Lettre en date du 14 avril 2007 adressée au greffier par l’agent de la
République du Nicaragua
[Traduction]
J’ai l’honneur de me référer à votre lettre datée du 29mars2007 relative à l’affaire de la
Délimitation maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras), par laquelle vous m’informez que le préside nt a fixé au lundi16avril la date
d’expiration du délai pour la communication des observations du Nicaragua sur la réponse écrite du
Honduras à la question posée par le juge Gaja à l’audience publique tenue le 16 mars 2007.
Observations sur la réponse écrite du Honduras à la question posée par le juge Gaja à
l’audience publique tenue le 16 mars 2007
1. Le Honduras a, jusqu’en mars2002, date à laquelle il l’a exprimée dans son
contre-mémoire (p. 14, note de bas de page n 2), défendu la position selon laquelle «Logwood Cay
et Media Luna Cay sont toutes deux actuellement recouvertes». Cinq ans plus tard, après avoir été
interrogé par la Cour sur la situation de ces cay es, le Honduras confirme sa méconnaissance de la
zone et le fait qu’il n’y exerce aucun contrôle en se révélant incapable d’apporter à la question une
réponse précise ou même approximative qui soit fondée su r un réel contrôle matériel de la zone.
Ainsi le Honduras a-t-il tenté de répondre à la ques tion en présentant tout d’abord des conclusions
discutables tirées d’une unique photo satellite de la zone spécialement choisie à cet effet, laquelle,
pour les raisons indiquées dans la lettre présentée par le Nicaragua le 5avril dernier sur cette
question, conduisait en réalité à une conclusion différente de celle du Honduras, à savoir que les
deux cayes étaient en fait recouvertes.
2. Conscient de l’effet que cette méconnaissan ce de la zone produirait immanquablement, le
Honduras a fini par quitter les hautes sphères des photographies satellites et a tardivement tenté
d’enquêter in situ sur la situation de ces cayes. Cette enquête l’a conduit à présenter de nouveaux
éléments de preuve à cette étape très tardive de la procédure. De plus, ce qui est étonnant dans
cette affaire, c’est que ces nouveaux éléments de preuve ne se rapporte nt pas à une question
imprévue et sans pertinence qui aurait été posée par la Cour au dernier moment, mais
fondamentalement à une question qui touche au cŒur même de la thèse du Honduras selon laquelle
il a «traditionnellement» exercé la souveraineté sur la zone en litige. Ce sont là des éléments de
preuve qui auraient opportunément pu et dû être présentés à la Cour si le Honduras avait, comme
il
l’a prétendu au cours de la présente instance, eu une véritable connaissance de la zone en litige et
exercé sur elle un véritable contrôle physique.
3. Le Nicaragua, pour sa part, a toujours indiqué que les formations situées dans la zone en
litige étaient vraiment mineures et qu’elles n’avaien t pas fait l’objet d’un contrôle strict ou d’une
utilisation par quelque autorité que ce soit. Ce la ressort de manière tout à fait évidente des
photographies de l’expédition du Honduras que ce dernier a présentées. Il apparaît clairement sur
ces photos que, pour un observateur qui se tient, à marée basse, debout dans l’eau, Logwood Cay a
à peu près la taille d’un ballon de football !
4. Le Honduras, en revanche, s’est targué de sa connaissance de la zone, prétendant même
que la mention faite de la caye Palo de Campeche dans certains de ses textes législatifs antérieurs
à1982 avait des conséquences importantes. Le Honduras a rejeté tout doute concernant - 2 -
l’identification de cette «Palo de Campeche», soutenant qu’il s’agissait manifestement de la caye
Logwood représentée sur les cartes marines bien connues de la zone. L’étendue de sa connaissance
de la zone et de ses formations, ainsi que le poids que l’on peut accorder au fait qu’il identifie Palo
de Campeche à Logwood, peuvent être mesurés à l’aune des questions actuellement débattues.
Certaines des déclarations formulées par le Honduras dans sa réponse écrite à la question du
juge Gaja appellent un commentaire particulier :
1. Au paragraphe 2, le Honduras précise que, afin de réunir les éléments de preuve qu’il présente à
la Cour, il a effectué dans la zone en questio n une visite par avion le 21mars dernier, une
deuxième visite par mer le 23mars et, enfin, une troisième visite par mer le 30mars. Ce
nonobstant, les éléments de preuve présentés par le Honduras se limitent à ceux qu’il a réunis
lors de la troisième visite, et aucune allusion n’est faite aux résultats des deux premières. Afin
de répondre à la question posée par le juge Gaja, il aurait été intéressant que des informations
soient fournies sur la situation qui était celle des cayes lors des deux premières visites.
2. Au paragraphe 6, le Honduras fournit les coordonnées des formations sur lesquelles s’est
rendue l’équipe qu’il a constituée. Ces coordonnées ne correspondent pas à celles de la
formation connue sous le nom de «Logwood Cay» qui figure sur les cartes, mais elles sont bien
celles de l’«îlot qui est le seul situé à proxim ité immédiate de l’inscription Logwood Cay». Le
Honduras précise également que «l’écart entre la position figurant sur la carte et l’emplacement
réel tel qu’observé est inférieur à un mille marin». Indépendamment de ces commentaires
formulés par la Partie adverse, les conseille rs techniques du Nicaragua considèrent que les
positions fournies semblent quelque peu étranges. Elles n’apparaissent pas comme des
coordonnées obtenues grâce au système GPS, lesquelles devraient être d’une précision
supérieure. La position indiquée pour Logwood Cay (15 o113' 0" de latitude nord;
o
82 41' 45" de longitude ouest) est celle d’un point situé à environ 500 mètres au sud-ouest de la
caye telle que figurant sur la photo satellite, et à environ 1500mètres au sud-sud-ouest de la
position représentée sur la carte 2425 de l’Amirauté britannique. La conclusion des conseillers
techniques du Nicaragua est que le Honduras a découvert une nouvelle pe tite formation qui
assèche ; peut-être s’agit-il d’un important débris de corail qui se serait détaché et aurait échoué
sur le plateau lors d’une tempête, et qui aura disparu après la prochaine tempête.
3. Au paragraphe 8, le Honduras affirme à tort que
«[l]es Parties s’accordent sur le fait que les éléments de preuve présentés à la Cour
indiquent que Logwood Cay (Cayo Palo de Campeche) et Media Luna Cay étaient des
îles, notamment au cours de la période allant de 1936 à 1982, lorsque la législation et
la Constitution honduriennes y ont fait référence pour la première fois».
Cela n’est pas vrai. Aucun élément de preuve présenté à la Cour n’indique que ces formations
étaient des îles à la période considérée. En re vanche, la mention d’«une » Palo de Campeche Cay
dans la législation hondurienne de1936 n’aurait pas été pertinente pour le Nicaragua dans la
mesure où celui-ci n’aurait pas su à quoi corres pondait cette formation «importante». En outre,
jusqu’aux annéessoixante, le Nicaragua revendiquait et occupait des portions importantes de
l’actuel territoire hondurien, et n’avait guère de raisons de prêter atte ntion à une revendication
formulée par le Honduras à l’égard d’une caye qu ’il n’aurait pas été en mesure d’identifier
clairement. Même si les autorités nicaraguayennes avaient su, en 1936, qu’il s’agissait en réalité
d’une référence à Logwood Cay, le fait d’appre ndre qu’une telle formation méritait d’être
expressément mentionnée dans la législation hondurienne et même dans sa Constitution n’aurait pu
que susciter l’hilarité du Nicaragua ! - 3 -
La conclusion qu’il convient de tirer des seu les informations fournies par le Honduras est
que Media Luna Cay est recouverte en permanence, tout comme la formation représentée sur les
cartes comme étant Logwood Cay. En outre, il existe peut-être aujourd’hui à proximité de
Logwood Cay du corail qui s’est détaché et qui est visible à marée basse.
Inspection par le Nicaragua de la zone dans laquelle s’est rendu le Honduras
Après avoir reçu copie du nouveau document présenté par le Nicaragua s’agissant de
Logwood Cay et de Media Luna Ca y, le Nicaragua a demandé à ses forces navales d’inspecter la
zone où s’étaient rendues celles du Honduras, laquelle est située par 15° 11' 30" de latitude nord et
082° 43' 50" de longitude ouest. Cette inspection a été réalisée le 12 avril 2007 à l’occasion d’une
visite de routine de la zone effectuée par les patrouilles navales. Le rapport de cette inspection et
ses résultats sont présentés dans une déclaration écrite du capitaine de frégate DEM des forces
navales nicaraguayennes, FranciscoJavierVallejo sParajon. Cette déclaration écrite, dont une
copie est jointe à la présente lettre, a été effectuée devant notaire.
Dans sa déclaration, le capitaine de frégate Parajón indique :
«[I]ls ont quitté la base navale de Puerto Cabezas, dans la région
nicaraguayenne autonome de l’Atlantique nord, à 3heures, le 12avril2007, cette
mission étant la dernière programmée pour le premier trimestre de l’année 2007 … et
sont arrivés à 9heures par 15 o 11'00" de latitude nord et 082 o43' 50" de longitude
ouest.»
Et le capitaine de frégate Parajón d’ajouter,
«Après avoir jeté l’ancre, opération qui a duré une dizaine de minutes, nous
avons procédé au transfert du personnel et du matériel technique à bord de la
vedette067, et nous sommes rendus au point situé par 15 o11'30" de latitude nord,
o
082 41'45" de longitude ouest en suivant un cap variable, à vitesse minimum, en
raison de la faible profondeur des eaux dans cette zone. Nous avons atteint la position
sus-indiquée à neufheuresvingt minutes (9h20) et y sommes restés jusqu’à
treizeheures (13heures). Nous avons cons taté la présence d’un récif recouvert en
permanence à marée haute; une petite zone, dont il a été pris des photographies
numériques et sur pellicule, apparaît à maré e basse. L’emplacement du récif a été
déterminé à l’aide d’appare ils GPS (Global Positioning System), par la méthode du
datum horizontal ou système géodésique mondial de1984 (World Geodesic System
de 1984) connu sous ses initiales anglaises WGS-84. Nous sommes restés trois heures
et quaranteminutes au point situé par15 o11'30" de latitude nord et 082 o41' 45" de
longitude ouest, avant de remonter à bord du garde-côte 203 et de faire demi-tour à
treize heures et huit minutes (13 h 8)…»
Les autorités navales nicaraguayennes nous ont communiqué une copie de cette déclaration
ainsi qu’un enregistrement vidéo et des photographies prises lors de l’insp ection. Ces documents
sont annexés à la présente lettre. En rais on du peu de temps dont no us avons disposé pour
organiser cette inspection navale et préparer c es documents, nous n’avons pas été en mesure de
fournir une traduction complète de la déclarati on, mais nous le ferons dès que possible. Les
passages pertinents de la déclaration écrite ont toutefois été retranscrits ci-dessus, et les
photographies et enregistrements vidéo parlent généralement d’eux-mêmes. - 4 -
L’inspection nicaraguayenne a conclu que la zone identifiée sur les cartes comme étant
Logwood Cay est recouverte en permanence. Un récif recouvert en permanence à marée haute se
trouve à proximité, par 15 o11'30" de latitude nord et 082 o41'45" de longitude ouest. Cette
formation ne peut pas, à proprement parler, être considérée comme une île au sens de l’article 121
de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
Veuillez agréer, etc.
___________ - 5 -
C ERTIFICATION
Conformément au paragraphe 3 de l’article 51 du Règlement de la Cour, je soussigné, agent
de la République du Nicaragua, cer tifie que les documents figurant dans ce dossier et ci-après
énumérés sont conformes aux originaux. Ces doc uments sont communiqués à la Cour dans le
cadre des observations du Nicaragua sur la ré ponse écrite du Honduras à la question posée par le
juge ad hoc Gaja aux deux Parties à l’audience publique tenue le 16mars2007 en l’affaire de la
Délimitation maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras).
Liste des documents
1. Attestation notariée en date du 13avril2007, délivrée par M. Roberto Danilo Chacón Rivas,
notaire : déclaration de M.FranciscoJavierVa llejosParajón, capitaine de frégate DEM des
forces navales nicaraguayennes (annexe I).
2. Copies de photographies de la zone inspectée (annexe II).
3. Enregistrement vidéo de la zone inspectée (annexe III).
En foi de quoi, j’établis la présente attestation le 14 avril 2007.
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Observations écrites de la République du Nicaragua sur la réponse écrite du Gouvernement hondurien à la question posée par M. le juge ad hoc Gaja à l'audience publique tenue le 16 mars 2007 (traduction)