. Donovan explained to us that Article 36, paragraph 2, of the Vienna
Convention, contemplated a primary obligation comprising review and reconsideration. He went
on to raise the idea that the appropriate reparation for any violation of that obligation constituted a
secondary obligation deriving from the law of international responsibility. That led Mr. Donovan,
by some irrefutable logic, to suggest to us that the appropriate reparation for the alleged violation
by the United States of Article 36, paragraph 2, would be restitutio in integrum, which he
construed, of course, for the occasion, as being a restoration of the status quo ante, itself defined as
the annulment of the 52 convictions.
5.19. That ingenious argument carries the seeds of its own downfall, since, to quote the
opinion of the International Law Commission itself regarding its draft article: “restitution should
not give the injured State more than it would have been entitled to if the obligation had been
performed”. Mr. President, “not more than it would have been entitled to if the [primary]
obligation had been performed”, which means that the reparation to which Mexico would be
entitled is no more than the primary obligation itself, that is to say the review of the convictions
and sentences. The subtle logic of the International Law Commission concerning the connections
between primary and secondary obligations is of no help to Mexico. It has simply sent Mexico
- 35 -
round in circles. From whatever angle one considers the issue of reparation, Mexico only remains
entitled to the review and reconsideration of the 52 convictions and sentences and not to their
annulment.
C. Cessation and guarantees of non-repetition
5.20. The United States observes that Mexico has not provided any new arguments in
addition to those already advanced in support of its claim for restitutio. It is sufficient to comment,
regarding the work of the International Law Commission, that this area of law is still at an
embryonic stage and it is not for the Court to apply such law before it has been laid down by the
international legislator.
5.21. Furthermore, the requests for cessation and guarantees of non-repetition are moot
inasmuch as, as we have already shown, the United States applies the LaGrand jurisprudence
reasonably and in good faith.
5.22. Mr. President, I would now ask you kindly to give the floor to Professor Weigend.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Madame Zoller. Je donne maintenant la parole à
M. Weigend.
M. WEIGEND : Je vous remercie.
VI. JUSTICE COMPAREE
6.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour. C’est un privilège pour moi
que de prendre de nouveau la parole aujourd’hui devant la Cour. Mais n’ayez crainte que je vous
fasse une nouvelle dissertation sur la procédure pénale comparée. M. Donovan a indiqué hier que
la question qui se pose à la Cour ne relève pas de la procédure pénale comparée mais qu’elle est la
suivante : «quel est le remède approprié en droit international»
52 ? Je suis entièrement d’accord
avec cette déclaration ¾ néanmoins, j’espère être en mesure de démontrer que la pratique
procédurale des Etats ne manque pas totalement de pertinence. En ce qui concerne la question du
remède approprié en droit international applicable à une violation du paragraphe 1 de l’article 36

52 CR 2003/28, par. 116; les italiques sont de moi.
- 36 -
par un Etat, notre position est bien entendu que la Cour a déjà donné une réponse définitive
lorsqu’elle a décidé, dans l’affaire LaGrand, qu’un ressortissant étranger a droit, en vertu du
paragraphe 2 de l’article 36 à «un réexamen et une revision» de son verdict de culpabilité et de sa
peine compte tenu de la violation et qu’il doit être procédé au réexamen et à la revision par des
moyens laissés au choix de l’Etat de résidence53
.
6.2. Aujourd’hui, le Mexique voudrait que la Cour abandonne la voie qu’elle a empruntée
avec sagesse dans l’arrêt LaGrand. Dans la dernière version de ses conclusions, le Mexique a
apparemment assoupli son insistance première visant à ce que les Etats-Unis abandonnent certaines
doctrines établies de leur droit procédural interne en ce qui concerne les défendeurs mexicains.
Mais le Mexique continue d’exiger que la Cour impose aux Etats-Unis plusieurs obligations,
c’est-à-dire «de restaurer le statu quo ante en annulant ou en privant autrement de tout effet les
déclarations de culpabilité et les peines des cinquante-deux ressortissants mexicains54» et de
s’assurer «qu’une violation passée n’affectera pas les procédures ultérieures55». A titre subsidiaire,
les Etats-Unis doivent procéder au réexamen et à la revision par des moyens autres que la
procédure de recours en grâce et au mépris de leurs règles internes sur la carence procédurale56. Le
Mexique a manifestement entendu adapter ses conclusions à la décision rendue par la Cour en
l’affaire LaGrand selon laquelle «le choix des moyens doit revenir aux Etats-Unis», et la
reformulation de ses conclusions vise à faire apparaître que les Etats-Unis, si la Cour donnait gain
de cause au Mexique, auraient toute latitude pour adapter leur droit interne. Mais si on examine
plus attentivement la thèse mexicaine, il apparaît aisément que le choix laissé aux Etats-Unis ne
sera pas celui des moyens mais, au mieux, le choix des mots. Comment les Etats-Unis
pourraient-ils «priver de force ou d’effet les verdicts de culpabilité et les peines» autrement qu’en
les infirmant, en les annulant ou en les cassant par quelque décision judiciaire ? Et comment les
Etats-Unis pourraient-ils s’assurer de ce qu’une violation passée de l’article 36 ne pourrait affecter
une procédure ultérieure, autrement qu’en recommençant celle-ci à partir du point où il y a eu

53 LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), par. 125.
54 CR 2003/28, par. 181, conclusion 5.
55 CR 2003/28, par. 181, conclusion 6.
56 Conclusion 7 du Mexique concernant la conclusion 3.
- 37 -
violation, dans la mesure où cela est encore possible, et en excluant les informations recueillies
antérieurement. Quand nous examinons plus attentivement les dernières conclusions du Mexique,
il appert que leur contenu n’a donc pas changé, qu’il s’agit d’un vieux vin présenté dans des
bouteilles neuves et à peine plus élégantes.
6.3. Néanmoins, il n’appartient pas au Mexique de déterminer quels sont les remèdes
appropriés pour des violations de la convention de Vienne. C’est à la Cour qu’incombe la tâche
difficile d’interpréter le paragraphe 2 de l’article 36 de la convention et c’est également à elle de
déterminer, lorsqu’une obligation primaire a été violée, le remède nécessaire, pour donner plein
effet à la convention, au regard du droit international. Bien que la pratique d’un Etat soit pertinente
pour interpréter la convention, le remède approprié ne peut pas découler par déduction, d’une
manière quasi-arithmétique, d’une étude sur les différents droits de la procédure pénale des Etats
parties à la convention.
6.4. Mais je suis d’avis que la Cour, dans son effort visant à parvenir à un règlement juste et
équitable de l’affaire, pourrait être guidée par deux sortes de considérations : premièrement, par les
intentions des Etats parties au moment où ils ont délibéré sur la convention et ont conclu celle-ci,
de même que par leur pratique ultérieure fondée sur la convention; et deuxièmement, par les effets
que tout remède aurait sur le système juridique interne des Etats parties. Il ne me revient pas
d’interpréter les travaux préparatoires de la convention de Vienne; Mme Brown a déjà traité ce
sujet. Par conséquent, je me limiterai à souligner que depuis que la convention de Vienne a été
rédigée au début des années soixante, le droit de la procédure pénale en général et l’importance
accordée au respect des droits individuels des suspects en particulier ont subi de profonds
changements sur le plan international. Les droits individuels en matière de procédure ainsi que les
remèdes procéduraux qui semblent ordinaires aujourd’hui, auraient, il y a quarante ans, paru être
plus de la science fiction juridique qu’autre chose et des violations qui dans notre ère de respect
croissant pour les droits humains appellent des sanctions sévères auraient suscité de simples
haussements d’épaule à l’époque de la signature de la convention de Vienne. Que pouvons-nous
déduire de cela ? Je pense qu’il est juste de dire que les diplomates et les juristes qui ont rédigé le
texte de la convention de Vienne seraient pour le moins surpris par les discussions que nous tenons
aujourd’hui, qu’ils seraient très étonnés par la portée considérable des conclusions que le Mexique
- 38 -
cherche à tirer du paragraphe 2 de l’article 36 visant la manière dont le système juridique interne
doit réagir à une négligence en matière d’information et de notification consulaires. Le fait que
seuls quelques Etats ont pris des mesures pour traiter des violations de l’article 36 dans leur
système de justice pénale n’est certainement pas sans importance à cet égard. Enfin, alors même
que les instruments juridiques internationaux peuvent faire l’objet d’un certain nombre
d’interprétations non figées, nous ne devrions pas perdre de vue, qu’habituellement, les Etats ne
s’engagent pas volontairement à souscrire des obligations internationales qui entrent en conflit avec
leurs législations internes. Le paragraphe 2 de l’article 36 reflète cette hypothèse d’une nécessaire
harmonie, lorsqu’il pose la règle selon laquelle «[l]es droits visés au paragraphe 1 du présent article
doivent s’exercer dans le cadre des lois et règlements de l’Etat de résidence». Par conséquent, il est
pertinent de demander si on peut en réalité présumer que les Etats parties à la convention ont
accepté des ingérences de grande portée dans leur système juridique interne comme conséquence
d’une violation quelconque de l’une des obligations primaires qu’impose la convention.
6.5. Cette remarque m’amène à aborder le second point : l’effet qu’une décision de la Cour
pourrait avoir sur un système juridique interne. La question n’est pas, comme M. Dupuy a pu
affirmer hier, de savoir si les traditions juridiques internes d’un Etat peuvent, en cas de conflit,
s’effacer devant des obligations internationales. Il n’existe pas de divergences de vues sérieuses
sur ce principe. Mais, le fait même que la Cour puisse prendre des décisions qui exigent de
profonds changements dans le droit interne des Etats appellerait peut-être à la prudence. Quelles
que soient les mesures que la Cour impose de prendre pour des violations du droit international,
qu’elles soient appelées restitutio in integrum, réparation ou remèdes pour donner plein effet aux
obligations primaires, ces mesures ne doivent pas être définies sans tenir compte de l’ordre interne
des Etats concernés. Pour utiliser une métaphore médicale : la médication doit être efficace pour
soigner la maladie mais on doit être attentif à en limiter les effets secondaires négatifs.
6.6. Qu’un remède soit approprié dépend de plusieurs facteurs, notamment de la nature et de
la gravité de la violation et de la sévérité de la sanction. Pour procéder à cette détermination, il faut
évaluer la gravité de la violation du droit international par rapport à des violations comparables du
droit interne et se demander si le remède est proportionnel à la violation. C’est là qu’une
comparaison de différents systèmes juridiques peut aider. Si nous pouvons déterminer la manière
- 39 -
dont une majorité de systèmes juridiques réagissent à certains types de violations, nous pouvons
alors nous faire une idée de ce que peut être le remède «normal» à certaines violations et la Cour
pourrait avec assurance imposer de tels remèdes aux Etats lorsque des violations internationales de
type et de gravité similaires surviennent.
6.7. J’ai formulé, mardi, l’argument selon lequel les sanctions exigées par le Mexique pour
des violations de l’article 36 seraient inappropriées. Non seulement parce qu’elles vont au-delà des
normes du «réexamen et de [la] revision» établies par la Cour dans l’arrêt LaGrand, mais aussi
parce qu’elles dépassent la réaction «normale» qui aurait été prévue dans la plupart des systèmes
juridiques pour une violation procédurale du genre de l’article 36. Contrairement à ce que
M. Donovan a indiqué hier, il n’est pas important de savoir si les systèmes juridiques prévoient ou
non, de manière abstraite, la possibilité de supprimer des éléments de preuve, d’accorder un recours
sans qu’il ne soit nécessaire de démontrer l’existence d’un préjudice individuel ou de rouvrir une
affaire close ¾ mais l’important est de savoir pour quelles sortes de violations ces remèdes
procéduraux sont offerts.
6.8. J’ai essayé de montrer que les catégories de violations appelant de telles sanctions
procédurales sévères sont, par leur nature et leur gravité, fondamentalement différentes de la
négligence en matière d’information ou de notification consulaire, telle qu’elle apparaît dans les
affaires soumises à la Cour en l’espèce. Je ne voudrais certainement pas minimiser l’importance
qu’il y a à observer les règles et les obligations découlant de l’article 36; toutefois, aussi décisives
que celles-ci puissent être pour l’exercice approprié des fonctions consulaires, leur effet juridique
sur le caractère équitable du procès pénal est tout au plus indirect. Des violations de l’article 36 ne
sont pas, dans le cadre d’une procédure pénale, sur le même pied que, par exemple, l’usage de la
torture pour extorquer des aveux, le refus de l’accès à un avocat ou la participation au procès d’un
juge récusé57. Mon opinion est que les violations de l’article 36 sont comparables aux violations de
règles de procédure telles que le droit d’un suspect à être un tant soit peu informé de sa situation
lorsqu’il est mis en détention ou le droit à la présence d’un médecin lorsqu’on procède à une fouille

57 D’énormes violations de cette nature sont survenues dans les affaires citées par le Mexique en soutien à sa
demande, selon laquelle l’infirmation «automatique» est appropriée chaque fois qu’il y a eu violation de l’article 36; voir
les décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, affaires Castillo Petruzzi (Ser. C) no
52, 1999, (procès
tenu par des magistrats «sans visage») et Cesti Hurtado (Ser. C) no
56, 1999, (procès tenu devant une juridiction militaire
incompétente en violation d’une ordonnance d’habeas corpus); cf. MM, par. 368-370.
- 40 -
corporelle. Je n’ai pas connaissance d’un système juridique qui, dans de tels cas, exclurait des
éléments de preuve, autoriserait un recours sans que l’existence d’un préjudice ait été démontrée ou
permettrait la tenue d’un nouveau procès après le prononcé d’un verdict définitif.
6.9. En résumé, adopter les conclusions du Mexique en ce qui concerne des remèdes
impliquerait que la Cour s’ingère de manière excessive dans le droit interne, non seulement des
Etats-Unis, mais aussi de tous les Etats parties susceptibles de violer l’article 36. Je prierai par
conséquent la Cour de ne pas s’écarter de la voie dans laquelle elle s’est engagée dans l’arrêt
LaGrand et de laisser le choix des moyens à chaque Etat, lorsqu’il s’agit d’accorder un réexamen et
une revision efficaces.
Ceci met fin à mon exposé. Monsieur le président je vous prie à présent d’appeler encore
une fois M. Taft à la barre.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Weigend. Je donne maintenant la parole à
M. Taft.
M. TAFT : Je vous remercie, Monsieur le président :
VII. CONCLUSION
7.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, éminents conseils. Nous
terminons par là où nous avons entendu commencé, par la décision que votre Cour a rendue en
l’affaire LaGrand. Nous avons expliqué, au cours de nos deux tours de plaidoiries, que les faits de
la présente cause sont, dans une large mesure, différents en quantité et en nature de ceux de
l’affaire LaGrand, mais que les questions juridiques qui se posent en l’une et l’autre affaires sont,
quant à elles, pour l’essentiel, les mêmes. Nous avons montré que le remède prescrit par la Cour
dans l’affaire LaGrand se situait loin de là où nous et d’autres Etats parties à la convention de
Vienne avions compris nous trouver, lorsque nous avions négocié la convention en 1963.
7.2. Permettez-moi de résumer nos vues sur cette importante espèce. L’arrêt LaGrand a, à
deux égards, ouvert une nouvelle ère. Tout d’abord, il a appelé les Etats-Unis à prendre des
mesures leur permettant de s’acquitter des obligations que leur impose la convention, en procédant
au réexamen et à la revision des résultats de leurs procédures pénales, une mesure qu’aucun Etat
- 41 -
partie n’avait auparavant comprise comme s’imposant à lui, et une mesure qu’aucun n’avait jamais
prise. La Cour est ensuite allée plus loin encore, en ordonnant à un Etat souverain d’ajouter une
étape précise, visant un objectif précis, dans son système de justice pénal interne. Les Etats-Unis,
et l’on peut présumer qu’il en est de même des autres Etats parties, ont pu prendre en compte cet
arrêt de la Cour uniquement parce que celle-ci a laissé la mise œuvre de cette obligation à chaque
Etat partie, par «les moyens de [son] choix». La Cour s’est gardée, à juste titre et comme elle l’a
toujours fait par le passé, de s’immiscer directement dans les systèmes juridiques d’Etats
souverains et de tenter d’adapter lesdits systèmes aux obligations internationales des Etats
concernés. Alors que la Cour n’avait pas fait droit à la thèse défendue par les Etats-Unis en
l’affaire LaGrand, les Etats-Unis se sont conformés dans leur comportement à la décision rendue
par la Cour en ladite affaire.
7.3. Le Mexique invite aujourd’hui la Cour à revenir sur l’arrêt LaGrand et à le réécrire afin
d’amener les Etats parties encore plus loin, en un lieu où nul ne s’était encore rendu par son propre
choix, et où peu ¾ pour ne pas dire aucun ¾ d’entre eux pourraient se rendre sans introduire des
modifications de fond dans leurs législation et pratique internes. A cet égard, les conclusions que
le Mexique demande à votre Cour de lui adjuger n’en font pas seulement une cour d’appel de
dernier ressort en matière pénale, mais aussi un organe législatif et administratif doté de l’autorité
ultime, qui réécrit non seulement la convention de Vienne, mais aussi les lois de nombreux Etats.
La Cour doit fermement refuser d’exercer une telle fonction.
7.4. Il s’est écoulé moins de trois ans depuis que la Cour a énoncé son dispositif dans
l’affaire LaGrand. Sans raison ou preuve indiscutable, le Mexique demande aujourd’hui à la Cour
de laisser largement de côté ledit dispositif et de tout reprendre à zéro. Le Mexique vous a
demandé d’insérer dans la convention de Vienne une exigence hors du commun, à savoir que les
fonctionnaires consulaires sont en droit, au regard du droit international, d’intervenir directement
dans une enquête pénale en cours, pratiquement dès le début de celle-ci. Le Mexique vous a
demandé de souscrire à un plan complexe visant à ce qu’un ressortissant étranger en détention
puisse être gardé en prison par l’Etat de résidence, mais non soumis à interrogatoire, pendant une
période de temps qui serait fonction du chef d’inculpation pénale, et en proportion inverse des
ressources consulaires de l’Etat d’envoi. C’est ce que l’on comprend dans l’affirmation du
- 42 -
Mexique, selon laquelle le fonctionnaire consulaire peut, devrait et doit recevoir la permission de
prendre part à l’interrogatoire et à la défense du ressortissant étranger comme s’il s’agissait d’un
avocat. Pas un seul Etat n’a jusqu’ici choisi d’adopter une telle manière de procéder pour
s’acquitter des obligations internationales que lui impose la convention.
12.5. Sur la question des remèdes, le Mexique voudrait que la Cour se livre à une ingérence
encore plus profonde. Même s’il a reformulé ses conclusions, la substance de celles-ci, comme l’a
montré M. Weigend, reste inchangée. Le Mexique demande à votre Cour de décider non pas que
les Etats peuvent ou devraient, mais qu’ils doivent, dans tous les cas et en toutes circonstances,
écarter des éléments de preuve et annuler des verdicts de culpabilité et des peines, s’il y a violation
de la convention, sans tenir compte des principes très anciens du caractère définitif des décisions de
justice rendues en dernier ressort, du lien de causalité et du préjudice, et sans tenir compte des
règles en matière de crédibilité et de force probante des éléments de preuve. Aucun Etat n’adopte
une telle manière d’appréhender les obligations que lui impose la convention, pour les très bonnes
raisons explicitées par M. Weigend.
7.6. Mme Zoller a expliqué le mal-fondé de la thèse du Mexique en ce qui concerne la
compétence de la Cour et la pratique prudente qui est la sienne en matière de recevabilité des
demandes. Les conclusions du Mexique, en particulier celles par lesquelles il demande des
remèdes, outrepassent les pouvoirs et responsabilités de votre Cour. La thèse du Mexique frappe
en ce qu’elle est formulée en totale méconnaissance des principes établis de longue date de
l’épuisement des voies de recours internes et du caractère définitif des décisions de justice rendues
en dernier ressort. Il n’existe simplement aucun précédent d’une affaire soumise à la Cour alors
que, dans une large mesure, la première phase de la procédure d’appel devant les juridictions
internes n’a même pas encore commencé. La réponse du Mexique ¾ à savoir qu’il n’y a pas lieu
pour lui d’épuiser des recours futiles ¾ est démente par le fait que les voies de recours qui lui sont
ouvertes sont tout sauf futiles. Quant à l’argument du Mexique relatif à l’application de l’article 79
modifié du Règlement de la Cour à l’examen par celle-ci des questions de compétence et de
recevabilité en l’espèce, c’est un argument dénué de fondement. Nous avons inclus sous
l’onglet no
2 du dossier de plaidoiries le passage du rapport de la Cour à l’Assemblée générale dans
lequel la Cour fait observer que l’amendement concerne les «procédures incidentes».
- 43 -
7.7. Nos tribunaux ont procédé au réexamen et à la revision des griefs fondés sur une
violation de la convention, en appliquant une norme, celle du préjudice subi, et continueront à agir
de la même manière dans toute affaire dans laquelle les défendeurs soulèvent de tels griefs d’une
manière régulière et en temps utile, en se conformant aux règles de recevabilité des griefs. Ces
règles trouvent tout à fait leur place dans tous les systèmes juridiques du monde.
7.8. Nous avons rappelé à la Cour les efforts sans équivalent que nous avons déployé pour
veiller à ce que nos autorités de police fournissent l’information consulaire à toute personne arrêtée
dont elles connaissent ou ont une raison de connaître la nationalité étrangère. Nous continuons à
travailler en étroite collaboration avec nos amis et voisins, y compris notamment le Mexique, afin
de faciliter leurs efforts, et les nôtres, visant à promouvoir le système créé par la convention,
système qui a pour objet de faciliter l’exercice de la protection consulaire. Nous faisons cela de
même dans le but de veiller à ce qu’il y ait réexamen et revision des verdicts de culpabilité et des
peines, dans les circonstances inévitables de violations qui peuvent survenir à l’occasion. Nous
continuerons à agir de la sorte.
7.9. Hier, le Mexique a posé la question de savoir s’il y a eu un changement quelconque dans
l’attitude qu’avaient les Etats-Unis, à la veille de l’affaire LaGrand, à l’égard des obligations que
leur impose la convention de Vienne. D’une part, l’ambassadeur Robledo a indiqué que nous
n’avions pas conformé notre comportement à l’arrêt LaGrand, mais que nous avions plutôt adapté
l’arrêt LaGrand à notre comportement. En revanche, Mme Babcock s’est plainte elle du fait que ce
que nous faisons depuis l’arrêt LaGrand, c’était ce que nous avions en réalité commencé à faire
auparavant, laissant entendre par là que la Cour ne devrait pas tenir compte d’un comportement
qu’elle a déjà considéré comme un programme d’application «important». Il n’en demeure pas
moins que les Etats-Unis ont modifié leur comportement à deux égards importants, à la suite de
l’arrêt LaGrand. Nous avons redoublé d’efforts pour veiller à ce que nos forces de police se
conforment aux obligations que nous impose l’article 36, et nous avons veillé à ce que notre
système juridique, y compris la procédure de recours en grâce, permettent le réexamen et la
revision de verdicts de culpabilité et de peines en tenant compte de toute violation de l’article 36.
Nous avons fait ce qu’exige la prescription énoncée par la Cour dans l’affaire LaGrand.
- 44 -
7.10. Mme Brown a exposé devant vous l’interprétation qu’il convient de donner au
paragraphe 1 de l’article 36, qui ne confère aucun droit à un fonctionnaire consulaire de s’immiscer
dans une enquête pénale, ni d’agir en tant qu’avocat inscrit au barreau, et qui manifestement
n’exige pas qu’une enquête pénale soit suspendue en attendant que soient menées à leur terme les
procédures de l’article 36. L’argument précédemment avancé par le Mexique, selon lequel «le
droit de notification consulaire garanti par la convention de Vienne est un droit de la personne
humaine»58, s’est effondré59, et ne trouve aucune place, ai-je noté, dans les conclusions du
Mexique. Aucun Etat n’a compris, en négociant la convention en 1963, et aucun n’a compris
depuis lors, que celle-ci imposait pareille obligation. Cela n’est étayé ni par le texte, ni par le but et
l’objet de la Convention, ni par les travaux préparatoires, ni par la pratique des Etats. Il ne s’agit de
rien de plus que d’une réécriture de la convention de Vienne. La nouvelle interprétation radicale de
la convention par le Mexique doit, dès lors, être rejetée.
7.11. M. Philbin a expliqué que le but fondamental des systèmes de la justice pénale aux
Etats-Unis était de veiller à ce que tous les accusés bénéficient d’un procès équitable, quelle que
soit leur nationalité, cela conformément aux principes universellement reconnus du droit à une
procédure régulière. Tous les accusés, quelle que soit leur nationalité, les revenus ou le niveau
d’instruction, doivent bénéficier d’un procès équitable sur un pied d’égalité. Nos tribunaux
assurent à tous les accusés l’assistance de conseils, interprètes et enquêteurs compétents, et ils
appliquent les normes strictes de l’équité fondamentale. Mme Babcock a affirmé hier que le
Mexique n’«instrui[sait] pas le procès du système de la justice pénale des Etats-Unis». Cela est
possible, mais c’est exactement ce que Mme Babcock demande à votre Cour de faire. Mieux, elle
voudrait que la Cour juge notre système non pas pour ce qu’il est, et non pas pour ce qu’il fait, mais
pour ce qu’il pourrait être dans le cas où tout ce qui peut être imaginé de mal se produirait.
7.12. Dans ma conclusion du jeudi après-midi, j’ai fait observer que le Mexique n’avait pas
montré un seul cas parmi les cinquante deux soumis à la Cour où le droit à un procès équitable a été
compromis par une prétendue violation de l’article 36. Ce défi n’a toujours pas été relevé. Dans la
réplique du Mexique, Mme Babcock s’est lancée dans l’évocation d’un cortège d’horreurs

58 Requête, par. 281, 5.
59 Voir CR 2003/24, par. 57 (Gómez-Robledo).
- 45 -
hypothétiques qui pourraient se produire en l’absence d’un fonctionnaire consulaire mais n’est
jamais parvenue à citer un seul cas concret où il y a eu atteinte au droit d’un accusé à un procès
équitable. Cela n’est guère surprenant, puisque nos tribunaux siègent pour veiller à ce que les
accusés bénéficient d’un procès équitable. C’est ce qu’ils ont fait et ce qu’ils continueront de faire
dans ces affaires. Nos tribunaux ont réexaminé les conséquences potentielles qu’évoquent
Mme Babcock à propos de l’article 36, lorsqu’elles sont soulevées, et ont trouvé qu’elles n’ont
résulté en aucun préjudice concernant les attributs essentiels d’un procès équitable dans toute
affaire déterminée, pour autant que celle-ci ait fait l’objet d’un examen dans une procédure devant
une cour de justice. Votre Cour ne doit pas regarder par-dessus l’épaule de nos juges, en
présumant des choses qui pourraient se produire mais qui ne se sont pas produites, pour agir ensuite
sur la base de telles hypothèses erronées. Or, c’est cela que le Mexique demande à la Cour de faire.
7.13. Le Mexique n’a, à ce jour, pas montré une seule question d’équité fondamentale qui ne
soit pas protégée par le système de la justice pénale des Etats-Unis, et aucun droit d’importance
capitale pour l’équité d’un procès pénal que l’on ne puisse faire valoir devant nos tribunaux si une
demande est faite dans ce sens. Cela est révélateur. Le Mexique a certes banalisé les difficultés et
les conséquences qui découlent de procès successifs en une même affaire, mais les juristes et
avocats que vous êtes savez que cela est contraire à la réalité. M. Weigend a expliqué clairement
que les coûts sociaux et les conséquences juridiques de jugements multiples de la même question
sont reconnus universellement. Aucun système d’aucun Etat ne s’engage dans pareille voie sans
une très bonne raison, et le Mexique n’a fourni à la Cour en l’espèce aucune justification de cette
nature.
7.14. Nous reconnaissons que le respect de l’article 36 peut contribuer à l’équité des procès
de ressortissants étrangers, si les fonctionnaires consulaires font le choix d’apporter leur assistance
pour leur défense. Nous nous félicitons des efforts que déploient le Mexique et d’autres Etats pour
faciliter la jouissance par les ressortissants mexicains de leurs droits et protections fondamentaux,
et pour signaler en temps utile tout faux pas que notre système de justice pénale pourrait commettre
des fois, afin que l’erreur puisse être rectifiée rapidement. Mais l’on ne saurait accepter l’idée
selon laquelle un ressortissant étranger ne pourrait avoir un procès équitable que s’il bénéficie de
l’assistance consulaire prévue dans la convention de Vienne. Comme le concède le Mexique
- 46 -
lui-même, aucune obligation n’incombe au fonctionnaire consulaire de répondre. S’il ne répond
pas, le système judiciaire de l’Etat de résidence doit néanmoins pouvoir continuer à fonctionner et
aboutir au résultat qui s’impose, à savoir un procès équitable et une issue juste.
7.15. M. Thessin a passé en revue une fois de plus devant la Cour la question de la grâce. Le
Mexique n’a pas cessé de mettre lourdement l’accent sur la procédure de recours en grâce, en
essayant de toutes les manières possibles de détourner votre attention du fait que la procédure de
recours en grâce fournit l’ultime moyen de redressement de notre système juridique, même si,
comme c’est le cas, elle se situe hors de notre système judiciaire en tant que voie de recours
distincte. Mme Babcock a même attribué aux Etats-Unis une description de la procédure de
recours en grâce qu’ils n’ont jamais faite. Sous l’onglet no
3 de votre dossier de plaidoiries,
figurent ce que Mme Babcock présente à la Cour comme une citation d’une affirmation des
Etats-Unis et le texte du passage du contre-mémoire des Etats-Unis auquel elle fait référence.
Comme la Cour le sait, les Etats-Unis sont loin de présenter la procédure de recours comme un
simple bout de papier et une quémande de grâce. Notre position a toujours été que la procédure de
recours en grâce constitue un élément clé dans les efforts que nous faisons pour conformer notre
conduite à l’arrêt rendu en l’affaire LaGrand. Ce dont se plaint en vérité le Mexique, c’est que les
Etats-Unis, comme tout autre Etat, a des règles et procédures qui régissent la présentation en temps
utile de griefs dans une procédure judiciaire, et que ces règles empêchent des fois un accusé de
soulever des questions particulières devant une instance déterminée. Ce que le Mexique ne peut
pas nier, toutefois, c’est que la procédure de recours en grâce offre une réponse à chacun des griefs
et à tous les griefs qu’il pourrait avoir au sujet de la règle de la carence procédurale, parce qu’il n’y
a aucun grief qui ne puisse faire l’objet d’un examen et être traité par le biais de la procédure de
recours en grâce. La procédure de recours en grâce n’est pas limitée par la carence procédurale.
Puisqu’il ne peut pas réfuter ce point de manière convaincante, le Mexique s’est attaqué de
nouveau, hier, aux hommes et aux femmes qui sont investis de la responsabilité légale
d’administrer le système du recours en grâce. Les conseils du Mexique ont demandé à la Cour
d’imaginer que la procédure de recours en grâce pourrait être abolie à l’avenir, ou pourrait être
modifiée pour en exclure l’examen des griefs fondés sur la convention de Vienne. En d’autres
termes, le Mexique laisse entendre que les Etats-Unis pourraient choisir délibérément de rendre
- 47 -
plus difficile le respect de l’arrêt LaGrand. C’est probablement parce que nous nous trouvons aux
Pays-Bas que nous découvrons autant de carrousels et de moulins à vent. Là encore, il est demandé
à la Cour de se prononcer sur ce qui pourrait se produire, sur des intentions malveillantes
alléguées, et non pas sur ce qui est. Le fait demeure que la procédure de recours en grâce a
fonctionné, la toute dernière fois le jeudi dernier, comme M. Thessin vous l’a dit, pour le réexamen
et la revision des verdicts de culpabilité et des peines, en tenant compte de violations de la
convention de Vienne et des conséquences de ces violations. La Cour peut être pleinement
confiante que cet ultime moyen de redressement continuera à être disponible à l’avenir pour le
réexamen et la revision en tenant compte de toute violation de l’article 36.
7.16. Mme Zoller a démontré que ¾ comme elle l’avait montré déjà le mardi ¾ aussi bien
s’ils sont considérés comme une obligation primaire au titre du paragraphe 2 de l’article 36, que
s’ils sont considérés comme une obligation de réparation découlant du droit en matière de
responsabilité de l’Etat, le réexamen et la revision trouvent parfaitement leur place dans le rôle
dévolu à la Cour. Elle a expliqué les implications des ajustements de dernière minute apportés par
le Mexique à ses conclusions, y compris son abandon apparent de sa demande d’une satisfaction
judiciaire. Et elle a clairement montré que le Mexique n’a pas droit aux garanties de cessation et
d’assurances de non-répétition, parce que de telles garanties ne sont pas prévues par le droit
international général, et parce que les Etats-Unis continuent à appliquer l’arrêt LaGrand de manière
raisonnable et de bonne foi.
7.17. M. Weigend nous a rappelé que la convention et l’interprétation qui en est donnée ont
des conséquences qui vont au-delà du Mexique et des Etats-Unis. La Cour n’est pas appelée en
l’espèce à statuer sur un simple différend bilatéral. Quel que soit le dispositif qui sera celui de
l’arrêt que votre Cour rendra en dernière analyse, ledit dispositif doit pouvoir être suivi et appliqué
¾ pas uniquement pour la violation commise ¾ par chacun des Etats parties à la convention.
M. Weigend a démontré sans l’ombre d’un doute qu’aucun Etat ne pouvait en 1963 avoir compris
que la convention exigeait l’annulation de verdicts de culpabilité, le renvoi à un autre procès de la
détermination des peines ou l’exclusion des éléments de preuve, chaque fois que se produit une
violation de l’article 36. Il a en outre indiqué que l’imposition de conséquences aussi lourdes
conduirait à une différenciation inexplicable entre de graves violations du droit interne, qui ne
- 48 -
requiert pas l’exclusion des éléments de preuve ou l’octroi d’un nouveau procès, et les cas de
violations de l’article 36, qui ne sont susceptibles d’affecter que l’équité d’un procès au pénal ou le
caractère approprié de l’issue d’un tel procès. Le réexamen et la revision, et non l’application
automatique des remèdes les plus drastiques de la procédure pénale, constituent le remède
approprié en l’espèce.
7.18. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, avec tout cela à l’esprit, où en
sommes nous, s’agissant des conclusions revisées du Mexique ? Mme Brown a expliqué pourquoi
la première et la deuxième conclusions ¾ interprétation du paragraphe 1 de l’article 36, et
prétention que les Etats-Unis ont violé ledit paragraphe ¾ ne sauraient être acceptées. M. Philbin
et M. Thessin ont expliqué pourquoi la troisième conclusion du Mexique ¾ à savoir que les
Etats-Unis ne permettent pas le réexamen et la revision ¾ est simplement erronée. Mme Zoller a
expliqué pourquoi la Cour ne devrait pas accueillir la quatrième conclusion du Mexique ¾ à savoir
qu’il a droit à la restitution, telle que définie par lui. Mme Zoller et M. Weigend ont expliqué le
caractère inapproprié des cinquième et sixième conclusions du Mexique. M. Philbin, M. Thessin et
M. Weigend ont expliqué pourquoi la septième conclusion du Mexique, qui voudrait que la
procédure de recours en grâce et certaines doctrines de droit interne soient exclues du réexamen et
de la revision, ne saurait être justifiée. Et Mme Brown et Mme Zoller ont, enfin, expliqué pourquoi
la huitième conclusion du Mexique, dans laquelle celui-ci demande des garanties et assurances, est
sans objet. Pour tous les motifs qui précèdent, ainsi que pour ceux expliqués le jeudi et dans notre
contre-mémoire, aucune des conclusions du Mexique n’est fondée.
7.19. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, avant de conclure ce second
tour de plaidoiries des Etats-Unis, je voudrais juste mentionner un dernier point. En particulier,
malgré ce que nous avons dit sur le caractère simple des questions de droit qui se posent en
l’espèce savoir si la Cour devrait aller plus loin qu’elle n’est allée dans l’arrêt LaGrand  , je
tiens à préciser que nous reconnaissons que, sous d’autres aspects, la présente affaire n’est pas
facile. Aucune affaire touchant à la question de savoir si un être humain doit vivre ou mourir ne
l’est. Les juges, jurys, procureurs, commissions de grâce, gouverneurs et autorités compétentes des
Etats-Unis qui s’occupent de ces cinquante-deux cas ont longuement et minutieusement pesé les
décisions qu’ils ont été appelés à prendre, et mettront tout en œuvre pour en faire de même à
- 49 -
l’avenir. L’arrêt LaGrand montre bien qu’en dernière analyse, ce sont à ces personnes, et non à la
Cour, qu’incombe la responsabilité de prendre ces décisions, dans l’exercice de leurs différentes
fonctions, qu’elles assument dans le respect de la loi, et la Cour, dans l’affaire en question, a laissé
cette responsabilité à ceux auxquels elle revient, c’est-à-dire auxdites personnes. Et c’est
également à cet égard qu’il y a lieu selon moi que la Cour s’en tienne à la décision qu’elle a rendue
en l’affaire LaGrand.
7.20. Je voudrais, pour finir, adresser mes remerciements à la Cour pour l’attention qu’elle a
bien voulu nous prêter. Je voudrais également, de même, remercier les interprètes, les services du
Greffe et remercier aussi les conseils du Mexique pour la collaboration que nous avons entretenue
dans la présente affaire, ce qui nous a permis de nous entendre sur l’organisation d’une procédure
accélérée; à cet égard, je pense que la charge de travail de la Cour et des services du Greffe a dû
s’en trouver alourdie, et je voudrais les remercier des efforts consentis. Je donne lecture de la
conclusion suivante au nom des Etats-Unis.
7.21. Sur la base des faits et des moyens exposés par les Etats-Unis dans leur
contre-mémoire et au cours de la présente procédure, le Gouvernement des Etats-Unis prie la Cour,
en tenant compte du fait que les Etats-Unis se sont comportés de façon conforme à l’arrêt qu’a
rendu la Cour dans l’affaire LaGrand, non seulement en ce qui concerne des ressortissants
allemands mais également, dans la ligne de la déclaration faite par le président de la Cour en cette
affaire, en ce qui concerne tous les ressortissants étrangers détenus, de dire et juger que les
demandes des Etats-Unis du Mexique sont rejetées.
Ceci met fin à mon exposé. Monsieur le président, je vous remercie.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Taft. La Cour prend acte des conclusions
finales dont vous avez donné lecture au nom des Etats-Unis d’Amérique, comme elle l’a fait hier
pour les conclusions finales des Etats-Unis du Mexique. Ceci met fin au second tour de plaidoiries
des Etats-Unis et à cette semaine d’audiences consacrées aux plaidoiries sur le fond de l’affaire.
- 50 -
Je tiens à adresser mes remerciements aux agents, conseils et avocats pour leurs exposés.
Conformément à la pratique, je prierai les deux agents de se tenir à la disposition de la Cour pour
tous renseignements complémentaires dont celle-ci pourrait avoir besoin. Sous cette réserve, je
déclare maintenant close la procédure orale en l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains
(Mexique c. Etats-Unis d’Amérique).
La Cour va maintenant se retirer pour délibérer. Les agents des Parties seront avisés en
temps utile de la date à laquelle la Cour rendra son arrêt. La Cour n’étant saisie d’aucune autre
question aujourd’hui, l’audience est levée.
L’audience est levée à 17 h 10.
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