Observations écrites de la Guinée équatoriale sur les exceptions préliminaires soulevées par la France

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163-20170731-WRI-01-00-EN
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Incidental Proceedings
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
IMMUNITÉS ET PROCÉDURES PÉNALES
(GUINÉE ÉQUATORIALE c. FRANCE)
OBSERVATIONS DE LA RÉPUBLIQUE DE GUINÉE ÉQUATORIALE
SUR LES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES SOULEVÉES
PAR LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
31 JUILLET 2017
PAZ

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
IMMUNITÉS ET PROCÉDURES PÉNALES
(GUINÉE ÉQUATORIALE c. FRANCE)
OBSERVATIONS DE LA RÉPUBLIQUE DE GUINÉE ÉQUATORIALE
SUR LES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES SOULEVÉES
PAR LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
31 JUILLET 2017
PAZ

i
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION ................................................................................................................... 1
I. Rappel de la procédure .................................................................................................... 1
II. Résumé des arguments de la Guinée équatoriale ............................................................. 2
A. La Cour a compétence en vertu de la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée et du Protocole de signature facultative à la
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques .......................................... 2
B. Les exceptions préliminaires de la France doivent être rejetées ............................ 4
III. Structure de ces Observations .......................................................................................... 6
CHAPITRE 1
OBSERVATIONS GÉNÉRALES ......................................................................................... 9
I. Les faits récents relatifs à l’affaire ................................................................................... 9
A. Développements des procédures pénales ............................................................... 9
B. Échanges diplomatiques ....................................................................................... 15
C. Faits relatifs à l’immeuble sis au 42 avenue Foch ................................................ 18
II. L’objet du différend ....................................................................................................... 21
III. Le prétendu « caractère abusif » de la Requête de la Guinée équatoriale ..................... 29
A. La Guinée équatoriale n’a commis aucun abus de procédure .............................. 30
B. La Guinée équatoriale n’a commis aucun abus de droit ...................................... 33
IV. La France invoque des questions relevant du fond pour conclure à l’incompétence
de la Cour ....................................................................................................................... 35
CHAPITRE 2
LA COMPÉTENCE DE LA COUR SUR LA BASE DE LA CONVENTION
DES NATIONS UNIES CONTRE LA CRIMINALITÉ TRANSNATIONALE
ORGANISÉE ......................................................................................................................... 37
I. L’obligation en vertu de l’article 4 de la Convention de Palerme d’exécuter les
obligations au titre de la Convention de manière compatible avec les principes de
l’égalité souveraine et de la non-intervention ................................................................ 39
ii
II. Les obligations de la Convention de Palerme que la France n’a pas exécutées
de manière compatible avec les principes de l’égalité souveraine et de
la non-intervention ......................................................................................................... 44
A. La France n’a pas exécuté les obligations de la Convention relatives aux
poursuites pénales de manière compatible avec les principes de l’égalité
souveraine et de la non-intervention .................................................................... 45
B. La France n’a pas exécuté les obligations de la Convention relatives à
l’incrimination du blanchiment du produit du crime et l’établissement de la
compétence pénale pour poursuivre cette infraction de manière compatible avec
les principes de l’égalité souveraine et de la non-intervention ............................ 50
C. La France n’a pas exécuté les obligations de la Convention relatives à la
confiscation, la saisie et la disposition des biens de manière compatible avec les
principes de l’égalité souveraine et de la non-intervention .................................. 59
D. La France n’a pas exécuté les obligations de la Convention relatives à la
coopération entre États de manière compatible avec les principes de l’égalité
souveraine et de la non-intervention .................................................................... 61
Conclusions ............................................................................................................................. 62
CHAPITRE 3
LA COMPÉTENCE DE LA COUR SUR LA BASE DU PROTOCOLE DE
SIGNATURE FACULTATIVE À LA CONVENTION DE VIENNE SUR LES
RELATIONS DIPLOMATIQUES ...................................................................................... 65
I. Il existe entre la Guinée équatoriale et la France un différend au sujet de l’interprétation
et de l’application de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques .......... 69
A. Il existe un différend au sujet de l’interprétation et de l’application de l’article 1,
alinéa i), de la CVRD ........................................................................................... 69
B. Il existe un différend au sujet de l’interprétation et de l’application de l’article 22
de la CVRD .......................................................................................................... 74
II. La Cour a compétence pour connaître de l’ensemble du différend relatif à
l’interprétation et à l’application de la CVRD ............................................................... 78
Conclusions ............................................................................................................................. 80
CONCLUSIONS.................................................................................................................... 81
ATTESTATION .................................................................................................................... 83
TABLE DES ANNEXES ...................................................................................................... 85
ANNEXES .............................................................................................................................. 87
1
INTRODUCTION
I. Rappel de la procédure
0.1. La présente instance a été introduite devant la Cour internationale de Justice par
Requête déposée par la République de Guinée équatoriale (ci-après « Guinée équatoriale »)
le 13 juin 2016.
0.2. Par ordonnance du 1er juillet 2016, la Cour a fixé les dates d’expiration des délais
pour le dépôt des pièces de la procédure écrite au 3 janvier 2017, pour le mémoire de la
Guinée équatoriale, et au 3 juillet 2017, pour le contre-mémoire de la République française
(ci-après « France »).
0.3. Le 29 septembre 2016, la Guinée équatoriale a déposé une demande en indication
de mesures conservatoires. Des audiences publiques au sujet de cette demande ont été tenues
du 17 au 19 octobre 2016. Dans son ordonnance du 7 décembre 2016, la Cour, à l’unanimité, a
indiqué les mesures conservatoires suivantes :
« La France doit, dans l’attente d’une décision finale en l’affaire, prendre toutes les
mesures dont elle dispose pour que les locaux présentés comme abritant la mission
diplomatique de la Guinée équatoriale au 42 avenue Foch à Paris jouissent d’un traitement
équivalent à celui requis par l’article 22 de la convention de Vienne sur les relations
diplomatiques, de manière à assurer leur inviolabilité ».
Par ailleurs, la Cour, toujours à l’unanimité, a
« [r]ejet[é] la demande de la France tendant à ce que l’affaire soit rayée du rôle »1.
1 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), mesures conservatoires, ordonnance du
7 décembre 2016, par. 99. Dans cette ordonnance, la Cour a également considéré qu’elle n’avait pas
compétence prima facie pour connaître de la demande de la Guinée équatoriale relative à l’immunité ratione
personae de son Vice-Président, chargé de la Défense nationale et de la Sécurité de l’État, des juridictions
françaises (ibid., par. 50). Cependant, la Cour a noté que « [l]a décision rendue en la présente procédure ne
préjuge[ait] en rien la question de la compétence de la Cour pour connaître du fond de l’affaire, ni aucune
question relative à la recevabilité de la requête ou au fond lui-même » (ibid., par. 98).
2
0.4. Le 3 janvier 2017, la Guinée équatoriale a déposé son Mémoire conformément à
l’ordonnance de la Cour du 1er juillet 2016.
0.5. Le 31 mars 2017, la France a soulevé certaines exceptions préliminaires à la
compétence de la Cour2. Par ordonnance du 5 avril 2017, la Cour a fixé au 31 juillet 2017 la
date d’expiration du délai dans lequel la Guinée équatoriale peut présenter un exposé écrit
contenant ses observations et conclusions sur les exceptions préliminaires soulevées par la
France. La Guinée équatoriale dépose les présentes Observations conformément à cette
ordonnance.
II. Résumé des arguments de la Guinée équatoriale
A. LA COUR A COMPÉTENCE EN VERTU DE LA CONVENTION DES NATIONS UNIES
CONTRE LA CRIMINALITÉ TRANSNATIONALE ORGANISÉE ET DU PROTOCOLE DE SIGNATURE
FACULTATIVE À LA CONVENTION DE VIENNE SUR LES RELATIONS DIPLOMATIQUES
0.6. Comme il a été expliqué dans le Mémoire de la Guinée équatoriale3, la Cour a
compétence pour connaître du présent différend en vertu de l’article 35, paragraphe 2, de la
Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (ci-après
« Convention de Palerme »)4, et de l’article I du Protocole de signature facultative à la
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (ci-après « Protocole de signature
facultative »)5. Le différend relatif à la Convention de Palerme concerne, en particulier, les
violations par la France des immunités auxquelles la Guinée équatoriale a droit par rapport à
son Vice-Président comme à sa propriété d’État ; le Protocole de signature facultative est
pertinent pour le différend concernant l’inviolabilité de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à
Paris en tant que locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale en France.
2 Il est à noter que la France n’a pas respecté l’article 79, paragraphe 4, du Règlement de la Cour. Au lieu
d’annexer les copies des documents à l’appui de ses exceptions préliminaires, comme le requiert l’article 79,
la France fait simplement référence à certains documents qu’elle avait produits le 14 octobre 2016, juste avant
le commencement des audiences publiques sur la demande en indication de mesures conservatoires.
3 Mémoire de la Guinée équatoriale, 3 janvier 2017 (ci-après « MGE »), Chapitre 5.
4 MGE, pars. 5.3-5.34.
5 MGE, pars. 5.35-5.48.
3
0.7. Les conditions de nature procédurale pour soumettre le différend à la Cour prévues
dans la Convention de Palerme et dans le Protocole de signature facultative sont remplies6.
Dans ses exceptions préliminaires, la France ne conteste pas ce point.
0.8. Un différend existe entre la Guinée équatoriale et la France au sujet de
l’interprétation et l’application de la Convention de Palerme, et notamment l’interprétation et
l’application de l’article 4 de cette dernière, lu conjointement avec d’autres dispositions de la
Convention. En vertu de l’article 4, les États se sont engagés à respecter les principes de
l’égalité souveraine et de la non-intervention lorsqu’ils exécutent leurs obligations au titre de la
Convention. En l’espèce, le non-respect par la France de l’immunité ratione personae du
Vice-Président de la Guinée équatoriale, chargé de la Défense nationale et de la Sécurité de
l’État, et de l’immunité de mesures de contrainte de l’immeuble sis au 42 avenue Foch en tant
que bien de l’État équato-guinéen ; l’étendue excessive de la compétence pénale française au
détriment de la compétence exclusive de la Guinée équatoriale par rapport à certaines
infractions ; et le refus de la France de prendre acte des informations fournies par la Guinée
équatoriale quant à la commission de telles infractions, constituent des violations de l’article 4
dans le cadre de l’application des articles 6, 11, 12, 14, 15 et 18 de la Convention.
0.9. Le présent différend porte également sur l’interprétation et l’application de la
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (ci-après « CVRD »). Par conséquent, la
Cour a compétence aux termes de l’article I du Protocole de signature facultative. Il est question
notamment de déterminer les violations par la France de l’inviolabilité dont jouit l’immeuble
sis au 42 avenue Foch à Paris. Cette question concerne l’interprétation et l’application de la
CVRD, y compris, sans s’y limiter, son article 1er, alinéa i), et son article 22. Parmi les questions
de droit sur lesquelles les parties sont en désaccord se trouvent celles de savoir (i) à partir de
quel moment les locaux deviennent « locaux de la mission » au sens de la CVRD ; et (ii) l’effet,
le cas échéant, du refus unilatéral, arbitraire ou discriminatoire de l’État accréditaire d’accepter
des locaux qui sont utilisés aux fins diplomatiques comme « locaux de la mission ».
6 MGE, pars. 5.4-5.8 et 5.36-5.43.
4
B. LES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES DE LA FRANCE DOIVENT ÊTRE REJETÉES
0.10. Dans ses exceptions préliminaires, la France adopte une vision extraordinairement
stricte de la compétence de la Cour en vertu des traités conférant à cette dernière compétence
pour régler des différends relatifs à leur « interprétation ou application ». Il n’existe aucun
fondement pour cette interprétation restrictive dans la jurisprudence de la Cour, voire d’autres
juridictions internationales. Si l’approche de la France était acceptée, un grand nombre de
clauses compromissoires serait largement privé d’effet.
0.11. La Guinée équatoriale ne peut pas s’empêcher d’exprimer sa grande déception du
fait que la France l’accuse, à nouveau, d’avoir agi de mauvaise foi lorsqu’elle a porté le présent
différend devant la Cour7. L’introduction d’une instance ne saurait en rien être considérée
comme un acte d’inimitié entre États8, et il ne peut pas être suggéré à la légère que le recours à
la Cour a été fait de mauvaise foi. En effet, une telle accusation est complètement dépourvue
de fondement9.
0.12. L’approche restrictive de la France au regard de la Convention de Palerme et de la
CVRD ne cherche pas seulement à priver la Cour de son rôle dans le règlement pacifique des
différends sur le fondement de ces traités. La France vise également à minimiser les obligations
acceptées par les États parties d’une manière qui va à l’encontre de l’objet et du but desdits
traités. Cette approche, qui appelle à la confrontation et à l’instabilité, ne peut pas être admise.
0.13. L’argument de la France selon lequel le présent différend ne concerne pas
l’interprétation ou l’application ni de la Convention de Palerme ni de la CVRD est d’autant plus
irrecevable que les autorités françaises mêmes ont consciemment agi sur la base de ces
conventions. La France a elle-même reconnu, par exemple, que les dispositions du droit pénal
français sur lesquelles les poursuites contre le Vice-Président de la Guinée équatoriale, chargé
de la Défense nationale et de la Sécurité de l’État, et les mesures de contrainte contre
l’immeuble sis au 42 avenue Foch ont été fondées, visent à donner effet à la Convention de
7 Exceptions préliminaires de la France (ci-après « EP »), pars. 59-75.
8 Déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends internationaux, Annexe à la Résolution 37/10
de l’Assemblée générale des Nations Unies du 15 novembre 1982, section II, par. 5 (« Le recours à un
règlement judiciaire des différends juridiques, particulièrement le renvoi à la Cour internationale de Justice, ne
devrait pas être considéré comme un acte d’inimitié entre États »).
9 Voir ci-dessous, pars. 1.67-1.80.
5
Palerme. De plus, les juridictions françaises se sont expressément référées à cette Convention
dans leur demande d’entraide judiciaire à la Guinée équatoriale en 2013. Des représentants de
la France se sont par ailleurs régulièrement rendus à l’immeuble sis au 42 avenue Foch afin
d’obtenir des services consulaires et autres, et ont donc reconnu que cet immeuble abrite la
mission diplomatique de la Guinée équatoriale.
0.14. À de nombreux égards, les exceptions préliminaires de la France à la compétence
de la Cour sont en réalité des questions qui relèvent du fond de l’affaire. La France se réfère,
par exemple, à une prétendue incertitude quant à la date à laquelle la Guinée équatoriale a acquis
la propriété de l’immeuble sis au 42 avenue Foch10 et quant à la date à laquelle cet immeuble a
été affecté aux fins de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale en France11. De telles
questions ne sont pas pertinentes au stade des exceptions préliminaires ; la Guinée équatoriale
n’y répondra pas dans ces Observations. Mais cela ne signifie en rien qu’elles pourraient être
considérées comme admises par la Guinée équatoriale.
0.15. Les principaux arguments de la Guinée équatoriale concernant les exceptions
préliminaires soulevées par la France peuvent être résumés comme suit :
- L’objet du différend entre les parties porte sur l’interprétation et l’application de la
Convention de Palerme et de la CVRD.
- La Requête de la Guinée équatoriale n’est pas abusive.
- La Cour a compétence en vertu de l’article 35, paragraphe 2, de la Convention de
Palerme, car le différend concerne l’interprétation et l’application de l’article 4 de
la Convention, lu conjointement avec les articles 6, 11, 12, 14, 15 et 18 de cette
dernière.
- La Cour a compétence en vertu de l’article I du Protocole de signature facultative,
car le différend concerne l’interprétation et l’application de la CVRD, y compris les
articles 1, alinéa i), et 22.
- En conséquence, les exceptions préliminaires de la France doivent être rejetées dans
leur ensemble.
10 EP, pars. 24-26.
11 EP, pars. 27-29.
6
III. Structure de ces Observations
0.16. Après cette introduction, les Observations comprennent trois chapitres suivis des
conclusions de la Guinée équatoriale.
0.17. Le Chapitre 1 contient certaines observations générales. Il est divisé en quatre
sections.
0.18. La Section I aborde les faits récents qui sont à la base du présent différend, dans le
mesure où ils sont pertinents pour répondre aux exceptions préliminaires de la France. Elle
décrit les développements des procédures pénales depuis le dépôt du Mémoire de la Guinée
équatoriale, le 3 janvier 2017 (A) ; les échanges diplomatiques entre les parties depuis cette
date (B) ; et les faits relatifs à l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris, en réponse à la fausse
image présentée par la France (C).
0.19. La Section II répond aux arguments de la France concernant l’objet du différend.
Il sera démontré, d’une part, que les conclusions de la Guinée équatoriale n’excèdent pas l’objet
du différend soumis à la Cour et, d’autre part, que les demandes de la Guinée équatoriale se
basent bien sur les conventions qui confèrent compétence à la Cour et non sur le droit
international coutumier en tant que tel.
0.20. La Section III montre que, contrairement à ce qu’affirme la France, la Requête de
la Guinée équatoriale devant la Cour n’a pas un caractère abusif.
0.21. Enfin, la Section IV met en évidence que les exceptions de la France touchent, dans
une large mesure, le fond de l’affaire et n’ont pas lieu d’être soulevées ou tranchées à ce stade
de la procédure.
0.22. Le Chapitre 2 explique que la Cour a compétence, en vertu de l’article 35,
paragraphe 2, de la Convention de Palerme, pour connaître des demandes de la Guinée
équatoriale. Comme il a été mentionné ci-dessus, ces demandes se basent sur la violation par la
France de l’article 4 de la Convention, lu conjointement avec les articles 6, 11, 12, 14, 15 et 18
de cette dernière.
7
0.23. Le Chapitre 3 montre que la Cour a également compétence en vertu du Protocole
de signature facultative pour statuer sur la demande de la Guinée équatoriale relative à la
violation par la France de la CVRD à l’égard de l’immeuble sis au 42 avenue Foch. Dans ses
exceptions préliminaires, la France elle-même semble concéder que le différend entre les parties
porte sur l’interprétation et l’application de la CVRD, même si elle conçoit l’étendue de ce
différend de façon très restrictive.
0.24. Dans ses Conclusions, la Guinée équatoriale demande à la Cour de rejeter les
exceptions préliminaires de la France et de se déclarer compétente pour connaître de la présente
affaire.

9
CHAPITRE 1
OBSERVATIONS GÉNÉRALES
1.1. Le présent chapitre décrit les faits récents relatifs à la présente affaire (I). Il répond
ensuite aux arguments de la France concernant l’objet du différend entre les Parties (II). Dans
une troisième section, il sera démontré que la Requête de la Guinée équatoriale n’a pas un
caractère abusif (III). Dans une dernière section, la Guinée équatoriale montrera que les
arguments de la France touchent dans une large mesure le fond de l’affaire, et que les exceptions
soulevées par cette dernière n’ont par conséquent pas un caractère préliminaire (IV).
I. Les faits récents relatifs à l’affaire
A. DÉVELOPPEMENTS DES PROCÉDURES PÉNALES
1.2. À la suite des audiences consacrées à la demande en indication de mesures
conservatoires qui se sont tenues du 17 au 19 octobre 2016, la 32ème chambre correctionnelle
du Tribunal correctionnel de Paris, devant laquelle le Vice-Président de la Guinée équatoriale
a été renvoyé pour comparaître des chefs de blanchiments des délits de détournement de fonds
publics, d’abus de confiance, d’abus de biens sociaux et de corruption, a tenu sa première
audience le 24 octobre 2016.
1.3. À l’issue de cette audience, au cours de laquelle le Vice-Président de la Guinée
équatoriale n’était ni présent ni représenté, le Tribunal correctionnel a constaté que
l’ordonnance de non-lieu partiel, de renvoi partiel rendue par les juges d’instruction le
5 septembre 2016 contre le Vice-Président ne satisfaisait pas aux dispositions de l’article 184
du Code de procédure pénale, en ce qu’elle ne précisait pas les textes d’incrimination et de
répression des infractions. Le Tribunal a donc décidé de renvoyer la procédure au procureur de
10
la République pour qu’il saisisse à nouveau les juges d’instruction aux fins de régularisation, et
a fixé l’examen de l’affaire au fond aux audiences des 2, 4, 5, 9, 11, et 12 janvier 201712.
1.4. Le 2 décembre 2016, les juges d’instruction ont signé une nouvelle ordonnance de
renvoi dûment régularisée par la mention des textes d’incrimination et de répression du Code
pénal et du Code de commerce français. Selon la nouvelle ordonnance de renvoi qui lui a été
notifiée le 5 décembre 2016, le Vice-Président était renvoyé devant le Tribunal correctionnel
de Paris pour avoir « [à] Paris et sur le territoire national, courant 1997 et jusqu’au mois
d’octobre 2011(…), apporté son concours à des opérations d’investissements cachés ou de
conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit, en l’occurrence des délits
d’abus de biens sociaux, détournement de fonds publics, abus de confiance et corruption, en
acquérant plusieurs biens mobiliers et immobiliers et en procédant au paiement de plusieurs
prestations de service, notamment par le biais des fonds des sociétés EDUM, SOCAGE et
SOMAGUI FORESTAL »13.
1.5. À l’audience du 2 janvier 2017, le Vice-Président de la Guinée équatoriale, qui était
absent mais représenté par ses avocats, a présenté au Tribunal correctionnel une demande de
report de l’audience au fond. Il s’est appuyé sur le fait qu’il n’avait pas bénéficié d’un délai
raisonnable pour préparer sa défense depuis la notification de l’ordonnance de renvoi le
5 décembre 2016, d’une part. D’autre part, il a fait référence au fait que l’ordonnance en
indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le 7 décembre 2016 est de nature à
rendre impossible la tenue du procès : l’immeuble du 42 avenue Foch abritant la mission
diplomatique de la Guinée équatoriale en France et objet d’une saisie pénale en vue de sa
confiscation par la justice française devait jouir, en vertu de l’ordonnance de la Cour, d’un
traitement équivalent à celui requis par l’article 22 de la CVRD.
1.6. Il résulte des notes d’audience du Tribunal correctionnel de Paris en date du
2 janvier 2017 que, pour le procureur de la République et l’avocat de la partie civile, il n’y avait
pas lieu de reporter l’examen de l’affaire au fond au motif que l’ordonnance en indication de
12 Note d’audience de la 32ème chambre correctionnelle du Tribunal correctionnel de Paris, 24 octobre 2016
(Annexe n° 1).
13 MGE, Annexe n° 7, p. 35.
11
mesures conservatoires de la Cour ne constituait pas un obstacle à la poursuite des procédures
pénales.
1.7. Par décision en date du 2 janvier 2017, le Tribunal correctionnel a néanmoins
reporté le jugement de l’affaire au fond aux audiences des 19, 21, 22, 26, 28, 29 juin et 3, 5, et
6 juillet 2017, en notant que « dans le souci du respect du principe de bonne administration de
la justice, objectif à valeur constitutionnelle qui impose aux autorités juridictionnelles, et qui
lui impose aussi de juger dans un délai raisonnable, le tribunal n’entendra pas nécessairement
attendre la décision au fond de la CIJ »14.
1.8. Il est à noter que, entre-temps, soit le 12 juin 2017, statuant sur les infractions
principales de détournement de fonds publics, corruption, abus de confiance et abus de biens
sociaux censées avoir été commises, selon la justice française, sur le territoire de la Guinée
équatoriale, contre l’État équato-guinéen et les sociétés Edum, Socage et Somagui Forestal,
toutes de droit équato-guinéen ayant leur siège en Guinée équatoriale, le Tribunal d’instruction
n° 1 de Malabo n’a relevé aucune infraction, et par jugement n° 13/2017 a prononcé la relaxe
de tous les prévenus impliqués15. Ce jugement confirme qu’aucune des infractions principales
liées à l’infraction de blanchiment poursuivie devant les juridictions françaises n’a été commise
en Guinée équatoriale, comme il avait déjà été relevé par le Procureur général de la Guinée
équatoriale en 201016.
1.9. À l’ouverture de l’audience du 19 juin 2017 devant le Tribunal correctionnel de
Paris, le Vice-Président de la Guinée équatoriale, absent mais représenté par ses avocats, a
soulevé in limine litis le moyen de défense tiré de son immunité rationae personae d’autant
plus que, d’une part, il avait été promu par décret du Président de la République de Guinée
équatoriale après les élections présidentielles de 2016 au rang de Vice-Président, chargé de la
Défense nationale et de la Sécurité de l’État, et que, d’autre part, le Gouvernement de la Guinée
équatoriale n’avait pas levé son immunité. Dans les conclusions soutenues en son nom devant
le Tribunal, le Vice-Président a fondé son argumentation sur le droit international coutumier tel
14 Note d’audience de la 32ème chambre correctionnelle du Tribunal correctionnel de Paris, 2 janvier 2017
(Annexe n° 2), p. 11.
15 Tribunal d’instruction n° 1 de Malabo, Jugement n° 13/2017, 12 juin 2017 (Annexe n° 3).
16 MGE, pars. 3.32-3.35 et 6.31-6.35.
12
que rappelé par la jurisprudence de la Cour. Mais, au lieu de statuer préalablement sur ce moyen,
le Tribunal a décidé de poursuivre l’audience en le joignant au fond.
1.10. Les parties ont développé leurs arguments. Pour l’association Transparency
International France, partie civile au procès, les infractions de blanchiment d’abus de biens
sociaux, de détournement de fonds publics, d’abus de confiance et de corruption reprochés au
Vice-Président de la Guinée équatoriale seraient constituées. Selon la partie civile, il serait
indifférent que les infractions principales prétendument commises sur le territoire de la Guinée
équatoriale soient ou non réprimées par la législation pénale de cet État.
1.11. L’association Transparency International France a soutenu en effet que les
juridictions pénales françaises sont parfaitement compétentes pour connaître de l’infraction de
blanchiment compte tenu de sa réalisation en France et ce, en raison du caractère autonome de
cette infraction. Citant les juges d’instruction dans leur ordonnance de renvoi et la jurisprudence
de la Cour de Cassation, Transparency International France a fait plaider que la qualification
des infractions d’origine doit être réalisée au regard de la loi française en raison, là encore, de
l’autonomie de l’infraction de blanchiment. Autrement dit, le fait d’origine commis à l’étranger
doit être qualifié comme s’il avait été commis sur le territoire français, et la qualification du fait
d’origine relève de la loi française à l’exclusion de la loi étrangère.
1.12. Sur l’immunité rationae personae opposée par la défense du Vice-Président eu
égard à ses nouvelles fonctions depuis 2016, Transparency International France a prétendu que
l’arrêt de la Cour de cassation en date du 15 décembre 201517 ayant rejeté le moyen de défense
tiré de la fonction de Second Vice-Président, chargé de la Défense et de la Sécurité de l’État,
de l’intéressé devait s’appliquer également à l’actuelle fonction de Vice-Président. La situation
de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue demeurerait, selon Transparency International,
parfaitement inchangée puisque, d’une part, il n’est ni chef de l’État, ni chef du gouvernement
ni ministre des affaires étrangères, et que, d’autre part, les infractions qui lui sont reprochées, à
les supposer établies, auraient été commises à des fins personnelles avant le début de ses
fonctions actuelles, à l’époque où il exerçait les fonctions de ministre de l’agriculture et
des forêts.
17 MGE, Annexe n° 29.
13
1.13. Enfin, Transparency International France a demandé au Tribunal correctionnel
d’écarter le jugement du Tribunal d’instruction de Malabo du 12 juin 2017, selon lequel les
infractions principales présentées par la justice française comme ayant été commises sur le
territoire de la Guinée équatoriale n’étaient pas constituées.
1.14. En conclusion, Transparency International France a demandé au Tribunal
correctionnel de condamner M. Teodoro Nguema Obiang Mangue à lui payer la somme de
10 000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 41 080 euros en réparation de son
préjudice matériel.
1.15. Une seconde association, nouvellement créée et ayant un but exclusivement
politique, a été admise par le Tribunal correctionnel à intervenir comme partie civile à
l’audience, malgré l’opposition de la défense du Vice-Président de la Guinée équatoriale, qui a
vivement protesté contre cette forme de politisation des débats. C’est l’association « Coalition
d’opposition pour la restauration d’un État démocratique pour la République de Guinée
équatoriale » (ci-après « CORED »), dont l’enregistrement a été publié au Journal officiel de la
République française le 11 août 2015.
1.16. Soutenant à son tour que les faits reprochés au Vice-Président étaient constitués,
tout en se présentant comme le représentant du peuple de Guinée équatoriale, la CORED a
demandé au Tribunal correctionnel de condamner M. Teodoro Nguema Obiang Mangue à lui
payer le montant de 400 001 euros à titre de dommages et intérêts et 42 000 euros au titre des
frais de procédure.
1.17. Il est à noter que les débats devant le Tribunal correctionnel n’ont pas porté sur les
éléments de preuve de la culpabilité de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue dans les faits de
blanchiment, mais essentiellement sur les critiques contre le régime politique de la Guinée
équatoriale.
1.18. Quant à la défense du Vice-Président de la Guinée équatoriale, elle a fait valoir, à
titre liminaire, comme à l’ouverture du procès, qu’en sa qualité de haut représentant de l’État
de Guinée équatoriale, le Vice-Président, chargé de la Défense nationale et de la Sécurité de
l’État, devait bénéficier devant les juridictions étrangères, en l’occurrence devant le Tribunal
correctionnel de Paris, de l’immunité de juridiction rationae personae s’appliquant à certaines
14
personnes occupant un rang élevé au sein de l’État. En effet, le Vice-Président occupe, en vertu
de la Constitution de la Guinée équatoriale, le deuxième rang le plus élevé au sein de l’État, et
la nature régalienne et de représentation internationale de ses fonctions est suffisamment
établie. De plus, selon la défense, l’argument de l’immunité est d’autant plus recevable et fondé
que la Cour de cassation française n’a pas eu l’occasion de statuer sur l’immunité attachée aux
fonctions actuelles de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue.
1.19. La défense du Vice-Président a également exposé que le jugement du Tribunal
d’instruction de Malabo du 12 juin 2017, en ce qu’il a l’autorité de la chose jugée, s’impose
aux juridictions françaises quant à la caractérisation des infractions d’origine de détournement
de fonds publics, d’abus de biens sociaux, d’abus de confiance et de corruption pour lesquels
les juridictions françaises n’ont pas de compétence. Dès lors, le blanchiment étant une infraction
de conséquence, il ne saurait être retenu en l’espèce, dans la mesure où les infractions
principales sont jugées comme non établies par la justice de la Guinée équatoriale, seule
territorialement compétente à leur égard.
1.20. Se fondant sur les articles 4 et 6 de la Convention de Palerme, la défense du Vice-
Président a rappelé que, d’une part, la lutte contre la délinquance transnationale ne peut se faire
au détriment du principe de souveraineté des États et que, d’autre part, la même Convention
impose de déterminer si les faits susceptibles de caractériser les infractions d’origine constituent
« une infraction pénale en vertu du droit interne de l’État où il a été commis ».
1.21. De plus, faute d’élément légal, l’origine de fonds employés, selon la défense du
Vice-Président, ne saurait caractériser de prétendus délits d’abus de biens sociaux, de corruption
passive d’agent public étranger avant le 14 novembre 2007 et de détournement de fonds publics
étrangers.
1.22. En effet, il résulte de la jurisprudence désormais établie de la Cour de cassation
française que l’infraction d’abus de biens sociaux « ne peut être étendue à des sociétés que la
loi n’a pas prévues, telle une société de droit étranger »18. L’abus de biens sociaux ne s’applique
que lorsqu’il s’agit des sociétés de droit français. Donc, il ne saurait y’avoir, en l’espèce, de
18 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 3 juin 2004, n° 03-80.593.
15
blanchiment d’abus de biens sociaux au préjudice des sociétés Edum, Socage et Somagui
Forestal, toutes de droit équato-guinéen ayant leur siège en Guinée équatoriale.
1.23. De même, le délit de corruption passive d’agent public étranger n’existait pas avant
une loi du 13 novembre 2007. Jusqu’à une loi du 30 juin 2000 relative à la lutte contre la
corruption, l’infraction de corruption passive ne concernait que les agents publics français. Par
conséquent la justice française ne saurait reprocher le délit de corruption à M. Teodoro Nguema
Obiang Mangue sans violer l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme et
des libertés fondamentales sur le principe de la légalité des délits et des peines, qui interdit
d’appliquer la loi pénale de manière extensive au détriment du prévenu.
1.24. Enfin, la défense du Vice-Président a fait observer que le délit de détournement de
fonds publics étrangers n’existe pas en droit français. En effet, l’article 432-15 du Code pénal
français incrimine le détournement des fonds publics français, ce que ne sont pas, à l’évidence,
les fonds publics équato-guinéens. Par voie de conséquence, le délit de blanchiment de
détournement de fonds publics reproché à M. Teodoro Nguema Obiang Mangue n’est pas
juridiquement constitué.
1.25. À l’audience devant le Tribunal correctionnel du 5 juillet 2017, le procureur de la
République a requis contre le Vice-Président, outre les peines de trois ans d’emprisonnement
et trente millions d’euros d’amende, la peine de confiscation de tous les biens qui prétendument
lui appartiennent, y compris l’immeuble du 42 avenue Foch abritant la mission diplomatique
de la Guinée équatoriale en France objet des mesures conservatoires indiquées par la Cour.
Le procureur de la République n’a pas porté à l’attention du Tribunal correctionnel
l’ordonnance du 7 décembre 2016.
1.26. Le Tribunal correctionnel, ayant mis l’affaire en délibéré, a fixé au 27 octobre 2017
la date à laquelle il rendra son jugement.
B. ÉCHANGES DIPLOMATIQUES
1.27. Comme la France l’a mentionné dans ses exceptions préliminaires, des échanges
diplomatiques entre les parties ont eu lieu depuis que la Cour a rendu l’ordonnance en indication
16
de mesures conservatoires le 7 décembre 201619. Malgré la tentative de la France de mettre à
nouveau en cause la bonne foi de la Guinée équatoriale, ces échanges diplomatiques montrent
les efforts réels et constants de la Guinée équatoriale afin de trouver une solution amiable au
présent différend. Ils témoignent, par ailleurs, du refus persistant de la France de régler
le différend.
1.28. En janvier 2017, le Président de la République de Guinée équatoriale, Son
Excellence M. Obiang Nguema Mbasogo, a eu un entretien avec son homologue français, Son
Excellence François Hollande, à Bamako, en marge du Sommet Afrique-France, de même que
les ministres équato-guinéen et français des affaires étrangères.
1.29. À la suite de cet entretien, le Président de la République de Guinée équatoriale a
adressé à son homologue français une lettre en date du 19 janvier 2017. Dans cette lettre, il a
exprimé sa préoccupation quant aux conséquences que la procédure pénale en France contre le
Vice-Président pourrait générer dans les relations bilatérales, au demeurant excellentes, entre
la Guinée équatoriale et la France. Par ailleurs, le Président équato-guinéen réitérait sa volonté
de trouver une solution diplomatique au contentieux opposant les deux pays20.
1.30. Dans une lettre du Président de la République française, datée du 16 février 2017,
la France, comme par le passé, a tourné le dos à l’offre amicale de la Guinée équatoriale21.
Le Président de la République française a assuré son homologue équato-guinéen de son
attachement « au dialogue et à la coopération » entre les deux pays, « notamment en matière de
sécurité régionale », regrettant toutefois de ne pouvoir « donner suite à l’offre de règlement par
les voies proposées par la République de Guinée équatoriale qui constituerait, d’un point de vue
légal, une remise en cause » de l’indépendance de la justice. S’agissant des mesures
conservatoires prises par la Cour dans la présente affaire, le Président français a tenu à assurer
que la France se conformera à l’ordonnance rendue le 7 décembre 2016.
1.31. Bien avant la lettre précitée du Président de la République française, l’ambassade
de Guinée équatoriale en France avait adressé le 15 février 2017 une note verbale au Ministère
19 EP, par. 85.
20 Lettre du Président de la République de Guinée équatoriale au Président de la République française,
19 janvier 2017 (Annexe n° 4).
21 Lettre du Président de la République française au Président de la République de Guinée équatoriale,
16 février 2017 (Annexe n° 5).
17
français des affaires étrangères pour s’assurer de la position de la France par rapport à
l’ordonnance en indication des mesures conservatoires rendue par la Cour et ce, après deux
entretiens entre la Direction d’Afrique et de l’Océan indien du Ministère et l’ambassadeur de
Guinée équatoriale au cours desquels la situation de l’immeuble du 42 avenue Foch à Paris
avait été évoquée22.
1.32. Par une note verbale en réponse du 2 mars 2017, le Ministère français des affaires
étrangères a tenu à confirmer à l’ambassade de la Guinée équatoriale en France que, dans
l’attente d’une décision finale de la Cour, la France assurera aux locaux situés 42 avenue Foch
« un traitement équivalent à celui requis par l’article 22 de la convention de Vienne sur les
relations diplomatiques ». Il a rappelé, pourtant, « sa position constante » selon laquelle « la
France ne considère pas l’immeuble situé 42 avenue Foch à Paris 16ème comme faisant partie
des locaux de la mission diplomatique de la République de Guinée équatoriale en France »23.
1.33. Le 12 juin 2017, quelques jours avant la reprise à Paris des procédures pénales
contre le Vice-Président de la Guinée équatoriale, l’ambassade de la Guinée équatoriale en
France a adressé au Ministère français des affaires étrangères une note verbale dans laquelle
elle a protesté vivement contre ces procédures24. L’ambassade a expressément indiqué que
le Gouvernement de la Guinée équatoriale ne renonce pas à l’immunité ratione personae
de son Vice-Président, et a prié le Ministère français des affaires étrangères de porter
cette note verbale à l’attention des juridictions françaises compétentes, notamment la
32ème chambre correctionnelle du Tribunal correctionnel de Paris. À ce jour, la Guinée
équatoriale n’a reçu aucune réponse de la France, et elle n’a pas connaissance que le Ministère
français des affaires étrangères ait transmis une copie de la note verbale aux juridictions
françaises compétentes.
1.34. Comme il a été mentionné au paragraphe 1.25 ci-dessus, à l’audience sur le fond du
5 juillet 2017 devant le Tribunal correctionnel de Paris, le procureur de la République a requis,
parmi d’autres, la peine de confiscation de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris. Devant
cette situation, l’ambassade de Guinée équatoriale en France a dû adresser dès le 6 juillet 2017
au Ministère français des affaires étrangères une note verbale de protestation en rappelant
22 Ambassade de la Guinée équatoriale, Note verbale n° 069/2017, 15 février 2017 (Annexe n° 6).
23 Ministère des affaires étrangères de la France, Note verbale n° 2017-158865, 2 mars 2017 (Annexe n° 7).
24 Ambassade de la Guinée équatoriale, Note verbale n° 262/2017, 12 juin 2017 (Annexe n° 8).
18
l’engagement écrit pris par le Président de la République française, au nom de la France, de
respecter les termes de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires de la Cour et de
garantir la protection et l’inviolabilité de la mission diplomatique25. La France a répondu par
note verbale datée du 18 juillet 201726.
1.35. La Guinée équatoriale note que, dans le système judiciaire français, comme l’a jugé
la Cour européenne des droits de l’homme, le procureur de la République fait partie « des
membres du ministère public dépendant tous d’un supérieur hiérarchique commun, le Garde
des sceaux, ministre de la justice, qui est membre du gouvernement, et donc du pouvoir
exécutif »27.
C. FAITS RELATIFS À L’IMMEUBLE SIS AU 42 AVENUE FOCH
1.36. Dans ses exceptions préliminaires à la compétence de la Cour, la France revient
abondamment sur les faits de l’affaire relatifs à l’immeuble sis au 42 avenue Foch. Bien que
ces faits relèvent essentiellement du fond de l’affaire, la Guinée équatoriale y répondra
brièvement. La France ne conteste pas que ses autorités judiciaires aient pris des mesures de
contrainte sur l’immeuble, notamment des intrusions policières28, des perquisitions29 et une
saisie pénale immobilière30. Cependant, la France conteste les faits concernant le statut de
l’immeuble. La Guinée équatoriale souhaite rétablir ici la vérité au regard de certaines
inexactitudes qui émaillent la présentation de ces faits par la partie adverse. Comme il sera
démontré, il n’existe aucune incertitude concernant sa position.
1.37. La France juge incertaine la date d’acquisition des droits sur l’immeuble du
42 avenue Foch à Paris par la Guinée équatoriale31. Pourtant, il n’existe aucune incertitude à ce
sujet. La Guinée équatoriale est demeurée constante dans ses écritures. La Cour voudra bien se
référer à cet égard à son Mémoire, qui réitère ce qu’elle a dit avant, dans sa réponse aux
25 Ambassade de la Guinée équatoriale, Note verbale n° 300/2017, 6 juillet 2017 (Annexe n° 9).
26 Ministère des affaires étrangères de la France, Note verbale n° 2017-465600, 18 juillet 2017 (Annexe n° 10).
27 CEDH, Moulin c. France, n° 37104/06, arrêt du 23 novembre 2010, par. 56.
28 EP, par. 26.
29 EP, par. 21.
30 EP, pars. 21 et 23.
31 EP, pars. 24-26.
19
questions des juges Bennouna et Donoghue à l’occasion de l’audience sur les mesures
conservatoires32. En devenant actionnaire unique, le 15 septembre 2011, des cinq sociétés
suisses qui étaient naguère les propriétaires de l’immeuble sis au 42 avenue Foch, la Guinée
équatoriale en a acquis la propriété33. La question posée par le juge Bennouna, relative à
l’affirmation faite par la Guinée équatoriale dans une note verbale du 14 février 2012, selon
laquelle l’acquisition du titre de propriété était en cours, soulevait au fond le problème de la
mutation, au nom de la Guinée équatoriale, du titre de propriété des sociétés en voie de
dissolution. Comme il a été exposé dans la réponse au juge Bennouna, l’affirmation selon
laquelle l’acquisition du titre de propriété était en cours n’a de sens que dans un tel contexte.
1.38. La France se plaît à grossir certains faits ou à les décrire de manière souvent
simpliste ou inappropriée. Des extraits sortis de leur contexte ne peuvent pas servir la cause de
la partie adverse, et n’établiront certainement pas la vérité. Au demeurant, souligner à répétition
que dans la note verbale du 4 octobre 2011, la Guinée équatoriale dit « disposer depuis plusieurs
années »34 de l’immeuble du 42 avenue Foch est de peu d’importance au regard de ce qui est
reproché à la France. Ce qui importe dans cette note verbale est que la Guinée équatoriale
entendait notifier à la France l’affectation de l’immeuble comme locaux de sa mission
diplomatique.
1.39. Ce serait faire montre d’une mauvaise compréhension du déroulement des
évènements dans cette affaire que de tirer une conclusion défavorable de l’affirmation selon
laquelle au 14 février 2012, l’acquisition du titre de propriété sur l’immeuble était en cours lors
même que la Guinée équatoriale jouissait, depuis le 15 septembre 2011, des droits de propriété
par l’effet de la cession intervenue entre elle et les sociétés suisses. La France n’a jamais
contesté le droit de propriété de la Guinée équatoriale sur l’immeuble35. En affirmant dans la
note verbale du 14 février 2012 que l’acquisition du titre de propriété sur l’immeuble était en
cours, la Guinée équatoriale faisait allusion au fait que, conformément au point N de la
convention de cession d’actions et de créances conclu entre elle et M. Teodoro Nguema Obiang
32 Réponse de la Guinée équatoriale aux questions des juges Bennouna et Donoghue, 26 octobre 2016, p. 1 ;
MGE, pars. 2.12 et suivants.
33 Réponse de la Guinée équatoriale aux questions des juges Bennouna et Donoghue, 26 octobre 2016, par. 3 ;
MGE, par. 2.18.
34 EP, par. 25.
35 Réponse de la Guinée équatoriale aux questions des juges Bennouna et Donoghue, 26 octobre 2016, par. 13.
20
Mangue, elle devait procéder à la liquidation des cinq sociétés pour faire inscrire son nom
comme propriétaire auprès du service de la publicité foncière36. Cette inscription est
aujourd’hui impossible en raison de la publication, le 31 juillet 2012, de la saisie pénale du
19 juillet 201237. Les affirmations de la France au sujet de la note verbale du 14 février 2012
sont donc loin de refléter la réalité de la situation38.
1.40. La France entretient la même confusion lorsqu’elle prétend qu’il existe une
« incertitude » quant à l’affectation de l’immeuble sis au 42 avenue Foch comme locaux de la
mission diplomatique de la Guinée équatoriale39. La Guinée équatoriale a pourtant clarifié les
faits à ce sujet, en réponse à la question de la juge Donoghue, le 26 octobre 2016. Mais la France
choisit, là encore, de faire preuve de sélectivité en citant dans ses exceptions préliminaires les
faits qui paraissent soutenir sa cause, mais qui au vrai déforment la vérité. La Guinée équatoriale
n’entend changer en rien ses propos antérieurs à ce sujet et prie les juges de se reporter à sa
réponse à la question posée par la juge Donoghue40.
1.41. Comme le prévoit l’article 1, alinéa i), de la CVRD, les locaux diplomatiques
comprennent les immeubles « qui (…) sont utilisés aux fins de la mission ». Ainsi qu’il est
démontré dans le Mémoire de la Guinée équatoriale et au Chapitre 3 de ces Observations,
l’utilisation détermine le statut diplomatique de l’immeuble et inclut l’intention manifeste de
l’utiliser à des fins de mission diplomatique41. C’est à ce titre que la Guinée équatoriale a
répondu à la juge Donoghue que l’utilisation à des fins diplomatiques de l’immeuble du
42 avenue Foch à Paris s’est établie en plusieurs phases : dans un premier temps, une
affectation, c’est-à-dire sa désignation comme devant servir de locaux de la mission, notifiée à
la France par la note verbale du 4 octobre 201142 ; dans un deuxième temps, les actes
d’utilisation aux fins de la mission, notamment par la réinstallation de la chargée d’affaires
36 Réponse de la Guinée équatoriale aux questions des juges Bennouna et Donoghue, 26 octobre 2016, par. 15.
37 Ibid., par. 16 ; MGE, par. 2.28.
38 EP, par. 25.
39 EP, pars. 27 et suivants.
40 Réponse de la Guinée équatoriale aux questions des juges Bennouna et Donoghue, 26 octobre 2016,
pars. 17-32.
41 MGE, par. 8.15.
42 Réponse de la Guinée équatoriale aux questions des juges Bennouna et Donoghue, 26 octobre 2016,
pars. 21-22, 24 ; MGE, pars. 3.55, 4.4 et 8.46.
21
ad interim à partir du 17 octobre 201143 ; et enfin, le déménagement progressif de ses services
diplomatiques au 42 avenue Foch jusqu’au 27 juillet 2012, date du déménagement complet,
ainsi que l’atteste la note verbale transmise à la France à cette date44.
1.42. L’établissement de locaux d’une mission diplomatique est un processus. Certes la
Guinée équatoriale a fait notification officielle de l’affectation de l’immeuble à des fins
diplomatiques le 4 octobre 2011, mais cela ne l’empêchait pas de s’opposer, comme elle l’a
fait, aux actes d’intrusion du 28 septembre et du 3 octobre 2011. Cette opposition traduit
simplement la destination diplomatique qu’elle accordait à l’immeuble, comme l’atteste
d’ailleurs la présence sur les lieux d’une affiche portant la mention « République de Guinée
équatoriale – locaux de l’Ambassade »45. En outre, les représentants de la Guinée équatoriale
étaient fondés à exiger le respect de l’immunité juridictionnelle de l’État et de ses biens.
1.43. Enfin, on ne saurait considérer les divergences d’adresses dans des pied-de-page et
entête des correspondances ou dans le curriculum vitae de la Chargée d’affaires ad interim46
comme des faits déterminants pour trancher la question de la date à partir de laquelle a eu lieu
l’affectation de l’immeuble comme locaux de la mission diplomatique. La Guinée équatoriale
voit mal ce que l’on peut prouver par un procédé aussi frivole, qui ne révèle rien d’autre qu’un
défaut d’arguments convaincants. En tout état de cause, significative ou pas, ces questions n’ont
pas un caractère préliminaire et relèvent du fond de l’affaire.
II. L’objet du différend
1.44. La France prétend que les conclusions présentées par la Guinée équatoriale
« excèdent très nettement » l’objet du différend décrit dans ses écritures antérieures et que
« la Guinée équatoriale s’émancipe largement des traités sur lesquels elle prétend fonder ses
demandes »47. L’essentiel de l’argumentation de la France est que la Guinée équatoriale se base
sur le droit international coutumier/ droit international général et non sur les conventions
43 Réponse de la Guinée équatoriale aux questions des juges Bennouna et Donoghue, 26 octobre 2016, par. 25 ;
MGE, pars. 4.9, 4.10 et 8.46.
44 Réponse de la Guinée équatoriale aux questions des juges Bennouna et Donoghue, 26 octobre 2016, par. 29 ;
MGE, pars. 4.25 et 8.48.
45 MGE, par. 8.17.
46 EP, par. 27.
47 EP, par. 44.
22
spécifiques qui fondent la compétence de la Cour. Ces arguments sont erronés. Il s’agit d’une
présentation caricaturale des arguments de la Guinée équatoriale, réalisée à travers des citations
sélectives tirées des écritures48.
1.45. La France présente l’objet du différend de façon contraire à la jurisprudence de la
Cour, qui ne s’en tient pas à une rubrique ou un extrait particulier d’une requête. La Cour s’est
ainsi exprimée, à ce propos, dans l’affaire relative à Certaines questions concernant l’entraide
judiciaire en matière pénale :
« La France considère qu’elle a accepté la compétence de la Cour pour connaître
seulement de l’objet déclaré de l’affaire, lequel est énoncé au paragraphe 1 de la requête,
sous la rubrique ‘objet du différend’, et nulle part ailleurs. S’agissant de la détermination
de l’objet du différend, s’il est effectivement souhaitable que ce qui constitue cet objet
pour le demandeur soit indiqué sous une telle rubrique dans la requête, la Cour doit
néanmoins examiner cette dernière dans son ensemble. »49
1.46. Dans l’affaire de la Compétence en matière des pêcheries, la Cour a également
déterminé que :
« Il ne fait pas de doute qu’il revient au demandeur, dans sa requête, de présenter à la
Cour le différend dont il entend la saisir et d’exposer les demandes qu’il lui soumet (…).
Aux fins d’identifier sa tâche dans toute instance introduite par un État contre un autre, la
Cour commence par examiner la requête (…). Toutefois, il arrive que des incertitudes ou
des contestations surgissent quant à l’objet réel du différend dont la Cour est saisie ou à
la nature exacte des demandes qui lui sont soumises. En pareil cas, la Cour ne saurait s’en
tenir aux seuls termes de la requête ni, plus généralement, s’estimer liée par les
affirmations du demandeur (…).
Il incombe à la Cour, tout en consacrant une attention particulière à la formulation du
différend utilisée par le demandeur, de définir elle-même, sur une base objective, le
différend qui oppose les parties, en examinant la position de l’une et de l’autre (…).
La Cour détermine elle-même quel est le véritable différend porté devant elle (…). Elle
se fonde non seulement sur la requête et les conclusions finales, mais aussi sur les
48 Par exemple en citant seulement le résumé introductif du différend au paragraphe 2 de la Requête de la Guinée
équatoriale (EP, par. 42).
49 Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt, C.I.J.
Recueil 2008, p. 177, par. 67.
23
échanges diplomatiques, les déclarations publiques et autres éléments de preuve
pertinents (…). »50
1.47. La Cour a conclu dans cette affaire, qui était alors à l’étape des exceptions
préliminaires, comme la présente, qu’elle « déterminera quel est le différend qui oppose
l’Espagne au Canada, en tenant compte de la requête de l’Espagne ainsi que des divers exposés
écrits et oraux présentés à la Cour par les parties »51. Par conséquent, à supposer même que la
Guinée équatoriale ait pu excéder l’objet du différend dans la formulation de ses conclusions
dans les procédures qui précèdent la présente, cela ne pourrait être fatal à l’établissement de la
compétence de la Cour. Dans les circonstances de la présente espèce, la Cour est appelée, une
fois la question de sa compétence réglée, à trancher l’ensemble du différend qui oppose la
Guinée équatoriale à la France et non une partie seulement de celui-ci.
1.48. En outre, la France ne cite pas correctement les parties de la Requête de la Guinée
équatoriale qui décrivent l’objet du différend. Les paragraphes de la section qui s’y rapporte
dans la Requête disent ceci :
« Le différend entre la Guinée équatoriale et la France, qui découle de certaines
procédures pénales en cours en France, concerne l’immunité de juridiction pénale du
Second Vice-Président de la République de Guinée équatoriale chargé de la Défense et
de la Sécurité de l’État, ainsi que le statut juridique de l’immeuble qui abrite l’Ambassade
de Guinée équatoriale en France, tant comme locaux de la mission diplomatique que
comme propriété de l’État.
Les procédures pénales contre le Second Vice-Président constituent une atteinte à
l’immunité à laquelle il a droit en vertu du droit international et l’entravent dans l’exercice
de ses fonctions officielles en tant que personne occupant un rang élevé dans l’État de
Guinée équatoriale. À ce jour, ces procédures ont aussi donné lieu, entre autres, à la saisie
de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris, qui est la propriété de la Guinée équatoriale
et utilisé à des fins de sa mission diplomatique en France. Ces procédures violent la
Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, la Convention
des Nations Unies du 15 novembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée, et
le droit international général. »52
50 Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 432, pars. 29-31 (références dans la citation omises).
51 Ibid., par. 33.
52 Requête introductive d’instance de la Guinée équatoriale, 13 juin 2016, pars. 1-3. Voir également MGE,
par. 0.2.
24
1.49. De la même manière, dans sa demande en indication de mesures conservatoires, la
Guinée équatoriale rappelle l’objet du différend entre les parties en ces termes :
« Les droits de la Guinée équatoriale qui font l’objet du litige sont les suivants : son droit
à l’égalité souveraine, y compris le droit au respect de l’immunité de juridiction pénale
étrangère dont jouit son Vice-Président, ainsi que l’immunité de ses biens ; son droit à la
non-intervention dans ses affaires intérieures ; et son droit à l’inviolabilité, à la protection
et à la dignité de sa mission diplomatique en France. L’immunité personnelle du Vice-
Président et l’inviolabilité de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris, objet de la
présente demande en indication de mesures conservatoires, découlent des principes de
l’égalité souveraine des États et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États,
qui sont des principes fondamentaux de l’ordre juridique international et auxquels il est
expressément fait référence dans la Convention de Palerme. L’immunité et l’inviolabilité
de la mission diplomatique sont bien établies en droit international coutumier, tel que
codifié par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. »53
1.50. La longue argumentation de la France aux paragraphes 42 à 57 de ses exceptions
préliminaires, où elle expose que les conclusions recherchées par la Guinée équatoriale
excèderaient les termes de l’objet du différend, n’éclaire nullement le débat qu’elle soulève sur
la compétence. L’appréciation de la portée des conclusions est une question qui relève
ultimement du fond de l’affaire, c’est-à-dire lorsque la compétence de la Cour est acquise.
Contrairement à ce que semble croire la France, l’énoncé de l’objet du différend dans la Requête
introductive d’instance, alors même qu’il est une exigence essentielle des textes fondamentaux
de la Cour54, ne confine pas le demandeur à ce qui est contenu dans ladite Requête. Il revient
bien souvent à la Cour de déterminer cet objet.
1.51. Il ressort de l’ensemble des écritures de la Guinée équatoriale que le présent
différend porte sur les violations par la France de la Convention de Palerme et de la CVRD. Les
questions concernant l’immunité ratione personae du Vice-Président de la Guinée équatoriale,
chargé de la Défense nationale et de la Sécurité de l’État, et le statut juridique et l’inviolabilité
de l’immeuble qui abrite les locaux de la mission diplomatique de ce pays en France, sont une
partie intégrale de ce différend.
53 Demande en indication de mesures conservatoires de la Guinée équatoriale, 29 septembre 2016, par. 13.
54 Statut de la Cour, article 40 ; Règlement de la Cour, article 38.
25
1.52. Dans son Mémoire, la Guinée équatoriale a par ailleurs fondé la compétence de la
Cour sur des bases conventionnelles précises. À ce propos, elle écrit ceci :
« La Cour a compétence dans la présente affaire en vertu, d’une part, de l’article 35 de la
Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée par
l’Assemblée générale des Nations Unies le 15 novembre 2000 (…) ; et, d’autre part, des
dispositions du Protocole se signature facultative à la Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques, concernant le règlement obligatoire des différends, fait à Vienne
le 18 avril 1961 (…). »55
1.53. Ces bases de compétence sont en tout point identiques à celles invoquées par la
Guinée équatoriale au soutien de sa Requête56 et de sa demande en indication de mesures
conservatoires57. Dans l’ordonnance du 7 décembre 2016 sur cette demande, la Cour rappelle
les mêmes bases de compétence en ces termes :
« Dans sa requête, la Guinée équatoriale entend fonder la compétence de la Cour, d’une
part, sur le protocole de signature facultative concernant le règlement obligatoire des
différends relatif à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du
18 avril 1961 (…) et, d’autre part, sur l’article 35 de la convention des Nations Unies
contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000 (…). »58
1.54. Dans ses exceptions préliminaires, la France s’est longuement attardée soit à
rappeler des évidences, soit à présenter de manière inexacte les arguments de la Guinée
équatoriale sur les bases de compétence59. Pour appuyer son raisonnement, elle cite les extraits
de la Requête et du Mémoire de la Guinée équatoriale dans lesquels elle met en évidence – par
des italiques – les expressions « droit international général », « droit international
coutumier »60, pour prétendre que la Guinée équatoriale « cherche à établir [le bien-fondé de
ses demandes] sur des principes du droit international général davantage que sur des bases
conventionnelles »61.
55 MGE, par. 5.1.
56 Requête introductive d’instance de la Guinée équatoriale, 13 juin 2016, pars. 4-10.
57 Demande en indication de mesures conservatoires de la Guinée équatoriale, 29 septembre 2016, par. 5.
58 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), mesures conservatoires, ordonnance du
7 décembre 2016, par. 3.
59 EP, par. 48.
60 EP, pars. 49-52.
61 EP, par. 48.
26
1.55. Pourtant, comme il ressort clairement du Mémoire de la Guinée équatoriale et de
ses plaidoiries lors des audiences publiques sur la demande en indication de mesures
conservatoires, le droit international général/ droit international coutumier est évoqué
uniquement dans la mesure où il est incorporé dans la Convention de Palerme62 et reflété dans
la CVRD. La Guinée équatoriale ne « s’émancipe » donc en rien de ces traités pour fonder ses
demandes.
1.56. Certes, comme l’affirme la Cour, il n’y a pas de différend simplement parce qu’une
partie invoque l’application d’une convention tandis que l’autre la nie. Dans l’ordonnance du
7 décembre 2016, la Cour indique que, pour déterminer s’il existe un différend entre les parties
au sujet des conventions invoquées par la Guinée équatoriale, « [e]lle doit rechercher si les actes
dont la Guinée équatoriale tire grief sont, prima facie, susceptibles d’entrer dans les
prévisions »63 de ces conventions. La Guinée équatoriale y reviendra dans ces Observations
pour montrer que la Cour a compétence pour connaître du différend en vertu de la Convention
de Palerme et la CVRD.
1.57. Malgré les efforts de la France de démontrer le contraire, il existe entre la Guinée
équatoriale et la France un différend qui porte sur l’interprétation et l’application de la CVRD,
y compris l’article 1, alinéa i), et l’article 22. Comme il a été constamment soutenu par la
Guinée équatoriale, le présent différend concerne non seulement l’interprétation et l’application
de l’article 1, alinéa i), et l’article 22 de la CVRD, mais aussi d’autres dispositions de la
Convention. La question de savoir si des locaux constituent des « locaux de la mission » est
également pertinente pour l’application des dispositions telles que l’article 20 (drapeau et
emblème de l’État accréditant), 21 (facilitation de l’acquisition des locaux) et 23 (exemption
d’impôts). Cependant, à ce stade, la question la plus importante, qui constitue la préoccupation
majeure de la Guinée équatoriale, est la violation flagrante de l’article 22 de la Convention.
1.58. Le passage du Mémoire de la Guinée équatoriale cité par la France au
paragraphe 129 de ses exceptions préliminaires établit clairement qu’il y a un différend quant
à l’interprétation et l’application de dispositions de la CVRD entre les deux parties.
62 MGE, pars. 5.10 et 5.13 ; CR 2016/16, 19 octobre 2016, p. 11, par. 13 (Wood).
63 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), mesures conservatoires, ordonnance du
7 décembre 2016, par. 47.
27
Contrairement à ce que prétend la France, la Guinée équatoriale ne se borne pas à « de simples
affirmations nullement étayées »64. Elle invoque les dispositions conventionnelles pertinentes
dont l’interprétation et l’application sont à l’origine du différend opposant les deux parties.
C’est ce qui est demandé à une partie qui saisit la Cour sur la base d’une clause compromissoire,
comme c’est le cas en la présente espèce.
1.59. Pour la France, le différend porte « en réalité » sur une question dite préalable :
celle de savoir si l’immeuble sis au 42 avenue Foch « devait - ou non - au moment où les faits
que la Guinée équatoriale entend dénoncer sans sa Requête se sont produits, être considéré
comme étant utilisé aux fins de la mission équato-guinéenne en France »65. Elle soutient par
ailleurs que, même si la Cour reconnaissait sa compétence sur la base de la CVRD, cette
compétence serait limitée « à l’examen de la licéité de la saisie pénale immobilière de
l’immeuble sis au 42, avenue Foch à Paris au regard de la Convention de Vienne »66.
1.60. Pour la Guinée équatoriale, il n’existe pas de question préalable relative au statut
des locaux abritant ses services diplomatiques qui serait détachable des dispositions pertinentes
de la CVRD. L’article 1, alinéa i), de la CVRD prévoit :
« Aux fins de la présente Convention, les expressions suivantes s’entendent comme il est
précisé ci-dessous :
(…)
i) l’expression ‘locaux de la mission’ s’entend des bâtiments ou des parties de
bâtiments et du terrain attenant qui, quel qu’en soit le propriétaire, sont utilisés aux
fins de la mission, y compris la résidence du chef de la mission »67.
1.61. Cette disposition n’indique pas expressément la procédure d’établissement des
locaux d’une mission diplomatique. C’est pourquoi la pratique des États en la matière est variée.
Rien n’autorise l’État accréditaire d’établir unilatéralement une procédure particulière. En
revanche, la disposition précitée peut s’entendre comme autorisant l’autodéfinition par l’État
accréditant des locaux de sa mission diplomatique. C’est la pratique de nombreux États dans
64 EP, par. 129.
65 EP, par. 137.
66 EP, par. 138.
67 CVRD, article 1, alinéa i).
28
les cas où il n’y a pas de législation ou d’autre réglementation spécifique en la matière. Tel est
le cas précisément de la France, au contraire du Royaume-Uni par exemple, dont la France s’est
empressée de citer la législation en la matière, sans toutefois citer la sienne.
1.62. La France invoque sa « pratique constante »68 en la matière sans en fournir des
illustrations. En fait de pratique constante, il s’agit d’une pratique singulière qui semble être
mise en oeuvre à l’égard de la seule Guinée équatoriale, et donc d’une pratique arbitraire et
discriminatoire, contraire à l’article 47, paragraphe 1, de la CVRD. Par ailleurs, il s’agit d’une
pratique discriminatoire récente, qui ne fut pas appliquée lors de l’établissement des précédents
locaux de la mission de la Guinée équatoriale à Paris. La nature discriminatoire de cette pratique
est donc aggravée par son caractère circonstanciel. En outre, l’affirmation de la France selon
laquelle l’immeuble du 42 avenue Foch n’a pas de statut diplomatique est directement
contredite par le comportement de nombre d’agents de la France qui s’y sont régulièrement
rendus pour obtenir des autorisations d’entrer en Guinée équatoriale.
1.63. Pour la Guinée équatoriale, l’article 1, alinéa i), de la CVRD établit que les locaux
des services diplomatiques sont ceux qui sont désignés comme tels par l’État accréditant à l’État
accréditaire. La France soutient, au contraire, mais sans que cela ne soit appuyée par sa
« pratique » – à l’exception du cas en cause dans la présente affaire – que la qualité de locaux
des services diplomatiques d’un État accréditant n’entre pas dans les prévisions de l’article 1,
alinéa i), ni dans celles de l’article 22 CVRD, et qu’il revient exclusivement à l’État accréditaire
de fixer la procédure à suivre par l’État accréditant pour obtenir un tel statut pour les locaux de
ses services diplomatiques. Il y a donc incontestablement un différend entre les deux parties au
sujet de l’interprétation de l’article 1, alinéa i), de la CVRD.
1.64. Quant à l’article 22, le différend porte sur son application aux locaux des services
diplomatiques de la Guinée équatoriale. La France avance que « la question de la détermination
du statut juridique – ou encore de la destination diplomatique – d’un immeuble aux fins de la
Convention de Vienne n’est pas réglée par la Convention »69. Mais contrairement à ce
qu’affirme la France, cette question ne demeure pas en dehors du champ d’application de
celle-ci70. Dans la mesure où cette question détermine l’application même de la Convention,
68 EP, par. 167.
69 EP, par. 162.
70 EP, par. 162.
29
elle lui est étroitement liée et, par conséquent, un différend sur cette question est nécessairement
un différend relatif à l’application de la Convention.
1.65. Comme la Guinée équatoriale l’a montré dans ses écritures, il existe également un
différend au sujet de l’interprétation et de l’application de la Convention de Palerme. Les
demandes de la Guinée équatoriale dans la présente affaire concernant l’immunité ratione
personae du Vice-Président de la Guinée équatoriale, chargé de la Défense nationale et de la
Sécurité de l’État, et l’immunité d’exécution des biens de cet État sont fondées sur le droit
conventionnel, en particulier sur l’obligation qui incombe à la France, en vertu de l’article 4 de
la Convention de Palerme, de respecter les principes de l’égalité des États et de la nonintervention
lorsqu’elle exécute ses autres obligations au titre de la Convention. La France ellemême
n’en disconvient pas71. Cependant, elle attire l’attention sur diverses références au droit
international coutumier dans les écritures et les plaidoiries orales de la Guinée équatoriale72.
Comme il sera démontré au Chapitre 2, ces références s’expliquent : les règles pertinentes du
droit international coutumier en la matière sont devenues des obligations conventionnelles, et
la Cour est compétente pour statuer sur leur violation dans le cadre de l’application de la
Convention de Palerme.
1.66. En conclusion, tout en invitant la Cour à déterminer l’objet du différend à la lumière
de sa Requête introductive d’instance et ses conclusions finales, mais aussi à la lumière des
échanges diplomatiques et les déclarations publiques, la Guinée équatoriale soutient qu’il existe
un différend entre les Parties au sujet de l’interprétation et de l’application de la Convention de
Palerme et de la CVRD, et par conséquent la Cour est compétente pour se prononcer sur la
Requête de la Guinée équatoriale.
III. Le prétendu « caractère abusif » de la Requête de la Guinée équatoriale
1.67. Dans ses exceptions préliminaires, la France avance, comme à l’occasion de la
demande en indication de mesures conservatoires73, que le recours de la Guinée équatoriale à
71 EP, par. 63.
72 EP, pars. 42 et suivants.
73 Dans son ordonnance du 7 décembre 2016, la Cour a rejeté, à l’unanimité, la demande de la France visant à ce
que l’affaire soit rayée du rôle.
30
la Cour pour régler le présent différend est « abusif »74. En particulier, elle prétend que la
Requête de la Guinée équatoriale constitue, d’une part, un « abus de procédure » visant à
contourner l’exigence du consentement à la compétence de la Cour (A), et, d’autre part, une
tentative de conforter une situation d’abus de droit (B).
1.68. De manière liminaire, une observation générale s’avère nécessaire. Après avoir
concédé qu’un différend existe entre elle et la Guinée équatoriale75, la France a jugé opportun
d’utiliser le terme « abusif » dans des contextes très différents pour empêcher la Cour de
s’acquitter de ses fonctions judiciaires. Elle a contesté, explicitement ou implicitement, les
raisons et motifs de la Guinée équatoriale. De telles affirmations ne sont non seulement
inattendues et inappropriées dans les relations diplomatiques ; elles sont également contraires
au principe fondamental selon lequel « la mauvaise foi ne se présume pas »76. En tout état de
cause, elles sont contredites, de façon flagrante, par les faits.
A. LA GUINÉE ÉQUATORIALE N’A COMMIS AUCUN ABUS DE PROCÉDURE
1.69. La France avance une variété d’arguments pour montrer que les efforts de la Guinée
équatoriale pour résoudre le présent différend constituent un « abus de procédure ». Elle dit que
les arguments de la Guinée équatoriale relatifs à la compétence de la Cour sont très brefs ; que
la Guinée équatoriale s’appuie sur le droit international coutumier ou la jurisprudence de la
Cour pour établir la compétence de la Cour ; que l’invocation par la Guinée équatoriale de la
Convention de Palerme et la CVRD n’est pas légitime ; et qu’il ne faudrait pas avoir recours à
la Cour comme moyen pour mettre fin aux procédures pénales contre le Vice-Président de la
Guinée équatoriale. Chacun de ces arguments est complètement dépourvu de fondement. En
réalité, le seul fait d’avancer ces arguments pourrait être considéré comme un abus de
procédure.
74 EP, chapitre 1, section III.
75 EP, par. 64.
76 Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, arrêt, 1926, C.P.J.I., série A, n° 7, p. 30. Voir aussi
Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt, C.I.J.
Recueil 2009, p. 267, par. 150 ; Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa
Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa
Rica), arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 717, par. 141.
31
1.70. La France commence en reprochant à la Guinée équatoriale d’avoir été
« particulièrement succincte » et même « évasive » au regard des bases de compétence qu’elle
invoque dans la présente affaire77. Il n’est guère nécessaire de répondre à ces reproches.
Les plaidoiries de la Guinée équatoriale sont entièrement claires et se suffisent à elles-mêmes.
Les deux bases de compétence invoquées ont été clairement abordées dans la Requête comme
dans le Mémoire de la Guinée équatoriale. En tout cas, on ne s’attendrait pas à ce que cette
dernière réponde à des arguments qui, jusqu’à présent, n’avaient pas encore été exposés en
détail par la France. C’est précisément pour cela que les procédures incidentes d’exceptions
préliminaires existent. La Guinée équatoriale se réjouit de la possibilité de rappeler ce qu’elle
avait considéré comme évident : la Convention de Palerme78 et le Protocole de signature
facultative79 confèrent à la Cour compétence pour se prononcer sur les violations du droit
international commises par la France et pour tirer les conséquences de ce comportement illicite.
1.71. Ensuite, la France avance que, à l’exception de la question du statut diplomatique
de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris, les demandes de la Guinée équatoriale se fondent
uniquement sur le droit international coutumier80. Cela n’est pas correcte. Comme on l’a
rappelé dans la section qui précède, la Guinée équatoriale ne se base pas sur le droit international
coutumier directement ; ce dernier est pertinent dans la mesure où il est incorporé dans la
Convention de Palerme et reflété dans la CVRD. La Guinée équatoriale l’a également expliqué
lors des audiences publiques sur la demande en indication de mesures conservatoires :
« At no time did we suggest that there was jurisdiction over questions of general or
customary international law except in so far as such jurisdiction flowed from the two
treaties we actually relied upon: the Palermo Convention and the Optional Protocol to the
Vienna Convention. »81
1.72. L’argument selon lequel la Guinée équatoriale se base sur certaines affaires
précédentes devant la Cour (celles relatives au Mandat d’arrêt, Certaines questions concernant
l’entraide judiciaire en matière pénale et Immunités juridictionnelles de l’État) pour étayer ses
77 EP, pars. 60-61.
78 Voir Chapitre 2 ci-dessous.
79 Voir Chapitre 3 ci-dessous.
80 EP, par. 62.
81 CR 2016/16, 19 octobre 2016, p. 10, par. 10 (Wood).
32
arguments au regard de la compétence de la Cour82 est sans aucune pertinence. La Guinée
équatoriale ne se réfère nullement à ces affaires en rapport avec la question de compétence ;
elle s’appuie plutôt sur les énoncés de droit qui s’y trouvent.
1.73. Encore plus étonnante est la prétention de la France selon laquelle l’invocation par
la Guinée équatoriale de la Convention de Palerme et du Protocole de signature facultative
comme bases de compétence devrait être caractérisée comme un abus de procédure parce que
la France avait refusé d’accepter la compétence de la Cour sur la base du forum prorogatum
en 201283. Tout d’abord, il est de jurisprudence constante que la saisine de la Cour, même si
elle est faite immédiatement après l’acceptation de sa compétence, ne constitue pas un abus de
procédure84. Décrire l’accession de la Guinée équatoriale au Protocole de signature facultative
comme partie d’une « stratégie » visant à contourner l’absence de consentement en 201285 est
donc sans pertinence. Il en va de même pour l’autre argument avancé par la France, selon lequel
la Convention de Palerme était déjà applicable entre les parties en 2012 et la Guinée équatoriale
ne l’a pas invoquée86. Il peut y avoir plusieurs raisons pour lesquelles un État invoque une base
de compétence à une occasion et pas dans une autre. Quoi qu’il en soit, cela ne saurait être
reproché à un État à un stade ultérieur, car il n’existe pas en droit international de prescriptions
quant à l’invocation de bases de compétence. En outre, il faut rappeler que c’était la France qui,
en 2013, a clarifié que les actions entreprises contre le Vice-Président de la Guinée équatoriale
et l’ambassade de la Guinée équatoriale à Paris avaient été exécutées sur la base de la
Convention de Palerme, lorsqu’elle a invoqué cette dernière dans la commission rogatoire du
14 novembre de cette année87. De manière plus générale, essayer de dissuader un État de régler
un différend par la voie judiciaire, et l’accuser d’abuse et mauvaise foi pour saisir la Cour, est
un comportement très regrettable.
82 EP, par. 65.
83 EP, pars. 70-72.
84 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil
1998, p. 275, pars. 22-40. Voir aussi Affaire du droit du passage sur territoire indien (exceptions
préliminaires), arrêt, C.I.J. Recueil 1957, p. 147 ; Affaire du temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1961, p. 31 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984,
p. 392, par. 45.
85 EP, par. 70.
86 EP, par. 72.
87 MGE, pars. 3.47-3.48.
33
1.74. La France accuse par ailleurs la Guinée équatoriale d’utiliser la Cour pour faire
obstacle aux poursuites pénales engagées devant les juridictions françaises contre son
Vice-Président88. Mais cela est une utilisation parfaitement légitime de la Cour lorsqu’un État
considère qu’une juridiction étrangère exerce sa compétence d’une manière qui est contraire au
droit international. Plusieurs affaires avec le même but (celui de mettre à terme ou suspendre
des procédures judiciaires engagées en violation du droit international) ont été portées devant
la Cour89.
1.75. Quoi qu’il en soit, comme un publiciste reconnu l’a récemment écrit, l’abus de
procédure « is a dangerous concept because it limits the exercise of subjective rights grounded
in positive law »90. Dans la présente affaire, la Guinée équatoriale a eu recours aux procédures
pour le règlement des différends de bonne foi et conformément aux conditions et prescriptions
des conventions sur lesquelles elle base la compétence de la Cour. Tout argument selon lequel
la Requête est « totalement artificielle » 91 est dépourvu de fondement et doit être rejeté.
B. LA GUINÉE ÉQUATORIALE N’A COMMIS AUCUN ABUS DE DROIT
1.76. La France a en outre fait valoir que la Requête de la Guinée équatoriale constitue
un abus de droit dans la mesure où la Guinée équatoriale n’aurait le droit de demander le respect
des immunités en cause92. Nonobstant, il est clair que la question de savoir si la Guinée
équatoriale jouit de tels droits relève du fond de la présente affaire. De façon similaire, tout
argument relatif à ce que la Guinée équatoriale n’aurait pas agi de manière appropriée pour
défendre les droits que le droit international lui accorde – ce que la Guinée équatoriale conteste
fermement – soulève des questions qui relèvent du fond de l’affaire et qui ne peuvent pas être
abordées dans le cadre de cette procédure incidente93.
88 EP, pars. 73-74.
89 V. par exemple Immunités juridictionnelles de l’État (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)) ou Affaire
Jadhav (Inde c. Pakistan).
90 H. Ascensio, “Abuse of Process in International Investment Arbitration”, Chinese Journal of International
Law, vol. 13, 2014, p. 785.
91 EP, par. 59.
92 EP, par. 76.
93 Ambatielos (Grèce c. Royaume-Uni), compétence, arrêt, C.I.J. Recueil 1952, p. 39.
34
1.77. N’ayant pas réussi à convaincre la Cour à l’occasion de la demande en indication
de mesures conservatoires que les efforts par la Guinée équatoriale de faire respecter les
immunités accordées à son Vice-Président et à l’immeuble abritant son ambassade à Paris sont
abusifs, la France a fourni, encore une fois, un aperçu partiel et manipulateur des faits.
Ultimement, l’argument de la France selon lequel la Guinée équatoriale chercherait à abuser
des droits n’est soutenu par la moindre preuve. Les faits présentés par la France elle-même
montrent que la Guinée équatoriale a agi de façon raisonnable et conformément au droit
international, et qu’elle a inlassablement cherché une solution du différend sans l’aggraver de
manière qui pourrait affecter les relations bilatérales entre les deux États.
1.78. La France avance qu’un abus flagrant des privilèges et immunités accordés par le
droit international pourrait avoir l’effet de mettre en cause l’existence même de ces droits
fondamentaux94. Le même argument pourrait être avancé lorsque l’exercice légitime des
privilèges et immunités est contesté par les autorités d’un État étranger de manière conflictuelle,
et notamment si cet exercice est sujet à l’examen des juridictions de cet État. Comme la cour
d’appel d’Angleterre l’a récemment noté, « [t]here is no support in the relevant international
instruments or the case law for a functional review by a court where there is a challenge to a
claim to immunity by a diplomat or Permanent Representative »95. Si l’invocation de
l’immunité pourrait s’avérer injustifiée à la lumière des circonstances et faits de l’affaire en
question, « it is not envisaged that the correct response to such a situation is for the domestic
courts to look behind the status of the representative. The decision whether or not to waive the
immunity is a matter which is solely within the executive discretion of the sending State or the
courts of the sending State »96. Ce raisonnement aurait dû guider également la France
lorsqu’elle a considéré les immunités de la Guinée équatoriale en la personne de son Vice-
Président et quant à l’immeuble abritant son ambassade à Paris.
1.79. Enfin, il convient de rappeler que la France n’a pas soulevé d’exceptions
préliminaires à la recevabilité de la Requête de la Guinée équatoriale. Mais, même si telles
94 EP, par. 78.
95 Estrada v Juffali (Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs intervening), [2016] EWCA
Civ 176 (22 March 2016), par. 25 (disponible sur <https://www.judiciary.gov.uk/wp-content/uploads/2016/03
/approved_judgment_rhd_estrada_v_juffali.pdf>).
96 Ibid., par. 26 (se référant en particulier aux privilèges et immunités prévues dans la Convention des Nations
Unies sur les immunités des institutions spécialisées).
35
exceptions auraient été soulevées, les arguments avancés par la France ne sauraient les soutenir.
Comme la Cour l’a dit dans l’affaire relative à la Délimitation maritime dans l’océan Indien,
« point n’est besoin pour la Cour de se pencher sur la question plus générale de savoir s’il est
des situations dans lesquelles le comportement d’un demandeur serait d’une nature telle qu’il
rendrait la requête de ce dernier irrecevable »97.
1.80. En conclusion, l’argument de la France selon lequel la Requête de la Guinée
équatoriale est abusive est sans fondement. Il n’existe aucun obstacle à la compétence de la
Cour à cet égard.
IV. La France invoque des questions relevant du fond pour conclure
à l’incompétence de la Cour
1.81. La France a, à plusieurs reprises, excédé les limites inhérentes à la présente
procédure incidente.
1.82. Bien qu’en apparence la France se soit bornée à invoquer des exceptions à la
compétence de la Cour, ses écritures vont très souvent au-delà de la question de compétence
pour aborder le fond de l’affaire. Le règlement de la Cour est pourtant clair :
« 4. L’acte introductif de l’exception contient l’exposé de fait et de droit sur lequel
l’exception est fondée, les conclusions et le bordereau des documents à l’appui (…)
5. Les exposés de fait et de droit contenus dans les pièces de procédure mentionnées aux
paragraphes 4 et 5 du présent article et les exposés et moyens de preuve présentés pendant
les audiences envisagées au paragraphe 6 sont limités aux points ayant trait à
l’exception. »98
1.83. Comme on l’a rappelé ci-dessus, la France estime qu’il existe, par exemple, une
incertitude quant à la date à laquelle la Guinée équatoriale a acquis la propriété de l’immeuble
sis au 42 avenue Foch99, et la date à laquelle cet immeuble a été affecté aux fins de la mission
97 Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya), exceptions préliminaires, arrêt du
2 février 2017, par. 143.
98 Règlement de la Cour, article 79, paragraphes 4 et 5 (italiques ajoutés).
99 EP, pars. 24-26.
36
diplomatique de la Guinée équatoriale en France100 ; elle estime en outre que son droit interne
est en harmonie avec la Convention de Palerme101 ; ou encore que « les procédures pénales
engagées ne procèdent (…) pas d’une extension extraterritoriale de la compétence des
juridictions françaises »102 . Ces arguments, parmi d’autres, tendent en réalité à contester le
fond du présent différend. En conséquence, ils ne sont pas pertinents à ce stade de la procédure.
100 EP, pars. 27-29.
101 EP, pars. 111, 116, 117 et 125.
102 EP, par. 18.
37
CHAPITRE 2
LA COMPÉTENCE DE LA COUR SUR LA BASE DE LA CONVENTION DES
NATIONS UNIES CONTRE LA CRIMINALITÉ TRANSNATIONALE ORGANISÉE
2.1. Dans ses exceptions préliminaires, la France fait valoir que la Cour n’a pas de
compétence en vertu de la Convention de Palerme pour connaître du présent différend103. Ce
chapitre démontrera que, contrairement à ce qu’affirme la France, la Cour est bien compétente
sur le fondement de l’article 35, paragraphe 2, de la Convention, le différend entre les parties
étant assurément relatif à l’interprétation et l’application de la Convention, notamment à
l’interprétation et l’application de son article 4, intitulé « Protection de la souveraineté ».
2.2. De manière liminaire, la Guinée équatoriale note que la France base largement ses
arguments sur l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le
7 décembre 2016104. Mais, comme expressément rappelé dans l’ordonnance, la décision de la
Cour « ne préjuge en rien la question de la compétence de la Cour pour connaître du fond de
l’affaire »105.
2.3. La partie centrale du raisonnement de la Cour dans l’ordonnance du
7 décembre 2016 au sujet de sa compétence sur la base de la Convention de Palerme figure au
paragraphe 49 de l’ordonnance. La Guinée équatoriale est d’accord, dans une certaine mesure,
avec ce qui est affirmé dans ce paragraphe, et notamment que :
- « L’article 4 a pour objet de garantir que les Etats parties à la convention
exécuteront leurs obligations dans le respect des principes de l’égalité souveraine,
de l’intégrité territoriale des Etats, et de la non-intervention dans les affaires
intérieures d’autres Etats. »
- « Cette disposition n’apparaît pas créer de nouvelles règles concernant les
immunités des personnes de rang élevé dans l’état (…). »
103 EP, pars. 89-127.
104 EP, pars. 91, 99, et 105.
105 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), mesures conservatoires, ordonnance du
7 décembre 2016, par. 98.
38
- « Tout différend qui pourrait surgir au sujet de ‘l’interprétation ou [de]
l’application’ de l’article 4 de la convention ne pourrait dès lors porter que sur la
manière dont les Etats parties exécutent leurs obligations au titre de la
convention. »106
2.4. Pour les raisons exposées dans le présent chapitre, le différend qui oppose la Guinée
équatoriale à la France a trait à la manière dont cette dernière a exécuté ses obligations au titre
de la Convention de Palerme. Le différend porte sur la question de savoir si la France a exécuté
plusieurs de ses obligations au titre de la Convention, notamment celles découlant des articles 6,
11, 12, 14, 15 et 18, tout en respectant les principes de l’égalité souveraine et de la nonintervention,
énoncés à l’article 4 de la Convention. Il ne fait aucun doute que les règles
relatives aux immunités juridictionnelles des États, y compris l’immunité de certaines
personnes occupant un rang élevé dans l’État et l’immunité d’exécution des biens de l’État,
régimes pertinents en l’espèce, découlent directement de ces principes107. Leur respect est par
conséquent requis par l’article 4 de la Convention.
2.5. Par ailleurs, les arguments de la France par rapport à la compétence de la Cour sur
la base de la Convention de Palerme soulèvent des questions complexes de droit et de fait,
plusieurs d’entre elles étroitement liées au fond, lesquelles peuvent être difficilement abordées
au stade des exceptions préliminaires.
2.6. La Guinée équatoriale répondra dans une première section aux arguments de la
France au regard de l’article 4 de la Convention (I). Dans une deuxième section, la Guinée
équatoriale abordera le rapport entre le différend et les autres dispositions pertinentes de la
Convention. Elle expliquera quelles sont les obligations de la Convention que, selon la Guinée
équatoriale, la France n’a pas exécutées de manière compatible avec les principes de l’égalité
souveraine et de la non-intervention, y compris les règles relatives aux immunités des États qui
en découlent (II).
106 Ibid., par. 49.
107 Ibid., Opinion individuelle de la Juge Xue, pars. 4-7 ; Opinion individuelle du Juge ad hoc Kateka, pars. 3-22.
39
I. L’obligation en vertu de l’article 4 de la Convention de Palerme d’exécuter les
obligations au titre de la Convention de manière compatible avec les principes de
l’égalité souveraine et de la non-intervention
2.7. Dans ses exceptions préliminaires, la France avance quelques brefs arguments au
regard de l’article 4 de la Convention de Palerme108. À titre général, la Guinée équatoriale note
que ces arguments sont presque identiques à ceux présentés par la France lors des audiences
publiques sur la demande en indication de mesures conservatoires109. La France n’a donc guère
cherché à répondre à l’ensemble des arguments consacrés à cette disposition de la Convention
dans le Mémoire de la Guinée équatoriale110.
2.8. La Guinée équatoriale note également que la France ne conteste pas que les
principes de l’égalité souveraine et de la non-intervention, qui doivent être respectés en vertu
de l’article 4 de la Convention, englobent d’importantes règles de droit international coutumier,
et notamment celles relatives aux immunités des États111. L’article 4 dispose :
« Article 4. Protection de la souveraineté
1. Les États Parties exécutent leurs obligations au titre de la présente Convention d’une
manière compatible avec les principes de l’égalité souveraine et de l’intégrité territoriale
des États et avec celui de la non-intervention dans les affaires intérieures d’autres États.
2. Aucune disposition de la présente Convention n’habilite un État Partie à exercer sur le
territoire d’un autre État une compétence et des fonctions qui sont exclusivement
réservées aux autorités de cet autre État par son droit interne. »
2.9. L’argument principal de la France consiste à soutenir que l’article 4 de la
Convention de Palerme ne constitue pas une « obligation autonome », et qu’il ne vise pas à
organiser de manière générale les rapports juridiques entre les États. Selon la France, la Guinée
équatoriale :
108 EP, pars. 94-103.
109 CR 2016/15, 18 octobre 2016, pp. 21-22, par. 12 (Pellet) ; CR 2016/17, 19 octobre 2016, pp. 9-10, par. 6
(Pellet).
110 MGE, pars. 5.9-5.26.
111 MGE, pars. 5.13-5.16. Voir aussi Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), mesures
conservatoires, ordonnance du 7 décembre 2016, Déclaration du juge Gevorgian.
40
« (…) soutient ainsi que l’article 4 contient une ‘obligation autonome’ de respecter le
droit international coutumier en général. Ce faisant, elle tente d’ajouter à la Convention
un objet qu’elle n’a pas, afin d’élargir le champ du consentement figurant à l’article 35,
paragraphe 2, de la Convention. »112
2.10. La France représente de manière erronée les arguments avancés par la Guinée
équatoriale. La Guinée équatoriale n’a jamais prétendu que l’article 4 impose une « obligation
autonome » dans le sens qu’il aurait pour but d’organiser de manière générale les rapports
juridiques entre les États au regard des principes de l’égalité souveraine et de la
non-intervention, et les règles relatives aux immunités des États qui en découlent. Bien au
contraire, sa position constante est que l’article 4 impose l’obligation de respecter ces principes
dans le cadre de l’application de la Convention de Palerme.
2.11. Lors des audiences sur la demande en indication de mesures conservatoires, la
Guinée équatoriale a expliqué que :
« (…) Article 4 of the Palermo Convention requires States to respect the rules concerning
the immunities to which States are entitled before foreign courts when applying the
Palermo Convention. Being embodied in the principle of sovereign equality, the rules
concerning the immunities to which States are entitled before foreign courts are binding
on States when applying the Palermo Convention (…).
The Palermo Convention does not oblige States to respect the principles of sovereign
equality and non-intervention generally; it imposes on them the obligation to respect
those principles when applying the Convention. This is to ensure that no disturbance
would be caused to international relations as a result of implementing the Convention; in
other words, to prevent precisely a situation such as the one that has compelled Equatorial
Guinea to turn to this Court. »113
2.12. Dans son ordonnance du 7 décembre 2016, la Cour a décrit la position de la Guinée
équatoriale de la façon suivante :
« Selon la Guinée équatoriale, l’article 4 de la convention ne constitue pas une simple
‘directive générale’ à la lumière de laquelle il conviendrait d’interpréter les autres
dispositions de la convention. Les principes de l’égalité souveraine et de la nonintervention
auxquels cette disposition se réfère engloberaient d’importantes règles de
droit international coutumier ou général, en particulier celles qui touchent aux immunités
des Etats et à l’immunité de certaines personnes de rang élevé dans l’Etat. Consacrées par
112 EP, par. 98. Voir aussi pars. 95 et 96.
113 CR 2016/16, 19 octobre 2016, pp. 12-13, pars. 15 et 17 (Wood) (italiques ajoutés).
41
les principes susvisés, les règles en question seraient, d’après la demanderesse,
contraignantes pour les Etats lorsqu’ils appliquent la convention. »114
2.13. Enfin, dans son Mémoire, la Guinée équatoriale a soutenu que :
« En exécutant ses obligations au titre de la Convention de Palerme, chaque État Partie
a l’obligation de respecter le principe de l’égalité souveraine, y compris les règles de
l’immunité. Le différend entre la Guinée équatoriale et la France concernant les
procédures pénales contre M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, et celui concernant le
statut de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris en tant que bien de l’État utilisé ou
destiné à être utilisé par l’État à des fins de service public non commerciales, sont des
différends qui soulèvent la question de savoir si la France s’est conformée à l’article 4 de
la Convention. La réponse à cette question dépend de l’interprétation et de l’application
de l’article 4, lu conjointement avec d’autres dispositions de la Convention (…).
L’article 4 de la Convention de Palerme n’exige pas le respect des principes de l’égalité
souveraine et de la non-intervention, et de la règle de l’immunité de l’État qui en découle,
de manière générale. Cette obligation conventionnelle s’impose uniquement dans le cadre
de l’application de la Convention. »115
2.14. En bref, la Guinée équatoriale considère que l’article 4 de la Convention de Palerme
impose bel et bien une obligation aux États parties à celle-ci. Mais, contrairement à ce
qu’affirme la France, elle ne cherche pas à dissocier l’article 4 des autres dispositions de la
Convention116.
2.15. L’utilisation de l’expression « obligation autonome » dans le Mémoire de la Guinée
équatoriale117 a pour but de mettre l’accent sur le caractère juridiquement contraignant de
l’article 4 de la Convention, en réponse à l’argument de la France, lors des audiences sur la
demande en indication de mesures conservatoires, selon lequel cette disposition serait une
simple « directive générale ». Dans ses exceptions préliminaires, la France invoque de nouveau
l’affaire relative aux Plates-formes pétrolières118 pour soutenir sa thèse, mais elle n’a pas
cherché à répondre aux arguments de la Guinée équatoriale au regard de la pertinence de cette
114 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), mesures conservatoires, ordonnance du
7 décembre 2016, par. 43 (italiques ajoutés).
115 MGE, pars. 5.10 et 5.27 (italiques ajoutés).
116 EP, par. 106.
117 MGE, par. 5.18.
118 EP, par. 99.
42
affaire pour le présent différend119. L’article 1 du traité d’amitié de 1955 et l’article 4 de la
Convention de Palerme sont très différents, et le raisonnement de la Cour dans l’affaire
susmentionnée n’est pas applicable en l’espèce.
2.16. Il convient de rappeler que, dans son ordonnance du 7 décembre 2016, la Cour a
reconnu que l’article 4 établit une obligation concernant la manière dont les États exécutent
leurs obligations au titre de la Convention de Palerme. La Cour a déterminé que :
« Tout différend qui pourrait surgir au sujet de ‘l’interprétation ou [de] l’application’ de
l’article 4 de la convention ne pourrait dès lors porter que sur la manière dont les Etats
parties exécutent leurs obligations au titre de la convention. »120
2.17. Dès lors qu’un tel différend peut surgir, on ne saurait soutenir que l’article 4 de la
Convention de Palerme est une simple « directive générale ». Il s’agit d’une obligation
conventionnelle de respecter les principes de l’égalité souveraine et de la non-intervention dans
le cadre de l’exécution des autres dispositions de la Convention de Palerme.
2.18. La France prétend par ailleurs que la Guinée équatoriale entretient une confusion
entre les obligations prévues dans la Convention de Palerme et la manière dont celles-ci doivent
être exécutées121. Mais il n’existe en réalité aucune confusion. L’obligation contenue dans
l’article 4 concerne précisément la manière dont les États exécutent leurs autres obligations au
titre de la Convention, ce qui a été relevé par la Cour dans son ordonnance du
7 décembre 2016122. Ceci ne doit pas être interprété de manière restrictive. Il peut y avoir des
situations dans lesquelles l’article 4 de la Convention requiert que les États s’abstiennent
d’exécuter ce qui autrement serait une obligation au titre de la Convention.
2.19. La conséquence de cela est simple. Lorsque la France poursuit certaines infractions
en exécution de la Convention, l’exercice de l’action publique doit respecter les principes de
l’égalité souveraine et de la non-intervention. Lorsqu’elle adopte en droit interne certaines
dispositions pour donner effet à la Convention, les dispositions qu’elle adopte doivent, tant
119 MGE, pars. 5.14, 5.17 et 5.18 ; CR 2016/16, 19 octobre 2016, p. 12, par. 16 (Wood).
120 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), mesures conservatoires, ordonnance du
7 décembre 2016, par. 49.
121 EP, par. 98.
122 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), mesures conservatoires, ordonnance du
7 décembre 2016, par. 49.
43
formellement qu’en pratique, respecter lesdits principes. Pour se conformer aux obligations
concernant la coopération entre États, cette dernière doit avoir lieu tout en respectant les mêmes
principes. En bref, lorsqu’elle exécute chacune des obligations prévues par la Convention, la
France doit respecter les principes de l’égalité souveraine et de la non-intervention, et, au
besoin, doit s’abstenir de mettre en oeuvre les obligations de la Convention quand cette mise en
oeuvre risque de violer les principes de l’égalité souveraine et de la non-intervention. Ces
principes constituent un « cadre juridique en référence auquel les autres dispositions doivent
être exécutées »123.
2.20. Cette obligation n’a rien d’extraordinaire. Les États sont toujours tenus, à moins
qu’il existe une intention claire contraire, de respecter les principes fondamentaux du droit
international lorsqu’ils appliquent un traité. Comme l’a affirmé la France, cette obligation est
opposable même si elle n’est pas expressément prévue124. Mais lorsqu’elle est prévue par un
traité (comme c’est le cas de l’article 4 de la Convention de Palerme), il faut en tirer toutes les
conséquences. En particulier, une juridiction internationale ayant compétence pour connaître
des différends concernant l’interprétation ou l’application dudit traité est nécessairement
compétente pour statuer sur des violations de ces principes fondamentaux dans le cadre de
l’exécution du traité125.
2.21. Comme dernier argument pour soutenir la thèse selon laquelle l’article 4 de la
Convention de Palerme ne constitue pas une « obligation autonome », même au sens où l’entend
la Guinée équatoriale, la France fait référence, de manière sélective, au Commentaire de la
Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances
psychotropes126. Cet argument ne saurait aboutir. La Guinée équatoriale a expliqué dans son
Mémoire que l’article 2 de cette convention et son Commentaire servent à illustrer la position
des États vis-à-vis cette disposition, qui a servi comme modèle pour l’article 4 de la Convention
123 Ibid., Opinion individuelle de la juge Xue, par. 4.
124 CR 2016/17, 19 octobre 2016, p. 9, par. 5 (Pellet).
125 MGE, par. 5.14.
126 EP, pars. 102-103.
44
de Palerme127. Le Commentaire montre notamment que cette disposition a une portée large et
requiert le respect rigoureux des principes de l’égalité souveraine et de la non-intervention128.
2.22. La Guinée équatoriale a également fait valoir dans son Mémoire que le projet de
Convention de Palerme a été restructuré pour faire apparaître l’article 4 comme disposition
distincte de celle concernant le champ d’application de la Convention (article 3)129. Cet aspect
des travaux préparatoires est significatif. Cette restructuration a été un choix délibéré des États
ayant participé à la négociation de la Convention, et confirme leur intention de donner à
l’article 4 un caractère contraignant. La France rejette cet argument, sans donner
d’explication130.
2.23. Enfin, la Guinée équatoriale note que la France avance – à tort – que, « [à] défaut
de pouvoir établir un rapport entre l’objet du différend et les obligations conventionnelles telles
qu’elles apparaissent dans d’autres articles de la Convention, il faudra donc conclure à
l’incompétence de la Cour »131. Elle concède donc que l’article 4 de la Convention impose une
obligation conventionnelle de respecter les principes de l’égalité souveraine et de la nonintervention
dans le cadre de l’exécution de la Convention.
II. Les obligations de la Convention de Palerme que la France n’a pas exécutées de
manière compatible avec les principes de l’égalité souveraine et de la non-intervention
2.24. Dans le chapitre 2, section II, des exceptions préliminaires, relatif à la Convention
de Palerme, la France estime que la Cour n’aurait pas une compétence matérielle dans la
présente affaire car « aucune question d’interprétation ou d’application d’obligation
conventionnelle n’est en cause »132.
2.25. Contrairement à ce qu’elle affirme, la France a exécuté plusieurs de ses obligations
au titre de la Convention de Palerme de manière incompatible avec les principes de l’égalité
127 MGE, pars. 5.20-5.21.
128 MGE, par. 5.21.
129 MGE, par. 5.22.
130 EP, par. 103.
131 EP, par. 104.
132 EP, par. 105.
45
souveraine et de la non-intervention. Cette conduite soulève des questions qui relèvent de
l’interprétation ou de l’application de la Convention, et constitue, d’après la Guinée équatoriale,
une violation de l’article 4 de cette dernière, lu conjointement avec d’autres dispositions de la
Convention. La compétence de la Cour en vertu de l’article 35, paragraphe 2, de la Convention
est donc bien fondée.
2.26. Dans cette section, la Guinée équatoriale répondra aux arguments de la France et
expliquera de manière détaillée la portée des dispositions pertinentes de la Convention de
Palerme, outre l’article 4, ainsi que leur rapport avec le présent différend. Elle abordera, dans
un premier temps, l’obligation de poursuivre les infractions prévues dans la Convention (A).
Ensuite, elle se penchera sur les dispositions de la Convention concernant l’incrimination du
blanchiment du produit du crime et l’établissement de la compétence pénale pour poursuivre
cette infraction (B). Dans une troisième section, la Guinée équatoriale abordera les dispositions
de la Convention relatives à la confiscation, la saisie et la disposition des biens (C). Enfin, la
Guinée équatoriale traitera les obligations de la Convention concernant la coopération entre les
États parties (D).
A. LA FRANCE N’A PAS EXÉCUTÉ LES OBLIGATIONS DE LA CONVENTION RELATIVES AUX
POURSUITES PÉNALES DE MANIÈRE COMPATIBLE AVEC LES PRINCIPES DE
L’ÉGALITÉ SOUVERAINE ET DE LA NON-INTERVENTION
2.27. La France avance dans ses exceptions préliminaires qu’aucune disposition de la
Convention de Palerme n’impose l’obligation de poursuivre des affaires spécifiques pour les
infractions prévues dans la Convention133. Ainsi, les poursuites pénales contre le Vice-Président
de la Guinée équatoriale, chargé de la Défense nationale et de la Sécurité de l’État, n’auraient
pas du tout été déclenchées sur le fondement de la Convention, mais exclusivement sur
le fondement du droit français. Cet argument est erroné.
2.28. Contrairement à ce que prétend la France, le déclenchement des poursuites pénales
contre le Vice-Président de la Guinée équatoriale entre dans le champ d’application de la
Convention de Palerme. Cette dernière contient des dispositions qui obligent la France, en tant
qu’État partie, à soumettre des affaires à ses autorités compétentes, voire à appliquer sa loi
133 EP, pars. 107, 108, 112 et 113.
46
pénale dans toute la mesure possible et permissible afin de décourager la commission de
l’infraction de blanchiment du produit du crime. La compétence de la Cour dans la présente
affaire est fondée dans la mesure où la France n’a pas exécuté ces obligations de manière
compatible avec les principes de l’égalité souveraine et de la non-intervention, y compris la
règle relative à l’immunité de certaines personnes occupant un rang élevé dans l’État, dont le
Vice-Président de la Guinée équatoriale.
2.29. La Convention de Palerme constitue un instrument juridique international dans la
lutte contre la criminalité transnationale organisée. Son objet et son but sont établis à son
article 1 : « de promouvoir la coopération afin de prévenir et de combattre plus efficacement la
criminalité transnationale organisée ». Dans la résolution 55/25 du 15 novembre 2000 de
l’Assemblée générale des Nations Unies, les États ont également exprimé leur désir de « refuser
tout refuge à ceux qui se livrent à la criminalité transnationale organisée en les poursuivant pour
leurs infractions ».
2.30. La suggestion par la France que la Convention de Palerme ne s’appliquerait pas aux
poursuites pénales134 va à l’encontre de l’objet et du but de la Convention, et méconnaît
manifestement l’économie générale de cette dernière. Et elle est contraire à ses dispositions
expresses. L’article 3 de la Convention, intitulé « Champ d’application », dispose
explicitement que la Convention s’applique « aux enquêtes et aux poursuites » concernant
l’infraction de blanchiment du produit du crime établie conformément à l’article 6 de la
Convention.
2.31. L’argument de la France selon lequel l’article 3 de la Convention mentionne les
enquêtes et les poursuites pénales uniquement « en raison des dispositions conventionnelles
portant sur la coopération judiciaire »135 n’est pas convaincant. Outre les dispositions de la
Convention qui concernent directement les poursuites pénales, la Convention dans son
ensemble a comme but et raison d’être la répression des crimes transnationaux organisés. En
l’absence de poursuites pénales, la Convention manquerait dans une large mesure de sens et
serait privée de son objet et de son but.
134 EP, par. 107.
135 EP, par. 115.
47
2.32. L’article 16, paragraphe 10, de la Convention montre clairement que cette dernière
s’applique aux poursuites pénales136, et qu’il existe une obligation de soumettre des affaires
spécifiques aux autorités compétentes aux fins des poursuites, contrairement à ce qu’affirme
la France. Une note interprétative de cette disposition explique par ailleurs que :
« Les travaux préparatoires devraient rendre compte du fait que, selon l’interprétation
générale, les États parties devraient aussi prendre en considération la nécessité d’éliminer,
pour les auteurs de crimes odieux, toute possibilité de refuge susceptible d’exister dans
des circonstances non visées au paragraphe 10. Plusieurs États ont indiqué que ces cas
devraient être limités et d’autres ont estimé qu’il fallait recourir au principe aut dedere
aut judicare. »137
2.33. La position des États qui considéraient qu’il faut prendre en considération la
nécessité d’éliminer, dans les cas appropriés, toute possibilité de refuge pour les auteurs
présumés des crimes prévus par la Convention et aller au-delà des circonstances visées au
paragraphe 10 de l’article 16 a été traduite dans l’article 11, paragraphe 2, de la Convention. Ce
dernier dispose :
« Chaque État Partie s’efforce de faire en sorte que tout pouvoir judiciaire discrétionnaire
conféré par son droit interne et afférent aux poursuites judiciaires engagées contre des
individus pour des infractions visées par la présente Convention soit exercé de façon à
optimiser l’efficacité des mesures de détection et de répression de ces infractions, compte
dûment tenu de la nécessité d’exercer un effet dissuasif en ce qui concerne leur
commission. »
2.34. L’argument de la France au regard de cette disposition consiste à dire qu’elle
n’imposerait aucune obligation, mais qu’elle constituerait une simple recommandation138. En
outre, la France avance, abandonnant l’argument précédent, que la Guinée équatoriale ne
136 L’article 16, paragraphe 10, de la Convention dispose :
« Un État Partie sur le territoire duquel se trouve l’auteur présumé de l’infraction, s’il n’extrade pas cette
personne au titre d’une infraction à laquelle s’applique le présent article au seul motif qu’elle est l’un de ses
ressortissants, est tenu, à la demande de l’État Partie requérant l’extradition, de soumettre l’affaire sans retard
excessif à ses autorités compétentes aux fins de poursuites. Lesdites autorités prennent leur décision et mènent
les poursuites de la même manière que pour toute autre infraction grave en vertu du droit interne de cet État
Partie. Les États Parties intéressés coopèrent entre eux, notamment en matière de procédure et de preuve, afin
d’assurer l’efficacité des poursuites. »
137 Notes interprétatives pour les documents officiels (travaux préparatoires) des négociations sur la Convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (A/55/383/Add.1) (Annexe n° 11), par. 31.
138 EP, par. 121.
48
prétend pas que les autorités judiciaires françaises auraient suivi une « politique pénale » qui
serait contraire à cette disposition139.
2.35. Contrairement à ce qu’a écrit la France, l’article 11, paragraphe 2, de la Convention
de Palerme impose une obligation aux États parties. Comme il a été expliqué dans le Mémoire
de la Guinée équatoriale, cette disposition oblige les États à exercer leur pouvoir juridictionnel
et à appliquer leur droit pénal dans toute la mesure possible et permissible (toujours sous réserve
de l’article 4) afin de décourager le blanchiment d’argent140. Dès lors, chaque fois qu’un État
partie entame des procédures pénales contre un individu pour la prétendue commission d’une
infraction prévue par la Convention, il exécute cette obligation.
2.36. Il convient de relever que la position prise par la France dans la présente affaire est
en contradiction avec celle qu’elle a prise au sujet de l’application de la Convention des Nations
Unies contre la corruption, dont l’article 30, paragraphe 3, est identique à l’article 11,
paragraphe 2 de la Convention de Palerme. Lorsque la France a fourni des informations dans le
cadre du mécanisme d’examen de l’application de la Convention contre la corruption pour
démontrer qu’elle exécute correctement l’obligation prévue par l’article 30, paragraphe 3, elle
s’est référée, par exemple, à l’article 31, paragraphe 3, du Code de procédure pénale français,
selon lequel « le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi »141.
Elle s’est appuyée également sur l’article 40 du même Code, qui dispose :
« Article 40 du code de procédure pénale- alinéa 1er
Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite
à leur donner conformément aux dispositions de l’article 40-1.
Article 40-1 du code de procédure pénale
Lorsqu’il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance en application des
dispositions de l’article 40 constituent une infraction commise par une personne dont
l’identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait
obstacle à la mise en mouvement de l’action publique, le procureur de la République
territorialement compétent décide s’il est opportun : 1° Soit d’engager des poursuites ;
139 Ibid.
140 MGE, pars. 5.30-5.31.
141 Mécanisme d’examen de l’application de la Convention des Nations Unies contre la Corruption - Rapport de
l’examen de la France (Annexe n° 12), p. 54. Le document complet est disponible sur :
<http://www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/CountryVisitFinalReports/…;.
49
2° Soit de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites en application des
dispositions des articles 41-1 ou 41-2 ; 3° Soit de classer sans suite la procédure dès lors
que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient. »142
2.37. Ces dispositions du Code de procédure pénale français donnent également effet à
l’article 11, paragraphe 2, de la Convention de Palerme. Elles concernent l’exercice de l’action
publique et le déclenchement des poursuites pénales dans des affaires spécifiques. En l’espèce,
la Guinée équatoriale reproche à la France que ses juridictions ont entamé et poursuivent des
procédures pénales contre son Vice-Président pour une infraction prévue par la Convention et
que, ce faisant, elle a violé et viole toujours l’article 4 de la Convention.
2.38. Si, comme le prétend la France, l’article 11, paragraphe 2, de la Convention
n’imposait qu’une obligation générale d’introduire une « politique pénale » en conformité aux
exigences de cette disposition, cette obligation demeurerait néanmoins soumise à l’article 4 de
la Convention. En conséquence, cette « politique pénale » doit non seulement faire clairement
comprendre aux services de détection et de répression que l’ouverture d’une enquête et de
poursuites pénales en cas de blanchiment d’argent est la règle générale, mais aussi qu’il faut
prendre en considération les immunités des États en vertu du droit international, y compris
l’immunité de certaines personnes occupant un rang élevé dans l’État, avant toute mise en
oeuvre du droit pénal. Les procédures pénales contre le Vice-Président de la Guinée équatoriale
mettent en évidence que la « politique pénale » de la France ne se conformerait pas à l’article 4
de la Convention. Il s’agit là d’une question de fond.
2.39. Que la loi pénale d’un État doive être appliquée et que des poursuites pénales
doivent être engagées dans toute la mesure possible et permissible découle non seulement de
l’article 11, paragraphe 2, de la Convention de Palerme, mais de la Convention vue dans son
ensemble. Le but principal de la Convention, à savoir la lutte contre la criminalité transnationale
organisée, ne pourrait être atteint si les États ne mettaient efficacement en oeuvre leur droit
interne donnant effet à celle-ci. Un État qui, après avoir incriminé les infractions prévues dans
la Convention et établi sa compétence pénale, décidait de ne jamais poursuivre ces infractions,
ou de les poursuivre rarement, ne se conformerait guère à la Convention. Ayant compris cela,
la France se félicite d’avoir « trop bien » appliqué l’article 11, paragraphe 2, de la
142 Ibid.
50
Convention143. Mais il n’en est rien : pour bien appliquer cette disposition, les États parties à la
Convention doivent respecter également les principes fondamentaux du droit international
auxquels l’article 4 fait référence.
B. LA FRANCE N’A PAS EXÉCUTÉ LES OBLIGATIONS DE LA CONVENTION RELATIVES À
L’INCRIMINATION DU BLANCHIMENT DU PRODUIT DU CRIME ET L’ÉTABLISSEMENT DE LA
COMPÉTENCE PÉNALE POUR POURSUIVRE CETTE INFRACTION DE MANIÈRE COMPATIBLE
AVEC LES PRINCIPES DE L’ÉGALITÉ SOUVERAINE ET DE LA NON-INTERVENTION
2.40. La Convention de Palerme fait obligation aux États d’introduire certaines
dispositions dans leur droit interne. Cette section traite uniquement des articles 6 et 15 de la
Convention144, lesquels imposent l’obligation d’incriminer l’infraction de blanchiment du
143 EP, par. 120.
144 L’article 6 de la Convention dispose :
« 1. Chaque État Partie adopte, conformément aux principes fondamentaux de son droit interne, les mesures
législatives et autres nécessaires pour conférer le caractère d’infraction pénale, lorsque l’acte a été commis
intentionnellement :
a) i) À la conversion ou au transfert de biens dont celui qui s’y livre sait qu’ils sont le produit du crime, dans
le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens ou d’aider toute personne qui est
impliquée dans la commission de l’infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses
actes ;
ii) À la dissimulation ou au déguisement de la nature véritable, de l’origine, de l’emplacement, de la
disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l’auteur sait qu’ils
sont le produit du crime (…). »
L’article 15 de la Convention dispose :
« 1. Chaque État Partie adopte les mesures nécessaires pour établir sa compétence à l’égard des infractions
établies conformément aux articles 5, 6, 8 et 23 de la présente Convention dans les cas suivants :
a) Lorsque l’infraction est commise sur son territoire ; ou
b) Lorsque l’infraction est commise à bord d’un navire qui bat son pavillon ou à bord d’un aéronef immatriculé
conformément à son droit interne au moment où ladite infraction est commise.
2. Sous réserve de l’article 4 de la présente Convention, un État Partie peut également établir sa compétence à
l’égard de l’une quelconque de ces infractions dans les cas suivants :
a) Lorsque l’infraction est commise à l’encontre d’un de ses ressortissants ;
b) Lorsque l’infraction est commise par un de ses ressortissants ou par une personne apatride résidant
habituellement sur son territoire ; ou
c) Lorsque l’infraction est :
i) Une de celles établies conformément au paragraphe 1 de l’article 5 de la présente Convention et est
commise hors de son territoire en vue de la commission, sur son territoire, d’une infraction grave ;
51
produit du crime et d’établir la compétence pénale pour poursuivre cette infraction145.
La compétence de la Cour dans la présente affaire est fondée dans la mesure où la Guinée
équatoriale estime que les obligations prévues dans ces dispositions n’ont pas été exécutées par
la France de manière compatible avec les principes de l’égalité souveraine et de la nonintervention,
y compris la règle relative à l’immunité du cercle étroit de personnes occupant un
rang élevé dans l’État, ce qui constitue une violation de l’article 4 de la Convention.
2.41. La France affirme que les mesures qu’elle a adoptées ou qui étaient déjà en vigueur
dans son droit interne pour exécuter ses obligations au titre de la Convention de Palerme sont
compatibles avec les dispositions de cette dernière. Elle indique, de manière générale, que « la
République de Guinée équatoriale ne prétend pas que le droit français n’est pas en harmonie
avec la Convention »146. La même affirmation est avancée au regard des dispositions
spécifiques de la Convention mentionnées dans le Mémoire de la Guinée équatoriale147. Cette
lecture des écritures de la Guinée équatoriale par la France est erronée.
2.42. La Guinée équatoriale ne prétend pas que la législation française n’incrimine pas
l’infraction de blanchiment du produit du crime ou qu’elle n’établit pas une compétence pénale
qui permette les poursuites pénales de cette infraction. Toutefois, elle considère que la
législation française pertinente, telle qu’interprétée et appliquée dans la pratique par les
juridictions françaises, y compris la Cour de cassation, ne respecte pas les principes de l’égalité
souveraine et de la non-intervention, et n’est par conséquent pas en harmonie avec l’article 4
de la Convention. L’incompatibilité du droit français avec ces principes se manifeste de deux
manières : premièrement, le droit français ne respecte pas l’immunité de certaines personnes
occupant un rang élevé dans l’État, dont le Vice-Président de la Guinée équatoriale, chargé de
la Défense nationale et de la Sécurité de l’État. Deuxièmement, le droit français, tel
qu’interprété et appliqué par les juridictions françaises, permet à celles-ci d’exercer une
compétence pénale excessive pour poursuivre l’infraction de blanchiment du produit du crime.
ii) Une de celles établies conformément à l’alinéa b ii du paragraphe 1 de l’article 6 de la présente
Convention et est commise hors de son territoire en vue de la commission, sur son territoire, d’une
infraction établie conformément aux alinéas a i ou ii, ou b i du paragraphe 1 de l’article 6 de la présente
Convention (…) ».
145 MGE, pars. 5.29 et 6.15.
146 EP, par. 111.
147 EP, pars. 116, 117, 125 et 126.
52
2.43. Lorsqu’un traité impose des obligations qui doivent être exécutées en adoptant des
dispositions (législatives ou autres) en droit interne, la conformité desdites dispositions au traité
doit être analysée à deux niveaux. Premièrement, le texte d’une disposition en droit interne doit,
en principe, se conformer aux obligations qu’impose le traité. Deuxièmement, ce qui est souvent
plus important, l’interprétation ou l’application de cette disposition dans la pratique doit
également se conformer au traité. Cette deuxième analyse s’avère nécessaire puisqu’un texte
normatif et son interprétation et application dans la pratique ne peuvent pas être considérés
comme deux choses distinctes – c’est la mise en oeuvre du texte qui montre sa vraie portée et
ses effets.
2.44. Un traité comme la Convention de Palerme, qui impose l’obligation, d’une part,
d’incriminer certaines infractions et d’établir une compétence pénale pour les poursuivre, et,
d’autre part, en le faisant de respecter les principes de l’égalité souveraine et de la nonintervention,
y compris les règles relatives aux immunités des États, mérite tout
particulièrement que l’analyse de la conformité des dispositions en droit interne à la Convention
mette l’accent sur l’interprétation et l’application de ces dispositions dans la pratique. La plupart
des États, y compris la France, ne disposent en général pas de législation en matière
d’immunités. C’est par conséquent dans la pratique des juridictions françaises que l’on peut
voir si la France s’acquitte des obligations prévues aux articles 4, 6 et 15 de la Convention.
2.45. La France a donc raison de rappeler qu’un État doit exécuter la Convention de
Palerme en s’assurant de la conformité de son « ordre juridique », en général, aux dispositions
de la Convention148. Cette harmonie doit être assurée non seulement au moment de l’adoption
d’un texte législatif, mais chaque fois que ce dernier est interprété et appliqué par les juridictions
internes.
2.46. La pratique des États, y compris celle de la France, confirme que la mise en oeuvre
d’un texte législatif doit être prise en considération pour déterminer la compatibilité ou non
compatibilité de ce dernier avec les obligations découlant d’un traité.
2.47. Le mécanisme d’examen de l’application de la Convention des Nations Unies
contre la corruption, dont les dispositions sont similaires à celles de la Convention de Palerme,
148 EP, par. 107.
53
est éclairant à cet égard149. Dans le rapport de l’examen de la France pour le cycle 2010-2015,
par exemple, la France explique qu’elle s’acquitte de ses obligations au titre de la Convention
contre la corruption de la façon suivante :
- Au regard de l’article 23 (blanchiment du produit du crime) :
« Concernant le paragraphe 2.e, la France a indiqué que les principes fondamentaux de
son droit n’exigent pas que l’infraction du blanchiment du produit du crime s’applique à
l’auteur de l’infraction principale.
D’ailleurs, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a consacré la thèse selon
laquelle « la qualité d’auteur de l’infraction principale n’était pas exclusive de celle
d’auteur de l’infraction de blanchiment consécutive ». Elle a d’abord appliqué cette thèse
à l’hypothèse visée à l’article 324-1 alinéa 1er du code pénal à savoir le fait de faciliter,
par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de
l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect (Cass.
Crim., 25 juin 2003, n° 02-86.182 ou Cass. crim., 14 janvier 2004, n° 03-81.165) puis l’a
appliquée dans un second temps à l’hypothèse visée à l’alinéa 2 de ce même article à
savoir le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou
de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit.(Cass Crim, 20 février
2008). »150
- Au regard de l’article 27 (participation et tentative) :
« Dans le droit français, l’élément intentionnel est décisif pour démontrer la commission
de l’infraction. L’article 121-3 du code pénal dispose en son alinéa 1er qu’il "n’y a point
de crime ou de délit sans intention de le commettre". Toutefois, une jurisprudence
constante de la Cour de Cassation est venue assouplir cette condition en affirmant que "la
seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou
réglementaire implique de la part de son auteur, l’intention coupable exigée par l’article
121-3 alinéa 1er" (Cass. crim., 25 mai 1994). Il en va ainsi de la violation des règles
relatives aux marchés publics en matière de favoritisme, ou des règles déontologiques
propres aux agents publics par exemple. »151
- Au regard de l’article 29 (prescription) :
« (…) la prescription peut être prolongée selon la loi et la jurisprudence (…).
(…) la jurisprudence est venue allonger encore le délai de prescription en considérant que
pour toutes les infractions dissimulées (abus de confiance, abus de biens sociaux,
corruption, trafic d’influence, détournements de fonds publics ..) le point de départ du
délai de prescription est fixé au jour de la découverte du délit et non du jour de sa
149 La Convention de Palerme ne compte pas encore avec un mécanisme d’examen similaire.
150 Mécanisme d’examen de l’application de la Convention des Nations Unies contre la Corruption - Rapport de
l’examen de la France (Annexe n° 12), p. 37.
151 Ibid., p. 47.
54
commission. La formule de principe de la Chambre criminelle est la suivante : l’action
publique ne commence à courir en cas de dissimulation "qu’à partir du jour où l’infraction
est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice des
poursuites. »152
2.48. La France se réfère à sa jurisprudence de manière similaire ailleurs dans le
rapport153. Elle estime que l’interprétation et l’application de sa législation, notamment par la
Cour de cassation, sont aussi – voire plus – importantes que les textes législatifs mêmes pour
établir si elle se conforme ou non à ses obligations découlant de la Convention contre la
corruption. Il est par conséquent étonnant que la France affirme dans ses exceptions
préliminaires que la Guinée équatoriale « méconnaît de manière flagrante le contenu des
obligations lorsqu’elle prétend que la législation française applique la Convention de Palerme
et que cela suffit à faire entrer toute mise en oeuvre du droit interne dans le champ d’application
de la Convention »154.
2.49. La même approche est partagée par d’autres États parties à la Convention contre la
corruption, et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime a pris acte de cela. Dans
le document intitulé « État de l’application de la Convention des Nations Unies contre la
corruption », elle a remarqué, au regard d’un article de cette Convention, par exemple, que « un
grand nombre de recommandations ont été faites afin qu’il soit procédé aux modifications
législatives nécessaires ou, à tout le moins, pour que des directives relatives aux pratiques
judiciaires soient élaborées ou encore pour suivre la manière dont les tribunaux interpréteront
les dispositions pertinentes dans les affaires qui leur seront soumises »155. Il a été aussi noté,
par rapport à un autre article de la Convention, que :
« (…) des recommandations ont été formulées en vue d’élargir le champ des dispositions
applicables ou de faire en sorte que la législation nationale soit interprétée de manière à
prendre en compte les avantages non matériels. Une jurisprudence ambivalente et
imprécise n’est pas jugée satisfaisante. Les États parties doivent s’efforcer d’élaborer des
définitions précises, claires et uniformes dans les infractions de corruption et de résoudre
152 Ibid., pp. 48-49.
153 Ibid., pp. 46, 83, 103
154 EP, par. 110.
155 Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, État de l’application de la Convention des Nations Unies
contre la corruption, Nations Unies, New York, 2015, p. 17 (disponible sur <https://www.unodc.org
/documents/treaties/UNCAC/COSP/session6/15-03458_F_ebook.pdf>). Voir aussi p. 19 (« (…) des
recommandations ont été formulées en vue d’élargir le champ des dispositions applicables ou de faire en sorte
que la législation nationale soit interprétée de manière à prendre en compte les avantages non matériels »).
55
les problèmes d’incohérence que leur interprétation pourrait poser au plan national, que
ce soit au niveau de la législation ou de l’application des lois pénales. »156
2.50. Le principe selon lequel un État ne peut pas invoquer un texte législatif à première
vue compatible avec une obligation internationale mais qui, dans la pratique, ne se conforme
pas en réalité à cette obligation, est également appliqué ailleurs. Le Comité contre la torture,
par exemple, a noté que, si la définition de la « torture » dans la Convention contre la torture et
dans le droit interne d’un État peut être la même, le sens de la définition en droit interne peut
être restreint par la jurisprudence de cet État. C’est pourquoi le Comité « appelle chaque État
partie à veiller à ce que toutes les branches de son gouvernement se conforment à la définition
de la Convention pour définir les obligations de l’État »157.
2.51. Enfin, il convient de rappeler que la Cour permanente de Justice internationale, dans
l’affaire relative à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, a aussi été
confrontée à la question de savoir si une loi nationale était conforme aux obligations posées par
un traité. Elle a déterminé que :
« On pourrait se demander si une difficulté ne surgit pas du fait que la Cour devrait
s’occuper de la loi polonaise du 14 juillet 1920. Tel ne semble cependant pas être le cas.
Au regard du droit international et de la Cour qui en est l’organe, les lois nationales sont
de simples faits, manifestations de la volonté et de l’activité des États, au même titre que
les décisions judiciaires ou les mesures administratives. La Cour n’est certainement pas
appelée à interpréter la loi polonaise comme telle ; mais rien ne s’oppose à ce qu’elle se
prononce sur la question de savoir si, en appliquant ladite loi, la Pologne agit ou non en
conformité avec les obligations que la Convention de Genève lui impose envers
l’Allemagne (…).
En abordant, afin de statuer sur la conclusion no 1, la question de la conformité ou nonconformité
entre les deux groupes de dispositions dont il s’agit, il convient d’examiner,
d’un côté, le régime établi par le titre III de la Convention de Genève et, de l’autre, la
portée et les effets des dispositions contenues dans les articles 2 et 5 de la loi polonaise
du 14 juillet 1920. »158
156 Ibid., p.19. D’autres références à la pertinence de la jurisprudence pour qu’un État se conforme aux obligations
de la Convention contre la corruption peuvent être trouvés aux pages 8, 29, 38, 40, 41, 48, 70, 72, 87, 94, 97
et 129 du document cité.
157 Comité contre la torture, Observation générale n° 2 (CAT/C/GC/224), par. 9.
158 Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, arrêt, 1926, C.P.J.I., série A, n° 7, pp. 19-20.
56
2.52. Comme la Guinée équatoriale l’a déjà fait valoir, la législation française qui vise à
donner effet aux articles 6 et 15 de la Convention de Palerme sont les articles 113-1 à 113-13
et 324-1 à 324-9 du Code pénale, et l’article 689 du Code de procédure pénale159. La France
n’en disconvient pas160. Ce sont d’ailleurs ces mêmes dispositions qui sont utilisées dans le
cadre des procédures pénales contre le Vice-Président de la Guinée équatoriale, chargé de la
Défense nationale et de la Sécurité de l’État. Ce qui est en cause dans la présente affaire est le
fait que cette législation, telle qu’interprétée et appliquée par les juridictions françaises, y
compris la Cour de cassation, n’est pas conforme à la Convention. Lorsqu’elle est mise en
oeuvre, cette législation a pour effet de porter atteinte aux principes de l’égalité souveraine et
de la non-intervention, dont le respect est requis par l’article 4 de la Convention.
2.53. La Guinée équatoriale a démontré dans son Mémoire la manière dont ces principes
ne sont pas respectés. D’une part, les juridictions françaises, lorsqu’elles appliquent les
dispositions susmentionnées, ne prennent pas acte de l’immunité dont jouissent certaines
personnes occupant un rang élevé dans l’État, outre le chef d’État, le chef de gouvernement et
le ministre des affaires étrangères. Les procédures pénales contre le Vice-Président de la Guinée
équatoriale, chargé de la Défense nationale et de la Sécurité de l’État, mettent cela en évidence.
D’autre part, les juridictions françaises exercent une compétence pénale excessive qui porte
atteinte aux droits souverains de la Guinée équatoriale. Les demandes de la Guinée équatoriale
dans la présente affaire tiennent, en partie, à ce que la France fasse en sorte que sa législation
nationale pertinente soit interprétée et appliquée de manière à prendre en compte les principes
énoncés à l’article 4 de la Convention dans tous les cas.
2.54. La France a fait valoir que l’article 15 de la Convention de Palerme porte sur la
compétence juridictionnelle et non sur les immunités, et que les deux questions doivent être
distinguées161. Certes, dans l’affaire relative au Mandat d’arrêt, la Cour a remarqué que cette
distinction doit être prise en considération162. Mais cette remarque a été faite pour conclure
que :
159 MGE, par. 5.29.
160 EP, pars. 116-117.
161 EP, par. 118.
162 Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J Recueil 2002,
p. 3, par. 59.
57
« (…) la compétence n’implique pas l’absence d’immunité et l’absence d’immunité
n’implique pas la compétence. C’est ainsi que, si diverses conventions internationales
tendant à la prévention et à la répression de certains crimes graves ont mis à la charge des
Etats des obligations de poursuite ou d’extradition, et leur ont fait par suite obligation
d’étendre leur compétence juridictionnelle, cette extension de compétence ne porte en
rien atteinte aux immunités résultant du droit international coutumier, et notamment aux
immunités des ministres des affaires étrangères. Celles-ci demeurent opposables devant
les tribunaux d’un Etat étranger, même lorsque ces tribunaux exercent une telle
compétence sur la base de ces conventions. »163
2.55. Dans l’affaire Enrica Lexie, le rapport entre la compétence juridictionnelle et les
immunités a également été discuté, notamment pour établir la compétence ratione materiae du
tribunal arbitral constitué selon l’annexe VII de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer. Le Tribunal international du droit de la mer, dans son ordonnance du 24 août 2015, a
déterminé que le tribunal arbitral a compétence prima facie pour connaître des demandes de
l’Italie164. Dans une déclaration, le juge Paik a noté que :
« The present dispute between Italy and India comes down to the question which State
has jurisdiction over the incident which occurred on 15 February 2012. (As the question
of immunity is inextricably linked to that of jurisdiction, it can be considered to be part
of the latter question.) »165
2.56. De façon similaire, le tribunal arbitral constitué dans ladite affaire a noté dans son
ordonnance du 29 avril 2016 que :
« In deciding how to preserve Italy’s rights, the Arbitral Tribunal is mindful of the fact
that in the current situation Sergeant Girone is under India’s authority alone, although the
decision as to which of the States may exercise jurisdiction, and the related question of
Sergeant Girone’s entitlement to immunity, remain to be decided when the Arbitral
Tribunal considers the merits of the case. »166
163 Ibid.
164 Incident de l’« Enrica Lexie » (Italie c. Inde), mesures conservatoires, ordonnance du 24 août 2015, TIDM
Recueil 2015, p. 182, par. 54.
165 Ibid., Déclaration du Juge Paik, par. 2 (« Le présent différend entre l’Italie et l’Inde se réduit à la question de
savoir lequel de ces Etats a juridiction sur l’incident qui s’est produit le 15 février 2012 (étant donné que la
question de l’immunité est inextricablement liée à celle de la juridiction, on peut considérer qu’elle fait partie
de cette dernière) »).
166 The “Enrica Lexie” Incident (Italy v. India), PCA Case No. 2015-28, Order on the Request for the Prescription
of Provisional Measures, 29 avril 2016, par. 103.
58
2.57. L’obligation posée par l’article 15 de la Convention de Palerme concerne
l’établissement de la compétence pénale pour poursuivre l’infraction de blanchiment du produit
du crime. Lue conjointement avec l’article 4 de la Convention (auquel, en effet, l’article 15 fait
expressément référence), cette obligation n’est pas du tout dissociée de la question des
immunités des États. Bien au contraire, pour être conforme à la Convention de Palerme, toute
législation établissant la compétence pénale doit faire exception aux immunités des États,
explicitement ou en pratique.
2.58. Les États parties à la Convention de Palerme ont confirmé le lien existant entre
l’article 15 et le respect des immunités de l’État. Dans un rapport analytique relatif à
l’application de la Convention présenté à la Conférence des Parties par le Secrétariat des
Nations Unies, il a été noté, au regard de l’application de l’article 15 de la Convention, que :
« Tous les États ayant répondu au questionnaire ont confirmé qu’ils étaient en mesure
d’établir une telle compétence, obligatoire aux termes de la Convention et pour ainsi dire
universellement admise. Les seules exceptions mentionnées concernaient les immunités
diplomatiques et autres accordées en vertu de règles généralement reconnues du droit
international ainsi que les arrangements spéciaux s’appliquant aux troupes étrangères
stationnées sur le territoire d’un État. »167
2.59. Dans la présente affaire, il est question de savoir si, conformément aux articles 4, 6
et 15 de la Convention de Palerme, la France a établi sa compétence pour poursuivre l’infraction
de blanchiment du produit du crime de manière compatible avec les principes de l’égalité
souveraine et de la non-intervention. Cette question est inextricablement liée à celle de savoir
si la compétence établie par la France respecte et fait exception, dans la pratique, à l’immunité
ratione personae de certaines personnes occupant un rang élevé dans l’État.
2.60. Enfin, la Guinée équatoriale tient à noter que la France ne semble pas contester la
compétence de la Cour en ce qui concerne l’étendue excessive de la compétence pénale
française168. Elle se limite à dire que « [l]es procédures pénales engagées ne procèdent (…) pas
167 Application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée : informations
actualisées sur la base des réponses supplémentaires reçues des États pour le premier cycle de collecte
d’informations (CTOC/COP/2005/2/Rev.1) (Annexe n° 13), p. 11, par. 41. Le document complet est
disponible sur : <https://www.unodc.org/pdf/ctoccop_2006/V0656245f.pdf&gt;. Le questionnaire auquel les
États ont répondu est disponible sur : <https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/LTD/V04/560/81
/pdf/V0456081.pdf?OpenElement>.
168 MGE, pars. 6.24-6.35.
59
d’une extension extraterritoriale de la compétence des juridictions françaises, contrairement à
ce qu’affirme la Guinée équatoriale »169. Cela, aussi, est une question relevant du fond de la
présente affaire.
C. LA FRANCE N’A PAS EXÉCUTÉ LES OBLIGATIONS DE LA CONVENTION RELATIVES À
LA CONFISCATION, LA SAISIE ET LA DISPOSITION DES BIENS DE MANIÈRE COMPATIBLE AVEC
LES PRINCIPES DE L’ÉGALITÉ SOUVERAINE ET DE LA NON-INTERVENTION
2.61. Comme la Guinée équatoriale l’a expliqué dans son Mémoire170, la France n’a pas
non plus exécuté ses obligations découlant des articles 12 (« Confiscation et saisie ») et 14
(« Disposition du produit du crime ou des biens confisqués ») de la Convention de Palerme de
manière compatible avec les principes de l’égalité souveraine et de la non-intervention, y
compris la règle coutumière relative à l’immunité des biens de l’État étranger utilisés à des fins
de service publique non commercial. Cette question relève clairement de l’interprétation et de
l’application de la Convention, ce qui fonde la compétence ratione materiae de la Cour pour
connaître des demandes équato-guinéennes.
2.62. L’article 12 de la Convention requiert que les États adoptent dans leur droit interne
les mesures nécessaires pour permettre la confiscation et la saisie du produit du crime. À titre
général, la Guinée équatoriale tient à rappeler qu’elle n’accepte pas la position de la France
selon laquelle l’immeuble sis au 42 avenue Foch constituerait le produit du crime, car aucune
infraction principale n’a pas été commise en Guinée équatoriale171.
2.63. Les paragraphes 1 et 2 de l’article 12 disposent :
« 1. Les États Parties adoptent, dans toute la mesure possible dans le cadre de leurs
systèmes juridiques nationaux, les mesures nécessaires pour permettre la confiscation :
a) Du produit du crime provenant d’infractions visées par la présente Convention ou de
biens dont la valeur correspond à celle de ce produit ;
b) Des biens, des matériels et autres instruments utilisés ou destinés à être utilisés pour
les infractions visées par la présente Convention.
169 EP, par. 18.
170 MGE, par. 5.32.
171 MGE, pars. 6.31-6.35. Voir aussi Chapitre 1, par. 1.8.
60
2. Les États Parties adoptent les mesures nécessaires pour permettre l’identification, la
localisation, le gel ou la saisie de tout ce qui est mentionné au paragraphe 1 du présent
article aux fins de confiscation éventuelle. »
2.64. La question des rapports entre les textes législatifs et leur mise en oeuvre est
également pertinente pour l’application de l’article 12 de la Convention. En conséquence, la
législation française en la matière ainsi que son interprétation et son application dans la pratique
doivent être conformes aux obligations qui découlent de la Convention.
2.65. Une note interprétative de l’article 12 ne laisse aucun doute quant à l’importance
de respecter l’immunité des biens de l’État étranger :
« Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que l’interprétation de
l’article 12 devrait tenir compte du principe de droit international selon lequel un bien
appartenant à un État étranger et utilisé à des fins non commerciales ne peut être confisqué
sans l’autorisation dudit État. Il faudrait en outre préciser que la Convention n’a pas pour
objet d’imposer des restrictions aux règles régissant l’immunité diplomatique ou
l’immunité des États, ainsi que celle des organisations internationales. »172
2.66. Comme elle l’a reconnu dans ses exceptions préliminaires, la France vise à exécuter
l’article 12 de la Convention par le biais des articles 131-21 et 324-7 du Code pénal173.
La Guinée équatoriale a déjà démontré dans son Mémoire que ces dispositions, telles
qu’interprétées et appliquées par les juridictions françaises, ne respectent pas les règles relatives
à l’immunité d’exécution des biens de l’État étranger, et notamment celle dont jouit l’immeuble
sis au 42 avenue Foch à Paris174. Les demandes de la Guinée équatoriale à cet égard visent à ce
que la France interprète et applique les dispositions pertinentes de sa législation pénale de
manière conforme aux principes énoncés à l’article 4 de la Convention.
2.67. La France n’a pas non plus exécuté l’obligation découlant de l’article 14 de la
Convention de manière compatible avec les principes énoncés à l’article 4. Cette disposition
n’impose pas une obligation d’adopter des mesures en droit interne – elle s’applique plutôt à la
disposition des biens spécifiques. Le paragraphe premier de l’article se lit :
172 Notes interprétatives pour les documents officiels (travaux préparatoires) des négociations sur la Convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (A/55/383/Add.1) (Annexe n° 11), par. 21.
173 EP, par. 125.
174 MGE, pars. 8.51-8.70.
61
« Un État Partie qui confisque le produit du crime ou des biens en application de
l’article 12 ou du paragraphe 1 de l’article 13 de la présente Convention en dispose
conformément à son droit interne et à ses procédures administratives. »
2.68. Cette disposition requiert que les États disposent des biens confisqués
conformément à leur droit interne. Il n’en demeure pas moins essentiel que les États disposent
de ces biens tout en respectant les principes énoncés à l’article 4 de la Convention aussi. Dans
la présente affaire, l’immeuble sis au 42 avenue Foch, dont la Guinée équatoriale est
propriétaire, peut désormais être disposé par les juridictions françaises car il a déjà été saisi, ce
qui constitue une violation de l’article 4 de la Convention175. Cette question, aussi, relève
clairement de l’interprétation et l’application de la Convention, selon les termes de l’article 35,
paragraphe 2, de cette dernière.
D. LA FRANCE N’A PAS EXÉCUTÉ LES OBLIGATIONS DE LA CONVENTION RELATIVES À
LA COOPÉRATION ENTRE ÉTATS DE MANIÈRE COMPATIBLE AVEC LES PRINCIPES DE
L’ÉGALITÉ SOUVERAINE ET DE LA NON-INTERVENTION
2.69. Enfin, la France affirme dans ses exceptions préliminaires qu’il n’existe aucun
différend entre elle et la Guinée équatoriale par rapport aux obligations de coopération entre
États prévues dans la Convention de Palerme176. Contrairement à ces affirmations, par ailleurs
non étayées, la Guinée équatoriale a montré dans son Mémoire que l’article 4 de la Convention
et certaines dispositions concernant la coopération ont été violés par la France. Les questions
soulevées par la Guinée équatoriale à cet égard relèvent elles aussi de l’interprétation et de
l’application de la Convention de Palerme, ce qui fonde la compétence de la Cour en vertu de
l’article 35, paragraphe 2, de la Convention.
2.70. D’une part, la Guinée équatoriale reproche à la France de ne pas avoir pris en
considération l’information fournie par les autorités équato-guinéennes depuis 2010, et plus
récemment le 19 janvier 2017177, selon laquelle aucune des infractions principales reprochées
175 Comme il a été remarqué au paragraphe 1.25 ci-dessus, le procureur de la République a requis, à l’audience du
5 juillet 2017, la peine de confiscation de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris, en dépit de l’ordonnance
de la Cour du 7 décembre 2017.
176 EP, par. 105.
177 Lettre du Président de la Guinée équatoriale au Président de la République française, 19 janvier 2017 (Annexe
n° 4). Voir aussi par. 1.8 ci-dessus.
62
au Vice-Président de la Guinée équatoriale n’a été commise en Guinée équatoriale. La conduite
de la France constitue une violation des articles 4, 15, paragraphe 5, et 18, paragraphe 1, de la
Convention de Palerme. Cela est une question relavant du fond.
2.71. D’autre part, la Guinée équatoriale a fait valoir que la demande d’entraide judiciaire
de la France du 14 novembre 2013 a été faite de manière contraire à l’article 4 de la Convention.
Cette demande d’entraide judiciaire a été faite expressément sur le fondement de la Convention
de Palerme178, ce qui met en évidence le rapport entre les agissements des juridictions françaises
et la Convention. Considérant l’immunité personnelle dont jouit le Vice-Président de la Guinée
équatoriale, la France aurait dû s’abstenir de faire une telle demande sur la base de la
Convention. Cette question, aussi, relève du fond de la présente affaire.
2.72. La France a cherché à mettre l’accent sur le fait que la Guinée équatoriale a décidé
de donner suite à la demande d’entraide judiciaire susmentionnée179. La Guinée équatoriale
tient à rappeler qu’elle a donné suite à cette demande uniquement pour faire valoir, encore une
fois, l’immunité ratione personae de son Vice-Président devant les juridictions françaises180.
La conduite de la Guinée équatoriale ne saurait en aucun cas être interprétée comme une
renonciation à cette immunité.
Conclusions
2.73. Pour les raisons exposées dans le présent chapitre, la Cour est compétente, sur la
base de l’article 35, paragraphe 2, de la Convention de Palerme, pour connaître du différend
entre la Guinée équatoriale et la France. Il apparaît des développements qui précèdent,
notamment, que :
- L’article 4 de la Convention de Palerme impose une obligation conventionnelle de
respecter les principes de l’égalité souveraine et de la non-intervention, y compris
178 Ambassade de France en Guinée équatoriale, Note verbale n° CHAN/92/2014, 13 février 2014 (Annexe n° 14)
(« En l’absence de convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la Guinée équatoriale,
cette demande est formée sur la base de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
(…) ») ; Demande d’entraide pénale internationale du Tribunal de grande instance de Paris, 14 novembre 2013
(Annexe n° 15), p. 2.
179 EP, par. 123. Voir aussi : CR 2016/15, 18 octobre 2016, p. 12, pars. 26-27 (Alabrune).
180 MGE, pars. 3.45-3.48.
63
les règles relatives aux immunités des États, dans le cadre de l’application de
la Convention ;
- Le différend concerne l’interprétation et l’application de la Convention de Palerme
dans la mesure où, selon la Guinée équatoriale, la France a exécuté ses obligations
relatives aux poursuites pénales en violation de l’article 4, lu conjointement avec
l’article 11, paragraphe 2, et de manière générale l’ensemble de la Convention ;
- Le différend concerne l’interprétation et l’application de la Convention de Palerme
dans la mesure où, selon la Guinée équatoriale, la France a exécuté ses obligations
relatives à l’incrimination du blanchiment du produit du crime et à l’établissement
de la compétence pénale en violation de l’article 4, lu conjointement avec les
articles 6 et 15 ;
- Le différend concerne l’interprétation et l’application de la Convention de Palerme
dans la mesure où, selon la Guinée équatoriale, la France a exécuté ses obligations
relatives à la confiscation, la saisie et la disposition des biens en violation de
l’article 4, lu conjointement avec les articles 12 et 14 ;
- Le différend concerne l’interprétation et l’application de la Convention de Palerme
dans la mesure où, selon la Guinée équatoriale, la France a exécuté ses obligations
relatives à la coopération entre États en violation de l’article 4, lu conjointement
avec les articles 15 et 18.

65
CHAPITRE 3
LA COMPÉTENCE DE LA COUR SUR LA BASE DU PROTOCOLE DE
SIGNATURE FACULTATIVE À LA CONVENTION DE VIENNE SUR LES
RELATIONS DIPLOMATIQUES
3.1. La Cour est compétente pour connaître du différend qui oppose la Guinée
équatoriale à la France au sujet du statut de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris sur la
base de l’article I du Protocole de signature facultative à la Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques.
3.2. La France a reproché à la Guinée équatoriale d’avoir consacré peu de
développements à la question de la compétence de la Cour dans son Mémoire181. À cet égard,
les dix premiers paragraphes du chapitre 3 des exceptions préliminaires de la France laissent
perplexe. Ils constituent soit une interprétation erronée du droit, des faits de l’espèce et des
propos tenus au nom de la Guinée équatoriale, soit une argumentation non pertinente aux fins
de la présente procédure. Le passage du Mémoire de la Guinée équatoriale, cité par la France
comme exposant l’existence du différend et la compétence de la Cour pour en connaître, est
ainsi rédigé :
« Le différend devant la Cour concerne l’interprétation et l’application de plusieurs
dispositions de la CVRD, y compris, sans s’y limiter, l’article 1, alinéa i, et l’article 22.
L’un des aspects fondamentaux du différend est en effet de déterminer si l’immeuble sis
au 42 avenue Foch à Paris fait partie des locaux de la mission diplomatique de la Guinée
équatoriale en France, et à partir de quelle date. Cela soulève plusieurs questions
factuelles et juridiques, que la Cour est appelée à trancher. La Guinée équatoriale et la
France ont des points de vue divergents à ces égards, raison pour laquelle l’existence d’un
différend concernant la CVRD ne peut être mise en cause. »182
3.3. Non seulement ledit passage s’insère dans une section de plusieurs paragraphes,
mais il établit clairement qu’il y a un différend quant à l’interprétation et l’application de
dispositions de la CVRD entre les deux parties. La Cour a compétence, sur la base du Protocole
181 EP, par. 129.
182 MGE, par. 5.46.
66
de signature facultative, pour connaître de ce différend. La France préfère manifestement des
développements plus importants sur ces questions. La Guinée équatoriale rappelle qu’elle ne se
borne pas à « de simples affirmations nullement étayées »183, comme le prétend la France. Le
Mémoire invoque la base conventionnelle de la compétence de la Cour184 ainsi que les
dispositions conventionnelles pertinentes dont l’interprétation et l’application sont à l’origine
du différend opposant les deux Parties185. C’est ce qui est demandé à une Partie qui saisit la
Cour sur la base des clauses conventionnelles, comme c’est le cas en la présente espèce.
3.4. La Guinée équatoriale estime, une fois de plus, qu’il est inutile de s’échiner, comme
le fait le France, à rappeler que l’ordonnance en indication des mesures conservatoires se borne
à la « compétence prima facie » de la Cour et « ne préjuge en rien la question de sa compétence
au fond ». Il s’agit d’une position constante de la Cour par rapport à laquelle la Guinée
équatoriale n’a laissé croire à aucun moment qu’elle avait un point de vue contraire. Mais la
France ne saurait partir d’une telle position pour sur-interpréter l’ordonnance de la Cour du
7 décembre 2016 et faire dire à la Cour ce qu’elle ne dit pas. Il n’y a pas lieu de faire croire que
la Cour fait plus preuve d’une « prudence » à ce point « notable »186 ou qu’elle irait au-delà de
celle qu’elle a l’habitude d’observer dans ses ordonnances en indication des mesures
conservatoires, en disant que « les droits apparemment en litige sont susceptibles de relever de
l’article 22 de la convention de Vienne, qui garantit l’inviolabilité des locaux diplomatiques ».
La Cour n’aurait pas pu se départir de ce niveau de prudence minimale que traduit l’adverbe
« apparemment », sans préjuger de sa compétence au fond, ce qu’elle ne peut faire dans la phase
des mesures conservatoires où sa compétence est fondée sur des considérations à première vue
(prima facie). Par cette locution latine, la Cour s’assure systématiquement d’avoir « en
apparence » compétence pour indiquer les mesures conservatoires. Cela n’est pas propre à la
présente affaire187.
183 EP, par. 129.
184 MGE, pars. 5.37-5.41.
185 MGE, Chapitre 8, en particulier pars. 8.4 et suivants.
186 EP, par. 131.
187 Voir plus récemment encore : Affaire Jadhav (Inde c. Pakistan), mesures conservatoires, Ordonnance du 18
mai 2017, par. 15 ; Application de la Convention internationale pour la répression du financement du
terrorisme et de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, Ordonnance du 19 avril 2017, par. 62.
67
3.5. Enfin, la Guinée équatoriale prend acte que la France « ne conteste pas que les
conditions formelles d’invocabilité » du Protocole de signature facultative sont remplies en
l’espèce188. Toutefois, elle ne partage pas la manière dont la France déforme la présentation de
l’objet du différend afin de conclure à l’incompétence de la Cour dans la présente affaire.
3.6. En effet, le différend soumis à la Cour sur le fondement du Protocole de signature
facultative doit être relatif « à l’interprétation ou à l’application de la Convention »189. La partie
adverse interprète l’exigence de la relation entre le différend et la Convention comme imposant
au demandeur de prouver que le différend relève « des prévisions de la Convention de
Vienne »190. Elle estime qu’en demandant à la Cour de trancher la question de savoir si
l’immeuble du 42 avenue Foch à Paris bénéficie de l’immunité tant comme locaux de la mission
diplomatique que comme bien de l’État191, la Guinée équatoriale ne soumet pas à la Cour le
« véritable différend »192. Un tel raisonnement est pour le moins confus. D’une part, la France
dit que le différend doit relever des prévisions de la CVRD, d’autre part, elle conteste que la
question de savoir si un immeuble doit bénéficier des immunités en fait partie sous prétexte que
ce n’est pas le véritable objet du différend. Soit le critère est que le différend relève des
prévisions de la Convention, soit il est celui du « véritable différend », du reste non défini.
3.7. En invoquant cette « notion » de « véritable différend » dont on ignore la
signification exacte, la France fait une surinterprétation de l’ordonnance de la Cour du
7 décembre 2016 lorsque cette dernière dit, se référant à son arrêt dans l’affaire de la
Compétence en matière de pêcherie, qu’elle peut elle-même définir, « sur une base objective,
le différend qui oppose les parties, en examinant la position de l’un et de l’autre (…) »193.
À supposer même que la Cour ne s’en tienne pas uniquement à la formulation faite par le
demandeur, le critère ne serait pas pour autant celui du « véritable différend », la Cour devant
indubitablement se demander si le différend relève des prévisions de la CVRD. La question de
savoir si l’immeuble du 42 avenue Foch bénéficie du régime de l’article 22 de la CVRD ne peut
188 EP, par. 132.
189 Protocole de signature facultative, article I.
190 EP, par. 134.
191 MGE, par. 2.9.
192 EP, par. 136.
193 Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 432,
pars. 30-31.
68
que relever des prévisions de cette Convention. C’est le différend que la Guinée équatoriale
soumet précisément à la Cour.
3.8. La prétention de la France que le différend ne porte pas sur l’article 22 de la CVRD
est d’autant plus curieuse que la France admet, à titre subsidiaire, que si la Cour devait
considérer sa compétence établie au sujet de l’immeuble du 42 avenue Foch, elle « serait ainsi
limitée à l’examen de la licéité de la saisie immobilière de l’immeuble sis au 42, avenue Foch
à Paris au regard de la Convention »194. Il s’agit là encore d’une compréhension sélective de
l’objet du différend, car de toute évidence, la licéité de la saisie immobilière ne peut être jugée
qu’à l’aune du principe de l’immunité, dont relève également l’inviolabilité des locaux de la
mission diplomatique que la Guinée équatoriale estime applicable en l’espèce.
3.9. De même, la France ne saurait soutenir que la réalité du différend est de savoir si
l’immeuble du 42 avenue Foch doit ou non être considéré comme étant utilisé aux fins de la
mission diplomatique équato-guinéenne en France, et dire en même temps que cette question
ne relève pas pour autant du différend parce qu’elle serait une « question préalable »195. On est
ici encore dans une contradiction où la partie adverse s’efforce de démontrer que la véritable
question qui détermine l’application de l’article 22 de la CVRD, à savoir si l’immeuble du
42 avenue Foch constitue des « locaux de la mission » au sens de l’article 1, alinéa i), de la
Convention, n’est pas, ainsi que le prévoit le Protocole de signature facultative, « relatif à
l’interprétation ou à l’application de la Convention ». En somme, pour la France, s’il existe un
différend entre les deux Parties, ce n’est pas le « véritable différend » dont la Cour a été saisie
; d’où son incompétence.
3.10. Dans ce qui suit, la Guinée équatoriale réitère, comme elle l’a écrit dans son
Mémoire, qu’il existe effectivement entre elle et la France un différend au sujet de
l’interprétation et de l’application de la CVRD en ce qui concerne l’inviolabilité des locaux de
sa mission diplomatique en France (Section I). Dans une deuxième section, la Guinée
équatoriale montrera que la Cour est compétente pour connaître de l’ensemble de ce
différend (Section II).
194 EP, par. 138.
195 EP, par. 137.
69
I. Il existe entre la Guinée équatoriale et la France un différend au sujet de
l’interprétation et de l’application de la Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques
3.11. La Guinée équatoriale répondra aux arguments de la France en deux temps. Elle
montrera, d’une part, qu’il existe entre les parties un différend au sujet de la question de savoir
si l’immeuble du 42 avenue Foch à Paris constitue des locaux de la mission diplomatique au
sens de l’article 1, alinéa i), de la CVRD (A) ; d’autre part, qu’il existe entre les parties un
différend au sujet de l’interprétation et de l’application de l’article 22 de la CVRD (B).
A. IL EXISTE UN DIFFÉREND AU SUJET DE L’INTERPRÉTATION ET DE L’APPLICATION DE
L’ARTICLE 1, ALINÉA i), DE LA CVRD
3.12. L’article 1, alinéa i), de la CVRD dispose que :
« L’expression ‘locaux de la mission’ s’entend des bâtiments ou des parties de bâtiments
et du terrain attenant qui, quel qu’en soit le propriétaire, sont utilisés aux fins de la
mission, y compris la résidence du chef de la mission. »
3.13. La France s’est efforcée à démontrer que la disposition citée n’indique pas la
procédure d’établissement des locaux d’une mission diplomatique, que la pratique en la matière
est variée et qu’un petit nombre d’États, à la différence de la majorité des États, possède des
législations ou des règles sur l’établissement des locaux de la mission diplomatique196. Ceci
n’est pas contesté par la Guinée équatoriale. Les parties ne tirent cependant pas les mêmes
conclusions de ces constatations.
3.14. Partant de l’article 1, alinéa i), de la CVRD, la Guinée équatoriale a soutenu auprès
de la France et dans ses écritures devant la Cour qu’il était implicite dans les termes de cette
disposition que le régime d’établissement des locaux de la mission diplomatique est
« déclaratif ». Aux termes de cette disposition, les immeubles qui constituent les « locaux de la
mission sont ceux qui sont utilisés aux fins de la mission » ; nul besoin d’un processus de
reconnaissance. Bien que la disposition n’indique pas une procédure d’établissement des locaux
de la mission diplomatique, il n’y a pas pour autant de vide juridique comme voudrait le laisser
196 EP, pars. 159 et suivants.
70
croire la France. Aussitôt que l’immeuble est affecté par l’État accréditant à des fins de mission
diplomatique, au moins en l’absence de conditions claires et incontestées imposées par l’État
accréditaire à tous les États accréditants, sans discrimination, l’État accréditaire devrait lui
reconnaître l’inviolabilité. Il s’agit là d’une interprétation « de bonne foi suivant le sens
ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de
son but »197.
3.15. Rien ne permet de dire, suivant cette interprétation, que l’article 1, alinéa i), habilite
l’État accréditaire à établir une procédure particulière. Il peut s’entendre comme autorisant
l’autodéfinition par l’État accréditant des locaux de sa mission diplomatique. C’est la pratique
de nombreux États qui ne disposent pas de législation nationale spécifique en la matière. Tel
est le cas précisément de la France, au contraire du Royaume-Uni par exemple, dont la France
s’est empressée, on l’a dit, de citer la législation en la matière, sans toutefois citer la sienne.
Elle invoque sa « pratique constante » en la matière198, mais ne l’illustre pas d’exemples précis.
3.16. Il y a, faut-il convenir, une contradiction dans les propos de la France qui soutient
le prétendu silence de l’article 1, alinéa i), sur l’établissement des locaux de la mission et
prétend à d’autres égards qu’il revient à l’État hôte d’accréditer de tels locaux à sa seule
discrétion199. Cette position s’oppose clairement à celle que soutient la Guinée équatoriale et
illustre l’existence d’un différend entre les parties au sujet de l’interprétation de la disposition
de la CVRD ici en cause.
3.17. Les travaux préparatoires de la CVRD que la France invoque ne répondent pas au
problème de l’établissement des locaux de la mission diplomatique. La France le reconnaît
d’ailleurs lorsqu’elle affirme que le projet d’article de la Convention adopté en 1958 ne
comportait « aucune précision quant à l’acquisition du statut de local diplomatique »200. La
France prétend ensuite que « la diversité de la pratique des États pourrait témoigner à elle seule
de ce que la question des modalités de reconnaissance du statut juridique de ‘locaux de la
mission’ à un immeuble donné n’est pas couverte par la Convention »201. Non seulement en se
197 Convention de Vienne sur le droit des traités, article 31, paragraphe 1.
198 EP, par. 167.
199 EP, par. 159.
200 EP, pars. 161-162.
201 EP, par. 163.
71
fondant ainsi largement sur la pratique202 la France aborde le fond de l’affaire, mais son
raisonnement paraît illogique. La diversité de la pratique des États ne constitue pas une preuve
de ce qu’un sujet n’est pas abordé par un traité. Elle peut vouloir dire, au contraire,
qu’ils interprètent diversement ses dispositions. C’est la situation en l’espèce, encore que
même en l’absence de l’article 1, alinéa i), de la CVRD, il n’existerait pas moins une question
d’interprétation quant à savoir ce qu’est un local diplomatique.
3.18. La France continue à confondre la compétence de la Cour avec le fond de l’affaire.
Il est par conséquent nécessaire de rappeler que la Guinée équatoriale a démontré dans son
Mémoire, pratique nationale à l’appui203, que le consentement de l’État accréditaire à
l’établissement des locaux d’une mission diplomatique constituait l’exception, notamment dans
les États qui possèdent une législation à cet effet. Le consentement de l’État accréditaire à
l’utilisation d’un immeuble comme locaux de la mission diplomatique n’est pas toujours
indispensable. Il se dégage de la pratique de la plupart des États que le point de départ de
l’acquisition du statut diplomatique est l’affectation à des fins de mission diplomatique. En cas
de désaccord entre les États sur l’établissement de tels locaux, ce n’est pas le point de vue de
l’État accréditaire qui prime nécessairement.
3.19. Un commentaire autorisé sur le sujet dit à cet effet que, quand bien même il
existerait une législation applicable, c’est la CVRD qui primerait en cas de conflit204. Pour
Eileen Denza, il ne fait aucun doute: « Article 1 (i) of the Convention does not require a sending
State to seek the approval of the receiving State before acquiring property for use as premises
202 EP, pars. 163-165.
203 À toutes fins utiles, on peut encore ici citer : Petrococchino v Swedish State, 1929-30 AD N° 198 (« [t]he
acquisition of real proterty by a foreign State does not ipso facto invest that property with the privilege of
extraterritoriality: it is necessary that the property be completely appropriated to the service of the embassy »);
Beckman v Chinese People’s Republic, 1957, International Law Reports, vol. 24, p. 221 (la Cour suprême
suédoise avait refusé d’exercer sa juridiction dans un différend relatif à la validité de la vente d’une propriété
à la République populaire de Chine en décidant que même si les États étrangers ne jouissent pas en général
d’une immunité au regard des actions concernant les propriétés réelles, à partir du moment où « the property
in this case is used by the Republic for its Embassy in this country, China could plead immunity »); Tietz and
others v People’s Republic of Bulgaria, Weinmann v Republic of Latvia, Bennett and Ball v People’sRepublic
of Hungary, International Law Reports, vol. 28, pp. 369, 385, 392, 396 (la Cour suprême de restitution de
Berlin avait décidé que l’immunité dépend « only upon an actual and present use of the premises »).
204 Eileen Denza, Diplomatic Law: Commentary on the Vienna Convention on Diplomatic Relations: A
Commentary, 4e éd., Oxford University Press, 2016, p. 127.
72
of its mission”205. La pratique répandue est de considérer de bonne foi la déclaration de l’État
qui allègue le statut diplomatique des locaux de sa mission206.
3.20. Pour rejeter l’existence d’un différend entre les parties, la France introduit un
nouveau critère qui n’est plus celui de savoir si le différend relève des prévisions de la
convention invoquée comme base de compétence, mais celui de « ’prouver l’existence d’un
rapport raisonnable entre ce traité et les demandes présentées à la Cour’ »207. Elle conclut sans
surprise qu’« aucun ‘rapport raisonnable’ de cet ordre ne peut être établi, dans la mesure où la
Convention de Vienne ne comporte pas de règles fixant les modalités ou la procédure
permettant d’identifier les locaux d’une mission diplomatique et, partant, de déterminer si le
régime de l’article 22 est applicable à un immeuble donné »208.
3.21. Cette notion de « rapport raisonnable » est sans pertinence aux fins de
l’établissement de la compétence de la Cour. La seule question qui importe est de savoir s’il
existe entre les parties un différend au sujet de l’application ou de l’interprétation de
dispositions de la CVRD. Or un tel différend existe incontestablement. Comme la Cour l’a
relevé dans son Ordonnance du 7 décembre 2016 :
« La Cour note que les parties apparaissent bien s’être opposés, et s’opposer aujourd’hui
encore, sur la question du statut juridique de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris.
Alors que la Guinée équatoriale a soutenu en diverses occasions que celui-ci abriterait les
locaux de sa mission diplomatique et devait, en conséquence, jouir des immunités
reconnues par l’article 22 de la convention de Vienne, la France a toujours refusé de
reconnaître que tel était le cas, et soutient que le bien n’a jamais acquis en droit la qualité
de ‘locaux de la mission’. De l’avis de la Cour, tout porte donc à croire qu’un différend
existait entre les parties, à la date du dépôt de la requête, quant au statut juridique de
l’immeuble en cause. »209
3.22. La France se méprend encore sur le critère applicable aux termes du Protocole de
signature facultative lorsqu’elle prétend que « dès lors que la Convention ne comporte aucune
disposition au regard de la laquelle la licéité du comportement de la France, tel qu’il est contesté
205 Ibid., p. 16.
206 Ibid., pp. 14-15.
207 EP, par. 159.
208 EP, par. 159.
209 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), mesures conservatoires, ordonnance du
7 décembre 2016, par. 66.
73
par le demandeur, pourrait être appréciée, la Cour ne saurait avoir compétence pour connaître
du différend soumis par la Guinée équatoriale »210. D’abord, il existe en l’espèce des
dispositions pertinentes dans la Convention, à savoir les articles 1, alinéa i), et 22. Ensuite, la
question à régler au stade des exceptions préliminaires n’est pas de savoir si le comportement
de la France est illicite, mais si le différend qui l’oppose à la Guinée équatoriale est – pour
employer les termes de l’article I du Protocole de signature facultative – « relatif à
l’interprétation ou à l’application de la Convention ». Il serait étrange de conclure que la
question de savoir si un immeuble constitue des locaux de la mission aux fins de l’application
de l’article 22, n’est pas relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention.
3.23. La Cour doit faire fi des conjectures de la France qui, à de nombreuses reprises,
tente de psychanalyser les propos ou les silences de la Guinée équatoriale sur tel ou tel point du
différend211. Hormis cette tendance spéculative, la partie adverse se plaît de nouveau à déformer
systématiquement la présentation des faits par la Guinée équatoriale afin de la discréditer, en
mettant en évidence des incohérences imaginaires212. Elle s’y était déjà employée de manière
théâtrale lors des mesures conservatoires. La Cour doit prêter une attention particulière aux
incorrections factuelles et juridiques des exceptions préliminaires de la France pour ne pas être
induite en erreur. Le paragraphe 171 de ces dernières est un exemple de ces incorrections :
« Si, comme l’affirme ainsi la Guinée équatoriale, l’État accréditaire n’avait d’autre
possibilité que d’entériner les désignations de locaux effectuées par l’État accréditant, les
risques d’abus ne manqueraient pas de se multiplier. La France a déjà indiqué dans le
cadre des débats relatifs à la demande en indication de mesures conservatoires, les
conséquences qu’une telle hypothèse pourrait avoir, jusqu’à l’absurde. De façon tout
aussi préoccupante, un État accréditant pourrait choisir de déclarer un bien immobilier
comme faisant partie des locaux de sa mission – même si celui-ci ne lui appartient pas –
afin de protéger ce bien des conséquences d’une procédure judiciaire en cours dans l’État
accréditaire, et recourir à la Cour internationale de Justice si ce dernier se refusait à
avaliser cette désignation et admettre un tel détournement. Comme le montre la présente
instance, une telle éventualité apparaît tout à fait envisageable concrètement. »
3.24. Une telle affirmation est juridiquement infondée et est de surcroît contraire à la
pratique répandue. En effet, il ne ressort ni de la CVRD, ni d’aucune autre règle de droit
international, que chaque État doit avoir la propriété des locaux de sa mission diplomatique. Si
210 EP, par. 166.
211 EP, pars. 168-169.
212 EP, par. 172 et suivants.
74
tel était le cas, de nombreux États n’auraient pas de mission diplomatique, faute de pouvoir
acquérir un immeuble à cette fin. En pratique, on note que de nombreux États prennent en bail
les locaux abritant leurs missions diplomatiques. Les risques d’abus qu’évoque la France
relèvent de la paranoïa et de la fiction. Si elle est si soucieuse de tels risques, on se demande
bien pourquoi, à l’image de la Grande Bretagne et des États-Unis qu’elle cite abondamment,
elle ne s’est pas dotée d’une législation réglementant l’établissement des locaux de missions
diplomatiques. Elle n’étaye pas non plus les abus qu’elle redoute par des exemples concrets,
pas plus qu’elle n’est en mesure d’établir un quelconque abus de la part de la Guinée équatoriale
depuis que celle-ci a acquis en 2011 – bien avant toute mesure de contrainte, y compris la saisie
immobilière que la France se dit prête à considérer comme seul point en litige – l’immeuble du
42 avenue Foch pour en faire les locaux de sa mission diplomatique.
3.25. En tout état de cause, la France n’est pas fondée, pour refuser le statut diplomatique
à l’immeuble, d’anticiper un quelconque usage abusif de la part de la Guinée équatoriale de la
façon qu’elle l’a faite. Le droit diplomatique n’est pas dépourvu de solutions pour répondre aux
situations d’abus.
B. IL EXISTE UN DIFFÉREND AU SUJET DE L’INTERPRÉTATION ET DE L’APPLICATION
DE L’ARTICLE 22 DE LA CVRD
3.26. L’article 22 de la CVRD dispose que :
« 1. Les locaux de la mission sont inviolables. Il n’est pas permis aux agents de l’État
accréditaire d’y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission.
2. L’État accréditaire a l’obligation spéciale de prendre toutes mesures appropriées afin
d’empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés, la paix de la
mission troublée ou sa dignité amoindrie.
3. Les locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets qui s’y trouvent, ainsi
que les moyens de transport de la mission, ne peuvent faire l’objet d’aucune perquisition,
réquisition, saisie ou mesure d’exécution. »
3.27. Contrairement à ce qu’elle donne à croire au paragraphe 171 de ses exceptions
préliminaires, la France ne conteste pas, au paragraphe 141 desdites exceptions, que
l’application ou l’invocation de cette disposition ne dépend pas du droit de propriété de la
75
Guinée équatoriale sur l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris213. La France voudrait
cependant s’attribuer le mérite de la conclusion de la Cour dans son ordonnance du
7 décembre 2016, selon laquelle il existe un différend entre les parties concernant l’article 22
de la CVRD214, car, dit-elle: « Pour ce faire, [la Cour] s’est non seulement appuyée sur
l’affirmation de la Guinée équatoriale, selon laquelle l’immeuble du 42, avenue Foch aurait fait
l’objet d’un usage diplomatique depuis le 4 octobre 2011 mais, surtout, sur la constatation,
purement factuelle, faite par la France ‘que depuis l’été 2012, certains services de l’ambassade
de Guinée équatoriale sembl[ai]ent avoir été transférés’ à cette adresse »215. Elle s’emploie à
montrer que la compétence prima facie de la Cour ne visait pas la saisie et les perquisitions
immobilières d’avant l’été 2012 et qu’au stade actuel des procédures une telle compétence
fondée sur la plausibilité des droits de la Guinée équatoriale ne saurait suffire216.
3.28. Le procédé de démonstration choisi par la France est curieux. Il donne à penser que
si un argument n’a pas été fait à l’étape des mesures conservatoires, soit ce serait par ignorance,
soit alors la Guinée équatoriale serait disqualifiée à l’invoquer à un stade ultérieur de la
procédure. Or, la Guinée équatoriale s’est limitée au stade des mesures conservatoires à ce qui
était nécessaire pour établir la compétence prima facie de la Cour, et c’est bien ce que cette
dernière a reconnu en décidant dans son ordonnance du 7 décembre 2017, que cette compétence
prima facie était établie « de façon suffisante, à ce stade (…) »217. Si la question de la
compétence de la Cour sur le fond du différend devait être réglée au stade des mesures
conservatoires, il n’y aurait plus de différence entre cette phase et celle des exceptions
préliminaires, entre compétence prima facie et compétence pour connaître du fond du litige.
Par exemple, il n’y avait pas lieu d’engager, au stade des mesures conservatoires, un débat sur
la base de l’article 1, alinéa i), de la CVRD ; cela s’impose maintenant dès lors que la France
invoque l’argument de la « question préalable » relativement au statut de l’immeuble, problème
qu’elle n’avait pas soulevé lors des mesures conservatoires.
213 EP, par. 141.
214 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), mesures conservatoires, ordonnance du
7 décembre 2016, par. 68.
215 EP, par. 144 (italiques ajoutés).
216 EP, pars. 145-146.
217 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), mesures conservatoires, ordonnance du
7 décembre 2016, par. 68.
76
3.29. La France considère, à partir du raisonnement du tribunal arbitral établi dans
l’affaire du Thon à nageoires bleues, que les revendications présentées doivent être
« susceptibles d’entrer dans les prévisions de l’article 22 de la Convention de Vienne »218.
Selon elle, la Guinée équatoriale aurait échoué à montrer que l’article 22 est applicable au
différend qui l’oppose à elle. Pour démontrer cet échec, elle fait valoir que le régime de
l’article 22, « exorbitant du droit commun, n’est applicable qu’aux locaux ‘utilisés aux fins de
la mission’, selon les termes de la définition énoncée à l’article 1er, i), de la Convention »219.
Mais, la Guinée équatoriale n’a pas une compréhension différente de cet article. Elle dit
simplement que l’article 22 de la CVRD s’applique à l’immeuble sis au 42 avenue Foch, parce
que cet immeuble fait partie des locaux de sa mission.
3.30. La France déclare qu’elle « ne conteste évidemment en rien l’inviolabilité des
locaux diplomatiques tel qu’il est établi par l’article 22 »220. La Guinée équatoriale en prend
acte. Mais la France ne saurait s’allier à ce sujet, comme elle le fait, la Guinée équatoriale.
Car, en effet, la Guinée équatoriale soutient que, par son comportement, la France se livre en
pratique à une contestation de l’inviolabilité des locaux diplomatiques, et qu’en agissant de la
sorte, c’est-à-dire en refusant d’appliquer les dispositions de l’article 22 à l’immeuble sis au
42 avenue Foch, la France a violé ses obligations au titre de la CVRD.
3.31. La France prétend que l’immeuble du 42 avenue Foch ne répond pas à la définition
de locaux de la mission diplomatique pour bénéficier de l’application des dispositions de
l’article 22 ; qu’en revanche elle veut bien les appliquer aux anciens locaux de la mission
diplomatique de la Guinée équatoriale sis au 29 boulevard de Courcelles (VIIIe
arrondissement), désaffecté depuis le transfert de la mission au 42 avenue Foch, se substituant
de la sorte à la Guinée équatoriale pour lui désigner les locaux de sa propre mission. En même
temps, elle reconnaît que l’article 22 est « silencieux quant aux critères ou à la procédure de
détermination de la destination diplomatique d’un local donné »221. Un tel raisonnement est
difficile à suivre, car si l’article 22 est silencieux sur le sujet, pourquoi la France exclut-elle
l’application de la règle de l’inviolabilité qui en découle à l’immeuble que la Guinée équatoriale
déclare être les locaux de sa mission diplomatique ? Ce raisonnement paradoxal de la partie
218 EP, par. 147.
219 EP, par. 149.
220 EP, par. 150.
221 Ibid.
77
adverse met en évidence l’opposition de thèses juridiques entre les parties. La Guinée
équatoriale a montré clairement dans la section précédente que la réponse à la question du statut
diplomatique d’un immeuble est contenue implicitement dans l’article 1, alinéa i), de la CVRD.
Que cette question soit préalable à l’invocation de l’article 22 relève de la simple logique. Ce
n’est pas pour autant que le différend existant entre les parties à ce sujet ne rentre pas dans les
prévisions de la Convention.
3.32. La France fait valoir qu’il n’existe pas de différend entre les parties concernant
l’article 22 au motif que la Guinée équatoriale aurait invoqué le « défaut de reconnaître
l’immeuble comme locaux diplomatiques » alors que l’article 22 « n’impose aucune obligation
de cet ordre à l’État accréditaire »222. Un tel procédé consistant à découper et à déformer les
arguments de la Guinée équatoriale est d’autant plus critiquable qu’elle pourrait induire la Cour
en erreur. Les extraits cités par la France pour circonscrire le différend au sujet de l’article 22
à la question de la reconnaissance du statut diplomatique de l’immeuble sont tirés uniquement
de la Requête introductive d’instance de la Guinée équatoriale223. La Guinée équatoriale a
pourtant longuement fait état, à la phase des mesures conservatoires et dans son Mémoire, des
actes de la France portant atteinte à l’inviolabilité des locaux de la mission diplomatique de la
Guinée équatoriale en France. La France ne saurait prétendre, à la lumière des faits allégués,
que le différend « ne porte pas sur le régime d’inviolabilité des locaux diplomatiques mais, plus
directement et, en quelque sorte en amont, sur le statut juridique d’un immeuble que possèderait
et utiliserait la Guinée équatoriale »224. Elle ne peut faire une utilisation aussi sélective des
écritures de la Guinée équatoriale en invoquant à certaines occasions l’ensemble desdites
écritures, y compris les textes des plaidoiries orales, et à d’autres occasions uniquement la
Requête introductive d’instance de la Guinée équatoriale. Les écritures postérieures de la
Guinée équatoriale précisent et complètent ses écritures antérieures en fonction des différentes
phases de la procédure.
3.33. Pour les raisons qui précèdent, il existe incontestablement un différend entre la
Guinée équatoriale et la France, à la fois sur le statut diplomatique de l’immeuble du 42 avenue
222 EP, pars. 153-155.
223 EP, pars. 153-154.
224 EP, par. 156.
78
Foch à Paris et sur l’inviolabilité dont il bénéficie tant en vertu de la CVRD que du droit
international général.
II. La Cour a compétence pour connaître de l’ensemble du différend relatif
à l’interprétation et à l’application de la CVRD
3.34. La France estime que, dans l’hypothèse où la Cour se reconnaîtrait la compétence
de connaître de l’affaire, la Cour doit se limiter à certains points du différend. Il lui a sans doute
échappé que la Cour est compétente pour connaître de la question de l’inviolabilité de
l’immeuble du 42 avenue Foch à Paris, abritant les locaux de la mission diplomatique de la
Guinée équatoriale, mais aussi pour déterminer la responsabilité internationale de la France dès
lors que sa compétence est établie et que, par conséquent, elle ne saurait restreindre le différend
dont la Cour est saisie par voie de requête.
3.35. La France soutient dans ses exceptions préliminaires que les conclusions du
Mémoire de la Guinée équatoriale ont excédé la définition de l’objet du différend225. Elle cite
ainsi l’ensemble des demandes de la Guinée équatoriale, y compris celles relatives à la
responsabilité internationale de la France226. Au sujet de l’immeuble du 42 avenue Foch en
particulier, la France soutient, à titre subsidiaire, qu’à supposer que la Cour soit compétente,
« la compétence de la Cour serait ainsi limitée à l’examen de la licéité de la saisie pénale
immobilière si au 42 avenue Foch à Paris au regard de la Convention de Vienne »227. Elle
considère plus loin que de telles limites doivent être « strictes »228 et conclut de manière
semblable et à titre subsidiaire qu’advenant que la Cour soit compétente, cette compétence « ne
pourrait s’étendre ratione materiae qu’à la seule question de la licéité au regard de la
convention de la saisie pénale immobilière de l’immeuble sis au 42, avenue Foch à Paris »229.
3.36. La Guinée équatoriale a établi à suffisance la compétence de la Cour pour connaître
de l’inviolabilité des locaux de la mission diplomatique. S’agissant des autres aspects du
différend que la France cherche à exclure du champ de compétence de la Cour, la Guinée
225 EP, par. 44.
226 EP, par. 45.
227 EP, par. 138 (italiques ajoutés).
228 EP, par. 183.
229 EP, par. 185 (italiques ajoutés).
79
équatoriale tient à rappeler que la responsabilité internationale étant une conséquence de la
violation d’une obligation internationale, elle fait nécessairement partie du différend une fois la
compétence de la Cour établie. Contrairement à ce que dit la France, la Cour ne pourrait se
limiter strictement, ou n’étendre sa compétence matérielle, qu’à la seule question de la licéité,
advenant que sa compétence soit établie. La Cour a elle-même considéré qu’une clause
compromissoire sur « l’interprétation et l’application » d’un traité inclut les conséquences de
toute violation par un État du traité, y compris le quantum de la réparation230.
3.37. Confiner la Cour au seul examen des dispositions conventionnelles pour trancher
un litige dont elle est saisie reviendrait à faire croire que lorsqu’une convention ne prévoit pas
expressément que la violation d’une de ses dispositions entraine la responsabilité de l’auteur de
la violation, l’on doit considérer comme impossible l’invocation de la responsabilité dans cette
hypothèse. Pareil raisonnement est évidemment irrecevable. En somme, contrairement à ce que
prétend la France, dans la présente affaire, la question de la responsabilité entre dans le champ
de compétence de la Cour.
3.38. La France croit également pouvoir tirer la limitation de l’objet du différend du fait
que lors des audiences sur les mesures conservatoires, la Guinée équatoriale a fait valoir à la
Cour que la saisie mobilière pratiquée antérieurement à la saisie immobilière du 19 juillet 2012
ne faisait pas partie du litige et que cette position est a fortiori valable à l’étape des exceptions
préliminaires231. Elle cherche par ailleurs à tirer argument de ce qu’à l’inverse des conclusions
de la Guinée équatoriale dans la demande en indication de mesures conservatoires qui touchent
à la protection de l’ameublement des locaux de la mission diplomatique232, celles contenues
dans la Requête ainsi que dans le Mémoire de la Guinée équatoriale ne se rapportent, s’agissant
de l’immeuble, qu’à sa saisie pénale et à la demande par la Guinée équatoriale que la France
lui reconnaisse le statut diplomatique233. La France estime que si la Cour jugeait sa compétence
établie, « elle serait strictement limitée à l’examen de la licéité de la saisie pénale immobilière
de l’immeuble du 42 avenue Foch – seule demande figurant dans les conclusions de la Requête
230 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 111.
231 EP, pars. 180-181.
232 EP, pars. 177-179.
233 Requête introductive d’instance de la Guinée équatoriale, 13 juin 2016, p. 13, par. 41 (c)(i) ; MGE, p. 182,
(c)(i).
80
introductive et du Mémoire – à l’exception de toute question relative aux biens mobiliers qui
se trouveraient dans l’immeuble avant sa saisie le 19 juillet 2012 »234.
3.39. Comme il a été soutenu plus haut, il ne revient pas à la France de circonscrire la
portée des conclusions de la Guinée équatoriale. Si la Cour ne peut suppléer à la défaillance
d’une partie à cet égard, ainsi que l’a du reste reconnu la France, on ne voit pas pourquoi l’autre
partie le pourrait davantage.
3.40. En outre, les conclusions aux termes de la demande en indication de mesures
conservatoires correspondent précisément à la nature et la portée d’une telle procédure.
La France ne peut reprocher à la Guinée équatoriale que les chefs de demande formulés à ce
stade ne soient pas identiques à celles du Mémoire ou d’autres phases de la procédure.
3.41. Enfin, l’ensemble des écritures de la Guinée équatoriale, tant dans la Requête que
dans le Mémoire, fait état des intrusions répétées des autorités françaises dans les locaux de la
mission diplomatique de la Guinée équatoriale. Les dispositions de l’article 22 de la Convention
de Vienne couvrent des actes de contrainte plus larges que la seule saisie immobilière. Si la
compétence de la Cour est établie à l’égard de la CVRD, rien n’empêche la Cour d’examiner le
comportement de la France à la lumière du champ d’application réel des dispositions pertinentes
invoquées.
Conclusions
3.42. En somme, la Guinée équatoriale, après avoir rappelé la base de la compétence de
la Cour dans la présente affaire, a amplement démontré qu’il existe un différend entre les parties
au sujet de l’interprétation et de l’application de dispositions pertinentes de la CVRD,
notamment les articles 1, alinéa i), et 22. En effet, ce différend relève de la compétence de la
Cour en vertu de l’article I du Protocole de signature facultative. Rien ne s’oppose à ce que la
Cour connaisse de ce différend dans son ensemble. La compétence de la Cour pour juger de la
licéité du comportement de la France implique également la compétence pour établir la
responsabilité de cet État comme conséquence de la violation par lui du droit international.
234 EP, par. 181 (italiques ajoutés).
CONCLUSIONS
Pour les raisons exposées ci-dessus, la République de Guinée équatoriale prie respectueusement
la Cour:
1) de rejeter les exceptions préliminaires de la France ; et
2) de déclarer qu'elle a compétence pour se prononcer sur la Requête de la Guinée
équatoriale.
La Haye, le 31 juillet 2017
L' Ambassadeur de la République de Guinée
équatoriale auprès du Royaume de Belgique et
des Pays-Bas,
M. Cannelo Nvono Nca
Agent de la République de Guinée équatoriale
81

ATTESTATION
Je certifie par la présente que les documents reproduits comme annexes sont des copies
conformes aux documents originaux et que les traductions dans l'une ou l'autre langue officielle
de la Cour sont exactes.
La Haye, le 31 juillet 2017
L' Ambassadeur de la République de Guinée
équatoriale auprès du Royaume de Belgique et
des Pays-Bas,
M. Carmelo Nvono Nca
Agent de la République de Guinée équatoriale
83

85
TABLE DES ANNEXES
1. Note d’audience de la 32ème chambre correctionnelle du Tribunal correctionnel de Paris,
24 octobre 2016
2. Note d’audience de la 32ème chambre correctionnelle du Tribunal correctionnel de Paris,
2 janvier 2017
3. Tribunal d’instruction n° 1 de Malabo, Jugement n° 13/2017, 12 juin 2017
4. Lettre du Président de la République de Guinée équatoriale au Président de la République
française, 19 janvier 2017
5. Lettre du Président de la République française au Président de la République de Guinée
équatoriale, 16 février 2017
6. Ambassade de la Guinée équatoriale, Note verbale n° 069/2017, 15 février 2017
7. Ministère des affaires étrangères de la France, Note verbale n° 2017-158865, 2 mars 2017
8. Ambassade de la Guinée équatoriale, Note verbale n° 262/2017, 12 juin 2017
9. Ambassade de la Guinée équatoriale, Note verbale n° 300/2017, 6 juillet 2017
10. Ministère des affaires étrangères de la France, Note verbale n° 2017-465600, 18 juillet 2017
11. Notes interprétatives pour les documents officiels (travaux préparatoires) des négociations sur la
Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (A/55/383/Add.1)
(extraits)
12. Mécanisme d’examen de l’application de la Convention des Nations Unies contre la Corruption -
Rapport de l’examen de la France (extraits)
13. Application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée :
informations actualisées sur la base des réponses supplémentaires reçues des États pour le premier
cycle de collecte d’informations (CTOC/COP/2005/2/Rev.1) (extraits)
14. Ambassade de France en Guinée équatoriale, Note verbale n° CHAN/92/2014, 13 février 2014
15. Demande d’entraide pénale internationale du Tribunal de grande instance de Paris,
14 novembre 2013 (extraits)

ANNEXES

Annexe n° 1
Note d’audience de la 32ème chambre correctionnelle du Tribunal correctionnel de Paris,
24 octobre 2016

Retranscription par Me Emmanuel MARSIGNY des notes d’audience consultées au greffe de la 32ème chambre correctionnelle du tribunal de grande
instance de Paris par sa collaboratrice Me Mathilde GERRER
Tribunal de Grande Instance de Paris
Tribunal Correctionnel de Paris
32ème chambre correctionnelle
NOTE D’AUDIENCE
AUDIENCE DU 24 octobre 2016 – 13:30 – 32ème chambre correctionnelle
Président : DE PERTHUIS Bénédicte
Assesseurs : MOUSSEAU Laurence
MEILLER Elise
Ministère Public : LOURGOUILLOUX Jean-Yves, Parquet National Financier
Greffier : LAVAUD Sandrine
N° de parquet : 0833796017 Publicité d’audience : Audience publique
Type d’audience : Audience
PREVENU :
Mode de poursuite ORTC du 5 septembre 2016
NGUEMA OBIANG MANGUE Teodoro
né le 25 juin 1969 à AKOAKAN ESANGUI (GUINEE EQUATORIALE)
de OBIANG NGUEMA Teodoro et de MANGUE NSU OKOMO Constance,
domicilié chez Me MARSIGNY Emmanuel 203 bis, Boulevard Saint Germain 75007 PARIS
Profession : Ministre de Guinée Equatoriale
Nationalité : guinéenne
Antécédents judiciaires : jamais condamné
Qualifications :
BLANCHIMENT : CONCOURS A UNE OPERATION DE PLACEMENT DISSIMULATION OU CONVERSION DU
PRODUIT D’UN DELIT PUNI D’UNE PEINE N’EXCEDANT PAS 5 ANS
A Paris et sur le territoire national courant 1997 et jusqu’au mois d’octobre 2011
situation pénale : libre
mesures de sûreté : MA en date du 11/07/2012 – Levée 19 mars 2014
mode de convocation : à étude d’huissier le 28 septembre 2016 LRAR Pli refusé par le destinataire
mode de comparution : non comparant
assisté de : /
représenté par : /
nature du jugement : C CAS D ID
Le Président, Le Greffier,
(signature)
Annexe n° 1
[91]
Retranscription par Me Emmanuel MARSIGNY des notes d’audience consultées au greffe de la 32ème chambre correctionnelle du tribunal de grande
instance de Paris par sa collaboratrice Me Mathilde GERRER
Décision du tribunal : CONSTATE que l’ordonnance de non-lieu partiel, de renvoi partiel et poursuite de
l’information rendue le 5 septembre 2016 ne satisfait pas aux dispositions de l’article 184 du CPP, en ce qu’elle ne
précise pas les textes d’incrimination et de répression des infractions.
RENVOIE la procédure au Ministère Public pour qu’il saisisse à nouveau le Juge d’instruction aux fins de
régularisation de l’ORTC
RENVOIE aux audiences des :
- 2 janvier 2017 à 13h30 ; 4 Janvier 2017 à 9 h ; 5 janvier 2017 à 13h30
- 9 janvier 2017 à 13h30 ; 11 janvier 2017 à 9 h ; 12 Janvier 2017 à 13h30
RECITER M. OIANG après la nouvelle ordonnance, afin qu’il ait connaissance des dates de renvoi.
PARTIE CIVILE :
L’ASSO TRANSPARENCY INTERNATIONAL France
Domicile : de Me WILLIAM BOURDON 156 RUE RIVOLI 75001 PARIS
Représentant légal :
Monsieur LEBEGUE Daniel
Domicile :
Mode de cotation/convocation : à son avocat qui en recevant copie a visé l’original le 26 septembre 2016
Mode de comparution :
Assisté de
Représenté par : Me William BOURDIN
Nature du jugement : C CAS D ID
Scellés : OUI
Déroulement des débats : Mme la Présidente procède à l’appel des parties civiles
Mme la Présidente constate l’absence du prévenu et de son Conseil
Le Président, Le Greffier,
(signature)
[92]
Retranscription par Me Emmanuel MARSIGNY des notes d’audience consultées au greffe de la 32ème chambre correctionnelle du tribunal de grande
instance de Paris par sa collaboratrice Me Mathilde GERRER
Entendons le Ministère Public en ses réquisitions : après dépôt de réquisitions écrites
Requiert : Renvoi au M.P.
Déterminer les dates.
Entendons Me BOURDON, Conseil de Transparency International France, parie civile, en sa plaidoirie
On n’est pas tenu par la CIJ.
Le Ministère Public sur les dates de renvoi : on n’est pas tenu par la CIJ.
Me BOURDON en ses observations
Suspension d’audience
à13h50
Reprise d’audience
à 14h04
Le Président Le Greffier
(signature)
Annexe n° 1
[93]

Annexe n° 2
Note d’audience de la 32ème chambre correctionnelle du Tribunal correctionnel de Paris,
2 janvier 2017

Annexe n° 2
[97]
[98]
Annexe n° 2
[99]
[100]
Annexe n° 2
[101]
[102]
Annexe n° 2
[103]
[104]
Annexe n° 2
[105]
[106]
Annexe n° 2
[107]
[108]
Annexe n° 2
[109]
[110]
Annexe n° 3
Tribunal d’instruction n° 1 de Malabo, Jugement n° 13/2017,
12 juin 2017

Annexe n° 3
[113]
[114]
Annexe n° 3
[115]
[116]
Annexe n° 3
[117]
[118]
Annexe n° 3
[119]
[120]
Annexe n° 3
[121]
[122]
Annexe n° 3
[123]
[124]
Annexe n° 3
[125]
[126]
Annexe n° 3
[127]
[128]
Annexe n° 3
[129]
[130]
Annexe n° 3
[131]
[132]
Annexe n° 3
[133]
[134]
Annexe n° 3
[135]
[136]
Annexe n° 3
[137]

Annexe n° 4
Lettre du Président de la République de Guinée équatoriale au Président de la République française,
19 janvier 2017

Annexe n° 4
[141]
[142]
Annexe n° 4
[143]
[144]
Annexe n° 5
Lettre du Président de la République française au Président de la République de Guinée équatoriale,
16 février 2017

Annexe n° 5
[147]

Annexe n° 6
Ambassade de la Guinée équatoriale, Note verbale n° 069/2017,
15 février 2017

Annexe n° 6
[151]

Annexe n° 7
Ministère des affaires étrangères de la France, Note verbale n° 2017-158865,
2 mars 2017

Annexe n° 7
[155]

Annexe n° 8
Ambassade de la Guinée équatoriale, Note verbale n° 262/2017,
12 juin 2017

Annexe n° 8
[159]

Annexe n° 9
Ambassade de la Guinée équatoriale, Note verbale n° 300/2017,
6 juillet 2017

Annexe n° 9
[163]
[164]
Annexe n° 10
Ministère des affaires étrangères de la France, Note verbale n° 2017-465600,
18 juillet 2017

Annexe n° 10
[167]

Annexe n° 11
Notes interprétatives pour les documents officiels (travaux préparatoires) des négociations sur la
Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (A/55/383/Add.1)
(extraits)

Nations Unies A/55/383/Add.1
Assemblée générale Distr. générale
3 novembre 2000
Français
Original : anglais
00-73687 (F) 101100 101100
Cinquante-cinquième session
Point 105 de l’ordre du jour
Prévention du crime et justice pénale
Rapport du Comité spécial sur l’élaboration d’une convention
contre la criminalité transnationale organisée sur les travaux
de ses première à onzième sessions
Additif
Notes interprétatives pour les documents officiels
(travaux préparatoires) des négociations sur la Convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée
I. Introduction
1. Le présent document contient les notes interprétatives examinées par le Comité
spécial sur l’élaboration d’une convention contre la criminalité transnationale organisée
durant le processus de négociation du projet de Convention. Ces notes seront
incluses dans les documents officiels des négociations que le Secrétariat établira
selon la pratique habituelle. Le Comité spécial a été informé par le Secrétariat, dans
le document A/AC.254/33, de la nature des documents officiels des négociations et
de la pratique concernant leur rédaction et leur compilation. Le présent document est
soumis à l’Assemblée générale uniquement pour information. Le Comité spécial n’a
pris aucune décision officielle concernant ces notes et il n’en est attendu aucune de
l’Assemblée à sa cinquante-cinquième session.
Annexe n° 11
[171]
2 n0073687.doc
A/55/383/Add.1
II. Notes interprétatives
A. Notes interprétatives pour les documents officiels
(travaux préparatoires) des négociations sur la Convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée
Article 2
Terminologie
Alinéa a)
2. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que le fait de mentionner
un nombre précis de personnes ne portera pas atteinte aux droits des États
parties en vertu du paragraphe 3 de l’article 34.
3. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que les termes « pour
en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage
matériel » devraient être interprétés dans un sens large de manière à inclure, par
exemple, des infractions pouvant avoir pour mobile essentiel une gratification
sexuelle, telles que la réception ou le commerce de matériels pornographiques par
les membres de cercles pornographiques impliquant des enfants, le commerce
d’enfants par les membres de cercles pédophiles ou le partage des frais entre les
membres de ces cercles.
Alinéa c)
4. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que l’expression
« groupe structuré » doit être comprise au sens large afin d’inclure tant des groupes
dotés d’une structure hiérarchique ou autre structure complexe que des groupes où le
rôle de chaque membre n’a pas besoin d’être formellement défini.
Alinéa f)
5. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoire que les termes «“gel”
ou “saisie”», tels que définis à l’alinéa f) de l’article 2, figurent aux articles 12 et 13
de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.
Les termes « perquisition et saisie » qui apparaissent à l’article 18 ne devraient pas
être confondus avec le terme « saisie » qui figure à l’article 2. « Perquisition et saisie
» se rapporte au recours par les autorités de détection et de répression à des mesures
d’intrusion ordonnées légalement pour obtenir des éléments de preuve aux fins
d’utilisation dans une affaire pénale. Le terme « gel », à l’article 18, couvre la notion
de «“gel” ou “saisie”» telle que définie à l’article 2 et devrait être interprété
dans un sens plus large de manière à viser non seulement les biens, mais également
les éléments de preuve.
Alinéa g)
6. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que lorsque le droit
interne d’un État partie exige que la confiscation se fasse sur décision d’un tribunal,
ledit tribunal sera considéré comme la seule autorité compétente aux fins de cette
définition.
[172]
n0073687.doc 3
A/55/383/Add.1
Article 3
Champ d’application
7. Pendant les négociations sur la Convention, le Comité spécial a noté avec une
profonde préoccupation les liens croissants entre la criminalité transnationale organisée
et les crimes terroristes, compte tenu de la Charte des Nations Unies et des résolutions
pertinentes de l’Assemblée générale. Tous les États participant aux négociations
se sont déclarés déterminés à refuser tout refuge à ceux qui se livrent à la
criminalité transnationale organisée en les poursuivant pour leurs infractions où
qu’elles aient lieu et en coopérant au niveau international. Le Comité spécial était
également fermement convaincu que la Convention constituerait un outil efficace et
le cadre juridique nécessaire de la coopération internationale dans la lutte contre,
notamment, des activités criminelles telles que le blanchiment d’argent, la corruption,
le trafic illicite des espèces de faune et de flore sauvages menacées
d’extinction, les atteintes au patrimoine culturel, et contre les liens croissants entre
la criminalité transnationale organisée et les crimes terroristes. Enfin, le Comité
spécial a été d’avis que le Comité spécial créé par l’Assemblée générale dans sa résolution
51/210 en date du 17 décembre 1996, qui commençait ses délibérations en
vue d’élaborer une convention générale sur le terrorisme international, conformément
à la résolution 54/110 de l’Assemblée en date du 9 décembre 1999, devrait tenir
compte des dispositions de la Convention.
Paragraphe 2, alinéa d)
8. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que l’expression
« effets substantiels » désigne les cas où une infraction a eu des conséquences négatives
très importantes pour un autre État partie, par exemple lorsque la monnaie d’un
État partie est contrefaite dans un autre État partie et que le groupe criminel organisé
a mis cette monnaie contrefaite en circulation dans le monde entier.
Article 5
Incrimination de la participation à un groupe criminel organisé
9. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que la référence à
d’« autres » mesures aux articles 5, 6, 8 et 23 s’entend de mesures s’ajoutant aux
mesures législatives et suppose l’existence d’une loi.
Article 6
Incrimination du blanchiment du produit du crime
10. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que les termes
« blanchiment du produit du crime » et « blanchiment d’argent » sont interprétés
comme étant équivalents.
Paragraphe 1, alinéas a) et b)
11. Il conviendrait de montrer dans les travaux préparatoires que les termes
« dissimuler ou déguiser » et « dissimulation ou déguisement » devraient être compris
comme incluant le fait d’empêcher de découvrir l’origine illicite des biens.
Annexe n° 11
[173]
4 n0073687.doc
A/55/383/Add.1
Paragraphe 2, alinéa b)
12. Les travaux préparatoires devraient comporter une note précisant que les mots
« liées à des groupes criminels organisés » désignent une activité criminelle du type
de celles que mènent les groupes criminels organisés.
Paragraphe 2, alinéa e)
13. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que l’alinéa e) tient
compte des principes juridiques de plusieurs États dans lesquels une même personne
ne peut être poursuivie ou punie à la fois pour l’infraction principale et pour
l’infraction de blanchiment d’argent. Ces États ont confirmé qu’ils ne refusaient pas
l’extradition, l’entraide judiciaire ou la coopération à des fins de confiscation uniquement
parce que la demande était fondée sur une infraction de blanchiment
d’argent dont l’auteur était également celui de l’infraction principale.
Article 7
Mesures de lutte contre le blanchiment d’argent
Paragraphe 1, alinéa a)
14. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que les mots « autres
entités » peuvent être interprétés comme englobant les intermédiaires, qui, dans
certains pays, peuvent comprendre les sociétés de courtage, d’autres intermédiaires
boursiers, les bureaux de change ou les cambistes.
15. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que les mots
« opérations suspectes » peuvent être interprétés comme englobant des opérations
inhabituelles qui, du fait de leur montant, leurs caractéristiques et leur fréquence, ne
concordent pas avec l’activité commerciale du client, débordent du cadre des paramètres
normalement acceptés sur le marché ou n’ont pas de fondement juridique
clair, et qui pourraient constituer une activité illégale en général, ou y être liées.
Paragraphe 1, alinéa b)
16. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que la création d’un
service de renseignement financier préconisée par cet alinéa vaut lorsqu’un tel mécanisme
n’existe pas encore.
Paragraphe 3
17. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que, lors des négociations,
les mots « initiatives pertinentes prises par les organisations régionales, interrégionales
et multilatérales » ont été compris comme désignant particulièrement les
40 recommandations du Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux,
telles que révisées en 1996, et additionnellement d’autres initiatives en cours prises
en vue de lutter contre le blanchiment d’argent par des organisations régionales, interrégionales
et multilatérales telles que le Groupe d’action financière des Caraïbes,
le Commonwealth, le Conseil de l’Europe, le Groupe de lutte contre le blanchiment
d’argent d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe, l’Union européenne et
l’Organisation des États américains.
[174]
n0073687.doc 5
A/55/383/Add.1
Article 8
Incrimination de la corruption
Paragraphe 1
18. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que l’obligation imposée
par le présent article n’était pas censée concerner les actions d’une personne
qui a agi sous une contrainte ou une intimidation telle que celle-ci constitue une excuse
absolutoire.
Paragraphe 4
19. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que la notion de
« personne assurant un service public » existe dans certains systèmes juridiques et
que son insertion dans la définition vise à faciliter la coopération entre les États parties
dans le système juridique desquels elle s’applique.
Article 11
Poursuites judiciaires, jugement et sanctions
Paragraphe 4
20. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que le paragraphe 4
ne fait pas obligation aux États parties de procéder à la libération anticipée ou
conditionnelle de personnes emprisonnées si leur système juridique ne prévoit pas
ces mesures.
Article 12
Confiscation et saisie
21. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que l’interprétation de
l’article 12 devrait tenir compte du principe de droit international selon lequel un
bien appartenant à un État étranger et utilisé à des fins non commerciales ne peut
être confisqué sans l’autorisation dudit État. Il faudrait en outre préciser que la
Convention n’a pas pour objet d’imposer des restrictions aux règles régissant
l’immunité diplomatique ou l’immunité des États, ainsi que celle des organisations
internationales.
Paragraphe 1, alinéa b)
22. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que les termes
« utilisés ou destinés à être utilisés » désignent une intention qui, de par sa nature,
pourrait être considérée comme équivalant à une tentative d’infraction.
Paragraphe 5
23. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que les termes
« autres avantages » doivent englober les avantages matériels ainsi que les droits légaux,
titres et créances opposables à des tiers qui peuvent faire l’objet d’une confiscation.
Annexe n° 11
[175]
6 n0073687.doc
A/55/383/Add.1
Article 13
Coopération internationale aux fins de confiscation
24. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que, dans cet article,
les références au paragraphe 1 de l’article 12 devraient être comprises comme renvoyant
également aux paragraphes 3 à 5 de l’article 12.
Article 14
Disposition du produit du crime ou des biens confisqués
25. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que, lorsque cela est
possible, les États parties détermineraient s’il convient, dans le respect des garanties
individuelles inscrites dans leur droit interne, d’utiliser les biens confisqués pour
couvrir le coût de l’assistance fournie en application du paragraphe 2 de l’article 24.
Article 15
Compétence
Paragraphe 2, alinéa a)
26. Il conviendrait de préciser, dans les travaux préparatoires, qu’il est entendu
que les États parties devraient prendre en considération la nécessité d’accorder une
protection éventuelle, pouvant découler de l’établissement de leur compétence à
l’égard de personnes apatrides pouvant être des résidents habituels ou permanents
sur leur territoire.
Paragraphe 5
27. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires qu’un exemple de
l’utilité d’une coordination entre les États parties est la conservation de preuves risquant
de disparaître avec le temps.
Article 16
Extradition
Paragraphe 2
28. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que le paragraphe 2 a
pour objet de servir d’instrument aux États parties souhaitant se prévaloir des possibilités
qu’il offre et non d’élargir indûment le champ d’application de l’article 16.
Paragraphe 8
29. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que ce paragraphe ne
devrait pas être interprété comme portant atteinte d’une quelconque manière aux
droits fondamentaux de la défense.
30. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires, à titre d’exemple de
l’application de ce paragraphe, la possibilité de recourir à des procédures rapides et
simplifiées, dans le respect du droit interne de l’État partie requis, pour la remise de
personnes recherchées à des fins d’extradition, sous réserve de l’accord de l’État
partie requis et du consentement de l’intéressé, étant entendu que ce consentement,
qui devrait être donné volontairement et en pleine connaissance de cause, porterait
sur les procédures simplifiées et non sur l’extradition.
[176]
n0073687.doc 7
A/55/383/Add.1
Paragraphe 10
31. Les travaux préparatoires devraient rendre compte du fait que, selon
l’interprétation générale, les États parties devraient aussi prendre en considération la
nécessité d’éliminer, pour les auteurs de crimes odieux, toute possibilité de refuge
susceptible d’exister dans des circonstances non visées au paragraphe 10. Plusieurs
États ont indiqué que ces cas devraient être limités et d’autres ont estimé qu’il fallait
recourir au principe aut dedere aut judicare.
Paragraphe 12
32. Il conviendrait d’indiquer, dans les travaux préparatoires, que les mesures dont
il est question au paragraphe 12 seraient prises sans préjudice du principe ne bis in
idem.
Paragraphe 14
33. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que le mot « sexe »
désigne l’homme et la femme.
34. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que, lors des consultations
informelles tenues à la huitième session du Comité spécial, la délégation italienne
a proposé d’insérer, après le paragraphe 8, la disposition suivante :
« Sans préjudice de l’invocation d’autres motifs de refus, l’État requis
peut refuser l’extradition au motif qu’une décision a été rendue par contumace
uniquement s’il n’est pas prouvé que l’affaire a été jugée avec les mêmes garanties
que lorsque le défendeur est présent et que celui-ci, ayant connaissance
du procès, a délibérément fait en sorte de se soustraire à une arrestation ou
s’est délibérément abstenu de comparaître au procès. Toutefois, si une telle
preuve n’est pas administrée, l’extradition ne peut être refusée si l’État requérant
donne des assurances, jugées satisfaisantes par l’État requis, quant au fait
que la personne dont l’extradition est demandée pourra faire l’objet d’un nouveau
procès où les droits de la défense seront protégés. »
Au cours du débat qui a suivi, plusieurs délégations ont exprimé de sérieux doutes
quant à la compatibilité de cette disposition avec les principes fondamentaux de
leurs systèmes juridiques respectifs. La délégation italienne a retiré sa proposition à
la neuvième session du Comité spécial, étant entendu que, au moment d’examiner
une demande d’extradition adressée en vertu d’une condamnation prononcée par
contumace, l’État partie requis tiendrait dûment compte du fait que la personne dont
l’extradition était demandée avait été ou non condamnée à l’issue d’un procès équitable,
par exemple si le défendeur avait bénéficié ou non des mêmes garanties que
s’il avait été présent au procès et avait volontairement échappé à la justice ou n’avait
pas comparu au procès, ou s’il avait ou non droit à un nouveau procès.
Paragraphe 16
35. Il conviendrait de préciser, dans les travaux préparatoires, que l’expression « le
cas échéant », au paragraphe 16 de l’article 16, s’entend et est interprétée dans le
sens d’une pleine coopération et qu’elle ne devrait influer, dans la mesure du possible,
en rien sur le caractère impératif du paragraphe. Lorsqu’il applique ce paragraphe,
l’État partie requis tient pleinement compte de la nécessité de traduire les auteurs
des infractions en justice en recourant à l’extradition.
Annexe n° 11
[177]
8 n0073687.doc
A/55/383/Add.1
Article 18
Entraide judiciaire
Paragraphe 2
36. Il faudrait indiquer dans les travaux préparatoires que l’expression
« procédures judiciaires » figurant au paragraphe 2 de l’article 18 renvoie à l’affaire
pour laquelle l’entraide judiciaire est demandée et ne doit pas être interprétée
comme portant atteinte, de quelque façon que ce soit, à l’indépendance du pouvoir
judiciaire.
Paragraphe 5
37. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que : a) lorsqu’un État
partie envisage de communiquer spontanément des informations de nature particulièrement
sensible ou envisage d’assortir de restrictions rigoureuses leur utilisation,
il est jugé souhaitable qu’il consulte auparavant l’État qui doit recevoir éventuellement
ces informations; b) lorsqu’un État partie qui reçoit des informations conformément
à cette disposition est déjà en possession d’informations similaires, il n’est
pas tenu d’observer les restrictions que lui impose l’État qui les lui a communiquées.
Paragraphe 8
38. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que ce paragraphe
n’est pas incompatible avec les paragraphes 17 et 21 de ce même article.
Paragraphe 10, alinéa b)
39. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que, entre autres
conditions qu’ils établissent pour le transfert d’une personne, les États parties peuvent
décider que l’État partie requis peut se faire représenter lors des auditions de
témoins effectuées sur le territoire de l’État partie requérant.
Paragraphe 13
40. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires qu’il est possible de
désigner des autorités centrales distinctes pour les différents stades de la procédure
dans le cadre de laquelle l’entraide judiciaire est demandée. Il faudrait en outre préciser
que ce paragraphe n’a pas pour but de créer des difficultés aux pays ayant des
autorités centrales différentes selon qu’il s’agit de recevoir ou de formuler des demandes.
Paragraphe 18
41. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que la délégation italienne
a présenté une proposition sur la question traitée dans ce paragraphe (voir document
A/AC.254/5/Add.23). Durant le débat sur la proposition, il a été souligné
que les dispositions ci-après figurant dans cette dernière, qui n’ont pas été reprises
dans le texte de la Convention, pouvaient servir de principes directeurs aux États
parties pour l’application du paragraphe 18 de l’article 18 :
[178]
n0073687.doc 9
A/55/383/Add.1
« a) L’autorité judiciaire de l’État partie requis est chargée d’identifier la
personne qui doit être entendue et, à l’issue de l’audition, de dresser un procès-
verbal indiquant la date et le lieu de l’audition et les serments éventuellement
prêtés. L’audition est conduite sans qu’aucune pression physique ou psychologique
ne soit exercée sur la personne questionnée;
b) Si l’autorité judiciaire de l’État requis considère que, durant
l’audition, les principes fondamentaux du droit dudit État sont enfreints, elle a
le pouvoir d’interrompre l’audition ou, si possible, de prendre les mesures nécessaires
pour la poursuite de l’audition conformément à ces principes;
c) Au besoin, la personne qui doit être entendue et l’autorité judiciaire
de l’État requis sont assistées d’un interprète;
d) La personne qui doit être entendue peut se prévaloir du droit de ne
pas témoigner prévu par le droit interne de l’État requis ou de l’État requérant;
le droit interne de l’État requis s’applique aux faux témoignages;
e) Tous les frais de la liaison vidéo sont à la charge de l’État partie requérant,
qui peut également fournir du matériel technique selon les besoins. »
Paragraphe 21, alinéa d)
42. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que l’alinéa d) du paragraphe
21 de cet article n’a pas pour objet d’encourager le refus de l’entraide pour
une raison quelconque, mais doit être interprété comme ne retenant comme critère
minimum que les principes fondamentaux du droit interne de l’État requis. Les travaux
préparatoires devraient indiquer par ailleurs que les clauses proposées concernant
les motifs de refus d’une demande présentée afin de poursuivre ou de punir une
personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de ses
opinions politiques, ainsi que l’exception prévue pour une infraction politique, ont
été supprimées parce qu’il a été jugé qu’elles étaient suffisamment prises en compte
par les mots « intérêts essentiels » figurant à l’alinéa b) du paragraphe 21.
Paragraphe 28
43. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que nombre des frais
afférents à l’exécution des demandes visées aux paragraphes 10, 11 et 18 de
l’article 18 seraient généralement considérés comme extraordinaires. En outre, il
faudrait préciser qu’il est entendu que les pays en développement peuvent avoir des
difficultés à assumer même certains frais ordinaires et qu’il devrait leur être fourni
une assistance appropriée pour leur permettre de se conformer aux exigences du présent
article.
Article 20
Techniques d’enquête spéciales
Paragraphe 1
44. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que ce paragraphe ne
fait pas obligation aux États parties de prendre des dispositions pour utiliser à toutes
les formes de techniques d’enquête spéciales mentionnées.
Annexe n° 11
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Article 22
Établissement des antécédents judiciaires
45. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que le terme
« condamnation » devrait être interprété comme désignant une condamnation qui
n’est plus susceptible d’appel.
Article 23
Incrimination de l’entrave au bon fonctionnement de la justice
Alinéa a)
46. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que le mot
« procédure » vise toutes les procédures publiques officielles, qui peuvent inclure la
phase précédant le procès.
47. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires qu’il est entendu que
certains pays peuvent exclure les cas où une personne a le droit de ne pas porter témoignage
et où un avantage indu est accordé pour l’exercice de ce droit.
Article 25
Octroi d’une assistance et d’une protection aux victimes
48. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que cet article vise essentiellement
la protection physique des victimes, mais que le Comité spécial était
néanmoins conscient de la nécessité de protéger les droits des personnes reconnus
par le droit international applicable.
Article 26
Mesures propres à renforcer la coopération avec les services de détection
et de répression
Paragraphe 2
49. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que les mots « alléger
la peine » pourraient viser non seulement l’allégement prescrit, mais aussi
l’allégement de facto.
Article 27
Coopération entre les services de détection et de répression
Paragraphe 1
50. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que les mots
« conformément à leurs systèmes juridiques et administratifs respectifs » offrent aux
États parties une latitude concernant l’étendue et le mode de la coopération. Par
exemple, ils permettent aux États parties de refuser de coopérer lorsqu’il serait
contraire à leur droit interne ou à leur politique de prêter l’assistance requise.
Paragraphe 1, alinéa a)
51. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que les États parties
déterminent eux-mêmes le meilleur moyen d’assurer l’échange sûr et rapide
d’informations. De nombreuses délégations ont approuvé le recours à une communication
directe entre leurs divers services de détection et de répression et leurs ho-
[180]
n0073687.doc 11
A/55/383/Add.1
mologues étrangers. Toutefois, les États parties qui pourraient juger plus souhaitable
d’établir un point de contact central par souci d’efficacité ne seraient pas empêchés
de le faire.
Paragraphe 3
52. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que les techniques
modernes visées au paragraphe 3 de l’article 27 englobent les réseaux informatisés
et les réseaux de télécommunication.
Article 28
Collecte, échange et analyse d’informations sur la nature de la criminalité
organisée
Paragraphe 2
53. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que les mots
« organisations internationales et régionales » désignent toutes les organisations
compétentes, y compris l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol),
le Conseil de coopération douanière (également appelé Organisation mondiale des
douanes) et l’Office européen de police (Europol).
Article 29
Formation et assistance technique
Paragraphe 4
54. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que les mots
« organisations internationales et régionales » désignent toutes les organisations
compétentes, y compris Interpol, l’Organisation mondiale des douanes et Europol.
Article 31
Prévention
Paragraphe 3
55. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que, conformément
aux principes constitutionnels d’égalité, il n’est aucunement prévu de faire une distinction
entre les personnes reconnues coupables des infractions visées par la
Convention et celles reconnues coupables d’autres infractions.
Article 32
Conférence des Parties à la Convention
Paragraphe 2
56. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que, lorsqu’elle élaborera
des règles relatives au financement de ses dépenses, la Conférence des Parties à
la Convention devrait veiller à ce que les contributions volontaires soient considérées
comme une source de financement.
Paragraphe 3
57. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que la Conférence des
Parties devrait dans l’accomplissement de ses tâches tenir dûment compte de la né-
Annexe n° 11
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cessité de préserver la confidentialité de certaines informations en raison de la nature
de la lutte contre la criminalité transnationale organisée.
Paragraphe 5
58. Il conviendrait d’indiquer, dans les travaux préparatoires, que la Conférence
des Parties devrait tenir compte de la nécessité de prévoir une certaine régularité
dans la communication des informations nécessaires. Il faudrait aussi indiquer que le
terme « mesures administratives » est entendu dans un sens large et vise également
des informations sur le degré d’application de la législation, des politiques et autres
mesures pertinentes.
Article 34
Application de la Convention
Paragraphe 2
59. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que l’objet de ce paragraphe
est, sans modifier le champ d’application de la Convention décrit à
l’article 3, d’indiquer clairement que l’élément transnational et l’implication d’un
groupe criminel organisé ne doivent pas être considérés comme des éléments constitutifs
de ces infractions aux fins d’incrimination. Le paragraphe a pour but
d’indiquer aux États parties que, lorsqu’ils appliquent la Convention, ils n’ont pas à
inclure les éléments de transnationalité et d’implication d’un groupe criminel organisé
dans l’incrimination du blanchiment du produit du crime (art. 6), de la corruption
(art. 8) ou de l’entrave au bon fonctionnement de la justice (art. 23), ni
l’élément de transnationalité dans l’incrimination de la participation à un groupe
criminel organisé (art. 5). Cette disposition vise aussi à clarifier pour les États parties
les questions relatives à l’application des articles portant sur l’incrimination et
n’a pas pour but d’influer sur l’interprétation des articles de la Convention portant
sur la coopération (art. 16, 18 et 27).
Article 35
Règlement des différends
Paragraphe 1
60. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que le terme
« négociation » est à interpréter au sens large afin de montrer que les États sont encouragés
à épuiser toutes les possibilités de règlement pacifique des différends, y
compris la conciliation, la médiation et le recours à des organismes régionaux.
Article 36
Signature, ratification, acceptation, approbation et adhésion
61. Il conviendrait d’indiquer dans les travaux préparatoires que, quoique la
Convention ne comporte pas de disposition spécifique relative aux réserves, il est
entendu que la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, s’applique en
la matière.
[182]
Annexe n° 12
Mécanisme d’examen de l’application de la Convention des Nations Unies
contre la Corruption - Rapport de l’examen de la France
(extraits)

1
Mécanisme d’examen de l’application de la
Convention des Nations Unies contre la Corruption
Rapport de l’examen de la France
Pays examinateurs: Danemark et Cap Vert
Cycle d’examen : 2010-2015
Chapitres sous examen : Chapitre III - Incrimination,
détection et répression et Chapitre IV - Coopération
internationale
Annexe n° 12
[185]
37
les crimes et délits punis par le Code pénal lui-même, comme les vols, escroqueries, abus
de confiance, détournements de biens publics le proxénétisme et bien sûr, la corruption,
le trafic d'influence etc., mais aussi par d'autres codes ou lois extérieurs comme à propos
de jeux et paris clandestins ou de délits en matière d'armes et d'étrangers prévus par les
12° et 13° de l'article 706-73 du Code de procédure pénale ou encore par le Code général
des impôts pour les infractions fiscales.
Concernant le sous-paragraphe 2.c, l’incrimination de blanchiment n'exige pas que
l'infraction principale ait été commise en France. Elle s’applique même si l’infraction
originelle a été commise à l’étranger, par un étranger ou par un français ou même par un
auteur resté inconnu.
De plus, la France est tenue d’appliquer la Convention relative au blanchiment, au
dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime élaborée sous l'égide du
Conseil de l'Europe du 8 novembre 1990. Cette convention prévoit d'ailleurs dans son
article 9.2 que "le fait que l'infraction principale soit ou non de la compétence des
juridictions pénales de la partie n'entre pas en ligne de compte".
Concernant le paragraphe 2.d, la France a indiqué qu’elle n’a pas encore remis au
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies une copie de ses lois.
Concernant le paragraphe 2.e, la France a indiqué que les principes fondamentaux de son
droit n’exigent pas que l’infraction du blanchiment du produit du crime s’applique à
l’auteur de l’infraction principale.
D’ailleurs, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a consacré la thèse selon
laquelle « la qualité d’auteur de l’infraction principale n’était pas exclusive de celle
d’auteur de l’infraction de blanchiment consécutive ».
Elle a d'abord appliqué cette thèse à l’hypothèse visée à l’article 324-1 alinéa 1er du code
pénal à savoir le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine
des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un
profit direct ou indirect (Cass. Crim., 25 juin 2003, n° 02-86.182 ou Cass. crim., 14
janvier 2004, n° 03-81.165) puis l'a appliquée dans un second temps à l'hypothèse visée à
l'alinéa 2 de ce même article à savoir le fait d'apporter un concours à une opération de
placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou
d'un délit.(Cass Crim, 20 février 2008).
2 003 2 004 2 005 2 006 2 007 2 008 2 009
Blanchiment (art.324-1 et 324-2 Code
pénal)
29 51 71 98 131 150 116
b) Observations sur l’application de l’article
[186]
47
a) Synthèse des informations pertinentes pour l’examen de l’application de l’article
Dans le droit français, l’élément intentionnel est décisif pour démontrer la commission de
l’infraction. L'article 121-3 du code pénal dispose en son alinéa 1er qu'il "n'y a point de
crime ou de délit sans intention de le commettre".
Toutefois, une jurisprudence constante de la Cour de Cassation est venue assouplir cette
condition en affirmant que "la seule constatation de la violation en connaissance de cause
d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur, l'intention
coupable exigée par l'article 121-3 alinéa 1er" (Cass. crim., 25 mai 1994). Il en va ainsi
de la violation des règles relatives aux marchés publics en matière de favoritisme, ou des
règles déontologiques propres aux agents publics par exemple.
Dans tous les cas, les juridictions s'attachent à prouver l'existence de l'élément
intentionnel par le rassemblement d'un faisceau d'indices. Ainsi, face à la difficulté
d'établir directement une attitude psychologique, les juges du fond ont très souvent
recours à des modes de preuve indirects tels que les présomptions de fait afin de déduire
des agissements commis l'intention de leur auteur. L'intention en matière d'abus de
confiance peut par exemple se déduire des circonstances de fait et la Cour de cassation
n'impose pas aux juges d'établir expressément cette intention, qui est nécessairement
incluse dans la constatation du détournement (Cass. crim., 12 janv. 1977). On peut encore
prendre l'exemple du recel pour lequel l'intention se définit comme la volonté de receler
des choses dont l'auteur connaît l'origine frauduleuse. La preuve de cette connaissance est
très souvent déduite des circonstances dans lesquelles le prévenu a obtenu les choses, du
prix très faible qu'il a payé pour les acquérir ou de la dissimulation de ces choses
(notamment, Cass. crim., 22 mai 1997).
Il est également habituel que les juges répressifs tiennent compte du fait que l'auteur des
actes avait une certaine qualité qui devait le conduire à avoir pleinement conscience de
commettre l'infraction.
L'élément intentionnel de l'infraction se rattachant à la psychologie de l'agent, sa
caractérisation relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, la Cour de cassation
se limitant à contrôler que les juges ont tiré toutes les conséquences de leurs propres
constatations.
En tout état de cause, l'article 427 du code de procédure pénale dispose que "hors les cas
où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de
preuve et le juge décide d'après son intime conviction. Le juge ne peut fonder sa décision
que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement
discutées devant lui".
b) Observations sur l’application de l’article
Les experts étaient satisfaits de la réponse fournie.
Annexe n° 12
[187]
48
Article 29. Prescription
Lorsqu’il y a lieu, chaque État Partie fixe, dans le cadre de son droit interne, un long
délai de prescription dans lequel des poursuites peuvent être engagées du chef d’une des
infractions établies conformément à la présente Convention et fixe un délai plus long ou
suspend la prescription lorsque l’auteur présumé de l’infraction s’est soustrait à la justice.
a) Synthèse des informations pertinentes pour l’examen de l’application de l’article
Dans le droit français, l'article 7 du code de procédure pénale fixe à 10 ans la prescription
de l'action publique pour les crimes et l'article 8 du code de procédure pénale fixe à 3 ans
la prescription de l'action publique pour les délits. L’article 7 s’applique seulement au cas
de corruption passive d'un magistrat dans une affaire criminelle qui constitue un crime
(dernier alinéa de l'article 434-9 du code pénal), alors que l’article 8 s’applique à toutes
les autres infractions mentionnées précédemment.
Article 7 du code de procédure pénale
En matière de crime et sous réserve des dispositions de l'article 213-5 du code pénal, l'action
publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si,
dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite.
S'il en a été effectué dans cet intervalle, elle ne se prescrit qu'après dix années révolues à
compter du dernier acte. Il en est ainsi même à l'égard des personnes qui ne seraient pas
impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite.
Le délai de prescription de l'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-47 du
présent code et le crime prévu par l'article 222-10 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur
des mineurs, est de vingt ans et ne commence à courir qu'à partir de la majorité de ces
derniers.
Article 8 du code de procédure pénale
En matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues ; elle
s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article précédent.
Le délai de prescription de l'action publique des délits mentionnés à l'article 706-47 et
commis contre des mineurs est de dix ans ; celui des délits prévus par les articles 222-12, et
227-26 du code pénal est de vingt ans ; ces délais ne commencent à courir qu'à partir de la
majorité de la victime.
Toutefois la prescription peut être prolongée selon la loi et la jurisprudence.
Selon la loi, les articles 7 et 8 du code de procédure pénale prévoient que chaque acte
d’instruction ou de poursuite interrompt le délai de prescription et fait courir un nouveau
délai. Ainsi, dès lors que les investigations se poursuivent pour établir la réalité de
l’infraction suspectée, le délai de prescription est interrompu et repart pour 3 nouvelles
années.
De plus, la loi prévoit des causes de suspension de la prescription qui ne fait qu'arrêter le
[188]
49
cours de la prescription si bien que le temps déjà écoulé avant sa survenance entre en
ligne de compte. Les causes légales de suspension de la prescription sont :
- art. 6 al. 2 du code de procédure pénale: décision judiciaire qui déclare l'action publique
éteinte pour une infraction déterminée lorsque la décision a été le résultat d'un faux.
- Saisine de la commission des infractions fiscales (maximum six mois) et saisine de la
commission de conciliation et d'expertise douanière (maximum un an)
- Consultation du conseil de la concurrence en matière de pratiques anti-concurrentielles
- Crimes sexuels sur les mineurs; prescription suspendue jusqu'à sa majorité
- mise en uvre par le procureur de la République d'une alternative aux poursuites
(rappel à la loi, médiation, régularisation, etc.).
Article 6 du code de procédure pénale
L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription,
l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale et la chose jugée.
Toutefois, si des poursuites ayant entraîné condamnation ont révélé la fausseté du jugement
ou de l'arrêt qui a déclaré l'action publique éteinte, l'action publique pourra être reprise ; la
prescription doit alors être considérée comme suspendue depuis le jour où le jugement ou
arrêt était devenu définitif jusqu'à celui de la condamnation du coupable de faux ou usage de
faux.
Elle peut, en outre, s'éteindre par transaction lorsque la loi en dispose expressément ou par
l'exécution d'une composition pénale ; il en est de même en cas de retrait de plainte, lorsque
celle-ci est une condition nécessaire de la poursuite.
Article 6-1 du code de procédure pénale
Lorsqu'un crime ou un délit prétendument commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire
impliquerait la violation d'une disposition de procédure pénale, l'action publique ne peut être
exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion a été
constaté par une décision devenue définitive de la juridiction répressive saisie. Le délai de
prescription de l'action publique court à compter de cette décision.
Les causes jurisprudentielles de suspension du délai de prescription sont les obstacles de
droit ou de fait à l'exercice de l'action : obstacles de droit (question préjudicielle, pourvoi
en cassation, appel interjeté par une partie civile sur les ordonnances de non-lieu ou les
décisions de relaxe, ..) et obstacles de fait (inondation, invasion du territoire par l'ennemi,
reconstitution du dossier de procédure..).
Par ailleurs, la jurisprudence est venue allonger encore le délai de prescription en
considérant que pour toutes les infractions dissimulées (abus de confiance, abus de biens
sociaux, corruption, trafic d'influence, détournements de fonds publics ..) le point de
départ du délai de prescription est fixé au jour de la découverte du délit et non du jour de
sa commission. La formule de principe de la Chambre criminelle est la suivante : l’action
publique ne commence à courir en cas de dissimulation "qu’à partir du jour où
l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice
des poursuites. »
De même, pour les infractions dites "continues" (par opposition aux infractions
instantanées) la jurisprudence est venue préciser que le délai de prescription de l'action
publique ne court que du jour où elles ont pris fin. La Cour de Cassation a notamment
Annexe n° 12
[189]
54
Concernant le paragraphe 3, selon l'article 31 du code de procédure pénale, le "ministère
public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi". Le cadre de sa mission
est précisé aux articles 40 (alinéa 1er) et 40-1 du code de procédure pénale. Il dispose de
l'opportunité des poursuites.
Article 40 du code de procédure pénale- alinéa 1er
Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à
leur donner conformément aux dispositions de l'article 40-1.
Article 40-1 du code de procédure pénale
Lorsqu'il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance en application des
dispositions de l'article 40 constituent une infraction commise par une personne dont
l'identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle
à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République territorialement
compétent décide s'il est opportun :
1° Soit d'engager des poursuites ;
2° Soit de mettre en uvre une procédure alternative aux poursuites en application des
dispositions des articles 41-1 ou 41-2 ;
3° Soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la
commission des faits le justifient.
Lorsque l'identité et le domicile de l'auteur sont connus, et qu'il n'existe pas d'obstacle
légal à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur ne peut classer sans suite
la procédure que lorsque "des circonstances particulières liées à la commission des faits
le justifient".
Article 40-2 du code de procédure pénale
Le procureur de la République avise les plaignants et les victimes si elles sont identifiées,
ainsi que les personnes ou autorités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 40, des
poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qui ont été décidées à la suite de leur
plainte ou de leur signalement.
Lorsqu'il décide de classer sans suite la procédure, il les avise également de sa décision en
indiquant les raisons juridiques ou d'opportunité qui la justifient.
L'article 40-3 du code de procédure pénale accorde à la personne ayant dénoncé des faits
au procureur de la République le droit de former un recours devant le procureur général
contre une décision de classement sans suite.
Article 40-3- Toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République peut
former un recours auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite
prise à la suite de cette dénonciation. Le procureur général peut, dans les conditions prévues à
l'article 36, enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites. S'il estime le
recours infondé, il en informe l'intéressé.
[190]
Annexe n° 13
Application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée :
informations actualisées sur la base des réponses supplémentaires reçues des États pour le premier
cycle de collecte d’informations (CTOC/COP/2005/2/Rev.1)
(extraits)

Nations Unies CTOC/COP/2005/2/Rev.1
Conférence des Parties à la
Convention des Nations Unies
contre la criminalité
transnationale organisée
Distr.: Générale
9 août 2006
Français
Original: Anglais
V.06-56245 (F)
*0656245*
Deuxième session
Vienne, 10-21 octobre 2005
Point 2 de l’ordre du jour
Examen de l’application de la Convention des Nations Unies
contre la criminalité transnationale organisée
Application de la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée: informations
actualisées sur la base des réponses supplémentaires reçues
des États pour le premier cycle de collecte d’informations
Rapport analytique du Secrétariat
Table des matières
Paragraphes Page
I. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1-15 3
A. Mandats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1-4 3
B. Mandat donné par la Conférence des Parties à sa première session et processus
ultérieur d’établissement des rapports . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5-9 3
C. Mandat donné par la Conférence des Parties à sa deuxième session et processus
ultérieur d’établissement des rapports . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10-12 4
D. Cadre et structure du rapport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13-15 6
II. Analyse de la législation nationale et des mesures relatives aux dispositions
pertinentes de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16-118 6
A. Prescriptions relatives à l’incrimination . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16-66 6
1. Incrimination de la participation à un groupe criminel organisé (art. 5) . . . 16-21 6
2. Incrimination du blanchiment du produit du crime (art. 6) . . . . . . . . . . . . . . 22-29 7
3. Incrimination de la corruption (art. 8) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30-34 10
Annexe n° 13
[193]
CTOC/COP/2005/2/Rev.1
2
4. Incrimination de l’entrave au bon fonctionnement de la justice (art. 23) . . 35-39 10
5. Compétence (art. 15) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40-51 11
6. Responsabilité des personnes morales (art. 10) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52-57 14
7. Confiscation et saisie (art. 12) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58-66 15
B. Prescriptions relatives à la coopération internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67-109 17
1. Extradition (art. 16) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67-85 17
2. Entraide judiciaire (art. 18) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86-98 22
3. Coopération internationale aux fins de confiscation (art. 13) et disposition
du produit du crime ou des biens confisqués (art. 14) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99-109 25
C. Difficultés rapportées et besoin d’assistance technique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110-118 28
1. Difficultés rapportées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110-114 28
2 Besoin d’assistance technique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115-118 29
III. Conclusions et recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119-124 29
Annexe État des réponses au questionnaire sur l’application de la Convention des Nations Unies contre
la criminalité transnationale organisée (premier cycle de collecte d’informations de la
Conférence des Parties) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
[194]
CTOC/COP/2005/2/Rev.1
11
empêcher un agent de la justice ou un agent des services de détection et de
répression d’exercer les devoirs de leur charge.
36. Les États ayant répondu au questionnaire ont pour la plupart indiqué qu’ils
avaient dans une certaine mesure au moins conféré le caractère d’infraction pénale à
l’entrave au bon fonctionnement de la justice dans leur législation interne.
L’Équateur et la République-Unie de Tanzanie ont indiqué que les dispositions de
leur législation interne ne couvraient que partiellement les prescriptions de la
Convention parce qu’elles ne prévoyaient pas le fait de recourir à la force pour
obtenir un faux témoignage ou pour empêcher par d’autres moyens le bon
fonctionnement de la justice. Au Portugal, le fait de recourir à la menace, à la
violence physique et à l’intimidation pour obtenir un faux témoignage était
incriminé alors que le fait de recourir à la corruption dans le même but ne l’était
pas. Le Costa Rica a indiqué que seules certaines des infractions pénales étaient
incriminées dans sa législation: le faux témoignage et le fait de recourir à des
menaces pour obtenir un faux témoignage ou empêcher un témoignage.
37. Alors qu’aux termes de l’article 23, l’infraction est constituée que le faux
témoignage ait été effectivement donné ou non ou que l’on ait empêché ou non un
témoignage dans une procédure, les législations péruvienne et sud-africaine
semblent exiger une dissimulation effective des éléments de preuve ou l’entrave
effective au bon fonctionnement de la justice comme élément constitutif de
l’infraction.
38. El Salvador, l’Islande (signataire) et la Jamaïque ont indiqué, sans fournir
d’autres détails, que leur législation interne ne s’était pas conformée aux exigences
de l’article 23.
39. Les États parties ont l’obligation d’appliquer l’infraction d’entrave au bon
fonctionnement de la justice à toutes les procédures concernant les infractions
visées par la Convention, y compris celles établies conformément aux Protocoles
additionnels. La plupart des États ayant répondu au questionnaire ont indiqué que
dans leur législation l’article 23 était applicable dans les procédures concernant la
commission de toute infraction, l’intention d’entraver le bon fonctionnement de la
justice en ce qui concerne une infraction spécifique n’étant pas un élément requis de
l’infraction d’entrave au bon fonctionnement de la justice.
5. Compétence (art. 15)
40. Conformément à l’article 15, les États parties ont l’obligation d’établir leur
compétence lorsque l’infraction concernée est commise sur leur territoire ou à bord
de navires battant leur pavillon ou à bord d’aéronefs immatriculés conformément à
leur droit interne.
41. Tous les États ayant répondu au questionnaire ont confirmé qu’ils étaient en
mesure d’établir une telle compétence, obligatoire aux termes de la Convention et
pour ainsi dire universellement admise. Les seules exceptions mentionnées
concernaient les immunités diplomatiques et autres accordées en vertu de règles
généralement reconnues du droit international ainsi que les arrangements spéciaux
s’appliquant aux troupes étrangères stationnées sur le territoire d’un État.
42. Si l’établissement de la compétence territoriale ne devrait pas poser problème,
les États devraient en revanche s’assurer que celle-ci englobe les principes objectifs
Annexe n° 13
[195]

Annexe n° 14
Ambassade de France en Guinée équatoriale, Note verbale n° CHAN/92/2014,
13 février 2014

Annexe n° 14
[199]
[200]
Annexe n° 14

Annexe n° 14
[203]

Annexe n° 15
Demande d’entraide pénale internationale du Tribunal de grande instance de Paris,
14 novembre 2013 (extraits)

Annexe n° 15
[207]
[208]
Annexe n° 15
[209]
[210]

Document file FR
Document Long Title

Observations écrites de la Guinée équatoriale sur les exceptions préliminaires soulevées par la France

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