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128-20031216-ORA-02-01-BI
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CR 2003/27 (traduction)
CR 2003/27 (translation)
Mardi 16 décembre 2003 à 15 heures
Tuesday 16 December 2003 at 3 p.m.
- 2 -
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne pour commencer la parole à M. Taft.
M. TAFT : Je vous remercie, Monsieur le président.
VII. INTRODUCTION
7.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, nous avons vu ce matin
pourquoi les remèdes demandés en l’espèce par le Mexique outrepassent la compétence de la Cour.
Nous avons rectifié l’image caricaturale et déformée que le Mexique, dans son mémoire et hier
encore, vous donnait du système de la justice pénale américaine. Nous avons également analysé
les termes et l’objet de l’article 36 de la convention de Vienne, en montrant que l’interprétation
qu’en donne le Mexique s’écarte considérablement de ce qui était l’intention des parties.
Autrement dit, ces parties n’ont jamais imaginé, lorsqu’elles ont adhéré à la convention, qu’elles
s’engageaient à altérer l’administration de leur législation pénale. Enfin, nous avons vu que le
Mexique ne s’était pas acquitté de la charge de la preuve qui lui incombait de démontrer ¾ que les
Etats-Unis, comme il le prétend, avaient violé systématiquement la convention ou même seulement
dans les cas précis qu’il a soumis à la Cour.
7.2. Nous verrons cet après-midi quels remèdes seraient appropriés en cas de violation de
l’article 36. C’était là la question qu’a examinée la Cour dans l’affaire LaGrand : mais le Mexique
a demandé à la Cour d’ignorer la décision qu’elle avait rendue dans cette affaire, pour prescrire en
l’espèce des remèdes hors du commun, consistant notamment en l’annulation de condamnations et
de décisions judiciaires définitives prononcées dans le cadre de procédures pénales. Le Mexique
n’a excipé d’aucun précédent qui montrerait qu’une juridiction internationale ait déjà prescrit un
remède de ce genre lorsque l’obligation non respectée n’avait, au mieux, qu’un rapport indirect
avec l’issue de la procédure pénale concernée. C’est qu’aucun tel précédent n’existe. La Cour ne
devrait pas s’écarter du remède qu’elle a prescrit dans l’affaire LaGrand.
7.3. Je vous remercie, Monsieur le président. Je vous prie d’appeler maintenant à la barre
M. Thessin.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Taft. Je donne maintenant la parole à M. Thessin.
- 3 -
M. THESSIN : Je vous remercie, Monsieur le président.
VIII. LES MÉCANISMES DE LA JUSTICE PÉNALE AMÉRICAINE ET LA PROCÉDURE DE RECOURS
EN GRÂCE PERMETTENT «LE RÉEXAMEN ET LA REVISION» REQUIS
AU TITRE DU PARAGRAPHE 2 DE L’ARTICLE 36
8.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, éminents conseils. C’est pour
moi un honneur que de plaider de nouveau devant la Cour aujourd’hui. Juste avant la pause
déjeuner, M. Mathias vous a expliqué l’interprétation qu’il convenait de donner au paragraphe 2 de
l’article 36 de la convention. Je vais vous montrer maintenant que les Etats-Unis respectent les
dispositions de ce paragraphe grâce à ce que nous appelons la fonction de remède dudit paragraphe.
Les Etats-Unis permettent ainsi «la pleine réalisation des fins pour lesquelles les droits sont
accordés en vertu [du paragraphe 1 de l’article 36]», conformément à la décision de la Cour dans
l’affaire LaGrand.
8.2. Lorsque, dans l’arrêt LaGrand, elle a demandé aux Etats-Unis de mettre en place un
mécanisme de réexamen et de revision par les moyens de leur choix1
, la Cour est allée loin à
plusieurs égards : elle a établi pour la première fois un lien entre l’information consulaire et la
procédure de réexamen judiciaire, et elle a demandé aux Etats-Unis de réexaminer le verdict de
culpabilité et la peine des ressortissants étrangers en tenant compte d’éventuelles violations de
l’article 36. Mais la Cour a aussi précisé sans équivoque possible qu’il appartenait aux Etats-Unis
de permettre ce réexamen et cette revision «en mettant en œuvre les moyens de leur choix».
8.3. La position du Mexique va fondamentalement à l’encontre de ces principes. L’arrêt
LaGrand demande aux Etats-Unis de permettre, dans chaque cas, «le réexamen et la revision» en
«tenant compte» de la violation, et non pas «un réexamen et une infirmation», ni une exclusion
générale des éléments de preuve ou l’annulation de la condamnation, au seul motif qu’il y a eu
violation du paragraphe 1 de l’article 36 et sans se demander si cette violation a influé sur la
déclaration de culpabilité et la condamnation, ni, comme l’affirme M. Dupuy, «un résultat précis,

1
LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J Recueil 2001, par. 128, al. 7.
- 4 -
concret, déterminé : rétablir le statu quo ante»
2
. L’expression «réexamen et revision» fait
clairement référence à un processus d’appréciation individualisé, un processus par lequel l’entité
nationale concernée réexamine chaque cas sur le fond, au regard du droit interne.
8.4. La décision de la Cour implique aussi nécessairement que la déclaration de culpabilité et
la peine puissent être maintenues si la violation n’a causé aucun préjudice. La notion de réexamen
et revision individualisés n’aurait pas de sens si un remède automatique consistant à exclure les
éléments de preuve ou à annuler la décision était requis. Dans la quasi-totalité des recours
examinés aux Etats-Unis — de fait, pour la plupart de ceux qui sont fondés sur une violation des
droits constitutionnels —, un verdict de culpabilité en matière pénale n’est infirmé que si, au
minimum, l’erreur commise a causé un préjudice à l’accusé3
.
8.5. Ainsi, l’arrêt LaGrand prescrivait un remède qui prenne la forme d’une procédure — un
mécanisme de bonne foi par lequel le verdict de culpabilité et la peine puissent être réexaminés —
et non la forme d’un résultat concret sur le fond. En outre, conformément à d’autres principes de
droit international, la Cour a reconnu que ce mécanisme de réexamen et de revision devait être
défini et choisi par les Etats-Unis en fonction de leurs propres lois et règlements. Il ne s’agissait
pas d’un mécanisme choisi par la Cour, ni d’un mécanisme que les Etats d’envoi voudraient voir
appliqué à leurs ressortissants en territoire étranger mais sans l’appliquer eux-mêmes chez eux.
8.6. Les mécanismes de la justice pénale américaine et la procédure de recours en grâce
permettent de réexaminer et de reviser la déclaration de culpabilité et la peine de tout condamné en
tenant compte d’un défaut d’information ou de notification consulaires. Les Etats-Unis continuent
d’offrir ce moyen de réexamen et de revision, non seulement aux Allemands et aux Mexicains,
mais également aux ressortissants de tous les Etats parties à la convention en cause dans des
affaires auxquelles s’applique l’arrêt LaGrand.

2 CR 2003/25, par. 470 (Dupuy).
3
Voir par exemple Chapman v. California, 386 U.S. 18, p. 23 (1967) (dans laquelle la juridiction a estimé que
certains manquements à la Constitution pouvaient constituer des erreurs sans conséquence, établissant ainsi le critère
applicable à ces erreurs); Arizona v. Fulimante, 499 U.S. 279, p. 306-312 (1991) (qui cite plusieurs exemples de
violations de droits constitutionnels soumises à examen en vue d’établir si l’erreur commise était sans conséquence).
Voir également Neder v. United States, 527 U.S. 1, p. 7 (1999).
- 5 -
8.7. N’en déplaise au Mexique, les mécanismes judiciaires et la procédure de recours en
grâce des neuf Etats qu’il met en cause aujourd’hui sont équitables et efficaces. Dans ces Etats,
tout accusé peut dénoncer en première instance les effets dommageables d’une violation de
l’article 36. Tout accusé peut faire réexaminer en appel ainsi que dans le cadre de recours incidents
l’équité fondamentale de sa déclaration de culpabilité et de sa peine. Tout accusé peut faire
examiner de nouveau les injustices qu’il allègue, notamment un éventuel défaut d’information et de
notification consulaire, lorsqu’il forme un recours en grâce4
. Prises conjointement, ces garanties
qui se renforcent mutuellement forment un système dans lequel tout condamné victime d’une
violation du paragraphe 1 de l’article 36 peut obtenir le réexamen et la revision de sa déclaration de
culpabilité et de sa peine.
Le réexamen et la revision dans le cadre de la procédure pénale
8.8. Le Mexique a affirmé dans son mémoire, ainsi que dans sa plaidoirie d’hier, que les
fonctionnaires consulaires apportaient aux personnes faisant l’objet de poursuites judiciaires aux
Etats-Unis une assistance importante dans certains domaines précis. Le Mexique veut s’assurer
que ses ressortissants bénéficient d’une équité fondamentale devant les tribunaux américains. Il
soutient que l’assistance et la notification consulaires constituent «un élément fondamental d’une
procédure régulière»5
, que «sans notification ni assistance consulaires les procédures pénales
deviennent fondamentalement inéquitables»6
, et que la notification consulaire «permet le respect
[des] garanties essentielles d’une procédure régulière», notamment le droit de ne pas être forcé de
témoigner contre soi-même, de recevoir l’assistance efficace d’un avocat et de préparer sa défense7
.
8.9. M. Philbin vous a montré ce matin que le système de la justice pénale des Etats-Unis
s’engage à protéger, et en fait garantit, la totalité des intérêts essentiels que le Mexique invoque. Je
vais pour ma part examiner comment ce système permet également de réexaminer et de reviser une
déclaration de culpabilité et une peine en tenant compte d’une éventuelle violation de la convention

4
Voir la déclaration de M. Christopher A. Wray, procureur général adjoint, division des affaires pénales du
ministère de la Justice (ci-après «déclaration concernant la justice pénale américaine»), CMEU, annexe 7, par. 75. Voir
également les déclarations concernant la procédure de recours en grâce dans les différents Etats, annexes 8 à 17.
5
MM, par. 6.
6
Id., sect. V, partie A («Sans notification ni assistance consulaires les procédure pénales deviennent
fondamentalement inéquitables»), par. 305-308.
7
Id., par. 317.
- 6 -
de Vienne. Il est important que la Cour comprenne que si un ressortissant étranger peut démontrer
que ses droits fondamentaux à une procédure régulière n’ont pas été respectés, que ce soit en raison
d’un défaut de notification consulaire ou pour tout autre motif, il peut obtenir réparation. Par les
garanties qu’il offre, le système judiciaire américain satisfait au critère énoncé par le président Shi
dans l’affaire LaGrand, à savoir qu’il faut «s’employer au maximum à prévenir l’injustice ou
l’erreur dans la déclaration de culpabilité ou la condamnation»8
, ainsi qu’à celui énoncé par le
juge Koroma, selon lequel «chacun, quelle que soit sa nationalité, a droit à des garanties judiciaires
fondamentales, dont le droit de faire appel d’une condamnation ou d’une peine ou d’en demander
la revision»9
.
8.10. Voyons maintenant plus en détail comment le système judiciaire des Etats-Unis
remédie aux violations des intérêts fondamentaux que le Mexique cherche à protéger. En première
instance, tout accusé a la possibilité de démontrer qu’une violation de l’article 36 connue de lui ou
de son avocat a porté atteinte à son droit à une procédure régulière, que le tribunal de première
instance qualifie ou non sa demande de recours fondé sur la violation d’un droit «individuel» ou
d’un droit «fondamental» découlant de la convention de Vienne. Il peut arriver qu’un accusé
décide, pour des raisons stratégiques ou autres, de ne pas formuler de grief en première instance
même s’il se sait victime d’une violation. En fait, au moins huit des cinquante-deux ressortissants
mexicains dont le cas nous occupe en l’espèce savaient qu’ils pouvaient soulever ce moyen, mais
ils ont choisi de ne pas le faire au stade de la première instance10. M. Esquivel Barrera, par

8
LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J Recueil 2001, opinion individuelle du
vice-président Shi, par. 17.
9
LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J Recueil 2001, opinion individuelle du
juge Koroma, par. 8.
10 Il s’agit des cas suivants : no
6 (Covarrubias Sanchez) (qui n’a invoqué le moyen de la CVRC en première
instance alors que, selon le Mexique, les fonctionnaires consulaires mexicains avaient eu connaissance de sa situation peu
après l’arrestation et l’ont assisté tout au long de la phase précédant le procès ainsi que pendant celui-ci); no
9 (Hoyos)
(qui n’a pas invoqué le moyen de la CVRC au procès alors que les fonctionnaires consulaires mexicains avaient appris sa
détention au moins six mois avant); no
14 (Manriquez Jaquez) (le consulat a été informé deux ans avant le procès, mais le
moyen de la CVRC n’a pas été invoqué en première instance); no
22 (Salcido Bojorquez) (qui n’a pas invoqué le moyen
de la CVRC en première instance alors que les fonctionnaires consulaires mexicains l’ont assisté tout au long de la phase
précédant le procès et pendant celui-ci); no
27 (Verano Cruz) (qui n’a pas invoqué le moyen de la CVRC en première
instance alors que les fonctionnaires consulaires mexicains avaient appris son arrestation dix-sept mois avant le procès);
n
o
29 (Zamudio Jimenez) (qui n’a pas invoqué le moyen de la CVRC en première instance alors que les fonctionnaires
consulaires mexicains avaient appris son arrestation plus d’un an avant le procès); no
49 (Camargo Ojeda) (qui n’a pas
invoqué le moyen de la CVRC en première instance, ni au stade des appels directs ou d’autres procédures engagées après
sa condamnation, alors que le consulat mexicain avait appris sa situation quatre mois avant le procès); no
54
(Reyes Camarena) (qui n’a pas invoqué le moyen de la CVRC en première instance alors que le consulat mexicain avait
eu connaissance de sa situation sept mois avant le procès).
- 7 -
exemple, a été abondamment aidé par des fonctionnaires mexicains avant son procès, ainsi que
pendant celui-ci et jusqu’au prononcé de la peine, mais il n’a pourtant pas formulé de grief au titre
de la convention de Vienne11
.
8.11. Lorsqu’ils sont saisis d’un grief de ce genre, les tribunaux de première instance ont le
pouvoir de décider si le défaut d’information consulaire a constitué une erreur empêchant
l’exercice d’un droit suffisamment important pour appeler réparation. Les tribunaux de première
instance ont le pouvoir d’ordonner le retrait des déclarations d’un ressortissant étranger si celui-ci
les a faites involontairement ou s’il a renoncé à ses droits sans les comprendre. Carlos Alvarez et
Ramiro Hernandez ont ainsi demandé le retrait de leurs déclarations mais n’ont pas pu démontrer
qu’elles avaient été faites involontairement12. Les tribunaux de première instance peuvent
également décider un ajournement ou proroger un délai pour permettre aux autorités de procéder à
la notification consulaire ou même laisser au consulat le temps de fournir l’assistance consulaire
s’il le souhaite. Les tribunaux de première instance ont le vaste pouvoir de définir d’autres
remèdes qu’ils jugeraient appropriés, comme ordonner la recherche d’éléments de preuve
supplémentaires ou remplacer un avocat qui ne donne pas satisfaction. Ainsi, dans le cas de
Mendoza Garcia, le tribunal, même s’il a rejeté la demande de l’accusé visant à faire retirer les
déclarations qu’il avait faites devant la police, a néanmoins rendu une ordonnance par laquelle il
sollicitait le concours du Gouvernement du Mexique pour faire venir des témoins à décharge aux
Etats-Unis 13
.
8.12. Tout ressortissant étranger a la possibilité, lors des recours en appel et incidents, de
démontrer que le défaut de notification consulaire a eu pour effet de le priver de son droit à une
procédure régulière ou de compromettre d’une quelconque façon l’équité fondamentale de son
procès. Lorsqu’un accusé a fait valoir en première instance que l’absence d’information consulaire
a porté atteinte à un droit donné, il peut être demandé à une juridiction d’appel d’examiner
comment la juridiction inférieure a traité cette réclamation…

11 MM, annexe 7, app. A, par. 40.
12 MM, annexes 48-49, par. 993-998, 1035.
13 CMEU, annexe 2, app. [17], par. 6.
- 8 -
Le PRESIDENT : Monsieur Thessin, peut-être souhaitez-vous faire une pause, nous pouvons
poursuivre avec le prochain intervenant. Est-ce que cela vous convient ?
La Cour va suspendre l’audience un moment.
M. TAFT : Je vous remercie, Monsieur le président, nous tiendrons la Cour informée.
Le PRESIDENT : Entendu, je vous remercie.
L’audience est suspendue de 15 h20 à 15 h 35.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience reprend. Au nom des Membres de la
Cour, j’adresse mes vœux les meilleurs de prompt rétablissement à M. Thessin. Je donne
maintenant la parole à M. Weigend.
M. WEIGEND :
IX. REMÈDES — SYSTÈMES DE JUSTICE PÉNALE
I. Introduction
9.1. Je vous remercie. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, éminents
conseils. Au nom de la délégation américaine, j’aimerais vous remercier pour votre patience durant
cet incident. C’est un grand honneur pour moi que de me présenter devant la Cour aujourd’hui au
nom des Etats-Unis d’Amérique. Mon rôle, au cours de cette plaidoirie des Etats-Unis, consistera à
mettre en évidence quelques points de droit procédural pénal, domaine que j’ai étudié et enseigné
tout au long de ma vie professionnelle.
9.2. Vous vous demandez peut-être ce que le droit procédural pénal vient faire dans le
différend dont est saisie la Cour et qui porte sur la question de savoir si les Etats-Unis ont respecté
l’article 36 et les prescriptions de la Cour dans l’affaire LaGrand. Le rapport avec le droit
procédural pénal tient au fait que le Mexique a invité la Cour à conclure que les Etats-Unis doivent
introduire des modifications lourdes de conséquences dans leurs systèmes de justice pénale interne
afin de se conformer à la décision rendue dans l’affaire LaGrand. Je voudrais par consequent
- 9 -
inviter la Cour à prendre en considération l’effet qu’une décision éventuelle en faveur du Mexique
aurait sur les systèmes de justice pénale, non seulement des Etats-Unis mais aussi des
cent soixante-cinq Etats parties à la convention de Vienne.
9.3. Mon intervention a pour objet de montrer que les remèdes proposés par le Mexique pour
des violations de la convention de Vienne entreraient en contradiction absolue avec le droit
procédural pénal de la plupart des systèmes juridiques qui existent dans le monde. L’adoption des
solutions radicales préconisées par le Mexique aurait un effet dévastateur sur la manière très
équilibrée dont les systèmes juridiques traitent les manquements en matière de procédure régulière.
Compte tenu de cela, je suis d’avis que la Cour serait bien avisée de suivre la voie qu’elle a
empruntée dans l’affaire LaGrand, à savoir ne pas imposer aux Etats des ajustements procéduraux
spécifiques pouvant se révéler incompatibles avec leurs systèmes de procédure, et laisser à chaque
Etat le soin de procéder au réexamen et à la revision des affaires par les moyens de son choix14
.
2. La restitutio in integrum dans le cadre de la procédure pénale
9.4. Dans la décision qu’elle a rendue dans l’affaire LaGrand, la Cour a conclu que, non
seulement l’Etat d’envoi, mais aussi le citoyen, se trouvaient lésés par une violation de
l’article 3615, et que, dans les cas où ont été infligées des peines sévères, le réexamen et la revision
de ces dernières devraient être permises compte tenu de la violation16. Le Mexique voudrait à
présent faire de cette proposition une obligation à agir incombant à l’Etat de résidence, et consistant
à rétablir la situation qui existait avant que ne survienne le fait illicite. Le Mexique applique en
outre ce concept de la restitutio in integrum à la procédure pénale, exigeant que la Cour ordonne
aux Etats-Unis d’introduire dans leur droit interne trois remèdes procéduraux distincts. Bien que,
dans sa plaidoirie d’hier, il ait soutenu du bout des lèvres la prescription de la Cour dans l’arrêt
LaGrand selon laquelle le choix du moyen était laissé à chaque Etat, le Mexique a défini de
manière si restrictive les objectifs éventuels à atteindre pour remédier aux violations de l’article 36
que l’unique choix qui demeure serait d’adopter les mesures procédurales spécifiques proposées
par le Mexique dans son [mémoire], à savoir :

14 Cf. LaGrand, par. 125.
15 LaGrand, par. 77.
16 LaGrand, par. 90.
- 10 -
¾ premièrement, le jugement et la peine doivent être annulés à chaque fois que les conditions de
l’article 36 de la convention de Vienne n’auront pas été remplies;
¾ deuxièmement, un nouveau procès doit être accordé dans ce cas, même si le jugement et la
peine ont été rendus en dernier ressort dans le cadre du droit interne;
¾ troisièmement, lors du nouveau procès, toute déclaration de l’accusé faite avant que ce dernier
n’ait été informé de ses droits de communiquer avec les autorités consulaires doit être
supprimée.
3. L’article 36 de la CVRC et la procédure pénale
9.5. Je suis d’avis que le Mexique se trompe en appliquant le concept de la restitutio in
integrum de cette manière. Avant d’examiner de plus près chacune des propositions du Mexique, il
serait peut-être utile de voir brièvement le rapport qui existe entre les dispositions de l’article 36 et
la procédure pénale. Hier, M. Bernal vous a dit que l’intervention d’un fonctionnaire consulaire
était nécessaire pour veiller au respect des garanties minimales d’une procédure régulière, et
M. Donovan a laissé entendre que le champ d’application du paragraphe 1 de l’article 36 se limitait
aux enquêtes pénales. Ce sont là des conceptions erronées qui risquent de donner aux uns et aux
autres une perception tout à fait déformée des questions cruciales qui se posent en l’espèce.
Comme Mme Brown l’a déjà expliqué ce matin, l’article 36 de la convention de Vienne ne
concerne pas uniquement les accusés dans une procédure pénale, mais aussi tout ressortissant
étranger placé en détention par l’Etat de résidence pour quelque raison que ce soit. Les obligations
incombant aux Etats de résidence en vertu de l’article 36 ont pour but de permettre au consulat, si
le détenu le souhaite, d’aider ce dernier à faire face à cette situation, par exemple en informant la
famille de l’intéressé ou en organisant une assistance humanitaire ou juridique — toutes choses qui
sont utiles, quelle que soit la raison pour laquelle l’individu a été placé en détention. Le droit
procédural pénal, d’autre part, confère à chaque suspect, quelle que soit sa nationalité, certains
droits fondamentaux qui lui permettent d’être à «armes égales» avec l’accusation, notamment en lui
fournissant un avocat, en s’assurant qu’il ait connaissance des charges retenues contre lui et de ses
droits en tant qu’acteur de la procédure, et en lui donnant la possibilité d’avoir accès à des éléments
de preuve à décharge. Si le suspect ne comprend pas ou ne parle pas bien la langue dans laquelle
- 11 -
l’enquête est menée, il doit bénéficier des services d’un interprète. Dans la réalité, les deux types
d’obligations, celles concernant l’information et la notification consulaires, d’une part, et celles
imposées par le droit procédural pénal, d’autre part, se chevauchent parfois; mais, alors que
l’intervention consulaire peut parfois avoir pour effet de renforcer la situation du suspect sur le plan
procédural, cet effet ne constitue certainement pas le but poursuivi à travers l’article 36. Comme
M. Philbin l’a expliqué en détail ce matin, les droits en matière de procédure pénale interne ont
pour but de garantir une procédure et un jugement équitables, et cela vaut pour tous les suspects,
quelle que soit leur nationalité, qu’il y ait eu ou non une intervention éventuelle de fonctionnaires
consulaires. La communication avec le consulat ne constitue, du point de vue juridique, en aucune
manière une condition préalable à la tenue d’un procès équitable; l’existence d’une telle
communication n’a pas davantage d’incidence sur l’équité du jugement ou de la peine. En un mot :
l’article 36 de la convention de Vienne ne confère aucun droit en matière de procédure pénale.
9.6. Il est important d’avoir à l’esprit cette relation plutôt éloignée entre les procédures de
notification consulaire et les droits en matière de procédure pénale, lorsque l’on cherche à définir
des remèdes pour des violations de l’article 36. Parce que l’inobservation des dispositions de
l’article 36 pourrait, dans certains cas, avoir une influence factuelle sur la déclaration de culpabilité
et la peine prononcées à l’encontre d’un ressortissant étranger, la Cour a déclaré dans l’affaire
LaGrand qu’aucun système juridique ne doit exclure, de manière catégorique, que des accusés
étrangers puissent porter une violation de l’article 36 à la connaissance des autorités de l’Etat de
résidence avant l’application d’une peine sévère. Le Mexique demande toutefois à présent à la
Cour d’aller bien au-delà de ce qu’elle a fait dans l’affaire LaGrand en obligeant les Etats-Unis à
reprendre la procédure à zéro, chaque fois que se produit une violation de l’article 36.
4. Les remèdes
1. Peut-on revenir au point de départ ?
9.7. A la lumière des observations formulées hier par MM. Donovan et Dupuis, il y a lieu,
me semble-t-il, de souligner, d’emblée, qu’il est simplement impossible de revenir au point de
départ dans une procédure pénale. A de nombreux égards, la vie serait plus simple s’il était
possible d’ignorer ce qui s’est produit dans le passé et de prendre un nouveau départ — ce qui,
- 12 -
d’après le Mexique, constituerait le règlement approprié pour les cas qui vous ont été soumis. Mais
ce n’est pas ainsi que la procédure pénale fonctionne et je puis dire que même la doctrine de la
restitutio in integrum ne saurait la faire fonctionner de cette manière. Les systèmes juridiques
prévoient la possibilité que la procédure pénale soit entachée d’erreurs judiciaires. Mais, même
lorsqu’un procès est déclaré inéquitable, une cour d’appel ne peut rien faire de plus que d’annuler
le jugement et d’ordonner que soit organisé un nouveau procès. Même une cour d’appel ne peut
effacer ce qui s’est passé avant le procès. Même lorsque certaines déclarations sont écartées en
tant qu’éléments de preuve à prendre en considération lors du procès, un nouveau procès ne peut
être organisé sur la base du statu quo ante. La cour ne peut pas supprimer des informations
découvertes entre-temps par les services de police et elle ne peut exercer de contrôle sur les
éléments de preuve qui pourraient avoir été tirés de ces informations ou qui pourraient avoir été
recueillis séparément. Lorsque l’on recherche un moyen approprié de régler des affaires dans
lesquelles se sont produites des violations de l’article 36, il faut cesser de croire naïvement qu’il est
possible de rembobiner le film et de repartir de zéro. Je crains que les choses ne soient plus
compliquées que cela.
2. L’annulation automatique
9.8. En plus de la solution consistant à repartir de zéro, le Mexique préconise que tout
jugement reposant sur une procédure dans laquelle les prescriptions de l’article 36 n’ont pas été
suivies doit être annulé sans qu’ait été prouvée l’existence d’un préjudice. Comme je l’ai expliqué
plus en détail dans la déclaration écrite versée au dossier de l’affaire, les systèmes juridiques
nationaux prévoient dans certaines circonstances l’annulation automatique d’un jugement à la suite
d’une procédure de recours appropriée. Mais, cette solution radicale est généralement réservée aux
applications erronées du droit pénal matériel et au non-respect des conditions préalables
fondamentales d’une procédure régulière. Dans la plupart des systèmes juridiques, les déclarations
de culpabilité sont annulées lorsqu’elles ne sont pas en conformité avec le droit pénal matériel
applicable, par exemple, lorsque la juridiction de première instance a fondé le verdict de culpabilité
prononcé à l’encontre de l’accusé sur une mauvaise interprétation d’une loi pénale. Cela n’est
manifestement pas le cas en l’espèce. Les systèmes juridiques sont bien plus restrictifs quand il
- 13 -
s’agit de l’annulation de jugements entachés de vices de procédure. Il n’y a que très peu de
catégories de vices de procédure qui soient pratiquement reconnus universellement comme
conduisant à une annulation automatique, c’est-à-dire sans que l’accusé ne soit au moins tenu de
prouver que, dans son cas, il y a eu préjudice. Ce type de vice de procédure tout à fait
«irrémédiable» se limite généralement à une composition illégale du tribunal, à l’absence au procès
de personnes tenues légalement d’y être présentes — parmi lesquelles figure l’avocat de la défense
lorsque son intervention est exigée par la loi — et la tenue du procès à huis clos, en violation de la
loi17. Les violations de la convention de Vienne sont rarement considérées comme des vices de
procédure, étant donné qu’elles ne concernent que rarement les droits à une procédure régulière
d’un ressortissant étranger. Et, même si l’on insistait sur l’incidence factuelle que les violations de
l’article 36 peuvent avoir sur le verdict de culpabilité ou sur la peine prononcés à l’encontre d’un
accusé, le défaut de notification consulaire ne s’inscrit pas dans la brève liste des vices de
procédure irrémédiables conduisant à une annulation automatique. Il convient de garder à l’esprit
que même des violations des droits fondamentaux en première instance, tels que le droit de
consulter un avocat ou le privilège de ne pas témoigner contre soi-même, dans la grande majorité
des systèmes juridiques, ne conduiront à un nouveau procès que si l’appelant peut prouver qu’il a
subi un préjudice, c’est-à-dire que la violation a pu avoir une incidence sur l’issue de son procès.
9.9. La position du Mexique à ce sujet peut s’expliquer par le fait que le code de procédure
pénale du Mexique diverge de la plupart des systèmes juridiques. En droit mexicain, un appel
aboutit dès lors que l’accusé peut apporter la preuve qu’il n’a pas été informé de son droit à un
avocat, qu’il a été empêché de prendre contact avec un avocat, qu’aucun interprète ne lui a été
fourni, ou que le tribunal a refusé d’examiner des éléments de preuve à décharge correctement
présentés par l’accusé18. Le Mexique n’a adopté ces règles que dans les années quatre-vingt-dix
¾ bien après la négociation de la convention de Vienne — pour pallier les abus apparents de son
système de justice pénale. Du point de vue de la protection des droits de l’homme, je n’hésite pas à

17 Voir code de procédure pénale chilien, art. 374; code de procédure pénale chinois, art. 191; code de procédure
pénale français, art. 592, 593, 596; code de procédure pénale allemand, art. 338; code de procédure pénale japonais,
art. 377, 378.
18 Code de procédure pénale mexicain, art. 388. L’inobservation de dispositions procédurales importantes peut
aussi être contestée devant plusieurs juridictions fédérales à la fois; voir Constitution du Mexique, art. 14, 103.
- 14 -
féliciter le Mexique d’avoir pris cette mesure courageuse et progressiste. Le système mexicain
possède néanmoins un caractère exceptionnellement libéral par rapport à celui de la plupart des
autres pays. En conséquence de quoi, le remède proposé par le Mexique concernant les violations
de l’article 36 divergerait des règles de réexamen en appel en vigueur dans la plupart des pays. Il
divergerait également des règles mexicaines elles-mêmes : même la liste élargie qui répertorie les
vices de procédure débouchant sur une annulation «automatique» ne comprend pas le défaut
d’information et de notification consulaires. Par conséquent, même selon ses propres normes
pourtant généreuses, le Mexique ne semble pas garantir l’annulation d’une déclaration de
culpabilité prononcée à l’encontre d’un suspect étranger qui n’invoquerait qu’une violation,
antérieure au procès, celle des dispositions de l’article 36.
9.10. La demande du Mexique selon laquelle les jugements doivent être annulés, chaque fois
qu’il y a violation de l’article 36 présente une autre insuffisance. Plusieurs systèmes juridiques, y
compris celui des Etats-Unis et celui du Mexique, posent des limites à la recevabilité des appels
pour vice de procédure. Ils imposent des délais très courts pour les recours contre des décisions ou
actes entachés de vices de procédure. Par exemple, selon l’article 386 du code de procédure pénale
du Mexique, il ne peut être fait appel pour vice de procédure d’une décision contre laquelle la
partie n’a pas exercé le recours prévu par la loi ou, en cas d’impossibilité d’exercer ce recours, si la
partie n’a pas protesté aussitôt qu’elle a eu connaissance du vice de procédure19. Des exceptions à
cette règle stricte relative à la carence procédurale20 ne sont d’application que s’il y a eu une
violation manifeste privant l’accusé de la possibilité de se défendre ou si l’absence de protestation
en temps utile résultait uniquement de l’incompétence ou de la négligence de l’avocat de l’accusé.
La règle de la carence procédurale limite donc de manière significative la capacité qu’a un accusé
d’invoquer une violation de l’article 36, et cet état de fait s’étend aux procédures spéciales relatives
aux violations des droits de la défense évoquées par l’ambassadeur Oñate hier.

19 Pour des règles similaires, cf. code de procédure pénale argentin, art. 170; code de procédure pénale français,
art. 595, 599.
20 Code de procédure pénale fédéral mexicain, art. 387.
- 15 -
9.11. En somme, l’affirmation du Mexique selon laquelle «[l]e non-respect des conditions à
remplir pour que la procédure soit équitable entraîne la nullité de toute condamnation ou de toute
peine prononcée à l’issue d’une procédure viciée» ne décrit pas correctement l’état du droit
procédural pénal à l’échelle mondiale21. Encore moins pourrait-on dire que le défaut d’information
ou de notification consulaires annulerait automatiquement tout jugement qui serait rendu par la
suite. Pas même le Mexique ne se plie à la règle fantaisiste qu’il demande à la Cour d’adopter et
d’imposer à tous les Etats parties à la convention de Vienne. Non seulement il n’y a pas la moindre
trace d’une telle règle dans la convention de Vienne elle-même, mais l’adoption de pareille règle
entrerait en conflit avec les mécanismes établis et bien conçus du réexamen en appel qui existent
dans de nombreux systèmes juridiques internes.
3. Réexamen de l’affaire
9.12. Le Mexique va cependant encore plus loin et demande à la Cour d’étendre la règle de
l’annulation automatique à des affaires dans lesquelles le jugement et la peine sont devenus
définitifs en vertu du droit interne22. Cela conduirait à une ingérence encore plus grande dans des
principes de procédure pénale universellement reconnus. M. Donovan était bien entendu dans le
vrai en déclarant hier que la plupart des systèmes judiciaires prévoient la possibilité d’organiser de
nouveaux procès. Il a toutefois omis de mentionner le fait que chaque système juridique fixe des
limites strictes à la réouverture des procédures pénales. Les systèmes juridiques posent des
conditions de délais, et autres, différentes, en ce qui concerne le droit qu’ont les parties de contester
les décisions rendues par une cour de justice. Les Etats-Unis disposent en fait d’un des systèmes
juridiques les plus généreux à cet égard, qui offre aux accusés des possibilités supplémentaires de
recourir contre les verdicts de culpabilité prononcés à leur encontre, à travers des procédures
incidentes d’habeas corpus, une fois que les voies de recours en appel ordinaires ont été épuisées.
Il est cependant important de relever que tous les systèmes juridiques, sous une forme ou une autre,
se fondent sur la même conception générale selon laquelle, à un certain stade, les recours en appel
ne sont plus disponibles, les jugements acquièrent un caractère définitif, et les procédures ne

21 MM, par. 307.
22 MM, par. 383.
- 16 -
peuvent plus être rouvertes. Ce concept du caractère définitif du jugement est nécessaire pour
garantir la stabilité, la crédibilité et l’efficacité qui doivent présider à l’administration de la justice
pénale. La réouverture des affaires, des années voire des décennies après le procès en première
instance, ne conduirait qu’à des simulacres de procès, où les témoins auraient des souvenirs moins
vivaces, où les éléments de preuve seraient de second ordre parce que les éléments de preuve
initiaux auraient disparu depuis longtemps ou n’auraient plus aucune valeur. Dans de nombreuses
affaires, il serait impossible de rendre la justice sur la base d’éléments de preuve aussi peu solides.
9.13. La plupart des systèmes respectent avec sagesse la règle selon laquelle les jugements
devenus définitifs ne peuvent être contestés devant un tribunal, sauf circonstances tout à fait
exceptionnelles. L’existence de quelque vice de fond ou de forme ne suffit pas à remettre en cause
le caractère définitif du jugement. L’accusé ne pourra obtenir la réouverture de son affaire et la
tenue d’un nouveau procès que si, pour une raison particulière juridiquement valable, le maintien et
l’exécution du jugement initial seraient, au nom de la justice, intolérables. Les circonstances
pouvant générer un appel extraordinaire contre un jugement définitif tendent à se ressembler à
travers le monde. Elles se limitent généralement à deux types de situations : un processus initial
vicié par une action criminelle (falsa) et la découverte tardive de nouveaux éléments de preuve
extrêmement pertinents après le prononcé d’un jugement définitif (nova). Des exemples classiques
de la première catégorie sont les affaires dans lesquelles un témoin du procès initial a été condamné
pour faux témoignage, ou dans lesquelles un document tendant à compromettre l’accusé s’avère
ultérieurement avoir été un faux. Des exemples appartenant à la catégorie des «nouvelles preuves»
seraient les aveux crédibles d’une autre personne déclarant avoir commis le crime en question,
lequel ne peut avoir été commis que par une seule et même personne, ou la réapparition — en
bonne santé — de la victime présumée du meurtre. Le droit mexicain suit de près ce schéma,
précisant que c’est à la personne condamnée qu’incombe la charge de la preuve de l’existence des
circonstances extraordinaires pouvant remettre en question le caractère définitif du jugement23
.

23 Code de procédure pénale fédéral mexicain, art. 560.
- 17 -
9.14. Les cas dont est saisie la Cour sont loin de satisfaire aux critères rigoureux que je viens
d’énoncer. Dans le cadre de la procédure pénale, les violations de l’article 36 sont, tout au plus, de
simples vices de procédure, et ces vices ne suffisent pas à empêcher l’application de la règle du
caractère définitif du jugement24. Lorsque le Mexique demande à la Cour d’ordonner aux
Etats-Unis de rouvrir des affaires longtemps après le jugement définitif, il invite la Cour à inventer
une règle entièrement inédite, qui est contraire aux systèmes de procédure nationaux et qui
déstabiliserait les principes fondamentaux du droit procédural pénal reconnus à travers le monde, y
compris au Mexique.
4. L’exclusion d’éléments de preuve
9.15. Monsieur le président, permettez-moi, de passer à la dernière demande du Mexique qui
relève de la partie des plaidoiries des Etats-Unis qui me revient. Le Mexique voudrait que la Cour
statue que toute déclaration faite par un ressortissant étranger, avant que ce dernier n’ait reçu
l’information consulaire ou n’ait pris contact avec un fonctionnaire consulaire, doit être supprimée.
Cette demande repose sur deux postulats : premièrement, qu’il est contraire à la loi que les forces
de police recueillent la déclaration d’un accusé avant que celui-ci n’ait reçu l’information
consulaire ou pris contact avec le consulat dont il dépend; et deuxièmement, que l’exclusion
d’éléments de preuve obtenus de manière illicite — la soi-disant règle d’inadmissibilité — est un
principe général de droit relevant de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la
Cour25. Mon opinion est que ces deux postulats sont inexacts et que la décision de portée générale
que le Mexique demande à la Cour de prendre serait, par conséquent, dénuée de fondement
juridique.

24 Quelques Etats européens ont récemment instauré la possibilité de rouvrir une affaire pénale lorsque la Cour
européenne des droits de l’homme constate une violation des droits de l’homme de l’accusé (voir, par ex. code de
procédure pénale allemand, art. 359, par. 6). Ce fait est cependant sans rapport avec l’espèce : non seulement une
violation de l’article 36 de la convention de Vienne ne peut être comparée à la violation d’un droit fondamental de la
personne humaine, mais il n’existe pas aujourd’hui — et encore beaucoup moins à l’époque de la signature de la
convention de Vienne — de règle universellement reconnue selon laquelle une violation, même celle d’un droit
procédural fondamental, devrait en elle-même conduire à la réouverture d’une affaire définitivement jugée.
25 MM, par. 374.
- 18 -
a) Le droit à l’assistance consulaire avant l’interrogatoire ?
9.16. Premièrement, je n’ai trouvé aucun système juridique qui prévoie dans le cadre de la
procédure pénale pour un suspect, ressortissant étranger, un droit absolu de s’entretenir avec un
fonctionnaire consulaire avant d’être interrogé par la police; et, dans la grande majorité des Etats,
les suspects n’ont même pas à être informés de leurs droits à la notification consulaire avant d’être
interrogés. Cela signifie, bien entendu, que la police n’agit pas de manière illicite en interrogeant
un suspect avant tout contact entre ce dernier et son consulat. Dans mes recherches sur cette
question, je n’ai trouvé aucun système juridique ayant expressément intégré les obligations de
l’article 36 dans son code de procédure pénale. Le code de procédure pénale du Mexique fait
référence à la notification consulaire, mais pas dans les termes envisagés dans l’article 3626; et tant
le Danemark27 que le Brésil28 semblent interpréter les droits juridiques ou constitutionnels des
suspects dans une procédure pénale comme comprenant un droit à l’information et/ou à la
notification consulaires. Dans la très grande majorité des Etats, toutefois, les obligations découlant
de l’article 36 ne figurent nulle part dans les instruments juridiques relatifs à la procédure pénale; et
il en est ainsi même dans des Etats tels que l’Argentine ou le Chili dont les codes de procédure
pénale contiennent des listes détaillées des droits procéduraux du suspect29. Si l’on pousse
l’examen au-delà de la législation interne, on peut relever que les statuts des tribunaux pénaux
internationaux et leurs règles procédurales, tout en garantissant le droit à bénéficier de l’assistance
d’un avocat30 dès le début de la procédure, ne font aucune référence à l’information ou la
notification consulaire dont il est question à l’article 36.
9.17. Qu’il ne soit pas expressément fait référence à la convention de Vienne ne signifie bien
entendu pas que les Etats parties à la convention ne respectent pas et n’appliquent pas les
prescriptions dudit document. Cependant, compte tenu de l’absence de dispositions expresses, on

26 Voir troisième phrase du paragraphe 4 de l’article 128 du code de procédure pénale fédéral mexicain :
«[L]orsqu’il s’agit d’un étranger, la mission diplomatique ou consulaire compétente doit être immédiatement informée de
sa mise en détention.»
27 La pratique danoise consistant à informer les ressortissants étrangers du contenu de l’article 36 de la
convention de Vienne ne se base pas sur un texte de loi, mais sur une directive adressée par le ministre de la justice
danois à la police nationale le 12 juin 2001.
28 Voir article 5 (LXIII) de la Constitution brésilienne.
29 Code de procédure pénale argentin, art. 298; code de procédure pénale chilien, art. 94.
30 Cf. Cour pénale internationale, règlement de procédure et de preuve, alinéa 2 de la règle 117; Statut du
Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, alinéa 4) de l’article 21.
- 19 -
ne peut pas attendre des forces de police qu’elles aillent au-delà des prescriptions explicites du
texte de la convention et qu’elles s’abstiennent d’interroger les suspects avant que ces derniers ne
soient informés de la possibilité de la notification consulaire, avant que le contact avec le consulat
du suspect n’ait été établi ou avant qu’un fonctionnaire consulaire n’ait jugé bon de s’entretenir
avec le suspect. Cette procrastination, non seulement entraverait gravement la possibilité
d’élucider des faits essentiels, mais irait à l’encontre de la pratique habituelle qui a cours dans un
grand nombre de systèmes juridiques. Par exemple, dans plusieurs pays, la responsabilité en
matière d’information consulaire incombe aux autorités judiciaires, et non aux enquêteurs.
D’autres pays, notamment la Chine, la France et le Japon, autorisent l’interrogatoire de suspects, au
moins durant un temps limité, sans même permettre à ces suspects de prendre auparavant contact
avec un avocat. Au vu de ce rappel normatif et factuel, je ne vois pas de base sur laquelle peut
s’appuyer l’affirmation du Mexique selon laquelle un fonctionnaire de police agirait d’une manière
contraire à la loi, s’il ne reporte l’interrogatoire d’un suspect étranger jusqu’à ce que ce dernier ait
reçu l’information consulaire ou ait eu la possibilité de s’entretenir avec son fonctionnaire
consulaire.
b) L’exclusion d’éléments de preuve obtenus illégalement
9.18. Le Mexique a, de la même manière, élaboré une théorie plutôt fantaisiste qui veut que
l’exclusion d’éléments de preuve obtenus illégalement soit un principe universellement reconnu, au
sens de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la Cour. Mon opinion est qu’un
principe comme celui avancé par le Mexique est tout simplement inexistant. Monsieur le président,
Madame et Messieurs de la Cour, vous serez peut-être surpris par cette affirmation étant donné
qu’hier M. Donovan a aimablement fait référence à ma déclaration pour étayer la thèse du
Mexique. Comme tout professeur de droit, j’aime être cité en tant qu’autorité, mais je crains que
cette fois M. Donovan ait mal compris ce que j’ai écrit. Certes, un certain nombre de systèmes
juridiques se sont dotés d’une règle générale déclarant irrecevable au procès toute preuve obtenue
illégalement. C’est notamment le cas du Brésil31, de l’Italie32, de la Russie33 et, dans certaines

31 Constitution, art. 5 (LVI).
32 Code de procédure pénale, art. 191, par. 1.
33 Constitution, art. 50 et du code de procédure pénale, art. 88.
- 20 -
conditions et moyennant des exceptions, des Etats-Unis34. La grande majorité des systèmes
juridiques ne suppriment cependant pas les éléments de preuve pour la simple raison qu’ils ont été
obtenus de manière illicite. Au contraire, les juridictions de la plupart des pays tendent à procéder
à une analyse individualisée, prenant en considération la nature et la gravité de la violation, la
fiabilité inhérente des éléments de preuve, la pertinence des éléments de preuve en question dans la
recherche de la vérité, ainsi que la gravité de l’accusation.
9.19. La manière dont la communauté internationale traite la question de l’exclusion des
éléments de preuve apparaît de la manière la plus éloquente dans les termes de l’article 95 du
règlement de procédure et de preuve du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ainsi
que de la section 7 de l’article 69 du statut de la Cour pénale internationale. Selon les dispositions
de ces deux instruments, les éléments de preuve obtenus de manière illicite sont inadmissibles
devant une juridiction à moins que la méthode par laquelle ils ont été obtenus entame fortement
leur fiabilité ou que leur admission irait à l’encontre d’une bonne administration de la justice et lui
porterait gravement atteinte. Si tel était le critère d’exclusion de déclarations faites sans
information ou notification consulaire, ces déclarations devraient assurément être admises : qu’un
suspect ignore les dispositions de l’article 36 n’a certainement aucune incidence sur la fiabilité de
sa déclaration, et il ne saurait être dit que l’admission de celle-ci «porterait gravement atteinte» à
l’intégrité de la procédure judiciaire. Même si un critère plus restrictif était appliqué à l’admission
d’éléments de preuve obtenus illégalement, les violations de l’article 36 ne conduiraient
normalement pas à l’exclusion de ces derniers, puisque leur relation avec les valeurs fondamentales
de la procédure pénale n’est qu’indirecte. Je ne connais aucun système juridique au monde qui
souscrirait à la règle proposée par le Mexique en ce qui concerne l’exclusion d’éléments de preuve
obtenus en l’absence d’une assistance consulaire et il n’existe certainement aucune règle
coutumière généralement acceptée de cette nature. En bref, il n’existe en droit international tout
simplement aucune règle, même un tant soit peu similaire à celle de l’exclusion absolue d’éléments
de preuve que préconise le Mexique.

34 Voir Weeks v. U.S., U.S., 233 U.S. 383 (1914); Mapp v. Ohio, 367 U.S. 643 (1961); Miranda v. Arizona, 384
U.S. 436 (1966); voir aussi les exceptions importantes reconnues, par exemple, Harris v. New York, 401 U.S. 222 (1971)
(la mise en cause [de la crédibilité d’un accusé] à l’aide de déclarations obtenues en violation de la jurisprudence
Miranda); U.S. v. Leon, 486 U.S. 897 (1984) (l’exception reposant sur la «bonne foi»); Oregon v. Elstad, 470 U.S. 298
(1985) (les résultats d’une déclaration n’ayant pas été précédée d’une mise en garde sont recevables).
- 21 -
5. Conclusion
9.20. Pour résumer, je dirai que les remèdes sollicités par le Mexique au titre de violations de
l’article 36 entreraient en contradiction flagrante avec le droit procédural pénal tel que reconnu et
mis en œuvre dans la plupart des Etats parties à la convention de Vienne. Le défaut d’information
et de notification consulaires ne peut pas conduire à l’annulation «automatique» d’un jugement
rendu par la suite, étant donné que, de par sa nature et sa portée, une violation de l’article 36 n’est
assimilable à aucun motif internationalement reconnu d’annulation pour vice de procédure. Le
défaut d’information et de notification consulaires peut encore moins être une raison de
méconnaître les règles relatives au caractère définitif d’une décision prononcée en dernier ressort et
de rouvrir des procédures pénales après épuisement des voies de recours ordinaires ou renonciation
à celles-ci. Le défaut de communication avec les autorités consulaires ne peut pas non plus
conduire à la suppression de déclarations faites par un ressortissant étranger en tant que suspect
dans une enquête pénale, compte tenu de l’attitude restrictive adoptée dans de nombreux systèmes
juridiques en matière d’exclusion d’éléments de preuve intrinsèquement fiables.
9.21. Monsieur le président, je voudrais, si vous me le permettez, conclure sur une note tout
à fait personnelle. Pour moi, les cas soumis à la Cour par le Mexique démontrent une fois de plus
que la justice pénale doit invariablement rendre des décisions difficiles et faire des choix tragiques.
Délinquants et victimes sont tous des êtres humains, des êtres humains qui souvent ont besoin de
notre compassion. Mes émotions ne me rangent pas nécessairement du côté du mécanisme
implacable de la justice pénale, et je ne suis pas un défenseur de la peine capitale. Mais je suis
parvenu à la conclusion que, en l’espèce, ce n’est pas la peine capitale qui est en cause, et qu’il ne
s’agit pas de rendre justice à chacun de ces cinquante-deux accusés. Cela ne saurait être la tâche de
votre Cour. Tout ce qui est demandé à la Cour, c’est de simplement déterminer le remède
approprié pour des violations de l’article 36 de la convention de Vienne. Je me suis proposé
d’expliquer que ces remèdes, dans la mesure où ils s’inscrivent dans une procédure pénale, doivent
s’intégrer dans le cadre général de ladite procédure. La procédure pénale est, dans chaque système
interne, une structure délicate reposant sur l’équilibre précaire existant entre intérêts individuels et
collectifs, entre les objectifs opposés de la justice due aux individus et de l’efficacité, entre
l’exigence de stabilité et la nécessité d’une adéquation aux faits de chaque espèce. Les ingérences
- 22 -
extérieures risquent de nuire gravement à cet équilibre et de créer des tensions sociales et des
conflits juridiques pouvant sérieusement entraver le fonctionnement de tout système de justice
pénale. Les remèdes proposés par le Mexique auraient, comme j’ai tenté de le démontrer,
exactement cet effet : ils imposeraient, non seulement aux Etats-Unis mais aussi, par voie de
conséquence, à tous les Etats parties à la convention de Vienne, des règles strictes pour traiter des
cas isolés d’erreurs ou de manquements — règles qui seraient greffées sur des systèmes
procéduraux dont elles ne font pas partie et dans lesquels elles ne peuvent s’insérer. Je voudrais
respectueusement dire que la Cour ne doit pas s’engager dans cette voie dangereuse, mais, comme
elle l’a fait dans l’affaire LaGrand, laisser à chaque Etat le soin de mettre en oeuvre un remède
approprié et efficace.
Ceci met fin à mon exposé. Je vous remercie de votre patience. Monsieur le président, je
vous prie d’appeler à présent Mme Zoller à la barre.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Weigend. Je donne maintenant la parole à
Mme Zoller.
Ms ZOLLER:
X. REPARATION
Mr. President, Members of the Court,
10.1. The United States now comes to consideration of the validity of Mexico’s claim for
reparation. The Parties are in fundamental disagreement on the facts in this case. It is clear from
what has been said by all those who have preceded me today at the Bar of the Court that the United
States categorically denies committing a single internationally wrongful act in any of these
52 cases. And even if the facts in the present case were not in dispute, Mexico’s extravagant
claims for reparation are completely without foundation in law. It is therefore only by way of
subsidiary argument that the United States will now address those claims.
10.2. The United States defence on the alleged reparation due to Mexico has been fully
explained in its Counter-Memorial. Here we will dwell only on certain aspects, following a
two-stage process of reasoning.
- 23 -
10.3. First, we will show that Mexico’s exorbitant claims have no legitimate basis in
international law, so that there is no reason in the present case to depart from the LaGrand
jurisprudence, according to which:
“should [foreign] nationals nonetheless be sentenced to severe penalties, without their
rights under Article 36, paragraph 1 (b), of the Convention having been respected, [the
receiving State], by means of its own choosing, shall allow the review and
reconsideration of the conviction and sentence by taking account of the violation of
the rights set forth in that Convention”35
10.4. Secondly, we will show how, in the eyes of international law, the current procedures
for review and reconsideration of conviction and sentence in the municipal law of the United States
are in accordance with the above-mentioned requirements for review and reconsideration as
defined by the Court in the LaGrand case.
1. Mexico’s claims for reparation have no legitimate basis in international law
10.5. The claims for reparation submitted by Mexico fall into three categories. Not one of
them has any legal foundation.
A. The request for a declaratory judgment
10.6. First, Mexico asks the Court for a “declaratory judgment”, which, as it explains in its
Memorial, would state “clearly and precisely the international legal obligations of the United States
under the Vienna Convention, as well as the consequences that arise from those obligations”36
.
Mexico is asking the Court for an interpretative declaration of the provisions of Article 36 of the
Vienna Convention on Consular Relations.
10.7. This first request by Mexico raises wide-ranging practical problems. The Vienna
Convention on Consular Relations is a multilateral treaty which extends to over 160 States parties.
Article 36 (2) of the Convention provides that the rights referred to in paragraph 1 of that Article
“shall be exercised in conformity with the laws and regulations of the receiving State”. Assuming
for the moment that the Court gave effect to the Applicant’s claims, its declaration on Article 36 of
the Convention could hardly amount to anything other than a limited special régime within the
broad general framework of the Convention, since Mexico’s Application is meaningless except in

35I.C.J. Reports 2001, para. (7) of the operative part of the Judgment.
36Memorial of Mexico, p. 101, para. 356.
- 24 -
relation to the law of the United States. Given the obvious discrimination that this limited
“made-to-measure” régime for Article 36 would represent, relative to the rules applied to the other
States parties to the Convention, it is not apparent how the Court could comply with Mexico’s
request without indirectly affecting the rights of third-party States.
10.8. Furthermore, if Mexico were to obtain a declaration from the Court granting it the
favourable régime to which it claims to be entitled in its relations with the United States, on what
grounds and for what reason would it be the only State to benefit? If the principle of sovereign
equality of States were not to be flouted, the privileged régime secured by Mexico would have to
be extended to all States parties to the Convention. Moreover, reciprocity demands that all those
States would be justified in claiming what would very soon become known as the “Mexican
privilege”. It is apparent that, if the Court acceded to Mexico’s request, it would not be confining
itself to settling the dispute between the two States but would be legislating for all States parties to
the Vienna Convention on Consular Relations, including those which have not ratified the Optional
Protocol.
10.9. To avoid the tangled web of consequences that must inevitably result from the first
request for reparation that Mexico proposes, the Court should conclude that the “declaration of the
international legal obligations of the United States” that Mexico proposes cannot be an appropriate
remedy in this particular case.
B. The request for restitutio in integrum
10.10. Secondly, Mexico asks the Court to grant restitutio in integrum, i.e., to require the
United States to make a fresh start in all proceedings currently pending before American courts and
to start “a new proceeding” for each national37. As my colleague Professor Dupuy said yesterday,
in a French that was colloquial but accurate in this particular case: “On efface tout et on
recommence.” [“Rub it all out and start again.”]
10.11. Mexico sets great store by the Draft Articles on the Responsibility of States prepared
by the International Law Commission, which has accepted restitutio in integrum, i.e., restitution in
kind, as the fullest form of reparation. However, the language of Article 35 of these draft Articles,

37Memorial of Mexico, p. 103, para. 364 in fine.
- 25 -
to which our opponents attach particular importance, clearly shows that restitution in kind is not
always the best possible form of reparation. Although the United States does not accept the
Mexican interpretation of Article 35, it takes the view that this Article is irrelevant in the present
case, since, as Mr. Mathias will explain, the Commission, in the commentaries on its draft Articles,
specifically accepted review and reconsideration as the form of restitution required in
circumstances such as those in the present case. In its commentary the Commission states that
review and reconsideration satisfy the rights and interests of States in the context of the Vienna
Convention, it being understood that in the present case the rights and interests of the United States
relate to criminal law and to criminal proceedings, both of which are essential attributes of the
exercise of sovereignty.
10.12. In the present case Mexico demands the vacation of all the convictions and sentences;
it seeks to have every single verdict quashed. Mr. Donovan told us yesterday that such a procedure
was not “materially impossible”38. But the real issue is whether it is legally possible.
10.13. The better view among publicists has long been that States show a perfectly proper
concern “to avoid certain constitutional obstacles that could be overcome only at the price of
complications out of proportion to the advantage of restitution in kind”39
. [Translation by the
Registry]. This is always the case where the wrongful act to be redressed is a judicial one. In no
country claiming to apply the rule of law is it possible to overturn a judgment ¾ an act of the
judiciary ¾ in the same way that an act by the executive or the legislature can be abrogated. An
executive order or an administrative decree may be relatively easy to annul, albeit subject to the
rights of third parties; a statute is less easy to abrogate, but such difficulties as may exist depend
essentially on political considerations. On the other hand, the constitutional bedrock of the
principle of judicial independence in any State operating under the rule of law means that the

38Oral pleadings, Mr. Donald Donovan, 15 December 2003, para. 395.
39Paul Reuter, “La responsabilité internationale: problèmes choisis”, Doctorate studies, Faculty of Law, Paris
(1955-1956), reproduced in Le développement de l’ordre juridique international, Ecrits de droit international, Paris,
Economica, 1995, p. 558.
- 26 -
quashing of a judicial act is possible only at the price of considerable complications. It may
happen, as Paul Reuter pointed out, that the executive is competent to sign an arbitration agreement
without authorisation (as in France), but has no means of directly overturning a judicial decision40
.
10.14. That is why international jurisprudence has never gone so far as to say that annulment
is the normal form of reparation for a judicial decision presumed to be internationally wrongful.
Even in the Martini case, by which Mexico sets such great store, the tribunal did not annul the
judgment of the Caracas court; it confined itself to stating that Venezuela was required to
recognize the annulment of the resultant financial obligations. In other words, the tribunal confined
itself to ordering that Venezuela should not enforce financial penalties41
.
10.15. In international practice the only cases in which judgments have been annulled en
masse, as Mexico would like the Court to order in respect of the 52 convictions and sentences by
American courts, were those that were the result of specific treaty provisions. Even in these
exceptional cases there were exceptions. Although the peace treaties of 1947-1951 did require the
vanquished States to review decisions not in accordance with international law, the Franco-Italian
conciliation commission decided that compensation should be substituted for the obligation to
review judgments by Italian courts against French nationals during the hostilities42. Even European
human rights law makes no provision for the type of reparation that Mexico is seeking. When a
judicial act is incompatible with the European Convention or with one of its protocols, the Court
does not annul it.
10.16. Mr. President, Members of the Court, Mexico has not explained why there is a need to
abandon this international practice in the present case. In truth, it is not even aware of that practice,
as witness its casual statement that: “The only “burden” [the quotation marks are the Applicant’s]
that restitution would impose on the United States here would be the need to conduct new trials.”43
Mr. President, they cannot be serious! Assuming that the Court were to grant Mexico what it asks,
the federal government fails to see how, given the present state of federal constitutional law, it

40Ibid., p. 558. The great jurist added: “In such a case, enacting a special statute raises complications out of all
proportion to the advantage of annulling the wrongful judgment”. [Translation by the Registry.]
41UNRIAA, Vol. II, p. 976, in particular p. 1002, paragraph (3) of the operative part of the award. See also
Ann. 23, Exhibit 163, A.2778.
42Rousseau, Traité de droit international public, Vol. V, p. 218, para. 217.
43Memorial of Mexico, p. 111, para. 389.
- 27 -
could implement its decision without causing upheavals of staggering scope. Worse, assuming that
it were able to set in motion the necessary machinery, it could not even guarantee a successful
outcome.
10.17. For these reasons Mexico’s request for restitutio in integrum must necessarily be
rejected.
C. The request for assurances of non-repetition for the future
10.18. Thirdly, the Applicant asks the Court to order the United States to cease its wrongful
acts and to offer assurances of non-repetition.
10.19. Mexico would like the United States to be ordered to promise, as it were, “never to do
it again”. However, it is unclear what purpose such a request serves, because all this has long been
settled. Specifically, the obligation on the competent authorities in the various States of the United
States to inform the consular authorities of the imprisonment of any foreign national who requests
such notification has been understood since ratification by the United States of the Vienna
Convention on Consular Relations, and even before the decision in the LaGrand case the federal
government was unstinting in its efforts to ensure that the competent authorities in the States
informed the consular authorities when foreigners were arrested and requested that their consul be
notified.
10.20. In more general terms, the legal basis for the Mexican requests for a promise of
non-repetition is extremely weak, in that judgments are always in principle retrospective, not
prospective. The judge or arbitrator rules on past events, not future ones, unless the parties decide
otherwise. Admittedly, it does happen that they ask him for guidance for the future, but this can
only be done by agreement, as occurred in the Trail Smelter case, on which Mexico places great
reliance. In the present case the Court was not seised by compromis, but by unilateral application.
This mode of seisin cannot be manipulated by the applicant so as to secure measures from an
international court that could not reasonably have been contemplated by the respondent when it
agreed to be bound by a compromissory clause.
- 28 -
2. The review and reconsideration of convictions contemplated by the LaGrand Judgment
constitute adequate means of reparation for the injury suffered by the Applicant
10.21. The reparation that Mexico is entitled to seek is the same as that which the Court
defined in LaGrand, the reference Judgment. In that case, the Court found:
“that should [foreign] nationals . . . nonetheless be sentenced to severe penalties,
without their rights under Article 36, paragraph 1 (b), of the Convention having been
respected, [the receiving State], by means of its own choosing, shall allow the review
and reconsideration of the conviction and sentence by taking account of the violation
of the rights set forth in that Convention”44
.
The United States is of the opinion that the two terms “review” and “reconsideration” precisely
define the reparation to which Mexico would be entitled.
10.22. Mexico denies the applicability of the LaGrand jurisprudence to the present case on
the ground that its 52 nationals are still alive, and it thus claims that the Court is obliged to regard
its request in a totally different perspective to that of the LaGrand case. The United States does not
accept the unjustified claim by Mexico seeking to dismiss the application of the LaGrand
precedent. Both Avena and LaGrand arise from the same type of dispute in international law. The
common denominator between, on the one hand, the 52 cases now presented to the Court and, on
the other, the LaGrand case, in light of international law, being the only relevant term of reference
in this Court, is the fact that, in those 52 cases it is alleged ¾ as it was in the LaGrand case ¾ that
the consular authorities, in this case of Mexico, were not notified of the detention of their nationals.
10.23. Now, as the Court found in the LaGrand case, if such a failure is established, it would
constitute an internationally wrongful act. In order for the injured State to be vindicated in its
rights, the Court held that it would be necessary to allow the review and reconsideration of the
conviction and sentence by taking account of the violation of the rights set forth in the Convention.
That requirement was not met in the LaGrand case, but it has been in all cases subsequent to
LaGrand, including those that have been raised before the Court by Mexico through the present
proceedings, and it can still be met in the future. Mexico has failed to show how this dual
requirement does not provide it with adequate reparation.

44LaGrand, I.C.J. Reports 2001, dispositif, para. 7.
- 29 -
10.24. How should the terms “review” and “reconsideration” be interpreted? How do those
two requirements constitute adequate reparation? These are the questions to which I shall now
turn.
A. The notion of “reconsideration”
10.25. Reconsideration, or réexamen in French, may be understood as generally applying to
facts. Any consideration of persons or objects is always a question of fact. It is the facts that are
considered or examined. In practical terms, to comply with the LaGrand Judgment, there is a need
for a procedure which provides answers to the following questions: have the facts been properly
analysed? Can we be sure that there has been no manifest error as to the facts? Have all the
necessary precautions been taken at the evidence-gathering stage? Consideration of such questions
does not mean, of course, that one has to start all over again. It does not mean, as Mexico wishes,
putting the clock back ten or even 20 years and pretending nothing had happened. Not only would
such a resumption ab initio of all proceedings be impossible in practical terms, but also there is no
such requirement in light of LaGrand for the dismantling and reconstruction of the proceedings,
whether one approaches it from the angle of a common law system or from that of a codified law
system, in other words a civil law system.
10.26. In common law systems, the truth as to the facts is established at the time of trial.
Witnesses are examined and counter-examined and the jurors return a verdict on the basis of what
they have heard. Criminal proceedings of that type have certain necessities which do not allow the
clock to be put back at will. Memories fail with the passing of time and certain things will
inevitably be forgotten. There can thus be no question, years later, of the facts being reconsidered
as they were the first time. In systems of codified law, in other words civil law systems, such as
can be found in continental Europe and in a great many countries throughout the world, the truth as
to the facts is established on the basis of a judicial investigation, in other words prior to the trial.
Here too it would be inconceivable to start the judicial investigation all over again on the pretext,
for example, that the individual sentenced to life imprisonment, with a minimum tariff period of
30 years, was interrogated during the pre-trial investigation without his or her consul being present.
- 30 -
10.27. Going beyond the complexity and originality of each domestic criminal procedure, the
requirement of “reconsideration” laid down by the LaGrand Judgment cannot carry the
consequences that Mexico would like to attach to it. Moreover, in law, the LaGrand Judgment
does not require what Mexico seems to think it does. “Reconsideration” says the English text;
“ré-examen” says the French text. The prefix “re” means that there has already been some
“consideration” or “examen” of the facts. It is thus not a matter of doing again what has already
been done, but of having the possibility to re-verify one last time that something has been done
correctly, for example, ensuring that evidence has been gathered scientifically. As Mr. Thessin will
explain later, the existing procedures in the United States meet the requirement of reconsideration
of facts as contemplated in the LaGrand Judgment.
B. The meaning of “review”
10.28. Turning now to the second requirement of the LaGrand Judgment, the text says
review in English, revision in French. Those terms can be understood as pertaining generally to
questions of law, and not merely to questions of fact. The term revision in the French relates to
juridical acts including judgments, or contracts and treaties. Similarly, the English term “review”
applies mainly to judicial acts such as judgments. With that in mind, for each of the cases that
Mexico has presented to the Court, the requirement of review or revision may be construed as
implying a final verification that there have been no mistakes of law. Have the facts been legally
characterized and is that characterization legally correct? Does the verdict have a statutory basis?
Is it based on a law, for example, which conforms to the constitution of the State?
10.29. Mexico claims that such review should necessarily be judicial. But if the Court had
intended that the review should be carried out by courts, it would have said so. But it did not say
that; the LaGrand Judgment does not say that review must be judicial. The Judgment does not
speak of “judicial review” but simply of “review”, such that convictions can be reviewed even
when the process is not a judicial one.
10.30. The idea of non-judicial review is familiar both to lawyers from the common law
tradition and to those more versed in the tradition of Romano-Germanic legal systems.
Administrative review, whether by a higher body or through executive clemency, is an essential
- 31 -
part of the tradition of the rule of law and it forms, together with appeal court proceedings, one of
the elements of the due process required by the rule of law. Appeals to the courts and appeals to
higher administrative authorities are both regarded as being equally efficient.
10.31. Mr. President, Members of the Court, an appeals procedure of an administrative
nature is available in the legal systems of the different states of the American Union in the form of
the clemency process open to convicted persons. That clemency process meets the requirements of
the LaGrand jurisprudence. It enables the review and reconsideration of convictions. The
Applicant claims that such procedures are handled arbitrarily and are never successful. Those
allegations are incorrect. Contrary to Mexico’s allegations, the clemency process can lead to the
commutation of sentences, which was the outcome in the Illinois cases, or to a stay of the execution
of the sentence which then opens new proceedings, as shown by the Valdez case, which was very
recently concluded by an agreement between the prosecutor and the convicted person who agreed
to the commutation of his sentence to life imprisonment. The clemency process provided for by
the laws of all the federated states of the United States meets the requirements of review as
contemplated in LaGrand.
10.32. On these grounds, the United States submits that its domestic procedures for the
review and reconsideration of convictions are compatible with the LaGrand jurisprudence and it
requests you to dismiss the submissions of incompatibility as presented against it by the Applicant.
10.33. Mr. President, that ends the presentation of the United States oral argument. I would
kindly ask you for an adjournment of the sitting.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Madame Zoller. L’audience est maintenant suspendue
pour vingt minutes, et reprendra à 17 h 5.
L’audience est suspendue de 16 h 45 à 17 h 5.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne maintenant la parole à M. Thessin.
M. THESSIN : Je vous remercie, Monsieur le président. En général, lorsqu’un intervenant
se présente devant la Cour, sa tension artérielle tend à monter plutôt qu’à baisser. Je voudrais
rassurer la Cour sur mon état de santé et la remercier pour sa courtoisie, ainsi que toutes les
37
- 32 -
personnes présentes dans la salle d’audience qui m’ont porté assistance. Sur le conseil des
médecins et parce que la Cour a eu assez d’émotion pour la journée, je voudrais lui demander
d’autoriser M. Taft à achever mon exposé.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Thessin. Au nom de la Cour, je vous adresse
mes vœux les meilleurs pour un prompt rétablissement. Je donne maintenant la parole à M. Taft.
M. TAFT : Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président, Madame et
Messieurs de la Cour, avec votre indulgence, je voudrais résumer brièvement ce dont M. Thessin
avait traité dans son exposé, puis je poursuivrai celui-ci. Les points traités ont été les suivants.
Premièrement, avec le réexamen et la revision, la décision rendue par la Cour dans l’affaire
LaGrand a prescrit une procédure de réexamen du verdict de culpabilité et de la peine à la lumière
d’une violation de l’article 36. Elle n’a pas exigé expressément une issue particulière quant au
fond.
Deuxièmement, en prescrivant une procédure de réexamen, la Cour a nécessairement donné
à entendre que cette procédure pourrait légitimement se conclure par la confirmation du verdict de
culpabilité et de la peine.
Troisièmement, le remède demandé par le Mexique dans la présente affaire est absolument
incompatible avec l’arrêt LaGrand : il vise précisément un résultat quant au fond que la Cour a
refusé d’accorder dans l’arrêt LaGrand. M. Thessin avait ensuite expliqué comment le système de
justice pénale des Etats-Unis, par le réexamen judiciaire et la procédure de recours en grâce,
garantissent pleinement le réexamen et la revision prescrits dans l’arrêt LaGrand.
En traitant tout d’abord de la procédure judiciaire au niveau du procès de première instance,
le point fondamental souligné était le suivant. Le Mexique a qualifié d’importantes la notification
et l’assistance consulaires parce qu’elles «garantisse[nt] l’application de droits fondamentaux de la
défense». Comme cela est reconnu dans cette formulation même, l’information et la notification
consulaires ne font pas partie et ne sont pas, en elles-mêmes, des attributs essentiels d’un procès
équitable. Elles facilitent plutôt simplement l’exercice de droits fondamentaux. Compte tenu de
cette caractéristique de la notification consulaire comme élément facilitant l’exercice de droits, il
est évident que le fondement de tout préjudice qu’un ressortissant mexicain invoque au titre de
- 33 -
l’article 36, par exemple un préjudice causé par l’inefficacité de l’assistance d’un conseil, peut être
examiné par les juridictions des Etats-Unis lors du procès. Un tel préjudice peut faire l’objet d’un
examen, même si les juridictions n’examinent pas le grief sous le chapitre doctrinal de la
convention de Vienne mais plutôt sous celui, par exemple, de l’inefficacité de l’assistance d’un
conseil envisagée dans la constitution. Mais, pour que le grief soulevé au titre d’une violation de
l’article 36 ait un effet quelconque sur le procès donnant droit à réparation, il doit être fondé sur un
préjudice causé au regard d’un droit fondamental lié au procès.
Ayant ainsi récapitulé les points traités par M. Thessin, je reviens à celui auquel il s’était
arrêté, pour aborder les procédures d’appel et incidentes prévues dans le système judiciaire.
VIII. LES MÉCANISMES DE LA JUSTICE PÉNALE AMÉRICAINE ET LA PROCÉDURE DE RECOURS
EN GRÂCE PERMETTENT «LE RÉEXAMEN ET LA REVISION» REQUIS
AU TITRE DU PARAGRAPHE 2 DE L’ARTICLE 36
(suite)
8.12. Tout ressortissant étranger a la possibilité, lors des recours en appel et incidents, de
démontrer que le défaut de notification consulaire a eu pour effet de le priver de son droit à une
procédure régulière ou de compromettre d’une quelconque façon l’équité fondamentale de son
procès. Lorsqu’un accusé a fait valoir en première instance que le défaut d’information consulaire
a porté atteinte à un droit particulier, qui revêt un caractère essentiel pour l’équité du procès, une
juridiction d’appel peut examiner comment la juridiction inférieure a traité cette réclamation. Si le
ressortissant étranger n’a pas soulevé de grief fondé sur l’article 36 en première instance, il pourrait
se trouver devant des obstacles d’ordre procédural, s’il invoque ce grief particulier lors de recours
judiciaires directs ou incidents. Cela n’est pas surprenant. Les principes de la carence procédurale
sont courants dans le monde et, comme la Cour l’a indiqué dans l’arrêt LaGrand, ils ne violent pas
le paragraphe 2 de l’article 36. En l’absence de condition pour soulever des questions en temps
utile, les défendeurs retarderaient toujours le moment de formuler des griefs jusqu’à ce qu’ils soient
déclarés coupables et chercheraient alors à faire reprendre le procès.
8.13. Mais l’essentiel est de comprendre ce qui est et ce qui n’est pas entaché de carence
procédurale. Par exemple, le Mexique prétend qu’il fournit des interprètes compétents. Si en
première instance l’interprète ne l’est pas, le défendeur peut en appel demander réparation en
raison de l’inadéquation des services de l’interprète. Quelle que soit l’appellation sous laquelle sa
- 34 -
demande est présentée, le défendeur doit faire valoir son droit de bénéficier des services d’un
interprète compétent et ce droit sera considéré comme justifié s’il est invoqué sous quelque forme
que ce soit en première instance. De cette manière, même si avoir omis de formuler le grief comme
une violation de la convention de Vienne peut signifier qu’il a, sur un plan technique, perdu son
droit de soulever cette question au titre de la convention de Vienne, en appel cette omission ne fera
pas obstacle à ce qu’il puisse soutenir qu’il a subi un préjudice parce qu’il a été privé de cette
protection essentielle, nécessaire pour l’équité d’un procès45
.
8.14. Replaçons cette question dans sa juste perspective. Le Mexique l’a lui-même
concédé46, c’est seulement pour huit cas, sur les cinquante-deux, qu’une juridiction a déterminé que
les griefs formulés au titre de la convention de Vienne étaient entachés de carence procédurale du
fait que le défendeur n’avait pas soulevé le grief en première instance. Et, dans la plupart de ces
huit cas, les juridictions ont procédé à une évaluation du préjudice, relatif à la question de
l’assistance consulaire, causé au ressortissant étranger en réexaminant le grief formulé au titre de la
convention, en dépit de la carence procédurale, ou en réexaminant séparément d’autres griefs
connexes47. Par exemple, M. Plata Estrada n’a pas soulevé le moyen fondé sur la convention de
Vienne en première instance, mais l’a fait en appel. Bien que la juridiction d’appel ait fait observer
que, du point de vue de la procédure, il était empêché de soulever pareil moyen audit stade, elle a
également relevé qu’il n’avait ni formulé de grief ni apporté la preuve qu’il avait été victime de

45 Voir, par exemple, Valdez v. State, 46 P.3d 703 (Cour d’appel en matière pénale de l’Oklahoma 2002),
annexe 23, pièce 58; voir également Barrow v. State, 749 A.2d 1230 (Del. 2000) (malgré le fait que le défendeur ait omis
de soulever l’argument de la convention de Vienne en première instance, il aurait pu bénéficier d’un réexamen pour
erreur manifeste s’il avait démontré de manière suffisante comment les droits de la défense ou l’équité fondamentale du
procès ont été affectés par cette violation); State v. Issa, 752 N.E.2d 904 (Ohio 2001) (idem); United States
v. Chanthadra, 230 F.3d 1237, 1255-1256, 1265 (10e
Cir. 2000); Gomez v. United States, 100 F. Supp. 2d. 1038,
1043-1049 (DSD 2000); United States v. Arrango, 1999 WL 1495422, *3-4 (EDNY 1999).
46 CR 2003/24, par. 241. Hier, dans sa plaidoirie, le Mexique a évoqué le chiffre dix; le Mexique compte à deux
reprises deux des cas.
47 Voir, par exemple, M. Fong Soto, cas no
48 (qui a déposé trente-cinq demandes en appel dont plusieurs
concernaient le caractère suffisant des éléments de preuve susceptibles de faire bénéficier de circonstances atténuantes, et
qui ont été pleinement examinées par la juridiction dans State v. Soto-Fong, no
Cr-39599 (Ariz. Super. Ct. 2002), MM,
annexe 42); M. Torres Aguilera, cas no
53 (la juridiction a examiné au fond la demande de M. Torres Aguilera selon
laquelle son avocat en première instance, lors de la recherche d’éléments de preuve susceptibles de faire bénéficier de
circonstances atténuantes, n’avait pas enquêté dans de nombreuses directions; comparé à l’assistance inefficace d’un
conseil dans Torres v. Gibson, no
CIV-99-155-R (W.D. Okla. 2000), MM, annexe 46); M. Leal Garcia, cas no
36 (la
juridiction a examiné un grand nombre de questions en appel, y compris celle de savoir si le conseil de M. Leal Garcia
avait été inefficace, pour n’avoir pas recueilli ni présenté à la juridiction d’autres éléments de preuve susceptibles de faire
bénéficier de circonstances atténuantes pendant le procès et à l’audience pour la détermination de la peine dans Ex Parte
Leal, no
94-CR-4696-W1 (186e Dist. Tex.), MM, annexe 51); M. Medellin Rojas, cas no
38 (la juridiction a examiné
l’argument de M. Medellin Rojas selon lequel son conseil avait été inefficace dans Ex Parte Medellin, no
675430-A
(339e
Dist. Tex. 2001), MM, annexe 55); M. Plata Estrada, cas no
40 (examiné en détail plus haut).
- 35 -
discrimination; ni que son avocat en première instance n’avait pas d’expérience en matière de
procès pour crime passible de la peine capitale; ni que l’assistance que lui a fournie son avocat en
première instance avait été inadéquate48. M. Plata Estrada a toutefois affirmé qu’il avait plaidé
coupable parce qu’il y avait été forcé et deux juridictions d’appel distinctes ont examiné cette
question de manière très approfondie49. C’est cette procédure de réexamen approfondi qui a
également été suivie dans l’affaire Valdez v. Oklahoma50. Bien que le grief soulevé par M. Valdez
sur le fondement de la convention fût entaché de carence procédurale, la juridiction de l’Oklahoma
a annulé la peine capitale et ordonné une nouvelle audience pour la détermination de la peine, parce
que l’avocat de M. Valdez n’avait, en première instance, pas été capable de découvrir des éléments
de preuve importants susceptibles de faire bénéficier son client de circonstances atténuantes, qui
ont été trouvés par la suite grâce à l’intervention et l’aide du consulat mexicain.
8.15. La leçon est claire : il ne faut pas se laisser induire en erreur par l’affirmation du
Mexique selon laquelle les juridictions des Etats-Unis omettent de procéder à un réexamen ou une
revision si elles ne qualifient pas une demande de grief fondé sur la convention de Vienne. Même
si une juridiction des Etats-Unis ne traite pas le défaut d’information consulaire comme une
question en soi, les juridictions examineront des demandes indépendantes fondées sur des droits
réellement garantis de la défense d’un ressortissant étranger, si elles estiment que lesdits droits ont
été compromis de manière inacceptable dans une procédure précédente51. Et le défendeur pourra
certainement élargir la portée de cette demande en expliquant comment le défaut de notification
consulaire a contribué à ce résultat inacceptable. Et des défendeurs l’ont fait.
8.16. En résumé, lorsque des violations portent préjudice à l’équité fondamentale des
déclarations de culpabilité, les juridictions des Etats-Unis peuvent agir, que ce soit en première
instance, en appel ou au niveau d’une procédure d’habeas corpus, que le ressortissant étranger ait
invoqué ou non le défaut de notification consulaire en première instance.

48 MM, annexe 56, p. 1220-1221.
49 Ibid. p. 1216-1220; MM, annexe 58, p. 1247-1264.
50 Valdez v. State, 46 P.3d 703 (Cour d’appel en matière pénale de l’Oklahoma 2002), annexe 23, pièce 58.
51 United States v. Lawal, 231 F.3d 1045 (7e
Cir. 2000); United States v. Ortiz, 315 F.3d 873, (8e
Cir. 2002).
- 36 -
Réexamen et revision dans la procédure de recours en grâce
8.17. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, les Etats-Unis permettent
également une «pleine réalisation» des «fins pour lesquelles les droits sont accordés en vertu [du
paragraphe 1 de l’article 36]» par la procédure de recours en grâce auprès de l’exécutif. Celle-ci,
bien enracinée dans le système de la common law, est parfaitement adaptée à la tâche consistant à
fournir réexamen et revision.
8.18. Les procédures de recours en grâce complètent le réexamen fait au cours des phases
judiciaires. Elles fonctionnent également de manière indépendante. Même dans un cas où les
voies de recours judiciaires ont été épuisées sans réexamen et revision d’une demande fondée sur la
convention de Vienne, ou dans un cas où le réexamen et la revision ont effectivement été effectués
mais que la juridiction n’a ordonné aucun remède, le recours en grâce reste encore ouvert,
permettant réexamen et revision des verdicts de culpabilité et des peines à la lumière de toute
violation du paragraphe 1 de l’article 36. La Cour suprême des Etats-Unis a indiqué que le recours
en grâce aux Etats-Unis fonctionne comme un «remède historique pour empêcher les erreurs
judiciaires lorsque la procédure judiciaire a été menée à son terme»52
.
8.19. Par conséquent, le recours en grâce est plus qu’une simple question de grâce; il fait
partie d’un mécanisme d’ensemble pour assurer justice et équité dans la procédure judiciaire. Les
procédures de recours en grâce font partie intégrante des «lois et règlements» existants des
Etats-Unis à travers lesquels les erreurs sont examinées. Dans chaque Etat, les procédures de
recours en grâce sont établies par les constitutions de l’Etat et fonctionnent conformément aux lois
et règlements de celui-ci. Dans chaque Etat, les procédures de recours en grâce fournissent un
mécanisme complet de réexamen et de revision en des affaires dans lesquelles il y a eu violation du
paragraphe 1 de l’article 36, comme en d’autres affaires.
8.20. Chaque Etat dans lequel un Mexicain encourt une exécution capitale a des procédures
soigneusement élaborées qui donnent à chaque individu l’entière possibilité que sa demande de
recours en grâce soit examinée équitablement53. Les demandes soulevant des griefs importants font
l’objet d’enquêtes approfondies. Cela comprend : l’analyse de toutes les informations reçues des

52 Herrera v. Collins, 506 U.S., p. 412 (1993).
53 Voir les déclarations de recours en grâce, CMEU, annexes 8-17, p. A439 et suiv.
- 37 -
parties intéressées; certains Etats permettent la tenue d’audiences publiques lors desquelles ceux
qui sont en faveur de l’octroi de la grâce et ceux qui y sont apposés peuvent présenter leurs
arguments54; l’autorité chargée d’accorder la grâce prend ensuite une décision, le gouverneur
recevant souvent une recommandation écrite de la commission administrative chargée de l’enquête
sur les demandes de recours en grâce et de l’examen de celles-ci55
.
8.21. Deux points méritent particulièrement d’être soulignés. En premier lieu, ces
procédures de recours en grâce permettent une large participation des avocats de la défense, y
compris un conseil de l’accusé et le fonctionnaire consulaire de l’Etat d’envoi56. En effet, la
participation n’est pas limitée au fonctionnaire consulaire. Le président mexicain, dans plusieurs
instances, et même le pape Jean-Paul II, dans une affaire concernant un non-Mexicain dans l’Etat
du Missouri, ont personnellement plaidé la grâce avec succès auprès des gouverneurs de l’Etat au
nom de défendeurs déclarés coupables de crimes passibles de la peine capitale. En second lieu, les
fonctionnaires chargés des recours en grâce ne sont pas liés par les principes de carence
procédurale, du caractère définitif des décisions de justice rendues en dernier ressort, de normes en
matière de préjudice ni par toute autre limitation pesant sur la revision judiciaire57. Ils peuvent
examiner tous faits et circonstances qui leur semblent appropriés et pertinents, y compris
notamment les moyens fondés sur la convention de Vienne.
8.22. Le Mexique met injustement en cause l’intégrité des personnes qui rendent des
décisions au cours de cette procédure. Les organes législatifs des Etats qui ont créé ces procédures,
les gouverneurs et les commissions des grâces qui les mettent en application sont des institutions
établies conformément aux lois des Etats-Unis. Ces institutions et les procédures dont elles ont la
charge ont droit à la présomption que leur action est menée de bonne foi, sur une base légale au

54
. Voir CMEU, annexe 8 (déclaration sur la grâce de l’Arizona); annexe 9 (déclaration sur la grâce de
l’Arkansas); annexe 12 (déclaration sur la grâce de l’Illinois); annexe 13 (déclaration sur la grâce du Nevada); annexe 14
(déclaration sur la grâce de l’Ohio); annexe 15 (déclaration sur la grâce de l’Oklahoma).
55 Voir CMEU, annexe 9 (déclaration sur la grâce de l’Arkansas); annexe 12 (déclaration sur la grâce de
l’Illinois); annexe 15 (déclaration sur la grâce de l’Oklahoma). Cf. annexe 10 (déclaration sur la grâce de la Californie)
p. A.465 (décision du gouverneur Davis dans une affaire de recours en grâce faisant référence à la recommandation de la
commission de Californie sur les peines d’emprisonnement).
56 Déclaration sur la justice pénale, voir plus haut note 3, par. 71-72.
57 Ibid., par. 75.
- 38 -
regard du droit américain. Le Mexique n’a fourni aucune preuve pour que la Cour puisse en juger
autrement, même si celle-ci avait pour pratique de se prononcer sur les systèmes juridiques des
Etats, ce qui n’est pas le cas.
8.23. Pas plus que le recours en grâce ne peut légitimement être décrit comme une procédure
permettant de réexaminer uniquement les peines, mais non les verdicts de culpabilité, comme
l’affirme le Mexique. Même si l’on écarte la concession faite par le Mexique ¾ qui reconnaît que,
dans les cinquante-deux cas soumis à la Cour, les intéressés avaient commis des «crimes
abominables»58 —, la procédure de recours en grâce donne effectivement lieu à des annulations de
verdicts et à des commutations de peines. Au cours de l’année dernière, par exemple, un
gouverneur a accordé la grâce à trente-huit personnes déclarées coupables de crimes non passibles
de la peine capitale59, et cela s’est passé au Texas, un Etat dont les mécanismes de recours en grâce
ont été décriés par le Mexique.
8.24. Mais, contrairement au Mexique, nous ne pensons pas que la qualité d’une procédure
de «réexamen et [de] revision» soit fonction du résultat auquel celle-ci aboutit. L’examen de la
demande en grâce vient compléter l’examen judiciaire. Les systèmes étatiques de détermination de
la peine ont été repensés à la suite d’une décision, rendue en 1972 par la Cour suprême, qui
invalidait les lois étatiques relatives à la peine capitale. Ces nouveaux systèmes, qui limitaient
grandement les conditions d’application de la peine capitale, ont permis d’atténuer
considérablement les pressions qui pesaient jusqu’alors sur la procédure de recours en grâce60
.
Depuis 1976, année où la peine capitale fut rétablie, deux cent vingt-trois condamnés à mort,
ressortissants américains comme étrangers, se sont vus accorder la grâce61. Le fait que des résultats
différents soient obtenus dans des affaires différentes porte fortement à penser que chaque affaire
est examinée avec soin et compte tenu des faits qui lui sont propres. L’affirmation du Mexique
selon laquelle la procédure de recours en grâce donne lieu à un réexamen et à une revision
inadéquats, car la grâce est accordée moins souvent, n’a donc aucune force probante.

58 CR 2003/24, par. 19 (Gómez-Robledo).
59 CMEU, annexe 7, par. 78, p. A435-436.
60 Déclaration concernant la justice pénale américaine, ibid., note 3, par. 80.
61 Voir le site Internet du Death Penalty Information Center, www.deathpenaltyinfo.org (dernière consultation en
date du 11 décembre 2003).
- 39 -
8.25. Bien que cela n’apparaisse pas dans la plaidoirie du Mexique, la procédure de recours
en grâce est une procédure minutieuse, équitable et satisfaisante aux fins du réexamen et de la
revision des cas de violations de l’article 36. Depuis la décision de la Cour en l’affaire LaGrand, il
y a eu à notre connaissance sept cas où des ressortissants étrangers condamnés à mort ont vu leurs
griefs fondés sur la convention de Vienne faire l’objet d’un réexamen et d’une revision au stade du
recours en grâce62. Cinq de ces sept individus ont obtenu la commutation de leur peine63. Dans un
sixième cas, les préoccupations du gouverneur au sujet des arguments fondés sur la convention de
Vienne ont déclenché une série d’événements qui, comme vous l’avez entendu hier, ont fait que
l’accusé a été condamné à la réclusion à perpétuité au lieu de la peine capitale. Et dans un cas, la
grâce a été refusée.
8.26. Au vu des sept cas que je viens de décrire, demandez-vous s’il est ou non exact de dire
que la procédure de recours en grâce, comme l’affirme le Mexique, «inclut rarement, si elle le fait
jamais, le réexamen et la revision de l’effet d’une violation de la convention de Vienne»64
.
Demandez-vous également si «[l]es violations de la convention de Vienne ne sont pas prises en
compte lors de l’examen des recours en grâce»65
.
8.27. Au mois de janvier 2003, le gouverneur de l’Illinois a accordé la grâce à cinq
ressortissants étrangers condamnés à la peine capitale, dont trois ressortissants mexicains qui sont
en cause en l’espèce66. En annonçant sa décision, le gouverneur de l’Illinois a clairement dit qu’il
avait été influencé par ce qu’il croyait être des violations de l’article 36. Voici comment s’est
exprimé le gouverneur :
«Un autre facteur qui est entré en ligne de compte, lorsque j’ai examiné chaque
cas individuellement, est le droit international. La convention de Vienne protège les
ressortissants américains à l’étranger et les ressortissants étrangers aux Etats-Unis.
Elle prévoit que, si vous êtes arrêté, on doit vous donner la possibilité de prendre
contact avec le consulat dont vous relevez. Il y a, dans les couloirs de la mort, cinq

62 CMEU, par. 7.22-7.23.
63 Ibid., par. 7.22.
64 MM, par. 210.
65 MM, par. 270 et notes correspondantes.
66 Les cinq personnes graciées sont MM. Juan Caballero Hernandez, Mario Flores Urban, Gabriel
Solache Romero, Gregory Madej (Pologne) et Evan Griffith (Belize).
- 40 -
hommes qui ont été privés» ¾ selon les termes moins précis du gouverneur — «de ce
droit de l’homme internationalement reconnu. Le président du Mexique,
M. Vicente Fox, a pris contact avec moi afin d’exprimer la vive inquiétude que lui
causaient les violations de la convention de Vienne.»
67
8.28. La décision du gouverneur suivait une procédure établie. La commission de revision
de l’Illinois (Prisoner Review Board) a minutieusement passé en revue toutes les demandes et
apprécié tous les éléments recueillis à propos des requêtes, notamment des lettres de soutien dans
lesquelles le Gouvernement mexicain exposait ses vues sur la décision LaGrand68. La commission
a tenu de longues audiences dans chaque cas à l’exception d’un, l’accusé ayant en l’occurrence
choisi de ne pas former de recours en grâce. Après ces audiences, la commission a présenté au
gouverneur des recommandations non obligatoires et confidentielles.
8.29. Dans un sixième cas, en août 2002, la commission des grâces et des libérations
conditionnelles de l’Etat du Texas a recommandé de ne pas accorder la grâce à
M. Javier Suarez Medina69. Le gouverneur a suivi cette recommandation comme la loi le lui
imposait. Mais avant que la commission ne formule sa recommandation, plusieurs actions avaient
permis d’assurer un réexamen et une revision exhaustifs. Lorsque le Mexique porta l’affaire à
l’attention du département d’Etat, ce dernier prit contact avec le gouverneur et la commission, leur
signalant le défaut d’information consulaire et les invitant en tenir compte de la décision rendue par
la Cour en l’affaire LaGrand lorsqu’ils en viendraient à examiner le recours en grâce70. Le
président de la commission rencontra personnellement les représentants mexicains pour débattre de
la demande de M. Suarez et des vues du Mexique concernant le défaut de notification consulaire71
.
Le Mexique communiqua à tous les membres de la commission le résumé écrit de son exposé ainsi
que des exemplaires de tous les documents qu’il avait fournis72. Afin de disposer du temps
nécessaire pour examiner et analyser les éléments soumis sur la question de l’information
consulaire, la commission prorogea le délai prévu aux fins de son examen. La lettre du président

67 Déclaration des autorités compétentes en matière de grâce dans l’Etat de l’Illinois, CMEU, annexe 12, par. 9.
68 Ibid., par. 6.
69 CMEU, par. 7.27.
70 Voir MM, annexe 25, p. A300-A303.
71 CMEU, annexe 23, pièce 195, lettre adressée le 14 août 2002 à M. William H. Taft IV, par M. Gerald Garett,
p. A2471-A2472.
72 Ibid.
- 41 -
de la commission, qui figure sous l’onglet no
873 de votre dossier de plaidoiries, contient une
description détaillée du processus suivi par la commission et montre de manière indubitable que
cette dernière a pleinement considéré toutes les informations soumises par le Mexique au nom de
M. Suarez Medina.
8.30. Le Mexique conteste le résultat, mais sans fournir le moindre fondement qui
permettrait à la Cour de conclure que la commission soit n’a pas réexaminé et revisé
minutieusement le verdict de culpabilité et la peine, soit a décidé indûment que le moyen fondé sur
la convention de Vienne n’imposait pas de rejeter le verdict et la peine en question.
M. Suarez Medina a tiré à huit reprises sur un policier en civil, devant témoins74. Il a avoué le
meurtre, mais, même sans ses aveux, il aurait de toute évidence été reconnu coupable. Le caractère
suffisant des preuves de sa culpabilité n’a jamais été mis en doute, et l’équité fondamentale de son
procès a été examinée à différents stades de l’action intentée après la condamnation. Il n’a pas été
abusivement ou injustement empêché de faire valoir en appel son moyen fondé sur la convention
— en fait, le Mexique et lui-même avaient connaissance de ce moyen depuis juin 1989, mais
jusqu’en 2002, soit treize ans plus tard, ni l’un ni l’autre ne soulevèrent jamais la question pour
contester le verdict de culpabilité et la peine de l’intéressé au stade de l’appel direct ou des recours
incidents75
.
8.31. Dans le dernier cas, le gouverneur de l’Oklahoma a refusé, en juillet 2001, d’accorder
la grâce à M. Gerardo Valdez Maltos, après avoir reçu une recommandation favorable de la part de
la commission des grâces et des libérations conditionnelles de l’Oklahoma76. Toutefois, le
gouverneur a alors accordé un sursis à l’exécution pour permettre l’introduction d’autres recours

73 Ibid.
74 Mémoire en opposition à la requête tendant à ce que soit rendue une ordonnance de certiorari et demande de
sursis à l’exécution, Medina v. Texas, affaire no
02-5752, p. 13, cert. denied, 536 US 981 (2002), annexe 23, pièce 146.
75 Ibid.
76 CMEU, par. 7.30-7.31.
- 42 -
judiciaires portant sur, entre autres questions, le grief fondé sur le défaut de notification consulaire
et les conséquences qui en ont découlé77. Au fil de ces procédures, la peine de M. Valdez Maltos a
été réduite à la réclusion à perpétuité78
.
8.32. La décision du gouverneur est intervenue après un réexamen et une revision exhaustifs
de l’affaire. Début juin 2001, le département d’Etat a écrit tout d’abord à la commission des grâces
et des libertés conditionnelles, puis au gouverneur, demandant à ce que le recours en grâce pendant
de M. Valdez Maltos fasse l’objet d’un examen attentif. Au demeurant, le Gouvernement du
Mexique a remercié le département d’Etat pour ses lettres et a reconnu la valeur de celles-ci79. La
commission a recommandé la commutation de la peine après avoir examiné d’importants éléments
de preuve susceptibles de faire bénéficier de circonstances atténuantes et d’avoir une incidence sur
la peine appropriée; ces éléments avaient été rassemblés avec l’aide des fonctionnaires consulaires
mexicains. Après avoir discuté de la question avec le président mexicain, le gouverneur de
l’Oklahoma a accordé un sursis à l’exécution de trente jours, pour se donner le temps d’examiner
plus avant la recommandation.
8.33. Entre-temps, la Cour a rendu son arrêt dans l’affaire LaGrand. Le département d’Etat
a alors écrit de nouveau au gouverneur. Dans cette seconde lettre, il attirait en particulier
l’attention du gouverneur sur la décision rendue en l’affaire LaGrand et lui demandait d’examiner
plus particulièrement l’effet d’une violation de la convention de Vienne soit sur la déclaration de
culpabilité, soit sur la peine prononcées en l’espèce en question.
8.34. Nul doute que le gouverneur a pris en compte l’arrêt LaGrand et qu’il a réexaminé et
revisé de manière indépendante le verdict de culpabilité ainsi que la peine prononcés à l’encontre
de M. Valdez Maltos. Outre la réunion qu’il a tenue avec les avocats défendant M. Valdez Maltos
et avec de hauts fonctionnaires du Gouvernement mexicain, y compris le conseiller juridique du
Mexique, le gouverneur s’est également entretenu de l’affaire avec le président Fox. Le
gouverneur et ses conseillers ont examiné attentivement les faits, les questions de procédure et de
droit et les points particuliers liés à la violation de l’article 36.

77 Ibid., par. 7.32.
78 Voir http://us.cnn.com/2003/LAW/11/21/execution.oklahoma.reut/, visité pour la dernière fois le
14 décembre 2003.
79 Note de l’ambassade du Mexique, 5 juillet 2001, MM, annexe 25, vol. I, p. A348, A352.
- 43 -
8.35. Sur la base du réexamen de tous les éléments de preuve, y compris ceux ayant trait au
défaut d’information consulaire, le gouverneur a conclu en fin de compte que la grâce n’était pas
justifiée. Ainsi qu’il ressort de la lettre qu’il a adressée au président Fox, que vous avez devant
vous à l’onglet no
9 du dossier de plaidoiries80, le gouverneur a procédé à un examen attentif,
poussé et approfondi. Dans sa lettre, il apparaît clairement qu’il a tenu compte de l’article 36
lorsqu’il a examiné le recours en grâce.
8.36. Qu’est-ce que cette analyse de la procédure de recours en grâce, que le Mexique
dénigre tant, nous montre donc ? Il y a sept cas dans lesquels des violations des prescriptions de la
convention de Vienne ont été soulevées. Par sept fois, les arguments relatifs à cette violation ont
fait l’objet d’un réexamen et d’une revision ? Les résultats du réexamen et de la revision ont été
différents selon les faits de chaque espèce. Cette procédure n’est pas la parodie que le Mexique a
décrite devant la Cour. Elle fournit manifestement une forme efficace de réexamen et de revision,
qui satisfait pleinement à l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire LaGrand.
8.37. Pour conclure, je puis dire que les Etats-Unis disposent d’un système de justice pénale
qui permet le réexamen et la revision des manquements à l’obligation de l’information consulaire.
Leurs juridictions et les fonctionnaires de l’exécutif procèdent à un réexamen et une revision
incontestablement attentifs, véritables et équitables, qu’il s’agisse de violations en matière
consulaire proprement dites, ou des effets de violations de l’article 36 sur l’équité fondamentale de
la procédure, ce qui constitue le principe même que le Mexique entend protéger. Chaque
ressortissant mexicain, en réalité chaque ressortissant étranger, peut voir son cas pleinement
réexaminé et revisé pour une violation de l’article 36 à l’un ou plusieurs de ces niveaux.
8.38. Manifestement, le Mexique aurait préféré que soit accordé dans chaque cas un remède
judiciaire ou la grâce. C’est pourquoi il exige une annulation automatique, même lorsqu’il n’y a eu
aucun véritable préjudice, ou lorsque la demande a déjà fait l’objet d’un réexamen par une
juridiction des Etats-Unis, ou lorsqu’elle est, pour des raisons connues, frappée par une carence
procédurale. Mais l’obligation énoncée dans l’arrêt LaGrand vise un réexamen et une revision
équitables et non une infirmation automatique dans chaque affaire. On ne peut s’attendre à ce que,

80 MM, annexe 26, p. A358-A361.
- 44 -
au terme d’une procédure au cours de laquelle chaque accusé a pu bénéficier de l’équité
fondamentale lors de son procès et au cours de laquelle ses protestations d’innocence ont fait
l’objet d’un réexamen par peut-être des douzaines de juges, à l’échelon de l’Etat et à l’échelon
fédéral, il subsiste encore des erreurs judiciaires qui requièrent l’octroi d’une grâce.
8.39. Monsieur le président, ainsi se conclut l’exposé de M. Thessin et je voudrais vous
demander d’appeler à la barre M. Mathias.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Taft pour avoir lu cet exposé au nom de
M. Thessin. Je donne maintenant la parole à M. Mathias.
M. MATHIAS : Je vous remercie, Monsieur le président.
XI. LE RÉEXAMEN ET LA REVISION CONSTITUENT LE REMÈDE APPROPRIÉ POUR UNE
VIOLATION DE L’ARTICLE 36 DE LA CONVENTION
11.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, avant la pause Mme Zoller a
expliqué pourquoi, à plusieurs égards, le remède demandé par le Mexique pour les violations
prétendument commises par les Etats-Unis ne trouvait aucun fondement ni dans la jurisprudence de
la Cour, ni dans le droit international général. Sur la base de ce principe, mon rôle cet après-midi
est de confirmer que le réexamen et la revision prescrits par la Cour en l’affaire LaGrand
constituent, en droit international, un remède approprié pour une violation de l’article 36 de la
convention. Si la Cour conclue qu’un remède doit être apporté à une violation de la convention,
elle ne devrait guère aller chercher plus loin.
A. La Cour a déterminé le remède approprié pour une violation
de l’article 36 en l’affaire LaGrand
11.2. Le Mexique cherche apparemment à persuader la Cour que, contrairement à ce qui
ressort du dossier LaGrand et de l’arrêt lui-même, elle ne s’était pas encore prononcée dans cette
affaire au sujet du remède approprié pour les cas futurs de violation de la convention. Ainsi, dans
son mémoire, le Mexique prétend que,
«[d]ans l’affaire LaGrand, la Cour a eu l’occasion de donner une interprétation
définitive des droits de l’Etat d’envoi et de ses ressortissants, et des obligations
concomitantes auxquelles l’Etat de résidence est tenu en vertu de l’article 36 de la
convention de Vienne.
- 45 -
La Cour n’a toutefois pas eu la même possibilité s’agissant des remèdes, pour la
simple raison que les ressortissants allemands qui étaient l’objet du différend avaient
été exécutés avant que la Cour ne rende son arrêt.»
81
Le Mexique est revenu hier plusieurs fois sur ce thème.
11.3. La manière dont le Mexique décrit le précédent LaGrand est, au mieux, incomplète, en
ce sens qu’il omet de dire que dans cette affaire l’Allemagne demandait précisément des assurances
concernant «tous les cas futurs de détention de ressortissants allemands ou d’actions pénales à
l’encontre de tels ressortissants»82. Rien n’indique que l’Allemagne se référait par là uniquement
aux cas futurs où l’exécution aurait déjà eu lieu. Au contraire, elle visait certainement les cas
futurs impliquant des personnes toujours incarcérées. En d’autres termes, des personnes se
trouvant dans la même situation que les ressortissants mexicains en l’espèce. Et comme chacun le
sait, en réponse à la demande allemande en l’affaire LaGrand, la Cour avait déclaré dans le
septième paragraphe de son dispositif que,
«si des ressortissants allemands devaient néanmoins être condamnés à une peine
sévère sans que les droits qu’ils tiennent de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36
de la convention aient été respectés, les Etats-Unis d’Amérique devront, en mettant en
œuvre les moyens de leur choix, permettre le réexamen et la revision…»83
.
La Cour visait précisément l’obligation qui incomberait aux Etats-Unis dans des cas futurs de
manquements à leurs obligations. Cette décision ne concernait nullement les frères LaGrand; elle
concernait seulement le remède à apporter dans des cas futurs de violations de la convention. Et,
comme cela a déjà été relevé, le président de la Cour avait clairement dit dans sa déclaration que
l’alinéa 7 du paragraphe 128 du dispositif ne pourrait faire l’objet d’une interprétation a contrario
dans le cadre d’une procédure ultérieure. Il n’a limité cette déclaration d’aucune façon. Il n’a pas
dit que le remède prévu à l’alinéa 7 du paragraphe 128 du dispositif serait applicable à moins qu’un
Etat demandeur ne sollicite la restitutio in integrum. Ce qu’il a dit, c’est que cet alinéa ne pouvait
faire l’objet d’une interprétation a contrario.

81 MM, par. 346-347.
82 LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, par. 125.
83 Ibid., par. 128.
- 46 -
11.4. Il est aisé de comprendre pourquoi le Mexique préfère s’obstiner à dire que la Cour ne
s’est jamais prononcée sur la question des remèdes en l’affaire LaGrand. Après tout, dans le cas
contraire le Mexique devrait admettre qu’il cherche à obtenir l’infirmation d’un arrêt que la Cour a
rendu récemment avec l’aval de quatorze de ses membres. La Cour doit cependant être bien
consciente des conséquences auxquelles elle s’exposerait si elle suivait la voie préconisée par le
Mexique. Car si elle devait en l’espèce se détourner du remède (le réexamen et la revision) qu’elle
a élaboré il y a tout juste deux ans, cela dénoterait une inconstance qui jetterait le discrédit sur la
Cour et, plus généralement, sur le règlement judiciaire international des différends.
B. Le réexamen et la revision constituent le remède approprié pour
une violation de l’article 36
11.5. Vu le précédent LaGrand, le réexamen et la revision, par des moyens du choix des
Etats-Unis, constituent donc le remède approprié pour une violation de l’article 36 de la convention
dans des cas comme ceux invoqués par le Mexique. En l’affaire LaGrand, la Cour a prescrit à
l’Etat de résidence d’exercer son autorité souveraine pour mettre en place un mécanisme
permettant d’accorder, s’il y a lieu, réparation à un ressortissant étranger victime d’une violation de
la convention. Par le jeu de ce mécanisme individualisé, la situation de chaque ressortissant
étranger peut être rétablie dans l’état qui «aurait vraisemblablement existé»84 s’il n’y avait pas eu
violation de la convention. Ce remède, à savoir «le réexamen et la revision», a été salué et
approuvé par des commentateurs85 ainsi que par la Commission du droit international.
11.6. Le Mexique a mis en exergue la primauté de la restitutio in integrum en tant que forme
de réparation et a cité les projets d’articles de la Commission du droit international sur la
responsabilité de l’Etat comme une jurisprudence qui vient à l’appui du remède qu’il cherche à
obtenir86. Il est toutefois remarquable qu’il n’ait même pas pris la peine d’évoquer l’analyse que la

84 Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, par. 76 (citation, et application, de l’arrêt rendu en l’affaire relative à l’Usine de Chorzów, fond, arrêt
n
o
13, 1928, C.P.J.I. série A no
17, p. 47).
85 Voir, par exemple, Christian J. Tams, «Consular Assistance and Rights and Remedies: Comments on the ICJ’s
Judgment in the LaGrand Case», Journal européen de droit international, vol. 13, no
5, novembre 2002, no
74 et texte
d’accompagnement accessible sur http://www.ejil.oupjournals.org, annexe 23, pièce 157 («[L]a Cour serait allée trop loin
si elle avait dit [en l’affaire LaGrand] que toutes les décisions rendues sans que l’accusé ait pu bénéficier de la
notification … devaient être automatiquement annulées, que l’absence de notification consulaire ait eu ou non un effet
négatif sur les moyens de défense du ressortissant étranger.»)
86 Voir, par exemple, MM, par. 357.
- 47 -
Commission du droit international a justement faite au sujet de la réparation dans le cadre d’une
affaire telle que celle-ci. En vérité, les conclusions de la Commission du droit international
n’étayent pas l’opinion selon laquelle la restitutio in integrum d’un point de vue purement
théorique serait appropriée dans une affaire comme celle qui nous occupe. De fait, de manière
générale comme particulière, les travaux la Commission endossent la démarche que la Cour a
adoptée en l’affaire LaGrand.
11.7. Madame et Messieurs de la Cour, vous disposez, sous l’onglet no
7 du dossier de
plaidoiries, du texte du projet d’article 34 sur la responsabilité de l’Etat ainsi que de son
commentaire. Dans le passage surligné du commentaire, la Commission déclare que :
«L’obligation primaire violée peut … jouer un rôle important en ce qui
concerne la forme et la portée de la réparation. En particulier, en cas de restitution ne
donnant pas lieu à restitution de personnes, de biens ou de territoires de l’Etat lésé, la
notion de retour au statu quo ante doit être appliquée en tenant compte des droits et
des compétences respectifs des Etats concernés. Tel peut être le cas, par exemple,
lorsque c’est une obligation procédurale conditionnant l’exercice des pouvoirs
substantiels d’un Etat qui est en jeu.»87
Les obligations énoncées à l’article 36 de la convention constituent des obligations procédurales
revêtant précisément le caractère décrit par la Commission.
11.8. La Commission poursuivait son commentaire dans une note de bas de page, également
surlignée sous l’onglet no
7. Elle évoquait précisément, en l’approuvant, la décision rendue par la
Cour en l’affaire LaGrand. La Commission déclarait :
«dans l’affaire LaGrand, la Cour a indiqué qu’une violation de l’obligation de
notification prévue à l’article 36 de la convention de Vienne sur les relations
consulaires …, entraînant une peine grave ou une détention prolongée, devait donner
lieu au réexamen du bien-fondé de la condamnation «en tenant compte de la violation
des droits prévus par la convention»… Il s’agirait d’une forme de restitution qui a
tenu compte du caractère limité des droits en cause.»88
Aussi n’est-il guère besoin, pour la Cour, de spéculer sur la manière dont la Commission du droit
international analyserait la question de la réparation dans une affaire comme celle-ci. Les vues de
la Commission sont claires.

87 Commentaires de la CDI, art. 34.
88 Ibid., note 518.
- 48 -
11.9. La tâche de la Cour consiste en l’espèce, comme dans l’affaire LaGrand, à peser les
droits respectifs des Parties en tenant compte de la nature de l’obligation procédurale due au
Mexique et des droits de fond connexes qui sont ceux des Etats-Unis.
11.10. S’agissant des droits des Etats-Unis, les membres de la Cour saisissent parfaitement le
caractère fondamental que revêt le système de justice pénale d’un Etat. Il s’agit de la pierre de
touche de sa souveraineté. Le bon fonctionnement de ce système est essentiel au maintien de
l’ordre public, qui est l’une des principales responsabilités de l’Etat envers ses citoyens. Dans
l’affaire LaGrand, bien que la Cour soit allée loin, le remède qu’elle a créé — le réexamen et la
revision — ne mettait pas en péril l’efficacité du système interne de justice pénale. Au contraire, la
Cour a laissé l’Etat libre de déterminer la meilleure façon d’instaurer un mécanisme de réexamen et
de revision dans le cadre général de son système juridique interne. Par opposition, le remède
proposé par le Mexique constituerait une profonde ingérence dans le système de justice pénale,
parce que, même sous la forme revisée que le conseil du Mexique a envisagée hier, il obligerait la
Cour à imposer de nouvelles règles aux juridictions américaines sur des questions telles que le
retrait d’éléments de preuve et la carence procédurale.
11.11. Dans son mémoire, le Mexique a déclaré avec désinvolture que le remède qu’il
proposait «n’imposerait ici absolument aucune charge»89. Comme lorsqu’il prétendait, à tort, que
le remède prescrit en l’affaire LaGrand visait uniquement les frères LaGrand et non les cas futurs
impliquant d’autres ressortissants allemands, le Mexique s’écarte ici du domaine de
l’argumentation juridique et s’engage dans celui de la fiction juridique. Ce que le Mexique propose
à la Cour, c’est une ingérence absolument sans précédent dans la souveraineté de l’Etat. Les
membres de la Cour verront assurément quelles répercussions subirait leur propre système national
de justice pénale si les déclarations de culpabilité et les peines prononcées en dernier ressort dans
toute une catégorie d’affaires devaient être frappées d’invalidité et si une juridiction internationale
devait s’immiscer dans des affaires pénales en instance. Le Mexique peut certes choisir de
banaliser ce point, mais tel ne sera pas le choix de la Cour, si l’on en juge par la démarche qu’elle a
adoptée en l’affaire LaGrand.

89 MM, par. 389.
- 49 -
11.12. Bien entendu, les droits procéduraux protégés par l’article 36 sont importants. Mais
le fait de dénaturer ces droits ne sert les intérêts ni des Etats parties à la convention, ni du droit.
Comme la Cour le sait bien, ces droits sont garantis aux Etats parties en vue de faciliter l’exercice
des fonctions consulaires par l’«Etat d’envoi», et ils ne concernent pas l’équité fondamentale de la
procédure pénale. Les conseils du Mexique ont évoqué hier l’intérêt des ressortissants mexicains à
bénéficier «d’un procès équitable». Et il s’agit là d’un intérêt très important. D’un intérêt, comme
M. Philbin l’a expliqué ce matin, qui est protégé par les juridictions américaines. Mais l’objet de
l’article 36 n’est pas de garantir la tenue de procès équitables.
11.13. On ne peut pas davantage postuler que la violation de l’obligation de fournir
l’information consulaire a un quelconque effet sur l’issue de la procédure pénale. M. Crawford a
examiné cet aspect de la question dans son troisième rapport sur la responsabilité des Etats :
«Il aurait été tout à fait possible que le procès fût honnête et juste et que le
défaut de notification n’eût aucun effet sur la condamnation… Seul l’établissement
d’un lien causal suffisant entre le défaut de notification par les Etats-Unis et le résultat
du procès pouvait permettre de soulever la question de la restitution.»
90
Le réexamen et la revision permettent notamment d’évaluer au cas par cas l’incidence de la
violation alléguée sur l’équité de la déclaration de culpabilité et de la peine. Le remède proposé par
le Mexique imposerait à la Cour d’annuler toute déclaration de culpabilité et toute peine dès lors
qu’il y a violation de l’obligation de fournir l’information consulaire, sans considérer aucunement
l’incidence d’une telle violation.
11.14. Le Mexique a longuement traité, dans son mémoire et dans sa plaidoirie d’hier, du
droit interne des Etats-Unis et de ses prétendues lacunes concernant la mise en œuvre du remède
que constituent le réexamen et la revision. A supposer toutefois que son analyse erronée du droit
interne américain soit exacte — ce qui n’est pas le cas —, celle-ci se concentre uniquement sur la
manière dont les Etats-Unis mettent en œuvre l’obligation juridique internationale énoncée par la
Cour en l’affaire LaGrand. Le Mexique n’a fourni aucun argument fondé sur les principes du droit
international concernant la mise en balance des droits respectifs des deux Etats que la Cour avait
soigneusement opérée en l’affaire LaGrand. Quelle que soit la conclusion de la Cour à l’égard des

90 Troisième rapport, par. 141.
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assertions mexicaines sur la façon dont les Etats-Unis mettent en œuvre le remède du réexamen et
de la revision, le Mexique n’a fourni à la Cour aucun fondement, en droit international, permettant
de reconsidérer ledit remède.
11.15. Jusqu’ici, nous avons brièvement examiné la décision de la Cour d’adopter comme
remède le réexamen et la revision en l’affaire LaGrand, remède destiné à être appliqué à l’avenir,
dans les affaires ultérieures, notamment, si l’on tient compte de la déclaration du président, aux
affaires impliquant des ressortissants mexicains. Nous avons évoqué la nécessité de mettre en
balance les droits respectifs des parties aux fins d’affaires appelant une restitution autre que la
simple restitution de biens, de personnes ou de territoires, et avons rappelé la conclusion bien pesée
de la Commission du droit international, à savoir que le remède créé par la Cour en l’affaire
LaGrand traduit cette mise en balance lorsqu’entrent en conflit, d’une part, les responsabilités
substantielles et souveraines imposant à l’Etat d’assurer le fonctionnement de son système de
justice pénale et, de l’autre, les obligations procédurales que lui impose la convention. Nous avons
également fait observer que le réexamen et la revision constituaient un remède permettant
d’évaluer, sur une base individuelle, l’incidence de la prétendue violation de la convention sur
l’équité de la procédure pénale.
C. Le réexamen et la revision constituent un remède en meilleure adéquation
avec le véritable rôle de la Cour
11.16. Le réexamen et la revision d’une déclaration de culpabilité et d’une peine, par des
moyens du choix de l’Etat, constituent également un remède approprié car ils sont en meilleure
adéquation avec le véritable rôle judiciaire qui est celui de la Cour lorsqu’elle est appelée à régler
des différends tel que celui actuellement soumis à son examen. Cela s’explique par deux raisons
distinctes, l’une d’ordre pratique, l’autre fondamentale.
11.17. Tout d’abord, d’un point de vue pratique : vu que la convention compte un si grand
nombre d’Etats parties, et vu les différentes manières dont ces Etats mettent en œuvre les
obligations qu’ils tiennent de cet instrument et dont ils ont établi, et gèrent, leurs systèmes de
justice pénale, la Cour doit interpréter la convention et prescrire des remèdes qui soient efficaces et
applicables dans les différents systèmes juridiques de tous les Etats parties. Bien que cette affaire
ne concerne que le Mexique et les Etats-Unis, l’instrument que la Cour prend ici pour base de son
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examen crée des obligations juridiques internationales pour des Etats issus de tous les continents,
représentant tous les principaux systèmes juridiques du monde, dont des Etats de common law et
des Etats de droit civil, des Etats unitaires et des Etats fédéraux. Le réexamen et la revision, par
des moyens du choix de l’Etat, constituent le seul remède susceptible d’application générale dans
tous les systèmes et toutes les cultures juridiques. Ce remède permet à tous les Etats parties d’aller
de l’avant. Et il évite les complications qui verraient fatalement le jour si la Cour devait en
l’espèce juger, comme le Mexique le lui demande, par exemple que la convention commande d’une
certaine façon l’application de la règle de l’irrecevabilité d’éléments de preuve — une règle en
matière de preuve qui, ainsi que M. Weigend l’a démontré, est inconnue dans de nombreux
systèmes juridiques.
11.18. Par rapport au remède proposé par le Mexique, l’avantage le plus fondamental du
«réexamen et la revision» est que ce remède n’amène pas la Cour à concevoir un ordre qui à
l’avenir régirait le fonctionnement d’un système national de justice pénale, fonction qui excède ses
véritables attributions. La Cour est consciente du rôle qui est le sien dans une instance introduite
en vertu d’une clause compromissoire : il s’agit ici de trancher un différend relatif à l’interprétation
ou à l’application de la convention. Son rôle se limite à évaluer les obligations juridiques
internationales des parties, et non d’aller jusqu’à déterminer les moyens par lesquels les parties
doivent mettre en œuvre leurs obligations au sein de leur système juridique interne91. Lorsque
l’affaire s’y prête, la Cour peut décider du remède à apporter à la violation d’une obligation, mais,
ce faisant, elle devra là encore se limiter à déclarer ce qui est prescrit par le droit international. Il
n’appartient pas ici à la Cour de déterminer à l’avance la manière dont le remède, soit le réexamen
et la revision, devra être mis en œuvre par les Etats-Unis ou par quelque autre Etat92
.

91 Voir, par exemple, Oppenheim’s International Law, 9e
éd., p. 82-83 («Du point de vue du droit international,
les Etats sont généralement libres quant au choix des moyens par lesquels ils se mettront en mesure, sur le plan interne,
de satisfaire à leurs obligations internationales; peu importe que l’Etat choisisse d’accueillir et d’appliquer directement le
droit international ou de le convertir en règle nationale par la promulgation d’une loi, pas plus que n’importe le choix
entre les différentes formes de législation, droit commun ou action administrative, comme moyens de donner effet aux
obligations internationales. Ce sont là des questions qu’il échet à l’Etat de trancher lui-même, conformément à ses
propres pratiques constitutionnelles.»).
92 Voir, par exemple, Haya de la Torre, arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 79.
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11.19. Les membres de la Cour ont sous les yeux les conclusions du Mexique sur les
remèdes, telles qu’elles sont à présent formulées. Ces conclusions imposeraient notamment à la
Cour de déclarer que les Etats-Unis ont l’obligation — vraisemblablement une obligation au regard
du droit international, étant donné que la Cour ne peut se prononcer que sur des obligations de cet
ordre — de prendre des mesures aux niveaux législatif, exécutif et judiciaire concernant des
questions inhérentes à leur droit interne comme l’opportunité des obstacles procéduraux opposés à
une demande non-invoquée en temps utile, le retrait d’éléments de preuve et l’obligation de
démontrer l’existence d’un préjudice particulier. Un seul fondement pourrait à la rigueur venir
appuyer ces conclusions : il faudrait que la Cour déclare que l’application de ces doctrines a
emporté violation de la convention dans tous les cas. Mais le Mexique ne cherche pas
particulièrement à obtenir de la Cour une déclaration d’illicéité à l’égard de chacune de ces
différentes doctrines de droit interne dont il demande à la Cour d’empêcher l’application. Cela se
comprend, étant donné qu’il n’existe aucune base plausible permettant d’interpréter la convention
comme empêchant l’application de ces doctrines, d’autant plus que, comme je l’ai expliqué ce
matin, le paragraphe 2 de l’article 36 de cet instrument prévoit expressément la mise en œuvre des
prescriptions de la convention dans le cadre des lois et règlements existants. En l’affaire LaGrand,
la Cour avait expressément refusé de déclarer illicite l’une de ces doctrines — celle de la carence
procédurale.
11.20. Je conclus. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, si les Etats-Unis
ont violé les dispositions de la convention, la Cour dispose déjà du remède approprié à apporter à
cette violation. La Cour doit réaffirmer sa décision selon laquelle, lorsque des ressortissants
étrangers sont condamnés à des peines sévères sans que les prescriptions de la convention de
Vienne aient été respectées, les Etats-Unis doivent, en mettant en œuvre les moyens de leur choix,
permettre le réexamen et la revision du verdict de culpabilité et de la peine en tenant compte de la
violation. Ce remède accorderait au Mexique la réparation à laquelle il a droit, respecterait les
droits respectifs des parties, et serait conforme au rôle de la Cour ainsi qu’à l’arrêt qu’elle a rendu
très récemment en l’affaire LaGrand.
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11.21. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, voilà qui met un terme à
mon exposé. Je vous remercie de votre attention. Monsieur le président, je vous prie de bien
vouloir appeler à la barre M. Taft, qui conclura le premier tour de plaidoiries des Etats-Unis.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Mathias. Je donne maintenant la parole à
M. Taft.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Mathias. Je donne à présent la parole à
M. Taft.
M. TAFT : Je vous remercie, Monsieur le président.
XII. CONCLUSION
12.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, nous avons entendu beaucoup
d’arguments au cours des deux derniers jours sur les nombreuses questions que soulève la requête
du Mexique, questions que suscitent tant la complexité et la diversité des faits sur lesquels reposent
chacun des cas que le Mexique a soumis à la Cour que les nouvelles considérations étendues de
droit — et l’extension de l’autorité de votre Cour — que propose le Mexique. Les thèses du
Mexique soulèvent des questions qui ont trait, entre autres, au domaine de compétence véritable de
la Cour; à l’interprétation correcte qu’il convient de donner à l’article 36 et au point de savoir si
votre Cour doit, si peu de temps après l’affaire LaGrand, oublier la décision qu’elle a rendue dans
ladite affaire, à savoir que le remède à une violation de l’article 36 consiste en un réexamen et
revision du verdict de culpabilité et de la peine, par des moyens choisis par l’Etat de résidence. Je
vais conclure ce premier tour de plaidoiries des Etats-Unis en appelant l’attention de la Cour sur
trois points.
12.2. Tout d’abord, la réparation que sollicite le Mexique ne peut être conciliée avec l’arrêt
soigneusement élaboré que la Cour a rendu en l’affaire LaGrand. Dans ledit arrêt, la Cour a fait
preuve d’une extrême prudence pour limiter son ingérence dans le fonctionnement des systèmes
internes de justice pénale, qui se trouvent au cœur même de la souveraineté des nations. En
ordonnant le remède du réexamen et de la revision, la Cour a clairement fait savoir que le choix des
moyens pour entreprendre ce réexamen était laissé aux Etats-Unis. Même si le Mexique prétend ne
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pas contester cette limitation stricte, il n’en cherche pas moins à prescrire les moyens par lesquels
le réexamen devrait se faire. Et la réparation qu’il sollicite exigerait manifestement de la Cour que
celle-ci oublie entièrement la sage limitation posée dans l’affaire LaGrand pour dicter des résultats
concernant le fond d’affaires déterminées, en annulant des verdicts de culpabilité et des peines et en
exigeant l’organisation de nouveaux procès. Comme je l’ai dit ce matin, la Cour est déjà allée très
loin dans l’affaire LaGrand, en matière d’interprétation des obligations que la convention impose
aux Etats parties. Pour des affaires qui, dans leurs caractéristiques essentielles, ne sont pas
différentes de l’affaire LaGrand, le Mexique ne fournit aucune justification pour que la Cour
tourne si rapidement le dos à la décision rendue dans l’affaire en question pour adopter un remède
qui exigerait une issue bien précise en chaque affaire. Pareille manière de procéder pourrait
simplement mettre la Cour dans la situation d’une juridiction qui dicte des résultats dont la
législation interne des Etats-Unis telle qu’elle existe et celle d’autres Etats qui appliquent la
convention de Vienne ne pourraient s’accommoder.
12.3. Deuxièmement, la demande de réparation du Mexique est fondée sur une interprétation
erronée et inapplicable du paragraphe 1 de l’article 36. Le Mexique prétend que l’article 36
requiert que l’information consulaire soit fournie immédiatement après l’arrestation et qu’il ne
saurait y avoir d’interrogatoire, si une demande de notification consulaire est faite, tant qu’un
fonctionnaire consulaire ne serait pas présent. En reconnaissant l’effet intolérable qu’une telle
règle pourrait produire en imposant l’arrêt des enquêtes, M. Donovan a hier modifié la position du
Mexique sur ce point, en laissant entendre que l’Etat de résidence aurait seulement à attendre une
réponse «raisonnablement prompte» du fonctionnaire consulaire. Il ne pourrait cependant y avoir
système plus inapplicable que celui qui repose sur la norme variable de la réponse
«raisonnablement prompte» proposée par M. Donovan. En déterminant le caractère raisonnable de
la réaction, la police aurait à évaluer la gravité de l’infraction commise, les circonstances entourant
chaque enquête, et les moyens dont disposent les consulats de chacun des Etats d’envoi. De
surcroît, pendant un certain nombre de jours ou de semaines, l’enquête pénale se trouverait dans
une impasse par l’application de cette règle et des éléments de preuve seraient perdus, puisque les
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autorités de police se trouveraient empêchées de poursuivre leur enquête. Aucun signataire de la
convention n’avait compris qu’il souscrivait à pareil engagement lorsqu’il a ratifié la convention et
votre Cour doit rejeter une telle interprétation.
12.4. Troisièmement, il arrive des fois au Mexique de présenter l’assistance consulaire
comme s’il s’agissait d’un droit fondamental de la défense au pénal. Bien entendu, il ne saurait en
être ainsi. Sinon, le Mexique lui-même violerait les droits de la défense d’un accusé, s’il
s’abstenait de fournir une assistance consulaire; or il a reconnu que cela pouvait se produire. Le
Mexique n’en soutient pas moins que l’assistance consulaire garantit la protection de droits
fondamentaux généralement reconnus à la défense. Le Mexique a évoqué hier devant la Cour trois
de ces droits, définis dans les grandes lignes comme suit : le droit à une procédure régulière, le
droit à l’assistance efficace d’un avocat et le droit à un procès équitable. Mais, comme nous
l’avons démontré, le système de la justice pénale des Etats-Unis garantit déjà ces droits — dans ces
cinquante-deux affaires comme dans toutes les autres — au cours de l’instruction, au cours du
procès, cela de façon rigoureuse et à différents niveaux du réexamen judiciaire. Le Mexique
n’invoque que le défaut d’assistance consulaire et invite la Cour à spéculer sur la conséquence la
plus inquiétante qui pourrait en découler, celle où un accusé se verrait privé d’un procès équitable.
Le Mexique n’a toutefois pas présenté un seul cas parmi ceux qui font l’objet de sa requête où
pareille conséquence est devenue réalité. Il ne pourrait d’ailleurs pas le faire, tout simplement
parce que, dans chaque affaire, les juridictions des Etats-Unis protègent contre ces conséquences
mêmes que le Mexique prétend craindre et garantissent à tous une procédure régulière, l’assistance
efficace d’un avocat et un procès équitable.
12.5. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, nous vous remercions pour
l’attention que vous avez aujourd’hui prêtée à nos plaidoiries. Je vous remercie en particulier pour
la courtoisie dont vous avez fait montre à l’égard des Etats-Unis et de M. Thessin. C’est avec
plaisir que nous nous présenterons de nouveau devant vous, avec M. Thessin en bonne santé, le
jeudi. Je vous remercie infiniment, Monsieur le président.
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Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Taft. Cet exposé de M. Taft met fin au
premier tour de plaidoiries des Etats-Unis. Le second tour de plaidoiries commencera le
jeudi 18 décembre. Ce jour là, les Etats-Unis du Mexique présenteront leur réplique orale de 10 à
12 heures. Les Etats-Unis présenteront leur réplique orale le vendredi 19 décembre à 15 heures et
disposeront également d’une séance de deux heures. La Cour n’ayant aucun autre point à
examiner, l’audience est levée.
L’audience est levée à 18 h 15.
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