Requête introductive d'instance et demande en indication de mesures conservatoires

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194-20240411-APP-01-00-EN
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Incidental Proceedings
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
APPLICATION DE LA CONVENTION DE VIENNE SUR LES RELATIONS DIPLOMATIQUES
(MEXIQUE c. ÉQUATEUR)
REQUÊTE INTRODUCTIVE D’INSTANCE
assortie d’une
DEMANDE EN INDICATION DE MESURES CONSERVATOIRES
enregistrée au Greffe de la Cour
le 11 avril 2024
[Traduction du Greffe]
Lettre en date du 11 avril 2024 adressée au greffier de la Cour internationale de Justice par la ministre des affaires étrangères des États-Unis du Mexique
Le Mexique a introduit ce jour une instance devant la Cour en déposant une requête assortie d’une demande en indication de mesures conservatoires. La présente affaire a trait à des questions juridiques relatives au règlement des différends internationaux par des moyens pacifiques et des relations diplomatiques, et à l’inviolabilité d’une mission diplomatique et de ses membres.
Par la présente, le Mexique désigne comme agents aux fins de cette affaire M. Alejandro Celorio Alcántara, conseiller juridique auprès du ministère des affaires étrangères, Mme Carmen Moreno Toscano, ambassadrice du Mexique auprès du Royaume des Pays-Bas, M. Miguel Angel Reyes Moncayo, conseiller juridique adjoint auprès du ministère des affaires étrangères, et Mme Natalia Jiménez Alegría, conseillère juridique à la mission permanente du Mexique auprès de l’Organisation des Nations Unies.
Le Mexique désigne en outre comme avocats-conseils les membres suivants du personnel du bureau du conseiller juridique du ministère des affaires étrangères : M. Alfredo Uriel Pérez Manriquez, directeur du service des organisations et tribunaux internationaux ; Mme Gabriela Moreno Hidalgo, directrice du service des traités des pays du Sud ; Mme Fadia Ibrahim Nader, directrice du service du règlement des différends concernant les privilèges et immunités ; M. Max Orlando Benítez Rubio, directeur du service de la défense du territoire et de la souveraineté ; M. Rubén Darío Álvarez Ángeles, directeur adjoint du service des organisations et tribunaux internationaux ; M. Eduardo Fragoso Jacobo, avocat, et M. Leonardo David Lima Valdés, avocat. Il désigne également comme avocats-conseils les membres suivants du personnel des ambassades du Mexique auprès du Royaume des Pays-Bas, de la République tchèque et de la République d’Autriche : M. Alfonso Ascencio Herrera, chef de mission adjoint ; Mme Alicia Patricia Pérez Galeana, chargée des affaires juridiques multilatérales ; Mme Fabiola Jiménez Morán Sotomayor, M. Salvador Tinajero Esquivel et Mme Liliana Oliva Bernal, conseillers juridiques pour les questions internationales.
Conformément au paragraphe 1 de l’article 40 du Règlement de la Cour, toutes les communications relatives à la présente espèce sont à adresser à l’ambassade des États-Unis du Mexique au Royaume des Pays-Bas, Nassauplein 28, La Haye, 2585 EC, Pays-Bas.
Je saisis cette occasion pour vous prier d’agréer l’expression de ma très haute estime.
La ministre des affaires étrangères,
(Signé)Alicia Isabel Adriana BÁRCENA IBARRA.
___________
TABLE DES MATIÈRES
Page
I. LES FAITS ........................................................................................................................................ 1
II. FONDEMENTS DE LA REQUÊTE ....................................................................................................... 4
III. COMPÉTENCE DE LA COUR ........................................................................................................... 5
a) Il existe un différend entre le Mexique et l’Équateur en la présente espèce ............................ 7
b) Le différend ne peut être résolu au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires .......................................................................................................... 8
IV. DÉCISION DEMANDÉE ................................................................................................................... 9
V. RÉSERVE DE DROITS .................................................................................................................... 10
VI. MESURES CONSERVATOIRES ...................................................................................................... 10
a) Des circonstances décisives nécessitent l’indication de mesures conservatoires .................. 10
b) Les droits dont le Mexique sollicite la protection et l’urgence de la demande ...................... 11
c) Les mesures demandées ......................................................................................................... 12
VII. DÉSIGNATION D’UN AGENT ....................................................................................................... 12
Les États-Unis du Mexique ont l’honneur de soumettre à la Cour internationale de Justice, conformément aux paragraphes 1 et 2 de l’article 36 de son Statut et à l’article 38 de son Règlement, un différend l’opposant à la République de l’Équateur. Le différend qui oppose les États-Unis du Mexique (ci-après « le Mexique ») et la République de l’Équateur (ci-après « l’Équateur »), ci-après dénommés conjointement « les Parties », a trait à des questions juridiques relatives au règlement des différends internationaux par des moyens pacifiques et des relations diplomatiques, et à l’inviolabilité d’une mission diplomatique.
I. LES FAITS
1. Le 5 avril 2024, vers 22 heures, le Gouvernement de l’Équateur a déployé des agents autour des locaux de l’ambassade du Mexique. Une quinzaine d’agents des forces spéciales et deux véhicules ont fait irruption dans ces locaux par la force et sans autorisation. Le chef de mission adjoint, M. Roberto Canseco Martínez, a essayé d’arrêter les agents équatoriens lorsqu’il les a vus à l’intérieur de l’ambassade. Alors qu’il tentait de contenir leur assaut, M. Canseco a été violemment malmené dans la bibliothèque de l’ambassade. Les agents se sont ensuite emparés de M. Jorge David Glas Espinel (M. Glas), ancien vice-président de la République de l’Équateur, l’ont fait monter dans un des véhicules et ont quitté les lieux.
2. Cet assaut ne constitue pas un événement isolé. Il fait suite à une série d’actes continuels d’intimidation et de harcèlement décrits ci-dessous.
3. Le 17 décembre 2023, M. Glas s’est présenté à l’ambassade du Mexique en Équateur pour solliciter une protection, parce qu’il craignait qu’il soit porté atteinte à l’intégrité de sa personne. Après avoir exposé sa demande, M. Glas est resté dans les locaux de l’ambassade afin que le Mexique veille à sa sécurité et à son intégrité personnelles, conformément au cadre juridique mexicain relatif à la protection internationale des personnes. Sa demande d’asile a été officiellement déposée le 20 décembre puis renouvelée le 26 décembre 2023 et le 3 janvier 2024. Il convient de noter que, depuis le 17 décembre 2023, une présence policière permanente est déployée aux abords de l’ambassade du Mexique.
4. Le 16 janvier 2024, la ministre des affaires étrangères du Mexique, Mme Alicia Bárcena Ibarra, s’est entretenue avec son homologue équatorienne, Mme Gabriela Sommerfeld, de la situation de M. Glas et de sa demande d’asile. Le 8 février, à une réunion de suivi, Mme Sommerfeld a discuté de cette question avec la sous-secrétaire mexicaine chargée de l’Amérique latine, Mme Laura Elena Carrillo. Ces entretiens témoignent de la volonté manifestée par le Mexique de négocier, par des voies diplomatiques, le règlement de tout désaccord éventuel entre les deux États.
5. La demande d’asile de M. Glas a été évaluée par l’ambassade du Mexique et d’autres autorités mexicaines conformément aux normes internationales et à la procédure établie dans le cadre juridique mexicain relatif aux réfugiés, à la protection complémentaire et à l’asile politique. Le règlement pertinent dispose, dans l’esprit de la convention de 1954 sur l’asile diplomatique, que les autorités mexicaines doivent prendre toutes les mesures à leur disposition pour offrir une protection au demandeur, avant même qu’une décision soit prise concernant l’octroi de l’asile.
6. L’ambassade du Mexique et d’autres autorités mexicaines ont dû procéder à l’évaluation de la demande de protection de M. Glas en tenant compte des informations communiquées par celui-ci et par les autorités équatoriennes. Il va de soi qu’une décision de cette nature ne peut être prise immédiatement et qu’en attendant, il fallait offrir une protection physique au demandeur. L’Équateur
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lui-même, dans un cas emblématique qui s’est produit en 2012, a mis près de deux mois à accorder l’asile à M. Julian Assange.
7. Le 17 février 2024, le ministère des affaires étrangères de l’Équateur, dans une note diplomatique adressée au Gouvernement mexicain, a demandé si M. Glas était toujours présent dans les locaux de l’ambassade mexicaine. Le 29 février, dans une nouvelle note diplomatique, il a demandé à la mission diplomatique du Mexique de consentir à laisser entrer les forces de l’ordre équatoriennes dans les locaux de son ambassade pour exécuter un mandat d’arrêt visant M. Glas. Seule la cheffe de mission était habilitée à donner ce consentement.
8. Le 4 mars 2024, le ministère des affaires étrangères du Mexique a répondu qu’il ne serait pas consenti à l’entrée des forces de l’ordre dans les locaux de l’ambassade. Il a été rappelé au ministère des affaires étrangères de l’Équateur que, conformément à l’article 22 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, les locaux de la mission étaient inviolables, et il lui a été demandé de prendre toutes les mesures voulues pour protéger l’intégrité et l’inviolabilité des locaux diplomatiques du Mexique en Équateur et empêcher toute autorité, toute personne ou tout média de faire obstacle à l’exercice des fonctions et aux activités de l’ambassade et de son personnel.
9. Après ces communications, en l’espace de deux jours (les 4 et 5 avril), la situation a nettement dégénéré, l’Équateur ayant pris des mesures de coercition unilatérales qui montraient qu’il ne souhaitait guère, voire pas du tout, poursuivre la recherche d’une solution pacifique par la négociation.
10. En témoigne clairement le fait que, le 4 avril 2024, le ministère des affaires étrangères de l’Équateur a déclaré persona non grata Mme l’ambassadrice Raquel Serur Smerke, cheffe de mission de l’ambassade du Mexique. En conséquence, le 5 avril, le ministère des affaires étrangères du Mexique a donné à Mme Serur l’instruction de regagner le sol mexicain afin de préserver sa sécurité et son intégrité personnelles.
11. Dès lors, la présence des forces de l’ordre équatoriennes autour de l’ambassade mexicaine a été renforcée (annexe 1), et la surveillance et le harcèlement des membres de la mission se sont par conséquent intensifiés. Le 4 avril, le chef de mission adjoint a quitté les locaux diplomatiques à bord de son véhicule et a remarqué qu’un véhicule suspect le suivait. Pour échapper à ses occupants, il a effectué plusieurs manoeuvres stratégiques, sans succès cependant. Finalement, il est sorti de son véhicule pour faire face à ses poursuivants, ce qui a provoqué leur fuite rapide. Le même jour, M. Canseco a remarqué qu’un véhicule militaire tactique était stationné devant l’ambassade du Mexique. Lorsqu’il a fait part de son inquiétude et montré une photo du véhicule à des membres du personnel de l’ambassade, ceux-ci lui ont dit qu’il s’agissait d’un véhicule utilisé pour intercepter les communications par téléphonie mobile.
12. Les incidents susmentionnés illustrent clairement le caractère répété du harcèlement de membres de l’ambassade mexicaine par des agents de l’État équatoriens. Enfin, un autre de ces faits s’est produit le soir du 5 avril 2024. Après sa journée de travail, Mme Eva Martha Balbuena Reyes, cheffe de l’administration de l’ambassade, a été suivie par des policiers alors qu’elle conduisait son véhicule, si bien qu’elle a regagné les locaux diplomatiques parce qu’elle craignait pour sa sécurité personnelle.
13. Cet incident faisait suite à la publication par le Mexique d’un communiqué de presse annonçant que le gouvernement national, au terme d’une analyse minutieuse de toutes les
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informations dont il disposait, avait accordé l’asile à M. Glas. Parallèlement, et compte tenu de la présence extraordinaire d’agents des forces de l’ordre autour de sa mission diplomatique, le Mexique a prié instamment l’Équateur de respecter sa souveraineté, de ne pas attenter au droit d’asile, de garantir l’inviolabilité des locaux diplomatiques et de mettre fin à sa politique de harcèlement visant le bâtiment et le personnel diplomatiques. Peu de temps après, l’Équateur a publié un communiqué de presse indiquant qu’il ne délivrerait pas de sauf-conduit au nom de M. Glas.
14. Plus tard le même jour, vers 22 heures, le Gouvernement équatorien a mené l’opération spéciale décrite au paragraphe 1 (annexe 2). En déployant 15 agents des forces spéciales et deux véhicules, l’Équateur a eu recours à des moyens de coercition et a bafoué les droits du Mexique, à savoir principalement l’inviolabilité des locaux et l’obligation de prendre toutes les mesures voulues pour empêcher toute atteinte à la personne, à la liberté et à la dignité de tous les agents diplomatiques.
15. S’agissant de ces incidents, le Mexique souligne que M. Canseco a été soumis à divers traitements dégradants (annexe 3) par le personnel des forces spéciales équatoriennes. M. Canseco a tenté d’expliquer aux agents équatoriens quelle était la situation et la violation de l’ambassade du Mexique que ces actes constitueraient, mais il a été malmené à plusieurs reprises et a même été mis en joue. Cela lui a occasionné des blessures aux bras, aux jambes, au visage, au dos et au cou et lui a porté un préjudice psychologique.
16. Le chef de mission adjoint a couru après les véhicules pour tenter d’empêcher les forces de l’ordre d’emmener M. Glas, mais il a une nouvelle fois été maîtrisé par des agents et mis à genoux, face au sol, au mépris de sa dignité (annexes 3 et 4). Cette atteinte flagrante à l’inviolabilité diplomatique a non seulement causé des blessures physiques au diplomate mexicain, mais lui a aussi infligé un préjudice psychologique et a clairement bafoué sa dignité.
17. Il convient de noter que, pendant l’opération, M. Canseco et Mme Balbuena ont remarqué : a) que leurs téléphones portables ne se connectaient plus au réseau, probablement à cause de l’interférence du véhicule militaire tactique susmentionné (annexe 5), et b) que la ligne de téléphone fixe du garde de sécurité de l’ambassade était coupée, parce que les agents équatoriens avaient arraché les câbles de téléphonie.
18. Le traité américain de règlement pacifique, auquel l’Équateur et le Mexique sont tous deux parties, oblige les États à recourir, en toutes circonstances, à des moyens pacifiques pour régler leurs différends. Or, l’opération des forces de l’ordre qui s’est conclue par l’enlèvement de M. Glas, la violation flagrante des locaux diplomatiques et les préjudices physiques et psychologiques causés aux membres de l’ambassade mexicaine a été exécutée sans que ne soit prise aucune des mesures dont l’Équateur disposait pour régler pacifiquement un quelconque différend.
19. Comme il ressort sans conteste des faits de l’espèce, l’Équateur n’a à aucun moment pris les mesures voulues pour régler par des moyens pacifiques ce qu’il considérait être un différend juridique, que ce soit en saisissant les mécanismes institués par la Charte des Nations Unies ou en se prévalant de l’un quelconque des instruments internationaux dont il aurait pu alléguer la violation. Le traité américain de règlement pacifique, la Charte des Nations Unies et la charte de l’Organisation des États américains consacrent clairement l’obligation de recourir à des mécanismes pacifiques, ce que l’Équateur n’a pas fait, comme nous l’exposerons plus en détail dans la présente requête.
20. Pour ces raisons, et compte tenu de la gravité des actes qui avaient visé les locaux diplomatiques, le personnel et les fonctions de l’ambassade du Mexique, celui-ci a notifié à
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l’Équateur, par note verbale datée du 6 avril 2024, la rupture des relations diplomatiques et consulaires entre les deux États.
21. Plus tard le même jour, au cours d’une conférence de presse (annexe 6), la ministre des affaires étrangères de l’Équateur a déclaré que le président équatorien avait ordonné l’exécution du mandat visant M. Glas en réponse au non-respect supposé du droit international par le Mexique.
22. En dépit des violations persistantes du droit international par les autorités équatoriennes, le Mexique continue de fournir à l’Équateur les garanties et assurances juridiques applicables à ses diplomates, locaux, biens et archives, conformément aux obligations découlant des articles 44 et 45 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques.
II. FONDEMENTS DE LA REQUÊTE
23. Le Mexique affirme que, en interceptant et en écoutant des communications privées de l’ambassade du Mexique et de son personnel, en déployant des policiers, des forces spéciales et du personnel militaire à l’extérieur de l’ambassade, en harcelant constamment les membres de la mission diplomatique et en perturbant continuellement leurs activités, en permettant à ses forces spéciales, dans la nuit du vendredi 5 avril 2024, d’user de la force pour faire violemment irruption dans l’ambassade, et notamment de brutaliser le chef de mission adjoint et de harceler un des membres du personnel diplomatique, et en enlevant l’ancien vice-président Jorge David Glas Espinel, qui se trouvait dans l’ambassade où l’asile lui avait été accordé, l’Équateur a violé les droits que le Mexique tient du droit international coutumier et du droit international conventionnel, ainsi que des principes fondamentaux sur lesquels repose l’ordre juridique international. Les principaux moyens sur lesquels repose la requête du Mexique sont les suivants :
a) les violations persistantes des principes énoncés dans la Charte des Nations Unies ;
b) le manquement à l’obligation de régler les différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger ;
c) le non-respect de l’inviolabilité des locaux et du personnel diplomatiques du Mexique ;
d) le manquement au devoir d’assurer l’accomplissement efficace des fonctions de la mission diplomatique du Mexique ;
e) le manquement au devoir de prendre toutes mesures appropriées afin d’empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis, la paix de la mission troublée ou sa dignité amoindrie, ainsi que de prévenir toute atteinte à la liberté et la dignité de son personnel ; et
f) le manquement à l’obligation de permettre et de protéger la libre communication de la mission pour toutes fins officielles.
24. Les actes commis par l’Équateur relativement à l’inviolabilité des locaux de l’ambassade du Mexique et à l’inviolabilité, la sécurité et la dignité du personnel diplomatique, ainsi que sa décision de ne pas avoir recours à la voie diplomatique et aux mécanismes pacifiques disponibles, et de se livrer à une démonstration de force illicite, entre autres, emportent violation de règles du droit international conventionnel et du droit international coutumier et de principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.
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25. L’article 4 de la Charte des Nations Unies dispose clairement que peuvent devenir Membres de l’Organisation des Nations Unies les États qui acceptent les obligations de la Charte, sont capables de les remplir et disposés à le faire. Naturellement, il convient d’accorder une importance particulière aux principes consacrés par l’article 2 de la Charte, lequel prévoit notamment que les Membres « règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger ».
26. Or, il ressort des faits de l’espèce que l’Équateur a ouvertement contrevenu non seulement aux obligations qui lui incombent à l’égard du Mexique en vertu de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, du pacte de Bogotá et de la Charte de l’Organisation des États américains, mais aussi à celles que lui impose la Charte des Nations Unies à l’égard de l’ensemble des Membres de l’Organisation des Nations Unies.
27. Le Mexique considère que les violations du droit international commises par l’Équateur, à raison desquelles il sollicite une décision de la Cour, constituent de graves atteintes à l’ordre juridique international, plus particulièrement aux principes sur lesquels repose le système des Nations Unies.
28. De l’avis du Mexique, les violations commises par l’Équateur en la présente instance créeraient un dangereux précédent en ce qui concerne le respect des obligations les plus élémentaires des États dans la conduite de leurs relations diplomatiques, et de l’un des principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.
29. Comme le dispose l’article 6 de la Charte, un Membre de l’Organisation des Nations Unies qui enfreint de manière persistante les principes énoncés dans cet instrument peut être exclu de l’Organisation. La Cour, dans la mesure où elle a compétence pour statuer sur les différends juridiques dont elle est saisie, peut décider que les atteintes portées par l’Équateur aux principes des Nations Unies, ainsi que les autres violations de normes conventionnelles et de normes coutumières exposées dans la présente requête, ont des incidences quant à l’appartenance de cet État à l’Organisation, et peuvent conduire à son exclusion en application de l’article 6.
30. En outre, il importe de souligner que, ainsi qu’il sera expliqué plus en détail au cours de la procédure, aucun acte d’autorité ne peut être accompli dans l’enceinte de l’ambassade sans le consentement du chef de mission. En l’absence de ce consentement, l’inviolabilité des locaux diplomatiques ne peut souffrir aucune exception. L’un des principaux piliers du système diplomatique international est la protection des biens et des personnes.
31. L’incursion des agents équatoriens constitue un chef supplémentaire de violation de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, en ce sens que les archives et les documents de la mission jouissent également de l’inviolabilité à tout moment et en quelque lieu qu’ils se trouvent. Compte tenu des faits qui se sont produits depuis l’intrusion dans les locaux de sa mission, le personnel diplomatique mexicain n’a pas été en mesure d’évaluer entièrement les dommages qui ont pu être causés à cette occasion.
III. COMPÉTENCE DE LA COUR
32. Aux termes de l’article II du traité américain de règlement pacifique (ci-après le « pacte de Bogotá » ou le « pacte ») du 30 avril 1948,
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« [l]es Hautes Parties Contractantes acceptent l’obligation de résoudre les différends internationaux à l’aide des procédures pacifiques régionales avant de recourir au Conseil de sécurité [de l’Organisation] des Nations Unies.
En conséquence, au cas où surgirait, entre deux ou plusieurs États signataires, un différend qui, de l’avis de l’une des parties, ne pourrait être résolu au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires, les parties s’engagent à employer les procédures établies dans ce Traité sous la forme et dans les conditions prévues aux articles suivants, ou les procédures spéciales qui, à leur avis, leur permettront d’arriver à une solution. »
33. La Cour a jugé que l’article II du pacte de Bogotá constituait « une condition préalable du recours aux procédures pacifiques du[dit] pacte »1.
34. Le pacte établit des procédures de différentes natures, dont la négociation, la conciliation et des procédures judiciaires, sans ordre de préférence. Son article III dispose que les parties peuvent recourir à celle qu’elles considèrent le plus appropriée à chaque cas.
35. En la présente espèce, le Mexique saisit la Cour internationale de Justice conformément aux articles II et III du pacte de Bogotá. La compétence de la Cour est fondée sur l’article XXXI dudit pacte, qui est ainsi libellé :
« Conformément au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, les Hautes Parties Contractantes en ce qui concerne tout autre État américain déclarent reconnaître comme obligatoire de plein droit, et sans convention spéciale tant que le présent Traité restera en vigueur, la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique surgissant entre elles et ayant pour objet :
a) L’interprétation d’un traité ;
b) Toute question de droit international ;
c) L’existence de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un engagement international ;
d) La nature ou l’étendue de la réparation qui découle de la rupture d’un engagement international. »
36. Le Mexique et l’Équateur sont tous deux parties au pacte de Bogotá, qu’ils ont ratifié respectivement le 23 novembre 1948 et le 3 mars 2008. Aucune réserve applicable formulée par l’une ou l’autre Partie n’est en vigueur à ce jour.
37. Les deux États sont parties de plein droit au Statut de la Cour en tant que Membres de l’Organisation des Nations Unies. S’agissant de la présente requête, les conditions relatives à la recevabilité énoncées dans le Statut et le Règlement de la Cour sont remplies.
1 Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 94, par. 62.
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38. Conformément aux dispositions susmentionnées, il faut déterminer a) qu’il existe un différend entre le Mexique et l’Équateur et b) que ce différend ne peut être résolu au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires.
a) Il existe un différend entre le Mexique et l’Équateur en la présente espèce
39. En l’affaire relative à des Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), la Cour a dit que, « [a]u titre de l’article XXXI du pacte de Bogotá, les États parties [étaie]nt convenus de reconnaître, conformément au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, sa juridiction obligatoire à l’égard de “tous les différends d’ordre juridique surgissant entre [eux]” », et que « [l]’existence d’un différend entre les parties [étai]t une condition à [s]a compétence ». Elle a également jugé que, « [a]ux fins de déterminer, dans une affaire donnée, si elle a[vait] compétence en vertu de cet instrument, [elle] d[eva]it … établir qu’il exist[ait] un différend entre les parties ».
40. À cet égard, la Cour considère qu’un différend est « un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts entre de[s parties] »2. En outre, « un différend existe lorsqu’il est démontré, sur la base des éléments de preuve, que le défendeur avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce que ses vues se heurtaient à l’“opposition manifeste” du demandeur »3.
41. En la présente instance, l’Équateur a publiquement reconnu que ses forces spéciales avaient pénétré de force dans l’ambassade du Mexique pour y enlever M. Glas en violation du droit international, justifiant cet acte par le manquement allégué du Mexique à ses obligations au regard du droit international4. À cet égard, en l’espèce, le Mexique maintient qu’un différend l’oppose à l’Équateur à raison des faits susmentionnés.
42. Un différend a surgi entre les deux États dès lors que le Mexique a refusé d’accorder le consentement que l’Équateur lui avait demandé pour pénétrer dans ses locaux. Les autorités équatoriennes ont ensuite accru leur présence autour de l’ambassade, jusqu’à s’y introduire par la force5. L’Équateur a déclaré qu’il s’agissait d’une conséquence du refus du Mexique. Or, selon celui-ci, d’autres moyens pacifiques étaient disponibles, auxquels l’Équateur n’a pas recouru.
43. De plus, à la suite de la violente incursion des forces gouvernementales équatoriennes, le Mexique a émis une protestation dans une note diplomatique (SRE/423/2024), affirmant que l’intrusion dans ses locaux diplomatiques, le harcèlement des membres de sa mission diplomatique
2 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), demandes reconventionnelles, ordonnance du 15 novembre 2017, C.I.J. Recueil 2017, p. 311, par. 7[1].
3 Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire (Îles Marshall c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (II), p. 850, par. 41.
4 Ministry of Foreign Affairs of Ecuador, “Ecuador Defiende su Soberanía y el Cumplimiento de las Leyes y la Justicia” (April 6, 2024), accessible à l’adresse suivante : https://www.cancilleria.gob.ec/2024/04/06/ecuador-defiende-su-soberania-y-el-cumplimiento-de-las-leyes-y-la-justicia/ ; et Cancillería de Ecuador, “Declaraciones de prensa de la Canciller Gabriela Sommerfeld” (April 6, 2024), accessible à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/ watch?v=WrYZtAT9kC4.
5 Ibid.
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et la perturbation de leurs activités, ainsi que les actes de violence commis sur la personne du chef de mission adjoint emportaient violation de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques.
44. Le 6 avril 2024, l’Équateur, par l’intermédiaire de son ministère des affaires étrangères, a justifié l’entrée de ses agents dans les locaux de l’ambassade par le refus allégué du Mexique de se conformer au droit international6.
45. À cet égard, il existe un différend concernant la licéité des actes des forces spéciales équatoriennes, lesquelles ont violemment fait irruption dans les locaux diplomatiques mexicains, ont harcelé le personnel diplomatique et perturbé ses activités, et commis des actes de violence et autres agressions sur la personne du chef de mission adjoint.
b) Le différend ne peut être résolu au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires
46. Il est difficile de savoir s’il est nécessaire que les deux parties conviennent que les discussions n’aboutiront pas à un règlement, ou s’il suffit que l’une d’elles soit de cet avis. Cette incertitude résulte du fait que le libellé des différentes versions linguistiques du pacte permet des interprétations divergentes7. À cet égard, la Cour doit « déterminer si les éléments de preuve démontrent qu’“aucune des deux Parties ne pouvait soutenir de manière plausible que le différend qui les opposait pouvait être résolu au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires” »8. De plus, les parties au pacte de Bogotá sont « censées donner la preuve concrète qu’elles considéraient de bonne foi que leur différend pouvait, ou non, être résolu au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires »9.
47. Selon la Cour, « il n’est satisfait à la condition préalable de tenir des négociations que lorsque celles-ci ont échoué, sont devenues inutiles ou ont abouti à une impasse »10. Cette exigence que le différend ne puisse pas être résolu par voie de négociation suppose qu’« il n[e soi]t pas raisonnablement permis d’espérer que de nouvelles négociations puissent aboutir à un règlement »11.
48. Après que le Mexique a refusé de consentir à ce qu’elles pénètrent dans ses locaux, les autorités équatoriennes ont lancé une opération consistant à prendre d’assaut l’ambassade du Mexique pour y enlever M. Glas, au lieu d’engager des négociations à ce sujet. L’Équateur a annoncé qu’il avait épuisé les voies diplomatiques s’agissant de ce différend.
6 Ministry of Foreign Affairs of Ecuador, “Ecuador Defiende su Soberanía y el Cumplimiento de las Leyes y la Justicia” (April 6, 2024), accessible à l’adresse suivante : https://www.cancilleria.gob.ec/2024/04/06/ecuador-defiende-su-soberania-y-el-cumplimiento-de-las-leyes-y-la-justicia/.
7 Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 94, par. 64.
8 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), demandes reconventionnelles, ordonnance du 15 novembre 2017, C.I.J. Recueil 2017, p. 312, par. 74.
9 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 37, par. 93.
10 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 44[6], par. 57.
11 Ibid.
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49. Ainsi, il est clair que les Parties considèrent qu’elles ne peuvent régler le différend au moyen de négociations directes, puisqu’elles ont des points de vue nettement opposés.
50. Pour les raisons exposées ci-dessus, le Mexique prie la Cour d’examiner la présente requête par laquelle il allègue que l’Équateur a commis des violations du droit international, étant donné qu’il existe, au regard du pacte de Bogotá, un différend qui ne peut être résolu au moyen de négociations directes suivant les voies diplomatiques ordinaires.
51. Enfin, le Mexique reconnaît que la Cour a le pouvoir de décider de sa propre compétence, ce qui l’autorise à adopter toute conclusion éventuellement nécessaire afin de garantir l’exercice de sa compétence au fond, de sorte que cet exercice ne soit pas vain12.
IV. DÉCISION DEMANDÉE
52. Pour les raisons mentionnées ci-dessus, le Mexique prie respectueusement la Cour :
a) en ce qui concerne l’obligation de régler les différends internationaux par des moyens pacifiques,
i) de dire et juger que, en recourant à l’emploi de la force pour faire irruption dans les locaux de l’ambassade du Mexique, l’Équateur a manqué à ses obligations découlant du droit international, notamment du paragraphe 3 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies, du paragraphe i) de l’article 3 de la charte de l’Organisation des États américains et de l’article 2 du pacte de Bogotá,
ii) de dire et juger que l’Équateur enfreint de manière persistante les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies ;
b) en ce qui concerne les locaux de l’ambassade du Mexique en Équateur et son personnel diplomatique,
i) de dire et juger que, en déployant des forces spéciales de la police et du personnel militaire à l’extérieur et à l’intérieur des locaux diplomatiques du Mexique en Équateur, en portant atteinte à l’intégrité et à la dignité du personnel diplomatique mexicain, en interceptant et en écoutant des communications privées de l’ambassade, et en pénétrant de force dans celle-ci, l’Équateur a manqué à ses obligations découlant du droit international, notamment des articles 22, 25, 27, paragraphe 1, et 29 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, et de la pratique ultérieure,
ii) de prescrire à l’Équateur de prendre toutes les mesures immédiates et nécessaires pour respecter et protéger les locaux de la mission, les biens qui s’y trouvent et les archives, conformément au paragraphe a) de l’article 45 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques,
iii) de prescrire à l’Équateur de réparer intégralement le préjudice subi par le Mexique ;
c) au vu de tous les manquements de l’Équateur à ses obligations internationales à l’égard du Mexique,
12 Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 4[63], par. 23.
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i) de dire et juger que l’Équateur est responsable du préjudice que les manquements à ses obligations internationales ont causé et causent encore au Mexique,
ii) de suspendre l’Équateur de sa qualité de Membre de l’Organisation des Nations Unies, jusqu’à ce qu’il présente des excuses publiques reconnaissant ses violations des normes et principes fondamentaux du droit international, afin de garantir la réparation du préjudice moral infligé aux États-Unis du Mexique et à ses ressortissants concernés,
iii) de dire et juger que, en cas de manquement à des principes énoncés dans la Charte des Nations Unies semblable à ceux dont l’Équateur s’est rendu coupable en la présente espèce, la Cour est l’organe judiciaire compétent pour déterminer la responsabilité d’un État, en vue d’engager la procédure d’exclusion prévue à l’article 6 de la Charte des Nations Unies, et
iv) de créer un précédent en déclarant qu’un État ou une nation qui agit comme l’Équateur l’a fait en l’espèce finira par être exclu de l’Organisation des Nations Unies, conformément à la procédure prévue à l’article 6 de la Charte des Nations Unies.
V. RÉSERVE DE DROITS
53. Le Mexique se réserve le droit de renouveler, de modifier ou de compléter la présente requête, ainsi que l’exposé des moyens.
VI. MESURES CONSERVATOIRES
54. La Cour est incontestablement habilitée à indiquer des mesures conservatoires tendant à maintenir le statu quo dans l’attente que le différend qui lui est soumis soit tranché. Le paragraphe 1 de l’article 41 de son Statut lui confère « le pouvoir d’indiquer, si elle estime que les circonstances l’exigent, quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises » en attendant l’arrêt définitif en l’affaire13. À cet égard, la Cour ne peut « exercer ce pouvoir que si elle est convaincue que les droits revendiqués par la partie demanderesse sont à tout le moins plausibles »14.
a) Des circonstances décisives nécessitent l’indication de mesures conservatoires
55. Le Mexique affirme que l’Équateur, par son comportement, a déjà porté atteinte à l’inviolabilité des locaux diplomatiques du Mexique et de ses agents, ce qui constitue un précédent et fait courir le risque qu’ils soient à nouveau gravement menacés. En conséquence, le Mexique a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec l’Équateur. Pris ensemble, ces faits montrent que l’ambassade du Mexique en Équateur, ainsi que les biens qui s’y trouvent et les archives, risque de se trouver sans protection ou de faire l’objet de nouvelles atteintes. En ce sens, il importe de garder présent à l’esprit que le paragraphe a) de l’article 45 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques dispose que, lorsque les relations diplomatiques sont rompues, l’État accréditaire est tenu, même en cas de conflit armé, de respecter et de protéger les locaux de la mission, ainsi que ses biens et ses archives.
56. En 1980, la Cour a dit que, « en cas de … rupture des relations diplomatiques, ces dispositions [les articles 44 et 45] obligent l’État accréditaire à respecter l’inviolabilité des membres
13 LaGrand (Allemagne c. États-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, [p. 501-502,] par. 10[0].
14 Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. États-Unis d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 3 octobre 2018, C.I.J. Recueil 2018 (II), [p. 638,] par. [53].
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d’une mission diplomatique aussi bien que celle de ses locaux, de ses biens et de ses archives »
15. Elle a ensuite décidé à l’unanimité que la République islamique d’Iran devait assurer à tous les membres du personnel diplomatique et consulaire des États-Unis les moyens nécessaires pour partir. De même, lorsque le Royaume-Uni a rompu ses relations avec la Libye en 1984, les locaux concernés ont été considérés comme inviolables après la rupture des relations diplomatiques.
57. En conséquence, étant donné que les relations diplomatiques entre le Mexique et l’Équateur ont pris fin, ce dernier a le devoir d’agir conformément aux articles 44 et 45 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Il est donc tenu, notamment, de protéger et de respecter les locaux des missions, ainsi que les biens qui s’y trouvent et les archives.
58. Il est plausible de considérer que les droits susmentionnés découlant de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques doivent être préservés par l’indication de mesures conservatoires, car ils sont maintenant en cause et pourraient être ultérieurement reconnus par la Cour16.
59. La Cour devrait donc agir conformément à l’article 41 de son Statut pour préserver les droits en cause afin que le Mexique ne soit pas privé de la possibilité de faire valoir ses droits en l’espèce, et prescrire des mesures pour empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé aux locaux diplomatiques du Mexique ainsi qu’aux biens qui s’y trouvent et aux archives.
b) Les droits dont le Mexique sollicite la protection et l’urgence de la demande
60. Le Mexique demande l’indication de mesures conservatoires pour protéger la jouissance des droits que lui reconnaissent les articles 44 et 45 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, en relation avec les articles 22, 24 et 30, notamment l’inviolabilité des locaux de sa mission diplomatique à Quito, des biens qui s’y trouvent et des archives, et de la résidence privée des agents diplomatiques, y compris en cas de rupture des relations diplomatiques.
61. Par l’introduction de la présente instance, le Mexique demande principalement à la Cour de prescrire à l’Équateur de s’acquitter de ses obligations, de dire que l’Équateur a failli à ses engagements internationaux, et d’ordonner une réparation appropriée du préjudice causé au Mexique. Ces demandes ont un caractère urgent compte tenu : i) du fait que le Mexique est le propriétaire légal du bâtiment dans lequel est établie l’ambassade ; ii) de la possibilité que le Gouvernement équatorien ait recours à des mesures juridiques internes pour pénétrer de nouveau par la force dans le bâtiment et probablement s’emparer de biens, de documents ou d’archives qui appartiennent au Gouvernement mexicain et peuvent être utilisés comme éléments de preuve dans la présente instance ; iii) de la nécessité de protéger la résidence du personnel diplomatique mexicain précédemment accrédité en Équateur et de veiller à ce qu’aucune violation de ces lieux ou atteinte aux biens qui s’y trouvent ne puisse se produire.
62. Le comportement dont a fait preuve la République de l’Équateur a causé un préjudice grave au Mexique ainsi qu’à sa mission et à son personnel diplomatiques en Équateur, et fait toujours peser une grave menace de nouvelle atteinte aux droits que le Mexique tient de la convention de Vienne
15 Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran (États-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, [p. 40,] par. 86.
16 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël), ordonnance du 26 janvier 2024, par. 35.
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sur les relations diplomatiques. Le caractère urgent des mesures demandées est donc pleinement confirmé par les actions récentes des forces de sécurité équatoriennes.
63. Étant donné que les requêtes en indication de mesures conservatoires ont priorité sur toutes les autres affaires et que la Cour a le pouvoir d’indiquer de telles mesures sans tenir d’audience dans les situations d’extrême urgence, le Mexique prie respectueusement la Cour d’exercer ce pouvoir compte tenu de l’extrême urgence de la présente instance17.
64. En particulier, le Mexique considère qu’il est satisfait au critère d’extrême urgence car il n’est pas inconcevable qu’il soit procédé à de nouvelles perquisitions, une autorité ayant la possibilité de le demander18.
65. Des mesures conservatoires sont donc clairement justifiées pour protéger l’intérêt primordial qu’attache le Mexique à l’inviolabilité et au respect des locaux diplomatiques, des biens qui s’y trouvent et des archives, y compris la résidence de son personnel diplomatique précédemment accrédité auprès de l’Équateur, et pour permettre à la Cour de prescrire les mesures demandées par le Mexique.
c) Les mesures demandées
66. Compte tenu des considérations mentionnées dans les paragraphes ci-dessus, au nom du Gouvernement mexicain, je prie respectueusement la Cour d’indiquer, dans l’attente de son arrêt définitif en l’affaire, les mesures conservatoires suivantes :
a) Que le Gouvernement de l’Équateur prenne des mesures appropriées et immédiates pour assurer la protection et la sécurité pleines et entières des locaux diplomatiques, des biens qui s’y trouvent et des archives, en les protégeant de toute forme d’intrusion.
b) Que le Gouvernement de l’Équateur autorise le Gouvernement mexicain à vider les locaux diplomatiques et la résidence privée des agents diplomatiques.
c) Que le Gouvernement de l’Équateur veille à ce qu’il ne soit pris aucune mesure qui puisse porter atteinte aux droits du Mexique en ce qui concerne toute décision que la Cour pourrait prendre au fond.
d) Que le Gouvernement de l’Équateur s’abstienne de tout acte ou comportement qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie.
VII. DÉSIGNATION D’UN AGENT
67. Les États-Unis du Mexique désignent comme agents aux fins de la présente instance M. Alejandro Celorio Alcántara, conseiller juridique auprès du ministère des affaires étrangères du Mexique, Mme Carmen Moreno Toscano, ambassadrice du Mexique auprès du Royaume des Pays-Bas, M. Miguel Angel Reyes Moncayo, conseiller juridique adjoint auprès du ministère des
17 LaGrand (Allemagne c. États-Unis d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), [p. 14,] par. 21.
18 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), mesures conservatoires, ordonnance du 7 décembre 2016, C.I.J. Recueil 2016 (II), [p. 1169,] par. 89-90.
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affaires étrangères du Mexique, et Mme Natalia Jiménez Alegría, conseillère juridique à la mission permanente du Mexique auprès de l’Organisation des Nations Unies.
68. Conformément au paragraphe 1 de l’article 40 du Règlement de la Cour, toutes les communications relatives à la présente espèce sont à adresser à l’ambassade des États-Unis du Mexique au Royaume des Pays-Bas, Nassauplein 28, La Haye, 2585 EC, Pays-Bas.
Je prie la Cour d’agréer l’expression de ma très haute estime et considération.
La soussignée, en application du paragraphe 3 de l’article 38 du Règlement de la Cour.
La Haye (Pays-Bas), le 11 avril 2024.
L’agente
du Gouvernement des États-Unis du Mexique,
(Signé) Carmen MORENO TOSCANO.
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ATTESTATION
Je soussignée, agente des États-Unis du Mexique, certifie que les documents figurant dans la liste ci-dessous et joints en annexe de la requête introductive d’instance et de la demande en indication de mesures conservatoires sont des copies exactes et conformes des documents originaux ou d’extraits de ceux-ci.
L’agente
du Gouvernement des États-Unis du Mexique,
(Signé) Carmen MORENO TOSCANO.
La Haye, le 11 avril 2024.
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LISTE DES ANNEXES
Pour la liste des annexes, veuillez consulter la pièce originale.

Document file FR
Document Long Title

Requête introductive d'instance et demande en indication de mesures conservatoires

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