Arrêt du 24 février 1982

Document Number
063-19820224-JUD-01-00-EN
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INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING THE
CONTINENTAL SHELF

(TUNISIA/LIBYAN ARAB JAMAHIRIYA)

JUDGMENTOF 24 FEBRUARY1982

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DU PLATEAU CONTINENTAL
(TUNISIE/ JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE) Officia1citation:

ContinentalShelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya),
Judgment, I.C.J. Reports982,p. 18.

Mode officiel de citat:on

Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne),
arrêt,C.I.J. Recueil 1982,p. 18.

Sales number
No de vente: 473 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

1982
24 février
Rôle général
24février 1982 no63

AFFAIRE DU PLATEAU CONTINENTAL

(TUNISIE/JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE)

Interprétationdu compromis- Sourcesdedroit à appliquerparla Cour- Force
obligatoirede/'arrêt.
Délimitationduplateau continentalentreEtats limitroph-sPrincipeset règles
dedroitinternationalapplicables La notiondeprolongementnaturelduterritoire
terrestredéfinissantl'objetmatérieloussisedesdroitsde/'Etat côti-rRôle de
cettenotionen matièrede délimitation Effet desfacteursgéologiqueset géomor-

phologiques.
TendancesrécentesdudroitacceptéesàlatroisièmeconférencdesNations Unies
sur le droit de la merArticles 76 et 83 duprojet deconvention.
La revendicationde titreshistoriquesnotamment commejustificationdu tracéde
lignesde base droites Frontièreterrestreet limites maritimes.
Applicationdesprincipes équitablesn vued'aboutiràune solution équitab-e
Prise en compte des circonstancespertinente- Déterminationde la région à
considéreraux fins de la délimitatio- Le critèrede proportionnalitéen tant
qu'aspectde /'équité.

Présents :M. ELIAS,Présidenten exercice; MM. FORSTERG , ROS,LACHS,
Mo~ozov, NAGENDRS AINGHM , OSLERO , DA,AGO,SETTE-CAMARA,
EL-KHANI,SCHWEBEL, juges; MM. EVENSENJ,IMÉNEZ DE ARÉ-
CHAGA j,ges ad hoc; M. TORRES BERNARDEG Z,effier.

En l'affaire du plateau continental,

entre

la République tunisienne,
représentéepar

S. Exc. M. Slim Benghazi, ambassadeur de Tunisie aux Pays-Bas,
comme agent,M. Sadok Belaïd,anciendoyende lafacultéde droit et des sciencespolitiques
et économiquesde Tunis,

comme coagent et conseil,
M. NéjibBouziri, conseillerdiplomatique, ancien ministre,

M. Amor Rourou, ingénieur, géologue-géophysiciean n,cien ministre de l'in-
dustrie, des mines et de l'énergie,
comme conseillersdu gouvernement,

M. Robert Jennings, Q.C., professeur Whewellde droit internationall'Uni-
versitéde Cambridge, présidentde l'Institut de droit international,

M. René-JeanDupuy, professeur au Collègede France, membre de l'Institut
de droit international, secrétairegénéle l'Académiededroit internatio-
nal de La Haye,
M.MichelVirally,professeur àl'université dedroit,d'économie etesciences
socialesde Parisetàl'Institut universitairedehautes étudesinternationales
de Genève,membre de l'Institut de droit international,

M. Georges Abi-Saab, professeur de droit internationaà l'Institut universi-
taire de hautes études internationalesde Genève, associéde l'Institut de
droit international,
M.Yadh BenAchour,professeur àla facultédedroit et dessciencespolitiques
et économiquesde Tunis,
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l'université de droit,d'économieet de
sciences socialesde Paris,

comme conseils et avocats,
M. Habib Slim,chargéde cours à la facultéde droit et des sciencespolitiques
et économiquesde Tunis,
M. Mohamed Mouldi Marsit, directeur des conventions au premier minis-
tère,

M.Jeremy P. Carver, solicit (orward Chance),
comme conseillersjuridiques,

M. Robert Laffitte, professeur honoraire au Muséumnational français d'his-
toire naturelle, ancien professeur de géologieet ancien doyen de la faculté
des sciences d'Alger,
M. Car10Morelli,professeur de géophysiqueappliquée et directeurde 1'Ins-
titut des mines et de géophysiqueappliquée del'universitéde Trieste,
M. Habib Lazreg, docteur ès sciences, géologue,ministère de l'économie
nationale,
M. Daniel Jean Stanley, docteur ès sciences,océanographe,consultant en
océanographie eten géologiemarine a Washington, D.C.,

comme experts,
le commandant Abdelwahab Layouni, ministèrede la défense(marine natio-
nale),

M. Kamel Rekik, ingénieur, ancienélèvede 1'Ecolepolytechnique de Paris,
ministèrede l'économienationale,
comme conseillers techniques,

MmeHend Mebazaa, documentaliste, ministèrede l'économienationale, M. Samir Chaffai, secrétairà l'ambassade de Tunisie aux Pays-Bas,

M. Lazhar Bouony, maître-assistantà la facultéde droit et des sciencespoli-
tiques et économiquesde Tunis,
M. Fadhel Moussa, assistantà la facultéde droit et des sciencespolitiques et

économiquesde Tunis,
M. Ridha Ben Hammed, assistant à la facultéde droit et des sciences poli-
tiques et économiquesde Tunis,
M. Raouf Karrai, maître-assistant de géographieà l'université deTunis,

M. Farouk Saimanouli, juriste, ministère de l'économienationale,
M. Zoubeir Mazouni,juriste, ministère de l'économienationale,

comme assistants,

la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste,

représentéepar
S. Exc. M.Kamel H. El Maghur, ambassadeur,

comme agent,

M. Abdelrazeg El-Murtadi Suleiman, professeur de droit international à
l'université Garyounis de Benghazi,
comme conseil,

M. Derek W. Bowett, Q.C., présidentdu Queens' Collegede Cambridge,

M. Herbert W. Briggs,professeur honoraire Goldwin Smith de droit interna-
tionalà l'université Cornell,
M. Claude-Albert Colliard, doyenhonoraire, professeur de droitinternational
à l'université de Paris 1,
M. Keith Highet, membredesbarreaux de New York et du district de Colum-

bia,
M. Antonio Malintoppi, professeur à la facultéde droit de l'université de
Rome,
sir Francis A. Vallat, K.C.M.G., Q.C., professeur honoraire de droit interna-
tionalà l'universitéde Londres, membre de la Commission du droit inter-
national, membre de l'Institut de droit international,
M. Mustapha K. Yasseen (décédé le20 septembre 1981),membre de l'Institut
de droit international,
M. Walter D. Sohier, membre des barreaux de New York et du district de

Columbia,
comme conseils et avocats,

M. Amin A. Missallati, professeur de géologie à l'université Al-Fateh de
Tripoli,
M.Omar Hammuda, professeur de géologie à l'université Al-Fateh de Tri-
poli,
M. Mohammed Alawar, professeur adjoint de géographie à l'université Al-
Fateh de Tripoli, M. Mohammed Jamal Ghellali, conseiller au département des affaires juri-
diques et des traités,bureau populaire de liaison avec l'extérieur,Tripoli,
M. Seif Jahme, département de la marine, Tripoli,
M. Khaled Gordji, département de la marine, Tripoli,
M. Salem Krista, département de cartographie, secrétariatpour le pétrole,
Tripoli,
M. Muftah Smeida, troisième secrétaire,bureau populaire de liaison avec
l'extérieur,

comme conseillers,
M. Frank H. Fabricius, professeur de géologieà l'Institut de géologie etde

minéralogie,Universitétechnique de Munich,
M. Claudio Vita-Finzi, assistant en géologie à l'University College de
Londres,
comme experts,

M. Rodman R. Bundy,
M. Richard Meese, docteur en droit,
M. Henri-Xavier Ortoli,
comme conseils.

ainsi composée,
aprèsdélibéré en chambre du conseil,

rend l'arrêt suivan:t

1. Par lettre du 25 novembre 1978reçue au Greffe de la Courle le' décembre
1978, le ministre des affaires étrangèresde Tunisie a notifié à la Cour un
compromis en langue arabe signé à Tunis le 10juin 1977entre la République
tunisienne et la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste; une copie
certifiéeconforme ducompromis étaitjointeàcette lettre, ainsiqu'unetraduction
en français.
2. Dans la traduction en français fournie par la Tunisie, les articleà 5 du

compromis se lisaient comme suit :

Article 1
Il est demandé à la Cour de rendre son arrêtdans l'affaire suivante:

Quels sont les principes et règlesdu droit international qui peuvent être
appliquéspour ladélimitationdelazoneduplateaucontinental appartenant
àlaRépubliquetunisienneetdelazoneduplateaucontinental appartenant à
laJamahiriya arabelibyennepopulaireet socialisteet,enprenant sadécision,
de tenir compte des principes équitables et des circonstances pertinentes
propres à la région, ainsique des tendances récentes admisesàla troisième

Conférence sur le droit de la mer.
De même,ilestdemandéégalement àla Courde clarifier avecprécisionla
manièrepratique par laquelle lesdits principes et règless'appliquent dans
cette situation précise,de manière à mettre les experts des deux pays en
mesure de délimiter lesdites zonessans difficultés aucunes. Article2

Dès quel'arrêd t e la Cour est rendu, lesdeux Parties seréuniront pourla
mise en application desdits principes et règlespour déterminer laligne de
délimitationde la zone du plateau continental appartenant à chacun des
deux pays et ce aux fins de la conclusion d'un traitérelatif à cette ma-
tière.

Article 3

Dans lecas où il n'aura pas étpossible d'aboutiràl'accordmentionné à
l'article 2 dans une période de trois mois, renouvelable par accord des
deux Parties,à partir de la datede laparution de l'arrêtde la Cour, lesdeux
Parties reviendront ensemble à la Cour et lui demanderont tous éclaircis-

sements ou explications facilitant la tâche des deux délégationspour par-
venir à la ligne séparantles deux zones du plateau continental et les deux
Parties s'engagentà seconformer à l'arrêtde la Cour eàsesexplications et
éclaircissements.

Article 4

A. La procédure est constituéede plaidoiries écriteset de plaidoiries
orales.
B. Sans préjuger aucune question pouvant survenir relativement aux
moyens de la preuve, les plaidoiries écritessont constituéesdes documents
suivants :

1) Desmémoires àsoumettre àlaCouret à échangerentrelesdeuxParties
dans une périoden'excédant pas dix-huit mois(18) à partir de la date de
notification du présentcompromis au Greffier de la Cour.

2) Des contre-mémoires à soumettre à la Cour par les deux Parties eà

échangerentre ellesconformément àce qui suit:la Républiquetunisienne
soumettra son contre-mémoiredans les sixmois (6) aprèsladate à laquelle
elleaura reçu notification du mémoirede la part de la Cour;la Jamahiriya
arabe libyennepopulaireet socialistesoumettrason contre-mémoiredansles
huit mois (8) à partir de la dateà laquelle elle aura reçu notification du
mémoirede la part de la Cour.
3) En cas de nécessité, des mémoires écriatsditionnelsà soumettre àla
Cour et dont l'échangedoit s'effectuerdans lesdélaisquiseront fixéspar la
Cour àla demande de l'une ou l'autre Partie ou lorsquela Cour en décide

ainsi après consultation entre les deux Parties.
C. La question de l'ordre de prise de parole pour les plaidoiries orales
sera décidéepar accord mutuel entre les Parties et, quel que soit l'ordre de
prise de parole adopté, cet ordre ne doit pas préjugeraucune question

relativeà la charge de la preuve.

Article 5

Le présent compromis entrera en vigueur à compter de la date de
l'échan"edesinstruments de sa ratification et seranotifié au Greffier de la
Cour par les deux Parties ou par l'une ou l'autre d'entre elle)>

8 3. Conformément à l'article 40, paragraphe 2, du Statut, eà l'article 39,
paragraphe 1, du Règlement de la Cour, une copie certifiéeconforme de la
notification et du compromisa été transmiseimmédiatementau Gouvernement
de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Par lettre du 14février

1979,reçue au Greffe de la Cour le 19 février1979,le secrétaireaux affaires
étrangèresde la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste a fait une
notification similaire la Couret y ajoint uneautre copie certifiéeconforme du
compromis en langue arabe ainsi qu'une traduction en anglais.
4. Dansla traduction en anglais fournie par laJamahiriya arabe libyenne, les
articles 1à5 du compromis selisaient comme suit [traductionenfrançaisétablie
par le Greffe]:

((Article1

Il est demandé à la Cour de rendre son arrêtsur la question sui-
vante :

Quels principes et règlesdu droit international peuvent êtreappliqués
pour la délimitationde la zone du plateau continental relevant de laama-
hiriya arabe libyenne populaire et socialiste et de la zone du plateau
continental relevant de la République tunisienne, et la Cour décidera
conformément à des principes équitableset aux circonstances pertinentes

propres àlarégion,ainsi qu'aux nouvellestendances acceptées àlatroisième
conférencesur le droit de la mer.
D'autre part, il est égalementdemandé àla Cour de clarifier la méthode
pratique pour l'application de ces principes et de ces règles dans cette
situation précise,de manière à permettre aux experts des deux pays de
délimiter ces zonessans difficulté aucune.

Article 2

Quand la Cour aura rendu son arrêt,les deux Parties se réuniront pour
appliquer ces principes et ces règlesde manière à déterminer la ligne de
délimitationde la zone du plateau continental relevant de chacun des deux
pays, en vue de la conclusion d'un traitéà cet égard.

Article 3
Au cas où l'accord viséàl'article2 ne serait pas obtenu dans un délaide
trois mois, renouvelable de commun accord, à compter de la date du pro-
noncéde l'arrêtde laCour, lesdeux Parties reviendront ensembledevant la

Cour et demanderont toutes explications ou tous éclaircissementsqui faci-
literaientla tâche des deux délégationspour parvenir la ligne séparantles
deux zones du plateau continental, et les deux Parties se conformeront à
l'arrêtde la Cour ainsi qu'à ses explications et éclaircissements.

Article 4

a) La procédureconsistera en la présentation de pièces écrites et en plai-
doiries.
b) Sanspréjudicede toute question pouvant seposer au sujetdesmoyensde
preuve, les pièces écritescomprendront les documents suivants : Premièrement - Desmémoires à soumettre àla Couret à échangerentre
lesdeux Parties dans un délaiqui ne dépasserapas dix-huit18)mois à
compter dela date delanotification duprésentcompromis au Greffier

de la Cour.
Deuxièmement - Des contre-mémoires à soumettre à la Cour par les
deux Parties et à échangerentre elles de la manière suivante:

La Républiquetunisienne soumettra son contre-mémoire dans un
délaide six(6)mois àcompter de la dateà laquelle elleaura reçu de la
Cour notification du mémoire ; la Jamahiriya arabe libyenne popu-
laire et socialisteprésentera soncontre-mémoiredans un délaide huit
(8) mois à compter de la date à laquelle elle aura reçu de la Cour
notification du mémoire.

Troisièmement - En casde nécessitéd ,es piècesécritessupplémentaires
seront soumises à la Cour et échangéesdans des délaisque la Cour
fixeraà la demandede l'une ou l'autre Partieou, si la Cour en décide
ainsi, après consultation entre les deux Parties.

c) La question de I'ordre de parole, dans les plaidoiries, sera résoluede
commun accord entre lesdeux Parties et, quel que soit l'ordre adopté,il
ne préjugeraaucune question relative àla présentation de la preuve.

Article5
Le présent accordentrera en vigueur à la date de l'échangedes instru-
ments de sa ratification et sera notifiéau Greffier de la Cour par les deux

Parties ou parl'une ou l'autre d'entre elles.

5. Conformément à l'article 40, paragraphe 3, du Statut àtl'article 42 du
Règlement,des copies des notifications et du compromis ont ététransmises au
Secrétaire générad le l'organisation des Nations Unies, aux membres des
Nations Unies et aux autres Etats admis à ester devant la Cour.
6. La Cour ne comptant sur le siègeaucunjuge de nationalitétunisienne ou
libyenne, chacunedes Parties s'estprévaluedu droit que lui confère l'article31,
paragraphe 3, du Statut, de procéder à la désignation d'un juge ad hoc pour
siéger en l'affaire.Le 14 février1979la Jamahiriya arabe libyenne a désigné

M. Eduardo Jiménezde Aréchaga, etle 25 avril 1979les Parties ont étéinfor-
mées,conformément à la l'article 35, paragraphe 3, du Règlement, que cette
désignation ne soulevaitpas d'objection ; le 11 décembre 1979 la Tunisie a
désignéM. Jens Evensen, et le 7 février1980les Parties ont étéinforméesque
cette désignationne soulevait pas d'objection.
7. Par ordonnances prises le 20février1979et le 3juin 1980respectivement,
des délaisont été fixépsour ledépôtpar chacunedes deux Parties d'un mémoire
et d'un contre-mémoire, lesquelsont été dûmentdéposésdans les délais ainsi

fixéset échangésentre les Parties conformémentau compromis.

8. Par lettre du premier ministre de la Républiquede Malte datéedu 28jan-
vier 1981et reçue au Greffe le 30janvier 1981,le Gouvernement de Malte, se
fondant sur l'article2 du Statut, a soumisà la Cour une requête à fin d'inter-
vention dans l'instance. Par arrêt rendule 14avril 1981,la Cour ajugéque cette
requêtede Malte ne pouvait pas êtreadmise. 9. Par ordonnance prise le 16 avril 1981,le Présidentde la Cour a fixé, eu
égard àl'article 4b)3)du compromis,reproduit ci-dessus,un délaipour ledépôt
derépliques desdeuxPartiesquiont été déposéee st échangéeesntre ellesdansle
délai fixé.

10. Au cours d'audiencespubliques tenuesdu 16au 18septembre, du 21 au
25 septembre,du 29 septembre au 2 octobre, du 5au 9 octobre, du 13au 15oc-
tobre et du 19au 21octobre 1981,la Cour a entendu les représentantsci-après
des Parties:

Pour la Tunisie : S. Exc. M. Slim Benghazi,
M. Sadok Belaïd,
M. Robert Jennings, Q.C.,
M. René-JeanDupuy,
M. Michel Virally,
M. Georges Abi-Saab,
M. Yadh Ben Achour,
M. Pierre-Marie Dupuy,
M. Robert Laffitte,
M. Car10Morelli,

M. Habib Lazreg.
Pour la Jamahiriya arabe libyenne : S. Exc. M.Kamel H. El Maghur,
M. D. W. Bowett, Q.C.,

M. Herbert W. Briggs,
M. Claude-Albert Colliard,
M. Keith Highet,
M.Antonio Malintoppi,
sir Francis A. Vallat, K.C.M.G., Q.C.,
M. Omar Hammuda
M. Claudio Vita-Finzi.

11. Conformément auxarticles57 et 63 à 65 du Règlement, l'agentde la
Jamahiriya arabe libyenne a faitomparaître M. Frank A. Fabricius en qualité
d'expert. MM. BowettetVirallyont procédé respectivement àsoninterrogatoire
et à son contre-interrogatoire.
12. Le 14octobre 1981,la Cour a tenu une audience àhuis clos pendant

laquelle l'agentde la Tunisie afait projeter un film intituléPlateau tunisien et
golfede Gabès :leshauts-fondsdécouvrantsA. uparavant, l'agentdelaJamahinya
arabe libyenne avait pu examiner le filmet avait indiquéqu'il ne jugeait pas
nécessaire d'élevedres objections contre sa projection.
13. Au cours des audiences, plusieurs membresde la Cour ont posédes
questionsà l'uneet l'autre Partie. LesagentsdesPartiesyont répondu oralement
ou par écritavant la clôture de la procédureorale.
14. Les Gouvernements des Etats-Unis d'Amérique,des Pays-Bas,du Cana-
da, del'Argentine,de Malte et du Venezuela, s'appuyantsur l'article53,para-
graphe 1, du Règlement,ont demandé à avoir communication des piècesde

procédure. Les Parties ayant étéconsultéeset l'une d'elles ayant élevéune
objection,le Greffier a informéces gouvernements,par lettres du 24 novembre
1980,que le Présidentde la Cour avait décidéque lespiècesde procédure etles
documentsy annexésne seraientpas pour lemoment mis à ladispositiond'Etats
quin'étaientpasparties àl'affaire.Le 14septembre 1981,laCour adécidé,aprèss'être renseignéa euprèsdes Parties, conformément à l'article 53,paragraphe 2,
du Règlement,que lespiècesde procédureseraient rendues accessiblesau public
à partir de l'ouverture de la procédureorale, ce qui a permis aux Etats susmen-

tionnés d'yavoir également accès à ce moment.

15. Dans laprocédureécrite,lesconclusionsci-aprèsont été présentéespar les
Parties :

Au nom de la République tunisienne,
dans le mémoire :

(Sur la base des considérations de fait et de droit exposéesdans le
mémoireprésentépar la République tunisienne, plaise à la Cour de dire et
juger :

1. En réponse à la première question posée à l'article 1 du compromis du
lOjuin 1977 :

1. La délimitationviséeaudit article (ci-après désignée :la délimitation)
doit s'opérerde manière que,compte tenu des donnéesphysiques et natu-
rellespropres àla région,il soitattribuéàchaquepartie la totalité des zones
du plateau continental qui constituent le prolongement naturel de son
territoire sous la mer et n'empiètent par sur le prolongement naturel du
territoire de l'autre partie;
2. La délimitation ne doit, en aucun point, empiétersur la zone à l'in-

térieurde laquelle la Tunisie possède desdroits historiques bien établis et
qui est définielatéralement, du côtélibyen, par la ligne ZV 45' et, vers le
large, par l'isobathe des 50 mètres ;
3. La règle définiedans le paragraphe 1ci-dessus doit être appliquéeen
tenant compte de ceque lesdonnéesgéomorphologiquespropres à la région
ont permis d'établirque le prolongement naturel de la Tunisie s'étendde
façon certaine, vers l'est,jusqu'aux zones comprisesentre les isobathes des
250et 300mètreset,verslesud-est,jusqu'à lazoneconstituéepar lesridesde

Zira et de Zouara :
4. Dans leszones situées à l'estet au sud-est de larégion ci-dessusdéfinie,
la délimitation doit tenir compte de toutes les circonstances pertinentes
propres à la région,notamment :

a) du fait que la façade orientale tunisienne est marquéepar la présence
d'unensembled'îles,îlotsethauts-fondsdécouvrantsqui sontune partie
constitutive du littoral tunisien ;
b) du fait que la configuration généraledes côtes des deux Etats se trouve
reflétée avecune fidélitéremarquable par les courbes bathymétnques
dans la zone de délimitation et que ce fait n'est que la traduction de
la structure physique et géologiquede la région ; qu'il en résulteque

le prolongement naturel de la Tunisie est orienté suivant une direc-
tion ouest-est et celui de la Libye suivant une directionsud-ouest/nord-
est ;
c) de l'effet d'amputation qui pourrait résulterpour la Tunisie de l'angu- lation particulière du littoral tuniso-libyen combinéeavec la situation
sur la côte du point frontière entre les deux Etats ;

d) des irrégularitéscaractérisant les côtes tunisiennes et résultant d'une
succession de concavités et de convexités, comparées à la régularité
généraledes côtes libyennes dans la zone de délimitation ;
e) de la situation de la Tunisie face à des Etats dont les côtes sont peu
éloignées des siennes etdes effets résultantde toute délimitation actuelle
ou éventuelle effectuée avec cesEtats.

II. En réponse à la deuxièmequestion posée à l'article 1du compromis du
10juin 1977 :

1. La délimitationdevrait conduire au tracéd'uneligne ne s'écartantpas
sensiblement de cellesqui résultentde la prise en considération desfacteurs
géomorphologiquespropres à la région,notamment l'existence d'une ligne
des crêtesconstituéepar les rides de Zira et de Zouara et de l'orientation
générale des prolongementsnaturels des territoires des deux pays vers la
plaine abyssale de la mer Ionienne ;

2. La ligne de délimitation pourrait alternativement :
a) soit être constituéepar une ligne tracée à la hauteur de la frontière
tuniso-libyenne parallèlement à la bissectrice de l'angle formé par le

littoral tuniso-libyen dans le golfe de Gabès (cf. par. 9.25 du présent
mémoire) ;
b) soit êtredéterminée d'aprèsl'angle d'ouverture du littoral, à la hauteur
de la frontière tuniso-libyenne, en proportion de la longueur des côtes
concernées des deux Etats (cf. par. 9.30 à 9.34 du présent mé-
moire) )>;

dans le contre-mémoire :

Sur la base des considérations de fait et de droit exposéesdans le
contre-mémoireprésentépar la Républiquetunisienne, plaise à la Cour de
dire et juger:
1. En réponse à la première question posée à l'article 1du compromis du

lOjuin 1977 :
1. La délimitationviséeaudit article (ci-après désignée :la délimitation)
doit s'opérerde manière que, compte tenu des donnéesphysiques et natu-

rellespropres à la région,ilsoit attribuéàchaque Partie la totalitédeszones
du plateau continental qui constituent le prolongement naturel de son
territoire sous la mer et n'empiètent pas sur le prolongement naturel du
territoire de l'autre Partie;
2. La délimitation ne doit, en aucun point, empiéter sur la zone à l'in-
térieurde laquelle la Tunisie possède des droits historiques bien établis et
qui est définielatéralement, du côté libyen,par la ligne ZV 45" et, vers le
large, par l'isobathe des 50 mètres ;

3. La délimitation doit aussi s'opérerconformément à des principes
équitableset compte tenu de toutes les circonstances pertinentes propres à
l'espèce,étant entendu qu'un équilibre doit être établientre les diverses
circonstances pertinentes, afin de parvenir à un résultat équitable, sans
refaire la nature ; 4. La règledéfinieauxparagraphes 1 et 3précédents doitêtreappliquée
en tenant compte de ce que les donnéesgéomorphologiques propres à la

régionont permisd'établirqueleprolongementnaturel delaTunisie s'étend
de façon certaine, vers Sest,jusqu'aux zones comprises entre les isobathes
des 250 et 300 mètres et, vers le sud-est, jusqu'à la zone constituée par les
rides de Zira et de Zouara ;
5. Dans leszonessituées àl'est etau sud-est dela régionci-dessusdéfinie,
la délimitation doit tenir compte de toutes les autres circonstances perti-
nentes propres à la région,notamment :

a) du faitquelafaçadeorientale tunisienne est marquéepar laprésenced'un
ensemble d'îles, îlots et hauts-fonds découvrants qui sont une partie
constitutive du littoral tunisien ;
b) du fait que la configuration généraledes côtes des deux Etats se trouve

reflétée avecune fidélitéremarquable par les courbes bathymétriques
dans la zone de délimitation et que ce fait n'est que la traduction de la
structure physique et géologiquede la région ; qu'il en résulte que le
prolongement naturel de la Tunisie est orienté suivant une direction
ouest-est et celui de la Libye suivant une direction sud-ouest/nord-est ;
c) de l'effet d'amputation qui pourrait résulterpour la Tunisie de l'angu-
lation particulièredu littoral tuniso-libyen, combinéeaveclasituation sur
la côte du point frontière entre les deux Etats ;

d) des irrégularitéscaractérisant les côtes tunisiennes et résultant d'une
succession de concavités et de convexités, comparées à la régularité
généraledes côtes libyennes dans la zone de délimitation ;
e) de la situation de la Tunisie face à des Etats dont les côtes sont peu
éloignéed ses siennes etdes effets résultantde toute délimitation actuelle
ou éventuelle effectuée avecces Etats.

II. En réponse à la deuxième question posée à l'article 1du compromis du
10juin 1977 :

1. La délimitationdevrait conduire au tracéd'une lignene s'écartantpas
sensiblement de celles qui résultentde la prise en considération desfacteurs
géomorphologiques à la région,notamment l'existence d'une ligne
des crêtesconstituéeDar les rides de Zira et de Zouara et de l'orientation
généraledes prolongements naturels des territoires des deux pays vers la

plaine abyssale de la mer Ionienne ;
2. La ligne de délimitation pourrait alternativement :
a) soit être constituéepar une ligne tracée à la hauteur de la frontière
tuniso-libyenne parallèlement à la bissectrice de l'angle formépar le

littoral tuniso-libyen dans le golfe de Gabès(voir par. 9.25 du mémoire
tunisien) ;
b) soit êtredéterminéed'aprè l'sangled'ouverture du littoralà lahauteur de
la frontière tuniso-libyenne, en proportion de la longueur des côtes
concernées des deux Etats (voir par. 9.30 à 9.34 du mémoire tuni-
sien) ));

dans la réplique :

<Le Gouvernement tunisien maintient intégralementles conclusions de
son contre-mémoireet demande respectueusement à la Cour de rejeter les conclusions de la Libye en ce qu'elles ont de contraire aux conclusions
tunisiennes. ))

Au nom de laJamahiriya arabe libyennepopulaire et socialiste,

dans le mémoire :

<<Vules faits énoncésdans la première partie du présent mémoire, l'ex-
poséde droit figurant dans la deuxième partie, et les arguments concer-
nant l'application du droit aux faits qui sont exposésdans la troisième
partie ;

Considérantque,par le compromis conclu entre les Parties, la Cour est
priéede rendre son arrêtsur la question des principes et règles du droit
international qui peuvent êtreappliqués à la délimitation de la zone du
plateau continental relevant de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et
socialiste et de la zone du plateau continental relevant de la République
tunisienne, et de déciderconformément à des principes équitableset aux
circonstances pertinentes propres à la région, ainsi qu'aux nouvelles ten-
dances acceptées à la troisième conférencesur le droit de la mer ;

PlaiseàlaCourdire etjuger, pour la Jamahiriya arabe libyennepopulaire
et socialiste, que:

1. La notion du plateau continental comme prolongement naturel du
territoireterrestre dans et sousla merest lefondement dela notionjuridique
du plateau continental et un Etat a droit ipsofacto et ab initio au plateau
continental qui estleprolongement naturel de sonterritoireterrestre dans et
sous la mer.
2. Toute délimitation doit, dans toute la mesure du possible, laisser à
chaque Etat toutes les parties du plateau continental quiconstituent un tel
prolongement naturel.
3. Une délimitation mettant en pratique le principe du prolongement
naturel est une délimitation qui respecte les droits inhérents ipsojure de

chaqueEtat, et l'affirmation de cesdroits est par conséquentconforme àdes
principes équitables.
4. La direction du prolongement naturel est déterminéepar le rapport
général,géologiqueet géographique,entre leplateau continental etla masse
terrestrecontinentale, et non par la direction occasionnelle ou accidentelle
d'une section particulière du littoral.

5. En l'espèce leplateau continental au large de la côte de l'Afrique du
Nord est unprolongement versle nord de la masse terrestrecontinentale et,
dans cettesituation particulière,la méthode appropriéede délimitation des
zones de plateau continental relevant de chaque partie consiste donc à
suivreladirection deceprolongement versle nord à partir du point terminal
de la frontière terrestre.
6. L'application de la méthode de l'équidistance n'estpas obligatoire
entre les Parties, que ce soit en vertu d'un traité ou d'une règlede droit
international coutumier.

7. La question de savoir si l'application d'une méthode particulièrede
délimitationest conforme à des principes équitablesdépenddes résultatsde
cette méthode.
8. La méthode de l'équidistance ne constitue en elle-mêmeni une <règle >)ni un <<principe et elle n'est pas nécessairement <<équitable )>
puisque, dans des circonstances particulières, sonapplication peut aboutir

à des résultatsinéquitables.
9. Un principeouméthodededélimitationquiméconnaîtletitre ipsojure
d'un Etat riverain au plateau continental constituant le prolongement
naturel de son territoire terrestre estipsofacto illicite et nécessairement
inéquitable.
10. En l'espèce,étant donnéla configuration géographique particulière,
la méthode de l'équidistance aboutirait à une délimitation du plateau
continental qui serait inéquitable, inappropriée et contraire au droit inter-

national.
11. Les lignes de base promulguées en 1973par la Tunisie ne sont pas
opposables àla Libye auxfins de la délimitationet leurapplication condui-
rait de toute manière à des résultatsinappropnés et inéquitables.
12. Pour parvenir à une délimitation équitable,la totalitédu fond et du
sous-sol de la mer au-delà de la laisse de basse mer, le long du littoral de
chaque partie, doit êtreprise en considération >;

dans le contre-mémoire :

((Vulesfaits énoncés dans lapremièrepartie du mémoirelibyen, l'exposé
de droit figurant dans la deuxième partie et les arguments concernant
l'application du droit aux faits qui sont exposésdans la troisièmepartie ;
et
Vu les observations relatives aux faits présentésdans le mémoiretuni-
sien et l'exposéde droit figurant dans ledit mémoire ainsique les faits
complémentaires et l'exposéde droit contenus dans le présent contre-

mémoire ;
Considérantque,par le compromis conclu entre les Parties, la Cour est
priéede rendre son arrêtsur la question des principes et règlesdu droit
international qui peuvent être appliqués à la délimitation de la zone du

plateau continental relevant de la Jamahinya arabe libyenne populaire et
socialiste et de la zone du plateau continental relevant de la République
tunisienne, et de déciderconformément à des principes équitables et aux
circonstances pertinentes propres à la région, ainsi qu'aux nouvelles ten-
dances acceptées à la troisième conférencesur le droit de la mer ;

Plaiseà la Cour,en rejetant toutes prétentions et conclusions contraires
formuléesdans le mémoire tunisien,
dire etjuger que :

1. La notion du plateau continental comme prolongement naturel du
territoireterrestre dans etsouslamerestlefondement delanotionjuridique
du plateau continental et un Etat a droit ipsofacto et ab initio au plateau
continental qui estleprolongementnaturel de sonterritoireterrestre dans et

sous la mer.
2. Leprolongement naturel du territoireterrestre d'unEtat dans etsousla
mer, qui établit son titre ipso jure au plateau continental attenant, est
déterminépar toute la structure physique de la masse terrestre indiquée
principalement par la géologie.
3. Si elles ne produisent pas de rupture dans l'unité fondamentale duplateau continental, lesdorsales sous-marines surlelitde lamern'apportent
aucunfondement scientifique àunprincipejuridique dedélimitation,même
si leur existence est établie.

4. Même sileur existence est établie, les ((droits de pêche 1)revendi-
quéspar la Tunisie en tant que droits historiques))sont en tout étatde
cause sans pertinence pour la délimitation du plateau en la présente af-
faire.
5. La direction du prolongement naturel est déterminéepar le rapport
général, géologiqueetgéographique,entre leplateau continental et la masse
terrestre continentale, et non par la direction occasionnelle ou accidentelle
d'une section particulière du littoral.
6. En l'espèce leplateau continental au large de la côte de l'Afrique du

Nord est un prolongement verslenord de la masseterrestrecontinentale et,
dans cettesituation particulière,la méthode appropriéede délimitation des
zones de plateau continental relevant de chaque Partie consiste donc à
suivreladirection deceprolongement verslenord à partir dupoint terminal
de la frontière terrestre.
7. Dans cette situation particulière,laméthodepratique d'application des
principes et règlesdu droit international consiste donàcontinuer de suivre
la direction du prolongement naturel vers le nord à partir de la limite

extérieurede la mer territoriale, du moinsusqu'au parallèleoù la direction
généralede la côte tunisienne présente un-changementnotable, qu'il pour-
rait raisonnablement êtrenécessairede vrendre en considération afin de
parvenir à une délimitationrespectantlescirconstances pertinentes confor-
mément àdes principes équitables,sansporter atteinte aux droits des Etats
qui ne sont pas parties à la présente affaire.
8. Toute délimitation doit, dans toute la mesure du possible, laisser à
chaque Etat toutes les parties du plateau continental qui constituent son
prolongement naturel.

9. Une délimitation mettant en pratique le principe du prolongement
naturel est une délimitation qui respecte les droits inhérentsipsjoure de
chaqueEtat, etl'affirmation decesdroits estpar conséquentconforme à des
principes équitables.Un principe ouméthodededélimitationquiméconnaît
le titreipsojure d'un Etat riverain au plateau continental constituant le
prolongement naturel de son territoire terrestre est ipso facto illicite et
nécessairementinéquitable.
10. La question de savoir si l'application d'une méthode particulièrede
délimitationestconforme àdesprincipes équitablesdépenddesrésultatsde

cette méthode.
11. Pour parvenir à une délimitation équitable,la totalitédu fond et du
sous-sol de la mer au-delà de la laisse de basse mer, le long du littoral de
chaque Partie, doit êtreprise en considération.
12. Alors que la notion de proportionnalité n'est pas applicableà l'ap-
partenance géologiqueetjuridique du plateau continental qui confère un
titreipsjure à un Etat, ellepeut légitimement servirde critèrepour appré-
cierl'effet descaractéristiquesgéographiquessur une délimitationdans des

zones marginales.
13. L'application de la méthodede l'équidistance n'estpas obligatoire
entre les Parties, que ce soit en vertu d'un traitéou d'une règlede droit
international coutumier. La méthodede l'équidistancene constitue en elle- PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 32

mêmeni une <règle ))ni un <principe et elle n'est pas nécessairement
équitable ))puisque, dans des circonstancesparticulières, son application
peut aboutir à des résultats inéquitables.

14. En l'espèce,étant donnéla configuration géographiqueparticulière,
laméthodede l'équidistanceaboutirait à une délimitationdu plateau conti-
nental qui serait inéquitable, inappropriée etcontraire au droit interna-
tional.
15. Les lignes de base promulguéesen 1973par la Tunisie ne sont pas
opposables à la Libyeaux fins dela délimitation et leur application condui-
rait de toute manière à des résultats inappropriés et inéquitables ));

dans la réplique :

<<La Libye confirme et maintient les conclusions formuléesdans son
mémoireetdans son contre-mémoire,dans les termes suivants )(suivaitle
texte des conclusions tel qu'il figurait dans le contre-mémoire).

16. Dans la procédureorale,lesconclusionsci-aprèsont étéprésentép esr les

Parties :

Au nom de la République tunisienne,

à l'audience du 25 septembre 1981 :
<<Plaise à la Cour de dire et juger :

1. En réponse à la première question posée à l'article 1du compromis du
lOjuin 1977 :

1. La délimitationviséeaudit article(ci-aprèsdésignée :la délimitation)
doit s'opérerde manière que, compte tenu des données physiqueset natu-
rellespropres à la région,ilsoit attribuà chaque Partie la totalité deszones
du plateau continental qui constituent le prolongement naturel de son
territoire sous la mer et n'empiètent pas sur le prolongement naturel du
territoire de l'autre Parti;

2. La délimitationne doit, en aucun point, empiéter surla z&ie à l'in-
térieurde laquelle la Tunisie possèdedes droits historiques bien établis et
qui est définie latéralement,du côté libyen,par la ligne ZV 45" et, vers le
large, par l'isobathe des 50 mètres.
3. La délimitation doit aussi s'opérerconformément à des principes
équitables etcompte tenu de toutes les circonstancespertinentes propres à
l'espèce,étant entendu qu'un équilibredoit être étable intre les diverses

circonstances pertinentes, afin de parvenir à un résultat équitable, sans
refaire la nature.
4. Les règlesdéfinies aux paragraphes 1 et 3 précédents doivent être
appliquéesen tenant compte de ce que les données géomorphologiques
propres à la régionont permis d'établirque le prolongement naturel dela
Tunisie s'étenddefaçon certaine,versl'est,jusqu'aux zonescomprisesentre

les isobathes des 250 et 300 mètres et, vers le sud-est, jusqu'à la zone
constituéepar les rides de Zira et de Zouara.
5. Dans leszonessituées à l'est etau sud-estdela région ci-dessusdéfinie,
la délimitationdoit tenir compte de toutes les autres circonstances perti-

nentes propres à la région, notamment : a) du fait que la façade orientale tunisienne est marquéepar la présence
d'unensembled'îles,îlotsethauts-fonds découvrantsquisontunepartie
constitutive du littoral tunisien ;

b) du fait que la configuration générale dec sôtes des deux Etats se trouve
reflétéeavec une fidélitéremarquablepar les courbes bathymétnques
dans la zone de délimitationet que ce fait n'est que la traduction de
la structure physique et géologiquede la région ; qu'il en résulte que
le prolongement naturel de la Tunisie est orientésuivant une direc-
tion ouest-est et celui dela Libyesuivant une direction sud-ouest/nord-
est;

C) de l'effetd'amputation qui pourrait résulterpour la Tunisie de I'angu-
lation particulièredu littoral tuniso-libyen, combinéeavecla situation
sur la côte du point frontièreentre les deux Etats ;

d) des irrégularitéscaractérisantles côtes tunisiennes et résultant d'une
succession de concavités et de convexités, comparéesà la régularité
générale des côtes libyennesdans la zone de délimitation;
e) de la situation de la Tunisie face à des Etats dont les côtes sont peu

éloignéed sessiennesetdeseffetsrésultantdetoutedélimitationactuelle
ou éventuelleeffectuéeavec ces Etats.
II.En réponse à la deuxièmequestion posée à l'article 1du compromis du
IOjuin 1977 :

1. La délimitationdevraitconduire au tracéd'unelignene s'écartantpas
sensiblementde cellesquirésultentdela prise enconsidérationdesfacteurs
géomorphologiquespropres a la région,notamment l'existenced'uneligne
des crêtes déterminépear les rides deZira et de Zouara et plus particuliè-

rement par celle de Zira et par l'orientation généraledes prolongements
naturels des territoires des deux pays vers la plaine abyssale de la mer
Ionienne.
2. La ligne de délimitationpourrait alternativement :

a) soit être constituéepar une ligne tracée à la hauteur de la frontière
tuniso-libyenne parallèlement à la bissectrice de l'angle formépar le
littoral tuniso-libyen dans legolfe de Gabès(voirpar. 9.25du mémoire
tunisien) ;
b) soit êtredéterminée d'après l'anglde'ouverturedu littoral, àla hauteur
de la frontièretuniso-libyenne, en proportion de la lvgueur des côtes
concernéesdes deux Etats (voir par. 9.30 à 9.34 du mémoiretuni-

sien)j);
àl'audiencedu 15octobre 1981,l'agentde la Tunisiea déclaré queson gouver-
nement maintenait les conclusionsénoncées le 25 septembre 1981.

Au nom de laJamahiriya arabe libyennepopulaire et socialiste,
à l'audiencedu 9 octobre 1981,l'agentde la Jamahiriya arabe libyenne a déclaré
quesongouvernementconfirmait et maintenait sesconclusions,énoncéed sansle

contre-mémoirelibyenet dans la répliquelibyenne ;

à l'audiencedu21 octobre 1981,l'agentdelaJamahiriya arabelibyenneadéclaréque son gouvernementconfirmait et maintenait tellesquelles les conclusions
énoncéed sans le contre-mémoirelibyen.

17. Il convient de décriretout d'abord àgrands traits le cadre géogra-
phiquedudifférendsoumis àlaCour, c'est-à-direl'ensembledelarégionoù
la délimitationde plateau continental en cause doit s'effectuer. L'un des
points contestés entre les Parties consistàsavoir si, avant d'étudierune
délimitation projetée,il faut définir la région délimiteret, dans l'affir-

mative,déciderquelseral'effet decette définition.LesParties s'opposenten
outre nettement sur des questions de description géographique,en parti-
culiersur lescaractéristiquesdescôtes, non qu'ilyait desdoutes quant aux
faits physiques (sauf dans le cas de certainsfondsmarins), mais parceque
l'importance relatived'uneparticularitégéographiqueetlaqualification de
normeou d'exceptionqu'on luiattribue peuventvarier - ouparaître varier
- selonl'échelledescartes utiliséesetselonquel'observateur envisagecette
particularité dans une perspective plus ample ou danslecadrerestreintde
ses environs immédiats.

18. Ilimporte de souligner que leseulobjet de la descriptionquisuit est
de situer l'affaire, non de donner une définitionjuridique de la régionà
délimiterni de dire quel serait,pour la Cour, l'effet des diverses particu-

laritésgéographiquessur la situationjuridique. Dans la mesure où une
conclusion dedroit utile pour la décisionpeut dépendrede la définitionde
telleoutelleparticularité,cettedéfinitionseradonnéeentempsvoulu. Dans
lemêmeesprit, lacarte no 1annexéeauprésentarrên tesertqu'àdonner une
vued'ensembledu cadre géographiquedu différend,et aucuneimportance
spécialenes'attache àl'échellechoisienià laprésenceou àl'absence d'une
caractéristique géographiqueparticulière.

19. La République tunisienne (ci-après dénomméela Tunisie) et la
Jamahiriya arabe libyennepopulaire et socialiste (ci-aprèsdénomméela
Libye) sont toutes deux situées surla côte septentrionnale du continent
africain,bordant laMéditerranée. La Tunisie, qui està l'ouestpar rapport

àla Libye,s'étend àpeu prèsdu 30eau 38edegrédelatitudenord etdu 7eau
12edegréde longitudeest. La Libye, qui setrouve àl'estet au sud-est de la
Tunisie, est comprise approximativement entre les 19eet 34e degrésde
latitude nord et leseet 25edegrésde longitude est. La côteorientaledela
Tunisie est àl'extrémitéouest d'un vaste retrait de la côte nord-africaine
ayanten grosla formed'unrectangleplus allongéd'ouestenestquedunord
au sud, l'extrémitéest étant constituée par le golfe de Syrte sur la côte
libyenne. La côte change donc de directionun peu à l'ouestdu point (Ras
Ajdir)oùlafrontièreterrestreentre lesdeuxEtats commence.Enallant dela
Libye vers laTunisie, ellesuit une direction généralouest-nord-ouestsur
unecertainedistanceavant etaprèslepointfrontière.Au-delà decelui-ci,et PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT)

unefoisdépassée l'i7deDjerba, s'amorcela concavi tédu golfedeGabès, ou
lerivageprend une directionplusou moinsnord-estjusqu'à Ras Kapoudia.
Viennent ensuite legolfede Hammamet, lepromontoire (orienté approxi-
mativement vers lenord-est) du cap Bon et le golfede Tunis, avant la
dernièrepartie du littoral tunisien qui suit eaussiune direction ouest-
nord-ouest mais à une latitude dequelque quatredegrés plusau nord quela
côte avoisinant Ras Ajdir.
20. La régon dans laquelle leplateau continental doit être délimité
s'étend grossomodo au nord de lacôte depart etd'autre deRas Ajdir ;elle
estbornée àl'ouestparunepartie de lacôte tunisiennemais ne l'estversl'est
par aucun accident visibleniaucune limite convenue.Les Parties sonten
désaccordsur le point desavoir s'ifaut yinclure tout ou partiede lamer
territoriale (dontellesont toutesdeux fixélalargeur à f2 milles),sur les
lignes de base apartirdesquelles la Tunisieentend mesurer celle-cietsur
certains droits historiques revendiquéspar laTunisie. Pour ce qui estdes
limitesvers lelargela Tunisiea signéle20 août 1971un accord avec l'Italie
quidélimite leplateau continental entreledeux Etatsessentiellement surla
base d'une lignemédiane, mais avec des dispositions particulières poles

îles italiennede Lampione, Lampedusa, in os at Pantelleria.~a li-ne
ainsi définieest indiquéesur la carte no 1jointe au présent arrêt.

21. L'absence d'accord entre lesParties pour délimiter une portion
quelconquedu plateau continental oufixerla frontièrelatéralentre leurs
eaux territoriales respectivesn'a pas empêché certaines activitéde pros-
pection et d'exploitation du plateau. Chacune des Parties a délivré

des permis ou octroyédes concessions pour les zones qu'elleconsidérait
comme relevant nécessairement de son autorité et lesforages ont été
nombreux. Du côté libyen,ce processus s'autorisaitde la loipétrolière
no25 et dela réglementationpétrolièreno 1 adoptéeen vertu de ladite loi,
qui sont l'uneetl'autre entréesen vigueurle 19juillet1955.Toutefois, les
premièresactivités sedéroulèrent aterre ;lapremière concessionlibyenne
en mer ne fut accordé qeu'en 1968. Entre 1968 et 1976, quinze forages
eurent lieudans une zone de concession en mer, dont plusieursse révé-
lèrent productifs. La Tunisie, quant à elle,avait accordé son premier
permis en mer en 1964. Un permisde 1972spécifiait comme limite sud-est
<{la frontière maritimeentre laTunisie etla Libye )>,sans que l'emplace-
ment de cette frontière fût autrement précisé; en 1974, la limitede ce
permis fut définieen particulierpar la

<ligne d'équidistance ..déterminée conformémentau droit in terna-
tional...dans l'attente d'un accordentre la Tunisieetla Libye défi-
nissant la limitede leur juridiction respectivsur le plateau conti-
nental o. *d~EAB
sn~ddno~ntiaq rny p~norne $sa lo~p np uorlEuIJoj ap snssa~o~d a1pm8a
3 Einb ~aoou impuadaj lnaj 11*(çp-md *dla 'ES *md 'EZ *d 'jy6;
pn~ay TT-3) sa!.'azad ap a~w~jvurua a3ualadwo3 ap sa~mj~r !a[suap

saa~nur~ojB allanb laru v ap lrorp al ms sapn suo rit3~ sap ax1a1dajao3
BIap xnwiwî sa1~mu~ax~o~ suoylt3uasqo xnoarohual mo3 BI '(sadaldame
sax~t?puai salpmou sa1 'aruarsro~ ~p Isa rnb a3 Jnod .((I3 101 .~ed
saluau~l~ad Sa~ue~suo3~1 3a1 sainol ap
'EÇ -d 396[ pan3ay ~73)
nual aldm03 la salq~lmb asadpupd sap k!maur daru~o~~~ )arakdo5s uorl
-vlgap d "1 anb aây *I~uog~u~ai turro~pal ~anbnp saur~alxne &J
~aw vl ap ~DJU~U~JUOD n~ajvld np samjp sa1su~p iyu~ uos ap l~ossaz11
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s1sw srnalq srollsap xnaa *s&~dwo~ np 'suo+rrsodsrpsaI Janbqdde p
1u~sa~d In1(veau!@ G1luop 'ln~v;Suosap '1 ayd~~z~~ed apym 1r!saasdcl
iro~pap saDrnos sa1salnol ap ~alrdsrr srap npualua uarq mua) isa mo3
thsa~q~qddt!sl$ug~ad sa18 a1lasadI~uFd sa1~ay~lay3ai
4 'uori~l-q+pd
~nod xatu EI ap iro~p al~ns sa*run SUOTJEN sapa~ua~ajuo: ,uracrsro~RIE
sadldacm ssa~wpual salla~nou sa1(3 'U&•~J BIEbsa~dord sa)uaml~ad sa~w;
-suo~n+asa1 (q 'salqal~nbJasadr3u.d sa1 v : s~o~duro~ alsuip sdrpqads
's~ue~rns smnq3e~ s!oq sap ajduro~ lusual ua ~a~uouo~d as ap aJnd luaw

-ssa~dxa $sa ~no3 BT 'sleq3 xnap sap unmq:, ap quau~a~rl~adsa ~~u~~ala~
(piuau~yuo:, n~a~eld np auoz el ap uor~vlnu rrdp ~nod sdnbqdde a~~Ya
Iua~nad'[Fb] puorlEuraluy qosp np saI& h .lasad!~uwnd }sa1 p~oqi,p $no]
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ua no s;re5ueq ua uo!pnp~q a~do~d es asod ap r! a131~d anb~y3 *ZZ

a1Tuaqlnoqvsanbgearo~drp suarlaaua sap 'a~~n e1led saasuo3ni.lsJmr~il3e
sa1a~luo~9~61 uaa8lsalo~d ,uvi~ ssiuawarrra~no~ xnapsap unmy3 *sayoa
sap sa~p OS anblanb ehad nlrauoz aun suep suorluala~d ap~uauray~n~aay~
un IFnbo~osd ~nb a3 'aaui~sr~rrn4caadq eIap lsano51Ei11p JuauraJinr,

'uarpu au~a1~we uomua .g~ apa13m un b ~rprv soa ap prq~ed auWl
aun ~edaq 8rrasJa~dai~lad 'ama ualu~ uorssA3uo~ auc.Cp aldur03 wua al 'aIil
-uaprmo a~nu -rEIluop uorssa~uo~ aun 8Aoq30 Sqq - q 'dZIUB aumYurET PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 38

24. En vertu du compromis, la Cour est habilitée à tenir compte des
<(nouvellestendancesacceptées quipeuvent êtreconsidéréesa,insique le
mot a tendances )>-ledénote,comme représentant un stade avancédu

processus d'élaboration.La troisièmeconférencedesNations Unies surle
droit dela mer n'apas encore pris fin. Leprojet de conventiondu 28août
1981n'estpas encoreletextefinalquisera ouvert àlasignature. LesParties
auraient sansdoute pu viser dans le compromis certainsaspects précisdu
développementdu droit de la mer et stipuler qu'en l'occurrence telle ou
telle règleserait obligatoiredans leurs rapports bilatéraux à titre de lex
specialis.Or les Parties ne l'ont pas fait et, d'après leurs réponses à la

question qu'un membre de la Cour leur a poséesur ce point, elles ne
paraissent pas avoir voulu allerjusqu'à s'imposerainsi des règlesaddi-
tionnellesoucomplémentairesdanslecadre delaprésenteaffaire. Selonla
Tunisie, dans la mesure où ellesne font pas encorepartie du droit inter-
national général,les <tendances ))sont à prendre en compte comme
<(élémentd'interprétation des règlesexistantes o.De toute manière, les
considérations ou conclusions que la Cour peut formuler au sujet de
l'application des ((tendances ))concernent exclusivement les relations

juridiques entre les Parties à la présente instance. Au surplus, il aurait
incombé à la Cour de tenir compte d'officedes travaux de la conférence,
mêmesi les Parties n'en avaient rien dit dans le compromis ;la Cour ne
saurait en effet négligerune disposition du projet de convention si elle
venaità conclureque sa substance lietous lesmembres delacommunauté
internationale du fait qu'elle consacre ou cristallise une règle de droit
coutumierpréexistante ou en voie de formation.

25. Aux termes d'une autre clause du compromis, la Cour est priéede
<(clarifierla méthodepratiquepourl'application decesprincipes et deces
règlesdans cettesituation précise ))c'est-à-dired'énoncerceuxqu'ellejuge
applicables à la délimitation, de manière à permettre aux experts des
deuxpaysde délimiterceszonessansdifficultéaucune )).Dansla présente

espècelesPartiesne sesontdonc pas réservé ledroit de choisirla méthode
à adopter ;ellesont au contraire prié la Cour de définircette méthode à
leur place. En plaidoirie, les deux Partiesont reconnu que de ce point de
vue l'affaire actuelle se situeentre les affaires duateaucontinentalde la
mer du Nord de 1969,où la Cour était seulement priéed'indiquer quels
étaientles principes et règlesdu droit international applicables à la déli-
mitation, et l'arbitrage franco-britannique de 1977sur la délimitationdu

plateau continental,dans lequelle tribunal arbitral devait lui-mêmetracer
la limite entre lesportions deplateau continental relevant de chacune des
Parties en cause dans la région considérée.
26. A cet égardla Cour doit trancher une question préliminaire, née
d'un désaccordentre les Parties sur l'interprétationde l'article1du com-
promis et sur laportéedela tâcheque cetexteconfie àla Cour.Considéréesous un certain angle, lacontroverse consiste àsavoir si l'article 1saisit la

Cour de deux questionsdistinctes :primo quels sont les règleset principes
de droitinternationalapplicables etsecundoquelleest la méthodepratique
pour les appliquer ; ou s'il ne s'agit que de deux aspects d'une seule et
mêmequestion. Sousunautre angle,plus pratique, lacontroverseporte sur
le degréde précisionque devra revêtirl'arrêtde la Cour et sur la latitude
laisséeen conséquenceauxParties et à leursexpertspour établirla lignede
délimitation.

27. Selon la Tunisie, la Cour est priéede spécifieren termes précisla
manière pratique d'appliquer les principes et règles. Si le choix de la
méthoderisquait deprovoquer un désaccord,ilappartiendrait àlaCour de
trancher, des points de vuejuridique et pratique, afin d'évitertoute diver-
gencede vuesentre lesexperts desParties ;ilneresterait plus à ceux-ciqu'à
accomplir un travail d'application technique (<sur le sens et les modalités

duquel [ils]nepuissent rencontreraucune difficulté ))LaCour estinvitée à
tenir compte de tous les facteurs de fait et de droit pour définir les
méthodes pratiques et les instmments à utiliser, jusqu'au point ultime
précédantle travail purement technique, le calcul des coordonnées des
points par lesquels la ligne devra passer et son tracéeffectif sur la carte.

28. LaLibyeestimeau contrairequelaCour n'estpashabilitée àmenerla

tâche jusqu'au point ultime précédantle travail purementtechnique O.Il
est clair quela Libye plaided'une façon générale pour une interprétation
plus restrictive du compromis. Sathèse est que, en clarifiantla (<méthode
pratique ))d'applicationdes principes et desrègles,laCourdevraindiquer
les considérations et facteurs supplémentaires à faire entrer enjeu et à
pondérer,mais qu'ellen'a pas été priéede préciserla méthodede délimi-
tation elle-mêmeC . 'estlàlabasedu désaccordsurlatraductionfrançaisedu

textearabe du compromis,où, selonla Libye,laTunisieauraitinséré à tort
les mots <(avecprécisiono.La divergenceporte sur la traduction du mot
arabe que la Libye a rendu par (clarify ))et laTunisiepar (clarifier avec
précision ))dans la phrase citéeau paragraphe 25 ci-dessus. Une autre
divergenceconcerne le sensde l'expression ((méthodepratique 1)ou (<ma-
nièrepratique ))quelaTunisie considèrecommesynonyme de (<méthode
dedélimitation )),laLibyeluiattribuantuneportée plusrestreinteou moins

précise.

29. LaCourne voitpasdedifférenceappréciableentre une (<méthodede
délimitation )etune (méthodepratiquepourl'application de ..principes
etde règlesdanscettesituation précisede manière à permettreauxexperts
des deux pays de délimiter [des]zones ... Au demeurant une analyse

approfondie des écrituresetplaidoiries des Parties sur ce point amènela
Cour à conclure qu'il n'existe entre elles aucune divergence d'opinion
fondamentale.En définitivelesParties nes'écartentl'unedel'autre quepar
desnuancessur les rôles respectifs dela Couret de leurspropres experts. PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 40

Toutecette controverse est donc d'une importance mineure pour la Cour,
qui devra de toute façon décideravec précisionet ne saurait accepter le
termede ((directive (guidance)utilisé àplusieursreprisespar laLibyepour
désignercequelaCour estcenséespécifier.Bienentendu latâchedelaCour
en l'espèce n'estpas de donner un avis consultatif au sens de l'article65
du Statut et de l'article 102 du Règlement. Elle est priéede statuer au
contentieux par un arrêt rendu conformément aux articles 59 et 60 du
Statut età l'article94,paragraphe 2,du Règlement,quiauradonc l'effetet

laforceobligatoirequeluiattribuent l'article 94 de la Charte des Nations
Unies et lesdites dispositionsdu Statut et du Règlement.

30. Il ressorà l'évidencedesarticles2et 3du compromis que lesParties
reconnaissent leur obligation de se conformer à l'arrêtde la Cour. Aux
termes de l'article2,ellesdoivent à cettefin seréunir aprèsle prononcéde
l'arrêt pour appliquerles principes et règles que la Cour aura énoncés

commerégissantladélimitationduplateaucontinental,en vue d'aboutir à
la conclusion d'un traité.Elles devront donc se rencontrer aussitôt que
possible après l'arrêt.Cela résulte implicitement de l'article 3, d'après
lequel l'accord entre les Parties devrait normalement êtreconclu dans les
troismoissuivant ladécision.LaCourconsidèreau'à cestade-làles ex~erts
des Partiesn'auront pas à négocierau sujet desfacteurs àfaire intervenir
dans leurs calculs, car la Cour aura réglécette question. La seule tâche
restante sera la tâche technique devant permettre de rédiger le traité

consacrant lestravauxdes experts. La Cour n'apas à formuler de nouvelle
conclusiongénéralesurl'interprétationdu compromis àcetégard ;ledegré
de précision qui s'impose, selonelle, apparaîtra quand elle indiquera la
méthodepratique d'application des principes et règlespertinents dans la
suite du présentarrêt.

31. L'article 3 du compromis qui vient d'être mentionné prévoiq tue,
faute d'accord, (<les deux Partiesreviendront ensemble devantla Cour et
demanderonttoutes explications ou tous éclaircissementsquifaciliteraient
la tâche des deux délégations >)pour réaliserla délimitation.Cette dispo-
sitiona également suscitéune controverseentre les Parties, la Libye ayant
exprimé l'opinion que ((les pouvoirs que [l'article] prévoitne sont pas

limitésàla simpleinterprétationdel'arrêt )enapplication del'article60du
Statut et de l'article 98 du Règlement. LaTunisie s'est élevéceontre cette
conception qui ôterait selon elle à l'arrêtson caractère (définitif)),en
violation du Statut de la Cour. Le débat aurait pu être considéré comme
académique à ce stade de l'instance, n'étaitque les Parties s'appuient sur
leurinterprétation del'article 3du compromis pour renforcer cellequ'ellesdonnent des articles 1et 2.LaCour n'acependant pasjugénécessaire,pour
interpréter ces derniers, de se prononcer sur l'interprétation exacte de
l'article 3. Un tel prononcé serait prématuré ; dans l'hypothèse où les
Parties décideraient de revenir devant la Cour, celle-ci examinerait à ce
moment-là toute demande fondée sur l'article 3 du compromis.

32. Durant lesprocéduresécritesetorales,lanature desfondsmarins de
la régionà l'intérieurde laquelle unedélimitationdoit êtreeffectuéea fait
l'objet d'un examenminutieux des Parties et d'études scientifiquesdétail-
léesde leurs experts. Il suffira de noter pour commencer que les fonds
marins en cause font partie d'une région sous-marine plus vaste, à savoir
toute la partie immergéed'une entitégéomorphologique appelée bloc
pélagien(ou bassin pélagien)par les Parties et sous-jacente à l'espace
maritime dénommémer pélagienne.Les Parties s'accordent pour dire que

cetteentitécomprend aussicertainesportions deleurterritoireterrestre,en
particulier laTunisie orientale ausud dugolfede Hammametetla plainede
la Djeffara au sud-est de la Tunisieet au nord de la Libye. Sans vouloir
aborder la question de la véritableclassification géologiqued'une parti-
cularitéquelconque,laCourconstatequela régionsous-marineplus vaste
susmentionnéedescend enpentedouced'ouesten est etqu'elle s'étendvers
le nord au moinsjusqu'a une sériede dépressionsimportantes (fosses de
Pantelleria,Malte et Linosa) et vers l'estjusqu'à un changement de pente
que lesParties ont désigné par lesnoms d'escarpement de Malte-Misratah
ou deflexureionienne (à 15" de longitude est environ). Une particularité
à laquelle la Tunisie attache de l'importance est une valléeou dépres-
sion sous-marineappelée sillon tripolitain, à peu près parallèle a la côte
libyenne, et comprise entre 13 et 15" de longitude est environ, qu'elle
considère comme prolongeant le golfe de Gabès sous la mer. Parmi les

caractéristiques dont l'existence ou l'importance sont plus particulière-
mentcontroverséesentre lesParties on peutciter :deuxridessous-marines
dedirectionapproximative ouest-est,suivant àpeuprèslesparallèles33 "20'
et 33" 30' N appeléesrides de Zira et de Zouara par la Tunisie ; cer-
taines falaises sous-marines ou fortes déclivité,e trouvant àdes profon-
deurs de 150 à200mètresenviron,quiconstituent lerebord d'une étendue
appelée plateau tunisien, à l'est des îles Kerkennah ;enfin le plateau
de Mellita-Medina comprenant les bancs de Mellita et Medina, entre
34 et 35" de latitude nord et 14O30'et 15' 30'environ de longitude est.
Une caractéristique extérieureau bloc pélagien,que la Tunisie au moins
considère comme susceptibled'influer sur la délimitation, est une zone
sensiblement plus profonde (4000 mètres environ), se trouvant à l'est-
sud-est de Malte, que la Tunisie dénommeplaine abyssale ionienne. 33. Il estévidentque lebloc pélagienestune régionbeaucoupplus vaste
que tout ce qu'on pourrait considérer commeétant àdélimiter entre les
Parties. La partie immergéedu bloc, sous la mer pélagienne,comprend,
outre les zones concernéespar la décisionen l'espèce,des étenduesqui se
trouvent en dehors du champ des revendications formulées de part et
d'autre. Il faut tenir compte aussi de la présence desterritoires d'autres
Etats, y compris les îles pélagiennes et Pantelleria, appartenant au bloc

pélagienetbordant la mer pélagienne.Lespartiesnord et nord-est du bloc
pélagien,enlitige entre lesParties, relèventd'une régionoù d'autres Etats
ont formuléou pourront formulerdes prétentions portant sur les mêmes
zones. La Cour n'a pas compétencepour connaître de cesproblèmesenla
présente instance et elle ne doit pas préjuger leur solution future.

34. La nécessitéde délimiterles zones de plateau continental entre les
Partiesne concerneque la régionsous-marine ou celles-cipeuvent légiti-
mement prétendre exercer des droits souverains en vertu du droit inter-
national. Ces prétentions ont trait, au moinsà proximitédes côtes, à des
zonesqui relèventindubitablement de l'uneou de l'autre Partie. Toutefois
elles se chevauchent aussi sur de vastes étendues des fonds de la mer
pélagienne, maisnon sur leur totalité.C'est donc pour ces fonds que la
Cour devra indiquer les principes et règlesjuridiques applicables et la

méthode pratique de délimitation à employer en l'espèce.

35. La Libye a suggéré de tenir compte d'une régionqu'elleappellela
<<zone considérée )),limitéeà l'est par une ligne reliant l'île italienne de
Lampedusa à un point situé à la mêmelongitude (12" 36') à la limite
extérieuredelamer territoriale libyenne. Ellen'apaspréciséquelleseraitla
limite nord decette zone, mais sur les croquisfigurant dans ses piècesde
procédureles lignes indiquant la direction que devrait avoir la délimita-
tion, selon elle,atteignentpresque l'îledeLampedusa au nord.La Tunisie,
pour sa part, rejette la notion libyennede zone considérée aumotif que
celle-ci est dépourvuede base juridique et d'utilitéréelleet ne peut être
définiedans lespartiesnord et nord-est de la mer pélagiennepar référence

aux droits d'Etats tiers qui restent indéterminés.La Tunisie reconnaît en
revanche que la régionoù la délimitation doit s'effectuer est limitéeàla
mer pélagienne,bordée par les parties des côtes tunisienne et libyenne
pouvant être considéréescomme limitrophes, de part et d'autre de la
frontière àRas Ajdir. Vers le nord la Tunisie estime sans pertinence les
zones avoisinant la ligne de délimitation italo-tunisienne; vers l'est, la
Cour constate que le (faisceau de lignes tracées par la Tunisie (sur
lesquellesellereviendra en détailplusloin)comme représentant deslignes
de délimitation appropriées s'étendent à peu près, dans les croquis des
piècestunisiennes, jusqu'au méridien15" E. La Cour considère que ces
positionsdes Parties suffisentpour le moment à définirde manièregéné-
rale la régionà prendre en considération aux fins de la délimitation. 36. Malgrésonapparition relativementrécenteendroitinternational, le
concept de plateau continental, dont on peut dire qu'il remonte à la
proclamationTruman du 28septembre 1945,est devenu l'un desconcepts

lesmieuxconnus etlesplus étudiése ,nraison de l'importance économique
considérabledes activitésd'exploitation qu'ilrecouvre. Il est donc inutile
quela Cours'attarde sursanature etsonhistoire, d'autant que,ainsi queles
Parties elles-mêmes l'ont rappelé,untrèslargeaccord s'estétablientreelles
sur lesprincipes et règlesde droit international applicables en généralà la
délimitationde zones de plateau continental relevant de deux Etats lirni-
trophes,lorsque ceux-ci(telleslaTunisieetla Libye)nesont pas parties à la
convention de Genève sur le plateau continental de 1958. Cependant,
comme les (<principes et règlesdu droit international qui peuvent être
appliqués )pourladélimitationdeszonesduplateaucontinental découlent

nécessairementde la notion mêmedeplateau continental, telle qu'elle est
comprise endroitinternational, lesParties elles-mêmes sesont vuesdansla
nécessitéd'approfondir cette notion quand elles ont développédevantla
Cour leur argumentation sur la définition des règles et principes dont
chacune demandait l'application. En particulier, elles ont toutes deux
insistésur une considérationqui leur paraissait non seulement toucher à
l'essence même de l'institution du plateau continental, mais constitueren
outreundescritèresprincipauxpourladélimitation dudit plateau,à savoir
(<la conception ...fondamentale du plateau continental envisagé comme

prolongementnaturel du territoire >)(C.I.J. Recueil 1969, p. 30, par. 40).
Les Parties attribuent donc la mêmeimportance à cette conception. Elles
s'opposent essentiellementsurlafaçon dont ilfautappliquer lesprincipes et
lesrèglesquiendécoulentdanslescirconstancesparticulièresdelaprésente
espèce,et sur la question des facteurs à retenir pour effectuer la délimi-
tation.

37. Dans leur examen des principes et règles applicables, les deux
Parties prennent pour point de départl'arrêtrendu par la Cour le 20 fé-

vrier 1969dans les affairesdu Plateaucontinentalde lamer duNord.Elles
considèrent que, comme dans ces affaires, la présente délimitation doit
s'opérer :

({par voie d'accord conformément à des principes équitables et
compte tenu de toutes les circonstances pertinentes, de manière à
attribuer, dans toutela mesure du possible, à chaquePartiela totalité
des zones du plateau continental qui constituent le prolongement
naturel de son territoire sous la mer et n'empiètent pas sur le pro-
longement naturel du territoire de l'autre ))

etque,parmi lesfacteurs àprendreenconsidérationdansleurs négociations
futures, figure:

(<le rapport raisonnable [de proportionnalité] qu'une délimitation
opérée conformément à des principes équitablesdevrait faire appa-
raître entre l'étendue des zones de plateau continental relevant de 1'Etatriverain et la longueur de son littoral mesuréesuivantla direc-
tion générale de celui-ci))(C.I.J. Recueil1969,p. 53-54,par. 101C 1)
et D 3)).

38. La présente affaire montre cependant que les principes et règles
énoncés etles facteurs indiquéspar la Cour en 1969peuvent donner des
résultatstrèsdifférentsselonlamanièredont cesprincipes etcesrèglessont
interprétéset appliquéset selon le poids relatif attribué à chaquefacteur
pourarrêterunmodededélimitation.Pourtant làencorelesvuesdesParties
concordent, encoreque moins nettement. Pour l'une et l'autre le concept
déterminantestceluiduprolongement naturel delaterre souslamer. Làoù
les Parties cessent d'êtredu même avis,c'esten premier lieu sur le sens de
l'expressionprolongement naturel,autrement dit sur l'unité terrestre de
référence (massecontinentale ou territoire d'un Etat) et sur les critères à
appliquerpour décider siun espace donnéest le prolongement naturel de
l'unou de l'autre Etat. En secondlieu,siles Partiesconviennenten général

qu'une délimitationattribuant autant que possible àchaque Etat les éten-
dues deplateaucontinental quiconstituent sonprolongementnaturel sera
nécessairementconforme à des principes équitables,elles s'opposent en
particulier sur le point de savoir dans quelle mesure des considérations
autresque lesimpératifsgéographiques,géomorphologiquesetgéologiques
- et plus spécialement desconsidérations d'équité - s'appliquent pour
déterminerle prolongement naturel de chaque Etat.

39. Les deux Parties admettent en tout cas qu'une délimitationabou-
tissant àce qu'un Etat empiètesur le prolongement naturel de l'autre ne
saurait être justifiéepar des considérations équitables. Toutefois, elles
apprécientdifféremmentlerapport entre lanotion de prolongement natu-

rel et la nécessité, soulignéear la Cour en 1969,d'opérer la délimitation
suivant des principes équitables.Selon la Libye, le prolongement naturel
peut, au moins en l'espèce,êtrescientifiquement définipar application de
critèresgéologiques ; aussi les principes équitablesne devraient-ils jouer
aucun rôle quand il s'agitd'identifier le plateau continental relevant d'un
Etat en faisant appel à la notionjuridique de prolongement naturel. De
surcroît,d'aprèsla Libye, une délimitationeffectuéed'aprèsleprincipedu
prolongement naturel est nécessairementéquitable,puisqu'elle respecte
les droits inhérents de chaque Etat. La Tunisie reconnaît qu'il n'y a pas
forcémentconflit entre prolongement natureletéquité,mais pour un autre
motif : <<le respect des principes équitables dans une situation géogra-
phiqueparticulière u faitpartie du processus <<d'identification du prolon-
gement naturel )>Acet égard,la questionquisépare lesParties est cellede
savoirsi un prolongement natureldéfiniscientifiquement, sansfaireinter-

venir lesprincipes équitables,constitue vraiment un prolongement naturel
aux fins de la délimitation.
40. Pour déterminer, à l'aide des sciences physiques, le prolongement
naturel du territoire terrestre d'un Etat sous la mer, l'unité terrestrede
référenceest, selon la Libye, la masse terrestrecontinentale ; enprincipe,
on doit négligerladirection accidentelle ou occasionnelled'une côteconti-nentale particulière. De plus, pour la Libye, c'estla direction du prolon-
gement naturel qu'il faut chercher à définir plutôt que les fonds marins
constituant ceprolongement ;labonneméthodede délimitationconsiste à
matérialiserla direction du prolongementnaturel en traçant une ligne à
partir du point terminal de la frontière terrestre. Pour sa part, la Tunisie
admet que l'onpuisserecourir à la <direction ndu prolongementnaturel
pour décider de l'orientation de la ligne de délimitation ;elle affirme

cependantque cequiimporte c'estleprolongement duterritoireterrestre de
chaque Etat et non celui du continent tout entier. Del'avisde la Tunisie,
prendre pour unitéderéférencelatotalité dela masseterrestre etnégligerde
ce fait les changements de direction du littoral, c'estconsentire que la
géologiedéfinisse à elle seulele prolongement naturel, alors quelesconsi-
dérations empruntées à la géographie,à la géomorphologieet à la bathy-
métrie sont au moins aussi pertinentes que les considérations géolo-
giques.

41. Les deux Parties reconnaissent que le plateau continental est une
institution du droitinternationalqui, bien querestant liéeun faitnaturel,
ne s'identifie pas au phénomènedésignépar la mêmeexpression dans
d'autres disciplines. C'est le plateau continental,en tant que<zone pro-

longeant physiquement le territoirede la plupart des Etats maritimespar
[une] espèce de socle u qui <<a appelé en premier lieu l'attention des
géographeset hydrographes,puis celle desjuristes (C.I.J. Recuei 1969,
p. 51,par. 95).La Cour note cependant que, très tôt dans l'évolutionde la
notionjuridique deplateaucontinental, sonacception s'estélargie,aupoint
decomprendrepour finir touteétendue du fond des mersse trouvant dans
un rapport particulier aveclacôted'un Etat voisin,qu'elleprésenteounon
les caractéristiques exactes qu'un géographeattribuerait à un <<plateau
continental )>.Cet élargissement du concept à des fins juridiques, dont
témoigneen particulier lerecours au critèred'exploitabilitépour définirla
limite des droits vers le large, ressort clairement des documents de la
Commission du droitinternationalet desautrestravauxpréparatoiresde la
convention sur le plateau continental signée à Genèveen 1958.

42. Il convient de rappeler que la définition du plateau continental
figurant à l'article premier de la convention de 1958est la suivante:
((Aux finsdesprésentsarticles,l'expression <plateaucontinental M
est utiliséepour désigner:a) lelit de la mer et le sous-sol des régions
sous-marines adjacentes aux côtes, mais situéesen dehors de la mer
territoriale,jusqu'à une profondeur de 200mètresou,au-delàdecette
limite,jusqu'au point où la profondeur des eaux surjacentespermet

l'exploitation desressourcesnaturelles desdites région;b)le lit de la
mer et le sous-sol des régions sous-marines analogues qui sont adja-
centes aux côtes des îles.
Si la limite des 200 mètres a été retenuepour une part parce qu'elle
correspondait à peu près àla limite extérieurenormale du plateau au sensphysique, il est clairquela définitionde la limite extérieuredu plateau en

fonction des possibilitésd'exploitation du lit de la mer reste vague, ce qui
souligne l'absence d'identitéentre la notion juridique de plateau conti-
nentalet lephénomènephysiquequelesgéographesdésignenp tar la même
expression. Dans son arrêt de1969,la Cour a estiméque cette définition,
qui,commesontextel'indique,avaitété expressémentadoptéeenvued'une
convention, était l'une de celles qui étaientconsidéréesen 1958comme
(consacrant ou cristallisant des règlesde droit international coutumier
relatives au plateau continental, règlesétabliesou du moins en voie de
formation ))(C.I.J. Recueil 1969, p. 39, par. 63). Le fait que le concept

juridique, bien que fondé sur le phénomènephysique, a évolué à part,
ressort implicitement de tout l'examen des règleset principesjuridiques
s'yrapportant auquel la Cour s'estlivréeen 1969.
43. C'est la Cour elle-mêmequi, par son arrêt de 1969, a introduit
l'expression (<prolongement naturel 1)dans le vocabulaire du droit inter-
national de la mer. Il faut cependant rappeler tout d'abord que les cir-
constances géographiques etautres circonstances physiques étaient très
différentesdecellesdelaprésenteespèce,etqu'enparticulierla régiondela
mer du Nord qui était en cause alors consistait partout en un plateau
continental de moins de 200mètresdeprofondeur. Ensuiteonne doitpas

perdre de vueque, commela Cour elle-même l'a précisédans cet arrêt,elle
s'y livraità une analyse des concepts et principes qui, selon elle, sous-
tendaient lapratique effectivesuivieparlesEtats pour traduireou créerdes
règlesdedroitcoutumier. Lanotion deprolongement naturel estetdemeure
donc une notion àexaminer dans le contextedu droit coutumier et de la
pratiquedesEtats. Sil'expression (prolongement naturel )étaitinéditeen
1969,l'idée qu'elle visait traduire faisait déjàpartie du droit coutumier
existant en tant que fondement du titre de l'Etat riverain. La Cour avait
aussi attribuéà la notion de prolongement naturel un certain rôle dans la

délimitationde zones de plateau, lorsque la situation géographiques'y
prêtait.Mais,alorsque l'idéedeprolongement naturel du territoireterrestre
définissait,en termes généraux, l'objet physique ou l'assisedes droits de
1'Etatcôtier, ellene serait pas forcémentsuffisanteni mêmeappropriéeen
elle-même pour préciserl'étendueexactedes droits d'unEtat par rapport à
ceux d'un Etat voisin.
44. Les deux Parties à la présenteinstance ont en fait fondé leur argu-
mentation sur l'idéeque, puisqu'une délimitation doit, conformément à
l'arrêt rendu dansles affaires du Plateau continentalde la mer du Nord,

attribuer àchaquePartie <la totalitédeszones deplateau continentalqui
constituentle prolongement naturel de son territoire sous la mer >)(C.I.J.
Recueil 1969, p. 53, par. 101C l)), il suffit d'identifier le prolongement
naturelpour parvenir à une délimitationcorrecte. En 1969,la Cour n'avait
pas considéré commesynonymesunedélimitationéquitableet la fixation
des limitesdesprolongementsnaturels :dansle dispositif desonarrêt, qui
vient d'être citée,lles s'étaitcontentéede dire que la délimitation devait
s'opérerde manière à attribuer <dans toute la mesure du possible à
chaque Partie les zones constituant son prolongement naturel. La Couravait aussi distinguénettement entre un principe servant àjustifier l'ap-

partenance d'une zone à un Etat etune règledestinée à préciserl'étendue et
les limites de cette zone :(<Le fait qu'une zone, prise comme une entité,
relèvede tel ou tel Etat est sans conséquencesur la délimitationexactedes
frontières de cette zone ))(C.I.J. Recueil 1969,p. 32,par. 46). La Cour ne
peutdoncfaire siennelathèselibyennesuivantlaquelle, (<unefoisquel'ona
déterminéle prolongementnaturel d'un Etat, la délimitationne consiste
plus qu'à seconformeraux exigencesde lanature )).Ce serait une erreur de
croirequedanstous lescas,oudans laplupart d'entre eux,ilsoitpossible ou
approprié d'établir quele prolongement naturel d'un Etat s'étend,par

rapport àcelui d'un autre Etat,jusqu'à un point bien déterminé,de sorte
que lesdeuxprolongements serencontreraient surune ligneaisée à définir.
La Cour nepeut pasnon plussouscrire à l'argument tunisien suivant lequel
le respect des principes équitables dans une situation géographique
particulière fait partie de l'identification du prolongement naturel, tout
comme l'identification du prolongement naturel serait nécessairepour
assurer le respect des principes équitables. Le respect des principes équi-
tables dans le processus de délimitation est capital, comme la Cour le

démontreraparlasuite,etl'identificationdu prolongement naturelpeut, si
les circonstances géographiques s'yprêtent,avoir un grand rôle à jouer
dans la définition d'une délimitation équitable, vu l'importance que le
prolongement revêtdans certains cas comme fondement des droits sur le
plateau continental. Mais les deux considérations - le respect des prin-
cipes équitableset l'identificationdu prolongement naturel - ne sontpas
sur le mêmeplan.
45. Depuisl'arrêtde la Courdans les affaires du Plateaucontinentalde
la mer du Nord, des années ont passédurant lesquelles cette branche du

droit international a donné lieu à toute une pratique étatique et a fait
l'objet d'études très approfondies,à l'occasionnotamment dela troisième
conférence desNations Unies sur le droit de la mer. L'expression (<pro-
longement naturel )figure maintenant àl'article 76 du projet de conven-
tion sur ledroit de la mer. Lemoment est venu d'examiner sides principes
et règlesde droit international applicables àla délimitationpeuvent être
dérivésdes (nouvelles tendances acceptées )>qui se sont dégagées à la
troisième conférence desNations Unies sur le droit de la mer ou peuvent

êtreaffectéspar celles-ci.
46. La Cour constate que l'invitation à tenir compte des tendances
acceptéesque lui adresse lecompromis n'estpasinterprétéeparles Parties
elles-mêmescommel'autorisant àstatuer ex aequo etbono,ni à traiter ces
tendances comme représentant nécessairement desprincipes et règlesde
droit international. La Cour doit d'abord examiner l'attitude des Parties
elles-mêmes ausujetdestendances delatroisièmeconférencesurledroit de
la mer qui peuvent êtreconsidérées comme acceptées.Les Parties ont

exprimél'opinionquelesdispositions inséréed sans lesversionssuccessives
du texte de négociation composite officieux(TNCO) et dans le projet de
convention surledroit dela merquienestrésultéconstituentdestendances
pertinentes en l'espèce. Ellesont évoquélaprocédurementionnéedansledocument desNations Unies A/CONF.62/62 du 14avril 1978quidéfinit,
dans ses paragraphes 10et 11,les conditions auxquelles les dispositions
nouvelles sontincorporéesau TNCO et, depuis qu'ila changéde nom, au
projet de convention.
47. L'article76 et l'article 83sont lesdispositionsdu projet de conven-

tion élaboré par laconférencequi pourraient refléter desnouvelles ten-
dances acceptées à prendre en considération en l'espèce.D'après l'ar-
ticle 76, paragraphe 1 :
(<Leplateaucontinental d'unEtat côtiercomprend lesfondsmarins

et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l'étenduedu
prolongementnaturelduterritoireterrestredecet Etatjusqu'aurebord
externe de la marge continentale, ou jusqu'à 200 milles marins des
lignes de base à partir desquelles est mesuréela largeur de la mer
territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se
trouve à une distance inférieure. ))

Les paragraphes2 à 9, qui contiennent des dispositions détaillées surles
limitesextérieuresdu plateaucontinental, peuvent êtrenégligéa suxfinsdu
présentarrêt.Bien que le paragraphe 10spécifieque les dispositions de
l'article((ne préjuge[nt]pas de la question de la délimitationdu plateau
continentalentredes Etatsdont lescôtessontadjacentes ouse font face )),la
définitionduparagraphe 1ne doitpas êtreperduede vue.Cettedéfinition
comprend deux parties, faisant appel à des critèresdifférents.D'aprèsla
premièrepartie du paragraphe 1,c'est leprolongement naturel du territoire

terrestrequi estlecritèreprincipal.Dansladeuxièmepartie duparagraphe,
c'estladistance de200millesquifondedanscertainescirconstances letitre
de 1'Etatcôtier.Lanotionjuridique duplateaucontinentalreposantsurune
((espècedesocle ))est donc modifiéeou au moinscomplétée par cecritère.
La définition de l'article76, paragraphe 1, écarte également le critère
d'exploitabilité,qui est un élémentde la définitionde la convention de
Genèvede 1958.
48. Ainsi qu'il a été exposé l, principe suivant lequel le prolongement
naturel de l'Etat côtier est la base de son titrejuridique au plateau conti-

nentalnefournit pasnécessairementenl'espècedecritèresapplicables à la
délimitation dezones relevant d'Etats limitrophes. Dans la mesure où la
premièrepartie del'article 76,paragraphe 1,duprojetdeconvention nefait
querépéterceprincipe, ellen'apporte aucun élémentnouveau et n'appelle
donc pas d'examen plus approfondi. Dans la mesure cependant où le
paragraphe prévoitquedanscertainescirconstancesla distance à partir de
lalignedebase,mesurée à lasurfacedelamer,fonde letitrede 1'Etatcôtier,
ils'écarteduprincipesuivant lequelceseraitleprolongementnaturelquien
constituerait la seule base. Il a donc lieu de se demander sila notion de

plateaucontinental ausensdela deuxièmepartie deladéfinitionpeutjouer
un rôle dans la décisionenl'espèce. Seule labasejuridique des droitssur le
plateau continental - la simple distance de la côte - peut êtreprise en
considérationcomme pouvant influersur les prétentionsdes Parties. Les
deux Parties invoquent le principe du prolongement naturel :elles n'ont avancéaucunargument fondésur la <tendance )>enfaveurduprincipede
distance. La définitiondel'article76,paragraphe 1,nefournit doncaucun
critère de délimitation en l'espèce.

49. Pourcequi est dela délimitationdu plateau continental entre Etats
dontles côtes sefont face ousont adjacentes,l'article 83,paragraphe 1,du
texte de négociationcomposite officieux de la troisième conférencedes
Nations Unies sur le droit de la mer (A/CONF.62/WP.IO/Rev.2) dispo-

sait:
(La délimitationdu plateau continental entre Etats dont les côtes
sont adjacentes ou se font face est effectuéepar voie d'accord,
conformémentau droit international. Un tel accord sefait selon des
principes équitables,moyennant l'emploi,le cas échéant,de la ligne

médiane ou de la ligne d'équidistance et compte tenu de tous les
aspects de la situation dans la zone concernée. >>
Toutefois, le 28 août 1981, le président de la conférencea présenté à
celle-ci,réunieà Genève,le texte suivantdestiné à remplacer l'article 83,

paragraphe 1 :
(La délimitationdu plateau continental entre Etats dont lescôtes
sontadjacentes ou sefont face est effectuéepar voied'accord confor-
mémentaudroitinternational telqu'ilestvisé àl'article38duStatutde
la Cour internationale de Justice, de façon à aboutir à une solution

équitable. ))
Conformément à la décisionprise par la conférence,cette suggestion a
désormaisle caractère d'un projet officiel d'article de la conférence.

50. Dans le nouveau texte, toute indication d'un critère spécifique
pouvant aider les Etats intéressés à parvenir à une solution équitable a
disparu. L'accent est placé sur la solution équitable à laquelle il faut
aboutir. Les principes et règlesapplicables à la délimitationde zones de
plateau sont ceux qui conviennentpour produire un résultat équitable ;
c'estlà un aspect sur lequella Cour aura àrevenir. Pourle moment, ellese
bornera à noter que le nouveau texte n'affecte pas lerôle du concept de
prolongement naturel dans ce domaine.

51. Ayant ainsi replacé l'idéede délimitation par l'identification du
prolongementnaturel dans cequ'elleestime êtrelaperspective convenable,
la Cour va maintenant aborder l'examendes thèsesrespectivesdes Parties
sur sonapplication enl'espèce.Etant donnél'importance quiaétéattachée
à cette question, la Cour examinera pour commencer les arguments des PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 50

Parties quant au rôlequel'étudegéologiquede la région àdélimiteret des
régionscôtièresavoisinantes desdeux Etatsjouerait dansladétermination
de leur zone de prolongementnaturel. A cette fin, elle évoquerasuccinc-
tementles argumentsque lesParties ont tirésdela structure et del'histoire
géologiquesdela région,ainsique des principalesétapessuccessivesde sa
formation géologique,telsque leurs conseils,conseillers et experts scien-

tifiques les ont présentés.
52. Pour apprécier l'argumentation libyenne, il faut résumer tout
d'abord unethéorierelativementrécente,connue souslenomdetectonique
des plaques, telle que la Libye l'a présentée.Auparavant, la Cour doit
signaler que la Tunisie a reprochéà la thèselibyenne de reposer sur cette
théorie.La Cour constate néanmoins que les experts consultés par la
Tunisienecontestent paslesidéesreçuesdans lesmilieuxinternationauxde
la géologieau sujet des principesdebase de la tectonique des plaques ;la
Tunisie critiqueplutôt certaines des déductionsqu'on voudrait en tirer et
soutientquecettethéorieestsanspertinenceen l'espèce. Selon cette théorie,
la coucheextérieuredela planète,oulithosphère,estparcouruepar toutun

réseaudefaillesqui ladivisentenuncertainnombre deplaquescouvrantla
couche inférieurede la planète, dite asthénosphère.La limite entre la
lithosphère et l'asthénosphèreest définieen fonction de la température
(isotherme de 1350" C).Lesplaquescomposantlalithosphère ont environ
125kilomètres d'épaisseur ;ellessont considéréescommeétantpratique-
ment solides. La surface proprement dite du globe est constituée par la
croûte terrestre, d'une épaisseur moyennede 30 à 40kilomètres; le reste
de la lithosphère est définicomme une <(sous-croûte 1)L'asthénosphère
n'estpas solide,et il s'yproduit des écoulementsde matière.Chacunedes
plaquescomposant la lithosphèrepeut sedéplacer - et sedéplaceen effet

- par rapport à l'asthénosphère surlaquelle elle repose et par rapport
aux autresplaques de lalithosphère ;aux points de rencontredes plaques,
ou le long des lignes de contact, divers types de mouvements peuvent
donc se produire.
53. C'estl'apparition decephénomèneverslafindutrias ouaudébutdu
jurassique(ilyaenviron 195 à170millionsd'années)qui,selonla Libye,est
géologiquementlefacteur cléen l'espèce,c'est à cetteépoquequeseserait
faite la séparation entre la plaque supportant le continent africain et la
plaque eurasienne, soutenant entre autres l'Europe actuelle. Lorsqu'un
pareil phénomène dedéchirementseproduit, la croûte continentale et la
sous-croûte s'étirent ;l'équilibreentre la lithosphère et l'asthénosphère

(équilibreisostatique)estainsirompu,d'oùunaffaissement(subsidence)de
la zone amincie et un mouvement concomitant verslehaut des couchesles
plus proches de l'asthénosphèreentraînant unrefroidissement de la partie
supérieurede l'asthénosphère, ce qui provoque unecontraction (densifi-
cation)des matièresconstituantlalithosphère.Cettecontraction prolonge
l'affaissementdelacroûte etdelalithosphère ;l'affaissement globaldonne
naissance à unedépressionoubassin,quidevientdansbiendescasun océan
où se déposent descouches successivesde sédiments.
54. D'aprèsla Libye, le bloc pélagien,ayant étéessentiellement formé PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 51

suivant ceprocessus,présentelescaractéristiquesquiendécoulent ;autre-
mentdit,on trouve :lalignedechute, lelongdelaquellelesoclecontinental
commence às'enfoncer peu à peu ou brusquement vers la mer ;puis en
direction du large un épaississementprogressif des dépôts sédimentaires
formant ou soutenant la plaine côtière,dans la direction d'une régiondite
zonecharnière,oùlesoclecontinental estfragmentépar unesériedefailles
etdeflexures.Lazonecharnièremarquelalignelelongdelaquellelacroûte

continentale s'estinfléchieet étirée. Auxfins de la présente affaire,I'at-
tention de la Cour a étéattirée surlalignecharnièrepermiennequi,allant
d'esten ouest,traverselenord de la Libyeet le sud de la Tunisie ; dans la
régionconsidéréeen l'espèce,cetteligne estreprésentéepar cequ'on appelle
la flexure de Djeffara.
55. D'aprèslesgéologues,lesrivagessuccessifsdel'océandansle bassin
créé~ac reDrocessusdedéchirementetd'affaissementavaientunedirection
approximativeest-ouest et étaient situésplus au sudque la côte libyenne
actuelle. Lenord de laTunisied'aujourd'hui faisaitdonc partie àl'époque
d'unbassin océaniquelonget étroit, qui s'étendait à l'originedu bassin de
Syrteactueljusqu'à l'océanAtlantique au sud du détroitde Gibraltar. Des
dépôts sédimentaires extrêmement épais s'accumulèren dtans ce bassin,
dont certains sont à l'origine des ressources actuelles en hydrocarbures.

Cependant ledéplacementde la plaque africaine sepoursuivitpendant le
tertiaire, de3 à 18millions d'années avantnotre ère ;la partie nord-ouest
de la plaque africaine se rapprocha de la plaque eurasienne. La collision
entre ces deux plaques donna naissance a une zone orogénique (zone
d'édificationde reliefs) d'orientation généraleest-ouest, la compression
causéepar cettecollisionentraînant leplissement(principalement pendant
lecénozoïquemoyen)etl'édificationdeschaînesdel'Atlas(entreautres)sur
le continent africain. En outre, le chevauchement des deux plaques fit
apparaître une zone de subduction de direction est-ouest.A une certaine
époque,précédant apparemmenltesplissements atlasiques,un axeorienté
dunord au sudditdorsalenord-sud ouaxenord-sud apparutdansla région
qui allait devenir la Tunisie actuelle,constituant unezonecaractériséepar
un affaissementmoindre que les zones voisines et doncpar une accumu-

lation sédimentaire moins importante. En revanche, aucun de ces événe-
ments n'affecta la région occupéepar la Libye actuelle,qui repose sur la
plate-forme saharienne, zone cratonique stable, et non pas sur des zones
d'orogénèse oude subduction.
56. Les paragraphes qui précèdentdonnent un aperçu de ce qui serait,
d'aprèsles Parties, une évolution beaucoup plus complexe ; l'évolution
ultérieuredelaMéditerranéeoccidentale,sanschangerlesprincipauxliens
entre les zones considéréesf ,ut elle aussi d'une extrêmecomplexité.Le
résumé ci-dessus suffit néanmoins à montrer pourquoi les territoires ter-
restres de la Tunisieet de la Libye bordant le bloc pélagiencomprennent
deux régionsdistinctes, résultats d'histoires géologiquescomplètement
dissemblables, et présentent par conséquent des caractéristiquesgéolo-

giquesetgéographiquesnettementdifférentes.Pourl'essentiel,ladifférence
entre cesrégions vientde cequelaplate-forme saharienne au sud du bloc, qui correspond à la plus grandepartie de la Libye eà la partie sud de la
Tunisie, se compose de formations géologiquesrelativement minces qui
n'ontjamaisété soumises àdevéritablesplissements.Aucontrairela région
atlasique à l'ouest de l'axe nord-sud, qui recouvre toute la Tunisie occi-
dentale, est constituée par d'épais dépôtssédimentaires, auxquels les
mouvementsliés à l'apparition de la chaîneatlasique ont fait subir d'im-

portantes déformations allant des déformationsalpines - déplacements
physiques d'élémentm s ontagneux tout entiersdans une direction plus ou
moins horizontale et sur plusieurs kilomètres de distance - jusqu'à des
phénomènes beaucoup moinsimportants de plissement et d'infléchisse-
ment.Dans l'intervalleentrecesdeuxrégionssetrouvelaplainecôtièredela
Djeffara, zonede transitioncorrespondant à lalignecharnièrementionnée
plus haut et séparantaussilescouchessédimentairesépaissesprésentesen
haute mer des couches plus minces voisines du littoral.
57. La thèseprincipale de la Libyeest quela région situédevantcette
côte,quiconstitue leblocpélagien,estleprolongementnaturel verslenord
dela masse terrestrenord-africaine,dans la mesure où ellereprésenteune
margecontinentale typique produite par lesmouvements deplaques et les
phénomènesde déchirementdécritsplus haut. Telle est l'argumentation

caractériséedurant l'instance par l'expression <rojection vers le norO,
formule qui, d'après la Libye, n'exprime aucune idéede mouvement. La
Libyesoutientquele prolongement naturel delaTunisie etdelaLibyeest en
direction du nord parce que le mouvement de séparation des plaques
continentales,quipour l'essentielétait danslesensnord-sud,a entraînéla
création d'une marge continentale situéeau nord d'une côte orientée
généralementd'est enouest. Selon la Libye, les événements géologiques
ultérieurs,quiontabouti àfaire émergercequiconstitueaujourd'huilaplus
grandepartie de la Tunisieet à incliner légèrementle bloc pélagien,'ont
pas modifiélaposition essentielledublocentant queprojection de lamasse
continentale vers le nord.
58. La Tunisie, de son côté,souligne la continuitégéologiquedu bloc
pélagien avecle territoire terrestre de la Tunisie orientale et même,n

degrémoindre, avec la région atlasiquesituée à l'ouest de l'axenord-sud
mentionnéplus haut. Les diverseszones géologiques composantla Tunisie
ont une direction générale ouest-est.Cette direction, d'après la Tunisie,
ressort deslignesd'épaisseurssédimentaireségales(cartesd'isopaques),de
l'existenced'une séridemôlesorientésd'ouestenestetenfindelaprésence
deformationsstratigraphiques homogènessuivantunedirection ouest-est,
abstraction faite de certains mouvements locaux dus à l'axe nord-sud.
D'aprèslaTunisie,chacunede ceszonesd'orientation ouest-estseprolonge
dans la mer qui la borde àl'est.
59. Dans les arguments des deux Parties, la ligne charnièrepermienne
joue un role essentiel. Pour la Tunisie, cette lignecorrespondne limite
géologiqueséparant le continent africain, ou la plate-forme saharienne,
zonestable situéeausud,dublocpélagien,zonemaritimesituéeau nord ;et

la plaine de la Djeffara,que traverse cette ligne,est une zone de transition
entre desunitésgéologiquestrèsdifférentes.AussilaTunisieinvoque-t-elle l'existence de cette ligne charnière pour affirmer que la régiondu bloc
pélagien est le prolongementnaturel de la Tunisie vers l'estet non pas le
prolongementnaturel dela Libyeverslenord. Pour la Libyeaucontraire la
ligne charnièrepermienne, qui est situéeentre la plaque stable et la zone

d'affaissementproduitepar leprocessusdedéchirement,loindeconstituer
une lignede séparationentre desdomaines géologiquesdistincts,confirme
par saprésencelacontinuité entrela masseterrestreetlamargecontinentale
quipermet àla Libyedevoirdans lebloc pélagienleprolongement naturel
de la masse terrestre vers le nord.
60. La Cour n'ignore pas que les arguments des Parties inspirésde la
géologiedela régionneserésumentpas àcela.Par exemple,laLibyeaaussi
soulignéla présencedu fosséd'effondrement du bassin de Syrte,dont la
Tunisieconteste l'importance ; les Parties se sont également opposées au
sujet de la portée attribuer aux zones de faillesàtla présenceen divers
endroits de formations salifèresdiapiriques, c'est-à-dire de formations
salifèresrésultantde la pénétrationde sel mobile dans les failles ou les
fissuresdes couchessupérieures.Pour l'essentiel,cependant,la divergence

entre les Parties quant aux conséquencesjuridiquesà attacher en l'espèce
auxdonnéesfourniespar la géologiesemblepouvoir serésumercommeon
l'avu précédemment.La Cour est donc invitée à choisir entre deux inter-
prétations duprolongement naturel en tant quenotion géologique,qui en
fait correspondent au double aspect de la géologie commediscipline
scientifique. D'un côté eneffet la géologiedésignel'étudedes éléments
constitutifs delaplanètetelsqu'ilsseprésententaujourd'hui,l'analyse etla
classification des minéraux, roches et fossiles,l'observation des aligne-
ments et des continuités; et c'est conformément à cette conceptionque,
dans la mesure où elle se fonde sur des considérationsgéologiques,la
Tunisieinvite laCour àdéduirel'existencedeson prolongement naturel de
l'identitédesdépôtsdufonddelamerpélagienneaveclesdépôtsdusous-sol
tunisien, ainsi que de l'extensionvers la mer, dans une direction générale

ouest-est, des coucheset des accidents géologiquesde son territoire. D'un
autre côté, la géologie,sous son aspect historique, consiste à déduire
l'histoiredu globe de sa réalitéphysique actuelle et déterminer,dans la
limite des connaissances humaines, lesprocessuset événements qui sont à
l'originedesfaits observablessur et sousla surfaceterrestr;c'estdanscet
espritquela Libyeaaffirmél'importancedu processusdedéchirementqui,
selonelle,adonnéaublocpélagienlecaractèrepermanentde prolongement
naturel de la masse terrestre africaine.

61. La conclusion inéluctable qui, selon la Cour, se dégagede cette
analyseest que,malgréla conviction aveclaquelle les géologuesaffirment

desdeuxcôtésqu'unezonedonnéeconstitueleprolongement évidentoule
prolongementvéritable de l'un ou de l'autre Etat, il n'est pas possible de
définirjuridiquement les zones de plateau continental relevant soit de la
Tunisie soit de la Libye en tenant compteuniquement ou principalementde considérationsgéologiques.Lerôlede laCourconsiste à nerecourir à la
géologiequedansla mesure où l'application du droit international l'exige.
Ellepense que,dans unedélimitationde zones deplateau,il faut partir des
circonstances physiques telles qu'elles seprésentent aujourd'hui ;etque, à

l'instar de la configuration géographiquedes côtes actuelles, c'estle fond
marin actuel qui doit êtreenvisagé.C'est le résultat qui importe, et non
l'évolution quis'est produite dans un passélointain.

62. La Cour en vient maintenant aux argumentsdesPartiesinspirés de
la géomorphologieet de la bathymétrie.La Libye, qui place l'accent sur
l'aspect géologique,attribue en conséquence une portée moindre à la

bathymétrie et à l'analyse des caractéristiques géomorphologiquespour
déterminer l'étendue du prolongement naturel :
((Le plateau étantune notion fondamentalement géologique,ses
caractéristiquessuperficiellesou topographiques - dont la bathymé-

trie est la plus évidente - ne sont pas des indices véritables du
prolongement. >)
Elle considèrenéanmoins que <la géographieappuie et confirme la géo-
logie, laquelle établit que le prolongement naturel des masses terrestres

dans et sousla mer est vers lenord o.Les faits invoqués à l'appui decette
affirmation sont que le bassin pélagien,unitégéologiqueet physiogra-
phique, est un élémentde la plaque africaine ;que cebassin présenteune
nette affinitéaveclamasse terrestreafricaineet estunerégiondifférentede
celledes montagnes de l'Atlas en Tunisie ;et que les donnéesrelatives au
faciès géologiqueconfirment le prolongement vers le nord de la masse
terrestre nord-africaine et son affinité fondamentale avec le plateau. Il
s'agit, en affirmant cette harmonie entre les indications de la géologieet
cellesde la géographie,de renforcer la thèsede ladélimitationdeszonesde

plateau continental par une ligne qui prolongerait la frontière terrestre et
reflèteraitcetteorientation généraleverslenord. La Libyereconnaîtcertes
que cette ligne doit à un certain point s'infléchirvers l'est pour que la
délimitation dans son ensemble soit équitable,mais cet infléchissement
n'estpas imposépar un changement de directiondu prolongementnaturel
et ne correspond pas non plus à l'intersection de deux prolongements
naturels distincts :il vise seulement à tenir compte d'4une circonstance
géographiquepertinente propre àla région )>afindeparvenir àun résultat
équitable.Cela implique, selon la Libye, que les indications d'ordre géo-

graphique ou géomorphologique ne permettent pas de déterminer les
différenteszones de prolongement naturel, mais contribuent seulement à
indiquer la direction du prolongement et par conséquentde la délimita-
tion ;lesprincipesd'équitépeuvent cependant obliger à corrigerlerésultat
en fonction d'autres circonstancespertinentes de caractère géographique
((pour éviter un résultat manifestement injuste ou d'une inéquitéfla-
grante 0. 63. Les argumentsprésentéspar la Tunisie dans ce domaineappellent

un examenplus approfondi,la Tunisie sefaisant une conceptiondifférente
des rapports entre ((les circonstances pertinentes ))et la notion de (<pro-
longement naturel )).Selon la Tunisie :

c(les (<circonstancespertinentes ...ont d'abord pour fonction de
contribuer positivement à la définition de la ligne de délimitation,
notamment en permettant de déterminer ce qui constituele prolon-
gement naturel du territoire de chaque Etat )).

La Cour devra étudierplus loin toutes les circonstancespertinentes de
l'espèce ; elle doit cependant procéderici à un examen préliminairedes
circonstances signaléesdans ce domaine précispar la Tunisie, afin de
rechercher dans quelle mesure ellescontribueraient à définirle prolonge-
ment naturel des deux Etats. Dans ses conclusions, la Tunisie a fait
valoir :

(que la configuration générale des côtes des deuxEtats se trouve
reflétée avecunefidélitéremarquablepar lescourbesbathymétriques
dans lazone de délimitationet que cefait n'estquelatraduction dela
structure physique et géologiquede la région ;qu'ilen résultequele
prolongementnaturel de la Tunisie est orienté suivantune direction

ouest-est et celui de la Libye suivantune direction sud-ouesthord-
est )).
L'argumentation tunisienne tendait initialement à démontrer l'unité
profonde entre la masse terrestre de la Tunisie et la zone sous-marinequi

bordesafaçadeorientale )),quipermettrait ((d'identifier de façonclaireet
probante le prolongement naturel du territoire tunisien sous la mer )).La
Tunisie soutient que la topographie marine du bloc pélagienpermet de
reconnaître trois grandesunités :un môlecentralqui s'allongeversl'esten
continuant le Sahel, à savoirle plateau tunisien et, depart et d'autre de ce
môle, deux parties basses elles aussi allongéesvers l'est, l'une, au nord,
prolongeant legolfe de Hammamet etl'autre, au sud,prolongeant legolfe
de Gabès. Cette dernière est considérée Darla Tunisie comme un sillon

s'étendant d'ouestenest entre leplateau tinisien etlaplaine de la Djeffara
qui, au droit de la Libye, prend le nom de sillon tripolitain et s'enfonce
progressivement vers la mer Ionienneau-delà de l'escarpement de Malte-
Misratah. Les unitésenmer seretrouvent, avec les mêmescaractèreset la
même orientation,enterre tunisienne.Pource qui estdelacôte libyenne,la
Tunisie affirme que lesfondsmarinsquilabordent atteignenttrès vite de
grandesprofondeurs dans une direction générale sud-ouesthord-est. Exa-
minant les liens entre les deux prolongements, la Tunisie isole un certain

nombre de caractéristiques qui lui paraissent importantes : essentielle-
ment le sillon tripolitain et le plateau tunisien ; le glacis de Syrte à l'est,
séparé du plateaupar une zone de transition définiecommel'avant-pays ;
les rides de Zira et de Zouara ;et l'escarpement de Malte-Misratah, déjà
décrits. 64. L'argumentation tunisienne sur cet aspect de l'affaire porte en
grande partie sur la direction du prolongement ou des prolongements
naturels dans le bloc pélagien :là où la Libye voit la masse terrestre se
prolonger versle nord, la Tunisie observeun prolongement naturel de son
territoire vers l'est et une continuitévers le nord ou le nord-est avec la

Libye, ne dépassant pas le sillon tripolitain. Comme critèrede délimita-
tion, la Tunisie suggèredes limites naturelles possibles entre les zones de
plateau. Le sillon tripolitain est présentécomme (une véritablefrontière
naturelle sous-marine )).En analysant les méthodes pratiques de délimi-
tation, la Tunisie soutient en outre que le

((phénomènede reproduction des lignes de rivage par les lignes
bathymétriques,depart et d'autre de la frontière,permet de reporter
sur ces dernièresavecprécision lepoint représentant la frontière qui

sépareles deux territoiressur la côteet de marquer ainsi la limite de
leurs prolongements respectifs en suivant l'orientation naturelle du
plateau continental dans la zone frontière o.

Et,aprèsavoir décritla (<lignedecrêtes ))forméepar lesrides deZira et de
Zouara, la Tunisie conclut :

<(Grâce à ces éléments morphologiquesremarquables,la <(struc-
ture physique et géologique )fournit, dans cecasparticulier, comme
la Cour l'avait prévu,un facteur permettant de tracer, avec un degré
de précision relativement satisfaisant, la ligne de délimitation de
zones pouvant êtrerespectivement considéréescomme le prolonge-
ment du territoire de chacun des deux Etats jusqu'à l'isobathe des

300 mètres, et commele prolongement ((le plus naturel ))au-delà de
cette isobathe. ))
La réponse libyenne à cette argumentation de la Tunisie consiste essen-
tiellement à invoquer des arguments scientifiques pour démontrer que

l'étenduedeplateau constituant debloc pélagienserait géologiquementet
géomorphologiquement d'une continuité fondamentale et à minimiser
l'importance des particularitéssignaléespar la Tunisie.
65. La Tunisie fait appel aussi à un argument assezdifférent,bien que
découlantégalementd'une analyse de la structure géomorphologiquedu
bloc pélagien,pour montrer la direction du prolongement naturel. Elle

évoquela définitionphysiographiquedela marge continentale,donnéeen
particulier au paragraphe 3 de l'article76 du projet de convention sur le
droit de la mer, qui est ainsi rédigé :

((La marge continentale est le prolongement immergéde la masse
terrestre de l'Etat côtier ; elle est constituée par les fonds marins
correspondant au plateau, au talus et au glacisainsi queleur sous-sol.
Elle ne comprend ni les grands fonds des océansavecleurs dorsales
océaniques,ni leur sous-sol. )) La Tunisie soutient que l'escarpement de Malte-Misratah ou la flexure
ionienneconstitue letalus etleglacisformant samargecontinentale,etque
la plaine abyssale ionienne qui s'étendau-delà et forme une dépression
profonde (environ 4000mètres)en forme de triangle au sud-est de la Sicile
est le secteur vers lequel convergent les marges continentales de tous les
Etats circonvoisins.Ainsi,selon laTunisie,il seraitpossible de matérialiser
l'orientation de la marge continentale de chaque Etat par uneligne tracée

entre sa côte et le centre de la plaine abyssale. La Libye rejette cetteidée,
soulignant qu'iln'y a pas forcémentcorrélationentre une plaine abyssale
et la progression plateau, talus et glacis et que les données sédimentaires
indiqueraient une progression en direction du nord plutôt que de l'est.

66. La Cour n'examinant ici la question des caractéristiques géomor-
phologiques que par rapport à leur utilité éventuellepour distinguer les
prolongements naturels des deux Etats, et non pas sous l'angle de leur
importance plus généraleen tant que circonstances éventuellementperti-
nentes,quiseraient de nature à affecter pour d'autres raisonsletracé de la
délimitation,sa conclusion peut êtreexpriméeen peu de mots. La Cour a
examinéavecsoinlespreuveset argumentsqui ont été invoquésau sujetde

l'existence et de l'importance des accidents sous-marins qui seraient per-
tinentspour ladélimitation. Ceux qu'avancela Libye àl'appui de sa thèse
principale d'une projection vers le nord révélép ear la géologiene lui
paraissent pas d'un poids tel que cette thèse doivel'emporter sur l'argu-
mentation géologiqueque lui oppose la Tunisie ;en outre, ils ne fournis-
sent en eux-mêmesaucun moyen permettant de reconnaître des prolon-
gements naturels distincts - ce qui serait d'ailleurscontrairà la concep-
tionlibyennedel'unité dubloc pélagien.Quant aux particularitésdont la
Tunisie fait état, la Cour, sans admettre que leur étendue et leur impor-
tance relatives puissent êtreramenées à des proportions aussi insigni-
fiantes que l'ont donné à entrendre les conseils de la Libye, ne saurait
souscrire àl'idéequel'une de ces caractéristiquesmarquerait une rupture
ou solution de continuité telle qu'elle constituerait indiscutablement la

limite de deux plateauxcontinentaux ou prolongementsnaturelsdistincts.
Ainsi qu'ilaété signaléen plaidoirie, uneparticularité aussinotable que la
Fosse centrale elle-mêmene s'estpas vu reconnaître cet effet dans l'arbi-
trage de 1977 relatif à la délimitation du plateau continental entre la
France et le Royaume-Uni. En la présente espèce,la seule particularité
importante est le sillontripolitain;mais cette valléesous-marinene pré-
sentede relief réellementaccuséquedansune zone situéenettement plus à
l'est que la régionà considéreraux fins de la délimitation(voir le para-
graphe 75 ci-après). Au surplus aucune preuve géographiquerelative à
la direction du prolongement naturel n'aide à en préciser les limites,
quelle qu'en soit la pertinence éventuelle commecirconstance à prendre
en considération du point de vue de l'équité. 67. La zone sous-marine du bloc pélagienqui forme le prolongement
naturel de la Libye se confond dans une large mesure avec une zone
représentant l'extension naturelle du territoire de la Tunisie. Les espaces
sous-marins relevant de la Libye et ceux qui relèvent de la Tunisie ne
peuvent donc êtredéfinis àl'aidedecritèresque l'on dégageraiten déter-
minantl'étendue duprolongementnatureldel'une desPartiespar rapport
au prolongement naturel de l'autre. Enlaprésenteespèce,dans laquelle la
Libye et la Tunisie fondentl'une etl'autre leur titre au plateaucontinental
sur un prolongementnaturel commun à leurs deux territoires, la définition

des étenduesde plateau relevant de chacundes deux Etats doit êtrerégie
par d'autres critèresde droitinternationalque ceuxqu'onpourrait tirer des
caractéristiquesphysiques.
68. En concluantquelastructure physique du blocpélagienentant que
prolongementnaturel commun aux deux Parties ne comporte aucun élé-
mentqui vienneromprel'unitéduplateaucontinental,laCour n'exclutpas
forcémentquecertainesconfigurations géomorphologiquesdu fond de la
mer, ne constituant pas vraiment des interruptions du prolongement
naturel d'une Partie par rapport au prolongement de l'autre, puissent
néanmoinsêtreretenuesaux fins de ladélimitation,comme circonstances

pertinentes propres a la régionau sens de l'article 1,premier alinéa,du
compromis en la présente espèce. En pareil cas, cependant, l'élément
physique du prolongementnaturel n'estpasconsidérécomme la base d'un
titre juridique mais comme l'une des circonstances à retenir en tant
qu'élémentd'une solution équitable. Dans la logique du présent arrêt,
l'existence de configurations semblables dans le plateau continental
unique que constitue le bloc pélagiendoit donc êtreappréciéeen liaison
avec l'examen des circonstancespertinentes propres à la région.Cepen-
dant la Cour examinera d'abord la question des principes équitables

applicables à la délimitation de zones de plateau et spécifiésdans le
compromis comme devant êtrepris en considération dans la présente
instance.

69. En faisant valoir leurs moyens devant la Cour, les deux Parties ont
traitédu senset de laportéedesprincipes équitables(dupoint de vue dela

délimitation à effectuer en l'espèce)en liaison étroiteavec le principe du
prolongementnaturel ;ellesse sont moins arrêtée s la question de savoir
quels étaientles principes équitablesdont il fallait tenir compte. Selon la
Tunisie, cependant, <(les (principes équitables u ne sont pas l'équitéau
sens large, mais supposent une délimitation équitable respectant dans
toute la mesure du possible la situation physique réelle - c'est-à-dire le
prolongementnaturel du territoire de chacune desParties >)et (l'équitéa
pour fonction d'assurer une solutionjuste dans des circonstances géogra-
phiques particulières, et de les refléter fidèlement >).Dans son contre-
mémoire,la Tunisie a inséré unenouvelle conclusion ainsi rédigée : PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 59

(Ladélimitationdoit aussis'opérer conformément à des principes

équitables et compte tenu de toutes les circonstances pertinentes
propres à l'espèce,étantentenduqu'un équilibredoitêtreétablientre
les diverses circonstancespertinentes, afin de pamenir à un résultat
équitable, sans refaire la nature.))

Les conclusions de la Libye, depuis le débutde l'instance, comportent le
paragraphe suivant :

(Une délimitation mettant en pratique le principe du prolonge-
mentnaturel est unedélimitationqui respecteles droitsinhérentsipso
jure de chaque Etat, et l'affirmation de ces droits est par conséquent
conforme à des principes équitables. >>

Cela correspond àl'affirmation essentielle de la Libye, déjàexaminéepar

la Cour, suivant laquelle (une délimitationcompatible avec le fait phy-
sique du prolongementnaturel ne saurait en aucuncas êtreinéquitable )>.
La Libye estime que, dans la présente affaire, comme dans celles du
Plateau continental de la mer du Nord,les principes équitablesnejouent
aucun rôle quand il s'agit de déterminerles zones de plateau continental
pertinentes en partant de la notionjuridique de prolongementnaturel et
que c'estseulement dans les zones marginales en litige entre des Etats que
le titrepeut sefonder sur leprolongement naturel corrigépar lesprincipes
équitables. Chacune des Parties a aussi expliquépour quelles raisons la

délimitation qu'elle préconise estéquitable, eu égardaux circonstances
pertinentes, alors que celle de son adversairene le serait pas.
70. La Cour, s'estimant tenue de statuer en l'espècesur la base de
principeséquitables,doit commencer par rechercher cequeprescriventces
principes, séparésde la notion de prolongement naturel, dont elle a dit
qu'elle ne s'applique pas à la délimitation en cause. L'application de
principes équitables doit aboutir à un résultat équitable.Cette façon de
s'exprimer, bienquecourante, n'estpasentièrementsatisfaisante,puisque
l'adjectif équitablequalifieà la fois le résultaàatteindre et les moyens à

employer pour y parvenir. C'est néanmoins le résultat qui importe :les
principessont subordonnés à l'objectià atteindre.L'équitéd'un principe
doitêtreappréciéed'après l'utilitqé u'ilprésentepour aboutir àun résultat
équitable.Tousles principes ne sont pas ensoiéquitables ;c'estl'équitéde
lasolutionquileurconfèrecette qualité.Lesprincipes qu'ilappartient àla
Cour d'indiquer doivent êtrechoisis en fonction de leur adéquation àun
résultatéquitable.Il s'ensuitquel'expressionprincipeséquitablesne saurait
être interprétée dans l'abstrait; elle renvoie aux principes et règlesper-
mettant d'aboutir àun résultatéquitable.C'estbien ainsi quel'entendait la

Cour quand elle a dit, dans son arrêtde 1969 :

(<C'estunevéritépremière de direquecettedéterminationdoitêtre
équitable ;le problème est surtout de définirles moyens par lesquels la délimitation peut êtrefixéede manière à être reconnuecomme
équitable.))(C.I.J. Recueil 1969,p. 50, par. 92.)

71. L'équité en tant quenotionjuridique procèdedirectement de l'idée
dejustice.LaCour, dont latâche estpar définitiond'administrerlajustice,
ne saurait manquer d'en faire application. Dans l'histoire des systèmes
juridiques, leterme équité a serviàdésignerdiversesnotionsjuridiques. On
a souvent opposél'équité aux règlesrigidesdudroitpositif,dont la rigueur

doit être tempéréepour que justice soit rendue. Cette opposition est
généralementsans équivalentdans l'évolutiondu droit international ;la
notionjuridique d'équitéest unprincipe générad lirectementapplicable en
tant que droit. De plus, en appliquant le droit international positif, un
tribunal peut choisir entre plusieurs interprétations possibles celle quilui
paraîtla plus conformeaux exigencesdelajustice dans lescirconstances de
l'espèce.11faut distinguerentre l'application de principeséquitables et le
faitderendre unedécisionexaequoetbono,cequelaCour nepeutfaireque
si lesParties en sont convenues (art. 38,par. 2, du Statut).En pareil cas la

Cour n'a plus à appliquer strictementdes règlesjuridiques, lebut étant de
parvenir à un règlement approprié. La tâche de la Cour est ici toute
différente: elledoit appliquer les principes équitablescomme partie inté-
grante du droit international et peser soigneusement les diverses considé-
rations qu'ellejuge pertinentes, de manière à aboutir à un résultat équi-
table. Certes, il n'existe pas de règles rigides quant au poids exact à
attribuer à chaque élémentde l'espèce ; on est cependant fort loin de
l'exerciced'unpouvoir discrétionnaireou dela conciliation. Ilne s'agitpas
non plus d'un recours à lajustice distributive.

72. La Cour a ainsi examinéla question des principes équitables,qui

non seulement sont lepremierdes troisfacteurs àprendreenconsidération
mentionnésdans le compromis, mais revêtent,ainsi que la Cour l'a sou-
ligné,une importanceprimordiale en matière de délimitation du plateau
continental ; la Cour a égalementtraité du troisièmefacteur citédaris le
compromis, à savoir les<(nouvelles tendances acceptées ))àla troisième
conférencesur le droit de la mer. Il faut maintenant en venir au deuxième
facteur, celui des<(circonstancespartinentes propres à la région H ;et là
aussi,ce n'est pas simplement parce que le compromis en fait état que la
Courdoit en tenir compte. Ce qui est raisonnableet équitabledansun cas

donné dépend forcémentdes circonstances, et à coup sûr il est virtuelle-
ment impossible, dansunedélimitation,d'aboutir àune solutionéquitable
enméconnaissantles circonstances propres àla région.Les Parties recon-
naissent l'uneetl'autre quelesprincipeséquitablesimposent deprendre en
considérationles <circonstancespertinentespropres à la région))mais ne
s'accordent pas sur cequ'ellessont.De plus lecompromisdonne à laCour
mission de rechercher lescirconstances pertinentes et d'enévaluerlepoids
relatif afind'aboutirà un résultatéquitable.De toute évidence,danscette recherche la premièreétape - qui est aussi l'étapeessentielle- consiste à
définiravecplus de précisionlazone enlitige entre lesParties etla région à

prendre en considération aux fins de la délimitation.

73. Il importe de rappeler tout d'abord que c'est l'Etat côtier qui est
titulaire de droits exclusifs sur les zones sous-marines. Le lien géogra-
phique entre lacôteet leszonesimmergéesqui setrouventdevant elleestle
fondement du titrejuridique de cetEtat. Ainsi quela Cour l'aénoncédans
les affaires du Plateau continental de lamerduNord leplateau continental
est un conceptjuridique à propos duquel (on applique le principe quela
terredominela mer ))(C.I.J. Recueil1969,p. 51,par. 96).Dans l'affairedu

Plateau continentalde la mer Egéela Cour a soulignéque :
(cen'est qu'enraisondela souverainetéde l'Etat riverain surla terre
que des droits d'exploration et d'exploitationsurleplateau continen-
tal peuvent s'attacherà celui-ci ipsjure en vertu du droit internatio-

nal. Bref les droits sur le plateau continental sont, du point de vue
juridique, à la fois une émanation de la souverainetéterritoriale de
1'Etat riverain et un accessoire automatique de celle-ci. ))(C.I.J.
Recueil 1978,p. 36, par. 86.)

Ainsi qu'ilaétéexpliqué àproposdu prolongement naturel, c'estla côtedu
territoire de'Etat qui est déterminantepour créerle titre surles étendues
sous-marinesbordant cette côte. C'est I'adjacence au territoire de 1'Etat
côtier qui est le critère primordial de définitiondu statut juridique des
zones immergées,par opposition aleurdélimitation,sans égard aux divers
éléments ayantconcouru àl'extension deceszones à mesure que lesrègles
du droit international évoluaient.

74. C'est donc en partant de la côte des Parties qu'il faut rechercher
jusqu'où les espaces sous-marins relevant de chacune d'elles s'étendent
vers le large, ainsi quepar rapport aux Etats quileur sont limitrophes où
leur font face. Les seuleszonesquipuissentintervenir dans la décisionsur
lesprétentionsde la Libyeet de la Tunisie au plateau continentalbordant
leurscôtes respectivessont cellesquipeuvent êtreconsidéréescommeétant
au large, soitde la côtetunisienne, soit delacôte libyenne.Prisesensemble
ellesreprésententla région à prendre encomptepour la décision.La zone
litigieuse où les prétentions s'entrecroisent est la partie de cette region

globale qui peut êtreconsidéréecomme étant à la fois au large de la côte
libyenne et au large de la côte tunisienne.

75. Néanmoins,pour délimiterleplateau entre lesParties il n'y apas à
tenir compte de la totalitédes côtes de chacune d'elles ; tout segment du
littoral d'une Partie dont, en raison de sa situation géographique,le pro-
longement ne pourrait rencontrer celui du littoral de l'autre Partie est à
écarterde la suiteduprésentexamen.Lescartesmettenten évidence,surla
côte de chacune des deux Parties, l'existence d'un point au-delà duquel
ladite côte ne peut plus avoir de lien aveclescôtes del'autre Partie aux fins PLATEAU CONTINENTAL (ARRÈT) 62

de la délimitationdesfonds marins. Au-delà de cepoint, lesfondsmarins
au large de la côte ne peuvent donc pas constituer une zone de chevau-
chement des extensions du territoire des deux Parties et, de ce fait, n'ont
aucunrôle àjouer dansladélimitation.De l'avisdelaCour,dans leprésent
contexte lepoint limitesurlacôtetunisienne estRas Kapoudia ;surlacôte

libyenne c'estRasTadjoura. La Cour nepeut donctenir comptedesfonds
marins du bloc pélagienau-delà de ces points. Quant aux limites vers le
large de la régionà considérer auxfins de la délimitation,ellesimportent
peu pour le moment ; ellesne seront envisagéesqu'à propos du critèrede
proportionnalité, et devront alors êtreprécisées.La conclusion suivant
laquelleendroit ceszonesn'entrent pas enjeu dansla délimitationentre les
Parties n'autorise cependant pas à conclure, par une sorte de corollaire,
que toute la région limitéed'une part par les côtes des deux Etats et, de
l'autre, par ces limites vers le large serait diviser entre la Libye et la
Tunisieexclusivement.Ainsi qu'ilaétéditplushaut,ladécisionenl'espèce
ne doit pas préjugerles droits que d'autres Etats riverains de la mer

pélagiennepourraient faire valoir dans lespartiesnord et nord-est de cette
région.

76. Les deux Parties comprennent naturellement parmi les éléments
qui,d'aprèselles,sont à prendre en considérationcomme (circonstances
pertinentespropres à la région )ce quel'arrêtdela Courdans lesaffaires
du Plateau continental de la mer du Nord a appelé (la configuration
générale des côtes des Parties et la présencede toute caractéristiquespé-
cialeou inhabituelle (C.I.J. Recueil1969,p. 54,par. 101D 1)).Dans ses

conclusions,la Tunisie a citécommecirconstancespertinentes la présence
d'îles,d'îlotset de hauts-fondsdécouvrantsfaisantpartie de la côte est du
pays ; le fait que les courbes bathymétriques de la régionen reflètent la
structure physique et géologique ; l'effetd'amputation quipourrait résul-
ter pour la Tunisie de l'angulation particulière du littoral tuniso-libyen,
combinéavec la situation du point frontière sur la côte ;les irrégularités
qui caractérisentlescôtes tunisiennes, comparées à la régularitégénérale
descôteslibyennesdansla zone à délimiter; lasituation delaTunisie,face
à des Etats dont les côtes sont peu éloignées des siennes, et les effets de
toutedélimitationexistante oufuture aveccesEtats. LaTunisiea aussifait

mention dans sespiècesdeprocéduredes droits historiques qu'elle reven-
dique et affirmé que dans certains cas les circonstances pertinentes
peuvent comprendredes élémentstrès divers, à savoirlesparticularitésde
nature économiqueet historique aussibien que lesfacteurs géologiqueset
géographiques.La question de l'effetd'amputation ne sepose quedans le
contextedel'application d'uneméthodededélimitationgéométrique,telle
quel'équidistance,oùla lignede délimitationest directementfonction de
points sur lescôtes en cause, ou encorea proposd'une lignetracée àpartir
du point frontière dans une direction préétablie,comme la ligne vers le
nord préconisée par laLibye. La Cour n'ayant pasretenu cette ligne,et laméthodede l'équidistancen'étantpas applicableen l'espèceainsi qu'on le
verra plus loin, l'effet d'amputation n'est pas, en l'occurrence, une cir-
constance pertinente.
77. La Libye, quant à elle, se fait des circonstances pertinentes une
conception plus étroite, et n'en invoque essentiellement que deux : la
structure géologiquedu plateau et son lien avec la masse terrestre adja-
cente, et la configuration géographique des côtes.Pendant les plaidoiries,
un conseil de la Libye a mentionné plusieurs autres circonstances ou

facteursparticulièrementimportants, en les divisanten six catégories :le
fait qu'il s'agisse de deux Etats limitrophes, séparés par une frontière
terrestrededirection générale nord-sud ;lefaitquela zoneenquestion soit
une zone de plateau continue,decaractère essentiellementhomogène ;la
configuration générale des côtesdes Parties ; l'existence de segments de
côte sans pertinence en l'espèce - et, corrélativement,la question des
délimitationseffectives ou prévues avecdes Etats tiers de la mêmerégion ;
l'existence d'uncertainnombre de texteslégislatifsadoptésparles Parties
au sujet de la pêche,de la mer territoriale et des concessionspétrolières ;
enfin,la présencede champs pétrolifèresetde puits depétroledanslazone

à considérer.
78. Si le premier segment de la côte tunisienne, à l'ouest de Ras Ajdir,
suitapproximativement, sur une certainedistance,la mêmedirectionque
la côte libyenne, la caractéristiquela plus marquante de cette côte prise
dansson ensemble, caractéristiquedont les Parties ont longuement débat-
tu, est que plus loin ellechange dedirectionpour s'orienter grossomododu
sud-ouest au nord-est. Cet aspect de la situation géographiquedans la
régionconcernée par la décision estjuridiquement important, dans le
présent contexte de l'application des principes équitables,comme étant
l'une descirconstancespertinentespropres à la région.Cechangement de
direction peut êtreconsidérécomme modifiant la situation de contiguïté

des deux Etats, même s'in le va pas, de toute évidence,jusqu'à en faire,en
droit, des Etats se faisant face.
79. L'ensemble d'(<îles, îlots et hauts-fonds découvrantsqui sont une
partie constitutive du littoral tunisien >),visédans les conclusions tuni-
siennes,est une caractéristiquetouchant de prèslaprétentionde laTunisie
à des droits historiquesrelatifs aux pêcheriesfixes et sédentairesde cette
région,sur laquelle la Cour reviendra plus loin. Indépendammentdecette
question,cependant, la présencedel'île deDjerba et des Kerkennah avec
leurs hauts-fonds découvrantsreprésente une circonstancequi est mani-
festement à prendre en considération. La Libye a soutenu que :

(<dans la définition de la direction générale des côtes, ily aurait lieu
d'omettre l'île de Djerba, qui constitue manifestement un élément
exceptionnel dont l'inclusion entraînerait d'inutiles complications.
De mêmei,lconviendraitd'exclure lesîlesKerkennah, qui n'occupent
guère plus de 180kilomètres carrés. ))

Cetteobservationa été faiteà propos de la question, soulevéed'abord par
la Tunisie, de savoir si l'un ou l'autre des deux Etats est favorisé oudéfavorisépar la nature pour ce qui est de la configuration de sa côte -
argumentquela Cour n'estimepar pertinent puisque, mêmesil'on admet

la possibilité d'avantagesou d'inconvénientsnaturels, (<ce n'est pas à de
telles inégalitésnaturelles que l'équité pourrait porter remède u (C.I.J.
Recueil1969,p. 50,par. 91).Quoiqu'il ensoit,laCour nepeut accepterque
la prise en considération de Djerba et des Kerkennah soit exclue en
principe. La méthodepratique de délimitationquelaCour exposera par la
suite est telle en fait que, dans la partie de la zoneà délimiteroù l'îlede
Djerba aurait une incidence, d'autres considérationsviennent contreba-
lancer cet effet; en revanche, l'existenceet la situation des Kerkennah et
des hauts-fonds découvrants qui les entourent est un fait important.

80. La Cour a déjà évoqué au paragraphe 68 ci-dessusla possibilitéde
considérercomme circonstancespertinentes,pour parvenir à une délimi-
tation équitable,certainesconfigurations géomorphologiquesdu fond de
la mer ne constituant pas vraiment une interruption du prolongement
naturel d'une Partie par rapport àcelui de l'autre. Il lui faut donc réexa-
miner de cepoint de vue lesparticularitésdu fond de la mer discutéespar
les Parties, telles que les rides de Zira et deZouara, le sillon tripolitain et
l'escarpement de Malte-Misratah (voir paragraphes 32 et 66). La princi-

pale particularité qui pourrait, selon la Cour, être priseen considération
comme circonstance pertinente est le sillon tripolitain. Comme il a été
indiqué,ce sillon n'est pas marquant au point d'interrompre la continuité
du bloc pélagien, prolongement naturel commun au territoire des deux
Parties,et de constituer (une véritablefrontière naturelle sous-marine )>.
Laplus grandepartie de cesillon,quiestaussi laplus notable d'unpoint de
vuegéomorphologique,s'étendau-delà deRasTadjoura,indiqué plus haut
commelimiteextrêmede la région àconsidérer auxfins dela délimitation.
Cetteparticularité et saposition - relativement prochede la côtelibyenne

et plus ou moins parallèle à cette côte - sont telles que,à moins que la
particularité en question vienne rompre l'unité essentielle du plateau
continental et désigneainsi une base de délimitationfondée sur la sépa-
ration desprolongementsnaturels, il seraitinapproprié del'inclureparmi
les facteurs à soupeser pour aboutir à une délimitation équitable.

81. Les (circonstancespertinentes propres à la région )> ne sont pas

restreintes aux donnéesde la géographie et de la géomorphologie,qu'il
s'agisse d'interpréter le compromis ou d'appliquer le principe d'équité
exigeant quetoutes les circonstancespertinentes soientconsidéréesO . utre
l'existence et les intérêtdes autres Etats de la régionet les délimitations
actuellesoufuturesentre lesPartieset cesEtats, ilimporte denepasperdre
de vue l'emplacement de la frontièreterrestre, ou plus précisémentde son
intersection avec la côte, en tant qu'élément à prendre en compte. A cet
égard,la Cour doit, en la présenteespèce,examiner diverseslimites mari-
times qui seraient censéesrésulterde la conduitedes Etats intéressésE . lledoit en outre tenircompte commeil convient des droits historiques reven-
diquéspar la Tunisie ainsi que des diverses considérationséconomiques
dont l'une ou l'autre des Parties a soulignéla pertinence.

82. L'absence de frontières maritimes officiellementreconnues par les
Parties est l'une des difficultésde la présente affaire, la délimitation du
plateau continental devant commencer à la limite extérieure de la mer
territoriale, en application d'un principe de droit international énoncéà

l'articlepremier de la conventionde Genèvesur leplateau continental de
1958et àl'article76,paragraphe 1,du projet de conventionsur le droit de
la mer. Commeil n'yajamais eu d'accord entre la Tunisie et la Libye surla
délimitationdes eaux territoriales, des zones contiguës, des zones écono-
miques exclusiveset du plateau continental,une frontièreterrestre incon-
testéepar lesParties et résultantd'une convention est une circonstance de
la plus haute pertinence.
83. Le tracé actuel de la frontière terrestre remonteà 1910.Les deux
paysavaientétéantérieurementsouslasuzerainetéturque depuis la moitié
du XVIesiècle.Jusqu'en 1881,annéeau cours de laquellelaTunisie devint
un protectorat français,lafrontière entre la Régencede Tunis et levilayet

de Tripoliétait simplement une limite interne entre deux circonscriptions
de l'Empire ottoman. En 1886et 1892des contactsfurent établis entre la
Franceet laTurquie envued'aboutir àunedélimitation.Pourfinir,la ligne
frontière, qui aboutissaitjusque-là au fort situéau milieu de la lagune
d'El-Biban, à l'embouchurede l'oued Fessi, fut déplacée versl'est,dansla
direction de l'oued Mokta, pour être établiede facto à son emplacement
actuel,à Ras Ajdir ;finalementla (convention relative àlafrontièreentre
la Régencede Tunis et le vilayet de Tripoli ))fut conclue le 19mai 1910
entre le bey de Tunis et l'empereur des Ottomans. D'après l'article 1 de
cetteconvention, la premièrepartie de la ligne suitune direction générale
nord-sud ;un simple coup d'Œilsur la cartejointe à la conventionpermet

cependant de constater que la direction généralede la ligneentièreserait
plutôt nord-est/sud-ouest.
84. La convention entra dûment en vigueur et la frontière ainsi établie
devint la frontièreentre la Régencede Tunis sousprotectorat françaiset la
colonie italienne de Tripolitaineaprèsla cession de cettedernièreàl'Italie
par la Turquie. Après la décolonisation, la frontière de 1910 devint la
frontière entre les Etats indépendants de Tunisie et de Libye. Elle avait
d'ailleurs étéexpressément confirméepar le traité d'amitiéet de bon
voisinageconclule 10août 1955entrela Républiquefrançaise(au nom de
laTuniSie) etleRoyaume-Uni de Libye,lequel àsontour fut implicitement

avalisépar le traité de fraternité et de bon voisinage conclu entre le
Royaume de Libye et le Royaumede Tunisie le 7janvier 1957,lui-même
amendéet complétépar la conventiond'établissementdu 14juin 1961et
expressémentconfirmépar échangede lettres au moment de la signature
de cette dernière. La frontière a donc survécuà toutes les vicissitudesdesdeux guerres mondides, et elle illustre bien l'application du principe
proclamédans la résolution du Caireadoptée en 1964par l'organisation
del'unité africaine,aux termes de laquelle (tous les Etats membres s'en-
gagent à respecter les frontières existantesen accédant à l'indépendance
nationale o. La mêmerègle de continuitéips oure destraitésdefrontièreet
destraitésterritoriaux est reprisedans la convention deVienne de 1978sur
la successiond'Etats enmatièrede traités.La permanence et lastabilitéde
la frontière terrestre sont donc l'un des sujetssur lesquels les Parties sont

entièrement d'accord. Aucune d'ellesn'a contestéla frontière ;la Libye a
préciséque, si elle retraçait son histoireavant 1910,cen'était que (pour
mieux éclairerles tentatives de pousséeparallèlesversl'estde la Tunisie et
de la France qui se seraient produites plus tard dans le cas des zones
maritimes.
85. La Cour considère la conventionde 1910comme importante pour
l'examen de la présente affaireparce qu'ellea fixédéfinitivementla fron-
tièreterrestre entre lesdeux Etats. La Cour ne peut cependantfaire sienne
la conclusion qu'en tire le mémoirelibyen, à savoir que la(<limite vers le
large àpartir de Ras Ajdir continueou peut continuer ))en suivant versle

nordladirection delafrontièreterrestre. Lesdeux Parties s'accordentpour
reconnaîtrelapertinencedupoint dedépart de lafrontièreterrestre, cequi
ne fait que renforcer l'importance de Ras Ajdir comme repère essentiel.
Dans ce sens la Cour est d'avis que la convention de 1910constitue une
circonstancepertinente à prendre enconsidérationpour ladélimitationdu
plateau continental entre les deux Parties.
86. L'importancedeRas Ajdir est attestéeparlefait quecette localitéa
servi de point de départ dans le passélorsque les deux Parties se sont
efforcéesd'établir unilatéralementcertainesdélimitationsmaritimespar-
tielles. On relèvedeux tentativesde ce genre, qui se sont traduitespar des

lignes se projetant vers le large partir de Ras Ajdir :la ligne ZV (zénith
vertical) 45" nord-est, revendiquéepar la Tunisie ; et la ligne en direction
du nord prolongeant en mer le dernier segment de la frontière terrestre,
proclaméepar la Libye dans laloipétrolière no25 de 1955et la réglemen-
tation no 1qui s'y rattache. Ras Ajdir est aussi le point de départ de la
perpendiculaire à lacôte proposéepar l'Italie en 1914et de la lignedes 26"
verslenord-est àlaquelle lesParties sesont tenues enoctroyant despermis
et concessions de recherche et d'exploitation de ressources minérales de
1964 à 1972.
87. La Cour va maintenant examiner une à une les diverses lignes

mentionnéesau paragraphe précédent.Les deux premières n'ont pas été
expressémentconvenuesmais établiesunilatéralement àl'origine.LaCour
relève donc au départ qu'essayer d'établir unilatéralementdes limites
maritimes internationales sans tenir compte de la position juridique
d'autres Etats est contraire aux principes reconnus du droit international,
comme il ressort notamment des conventions de Genève de 1958sur le
droit de la mer,enparticulierla convention surla mer territoriale etlazone
contiguëet la conventionsur le plateau continental,qui stipulent que les
limites maritimesdoivent êtredéterminéesparaccord entre lesParties. Ceprincipe a été maintenu dans leprojet de conventionsur ledroit dela mer.
En 1951,la Cour a jugédans l'affaire des Pêcheries que :

La délimitationdesespaces maritimesa toujoursun aspectinter-
national ;ellene sauraitdépendredela seulevolontédel'Etat riverain
telle qu'elle s'exprimedans sondroit interne. S'ilest vraique l'acte de
délimitation est nécessairementun acte unilatéral, parce que YEtat
riverain a seul qualité pour y procéder, en revanche la validité de la
délimitation à l'égarddes Etats tiers relèvedu droit international. ))
(C.I.J. Recueil 1951, p. 132.)

88. La Ligne ZV 45" a été présentép ear la Tunisie comme étant le
dernier segment de la limite(fondée sur l'isobathe des 50 mètres et allant
jusqu'au parallèlede Ras Kapoudia au nord) de la zone où la Tunisie dit
avoir exercédes droits historiques sur les pêcheriessédentaires et autres
depuisdestempsimmémoriaux. Dans lespiècesdeprocédure tunisiennes,

il est affirmé à plusieurs reprises que la ligne ZV 45" tracée à partir du
point frontière de Ras Ajdir,selon un angle de 45" verslenord-est, jusqu'à
l'intersection avec l'isobathe des 50 mètres,a été établie par l'instruction
sur le service de la navigation et des pêchesmaritimes adoptée par la
direction des travaux publics le 31 décembre 1904.L'article 62 de cette
instruction définissaiten réalitéles zones de surveillancede la pêche aux
épongeset auxpoulpes à l'intérieurdesquelleslesautoritésadministratives
exerçaient un pouvoir exclusif de réglementation et de contrôle ; la défi-
nition de la quatrième zone visait (une ligne partant de Ras Ajdir et se
dirigeant verslenord-estjusqu'à la rencontre des fonds de 50mètres o.La
premièremention expressedela ligneZV45 " figuredans ledécrettunisien

du 26juillet 1951portant refontedela législationdelapolice etde lapêche
maritime, dont l'article 3b)viseexpressémentla ligneen questiondans les
termes suivants :
(b) du Ras Kapoudia àla frontièrede Tripolitaine, lapartie de la
mer limitéepar une ligne qui, partant du point d'aboutissement de la

ligne des 3 milles décriteci-dessus, rejoint sur le parallèle du Ras
Kapoudia l'isobathe des 50 mètreset suit cette isobathejusqu'a son
point de recontre avecune lignepartant du RasAjdir en directiondu
nord-est ZV 45" )).
89. Bien que se rapportant àune zone de pêcheexclusiveréservée aux

bâtiments battant pavillon français ou tunisien, le décret de 1951a étéla
véritablesourcelégislativedelaligneZV 45". La loitunisienne no62-35du
16 octobre 1962 a rapporté l'article 3 du décret de 1951 et institué un
nouveau régimepour la mer territoriale. De Ras Kapoudia jusqu'à la
frontièretuniso-libyenne, lamer territorialeétait constituéeparlesespaces
marins limitéspar une ligne qui, partant de l'extrémitéde la ligne de
12milles délimitant la mer territoriale de l'autre côté de Ras Kapoudia,rencontrait, sur leparallèlede Ras Kapoudia, l'isobathe des 50 mètres,et
suivait ensuitecetteisobathejusqu'à sonintersection avecune lignetracée
àpartir de RasAjdirdansunedirectionnord-est ZV 45". Cette disposition
fut de courte durée, la loi tunisienne 63-49 du 30 décembre 1963ayant
redéfinila mer territoriale comme allant

<(de la frontière tuniso-algérienne à la frontière tuniso-libyenne et
autour des lignes adjacentes, la partie de la mer comprise entre la
laisse de basse mer et une ligne parallèle tracée 6 milles au large,à
l'exception du golfe deTunis qui, à l'intérieurde la ligne cap Farina,
île Plane, île Zembra et cap Bon, est entièrementcompris dans ladite
mer o.

L'espaceendeçà de l'isobathe des 50mètres,comprisentre Ras Kapoudia
et l'intersection de cette isobathe et d'une ligne partant de Ras Ajdir en
direction du nord-est ZV 45", était décritcomme faisant partie d'unezone
réservée ((contiguë à la mer territoriale tunisienne telle qu'elleest définie
ci-dessus ..dans laquelle seuls les navires battant pavillon tunisien pour-
ront êtreautorisés à pratiquer la pêche )).
90. L'instruction de 1904faisait peut-être implicitementréférence à la

ligne ZV 45", mais celle-ci n'estexpressémentviséeque dans le décretde
1951.De toute manière, ces textes sont des actes unilatéraux, des dispo-
sitions législativesinternes,quin'ontjamais étéacceptésparla Libye. Une
correspondancediplomatiquementionnant la ligne des45" avant 1951est
citéedans les piècesde procédurelibyennes, mais cela ne fait que rendre
douteuse l'acceptation de la ligne par les Etats exerçant alors l'autorité
dans lesterritoiresavoisinants. La Cour estparvenue àlaconclusionque la
ligne tunisienne ZV 45" en direction du nord-est, d'abord simple limite
d'une zone de surveillance aux fins de règlementsde pêcheparticuliers,
traduit une prétention unilatéralemais n'ajamais ététracée à desfins de
délimitation maritime latérale,que ce fût en mer ou sur le plateau conti-

nental sous-jacent. Compte tenu de toutes les étapestraverséespar les
relations tuniso-libyennes jusqu'à la conclusion du compromis, la ligne
nord-est ZV 45" n'est pas opposable à la Libye, même à titre de simple
ébauchede frontière maritime entre les deux Etats.

91. LaTunisiea revendiquéunelimitemaritimesuivant la ligneZV 45"
dans le cadre d'une législationdestinée à protéger ses intérêts dans le
domaine de la pêche.C'est en revanche dans le contexte d'une législation

relativeauxhydrocarbures quela Libye a revendiquéune limitemaritime
tracée versle nord <(dans la direction généralede la frontière terrestre
établiepar laconvention de 1910 o.Le21 avril 1955,la Libye a adoptéune
loipétrolière(loino25de 1955),complétéeparlaréglementationpétrolière
no 1du 15juin 1955,qui ont été publiéesl'une etl'autre aujournal officiel
du Royaumede Libye ;la réglementation,adoptéeen vertu del'article 24
de la loi, prévoyaitla publication d'une carte officielle,jointeàla régle- mentation (<aux fins dela loi pétrolièrede 1955 O,sur laquelle (<les fron-
tières internationales, les zones petrolières et le quadrillage devaient
figurer. L'article de la loi de 1955divisait le territoire libyen en quatre
zones pétrolières ;l'article4, paragraphe 1,disposait :

(<La présente lois'applique aux fonds marins et au sous-sol au-
dessous dela mer territoriale et de lahaute mer contiguëquisont sous
lecontrôleetlajuridiction du Royaume-Unide Libye.Tous lesfonds
marins et sous-solsadjacents àune zone sont considérés auxfinsdela
présenteloi comme faisant partie de ladite zone. )>

Laréglementationcomplétaitla définitiondeszonesenvisagéesdans laloi.
La définitionde la zone qui présente de l'intérêitci (la province de Tri-
politaine)nefaisaitmention expresseni d'une frontièremaritimeni d'une
limite de plateau continental avecla Tunisie. Toutefois,la carte officielle

jointe à la réglementation,établie à la très petite échellede 1/2 000 000,
comporte une ligne en traits et en points (représentant les limites terri-
toriales)>)tracéevers le largeplein nord de Ras Ajdirjusqu'au bord de la
carte sur une distance de quelque 62,9milles. Une ligne analogue,attei-
gnantaussilebord delacarte maispluslongue dans sontracémaritime, est
également dirigée pleinnord depuis la frontière avec l'Egypte.
92. Laloietlaréglementation quilacomplètentsont desacteslégislatifs
purement internes, visant à définir,à l'usageintérieur,deszones aux fins
desactivitéslibyennesde prospection et d'exploitationpétrolière ;laLibye

elle-mêmeayant reconnu à l'audience que la loi ne visait pasà opérerun
<<acte de délimitation )>on pourrait difficilement y voir ne serait-ceque
l'expression d'une prétention unilatéralerelative à des limites maritimes
latéralesaveclaTunisie. De plus,le paragraphe 1 del'article4 de la loifait
référence <aux fonds marins et au sous-solau-dessous de la mer territo-
rialeetde lahaute mer contiguë quisont souslecontrôleetlajuridiction du
Royaume de Libye ));rien ne prouve que la Libye ait revendiqué le
contrôleetlajuridiction sur unezone contiguëd'environ 50 millesau-delà
de la mer territorialeavant l'adoption de la loi. D'autre part et surtout,on

nedécouvreparmi lesfaitsde l'espèceaucun indiced'acquiescement à une
telle délimitationde la part dela Tunisie ;enréalité,l'attitudede cepays
exclut toute idée d'acquiescement. Il ne fait pas dedoute qu'en adoptant,
en 1955, la loi pétrolièreet la réglementation pétrolièreno 1, la Libye
entendait revendiquer desdroits souverains sur lesressources du plateau ;
mais le simple fait d'indiquer la ligne en question sur une carte n'est pas
suffisant, même pour concrétisersurleplan desrelationsinternationales la
revendication formelle d'une limite maritime ou d'une limite de plateau
continental. AussilaCour conclut-elle quela ligneviséedansla législation

libyenne de 1955n'est pas opposable àla Tunisie, quela ligneZV 45" NE
n'estpas opposable àla Libye,et qu'aucune de cesdeuxlignesnepeut être
prise en considérationaux fins du présentarrêt. 93. De l'avis de la Cour, une autre ligne a réellementun effet sur les

questions qui l'occupent : il s'agit de la troisième ligne mentionnée au
paragraphe 86,autrementditla ligne ((normale ))ou ((perpendiculaire ))à
la section de la côte où commence la frontière terrestre. D'aprèsla Libye,
cette ligne trouve son origine dans l'attitude de l'Italie, quand celle-ci,
ayant succédé à la Turquie dans l'exercice de la souveraineté sur la
Tripolitaine, refusa d'accepter la ligne des 45" comme limite latéraledes
zones de pêchemaritime revendiquéespar les autorités du protectorat

voisin. Un incident de 1913, au cours duquel un torpilleur italien
arraisonnatroisbateauxdepêchegrecsdansunsecteurqui,d'aprèslaTunisie,
se trouvaitdans la zone délimitéepar la ligne ZV 45O,fut l'occasionpour
l'Italie de proposer une ligne de démarcation entre les bancs d'éponges
libyens et tunisiens, perpendiculaire à ceque l'onestimaitêtrela direction
de la côte à Ras Ajdir. De toute manière,l'Italie officialisa cette ligne de
délimitation,quiacquit le caractèred'une sortede modus vivenditacite, en
adoptant en 1919desinstructionspour la surveillance de la pêcheen mer

dans les eaux de Tripolitaine et de Cyrénaïque, aux termes desquelles :
((En cequiconcernelafrontièremaritimeentrelaTripolitaine etla
Tunisie, il a étéconvenu d'adopter comme ligne de délimitation la
perpendiculaire à la côte tiréeau point frontière soit, dans le cas

présent, la direction approximativenord-nord-esten partant de Ras
Ajdir.
94. Pour éviterles frictions tenant à la difficulté d'établir laposition
exacte d'un navire étranger à proximité de la frontière, les autorités ita-

liennescréèrent,auxdeuxextrémitésdescôteslibyennes,unezonetampon
de 8 milles ou les bateaux battant pavillon étrangernon détenteursd'une
licence des autorités italiennes étaient passibles d'une mesure d'éloigne-
ment,maisnon de saisie. Pendant la procédureorale, les deux Parties ont
reconnu qu'un compromis defactoou unesolutiontransitoire avait résulté
del'instauration de cette zone tampon et était restélongtempsen vigueur,
sansincidentni protestation de part et d'autre. La ligne fut réaffirméeen
1931par lesautoritésitaliennesde Libye.Telle étaitdoncla situation à cet

égardau moment ou les deux Etats accédèrent à l'indépendance.L'angle
exact d'inclinaisondela (<normale ))ou (<perpendiculaire n'ajamais été
précisédans les règlements italiens, qui mentionnent simplement une
perpendiculaire à la côte (de direction approximativenord-nord-est )).

95. La Cour considèreque les éléments relatifs à un tel modus vivendi,
reposant uniquementsur le silence ou l'absencede protestation des auto-

ritésfrançaises responsables des relations extérieuresde la Tunisie, ne
suffisentpas àprouver l'existenced'unelimitemaritimereconnueentre les
deux Parties. D'ailleurs la Libye ne paraît pas soutenir réellementque la
ligne avait ce statut ; sa position serait plutôt que les preuves attestant
qu'une ligne semblable était, dans une certaine mesure, appliquée ou
respectée,ôtent toute crédibilité à la ligne ZV 45". Toutefois, à défautde
limites maritimesétablies d'un commun accord ou clairement définies,lerespect du modus vivenditacite, qui,pendant fort longtemps, n'ajamais été
officiellement contesténid'un côténide l'autre, autoriseraità y voir une
justification historique dans le choix de la méthodede délimitation du
plateau continental entre les deux Parties, les droits historiques revendi-
quéspar la Tunisie n'étant pas,de toutefaçon,opposables àla Libyeà l'est
de la ligne de modus vivendi.

96. Pourfinirsur cesujet,laCour nepeut manquer dereleverl'existence
d'une ligne defacto se projetant de Ras Ajdir vers le nord-nord-est,àun

angle de 26" environ,qui concrétisela manièredont les deux Parties ont
octroyé àl'origine des permis ou concessions pour la recherche ou l'ex-
ploitation d'hydrocarbures en mer. Cette ligne entre desconcessions adja-
centes, quia étéobservéetacitemenp tendant des annéeset qui coïncide en
outre à peu près avec la perpendiculaire à la côte au point frontière
appliquée dans le passé comme limite maritime defacto, paraît êtreà la
Cour d'une grande pertinence pour la délimitation. Cette question se
rattachant étroitement à cellede laméthodepratique àemployer, la Cour
examinera lanature etla genèsedela lignequand elleenviendra à lapartie
de l'arrêt relativà cette méthode.

97. Il convientd'examiner àprésentun autrefacteurimportant auxfins
de la délimitation, savoirl'existence,devant lescôtes de laTunisie, d'une
zone sur laquelle celle-ci revendique des droits historiques résultant de
pêcheriestrèsanciennes. A cet égard,il importera en outre de rechercher
quelles sont les zones auxquelles la Tunisie attribue un caractère d'eaux
intérieures ou d'eaux territoriales, et en particulier les lignes de baàe
partir desquelles la largeur desdites eaux territoriales est mesuré; ces
lignesde basesont, d'aprèslaTunisie,justifiéespar lesliensdesdites zones

avecle <domaineterrestre 1)qui sont dusà l'existence des pêcheriesfixes
en question. Selon la Libye, ces lignes de base
<ne sontpas opposables à la Libye auxfinsdela délimitation et leur
applicationconduirait de toute manièreà desrésultatsinappropriéset
inéquitablesD.

La Libye estime que, pour comparer les zones de plateau continental en
appliquant lecritèredeproportionnalité,c'estde <toutel'étenduedufond
et du sous-sol de la mer au-delà de la laisse de basse >)de chaque Etat
qu'ilfaut tenir compte. Des calculs ont écommuniqués à laCour,dont il
ressort que lefaitd'inclure ou d'excluàecettefin leszonestraitéescomme

eaux intérieuresoueaux territoriales par laTunisie modifie trèsnettement
lerapport résultant de toute lignededélimitationenvisageable.La Tunisie
affirmeque ses lignes de base sont en tout état decause opposables à la
Libye, celle-cin'ayant pas protestéen temps utile, et soutient en outreque PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 72

leur ((justification principal)>est qu'ellesrattachent aux eaux intérieures
de laTunisie l'ensemblede la zone maritimequi couvrelespêcheriesfixes.
Dans ces conditions, il paraît opportun d'examiner la question des droits
historiques, celle des lignes debase et celle du critèredeproportionnalité
dans leurs rapports mutuels.
98. Les droits historiquesque revendique la Tunisierésultent de l'an-

cienneté des intérêts etactivitésde sa population pour ce qui est de
l'exploitation des pêcheries situées aularge de ses côtes,en mer Méditer-
ranée et sur le fond de cette mer : exploitation des bancs superficiels
proches du rivage, par installations fixes destinéesàla pêchedes espèces
mobiles,et exploitationdes bancs plusprofondspour lapêchedesespèces
sédentaires, à savoir les éponges. Selon la Tunisie, l'anciennetéde cette
exploitation et l'exercicecontinu tant de droits de propriété surlespêche-
ries fixes par la population tunisienneque de droits de surveillance et de
contrôle - équivalant à l'exercicededroits souverains - sur lesdeux types
de pêcheriespar les autoritéstunisiennes, à quoi s'ajoutent la toléranceet

l'acceptation au moins tacite de ces droits par d'autres Etats, font que la
Tunisie a acquis des droits historiquessur une grande étendue de fonds
marins. Aussi la Tunisie affirme-t-elle que la délimitation du plateau
continentalentrela Libyeet elle-même ne doitenaucunpoint empiétersur
la zone à l'intérieurde laquelle elle possède des droits historiques. La
Libye,pour sapart, récusedefaçon générale,commeon l'avuplushaut,la
~ossibilitéd'exclure certaines zones de fonds marins aux fins de la déli-
mitation, et ajoute que, dans la mesure où la zone ainsi revendiquée
risquerait d'empiéter sur le prolongement naturel du territoire terrestre
libyen,lesactivitésdepêched'un Etat ne peuvent enprincipe prévaloirsur
les titres inhérents et ab initi do'un autre Etat sur son prolongement

naturel. Enfin, sans nier l'existence des activitésde pêche invoquéesl,a
Libye conteste que les droits revendiquéspar la Tunisie équivaillent à
l'exercice de la souveraineté, qu'ils aient porté sur une zone unique,
homogèneet définissable,etaientétéinternationalementreconnus comme
le voudrait la Tunisie.
99. Bon nombre des arguments avancéspar la Tunisie au sujet de ses
pêcherieshistoriques visaient à souligneret à illustrer le parallèleentrela
reconnaissance,en droit contemporain, des droits de 1'Etatcôtier sur son
extension naturelle sous la mer et lefait que,d'après la Tunisie, des Etats
tiers auraient reconnu sesdroits surlesbancs et hauts-fondssituésau large
de sescôtes,qui ontpu, grâce à leur situation géographiqueexceptionnelle,

êtreexploitésplusieurs sièclesavant que la notion de plateau continental
n'acquît uneportéeéconomiqueetjuridique. La Tunisie dit avoir exercésa
souverainetésur ces régions etcite àcet égardcertains actes législatifset
autres preuves de l'exercice de droits de surveillance et de contrôle qui
remonteraient aussiloin que lamémoirehumaine.Cesdroits, assure-t-elle,
sont reconnus depuis des sièclespar les Etats tiers. Elle ajoute que l'ac-
quisition par des ressortissants tunisiens de droits de propriétésur les
pêcheriesfixes est àla fois la conséquenceet la preuvede la souveraineté
ainsi exercée ; quant aux pêcheriessédentaires, si elles ont été parfoisexploitéespar des étrangers, ce fut en vertu de permis ou de patentes
délivréspar les autorités tunisiennes ou dans les conditions fixéespar
celles-ci.Toutes ceszones ont été présentées commeconstituant deszones

de droits historiques )) au sens du droit international coutumier. L'ar-
gumentationtunisiennesur cepoint semble tendresurtout à souligner que
l'exploitationdes îles et des hauts-fondsqui les entourent prouvent qu'ils
appartiennent àla masse terrestretunisienne et en sont desextensionssous
la mer - en fait, que les étenduessituées aulargereprésentent une (Tu-
nisie immergée )>.La Tunisiesoutient qu'ily a une coïncidence frappante
entre le statut des((pêcheriessédentairestunisiennes etleurinsertiondans
la théoriedu plateau continental ))et estime quecette coïncidence devrait

avoir un effet sur la délimitation du plateau. Selon elle :
<(les titres historiques que la Tunisie a acquis au long des siècles
sont ..venus anticiper sur l'apparition du conceptjuridique de pro-

longementnaturelet,après l'avènementdans ledroitinternational de
cette notion, ces titres sont ..venus révélerune partie du prolonge-
ment. Loin de nier le prolongement naturel, ils lui apportent la plus
belle illustration ..tiréede l'histoire. >)

La Tunisie s'efforce enoutre de prouver que :
((la délimitation du plateau continental doit ..logiquement tenir

compte dela situation objectivecréée depuis destempsimmémoriaux
par les droits historiques de la Tunisie dans le golfe de Gabès et qui
sont ainsi l'une des manifestations les plus anciennes et les plus
naturelles du prolongement naturel o.

LaCour estimeque, s'ilestvrai quecertaines deszones en questionnefont
pas partie du plateau continental au sensjuridique, celui-ci commençant
au-delà de la mer territoriale, les fonds des eaux intérieures en deçà des
lignes de base tunisiennes et de la mer territorialereprésentent le prolon-
gement naturel du territoire terrestre au sens physique.
100. Dans la mesure où la question des droits de pêchehistoriques est
soulevéeen liaison aveclanotion de (<prolongement naturel O,laCour n'a

pas à l'examiner davantage, étantdonnéles conclusions où elle est par-
venue sur ce dernier point (paragraphes 67-68). Mais la question reste à
considérer en elle-même.Les titres historiques doivent être respectéset
préservés,ainsq i u'ilsl'ont toujoursétéenvertu d'unlongusage.Onnotera
à cet égard que,lorsque la conférencesur le droit de la mer de 1958s'est
penchéesurlaquestion, elleaadoptéunerésolutionintitulée ((Régimedes
eauxhistoriques )),annexée àl'actefinal,par laquelle l'Assembléegénérale

étaitpriéedefaire procéder à uneétudede cesujet.En 1959,l'Assembléea
adoptéune résolutionquiinvitait la Commission du droit international à
entreprendre l'étudedu régimejuridique des eaux historiques, y compris
les baies historiques.La Commission n'a pas encore accompli ce travail.
De soncôtéleprojet de convention de la troisièmeconférencesurledroit
de la mer ne contient pas de dispositions détailléessur le régimedes eaux
historiques :les notions d'a eaux historiques ))et de ((baies historiquesn'y sontpas définieset leur régimejuridique n'yest pas préciséC . ertaines
référencesaux (baies historiques )),aux (titres historiques ))ou à des
raisons historiques peuvent cependant êtreassimilées à des réservesaux
règlesénoncéesdans le reste du projet. Il paraît clair quela questionreste
régiepar le droit international général, lequel ne prévoitpas de régime
unique pour les (<eaux historiques ou les (<baies historiques ))mais

seulement un régime particulier pour chaque cas concret et reconnu
d'( e<ux historiques ))ou de (<baies historiques )).Il est donc manifeste
que,pour l'essentiel,lanotion de titres ou d'eauxhistoriquesetlanotion de
plateaucontinentalsont gouvernéespar desrégimesjuridiques distinctsen
droit international coutumier. Le premier de ces régimesrepose sur l'ac-
quisitionet l'occupation, le second sur des titresexistant <ipsofacto et ab
initio))Sansdoutearrive-t-ilque lesdeux régimescoïncidententout ou en
partie, maiscette coïncidencene peut êtrequefortuite,comme dans lecas

de la Tunisie,où l'accèsau plateau continental se trouvecomprisdans les
limites des zones de pêche.Les droits et titreshistoriques de la Tunisie se
rattachent plutôt à la zoneéconomiqueexclusive,quel'on peut considérer
commefaisantpartie dudroitinternational moderne. Or laTunisie ne s'est
pas fondée sur cette notion.
101. De toute manière, d'autres considérationsprévalent.Aux fins de
l'exercicede droits souverains sur lesétenduessous-mannes situéesdevant
les côtes des Etats, l'expression <plateau continental H,telle qu'elle est

définie à l'article premier de la convention sur le plateau continental
adoptée à Genève en 1958, désigne le lit de la mer et le sous-sol des
régionssous-marines situéesen dehors de la mer territoriale u. Dans
l'arrêt relatifaux affairesduPlateau continentalde lamerduNord, laCour
a considéréque cette définition faisait partie du droit international cou-
tumier. Elle bénéficiesans conteste d'une acceptation générale,comme
l'atteste notamment le texte de l'article 76 du projet de convention sur le
droit de la mer. Dans leur législationnationale, lesdeux Parties ont fixéla

limite extérieurede leur mer territoriale à 12milles, mesurés à partir de
leurs lignes de base. Ainsi que la Courl'a déjàindiqué(paragraphe89),la
loi tunisienne du 30 décembre 1963faisait entrer le golfe de Tunis tout
entier dans les eaux territoriales du pays ; le long du reste de la côte,
lalimiteextérieureétaitunelignetracée à 6millesde la laissede basse mer.
En 1973,cependant, la Tunisiea promulguéune loi(loi no73-49du 2 août
1973)portant la largeur de sa mer territoriale à 12milles, mesurés à partir
de lignes de base constituéespar

(<la laisse de basse mer ainsi quepar les lignes de base droites tirées
vers les hauts-fonds de Chebba et des îles Kerkennahoù sont instal-
léesdes pêcheries fixes,et par les lignes de fermeture des golfes de
Tunis et de Gabès r).

Cette loi proclamaiten outre que les eaux du golfe de Tunis et du golfede
Gabès faisaientpartie des (<eaux intérieureso.Un décretdu 3 novembre
1973a précisé laposition deslignes de base, dont le tracéentraînait,entre

autres conséquences,la fermeturedu golfe de Gabès par une ligne droite.Ainsi qu'on l'a vu, la Libye considère que ces lignes ne lui sont pas
opposables et que (leur application conduirait de toute manière à des
résultats inappropriés et inéquitables >).
102. En résumél,a Cour note quela questiondesdroitshistoriquesde la
Tunisie peut à plusieurs titres présenter de l'intérêt pourla décision en
l'espèce.Il y apremièrementl'argumentprincipal quelaTunisiefonde sur

ses droits de pêche historiques, à savoir :
(La délimitation ne doit, en aucun point, empiéter sur la zone à
l'intérieurde laquelle la Tunisie possèdedes droits historiques bien
établis..H

Deuxièmementla ligne ZV 45", proposéecomme limite maritime, trouve
son origine dans une législationet une pratique concernant l'exercicede
cesdroits à l'intérieurd'unezone enpartie définiepar ladite ligne. La Cour
a déjàformulésesconclusionsau sujet de la ligne ZV45" (paragraphe 95).
Troisièmement,les droits relatifs aux installations fixespour la pêchedes

espèces mobiles, par opposition aux pêcheriesd'éponges,sont invoqués
pour justifier le tracéde lignes de base droites servant àmesurer les eaux
territoriales;cette question sera examinéeplus loin. Mais il convient de
noter sans plus attendre que la thèse tunisienne tendant à exclure des
calculsdeproportionnalité lessurfacescomprises entre leslignesdebase et
la laisse de basse mer procèdede l'idéeque leplateau continental, en tant
que notionjuridique, ne comprendpas lesfonds marins situéssousla mer
territorialeet sousleseauxintérieuresen deçàdes lignesdebase. Ainsi, les
étendues à exclure ne correspondent pas à la zone sur laquelle des droits

historiques sont invoqués ; seules sont écartéesles étenduesrevendiquées
comme faisant partie des eaux intérieures ou de la mer territoriale. Il
s'ensuit quela validitédes droits historiques n'est pas un problème direc-
tement lié à la question de la proportionnalité.
103. Comme il a été indiqué plus haut (paragraphe36), les Parties
s'accordent sur la nécessitéde prendre en considération

((lerapport raisonnable qu'une délimitation opéréeconformément à
des principes équitables devrait faire apparaître entre l'étendue des
zones de plateau continental relevantde l'Etat riverain et la longueur
de son littoral mesuréesuivant la direction généralede celui-ci ))
(C.I.J. Recueil 1969, p. 54, par. 101D 3)),

et la Cour considère que ce rapport doit en effet êtrerespectéen vertudu
principe fondamental suivant lequel la délimitationentre les Etats inté-
ressésdoit êtreéquitableL . epoint sur lequel les Partiessont en désaccord
estde savoirquellessont lescôtes à prendre enconsidération,ets'ilfaut ou
noncomparer la totalité desfonds marinsau-delàde lalaissede basse mer.

Surles côtes, la conclusion de la Cour est formuléeauxparagraphes 74-75
ci-dessus ;reste la question des fonds marins. Il est manifeste que, dans
beaucoup de cas de délimitationentre Etats limitrophes, ou dans la plu-
part, les calculs de proportionnalité aboutissent à des résultats fort peudifférents, queles fonds marins sous-jacents aux eaux territoriales et aux
eaux intérieures entrent ou non dans ces calculs. Lorsque les Etats inté-
ressésont deseaux territoriales de mêmelargeur, situéesdevant descôtes
deconfigurationsgénéralementcomparableset mesurées àpartir de lignes
debaseétabliesde façon apeu prèsidentique,le rapport entre lessurfaces
de plateau continental au sens propre, relevant de l'un et de l'autre Etat,
est, selon toute probabilité, à peu près le mêmeque le rapport entre les
surfacesdes fonds marins comprenant àla fois le plateau continental, la
mer territoriale etleseauxintérieures.Aussila Courneconsidère-t-ellepas

qu'ilexisteune règlegénérald eedroit quiimposeraitd'apprécier dans tous
les cas la proportionnalité en appliquant l'une ou l'autre de ces deux
méthodes.Dans les conditions de la présenteespèce, oùles deux calculs
aboutiraient àdesrésultatsdifférents,cesont lescirconstancespertinentes
propres à la régionqui permettront de dire si, pour se prononcer sur
l'équité du résultatc ,e sont les plus étendues ou les plus restreintes des
surfaces qui doivent êtrecomparées.
104. Dans lescirconstancesde l'espèce,laCour n'estpasconvaincue par
l'argument de la Tunisie qui voudrait que les zones d'eaux intérieures et

d'eaux territoriales ne fussent pas prises en considération ;elle ne sepro-
nonce pas pour autant sur la validitédeslignes de base droites ni sur leur
opposabilitéala Libye.Ilconvientderépéterqueleplateau continental, au
sens juridique, ne comprend pas les fonds marins situés sous les eaux
territoriales ni sous les eaux intérieures ; mais le problème n'est pas un
problème de définition :c'est un problème de proportionnalité en tant
qu'aspect de l'équité. L'appartenanced'une zonedonnée à la mer territo-
riale ou aux eaux intérieuresn'empêchepas 1'Etatcôtier d'exercer (des
droits souverains sur le plateau continental aux fins de l'exploration de

celui-ciet de l'exploitation de sesressources naturelles )>;l'Etat côtier, en
vertu de sa pleine souverainetésur cette zone, y exerce ces droits, et bien
d'autres encore. En outre, laproportionnalité serapporte à la longueurdes
côtesdesEtats encauseetnon adeslignesdebasedroitestracéeslelong de
ces côtes. L'interrogation de la Tunisie - (comment apprécier la valeur
d'une délimitation du plateau continental, au point de vue de l'équitée ,n
établissantun rapport de proportionnalité entre deszones qui ne font pas
l'objetde cettedélimitation ? ))- est àcôtéde la question ; puisqu'il s'agit
de proportionnalité, l'équitéimpose seulement de comparer ce qui est

comparable. Sil'onmet en rapport les étenduesdeplateau situéesau-delà
de la laisse de basse mer descôteslibyennespertinentes avecles étendues
deplateau situéesdevant les côtestunisiennescorrespondantes, lerésultat
permettra, selon la Cour, d'apprécierle caractère équitabled'uneligne de
délimitation.
105. Ainsi, la Cour n'estimant pas nécessaire dese prononcer sur les
droits historiques commejustification des lignes de base, c'est seulement
dans le cas où la méthode de délimitation qu'elle jugerait appropriée
provoquerait un empiétementou un risqued'empiétement surla zonedes

droits historiques qu'il lui faudrait déterminer la validitéde ces droits et
leur étendue, ainsique leur opposabilité àla Libye, dans le contexte de ladélimitationduplateaucontinental. Silaméthodede délimitation,définie
indépendamment de l'existence de ces droits, est telle que la ligne de
délimitation laisse sans doute possible à la Tunisie l'exercice entier et
incontestédesdits droits, quelsqu'ils puissent être,dansla zone où ilssont
revendiqués, pour autant qu'ils soient opposables à la Libye, la Cour
n'aura pas à se prononcer sur ce point. Tel est en fait, d'après la Cour, le
résultatde la méthodede délimitationqui sera indiquéeplus loin. Que la
question fassel'objet de l'une desconclusionstunisiennes ne change rien à

cet égard :de mêmeque dans l'affaire des Pêcheries (C.I.J. Recueil 1951,
p. 126),la Cour considère les droits revendiquéscomme des élémentsqui
t(ne doivent être retenus que dans la mesure où ils paraîtraient détermi-
nants pour décider la seulequestion en litige >),à savoir en l'espècela
méthode pratique à appliquer aux fins d'une délimitation équitable.

106. Dans leurs écritures et en plaidoirie, les deux Parties semblent
avoir attaché tellement d'importance aux facteurs économiquesdans le
processus de délimitation que la Cour croit nécessairede formuler quel-
ques observations à ce sujet. La Tunisieparaît avoir invoquéces considé-
rations économiques de deux façons : premièrement, en soulignant sa
pauvreté par rapport à la Libye, due à l'absence de ressources naturelles
commeles produits agricoles ou minéraux,comparée àl'abondance rela-

tive de la Libye, en particulier pour ce qui est des hydrocarbures et des
ressources agricoles ; deuxièmement, en maintenant que les ressources
ichtyologiques provenant des zones de <droits historiques ))etd'~ eaux
historiques ))qu'elle revendique doivent nécessairement êtreconsidérées
comme un complément de son économie nationale lui permettant de
survivre en tant quenation. La Libye, pour quila géologieest un élément
indispensabledela thèsedu prolongement naturel qu'elledéfend,soutient
quant à elle avec insistancequela présenceou l'absence d'hydrocarbures
danslespuits forésdans leszonesdeplateau continentaldel'une etl'autre

Partiedevrait êtreune considérationimportante dans l'opération de déli-
mitation. En dehorsde cela,laLibyeécartecommedépourvudepertinence
l'argument tunisien tendant à fairede la pénurieéconomiqueun facteur de
délimitation.
107. La Cour estime que ces considérationséconomiquesnesauraient
êtreretenuespourladélimitationdeszonesdeplateaucontinental relevant
de chaque Partie. Il s'agit de facteurs quasiment extrinsèques, puisque
variables et pouvant à tout moment faire pencher la balance d'un côtéou
de l'autre de façon imprévisible,selon les heurs ou malheurs des pays en
cause.Un pays peut êtrepauvreaujourd'huiet devenir prospèredemain à

la suite d'un événementtel que la découverte d'une nouvelle richesse
économique.Quant à la présencede puits de pétrole dans une zone àdélimiter, cette présencepeut, selon les faits, représenter un élémentà
considérerdans le processus au cours duquel tous les facteurs pertinents
sont soigneusement peséspour aboutir à un résultat équitable.

108. Vu les principes et règlesde droit international applicableà la
délimitationdu plateaucontinental en l'espèce,telsqu'ilsont étexaminés
et analysésci-dessus,et compte tenu descirconstancespertinentesqui ont
étésignalées,laCour en vient maintenant àla deuxièmepartie de satâche
aux termes du compromis. Au deuxièmealinéade son article 1, celui-ci
invite la Courà (<clarifier la méthode pratique pour l'application de ces

principes et de ces règlesdans cette situation préci>>(version libyenne)
ou, selonla traductionfourniepar la Tunisie,à <clarifier avecprécision la
manièrepratique par laquellelesdits principes et règless'appliquent dans
cettesituation précise>>Quelque soitle texte dont on part, lerésultat doit
êtrede (<permettre aux experts des deux pays de délimiterces zones sans
difficulté aucune>> .a Cour a évoqué plushaut la controverseentre les
Parties au sujetdel'interprétationexactedecetexteet du rôleprécisqueles
Parties entendaient lui confier (paragraphes 25 et suiv.). Ainsi qu'il a été
dit, sesindicationssur lesméthodespratiques doivent êtred'une précision
telle que la seule tâche restaàtaccomplir soit la tâche techniquedevant
permettre de consigner dans un traitéle résultatdes travaux des experts
chargésde tracer la ligne de délimitation.Les Parties n'ont pas demandé

la Cour de tracercette ligne.Mais le fait que les Parties se sont résdevé
fixer par traité lalimite entre les deux zones de plateau continental n'em-
pêchecertainement pas la Cour d'indiquer la ligne que produirait à son
avis l'application de la méthodequ'elle aura retenue pour permettre aux
Parties de mener l'opérationde délimitatioà bien. De plus,l'examendela
notion de proportionnalité auquel la Cour s'est livrée aupargraphe 103
ci-dessus montre que, si elleveut en fairelapierre de touche de l'équdeé
la méthodeou des méthodesqu'elleindiquera,la Cour doit avoir une idée
raisonnablement précise des surfacess'étendantde part et d'autre de la
ligneenvisagée ;elledoitdonc pouvoirdécrireapproximativement lecours
de la ligne dont il reviendra aux expertsd'établirle tracé exact.C'est dans
cet esprit que la Cour va exposer la méthodede délimitationqu'ellejuge

appropriée en l'espèce.

109. Avant d'aborder l'examen des méthodes de délimitation dont les
Parties ont fait état durant l'instance, la Cour croit devoir formuler quel-
ques observations au sujet de l'équidistance.Dans les affaires du Plateaucontinentaldelamerdu Nord, quiconcernaient aussidesEtatslimitrophes,
la Cour ajugéqu'aucune règleobligatoirede droit coutumiern'imposait
l'équidistancecomme méthode de délimitation du plateau continental
(C.I.J.Recueil 1969, p. 46, par. 83, p. 53, par. 101). Elle a soulignéen
revanche les avantages de cette méthodedans les cas où son application
permetd'aboutir àune solutionéquitable.Lapratiqueultérieure desEtats,
dont témoignentles traités dedélimitationdu plateau continental,atteste
quelaméthodede l'équidistanceaété employéedansuncertainnombre de
cas ;cependant elle montre aussi que les Etats peuvent l'écarteret qu'ils
ontfait appel àd'autres critèresde délimitationchaque fois que cela leur a
paru préférable pour aboutir à un accord. Une solutionpeut consister à
combinerune ligne d'équidistancedans certainesparties de la zone avec
une ligne différente dans d'autres parties, en fonction des circonstances
pertinentes.L'arbitrage de 1977surla délimitationdu plateaucontinental

entre la France et le Royaume-Uni et la convention entre la France et
l'Espagne sur la délimitation des plateaux continentaux des deux Etats
dans le golfe de Gascogne, conclue le 29 janvier 1974, fournissent des
exemples de cette façon de procéder. La pratique illustrée par les traités,
ainsi quel'historique de l'article 83duprojet de convention sur le droit de
la mer, amènent à conclurequel'équidistanceest applicable sielleconduit
à une solution équitable ;sinon, il y a lieu d'avoir recours à d'autres
méthodes.
110. La Cour n'estime pas non plus qu'enl'espèceil lui incombe d'exa-
miner en premier lieu leseffets quepourrait avoirune délimitationselonla
méthodede l'équidistance,et de ne rejeter celle-ciau bénéficed'une autre
méthode que si les résultats d'une ligne d'équidistance lui paraissaient
inéquitables.Pour pouvoir conclure enfaveur d'unedélimitationreposant

sur une ligne d'équidistance,il luifaudrait partir de considérationstirées
d'une évaluationet d'une pondération de toutes les circonstancesperti-
nentes, l'équidistancen'étantpas à ses yeuxun principejuridique obliga-
toire ni une méthodequi serait en quelque sorte privilégiéepar rapport à
d'autres. Il convient dereleverqu'enlaprésenteespècelaTunisie, qui avait
d'abord défendu une délimitation fondée sur l'équidistance, pour une
partie au moins de la zone litigieuse, a soutenu dans son mémoireque le
résultatde l'application de cette méthode serait inéquitable pour elle, et
que la Libye aformellementconclu qu'enlaprésenteespècelaméthodede
l'équidistanceaboutiraità une délimitationinéquitable.La Courdoit tenir
compte de cettefermeposition des Parties. Si,après avoirévalué toutes les
circonstances pertinentes, la Cour parvient à la conclusion qu'une ligne
d'équidistance résoudraitle differend d'une manière équitable,rien ne

l'empêchede statuer dans ce sens, même si lesParties ont écartél'équi-
distance. Mais sicetteévaluationconduit la Cour à seprononcerpour une
délimitationéquitablereposant surune base différente,ellen'apas besoin
d'examiner plus avant l'application de l'équidistance.
111. Les Parties reconnaissent qu'il n'existe pas en droit international
de méthode de délimitationunique et obligatoire, et que l'on peut appli-
querplusieurs méthodesdans une mêmedélimitation.Chacune a indiqué,avec plus ou moins de précision,la méthode ou les méthodesqu'il con-
viendraitselon elled'employeren l'espècepour seconformerauxprincipes
et aux règlesde droit international qu'elle estime applicables et aux rap-
ports mutuels qui lui paraissent exister entre ces principes et ces règles.

Etant donnéla conception qu'elle se fait du rôle de la Cour en vertu du
compromis(paragraphe 28ci-dessus),la Libye s'estmontréemoinsprécise
que la Tunisie dans ses arguments àce sujet. Elle a cependant exposéune
méthode pratique qui, d'après elle, permettrait d'appliquer en l'espècele
principeduprolongementnaturel. Ladémarchelibyenneconsiste àdéfinir
d'abord la région oùla délimitation doit s'effectuer,puis à déterminerle
prolongement naturel considéré - qui, comme on l'a vu plus haut, est
constituéselon la Libye par la projection ou leprolongement vers lenord
de la masse terrestre du continent africain. La tâche des experts désignés
par les Parties serait de construire une ligne de délimitation compatible
avec l'orientation du prolongement naturel vers le nord et avec d'autres

critères appropriés. Pour quela délimitation tout entière soit équitable,il
conviendrait de prendre en considération certaines circonstances géogra-
phiques pertinentes, ce qui aurait pour résultat de modifier la direction
plein nord de la délimitation.La ligne qui en résulteraitest indiquéesur la
carte no2 jointe à l'arrêt.
112. Réservefaite de la zone des droits historiques (voir ci-dessus
paragraphe 98), la Tunisie a suggéré deux typesde méthodes dont l'ap-
plication aboutiraità un <faisceau de lignes))de délimitation traversant
dans la mêmedirection générale toute l'étenduede plateau continental en
cause (voir la carte no 2jointe à l'arrêt).Les méthodes du premier type
consistent à définir le prolongement naturel des deux Etats à partir des

donnéesgéologiques,géophysiquesetbathymétriquesqui,d'aprèslaTuni-
sie (voir paragraphe 64 ci-dessus), définissentelles-mêmesles lignes de
délimitationpossibles. Les méthodesdusecond type, de caractèregéomé-
trique, sont fondéessurla configuration descôtesdes deux Parties et ont
pourbut d'appliquer lesnotionsdefaçademaritimeet deproportionnalité,
compte tenu des circonstancespertinentes propres à la régionet confor-
mément à des principes équitables. Les résultats deces méthodesgéomé-
triques sont analogues à ceux des méthodes du premier type, ce qui était
d'ailleursl'intention avouéedu Gouvernementtunisienquand il lesamises
au point.

113. La méthodede délimitation proposée parla Libye, reposant sur
l'idéeque leprolongement naturel est en direction du nord, doit manifes-
tement partager le sort de l'argumentation qui la sous-tend ;la Cour,
n'ayant pu souscrire àcelle-ci,n'apas às'étendre surla méthodelibyenne.
Cela vaut aussi pour les méthodes tunisiennes du premier type, car les
éléments géologiques,géophysiques etbathymétriquesdestinés à lesétayer
ne constituent pas, selon la Cour, des < <irconstances pertinentes )>sur
lesquelles une délimitation comme celles que propose la Tunisiepourrait
êtrefondée. De surcroît, les méthodespréconiséespar les Parties n'attri-
buent pas un poids suffisant à une circonstance particulière- et c'est là

aussiune objection contre les méthodesgéométriquestunisiennes,qui de------- Limite des eaux territoriales revendiquéespar chacune des Parties.
- ..- ..- . - .. Ligne résultant de la méthodede délimitation libyenne.
- .- .-. -. -. Faisceau de lignes résultant des méthodesde délimitation tunisiennes.toute façon ont étéavancéespour renforcer des méthodes reposant sur
d'autres critèresplutôt que comme des prospositions indépendantes. La
Cour indiquera donc plus loin quelle est cette circonstance, et comment,
avec d'autres circonstances que les Parties elles-mêmesont prises en
considération, elle concourt à produire une délimitation équitable.

114. Dans tout examen des méthodes, comme dans celui des règleset
principes applicables, ilimporte departir de lasituationgéographiquetelle
qu'elleseprésente,et notamment de l'étendueetdes caractéristiquesde la
région à considérer auxfins de la délimitation. La Cour a déjà indiqué
(paragraphes 32-35et 75) quelle est à son avis cette régionen la présente
espèce.Toutefois, cen'estpas parcequelaCoura jugé nécessaire de définir
cette région biendéterminéequ'ellelui attribue une homogénéité géogra-
phiquejustifiant l'emploi d'une seule et unique méthode de délimitation

sur toute son étendue. Au contraire, de l'avis de la Cour, la prise en
considérationetl'appréciationdes (<circonstancespertinentespropres àla
région ))obligentà traiter la zone prochedes côtes desParties d'une autre
manièreque lazoneplus éloignéeL . a Courconsidéreradoncquela région
se compose de deux secteurs. Il faut cependant souligner que c'est la
nécessitéprimordiale de parvenir à un résultat d'ensembleéquitable qui,
en définitive, imposecette différencede traitement.

115. Les considérationsquiobligent à traiter différemment auxfins de
la délimitationles deux secteurs du plateau continental sont étroitement
liéesàl'influenceplus ou moins grande de diversescirconstancespropres à

la région ;ces considérationsseront examinéesplus loin. Il faut toutefois
relever dèsl'abord quela région àdélimiter est d'uneétenduetelle que le
point terminal de lalignede délimitation(qui,pour lesraisons exposéesau
paragraphe 75ci-dessus,nepeut êtreprécisé par laCour) setrouvera à une
distanceconsidérabledu point leplus proche descôtes desdeux Partieset
du point frontière de Ras Ajdir. Quand l'opération de délimitationest à
une telle échelle,l'emploid'une méthode unique de délimitation,que les
circonstances pertinentes paraîtraient justifier à proximité de la côte
des Etats intéressés, risquefort de présenterle défaut signaléen 1969 à
propos de l'équidistance, à savoir que les effets déformants de certains

facteurs

que produisent certaines configurations côtières...sont relative-
ment faiblesdans leslimitesdeseaux territorialesmaisjouent aumaxi-
mum à l'emplacement des zones de plateau continental au large )>

(C.I.J. Recueil 1969, p. 37, par. 59),
etqu'~on aboutit àdesrésultatsd'autantplusdéraisonnablesque ..lazone
à délimiter est éloignéede la côte ))(ibid., p. 49, par. 89 a)). Dans ces
conditions, l'un des moyens (mais pas le seul) d'éviterun résultatnéqui-tableconsiste àemployerune méthodededélimitationjusqu'à unecertaine
distance de la côte,et une autre méthode au-delà. La Cour considère que,
dans la présente espèce,les faits obligent à procéder ainsi.Comme la
définitiondu point à partir duqueluneméthode dedélimitationdevrafaire
place àune autre dépend beaucoup,non seulement de circonstances telles

que les changements de configuration de la côte, mais aussi du résultat
pratique de la méthodeemployéedans le premier secteur,la Cour indi-
quera tout d'abord la méthode applicable àproximitédes côtes avant de
rechercher où le changement devrait s'opérer.

116. Puisque le plateau continental commence, aux fins de la délimi-
tation,à la limiteextérieurede la mer territoriale,le point de départdela
lignede démarcationen l'espècedoit setrouver surcette limite,au largede
RasAjdir, enun lieudont lescoordonnéesexactes(etdonc lerapport entre

la lignede délimitationet lafrontièrelatéraledela mer territoriale,restant
à définir) dépendrontde la direction de la ligne par rapport à Ras Ajdir.
CerteslaCour n'estpas chargéedetracer unelignefrontière entrela côteet
lalimiteextérieuredelamer territoriale ;ellen'endoitpas moinsexaminer
de prèsla zone avoisinant lepoint terminal de la frontièreterrestre en vue
de détermineret d'apprécierles circonstances pertinentespropres àcette
zone.

117. La circonstance évoquée au paragraphe 113ci-dessusqui, del'avis
de la Cour, est d'une haute importance pour la détermination de la
méthodede délimitation,a trait au comportement des Parties. La Cour a
déjà examiné lesprétentionsémisespar celles-ci,dont chacune se déclare
en faveur d'une ligne différente,déterminéede manière unilatéralemais,
assure-t-elle, respectéeou acceptéetacitement ; ni la ligne ZV 45' invo-
quéepar laTunisie commelimite reconnued'une zone depêchen , ila ligne
en direction du nord servant de limite aux zones ~étrolièreslibvennes.
n'ont paru à laCour remplir lesconditionsqui lesrendraientopposables à

l'autre Partie. En revanche, l'historique de l'adoption d'une législation
pétrolière par chacune des Parties et l'octroi de concessions pétrolières
s'échelonnantde 1955 àla signature du compromis montrent que, comme
on l'avu au paragraphe 21ci-dessus,lephénomènedu chevauchement des
prétentions n'est effectivement apparu qu'en 1974, et seulement à des
distances de quelque 50milles de la côte. La périmètred'un permis tuni-
sien, élargi le1 octobre 1966,était limité à l'estpar une ligne(<en esca-
lier))(àcause semble-t-il du systèmede quadrillage ou de blocs employé
pour l'octroi despermis)dont chaque degrés'appuyait à l'estsurune ligne

droiteformant avecleméridienun anglede26" environ.En 1968la Libyea
accordéune concession (no 137) ((à l'est d'une ligne sud-sud-ouestentre
33" 55' N 12' E et unpoint enmer setrouvant à unedistanced'environun
millemarin delacôte ))dont l'anglepar rapport au méridiende Ras Ajdir
étaitde 26", et les limites occidentales des concessions libyennes ulté- rieures se sont appuyéessurcette même lignequi,d'aprèsles explications

donnéespar la Libye, (suivait la direction des concessionstunisiennes o.
On a ainsi vu se dessiner surla carteune limite séparantdefacto les zones
des concessions et permis en vigueur, en ce sens que des travaux de
prospection étaient autoriséspar une Partie sans immixtion ou (jusqu'en
1976) sans protestations de l'autre. Certes la Cour n'ignore pas que les
étendues sur lesquelles les deux Parties prétendaient avoir des droits
étaientbeaucoupplus vastes ;la Libyerevendiquait des droits souverains
jusqu'au méridiende Ras Ajdir à l'ouest, alorsque la Tunisie émettaitdes
prétentionsjusqu'à la ligne ZV 45" et avait adopté en 1974 une ligne

d'équidistancecommelimite sud-estpour sespermis. Mais dans lesfaitsla
situation était celle que l'on vient de décrire.
118. La Cour tient àpréciserqu'ellene conclut pas à l'existence d'un
accord tacite entre les Partie- ce qui serait impossible, vula portéeplus
large et la constance de leurs prétentions - et qu'elle ne pense pas non
plus que leur comportement leur interdise de formuler des prétentions
contraires, par l'effet d'une sorte d'estoppel.Dans le différend que les
Parties ontportédevantla Cour fautede pouvoirle résoudred'un commun
accord, l'aspect examinéici consiste à déterminerquelle méthodede déli-
mitationpermettrait d'aboutir à un résultatéquitable ;ilestévidentquela

Courdoit tenir compte de tous lesindices existants au sujet de la ligne ou
des lignes que les Parties elles-mêmesont pu considérer ou traiter en
pratique comme équitables - même à titre de solution provisoire n'inté-
ressant qu'une fraction de la région àdélimiter.A cet égardla Cournote
que, tout en affirmant que la ligne de facto entre les concessions n'a
((jamais étéadmise par la Libye commelignede délimitationendroit ))la
Libye a soulignéqu'elledonnait (quelqueidéedu typede ligne quiaurait
pu êtremiseendiscussion dans lecadre denégociations ))c'est-à-direpour
parvenir à une délimitationpar voied'accord.De plus,lalignene visaitpas

à délimiterune zone de pêcheni une zone de surveillance.Elle a ététracée
par chacun des deux Etats agissant de son côté - en premier lieu par la
Tunisie - afin de servir de limitesest et ouest auxconcessionspétrolières,
fait qui, vu les problèmes qui sont au cŒur du litige entre la Tunisie et la
Libye, revêt unegrande importance.

119. Une autre circonstancepertinente est que la ligne des 26" ainsi
adoptéen'étaitni arbitraire ni sans précédentdans les relationsentre les
deux Etats. Il faut ici rappeler qu'à propos de la délimitation de la mer
territoriale le comitéd'experts de la Commission du droit international

avait examinéen 1953commeméthodesdedélimitationautresque l'équi-
distance le prolongement de la frontière terrestre vers le large, le tracé
d'une perpendiculaire à la côte au point d'intersection avec la frontière
terrestre,et le tracéd'une perpendiculaire àla ligne de direction générale
delacôte.LaCouradéjà dit comment, danslesrapports entre la Franceet
l'Italie, l'époque oùces Etats étaient responsables des relations exté-
rieuresde laTunisie etdelaLibyeactuelles,ils'étaitétabliun modusvivendi
au sujet dela limite latéraledescompétencesenmatièrede pêchec ,onsacré par lerespect defacrod'une ligne tracéeà partir delafrontière terrestreet
formant avec le méridien un angle de 26" environ (paragraphe 94 ci-

dessus), qui avait été proposéeen tant que perpendiculaire à la côte. La
Libye a soutenu que <<letracédelignesde délimitationcorrespondant à la
projectiondesfrontièresterrestres d'unEtat en merestnettementconsacré
par la pratique des Etats ))et qu'à Ras Ajdir une continuation de la
frontièreterrestre verslelargeserait peu prèsperpendiculaire à lacôte en
cetendroit,ainsi qu'àun pluslong segmentdefaçademaritime. LaTunisie
contestecependant que lesexemplesde lapratique desEtatsfournispar la
Libye étayent la conclusionque celle-ci prétenden tirer; elle conteste en
outre la direction attribuéà la côte età la frontière terrestre.
120. LaCouradéjàditpourquoi ilfaut écarterlathèsesuivantlaquellela
convention de 1910,qui a fixéla frontière terrestre, aurait aussi aboutà

délimiterles étendues maritimes proches de Ras Ajdir (paragraphe 85).
Détachés decettethèse,ainsiquedecelledelaprojection verslenord,quiest
fondéeessentiellement sur la géologie,le facteur de perpendicularitépar
rapport àla côteet lanotion de prolongement dela direction généraledela
frontière terrestre constituent, de l'avisde la Cour, des critèrespertinents
quand il s'agitde choisirune ligne de délimitation propreà produire une
solution équitable; s'ilest vrai que les opinions des géographespeuvent
différersur la<direction d'une frontière terrestre quine consistepas en
une ligne droite, ou d'une côte qui n'est pas rectiligne sur une grande
distance de part et d'autre du point où l'ondoit tirer laperpendiculaire, la
Cour considèrequ'en la présenteespècela discussion devrait être centrée

surlalignedes26" quelesParties, aussibien quelesEtatsdont ellessont les
successeursterritoriaux, ont considérécommeunelimiteappropriée(voir
paragraphes 94 et 117ci-dessus). De même,comme il a étésoulignéplus
haut, il ne faut pas perdre de vue que la Cour ne traite ici que de la
délimitationdesfonds ma~s dansla zone la plusproche de la côte à Ras
Ajdir, de sorte que pour se prononcer sur la direction de la côte on peut
négligerpour lemoment lesconfigurationscôtièresrelativement éloignées
de cette localitée,notamment l'île de Djerba.

121. La Cour conclut en conséquence qu'au débutde la délimitation,

au-delà de la limiteextérieuredela mer territoriale, la méthodepratiqueà
appliquer, compte tenu des circonstances dont la Cour a reconnu la per-
tinence, estla suivante.l convient dedéterminertout d'abord,surla limite
extérieurede la mer territoriale,l'intersection de cettelimite etd'une ligne
qui, partant du point terminal de la frontière terrestre, passe par lepoint
33" 55'N 12"E, formant ainsi avecleméridienun anglecorrespondant à
celuidelalimiteouestdes concessionspétrolièreslibyennesnosNC 76,137,
NC 41 et NC 53,elle-même alignéesur lespoints est de la limitesud-esten
zigzagdu permis tunisiendit <<Permiscomplémentaireoffshoredu golfede
Gabès ))(21 octobre 1966).D'aprèsles éléments dont la Cour dispose, cet
angleparaît êtrede 26" ;ilappartiendra cependantauxexpertsdesParties

de le calculer exactement. A partir du point d'intersection déterminé
comme il vient d'être dit, laligne de délimitation des zones de plateau continental entre les Parties aura pour commencerle mêmeangle d'incli-
naison par rapport au méridien. A propos des droits de pêche,la Cour a
constaté (paragraphes 90 et 95 ci-dessus) que c'estla perpendiculaire àla
côteetnon laligneZV45 Oavancéeparla Tunisiequiconstituela seulelimite
latéralede la zone dedroits historiques revendiquéepar laTunisiequisoit
opposable à la Libye. En conséquence,laCour estimequ'une délimitation

effectuéed'aprèslaméthodequ'elleexposene soulèvepasdeproblèmesqui
l'obligeraientà sèprononcer sur la légitimité desdroits historiques en
question ousurleuropposabilitéàla Libye.LaLibye,pour sapart, arappelé
àlaCourque des droitsde pêcheauxéponges s'exercentdepuislongtemps
dansdes zones situéesau large de sescôtes, mais ellen'apas expressément
soutenu que la délimitation devrait laisser ces zones intactes ; de toute
manière,ellen'apasprétenduexercercesdroits plusloin versl'ouestquela
ligne définie par les instructions italiennes de 1919 (paragraphe 93 ci-
dessus), c'est-à-dire la perpendiculaire la côte. La ligne des 26" reflète
donctous lesfacteursappropriés ;verslelarge,cependant,d'autresfacteurs

pertinentsentrentenjeu, etlaCour doitmaintenant examinercesfacteurset
leurseffetspour préciseroù s'arrêterait laligne des 26" et la méthodede
délimitation qu'il faudrait employer au-delà.

122. La particularité géographique ia plus évidente des côtes bordant
l'étenduede plateau à considéreraux fins de la délimitation est le chan-
gement radical deladirection générale dulittoral tunisien quereprésentele
golfe de Gabès ; il est clair qu'une délimitationdu plateau continental au
largedescôtes des Partiesqui négligeraitcetteparticulariténe sauraitêtre
tenuepouréquitable.Dansleurargumentation lesdeuxPartiesont reconnu

l'importance de cette circonstance et son influence sur la délimitation,
encorequedemanièresdifférentes.SelonlaTunisie, cequiimporte c'estque
lescôtesformentun angledont lesommetnese trouvepas aupointfrontière
mais à quelque distance de celui-ci vers l'ouest; une des méthodesgéo-
métriquesproposéespar la Tunisieétablitun rapport entre cet angle et les
longueurs des côtes considéréescomme pertinentes. D'aprèsla Tunisie,
donc, la côte change de direction au sud du golfe de Gabès, et ce fait
constitueraitlabase deconstructiond'une méthodededélimitation,plutôt
qu'une raison de modifier uneméthodeou d'infléchirune ligne établiepar
d'autresmoyens.LaLibyevoitenrevanchedanslechangement dedirection
delacôtetunisienneune raison de tempérersoninsistancesurl'orientation

versle nord de toute délimitation :(<pour quela délimitationtout entière
soitéquitable ))le << romontoire du Sahel, qui représenteun infléchisse-
ment marquéde lacôtetunisienne vers lenord-est ))à lahauteur approxi-
mative de Ras Yonga, devraitêtrepris en considérationpar lesexperts ;la
lignetracéeendirectiondunorddevraitdonc s'inclinerselonlemêmeangle
de divergence à peu près que le changement de direction de la côte tuni-
sienne.

123. Surlabase de cespositions, les Partiesont longuement débattu la
question de savoiroùl'onétaitfondé àdirequelacôtetunisienne changeait de direction. La Cour considère qu'elle n'apas à se prononcer sur cette
question ; l'examen auquel les Parties se sont livréeslui paraît plutôt

prouver que les géographesou cartographesne s'entendraient pas néces-
sairementsur lepoint - sic'estbien un point- oùl'orientation delacôtese
modifie ;autrementdit, ilnes'agitpasd'unfait objectivementdéfinissable.
Par suite, silaCour sebornait àspécifierauxfins de la délimitationquela
lignedoit s'infléchirenrelation aveclepoint ou lacôte changede direction,
ellelaisserait lechamplibre àdes désaccordsimportants entre les experts
desParties, qu'ilne serait pas forcémentpossibledesurmonterpar la suite.
La Cour ne pense pas que ce serait une bonne façon de s'acquitter de sa
mission,quiestd'indiquerlaméthodepratique dedélimitationdemanière à
permettre aux experts d'effectuer celle-ci (<sans difficultéaucune )).

124. Lechangement de direction dela côteest cependant un fait dont il
faut tenir compte. La Cour considère qu'un point approprié de la côte à
retenir commeréférence,afinque la délimitationreflètecechangement,et
qui a en outre l'avantage d'êtredéfinissable objectivement d'après les
critèresgéographiques,est lepoint leplus occidental de lacôtetunisienne
entreRas Kapoudiaet RasAjdir, autrementdit lepoint leplus occidental de

lalignederivage(laissede bassemer)dugolfedeGabès.Làencore,c'estaux
experts qu'ilappartiendra d'établir les coordonnéesexactes,mais il appa-
raît àla Cour quecepoint setrouveàenviron 34' 10'30"delatitudenord. La
première partie de-la ligne de délimitation, viséepar la Cour au para-
graphe 121ci-dessus,joindra doncla limiteextérieuredelamer territoriale
au parallèlepassant par le point qui vient d'êtrementionné,surla côtedu
golfe de Gabès. Viendra ensuite une ligneinclinéedifféremment,dont la
Cour va maintenant indiquer la justification ainsi que les facteurs qui
doivent en déterminer l'angulation.

125. La Cour a conclu (paragraphes 117et suiv.)quel'une des circons-
tances à retenir pour définirl'angulation de la ligne initialeàpartir de la
limite extérieuredes eaux territoriales est l'existencede la ligne appliquée
defacto par les Partiespour séparerleurs concessions. Il seraitcependant
erronéde croire que, parce que les Parties étaient disposées às'en seMr
comme limite de concessionsrelativement proches de la côte, ellesrecon-
naîtraient forcément à cette ligne des effets équitablesplus loin en mer,à
moins de supposer qu'enl'adoptant ellessongeaientdéjà à l'incidencesur
la délimitationdu changement important de direction de la côte qui a été

mentionné ;rien n'autorise pourtant cette supposition.De fait, quand la
Tunisiea eu en 1974l'occasionde décrirelecôtésud-est dupérimètred'un
permis, dans un arrêtérelatif au transfert de celui-ci,ellel'adéfini(<dans
l'attente d'un accord entre la Tunisieet la Libye))par un segment de ligne
d'équidistanceentre les deux Etats. On serappellera que la revendication
tunisienne d'une délimitation fondée sur l'équidistance a été réitéréeen
termes générauxen 1976.De plus, une perpendiculaire à la côte devient généralementd'autant moinsadaptéecomme ligne de délimitationqu'elle
s'éloignedu littoral.
126. Au cours des exposésdes Parties sur l'historique du différend la
Coura été informéedu tracédelaligned'équidistancequepréconisait à un
certain moment la Tunisie. Cette ligne se fondait sur les lignes de base
déclaréesunilatéralementpar la Tunisie en vue de mesurer la largeurde sa
mer territoriale;la Cour note cependant que, du fait de la présencede

Djerba et desKerkennah, une ligned'équidistancequi ne s'appuierait pas
sur ces lignes de base serait en pratique analogue à la ligne tunisienne.
L'inclinaisonversl'est,parrapport auméridien,d'uneligned'équidistance
tracéesur l'une ou l'autre basedans le secteur l'examen seraitnettement
supérieure à26", et c'estlà un fait important. S'ilest vrai que, comme la
Cour l'a déjà expliqué(paragraphes109-1IO),aucune règleobligatoire de
droitinternational coutumier n'exigequela délimitations'effectuesuivant
l'équidistance,ilfaut reconnaîtreque celle-cial'avantage- peut-êtreaussi
l'inconvénient - de reproduire presque toutes les irrégularités des côtes
prises comme base. Dans son arrêtde 1969,la Cour a reconnu en outre
qu'il est en général beaucoup moinsdifficile de recourirà l'équidistance
dans lecas de côtessefaisant face, où la ligne d'équidistanceest une ligne
médiane,quedans celui d'Etats limitrophes (C.I.J. Recueil1969,p. 36-37,

par. 57).Del'avisdelaCour, lechangementradicald'orientation delacôte
tunisienne semble modifier jusqu'à un certain point, mais pas complète-
ment, la relation existant entre la Libye etla Tunisiequi, Etats limitrophes
au départ,tendraient àdevenir des Etats sefaisant face.On aboutit ainsià
une situation dans laquelle laposition d'une ligned'équidistancepèseplus
qu'elle ne ferait normalement dans l'appréciationglobale des considéra-
tions d'équité.

127. La Cour estimequ'en prolongeant la lignedes 26" bien au-delà du
34e parallèle, on ne tiendrait pas suffisamment compte de diverses cir-
constances pertinentes propres à la région, àsavoir pour commencer le
changement généralde direction de la côte tunisienne dont il a étéques-

tion ;puis l'existenceet la position desKerkennah. La Coura concluque,
dans le premier secteur, la méthodede délimitation consiste à tracer une
ligne droiteà un certain angle du méridien ;elleconsidèreen outre qu'on
obtiendra un résultat raisonnable et équitable en traçant aussi une ligne
droite, mais à un angle différent, dans tout le deuxième secteur de la
délimitation.La seulequestion à réglerestdonc celledel'angle àimprimer
à la ligne eu égard aux circonstances pertinentes propres au deuxième
secteur.

128. Selon la Cour, on peut estimerqu'une lignereliant lepoint leplus
occidentaldu golfede Gabès,déjàmentionné, à RasKapoudia, refléterait
lechangementgénéralde direction de la côtetunisienne ;la Courconstate
quecette ligneformerait avecleméridienun angledeprès de42". Al'estde

cette ligne se trouvent les îles Kerkennah, entourées d'îlots et de hauts-
fonds découvrants. En raison de leur étendue et deleur position, ces îlesconstituent une circonstance pertinente aux fins de la délimitation ;la
Cour doit doncleur attribuer un certaineffet. Lesîlesont une superficie de
quelque 180kilomètrescarrés ;ellessont à 11millesenviron à l'estde Sfax
et sont séparéesdu continentpar un bras de mer dont la profondeur n'est
supérieure à 4 mètresque dans certains chenaux et dans quelques fosses.
Leshauts-fondsseprojettent égalementverslelargedes îleselles-mêmes et
forment autour d'elles une ceinture dont la largeur varie de 9 à 27 kilo-
mètres. Vu cette configuration géographique, la Cour a dû prendre en

considération non seulement les îles, mais aussi les hauts-fonds décou-
vrants qui, bien que ne possédant pas, comme les îles, un plateau conti-
nentalpropre, sont reconnus à certainesfinsendroit international, comme
en témoignentles conventions de Genèvede 1958et le projet de conven-
tion surledroit de la mer.Il est malaiséde définirl'inclinaisond'uneligne
qui serait tracée partir du point leplus occidental du golfede Gabèsvers
lelargedes Kerkennah de manière à tenir compte deshauts-fonds décou-
vrants qui bordent celles-civerslahaute mer ;maisune lignetracéeàpartir
de ce point le long de la côte des îles du côté du largeformerait manifes-
tement avec le méridien un anglede 62" environ. La Cour est cependant
d'avis qu'en tout étatde cause une lignede délimitation infléchiejusqu'à
62" parallèlement àlacôte de l'archipel attribuerait un poids excessifaux

Kerkennah dans les circonstances de la présente affaire.
129. La Courrappelleque la pratique des Etatsfournit divers exemples
de délimitation dans lesquels des îles proches de la côte ne se sont vu
reconnaître qu'un effetpartiel ;la méthodeadoptéevarie en fonction des
diverses circonstances,géographiqueset autres, caractérisant le cas d'es-
pèce.Une technique utilisable à cette fin, quand une méthodede délimi-
tation géométriqueest appliquée,est celledu ((demi-effet ou du demi-
angle )).En résumécette technique consiste à tracer deux lignes de déli-
mitation, dont l'unereconnaît à l'îletout l'effetquelui attribuela méthode
de délimitationemployée,l'autre n'entenant aucuncompte, comme sielle
n'existait pas. La ligne de délimitation effectiveest alors tracéeentre ces
deux lignes, soit de manière à diviser en parties égalesl'espace qui les
sépare,soitlelongde la bissectrice de l'anglequ'ellesforment, soit encore

en traitant l'îlecomme sila distancequi la sépareducontinentétaitréduite
demoitié.VulapositiondesKerkennahet leshauts-fondsdécouvrants qui
les entourent, la Cour croit devoir aller jusqu'à attribuer aux îles un
demi-effetde cegenre. Surcette base, la lignede délimitationverslelarge,
au-dessus de lalatitude du point leplus occidental du golfede Gabès,sera
parallèleà unelignetracée àpartir decepoint commebissectrice de l'angle
entre la ligne de la côte tunisienne (42") et la ligne longeant la côte des
Kerkennah vers le large (62')' c'est-à-direà un angle de 52" avec le
méridien.La carte no3,qui traduit graphiquementl'approche de la Cour,
est jointeà des fins purement illustratives et sans préjudice du rôle des
experts à qui il reviendra de déterminer la ligne avec exactitude.Etablieà desfins purement illustrativeset sans préjudicedu rôle desexperts

à qui il reviendra dedéterminerla ligne avecexactitude 130. La question de savoirjusqu'oii la ligne de délimitation seprolon-
geravers lenord-est dépendra bien entendu desdélimitationsfutures avec
des Etats se trouvant de l'autre côtéde la mer pélagienne.La Cour n'a pas
été invitéeà examiner cettequestion.Néanmoins,illui est loisiblede faire
usagedu critèrede proportionnalité dansla région à considérerauxfinsde
la délimitation. Pour cela il est nécessairede déterminerles limitesmari-
times de cette régionqui, du côté terrestre, est bornéepar les côtes de la
Tunisiejusqu'à Ras Kapoudia et de la Libyejusqu'à RasTadjoura. Etant

donné que,comme onl'a vu (paragraphe 104),l'aspect essentieldu critère
de proportionnalité est simplement que l'on doit comparer ce qui est
conlparable, la méthode exactesuiviepour le tracé deslimites extérieures
n'estpas d'une importancecruciale, àcondition quela mêmeapprochesoit
adoptéepour chacune des deux côtes. En l'espèce,la Cour est d'avisque
le parallèle de Ras Kapoudia et le méridiende Ras Tadjoura, qui ont
l'avantage de la commodité cartographique, constituent les limitesmari-
times appropriées des surfaces à confronter. Il est en outre légitimede
partir de l'hypothèseque la totalitéde cette régionserait partagée par la
lignede délimitationentrela Tunisieetla Libye ;eneffet,s'ilestvraique la
décision en l'espècene doit pas préjuger les droits que d'autres Etats
pourraient faire valoir dansla partie nord-est de la région,la Cour ne vise
pas ici des surfaces en chiffresabsolus, mais des proportions. A vrai dire,
s'iln'était pas possiblede fonder des calculs de proportionnalité sur des
hypothèsessemblables,onvoitmalcommentdeux Etats pourraient tomber

d'accord surl'équitéd'une délimitationbilatéralte ant quetoutes lesautres
délimitations n'auraient pas étémenées à bien dans la mêmerégion.
131. La Cour constate que la longueur de la côte libyenne entre Ras
Tadjoura et Ras Ajdir, mesuréele long du rivage sans tenir compte des
petites échancrures, criques et lagunes, est d'environ 185kilomètres ;la
longueur de la côte tunisienne entre Ras Ajdir et Ras Kapoudia, mesurée
selonla mêmeméthodeet en traitant Djerba comme une presqu'île, estde
420kilomètresenviron. Il en résulteque lerapport entre leslongueursdes
côteslibyenneet tunisiennepertinentes est approximativement de 31 à69.
La Cour constate aussi qu'il existeun rapport de 34 à66 environ entrela
façade maritime libyenne représentée par une ligne droite reliant Ras
Tadjoura à Ras Ajdir et la longueur totale des deux façades maritimes
tunisiennes représentéesrespectivement par une ligne droite reliant Ras
Kapoudia au point le plus occidental du golfe de Gabès et une seconde
ligne droite tracéeentre cepoint et Ras Ajdir. Pour ce qui est des surfaces
de fonds marins, elle note que, dans la régionconsidérée aux finsd'une
délimitation effectuée selonla méthode indiquée,les zones de plateau

relevant de l'un et de l'autre Etat au-delà de la laisse de basse mer sont
approximativement dans le rapport suivant :Libye, 40 ; Tunisie, 60. De
l'avisde la Cour, ce résultat, qui tient compte de toutes les circonstances
pertinentes, paraît satisfaire au critère de proportionnalité en tant qu'as-
pect de l'équité. 132. La délimitation est le souci immédiat de la Cour, le compromis
entre lesPartiesluiayant donnémission d'énoncerlesprincipes etrèglesde
droit international applicables ainsi que la méthode à suivre pour les
appliquer àla délimitationdans le cas d'espèce.La Cour n'a donc pris en
considérationd'autres questions relatives au régimejuridique généraldu
plateau continental, telles que la revendicationtunisiennede droits histo-
riques et de zones de pêche,que pour autant que celalui a paru utile aux
fins de cette délimitation. Ce faisant, la Cour a retracé l'évolutionhisto-
rique de la notion de plateau continental depuis son origine dans la

proclamation Truman du 28 septembre 1945jusqu'au projet de conven-
tion de la troisièmeconférence sur le droit de la mer, en passant par la
conventionde Genève de 1958et par les affaires du Plateau continental de
lamer du Nord et lajurisprudence ultérieure,ainsi que sonévolutiondans
la pratique des Etats, et elle a repris et développéles règleset principes
générauxqui ont été ainsi établis. 11est bien évident que chaque litige
relatif au plateau continental doit être examinéet résolu en lui-même en
fonction des circonstances qui lui sont propres ;il n'y a donc pas lieu
d'essayer d'élaborer toute une construction abstraite au sujet de l'appli-
cation des principes et règlesrelatifs au plateau continental.

133. Par ces motifs,

par dix voix contre quatre,

dit que :
A. Les principes et règlesdu droit international applicables à la déli-
mitation, quidevraêtreeffectuéepar accorden exécutionduprésent arrêt,
deszones de plateau continentalrelevant respectivement dela République
tunisienneet delaJamahiriyaarabelibyennepopulaireetsocialistedansla
régiondu bloc pélagien en litigeentre ces deux Etats, telle qu'elle est

définie au paragraphe B, sous-paragraphe 1, ci-après, sont les suivants :
1) la délimitation doit s'opérerconformément à des principes équitables
en tenant compte de toutes les circonstancespertinentes ;
2) la région àpendre en considérationauxfins de la délimitationconsiste
en un seul plateau continental, prolongement naturel du territoire
terrestre des deux Parties, de sorte qu'en l'espèceaucun critère de

délimitation des zones de plateau continental ne saurait être tiré du
principe du prolongement naturel en tant que tel ;
3) dans les circonstances géographiquesparticulièresde l'espèce,la struc-
ture physique des zones de plateau continental n'est pas de nature à
déterminer une ligne de délimitation équitable. B. Les circonstances pertinentes viséesau paragraphe A, sous-para-
graphe 1,ci-dessus, dont il faut tenir compte pour aboutir à une délimi-
tation équitable, comprennent :

1) le fait que la régionà prendre en considération aux fins de la délimi-
tation en l'espèceest comprise entrela côte tunisienne de Ras Ajdir à
Ras Kapoudia, la côte libyenne de Ras Ajdir à Ras Tadjoura, le
parallèlede Ras Kapoudia etleméridiendeRasTadjoura, lesdroitsdes
Ëtats tiers étantréiervés ;
2) la configuration généraledes côtesdes Parties, et en particulier le net

changement de direction de la côte tunisienne entre Ras Ajdir et Ras
Kapoudia ;
3) l'existence et la position des îles Kerkennah ;
4) lafrontièreterrestre entre lesPartieset l'attitude adoptéepar ellesavant
1974en matière d'octroi de concessions et permis pétroliers, qui s'est
traduite par l'utilisationd'une lignepartant deRas Ajdir et sedirigeant
vers le large selon un angle d'approximativement 26" a I'est du méri-
dien, laquelle ligne correspond à la ligne perpendiculaire à la côte au
oint frontièreobservéedans le~assécomme limitemaritime de facto;
5) lerapport raisonnable qu'une délimitationopéréeconformémen t des
principes équitables devrait faire apparaître entre l'étendue deszones

de plateau continental relevant de 1'Etatriverain et la longueur de la
partie pertinente de son littoral mesuréesuivant la direction générale
decelui-ci,comptetenu àcette findeseffetsactuelsouéventuels detoute
autre délimitation de plateau continental effectuée entre Etats de la
mêmerégion ;
C. La méthodepratique pour appliquer les principes et règlesdu droit

international susmentionnés dans la situation précisede l'espèce estla
suivante :
1) la prise en considération des circonstances pertinentes propres à la
régiondéfinieauparagraphe B,sous-paragraphe 1,ci-dessus,ycompris
l'étendue deladiterégion,conduit à traiter celle-ciauxfins de la délimi-

tation entre les Parties en l'espèce commeétantcomposéede deux sec-
teursappelant chacunl'application d'une méthode de délimitationpar-
ticulière,de manière à parvenir à une solution d'ensemble équitable ;
2) dans le premier secteur, leplusproche descôtesdesParties,lepoint de
départ de la ligne de délimitation est l'intersection de la limite exté-
rieure de la mer territoriale des Parties et d'une ligne droite tirée du
pointfrontière de Ras Ajdir etpassant par lepoint 33" 55'N 12"E, à un
angle de 26" environ à I'estdu méridien,correspondant àl'angle de la
limitenord-ouestdes concessions pétrolièreslibyennes nosNC 76,137,
NC 41 et NC 53, laquelle est alignéesur la limite sud-est du permis

tunisien dit (<Permis complémentaire offshore du golfe de Gabès ))
(21 octobre 1966) ; àpartir du point d'intersection ainsi déterminé,la
ligne de délimitationentre les deux plateaux continentaux se dirigera
vers le nord-est selon le mêmeangleen passant par lepoint 33' 55'N 12" E, jusqu'à ce qu'elle rencontre le parallèle du point le plus occi-
dental de lacôte tunisienne entreRas Kapoudia et Ras Ajdir, à savoirle
point le plus occidental de la ligne de rivage (laisse de basse mer) du
golfe de Gabès ;

3) dans le deuxième secteur, s'étendant versle large au-delà du parallèle
passant par le point le plus occidental du golfe de Gabès, la ligne de
délimitation entre les deux zones de plateau continental s'infléchira
versl'estdemanière à tenir comptedes îlesKerkennah ;c'est-à-direque
laligne de délimitation seraparallèleàune lignetracée à partir du point
le plus occidental du golfe de Gabès et constituant la bissectrice de
l'angleformépar unelignereliant cepoint à Ras Kapoudia etuneautre
lignepartant du mêmepoint et longeant la côtedesKerkennah du côté
du large, de sorte que la ligne de délimitation parallèleladite bissec-
trice formera un angle de 52" avec le méridien ;la longueur de la ligne

de délimitationvers le nord-est est une question qui n'entre pasdans la
compétencede la Cour en l'espèce,étant donnéqu'elle dépendra de
délimitations à convenir avec des Etats tiers.

POUR : M. Elias,Président en exercice;MM. Lachs, Morozov,Nagendra
Singh, Mosler,Ago,Sette-Camara,El-Khani,Schwebel ,uges,et M.Jimé-
nezde Aréchaga, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Forster, Gros, Oda, juges,et M. Evensen,juge ad hoc.

Fait en anglais et en français,letexte anglais faisant foi, au palais de la
Paix,à La Haye, levingt-quatre févriermil neuf cent quatre-vingt-deux, en
trois exemplaires, dont l'un restera déposé aux archivesdelaCour et dont

les autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la Répu-
blique tunisienne et au Gouvernement de la Jamahiriya arabe libyenne
populaire et socialiste.

Le Présidenten exercice,
(Signé)T. O. ELIAS.

Le Greffier,
(Signé)Santiago TORRES BERNARDEZ.

MM. AGOet SCHWEBEL ju,ges, et M. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA ju,ge ad
hoc, joignent à l'arrêtles exposésde leur opinion individuelle.

MM. GROSet ODA,juges, et M. EVENSEN ju,ge adhoc,joignent à l'arrêt
les exposésde leur opinion dissidente.

(Paraphé) T.O.E.
(Paraphé)S.T.B.

Bilingual Content

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING THE
CONTINENTAL SHELF

(TUNISIA/LIBYAN ARAB JAMAHIRIYA)

JUDGMENTOF 24 FEBRUARY1982

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DU PLATEAU CONTINENTAL
(TUNISIE/ JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE) Officia1citation:

ContinentalShelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya),
Judgment, I.C.J. Reports982,p. 18.

Mode officiel de citat:on

Plateau continental(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne),
arrêt,C.I.J. Recueil 1982,p. 18.

Sales number
No de vente: 473 INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

YEAR 1982

General ~iit
No. 63 24 February1982

CASE CONCERNING THE CONTINENTAL SHELF

(TUNISIA/LIBYAN ARAB JAMAHIRIYA)

InterpretationofSpecialAgreement- Sourcesoflaw tobeappliedbytheCourt -
Bindingforce of Judgment.
DelimitationofcontinentalsheifbetweenadjacentStates- Applicableprinciples
andrulesofinternationallaw- Conceptofnaturalprolongationoftheland territory
asdefiningthephysicalobjectorlocationof rightsof thecoastalSta-eRoleofthe
conceptin delimitation Effect of geologicaland geomorphologicaflactors.

Recent trendsinthe lawadmittedat the Third UnitedNations Conferenceonthe
Law of the Sea- Articles 76 and 83 of draft convention.
Claimtohistorictitlesjustifying (inter alia)drawingofstraightbasel-nland
frontier and maritimelimits.
Application of equitableprincipleswitha viewto achieving equitable sol-tion
Account to betaken ofrelevant circurnstanc-sDeterminationofarea relevantfor
thedelimitation- Criterionofproportionality as an aspectof equity.

JUDGMENT

Present :Acting President ELIAS ;Judges FORSTER G,ROS,LACHSM , OROZOV,
NAGENDRS AINGH,MOSLERO ,DA,AGO,SETTE-CAMAR EL,-KHANI,
SCHWEBEL ;Judges ad hoc EVENSEN JI,MÉNEZDE ARÉCHAG;A Regis-
trarTORRES BERNARDEZ.

In the case concerning the continental shelf,
between

the Republic of Tunisia,

represented by
H.E. Mr. Slim Benghazi, Ambassador of Tunisia to the Netherlands,

as Agent, COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

1982
24 février
Rôle général
24février 1982 no63

AFFAIRE DU PLATEAU CONTINENTAL

(TUNISIE/JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE)

Interprétationdu compromis- Sourcesdedroit à appliquerparla Cour- Force
obligatoirede/'arrêt.
Délimitationduplateau continentalentreEtats limitroph-sPrincipeset règles
dedroitinternationalapplicables La notiondeprolongementnaturelduterritoire
terrestredéfinissantl'objetmatérieloussisedesdroitsde/'Etat côti-rRôle de
cettenotionen matièrede délimitation Effet desfacteursgéologiqueset géomor-

phologiques.
TendancesrécentesdudroitacceptéesàlatroisièmeconférencdesNations Unies
sur le droit de la merArticles 76 et 83 duprojet deconvention.
La revendicationde titreshistoriquesnotamment commejustificationdu tracéde
lignesde base droites Frontièreterrestreet limites maritimes.
Applicationdesprincipes équitablesn vued'aboutiràune solution équitab-e
Prise en compte des circonstancespertinente- Déterminationde la région à
considéreraux fins de la délimitatio- Le critèrede proportionnalitéen tant
qu'aspectde /'équité.

Présents :M. ELIAS,Présidenten exercice; MM. FORSTERG , ROS,LACHS,
Mo~ozov, NAGENDRS AINGHM , OSLERO , DA,AGO,SETTE-CAMARA,
EL-KHANI,SCHWEBEL, juges; MM. EVENSENJ,IMÉNEZ DE ARÉ-
CHAGA j,ges ad hoc; M. TORRES BERNARDEG Z,effier.

En l'affaire du plateau continental,

entre

la République tunisienne,
représentéepar

S. Exc. M. Slim Benghazi, ambassadeur de Tunisie aux Pays-Bas,
comme agent,Professor Sadok Belaïd, sometimeDean of the Faculty of Law, Politics and
Economics,Tunis,

as Co-agent and Counsel,
Mr. Néjib Bouziri, Diplomatic Counsellor and former Minister,
Mr. Amor Rourou, Geologico-geophysical Engineer, former Minister of

Industry, Mining and Energy,
as Advisers to the Government,

Mr. Robert Jennings, Q.C.,Whewell Professor of International Law at the
University of Cambridge, President of the Institute of International
Law,
Mr. René-JeanDupuy, Professor at the Collègede France, Member of the
Institute ofInternational Law, Secretary-GeneraloftheHagueAcademyof
International Law,
Mr. Michel Virally,Professorat the Universityof Law, Economicsand Social
Sciences, Paris, and at the Graduate Institute of International Studies,
Geneva, Member of the Institute of International Law,
Mr. GeorgesAbi-Saab, Professorof International Lawat the Graduate Insti-

tute of International Studies, Geneva, Associate of the Institute of Inter-
national Law,
Mr. Yadh Ben Achour, Professor at the Faculty of Law, Politics and Eco-
nomics, Tunis,
Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professorat theUniversity of Law, Economicsand
Social Sciences, Paris,
as Counsel and Advocates,

Mr. Habib Slim, Lecturer in the Faculty of Law, Politics and Economics,
Tunis,
Mr. Mohamed Mouldi Marsit, Director of Conventions in the Office of the
Prime Minister,
Mr. Jeremy P. Carver, Solicitor (Coward Chance),

as Legal Advisers,
Mr. Robert Laffitte, Professor emeritus at the French National Museum of

Natural History, sometime Professorof Geology and former Dean of the
Science Faculty, Algiers,
Mr. Car10 Morelli, Professor of Applied Geophysics and Director of the
Institute of Mines and Applied Geophysicsat the University of Trieste,
Mr. Habib Lazreg, D.Sc., Geologist, Ministry of the National Economy,

Mr. Daniel Jean Stanley, D.Sc.,Oceanographer,consultant in oceanography
and marine geologyat Washington, D.C.,

as Experts,
Commander Abdelwahab Layouni, Ministry of Defence (Navy),

Mr. Kamel Rekik, Engineer, alumnus of the Ecole Polytechnique, Paris,
Ministry of the National Economy,

as Technical Advisers,

Mrs. Hend Mebazaa, Archivist, Ministry of the National Economy,M. Sadok Belaïd,anciendoyende lafacultéde droit et des sciencespolitiques
et économiquesde Tunis,

comme coagent et conseil,
M. NéjibBouziri, conseillerdiplomatique, ancien ministre,

M. Amor Rourou, ingénieur, géologue-géophysiciean n,cien ministre de l'in-
dustrie, des mines et de l'énergie,
comme conseillersdu gouvernement,

M. Robert Jennings, Q.C., professeur Whewellde droit internationall'Uni-
versitéde Cambridge, présidentde l'Institut de droit international,

M. René-JeanDupuy, professeur au Collègede France, membre de l'Institut
de droit international, secrétairegénéle l'Académiededroit internatio-
nal de La Haye,
M.MichelVirally,professeur àl'université dedroit,d'économie etesciences
socialesde Parisetàl'Institut universitairedehautes étudesinternationales
de Genève,membre de l'Institut de droit international,

M. Georges Abi-Saab, professeur de droit internationaà l'Institut universi-
taire de hautes études internationalesde Genève, associéde l'Institut de
droit international,
M.Yadh BenAchour,professeur àla facultédedroit et dessciencespolitiques
et économiquesde Tunis,
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l'université de droit,d'économieet de
sciences socialesde Paris,

comme conseils et avocats,
M. Habib Slim,chargéde cours à la facultéde droit et des sciencespolitiques
et économiquesde Tunis,
M. Mohamed Mouldi Marsit, directeur des conventions au premier minis-
tère,

M.Jeremy P. Carver, solicit (orward Chance),
comme conseillersjuridiques,

M. Robert Laffitte, professeur honoraire au Muséumnational français d'his-
toire naturelle, ancien professeur de géologieet ancien doyen de la faculté
des sciences d'Alger,
M. Car10Morelli,professeur de géophysiqueappliquée et directeurde 1'Ins-
titut des mines et de géophysiqueappliquée del'universitéde Trieste,
M. Habib Lazreg, docteur ès sciences, géologue,ministère de l'économie
nationale,
M. Daniel Jean Stanley, docteur ès sciences,océanographe,consultant en
océanographie eten géologiemarine a Washington, D.C.,

comme experts,
le commandant Abdelwahab Layouni, ministèrede la défense(marine natio-
nale),

M. Kamel Rekik, ingénieur, ancienélèvede 1'Ecolepolytechnique de Paris,
ministèrede l'économienationale,
comme conseillers techniques,

MmeHend Mebazaa, documentaliste, ministèrede l'économienationale, Mr. Samir Chaffai, Secretary at the Embassy of Tunisia to the Nether-
lands,
Mr. Lazhar Bouony, Assistant Lecturer in the Faculty of Law, Politics and

Economics, Tunis,
Mr. Fadhel Moussa, Assistant in the Faculty of Law, Politics and Economics,
Tunis,
Mr. Ridha Ben Hammed, Assistant in the Faculty of Law, Politics and Eco-
nomics, Tunis,
Mr. Raouf Karrai, Assistant Lecturer in Geography at the University of
Tunis,
Mr. Farouk Saimanouli, Lawyer, Ministry of the National Economy,
Mr. Zoubeir Mazouni, Lawyer, Ministry of the National Economy,

as Assistants,

and
the Socialist People's Libyan Arab Jamahiriya,

represented by
H.E. Mr. Kamel H. El Maghur, Ambassador,

as Agent,

Mr. Abdelrazeg El-Murtadi Suleiman, Professor of International Law at the
University of Garyounis, Benghazi,
as Counsel,

Professor Derek W. Bowett, Q.C., President of Queens' College, Cam-
bridge,
Mr. Herbert W. Briggs, Goldwin Smith Professor of International Law
emeritus,Corne11University,
Mr. Claude-Albert Colliard, Honorary Dean, Professor of International Law
at the University of Paris1,
Mr. Keith Highet, Member of the New York and District of Columbia
Bars,

Mr. Antonio Malintoppi, Professor of the Faculty of Law at the University of
Rome,
Sir Francis A. Vallat, K.C.M.G., Q.C., Professor emeritus of International
Law at the University of London, Member of the International Law Com-
mission, Member of the Institute of International Law,
Professor Mustapha K. Yasseen (deceased, 20 September 1981),Member of
the Institute of International Law,
Mr. Walter D. Sohier, Member of the New York and District of Columbia
Bars,

as Counsel and Advocates,
Mr. Amin A. Missallati, Professor of Geology, Al-Fateh University, Tri-

poli,
Mr. Omar Hammuda, Professor of Geology, Al-Fateh University, Tripoli,

Mr. Mohammed Alawar, Assistant Professor of Geography, Al-Fateh Uni-
versity, Tripoli, M. Samir Chaffai, secrétairà l'ambassade de Tunisie aux Pays-Bas,

M. Lazhar Bouony, maître-assistantà la facultéde droit et des sciencespoli-
tiques et économiquesde Tunis,
M. Fadhel Moussa, assistantà la facultéde droit et des sciencespolitiques et

économiquesde Tunis,
M. Ridha Ben Hammed, assistant à la facultéde droit et des sciences poli-
tiques et économiquesde Tunis,
M. Raouf Karrai, maître-assistant de géographieà l'université deTunis,

M. Farouk Saimanouli, juriste, ministère de l'économienationale,
M. Zoubeir Mazouni,juriste, ministère de l'économienationale,

comme assistants,

la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste,

représentéepar
S. Exc. M.Kamel H. El Maghur, ambassadeur,

comme agent,

M. Abdelrazeg El-Murtadi Suleiman, professeur de droit international à
l'université Garyounis de Benghazi,
comme conseil,

M. Derek W. Bowett, Q.C., présidentdu Queens' Collegede Cambridge,

M. Herbert W. Briggs,professeur honoraire Goldwin Smith de droit interna-
tionalà l'université Cornell,
M. Claude-Albert Colliard, doyenhonoraire, professeur de droitinternational
à l'université de Paris 1,
M. Keith Highet, membredesbarreaux de New York et du district de Colum-

bia,
M. Antonio Malintoppi, professeur à la facultéde droit de l'université de
Rome,
sir Francis A. Vallat, K.C.M.G., Q.C., professeur honoraire de droit interna-
tionalà l'universitéde Londres, membre de la Commission du droit inter-
national, membre de l'Institut de droit international,
M. Mustapha K. Yasseen (décédé le20 septembre 1981),membre de l'Institut
de droit international,
M. Walter D. Sohier, membre des barreaux de New York et du district de

Columbia,
comme conseils et avocats,

M. Amin A. Missallati, professeur de géologie à l'université Al-Fateh de
Tripoli,
M.Omar Hammuda, professeur de géologie à l'université Al-Fateh de Tri-
poli,
M. Mohammed Alawar, professeur adjoint de géographie à l'université Al-
Fateh de Tripoli, Mr. Mohammed Jamal Ghellali, Counsellor, Department of Legaland Treaty
Affairs, People's Bureau for Foreign Liaison, Tripoli,
Mr. Seif Jahme, Maritime Department, Tripoli,
Mr. Khaled Gordji, Maritime Department, Tripoli,
Mr. Salem Krista, Cartographic Department, Secretariat of Oil, Tripoli,

Mr. Muftah Smeida, Third Secretary, People's Bureau for Foreign Liaison,

as Advisers,

Mr. Frank H. Fabricius, Professor of Geology at the Institute of Geology and
Mineralogy, Technical University of Munich,
Mr. Claudio Vita-Finzi, Reader in Geology, University College, London,

as Experts,

Mr. Rodman R. Bundy,
Mr. Richard Meese, Doctor of Laws,
Mr. Henri-Xavier Ortoli,
as Counsel.

composed as above,
after deliberation,

delivers the followingJudgment:

1. By a letter of 25November 1978,received in the Registry of the Court on
1December 1978,the Minister of Foreign Affairs of Tunisia notified the Court
of a SpecialAgreement in the Arabic language signed at Tunis on 10June 1977
between the Republic of Tunisia and the Socialist People'sLibyan Arab Jama-
hiriya ;a certified copy of the SpecialAgreement was enclosed with the letter,
together with a translation into French.
2. In the French translation suppliedby Tunisia, Articles 1to 5of the Special
Agreement read as follows [English translationby the Registry] :

'2rticle1

The Court is requested to render its Judgment in the following matter :

What are the principles and rules of international law which may be
applied forthe delimitation of the area of the continental shelf appertaining
tothe Republic ofTunisia and the area of the continental shelf appertaining
to the Socialist People's Libyan Arab Jamahiriya and, in rendering its
decision, to take account of equitable principles and the relevant circum-
stances which characterize the area, as wellas the recent trends adrnitted at
the Third Conference on the Law of the Sea.
Also, the Court is further requested to specify preciselythe practical way
in which the aforesaid principles and rules apply in this particular situation
soas to enable theexperts of the twocountries to delimit thoseareaswithout
any difficulties. M. Mohammed Jamal Ghellali, conseiller au département des affaires juri-
diques et des traités,bureau populaire de liaison avec l'extérieur,Tripoli,
M. Seif Jahme, département de la marine, Tripoli,
M. Khaled Gordji, département de la marine, Tripoli,
M. Salem Krista, département de cartographie, secrétariatpour le pétrole,
Tripoli,
M. Muftah Smeida, troisième secrétaire,bureau populaire de liaison avec
l'extérieur,

comme conseillers,
M. Frank H. Fabricius, professeur de géologieà l'Institut de géologie etde

minéralogie,Universitétechnique de Munich,
M. Claudio Vita-Finzi, assistant en géologie à l'University College de
Londres,
comme experts,

M. Rodman R. Bundy,
M. Richard Meese, docteur en droit,
M. Henri-Xavier Ortoli,
comme conseils.

ainsi composée,
aprèsdélibéré en chambre du conseil,

rend l'arrêt suivan:t

1. Par lettre du 25 novembre 1978reçue au Greffe de la Courle le' décembre
1978, le ministre des affaires étrangèresde Tunisie a notifié à la Cour un
compromis en langue arabe signé à Tunis le 10juin 1977entre la République
tunisienne et la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste; une copie
certifiéeconforme ducompromis étaitjointeàcette lettre, ainsiqu'unetraduction
en français.
2. Dans la traduction en français fournie par la Tunisie, les articleà 5 du

compromis se lisaient comme suit :

Article 1
Il est demandé à la Cour de rendre son arrêtdans l'affaire suivante:

Quels sont les principes et règlesdu droit international qui peuvent être
appliquéspour ladélimitationdelazoneduplateaucontinental appartenant
àlaRépubliquetunisienneetdelazoneduplateaucontinental appartenant à
laJamahiriya arabelibyennepopulaireet socialisteet,enprenant sadécision,
de tenir compte des principes équitables et des circonstances pertinentes
propres à la région, ainsique des tendances récentes admisesàla troisième

Conférence sur le droit de la mer.
De même,ilestdemandéégalement àla Courde clarifier avecprécisionla
manièrepratique par laquelle lesdits principes et règless'appliquent dans
cette situation précise,de manière à mettre les experts des deux pays en
mesure de délimiter lesdites zonessans difficultés aucunes. Article2

Immediately following the deliveryof theJudgment by the Court, the two
Parties shall meet to put into effect these principles and rules to determine
the line of delimitation of the area of the continental shelf appertaining to
each of the two countries, with a view to the conclusion of a treaty in this
matter.

Article 3

In the event that the agreement mentioned in Article 2 is not reached
within a period of three months, renewable by mutual agreement, fromthe
date of delivery of the Court's Judgment, the two Parties shall together go
back to the Court and request such explanations or clarifications as may
facilitate the task of the two delegations, to arrive at the line separating the
two areas of the continental shelf,and the two Parties shallcomply with the
Judgment of the Court and with its explanations and clarifications.

Article 4
A. The proceedings shall consist of written pleadings and oral argu-

ment.
B. Without prejudice to any question that may anse relating to the
means of proof, the written pleadings shall consist of the following docu-
ments :
(1) Memorials to be submitted to the Court and exchanged between the
two Parties within a period not exceeding eighteen (18) months from the

date of the notification of the present SpecialAgreement tothe Registrar of
the Court.
(2) Counter-Memorials to be submittedby both Parties to the Courtand
exchanged between them as follows : the Republic of Tunisia shall submit
its Counter-Memorial within a period of six (6) months from the date on
whichit receivesfrom the Court notification of the Memorial ; the Socialist
People'sLibyan Arab Jamahiriya shall submititsCounter-Memorial within
a period of eight (8) months from the date on which it receives from the
Court notification of the Memorial.
(3) If necessary, additional written pleadings to be submitted to the
Court and exchanged within periods to be fixed by the Court at the request

of eitherParty or, if theCourt so decides, afterconsultation between the two
Parties.
C. The question of the order of speaking for the oral argument shall be
decided by mutual agreement between the Parties and whatever order of
speaking may be adopted, it shall be without prejudice to any question

relating to the burden of proof.

Article 5
This Special Agreement shall enter into force on the date on which the
instruments of its ratification are exchanged and shall be notified to the

Registrar of the Court by both Parties or by either of them." Article2

Dès quel'arrêd t e la Cour est rendu, lesdeux Parties seréuniront pourla
mise en application desdits principes et règlespour déterminer laligne de
délimitationde la zone du plateau continental appartenant à chacun des
deux pays et ce aux fins de la conclusion d'un traitérelatif à cette ma-
tière.

Article 3

Dans lecas où il n'aura pas étpossible d'aboutiràl'accordmentionné à
l'article 2 dans une période de trois mois, renouvelable par accord des
deux Parties,à partir de la datede laparution de l'arrêtde la Cour, lesdeux
Parties reviendront ensemble à la Cour et lui demanderont tous éclaircis-

sements ou explications facilitant la tâche des deux délégationspour par-
venir à la ligne séparantles deux zones du plateau continental et les deux
Parties s'engagentà seconformer à l'arrêtde la Cour eàsesexplications et
éclaircissements.

Article 4

A. La procédure est constituéede plaidoiries écriteset de plaidoiries
orales.
B. Sans préjuger aucune question pouvant survenir relativement aux
moyens de la preuve, les plaidoiries écritessont constituéesdes documents
suivants :

1) Desmémoires àsoumettre àlaCouret à échangerentrelesdeuxParties
dans une périoden'excédant pas dix-huit mois(18) à partir de la date de
notification du présentcompromis au Greffier de la Cour.

2) Des contre-mémoires à soumettre à la Cour par les deux Parties eà

échangerentre ellesconformément àce qui suit:la Républiquetunisienne
soumettra son contre-mémoiredans les sixmois (6) aprèsladate à laquelle
elleaura reçu notification du mémoirede la part de la Cour;la Jamahiriya
arabe libyennepopulaireet socialistesoumettrason contre-mémoiredansles
huit mois (8) à partir de la dateà laquelle elle aura reçu notification du
mémoirede la part de la Cour.
3) En cas de nécessité, des mémoires écriatsditionnelsà soumettre àla
Cour et dont l'échangedoit s'effectuerdans lesdélaisquiseront fixéspar la
Cour àla demande de l'une ou l'autre Partie ou lorsquela Cour en décide

ainsi après consultation entre les deux Parties.
C. La question de l'ordre de prise de parole pour les plaidoiries orales
sera décidéepar accord mutuel entre les Parties et, quel que soit l'ordre de
prise de parole adopté, cet ordre ne doit pas préjugeraucune question

relativeà la charge de la preuve.

Article 5

Le présent compromis entrera en vigueur à compter de la date de
l'échan"edesinstruments de sa ratification et seranotifié au Greffier de la
Cour par les deux Parties ou par l'une ou l'autre d'entre elle)>

823 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

3. Pursuant to Article 40, paragraph 2, of the Statute, and to Article 39,
paragraph 1,of the Rules of Court, a certified copy of the notification and of the
SpecialAgreement wasforthwith transmitted tothe Government of the Socialist
People'sLibyan Arab Jamahiriya. Bya letter of 14February 1979,receivedinthe
Registry of the Court on 19February 1979,the Secretary of Foreign Affairs

of the Socialist People'sLibyan Arab Jamahiriya made a like notification to the
Court, enclosing a further certified copy of the SpecialAgreement in the Arabic
language, together with a translation into English.
4. In the English translation supplied by the Libyan Arab Jamahiriya,
Articles 1 to 5 of the Special Agreement read as follows :

The Court is requested to render its Judgment in the following mat-
ter:

What principles and rules of international law may be applied for the
delimitation ofthe area of thecontinental shelfappertaining to the Socialist
People's Libyan Arab Jamahiriya and to the area of the continental shelf
appertaining to theRepublic ofTunisia, and theCourt shall take itsdecision
according to equitable principles, and the relevant circumstances which
characterize the area, as well as the new accepted trends in the Third
Conference on the Law of the Sea.
Also, the Court isfurther requested to clarify the practical method for the
application of these principles and rules in this specific situation, so as to
enable the experts of the two countries to delimit these areas without any
difficulties.

Article 2
Following the deliveryof theJudgment of the Court, the two Parties shall
meet to apply these principles and rules in order to determine the line of
delimitation of thearea of the continental shelfappertaining to each of the
two countries, with a view to the conclusion of a treaty in this respect.

Article3
In case the agreement mentioned in Article 2 is not reached within
a period of three months, renewable by mutual agreement from the date of
delivery of the Court's Judgment, the two Parties shall together go back to
the Court and request any explanations or clarifications which would

facilitate the task of the two delegations to arrive at the line separating the
two areas of the continental shelf,and the two Parties shallcomply with the
Judgment of the Court and with its explanations and clarifications.

Article 4

(a) The proceedings shall consist of written pleadings and oral argu-
ment.
(b) Without prejudice to any question which may arise relating to the
means of proof, the written pleadings shall consist of the following
documents : 3. Conformément à l'article 40, paragraphe 2, du Statut, eà l'article 39,
paragraphe 1, du Règlement de la Cour, une copie certifiéeconforme de la
notification et du compromisa été transmiseimmédiatementau Gouvernement
de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Par lettre du 14février

1979,reçue au Greffe de la Cour le 19 février1979,le secrétaireaux affaires
étrangèresde la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste a fait une
notification similaire la Couret y ajoint uneautre copie certifiéeconforme du
compromis en langue arabe ainsi qu'une traduction en anglais.
4. Dansla traduction en anglais fournie par laJamahiriya arabe libyenne, les
articles 1à5 du compromis selisaient comme suit [traductionenfrançaisétablie
par le Greffe]:

((Article1

Il est demandé à la Cour de rendre son arrêtsur la question sui-
vante :

Quels principes et règlesdu droit international peuvent êtreappliqués
pour la délimitationde la zone du plateau continental relevant de laama-
hiriya arabe libyenne populaire et socialiste et de la zone du plateau
continental relevant de la République tunisienne, et la Cour décidera
conformément à des principes équitableset aux circonstances pertinentes

propres àlarégion,ainsi qu'aux nouvellestendances acceptées àlatroisième
conférencesur le droit de la mer.
D'autre part, il est égalementdemandé àla Cour de clarifier la méthode
pratique pour l'application de ces principes et de ces règles dans cette
situation précise,de manière à permettre aux experts des deux pays de
délimiter ces zonessans difficulté aucune.

Article 2

Quand la Cour aura rendu son arrêt,les deux Parties se réuniront pour
appliquer ces principes et ces règlesde manière à déterminer la ligne de
délimitationde la zone du plateau continental relevant de chacun des deux
pays, en vue de la conclusion d'un traitéà cet égard.

Article 3
Au cas où l'accord viséàl'article2 ne serait pas obtenu dans un délaide
trois mois, renouvelable de commun accord, à compter de la date du pro-
noncéde l'arrêtde laCour, lesdeux Parties reviendront ensembledevant la

Cour et demanderont toutes explications ou tous éclaircissementsqui faci-
literaientla tâche des deux délégationspour parvenir la ligne séparantles
deux zones du plateau continental, et les deux Parties se conformeront à
l'arrêtde la Cour ainsi qu'à ses explications et éclaircissements.

Article 4

a) La procédureconsistera en la présentation de pièces écrites et en plai-
doiries.
b) Sanspréjudicede toute question pouvant seposer au sujetdesmoyensde
preuve, les pièces écritescomprendront les documents suivants : First - Memorials to besubmitted to the Court and exchanged between
the two Parties, within a penod not exceeding (18) eighteen months
from the date of thenotificationof this Agreement tothe Registrar of
the Court.
Second - Counter-Memorials to be submitted to the Court by both

Parties and exchanged between them as follows :
TheRepublicofTunisiashallsubmit itsCounter-Memorial withina
period of (6) six months from the date on which it receivesfrom the
Court notification of the Memorial ;the Socialist People's Libyan
Arab Jamahiriya shall present its Counter-Memorial within a period
of (8)eight months from the date on which it receivesfrom the Court

notification of the Memorial.
Third - If necessary,additional written pleadings tobe submitted to the
Court and exchanged within periods to be fixed by the Court, at the
request of either Party, or, if the Court soecides, after consultation
between the two Parties.

(c) The question of the order of speaking for the oral argument shall be
decided by mutual agreement between the two Parties and whatever
order of speaking is accepted it shallnot prejudice any question relating
to the presentation of proof.

Article5
This Agreement shall enter into force on the date of exchange of the

instruments of its ratification and shall be notified to the Registrar of the
Court by the two Parties or by either of them."

5. Pursuant to Article 40, paragraph 3, of the Statute and to Article 42 of the
Rules of Court, copies of the notifications and Special Agreement were trans-
rnitted to the Secretary-General of the United Nations, the Members of the
United Nations and other States entitled to appear before the Court.
6. Since the Court did not include upon the bench ajudge of Tunisian or of
Libyan nationality, each of the Partiesproceeded to exercisethe right conferred
by Article 31, paragraph 3, of the Statute to choose ajudge ad hocto sit in the
case.On 14February 1979theLibyan Arab Jamahiriya designated Mr. Eduardo
Jiménezde Aréchaga,and the Parties wereinformed on 25April1979, pursuant

to Article 35,paragraph 3, of the Rules of Court that there was no objection to
this appointment ;on 11December 1979Tunisia designated Mr. Jens Evensen,
and on 7 February 1980the Parties wereinformed that there wasno objection to
this appointment.
7. By Orders of 20 February 1979and 3 June 1980respectively time-limits
were fixed for the filing of a Memorial and a Counter-Memorial by each of the
two Parties, and the Memorials and Counter-Memorials were duly filed within
the time-lirnits so fixed, and exchanged between the Parties pursuant to the
Special Agreement.
8. By a letter from the Prime Minister of the Republic of Malta dated
28 January 1981and received in the Registq of the Court on 30January 1981,

the Government of Malta, invoking Article 62 of the Statute, submitted to the
Court a request for permission to intervenein the case. Bya Judgment dated 14
April 1981,the Court found that that request of Malta could not be granted. Premièrement - Desmémoires à soumettre àla Couret à échangerentre
lesdeux Parties dans un délaiqui ne dépasserapas dix-huit18)mois à
compter dela date delanotification duprésentcompromis au Greffier

de la Cour.
Deuxièmement - Des contre-mémoires à soumettre à la Cour par les
deux Parties et à échangerentre elles de la manière suivante:

La Républiquetunisienne soumettra son contre-mémoire dans un
délaide six(6)mois àcompter de la dateà laquelle elleaura reçu de la
Cour notification du mémoire ; la Jamahiriya arabe libyenne popu-
laire et socialisteprésentera soncontre-mémoiredans un délaide huit
(8) mois à compter de la date à laquelle elle aura reçu de la Cour
notification du mémoire.

Troisièmement - En casde nécessitéd ,es piècesécritessupplémentaires
seront soumises à la Cour et échangéesdans des délaisque la Cour
fixeraà la demandede l'une ou l'autre Partieou, si la Cour en décide
ainsi, après consultation entre les deux Parties.

c) La question de I'ordre de parole, dans les plaidoiries, sera résoluede
commun accord entre lesdeux Parties et, quel que soit l'ordre adopté,il
ne préjugeraaucune question relative àla présentation de la preuve.

Article5
Le présent accordentrera en vigueur à la date de l'échangedes instru-
ments de sa ratification et sera notifiéau Greffier de la Cour par les deux

Parties ou parl'une ou l'autre d'entre elles.

5. Conformément à l'article 40, paragraphe 3, du Statut àtl'article 42 du
Règlement,des copies des notifications et du compromis ont ététransmises au
Secrétaire générad le l'organisation des Nations Unies, aux membres des
Nations Unies et aux autres Etats admis à ester devant la Cour.
6. La Cour ne comptant sur le siègeaucunjuge de nationalitétunisienne ou
libyenne, chacunedes Parties s'estprévaluedu droit que lui confère l'article31,
paragraphe 3, du Statut, de procéder à la désignation d'un juge ad hoc pour
siéger en l'affaire.Le 14 février1979la Jamahiriya arabe libyenne a désigné

M. Eduardo Jiménezde Aréchaga, etle 25 avril 1979les Parties ont étéinfor-
mées,conformément à la l'article 35, paragraphe 3, du Règlement, que cette
désignation ne soulevaitpas d'objection ; le 11 décembre 1979 la Tunisie a
désignéM. Jens Evensen, et le 7 février1980les Parties ont étéinforméesque
cette désignationne soulevait pas d'objection.
7. Par ordonnances prises le 20février1979et le 3juin 1980respectivement,
des délaisont été fixépsour ledépôtpar chacunedes deux Parties d'un mémoire
et d'un contre-mémoire, lesquelsont été dûmentdéposésdans les délais ainsi

fixéset échangésentre les Parties conformémentau compromis.

8. Par lettre du premier ministre de la Républiquede Malte datéedu 28jan-
vier 1981et reçue au Greffe le 30janvier 1981,le Gouvernement de Malte, se
fondant sur l'article2 du Statut, a soumisà la Cour une requête à fin d'inter-
vention dans l'instance. Par arrêt rendule 14avril 1981,la Cour ajugéque cette
requêtede Malte ne pouvait pas êtreadmise. 9. Byan Order dated 16Apnl1981, the President of the Court, having regard
to Article 4(b)(3)of the SpecialAgreement, quoted above, fixed a time-limit for
the filing of Replies by the two Parties, and such Replies were filed and
exchanged within the time-limit fixed.
10. On 16to 18September, 21to 25September, 29September to 2 October,5

to 9October, 13to 15October, and 19to 21 October 1981,the Court held public
sittings at which it was addressed by the following representatives of the Par-
ties:
H.E. Mr. Slim Benghazi,
For Tunisia :
Professor Sadok Belaïd,
Professor Robert Jennings, Q.C.,
Professor René-Jean Dupuy,
Professor Michel Virally,
Professor Georges Abi-Saab,
Professor Yadh Ben Achour,
Professor Pierre-Marie Dupuy,
Professor Robert Laffitte,
Professor Car10 Morelli,
Professor Habib Lazreg.

For the Libyan Arab Jamahiriya : H.E. Mr. Kamel H. El Maghur,
Professor D. W. Bowett, Q.C.,
Professor Herbert W. Briggs,
Professor Claude-Albert Colliard,

Mr. Keith Highet,
Professor Antonio Malintoppi,
Sir Francis A. Vallat, K.C.M.G., Q.C.,
Professor Omar Hammuda,
Dr. Claudio Vita-Finzi.

11. Dr. Frank A. Fabricius was called as an expert by the Libyan Agent,
pursuant to Articles 57 and 63 to 65 of the Rules of Court. He was examined
in chief by Professor D. W. Bowett and was cross-exarnined by Professor
M. Virally.
12. On 14October 1981the Court held a Sittingin cameraat which the Agent
of Tunisia showed a film on "The Tunisian Shelf and the Gulf of Gabes :the
Low-tide Elevations". The Agent of theLibyan Arab Jamahiriya had previously

been afforded the opportunity of studying the film,andhad indicated thathe did
not find it necessary to object to the showing of the film.
13. In the course of the hearings questions were put to both Parties by
Members of theCourt. Prior tothe closeof the hearings, oralor written replies to
those questions were given by the Agents of the Parties.
14. The Govemments of the United States of America, the Netherlands,
Canada, Argentina, Malta and Venezuela,in relianceon Article 53,paragraph 1,
of the Rules of Court, asked to be furnished with copies of the pleadings in the
case. By letters of 24 November 1980,after the views of the Parties had been
sought, and objection had been raised by one of them, the Registrar informed
those Governments that the President of the Court had decided that the plead-

ings in the case and documents annexed would not, for the present, be made
available to States not parties to the case. On 14 September 1981 the Court 9. Par ordonnance prise le 16 avril 1981,le Présidentde la Cour a fixé, eu
égard àl'article 4b)3)du compromis,reproduit ci-dessus,un délaipour ledépôt
derépliques desdeuxPartiesquiont été déposéee st échangéeesntre ellesdansle
délai fixé.

10. Au cours d'audiencespubliques tenuesdu 16au 18septembre, du 21 au
25 septembre,du 29 septembre au 2 octobre, du 5au 9 octobre, du 13au 15oc-
tobre et du 19au 21octobre 1981,la Cour a entendu les représentantsci-après
des Parties:

Pour la Tunisie : S. Exc. M. Slim Benghazi,
M. Sadok Belaïd,
M. Robert Jennings, Q.C.,
M. René-JeanDupuy,
M. Michel Virally,
M. Georges Abi-Saab,
M. Yadh Ben Achour,
M. Pierre-Marie Dupuy,
M. Robert Laffitte,
M. Car10Morelli,

M. Habib Lazreg.
Pour la Jamahiriya arabe libyenne : S. Exc. M.Kamel H. El Maghur,
M. D. W. Bowett, Q.C.,

M. Herbert W. Briggs,
M. Claude-Albert Colliard,
M. Keith Highet,
M.Antonio Malintoppi,
sir Francis A. Vallat, K.C.M.G., Q.C.,
M. Omar Hammuda
M. Claudio Vita-Finzi.

11. Conformément auxarticles57 et 63 à 65 du Règlement, l'agentde la
Jamahiriya arabe libyenne a faitomparaître M. Frank A. Fabricius en qualité
d'expert. MM. BowettetVirallyont procédé respectivement àsoninterrogatoire
et à son contre-interrogatoire.
12. Le 14octobre 1981,la Cour a tenu une audience àhuis clos pendant

laquelle l'agentde la Tunisie afait projeter un film intituléPlateau tunisien et
golfede Gabès :leshauts-fondsdécouvrantsA. uparavant, l'agentdelaJamahinya
arabe libyenne avait pu examiner le filmet avait indiquéqu'il ne jugeait pas
nécessaire d'élevedres objections contre sa projection.
13. Au cours des audiences, plusieurs membresde la Cour ont posédes
questionsà l'uneet l'autre Partie. LesagentsdesPartiesyont répondu oralement
ou par écritavant la clôture de la procédureorale.
14. Les Gouvernements des Etats-Unis d'Amérique,des Pays-Bas,du Cana-
da, del'Argentine,de Malte et du Venezuela, s'appuyantsur l'article53,para-
graphe 1, du Règlement,ont demandé à avoir communication des piècesde

procédure. Les Parties ayant étéconsultéeset l'une d'elles ayant élevéune
objection,le Greffier a informéces gouvernements,par lettres du 24 novembre
1980,que le Présidentde la Cour avait décidéque lespiècesde procédure etles
documentsy annexésne seraientpas pour lemoment mis à ladispositiond'Etats
quin'étaientpasparties àl'affaire.Le 14septembre 1981,laCour adécidé,aprèsdecided, after ascertainingthe viewsof the Parties pursuant to Article 53,para-
graph 2,of the Statute, that the pleadings shouldbemade accessibleto thepublic
with effect from the opening of the oral proceedings, and they were thus at the
same time made available to the States mentioned above.

15. In the course of the written proceedings, the following Submissions were
presented by the Parties :

On behaif of the Republicof Tunisia :

in the Memorial :

"On the basis of the factual and legal considerations set out in the Me-
morial submitted by the Republic of Tunisia, may it please the Court to
adjudge and declare :
1. In reply to the firstquestion put in Article 1of the SpecialAgreement of

10June 1977 :
1. The delimitation contemplated in that Article (hereinafter referred to
as 'the delimitation') isto be effected in such a way, taking into account the
physical and natural characteristics of the area, as to leaveto each party al1

those parts of the continental shelfthat constitutea natural prolongation of
its land territory into and under the sea, without encroachment on the
natural prolongation of the land territory of the other ;
2. The delimitation must not, at any point,encroachupon thearea within
which Tunisia possesses well-established histonc rights, which is defined
laterally on the sidetoward Libya bylineZV-45O,and in the direction of the
open sea by the 50-metre isobath ;
3. The rule defined in paragraph 1 above is to be applied taking into
account that asa result of thegeomorphological peculiarities of the regionit
has been possible to establish that the natural prolongation of Tunisia

certainly extends eastwards as far as the areas between the 250-metre and
300-metre isobaths, and south-eastwards as far as the zone constituted by
the Zira and Zuwarah Ridges ;
4. In the areas situated to the east and southeast of the region defined
above, the delimitation is to take account of al1the relevant circumstances
which charactenze the area, and in particular :

(a) the fact that the eastern coastal front of Tunisia is marked by the
presence of abody ofislands,isletsand low-tideelevationswhichforma
constituent part of the Tunisian littoral ;
(b) the fact that the general configuration of the coasts of the two States is
reproduced with remarkable fidelity by the bathymetnc curves in the
delimitation area and that this fact is simply a manifestation of the
physical and geologicalstructure of the region ; that in consequence the
natural prolongation of Tunisia is onented west-east, and that of Libya
southwest-northeast ;

(c) the potential cut-off effect for Tunisia which could result from thes'être renseignéa euprèsdes Parties, conformément à l'article 53,paragraphe 2,
du Règlement,que lespiècesde procédureseraient rendues accessiblesau public
à partir de l'ouverture de la procédureorale, ce qui a permis aux Etats susmen-

tionnés d'yavoir également accès à ce moment.

15. Dans laprocédureécrite,lesconclusionsci-aprèsont été présentéespar les
Parties :

Au nom de la République tunisienne,
dans le mémoire :

(Sur la base des considérations de fait et de droit exposéesdans le
mémoireprésentépar la République tunisienne, plaise à la Cour de dire et
juger :

1. En réponse à la première question posée à l'article 1 du compromis du
lOjuin 1977 :

1. La délimitationviséeaudit article (ci-après désignée :la délimitation)
doit s'opérerde manière que,compte tenu des donnéesphysiques et natu-
rellespropres àla région,il soitattribuéàchaquepartie la totalité des zones
du plateau continental qui constituent le prolongement naturel de son
territoire sous la mer et n'empiètent par sur le prolongement naturel du
territoire de l'autre partie;
2. La délimitation ne doit, en aucun point, empiétersur la zone à l'in-

térieurde laquelle la Tunisie possède desdroits historiques bien établis et
qui est définielatéralement, du côtélibyen, par la ligne ZV 45' et, vers le
large, par l'isobathe des 50 mètres ;
3. La règle définiedans le paragraphe 1ci-dessus doit être appliquéeen
tenant compte de ceque lesdonnéesgéomorphologiquespropres à la région
ont permis d'établirque le prolongement naturel de la Tunisie s'étendde
façon certaine, vers l'est,jusqu'aux zones comprisesentre les isobathes des
250et 300mètreset,verslesud-est,jusqu'à lazoneconstituéepar lesridesde

Zira et de Zouara :
4. Dans leszones situées à l'estet au sud-est de larégion ci-dessusdéfinie,
la délimitation doit tenir compte de toutes les circonstances pertinentes
propres à la région,notamment :

a) du fait que la façade orientale tunisienne est marquéepar la présence
d'unensembled'îles,îlotsethauts-fondsdécouvrantsqui sontune partie
constitutive du littoral tunisien ;
b) du fait que la configuration généraledes côtes des deux Etats se trouve
reflétée avecune fidélitéremarquable par les courbes bathymétnques
dans la zone de délimitation et que ce fait n'est que la traduction de
la structure physique et géologiquede la région ; qu'il en résulteque

le prolongement naturel de la Tunisie est orienté suivant une direc-
tion ouest-est et celui de la Libye suivant une directionsud-ouest/nord-
est ;
c) de l'effet d'amputation qui pourrait résulterpour la Tunisie de l'angu- particular angulation of the Tuniso-Libyan littoral in combination with
the position on the Coast of the frontier point between the two
States ;
(d) the irregularities characterizing the Tunisian coasts, resulting from a
successionof concavities and convexities,ascompared with the general

regularity of the Libyan coasts in the delimitation area ;
(e) the situation ofTunisiaoppositeStates whosecoasts arerelativelyclose
to its own, and the effects of any actual or prospective delimitation
carried out with those States.
II. In reply to the second question put inArticle 1of the SpecialAgreement

of 10June 1977 :
1. The delimitation should lead to the drawing of a line whichwould not
appreciably depart from the lineswhich result from taking into account the
geomorphological factors peculiar to the region, in particular the existence

ofa crestline constituted by the Zira and Zuwarah Ridges and of the general
orientation of the natural prolongations of the territories of the two coun-
tries toward the abyssal plain of the Ionian Sea ;
2. The delimitation line could either :

(a) be constituted by a line drawn at theTuniso-Libyan frontier parallel to
the bisector of the angle formed by the Tuniso-Libyan littoral in the
Gulf of Gabes (cf. para. 9.25 of this Memorial) ; or

(b) be determined according to the angle of aperture of the coastlineat the
Tuniso-Libyan frontier, in proportion to the length of the relevant
coasts of the two States (cf. paras. 9.30-9.34 of this Memorial)" ;

in the Counter-Memorial :

"On the basis of the factual and legal considerations set out in the
Counter-Memorial submitted by the Republic of Tunisia, may it please the
Court to adjudge and declare :
1. In reply to the first question put in Article 1of the SpecialAgreement of
10June 1977 :

1. The delimitation contemplated in that Article (hereinafter referred to
as 'thedelimitation') isto be effected in such a way,taking into account the
physical and natural characteristics of the area, as to leaveto each Party al1
those parts of thecontinental shelfthat constitutea natural prolongation of

its land territory into and under the sea, without encroachment on the
natural prolongation of the land territory of the other ;
2. The delimitation must not, at anypoint,encroachupon thearea within
which Tunisia possesses well-established historic rights, which is defined
laterally on the sidetoward Libya bylineZV-45O,and inthedirection of the
open sea by the 50-metre isobath ;
3. The delimitation must also be effected in conformity with equitable
principles and taking account of al1the relevant circumstances which char-
acterize the case, it being understood that a balance must be established
between the various circumstances, in order to arrive at an equitable result,

without refashioning nature ; lation particulière du littoral tuniso-libyen combinéeavec la situation
sur la côte du point frontière entre les deux Etats ;

d) des irrégularitéscaractérisant les côtes tunisiennes et résultant d'une
succession de concavités et de convexités, comparées à la régularité
généraledes côtes libyennes dans la zone de délimitation ;
e) de la situation de la Tunisie face à des Etats dont les côtes sont peu
éloignées des siennes etdes effets résultantde toute délimitation actuelle
ou éventuelle effectuée avec cesEtats.

II. En réponse à la deuxièmequestion posée à l'article 1du compromis du
10juin 1977 :

1. La délimitationdevrait conduire au tracéd'uneligne ne s'écartantpas
sensiblement de cellesqui résultentde la prise en considération desfacteurs
géomorphologiquespropres à la région,notamment l'existence d'une ligne
des crêtesconstituéepar les rides de Zira et de Zouara et de l'orientation
générale des prolongementsnaturels des territoires des deux pays vers la
plaine abyssale de la mer Ionienne ;

2. La ligne de délimitation pourrait alternativement :
a) soit être constituéepar une ligne tracée à la hauteur de la frontière
tuniso-libyenne parallèlement à la bissectrice de l'angle formé par le

littoral tuniso-libyen dans le golfe de Gabès (cf. par. 9.25 du présent
mémoire) ;
b) soit êtredéterminée d'aprèsl'angle d'ouverture du littoral, à la hauteur
de la frontière tuniso-libyenne, en proportion de la longueur des côtes
concernées des deux Etats (cf. par. 9.30 à 9.34 du présent mé-
moire) )>;

dans le contre-mémoire :

Sur la base des considérations de fait et de droit exposéesdans le
contre-mémoireprésentépar la Républiquetunisienne, plaise à la Cour de
dire et juger:
1. En réponse à la première question posée à l'article 1du compromis du

lOjuin 1977 :
1. La délimitationviséeaudit article (ci-après désignée :la délimitation)
doit s'opérerde manière que, compte tenu des donnéesphysiques et natu-

rellespropres à la région,ilsoit attribuéàchaque Partie la totalitédeszones
du plateau continental qui constituent le prolongement naturel de son
territoire sous la mer et n'empiètent pas sur le prolongement naturel du
territoire de l'autre Partie;
2. La délimitation ne doit, en aucun point, empiéter sur la zone à l'in-
térieurde laquelle la Tunisie possède des droits historiques bien établis et
qui est définielatéralement, du côté libyen,par la ligne ZV 45" et, vers le
large, par l'isobathe des 50 mètres ;

3. La délimitation doit aussi s'opérerconformément à des principes
équitableset compte tenu de toutes les circonstances pertinentes propres à
l'espèce,étant entendu qu'un équilibre doit être établientre les diverses
circonstances pertinentes, afin de parvenir à un résultat équitable, sans
refaire la nature ; 4. The rule defined in paragraphs 1 and 3 above is to be applied taking
into account that as a result of the geomorphological peculiarities of the

region it has been possible to establish that the natural prolongation of
Tunisia certainly extends eastwards as far as the areas between the 250-
metre and 300-metre isobaths, and south-eastwards as far as the zone
constituted by the Zira and Zuwarah Ridges ;
5. In the area situated to the east and south-east of the region defined
above, the delimitation is to take account of al1the other relevant circum-
stances which characterize the area, and in particular :

(a) the fact that the eastern coastal front of Tunisia is marked by the
presence of abody ofislands, islets and low-tideelevationswhich forma
constituent part of the Tunisian littoral ;
(b) the fact that the general configuration of the coasts of the two States is
reproduced with remarkable fidelity by the bathymetric curves in the
delimitation area and that this fact is simply a manifestation of the
physical and geologicalstructure of the region ; that in consequence the

natural prolongation of Tunisia isoriented west-east, and that of Libya
southwest-northeast ;
(c) the potential cut-off effect for Tunisia which could result from the
particular angulation of the Tuniso-Libyan littoral in combinationwith
the position on the coast of the frontier point between the two
States ;
(d) the irregularities characterizing the Tunisian coasts, resulting from a
succession of concavities and convexities,as compared with the general
regularity of the Libyan coasts in the delimitation area ;

(e) the situation ofTunisia oppositeStates whosecoasts are relativelyclose
to its own, and the effects of any actual or prospective delimitation
carned out with those States.
II. In reply to the second question put in Article 1of the SpecialAgreement
of 10June 1977 :

1. The delimitation should lead to the drawing of a line which would not
appreciably depart from the lines which result from taking into account the
geomorphological factors peculiar to the region, in particular the existence
of a crestline constituted by theZira and Zuwarah Ridges and of the general
orientation of the natural prolongation of the territories of the twocountries

toward the abyssal plain of the Ionian Sea ;
2. The delimitation line could either :
(a) be constituted by a line drawn at the Tuniso-Libyan frontier parallel to
the bisector of the angle formed by the Tuniso-Libyan littoral in the
Gulf of Gabes (see para. 9.25 of the Tunisian Memorial) ; or

(b) be determined according to the angle of aperture of the coastline at the
Tuniso-Libyanfrontier,inproportion to the length of the relevant coast
of the two States (see paras. 9.30-9.34of the Tunisian Memorial)" ;

in the Reply
"The Tunisian Government maintains in full the submissions of its
Counter-Memorial and respectfully requests the Court to reject the sub- 4. La règledéfinieauxparagraphes 1 et 3précédents doitêtreappliquée
en tenant compte de ce que les donnéesgéomorphologiques propres à la

régionont permisd'établirqueleprolongementnaturel delaTunisie s'étend
de façon certaine, vers Sest,jusqu'aux zones comprises entre les isobathes
des 250 et 300 mètres et, vers le sud-est, jusqu'à la zone constituée par les
rides de Zira et de Zouara ;
5. Dans leszonessituées àl'est etau sud-est dela régionci-dessusdéfinie,
la délimitation doit tenir compte de toutes les autres circonstances perti-
nentes propres à la région,notamment :

a) du faitquelafaçadeorientale tunisienne est marquéepar laprésenced'un
ensemble d'îles, îlots et hauts-fonds découvrants qui sont une partie
constitutive du littoral tunisien ;
b) du fait que la configuration généraledes côtes des deux Etats se trouve

reflétée avecune fidélitéremarquable par les courbes bathymétriques
dans la zone de délimitation et que ce fait n'est que la traduction de la
structure physique et géologiquede la région ; qu'il en résulte que le
prolongement naturel de la Tunisie est orienté suivant une direction
ouest-est et celui de la Libye suivant une direction sud-ouest/nord-est ;
c) de l'effet d'amputation qui pourrait résulterpour la Tunisie de l'angu-
lation particulièredu littoral tuniso-libyen, combinéeaveclasituation sur
la côte du point frontière entre les deux Etats ;

d) des irrégularitéscaractérisant les côtes tunisiennes et résultant d'une
succession de concavités et de convexités, comparées à la régularité
généraledes côtes libyennes dans la zone de délimitation ;
e) de la situation de la Tunisie face à des Etats dont les côtes sont peu
éloignéed ses siennes etdes effets résultantde toute délimitation actuelle
ou éventuelle effectuée avecces Etats.

II. En réponse à la deuxième question posée à l'article 1du compromis du
10juin 1977 :

1. La délimitationdevrait conduire au tracéd'une lignene s'écartantpas
sensiblement de celles qui résultentde la prise en considération desfacteurs
géomorphologiques à la région,notamment l'existence d'une ligne
des crêtesconstituéeDar les rides de Zira et de Zouara et de l'orientation
généraledes prolongements naturels des territoires des deux pays vers la

plaine abyssale de la mer Ionienne ;
2. La ligne de délimitation pourrait alternativement :
a) soit être constituéepar une ligne tracée à la hauteur de la frontière
tuniso-libyenne parallèlement à la bissectrice de l'angle formépar le

littoral tuniso-libyen dans le golfe de Gabès(voir par. 9.25 du mémoire
tunisien) ;
b) soit êtredéterminéed'aprè l'sangled'ouverture du littoralà lahauteur de
la frontière tuniso-libyenne, en proportion de la longueur des côtes
concernées des deux Etats (voir par. 9.30 à 9.34 du mémoire tuni-
sien) ));

dans la réplique :

<Le Gouvernement tunisien maintient intégralementles conclusions de
son contre-mémoireet demande respectueusement à la Cour de rejeter les missions of Libya in so far as they are contrary to the Tunisian subrnis-
sions."

On behalf of the Socialist People'sLibyan Arab Jamahiriya :
in the Memorial

"Znviewofthe facts setforth in Part 1of this Memorial, thestatement of
thelawcontained in Part II, and theargumentsapplying thelawto the facts
as stated in Part III of this Memorial ;

Consideringthat the SpecialAgreement between the Parties requests the
Court torender itsJudgmentasto what principlesand rulesofinternational
lawmay be applied for the delimitation of the area of the continental shelf
appertaining to the SocialistPeople'sLibyan Arab Jamahiriya and to the
area of the continental shelf appertaining to the Republic of Tunisia, and
requests theCourt to take itsdecisionaccordingto equitableprinciples,and
the relevant circumstanceswhich characterize the area, as wellas the new
accepted trends in the Third Conference on the Law of the Sea ;

May itplease the Court,on behalf of the SocialistPeople'sLibyan Arab
Jamahiriya, to adjudge and declare :

1. Theconcept of thecontinental shelfas thenatural prolongation of the
land territory intoand under the seaisfundamental to thejuridical concept
of the continental shelf and a State is entitled ipsofacto and ab initioto the
continental shelfwhichis the natural prolongation of its land territory into
and under the sea.
2. Any delimitation should leaveas much as possible to each Party al1
those parts of the continental shelf that constitute such a natural prolon-
gation.
3. A delimitation which giveseffect to the principle of natural prolon-
gation is one which respects theinherent ipsojure rights of each State, and
the assertion of such rights is therefore in accordance withequitable prin-
ciples.

4. The direction of natural prolongation is determined by the general
geological and geographical relationship of the continental shelf to the
continental landmass, and not by the incidental or accidental direction of
any particular part of the coast.
5. In thepresentcasethecontinental shelfoffthecoast ofNorth Africais
a prolongation to the north of the continental landmass, and therefore the
appropriate method of delimitation of the areasof continental shelfapper-
taining toeachPartyinthis specificsituation istoreflectthedirectionofthis
prolongation northward of the terminal point of the land boundary.

6. Application of the equidistance method is not obligatory on the
Parties either by treaty or as a rule of customary international law.

7. Whether the application of a particular method of delimitation is in
accordance with equitable principles isto be tested by its results.

8. Theequidistance methodisinitselfneither a'rule'nos a 'principle'and conclusions de la Libye en ce qu'elles ont de contraire aux conclusions
tunisiennes. ))

Au nom de laJamahiriya arabe libyennepopulaire et socialiste,

dans le mémoire :

<<Vules faits énoncésdans la première partie du présent mémoire, l'ex-
poséde droit figurant dans la deuxième partie, et les arguments concer-
nant l'application du droit aux faits qui sont exposésdans la troisième
partie ;

Considérantque,par le compromis conclu entre les Parties, la Cour est
priéede rendre son arrêtsur la question des principes et règles du droit
international qui peuvent êtreappliqués à la délimitation de la zone du
plateau continental relevant de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et
socialiste et de la zone du plateau continental relevant de la République
tunisienne, et de déciderconformément à des principes équitableset aux
circonstances pertinentes propres à la région, ainsi qu'aux nouvelles ten-
dances acceptées à la troisième conférencesur le droit de la mer ;

PlaiseàlaCourdire etjuger, pour la Jamahiriya arabe libyennepopulaire
et socialiste, que:

1. La notion du plateau continental comme prolongement naturel du
territoireterrestre dans et sousla merest lefondement dela notionjuridique
du plateau continental et un Etat a droit ipsofacto et ab initio au plateau
continental qui estleprolongement naturel de sonterritoireterrestre dans et
sous la mer.
2. Toute délimitation doit, dans toute la mesure du possible, laisser à
chaque Etat toutes les parties du plateau continental quiconstituent un tel
prolongement naturel.
3. Une délimitation mettant en pratique le principe du prolongement
naturel est une délimitation qui respecte les droits inhérents ipsojure de

chaqueEtat, et l'affirmation de cesdroits est par conséquentconforme àdes
principes équitables.
4. La direction du prolongement naturel est déterminéepar le rapport
général,géologiqueet géographique,entre leplateau continental etla masse
terrestrecontinentale, et non par la direction occasionnelle ou accidentelle
d'une section particulière du littoral.

5. En l'espèce leplateau continental au large de la côte de l'Afrique du
Nord est unprolongement versle nord de la masse terrestrecontinentale et,
dans cettesituation particulière,la méthode appropriéede délimitation des
zones de plateau continental relevant de chaque partie consiste donc à
suivreladirection deceprolongement versle nord à partir du point terminal
de la frontière terrestre.
6. L'application de la méthode de l'équidistance n'estpas obligatoire
entre les Parties, que ce soit en vertu d'un traité ou d'une règlede droit
international coutumier.

7. La question de savoir si l'application d'une méthode particulièrede
délimitationest conforme à des principes équitablesdépenddes résultatsde
cette méthode.
8. La méthode de l'équidistance ne constitue en elle-mêmeni une is not necessarily 'equitable' since its application under particular circum-
stances may lead to inequitable results.

9. A principle or method of delimitation which disregards the ipsojure
title of a coastal State to the continental shelf constituting the natural

prolongation of its land territory is, ipsofacto, illegal and necessarily in-
equitable.
10. In the present case, given the particular geographical configuration,
the equidistance method would result in a delimitation of the continental
shelfwhichwould beinequitable,inappropriate, and notin conforrnity with
international law.
11. The baselines promulgated by Tunisia in 1973are not opposable to
Libya for the purposes of the delimitation and the results of givingeffect to
them would in any event be inappropriate and inequitable.
12. For the purpose of achieving an equitable delimitation, the whole of
the sea-bed and subsoil beyond the low-water mark along the coast of each

Party is to be taken into account" ;
in the Counter-Memorial :

"In view of the facts set forth in Part 1 of the Libyan Memorial, the
statement of the law contained in Part II, and the arguments applying the
law to the facts as stated in Part III of the Libyan Memorial ; and

In viewof the observations concerning the facts as stated in the Tunisian

Memorial and statement of law as therein contained, and the additional
facts and the statement of law contained in this Counter-Mernorial ;

Considering that the Special Agreement between the Parties requests
the Court to render its Judgment as to what principles and rules of inter-
national law may be applied for the delimitation of the area of the conti-
nental shelf appertaining to the Socialist People's Libyan Arab Jamahiriya
and to the area of the continental shelf appertaining to the Republic of
Tunisia, and requests the Court to take its decision according to equitable

principles, and the relevant circumstances which characterize the area, as
well as the new accepted trends in the Third Conference on the Law of
the Sea ;
May itplease the Court,rejecting al1contrary claims and Submissions set
forth in the Tunisian Memorial,

To adjudge and declare as follows :

1. The concept of thecontinental shelf as the natural prolongation of the
land territory intoand under the seais fundamental tothejuridical concept
of the continental shelf, and a State is entitledipsofacto and abinitioto the
continental shelf which is the natural prolongation of itsland territory into
and under the sea.
2. The natural prolongation of theland territory of a Stateintoand under
the sea which establishes its ipsojure title to the appurtenant continental
shelf is determined by the whole physical structure of the landmass as
indicated primarily by geology.
3. Submarine ridges on the sea-bed, evenif and where ascertained, which <règle >)ni un <<principe et elle n'est pas nécessairement <<équitable )>
puisque, dans des circonstances particulières, sonapplication peut aboutir

à des résultatsinéquitables.
9. Un principeouméthodededélimitationquiméconnaîtletitre ipsojure
d'un Etat riverain au plateau continental constituant le prolongement
naturel de son territoire terrestre estipsofacto illicite et nécessairement
inéquitable.
10. En l'espèce,étant donnéla configuration géographique particulière,
la méthode de l'équidistance aboutirait à une délimitation du plateau
continental qui serait inéquitable, inappropriée et contraire au droit inter-

national.
11. Les lignes de base promulguées en 1973par la Tunisie ne sont pas
opposables àla Libye auxfins de la délimitationet leurapplication condui-
rait de toute manière à des résultatsinappropnés et inéquitables.
12. Pour parvenir à une délimitation équitable,la totalitédu fond et du
sous-sol de la mer au-delà de la laisse de basse mer, le long du littoral de
chaque partie, doit êtreprise en considération >;

dans le contre-mémoire :

((Vulesfaits énoncés dans lapremièrepartie du mémoirelibyen, l'exposé
de droit figurant dans la deuxième partie et les arguments concernant
l'application du droit aux faits qui sont exposésdans la troisièmepartie ;
et
Vu les observations relatives aux faits présentésdans le mémoiretuni-
sien et l'exposéde droit figurant dans ledit mémoire ainsique les faits
complémentaires et l'exposéde droit contenus dans le présent contre-

mémoire ;
Considérantque,par le compromis conclu entre les Parties, la Cour est
priéede rendre son arrêtsur la question des principes et règlesdu droit
international qui peuvent être appliqués à la délimitation de la zone du

plateau continental relevant de la Jamahinya arabe libyenne populaire et
socialiste et de la zone du plateau continental relevant de la République
tunisienne, et de déciderconformément à des principes équitables et aux
circonstances pertinentes propres à la région, ainsi qu'aux nouvelles ten-
dances acceptées à la troisième conférencesur le droit de la mer ;

Plaiseà la Cour,en rejetant toutes prétentions et conclusions contraires
formuléesdans le mémoire tunisien,
dire etjuger que :

1. La notion du plateau continental comme prolongement naturel du
territoireterrestre dans etsouslamerestlefondement delanotionjuridique
du plateau continental et un Etat a droit ipsofacto et ab initio au plateau
continental qui estleprolongementnaturel de sonterritoireterrestre dans et

sous la mer.
2. Leprolongement naturel du territoireterrestre d'unEtat dans etsousla
mer, qui établit son titre ipso jure au plateau continental attenant, est
déterminépar toute la structure physique de la masse terrestre indiquée
principalement par la géologie.
3. Si elles ne produisent pas de rupture dans l'unité fondamentale dudo not disrupt the essential unity of the continental shelf provide no scien-
tific basis for a legal principle of delimitation.

4. The 'fishing rights' claimed byTunisia as 'historic rights', evenif and
where ascertained, are in any event irrelevant to shelf delimitation in the
present case.

5. The direction of natural prolongation is determined by the general
geological and geographical relationship of the continental shelf to the
continental landmass, and not by the incidental or accidental direction of
any particular part of the coast.
6. In the present case the continental shelfoff the coast of North Afnca
is a prolongation to the north of the continental landmass, and therefore
the appropriate method of delimitation of the areas of continental shelf
appertaining to each Party in this specific situation is to reflect the direc-
tion of this prolongation northward of the terminal point of the land

boundary.
7. The practical method for the application of the principles and rulesof
international law in this specific situation is therefore to continue the
reflection of the direction of the natural northward prolongation from the
outer limit of the territorial sea, at least as far as the parallel where there
occurs a significant change in the general direction of the Tunisian coast
which might reasonably be required to be taken into account in order to
achievea delimitation respecting the relevant circumstancesin accordance
withequitablepnnciples,without affectingthe rightsof Statesnot Parties to
these proceedings.
8. Any delimitation should leave as much as possible to each Party al1
those parts of the continental sheif that constitute its natural prolonga-

tion.
9. A delimitation which gives effect to the principle of natural prolon-
gation is one which respects the inherent ipsjo ure rights of each State, and
the assertion of such rights is therefore in accordance with equitable prin-
ciples.A principle or method of delimitation which disregards the ipsjo ure
title of a coastal State to the continental shelf constituting the natural
prolongation of its land territory is, ipsofactoi,llegal and necessarily in-
equitable.
10. Whether the application of a particular method of delimitation is in
accordance with equitable principles is to be tested by its results.

11. For the purpose of achievingan equitable delimitation, the wholeof
the sea-bed and subsoil beyond the low-watermark along the coast of each
Party is to be taken into account.
12. While the concept of proportionality is not applicable to the geo-
logical and juridical appurtenance of continental shelf which confers ipso
jure entitlement on a State, it mayproperly be usedasa cnterion to evaluate
the effect of geographical features on a delimitation in marginal areas.

13. Application of the equidistance method is not obligatory on the
Parties either by treaty or as a rule of customary international law. The

equidistance method is in itself neither a 'rule'nor a 'principle'and is notplateau continental, lesdorsales sous-marines surlelitde lamern'apportent
aucunfondement scientifique àunprincipejuridique dedélimitation,même
si leur existence est établie.

4. Même sileur existence est établie, les ((droits de pêche 1)revendi-
quéspar la Tunisie en tant que droits historiques))sont en tout étatde
cause sans pertinence pour la délimitation du plateau en la présente af-
faire.
5. La direction du prolongement naturel est déterminéepar le rapport
général, géologiqueetgéographique,entre leplateau continental et la masse
terrestre continentale, et non par la direction occasionnelle ou accidentelle
d'une section particulière du littoral.
6. En l'espèce leplateau continental au large de la côte de l'Afrique du

Nord est un prolongement verslenord de la masseterrestrecontinentale et,
dans cettesituation particulière,la méthode appropriéede délimitation des
zones de plateau continental relevant de chaque Partie consiste donc à
suivreladirection deceprolongement verslenord à partir dupoint terminal
de la frontière terrestre.
7. Dans cette situation particulière,laméthodepratique d'application des
principes et règlesdu droit international consiste donàcontinuer de suivre
la direction du prolongement naturel vers le nord à partir de la limite

extérieurede la mer territoriale, du moinsusqu'au parallèleoù la direction
généralede la côte tunisienne présente un-changementnotable, qu'il pour-
rait raisonnablement êtrenécessairede vrendre en considération afin de
parvenir à une délimitationrespectantlescirconstances pertinentes confor-
mément àdes principes équitables,sansporter atteinte aux droits des Etats
qui ne sont pas parties à la présente affaire.
8. Toute délimitation doit, dans toute la mesure du possible, laisser à
chaque Etat toutes les parties du plateau continental qui constituent son
prolongement naturel.

9. Une délimitation mettant en pratique le principe du prolongement
naturel est une délimitation qui respecte les droits inhérentsipsjoure de
chaqueEtat, etl'affirmation decesdroits estpar conséquentconforme à des
principes équitables.Un principe ouméthodededélimitationquiméconnaît
le titreipsojure d'un Etat riverain au plateau continental constituant le
prolongement naturel de son territoire terrestre est ipso facto illicite et
nécessairementinéquitable.
10. La question de savoir si l'application d'une méthode particulièrede
délimitationestconforme àdesprincipes équitablesdépenddesrésultatsde

cette méthode.
11. Pour parvenir à une délimitation équitable,la totalitédu fond et du
sous-sol de la mer au-delà de la laisse de basse mer, le long du littoral de
chaque Partie, doit êtreprise en considération.
12. Alors que la notion de proportionnalité n'est pas applicableà l'ap-
partenance géologiqueetjuridique du plateau continental qui confère un
titreipsjure à un Etat, ellepeut légitimement servirde critèrepour appré-
cierl'effet descaractéristiquesgéographiquessur une délimitationdans des

zones marginales.
13. L'application de la méthodede l'équidistance n'estpas obligatoire
entre les Parties, que ce soit en vertu d'un traitéou d'une règlede droit
international coutumier. La méthodede l'équidistancene constitue en elle-32 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

necessarily 'equitable' sinceits applicationin particular circumstances may
lead to inequitable results.

14. In the present case, given the particular geographical configuration,

the equidistance method would result in a delimitation of the continental
shelfwhichwould be inequitable,inappropriate, and notinconformity with
international law.
15. The baselines promulgated by Tunisia in 1973are not opposable to
Libya for the purposes of the delimitation and the results of givingeffect to
them would in any event be inappropriate and inequitable" ;

in the Reply
"Libya confirms and maintains the Submissions made in its Memorial
and Counter-Mernorial, as follows" (whereafter the Submissions as set out

in the Counter-Memorial were reproduced).

16. In the course of the oral proceedings, the following Submissions were
presented by the Parties :

On behaif of the Republicof Tunisia :

at the hearing of 25 September 1981 :
"May it please the Court to adjudge and declare :

1. In reply to the first question put in Article 1of the SpecialAgreement of
10June 1977 :

1. The delimitation contemplated in that Article (hereinafter referred to
as 'the delimitation') is to be effected in such a way, taking into account the
physical and natural characteristics of the area, as to leave to eachparty al1
those parts of thecontinental shelf that constitute a natural prolongation of
its land territory into and under the sea, without encroachment on the
natural prolongation of the land territory of the other ;
2. The delimitation must not, at anypoint,encroachupon the area within
which Tunisia possesses well-established historic rights, which is defined

laterally onthe side toward Libya by lineZV-45O,and inthedirection of the
open sea by the 50-metre isobath ;
3. The delimitation must also be effected in conformity with equitable
principles and taking account of al1 the relevant circumstances which
characterizethe case,it being understood that abalancemustbe established
between the various circumstances, in order to arrive at an equitable
result, without refashioning nature ;
4. The rules defined in paragraphs 1and 3above are to be applied taking
into account that as a result of the geomorphological peculiarities of the

region it has been possible to establish that the natural prolongation of
Tunisia certainly extends eastwards as far as the areas between the 250-
metre and 300-metre isobaths, and south-eastwards as far as the zone
constituted by the Zira and Zuwarah Ridges ;
5. In the areas situated to the east and south-east of the region defined
above, the delimitation is to take account of al1the other relevant circum-

stances which characterize the area, and in particular : PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 32

mêmeni une <règle ))ni un <principe et elle n'est pas nécessairement
équitable ))puisque, dans des circonstancesparticulières, son application
peut aboutir à des résultats inéquitables.

14. En l'espèce,étant donnéla configuration géographiqueparticulière,
laméthodede l'équidistanceaboutirait à une délimitationdu plateau conti-
nental qui serait inéquitable, inappropriée etcontraire au droit interna-
tional.
15. Les lignes de base promulguéesen 1973par la Tunisie ne sont pas
opposables à la Libyeaux fins dela délimitation et leur application condui-
rait de toute manière à des résultats inappropriés et inéquitables ));

dans la réplique :

<<La Libye confirme et maintient les conclusions formuléesdans son
mémoireetdans son contre-mémoire,dans les termes suivants )(suivaitle
texte des conclusions tel qu'il figurait dans le contre-mémoire).

16. Dans la procédureorale,lesconclusionsci-aprèsont étéprésentép esr les

Parties :

Au nom de la République tunisienne,

à l'audience du 25 septembre 1981 :
<<Plaise à la Cour de dire et juger :

1. En réponse à la première question posée à l'article 1du compromis du
lOjuin 1977 :

1. La délimitationviséeaudit article(ci-aprèsdésignée :la délimitation)
doit s'opérerde manière que, compte tenu des données physiqueset natu-
rellespropres à la région,ilsoit attribuà chaque Partie la totalité deszones
du plateau continental qui constituent le prolongement naturel de son
territoire sous la mer et n'empiètent pas sur le prolongement naturel du
territoire de l'autre Parti;

2. La délimitationne doit, en aucun point, empiéter surla z&ie à l'in-
térieurde laquelle la Tunisie possèdedes droits historiques bien établis et
qui est définie latéralement,du côté libyen,par la ligne ZV 45" et, vers le
large, par l'isobathe des 50 mètres.
3. La délimitation doit aussi s'opérerconformément à des principes
équitables etcompte tenu de toutes les circonstancespertinentes propres à
l'espèce,étant entendu qu'un équilibredoit être étable intre les diverses

circonstances pertinentes, afin de parvenir à un résultat équitable, sans
refaire la nature.
4. Les règlesdéfinies aux paragraphes 1 et 3 précédents doivent être
appliquéesen tenant compte de ce que les données géomorphologiques
propres à la régionont permis d'établirque le prolongement naturel dela
Tunisie s'étenddefaçon certaine,versl'est,jusqu'aux zonescomprisesentre

les isobathes des 250 et 300 mètres et, vers le sud-est, jusqu'à la zone
constituéepar les rides de Zira et de Zouara.
5. Dans leszonessituées à l'est etau sud-estdela région ci-dessusdéfinie,
la délimitationdoit tenir compte de toutes les autres circonstances perti-

nentes propres à la région, notamment : (a) the fact that the eastern coastal front of Tunisia is marked by the
presence of a body ofislands, islets and low-tideelevationswhich form a
constituent part of the Tunisian littoral ;
(b) the fact that the general configuration of the coasts of the two States is

reproduced with remarkable fidelity by the bathymetric curves in the
delimitation area and that this fact is simply a manifestation of the
physical and geologicalstructure of the region ; that in consequence the
natural prolongation of Tunisia is oriented west-east, and that of Libya
southwest-northeast ;

(c) the potential cut-off effect for Tunisia which could result from the
particular angulation of theTuniso-Libyanlittoralincombination with
the position on the coast of the frontier point between the two

States ;
(d) the irregularities characterizing the Tunisian coast, resulting from a
succession of concavities and convexities, ascompared with the general
regularity of the Libyan coasts in the delimitation area ;
(e) the situation ofTunisiaoppositeStates whosecoastsare relatively close
to its own, and the effects of any actual or prospective delimitation
carried out with those States.

II. In reply to the second question put in Article 1of the SpecialAgreement
of 10June 1977 :

1. The delimitation should lead to the drawing of a line which would not
appreciably depart from the lines which result from taking into account the
geomorphological factors peculiar to the region, in particular the existence
of a crestline determined by the Ziraand Zuwarah Ridges, and particularly
by the Zira Ridge, and by the general orientation of the natural prolonga-
tions of the territories of the two countries toward the abyssal plain of the
Ionian Sea.
2. The delimitation line could either :

(a) be constituted by a line drawn at the Tuniso-Libyan frontier parallel to
the bisector of the angle formed by the Tuniso-Libyan littoral in the
Gulf of Gabes (see para. 9.25 of the Tunisian Memorial) ; or

(b) be determined according to the angle of aperture of the coastline at the
Tuniso-Libyan frontier, in proportion to the length of the relevant
coasts of the two States (see paras. 9.30-9.34 of the Tunisian Me-

morial)" ;
at the hearing of 15October 1981, the Agent of Tunisia stated that the Gov-
ernment of Tunisia maintained the Submissions made on 25 September
1981.

On behalf of the Socialist People'sLibyan Arab Jamahiriya :

at thehearing of9 October 1981,the Agent of the LibyanArabJamahiriyastated
that the Government of the Libyan Arab Jamahiriya confirmed and maintained
its Submissions as set forth in the Libyan Counter-Memorial and the Libyan
R~P~Y ;

at the hearing of 21 October 1981 the Agent of the Libyan Arab Jamahiriya a) du fait que la façade orientale tunisienne est marquéepar la présence
d'unensembled'îles,îlotsethauts-fonds découvrantsquisontunepartie
constitutive du littoral tunisien ;

b) du fait que la configuration générale dec sôtes des deux Etats se trouve
reflétéeavec une fidélitéremarquablepar les courbes bathymétnques
dans la zone de délimitationet que ce fait n'est que la traduction de
la structure physique et géologiquede la région ; qu'il en résulte que
le prolongement naturel de la Tunisie est orientésuivant une direc-
tion ouest-est et celui dela Libyesuivant une direction sud-ouest/nord-
est;

C) de l'effetd'amputation qui pourrait résulterpour la Tunisie de I'angu-
lation particulièredu littoral tuniso-libyen, combinéeavecla situation
sur la côte du point frontièreentre les deux Etats ;

d) des irrégularitéscaractérisantles côtes tunisiennes et résultant d'une
succession de concavités et de convexités, comparéesà la régularité
générale des côtes libyennesdans la zone de délimitation;
e) de la situation de la Tunisie face à des Etats dont les côtes sont peu

éloignéed sessiennesetdeseffetsrésultantdetoutedélimitationactuelle
ou éventuelleeffectuéeavec ces Etats.
II.En réponse à la deuxièmequestion posée à l'article 1du compromis du
IOjuin 1977 :

1. La délimitationdevraitconduire au tracéd'unelignene s'écartantpas
sensiblementde cellesquirésultentdela prise enconsidérationdesfacteurs
géomorphologiquespropres a la région,notamment l'existenced'uneligne
des crêtes déterminépear les rides deZira et de Zouara et plus particuliè-

rement par celle de Zira et par l'orientation généraledes prolongements
naturels des territoires des deux pays vers la plaine abyssale de la mer
Ionienne.
2. La ligne de délimitationpourrait alternativement :

a) soit être constituéepar une ligne tracée à la hauteur de la frontière
tuniso-libyenne parallèlement à la bissectrice de l'angle formépar le
littoral tuniso-libyen dans legolfe de Gabès(voirpar. 9.25du mémoire
tunisien) ;
b) soit êtredéterminée d'après l'anglde'ouverturedu littoral, àla hauteur
de la frontièretuniso-libyenne, en proportion de la lvgueur des côtes
concernéesdes deux Etats (voir par. 9.30 à 9.34 du mémoiretuni-

sien)j);
àl'audiencedu 15octobre 1981,l'agentde la Tunisiea déclaré queson gouver-
nement maintenait les conclusionsénoncées le 25 septembre 1981.

Au nom de laJamahiriya arabe libyennepopulaire et socialiste,
à l'audiencedu 9 octobre 1981,l'agentde la Jamahiriya arabe libyenne a déclaré
quesongouvernementconfirmait et maintenait sesconclusions,énoncéed sansle

contre-mémoirelibyenet dans la répliquelibyenne ;

à l'audiencedu21 octobre 1981,l'agentdelaJamahiriya arabelibyenneadéclaréstated that the Government of the LibyanArab Jamahiriya confirmedand
maintained unchanged its Submissionsas set forth in the LibyanCounter-
Memorial.

17. Itis appropriate to begin with a general description of the geogra-
phical context of thedisputebeforetheCourt, that isto Saythegeneralarea
in which the continental shelf delimitation, which is the subject of the
proceedings, has to be effected. However, one of the issues between the
Parties has been whether it is necessary, before examining a proposed
delimitation,to define the area tobe delimited,and if so,what is the effect
of such definition. The Parties have also disagreed quite markedly over
questions of geographical description,particularly with respect to coastal

features ; not so much because there is doubt as to the physical facts
(except in some sea-bed areas) but rather because the relativeimportance
ofageographicalfeature, andjudgment whether itconstitutesanorm or an
exception, may Vary - or appear to Vary - according to the cartographie
scaleemployed, and according to whether the observer contemplates such
feature in a much wider context or concentrates upon it in its imrnediate
surroundinns.
18. It shguld be emphasized that the only purpose of the description
which follows is to outline the background, and not to define legally the
area of delimitation nor to Sayhow the Court views the various geogra-
phical features for the purposes of their impact on the legal situation. To
the extent that the definition of anyfeature may commandaconclusion of
law material to the Court's decision, the definition willbe provided at the
appropriate point in this Judgment. Similarly, the only purpose of Map
No. 1annexed to the present Judgment is to give a generalpicture of the
geographicalcontext of thedispute, and noparticular significanceattaches

to the choice of scale or the presence or absence of any particular geo-
graphical feature.
19. The Republic of Tunisia (hereinafter called "Tunisia") and the
SocialistPeople'sLibyanArabJamahiriya(hereinafter called "Libya") are
both situate on the northern coastline of the African Continent, fronting
on the Mediterranean Sea.Themore westerly of the two StatesisTunisia,
lying approximately between 30" N and 38" N and between 7" E and
12"E. To the east and south-east of it lies Libya, approximately between
19"N and 34" N and between 9" Eand 25" E.The easterncoast ofTunisia
more or less coincides with the western end of a roughly rectangular
indentation, longer from Westto east than itsdepth from north to south, in
the northern coastline of Africa, theeasternend of whichis constituted by
the Gulf of Sirt on the Libyan coast. Thus not far west of the point (Ras
Ajdir) at whichthelandfrontier betweenLibya andTunisia commenceson
the sea coast, there is a change in the direction of the coastline. If one

follows the coast of Libya towardsTunisia, for some distance before and
after the frontier point, the generalline of the coast is somewhat north ofque son gouvernementconfirmait et maintenait tellesquelles les conclusions
énoncéed sans le contre-mémoirelibyen.

17. Il convient de décriretout d'abord àgrands traits le cadre géogra-
phiquedudifférendsoumis àlaCour, c'est-à-direl'ensembledelarégionoù
la délimitationde plateau continental en cause doit s'effectuer. L'un des
points contestés entre les Parties consistàsavoir si, avant d'étudierune
délimitation projetée,il faut définir la région délimiteret, dans l'affir-

mative,déciderquelseral'effet decette définition.LesParties s'opposenten
outre nettement sur des questions de description géographique,en parti-
culiersur lescaractéristiquesdescôtes, non qu'ilyait desdoutes quant aux
faits physiques (sauf dans le cas de certainsfondsmarins), mais parceque
l'importance relatived'uneparticularitégéographiqueetlaqualification de
normeou d'exceptionqu'on luiattribue peuventvarier - ouparaître varier
- selonl'échelledescartes utiliséesetselonquel'observateur envisagecette
particularité dans une perspective plus ample ou danslecadrerestreintde
ses environs immédiats.

18. Ilimporte de souligner que leseulobjet de la descriptionquisuit est
de situer l'affaire, non de donner une définitionjuridique de la régionà
délimiterni de dire quel serait,pour la Cour, l'effet des diverses particu-

laritésgéographiquessur la situationjuridique. Dans la mesure où une
conclusion dedroit utile pour la décisionpeut dépendrede la définitionde
telleoutelleparticularité,cettedéfinitionseradonnéeentempsvoulu. Dans
lemêmeesprit, lacarte no 1annexéeauprésentarrên tesertqu'àdonner une
vued'ensembledu cadre géographiquedu différend,et aucuneimportance
spécialenes'attache àl'échellechoisienià laprésenceou àl'absence d'une
caractéristique géographiqueparticulière.

19. La République tunisienne (ci-après dénomméela Tunisie) et la
Jamahiriya arabe libyennepopulaire et socialiste (ci-aprèsdénomméela
Libye) sont toutes deux situées surla côte septentrionnale du continent
africain,bordant laMéditerranée. La Tunisie, qui està l'ouestpar rapport

àla Libye,s'étend àpeu prèsdu 30eau 38edegrédelatitudenord etdu 7eau
12edegréde longitudeest. La Libye, qui setrouve àl'estet au sud-est de la
Tunisie, est comprise approximativement entre les 19eet 34e degrésde
latitude nord et leseet 25edegrésde longitude est. La côteorientaledela
Tunisie est àl'extrémitéouest d'un vaste retrait de la côte nord-africaine
ayanten grosla formed'unrectangleplus allongéd'ouestenestquedunord
au sud, l'extrémitéest étant constituée par le golfe de Syrte sur la côte
libyenne. La côte change donc de directionun peu à l'ouestdu point (Ras
Ajdir)oùlafrontièreterrestreentre lesdeuxEtats commence.Enallant dela
Libye vers laTunisie, ellesuit une direction généralouest-nord-ouestsur
unecertainedistanceavant etaprèslepointfrontière.Au-delà decelui-ci,et CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

west ; beyond thefrontier point,afterpassing the island of Jerba, une
enters theconcavityof theGulf of Gabes,which lads round to alength of
coastlinerunning roughly north-east tuRas Kaboudia. Then follows the
Gulf of Hammamet, the protmsion (roughly north-eastwards) of Cape
Bon, and the Gulf ofTunis, beforethe finalsectionof theTunisian coast,
which mns again somewhat north of west, though some four degrees of
latitude furthertothe north than thecoast on each sideof Ras Ajdir.
20. The areain which a continental shelf delimitatiowill have tobe
effectedisthatlying,verybroadly, tuthenorth ofthe coaston eachsideof
RasAjdir,bounded onthe westby part of theTunisian coast,but uncon-
finedon the eastbyany visiblefeatureoragreed delimitationline.Whether
the area to be considered includes the territorialsea (claimedto be a
breadth of 12milesby each ofthe Partiesorany partthereof,isaquestion
in controversybetweenthe Partiesas isthequestion ofthebaselinesfrom
which Tunisia claims to measure itsterritoriasea, and that of certain
historierightsclaimedby Tunisia.Sofar as limitsseawardsareconcemed,
no delimitationagreement hasbeen concluded byeitherPartywithMalta ;
Timisiahas concludedan Agreement,dated 20 August 1971,with Italy,
effecting thedelimitationof the continentalshelfbetween the two coun-
triesprimady on a median-line basisbut with specialarrangements for
theItalian islands oLampione,Lampedusa, Linosa and Pantelleria.The
lineso defined isindicated on Map No. 1annexedto thi sudgment.

21.While thePartieshave notconcludedanyagreement delimiting any
part of thecontinental shelfor as tothe lateralboundary between their
respectiveareas of territoiasea,thishas not prevented acertainamount
of èxplorationand exploitationof the continental shelfEach Party has
granted licencesor concessions in respectof shelf areas regarded the
Party concemed asnecessarilyappertaining to itselfand a considerable
amount of drilling has taken place. On theLibyan side, the legislative
authorization forthis processwas Petroleum Law No. 25, and Petroleum
RegulationNo. 1 made in virtuethereof,bothofwhichcameinto effect on
19 July 1955.However, initialdevelopmenttook place onshore,and itwas
only in 1968 that the firstoffshore concession was granted by Libya.
Between 1968 and 1976, 15wellsweredrilled in an offshoreconcession
area, several owhich proved productive. In themeantirne, Tunisia had
granted itsfirst offshoreconcessioin 1964.A concession granted in1972
was expressed tobebounded on thesouth-eastby "themaritime boundary
between Tunisiaand Libya", the positionthereof beingunspecified ;and
in 1974 the relevantconcession boundary was specified to be part of

"theequidistance line. .. determlliedinconformity with the prin-
ciples of internationalaw pending an agreement between Tunisia
and Libya definùig thelimit of theirrespectivejurisdictions over
thecontin.enta.shelf". PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT)

unefoisdépassée l'i7deDjerba, s'amorcela concavi tédu golfedeGabès, ou
lerivageprend une directionplusou moinsnord-estjusqu'à Ras Kapoudia.
Viennent ensuite legolfede Hammamet, lepromontoire (orienté approxi-
mativement vers lenord-est) du cap Bon et le golfede Tunis, avant la
dernièrepartie du littoral tunisien qui suit eaussiune direction ouest-
nord-ouest mais à une latitude dequelque quatredegrés plusau nord quela
côte avoisinant Ras Ajdir.
20. La régon dans laquelle leplateau continental doit être délimité
s'étend grossomodo au nord de lacôte depart etd'autre deRas Ajdir ;elle
estbornée àl'ouestparunepartie de lacôte tunisiennemais ne l'estversl'est
par aucun accident visibleniaucune limite convenue.Les Parties sonten
désaccordsur le point desavoir s'ifaut yinclure tout ou partiede lamer
territoriale (dontellesont toutesdeux fixélalargeur à f2 milles),sur les
lignes de base apartirdesquelles la Tunisieentend mesurer celle-cietsur
certains droits historiques revendiquéspar laTunisie. Pour ce qui estdes
limitesvers lelargela Tunisiea signéle20 août 1971un accord avec l'Italie
quidélimite leplateau continental entreledeux Etatsessentiellement surla
base d'une lignemédiane, mais avec des dispositions particulières poles

îles italiennede Lampione, Lampedusa, in os at Pantelleria.~a li-ne
ainsi définieest indiquéesur la carte no 1jointe au présent arrêt.

21. L'absence d'accord entre lesParties pour délimiter une portion
quelconquedu plateau continental oufixerla frontièrelatéralentre leurs
eaux territoriales respectivesn'a pas empêché certaines activitéde pros-
pection et d'exploitation du plateau. Chacune des Parties a délivré

des permis ou octroyédes concessions pour les zones qu'elleconsidérait
comme relevant nécessairement de son autorité et lesforages ont été
nombreux. Du côté libyen,ce processus s'autorisaitde la loipétrolière
no25 et dela réglementationpétrolièreno 1 adoptéeen vertu de ladite loi,
qui sont l'uneetl'autre entréesen vigueurle 19juillet1955.Toutefois, les
premièresactivités sedéroulèrent aterre ;lapremière concessionlibyenne
en mer ne fut accordé qeu'en 1968. Entre 1968 et 1976, quinze forages
eurent lieudans une zone de concession en mer, dont plusieursse révé-
lèrent productifs. La Tunisie, quant à elle,avait accordé son premier
permis en mer en 1964. Un permisde 1972spécifiait comme limite sud-est
<{la frontière maritimeentre laTunisie etla Libye )>,sans que l'emplace-
ment de cette frontière fût autrement précisé; en 1974, la limitede ce
permis fut définieen particulierpar la

<ligne d'équidistance ..déterminée conformémentau droit in terna-
tional...dans l'attente d'un accordentre la Tunisieetla Libye défi-
nissant la limitede leur juridiction respectivsur le plateau conti-
nental o. *d~EAB
sn~ddno~ntiaq rny p~norne $sa lo~p np uorlEuIJoj ap snssa~o~d a1pm8a
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sa1a~luo~9~61 uaa8lsalo~d ,uvi~ ssiuawarrra~no~ xnapsap unmy3 *sayoa
sap sa~p OS anblanb ehad nlrauoz aun suep suorluala~d ap~uauray~n~aay~
un IFnbo~osd ~nb a3 'aaui~sr~rrn4caadq eIap lsano51Ei11p JuauraJinr,

'uarpu au~a1~we uomua .g~ apa13m un b ~rprv soa ap prq~ed auWl
aun ~edaq 8rrasJa~dai~lad 'ama ualu~ uorssA3uo~ auc.Cp aldur03 wua al 'aIil
-uaprmo a~nu -rEIluop uorssa~uo~ aun 8Aoq30 Sqq - q 'dZIUB aumYurET38 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

24. The Court is thus authorizedby the SpecialAgreement to take into
account "new accepted trends" which can be considered, as the term
"trends" suggests, as having reached an advanced stage of the process of
elaboration. TheThird United Nations Conference on the Law of the Sea
has however not yet come to an end. The draft convention of 28 August
1981is not yet the final text to be submitted for signature. It would no
doubt have been possible for the Parties to have identified in the Special

Agreementcertain specificdevelopmentsin the lawof the sea of this kind,
and to have declared that in their bilateral relations in the particular case
such rules should be binding as lex specialis.The Parties havehowever not
been so specific, and in the light of their replies to a question put by a
Member of the Court on the point, it does not appear that it was their
intention to go so far as to impose additional or supplementary rules on
themselvesin thiswayin thecontext of thiscase.According to Tunisia, the
"trends", sofar as they do not constitute general international law, areto
be taken into account as "factors in the interpretation of the existing
rules". In any event, however, any consideration and conclusion of the
Court in connection with the application of the "trends" is confined
exclusively to the legal relations of the Parties in the present case. Fur-
thermore, the Court would have hadproprio motu to take account of the
progressmade by theConference evenif thePartieshad not alluded to itin
their Special Agreement ;for it could not ignoreanyprovision of the draft

convention ifit came to theconclusion that the content of suchprovision is
binding upon al1 members of the international community because it
embodies or crystallizes a pre-existing or emergent rule of customary
law.

25. A further provision in the SpecialAgreement requires the Court to
"clarify the practical method for the application of these principles and
rules", that is to say, those it finds applicable to the delimitation, "in this
specificsituation, soas to enable theexperts of the twocountries to delimit
these areas without difficulties". In the instant case, the Parties have thus
not reserved the right to choosethe method to be adopted ; instead, they
have asked the Court to determine the method for them. In the course of
theoral argument, both Parties agreed that in this respectthe present case
would seemto liebetween theNorth Sea ContinentalShelfcases of 1969,in

which the Court was asked only to indicate what principles and rules of
international law were applicable to the delimitation, and the Franco-
BritishArbitrationon theDelimitation of theContinental Shelfof 1977,in
whichthe court of arbitration wasrequested to decidewhat was thecourse
of theboundary between theportions of thecontinental shelfappertaining
to each of the Parties in the relevant area.
26. In thisrespect,a preliminary question whichfallsfor decisionby the
Court arises out of a disagreement between the Parties as to the interpre-
tation of Article 1 of the Special Agreement, and to the scope of the task PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 38

24. En vertu du compromis, la Cour est habilitée à tenir compte des
<(nouvellestendancesacceptées quipeuvent êtreconsidéréesa,insique le
mot a tendances )>-ledénote,comme représentant un stade avancédu

processus d'élaboration.La troisièmeconférencedesNations Unies surle
droit dela mer n'apas encore pris fin. Leprojet de conventiondu 28août
1981n'estpas encoreletextefinalquisera ouvert àlasignature. LesParties
auraient sansdoute pu viser dans le compromis certainsaspects précisdu
développementdu droit de la mer et stipuler qu'en l'occurrence telle ou
telle règleserait obligatoiredans leurs rapports bilatéraux à titre de lex
specialis.Or les Parties ne l'ont pas fait et, d'après leurs réponses à la

question qu'un membre de la Cour leur a poséesur ce point, elles ne
paraissent pas avoir voulu allerjusqu'à s'imposerainsi des règlesaddi-
tionnellesoucomplémentairesdanslecadre delaprésenteaffaire. Selonla
Tunisie, dans la mesure où ellesne font pas encorepartie du droit inter-
national général,les <tendances ))sont à prendre en compte comme
<(élémentd'interprétation des règlesexistantes o.De toute manière, les
considérations ou conclusions que la Cour peut formuler au sujet de
l'application des ((tendances ))concernent exclusivement les relations

juridiques entre les Parties à la présente instance. Au surplus, il aurait
incombé à la Cour de tenir compte d'officedes travaux de la conférence,
mêmesi les Parties n'en avaient rien dit dans le compromis ;la Cour ne
saurait en effet négligerune disposition du projet de convention si elle
venaità conclureque sa substance lietous lesmembres delacommunauté
internationale du fait qu'elle consacre ou cristallise une règle de droit
coutumierpréexistante ou en voie de formation.

25. Aux termes d'une autre clause du compromis, la Cour est priéede
<(clarifierla méthodepratiquepourl'application decesprincipes et deces
règlesdans cettesituation précise ))c'est-à-dired'énoncerceuxqu'ellejuge
applicables à la délimitation, de manière à permettre aux experts des
deuxpaysde délimiterceszonessansdifficultéaucune )).Dansla présente

espècelesPartiesne sesontdonc pas réservé ledroit de choisirla méthode
à adopter ;ellesont au contraire prié la Cour de définircette méthode à
leur place. En plaidoirie, les deux Partiesont reconnu que de ce point de
vue l'affaire actuelle se situeentre les affaires duateaucontinentalde la
mer du Nord de 1969,où la Cour était seulement priéed'indiquer quels
étaientles principes et règlesdu droit international applicables à la déli-
mitation, et l'arbitrage franco-britannique de 1977sur la délimitationdu

plateau continental,dans lequelle tribunal arbitral devait lui-mêmetracer
la limite entre lesportions deplateau continental relevant de chacune des
Parties en cause dans la région considérée.
26. A cet égardla Cour doit trancher une question préliminaire, née
d'un désaccordentre les Parties sur l'interprétationde l'article1du com-
promis et sur laportéedela tâcheque cetexteconfie àla Cour.Considéréeentrusted to theCourt by that text.Fromoneaspect,thedispute iswhether
Article 1submits to the Court two distinct questions, namely, first, what
are the applicable rules and principles of international law, and secondly,
what is the practical method for their application ; or whether these are
simplytwo facets of a singlequestion. From anotheraspect, and expressed
in more practicalform, the disputerelatesto the degree of precision of the
judgment of the Court, and the corresponding extent or absence of free-
dom of the Parties and their experts in defining the line of delimita-
tion.

27. According to Tunisia,the Court is required to specifyprecisely the
practical way in which the principles and rules should be applied. If a
choice of method is likely to give occasion for disagreement, the Court
itself is to decide the option from both the legal and practical points of
view,so asto avoid any differences of opinion which might arise between
the experts of the two Parties ;only a technicaltask of application would
remain, "leaving no room for any difficulty to arise between the two
countries'expertsinpoint ofmeaning or ofmethod". The Court isrequired
totake into account al1the elements of fact and lawregardingthepractical
methods and instruments to be used, up to the ultimate point before the
technical work, the calculation of the CO-ordinatesof the points through
which the line is to pass and the actual plotting of the line upon the
chart .
28. The Libyan view, however, is that the Court is not authorized to
carrythe matter "right up to theultimatepoint before thepurely technical
work". In general, Libya clearly argues in favour of a more restrictive
interpretation of the SpecialAgreement. Its contention is that in clarifying
the "practical method" for the application of the principles and rules of
international law, the Court is to indicate the additional considerations
and factors which have to be taken into account and balanced,but hasnot
been invited to set outthe specificmethod of delimitationitself.This is the
basis of the disagreement about the translation of the Arabic text of the
Special Agreement, inasmuch as Libya contends that the inclusion by

Tunisia of the words "avec précision"in the French translation is unjus-
tified. This controversy concerns the translation of the Arabic word ren-
dered by Libya as "clarify" and by Tunisiaas "clarifier avecprécision",in
the phrase quoted in paragraph 25 above. Another aspect of the contro-
versyis about themeaning of thephrase "practical method" or "practical
way", which Tunisia interprets as synonymous with "method of delimi-
tation" and Libya as less specific or precise.
29. The Court doesnot consider that there isany substantialdistinction
between a "method of delimitation" and a "practical method for the
application of. ..principles and rules in this specific situation, so as to
enable the experts of the two countriesto delimit the area". In any event a
careful analysis of the pleadings and arguments of both Parties on the
point leads the Court to conclude that there is here no fundamental
difference of opinion between them. There is only, in the final analysis, a
difference of emphasis as to the respective roles of the Court and of thesous un certain angle, lacontroverse consiste àsavoir si l'article 1saisit la

Cour de deux questionsdistinctes :primo quels sont les règleset principes
de droitinternationalapplicables etsecundoquelleest la méthodepratique
pour les appliquer ; ou s'il ne s'agit que de deux aspects d'une seule et
mêmequestion. Sousunautre angle,plus pratique, lacontroverseporte sur
le degréde précisionque devra revêtirl'arrêtde la Cour et sur la latitude
laisséeen conséquenceauxParties et à leursexpertspour établirla lignede
délimitation.

27. Selon la Tunisie, la Cour est priéede spécifieren termes précisla
manière pratique d'appliquer les principes et règles. Si le choix de la
méthoderisquait deprovoquer un désaccord,ilappartiendrait àlaCour de
trancher, des points de vuejuridique et pratique, afin d'évitertoute diver-
gencede vuesentre lesexperts desParties ;ilneresterait plus à ceux-ciqu'à
accomplir un travail d'application technique (<sur le sens et les modalités

duquel [ils]nepuissent rencontreraucune difficulté ))LaCour estinvitée à
tenir compte de tous les facteurs de fait et de droit pour définir les
méthodes pratiques et les instmments à utiliser, jusqu'au point ultime
précédantle travail purement technique, le calcul des coordonnées des
points par lesquels la ligne devra passer et son tracéeffectif sur la carte.

28. LaLibyeestimeau contrairequelaCour n'estpashabilitée àmenerla

tâche jusqu'au point ultime précédantle travail purementtechnique O.Il
est clair quela Libye plaided'une façon générale pour une interprétation
plus restrictive du compromis. Sathèse est que, en clarifiantla (<méthode
pratique ))d'applicationdes principes et desrègles,laCourdevraindiquer
les considérations et facteurs supplémentaires à faire entrer enjeu et à
pondérer,mais qu'ellen'a pas été priéede préciserla méthodede délimi-
tation elle-mêmeC . 'estlàlabasedu désaccordsurlatraductionfrançaisedu

textearabe du compromis,où, selonla Libye,laTunisieauraitinséré à tort
les mots <(avecprécisiono.La divergenceporte sur la traduction du mot
arabe que la Libye a rendu par (clarify ))et laTunisiepar (clarifier avec
précision ))dans la phrase citéeau paragraphe 25 ci-dessus. Une autre
divergenceconcerne le sensde l'expression ((méthodepratique 1)ou (<ma-
nièrepratique ))quelaTunisie considèrecommesynonyme de (<méthode
dedélimitation )),laLibyeluiattribuantuneportée plusrestreinteou moins

précise.

29. LaCourne voitpasdedifférenceappréciableentre une (<méthodede
délimitation )etune (méthodepratiquepourl'application de ..principes
etde règlesdanscettesituation précisede manière à permettreauxexperts
des deux pays de délimiter [des]zones ... Au demeurant une analyse

approfondie des écrituresetplaidoiries des Parties sur ce point amènela
Cour à conclure qu'il n'existe entre elles aucune divergence d'opinion
fondamentale.En définitivelesParties nes'écartentl'unedel'autre quepar
desnuancessur les rôles respectifs dela Couret de leurspropres experts.experts of the two countries. The Court, therefore, considers the whole
controversy asof minor importance, sinceithas in anycase to beprecise as
towhat it decides,and cannot agreewiththerepeatedreference of Libya to
"guidance" as definingthe requirement of what the Court should specify.
TheCourt isof course not asked to render an advisoryopinion in thiscase,

in the sense of Article 65 of the Statute and Article 102of the Rules of
Court. What the Court is asked to do is to render ajudgment in a con-
tentious case in accordance with Articles 59 and 60 of the Statute and
Article 94,paragraph 2, of the Rules of Court, ajudgment which willhave
therefore the effect and the force attributed to it under Article94 of the
Charter of the United Nations and the said provisions of the Statute and
the Rules of Court.
30. Articles 2 and 3 of the Special Agreement make it clear that the
Parties recognize theobligation to complywith theJudgment of theCourt.
Under Article2 of the SpecialAgreement, for thepurpose ofimplementing
the Judgment of the Court,both Parties arerequired to meet followingits
delivery, in order to apply the principles and rules which the Court will
havedefinedregardingthedelimitation of thearea of thecontinental shelf,
with aviewto the conclusion of a treaty in thisrespect.They are to meet as
quickly aspossibleafter theJudgment isgiven.This isimplied by Article 3
which contemplates that the Agreement between the Parties should nor-

mallybe reached within three months followingtheJudgment. The Court's
view is that, at that stage, there will be no need for negotiation between
experts of thePartiesregardingthefactors to be taken into accountintheir
calculations, since the Court will have determined that matter. The only
taskremaining willbe the technical onemaking possiblethedrafting of the
treatyincorporating theresult of the work by the experts.There isno need
for the Courtto make anyfurther generalfindingas to theinterpretation of
the SpecialAgreement in this respect ;the degree of precision which is, in
its view,called for, willbeapparent when it comesto indicate thepractical
method for application of the relevant principles and rules, later in this
Judgment.

31. Article 3of the SpecialAgreement,just referredto, provides for the
possibilitythat, in default of agreement,theParties "shall together goback

to the Court and request any explanations or clarifications which would
facilitatethetask of the twodelegations" in effectingthe delimitation. This
provisionhasalsoprovokeddisagreement between the Parties, sinceLibya
has expressed the viewthat "the power under that Article isnot confined to
a mere interpretation of the Judgment", as contemplated by Article 60 of
the Statute and Article 98 of the Rules of Court. Tunisia has objected to
this reading of the Special Agreement, contending that it would have the
effectof deprivingtheJudgment of its "final" character, in violation of the
Statute of the Court. The point might have been regarded as an academic
one at the present stage of the proceedings, were it not that the Parties' PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 40

Toutecette controverse est donc d'une importance mineure pour la Cour,
qui devra de toute façon décideravec précisionet ne saurait accepter le
termede ((directive (guidance)utilisé àplusieursreprisespar laLibyepour
désignercequelaCour estcenséespécifier.Bienentendu latâchedelaCour
en l'espèce n'estpas de donner un avis consultatif au sens de l'article65
du Statut et de l'article 102 du Règlement. Elle est priéede statuer au
contentieux par un arrêt rendu conformément aux articles 59 et 60 du
Statut età l'article94,paragraphe 2,du Règlement,quiauradonc l'effetet

laforceobligatoirequeluiattribuent l'article 94 de la Charte des Nations
Unies et lesdites dispositionsdu Statut et du Règlement.

30. Il ressorà l'évidencedesarticles2et 3du compromis que lesParties
reconnaissent leur obligation de se conformer à l'arrêtde la Cour. Aux
termes de l'article2,ellesdoivent à cettefin seréunir aprèsle prononcéde
l'arrêt pour appliquerles principes et règles que la Cour aura énoncés

commerégissantladélimitationduplateaucontinental,en vue d'aboutir à
la conclusion d'un traité.Elles devront donc se rencontrer aussitôt que
possible après l'arrêt.Cela résulte implicitement de l'article 3, d'après
lequel l'accord entre les Parties devrait normalement êtreconclu dans les
troismoissuivant ladécision.LaCourconsidèreau'à cestade-làles ex~erts
des Partiesn'auront pas à négocierau sujet desfacteurs àfaire intervenir
dans leurs calculs, car la Cour aura réglécette question. La seule tâche
restante sera la tâche technique devant permettre de rédiger le traité

consacrant lestravauxdes experts. La Cour n'apas à formuler de nouvelle
conclusiongénéralesurl'interprétationdu compromis àcetégard ;ledegré
de précision qui s'impose, selonelle, apparaîtra quand elle indiquera la
méthodepratique d'application des principes et règlespertinents dans la
suite du présentarrêt.

31. L'article 3 du compromis qui vient d'être mentionné prévoiq tue,
faute d'accord, (<les deux Partiesreviendront ensemble devantla Cour et
demanderonttoutes explications ou tous éclaircissementsquifaciliteraient
la tâche des deux délégations >)pour réaliserla délimitation.Cette dispo-
sitiona également suscitéune controverseentre les Parties, la Libye ayant
exprimé l'opinion que ((les pouvoirs que [l'article] prévoitne sont pas

limitésàla simpleinterprétationdel'arrêt )enapplication del'article60du
Statut et de l'article 98 du Règlement. LaTunisie s'est élevéceontre cette
conception qui ôterait selon elle à l'arrêtson caractère (définitif)),en
violation du Statut de la Cour. Le débat aurait pu être considéré comme
académique à ce stade de l'instance, n'étaitque les Parties s'appuient sur
leurinterprétation del'article 3du compromis pour renforcer cellequ'ellesinterpretations of Article 3 of the Special Agreement are relied upon to
support their respective interpretations of Articles 1and 2. The Court has
however not found it necessary for the purpose of interpreting these
Articles to arrive at a determination of the correctinterpretation of Arti-
cle 3. Such a determination would in fact be premature ; if the Parties
should decide to comeback to theCourt, anyrequestbasedupon Article3

of the Special Agreement will be dealt with by the Court at that time.

32. The character of the sea-bed of the area within which adelimitation
has to be effected has been the subject of very abundant examination by
the Parties, and of detailed scientific studies by their experts during the
written and oral proceedings. At the outset it willbe sufficient to note that
thissea-bedarea ispart of abroader submarine region, i.e.,thesubmerged
portion of a geomorphological entity referred to by the Parties as the
Pelagian Block (or Pelagian Basin), underlying the sea area known as the
Pelagian Sea. It is agreed by the Parties that this entity alsoincludesland
areas within their territories,notably eastern Tunisia south of the Gulf of
Hammamet, and the plain of the Jeffara in south-eastern Tunisia and

northern Libya. Without entering into the question of the correct geolo-
gical classification of any feature, the Court notes that this broader sub-
marine region is inclined at a gentle slopefrom Westto east ;it extends on
the north at least as far as a series of large depressions (the Troughs of
Pantelleria, Malta and Linosa), and on theeastas far asachangeinslope of
the sea-bed discussed in argument under the names of the "Malta-Misra-
tah Escarpment" or the "Ionian Flexure" (approximately 15" east). A
featureto which Tunisiahas attached importance is a submarine valleyor
depression referred to as the "Tripolitanian Furrow", running roughly
parallel to the Libyan Coastbetween longitude 13" and 15" east approxi-
mately, and which Tunisia regards as a continuation under the sea of the
Gulf of Gabes. Features the existence or importance of which are parti-
cularlycontroversial between the Parties include : two submarine ridges,
running in an approximately west-east direction, approximately on the
parallels of 33" 20' and 33" 30' north, called by Tunisia the Zira and

Zuwarah Ridges ; certain submarine cliffs (falaises)or sharply marked
declivities, at depths of some 150to 200 metres, marking the edge of an
area called the "Tunisian Plateau" east of the Kerkennah Islands and the
"Melita-Medina Plateau" covering the banks of Melita and Medina,
between 34" and 35" north and approximately 14"30'and 15"30'east.A
feature lying outside the Pelagian Block area, which Tunisia at least
regardsas of possible relevance to the delimitation, is an area of markedly
greater depth (some 4,000 metres) east-south-east of Malta, called by
Tunisia the "Ionian Abyssal Plain".donnent des articles 1et 2.LaCour n'acependant pasjugénécessaire,pour
interpréter ces derniers, de se prononcer sur l'interprétation exacte de
l'article 3. Un tel prononcé serait prématuré ; dans l'hypothèse où les
Parties décideraient de revenir devant la Cour, celle-ci examinerait à ce
moment-là toute demande fondée sur l'article 3 du compromis.

32. Durant lesprocéduresécritesetorales,lanature desfondsmarins de
la régionà l'intérieurde laquelle unedélimitationdoit êtreeffectuéea fait
l'objet d'un examenminutieux des Parties et d'études scientifiquesdétail-
léesde leurs experts. Il suffira de noter pour commencer que les fonds
marins en cause font partie d'une région sous-marine plus vaste, à savoir
toute la partie immergéed'une entitégéomorphologique appelée bloc
pélagien(ou bassin pélagien)par les Parties et sous-jacente à l'espace
maritime dénommémer pélagienne.Les Parties s'accordent pour dire que

cetteentitécomprend aussicertainesportions deleurterritoireterrestre,en
particulier laTunisie orientale ausud dugolfede Hammametetla plainede
la Djeffara au sud-est de la Tunisieet au nord de la Libye. Sans vouloir
aborder la question de la véritableclassification géologiqued'une parti-
cularitéquelconque,laCourconstatequela régionsous-marineplus vaste
susmentionnéedescend enpentedouced'ouesten est etqu'elle s'étendvers
le nord au moinsjusqu'a une sériede dépressionsimportantes (fosses de
Pantelleria,Malte et Linosa) et vers l'estjusqu'à un changement de pente
que lesParties ont désigné par lesnoms d'escarpement de Malte-Misratah
ou deflexureionienne (à 15" de longitude est environ). Une particularité
à laquelle la Tunisie attache de l'importance est une valléeou dépres-
sion sous-marineappelée sillon tripolitain, à peu près parallèle a la côte
libyenne, et comprise entre 13 et 15" de longitude est environ, qu'elle
considère comme prolongeant le golfe de Gabès sous la mer. Parmi les

caractéristiques dont l'existence ou l'importance sont plus particulière-
mentcontroverséesentre lesParties on peutciter :deuxridessous-marines
dedirectionapproximative ouest-est,suivant àpeuprèslesparallèles33 "20'
et 33" 30' N appeléesrides de Zira et de Zouara par la Tunisie ; cer-
taines falaises sous-marines ou fortes déclivité,e trouvant àdes profon-
deurs de 150 à200mètresenviron,quiconstituent lerebord d'une étendue
appelée plateau tunisien, à l'est des îles Kerkennah ;enfin le plateau
de Mellita-Medina comprenant les bancs de Mellita et Medina, entre
34 et 35" de latitude nord et 14O30'et 15' 30'environ de longitude est.
Une caractéristique extérieureau bloc pélagien,que la Tunisie au moins
considère comme susceptibled'influer sur la délimitation, est une zone
sensiblement plus profonde (4000 mètres environ), se trouvant à l'est-
sud-est de Malte, que la Tunisie dénommeplaine abyssale ionienne. 33. It isevident that the PelagianBlockisamuch wider region than that
which can possibly be available to be delimited between the Parties. The
submergedpart of the Blocksituated under the PelagianSeacomprisesnot
only areas which are involved in the decision of the present case, but also
regions which are of no concern with regard to the claims in dispute.
Furthermore, the presence of the territories of other States,including the
Pelagian Islands, and Pantelleria, belonging to the Pelagian Block and
abutting on the Pelagian Sea must not be lost sight of. Thenorthern and
north-eastern parts of the Pelagian Block,where conflictingclaims of the
Parties exist,aresituatedina regionwhereclaims of other Statesregarding
the same areas have been made or may be made in the future. The Court
has nojurisdiction to deal with suchproblems in thepresentcase and must
not prejudge their solution in the future.
34. The need for delimitation of areas of continental shelf between the
Parties can only arise withinthesubmarine region in whichclaimsby them
to the exercise of sovereign rights are legally possible according to inter-
national law. Those claims relate, as far as the areas near the coasts are
concerned, to regions whichundoubtedly appertain to theone or the other

Party. However, theirconflicting claims alsooverlapinlargeparts, though
not the whole,of the sea-bed of the Pelagian Sea.It iswithreference to this
latter area thereforethat theCourt willhave to indicatethe legalprinciples
and rules and the practical method of delimitation to be employed in the
present case.
35. Libya has suggested taking into account a region which it calls the
"area of concern" bounded, on its eastern side,by alinejoining the Italian
island of Lampedusa to the point of the same longitude (12" 36')on the
outer boundary of the Libyan territorial sea. It has not indicated any
northern limit of this area, but on the diagrams in its pleadings the lines
indicatingthedirection which,according to Libya, thedelimitation should
take run almost as far north as the island of Lampedusa. Tunisia, for its
part, rejectsthe Libyan suggestion of an area of concernas devoid of legal
basis or realutility,and because suchregion cannot be defined in thenorth
and north-eastern part of the Pelagian Sea by reference to the rights of
third States which are as yet undetermined.Tunisia agrees, however, that
the region in which the delimitation must be drawn is confined to the
Pelagian Sea, which is bordered by the part of the coasts of Tunisia and
Libya which may be described as adjacent, on each side of the frontier at
RasAjdir. To the north, Tunisiaregardsas not relevant areasbordering on
the Italian-Tunisian delimitation line ;to theeast,the Courtnotesthat the
"sheaf oflines" drawnbyTunisia (tobe examinedinmore detail below),as
representing appropriate lines of delimitation, extend on the diagrams in
the Tunisian pleadings approximately as far as the meridian of 15" east.
The Court considers that, for present purposes, these positions of the
Parties will suffice to define the general area relevant for the delirnita-
tion.

* * * 33. Il estévidentque lebloc pélagienestune régionbeaucoupplus vaste
que tout ce qu'on pourrait considérer commeétant àdélimiter entre les
Parties. La partie immergéedu bloc, sous la mer pélagienne,comprend,
outre les zones concernéespar la décisionen l'espèce,des étenduesqui se
trouvent en dehors du champ des revendications formulées de part et
d'autre. Il faut tenir compte aussi de la présence desterritoires d'autres
Etats, y compris les îles pélagiennes et Pantelleria, appartenant au bloc

pélagienetbordant la mer pélagienne.Lespartiesnord et nord-est du bloc
pélagien,enlitige entre lesParties, relèventd'une régionoù d'autres Etats
ont formuléou pourront formulerdes prétentions portant sur les mêmes
zones. La Cour n'a pas compétencepour connaître de cesproblèmesenla
présente instance et elle ne doit pas préjuger leur solution future.

34. La nécessitéde délimiterles zones de plateau continental entre les
Partiesne concerneque la régionsous-marine ou celles-cipeuvent légiti-
mement prétendre exercer des droits souverains en vertu du droit inter-
national. Ces prétentions ont trait, au moinsà proximitédes côtes, à des
zonesqui relèventindubitablement de l'uneou de l'autre Partie. Toutefois
elles se chevauchent aussi sur de vastes étendues des fonds de la mer
pélagienne, maisnon sur leur totalité.C'est donc pour ces fonds que la
Cour devra indiquer les principes et règlesjuridiques applicables et la

méthode pratique de délimitation à employer en l'espèce.

35. La Libye a suggéré de tenir compte d'une régionqu'elleappellela
<<zone considérée )),limitéeà l'est par une ligne reliant l'île italienne de
Lampedusa à un point situé à la mêmelongitude (12" 36') à la limite
extérieuredelamer territoriale libyenne. Ellen'apaspréciséquelleseraitla
limite nord decette zone, mais sur les croquisfigurant dans ses piècesde
procédureles lignes indiquant la direction que devrait avoir la délimita-
tion, selon elle,atteignentpresque l'îledeLampedusa au nord.La Tunisie,
pour sa part, rejette la notion libyennede zone considérée aumotif que
celle-ci est dépourvuede base juridique et d'utilitéréelleet ne peut être
définiedans lespartiesnord et nord-est de la mer pélagiennepar référence

aux droits d'Etats tiers qui restent indéterminés.La Tunisie reconnaît en
revanche que la régionoù la délimitation doit s'effectuer est limitéeàla
mer pélagienne,bordée par les parties des côtes tunisienne et libyenne
pouvant être considéréescomme limitrophes, de part et d'autre de la
frontière àRas Ajdir. Vers le nord la Tunisie estime sans pertinence les
zones avoisinant la ligne de délimitation italo-tunisienne; vers l'est, la
Cour constate que le (faisceau de lignes tracées par la Tunisie (sur
lesquellesellereviendra en détailplusloin)comme représentant deslignes
de délimitation appropriées s'étendent à peu près, dans les croquis des
piècestunisiennes, jusqu'au méridien15" E. La Cour considère que ces
positionsdes Parties suffisentpour le moment à définirde manièregéné-
rale la régionà prendre en considération aux fins de la délimitation. 36. Despite its comparativelyrecent appearanceamong the concepts of
international law, the concept of thecontinental shelf, which may be said
to date from the Truman Proclamation of 28 September 1945,has become
one of the most well known and exhaustively studied, in view of the
considerable economic importance of the exploitation activities effected

under its aegis. There is therefore no need for the Court to dwell on its
nature and development, particularly since,asthe Parties themselveshave
noted, there has proved to be a considerable measure of agreement
between them as to the principles and rules of international law which in
general fa11to be applied to a delimitation of areas of continental shelf
appertaining to two adjacent States which (as is the case of Tunisia and
Libya) are not parties to the 1958Geneva Conventionon the Continental
Shelf. Since however the "principles and rules of international law which
may be applied" for the delimitation of continental shelf areas must be
derived from the concept of the continental shelf itself, as understood in
international law, the Parties themselves found it necessary, in the course
of thepresentation of theirargumentsto theCourt with aviewto defining
the rules and principles for the application of which each of them con-
tended, to discuss extensively the concept of the continental shelf. In
particular, theyboth devoted much attention toaconsideration whichthey
regarded as not only pertaining to the essenceof the continental shelf but
also a major criterionfor its delimitation, namely the "fundamental con-
cept of the continental shelf as being the natural prolongation of the land
domain" (I.C.J. Reports1969,p. 30,para. 40).ThePartiesare in agreement
in the degree of importance they attribute to this concept. The essential
issuesin dispute betweenthem relate to themanner in whichtheprinciples
and rulesderivingfromitshould beapplied to theparticular circumstances

of thepresent case,andtothedetermination of thefactors whichhavetobe
taken into account in order to effect the delimitation.
37. For both Parties,thestartingpointfora discussion of theapplicable
principles and rules has been the Court's Judgment of 20 February 1969
in the North Sea ContinentalSheIf cases. The Parties both take the view
that, as in those cases, the delimitation in the present case has to be
effected
"by agreement in accordance with equitable principles, and taking

account of all the relevant circumstances, in such a way asto leave as
much as possible to each Party al1those parts of thecontinental shelf
that constitute a natural prolongation of its land territory into and
under the sea, without encroachment on the natural prolongation of
the land territory of the other",
and that arnong the factors to be taken into account in the negotiations
contemplated between the Parties was

"the element of a reasonable degree of proportionality ... between
the extent of the continental shelf areas appertaining to the coastal
State and the length of its Coastmeasured in the general direction of 36. Malgrésonapparition relativementrécenteendroitinternational, le
concept de plateau continental, dont on peut dire qu'il remonte à la
proclamationTruman du 28septembre 1945,est devenu l'un desconcepts

lesmieuxconnus etlesplus étudiése ,nraison de l'importance économique
considérabledes activitésd'exploitation qu'ilrecouvre. Il est donc inutile
quela Cours'attarde sursanature etsonhistoire, d'autant que,ainsi queles
Parties elles-mêmes l'ont rappelé,untrèslargeaccord s'estétablientreelles
sur lesprincipes et règlesde droit international applicables en généralà la
délimitationde zones de plateau continental relevant de deux Etats lirni-
trophes,lorsque ceux-ci(telleslaTunisieetla Libye)nesont pas parties à la
convention de Genève sur le plateau continental de 1958. Cependant,
comme les (<principes et règlesdu droit international qui peuvent être
appliqués )pourladélimitationdeszonesduplateaucontinental découlent

nécessairementde la notion mêmedeplateau continental, telle qu'elle est
comprise endroitinternational, lesParties elles-mêmes sesont vuesdansla
nécessitéd'approfondir cette notion quand elles ont développédevantla
Cour leur argumentation sur la définition des règles et principes dont
chacune demandait l'application. En particulier, elles ont toutes deux
insistésur une considérationqui leur paraissait non seulement toucher à
l'essence même de l'institution du plateau continental, mais constitueren
outreundescritèresprincipauxpourladélimitation dudit plateau,à savoir
(<la conception ...fondamentale du plateau continental envisagé comme

prolongementnaturel du territoire >)(C.I.J. Recueil 1969, p. 30, par. 40).
Les Parties attribuent donc la mêmeimportance à cette conception. Elles
s'opposent essentiellementsurlafaçon dont ilfautappliquer lesprincipes et
lesrèglesquiendécoulentdanslescirconstancesparticulièresdelaprésente
espèce,et sur la question des facteurs à retenir pour effectuer la délimi-
tation.

37. Dans leur examen des principes et règles applicables, les deux
Parties prennent pour point de départl'arrêtrendu par la Cour le 20 fé-

vrier 1969dans les affairesdu Plateaucontinentalde lamer duNord.Elles
considèrent que, comme dans ces affaires, la présente délimitation doit
s'opérer :

({par voie d'accord conformément à des principes équitables et
compte tenu de toutes les circonstances pertinentes, de manière à
attribuer, dans toutela mesure du possible, à chaquePartiela totalité
des zones du plateau continental qui constituent le prolongement
naturel de son territoire sous la mer et n'empiètent pas sur le pro-
longement naturel du territoire de l'autre ))

etque,parmi lesfacteurs àprendreenconsidérationdansleurs négociations
futures, figure:

(<le rapport raisonnable [de proportionnalité] qu'une délimitation
opérée conformément à des principes équitablesdevrait faire appa-
raître entre l'étendue des zones de plateau continental relevant de the coastline" (I.C.J. Reports 1969,pp. 53-54, para. 101(C) (1) and
(Dl (3)).

38. The present case however illustrates how the application of the
principlesand rules enunciated, and the factorsindicated, by the Court in
1969may lead to widely differing results according to the way in which
those principles and rules are interpreted and applied, and the relative
weight givento each of those factorsin determining the method of delimi-
tation. Yet here also the Partiesare, to a lesserextent, in accord : for both
Parties it is the concept of the natural prolongation of the land into and
under the sea which is commanding. Where they differ in this respect is
first,as to themeaning of the expression "natural prolongation", that isto
Sayby reference to what terrestrial unit (continental landmass or State
territory), and by the application of what criteria, it is to be determined
whether a given area is the natural prolongation of the one Stateor of the
other. Secondly, while there is also broad agreement between the Parties
that a delimitation which leaves as much as possible to each State those

parts of the continental shelf that constitute its natural prolongation will
necessarily be in accordance with equitable principles, they differ in par-
ticular as to the extent to which considerations other than the dictates of
geography,geomorphologyand geology - andspecificallyconsiderations of
equity - operate to determine what is the natural prolongation of each
State.
39. It is in any event accepted on both sides that equitable considera-
tions would notjustify a delimitation whereby oneState was permitted to
encroach on the natural prolongation of the other. However, the relation-
ship between the concept of the natural prolongation and the need,
emphasized by the Court in 1969,for any delimitation to be effected in
accordance with equitable principles is conceived in a different way by

each Party. SinceLibya contends that the natural prolongation is, at least
in thiscase,determinableasa matter of scientificfact by theapplication of
geological criteria, equitable principlesshould play no role in identifying
appurtenant continental shelf based upon thejuridical concept of natural
prolongation. Furthermore, for Libya a delimitation which giveseffect to
the principle of natural prolongation is necessarily in accordance with
equitable principles, since it respects the inherent rights of each State.
Tunisia agrees that there is no necessary conflict between natural prolon-
gation and equity, but for a differentreason :"the satisfying of equitable
principlesin a particular geographical situation" is part of the process of
"the identification of the natural prolongation". The issue between the
Parties in this respect is whether a natural prolongation defined scien-
tifically without reference to equitable principles is truly a "natural pro-
longation" for the purpose of delimitation.
40. For the determination, with the aid of the physical sciences, of the

natural prolongation of a State'sland territory into and under the sea, the
terrestrial reference unit is, in the contention of Libya, the continental
landmass ;the "incidental or accidentaldirection" of anyparticular Coast 1'Etatriverain et la longueur de son littoral mesuréesuivantla direc-
tion générale de celui-ci))(C.I.J. Recueil1969,p. 53-54,par. 101C 1)
et D 3)).

38. La présente affaire montre cependant que les principes et règles
énoncés etles facteurs indiquéspar la Cour en 1969peuvent donner des
résultatstrèsdifférentsselonlamanièredont cesprincipes etcesrèglessont
interprétéset appliquéset selon le poids relatif attribué à chaquefacteur
pourarrêterunmodededélimitation.Pourtant làencorelesvuesdesParties
concordent, encoreque moins nettement. Pour l'une et l'autre le concept
déterminantestceluiduprolongement naturel delaterre souslamer. Làoù
les Parties cessent d'êtredu même avis,c'esten premier lieu sur le sens de
l'expressionprolongement naturel,autrement dit sur l'unité terrestre de
référence (massecontinentale ou territoire d'un Etat) et sur les critères à
appliquerpour décider siun espace donnéest le prolongement naturel de
l'unou de l'autre Etat. En secondlieu,siles Partiesconviennenten général

qu'une délimitationattribuant autant que possible àchaque Etat les éten-
dues deplateaucontinental quiconstituent sonprolongementnaturel sera
nécessairementconforme à des principes équitables,elles s'opposent en
particulier sur le point de savoir dans quelle mesure des considérations
autresque lesimpératifsgéographiques,géomorphologiquesetgéologiques
- et plus spécialement desconsidérations d'équité - s'appliquent pour
déterminerle prolongement naturel de chaque Etat.

39. Les deux Parties admettent en tout cas qu'une délimitationabou-
tissant àce qu'un Etat empiètesur le prolongement naturel de l'autre ne
saurait être justifiéepar des considérations équitables. Toutefois, elles
apprécientdifféremmentlerapport entre lanotion de prolongement natu-

rel et la nécessité, soulignéear la Cour en 1969,d'opérer la délimitation
suivant des principes équitables.Selon la Libye, le prolongement naturel
peut, au moins en l'espèce,êtrescientifiquement définipar application de
critèresgéologiques ; aussi les principes équitablesne devraient-ils jouer
aucun rôle quand il s'agitd'identifier le plateau continental relevant d'un
Etat en faisant appel à la notionjuridique de prolongement naturel. De
surcroît,d'aprèsla Libye, une délimitationeffectuéed'aprèsleprincipedu
prolongement naturel est nécessairementéquitable,puisqu'elle respecte
les droits inhérents de chaque Etat. La Tunisie reconnaît qu'il n'y a pas
forcémentconflit entre prolongement natureletéquité,mais pour un autre
motif : <<le respect des principes équitables dans une situation géogra-
phiqueparticulière u faitpartie du processus <<d'identification du prolon-
gement naturel )>Acet égard,la questionquisépare lesParties est cellede
savoirsi un prolongement natureldéfiniscientifiquement, sansfaireinter-

venir lesprincipes équitables,constitue vraiment un prolongement naturel
aux fins de la délimitation.
40. Pour déterminer, à l'aide des sciences physiques, le prolongement
naturel du territoire terrestre d'un Etat sous la mer, l'unité terrestrede
référenceest, selon la Libye, la masse terrestrecontinentale ; enprincipe,
on doit négligerladirection accidentelle ou occasionnelled'une côteconti-of the continent is in principle tobe disregarded.Furthermore, in Libya's

view,what has to be ascertained is the direction of the natural prolonga-
tion, rather than the area of sea-bed which constitutes the prolongation ;
and the appropriate method of delimitation isto reflect thedirection of the
natural prolongation by drawinga line in that directionfrom the terminal
point of the land boundary. Tunisia, foritspart, acceptsthe idea that the
"direction" of natural prolongation may be used for the purpose of deter-
mining the orientation of the delimitation line ; however, it maintains
that it is the prolongation of the land territory of the individual States
which is in question, not that of the continent as a whole. For Tunisia,
to adopt the whole landmass as terrestrial reference unit, and on that
basis to exclude from consideration variations in the direction of the
coastline, is to allow geology alone to determine the natural prolongation,
whereas in Tunisia's view considerations of geography, geomorphology
and bathymetry are at least as relevant to the question as are those of
geology.
41. Both Parties consider that the "continental shelf" isan institution of

international law which, whileit remainslinked to a physical fact, isnot to
be identified with the phenomenon designated by the same term - "con-
tinental shelf" - in other disciplines. It was the continental shelf as "an
area physically extendingthe territory of most coastalStates into a species
of platform" whch "attracted the attention first of geographers and
hydrographers and then ofjurists" (I.C.J. Reports 1969, p. 51,para. 95) ;
but the Court notes that at a very early stage in the development of the
continental shelf as a concept of law, it acquired a more extensive con-
notation, so as eventually to embrace any sea-bed area possessing a par-
ticular relationship with the coastline of a neighbouringState, whether or
not such area presented the specific characteristics which a geographer
would recognize as those of what he would classifyas "continental shelf".
This widening of the concept for legalpurposes,evidentparticularly in the
use of the criterion of exploitabilityfor determiningthe seaward extent of
shelf rights, is clearly apparent in the records of the International Law
Commission and other travauxpréparatoiresof the 1958Geneva Conven-

tion on the Continental Shelf.
42. It will be recalled that the definition of the continental shelf in
Article 1 of the 1958Convention is as follows :
"For the purpose of these articles, the term 'continental shelf' is
used asreferring (a)to the seabedand subsoil of the submarine areas
adjacent to the Coastbut outside the area of the territorial sea, to a
depth of 200 metres or, beyond that limit, to where the depth of the
superjacentwatersadmits of the exploitation of the natural resources
of the said areas :(b) to the seabed and subsoil of similar submarine

areas adjacent to the coasts of islands."

While the 200-metre limit was chosen partly as corresponding approxi-
mately to the normal outer limit of the shelf in the physical sense, thenentale particulière. De plus, pour la Libye, c'estla direction du prolon-
gement naturel qu'il faut chercher à définir plutôt que les fonds marins
constituant ceprolongement ;labonneméthodede délimitationconsiste à
matérialiserla direction du prolongementnaturel en traçant une ligne à
partir du point terminal de la frontière terrestre. Pour sa part, la Tunisie
admet que l'onpuisserecourir à la <direction ndu prolongementnaturel
pour décider de l'orientation de la ligne de délimitation ;elle affirme

cependantque cequiimporte c'estleprolongement duterritoireterrestre de
chaque Etat et non celui du continent tout entier. Del'avisde la Tunisie,
prendre pour unitéderéférencelatotalité dela masseterrestre etnégligerde
ce fait les changements de direction du littoral, c'estconsentire que la
géologiedéfinisse à elle seulele prolongement naturel, alors quelesconsi-
dérations empruntées à la géographie,à la géomorphologieet à la bathy-
métrie sont au moins aussi pertinentes que les considérations géolo-
giques.

41. Les deux Parties reconnaissent que le plateau continental est une
institution du droitinternationalqui, bien querestant liéeun faitnaturel,
ne s'identifie pas au phénomènedésignépar la mêmeexpression dans
d'autres disciplines. C'est le plateau continental,en tant que<zone pro-

longeant physiquement le territoirede la plupart des Etats maritimespar
[une] espèce de socle u qui <<a appelé en premier lieu l'attention des
géographeset hydrographes,puis celle desjuristes (C.I.J. Recuei 1969,
p. 51,par. 95).La Cour note cependant que, très tôt dans l'évolutionde la
notionjuridique deplateaucontinental, sonacception s'estélargie,aupoint
decomprendrepour finir touteétendue du fond des mersse trouvant dans
un rapport particulier aveclacôted'un Etat voisin,qu'elleprésenteounon
les caractéristiques exactes qu'un géographeattribuerait à un <<plateau
continental )>.Cet élargissement du concept à des fins juridiques, dont
témoigneen particulier lerecours au critèred'exploitabilitépour définirla
limite des droits vers le large, ressort clairement des documents de la
Commission du droitinternationalet desautrestravauxpréparatoiresde la
convention sur le plateau continental signée à Genèveen 1958.

42. Il convient de rappeler que la définition du plateau continental
figurant à l'article premier de la convention de 1958est la suivante:
((Aux finsdesprésentsarticles,l'expression <plateaucontinental M
est utiliséepour désigner:a) lelit de la mer et le sous-sol des régions
sous-marines adjacentes aux côtes, mais situéesen dehors de la mer
territoriale,jusqu'à une profondeur de 200mètresou,au-delàdecette
limite,jusqu'au point où la profondeur des eaux surjacentespermet

l'exploitation desressourcesnaturelles desdites région;b)le lit de la
mer et le sous-sol des régions sous-marines analogues qui sont adja-
centes aux côtes des îles.
Si la limite des 200 mètres a été retenuepour une part parce qu'elle
correspondait à peu près àla limite extérieurenormale du plateau au sensdefinition of the outer limit of the shelf by reference to the possibility of
exploitation of the sea-bed is clearly open-ended, and emphasizes the lack
of identity between the legal concept of the continental shelf and the
physical phenomenon known to geographers by that name. This defini-
tion, which was according toits terms expressed to be for the purpose of a
conventiontext, wasconsidered by the Court inits 1969Judgment to have
been one of those regarded in 1958 as "reflecting, or as crystallizing,
received or at least emergent rules of customary law relative to the con-
tinental shelf"(I.C.J. Reports 1969,p. 39,para. 63).The fact that the legal

concept, while it derived from the natural phenomenon, pursued its own
development, isimplicitinthe wholediscussionby theCourt in that caseof
the legal rules and principles applicable to it.

43. It was the Court itself in its 1969Judgment which gave currency to
the expression "natural prolongation" as part of the vocabulary of the
international law of the sea. It should, however, first be recalled that the
geographical and other physical circumstances of that case were different
from those of thepresent case. In particular the whole relevantarea of the
North Seaconsisted of continental shelf at a depth of lessthan 200metres.
Secondly,it should be borne in mind that, as the Court itself made clearin
that Judgment, it wasengagedin an analysis of theconcepts and principles
whichin its viewunderlay the actualpractice of States whichis expressive,
or creative, of customary rules. The concept of natural prolongation thus
wasand remainsaconceptto be examined within thecontext of customary
law and State practice. While the term "natural prolongation" may have
been novel in 1969,theidea to which it gaveexpression was already a part
of existing customary law as the basis of the title of the coastal State. The
Court also attributed to that concept a certain role in the delimitation of
shelf areas, in cases in which the geographical situation made it appro-

priate todo so. But while the idea of the natural prolongation of the land
territory defined, in general terms, the physical object or location of the
rights of the coastal State, it would not necessarily be sufficient, or even
appropriate, in itself to determine the precise extent of the rights of one
State in relation to those of a neighbouring State.

44. Both Parties to the present casehave in effect based their argument
upon the idea that because a delimitation should, in accordance with the
Judgment in theNorth Sea ContinentalShelfcases, leaveto eachParty "al1
those parts of the continental shelf that constitute a natural prolongation
ofitsland territory intoand under the sea" (I.C.J. Reports1969,p. 53,para.
101(C) (I)), thereforethe determination of what constitutes such natural
prolongation will produce a correct delimitation. The Court in 1969did
not regard an equitable delimitation and a determination of the limits of
"natural prolongation" as synonymous, sincein the operativeclause of its
Judgment,just quoted, it referred only to thedelimitation being effected in
such a way as to leave "as much as possible" to each Party the shelf areas
constituting its natural prolongation. TheCourt also clearly distinguishedphysique, il est clairquela définitionde la limite extérieuredu plateau en

fonction des possibilitésd'exploitation du lit de la mer reste vague, ce qui
souligne l'absence d'identitéentre la notion juridique de plateau conti-
nentalet lephénomènephysiquequelesgéographesdésignenp tar la même
expression. Dans son arrêt de1969,la Cour a estiméque cette définition,
qui,commesontextel'indique,avaitété expressémentadoptéeenvued'une
convention, était l'une de celles qui étaientconsidéréesen 1958comme
(consacrant ou cristallisant des règlesde droit international coutumier
relatives au plateau continental, règlesétabliesou du moins en voie de
formation ))(C.I.J. Recueil 1969, p. 39, par. 63). Le fait que le concept

juridique, bien que fondé sur le phénomènephysique, a évolué à part,
ressort implicitement de tout l'examen des règleset principesjuridiques
s'yrapportant auquel la Cour s'estlivréeen 1969.
43. C'est la Cour elle-mêmequi, par son arrêt de 1969, a introduit
l'expression (<prolongement naturel 1)dans le vocabulaire du droit inter-
national de la mer. Il faut cependant rappeler tout d'abord que les cir-
constances géographiques etautres circonstances physiques étaient très
différentesdecellesdelaprésenteespèce,etqu'enparticulierla régiondela
mer du Nord qui était en cause alors consistait partout en un plateau
continental de moins de 200mètresdeprofondeur. Ensuiteonne doitpas

perdre de vueque, commela Cour elle-même l'a précisédans cet arrêt,elle
s'y livraità une analyse des concepts et principes qui, selon elle, sous-
tendaient lapratique effectivesuivieparlesEtats pour traduireou créerdes
règlesdedroitcoutumier. Lanotion deprolongement naturel estetdemeure
donc une notion àexaminer dans le contextedu droit coutumier et de la
pratiquedesEtats. Sil'expression (prolongement naturel )étaitinéditeen
1969,l'idée qu'elle visait traduire faisait déjàpartie du droit coutumier
existant en tant que fondement du titre de l'Etat riverain. La Cour avait
aussi attribuéà la notion de prolongement naturel un certain rôle dans la

délimitationde zones de plateau, lorsque la situation géographiques'y
prêtait.Mais,alorsque l'idéedeprolongement naturel du territoireterrestre
définissait,en termes généraux, l'objet physique ou l'assisedes droits de
1'Etatcôtier, ellene serait pas forcémentsuffisanteni mêmeappropriéeen
elle-même pour préciserl'étendueexactedes droits d'unEtat par rapport à
ceux d'un Etat voisin.
44. Les deux Parties à la présenteinstance ont en fait fondé leur argu-
mentation sur l'idéeque, puisqu'une délimitation doit, conformément à
l'arrêt rendu dansles affaires du Plateau continentalde la mer du Nord,

attribuer àchaquePartie <la totalitédeszones deplateau continentalqui
constituentle prolongement naturel de son territoire sous la mer >)(C.I.J.
Recueil 1969, p. 53, par. 101C l)), il suffit d'identifier le prolongement
naturelpour parvenir à une délimitationcorrecte. En 1969,la Cour n'avait
pas considéré commesynonymesunedélimitationéquitableet la fixation
des limitesdesprolongementsnaturels :dansle dispositif desonarrêt, qui
vient d'être citée,lles s'étaitcontentéede dire que la délimitation devait
s'opérerde manière à attribuer <dans toute la mesure du possible à
chaque Partie les zones constituant son prolongement naturel. La Cour 47 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

between aprinciple which affordsthejustification for theappurtenance of
an area to a State and a rule for deterrnining the extent and limits of such
area : "the appurtenance of agivenarea, considered asanentity, in no way
governs the precise delimitation of its boundaries" (I.C.J. Reports 1969,
p. 32,para. 46).The Court is therefore unable to accept thecontention of
Libya that "once thenatural prolongatjon of a State is deterrnined, delimi-

tation becomes a simple matter of complyingwith the dictates of nature".
It would be a mistake to suppose that it will in al1cases, or even in the
majority of them, be possible or appropriate to establish that thenatural
prolongation of one State extends, in relation to the natural prolongation
of another State, just so far and no farther, so that the two prolongations
meet along an easilydefined line.Nor can theCourtapprove the argument
of Tunisia that the satisfying of equitable principles in a particular geo-
graphicalsituation isjust asmuch apart of theprocess of theidentification
of the natural prolongation as the identification of the natural prolonga-
ting is necessary to satisfy equitableprinciples. The satisfaction of equi-
table principlesis, in the delimitation process, of cardinalimportance, as
the Court will show later in this Judgment, and identification of natural
prolongation may, where the geographical circumstancesareappropriate,
have an important role to play in defining an equitable delimitation, in

view of its significance as the justification of continental shelf rights in
some cases ;but the two considerations - the satisfying of equitable
principlesandtheidentification of thenaturalprolongation - arenot tobe
placed on a plane of equality.

45. Since the Court gavejudgment in the North Sea ContinentalShelf
cases, a period has elapsed during which there has been much State prac-
tice in this field of international law, and it has been under very close
review, particularly inthecontext of the ThirdUnitedNations Conference
on the Law of the Sea.The term "natural prolongation" has now made its
appearanceinArticle 76 of the draft conventionon the Law of the Sea.At
thispoint, theCourtmust thus turn to the question whether principles and
rules of international law applicable to the delimitation may be derived
from, or may be affected by, the "new accepted trends" which have
emerged at the Third United Nations Conference on the Law of the
Sea.

46. The Court takes note that the reauest contained in the S~ecial
Agreement for accounttobe taken of acceited trends is not considekd by
the Parties themselves as authorizingit to decide ex aequo et bono,or to
regard these trends as being necessarily principles and rules of general
international law. The Court has first to ascertain how the Parties them-
selvesidentify the trends at the Thd Conference on the Law of the Sea
which are to beregarded as accepted. It has been indicated by the Parties
that they consider as trends relevant to the present case the provisions
which have been incorporated in the successive versions of the Informa1
CompositeNegotiating Text (ICNT), and in the draft convention on the
Law of the Sea developed from that text. Both Parties refer to the proce-avait aussi distinguénettement entre un principe servant àjustifier l'ap-

partenance d'une zone à un Etat etune règledestinée à préciserl'étendue et
les limites de cette zone :(<Le fait qu'une zone, prise comme une entité,
relèvede tel ou tel Etat est sans conséquencesur la délimitationexactedes
frontières de cette zone ))(C.I.J. Recueil 1969,p. 32,par. 46). La Cour ne
peutdoncfaire siennelathèselibyennesuivantlaquelle, (<unefoisquel'ona
déterminéle prolongementnaturel d'un Etat, la délimitationne consiste
plus qu'à seconformeraux exigencesde lanature )).Ce serait une erreur de
croirequedanstous lescas,oudans laplupart d'entre eux,ilsoitpossible ou
approprié d'établir quele prolongement naturel d'un Etat s'étend,par

rapport àcelui d'un autre Etat,jusqu'à un point bien déterminé,de sorte
que lesdeuxprolongements serencontreraient surune ligneaisée à définir.
La Cour nepeut pasnon plussouscrire à l'argument tunisien suivant lequel
le respect des principes équitables dans une situation géographique
particulière fait partie de l'identification du prolongement naturel, tout
comme l'identification du prolongement naturel serait nécessairepour
assurer le respect des principes équitables. Le respect des principes équi-
tables dans le processus de délimitation est capital, comme la Cour le

démontreraparlasuite,etl'identificationdu prolongement naturelpeut, si
les circonstances géographiques s'yprêtent,avoir un grand rôle à jouer
dans la définition d'une délimitation équitable, vu l'importance que le
prolongement revêtdans certains cas comme fondement des droits sur le
plateau continental. Mais les deux considérations - le respect des prin-
cipes équitableset l'identificationdu prolongement naturel - ne sontpas
sur le mêmeplan.
45. Depuisl'arrêtde la Courdans les affaires du Plateaucontinentalde
la mer du Nord, des années ont passédurant lesquelles cette branche du

droit international a donné lieu à toute une pratique étatique et a fait
l'objet d'études très approfondies,à l'occasionnotamment dela troisième
conférence desNations Unies sur le droit de la mer. L'expression (<pro-
longement naturel )figure maintenant àl'article 76 du projet de conven-
tion sur ledroit de la mer. Lemoment est venu d'examiner sides principes
et règlesde droit international applicables àla délimitationpeuvent être
dérivésdes (nouvelles tendances acceptées )>qui se sont dégagées à la
troisième conférence desNations Unies sur le droit de la mer ou peuvent

êtreaffectéspar celles-ci.
46. La Cour constate que l'invitation à tenir compte des tendances
acceptéesque lui adresse lecompromis n'estpasinterprétéeparles Parties
elles-mêmescommel'autorisant àstatuer ex aequo etbono,ni à traiter ces
tendances comme représentant nécessairement desprincipes et règlesde
droit international. La Cour doit d'abord examiner l'attitude des Parties
elles-mêmes ausujetdestendances delatroisièmeconférencesurledroit de
la mer qui peuvent êtreconsidérées comme acceptées.Les Parties ont

exprimél'opinionquelesdispositions inséréed sans lesversionssuccessives
du texte de négociation composite officieux(TNCO) et dans le projet de
convention surledroit dela merquienestrésultéconstituentdestendances
pertinentes en l'espèce. Ellesont évoquélaprocédurementionnéedansledure laid down in United Nations document A/CONF.62/62 of 14April
1978which defines, inparagraphs 10and 11,theconditions which have to
be fulfilled in order to introduce provisions into the ICNT and, since it
changed its name, into the draft convention.
47. Article 76 and Article 83 of the draft convention are the provisions
of the draft conventionprepared by theConference whichmay be relevant
as incorporating new accepted trends to be taken into account in the

present case. According to Article 76, paragraph 1,
"the continental shelf of a coastal State comprises the sea-bed and
subsoil of the submarine areas that extend beyond its territorial sea
throughout the natural prolongation of its land territory to the outer
edge of the continental margin, or to a distance of 200nautical miles
from the baselines from which the breadth of the territorial sea is
measured where the outer edge of the continental margin does not

extend up to that distance."
Paragraphs 2 to 9of the Article, which deal with details of the outer limits
of thecontinental shelf,can be disregarded for the purposes of thepresent
Judgment. Whileparagraph 10states that theprovisions oftheArticle "are
without prejudice to the question of delimitation of the continental shelf
between States with opposite or adjacent coasts", the definition given in
paragraph 1 cannot be ignored. That definition consists of two parts,
employing differentcriteria. According to thefirst part of paragraph 1the

natural prolongation of the land territory is the main criterion. In the
secondpart oftheparagraph, thedistance of200nautical miles isincertain
circumstancesthe basis of the title of a coastal State.The legal concept of
the continental shelf as based on the "species of platform" has thus been
modified by this criterion. The definition in Article 76, paragraph 1,also
discardsthe exploitability test which is an element in the definition of the
Geneva Convention of 1958.

48. The principle that the natural prolongation of the coastal State is a
basis of its legaltitle to continental shelfrights doesnot inthepresent case,
as explained above, necessarily provide criteria applicable to the delimi-
tation of the areas appertaining to adjacent States. In so far as Article 76,
paragraph 1,of the draft conventionrepeatsthisprinciple, itintroduces no
newelement and does not therefore cal1forfurther consideration. In sofar

however as the paragraph provides that in certain circumstancesthe dis-
tance from thebaseline,measured on the surface of the sea,is thebasis for
the title of the coastal State, it departs from the principle that natural
prolongation is the sole basis of the title. The question therefore arises
whether theconcept ofthe continental shelfascontainedinthe secondpart
of thedefinition isrelevant to the decision of thepresent case.It isonly the
legalbasis of the title to continental shelf right- the mere distance from
the Coast - which can be taken into account as possibly having conse-
quences for the claims of the Parties. Both Parties rely on the principle of
natural prolongation :they have not advancedany argumentbased on thedocument desNations Unies A/CONF.62/62 du 14avril 1978quidéfinit,
dans ses paragraphes 10et 11,les conditions auxquelles les dispositions
nouvelles sontincorporéesau TNCO et, depuis qu'ila changéde nom, au
projet de convention.
47. L'article76 et l'article 83sont lesdispositionsdu projet de conven-

tion élaboré par laconférencequi pourraient refléter desnouvelles ten-
dances acceptées à prendre en considération en l'espèce.D'après l'ar-
ticle 76, paragraphe 1 :
(<Leplateaucontinental d'unEtat côtiercomprend lesfondsmarins

et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l'étenduedu
prolongementnaturelduterritoireterrestredecet Etatjusqu'aurebord
externe de la marge continentale, ou jusqu'à 200 milles marins des
lignes de base à partir desquelles est mesuréela largeur de la mer
territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se
trouve à une distance inférieure. ))

Les paragraphes2 à 9, qui contiennent des dispositions détaillées surles
limitesextérieuresdu plateaucontinental, peuvent êtrenégligéa suxfinsdu
présentarrêt.Bien que le paragraphe 10spécifieque les dispositions de
l'article((ne préjuge[nt]pas de la question de la délimitationdu plateau
continentalentredes Etatsdont lescôtessontadjacentes ouse font face )),la
définitionduparagraphe 1ne doitpas êtreperduede vue.Cettedéfinition
comprend deux parties, faisant appel à des critèresdifférents.D'aprèsla
premièrepartie du paragraphe 1,c'est leprolongement naturel du territoire

terrestrequi estlecritèreprincipal.Dansladeuxièmepartie duparagraphe,
c'estladistance de200millesquifondedanscertainescirconstances letitre
de 1'Etatcôtier.Lanotionjuridique duplateaucontinentalreposantsurune
((espècedesocle ))est donc modifiéeou au moinscomplétée par cecritère.
La définition de l'article76, paragraphe 1, écarte également le critère
d'exploitabilité,qui est un élémentde la définitionde la convention de
Genèvede 1958.
48. Ainsi qu'il a été exposé l, principe suivant lequel le prolongement
naturel de l'Etat côtier est la base de son titrejuridique au plateau conti-

nentalnefournit pasnécessairementenl'espècedecritèresapplicables à la
délimitation dezones relevant d'Etats limitrophes. Dans la mesure où la
premièrepartie del'article 76,paragraphe 1,duprojetdeconvention nefait
querépéterceprincipe, ellen'apporte aucun élémentnouveau et n'appelle
donc pas d'examen plus approfondi. Dans la mesure cependant où le
paragraphe prévoitquedanscertainescirconstancesla distance à partir de
lalignedebase,mesurée à lasurfacedelamer,fonde letitrede 1'Etatcôtier,
ils'écarteduprincipesuivant lequelceseraitleprolongementnaturelquien
constituerait la seule base. Il a donc lieu de se demander sila notion de

plateaucontinental ausensdela deuxièmepartie deladéfinitionpeutjouer
un rôle dans la décisionenl'espèce. Seule labasejuridique des droitssur le
plateau continental - la simple distance de la côte - peut êtreprise en
considérationcomme pouvant influersur les prétentionsdes Parties. Les
deux Parties invoquent le principe du prolongement naturel :elles n'ont"trend" towardsthe distance principle. Thedefinition in Article 76,para-
graph 1, therefore affords no criterion for delimitation in the present
case.

49. With regard to the delimitation of the continental shelf between
States with opposite or adjacent coasts, Article 83, paragraph 1, of the
Informa1 CompositeNegotiating Text of the Third United Nations Con-
ference on the Law of the Sea (A/CONF.62/WP.lO/Rev.2) provided
that :

"The delimitation of the continental shelf between States with
opposite or adjacent coasts shall be effected by agreement in confor-
mity withinternational law.Suchan agreement shallbein accordance
with equitableprinciples, employing the median or equidistance line,
where appropriate, and taking account of al1circumstances prevailing
in the area concerned."

But, on 28 August 1981,the President of the Conferencepresented to the
Conferencein Geneva the followingproposa1 to replaceArticle 83,para-
graph 1 :
"The delimitation of the continental shelf between States with
opposite or adjacentcoasts shallbe effectedby agreement on thebasis

of international law, as referred to in Article 38 of the Statute of the
International Court of Justice, in order to achieve an equitable solu-
tion."
In accordance with the decision taken by theConference, thisproposa1has
now acquired the status of part of the officia1draft conventionbefore the
Conference.
50. In the new text, any indication of a specific criterion which could
giveguidance to theinterestedStatesin theireffort to achievean equitable

solution has been excluded. Emphasis is placed on the equitable solution
which has to be achieved. The principles and rules applicable to the
delimitation of continental shelf areas are those which are appropriateto
bring about an equitableresult ; this is a matter which the Court willhave
to consider further at alater stage.For thepresent,theCourtnotesthat the
new text does not affect the role of the concept of natural prolongation in
this domain.

51. Having thus set the concept of delimitation by identification of
natural prolongation in what the Court considers to be itsproper perspec-
tive,the Court willproceed to examine thecontentions of the Parties as to
its application in the present case. In viewof the emphasisplacedupon it,
the Court will first examine the contentions of the Parties as to the csn- avancéaucunargument fondésur la <tendance )>enfaveurduprincipede
distance. La définitiondel'article76,paragraphe 1,nefournit doncaucun
critère de délimitation en l'espèce.

49. Pourcequi est dela délimitationdu plateau continental entre Etats
dontles côtes sefont face ousont adjacentes,l'article 83,paragraphe 1,du
texte de négociationcomposite officieux de la troisième conférencedes
Nations Unies sur le droit de la mer (A/CONF.62/WP.IO/Rev.2) dispo-

sait:
(La délimitationdu plateau continental entre Etats dont les côtes
sont adjacentes ou se font face est effectuéepar voie d'accord,
conformémentau droit international. Un tel accord sefait selon des
principes équitables,moyennant l'emploi,le cas échéant,de la ligne

médiane ou de la ligne d'équidistance et compte tenu de tous les
aspects de la situation dans la zone concernée. >>
Toutefois, le 28 août 1981, le président de la conférencea présenté à
celle-ci,réunieà Genève,le texte suivantdestiné à remplacer l'article 83,

paragraphe 1 :
(La délimitationdu plateau continental entre Etats dont lescôtes
sontadjacentes ou sefont face est effectuéepar voied'accord confor-
mémentaudroitinternational telqu'ilestvisé àl'article38duStatutde
la Cour internationale de Justice, de façon à aboutir à une solution

équitable. ))
Conformément à la décisionprise par la conférence,cette suggestion a
désormaisle caractère d'un projet officiel d'article de la conférence.

50. Dans le nouveau texte, toute indication d'un critère spécifique
pouvant aider les Etats intéressés à parvenir à une solution équitable a
disparu. L'accent est placé sur la solution équitable à laquelle il faut
aboutir. Les principes et règlesapplicables à la délimitationde zones de
plateau sont ceux qui conviennentpour produire un résultat équitable ;
c'estlà un aspect sur lequella Cour aura àrevenir. Pourle moment, ellese
bornera à noter que le nouveau texte n'affecte pas lerôle du concept de
prolongement naturel dans ce domaine.

51. Ayant ainsi replacé l'idéede délimitation par l'identification du
prolongementnaturel dans cequ'elleestime êtrelaperspective convenable,
la Cour va maintenant aborder l'examendes thèsesrespectivesdes Parties
sur sonapplication enl'espèce.Etant donnél'importance quiaétéattachée
à cette question, la Cour examinera pour commencer les arguments des 50 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

tribution made to the identification of their respective areas of naturai
prolongation by geological study of the area to be delimited and of the
neighbouring coastal regions of the two States. The Court will for this
purpose briefly summarize the arguments which the Parties have based
upon the geological structure and history of the area, and the major
successivestagesof its geologicaldevelopment as expoundedby the coun-
sel, scientific advisers and experts of the two Parties.
52. To appreciate the Libyan argument, it is first necessary to set out
bnefly a comparatively recently developed theory known as "plate tec-

tonics", presented to the Court by Libya. Before doing so, however, the
Court would mention that Tunisiahas criticized the Libyan argument for
its reliance upon that theory. However, the Court notes that the experts
consultedbyTunisia agreewiththeinternational geologicalcommunityon
thebasicprinciples ofplate tectonics ; Tunisiahasrather disputed someof
thedeductions sought to be madefromthe theory, and contendedthat the
referencetoit isirrelevantinthepresent case.According to this theory,the
outermost structural shell of the earth, thelithosphere, is segmented by a
network of faults into anumber of "plates", whichrest uponthe next shell
of the earth, the asthenosphere, the boundary between lithosphere and
asthenosphere being defined in terms of temperature (by the isotherm of
1,350°C).The plates making up the lithosphereare about 125kilometres '
thick ; they are, for practical purposes, treated as being rigid. The actual
surface of the earth is the continental crust, generallysome 30 to 40 kilo-
metres thick ; the remainder of the lithosphere is classified as sub-
crustal. The asthenosphere is not rigid, but is an area in which flow can

occur.Eachoftheplates makingupthelithosphere canand doesmoveinre-
lation to theasthenospherebeneathandin relation totheotherplates ; thus
at the points or lines of contact between the plates, various kinds of
relative motion may occur.

53. It istheoccurrence of thislatter phenomenon inlateTriassicorearly
Jurassictime(some195to 170millionyearsago)whichisregardedby Libya
as the key factor in geologicalterms in this case ;the plate underlying the
continent of Africa, and theEurasianplate, underlying (inta elia)modern
Europe, then moved apart. When this "rifting" process occurs, the conti-
nental crust and subcrustal lithosphere are stretched ; this disturbs the
equilibrium of therelationship between thelithosphere and the underlying
asthenosphere(the isostatic balance) and the consequence is both a sub-
sidence of the thinned area, and a correlative upward movement of the
irnmediatelyunderlyingasthenosphere,and thusacoolingoftheupper part

oftheasthenosphere, leadingtoacontraction(densification) ofthe material
of the lithosphere. This contraction causes the crust and lithosphere to
subsidefurther ; the total subsidenceresults in the formation of a depres-
sion or basin, which frequently becomes an ocean, in which successive
sedimentary layers are deposited.
54. According to Libya, the Pelagian Block derives its essential nature PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 50

Parties quant au rôlequel'étudegéologiquede la région àdélimiteret des
régionscôtièresavoisinantes desdeux Etatsjouerait dansladétermination
de leur zone de prolongementnaturel. A cette fin, elle évoquerasuccinc-
tementles argumentsque lesParties ont tirésdela structure et del'histoire
géologiquesdela région,ainsique des principalesétapessuccessivesde sa
formation géologique,telsque leurs conseils,conseillers et experts scien-

tifiques les ont présentés.
52. Pour apprécier l'argumentation libyenne, il faut résumer tout
d'abord unethéorierelativementrécente,connue souslenomdetectonique
des plaques, telle que la Libye l'a présentée.Auparavant, la Cour doit
signaler que la Tunisie a reprochéà la thèselibyenne de reposer sur cette
théorie.La Cour constate néanmoins que les experts consultés par la
Tunisienecontestent paslesidéesreçuesdans lesmilieuxinternationauxde
la géologieau sujet des principesdebase de la tectonique des plaques ;la
Tunisie critiqueplutôt certaines des déductionsqu'on voudrait en tirer et
soutientquecettethéorieestsanspertinenceen l'espèce. Selon cette théorie,
la coucheextérieuredela planète,oulithosphère,estparcouruepar toutun

réseaudefaillesqui ladivisentenuncertainnombre deplaquescouvrantla
couche inférieurede la planète, dite asthénosphère.La limite entre la
lithosphère et l'asthénosphèreest définieen fonction de la température
(isotherme de 1350" C).Lesplaquescomposantlalithosphère ont environ
125kilomètres d'épaisseur ;ellessont considéréescommeétantpratique-
ment solides. La surface proprement dite du globe est constituée par la
croûte terrestre, d'une épaisseur moyennede 30 à 40kilomètres; le reste
de la lithosphère est définicomme une <(sous-croûte 1)L'asthénosphère
n'estpas solide,et il s'yproduit des écoulementsde matière.Chacunedes
plaquescomposant la lithosphèrepeut sedéplacer - et sedéplaceen effet

- par rapport à l'asthénosphère surlaquelle elle repose et par rapport
aux autresplaques de lalithosphère ;aux points de rencontredes plaques,
ou le long des lignes de contact, divers types de mouvements peuvent
donc se produire.
53. C'estl'apparition decephénomèneverslafindutrias ouaudébutdu
jurassique(ilyaenviron 195 à170millionsd'années)qui,selonla Libye,est
géologiquementlefacteur cléen l'espèce,c'est à cetteépoquequeseserait
faite la séparation entre la plaque supportant le continent africain et la
plaque eurasienne, soutenant entre autres l'Europe actuelle. Lorsqu'un
pareil phénomène dedéchirementseproduit, la croûte continentale et la
sous-croûte s'étirent ;l'équilibreentre la lithosphère et l'asthénosphère

(équilibreisostatique)estainsirompu,d'oùunaffaissement(subsidence)de
la zone amincie et un mouvement concomitant verslehaut des couchesles
plus proches de l'asthénosphèreentraînant unrefroidissement de la partie
supérieurede l'asthénosphère, ce qui provoque unecontraction (densifi-
cation)des matièresconstituantlalithosphère.Cettecontraction prolonge
l'affaissementdelacroûte etdelalithosphère ;l'affaissement globaldonne
naissance à unedépressionoubassin,quidevientdansbiendescasun océan
où se déposent descouches successivesde sédiments.
54. D'aprèsla Libye, le bloc pélagien,ayant étéessentiellement forméfrom thisprocess, andpossessesthecharacteristicfeaturesresultingfrom it,
namely :the "fa11line", a line at which thecontinental basement begins to
dropordip inthedirection of the sea ;then, further seaward,a progressive
thickening of the sedimentarydeposits forming or underlying the coastal
plain, in the direction of an area known as the "hinge zone" where the
continental basement falls awayina seriesof faults and flexures.The hinge
zone marks the line dong which the bending and stretching of the conti-
nental crust occurred. In the context of the present case the Court's
attention has been called to the "Permian hingeline" which runs in an

east-west direction through southem Tunisia and northern Libya ; in the
region with which the case is concerned, it is represented by the feature
known as the Jeffara flexure.
55. Successiveshorelinesoftheoceanin thebasin created by thisprocess
of nfting and subsidence are considered by geologiststo have nin approx-
imately east-west at a latitudefurtherto the south than thepresent Libyan
Coast.Thenorthernpart ofwhatisnowTunisiatherefore atthistimeformed
part of a longnarrow ocean basin, extending originally from the present-
day Sirt Basin to theAtlantic Ocean south of the Straits of Gibraltar. Very
considerable thicknessesof sedimentarydepositsaccumulated in the basin,
including some of those affordinghydrocarbon resources. Subsequently,
however,during theTertiary era, between 53and 18millionyears ago, the
movement of the African plate continued ;the north-western area of the
African plate moved towards the Eurasianplate.The collisionof theplates
produced an orogeniczone (an area of mountain building) of a generally
east-west trend, inasmuch as the compressionresultingfrom the collision
resulted in thefolding(mainly during Middle Cenozoictime),and throwing

up of (interalia)theAtlasmountains on theAfricanContinent.Asa result
of the overriding of one plate by another, a subduction zone was also
produced,trending east-west.At somestage,apparently pnor tothefolding
which produced the Atlas mountains, the area which was to become
present-day Tunisia was crossed from north to south by a fault axis (the
"N/S Dorsale" or "north/south axis"), a strip of less subsidence than
neighbouring areasandthusfeaturing a smalleraccumulation ofsediments.
None of these developments however affected the area of present-day
Libya, which lieson the stablecraton or Saharanplatform, and not within
zones either of orogeny or subduction.

56. The above is a simplified account of what was, according to the
Parties, a much more complicated evolution ; and the subsequent de-
velopment ofthe westernMediterraneanarea, whilenot affecting thebasic
relationship of the areas now under consideration, was also highly com-
plicated.Enough hashoweverbeen said to indicate why theland territories
of Tunisia and Libya adjoining the Pelagian Block comprise two distinct

areas of different geological history, and consequently presenting mar-
kedly different geological and geographicalfeatures. Essentially, the dif-
ferencebetween theseareas isthat the Saharan platform to the south of the
Block, covenng the greater part of Libya and the southern portion of PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 51

suivant ceprocessus,présentelescaractéristiquesquiendécoulent ;autre-
mentdit,on trouve :lalignedechute, lelongdelaquellelesoclecontinental
commence às'enfoncer peu à peu ou brusquement vers la mer ;puis en
direction du large un épaississementprogressif des dépôts sédimentaires
formant ou soutenant la plaine côtière,dans la direction d'une régiondite
zonecharnière,oùlesoclecontinental estfragmentépar unesériedefailles
etdeflexures.Lazonecharnièremarquelalignelelongdelaquellelacroûte

continentale s'estinfléchieet étirée. Auxfins de la présente affaire,I'at-
tention de la Cour a étéattirée surlalignecharnièrepermiennequi,allant
d'esten ouest,traverselenord de la Libyeet le sud de la Tunisie ; dans la
régionconsidéréeen l'espèce,cetteligne estreprésentéepar cequ'on appelle
la flexure de Djeffara.
55. D'aprèslesgéologues,lesrivagessuccessifsdel'océandansle bassin
créé~ac reDrocessusdedéchirementetd'affaissementavaientunedirection
approximativeest-ouest et étaient situésplus au sudque la côte libyenne
actuelle. Lenord de laTunisied'aujourd'hui faisaitdonc partie àl'époque
d'unbassin océaniquelonget étroit, qui s'étendait à l'originedu bassin de
Syrteactueljusqu'à l'océanAtlantique au sud du détroitde Gibraltar. Des
dépôts sédimentaires extrêmement épais s'accumulèren dtans ce bassin,
dont certains sont à l'origine des ressources actuelles en hydrocarbures.

Cependant ledéplacementde la plaque africaine sepoursuivitpendant le
tertiaire, de3 à 18millions d'années avantnotre ère ;la partie nord-ouest
de la plaque africaine se rapprocha de la plaque eurasienne. La collision
entre ces deux plaques donna naissance a une zone orogénique (zone
d'édificationde reliefs) d'orientation généraleest-ouest, la compression
causéepar cettecollisionentraînant leplissement(principalement pendant
lecénozoïquemoyen)etl'édificationdeschaînesdel'Atlas(entreautres)sur
le continent africain. En outre, le chevauchement des deux plaques fit
apparaître une zone de subduction de direction est-ouest.A une certaine
époque,précédant apparemmenltesplissements atlasiques,un axeorienté
dunord au sudditdorsalenord-sud ouaxenord-sud apparutdansla région
qui allait devenir la Tunisie actuelle,constituant unezonecaractériséepar
un affaissementmoindre que les zones voisines et doncpar une accumu-

lation sédimentaire moins importante. En revanche, aucun de ces événe-
ments n'affecta la région occupéepar la Libye actuelle,qui repose sur la
plate-forme saharienne, zone cratonique stable, et non pas sur des zones
d'orogénèse oude subduction.
56. Les paragraphes qui précèdentdonnent un aperçu de ce qui serait,
d'aprèsles Parties, une évolution beaucoup plus complexe ; l'évolution
ultérieuredelaMéditerranéeoccidentale,sanschangerlesprincipauxliens
entre les zones considéréesf ,ut elle aussi d'une extrêmecomplexité.Le
résumé ci-dessus suffit néanmoins à montrer pourquoi les territoires ter-
restres de la Tunisieet de la Libye bordant le bloc pélagiencomprennent
deux régionsdistinctes, résultats d'histoires géologiquescomplètement
dissemblables, et présentent par conséquent des caractéristiquesgéolo-

giquesetgéographiquesnettementdifférentes.Pourl'essentiel,ladifférence
entre cesrégions vientde cequelaplate-forme saharienne au sud du bloc,Tunisia,ismadeup ofcomparatively thin geologicalformations whichhave
neverbeensubjected to regulardetailedfolding.TheAtlasarea to the west
of the "north/south axis", extending over the whole of western Tunisia, is
howeverconstituted by thick sedimentarydeposits, whichhave undergone
very extensive deformation in the process of development of the Atlas

mountains, varying from "Alpine deformation" - bodily displacements of
the whole of the component mountain masses in a more or less horizontal
direction over distances of several kilometres - to much less intense
warpingand folding.Betweenthesetwoareasliesthe Jeffaracoastalplain, a
transition zone covering the hingeline, referred to above, which isalsothe
dividing line between thick sedimentsdepositedin the open sea and thin
sediments deposited in littoral conditions.

57. The principalcontention ofLibya isthat thearea in front ofitsCoast
constitutingthe Pelagian Blockisthe "natural prolongation" northward of
theNorth Africanlandmass tothesouth,inasmuch asitconstitutesatypical
continental marginproduced by plate movement and rifting as described
above. This is the argument which in the course of the proceedings has
becomeepitomized inthe expression"the northward thrust" oftheAfrican
landmass, a form of words which does not however imply, in Libya's
conception,anynotion ofmovement. Libyamaintains that thedirection of
thenatural prolongation, ofTunisiaas ofLibya,isnorthwards, because the

separatingmovement ofthecontinental plates,whichwasessentiallynorth-
south oriented, produced a continental margin lying to the north of a
coastline running generally east-west. In Libya's contention, the subse-
quent geologicalevents,wherebywhatis nowthegreaterpart ofTunisiawas
liftedup out ofthe seaand thePelagian Blocktilted slightly,didnotdisturb
the essentialrelationship of the Block as a projection to the north of the
landmass.
58. Tunisia for its part emphasizes the geological continuity of the
PelagianBlockwiththelandterritory ofeasternTunisiaand even,toalesser
extent, with the Atlas mountain areas West of the "north-south axis"
described above. The various geological zones of Tunisia are aligned
generallywest-east ;thisalignment istypified,according toTunisia, by the
lines of equal sedimentary thickness (isopach maps), by the existence of a
series of "moles" following a west-east orientation ;by the presence of
homogeneous stratigraphic faciesin a west-east direction,subjectto some

local disturbance by the "north-south axis". Each of these west-east
oriented zonesis,according toTunisia,prolonged into theadjacent seaarea
to the east of it.
59. A key feature in both approaches is the Permian hingeline. For
Tunisia, this line constitutes a geological boundary, separating the stable
African Continent or Saharan platform on the south from the Pelagian
Blockon thenorthern, seaward side,and theJeffara through whichitruns is
atransition zone between geologicallyverydifferententities. Its presenceis
therefore relied ontosupport Tunisia'scontention that the Pelagian Block qui correspond à la plus grandepartie de la Libye eà la partie sud de la
Tunisie, se compose de formations géologiquesrelativement minces qui
n'ontjamaisété soumises àdevéritablesplissements.Aucontrairela région
atlasique à l'ouest de l'axe nord-sud, qui recouvre toute la Tunisie occi-
dentale, est constituée par d'épais dépôtssédimentaires, auxquels les
mouvementsliés à l'apparition de la chaîneatlasique ont fait subir d'im-

portantes déformations allant des déformationsalpines - déplacements
physiques d'élémentm s ontagneux tout entiersdans une direction plus ou
moins horizontale et sur plusieurs kilomètres de distance - jusqu'à des
phénomènes beaucoup moinsimportants de plissement et d'infléchisse-
ment.Dans l'intervalleentrecesdeuxrégionssetrouvelaplainecôtièredela
Djeffara, zonede transitioncorrespondant à lalignecharnièrementionnée
plus haut et séparantaussilescouchessédimentairesépaissesprésentesen
haute mer des couches plus minces voisines du littoral.
57. La thèseprincipale de la Libyeest quela région situédevantcette
côte,quiconstitue leblocpélagien,estleprolongementnaturel verslenord
dela masse terrestrenord-africaine,dans la mesure où ellereprésenteune
margecontinentale typique produite par lesmouvements deplaques et les
phénomènesde déchirementdécritsplus haut. Telle est l'argumentation

caractériséedurant l'instance par l'expression <rojection vers le norO,
formule qui, d'après la Libye, n'exprime aucune idéede mouvement. La
Libyesoutientquele prolongement naturel delaTunisie etdelaLibyeest en
direction du nord parce que le mouvement de séparation des plaques
continentales,quipour l'essentielétait danslesensnord-sud,a entraînéla
création d'une marge continentale situéeau nord d'une côte orientée
généralementd'est enouest. Selon la Libye, les événements géologiques
ultérieurs,quiontabouti àfaire émergercequiconstitueaujourd'huilaplus
grandepartie de la Tunisieet à incliner légèrementle bloc pélagien,'ont
pas modifiélaposition essentielledublocentant queprojection de lamasse
continentale vers le nord.
58. La Tunisie, de son côté,souligne la continuitégéologiquedu bloc
pélagien avecle territoire terrestre de la Tunisie orientale et même,n

degrémoindre, avec la région atlasiquesituée à l'ouest de l'axenord-sud
mentionnéplus haut. Les diverseszones géologiques composantla Tunisie
ont une direction générale ouest-est.Cette direction, d'après la Tunisie,
ressort deslignesd'épaisseurssédimentaireségales(cartesd'isopaques),de
l'existenced'une séridemôlesorientésd'ouestenestetenfindelaprésence
deformationsstratigraphiques homogènessuivantunedirection ouest-est,
abstraction faite de certains mouvements locaux dus à l'axe nord-sud.
D'aprèslaTunisie,chacunede ceszonesd'orientation ouest-estseprolonge
dans la mer qui la borde àl'est.
59. Dans les arguments des deux Parties, la ligne charnièrepermienne
joue un role essentiel. Pour la Tunisie, cette lignecorrespondne limite
géologiqueséparant le continent africain, ou la plate-forme saharienne,
zonestable situéeausud,dublocpélagien,zonemaritimesituéeau nord ;et

la plaine de la Djeffara,que traverse cette ligne,est une zone de transition
entre desunitésgéologiquestrèsdifférentes.AussilaTunisieinvoque-t-elle area is the natural prolongation eastwards of Tunisia, and not the natural
prolongation northwards of Libya. For Libya, on the other hand, the
Permian hingeline, being the linemarking the division between the stable
plate and thearea of subsidencepsoduced byrifting, sofar frombeingaline

ofseparation betweendistinct geologicalareas,confirmsbyitspresencethe
continuity between thelandmassand thecontinental marginwhichjustifies
for Libya its categorization of the Pelagian Block as the natural prolon-
gation northwards of the landmass.

60. The Court has not overlooked that these contentions are not the
whole arguments of the two Partiesbased on the geologyof the area. For
example, Libya has also relied on the presence of the "Sirt Basin rift
system", the significance of which is disputed by Tunisia ; there has also
beencontroversy between thePartiesas tothesignificanceoffault areasand
of the existence, at various locations, of diapiric saltformations, that is to
Say,saltformationsresultingfrom thepenetration bymobilesalt offaults or
fissuresin overlyingstrata. Nevertheless, theessentialconflict between the
Parties as respectsthe significancefor legal analysis in the present case of

material afforded by geological studies appears to the Court to be as
outlined above. Thus the Court is in effect invited to choose between two
interpretations of "natural prolongation" as a geologicalconcept whichin
fact highlight twoaspects of geologyasa science.On the onehand, geology
involves the study of the components of the earth's structure as they now
are, the analysis and classification of minerals, rocks and fossils, the
observance of trends and continuities ;and inharmony with thisapproach
Tunisia, in so far as it bases its argument on geological considerations,
invitesthe Courtto deduce the "natural prolongation" ofTunisiafrom the
identity ofdepositsin thebedof the PelagianSeawith thosefound under the
land territory of Tunisia, and the continuation of strata and features from
that territoryseawardsina generallywest-east direction.Ontheotherhand,
geology in its historical aspect involves deducing the history of the earth
from the physical evidence now present, and ascertaining,so far as human
knowledge permits, what were the processes and events which gaverise to
theexistence of the observed features on and beneath the earth's surface ;
andit isin thishistoricalspiritthat Libyahaspointed to theriftingprocess

which, in Libya's contention, marked the Pelagian Blockwith the perma-
nent character of the "natural prolongation" of the African landmass.

61. The conclusion which, in the Court's view, has ineluctably to be
drawn from this analysis is that, despite the confident assertions of the
geologists on both sides that a given area is "an evidentprolongation" or
"the realprolongation" of the oneor theother State, for legal purposes it is
notpossible to define the areasofcontinental shelfappertaining toTunisia
and to Libya by reference solely or mainly to geological considerations. l'existence de cette ligne charnière pour affirmer que la régiondu bloc
pélagien est le prolongementnaturel de la Tunisie vers l'estet non pas le
prolongementnaturel dela Libyeverslenord. Pour la Libyeaucontraire la
ligne charnièrepermienne, qui est situéeentre la plaque stable et la zone

d'affaissementproduitepar leprocessusdedéchirement,loindeconstituer
une lignede séparationentre desdomaines géologiquesdistincts,confirme
par saprésencelacontinuité entrela masseterrestreetlamargecontinentale
quipermet àla Libyedevoirdans lebloc pélagienleprolongement naturel
de la masse terrestre vers le nord.
60. La Cour n'ignore pas que les arguments des Parties inspirésde la
géologiedela régionneserésumentpas àcela.Par exemple,laLibyeaaussi
soulignéla présencedu fosséd'effondrement du bassin de Syrte,dont la
Tunisieconteste l'importance ; les Parties se sont également opposées au
sujet de la portée attribuer aux zones de faillesàtla présenceen divers
endroits de formations salifèresdiapiriques, c'est-à-dire de formations
salifèresrésultantde la pénétrationde sel mobile dans les failles ou les
fissuresdes couchessupérieures.Pour l'essentiel,cependant,la divergence

entre les Parties quant aux conséquencesjuridiquesà attacher en l'espèce
auxdonnéesfourniespar la géologiesemblepouvoir serésumercommeon
l'avu précédemment.La Cour est donc invitée à choisir entre deux inter-
prétations duprolongement naturel en tant quenotion géologique,qui en
fait correspondent au double aspect de la géologie commediscipline
scientifique. D'un côté eneffet la géologiedésignel'étudedes éléments
constitutifs delaplanètetelsqu'ilsseprésententaujourd'hui,l'analyse etla
classification des minéraux, roches et fossiles,l'observation des aligne-
ments et des continuités; et c'est conformément à cette conceptionque,
dans la mesure où elle se fonde sur des considérationsgéologiques,la
Tunisieinvite laCour àdéduirel'existencedeson prolongement naturel de
l'identitédesdépôtsdufonddelamerpélagienneaveclesdépôtsdusous-sol
tunisien, ainsi que de l'extensionvers la mer, dans une direction générale

ouest-est, des coucheset des accidents géologiquesde son territoire. D'un
autre côté, la géologie,sous son aspect historique, consiste à déduire
l'histoiredu globe de sa réalitéphysique actuelle et déterminer,dans la
limite des connaissances humaines, lesprocessuset événements qui sont à
l'originedesfaits observablessur et sousla surfaceterrestr;c'estdanscet
espritquela Libyeaaffirmél'importancedu processusdedéchirementqui,
selonelle,adonnéaublocpélagienlecaractèrepermanentde prolongement
naturel de la masse terrestre africaine.

61. La conclusion inéluctable qui, selon la Cour, se dégagede cette
analyseest que,malgréla conviction aveclaquelle les géologuesaffirment

desdeuxcôtésqu'unezonedonnéeconstitueleprolongement évidentoule
prolongementvéritable de l'un ou de l'autre Etat, il n'est pas possible de
définirjuridiquement les zones de plateau continental relevant soit de la
Tunisie soit de la Libye en tenant compteuniquement ou principalement54 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

The function of the Court is to make use of geologyonlyso far as required

for the application of international law. It is of the viewthat what must be
taken into account in the delimitation of shelf areas are the physical
circumstances as they are today ;that just as it is the geographicalcon-
figuration of the present-day coasts, so also it is the present-day sea-bed,
which must be considered. It is the outcome, not the evolution in the
long-distant past, which is of importance.

62. The Court now turns to the arguments of the Parties based on
geomorphology and bathymetry. Consistently with its emphasis on the

geologicalaspect, Libya attributes lessvalue to bathymetry andto analysis
of geomorphologicalfeatures as methods of determining the extent of
natural prolongation :
"As a fundamental geological concept, the superficial or topo-
graphical characteristics of the shelf - of which bathymetry is the
most obvious - are not true indicators of prolongation."

Itdoes on the other hand consider that "geography supportsand confirms
geology, which indicates that the natural prolongation of the landmasses
into and under the seaisto thenorth". The factorsmentioned in support of
this contention are : that the Pelagian Basin area, a geological and phys-
iographicunit, isapart of theAfrican plate ;thatithas adistinctaffinity to

the African landmass and is a different region from the Atlas mountain
region of Tunisia ; and that geologicalfacies data confirm the northward
prolongation and the basic affinity of the shelf to the North African
landmass.Thiscontention as to the consonant indications of geologyand
geography isadvanced in support ofthe thesisthat thedelimitation ofshelf
areasis tobe effected by alinefromtheland frontier reflectingthegeneral
northward line of direction. While Libya accepts that the northward line
has at somepoint to veer eastwards in order to achievean equitableresult
over the entire course of the delimitation, that veeringis not dictated by a
change in direction of the natural prolongation, or the intersection of two
distinct natural prolongations, but is to take account of "a relevant geo-
graphical circumstance which characterizesthe area", in order to achieve
an equitable result. This implies that, in Libya's conception, factors of

a geographical or geomorphological nature do not operate to identify
separate areas of natural prolongation, but tend solely to determine the
direction ofnatural prolongation, and hence thedirection of delimitation ;
equitable principles may however requirethe result tobe tempered by the
influence of other relevant circumstances of a geographical nature, "to
avoid a patently unfair or grossly inequitable result".de considérationsgéologiques.Lerôlede laCourconsiste à nerecourir à la
géologiequedansla mesure où l'application du droit international l'exige.
Ellepense que,dans unedélimitationde zones deplateau,il faut partir des
circonstances physiques telles qu'elles seprésentent aujourd'hui ;etque, à

l'instar de la configuration géographiquedes côtes actuelles, c'estle fond
marin actuel qui doit êtreenvisagé.C'est le résultat qui importe, et non
l'évolution quis'est produite dans un passélointain.

62. La Cour en vient maintenant aux argumentsdesPartiesinspirés de
la géomorphologieet de la bathymétrie.La Libye, qui place l'accent sur
l'aspect géologique,attribue en conséquence une portée moindre à la

bathymétrie et à l'analyse des caractéristiques géomorphologiquespour
déterminer l'étendue du prolongement naturel :
((Le plateau étantune notion fondamentalement géologique,ses
caractéristiquessuperficiellesou topographiques - dont la bathymé-

trie est la plus évidente - ne sont pas des indices véritables du
prolongement. >)
Elle considèrenéanmoins que <la géographieappuie et confirme la géo-
logie, laquelle établit que le prolongement naturel des masses terrestres

dans et sousla mer est vers lenord o.Les faits invoqués à l'appui decette
affirmation sont que le bassin pélagien,unitégéologiqueet physiogra-
phique, est un élémentde la plaque africaine ;que cebassin présenteune
nette affinitéaveclamasse terrestreafricaineet estunerégiondifférentede
celledes montagnes de l'Atlas en Tunisie ;et que les donnéesrelatives au
faciès géologiqueconfirment le prolongement vers le nord de la masse
terrestre nord-africaine et son affinité fondamentale avec le plateau. Il
s'agit, en affirmant cette harmonie entre les indications de la géologieet
cellesde la géographie,de renforcer la thèsede ladélimitationdeszonesde

plateau continental par une ligne qui prolongerait la frontière terrestre et
reflèteraitcetteorientation généraleverslenord. La Libyereconnaîtcertes
que cette ligne doit à un certain point s'infléchirvers l'est pour que la
délimitation dans son ensemble soit équitable,mais cet infléchissement
n'estpas imposépar un changement de directiondu prolongementnaturel
et ne correspond pas non plus à l'intersection de deux prolongements
naturels distincts :il vise seulement à tenir compte d'4une circonstance
géographiquepertinente propre àla région )>afindeparvenir àun résultat
équitable.Cela implique, selon la Libye, que les indications d'ordre géo-

graphique ou géomorphologique ne permettent pas de déterminer les
différenteszones de prolongement naturel, mais contribuent seulement à
indiquer la direction du prolongement et par conséquentde la délimita-
tion ;lesprincipesd'équitépeuvent cependant obliger à corrigerlerésultat
en fonction d'autres circonstancespertinentes de caractère géographique
((pour éviter un résultat manifestement injuste ou d'une inéquitéfla-
grante 0. 63. The Tunisian contentions require more detailed consideration at
thispoint, since Tunisia has a different conception of the relationship of
the "relevant circumstances" to the concept of "natural prolongation".
Tunisia's view is that

"the primary function of 'relevant circumstances' ... is to make a
possible contribution towards the determination of a delimitation
line, in particular by providinga method for ascertaining what con-
stitutes the natural prolongation of the territory of each state".

While the Court will have at a later stage to examine al1the "relevant
circumstances" in this case, it is therefore necessary for it to make a
preliminaryexaminationhere of those circumstances to whichTunisiahas
drawn attention in this specific connection, in order to assess their con-
tribution to theidentification of the natural prolongation ofthe two States.
In its submissions, Tunisia has contended
"that the general configuration of the coasts of the two States is

reproduced with remarkablefidelity by thebathymetric curves in the
delimitation area and that this fact is simply a manifestation of the
physical and geological structure of the region ; that in consequence
the natural prolongation of Tunisia is oriented west-east, and that of
Libya southwest-northeast".

Its argumenthas been initiallydirectedto demonstrating what it claims to
be "the deepseated unity between the landmass of Tunisia and the sub-
marine area abutting upon its eastem coastal front", which makes it
possible"to identify clearly and convincingly the natural prolongation of
Tunisian territory under the sea". Tunisia contends that the marinetopo-
graphy of the Pelagian Block shows the presence of three major units : a
central spur stretching eastwards as a continuation of the Sahel (the
"Tunisian Plateau"), and, on each side of it, low areas or valleys running
eastwards,one on the north prolonging the Gulf of Hammamet and the
other on the south prolonging the Gulf of Gabes. The latter feature is
regarded by Tunisia as a furrow extendingfrom Westto east between the
Tunisian Plateau and the Jeffara coast, which takes the name of "Tripoli-
tanian Furrow" opposite the coast of Libya, and drops progressively
towards the Ionian Sea, beyond the Malta-Misratah escarpment. These
structures at sea are alsofound, it isclaimed,with the samecharacteristics
and the samegeneral orientation, on theland territory of Tunisia. Sofar as

theLibyancoast isconcerned,Tunisiaassertsthat the sea-bed off the coast
sinks quite rapidly towards the greater depths in a general southwest-
northeast direction. Analysing the relationship between the two prolon-
gations,Tunisiaidentifies what it regards as anumber of salient features :
primarily theTnpolitanian Furrowandthe "Tunisian Plateau" ;the "Rise
of Sirt" to the east, divided from the plateau by a transitional zone
described as the "borderland" ; and the Zira and Zuwarah Ridges and
Malta-Misratah escarpment, already described. 63. Les argumentsprésentéspar la Tunisie dans ce domaineappellent

un examenplus approfondi,la Tunisie sefaisant une conceptiondifférente
des rapports entre ((les circonstances pertinentes ))et la notion de (<pro-
longement naturel )).Selon la Tunisie :

c(les (<circonstancespertinentes ...ont d'abord pour fonction de
contribuer positivement à la définition de la ligne de délimitation,
notamment en permettant de déterminer ce qui constituele prolon-
gement naturel du territoire de chaque Etat )).

La Cour devra étudierplus loin toutes les circonstancespertinentes de
l'espèce ; elle doit cependant procéderici à un examen préliminairedes
circonstances signaléesdans ce domaine précispar la Tunisie, afin de
rechercher dans quelle mesure ellescontribueraient à définirle prolonge-
ment naturel des deux Etats. Dans ses conclusions, la Tunisie a fait
valoir :

(que la configuration générale des côtes des deuxEtats se trouve
reflétée avecunefidélitéremarquablepar lescourbesbathymétriques
dans lazone de délimitationet que cefait n'estquelatraduction dela
structure physique et géologiquede la région ;qu'ilen résultequele
prolongementnaturel de la Tunisie est orienté suivantune direction

ouest-est et celui de la Libye suivantune direction sud-ouesthord-
est )).
L'argumentation tunisienne tendait initialement à démontrer l'unité
profonde entre la masse terrestre de la Tunisie et la zone sous-marinequi

bordesafaçadeorientale )),quipermettrait ((d'identifier de façonclaireet
probante le prolongement naturel du territoire tunisien sous la mer )).La
Tunisie soutient que la topographie marine du bloc pélagienpermet de
reconnaître trois grandesunités :un môlecentralqui s'allongeversl'esten
continuant le Sahel, à savoirle plateau tunisien et, depart et d'autre de ce
môle, deux parties basses elles aussi allongéesvers l'est, l'une, au nord,
prolongeant legolfe de Hammamet etl'autre, au sud,prolongeant legolfe
de Gabès. Cette dernière est considérée Darla Tunisie comme un sillon

s'étendant d'ouestenest entre leplateau tinisien etlaplaine de la Djeffara
qui, au droit de la Libye, prend le nom de sillon tripolitain et s'enfonce
progressivement vers la mer Ionienneau-delà de l'escarpement de Malte-
Misratah. Les unitésenmer seretrouvent, avec les mêmescaractèreset la
même orientation,enterre tunisienne.Pource qui estdelacôte libyenne,la
Tunisie affirme que lesfondsmarinsquilabordent atteignenttrès vite de
grandesprofondeurs dans une direction générale sud-ouesthord-est. Exa-
minant les liens entre les deux prolongements, la Tunisie isole un certain

nombre de caractéristiques qui lui paraissent importantes : essentielle-
ment le sillon tripolitain et le plateau tunisien ; le glacis de Syrte à l'est,
séparé du plateaupar une zone de transition définiecommel'avant-pays ;
les rides de Zira et de Zouara ;et l'escarpement de Malte-Misratah, déjà
décrits. 64. Much of Tunisia's argumentlon this aspect of the case has been
addressed to the question of the direction of the natural prolongation or
prolongations in the Pelagian Block :where Libya discerns a pure north-
ward direction of the prolongation of the landmass, Tunisia observes an
eastward natural prolongation offeasternTunisia, and acontinuity north-
ward or north-eastward of Libya only as far as the Tripolitanian Furrow.
Bywayof criterion for delimitation,Tunisia offers specificsuggestionsas

to the possible natural boundary between the shelf areas. The Tripoli-
tanian Furrow is put fonvard as "a true natural submarine frontier".
Furthermore, Tunisia contends, when discussing the practical methods
for delimitation, that the
"phenomenon of the reproduction of the shorelines by bathymetric
lines, on either side of the frontier, makes possible the accurate
transposition, from isobath to isobath, of the point representing the

frontier which separates the two territories on the Coast and thus
enables one to mark the limit of their respective prolongations fol-
lowing the natural orientation of the continental shelfin the frontier
zone".
After describing the "crestline" formed by the Zira and Zuwarah Ridges,
Tunisia concludes that :

"In this particular case, owing to these noteworthy morphological
features,the 'physicaland geologicalstructure' provides,as envisaged
by the Court, a factor making it possible to draw, with a relatively
satisfactory degree of accuracy, the line delimiting those areas which
can respectively be regarded as the prolongation of the territory of
each of the two States up to the 300-metreisobath, and as 'the most
natural' prolongation beyond that isobath."

The essence of the Libyan response to these contentions of Tunisia is to
argue,withthe support claimedfromscientificevidence,that the shelfarea
within the Pelagian Block is an area of fundamental continuity, both
geologicallyand geomorphologically, and to minimize the importance of
the features noted by Tunisia.
65. Tunisia has alsoemployed anargument of a rather differentnature,
though still based upon an analysis of the geomorphological structure of
the Pelagian Block,with a viewto demonstrating the direction of natural
prolongation. It has drawn attention to the physiographicaldefinition of
the continental margin to be found, in particular, in paragraph 3 of Arti-

cle 76 of the draft convention on the Law of the Sea, which reads :
"The continental margincomprisesthe submergedprolongation of
the landmass of the coastal State, and consists of the sea-bed and
subsoil of the shelf,thedope and the rise.It does not includethedeep
ocean floor with its oceanic ridges or the subsoil thereof." 64. L'argumentation tunisienne sur cet aspect de l'affaire porte en
grande partie sur la direction du prolongement ou des prolongements
naturels dans le bloc pélagien :là où la Libye voit la masse terrestre se
prolonger versle nord, la Tunisie observeun prolongement naturel de son
territoire vers l'est et une continuitévers le nord ou le nord-est avec la

Libye, ne dépassant pas le sillon tripolitain. Comme critèrede délimita-
tion, la Tunisie suggèredes limites naturelles possibles entre les zones de
plateau. Le sillon tripolitain est présentécomme (une véritablefrontière
naturelle sous-marine )).En analysant les méthodes pratiques de délimi-
tation, la Tunisie soutient en outre que le

((phénomènede reproduction des lignes de rivage par les lignes
bathymétriques,depart et d'autre de la frontière,permet de reporter
sur ces dernièresavecprécision lepoint représentant la frontière qui

sépareles deux territoiressur la côteet de marquer ainsi la limite de
leurs prolongements respectifs en suivant l'orientation naturelle du
plateau continental dans la zone frontière o.

Et,aprèsavoir décritla (<lignedecrêtes ))forméepar lesrides deZira et de
Zouara, la Tunisie conclut :

<(Grâce à ces éléments morphologiquesremarquables,la <(struc-
ture physique et géologique )fournit, dans cecasparticulier, comme
la Cour l'avait prévu,un facteur permettant de tracer, avec un degré
de précision relativement satisfaisant, la ligne de délimitation de
zones pouvant êtrerespectivement considéréescomme le prolonge-
ment du territoire de chacun des deux Etats jusqu'à l'isobathe des

300 mètres, et commele prolongement ((le plus naturel ))au-delà de
cette isobathe. ))
La réponse libyenne à cette argumentation de la Tunisie consiste essen-
tiellement à invoquer des arguments scientifiques pour démontrer que

l'étenduedeplateau constituant debloc pélagienserait géologiquementet
géomorphologiquement d'une continuité fondamentale et à minimiser
l'importance des particularitéssignaléespar la Tunisie.
65. La Tunisie fait appel aussi à un argument assezdifférent,bien que
découlantégalementd'une analyse de la structure géomorphologiquedu
bloc pélagien,pour montrer la direction du prolongement naturel. Elle

évoquela définitionphysiographiquedela marge continentale,donnéeen
particulier au paragraphe 3 de l'article76 du projet de convention sur le
droit de la mer, qui est ainsi rédigé :

((La marge continentale est le prolongement immergéde la masse
terrestre de l'Etat côtier ; elle est constituée par les fonds marins
correspondant au plateau, au talus et au glacisainsi queleur sous-sol.
Elle ne comprend ni les grands fonds des océansavecleurs dorsales
océaniques,ni leur sous-sol. )) 57 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

It has been contended that the "Malta-Misratah Escarpment" or "Ionian

Flexure" constitutesthe slopeand the rise formingthe continental margin
of Tunisia, and that the Ionian Abyssal Plain beyond it, a roughly trian-
gular area of greater sea-depth(about 4,000metres) south-east of Sicilyis
the area to which the continental margins of al1the surrounding coastal
States converge. Thus in Tunisia's view,it is possible to define the orien-
tation of each State's continental margin by a line drawn from its Coast
to the centre of the Ionian Abyssal Plain. Libya rejects this argument,
obse~ng that there is no necessary correlation between an abyssalplain
and the progression of shelf, slope and rise, and showing that sedimento-
logical data point to that progression being oriented northwards rather
than eastwards.
66. Since the Court is here dealing only with the question of geomor-
phological features from the viewpoint of their relevance to determinethe
divisionbetween the natural prolongations of the two States, and not with
regard to their more general significance as potentially relevant circum-
stances affecting for other reasons the course of the delimitation, its

conclusion can be briefly expressed. The Court has carefullyexaminedthe
evidence and argumentsput fonvard concerningthe existence and impor-
tance of the submarine features invoked as relevant for delimitation pur-
poses. Those relied on by Libya in support of its principalcontention as to
the geologicallydetermined "northward thrust" do not seem to the Court
to add sufficient weight to that contention to cause it to prevail over the
rival geological contentions of Tunisia ;nor do they amount indepen-
dently to a means of identifying distinct natural prolongations, which
would in factbe contrary to Libya'sassertion ofthe unity of the Pelagian
Block. As for the features relied on by Tunisia, the Court, while not
accepting that the relative size and importance of these features can be
reduced to such insubstantial proportions as counsel for Libya suggest,is
unable to find that any of them involve such a marked disruption or
discontinuance of the sea-bed as toconstitute an indisputableindicationof

the limits of two separate continental shelves, or two separate natural
prolongations. As was noted in argument, so substantial a feature as the
Hurd Deep was not attributed such a significance in the Franco-British
Arbitration of 1977concerningthe Delimitation of the Continental Shelf.
The only feature of anysubstantial relevanceis theTripolitanian Furrow ;
but that submarine valleydoes not display any really marked relief until it
has run considerably further to the east than the area relevant to the
delimitation (seefurther paragraph 75below). Nor does anygeographical
evidence as to the direction of any "natural prolongation" assistin deter-
mining the boundaries thereof, however relevant it may be as a circum-
stance to be taken into account from the viewpoint of equity. La Tunisie soutient que l'escarpement de Malte-Misratah ou la flexure
ionienneconstitue letalus etleglacisformant samargecontinentale,etque
la plaine abyssale ionienne qui s'étendau-delà et forme une dépression
profonde (environ 4000mètres)en forme de triangle au sud-est de la Sicile
est le secteur vers lequel convergent les marges continentales de tous les
Etats circonvoisins.Ainsi,selon laTunisie,il seraitpossible de matérialiser
l'orientation de la marge continentale de chaque Etat par uneligne tracée

entre sa côte et le centre de la plaine abyssale. La Libye rejette cetteidée,
soulignant qu'iln'y a pas forcémentcorrélationentre une plaine abyssale
et la progression plateau, talus et glacis et que les données sédimentaires
indiqueraient une progression en direction du nord plutôt que de l'est.

66. La Cour n'examinant ici la question des caractéristiques géomor-
phologiques que par rapport à leur utilité éventuellepour distinguer les
prolongements naturels des deux Etats, et non pas sous l'angle de leur
importance plus généraleen tant que circonstances éventuellementperti-
nentes,quiseraient de nature à affecter pour d'autres raisonsletracé de la
délimitation,sa conclusion peut êtreexpriméeen peu de mots. La Cour a
examinéavecsoinlespreuveset argumentsqui ont été invoquésau sujetde

l'existence et de l'importance des accidents sous-marins qui seraient per-
tinentspour ladélimitation. Ceux qu'avancela Libye àl'appui de sa thèse
principale d'une projection vers le nord révélép ear la géologiene lui
paraissent pas d'un poids tel que cette thèse doivel'emporter sur l'argu-
mentation géologiqueque lui oppose la Tunisie ;en outre, ils ne fournis-
sent en eux-mêmesaucun moyen permettant de reconnaître des prolon-
gements naturels distincts - ce qui serait d'ailleurscontrairà la concep-
tionlibyennedel'unité dubloc pélagien.Quant aux particularitésdont la
Tunisie fait état, la Cour, sans admettre que leur étendue et leur impor-
tance relatives puissent êtreramenées à des proportions aussi insigni-
fiantes que l'ont donné à entrendre les conseils de la Libye, ne saurait
souscrire àl'idéequel'une de ces caractéristiquesmarquerait une rupture
ou solution de continuité telle qu'elle constituerait indiscutablement la

limite de deux plateauxcontinentaux ou prolongementsnaturelsdistincts.
Ainsi qu'ilaété signaléen plaidoirie, uneparticularité aussinotable que la
Fosse centrale elle-mêmene s'estpas vu reconnaître cet effet dans l'arbi-
trage de 1977 relatif à la délimitation du plateau continental entre la
France et le Royaume-Uni. En la présente espèce,la seule particularité
importante est le sillontripolitain;mais cette valléesous-marinene pré-
sentede relief réellementaccuséquedansune zone situéenettement plus à
l'est que la régionà considéreraux fins de la délimitation(voir le para-
graphe 75 ci-après). Au surplus aucune preuve géographiquerelative à
la direction du prolongement naturel n'aide à en préciser les limites,
quelle qu'en soit la pertinence éventuelle commecirconstance à prendre
en considération du point de vue de l'équité. 67. The submarine area of the Pelagian Block which constitutes the
natural prolongation of Libya substantially coincides with an area which
constitutesthe natural submarineextension of Tunisia. Which parts of the
submarinearea appertainto Libya and which toTunisia can thereforenot
be determined by criteria provided by a determination of how far the
natural prolongation of one ofthe Parties extends inrelation to the natural
prolongation of the other. In the present case,in which Libya and Tunisia

both derive continental shelf title from a natural prolongation common
to both territories, the ascertainment of the extent of the areas of shelf
appertaining to each State must be governed by criteria of international
law other than those taken from physical features.

68. The conclusion that the physical structure of the sea-bed of the
Pelagian Block as the natural prolongation common to both Parties does
not contain any element whichinterrupts thecontinuity of the continental
shelf does not necessarily exclude the possibilitythat certain geomorpho-
logical configurations of the sea-bed, which do not amount to such an
interruption of the natural prolongation of one Party with regard to that of
the other, may be taken into account for the delimitation, as relevant
circumstancescharacterizingthearea,asindicated in this caseinArticle 1,
paragraph 1,of the Special Agreement. In such a situation, however, the
physicalfactor constituting the natural prolongation isnot taken as a legal
title, but as one of several circumstancesconsidered to be the elements of
an equitable solution. The decision whether configurations of this kind
exist within the singlecontinental shelf constituted by the Pelagian Block
has thus to be made, according to the logic of the present Judgment, in
comection with the examination of the relevant circumstances which

characterize the area.The Courthas howeverfirst toturnto thequestion of
the equitable principles applicable to delimitation of shelf areas, and
specifically mentioned in the Special Agreement as to be taken into
account in the present case.

69. Both Parties have, intheirargumentbeforetheCourt,dealt with the
meaning and significance of equitable principles (in the context of the
delimitation in the present case) in closerelationship with theprinciple of
natural prolongation, and have devoted less attention to the question of
what are the equitable principles to be taken into account. For Tunisia,
however, " 'equitableprinciples'do not mean equity in thelarge sense,but
an equitable delimitation which respects as far as may be the actual
physical situation - the natural prolongation from the actual coasts of
each Party", and "the function of equity is to do equity in the particular
geographicalcircumstances,and faithfully reflect them". In its Counter-
Memorial Tunisia included an additional submission to the effect that 67. La zone sous-marine du bloc pélagienqui forme le prolongement
naturel de la Libye se confond dans une large mesure avec une zone
représentant l'extension naturelle du territoire de la Tunisie. Les espaces
sous-marins relevant de la Libye et ceux qui relèvent de la Tunisie ne
peuvent donc êtredéfinis àl'aidedecritèresque l'on dégageraiten déter-
minantl'étendue duprolongementnatureldel'une desPartiespar rapport
au prolongement naturel de l'autre. Enlaprésenteespèce,dans laquelle la
Libye et la Tunisie fondentl'une etl'autre leur titre au plateaucontinental
sur un prolongementnaturel commun à leurs deux territoires, la définition

des étenduesde plateau relevant de chacundes deux Etats doit êtrerégie
par d'autres critèresde droitinternationalque ceuxqu'onpourrait tirer des
caractéristiquesphysiques.
68. En concluantquelastructure physique du blocpélagienentant que
prolongementnaturel commun aux deux Parties ne comporte aucun élé-
mentqui vienneromprel'unitéduplateaucontinental,laCour n'exclutpas
forcémentquecertainesconfigurations géomorphologiquesdu fond de la
mer, ne constituant pas vraiment des interruptions du prolongement
naturel d'une Partie par rapport au prolongement de l'autre, puissent
néanmoinsêtreretenuesaux fins de ladélimitation,comme circonstances

pertinentes propres a la régionau sens de l'article 1,premier alinéa,du
compromis en la présente espèce. En pareil cas, cependant, l'élément
physique du prolongementnaturel n'estpasconsidérécomme la base d'un
titre juridique mais comme l'une des circonstances à retenir en tant
qu'élémentd'une solution équitable. Dans la logique du présent arrêt,
l'existence de configurations semblables dans le plateau continental
unique que constitue le bloc pélagiendoit donc êtreappréciéeen liaison
avec l'examen des circonstancespertinentes propres à la région.Cepen-
dant la Cour examinera d'abord la question des principes équitables

applicables à la délimitation de zones de plateau et spécifiésdans le
compromis comme devant êtrepris en considération dans la présente
instance.

69. En faisant valoir leurs moyens devant la Cour, les deux Parties ont
traitédu senset de laportéedesprincipes équitables(dupoint de vue dela

délimitation à effectuer en l'espèce)en liaison étroiteavec le principe du
prolongementnaturel ;ellesse sont moins arrêtée s la question de savoir
quels étaientles principes équitablesdont il fallait tenir compte. Selon la
Tunisie, cependant, <(les (principes équitables u ne sont pas l'équitéau
sens large, mais supposent une délimitation équitable respectant dans
toute la mesure du possible la situation physique réelle - c'est-à-dire le
prolongementnaturel du territoire de chacune desParties >)et (l'équitéa
pour fonction d'assurer une solutionjuste dans des circonstances géogra-
phiques particulières, et de les refléter fidèlement >).Dans son contre-
mémoire,la Tunisie a inséré unenouvelle conclusion ainsi rédigée :59 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

"The delimitation must also be effected in conformity with equi-

table principles and taking account of all the relevant circumstances
which characterizethe case, it being understood that a balance must
be established between the various circumstances, in order toarrive at
an equitable result, without refashioning nature."

Libya's Submissions from the outset have included a paragraph to the
effect that
"Adelimitation which giveseffect to the principle of natural pro-

longation is one which respects the inherent ipsojure rights of each
State, and the assertion of such rights is.. .in accordance with equi-
table principles."

Thiscorrespondsto Libya'sprimary contention, already examined by the
Court, that "a delimitation which is consistent with the physical facts of
natural prolongation cannot possibly be inequitable". Libya considers
that, in this case as in the North Sea ContinentalShelf cases, equitable
principles play no rolein identifyingappurtenant continental shelf based
upon thejuridical concept of natural prolongation, and that it is only in
disputed marginal areas between States that title will be based upon
natural prolongation as qualified by equitable principles. Each Party has
also explained why the delimitationfor which it contends is equitable,in
the light of the relevant circumstances, and that of its opponent is not.

70. Since the Court considers that it is bound to decide the case on the
basis of equitable principles, it must first examine what such principles
entail, divorced from the concept of natural prolongation which has been

found not to be appliedfor purposes of delirnitation in this case.The result
of the application of equitable principles must be equitable.This termi-
nology, which is generally used, is not entirely satisfactory because it
employs the term equitable to characterize both the result tobe achieved
and the means to be applied to reach this result. It is, however, the result
which is predominant ;the principles are subordinate to the goal. The
equitableness of a principle must be assessed in the light of its usefulness
for the purpose of arriving at an equitable result. It is not every such
principle which is in itself equitable ; it may acquire this quality by ref-
erence to the equitableness of the solution.The principles to be indicated
by the Court have to be selected according to their appropriateness for
reaching an equitable result. From this considerationit follows that the
term "equitable principles" cannotbeinterpretedin the abstract ;it refers
back to the principles and rules which may be appropriate in order to
achieve an equitable result. This was the viewof theCourt when it said, in
its Judgment of 1969 :

"it isa truism to Saythat thedeterminationmust be equitable,ratheris
the problem above al1one of definingthe means whereby the delimi- PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 59

(Ladélimitationdoit aussis'opérer conformément à des principes

équitables et compte tenu de toutes les circonstances pertinentes
propres à l'espèce,étantentenduqu'un équilibredoitêtreétablientre
les diverses circonstancespertinentes, afin de pamenir à un résultat
équitable, sans refaire la nature.))

Les conclusions de la Libye, depuis le débutde l'instance, comportent le
paragraphe suivant :

(Une délimitation mettant en pratique le principe du prolonge-
mentnaturel est unedélimitationqui respecteles droitsinhérentsipso
jure de chaque Etat, et l'affirmation de ces droits est par conséquent
conforme à des principes équitables. >>

Cela correspond àl'affirmation essentielle de la Libye, déjàexaminéepar

la Cour, suivant laquelle (une délimitationcompatible avec le fait phy-
sique du prolongementnaturel ne saurait en aucuncas êtreinéquitable )>.
La Libye estime que, dans la présente affaire, comme dans celles du
Plateau continental de la mer du Nord,les principes équitablesnejouent
aucun rôle quand il s'agit de déterminerles zones de plateau continental
pertinentes en partant de la notionjuridique de prolongementnaturel et
que c'estseulement dans les zones marginales en litige entre des Etats que
le titrepeut sefonder sur leprolongement naturel corrigépar lesprincipes
équitables. Chacune des Parties a aussi expliquépour quelles raisons la

délimitation qu'elle préconise estéquitable, eu égardaux circonstances
pertinentes, alors que celle de son adversairene le serait pas.
70. La Cour, s'estimant tenue de statuer en l'espècesur la base de
principeséquitables,doit commencer par rechercher cequeprescriventces
principes, séparésde la notion de prolongement naturel, dont elle a dit
qu'elle ne s'applique pas à la délimitation en cause. L'application de
principes équitables doit aboutir à un résultat équitable.Cette façon de
s'exprimer, bienquecourante, n'estpasentièrementsatisfaisante,puisque
l'adjectif équitablequalifieà la fois le résultaàatteindre et les moyens à

employer pour y parvenir. C'est néanmoins le résultat qui importe :les
principessont subordonnés à l'objectià atteindre.L'équitéd'un principe
doitêtreappréciéed'après l'utilitqé u'ilprésentepour aboutir àun résultat
équitable.Tousles principes ne sont pas ensoiéquitables ;c'estl'équitéde
lasolutionquileurconfèrecette qualité.Lesprincipes qu'ilappartient àla
Cour d'indiquer doivent êtrechoisis en fonction de leur adéquation àun
résultatéquitable.Il s'ensuitquel'expressionprincipeséquitablesne saurait
être interprétée dans l'abstrait; elle renvoie aux principes et règlesper-
mettant d'aboutir àun résultatéquitable.C'estbien ainsi quel'entendait la

Cour quand elle a dit, dans son arrêtde 1969 :

(<C'estunevéritépremière de direquecettedéterminationdoitêtre
équitable ;le problème est surtout de définirles moyens par lesquels tation can be carried out in such a way as to be recognized as equit-
able" (I.C.J. Reports 1969,p. 50, para. 92).

71. Equityasa legalconcept is adirectemanation of theidea ofjustice.
The Court whose task is by definition to administerjustice is bound to
apply it. In thecourse of thehistory of legalsystems the term "equity" has
been used to define various legalconcepts. It wasoftencontrasted with the
rigidrules ofpositivelaw,the severityof whichhad to be mitigated in order
todojustice. In general,thiscontrast hasno parallel in thedevelopment of
international law ;thelegalconcept ofequity isageneralprincipledirectly

applicable as law. Moreover, when applying positive international law, a
courtmay chooseamong severalpossible interpretations of the law theone
which appears,in thelight of thecircumstances of the case,tobe closest to
the requirements of justice. Application of equitable principles is to be
distinguished from a decision ex aequoet bono.The Court can take such a
decision only on condition that the Parties agree(Art. 38,para. 2, of the
Statute), and the Court is then freed from the strict application of legal
rules in order to bring about an appropriate settlement. The task of the
Court in the present caseis quite different :it is bound to applyequitable
principles as part of international law, and to balance up the various
considerations whichit regards asrelevant in order toproduce an equitable
result. While it is clear that no rigid rules exist as to the exact weight tobe
attached to eachelementin the case,this isvery far from being an exercise
of discretion or conciliation ;nor is it an operation of distributive jus-
tice.

72. The Court has thus examined the question of equitable principles,
which,besides being mentioned in the SpecialAgreement as thefirst of the
threefactors tobe taken into account, are, as the Court hasemphasized, of
primordial importance in the delimitation of the continental shelf ;it has
alsodealt with thethird of thefactorsmentionedinthe SpecialAgreement,

the "new acceptedtrends" in the Third Conference on the Law of the Sea.
The second factor must now be considered,that of the "relevant circum-
stances which characterizethe areà" ; and again, it is not merely because
they are mentioned in the Special Agreement that the Court must have
regard to them. It isclear that whatisreasonable and equitable in anygiven
case must depend on its particular circumstances.There can be no doubt
that it is virtually impossible to achieve an equitable solution in any
delimitation without taking into account the particular relevant circum-
stances of the area. Both Parties recognizethat equitableprinciples dictate
that "the relevantcircumstances whichcharacterizethe area" be taken into
account, but differ as to what they are. The Special Agreement moreover
confers on the Court the task of ascertaining what are the relevant cir-
cumstancesand assessingtheirrelative weightfor the purpose of achieving la délimitation peut êtrefixéede manière à être reconnuecomme
équitable.))(C.I.J. Recueil 1969,p. 50, par. 92.)

71. L'équité en tant quenotionjuridique procèdedirectement de l'idée
dejustice.LaCour, dont latâche estpar définitiond'administrerlajustice,
ne saurait manquer d'en faire application. Dans l'histoire des systèmes
juridiques, leterme équité a serviàdésignerdiversesnotionsjuridiques. On
a souvent opposél'équité aux règlesrigidesdudroitpositif,dont la rigueur

doit être tempéréepour que justice soit rendue. Cette opposition est
généralementsans équivalentdans l'évolutiondu droit international ;la
notionjuridique d'équitéest unprincipe générad lirectementapplicable en
tant que droit. De plus, en appliquant le droit international positif, un
tribunal peut choisir entre plusieurs interprétations possibles celle quilui
paraîtla plus conformeaux exigencesdelajustice dans lescirconstances de
l'espèce.11faut distinguerentre l'application de principeséquitables et le
faitderendre unedécisionexaequoetbono,cequelaCour nepeutfaireque
si lesParties en sont convenues (art. 38,par. 2, du Statut).En pareil cas la

Cour n'a plus à appliquer strictementdes règlesjuridiques, lebut étant de
parvenir à un règlement approprié. La tâche de la Cour est ici toute
différente: elledoit appliquer les principes équitablescomme partie inté-
grante du droit international et peser soigneusement les diverses considé-
rations qu'ellejuge pertinentes, de manière à aboutir à un résultat équi-
table. Certes, il n'existe pas de règles rigides quant au poids exact à
attribuer à chaque élémentde l'espèce ; on est cependant fort loin de
l'exerciced'unpouvoir discrétionnaireou dela conciliation. Ilne s'agitpas
non plus d'un recours à lajustice distributive.

72. La Cour a ainsi examinéla question des principes équitables,qui

non seulement sont lepremierdes troisfacteurs àprendreenconsidération
mentionnésdans le compromis, mais revêtent,ainsi que la Cour l'a sou-
ligné,une importanceprimordiale en matière de délimitation du plateau
continental ; la Cour a égalementtraité du troisièmefacteur citédaris le
compromis, à savoir les<(nouvelles tendances acceptées ))àla troisième
conférencesur le droit de la mer. Il faut maintenant en venir au deuxième
facteur, celui des<(circonstancespartinentes propres à la région H ;et là
aussi,ce n'est pas simplement parce que le compromis en fait état que la
Courdoit en tenir compte. Ce qui est raisonnableet équitabledansun cas

donné dépend forcémentdes circonstances, et à coup sûr il est virtuelle-
ment impossible, dansunedélimitation,d'aboutir àune solutionéquitable
enméconnaissantles circonstances propres àla région.Les Parties recon-
naissent l'uneetl'autre quelesprincipeséquitablesimposent deprendre en
considérationles <circonstancespertinentespropres à la région))mais ne
s'accordent pas sur cequ'ellessont.De plus lecompromisdonne à laCour
mission de rechercher lescirconstances pertinentes et d'enévaluerlepoids
relatif afind'aboutirà un résultatéquitable.De toute évidence,danscetteanequitable result. It is evident that thefirst and most essentialstepin this
respect is to determine with greater precision what is the area in dispute
between the Parties and what is the area which is relevant to the delimi-
tation.
73. It shouldfirst be recalled that exclusiverights over submarine areas
belong to the coastal State. The geographiccorrelation between coast and
submerged areasoff thecoast isthebasis ofthecoastal State's legaltitle.As
the Court explained in the North Sea Continental Shelf cases the conti-
nental shelf isa legal concept in which "the principle is applied that the
land dominates the sea" (I.C.J. Reports 1969, p. 51, para. 96). In the
Aegean Sea Continental Shelf case the Court emphasized that

"it is solely by virtue of the coastal State's sovereignty over the land
that rights of explorationand exploitationinthecontinental shelfcan
attach to it, ipsojure, under international law. In short, continental
shelf rights are legally both an emanation from and an automatic
adjunct of the territorial sovereignty of the coastal State." (I.C.J.
Reports 1978, p. 36, para. 86.)

As has been explainedin connection with the concept of natural prolon-
gation,thecoast of theterritory of the State isthe decisivefactor for title to
submarine areas adjacent toit. Adjacency of the sea-bed to the territory of
the coastal State has been the paramount criterion for determining the
legal status of the submerged areas, as distinct from their delirnitation,
without regard to the various elements which have become significant for
theextension of these areas inthe process of the legalevolution of the rules
of international law.
74. The coast of each of the Parties, therefore, constitutes the starting
line from which one has to set out in order to ascertain how far the
submarine areas appertaining to each of them extend in a seaward direc-
tion, as well as in relation to neighbouring States situated either in an
adjacent or oppositeposition.Theonly areas whichcan be relevantfor the
determination of theclaims of Libya andTunisia to thecontinental shelfin

front of their respectivecoasts are those which can be consideredas lying
either off the Tunisian or off the Libyancoast. These areas form together
thearea whichisrelevanttothe decisionofthedispute. The areaindispute,
where one claim encroaches on the other, is that part of this whole area
which can be considered as lying both off the Libyan coast and off the
Tunisian coast.
75. Nevertheless, for the purpose of shelf delimitation between the
Parties, it isnot the wholeof thecoast ofeachParty whichcanbe taken into
account ; the submarine extension of any part of the coast of one Party
which, because of its geographicsituation, cannot overlapwith the exten-
sion of the coast of the other, is to be excluded from further consideration
by the Court. It is clear from the map that there comesa point on thecoast
of eachof the twoPartiesbeyond which thecoastinquestion no longer has recherche la premièreétape - qui est aussi l'étapeessentielle- consiste à
définiravecplus de précisionlazone enlitige entre lesParties etla région à

prendre en considération aux fins de la délimitation.

73. Il importe de rappeler tout d'abord que c'est l'Etat côtier qui est
titulaire de droits exclusifs sur les zones sous-marines. Le lien géogra-
phique entre lacôteet leszonesimmergéesqui setrouventdevant elleestle
fondement du titrejuridique de cetEtat. Ainsi quela Cour l'aénoncédans
les affaires du Plateau continental de lamerduNord leplateau continental
est un conceptjuridique à propos duquel (on applique le principe quela
terredominela mer ))(C.I.J. Recueil1969,p. 51,par. 96).Dans l'affairedu

Plateau continentalde la mer Egéela Cour a soulignéque :
(cen'est qu'enraisondela souverainetéde l'Etat riverain surla terre
que des droits d'exploration et d'exploitationsurleplateau continen-
tal peuvent s'attacherà celui-ci ipsjure en vertu du droit internatio-

nal. Bref les droits sur le plateau continental sont, du point de vue
juridique, à la fois une émanation de la souverainetéterritoriale de
1'Etat riverain et un accessoire automatique de celle-ci. ))(C.I.J.
Recueil 1978,p. 36, par. 86.)

Ainsi qu'ilaétéexpliqué àproposdu prolongement naturel, c'estla côtedu
territoire de'Etat qui est déterminantepour créerle titre surles étendues
sous-marinesbordant cette côte. C'est I'adjacence au territoire de 1'Etat
côtier qui est le critère primordial de définitiondu statut juridique des
zones immergées,par opposition aleurdélimitation,sans égard aux divers
éléments ayantconcouru àl'extension deceszones à mesure que lesrègles
du droit international évoluaient.

74. C'est donc en partant de la côte des Parties qu'il faut rechercher
jusqu'où les espaces sous-marins relevant de chacune d'elles s'étendent
vers le large, ainsi quepar rapport aux Etats quileur sont limitrophes où
leur font face. Les seuleszonesquipuissentintervenir dans la décisionsur
lesprétentionsde la Libyeet de la Tunisie au plateau continentalbordant
leurscôtes respectivessont cellesquipeuvent êtreconsidéréescommeétant
au large, soitde la côtetunisienne, soit delacôte libyenne.Prisesensemble
ellesreprésententla région à prendre encomptepour la décision.La zone
litigieuse où les prétentions s'entrecroisent est la partie de cette region

globale qui peut êtreconsidéréecomme étant à la fois au large de la côte
libyenne et au large de la côte tunisienne.

75. Néanmoins,pour délimiterleplateau entre lesParties il n'y apas à
tenir compte de la totalitédes côtes de chacune d'elles ; tout segment du
littoral d'une Partie dont, en raison de sa situation géographique,le pro-
longement ne pourrait rencontrer celui du littoral de l'autre Partie est à
écarterde la suiteduprésentexamen.Lescartesmettenten évidence,surla
côte de chacune des deux Parties, l'existence d'un point au-delà duquel
ladite côte ne peut plus avoir de lien aveclescôtes del'autre Partie aux fins62 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

a relationship with the coast of the other Party relevant for submarine
delimitation. The sea-bed areas off the coast beyond that point cannot
thereforeconstituteanarea ofoverlap of theextensions of theterritories of
the two Parties, and are therefore not relevant to the delirnitation. In the
viewof theCourt,in the present contextthat point onthe Tunisian coast is

Ras Kaboudia ;on the Libyan coast it is Ras Tajoura. The Court cannot,
therefore, take into consideration such parts of the sea-bed of the Pelagian
Block as lie beyond those points. As for the boundaries to seaward of the
area relevant forthedelimitation, these arenot atpresent material and will
be considered only in relation to the criterion of proportionality, for the
purposes of whichsuchboundaries willhave to be defined. The conclusion
that these areas are not legally relevant to the delimitation between the
Parties doesnot howeverlead tothe conclusion by wayofcorollarythat the
whole area bounded by the coasts of both countries and by such seaward
boundaries is reserved in its entirety for division between Libya and
Tunisia. As mentioned above, the rights of other Statesbordering on the
Pelagian Seawhichmaybe claimedin the northern and north-easternparts

of that area must not be prejudged by the decision in the present case.

76. Both Parties have of course included among the elements which,
they submit, should be taken into account as "relevant circumstances
which characterize the area", the factor which was referred to in the
Court's Judgment in the North Sea ContinentalSheifcases as "the general
configuration of the coasts of the Parties, as well as the presence of any
special or unusualfeatures" (I.C.J. Reports 1969,p. 54,para. 101(D) (1)).
In its submissions, Tunisia has specified as some of the relevant circum-
stances the presence of islands, islets and low-tideelevations forming part
of the eastern coastal front of Tunisia ;the manifestation in the bathy-

metric curves in the area of the physical and geological structure of the
region ; thepotential cut-off effectforTunisia whichcould resultfromthe
particular angulation of the Tuniso-Libyanlittoral in combination with
the position on the coast of the frontier point ; the irregularities charac-
terizing the Tunisian coasts,ascompared with the generalregularity of the
Libyancoasts in the relevant area ;thesituation ofTunisia,oppositeStates
whosecoastsare relatively closetoits own, and the effects of anyactualor
prospective delimitation carried out with those States. In its pleadings,
Tunisia has also mentioned as relevant its claimed historic rights and
claimed that inappropriate caseseconomicand historicalparticularitiesas
well as geological and geographical factors may be included as relevant

circumstances. The question of the "cut-off effect" arises only in the
context of the application of a geometrical delimitationmethod, such as
that of equidistance, whereby thedelimitationlineis directlygoverned by
points on the coasts concerned, or in relation to a line drawn from the
frontier point on the basis of a predetermined direction, such as the
northwardlinecontendedfor by Libya. Sincethat linehas not been upheld PLATEAU CONTINENTAL (ARRÈT) 62

de la délimitationdesfonds marins. Au-delà de cepoint, lesfondsmarins
au large de la côte ne peuvent donc pas constituer une zone de chevau-
chement des extensions du territoire des deux Parties et, de ce fait, n'ont
aucunrôle àjouer dansladélimitation.De l'avisdelaCour,dans leprésent
contexte lepoint limitesurlacôtetunisienne estRas Kapoudia ;surlacôte

libyenne c'estRasTadjoura. La Cour nepeut donctenir comptedesfonds
marins du bloc pélagienau-delà de ces points. Quant aux limites vers le
large de la régionà considérer auxfins de la délimitation,ellesimportent
peu pour le moment ; ellesne seront envisagéesqu'à propos du critèrede
proportionnalité, et devront alors êtreprécisées.La conclusion suivant
laquelleendroit ceszonesn'entrent pas enjeu dansla délimitationentre les
Parties n'autorise cependant pas à conclure, par une sorte de corollaire,
que toute la région limitéed'une part par les côtes des deux Etats et, de
l'autre, par ces limites vers le large serait diviser entre la Libye et la
Tunisieexclusivement.Ainsi qu'ilaétéditplushaut,ladécisionenl'espèce
ne doit pas préjugerles droits que d'autres Etats riverains de la mer

pélagiennepourraient faire valoir dans lespartiesnord et nord-est de cette
région.

76. Les deux Parties comprennent naturellement parmi les éléments
qui,d'aprèselles,sont à prendre en considérationcomme (circonstances
pertinentespropres à la région )ce quel'arrêtdela Courdans lesaffaires
du Plateau continental de la mer du Nord a appelé (la configuration
générale des côtes des Parties et la présencede toute caractéristiquespé-
cialeou inhabituelle (C.I.J. Recueil1969,p. 54,par. 101D 1)).Dans ses

conclusions,la Tunisie a citécommecirconstancespertinentes la présence
d'îles,d'îlotset de hauts-fondsdécouvrantsfaisantpartie de la côte est du
pays ; le fait que les courbes bathymétriques de la régionen reflètent la
structure physique et géologique ; l'effetd'amputation quipourrait résul-
ter pour la Tunisie de l'angulation particulière du littoral tuniso-libyen,
combinéavec la situation du point frontière sur la côte ;les irrégularités
qui caractérisentlescôtes tunisiennes, comparées à la régularitégénérale
descôteslibyennesdansla zone à délimiter; lasituation delaTunisie,face
à des Etats dont les côtes sont peu éloignées des siennes, et les effets de
toutedélimitationexistante oufuture aveccesEtats. LaTunisiea aussifait

mention dans sespiècesdeprocéduredes droits historiques qu'elle reven-
dique et affirmé que dans certains cas les circonstances pertinentes
peuvent comprendredes élémentstrès divers, à savoirlesparticularitésde
nature économiqueet historique aussibien que lesfacteurs géologiqueset
géographiques.La question de l'effetd'amputation ne sepose quedans le
contextedel'application d'uneméthodededélimitationgéométrique,telle
quel'équidistance,oùla lignede délimitationest directementfonction de
points sur lescôtes en cause, ou encorea proposd'une lignetracée àpartir
du point frontière dans une direction préétablie,comme la ligne vers le
nord préconisée par laLibye. La Cour n'ayant pasretenu cette ligne,et laby theCourt, and theequidistancemethodis, aswillbe explained, alsonot
applicable in this case, the "cut-off effect" is not here a relevant circum-
stance.
77. Ontheotherhand, Libya'sconception oftherelevantcircumstances
is stated in more restricted terrns : those circumstances are primarily
twofold, namely the geologicalstructure of the shelf and its relation to the

adjoining landmass, and the geographic configuration of the coasts. Dur-
ing the oral proceedings counsel for Libya also mentioned a number of
particularly relevant circumstancesorfactors, divided into sixcategories :
the fact that the two States are adjacent, separated by a generally north-
south land frontier ; the fact that the shelf area is continuous, with an
essentially homogeneous character ; the general configuration of the
coasts of the Parties ; the existence of segments of coasts whch are not
relevant ;and, as a related factor, the existence of actual orprospective
delimitations with third States in the region ; the existence of a number of
legislative acts by both Parties,relating to fishing, the territorial sea, and
petroleum concessions ;and the existence of petroleum fields or wells
within the relevant area.

78. While the initial part of the Tunisian coast, westwards from Ras
Ajdir, runs for some distance in approximatelythe same direction as the

Libyan coast, the most marked characteristic of the coast, discussed at
length by theParties,is that it subsequently changes direction, soas to run
roughly southwest-northeast.Thisaspect ofthe geographical situation asit
exists in the area relevant to the decision is legally significant, in the
context of the present examination of the application of equitable prin-
ciples, as one of the relevant circumstances which characterize the area.
The change in direction may be said to modify the situation of lateral
adjacency of the two States, even though it clearly does not go sofar as to
place them in a position of legally opposite States.

79. The body of bbislands,islets and low-tide elevations which form a
constituent part of the Tunisian littoral", referred to in the Tunisian
Submissions,is a feature closelyrelated to the claim of Tunisia to historic
rightsin connection with thefixed andsedentary fisheriesin thisarea,tobe
dealt with below.Independently of that question, however,the presence of
the island of Jerba and of the Kerkennah Islands and the surrounding

low-tide elevations is a circumstance whicli clearlycalls for consideration.
Libya has contended that
"in arriving at the general direction of the coastlines, the Island of
Djerba invites omission, since it is clearly an exceptional feature and
itsinclusion would introduce irrelevant complications. Similarly, the
Kerkennah Islands should be excluded since they occupy little more
than 180 square kilometres".

This observation is made in a section of the argument devoted to the
question, first raised in fact by Tunisia, of whether the one State or theméthodede l'équidistancen'étantpas applicableen l'espèceainsi qu'on le
verra plus loin, l'effet d'amputation n'est pas, en l'occurrence, une cir-
constance pertinente.
77. La Libye, quant à elle, se fait des circonstances pertinentes une
conception plus étroite, et n'en invoque essentiellement que deux : la
structure géologiquedu plateau et son lien avec la masse terrestre adja-
cente, et la configuration géographique des côtes.Pendant les plaidoiries,
un conseil de la Libye a mentionné plusieurs autres circonstances ou

facteursparticulièrementimportants, en les divisanten six catégories :le
fait qu'il s'agisse de deux Etats limitrophes, séparés par une frontière
terrestrededirection générale nord-sud ;lefaitquela zoneenquestion soit
une zone de plateau continue,decaractère essentiellementhomogène ;la
configuration générale des côtesdes Parties ; l'existence de segments de
côte sans pertinence en l'espèce - et, corrélativement,la question des
délimitationseffectives ou prévues avecdes Etats tiers de la mêmerégion ;
l'existence d'uncertainnombre de texteslégislatifsadoptésparles Parties
au sujet de la pêche,de la mer territoriale et des concessionspétrolières ;
enfin,la présencede champs pétrolifèresetde puits depétroledanslazone

à considérer.
78. Si le premier segment de la côte tunisienne, à l'ouest de Ras Ajdir,
suitapproximativement, sur une certainedistance,la mêmedirectionque
la côte libyenne, la caractéristiquela plus marquante de cette côte prise
dansson ensemble, caractéristiquedont les Parties ont longuement débat-
tu, est que plus loin ellechange dedirectionpour s'orienter grossomododu
sud-ouest au nord-est. Cet aspect de la situation géographiquedans la
régionconcernée par la décision estjuridiquement important, dans le
présent contexte de l'application des principes équitables,comme étant
l'une descirconstancespertinentespropres à la région.Cechangement de
direction peut êtreconsidérécomme modifiant la situation de contiguïté

des deux Etats, même s'in le va pas, de toute évidence,jusqu'à en faire,en
droit, des Etats se faisant face.
79. L'ensemble d'(<îles, îlots et hauts-fonds découvrantsqui sont une
partie constitutive du littoral tunisien >),visédans les conclusions tuni-
siennes,est une caractéristiquetouchant de prèslaprétentionde laTunisie
à des droits historiquesrelatifs aux pêcheriesfixes et sédentairesde cette
région,sur laquelle la Cour reviendra plus loin. Indépendammentdecette
question,cependant, la présencedel'île deDjerba et des Kerkennah avec
leurs hauts-fonds découvrantsreprésente une circonstancequi est mani-
festement à prendre en considération. La Libye a soutenu que :

(<dans la définition de la direction générale des côtes, ily aurait lieu
d'omettre l'île de Djerba, qui constitue manifestement un élément
exceptionnel dont l'inclusion entraînerait d'inutiles complications.
De mêmei,lconviendraitd'exclure lesîlesKerkennah, qui n'occupent
guère plus de 180kilomètres carrés. ))

Cetteobservationa été faiteà propos de la question, soulevéed'abord par
la Tunisie, de savoir si l'un ou l'autre des deux Etats est favorisé ouother is favoured by nature, or the reverse, as regards its coastline ; an
argument which the Court does not consider to be relevant since, even
acceptingthe idea of natural advantages or disadvantages, "it is not such
natural inequalities as these that equity could remedy" (I.C.J. Reports
1969, p. 50, para. 91). However that may be, the Court cannot accept the
exclusion in principle of the island of Jerba and the Kerkennah Islands
from consideration. The practical method for the delimitation to be
expoundedby the Court hereafter isinfact suchthat, in thepart of thearea
to be delimited in which the island of Jerba would be relevant, there are

other considerations which prevail over the effect of its presence ;the
existence and position of theKerkennah Islandsand surrounding low-tide
elevations, on the other hand, are material.
80. The Court has already (paragraph 68 above) alluded to the possi-
bility that certain geomorphological configurations of the sea-bed, which
do not amount to an interruption of the natural prolongation of one Party
with regard to that of the other, may be taken into account as a circum-
stance relevant for an equitable delimitation, and the Court has thus to
re-examine, from this standpoint, the sea-bedfeatures discussed between
the Parties such as the Zira and Zuwarah Ridges, the Tripolitanian Fur-
row, and the Malta-Misratah Escarpment (seeparagraphs 32and 66).The
principal feature which could,in theCourt's viewbe taken into accountas
arelevantcircumstance is theTripolitanian Furrow. Ashasbeen shown,it
is not such a significant feature that it interrupts the continuity of the

Pelagian Blockasthecornrnonnatural prolongation of theterritory ofboth
Parties,soastoarnount to a"natural submarinefrontier". The greater part
of it,and the most significantfroma geomorphological aspect, liesbeyond
RasTajoura, which wasindicated above as the bound of the area relevant
for the delimitation. It is a feature of such a kind, and so positioned -
comparativelynear, and running roughly parallel to, the Libyan Coast -
that unless it were such as to disrupt the essential unity of the continental
shelf so as tojustify a delimitation on the basis of its identification as the
division between areas of natural prolongation, it would be an element
inappropriate for inclusion among the factors to be balanced up with a
view to equitable delimitation.

81. The "relevant circumstances which characterize the area" are not

limited to the facts of geography or geomorphology, either as a matter of
interpretation of the SpecialAgreement or in application of the equitable
principle requiring al1relevant circumstances to be taken into account.
Apart from the circumstance of the existence and interests of other States
in the area, and the existing or potential delimitations between each of the
Parties and such States, there is also the position of the land frontier, or
morepreciselytheposition ofits intersection with thecoastline, to be taken
into account. In that connection, the Court must in the present case
consider anumber of allegedmaritimelimitsresultingfromtheconduct ofdéfavorisépar la nature pour ce qui est de la configuration de sa côte -
argumentquela Cour n'estimepar pertinent puisque, mêmesil'on admet

la possibilité d'avantagesou d'inconvénientsnaturels, (<ce n'est pas à de
telles inégalitésnaturelles que l'équité pourrait porter remède u (C.I.J.
Recueil1969,p. 50,par. 91).Quoiqu'il ensoit,laCour nepeut accepterque
la prise en considération de Djerba et des Kerkennah soit exclue en
principe. La méthodepratique de délimitationquelaCour exposera par la
suite est telle en fait que, dans la partie de la zoneà délimiteroù l'îlede
Djerba aurait une incidence, d'autres considérationsviennent contreba-
lancer cet effet; en revanche, l'existenceet la situation des Kerkennah et
des hauts-fonds découvrants qui les entourent est un fait important.

80. La Cour a déjà évoqué au paragraphe 68 ci-dessusla possibilitéde
considérercomme circonstancespertinentes,pour parvenir à une délimi-
tation équitable,certainesconfigurations géomorphologiquesdu fond de
la mer ne constituant pas vraiment une interruption du prolongement
naturel d'une Partie par rapport àcelui de l'autre. Il lui faut donc réexa-
miner de cepoint de vue lesparticularitésdu fond de la mer discutéespar
les Parties, telles que les rides de Zira et deZouara, le sillon tripolitain et
l'escarpement de Malte-Misratah (voir paragraphes 32 et 66). La princi-

pale particularité qui pourrait, selon la Cour, être priseen considération
comme circonstance pertinente est le sillon tripolitain. Comme il a été
indiqué,ce sillon n'est pas marquant au point d'interrompre la continuité
du bloc pélagien, prolongement naturel commun au territoire des deux
Parties,et de constituer (une véritablefrontière naturelle sous-marine )>.
Laplus grandepartie de cesillon,quiestaussi laplus notable d'unpoint de
vuegéomorphologique,s'étendau-delà deRasTadjoura,indiqué plus haut
commelimiteextrêmede la région àconsidérer auxfins dela délimitation.
Cetteparticularité et saposition - relativement prochede la côtelibyenne

et plus ou moins parallèle à cette côte - sont telles que,à moins que la
particularité en question vienne rompre l'unité essentielle du plateau
continental et désigneainsi une base de délimitationfondée sur la sépa-
ration desprolongementsnaturels, il seraitinapproprié del'inclureparmi
les facteurs à soupeser pour aboutir à une délimitation équitable.

81. Les (circonstancespertinentes propres à la région )> ne sont pas

restreintes aux donnéesde la géographie et de la géomorphologie,qu'il
s'agisse d'interpréter le compromis ou d'appliquer le principe d'équité
exigeant quetoutes les circonstancespertinentes soientconsidéréesO . utre
l'existence et les intérêtdes autres Etats de la régionet les délimitations
actuellesoufuturesentre lesPartieset cesEtats, ilimporte denepasperdre
de vue l'emplacement de la frontièreterrestre, ou plus précisémentde son
intersection avec la côte, en tant qu'élément à prendre en compte. A cet
égard,la Cour doit, en la présenteespèce,examiner diverseslimites mari-
times qui seraient censéesrésulterde la conduitedes Etats intéressésE . lletheStatesconcerned. It hasfurther to givedueconsideration to thehistoric
rights claimed by Tunisia, and to a number of economic considerations
which one or the other Party has urged as relevant.

82. The absence of maritimeboundariesformally agreed upon between
the Partiesconstitutes one of the difficulties of the present case, since the
delimitation ofthe continental shelfshould start fromthe outer limit of the
territorial sea, in accordance with a principle of international law em-
bodied in Article 1 of the 1958Geneva Convention on the Continental
Shelf and Article 76, paragraph 1,of the draft convention on the Law of
the Sea. Since there has never been any agreement between Tunisia and
Libya on delimitation of the territorial sea, contiguous zones, exclusive

economic zones, or the continental shelf, the undisputed land frontier
between the Partiesestablished by aconvention becomes acircumstance of
considerable relevance.
83. The present course of the land frontier between Libya and Tunisia
dates from 1910.Both countries had been under Turkish suzerainty since
themiddle of the 16thcentury. Until188 1,when Tunisia wasproclaimed a
French protectorate, the limits between the Tunisian Regency and the
"vilayet" of Tripoli were simply interna1circumscriptions of the Ottoman
Empire. In 1886 and 1892 overtures were made between France and
Turkey with a view to a delimitation. Later on, the boundary, previously
located at the fort in the middle of Al-Biban lagoon, at the mouth of the
Wad Fessi, was moved eastwardsin the direction of the Wad Moqta, and
became defacto established at its present site of Ras Ajdir;this led to the
conclusion of the "Convention relative à la frontière entre la régencede
Tunis et le vilayet de Tripoli" of 19May 1910,between the Bey of Tunis
and the Emperor of the Ottomans. Article 1of the Convention states that
theinitial part of the linefollowsa general direction north-south; a glance

at the map attached tothe text of the Convention, however, showsthat the
general direction of the line as a whole is rather northeast-southwest.

84. The Convention duly entered into forceand the frontier thus estab-
lished became that between the Regency of Tunis under French protec-
torate and the Italian colony of Tripolitania after Turkey had ceded that
region to Italy. Following decolonization,the 1910frontier became that
between the independent States of Tunisia and Libya. It had moreover
been expressly confirmed by the Treaty of Friendship and Neighbourly
Relations concluded on 10August 1955between the French Republic(on
behalf of Tunisia)and theUnited Kingdom of Libya, implicitly confirmed
by theTreaty ofFraternity andNeighbourlyRelations betweenthe United
Kingdom of Libya and the Kingdom of Tunisia, of 7January 1957,which
was amended and completed by theEstablishmentConvention of 14June
1961, and expressly confirmed by an exchange of letters at the time of
signing of that Establishment Convention. The boundary remaineddoit en outre tenircompte commeil convient des droits historiques reven-
diquéspar la Tunisie ainsi que des diverses considérationséconomiques
dont l'une ou l'autre des Parties a soulignéla pertinence.

82. L'absence de frontières maritimes officiellementreconnues par les
Parties est l'une des difficultésde la présente affaire, la délimitation du
plateau continental devant commencer à la limite extérieure de la mer
territoriale, en application d'un principe de droit international énoncéà

l'articlepremier de la conventionde Genèvesur leplateau continental de
1958et àl'article76,paragraphe 1,du projet de conventionsur le droit de
la mer. Commeil n'yajamais eu d'accord entre la Tunisie et la Libye surla
délimitationdes eaux territoriales, des zones contiguës, des zones écono-
miques exclusiveset du plateau continental,une frontièreterrestre incon-
testéepar lesParties et résultantd'une convention est une circonstance de
la plus haute pertinence.
83. Le tracé actuel de la frontière terrestre remonteà 1910.Les deux
paysavaientétéantérieurementsouslasuzerainetéturque depuis la moitié
du XVIesiècle.Jusqu'en 1881,annéeau cours de laquellelaTunisie devint
un protectorat français,lafrontière entre la Régencede Tunis et levilayet

de Tripoliétait simplement une limite interne entre deux circonscriptions
de l'Empire ottoman. En 1886et 1892des contactsfurent établis entre la
Franceet laTurquie envued'aboutir àunedélimitation.Pourfinir,la ligne
frontière, qui aboutissaitjusque-là au fort situéau milieu de la lagune
d'El-Biban, à l'embouchurede l'oued Fessi, fut déplacée versl'est,dansla
direction de l'oued Mokta, pour être établiede facto à son emplacement
actuel,à Ras Ajdir ;finalementla (convention relative àlafrontièreentre
la Régencede Tunis et le vilayet de Tripoli ))fut conclue le 19mai 1910
entre le bey de Tunis et l'empereur des Ottomans. D'après l'article 1 de
cetteconvention, la premièrepartie de la ligne suitune direction générale
nord-sud ;un simple coup d'Œilsur la cartejointe à la conventionpermet

cependant de constater que la direction généralede la ligneentièreserait
plutôt nord-est/sud-ouest.
84. La convention entra dûment en vigueur et la frontière ainsi établie
devint la frontièreentre la Régencede Tunis sousprotectorat françaiset la
colonie italienne de Tripolitaineaprèsla cession de cettedernièreàl'Italie
par la Turquie. Après la décolonisation, la frontière de 1910 devint la
frontière entre les Etats indépendants de Tunisie et de Libye. Elle avait
d'ailleurs étéexpressément confirméepar le traité d'amitiéet de bon
voisinageconclule 10août 1955entrela Républiquefrançaise(au nom de
laTuniSie) etleRoyaume-Uni de Libye,lequel àsontour fut implicitement

avalisépar le traité de fraternité et de bon voisinage conclu entre le
Royaume de Libye et le Royaumede Tunisie le 7janvier 1957,lui-même
amendéet complétépar la conventiond'établissementdu 14juin 1961et
expressémentconfirmépar échangede lettres au moment de la signature
de cette dernière. La frontière a donc survécuà toutes les vicissitudesdes 66 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

unchanged throughout the vicissitudes of the two World Wars, and it
exemplifies the principle declared in the 1964 Cairo Resolution of the
Organization of African Unity, according to which "al1Member States
pledge themselves to respect the borders existing on their achievement of
national independence". This rule of continuity ipsjoure of boundary and
territorial treaties was later embodiedin the 1978Vienna Convention on
Succession of States in respect of Treaties. Thus the permanence and
stability of theland frontier isoneof thepoints wheretheParties arein full
agreement. No issue was raised by the Parties concerning its validity ;
Libya has indicated that it furnished the history of the frontier prior to
1910simply to "put into focus the parallel attempted Tunisian/French

thrust to the east" which allegedly occurred later in relation to maritime
areas.
85. The Court regards the 1910Convention as important for the con-
sideration of the present case, because it definitively established the land
frontier between the twocountries. The Court ishowevernot able to accept
the suggestion based upon it in the Libyan Memorialthat the "boundary
on the seaward side of Ras Ajdir would continue, or could be expected to
continue" in the northward direction of the land frontier. Both Parties
have agreed in recognizing the relevance of the land boundary starting-
point ;this only reinforces the significanceof RasAjdirasabasicpoint of
reference. In this sense the Court believes that the 1910Convention con-
stitutesa relevant circumstance for thedelimitation of thecontinental shelf
between the two Parties.
86. The relevance of Ras Ajdir is underlined by the fact that it was the
starting-point in past endeavours by the two Parties to establish by uni-

lateral claims certain partial maritime delimitations. Indeed Ras Ajdir is
the starting point of two such attempts relating to lines projecting sea-
wards : the ZV (Zénith vertical)45' line north-east claimed by Tunisia ;
and thenorthward line claimed by Libya to be a continuation seawards of
thelast segmentof theland frontier, under Petroleum LawNo. 25of 1955,
and Regulation No. 1 thereof. Ras Ajdir is also the point of departure of
thelineperpendicular to theCoastproposedby Italyin 1914,and of theline
of 26' north-east which had been followed by the two Parties in the
granting of concessions for the exploration and exploitation of minera1
resources during the period 1964-1972.

87. The Court will proceed to consider one by one the various lines
mentioned in the preceding paragraph. The first two lines were not
expressly agreed upon, but established initially by unilateral action. The
Court would therefore observe at the outset that an attempt by aunilateral

act to establish international maritime boundary lines regardless of the
legalposition of other States is contrary to recognized principles of inter-
national law,aslaiddown, interalia,in theGenevaConventions of 1958on
theLawof the Sea,especiallytheConvention on theTerritorial Seaand the
Contiguous Zone and the Convention on the Continental Sheif, which
provide that maritime boundaries should be determined by agreementdeux guerres mondides, et elle illustre bien l'application du principe
proclamédans la résolution du Caireadoptée en 1964par l'organisation
del'unité africaine,aux termes de laquelle (tous les Etats membres s'en-
gagent à respecter les frontières existantesen accédant à l'indépendance
nationale o. La mêmerègle de continuitéips oure destraitésdefrontièreet
destraitésterritoriaux est reprisedans la convention deVienne de 1978sur
la successiond'Etats enmatièrede traités.La permanence et lastabilitéde
la frontière terrestre sont donc l'un des sujetssur lesquels les Parties sont

entièrement d'accord. Aucune d'ellesn'a contestéla frontière ;la Libye a
préciséque, si elle retraçait son histoireavant 1910,cen'était que (pour
mieux éclairerles tentatives de pousséeparallèlesversl'estde la Tunisie et
de la France qui se seraient produites plus tard dans le cas des zones
maritimes.
85. La Cour considère la conventionde 1910comme importante pour
l'examen de la présente affaireparce qu'ellea fixédéfinitivementla fron-
tièreterrestre entre lesdeux Etats. La Cour ne peut cependantfaire sienne
la conclusion qu'en tire le mémoirelibyen, à savoir que la(<limite vers le
large àpartir de Ras Ajdir continueou peut continuer ))en suivant versle

nordladirection delafrontièreterrestre. Lesdeux Parties s'accordentpour
reconnaîtrelapertinencedupoint dedépart de lafrontièreterrestre, cequi
ne fait que renforcer l'importance de Ras Ajdir comme repère essentiel.
Dans ce sens la Cour est d'avis que la convention de 1910constitue une
circonstancepertinente à prendre enconsidérationpour ladélimitationdu
plateau continental entre les deux Parties.
86. L'importancedeRas Ajdir est attestéeparlefait quecette localitéa
servi de point de départ dans le passélorsque les deux Parties se sont
efforcéesd'établir unilatéralementcertainesdélimitationsmaritimespar-
tielles. On relèvedeux tentativesde ce genre, qui se sont traduitespar des

lignes se projetant vers le large partir de Ras Ajdir :la ligne ZV (zénith
vertical) 45" nord-est, revendiquéepar la Tunisie ; et la ligne en direction
du nord prolongeant en mer le dernier segment de la frontière terrestre,
proclaméepar la Libye dans laloipétrolière no25 de 1955et la réglemen-
tation no 1qui s'y rattache. Ras Ajdir est aussi le point de départ de la
perpendiculaire à lacôte proposéepar l'Italie en 1914et de la lignedes 26"
verslenord-est àlaquelle lesParties sesont tenues enoctroyant despermis
et concessions de recherche et d'exploitation de ressources minérales de
1964 à 1972.
87. La Cour va maintenant examiner une à une les diverses lignes

mentionnéesau paragraphe précédent.Les deux premières n'ont pas été
expressémentconvenuesmais établiesunilatéralement àl'origine.LaCour
relève donc au départ qu'essayer d'établir unilatéralementdes limites
maritimes internationales sans tenir compte de la position juridique
d'autres Etats est contraire aux principes reconnus du droit international,
comme il ressort notamment des conventions de Genève de 1958sur le
droit de la mer,enparticulierla convention surla mer territoriale etlazone
contiguëet la conventionsur le plateau continental,qui stipulent que les
limites maritimesdoivent êtredéterminéesparaccord entre lesParties. Cebetween the Parties.Thisprinciplehas been retained in the draft conven-
tion on the Law of the Sea. In 1951the Court, in the Fisheriescase, held
that :

"The delimitation of sea areas has always an international aspect ;
it cannot be dependent merely upon the will of the coastal State as
expressed in its municipal law. Although it is true that the act of
delimitation is necessarily a unilateral act, because only the coastal
State iscompetent to undertake it, thevalidityof thedelimitationwith
regard to other States depends upon international law." (I.C.J.
Reports 1951,p. 132.)

88. The ZV45" linewas presented by Tunisiaasthe last segment of the
delimitation,based on the 50-metreisobath, as far north as the parallel of
Ras Kaboudia, of what Tunisia claims tobe the zone of its historic rights
over sedentary and other fisheries since time immemorial. In the Tunisian
pleadings it was repeatedly claimed that the ZV 45" line drawn from the
landfrontierat Ras Ajdir, at an angle of 45" in a north-easterlydirection,
as far as the intersection with the 50-metreisobath, was established by the
Instruction of the Director of PublicWorks of 31 December 1904on the
Navigation and Sea Fisheries Department. Article 62 of the Instruction
did in fact define the areas of surveillance for the fishing of spongesand
octopuses, within which the administrativeauthorities exercised exclusive
power of making regulations and control, and in definingZone 4 it made
reference to "a line drawn north-east from Ras Ajdir to the intersection
with the 50-metre depth line". Thefirst expressmention of the ZV 45' line
appears in the Decree of 26 July 1951, reorganizing the Legislation on
FisheryControl, Article3 (b)of which contains a specificreference to the
line in question, in the following terms :

"(6) From Ras Kaboudiato theTripolitanian frontier,the seaarea
bounded by a line which, starting from the end of the 3-mile line
descnbed above, meets the 50-metre isobath on the parallel of Ras
Kaboudia and followsthat isobathas far asits intersection with aline
drawn north-east from Ras Ajdir, ZV 45"."

89. The 1951Decree, though dealing with an exclusive fisheries zone
reserved for vesselsflying the French or Tunisian flags only, was the real
legislative source of the ZV45" line. Tunisian Law No. 62-35of 16Octo-
ber 1962 repealed Article 3 of the 1951 Decree and instituted a new
territorial sea régime.From Ras Kaboudiato theTuniso-Libyanfrontier,
the territorial sea was the part of the sea bounded by a Iine which,starting
fromtheend-point ofthe 12-nautical-milelinedelimiting the territorial sea
on the other side of Ras Kaboudia, intersected, on the Ras Kaboudiaprincipe a été maintenu dans leprojet de conventionsur ledroit dela mer.
En 1951,la Cour a jugédans l'affaire des Pêcheries que :

La délimitationdesespaces maritimesa toujoursun aspectinter-
national ;ellene sauraitdépendredela seulevolontédel'Etat riverain
telle qu'elle s'exprimedans sondroit interne. S'ilest vraique l'acte de
délimitation est nécessairementun acte unilatéral, parce que YEtat
riverain a seul qualité pour y procéder, en revanche la validité de la
délimitation à l'égarddes Etats tiers relèvedu droit international. ))
(C.I.J. Recueil 1951, p. 132.)

88. La Ligne ZV 45" a été présentép ear la Tunisie comme étant le
dernier segment de la limite(fondée sur l'isobathe des 50 mètres et allant
jusqu'au parallèlede Ras Kapoudia au nord) de la zone où la Tunisie dit
avoir exercédes droits historiques sur les pêcheriessédentaires et autres
depuisdestempsimmémoriaux. Dans lespiècesdeprocédure tunisiennes,

il est affirmé à plusieurs reprises que la ligne ZV 45" tracée à partir du
point frontière de Ras Ajdir,selon un angle de 45" verslenord-est, jusqu'à
l'intersection avec l'isobathe des 50 mètres,a été établie par l'instruction
sur le service de la navigation et des pêchesmaritimes adoptée par la
direction des travaux publics le 31 décembre 1904.L'article 62 de cette
instruction définissaiten réalitéles zones de surveillancede la pêche aux
épongeset auxpoulpes à l'intérieurdesquelleslesautoritésadministratives
exerçaient un pouvoir exclusif de réglementation et de contrôle ; la défi-
nition de la quatrième zone visait (une ligne partant de Ras Ajdir et se
dirigeant verslenord-estjusqu'à la rencontre des fonds de 50mètres o.La
premièremention expressedela ligneZV45 " figuredans ledécrettunisien

du 26juillet 1951portant refontedela législationdelapolice etde lapêche
maritime, dont l'article 3b)viseexpressémentla ligneen questiondans les
termes suivants :
(b) du Ras Kapoudia àla frontièrede Tripolitaine, lapartie de la
mer limitéepar une ligne qui, partant du point d'aboutissement de la

ligne des 3 milles décriteci-dessus, rejoint sur le parallèle du Ras
Kapoudia l'isobathe des 50 mètreset suit cette isobathejusqu'a son
point de recontre avecune lignepartant du RasAjdir en directiondu
nord-est ZV 45" )).
89. Bien que se rapportant àune zone de pêcheexclusiveréservée aux

bâtiments battant pavillon français ou tunisien, le décret de 1951a étéla
véritablesourcelégislativedelaligneZV 45". La loitunisienne no62-35du
16 octobre 1962 a rapporté l'article 3 du décret de 1951 et institué un
nouveau régimepour la mer territoriale. De Ras Kapoudia jusqu'à la
frontièretuniso-libyenne, lamer territorialeétait constituéeparlesespaces
marins limitéspar une ligne qui, partant de l'extrémitéde la ligne de
12milles délimitant la mer territoriale de l'autre côté de Ras Kapoudia, parallel, the 50-metreisobath, and then followedthatisobath to its point of
intersection with a line running from Ras Ajdir in a northeasterly direc-

tion, ZV 45". This was a short-lived provision, because Tunisian Law
63-49, of 30 December 1963redefined the territorial sea as

"from theTunisian/Algerian frontier tothe Tunisian/Libyan frontier
and around the adjacent islands, the area of the sea lying between
low-water mark and a parallel line drawn six miles to seaward, with
the exception of the Gulf of Tunis, which, withn the line Cape
Farina-PlaneIsland-ZembraIsland-Cape Bon,fallswhollywithn the
said sea".

Thearea within the 50-metre isobath from Ras Kaboudia to the intersec-
tion of that isobath with a line drawn north-east from Ras Ajdir, ZV 45",
was now defined as part of a reserved zone "contiguous to the Tunisian
territorial sea as defined above, within whch only vesselsflying the Tuni-
sian flag may be authorized to fish".

90. The existenceof the ZV45" linemay havebeen impliedby the 1904
Instruction,but was expressly stated onlyby the 1951Decree. Those were
in any eventunilateral acts,interna1legislativemeasures,which werenever
the subject of agreementby Libya. Diplomatic correspondence containing
references to the 45" line prior to 1951 has been quoted in the Libyan

pleadings, but this contributes onlytocast doubts on the acceptance of the
line by the States then in control of neighbouring territories. The Court
concludes that the Tunisian ZV 45" north-east line, originally intended
only asthe lirnitof anarea of surveillancein the context of specificfishery
regulations, constitutesa unilateral claim, but was never a line plotted for
the purpose of lateral maritime delimitation, either in the seas or on the
continental shelfbelow them. Taking al1the stagesof the Tunisian-Libyan
relations into account, up to the time when the Special Agreement was
concluded, the ZV 45" north-east line is not opposable to Libya, even as a
mere inchoate maritime boundary between the two countries.

91. Tunisiaput fonvard its claim to a maritime boundary along the ZV
45" line in the framework of legislation for the protection of its fishing
interests. It was, however, in the context of legislation relating to its
interests in the field of hydrocarbons that Libya advanced its claim to a
maritime boundary running in a northerly direction, "in the general direc-
tion of the land boundary established by the 1910 Convention". On

21April 1955,Libya issued a Petroleum Law (Law No. 25 of 1955),fol-
lowed by Petroleum Regulation No. 1 of 15June 1955,both published in
the Officia1 Gazette of the Kingdom of Libya ;the Regulation, issued
pursuant to Article 24 of the Law, provided for the publication of anrencontrait, sur leparallèlede Ras Kapoudia, l'isobathe des 50 mètres,et
suivait ensuitecetteisobathejusqu'à sonintersection avecune lignetracée
àpartir de RasAjdirdansunedirectionnord-est ZV 45". Cette disposition
fut de courte durée, la loi tunisienne 63-49 du 30 décembre 1963ayant
redéfinila mer territoriale comme allant

<(de la frontière tuniso-algérienne à la frontière tuniso-libyenne et
autour des lignes adjacentes, la partie de la mer comprise entre la
laisse de basse mer et une ligne parallèle tracée 6 milles au large,à
l'exception du golfe deTunis qui, à l'intérieurde la ligne cap Farina,
île Plane, île Zembra et cap Bon, est entièrementcompris dans ladite
mer o.

L'espaceendeçà de l'isobathe des 50mètres,comprisentre Ras Kapoudia
et l'intersection de cette isobathe et d'une ligne partant de Ras Ajdir en
direction du nord-est ZV 45", était décritcomme faisant partie d'unezone
réservée ((contiguë à la mer territoriale tunisienne telle qu'elleest définie
ci-dessus ..dans laquelle seuls les navires battant pavillon tunisien pour-
ront êtreautorisés à pratiquer la pêche )).
90. L'instruction de 1904faisait peut-être implicitementréférence à la

ligne ZV 45", mais celle-ci n'estexpressémentviséeque dans le décretde
1951.De toute manière, ces textes sont des actes unilatéraux, des dispo-
sitions législativesinternes,quin'ontjamais étéacceptésparla Libye. Une
correspondancediplomatiquementionnant la ligne des45" avant 1951est
citéedans les piècesde procédurelibyennes, mais cela ne fait que rendre
douteuse l'acceptation de la ligne par les Etats exerçant alors l'autorité
dans lesterritoiresavoisinants. La Cour estparvenue àlaconclusionque la
ligne tunisienne ZV 45" en direction du nord-est, d'abord simple limite
d'une zone de surveillance aux fins de règlementsde pêcheparticuliers,
traduit une prétention unilatéralemais n'ajamais ététracée à desfins de
délimitation maritime latérale,que ce fût en mer ou sur le plateau conti-

nental sous-jacent. Compte tenu de toutes les étapestraverséespar les
relations tuniso-libyennes jusqu'à la conclusion du compromis, la ligne
nord-est ZV 45" n'est pas opposable à la Libye, même à titre de simple
ébauchede frontière maritime entre les deux Etats.

91. LaTunisiea revendiquéunelimitemaritimesuivant la ligneZV 45"
dans le cadre d'une législationdestinée à protéger ses intérêts dans le
domaine de la pêche.C'est en revanche dans le contexte d'une législation

relativeauxhydrocarbures quela Libye a revendiquéune limitemaritime
tracée versle nord <(dans la direction généralede la frontière terrestre
établiepar laconvention de 1910 o.Le21 avril 1955,la Libye a adoptéune
loipétrolière(loino25de 1955),complétéeparlaréglementationpétrolière
no 1du 15juin 1955,qui ont été publiéesl'une etl'autre aujournal officiel
du Royaumede Libye ;la réglementation,adoptéeen vertu del'article 24
de la loi, prévoyaitla publication d'une carte officielle,jointeàla régle-officia1map, attached to the Regulation "for the purpose of the Petroleum
Law 1955", and on which "the international frontiers, petroleum zones
and the grid" weretobe indicated. Article 3of the 1955Lawestablisheda
division of the territory of Libya into four petroleum zones ; its Article 4,
paragraph 1,included the following provision :

"This Law shall extend to the seabed and subsoilwhichliebeneath
the territorial waters and the high seas contiguous thereto under the
control andjurisdiction of the United Kingdom of Libya. Any such
seabed and subsoiladjacent toany Zone shall for the purpose of this
Law be deemed to be part of that Zone."
The Regulation defined more fully the zones set out in the Law. The
definition of the relevant zone (the Province of Tripolitania) made no
express reference to a maritime or continental shelf boundary with Tuni-

sia. However, the officia1map which is attached to the Regulation, a map
on theverysmallscaleof 1:2,000,000,showsadashed-and-dotted line (the
symbol used on the map for "Territorial Boundaries") running from Ras
Ajdir due north, seawards to the edge of the map, a distance of some 62.9
nautical miles. A similar line, also to the edge of the map but projecting
noticeably farther out to sea, also runs due north, from the border with
E~YP~.
92. Both the Law and the Regulation which followed it are purely
interna1legislativeacts,intended to identify domestic zones for the petro-
leumexplorationand exploitationactivities of Libya, and could,in viewof
theadmission by Libyaitself during theoralproceedingsthat the Lawdoes
not purport to be an "act of delimitation", hardly be considered evenas a
unilateral claim for maritime lateral boundaries with Tunisia. Moreover,
paragraph 1ofArticle 4of theLawrefers to the "seabed and subsoilwhich

lie beneath the territorial waters and the high seas contiguous thereto
under the control and jurisdiction" of Libya ;there is no evidence that
Libya had claimed control and jurisdiction over a contiguous zone of
about 50nautical milesbeyond the territorial seaprior to the time the Law
wasenacted. Furthermore, thefacts of thecase do not, in particular, allow
anyassumption of acquiescenceby Tunisia to sucha delimitation ;indeed
itsmanifested attitude excludesthepossibility of speakingof suchacquies-
cence. There is no doubt that Libya in 1955,by enacting the Petroleum
Law and PetroleumRegulation No. 1,purported to claim sovereignrights
over shelf resources ; but the mere indication on the map of the line in
question is not sufficient even for the mere purpose of defining a forma1
claim at the level of international relations to a maritime or continental
shelfboundary. For these reasonsthe Court finds that the line referred to
by the Libyan Legislation of 1955isnot opposable to Tunisia,that the ZV
45" line is not opposable to Libya and that neither can be taken into
consideration for the purposes of this Judgrnent. mentation (<aux fins dela loi pétrolièrede 1955 O,sur laquelle (<les fron-
tières internationales, les zones petrolières et le quadrillage devaient
figurer. L'article de la loi de 1955divisait le territoire libyen en quatre
zones pétrolières ;l'article4, paragraphe 1,disposait :

(<La présente lois'applique aux fonds marins et au sous-sol au-
dessous dela mer territoriale et de lahaute mer contiguëquisont sous
lecontrôleetlajuridiction du Royaume-Unide Libye.Tous lesfonds
marins et sous-solsadjacents àune zone sont considérés auxfinsdela
présenteloi comme faisant partie de ladite zone. )>

Laréglementationcomplétaitla définitiondeszonesenvisagéesdans laloi.
La définitionde la zone qui présente de l'intérêitci (la province de Tri-
politaine)nefaisaitmention expresseni d'une frontièremaritimeni d'une
limite de plateau continental avecla Tunisie. Toutefois,la carte officielle

jointe à la réglementation,établie à la très petite échellede 1/2 000 000,
comporte une ligne en traits et en points (représentant les limites terri-
toriales)>)tracéevers le largeplein nord de Ras Ajdirjusqu'au bord de la
carte sur une distance de quelque 62,9milles. Une ligne analogue,attei-
gnantaussilebord delacarte maispluslongue dans sontracémaritime, est
également dirigée pleinnord depuis la frontière avec l'Egypte.
92. Laloietlaréglementation quilacomplètentsont desacteslégislatifs
purement internes, visant à définir,à l'usageintérieur,deszones aux fins
desactivitéslibyennesde prospection et d'exploitationpétrolière ;laLibye

elle-mêmeayant reconnu à l'audience que la loi ne visait pasà opérerun
<<acte de délimitation )>on pourrait difficilement y voir ne serait-ceque
l'expression d'une prétention unilatéralerelative à des limites maritimes
latéralesaveclaTunisie. De plus,le paragraphe 1 del'article4 de la loifait
référence <aux fonds marins et au sous-solau-dessous de la mer territo-
rialeetde lahaute mer contiguë quisont souslecontrôleetlajuridiction du
Royaume de Libye ));rien ne prouve que la Libye ait revendiqué le
contrôleetlajuridiction sur unezone contiguëd'environ 50 millesau-delà
de la mer territorialeavant l'adoption de la loi. D'autre part et surtout,on

nedécouvreparmi lesfaitsde l'espèceaucun indiced'acquiescement à une
telle délimitationde la part dela Tunisie ;enréalité,l'attitudede cepays
exclut toute idée d'acquiescement. Il ne fait pas dedoute qu'en adoptant,
en 1955, la loi pétrolièreet la réglementation pétrolièreno 1, la Libye
entendait revendiquer desdroits souverains sur lesressources du plateau ;
mais le simple fait d'indiquer la ligne en question sur une carte n'est pas
suffisant, même pour concrétisersurleplan desrelationsinternationales la
revendication formelle d'une limite maritime ou d'une limite de plateau
continental. AussilaCour conclut-elle quela ligneviséedansla législation

libyenne de 1955n'est pas opposable àla Tunisie, quela ligneZV 45" NE
n'estpas opposable àla Libye,et qu'aucune de cesdeuxlignesnepeut être
prise en considérationaux fins du présentarrêt. 93. In the viewof the Court, a line which does have a bearing upon the
questions with which it is concerned is the third line mentioned in para-
graph 86 above, the line designed to be "normal" or "perpendicular" to
that section of the coast where the land frontier begins. According to
Libya, this line emerged from the attitude of Italy, which, having suc-
ceeded Turkey in the exercise of sovereignty over Tripolitania, refused to
accept the line at 45" as lateral delimitation of the maritimefishery zones
claimed by the authorities of the neighbouring Protectorate. An incident
occurring in 1913, when an Italian torpedo boat arrested three Greek
fishing vessels in an area claimed by Tunisia to fall within the zone
delimitedby the ZV45' line, gaveItaly occasion to propose adelimitation
linebetween Libyan and Tunisian sponge-banks,drawn perpendicularly
to what wasconsidered to be the direction of thecoastline atRas Ajdir. In
any event, Italy developed this delimitation line, which became a sort of
tacit modus vivendi, more formally in 1919,with the issuance of Instruc-
tions for the Surveillanceof MaritimeFishingin the waters ofTripolitania
and Cyrenaica, which provided that :

"As far as the sea border between Tripolitania and Tunisia is
concerned, it was agreed to adopt as a line of delimitation the line
perpendicular to the coast at the border point, whch is, in this case,
the approximate bearing north-north-east from Ras Ajdir."

94. In order to avoid the danger of friction that might arise from the
difficulty of establishing the precise position of a foreign vesse1near the
frontier, the Italian authorities established two eight-mile buffer zones at
the two ends of the Libyan coast, within which vesselsflyingforeign flags
and not holdinga licence from the Italian authorities would be liable tobe
ordered away but not seized. Both Parties during the oral proceedings
recognized that a defacto compromise or provisional solution had been
achieved by means of the buffer zone, which operated for a long time
without incident and without protest from any side. The line was reaf-
firmed in 1931 by the Italian authorities in Libya. Such was then the
situation which existed in this respect when both countries became inde-
pendent. The exact angle of inclination of the "normal" or "perpendicu-
lar" line was never spelled out by the Italian regulations, which merely
referred to a perpendicular to the coast as being on "the approximate
bearing north-north-east".

95. The Court considers that the evidence of the existence of such a
modusvivendi,restingonly on the silenceand lack of protest on the sideof
the French authorities responsible for the external relations of Tunisia,
falls short of proving the existence of a recognized maritime boundary
between the two Parties. Indeed, it appears that Libya is not in fact
contending that it had that status, but rather that the evidence that such a
line was employed or respected to a certain extent is such as to deprive the
ZV45" line of credibility. But in viewof the absence of agreed and clearly
specified maritime boundaries, the respect for the tacit modus vivendi, 93. De l'avis de la Cour, une autre ligne a réellementun effet sur les

questions qui l'occupent : il s'agit de la troisième ligne mentionnée au
paragraphe 86,autrementditla ligne ((normale ))ou ((perpendiculaire ))à
la section de la côte où commence la frontière terrestre. D'aprèsla Libye,
cette ligne trouve son origine dans l'attitude de l'Italie, quand celle-ci,
ayant succédé à la Turquie dans l'exercice de la souveraineté sur la
Tripolitaine, refusa d'accepter la ligne des 45" comme limite latéraledes
zones de pêchemaritime revendiquéespar les autorités du protectorat

voisin. Un incident de 1913, au cours duquel un torpilleur italien
arraisonnatroisbateauxdepêchegrecsdansunsecteurqui,d'aprèslaTunisie,
se trouvaitdans la zone délimitéepar la ligne ZV 45O,fut l'occasionpour
l'Italie de proposer une ligne de démarcation entre les bancs d'éponges
libyens et tunisiens, perpendiculaire à ceque l'onestimaitêtrela direction
de la côte à Ras Ajdir. De toute manière,l'Italie officialisa cette ligne de
délimitation,quiacquit le caractèred'une sortede modus vivenditacite, en
adoptant en 1919desinstructionspour la surveillance de la pêcheen mer

dans les eaux de Tripolitaine et de Cyrénaïque, aux termes desquelles :
((En cequiconcernelafrontièremaritimeentrelaTripolitaine etla
Tunisie, il a étéconvenu d'adopter comme ligne de délimitation la
perpendiculaire à la côte tiréeau point frontière soit, dans le cas

présent, la direction approximativenord-nord-esten partant de Ras
Ajdir.
94. Pour éviterles frictions tenant à la difficulté d'établir laposition
exacte d'un navire étranger à proximité de la frontière, les autorités ita-

liennescréèrent,auxdeuxextrémitésdescôteslibyennes,unezonetampon
de 8 milles ou les bateaux battant pavillon étrangernon détenteursd'une
licence des autorités italiennes étaient passibles d'une mesure d'éloigne-
ment,maisnon de saisie. Pendant la procédureorale, les deux Parties ont
reconnu qu'un compromis defactoou unesolutiontransitoire avait résulté
del'instauration de cette zone tampon et était restélongtempsen vigueur,
sansincidentni protestation de part et d'autre. La ligne fut réaffirméeen
1931par lesautoritésitaliennesde Libye.Telle étaitdoncla situation à cet

égardau moment ou les deux Etats accédèrent à l'indépendance.L'angle
exact d'inclinaisondela (<normale ))ou (<perpendiculaire n'ajamais été
précisédans les règlements italiens, qui mentionnent simplement une
perpendiculaire à la côte (de direction approximativenord-nord-est )).

95. La Cour considèreque les éléments relatifs à un tel modus vivendi,
reposant uniquementsur le silence ou l'absencede protestation des auto-

ritésfrançaises responsables des relations extérieuresde la Tunisie, ne
suffisentpas àprouver l'existenced'unelimitemaritimereconnueentre les
deux Parties. D'ailleurs la Libye ne paraît pas soutenir réellementque la
ligne avait ce statut ; sa position serait plutôt que les preuves attestant
qu'une ligne semblable était, dans une certaine mesure, appliquée ou
respectée,ôtent toute crédibilité à la ligne ZV 45". Toutefois, à défautde
limites maritimesétablies d'un commun accord ou clairement définies,lewhichwasnever formallycontested by either sidethroughout alongperiod
of time, could warrant its acceptanceas a historicaljustification for the
choice of the method for the delimitation of thecontinental shelf between
the two States, to the extent that the historic rights claimed by Tunisia
could not in any event be opposable to Libya east of the modus vivendi
line.

96. Lastly, in this connection, the Court could not fail to note the
existence of a defacto line from Ras Ajdir at an angle of some 26" east of
north, which was the result of the manner in which both Partiesinitially
granted concessions for offshoreexploration and exploitation of oil and

gas. This line of adjoining concessions, which was tacitly respected for a
number ofyears, and whichapproximatelycorrespondsfurthermoretothe
lineperpendicular to the Coastat the frontier point which had in the past
been observed as a de facto maritime limit, does appear to the Court to
constitute acircumstance of greatrelevance forthedelimitation. Sincethis
is amatter closelybound up with thepractical method of delimitation,the
Court willexamine thenature and genesisof theline when it comes to that
part of the Judgment.

97. The next important feature, relevant for thedelimitation, which the
Court must examine is the existence of an area off the coasts of Tunisia
over which it claims historicrights deriving from long-established fishing
activities. In this connection, it will however also be convenient to note
what are the areas claimed by Tunisiaasitsinternal waters and territorial
sea,and in particularthe baselines from whichthe breadth oftheterritorial

sea area is measured ;the position of those baselines is, it is claimed by
Tunisia,justified by the link of those areas with the "land domain" con-
stituted by the long-established fixed fisheries.Libya has contended inits
submissions that these baselines
"are not opposable to Libya for the purposes of the delimitation and
the results of giving effect to them would in any event be inappro-
priate and inequitable".

For the purpose of comparing areas of continental shelf in thelight of the
criterion of proportionality, it is Libya's view that "the entire area of
sea-bed and subsoil beyond the low-water mark" of each State must be
taken into account. TheCourt hasbeen furnishedwithcalculations show-
ing that theinclusion, or exclusion,forthis purpose of the areas claimed by
Tunisiaasinternalwatersorterritorial seamakes averymarked difference
in the ratios resulting from any foreseeable delimitation line. Tunisia,
whilecontending that the baselines are inany event opposableto Libya for
lack of timely protest on its part, argues that their "main justification" isrespect du modus vivenditacite, qui,pendant fort longtemps, n'ajamais été
officiellement contesténid'un côténide l'autre, autoriseraità y voir une
justification historique dans le choix de la méthodede délimitation du
plateau continental entre les deux Parties, les droits historiques revendi-
quéspar la Tunisie n'étant pas,de toutefaçon,opposables àla Libyeà l'est
de la ligne de modus vivendi.

96. Pourfinirsur cesujet,laCour nepeut manquer dereleverl'existence
d'une ligne defacto se projetant de Ras Ajdir vers le nord-nord-est,àun

angle de 26" environ,qui concrétisela manièredont les deux Parties ont
octroyé àl'origine des permis ou concessions pour la recherche ou l'ex-
ploitation d'hydrocarbures en mer. Cette ligne entre desconcessions adja-
centes, quia étéobservéetacitemenp tendant des annéeset qui coïncide en
outre à peu près avec la perpendiculaire à la côte au point frontière
appliquée dans le passé comme limite maritime defacto, paraît êtreà la
Cour d'une grande pertinence pour la délimitation. Cette question se
rattachant étroitement à cellede laméthodepratique àemployer, la Cour
examinera lanature etla genèsedela lignequand elleenviendra à lapartie
de l'arrêt relativà cette méthode.

97. Il convientd'examiner àprésentun autrefacteurimportant auxfins
de la délimitation, savoirl'existence,devant lescôtes de laTunisie, d'une
zone sur laquelle celle-ci revendique des droits historiques résultant de
pêcheriestrèsanciennes. A cet égard,il importera en outre de rechercher
quelles sont les zones auxquelles la Tunisie attribue un caractère d'eaux
intérieures ou d'eaux territoriales, et en particulier les lignes de baàe
partir desquelles la largeur desdites eaux territoriales est mesuré; ces
lignesde basesont, d'aprèslaTunisie,justifiéespar lesliensdesdites zones

avecle <domaineterrestre 1)qui sont dusà l'existence des pêcheriesfixes
en question. Selon la Libye, ces lignes de base
<ne sontpas opposables à la Libye auxfinsdela délimitation et leur
applicationconduirait de toute manièreà desrésultatsinappropriéset
inéquitablesD.

La Libye estime que, pour comparer les zones de plateau continental en
appliquant lecritèredeproportionnalité,c'estde <toutel'étenduedufond
et du sous-sol de la mer au-delà de la laisse de basse >)de chaque Etat
qu'ilfaut tenir compte. Des calculs ont écommuniqués à laCour,dont il
ressort que lefaitd'inclure ou d'excluàecettefin leszonestraitéescomme

eaux intérieuresoueaux territoriales par laTunisie modifie trèsnettement
lerapport résultant de toute lignededélimitationenvisageable.La Tunisie
affirmeque ses lignes de base sont en tout état decause opposables à la
Libye, celle-cin'ayant pas protestéen temps utile, et soutient en outrequethe existence of historic waters over the zone of fixed fisheries. It will
therefore be convenient to deal with thequestions of thehistoricrights,the
baselines, and the test of proportionality, in relation to each other.

98. The historic rights claimed by Tunisia derive from the long-estab-
lishedinterests and activities of itspopulation in exploitingthefisheries of
thebed and waters of the Mediterranean off its coasts :theexploitation of
the shallow inshore banks for fixed fisheriesfor the catching of swimming
species, and of the deeper banks for the collection of sedentary species,
namely sponges. According to Tunisia, the antiquity of this exploitation,

and thecontinuous exerciseboth ofproprietary rights by theinhabitants of
Tunisia over the fixed fisheries, and of rights of surveillance and control,
amounting to the exercise of sovereignrights, by the Tunisian authorities,
over the fisheries of both kinds, coupled with at least the tacit toleration
and recognition thereof by third States,has resulted in the acquisition by
Tunisia of historic rights over a substantial area of sea-bed. Accordingly,
Tunisia claims that the delimitation of the continental shelf between itself
and Libya must not encroach at any point upon the area within which
Tunisia possesses such historic rights. Libya, however, in addition to
denyingthe possibilityin general of excludingcertain sea-bed areas from
consideration, as noted above, claims that in so far as the area claimed
might overlap with the natural prolongation of Libya's land territory, a
fishingpractice of one State cannot in principle prevail over the inherent
and ab initiorights of another State in respect of itsnatural prolongation.
Furthermore, whilenot denyingthe existenceof thefishingpractices relied
on, Libya questions whether the rights claimed to have been enjoyed

amount to an exercise of sovereignty, whether they have been exercised
over a single identifiable homogeneous area, and whether there has been
such international recognition as is alleged by Tunisia.

99. Much of Tunisia's argument in connection with its historic fishing
activities has been devoted to pointing out and illustrating a parallel
between the modern recognition of the rights of the coastal State over its
natural extension into and under the sea, and the assertedrecognition by
third States of Tunisia's acquisition of rights over thebanks and shoals off
its coasts which, because of their exceptional geographical character, were
capable of being exploitedcenturiesbeforethecontinental shelfbecame of
economic and legal significance. Tunisia claimed to have exercised sover-
eignty over these areas, and cited in support legislative acts and other
indicia of the exercise of supervision and control dating back to the time
"whereof the memory of man runneth not to the contrary". There is
insistence on Tunisia's part that these rights have been recognized for

centuries by other States. Suchexerciseof sovereigntyhas evenled to, and
is evidencedby, the acquisition of possessory rights by Tunisian nationals
over the areas of fixed fisheries ; so far as the sedentary fishing areas are PLATEAU CONTINENTAL (ARRÊT) 72

leur ((justification principal)>est qu'ellesrattachent aux eaux intérieures
de laTunisie l'ensemblede la zone maritimequi couvrelespêcheriesfixes.
Dans ces conditions, il paraît opportun d'examiner la question des droits
historiques, celle des lignes debase et celle du critèredeproportionnalité
dans leurs rapports mutuels.
98. Les droits historiquesque revendique la Tunisierésultent de l'an-

cienneté des intérêts etactivitésde sa population pour ce qui est de
l'exploitation des pêcheries situées aularge de ses côtes,en mer Méditer-
ranée et sur le fond de cette mer : exploitation des bancs superficiels
proches du rivage, par installations fixes destinéesàla pêchedes espèces
mobiles,et exploitationdes bancs plusprofondspour lapêchedesespèces
sédentaires, à savoir les éponges. Selon la Tunisie, l'anciennetéde cette
exploitation et l'exercicecontinu tant de droits de propriété surlespêche-
ries fixes par la population tunisienneque de droits de surveillance et de
contrôle - équivalant à l'exercicededroits souverains - sur lesdeux types
de pêcheriespar les autoritéstunisiennes, à quoi s'ajoutent la toléranceet

l'acceptation au moins tacite de ces droits par d'autres Etats, font que la
Tunisie a acquis des droits historiquessur une grande étendue de fonds
marins. Aussi la Tunisie affirme-t-elle que la délimitation du plateau
continentalentrela Libyeet elle-même ne doitenaucunpoint empiétersur
la zone à l'intérieurde laquelle elle possède des droits historiques. La
Libye,pour sapart, récusedefaçon générale,commeon l'avuplushaut,la
~ossibilitéd'exclure certaines zones de fonds marins aux fins de la déli-
mitation, et ajoute que, dans la mesure où la zone ainsi revendiquée
risquerait d'empiéter sur le prolongement naturel du territoire terrestre
libyen,lesactivitésdepêched'un Etat ne peuvent enprincipe prévaloirsur
les titres inhérents et ab initi do'un autre Etat sur son prolongement

naturel. Enfin, sans nier l'existence des activitésde pêche invoquéesl,a
Libye conteste que les droits revendiquéspar la Tunisie équivaillent à
l'exercice de la souveraineté, qu'ils aient porté sur une zone unique,
homogèneet définissable,etaientétéinternationalementreconnus comme
le voudrait la Tunisie.
99. Bon nombre des arguments avancéspar la Tunisie au sujet de ses
pêcherieshistoriques visaient à souligneret à illustrer le parallèleentrela
reconnaissance,en droit contemporain, des droits de 1'Etatcôtier sur son
extension naturelle sous la mer et lefait que,d'après la Tunisie, des Etats
tiers auraient reconnu sesdroits surlesbancs et hauts-fondssituésau large
de sescôtes,qui ontpu, grâce à leur situation géographiqueexceptionnelle,

êtreexploitésplusieurs sièclesavant que la notion de plateau continental
n'acquît uneportéeéconomiqueetjuridique. La Tunisie dit avoir exercésa
souverainetésur ces régions etcite àcet égardcertains actes législatifset
autres preuves de l'exercice de droits de surveillance et de contrôle qui
remonteraient aussiloin que lamémoirehumaine.Cesdroits, assure-t-elle,
sont reconnus depuis des sièclespar les Etats tiers. Elle ajoute que l'ac-
quisition par des ressortissants tunisiens de droits de propriétésur les
pêcheriesfixes est àla fois la conséquenceet la preuvede la souveraineté
ainsi exercée ; quant aux pêcheriessédentaires, si elles ont été parfois concerned, whilethesehave at timesbeenexploitedby non-Tunisians,this
has been under concessions or licences granted, or subject to conditions
fixed, by the Tunisian authorities. Al1these areas have been claimed as

"historic rights" under customaryinternational law.The main thrust of the
argument of Tunisia would seem to be to emphasize that the exploitation
of these islands and the shoalssurrounding them is a demonstration that
theybelong to the Tunisian landmass andareits extensions under the sea ;
indeed, that the offshore areas are "submerged Tunisia". Tunisia argues
that there is a striking coincidence between the status of "the Tunisian
sedentary fisheries and the way they fit into the theory of the continental
shelf", and claims that this should have an impact on the delimitation of
the continental shelf, saying that
"the historic titles which Tunisia acquired in the course of centuries

have come to anticipate theappearance of thelegalconcept of natural
prolongation, and after the appearance of that concept in interna-
tional law, those titleshavecometo be themanifestation ofpart of the
prolongation. So far from contradicting the natural prolongation,
they afford the most apt illustration of it ... drawn from history".
Tunisia also attempts to prove that

"the delimitation of the continental shelf must logically take account
of the objectivesituation createdfrom time immemorialby Tunisia's
historic rights in the Gulf of Gabes, which ...constitutes one of the
oldest and most natural manifestations of natural prolongation".

The Court isofthe viewthat, althoughparts ofthe areasinquestionarenot
part of the continental shelf in the legal sense, which starts beyond the
territorial sea, the sea-bed of the region of interna1 waters within the
Tunisian baselines and of the territorial sea is the natural prolongation of
the land territory in the physical sense.
100. In so far as the question of historic fishing rights is raised in
connection with the concept of "natural prolongation", it no longer falls
for consideration in view of the Court's findings on that matter (para-
graphs 67-68 above). The historicrightsremain however tobe considered
in themselves. Historic titles must enjoy respect and be preserved as they
have alwaysbeen by long usage.In thisconnection, it mayberecalled that,
when the 1958Conferenceon the Law of the Seahad occasion to consider
the matter, it adopted a resolution entitled "Régimeof historic waters",
which was annexed to the Final Act, requestingthe General Assembly to
arrange for astudy ofthetopic. In 1959,theAssemblyadopted aresolution
requesting the International Law Commission to take up the study of the

"juridical régime"of historic waters, including historic bays. The Inter-
national Law Commissionhas not yet done so. Nor does the draft con-
vention of theThird Conference on the Lawof the Seacontain anydetailed
provisions on the "régime"of historicwaters :there is neither a definition
of the concept nor an elaboration of the juridical régimeof "historicexploitéespar des étrangers, ce fut en vertu de permis ou de patentes
délivréspar les autorités tunisiennes ou dans les conditions fixéespar
celles-ci.Toutes ceszones ont été présentées commeconstituant deszones

de droits historiques )) au sens du droit international coutumier. L'ar-
gumentationtunisiennesur cepoint semble tendresurtout à souligner que
l'exploitationdes îles et des hauts-fondsqui les entourent prouvent qu'ils
appartiennent àla masse terrestretunisienne et en sont desextensionssous
la mer - en fait, que les étenduessituées aulargereprésentent une (Tu-
nisie immergée )>.La Tunisiesoutient qu'ily a une coïncidence frappante
entre le statut des((pêcheriessédentairestunisiennes etleurinsertiondans
la théoriedu plateau continental ))et estime quecette coïncidence devrait

avoir un effet sur la délimitation du plateau. Selon elle :
<(les titres historiques que la Tunisie a acquis au long des siècles
sont ..venus anticiper sur l'apparition du conceptjuridique de pro-

longementnaturelet,après l'avènementdans ledroitinternational de
cette notion, ces titres sont ..venus révélerune partie du prolonge-
ment. Loin de nier le prolongement naturel, ils lui apportent la plus
belle illustration ..tiréede l'histoire. >)

La Tunisie s'efforce enoutre de prouver que :
((la délimitation du plateau continental doit ..logiquement tenir

compte dela situation objectivecréée depuis destempsimmémoriaux
par les droits historiques de la Tunisie dans le golfe de Gabès et qui
sont ainsi l'une des manifestations les plus anciennes et les plus
naturelles du prolongement naturel o.

LaCour estimeque, s'ilestvrai quecertaines deszones en questionnefont
pas partie du plateau continental au sensjuridique, celui-ci commençant
au-delà de la mer territoriale, les fonds des eaux intérieures en deçà des
lignes de base tunisiennes et de la mer territorialereprésentent le prolon-
gement naturel du territoire terrestre au sens physique.
100. Dans la mesure où la question des droits de pêchehistoriques est
soulevéeen liaison aveclanotion de (<prolongement naturel O,laCour n'a

pas à l'examiner davantage, étantdonnéles conclusions où elle est par-
venue sur ce dernier point (paragraphes 67-68). Mais la question reste à
considérer en elle-même.Les titres historiques doivent être respectéset
préservés,ainsq i u'ilsl'ont toujoursétéenvertu d'unlongusage.Onnotera
à cet égard que,lorsque la conférencesur le droit de la mer de 1958s'est
penchéesurlaquestion, elleaadoptéunerésolutionintitulée ((Régimedes
eauxhistoriques )),annexée àl'actefinal,par laquelle l'Assembléegénérale

étaitpriéedefaire procéder à uneétudede cesujet.En 1959,l'Assembléea
adoptéune résolutionquiinvitait la Commission du droit international à
entreprendre l'étudedu régimejuridique des eaux historiques, y compris
les baies historiques.La Commission n'a pas encore accompli ce travail.
De soncôtéleprojet de convention de la troisièmeconférencesurledroit
de la mer ne contient pas de dispositions détailléessur le régimedes eaux
historiques :les notions d'a eaux historiques ))et de ((baies historiques waters" or "historic bays". There are, however, references to "histonc
bays" or "historic titles" or historic reasons in a way amounting to a
reservation to the rules set forth therein. It seems clear that the matter
continues to be governed by general international law which does not
provide for a single "régime"for "historic waters" or "historic bays", but

only for a particular régimefor each of the concrete, recognized cases of
"historic waters" or "hstoric bays". It isclearlythecase that, basically, the
notion of historic rights or waters and that of the continental shelf are
governed bydistinct legalrégimesincustomaryinternational law.The first
régime isbased on acquisition and occupation, while the second is based
on the existence of rights 'ipsofacto and ab initio". No doubt both may
sometimes coincide in part or in whole, but such coincidence can only be
fortuitous, asin the caseofTunisia where the fishing areas coverthe access
to its continental shelf,though only as far as they go. Whle it may be that
Tunisia'shistoricrights and titlesaremore nearly related to theconcept of
the exclusive economic zone, which may be regarded as part of modem
international law, Tunisia has not chosen to base its claims upon that
concept.

101. In any event,other considerations are governing. For the purpose
of exercisingsovereign rights over submarine areas before the coasts of a
State, the term "continental shelf", as defined in Article 1 of the 1958
Geneva Convention on the Continental Shelf, is used as referring to the
sea-bed and subsoil of the submarine areas "outside the area of the ter-

ritorial sea". Thisdefinition wasregarded by the Court,in its Judgmentin
the North Sea Continental Shelfcases, as part of customary international
law. There is no doubt that it is generally accepted, as may be seen from,
interalia, the text of Article 76 of the draft convention on the Law of the
Sea.By their national legislation both Parties have fixed 12nautical miles
as the outer limit of their territorial sea, measured from the baselines
determined by them. The Court has already noted (paragraph 89 above)
that the Tunisian Law of 30 December 1963claimed the wholeof the Gulf
of Tunisasterritorial sea ;round theremainder of the Coastthe outer limit
was a line six milesseaward of low-watermark. In 1973,however,Tunisia
promulgated a law (Law No. 73-49 of 2August 1973)declaringthe exis-
tence of a territorial seaof abreadth of 12miles,calculatedfrom baselines
constituted by

"the low-water mark and .. .straight baselines drawnin the direction
of the Shebba shoresand to the Kerkennah Islands where sedentary
fisheriesare to befound,and the closing linesof the Gulf ofTunisand
of the Gulf of Gabes".
The law went on to declare that thewaters of the Gulf of Tunis and of the
Gulf of Gabes were "interna1 waters". A Decree of 3 November 1973
provided more detailed definition of the position of the baselines, which

involve, inter alia, the closing of the Gulf of Gabes by a straight line. Asn'y sontpas définieset leur régimejuridique n'yest pas préciséC . ertaines
référencesaux (baies historiques )),aux (titres historiques ))ou à des
raisons historiques peuvent cependant êtreassimilées à des réservesaux
règlesénoncéesdans le reste du projet. Il paraît clair quela questionreste
régiepar le droit international général, lequel ne prévoitpas de régime
unique pour les (<eaux historiques ou les (<baies historiques ))mais

seulement un régime particulier pour chaque cas concret et reconnu
d'( e<ux historiques ))ou de (<baies historiques )).Il est donc manifeste
que,pour l'essentiel,lanotion de titres ou d'eauxhistoriquesetlanotion de
plateaucontinentalsont gouvernéespar desrégimesjuridiques distinctsen
droit international coutumier. Le premier de ces régimesrepose sur l'ac-
quisitionet l'occupation, le second sur des titresexistant <ipsofacto et ab
initio))Sansdoutearrive-t-ilque lesdeux régimescoïncidententout ou en
partie, maiscette coïncidencene peut êtrequefortuite,comme dans lecas

de la Tunisie,où l'accèsau plateau continental se trouvecomprisdans les
limites des zones de pêche.Les droits et titreshistoriques de la Tunisie se
rattachent plutôt à la zoneéconomiqueexclusive,quel'on peut considérer
commefaisantpartie dudroitinternational moderne. Or laTunisie ne s'est
pas fondée sur cette notion.
101. De toute manière, d'autres considérationsprévalent.Aux fins de
l'exercicede droits souverains sur lesétenduessous-mannes situéesdevant
les côtes des Etats, l'expression <plateau continental H,telle qu'elle est

définie à l'article premier de la convention sur le plateau continental
adoptée à Genève en 1958, désigne le lit de la mer et le sous-sol des
régionssous-marines situéesen dehors de la mer territoriale u. Dans
l'arrêt relatifaux affairesduPlateau continentalde lamerduNord, laCour
a considéréque cette définition faisait partie du droit international cou-
tumier. Elle bénéficiesans conteste d'une acceptation générale,comme
l'atteste notamment le texte de l'article 76 du projet de convention sur le
droit de la mer. Dans leur législationnationale, lesdeux Parties ont fixéla

limite extérieurede leur mer territoriale à 12milles, mesurés à partir de
leurs lignes de base. Ainsi que la Courl'a déjàindiqué(paragraphe89),la
loi tunisienne du 30 décembre 1963faisait entrer le golfe de Tunis tout
entier dans les eaux territoriales du pays ; le long du reste de la côte,
lalimiteextérieureétaitunelignetracée à 6millesde la laissede basse mer.
En 1973,cependant, la Tunisiea promulguéune loi(loi no73-49du 2 août
1973)portant la largeur de sa mer territoriale à 12milles, mesurés à partir
de lignes de base constituéespar

(<la laisse de basse mer ainsi quepar les lignes de base droites tirées
vers les hauts-fonds de Chebba et des îles Kerkennahoù sont instal-
léesdes pêcheries fixes,et par les lignes de fermeture des golfes de
Tunis et de Gabès r).

Cette loi proclamaiten outre que les eaux du golfe de Tunis et du golfede
Gabès faisaientpartie des (<eaux intérieureso.Un décretdu 3 novembre
1973a précisé laposition deslignes de base, dont le tracéentraînait,entre

autres conséquences,la fermeturedu golfe de Gabès par une ligne droite.explained above, Libya considers that those lines are not opposable to
Libya and that "the results of givingeffect to them would in any event be
inappropriate and inequitable".
102. In sum, the Court notes that the question of Tunisia's historic
rightsmay be relevant for the decision in the present case in a number of
ways. In the first place, there is the principal contention of Tunisia based
on its historic fishery rights :

"The delimitation must not, at any point, encroachupon the area
within which Tunisia possesses well-established historic rights ..."

Secondly, the ZV 45" line, advanced as a maritime boundary, is based
upon legislation and practiceinconnection with the exerciseof thoserights

within an areadefined, in part, by that line.The Court has already givenits
findings in respect of the ZV 45" line (paragraph 95 above). Thirdly, the
rights in respect of the fixed fisheries for the capture of mobile species, as
distinct from the sponge fisheries, are relied on as justification for the
drawing of straight baselines for measurement of territorial waters ;that
matter will be dealt with below. It should however be noted here that
Tunisia's claimthat the areasbetween those baselines and low-watermark
shouldbe excludedfromtheproportionality calculations isbaseduponthe
contention that the continental shelf, as a legal concept, excludes the area
of sea-bed under the territorial sea and under internal waters within the
baselines. Thus the areas to be excluded are not CO-extensive with the area
claimed asthat ofhistoricrights ;onlywhat areclaimedas areasofinternal
waters or territorial seaare tobeexcluded. It followsthat thevalidity of the
historic rights is not a problem directly relevant to the proportionality
question.

103. The Partiesare, asnoted earlierin thisJudgment(paragraph 36),in

agreement as to the need to take into account
"the element of a reasonable degree of proportionality, which a
delimitationcarried out in accordance with equitableprinciplesought
to bnng about between the extent of the continental shelf areas
appertaining to the coastal Stateand the length of its Coastmeasured
in the general direction of the coastline" (I.C.J. Reports1969,p. 54,
para. 101 (D) (3)),

and the Court considers that that element is indeed required by the fun-
damental principle of ensuring an equitable delimitation between the
States concemed. The differences between the Parties are as to which
coastsshould be taken into account, and whether or not the whole areas of
sea-bed belowlow-water mark are tobe compared. As far as the coasts are
concemed, the finding of the Court is set out in paragraphs 74-75above ;
there remains the question of the sea-bed areas. It is clear that in the
circumstances of many, ifnot most,delimitations between adjacentStates,
the assessment of proportionality will produce results which are hardlyAinsi qu'on l'a vu, la Libye considère que ces lignes ne lui sont pas
opposables et que (leur application conduirait de toute manière à des
résultats inappropriés et inéquitables >).
102. En résumél,a Cour note quela questiondesdroitshistoriquesde la
Tunisie peut à plusieurs titres présenter de l'intérêt pourla décision en
l'espèce.Il y apremièrementl'argumentprincipal quelaTunisiefonde sur

ses droits de pêche historiques, à savoir :
(La délimitation ne doit, en aucun point, empiéter sur la zone à
l'intérieurde laquelle la Tunisie possèdedes droits historiques bien
établis..H

Deuxièmementla ligne ZV 45", proposéecomme limite maritime, trouve
son origine dans une législationet une pratique concernant l'exercicede
cesdroits à l'intérieurd'unezone enpartie définiepar ladite ligne. La Cour
a déjàformulésesconclusionsau sujet de la ligne ZV45" (paragraphe 95).
Troisièmement,les droits relatifs aux installations fixespour la pêchedes

espèces mobiles, par opposition aux pêcheriesd'éponges,sont invoqués
pour justifier le tracéde lignes de base droites servant àmesurer les eaux
territoriales;cette question sera examinéeplus loin. Mais il convient de
noter sans plus attendre que la thèse tunisienne tendant à exclure des
calculsdeproportionnalité lessurfacescomprises entre leslignesdebase et
la laisse de basse mer procèdede l'idéeque leplateau continental, en tant
que notionjuridique, ne comprendpas lesfonds marins situéssousla mer
territorialeet sousleseauxintérieuresen deçàdes lignesdebase. Ainsi, les
étendues à exclure ne correspondent pas à la zone sur laquelle des droits

historiques sont invoqués ; seules sont écartéesles étenduesrevendiquées
comme faisant partie des eaux intérieures ou de la mer territoriale. Il
s'ensuit quela validitédes droits historiques n'est pas un problème direc-
tement lié à la question de la proportionnalité.
103. Comme il a été indiqué plus haut (paragraphe36), les Parties
s'accordent sur la nécessitéde prendre en considération

((lerapport raisonnable qu'une délimitation opéréeconformément à
des principes équitables devrait faire apparaître entre l'étendue des
zones de plateau continental relevantde l'Etat riverain et la longueur
de son littoral mesuréesuivant la direction généralede celui-ci ))
(C.I.J. Recueil 1969, p. 54, par. 101D 3)),

et la Cour considère que ce rapport doit en effet êtrerespectéen vertudu
principe fondamental suivant lequel la délimitationentre les Etats inté-
ressésdoit êtreéquitableL . epoint sur lequel les Partiessont en désaccord
estde savoirquellessont lescôtes à prendre enconsidération,ets'ilfaut ou
noncomparer la totalité desfonds marinsau-delàde lalaissede basse mer.

Surles côtes, la conclusion de la Cour est formuléeauxparagraphes 74-75
ci-dessus ;reste la question des fonds marins. Il est manifeste que, dans
beaucoup de cas de délimitationentre Etats limitrophes, ou dans la plu-
part, les calculs de proportionnalité aboutissent à des résultats fort peu different, whether the areas of sea-bed beneath territorial and internal
waters are included or omitted from consideration. If both States claim
territorial waters of the same breadth, around coasts of generally similar
configuration, and calculated from baselines determined on the same
general basis, then the relative proportions to each other of the areas of
continental shelf strictosensu appertaining to each State are likely to be
broadly the same as the relative proportions of the sea-bed areas com-
prising both the continental shelf and the bed of the territorial sea and
internal waters. For ths reason, the Court does not consider that any
general rule of law exists which requiresthe test of proportionality always

to be applied by adopting one of the two methods. In a case such as the
present one in which the two calculations would produce different results,
it is the relevant circumstances of the area which will afford the basis for
determining whether it is the comparison between the more restricted, or
between the more extensive, areas that willdetermine whether the result is
equitable.
104. In thecircumstances of thepresent case,theCourt isnot convinced
by the Tunisian contention that the areas of internal and territorial waters
must be excluded from consideration ;but in so finding it is not making
any ruling as to the validity or opposability to Libya of the straight
baselines. It should be reaffirmed that the continental shelf, in the legal
sense, does not include the sea-bed areas below territorial and internal
waters ; but the question is not one of definition,but of proportionality as
afunction of equity. The fact that a given area is territorial sea or internal
waters does not mean that the coastal State does not enjoy "sovereign
rights for the purpose of exploringitand exploitingitsnatural resources" ;

it enjoys those rights and more, by virtue of its full sovereignty over that
area. Furthermore, the element of proportionality is related to lengths of
the coasts of the States concerned,not to straight baselines drawn round
those coasts. The question raised by Tunisia : "how could the equitable
character of a delimitation of the continental shelf be determined by
reference to thedegree of proportionality between areas which are not the
subject of that delimitation?" is beside the point ; since it is a question of
proportionality, theonly absolute requirement of equity isthat one should
compare like with like. If the shelf areas below the low-water mark of the
relevant coasts of Libya are compared with those around the relevant
coasts of Tunisia, the resultant comparison will, in the viewof the Court,
make it possible to determine the equitable character of a line of delimi-
tation.

105. Since the Court thus does not find it necessary to pass on the

question of historicrights asjustification for the baselines, it is only if the
method of delimitation whichtheCourtfinds tobeappropriate issuchthat
itwillor may encroachupon thehistoricrightsareathat theCourt willhave
to determine the validityand scope of those rights, and their opposability
to Libya, in the context of a delimitation of the continental shelf. Ifdifférents, queles fonds marins sous-jacents aux eaux territoriales et aux
eaux intérieures entrent ou non dans ces calculs. Lorsque les Etats inté-
ressésont deseaux territoriales de mêmelargeur, situéesdevant descôtes
deconfigurationsgénéralementcomparableset mesurées àpartir de lignes
debaseétabliesde façon apeu prèsidentique,le rapport entre lessurfaces
de plateau continental au sens propre, relevant de l'un et de l'autre Etat,
est, selon toute probabilité, à peu près le mêmeque le rapport entre les
surfacesdes fonds marins comprenant àla fois le plateau continental, la
mer territoriale etleseauxintérieures.Aussila Courneconsidère-t-ellepas

qu'ilexisteune règlegénérald eedroit quiimposeraitd'apprécier dans tous
les cas la proportionnalité en appliquant l'une ou l'autre de ces deux
méthodes.Dans les conditions de la présenteespèce, oùles deux calculs
aboutiraient àdesrésultatsdifférents,cesont lescirconstancespertinentes
propres à la régionqui permettront de dire si, pour se prononcer sur
l'équité du résultatc ,e sont les plus étendues ou les plus restreintes des
surfaces qui doivent êtrecomparées.
104. Dans lescirconstancesde l'espèce,laCour n'estpasconvaincue par
l'argument de la Tunisie qui voudrait que les zones d'eaux intérieures et

d'eaux territoriales ne fussent pas prises en considération ;elle ne sepro-
nonce pas pour autant sur la validitédeslignes de base droites ni sur leur
opposabilitéala Libye.Ilconvientderépéterqueleplateau continental, au
sens juridique, ne comprend pas les fonds marins situés sous les eaux
territoriales ni sous les eaux intérieures ; mais le problème n'est pas un
problème de définition :c'est un problème de proportionnalité en tant
qu'aspect de l'équité. L'appartenanced'une zonedonnée à la mer territo-
riale ou aux eaux intérieuresn'empêchepas 1'Etatcôtier d'exercer (des
droits souverains sur le plateau continental aux fins de l'exploration de

celui-ciet de l'exploitation de sesressources naturelles )>;l'Etat côtier, en
vertu de sa pleine souverainetésur cette zone, y exerce ces droits, et bien
d'autres encore. En outre, laproportionnalité serapporte à la longueurdes
côtesdesEtats encauseetnon adeslignesdebasedroitestracéeslelong de
ces côtes. L'interrogation de la Tunisie - (comment apprécier la valeur
d'une délimitation du plateau continental, au point de vue de l'équitée ,n
établissantun rapport de proportionnalité entre deszones qui ne font pas
l'objetde cettedélimitation ? ))- est àcôtéde la question ; puisqu'il s'agit
de proportionnalité, l'équitéimpose seulement de comparer ce qui est

comparable. Sil'onmet en rapport les étenduesdeplateau situéesau-delà
de la laisse de basse mer descôteslibyennespertinentes avecles étendues
deplateau situéesdevant les côtestunisiennescorrespondantes, lerésultat
permettra, selon la Cour, d'apprécierle caractère équitabled'uneligne de
délimitation.
105. Ainsi, la Cour n'estimant pas nécessaire dese prononcer sur les
droits historiques commejustification des lignes de base, c'est seulement
dans le cas où la méthode de délimitation qu'elle jugerait appropriée
provoquerait un empiétementou un risqued'empiétement surla zonedes

droits historiques qu'il lui faudrait déterminer la validitéde ces droits et
leur étendue, ainsique leur opposabilité àla Libye, dans le contexte de lahowever the method of delimitation thus arrived at, independently of the
existence of those rights, issuch that thedelimitationline willundoubtedly
leave Tunisia in the full and undisturbed exercise of those rights - what-
ever they may be - over the area claimed to be subject to them, so far as
opposable to Libya, then a finding by the Court on the subject will be
unnecessary. Such is in fact, in the view of the Court, the result of the
method of delimitation to be indicated further on in this Judgment. The
fact that thepoint is made the subject of one ofTunisia's submissions does
not affectthe matter ;as in the Fisheriescase(I.C.J.Reports1951,p. 126),
the Court considers that the rights claimed are elements which "may be
taken into account only in so far as they would appear to be relevant for
deciding the sole question in dispute", that is to say, in this context, the
practical method for effecting an equitable delimitation.

106. In their pleadings, as well as in their oral arguments, both Parties
appear to have set so much store by economicfactors in the delimitation
process that the Court considers it necessary here to comment on the
subject. Tunisia seems to have invoked economic considerations in two
ways :firstly, by drawing attentiontoits relativepoverty vis-à-visLibya in
terms of absence of natural resources like agriculture and minerals, com-
pared with therelativeabundance in Libya,especiallyof oiland gaswealth
as well as agricultural resources ; secondly, by pointing out that fishing
resources derived from its claimed "historic rights" and "historic waters"
areas must necessarilybe taken into accountassupplementingitsnational
economy in eking out its survival as a country. For its part, Libya

strenuously argues that, in viewofitsinvocation ofgeologyas an indispen-
sable attribute of its view of "natural prolongation", the presence or
absence of oil or gas in the oil-wellsin the continental shelf areas apper-
taining to either Party should play an important part in the delimitation
process. Othenvise, Libya dismisses as irrelevant Tunisia's argument in
favour of economic poverty as a factor of delimitation on any other
grounds.

107. The Court is, however, of the view that these economic consider-
ations cannot be taken into account for the delimitation of thecontinental
shelf areas appertaining to each Party. They are virtually extraneousfac-
tors since they are variables which unpredictable national fortune or ca-
lamity, as the casemay be, might at any time cause to tilt the scaleoneway
or the other. A country might be poor today and become rich tomorrow as
a result of an event such as the discoveryof a valuable economicresource.

Asto thepresence of oil-wellsin anarea to be delimited, it may, dependingdélimitationduplateaucontinental. Silaméthodede délimitation,définie
indépendamment de l'existence de ces droits, est telle que la ligne de
délimitation laisse sans doute possible à la Tunisie l'exercice entier et
incontestédesdits droits, quelsqu'ils puissent être,dansla zone où ilssont
revendiqués, pour autant qu'ils soient opposables à la Libye, la Cour
n'aura pas à se prononcer sur ce point. Tel est en fait, d'après la Cour, le
résultatde la méthodede délimitationqui sera indiquéeplus loin. Que la
question fassel'objet de l'une desconclusionstunisiennes ne change rien à

cet égard :de mêmeque dans l'affaire des Pêcheries (C.I.J. Recueil 1951,
p. 126),la Cour considère les droits revendiquéscomme des élémentsqui
t(ne doivent être retenus que dans la mesure où ils paraîtraient détermi-
nants pour décider la seulequestion en litige >),à savoir en l'espècela
méthode pratique à appliquer aux fins d'une délimitation équitable.

106. Dans leurs écritures et en plaidoirie, les deux Parties semblent
avoir attaché tellement d'importance aux facteurs économiquesdans le
processus de délimitation que la Cour croit nécessairede formuler quel-
ques observations à ce sujet. La Tunisieparaît avoir invoquéces considé-
rations économiques de deux façons : premièrement, en soulignant sa
pauvreté par rapport à la Libye, due à l'absence de ressources naturelles
commeles produits agricoles ou minéraux,comparée àl'abondance rela-

tive de la Libye, en particulier pour ce qui est des hydrocarbures et des
ressources agricoles ; deuxièmement, en maintenant que les ressources
ichtyologiques provenant des zones de <droits historiques ))etd'~ eaux
historiques ))qu'elle revendique doivent nécessairement êtreconsidérées
comme un complément de son économie nationale lui permettant de
survivre en tant quenation. La Libye, pour quila géologieest un élément
indispensabledela thèsedu prolongement naturel qu'elledéfend,soutient
quant à elle avec insistancequela présenceou l'absence d'hydrocarbures
danslespuits forésdans leszonesdeplateau continentaldel'une etl'autre

Partiedevrait êtreune considérationimportante dans l'opération de déli-
mitation. En dehorsde cela,laLibyeécartecommedépourvudepertinence
l'argument tunisien tendant à fairede la pénurieéconomiqueun facteur de
délimitation.
107. La Cour estime que ces considérationséconomiquesnesauraient
êtreretenuespourladélimitationdeszonesdeplateaucontinental relevant
de chaque Partie. Il s'agit de facteurs quasiment extrinsèques, puisque
variables et pouvant à tout moment faire pencher la balance d'un côtéou
de l'autre de façon imprévisible,selon les heurs ou malheurs des pays en
cause.Un pays peut êtrepauvreaujourd'huiet devenir prospèredemain à

la suite d'un événementtel que la découverte d'une nouvelle richesse
économique.Quant à la présencede puits de pétrole dans une zone àon the facts, be an element to be taken into account in the process of
weighing al1relevant factors to achieve an equitable result.

108. In the light of the principles and rules of international law ap-
plicable to the delimitation of the continental shelf in the present case
which have been examined and discussed above, and taking into account
therelevantcircumstances which havebeen identified,the Court willnow
turn to the second part of its task under the Special Agreement. In the
second paragraph of Article 1thereof the Court isrequested to "clarify the
practical method for the application of those principles and rules in this
specific situation" (Libyan translation), or, in the alternative translation
supplied by Tunisia, to "specify precisely the practical way in which the
aforesaid principles and rules apply in this particular situation". On the
basis ofeithertext,theoutcome istobe suchasto "enable theexperts ofthe
two countries to delimit those areas without any difficulties". The Court

has already exarnined the controversy between theParties as to thecorrect
interpretation of thistext, and theprecise role whichit was theintention of
the Parties to attribute to the Court (supra, paragraphs 25 ff.). As there
stated, the Court's indications of the practical methods must be of such a
degree of precision that the only task remaining will be the technicalone
making possible the drafting of the treaty incorporating the result of the
work of theexpertsentrusted with the drawing ofthedelimitationline. The
drawing of that line is not part of the function conferred on the Court by
the Parties. It is,however,clear that the fact that the Partieshave resemed
for themselvesthedetermination, by treaty, oftheboundary delimitingthe
twocontinental shelf areas, does not preventtheCourt fromindicatingthe
boundary which, in its view, would result from the application of such
method as the Court may choose for the Parties to achieve the relevant
determination. Furthermore, in the light of the Court's consideration of
the concept of proportionality in paragraph 103 above, it is clearly not
possible for the Court to apply this concept, by way of touchstone of
equitableness, to the method or methods it may indicate, unless it can
arrive at a reasonably clear conception of the extent of the areas on each
side of the eventualline ;and it must therefore be able to define approxi-

mately the course of the line which it willbe the task of the experts to plot
with accuracy. It isthus on thisbasis that theCourt willproceed to indicate
the method of delimitation deemed appropriate in this case.

109. Before considering the methods of delimitation discussed by the
Parties in argument, the Court thinks it appropriateto make some obser-
vations on the equidistance method. The Court held in the North Seadélimiter, cette présencepeut, selon les faits, représenter un élémentà
considérerdans le processus au cours duquel tous les facteurs pertinents
sont soigneusement peséspour aboutir à un résultat équitable.

108. Vu les principes et règlesde droit international applicableà la
délimitationdu plateaucontinental en l'espèce,telsqu'ilsont étexaminés
et analysésci-dessus,et compte tenu descirconstancespertinentesqui ont
étésignalées,laCour en vient maintenant àla deuxièmepartie de satâche
aux termes du compromis. Au deuxièmealinéade son article 1, celui-ci
invite la Courà (<clarifier la méthode pratique pour l'application de ces

principes et de ces règlesdans cette situation préci>>(version libyenne)
ou, selonla traductionfourniepar la Tunisie,à <clarifier avecprécision la
manièrepratique par laquellelesdits principes et règless'appliquent dans
cettesituation précise>>Quelque soitle texte dont on part, lerésultat doit
êtrede (<permettre aux experts des deux pays de délimiterces zones sans
difficulté aucune>> .a Cour a évoqué plushaut la controverseentre les
Parties au sujetdel'interprétationexactedecetexteet du rôleprécisqueles
Parties entendaient lui confier (paragraphes 25 et suiv.). Ainsi qu'il a été
dit, sesindicationssur lesméthodespratiques doivent êtred'une précision
telle que la seule tâche restaàtaccomplir soit la tâche techniquedevant
permettre de consigner dans un traitéle résultatdes travaux des experts
chargésde tracer la ligne de délimitation.Les Parties n'ont pas demandé

la Cour de tracercette ligne.Mais le fait que les Parties se sont résdevé
fixer par traité lalimite entre les deux zones de plateau continental n'em-
pêchecertainement pas la Cour d'indiquer la ligne que produirait à son
avis l'application de la méthodequ'elle aura retenue pour permettre aux
Parties de mener l'opérationde délimitatioà bien. De plus,l'examendela
notion de proportionnalité auquel la Cour s'est livrée aupargraphe 103
ci-dessus montre que, si elleveut en fairelapierre de touche de l'équdeé
la méthodeou des méthodesqu'elleindiquera,la Cour doit avoir une idée
raisonnablement précise des surfacess'étendantde part et d'autre de la
ligneenvisagée ;elledoitdonc pouvoirdécrireapproximativement lecours
de la ligne dont il reviendra aux expertsd'établirle tracé exact.C'est dans
cet esprit que la Cour va exposer la méthodede délimitationqu'ellejuge

appropriée en l'espèce.

109. Avant d'aborder l'examen des méthodes de délimitation dont les
Parties ont fait état durant l'instance, la Cour croit devoir formuler quel-
ques observations au sujet de l'équidistance.Dans les affaires du Plateau79 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

Continental Shelf cases, which also concerned adjacent States, that the
equidistance method of delimitation of the continental shelf is not pre-
scribedby a mandatory rule of customary law (I.C.J. Reports 1969,p. 46,
para. 83 ; p. 53,para. 101).On the other hand it emphasized the merits of
this rule in casesin whichitsapplicationleadsto an equitablesolution.The
subsequentpractice of States,as is apparent from treatieson continental
shelf boundaries, shows that the equidistancemethod has been employed
in a number of cases. But it also shows that States may deviate from an
equidistanceline, and have made use of other criteria for thedelimitation,
whenever they found this a better way to arrive at an agreement. One
solution may beacombination of an equidistancelinein someparts of the
area with a line of some other kind in other parts, as dictated by the
relevant circumstances. Examples of this kind are provided by the 1977
arbitration on the Delimitation of the Continental Shelf between France
and the United Kingdom, and by the Convention between France and

Spain on the Delimitation of the Continental Shelvesof the two Statesin
the Bayof Biscayof29 January 1974.Treatypractice, aswellasthe history
of Article 83 of the draft convention on the Law of the Sea, leads to the
conclusion that equidistance may be applied if it leads to an equitable
solution ; if not, other methods should be employed.

110. Nor does the Court consider that it is in thepresent case required,
asafirst step,to examine the effects of adelimitation by application of the
equidistancemethod, and to reject that method in favour of some other
only if it considers the results of an equidistanceline to beinequitable.A
finding by the Court in favour of a delimitation by an equidistanceline
could only be based on considerations derived from an evaluation and
balancing up of al1relevant circumstances, sinceequidistance isnot, inthe
viewof the Court, either a mandatory Iegalprinciple, or a method having
someprivilegedstatusinrelationtoother methods. It is tobenoted that in

the present case Tunisia, having previously argued in favour of a delimi-
tation by theequidistancemethodfor at Ieast some of thearea in dispute,
contended in its Memorial that the result of using that method would be
inequitable to Tunisia ; and that Libya has made a formal submission to
the effect thatin thepresentcasetheequidistance method would result in
an inequitable delimitation. The Court must take this firmly expressed
viewof the Parties into account. If however the Court were to arriveat the
conclusion, after having evaluated al1 relevant circumstances, that an
equidistanceline would bring about an equitable solution of the dispute,
there would be nothing to prevent it from so finding even though the
Parties have discarded the equidistance method. But if that evaluation
leads theCourt to anequitabledelimitation on adifferent basis, there isno
need for it to give any further consideration to equidistance.
111. The Parties recognize that in international law there is no single
obligatory method of delimitation and that several methods may be

appliedtoone and the samedelimitation. Each ofthePartieshasindicated,continentaldelamerdu Nord, quiconcernaient aussidesEtatslimitrophes,
la Cour ajugéqu'aucune règleobligatoirede droit coutumiern'imposait
l'équidistancecomme méthode de délimitation du plateau continental
(C.I.J.Recueil 1969, p. 46, par. 83, p. 53, par. 101). Elle a soulignéen
revanche les avantages de cette méthodedans les cas où son application
permetd'aboutir àune solutionéquitable.Lapratiqueultérieure desEtats,
dont témoignentles traités dedélimitationdu plateau continental,atteste
quelaméthodede l'équidistanceaété employéedansuncertainnombre de
cas ;cependant elle montre aussi que les Etats peuvent l'écarteret qu'ils
ontfait appel àd'autres critèresde délimitationchaque fois que cela leur a
paru préférable pour aboutir à un accord. Une solutionpeut consister à
combinerune ligne d'équidistancedans certainesparties de la zone avec
une ligne différente dans d'autres parties, en fonction des circonstances
pertinentes.L'arbitrage de 1977surla délimitationdu plateaucontinental

entre la France et le Royaume-Uni et la convention entre la France et
l'Espagne sur la délimitation des plateaux continentaux des deux Etats
dans le golfe de Gascogne, conclue le 29 janvier 1974, fournissent des
exemples de cette façon de procéder. La pratique illustrée par les traités,
ainsi quel'historique de l'article 83duprojet de convention sur le droit de
la mer, amènent à conclurequel'équidistanceest applicable sielleconduit
à une solution équitable ;sinon, il y a lieu d'avoir recours à d'autres
méthodes.
110. La Cour n'estime pas non plus qu'enl'espèceil lui incombe d'exa-
miner en premier lieu leseffets quepourrait avoirune délimitationselonla
méthodede l'équidistance,et de ne rejeter celle-ciau bénéficed'une autre
méthode que si les résultats d'une ligne d'équidistance lui paraissaient
inéquitables.Pour pouvoir conclure enfaveur d'unedélimitationreposant

sur une ligne d'équidistance,il luifaudrait partir de considérationstirées
d'une évaluationet d'une pondération de toutes les circonstancesperti-
nentes, l'équidistancen'étantpas à ses yeuxun principejuridique obliga-
toire ni une méthodequi serait en quelque sorte privilégiéepar rapport à
d'autres. Il convient dereleverqu'enlaprésenteespècelaTunisie, qui avait
d'abord défendu une délimitation fondée sur l'équidistance, pour une
partie au moins de la zone litigieuse, a soutenu dans son mémoireque le
résultatde l'application de cette méthode serait inéquitable pour elle, et
que la Libye aformellementconclu qu'enlaprésenteespècelaméthodede
l'équidistanceaboutiraità une délimitationinéquitable.La Courdoit tenir
compte de cettefermeposition des Parties. Si,après avoirévalué toutes les
circonstances pertinentes, la Cour parvient à la conclusion qu'une ligne
d'équidistance résoudraitle differend d'une manière équitable,rien ne

l'empêchede statuer dans ce sens, même si lesParties ont écartél'équi-
distance. Mais sicetteévaluationconduit la Cour à seprononcerpour une
délimitationéquitablereposant surune base différente,ellen'apas besoin
d'examiner plus avant l'application de l'équidistance.
111. Les Parties reconnaissent qu'il n'existe pas en droit international
de méthode de délimitationunique et obligatoire, et que l'on peut appli-
querplusieurs méthodesdans une mêmedélimitation.Chacune a indiqué,with a greater or less degree of precision, the method or methods which in
its viewshould be employed to effectthedelimitationin thepresent casein
order to complywith theprinciples and rulesof international law regarded
as applicable by each Party and in their interaction as conceived by that
Party. Because of the views it holds as to the role of the Court under the
SpecialAgreement (paragraph 28),Libyahasbeen lessspecificthan Tuni-
siain its argumentson this matter. It has, however, givena description of a
practical method by which, it is said, theprinciple of natural prolongation
can be applied in this case.The Libyanapproach isfirst to define the area

in which delimitationmust be effected,and then to determinethe relevant
natural prolongation which, as noted above, is for Libya the northward
thrust or prolongation of theAfricancontinental landmass. The task of the
expertsappointed by the Parties willbe to construct a line of delimitation
whichisconsistent with thenortherlydirection of the natural prolongation
and other relevantcriteria. In order to achieve an equitableresult over the
entire course of the delirnitation, certain relevant geographical circum-
stances will have to be taken into account, resulting in the strictly north-
ward direction of the delimitation being modified. The resulting line is
indicated on Map No. 2 appended hereto.

112. After reserving the area of "historic rights" (paragraph 98 above),
Tunisia has indicated methods of two kinds, which give rise in their
application to the area in question to a "sheaf of lines" of delimitation, al1
running in the same generaldirection across the area of continental shelf
(indicated on Map No. 2 appended hereto). The first group of methods
consists in definingthe natural prolongation of the two States on the basis
of geological,geophysical andbathymetric data which, according to Tuni-
sia, asindicated inparagraph 64above, themselvesdefine possible linesof
delimitation. The second group of methods is geometrical, based on the

configurations of thecoasts of the twoParties,with aviewtoimplementing
the concepts of the coastal front and of proportionality, taking account of
the relevant circumstances which characterize the area, and abiding by
equitableprinciples. The secondtype ofmethod produces resultssimilar to
those of the first, as was in fact the declared intention of the Tunisian
Government in devising the geometrical methods of the second group.

113. The delimitation method proposed by Libya, on the basis of the
northward direction of natural prolongation, clearlystandsor fallswith its
basic contentions as to that direction :since the Court has been unable to
uphold those contentions, no more neid be said as to the Libyanmethod.
The same is true of the Tunisian methods of the first group, since the
geological,geophysical and bathymetric material advanced in support of
them do not, in the Court's view, add up to "relevant circumstances" on
whch a delimitation of the kind proposed by Tunisia could be based. In
addition, however, the methodsproposed by both Parties giveinsufficient
weight to one circumstance in particular, and this consideration consti-
tutes an objectionalso to the Tunisian geometrical methods, whch in anyavec plus ou moins de précision,la méthode ou les méthodesqu'il con-
viendraitselon elled'employeren l'espècepour seconformerauxprincipes
et aux règlesde droit international qu'elle estime applicables et aux rap-
ports mutuels qui lui paraissent exister entre ces principes et ces règles.

Etant donnéla conception qu'elle se fait du rôle de la Cour en vertu du
compromis(paragraphe 28ci-dessus),la Libye s'estmontréemoinsprécise
que la Tunisie dans ses arguments àce sujet. Elle a cependant exposéune
méthode pratique qui, d'après elle, permettrait d'appliquer en l'espècele
principeduprolongementnaturel. Ladémarchelibyenneconsiste àdéfinir
d'abord la région oùla délimitation doit s'effectuer,puis à déterminerle
prolongement naturel considéré - qui, comme on l'a vu plus haut, est
constituéselon la Libye par la projection ou leprolongement vers lenord
de la masse terrestre du continent africain. La tâche des experts désignés
par les Parties serait de construire une ligne de délimitation compatible
avec l'orientation du prolongement naturel vers le nord et avec d'autres

critères appropriés. Pour quela délimitation tout entière soit équitable,il
conviendrait de prendre en considération certaines circonstances géogra-
phiques pertinentes, ce qui aurait pour résultat de modifier la direction
plein nord de la délimitation.La ligne qui en résulteraitest indiquéesur la
carte no2 jointe à l'arrêt.
112. Réservefaite de la zone des droits historiques (voir ci-dessus
paragraphe 98), la Tunisie a suggéré deux typesde méthodes dont l'ap-
plication aboutiraità un <faisceau de lignes))de délimitation traversant
dans la mêmedirection générale toute l'étenduede plateau continental en
cause (voir la carte no 2jointe à l'arrêt).Les méthodes du premier type
consistent à définir le prolongement naturel des deux Etats à partir des

donnéesgéologiques,géophysiquesetbathymétriquesqui,d'aprèslaTuni-
sie (voir paragraphe 64 ci-dessus), définissentelles-mêmesles lignes de
délimitationpossibles. Les méthodesdusecond type, de caractèregéomé-
trique, sont fondéessurla configuration descôtesdes deux Parties et ont
pourbut d'appliquer lesnotionsdefaçademaritimeet deproportionnalité,
compte tenu des circonstancespertinentes propres à la régionet confor-
mément à des principes équitables. Les résultats deces méthodesgéomé-
triques sont analogues à ceux des méthodes du premier type, ce qui était
d'ailleursl'intention avouéedu Gouvernementtunisienquand il lesamises
au point.

113. La méthodede délimitation proposée parla Libye, reposant sur
l'idéeque leprolongement naturel est en direction du nord, doit manifes-
tement partager le sort de l'argumentation qui la sous-tend ;la Cour,
n'ayant pu souscrire àcelle-ci,n'apas às'étendre surla méthodelibyenne.
Cela vaut aussi pour les méthodes tunisiennes du premier type, car les
éléments géologiques,géophysiques etbathymétriquesdestinés à lesétayer
ne constituent pas, selon la Cour, des < <irconstances pertinentes )>sur
lesquelles une délimitation comme celles que propose la Tunisiepourrait
êtrefondée. De surcroît, les méthodespréconiséespar les Parties n'attri-
buent pas un poids suffisant à une circonstance particulière- et c'est là

aussiune objection contre les méthodesgéométriquestunisiennes,qui de 81 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

- - - - - - - Limit of territorial waters claimed by each Party.
- --- ..- ..- .. Line resulting from Libyan method of delimitation.

Sheaf of lines resulting from Tunisian methods of delimitation.

67------- Limite des eaux territoriales revendiquéespar chacune des Parties.
- ..- ..- . - .. Ligne résultant de la méthodede délimitation libyenne.
- .- .-. -. -. Faisceau de lignes résultant des méthodesde délimitation tunisiennes.82 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

eventwereadvancedmoreasreinforcement of themethodsbased on other
criteria than as independent propositions. The Court will therefore indi-
cate what thiscircumstance is, and how it serves,with the support of other
circumstances which the Parties themselves have taken into account, to
produce an equitable delimitation.

114. Any examination of methods, like the examination of applicable
rules and principles,must take as starting-point the particular geographi-
cal situation,and especially the extent and features of the areafound to be
relevant to the delimitation. The Court has already explained (supra,
paragraphs 32-35, 75) what it considers to be the relevant area in the
presentcase ;the factthat theCourthasfound that itisnecessary to define
thissinglearea doesnot, however,implythat theCourtconsiders itto bean
areafeaturing such geographical homogeneity as tojustify the application
of a singlemethod of delimitation throughout its extent. On the contrary,
in theviewof theCourt,theproper appreciationand takinginto account of
the "relevant circumstances which characterizethe area" cal1for the area
close to the coasts of the Parties to be treated differentlyfrom the areas
further offshore.TheCourt willtherefore dealwith theareaas divided into
two sectors. It must, however, be emphasized that such difference of
treatment is ultimately dictated by the primordial requirement of achiev-
ing an overall equitable result.

115. The considerations which dictate this difference of treatment of
the two sectors of continental shelf for the purposes of delimitation are
intimatelyrelatedtothe varyinginfluences of theindividualcircumstances
characterizingthe area, and will be considered below. However, it should
be noted at the outset that the extent of thearea tobe delimited is suchthat
the terminal point to seaward of the delimitation line (which, for reasons
explained in paragraph 75above,cannot be deterrnined with any precision
by the Court) willbe at a considerabledistancefrom the nearest point on
the coasts of the two Parties and from the frontier point of Ras Ajdir.
Where thedelimitation to beeffectedisupon sucha scaleasthis, the useof
any one method of delimitation which may seemappropriate, in the light
of relevantcircumstances, closeto the shores of the Statesconcerned, may
well sufferfrom the defect noted in 1969with respect to the equidistance
method, that the distorting effects of certain factors on the course of the
line

"under certain conditions of coastalfiguration are ... comparatively
small within the limits of territorial waters, butroduce their maxi-
mum effect in the localities where themain continental shelf areas lie
further out''(I.C.J. Reports 1969, p. 37, para. 59),

and "the further from the coastline the area to be delimited, the more
unreasonable are theresultsproduced" (ibid.,p. 49,para. 89(a)).In such a
situation, a possible means (though not the only one) of avoiding antoute façon ont étéavancéespour renforcer des méthodes reposant sur
d'autres critèresplutôt que comme des prospositions indépendantes. La
Cour indiquera donc plus loin quelle est cette circonstance, et comment,
avec d'autres circonstances que les Parties elles-mêmesont prises en
considération, elle concourt à produire une délimitation équitable.

114. Dans tout examen des méthodes, comme dans celui des règleset
principes applicables, ilimporte departir de lasituationgéographiquetelle
qu'elleseprésente,et notamment de l'étendueetdes caractéristiquesde la
région à considérer auxfins de la délimitation. La Cour a déjà indiqué
(paragraphes 32-35et 75) quelle est à son avis cette régionen la présente
espèce.Toutefois, cen'estpas parcequelaCoura jugé nécessaire de définir
cette région biendéterminéequ'ellelui attribue une homogénéité géogra-
phiquejustifiant l'emploi d'une seule et unique méthode de délimitation

sur toute son étendue. Au contraire, de l'avis de la Cour, la prise en
considérationetl'appréciationdes (<circonstancespertinentespropres àla
région ))obligentà traiter la zone prochedes côtes desParties d'une autre
manièreque lazoneplus éloignéeL . a Courconsidéreradoncquela région
se compose de deux secteurs. Il faut cependant souligner que c'est la
nécessitéprimordiale de parvenir à un résultat d'ensembleéquitable qui,
en définitive, imposecette différencede traitement.

115. Les considérationsquiobligent à traiter différemment auxfins de
la délimitationles deux secteurs du plateau continental sont étroitement
liéesàl'influenceplus ou moins grande de diversescirconstancespropres à

la région ;ces considérationsseront examinéesplus loin. Il faut toutefois
relever dèsl'abord quela région àdélimiter est d'uneétenduetelle que le
point terminal de lalignede délimitation(qui,pour lesraisons exposéesau
paragraphe 75ci-dessus,nepeut êtreprécisé par laCour) setrouvera à une
distanceconsidérabledu point leplus proche descôtes desdeux Partieset
du point frontière de Ras Ajdir. Quand l'opération de délimitationest à
une telle échelle,l'emploid'une méthode unique de délimitation,que les
circonstances pertinentes paraîtraient justifier à proximité de la côte
des Etats intéressés, risquefort de présenterle défaut signaléen 1969 à
propos de l'équidistance, à savoir que les effets déformants de certains

facteurs

que produisent certaines configurations côtières...sont relative-
ment faiblesdans leslimitesdeseaux territorialesmaisjouent aumaxi-
mum à l'emplacement des zones de plateau continental au large )>

(C.I.J. Recueil 1969, p. 37, par. 59),
etqu'~on aboutit àdesrésultatsd'autantplusdéraisonnablesque ..lazone
à délimiter est éloignéede la côte ))(ibid., p. 49, par. 89 a)). Dans ces
conditions, l'un des moyens (mais pas le seul) d'éviterun résultatnéqui-inequitable result is to employ one method of delimitation up to a given
distancefromthecoasts, and thenceforth to employ adifferentmethod. In
theviewof theCourt, thesituationinthepresent casecallsfor an approach
of thiskind. Sincethedetermination of the appropriate point at whch one
method of delimitation should supplement another is closely bound up,
not only with such circumstances aschanges in coastalconfigurations, but
alsowith thepractical effectof themethod chosen for determination of the

initial sector, the Court will first indicate the method it finds to be ap-
plicable for the delimitation of the region closer to the coasts before
examining the question of the changeover point.
116. Since the continental shelf begins, for purposes of delimitation,
from the outer limit of the territorial sea, the starting point for the line of
delimitationinthis casemust be fromtheboundary of theterritorial seaoff
Ras Ajdir, the exact point (and thus the relationship of the delimitation
lineto theunsettled lateral boundary of theterritorial sea)dependingupon
the direction of the line with respect to Ras Ajdir. While the Court is not
called upon to draw any boundary line between the coast and the outer
limit of the territorialsea, it isnevertheless theareaimmediately surround-
ing the starting point of the land frontier on which the Court must con-
centrate its attention with a viewtothe determination and appreciation of
the relevant circumstancescharacterizing that area.

117. The circumstance alluded to in paragraph 113 above which the
Court finds to be highly relevant to the determination of the method of
delimitation is a circumstancerelated to the conduct of the Parties. The
Court has already considered the claims made by the Parties, each in
favour of a differentline, unilaterallydeterminedbut, it is asserted,tacitly
respected or accepted ;both the ZV 45' line advanced by Tunisia as a
recognized boundary of a fishng zone, and the direct northward line
assertedas boundary of the Libyanpetroleum zones, have been found by
the Court to be wanting in those respects necessary to ensure their oppo-
sability to theother Party. On theother hand, thehistory of theenactment
ofpetroleum licensinglegislation byeachParty,and thegrant ofsuccessive
petroleum concessions, dunng the period from 1955up to the signing of
the Special Agreement, shows that, as noted in paragraph 21 above, the
phenomenon of actual overlapping of claims did not appear until 1974,
and then onlyin respect of areas some50milesfrom the coast. A Tunisian

enlarged concession of 21 October 1966 was bounded on the east by a
"stepped" line (a form apparently dictated by the grid/block system for
grant of concessions) the eastern anglesof which lay on a straight line at a
bearing of approximately 26' to the meridian. In 1968 Libya granted a
concession (No. 137) "lying to the eastward of a line running south/
southwestfrom the point 33' 55'N, 12' E to a point about one nautical
mile offshore" the angle thereof viewed from Ras Ajdir being 26' ;the
western boundaries of subsequent Libyan concessions followed the sarnetableconsiste àemployerune méthodededélimitationjusqu'à unecertaine
distance de la côte,et une autre méthode au-delà. La Cour considère que,
dans la présente espèce,les faits obligent à procéder ainsi.Comme la
définitiondu point à partir duqueluneméthode dedélimitationdevrafaire
place àune autre dépend beaucoup,non seulement de circonstances telles

que les changements de configuration de la côte, mais aussi du résultat
pratique de la méthodeemployéedans le premier secteur,la Cour indi-
quera tout d'abord la méthode applicable àproximitédes côtes avant de
rechercher où le changement devrait s'opérer.

116. Puisque le plateau continental commence, aux fins de la délimi-
tation,à la limiteextérieurede la mer territoriale,le point de départdela
lignede démarcationen l'espècedoit setrouver surcette limite,au largede
RasAjdir, enun lieudont lescoordonnéesexactes(etdonc lerapport entre

la lignede délimitationet lafrontièrelatéraledela mer territoriale,restant
à définir) dépendrontde la direction de la ligne par rapport à Ras Ajdir.
CerteslaCour n'estpas chargéedetracer unelignefrontière entrela côteet
lalimiteextérieuredelamer territoriale ;ellen'endoitpas moinsexaminer
de prèsla zone avoisinant lepoint terminal de la frontièreterrestre en vue
de détermineret d'apprécierles circonstances pertinentespropres àcette
zone.

117. La circonstance évoquée au paragraphe 113ci-dessusqui, del'avis
de la Cour, est d'une haute importance pour la détermination de la
méthodede délimitation,a trait au comportement des Parties. La Cour a
déjà examiné lesprétentionsémisespar celles-ci,dont chacune se déclare
en faveur d'une ligne différente,déterminéede manière unilatéralemais,
assure-t-elle, respectéeou acceptéetacitement ; ni la ligne ZV 45' invo-
quéepar laTunisie commelimite reconnued'une zone depêchen , ila ligne
en direction du nord servant de limite aux zones ~étrolièreslibvennes.
n'ont paru à laCour remplir lesconditionsqui lesrendraientopposables à

l'autre Partie. En revanche, l'historique de l'adoption d'une législation
pétrolière par chacune des Parties et l'octroi de concessions pétrolières
s'échelonnantde 1955 àla signature du compromis montrent que, comme
on l'avu au paragraphe 21ci-dessus,lephénomènedu chevauchement des
prétentions n'est effectivement apparu qu'en 1974, et seulement à des
distances de quelque 50milles de la côte. La périmètred'un permis tuni-
sien, élargi le1 octobre 1966,était limité à l'estpar une ligne(<en esca-
lier))(àcause semble-t-il du systèmede quadrillage ou de blocs employé
pour l'octroi despermis)dont chaque degrés'appuyait à l'estsurune ligne

droiteformant avecleméridienun anglede26" environ.En 1968la Libyea
accordéune concession (no 137) ((à l'est d'une ligne sud-sud-ouestentre
33" 55' N 12' E et unpoint enmer setrouvant à unedistanced'environun
millemarin delacôte ))dont l'anglepar rapport au méridiende Ras Ajdir
étaitde 26", et les limites occidentales des concessions libyennes ulté- 84 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

line, which, Libya has explained, "followed the direction of the Tunisian
concessions". The result was the appearance on the map of a defactlo ine
dividing concession areas which were the subject of active claims, in the
sense that exploration activities were authorized by one Party, without
interference, or (until 1976)protests, by the other. The Court does not of

courseoverlook thefact that the areas to which a legalclaim was asserted
by both Partiesweremorefar-reaching ;Libyaclaimed sovereignrights as
farWestas the meridian of Ras Ajdir, and Tunisia claimedas far as the ZV
45" line, and in 1974adopted an equidistance line as south-eastern boun-
dary of its concessions.The actual situation, however, was that whch has
just been described.

118. It should bemade clear that the Courtis not here making afinding
of tacit agreement between the Parties - which, in view of their more
extensive and firmly maintained claims,would not be possible - nor is it
holding that they aredebarred by conduct from pressing claims inconsis-
tent with such conduct on some such basis as estoppel. The aspect now
under consideration of the dispute which the Parties have referred to the

Court, as an alternative to settling it by agreement between themselves,is
what method of delimitation would ensure an equitable result ;and it is
evident that the Court must take into account whatever indicia are avail-
able of the line or lineswhich the Parties themselvesmay have considered
equitable or acted upon as such - if only as an interim solution affecting
part only of the area to be delimited. In this connection, the Court notes
that Libya, whle emphasizing that the defacto line between the conces-
sionswas "at no time accepted by Libya as the legalline of delimitation",
observed that it was one that did "suggest the kinds of lines that, in the
context of negotiations, might havebeen put fonvard for discussion", that
isto Say,with a viewto achievingan agreeddelimitation. Furthermore, the
line was not intended as a delimitation of a fisheries zone, or of a zone of
surveillance. It was drawn by each of the two States separately, Tunisia

being the first to do so, for purposes of delimiting the eastward and
westward boundaries ofpetroleum concessions,a fact which,in viewof the
issues at the heart of the dispute between Tunisia and Libya, has great
relevance.
119. A further relevant circumstance is that the 26" line thus adopted
was neither arbitrary nor without precedent in the relations between the
two States. It should be recalled that in the context of delimitation of the
territorial sea themethods of delimitation, other than equidistance, exam-
ined by the Committee of Experts for the International Law Commission
in 1953werethe continuation in the seaward direction of the land frontier,
the drawing of a perpendicular to the coast at thepoint of its intersection
with the land frontier, and thedrawing ofalineperpendicular to thelineof

general direction of the coast. The Court has already indicated how,in the
relations between France and Italy during the period when these States
were responsible for the external relations of present-day Tunisia and
Libya, there came into existence a modusvivendi concerning the lateral rieures se sont appuyéessurcette même lignequi,d'aprèsles explications

donnéespar la Libye, (suivait la direction des concessionstunisiennes o.
On a ainsi vu se dessiner surla carteune limite séparantdefacto les zones
des concessions et permis en vigueur, en ce sens que des travaux de
prospection étaient autoriséspar une Partie sans immixtion ou (jusqu'en
1976) sans protestations de l'autre. Certes la Cour n'ignore pas que les
étendues sur lesquelles les deux Parties prétendaient avoir des droits
étaientbeaucoupplus vastes ;la Libyerevendiquait des droits souverains
jusqu'au méridiende Ras Ajdir à l'ouest, alorsque la Tunisie émettaitdes
prétentionsjusqu'à la ligne ZV 45" et avait adopté en 1974 une ligne

d'équidistancecommelimite sud-estpour sespermis. Mais dans lesfaitsla
situation était celle que l'on vient de décrire.
118. La Cour tient àpréciserqu'ellene conclut pas à l'existence d'un
accord tacite entre les Partie- ce qui serait impossible, vula portéeplus
large et la constance de leurs prétentions - et qu'elle ne pense pas non
plus que leur comportement leur interdise de formuler des prétentions
contraires, par l'effet d'une sorte d'estoppel.Dans le différend que les
Parties ontportédevantla Cour fautede pouvoirle résoudred'un commun
accord, l'aspect examinéici consiste à déterminerquelle méthodede déli-
mitationpermettrait d'aboutir à un résultatéquitable ;ilestévidentquela

Courdoit tenir compte de tous lesindices existants au sujet de la ligne ou
des lignes que les Parties elles-mêmesont pu considérer ou traiter en
pratique comme équitables - même à titre de solution provisoire n'inté-
ressant qu'une fraction de la région àdélimiter.A cet égardla Cournote
que, tout en affirmant que la ligne de facto entre les concessions n'a
((jamais étéadmise par la Libye commelignede délimitationendroit ))la
Libye a soulignéqu'elledonnait (quelqueidéedu typede ligne quiaurait
pu êtremiseendiscussion dans lecadre denégociations ))c'est-à-direpour
parvenir à une délimitationpar voied'accord.De plus,lalignene visaitpas

à délimiterune zone de pêcheni une zone de surveillance.Elle a ététracée
par chacun des deux Etats agissant de son côté - en premier lieu par la
Tunisie - afin de servir de limitesest et ouest auxconcessionspétrolières,
fait qui, vu les problèmes qui sont au cŒur du litige entre la Tunisie et la
Libye, revêt unegrande importance.

119. Une autre circonstancepertinente est que la ligne des 26" ainsi
adoptéen'étaitni arbitraire ni sans précédentdans les relationsentre les
deux Etats. Il faut ici rappeler qu'à propos de la délimitation de la mer
territoriale le comitéd'experts de la Commission du droit international

avait examinéen 1953commeméthodesdedélimitationautresque l'équi-
distance le prolongement de la frontière terrestre vers le large, le tracé
d'une perpendiculaire à la côte au point d'intersection avec la frontière
terrestre,et le tracéd'une perpendiculaire àla ligne de direction générale
delacôte.LaCouradéjà dit comment, danslesrapports entre la Franceet
l'Italie, l'époque oùces Etats étaient responsables des relations exté-
rieuresde laTunisie etdelaLibyeactuelles,ils'étaitétabliun modusvivendi
au sujet dela limite latéraledescompétencesenmatièrede pêchec ,onsacré85 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

delimitation of fisheriesjurisdiction expressed in defacto respect for a line

drawn from the land frontier at approximately 26" to the meridian (pa-
ragraph 94, supra), which was proposed on the basis that it was perpen-
dicular to thecoast. It has been argued by Libya that "the drawing of lines
of delimitation which reflect the projection of the territorial land boun-
daries into and under the seais clearlyacceptedin State practice" and that
at RasAjdir acontinuation of the land frontier seaward would be roughly
perpendicular to thecoast at thatpoint as wellastoamore extensivelength
of coastal front. Tunisia, however, disagreed that the evidence of State
practice supplied by Libya supports the conclusionsought tobe drawn,as
well as the alleged direction of the coast and of the land boundary.
120. TheCourt has alreadyexplained why theidea that it was the effect
of the 1910 Boundary Convention, which defined the land frontier, to
delimit also the maritime areas off Ras Ajdir, must be rejected (supra,
paragraph 85).Divorced from that contention, as wellasfrom the general
geologically-based contention of the northward thrust, the factor of per-

pendicularity to the coast and the concept of prolongation of the general
direction of the land boundary are, in the view of the Court, relevant
criteria to be taken into account in selecting a line of delimitation calcu-
lated to ensure an equitablesolution ;and whilethere isundoubtedly room
for differencesof opinion between geographersas to the "direction" of any
land frontier which is not constituted by a straight line, or of any coast
which does not run straight for an extensive distance on each side of the
point at which a perpendicular is tobe drawn, the Court considersthat in
the present case any margin of disagreement would centre round the
26" linewhichwasidentified both by thePartiesandby theStates ofwhich
they are the territorial successors as an appropriate limit (see paragraphs
94 and 117 above). It should also not be lost sight of that, as explained
above, the Court is at this stageconfiningits attention to the delimitation
of the sea-bed area which is closer to the coast at Ras Ajdir, so that in
assessing the direction of the coastline it is legitimate to disregardfor the
present coastal configurationsfound at more than a comparativelyshort

distance from that point, for example the island of Jerba.
121. Accordingly, the Courtfinds that fortheinitial stage of the delimi-
tation, seaward from the outer limit of the territorial sea, the practical
method tobe applied, taking account of thecircumstances whichtheCourt
has identified as relevant, is as follows. There should first be determined
what point on the outer limit of the territorial sea corresponds to the
intersection of that limit with a linedrawn from the terminal point of the
land frontier through the point 33" 55'N, 12"E, thus at an angle to the
meridian corresponding to the angle of the western boundary of Libyan
Petroleum Concessions Nos. NC 76, 137, NC 41 and NC 53, which
was aligned with the easternpoints of the zig-zag south-eastern boundary
of the Tunisian concession "Permis complémentaire offshore du Golfe
de Gabès" (21 October 1966).On the information available to the Court,
that angle appears to be 26" ;it will, however, be for the experts of the
Parties to determine it with exactness. From the intersection point so par lerespect defacrod'une ligne tracéeà partir delafrontière terrestreet
formant avec le méridien un angle de 26" environ (paragraphe 94 ci-

dessus), qui avait été proposéeen tant que perpendiculaire à la côte. La
Libye a soutenu que <<letracédelignesde délimitationcorrespondant à la
projectiondesfrontièresterrestres d'unEtat en merestnettementconsacré
par la pratique des Etats ))et qu'à Ras Ajdir une continuation de la
frontièreterrestre verslelargeserait peu prèsperpendiculaire à lacôte en
cetendroit,ainsi qu'àun pluslong segmentdefaçademaritime. LaTunisie
contestecependant que lesexemplesde lapratique desEtatsfournispar la
Libye étayent la conclusionque celle-ci prétenden tirer; elle conteste en
outre la direction attribuéà la côte età la frontière terrestre.
120. LaCouradéjàditpourquoi ilfaut écarterlathèsesuivantlaquellela
convention de 1910,qui a fixéla frontière terrestre, aurait aussi aboutà

délimiterles étendues maritimes proches de Ras Ajdir (paragraphe 85).
Détachés decettethèse,ainsiquedecelledelaprojection verslenord,quiest
fondéeessentiellement sur la géologie,le facteur de perpendicularitépar
rapport àla côteet lanotion de prolongement dela direction généraledela
frontière terrestre constituent, de l'avisde la Cour, des critèrespertinents
quand il s'agitde choisirune ligne de délimitation propreà produire une
solution équitable; s'ilest vrai que les opinions des géographespeuvent
différersur la<direction d'une frontière terrestre quine consistepas en
une ligne droite, ou d'une côte qui n'est pas rectiligne sur une grande
distance de part et d'autre du point où l'ondoit tirer laperpendiculaire, la
Cour considèrequ'en la présenteespècela discussion devrait être centrée

surlalignedes26" quelesParties, aussibien quelesEtatsdont ellessont les
successeursterritoriaux, ont considérécommeunelimiteappropriée(voir
paragraphes 94 et 117ci-dessus). De même,comme il a étésoulignéplus
haut, il ne faut pas perdre de vue que la Cour ne traite ici que de la
délimitationdesfonds ma~s dansla zone la plusproche de la côte à Ras
Ajdir, de sorte que pour se prononcer sur la direction de la côte on peut
négligerpour lemoment lesconfigurationscôtièresrelativement éloignées
de cette localitée,notamment l'île de Djerba.

121. La Cour conclut en conséquence qu'au débutde la délimitation,

au-delà de la limiteextérieuredela mer territoriale, la méthodepratiqueà
appliquer, compte tenu des circonstances dont la Cour a reconnu la per-
tinence, estla suivante.l convient dedéterminertout d'abord,surla limite
extérieurede la mer territoriale,l'intersection de cettelimite etd'une ligne
qui, partant du point terminal de la frontière terrestre, passe par lepoint
33" 55'N 12"E, formant ainsi avecleméridienun anglecorrespondant à
celuidelalimiteouestdes concessionspétrolièreslibyennesnosNC 76,137,
NC 41 et NC 53,elle-même alignéesur lespoints est de la limitesud-esten
zigzagdu permis tunisiendit <<Permiscomplémentaireoffshoredu golfede
Gabès ))(21 octobre 1966).D'aprèsles éléments dont la Cour dispose, cet
angleparaît êtrede 26" ;ilappartiendra cependantauxexpertsdesParties

de le calculer exactement. A partir du point d'intersection déterminé
comme il vient d'être dit, laligne de délimitation des zones de plateaudetermined, the line of delimitation of continental shelf areas between the
Partiesshouldinitiallyrun at that sameangle to themeridian.With regard

to fishing rights, the Court has found (paragraphs 90and 95above) that it
is the perpendicular to the coast, and not the ZV 45" line advanced by
Tunisia, which is theonly lateral boundary opposable to Libya of the area
claimed by Tunisia as subject to historic rights. Accordingly, the Court
does not consider that a delimitation by the method now indicated raises
any issue which would make it necessary for the Court to decide on the
validity or opposability to Libya of the historic rights claimed. As for
Libya, it hasreminded the Court that areas off itscoasts have alsofor very
many years been the scene of the exerciseof sponge-fishing rights,but has
not expressly submitted that the delimitation may not encroach on such
areas ;in any event,it has not claimed to exercise such rights further West
than the line defined by the Italian Instructions of 1919(paragraph 93
above), that is to Say,theperpendicular to thecoast. The 26" linetherefore
reflects al1 appropriate factors ; as the line extends further seawards,
however, certain other relevant factors come into play, and it is to con-

sideration of such factors, and of their effect in determining how far the
26" line should extend, and what should be the method of delimitation
thereafter, that the Court must now turn.
122. The most evident geographical feature of thecoastlinesfrontingon
that area of shelf relevant for the delimitation is the radical changein the
generaldirection of the Tunisian coastlinemarked by the Gulf of Gabes ;
and clearly no delimitation of thecontinental shelfin front of thecoasts of
the Parties could be regarded as equitable which failed to take account of
that feature. Both Parties in their argument have recognized the signifi-
cance of thiscircumstanceand itsinfluence on the delimitation,thoughin
different ways. For Tunisia, the relevant circumstance is that the coasts
are at an angle to each other, the apex of the anglebeing however not at
the frontier point but some distance to the Westof it ;one of the geo-
metrical methods proposed by Tunisia derives from a calculation of this
angle, in relation to lengths of coastline regarded as relevant. Thus for

Tunisia the change in direction of the coastline occurs to the south of
the Gulf of Gabes, and this change is advanced as the basis of cons-
truction of a delimitation method, rather than a reason for varying a
method, or diverting a line, established by other means. Libya on the
other hand sees in a change of direction of the Tunisian coastline a
reason for qualifyingthe rigour of its insistence on the northward direc-
tion of any delimitation : "in order to achieve an equitable result over
the entire course of the delimitation", the "promontory of the Sahel,
which brings about a marked change in direction of the Tunisian
coast towards the northeast" at approximately Ras Yonga, is to be
taken into account by the experts ; the northward line should thus be
deflected at approximatelythe same angle of divergence as the change in
direction of the coast.
123. As a result of these contentions, a considerable amount of argu-
ment has been addressed by the Parties to the question of the point at continental entre les Parties aura pour commencerle mêmeangle d'incli-
naison par rapport au méridien. A propos des droits de pêche,la Cour a
constaté (paragraphes 90 et 95 ci-dessus) que c'estla perpendiculaire àla
côteetnon laligneZV45 Oavancéeparla Tunisiequiconstituela seulelimite
latéralede la zone dedroits historiques revendiquéepar laTunisiequisoit
opposable à la Libye. En conséquence,laCour estimequ'une délimitation

effectuéed'aprèslaméthodequ'elleexposene soulèvepasdeproblèmesqui
l'obligeraientà sèprononcer sur la légitimité desdroits historiques en
question ousurleuropposabilitéàla Libye.LaLibye,pour sapart, arappelé
àlaCourque des droitsde pêcheauxéponges s'exercentdepuislongtemps
dansdes zones situéesau large de sescôtes, mais ellen'apas expressément
soutenu que la délimitation devrait laisser ces zones intactes ; de toute
manière,ellen'apasprétenduexercercesdroits plusloin versl'ouestquela
ligne définie par les instructions italiennes de 1919 (paragraphe 93 ci-
dessus), c'est-à-dire la perpendiculaire la côte. La ligne des 26" reflète
donctous lesfacteursappropriés ;verslelarge,cependant,d'autresfacteurs

pertinentsentrentenjeu, etlaCour doitmaintenant examinercesfacteurset
leurseffetspour préciseroù s'arrêterait laligne des 26" et la méthodede
délimitation qu'il faudrait employer au-delà.

122. La particularité géographique ia plus évidente des côtes bordant
l'étenduede plateau à considéreraux fins de la délimitation est le chan-
gement radical deladirection générale dulittoral tunisien quereprésentele
golfe de Gabès ; il est clair qu'une délimitationdu plateau continental au
largedescôtes des Partiesqui négligeraitcetteparticulariténe sauraitêtre
tenuepouréquitable.Dansleurargumentation lesdeuxPartiesont reconnu

l'importance de cette circonstance et son influence sur la délimitation,
encorequedemanièresdifférentes.SelonlaTunisie, cequiimporte c'estque
lescôtesformentun angledont lesommetnese trouvepas aupointfrontière
mais à quelque distance de celui-ci vers l'ouest; une des méthodesgéo-
métriquesproposéespar la Tunisieétablitun rapport entre cet angle et les
longueurs des côtes considéréescomme pertinentes. D'aprèsla Tunisie,
donc, la côte change de direction au sud du golfe de Gabès, et ce fait
constitueraitlabase deconstructiond'une méthodededélimitation,plutôt
qu'une raison de modifier uneméthodeou d'infléchirune ligne établiepar
d'autresmoyens.LaLibyevoitenrevanchedanslechangement dedirection
delacôtetunisienneune raison de tempérersoninsistancesurl'orientation

versle nord de toute délimitation :(<pour quela délimitationtout entière
soitéquitable ))le << romontoire du Sahel, qui représenteun infléchisse-
ment marquéde lacôtetunisienne vers lenord-est ))à lahauteur approxi-
mative de Ras Yonga, devraitêtrepris en considérationpar lesexperts ;la
lignetracéeendirectiondunorddevraitdonc s'inclinerselonlemêmeangle
de divergence à peu près que le changement de direction de la côte tuni-
sienne.

123. Surlabase de cespositions, les Partiesont longuement débattu la
question de savoiroùl'onétaitfondé àdirequelacôtetunisienne changeaitwhich the change in direction of the Tunisian coastline may properly be
said to occur. TheCourt doesnot consider that thisis aquestionit iscalled
upon to decide ;the examination of the matter by the Parties seems to the
Court rather to demonstrate that the point - if point therebe - at which
the coastline changes direction will not necessarily be the subject of
agreement among geographers or cartographers, and in short cannot be

objectively determinedas a matter of fact. Accordingly, if the Court were
merely to indicate, for purposes of delimitation, that the line should
change direction in relation to the point at which the coastline changes
direction, it would be leaving room for extensive disagreement between
the experts of the Parties, which would not necessarily be capable of
final resolution. This would not, it seems to the Court, be a proper dis-
charge of its duty to indicate the practical method of delimitation in
such a way as to enable the expertsto effect thedelimitation "without any
difficulties".
124. The change in direction of the coast is however a fact which must
be taken into account ;and the Court considersthat an appropriate point
on the coast tobe employed asareference-pointfor reflecting that change
in the delimitation, and one whch has the advantage of being susceptible
of objective determination as a matter of geography, is the most westerly

point of the Tunisian coastline between RasKaboudia and Ras Ajdir, that
is to say,the most westerly point on the shoreline(low-water mark) of the
Gulf of Gabes. Again the precise CO-ordinatesof this point will be for the
experts to determine,but it appears to the Court that it will be approxi-
mately 34" 10'30" north. The initial delimitation line indicated by the
Court in paragraph 121 abovewilltherefore extend from the outer limit of
the territorial sea until its intersection with the parallel of latitude of the
pointjust mentionedon the coast of the Gulf of Gabes. That delimitation
line will then giveplace to a lineat a differentbearing, of which theCourt
willnow indicate thejustification and the factors determiningits angula-
tion.
125. The Court has found (paragraphs 117ff. above) that one of the
circumstancesproper to be taken into accountin definingthe angulation
of theinitialline from the outer limit of territorial waters is the existenceof
the line employed defacto by each Party dividing their concessions. It
would not, however, be proper to assume that, because the Parties were

ready to adopt this line to demarcate concessions comparatively close
inshore, they would both necessarily accept asequitableits effects further
out to sea,unless it weresupposed that in employing it they alreadyhad an
eye to the effects on the line of the major change in direction of the
coastlinejust adverted to ;but there is no evidence to warrant this sup-
position. Indeed, when in 1974 Tunisia had occasion to describe the
south-eastern boundary of a concession in legislation relatingto its trans-
fer,it determinedit, "pending an agreementbetween Tunisia and Libya",
by a section of an equidistance line between the two States. It may be
recalled that the Tunisian claim to delimitation on an equidistancebasis
was reiterated in general terms in 1976.Furthermore, a line drawn per- de direction. La Cour considère qu'elle n'apas à se prononcer sur cette
question ; l'examen auquel les Parties se sont livréeslui paraît plutôt

prouver que les géographesou cartographesne s'entendraient pas néces-
sairementsur lepoint - sic'estbien un point- oùl'orientation delacôtese
modifie ;autrementdit, ilnes'agitpasd'unfait objectivementdéfinissable.
Par suite, silaCour sebornait àspécifierauxfins de la délimitationquela
lignedoit s'infléchirenrelation aveclepoint ou lacôte changede direction,
ellelaisserait lechamplibre àdes désaccordsimportants entre les experts
desParties, qu'ilne serait pas forcémentpossibledesurmonterpar la suite.
La Cour ne pense pas que ce serait une bonne façon de s'acquitter de sa
mission,quiestd'indiquerlaméthodepratique dedélimitationdemanière à
permettre aux experts d'effectuer celle-ci (<sans difficultéaucune )).

124. Lechangement de direction dela côteest cependant un fait dont il
faut tenir compte. La Cour considère qu'un point approprié de la côte à
retenir commeréférence,afinque la délimitationreflètecechangement,et
qui a en outre l'avantage d'êtredéfinissable objectivement d'après les
critèresgéographiques,est lepoint leplus occidental de lacôtetunisienne
entreRas Kapoudiaet RasAjdir, autrementdit lepoint leplus occidental de

lalignederivage(laissede bassemer)dugolfedeGabès.Làencore,c'estaux
experts qu'ilappartiendra d'établir les coordonnéesexactes,mais il appa-
raît àla Cour quecepoint setrouveàenviron 34' 10'30"delatitudenord. La
première partie de-la ligne de délimitation, viséepar la Cour au para-
graphe 121ci-dessus,joindra doncla limiteextérieuredelamer territoriale
au parallèlepassant par le point qui vient d'êtrementionné,surla côtedu
golfe de Gabès. Viendra ensuite une ligneinclinéedifféremment,dont la
Cour va maintenant indiquer la justification ainsi que les facteurs qui
doivent en déterminer l'angulation.

125. La Cour a conclu (paragraphes 117et suiv.)quel'une des circons-
tances à retenir pour définirl'angulation de la ligne initialeàpartir de la
limite extérieuredes eaux territoriales est l'existencede la ligne appliquée
defacto par les Partiespour séparerleurs concessions. Il seraitcependant
erronéde croire que, parce que les Parties étaient disposées às'en seMr
comme limite de concessionsrelativement proches de la côte, ellesrecon-
naîtraient forcément à cette ligne des effets équitablesplus loin en mer,à
moins de supposer qu'enl'adoptant ellessongeaientdéjà à l'incidencesur
la délimitationdu changement important de direction de la côte qui a été

mentionné ;rien n'autorise pourtant cette supposition.De fait, quand la
Tunisiea eu en 1974l'occasionde décrirelecôtésud-est dupérimètred'un
permis, dans un arrêtérelatif au transfert de celui-ci,ellel'adéfini(<dans
l'attente d'un accord entre la Tunisieet la Libye))par un segment de ligne
d'équidistanceentre les deux Etats. On serappellera que la revendication
tunisienne d'une délimitation fondée sur l'équidistance a été réitéréeen
termes générauxen 1976.De plus, une perpendiculaire à la côte devientpendicular to the coast becomes,generallyspeaking, the less suitable as a
line of delimitation the further it extends from the coast.
126. The Court has been informed,in thecontext of the Parties' expla-
nations of thehistory of thedispute, of the course of theequidistanceline

whichwas at onetime advocated by Tunisia. Whilethat linewascalculated
by reference to the baselines unilaterally declared by Tunisia for the
measurement ofthebreadth of theterritorial sea,theCourttakesnotethat,
asaresult of theDresenceof theisland ofJerba and theKerkennah Islands.
an equidistance iine drawn without reference to thesebaselinesissimilarin
effect to the Tunisian line. An equidistanceline drawn on either basis, in
the sector now under consideration,runs at a general angulation markedly
more east of north than 26", and this is of material significance.While, as
the Court has already explained (paragraphs 109-1IO),there is no man-
datory rule of customaryinternational law requiringdelimitationtobeon
an equidistance basis, it should be recognized that it is the virtu- though
it may also be the weakness - of the equidistance method to take full
account of almost al1variationsinthe relevantcoastlines. Furthermore,the
Court in its 1969Judgment recognized that there was much less difficulty
entailed in a general application of theequidistancemethod in the case of

coasts opposite to one another, when the equidistance line becomes a
median line, than in the case of adjacent States (I.C.J. Reports 1969,pp.
36-37,para. 57).The major change in directionundergone by thecoast of
Tunisia seems to the Court to go some way, though not the whole way,
towards transforming the relationship of Libya and Tunisiafrom that of
adjacentStatestothat ofoppositeStates, and thus toproduce asituationin
which the position of an equidistanceline becomes a factor to be given
more weight in the balancing of equitable considerations than would
othenvise be the case.
127. In the view of the Court, the relevant circumstances of the area
which would not be attributed sufficient weight if the 26" line were pro-
longed seaward much beyond the 34" parallel of latitude are, first, the
general change in the direction of the Tunisian coast alreadymentioned ;
and secondly, the existence and position of the Kerkennah Islands. The
method of delirnitationappropriate to the first sector has been found by
theCourt tobe thedrawing of astraightline at adefinedinclination to the
meridian ; and the Court considers that a reasonableand equitable result

willbe achieved by the drawing of astraightline also,though at adifferent
angle,throughout the secondsector of thedelimitation. The only question
to bedetermined is thus the angle at which that lineshould run in the light
of the relevant circumstances which characterizethe second sector of the
area.
128. The general change in direction of the Tunisian coast may, in the
viewof the Court, be regardedas expressed in alinedrawnfrom the most
westerly point of the Gulf of Gabes,already described, to Ras Kaboudia,
and theCourtnotesthat the bearing of this lineisapproximately 42" tothe
meridian. To the east of this line, however, lie the Kerkennah Islands,
surrounded by islets and low-tideelevations, and constituting by their size généralementd'autant moinsadaptéecomme ligne de délimitationqu'elle
s'éloignedu littoral.
126. Au cours des exposésdes Parties sur l'historique du différend la
Coura été informéedu tracédelaligned'équidistancequepréconisait à un
certain moment la Tunisie. Cette ligne se fondait sur les lignes de base
déclaréesunilatéralementpar la Tunisie en vue de mesurer la largeurde sa
mer territoriale;la Cour note cependant que, du fait de la présencede

Djerba et desKerkennah, une ligned'équidistancequi ne s'appuierait pas
sur ces lignes de base serait en pratique analogue à la ligne tunisienne.
L'inclinaisonversl'est,parrapport auméridien,d'uneligned'équidistance
tracéesur l'une ou l'autre basedans le secteur l'examen seraitnettement
supérieure à26", et c'estlà un fait important. S'ilest vrai que, comme la
Cour l'a déjà expliqué(paragraphes109-1IO),aucune règleobligatoire de
droitinternational coutumier n'exigequela délimitations'effectuesuivant
l'équidistance,ilfaut reconnaîtreque celle-cial'avantage- peut-êtreaussi
l'inconvénient - de reproduire presque toutes les irrégularités des côtes
prises comme base. Dans son arrêtde 1969,la Cour a reconnu en outre
qu'il est en général beaucoup moinsdifficile de recourirà l'équidistance
dans lecas de côtessefaisant face, où la ligne d'équidistanceest une ligne
médiane,quedans celui d'Etats limitrophes (C.I.J. Recueil1969,p. 36-37,

par. 57).Del'avisdelaCour, lechangementradicald'orientation delacôte
tunisienne semble modifier jusqu'à un certain point, mais pas complète-
ment, la relation existant entre la Libye etla Tunisiequi, Etats limitrophes
au départ,tendraient àdevenir des Etats sefaisant face.On aboutit ainsià
une situation dans laquelle laposition d'une ligned'équidistancepèseplus
qu'elle ne ferait normalement dans l'appréciationglobale des considéra-
tions d'équité.

127. La Cour estimequ'en prolongeant la lignedes 26" bien au-delà du
34e parallèle, on ne tiendrait pas suffisamment compte de diverses cir-
constances pertinentes propres à la région, àsavoir pour commencer le
changement généralde direction de la côte tunisienne dont il a étéques-

tion ;puis l'existenceet la position desKerkennah. La Coura concluque,
dans le premier secteur, la méthodede délimitation consiste à tracer une
ligne droiteà un certain angle du méridien ;elleconsidèreen outre qu'on
obtiendra un résultat raisonnable et équitable en traçant aussi une ligne
droite, mais à un angle différent, dans tout le deuxième secteur de la
délimitation.La seulequestion à réglerestdonc celledel'angle àimprimer
à la ligne eu égard aux circonstances pertinentes propres au deuxième
secteur.

128. Selon la Cour, on peut estimerqu'une lignereliant lepoint leplus
occidentaldu golfede Gabès,déjàmentionné, à RasKapoudia, refléterait
lechangementgénéralde direction de la côtetunisienne ;la Courconstate
quecette ligneformerait avecleméridienun angledeprès de42". Al'estde

cette ligne se trouvent les îles Kerkennah, entourées d'îlots et de hauts-
fonds découvrants. En raison de leur étendue et deleur position, ces îlesand position acircumstancerelevant for thedelimitation,and to whichthe
Court must therefore attribute someeffect.The area of theislands is some
180square kilometres ; they lie some Il miles east of the town of Sfax,
separatedfromthe mainland by an areain whichthewater reaches adepth
of more than fourmetresonly in certainchannelsand trenches. Shoalsand

low-tide elevationsalso extend on the seaward side of the islands them-
selves, which are surrounded by a belt of them varying from 9 to 27 ki-
lometresin width. In these geographical circumstances,the Court has to
take into account not only the islands, but also the low-tide elevations
which, while they do not, as do islands, have any continental shelf of their
own, do enjoy some recognitionin international law for certainpurposes,
as is shown by the 1958Geneva Conventionsas well as the draft conven-
tion on the Law of the Sea. It is not easy to define what would be the
inclination of a line drawn from the most westerly point of the Gulf of
Gabes to seaward of the Kerkennah Islands so as to take account of the
low-tideelevations to seaward of them ; but a linedrawn from that point
alongthe seaward coast of theactualislands would clearlyrun at abearing
of approximately62" to the meridian. However, the Court considers that
to causethedelimitationline to veereven asfar as to 62". to run ~arallelto
the island coastline, would, in the circumstances of the case, amount to
giving excessiveweight to the Kerkennahs.
129. The Court would recall however that a number of exarnples are to
be found in Statepractice of delimitationsin which onlypartial effect has
been given to islands situated close to the coast ; the method adopted has
varied in response to the varying geographical and other circumstances of

theparticular case. One possible technique for this purpose, in the context
of a geometrical method of delimitation, is that of the "half-effect" or
"half-angle". Briefly, the technique involves drawing two delimitation
lines, one giving to the island the full effect attributed to it by the delimi-
tation method in use, and the other disregarding the island totally, as
though it did not exist. The delimitation line actually adopted is then
drawn between the first two lines, eitherin such a way as to divide equally
the area between them, or as bisector of the angle which they make with
each other, or possibly by treating the island as displaced toward the
mainland by half its actual distance therefrom. Taking into account the
position of the Kerkennah Islands, and the low-tide elevations around
them, the Court considers that it should go so far as to attribute to the
Islandsa "half-effect" of a similar kind. On thisbasisthedelimitationline,
seawards of the parallel of the most westerly point of the Gulf of Gabes,is
to be parallel to a linedrawn from that point bisectingthe angle between
theline of the Tunisian coast (42") and thelinealongthe seaward coast of
the Kerkennah Islands (62"), that is to Say at an angle of 52" to the
meridian. For illustrative purposes only, and withoutprejudice to the role
of the experts in determining the line with exactness, Map No. 3 is
attached, which reflects the Court's approach.constituent une circonstance pertinente aux fins de la délimitation ;la
Cour doit doncleur attribuer un certaineffet. Lesîlesont une superficie de
quelque 180kilomètrescarrés ;ellessont à 11millesenviron à l'estde Sfax
et sont séparéesdu continentpar un bras de mer dont la profondeur n'est
supérieure à 4 mètresque dans certains chenaux et dans quelques fosses.
Leshauts-fondsseprojettent égalementverslelargedes îleselles-mêmes et
forment autour d'elles une ceinture dont la largeur varie de 9 à 27 kilo-
mètres. Vu cette configuration géographique, la Cour a dû prendre en

considération non seulement les îles, mais aussi les hauts-fonds décou-
vrants qui, bien que ne possédant pas, comme les îles, un plateau conti-
nentalpropre, sont reconnus à certainesfinsendroit international, comme
en témoignentles conventions de Genèvede 1958et le projet de conven-
tion surledroit de la mer.Il est malaiséde définirl'inclinaisond'uneligne
qui serait tracée partir du point leplus occidental du golfede Gabèsvers
lelargedes Kerkennah de manière à tenir compte deshauts-fonds décou-
vrants qui bordent celles-civerslahaute mer ;maisune lignetracéeàpartir
de ce point le long de la côte des îles du côté du largeformerait manifes-
tement avec le méridien un anglede 62" environ. La Cour est cependant
d'avis qu'en tout étatde cause une lignede délimitation infléchiejusqu'à
62" parallèlement àlacôte de l'archipel attribuerait un poids excessifaux

Kerkennah dans les circonstances de la présente affaire.
129. La Courrappelleque la pratique des Etatsfournit divers exemples
de délimitation dans lesquels des îles proches de la côte ne se sont vu
reconnaître qu'un effetpartiel ;la méthodeadoptéevarie en fonction des
diverses circonstances,géographiqueset autres, caractérisant le cas d'es-
pèce.Une technique utilisable à cette fin, quand une méthodede délimi-
tation géométriqueest appliquée,est celledu ((demi-effet ou du demi-
angle )).En résumécette technique consiste à tracer deux lignes de déli-
mitation, dont l'unereconnaît à l'îletout l'effetquelui attribuela méthode
de délimitationemployée,l'autre n'entenant aucuncompte, comme sielle
n'existait pas. La ligne de délimitation effectiveest alors tracéeentre ces
deux lignes, soit de manière à diviser en parties égalesl'espace qui les
sépare,soitlelongde la bissectrice de l'anglequ'ellesforment, soit encore

en traitant l'îlecomme sila distancequi la sépareducontinentétaitréduite
demoitié.VulapositiondesKerkennahet leshauts-fondsdécouvrants qui
les entourent, la Cour croit devoir aller jusqu'à attribuer aux îles un
demi-effetde cegenre. Surcette base, la lignede délimitationverslelarge,
au-dessus de lalatitude du point leplus occidental du golfede Gabès,sera
parallèleà unelignetracée àpartir decepoint commebissectrice de l'angle
entre la ligne de la côte tunisienne (42") et la ligne longeant la côte des
Kerkennah vers le large (62')' c'est-à-direà un angle de 52" avec le
méridien.La carte no3,qui traduit graphiquementl'approche de la Cour,
est jointeà des fins purement illustratives et sans préjudice du rôle des
experts à qui il reviendra de déterminer la ligne avec exactitude.For illustrativepurposes only, and without prejudice to the role of the experts in
determiningthe delimitationline with exactnessEtablieà desfins purement illustrativeset sans préjudicedu rôle desexperts

à qui il reviendra dedéterminerla ligne avecexactitude91 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

130. How far the delimitation line will extend north-eastwards will,of

course, depend on the delimitationsultimately agreedwith third States on
the other side of the Pelagian Sea. The Court has not been called upon to
examine that question. Nevertheless, it is open to the Court to make use,
within the area relevant to the delimitation, of the criterion of propor-
tionality. For this purpose, it is necessary to determinethe seaward limits
of the area to be taken into account, which is bounded by the coasts of
Tunisiaas far as Ras Kaboudia and Libya as far as Ras Tajoura. Since,as
explained above (paragraph 104),the essential aspect of the criterion of
proportionality is simply that one must comparelike with like, the exact
method of drawingthe outer boundaries is not critical,providedthe same
approach is adopted to each of the two coasts. In the present case, the
Court considers that the parallel of latitude passing through Ras Kabou-
dia, and the meridian of longitude passing through Ras Tajoura, which
have the advantage of cartographical convenience, willafford appropriate
seawardlimits of the areas to be compared. It is legitimate to work on the
hypothesis of the whole of that area being divided by the delimitationline
between Tunisia and Libya ; because although the rights which other

States may claim in the north-eastern portion of that area must not be
prejudged by the decision in thepresent case, the Court isnot dealinghere
with absolute areas, but withproportions. Indeed, ifit werenot possible to
base calculations of proportionality upon hypotheses of this kind, it is
difficult to seehowany two Statescould agreeon abilateraldelimitationas
being equitable until al1 the other delimitations in the area had been
effected.-
131. The Court notes that the lenath of the coast of Libva from Ras
Tajoura to RasAjdir,measured alongihe coastlinewithout taking account
of small inlets, creeks and lagoons, is approximately 185hlometres ; the
length of the coast of Tunisiafrom Ras Ajdir to Ras Kaboudia, measured
in a similar way, and treating the island of Jerba as though it were a
promontory, is approximately 420kilometres. Thus the relevantcoastline
of Libya stands in the proportion of approximately 31:69 to the relevant
coastline of Tunisia. It notes further that the coastal front of Libya,
represented by astraightlinedrawnfromRasTajoura to RasAjdir,stands
in the proportion of approximately 34:66 to the sum of the two Tunisian
coastal fronts represented by a straightlinedrawn from Ras Kaboudia to
the most westerly point of the Gulf of Gabes, and a second straight line

from that point toRas Ajdir.With regard to sea-bed areas, it notesthat the
areas of shelf below low-water mark within the area relevant for delimi-
tation appertaining to each State following the method indicated by the
Court stand to each other in approximately the proportion : Libya 40 ;
Tunisia 60.This result, taking into account al1the relevantcircumstances,
seemsto the Court to meet the requirements of the test of proportionality
as an aspect of equity. 130. La question de savoirjusqu'oii la ligne de délimitation seprolon-
geravers lenord-est dépendra bien entendu desdélimitationsfutures avec
des Etats se trouvant de l'autre côtéde la mer pélagienne.La Cour n'a pas
été invitéeà examiner cettequestion.Néanmoins,illui est loisiblede faire
usagedu critèrede proportionnalité dansla région à considérerauxfinsde
la délimitation. Pour cela il est nécessairede déterminerles limitesmari-
times de cette régionqui, du côté terrestre, est bornéepar les côtes de la
Tunisiejusqu'à Ras Kapoudia et de la Libyejusqu'à RasTadjoura. Etant

donné que,comme onl'a vu (paragraphe 104),l'aspect essentieldu critère
de proportionnalité est simplement que l'on doit comparer ce qui est
conlparable, la méthode exactesuiviepour le tracé deslimites extérieures
n'estpas d'une importancecruciale, àcondition quela mêmeapprochesoit
adoptéepour chacune des deux côtes. En l'espèce,la Cour est d'avisque
le parallèle de Ras Kapoudia et le méridiende Ras Tadjoura, qui ont
l'avantage de la commodité cartographique, constituent les limitesmari-
times appropriées des surfaces à confronter. Il est en outre légitimede
partir de l'hypothèseque la totalitéde cette régionserait partagée par la
lignede délimitationentrela Tunisieetla Libye ;eneffet,s'ilestvraique la
décision en l'espècene doit pas préjuger les droits que d'autres Etats
pourraient faire valoir dansla partie nord-est de la région,la Cour ne vise
pas ici des surfaces en chiffresabsolus, mais des proportions. A vrai dire,
s'iln'était pas possiblede fonder des calculs de proportionnalité sur des
hypothèsessemblables,onvoitmalcommentdeux Etats pourraient tomber

d'accord surl'équitéd'une délimitationbilatéralte ant quetoutes lesautres
délimitations n'auraient pas étémenées à bien dans la mêmerégion.
131. La Cour constate que la longueur de la côte libyenne entre Ras
Tadjoura et Ras Ajdir, mesuréele long du rivage sans tenir compte des
petites échancrures, criques et lagunes, est d'environ 185kilomètres ;la
longueur de la côte tunisienne entre Ras Ajdir et Ras Kapoudia, mesurée
selonla mêmeméthodeet en traitant Djerba comme une presqu'île, estde
420kilomètresenviron. Il en résulteque lerapport entre leslongueursdes
côteslibyenneet tunisiennepertinentes est approximativement de 31 à69.
La Cour constate aussi qu'il existeun rapport de 34 à66 environ entrela
façade maritime libyenne représentée par une ligne droite reliant Ras
Tadjoura à Ras Ajdir et la longueur totale des deux façades maritimes
tunisiennes représentéesrespectivement par une ligne droite reliant Ras
Kapoudia au point le plus occidental du golfe de Gabès et une seconde
ligne droite tracéeentre cepoint et Ras Ajdir. Pour ce qui est des surfaces
de fonds marins, elle note que, dans la régionconsidérée aux finsd'une
délimitation effectuée selonla méthode indiquée,les zones de plateau

relevant de l'un et de l'autre Etat au-delà de la laisse de basse mer sont
approximativement dans le rapport suivant :Libye, 40 ; Tunisie, 60. De
l'avisde la Cour, ce résultat, qui tient compte de toutes les circonstances
pertinentes, paraît satisfaire au critère de proportionnalité en tant qu'as-
pect de l'équité.92 CONTINENTAL SHELF (JUDGMENT)

132. Delimitation is the immediateconcern of the Court, in respect of
which the Special Agreement between the Parties requests it to lay down
theapplicableprinciplesand rules ofinternational law and themethod for

their application to the delimitationin the present case. Accordingly, this
Judgment has concerned itself with other questionsrelating to the general
legalrégimeof thecontinental shelf such as the Tunisian clAm to "historic
rights" and "fishing zones" only in so far as the Court has found it
necessary to do so for the purpose of that delimitation. In doing so, the
Court has recalled the historic evolution of the concept of continental
shelf, from its inception in the Truman Proclamation of 28 September
1945, through the Geneva Convention of 1958, through the North Sea
Continental Shelf cases and subsequent jurisprudence, up to the draft
convention of the Third Law of the Sea Conference,and its evolutionin
State practice, and the Court has endorsed and developed those general
principles and rules which have thus been established. Clearly each con-
tinental shelf case in dispute should be consideredand judged on its own
merits, having regard to its peculiar circumstances ;therefore, no attempt
should be madehere to overconceptualizethe application of theprinciples
and rules relating to the continental shelf.

133. For these reasons,
THECOURT,

by ten votes to four,

finds that :
A. The principles and rules of international law applicable for the
delimitation, tobe effected by agreementinimplementation of thepresent
Judgment, of the areas of continental shelfappertaining to theRepublic of
Tunisiaand the Socialist People'sLibyan Arab Jamahiriya respectively,in
the area of the Pelagian Block in dispute between them as defined in

paragraph B, subparagraph (l), below, are as follows :
(1) the delimitation is to be effected in accordance with equitable princi-
ples, and talung account of al1relevant circumstances ;
(2) the area relevant for the delirnitation constitutes a single continental
shelf as the natural prolongation of the land territory of both Parties,
so that in the present case, no criterion for delimitation of shelf areas
can be derived from the principle of natural prolongation as such ;

(3) in the particular geographical circumstances of the present case, the
physical structure of the continental shelf areas is not such as to de-
termine an equitable line of delimitation. 132. La délimitation est le souci immédiat de la Cour, le compromis
entre lesPartiesluiayant donnémission d'énoncerlesprincipes etrèglesde
droit international applicables ainsi que la méthode à suivre pour les
appliquer àla délimitationdans le cas d'espèce.La Cour n'a donc pris en
considérationd'autres questions relatives au régimejuridique généraldu
plateau continental, telles que la revendicationtunisiennede droits histo-
riques et de zones de pêche,que pour autant que celalui a paru utile aux
fins de cette délimitation. Ce faisant, la Cour a retracé l'évolutionhisto-
rique de la notion de plateau continental depuis son origine dans la

proclamation Truman du 28 septembre 1945jusqu'au projet de conven-
tion de la troisièmeconférence sur le droit de la mer, en passant par la
conventionde Genève de 1958et par les affaires du Plateau continental de
lamer du Nord et lajurisprudence ultérieure,ainsi que sonévolutiondans
la pratique des Etats, et elle a repris et développéles règleset principes
générauxqui ont été ainsi établis. 11est bien évident que chaque litige
relatif au plateau continental doit être examinéet résolu en lui-même en
fonction des circonstances qui lui sont propres ;il n'y a donc pas lieu
d'essayer d'élaborer toute une construction abstraite au sujet de l'appli-
cation des principes et règlesrelatifs au plateau continental.

133. Par ces motifs,

par dix voix contre quatre,

dit que :
A. Les principes et règlesdu droit international applicables à la déli-
mitation, quidevraêtreeffectuéepar accorden exécutionduprésent arrêt,
deszones de plateau continentalrelevant respectivement dela République
tunisienneet delaJamahiriyaarabelibyennepopulaireetsocialistedansla
régiondu bloc pélagien en litigeentre ces deux Etats, telle qu'elle est

définie au paragraphe B, sous-paragraphe 1, ci-après, sont les suivants :
1) la délimitation doit s'opérerconformément à des principes équitables
en tenant compte de toutes les circonstancespertinentes ;
2) la région àpendre en considérationauxfins de la délimitationconsiste
en un seul plateau continental, prolongement naturel du territoire
terrestre des deux Parties, de sorte qu'en l'espèceaucun critère de

délimitation des zones de plateau continental ne saurait être tiré du
principe du prolongement naturel en tant que tel ;
3) dans les circonstances géographiquesparticulièresde l'espèce,la struc-
ture physique des zones de plateau continental n'est pas de nature à
déterminer une ligne de délimitation équitable. B. The relevant circumstances referred to in paragraph A, subpara-
graph (1), above, to be taken into account in achieving an equitable
delimitation include the following :

(1) the fact that the area relevant to the delimitationin thepresent caseis
bounded by the Tunisian coast from Ras Ajdir to Ras Kaboudia and
the Libyancoastfrom Ras Ajdir toRas Tajoura and by theparallel of
latitude passing through Ras Kaboudia and the meridian passing
through Ras Tajoura, the rights of third States being reserved ;
(2) thegeneralconfiguration of the coasts of the Parties,and in particular
themarked change in direction of the Tunisian coastline between Ras
Ajdir and Ras Kaboudia ;
(3) the existence and position of the Kerkennah Islands ;
(4) theland frontier between theParties,and theirconductprior to 1974in
the grant of petroleum concessions, resulting in the employment of a
lineseawardsfrom RasAjdir at an angle of approximately 26" east of
the meridian, which linecorresponds to the line perpendicular to the

coast at the frontier point whichhad in the past been observed as a de
facto maritime lirnit ;
(5) the element of a reasonable degree ofproportionality, which a delimi-
tation carried out in accordance with equitable principles ought to
bring about between the extent of the continental shelf areas apper-
taining to the coastal State and the length of the relevant part of its
coast, measured in the general direction of the coastlines, account
being taken for thispurpose of the effects,actual or prospective, of any
other continental shelf delimitation between Statesin the sameregion.

C. The practical method for the application of the aforesaid principles
and rules ofinternational lawin theparticular situation of thepresent case
is the following :
(1) the taking into account of the relevant circumstances which charac-
terize the area defined in paragraph B, subparagraph (l), above,
including its extent, calls for it to be treated, for the purpose of its
delimitation between thePartiestothepresent case,asmade up of two

sectors, each requiring the application of a specific method of delimi-
tation in order to achieve an overall equitable solution ;
(2) in thefirst sector, namely in thesector closer to thecoast of the Parties,
the starting point for the line of delimitation is the point where the
outer limit of theterritorial seaof theParties isintersected by a straight
linedrawnfrom the land frontier point of Ras Ajdir through thepoint
33" 55'N, 12"E,whichlineruns at abearingof approximately 26"east
of north, corresponding to the angle followed by the north-western
boundary of Libyan petroleum concessions numbers NC 76, 137,
NC 41 and NC 53,which was aligned on the south-eastern boundary
of Tunisian petroleum concession "Permis complémentaire offshore
du GolfedeGabès" (21 October 1966) ;fromtheintersectionpoint so
determined, the line of delimitation between the two continental B. Les circonstances pertinentes viséesau paragraphe A, sous-para-
graphe 1,ci-dessus, dont il faut tenir compte pour aboutir à une délimi-
tation équitable, comprennent :

1) le fait que la régionà prendre en considération aux fins de la délimi-
tation en l'espèceest comprise entrela côte tunisienne de Ras Ajdir à
Ras Kapoudia, la côte libyenne de Ras Ajdir à Ras Tadjoura, le
parallèlede Ras Kapoudia etleméridiendeRasTadjoura, lesdroitsdes
Ëtats tiers étantréiervés ;
2) la configuration généraledes côtesdes Parties, et en particulier le net

changement de direction de la côte tunisienne entre Ras Ajdir et Ras
Kapoudia ;
3) l'existence et la position des îles Kerkennah ;
4) lafrontièreterrestre entre lesPartieset l'attitude adoptéepar ellesavant
1974en matière d'octroi de concessions et permis pétroliers, qui s'est
traduite par l'utilisationd'une lignepartant deRas Ajdir et sedirigeant
vers le large selon un angle d'approximativement 26" a I'est du méri-
dien, laquelle ligne correspond à la ligne perpendiculaire à la côte au
oint frontièreobservéedans le~assécomme limitemaritime de facto;
5) lerapport raisonnable qu'une délimitationopéréeconformémen t des
principes équitables devrait faire apparaître entre l'étendue deszones

de plateau continental relevant de 1'Etatriverain et la longueur de la
partie pertinente de son littoral mesuréesuivant la direction générale
decelui-ci,comptetenu àcette findeseffetsactuelsouéventuels detoute
autre délimitation de plateau continental effectuée entre Etats de la
mêmerégion ;
C. La méthodepratique pour appliquer les principes et règlesdu droit

international susmentionnés dans la situation précisede l'espèce estla
suivante :
1) la prise en considération des circonstances pertinentes propres à la
régiondéfinieauparagraphe B,sous-paragraphe 1,ci-dessus,ycompris
l'étendue deladiterégion,conduit à traiter celle-ciauxfins de la délimi-

tation entre les Parties en l'espèce commeétantcomposéede deux sec-
teursappelant chacunl'application d'une méthode de délimitationpar-
ticulière,de manière à parvenir à une solution d'ensemble équitable ;
2) dans le premier secteur, leplusproche descôtesdesParties,lepoint de
départ de la ligne de délimitation est l'intersection de la limite exté-
rieure de la mer territoriale des Parties et d'une ligne droite tirée du
pointfrontière de Ras Ajdir etpassant par lepoint 33" 55'N 12"E, à un
angle de 26" environ à I'estdu méridien,correspondant àl'angle de la
limitenord-ouestdes concessions pétrolièreslibyennes nosNC 76,137,
NC 41 et NC 53, laquelle est alignéesur la limite sud-est du permis

tunisien dit (<Permis complémentaire offshore du golfe de Gabès ))
(21 octobre 1966) ; àpartir du point d'intersection ainsi déterminé,la
ligne de délimitationentre les deux plateaux continentaux se dirigera
vers le nord-est selon le mêmeangleen passant par lepoint 33' 55'N shelvesis to run north-east throughthepoint 33 55'N, 12' E, thus on
thatsamebearing, to thepoint of intersection with theparallelpassing
through themost westerlypoint of the Tunisian coastline between Ras

Kaboudiaand Ras Ajdir, that is to say,the most westerlypoint on the
shoreline (low-water mark) of the Gulf of Gabes ;
(3) in the second sector, namely in the area which extends seawards
beyond theparallel of the mostwesterlypoint of the Gulf of Gabes,the
line of delimitation of the two continental shelvesis to veer to the east
in such a way as to take account of the Kerkennah Islands ;that is to
say, the delimitation line is to run parallel to a line drawn from the
most westerlypoint ofthe Gulf of Gabes bisecting the angleformed by
a line from that point to RASKaboudia and a line drawn from that
same point along the seaward Coast of the Kerkennah Islands, the
bearing of the delimitation line parallel to such bisector being 52" to

the meridian ; the extension of this line northeastwards is a matter
falling outside the jurisdiction of the Court in the present case, as it
will depend on the delimitation to be agreed with third States.

IN FAVOUR :Acting PresidentElias;Judges Lachs, Morozov, Nagendra Singh,
Mosler, Ago, Sette-Camara, El-Khani, Schwebeland Judge ad hoc Jiménez
de Aréchaga ;
AGAINST :Judges Forster, Gros, Oda and Judge ad hoc Evensen.

Done inEnglishandinFrench, theEnglishtextbeingauthoritative, at the
PeacePalace,TheHague, this twenty-fourth dayofFebruary,onethousand
nine hundred and eighty-two,in three copies,one ofwhichwillbe placed in
the archives of the Court and theothers transmitted to the Government of
the Republic of Tunisia and to the Government of the Socialist People's
Libyan Arab Jamahiriya, respectively.

(Signed) T. O. ELIAS,

Acting President.
(Signed) Santiago TORRES BERNARDEZ,

Registrar.

Judges AGOand SCHWEBEa Lnd Judge ad hocJIMÉNEZ DE ARÉCHAGA
append separate opinions to the Judgment of the Court.

Judges GROSand ODAand Judge ad hoc EVENSEN append dissenting
opinions to the Judgment of the Court.

(Initialled)T.O.E.
(Initialled) S.T.B. 12" E, jusqu'à ce qu'elle rencontre le parallèle du point le plus occi-
dental de lacôte tunisienne entreRas Kapoudia et Ras Ajdir, à savoirle
point le plus occidental de la ligne de rivage (laisse de basse mer) du
golfe de Gabès ;

3) dans le deuxième secteur, s'étendant versle large au-delà du parallèle
passant par le point le plus occidental du golfe de Gabès, la ligne de
délimitation entre les deux zones de plateau continental s'infléchira
versl'estdemanière à tenir comptedes îlesKerkennah ;c'est-à-direque
laligne de délimitation seraparallèleàune lignetracée à partir du point
le plus occidental du golfe de Gabès et constituant la bissectrice de
l'angleformépar unelignereliant cepoint à Ras Kapoudia etuneautre
lignepartant du mêmepoint et longeant la côtedesKerkennah du côté
du large, de sorte que la ligne de délimitation parallèleladite bissec-
trice formera un angle de 52" avec le méridien ;la longueur de la ligne

de délimitationvers le nord-est est une question qui n'entre pasdans la
compétencede la Cour en l'espèce,étant donnéqu'elle dépendra de
délimitations à convenir avec des Etats tiers.

POUR : M. Elias,Président en exercice;MM. Lachs, Morozov,Nagendra
Singh, Mosler,Ago,Sette-Camara,El-Khani,Schwebel ,uges,et M.Jimé-
nezde Aréchaga, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Forster, Gros, Oda, juges,et M. Evensen,juge ad hoc.

Fait en anglais et en français,letexte anglais faisant foi, au palais de la
Paix,à La Haye, levingt-quatre févriermil neuf cent quatre-vingt-deux, en
trois exemplaires, dont l'un restera déposé aux archivesdelaCour et dont

les autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la Répu-
blique tunisienne et au Gouvernement de la Jamahiriya arabe libyenne
populaire et socialiste.

Le Présidenten exercice,
(Signé)T. O. ELIAS.

Le Greffier,
(Signé)Santiago TORRES BERNARDEZ.

MM. AGOet SCHWEBEL ju,ges, et M. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA ju,ge ad
hoc, joignent à l'arrêtles exposésde leur opinion individuelle.

MM. GROSet ODA,juges, et M. EVENSEN ju,ge adhoc,joignent à l'arrêt
les exposésde leur opinion dissidente.

(Paraphé) T.O.E.
(Paraphé)S.T.B.

Document file FR
Document Long Title

Arrêt du 24 février 1982

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