COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
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USINES DE PÂTE À PAPIER SUR LE FLEUVE URUGUAY
(ARGENTINE / URUGUAY)
MÉMOIRE
DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE
LIVRE I
15 JANVIER 2007 T A B L E D E M A T I È R E S
TABLE DE MATIÉRES ….………………………………………………… i
INTRODUCTION …………………………………………………………… 1
Section I: Le contexte général de l’affaire soumise à la Cour …………….. 3
Section II : La procédure ……………………………………………………. 5
Section III : La portée du différend ………………………………………… 7
Section IV : Structure du mémoire ………………………………………… 14
CHAPITRE I - LA COMPÉTENCE DE LA COUR ……………………… 17
CHAPITRE II - GÉNÈSE, EXISTENCE ET
ÉVOLUTION DU DIFFEREND …………………………………………… 27
Section I : Introduction …………………………………………………….. 29
Section II : L'origine du différend : l'autorisation du 9 octobre
2003 pour la construction de l'usine CMB ………………………………... 29
Section III : L'aggravation du différend : L'autorisation de
construction de l'usine Orion du 15 février 2005 ………………………….. 46
Section IV : La constitution du GTAN et une nouvelle
aggravation du différend du fait de l'autorisation de la
construction d'un port à Botnia …………………………………………….. 50
Section V : L´echec des négotiations et l'appui du parlement
argentin à la saisine de la Cour Internationale de Justice ………………... 56
Section VI : Nouvelles tentatives argentines de régler
bilatéralement le différend ……………………………………………….… 58
iSection VII : La saisine de la Cour par l'Argentine et l'aggravation
ultérieure du différend par l'Uruguay ……………………………………. 61
Section VIII : Conclusions ………………………………………………….. 62
CHAPITRE III: LE DROIT APPLICABLE – LE STATUT DE 1975 …… 65
Section I: Le Statut de 1975 est un instrument négocié et
conclu dans un contexte particulier ………………………………………….. 67
A. DU TRAITÉ DE 1961 AU STATUT DE 1……..................…………......…. 68
B. LE CONTEXTE RÉGIONAL DE REGLEMENTATION DE LA
GESTION DES COURS D’EAU INTERNATIONAUX ET LE
STATUT DE 1975 ……………................………………………………….. 73
Section II: Le Statut de 1975, un instrument spécifique
qui gouverne le régime juridique du fleuve Uruguay ………………………. 77
A. UN RÉGIME JURIDIQUE DE GESTION NOVATEUR …......…...........………… 78
B. UN RÉGIME JURIDIQUE DE COOPÉRATION EXIGEANT AFIN DE
PRÉVENIR LES ATTEINTES À LA NAVIGATION, AU RÉGIME
DU FLEUVE ET À LA QUALITÉ DES EAUX……….......................................... 89
C. UN RÉGIME JURIDIQUE DE PROTECTION GLOBALE………....................… 114
Section III: Le Statut de 1975 doit être interprété et appliqué
à la lumière des instruments internationaux et des principes et
règles pertinents du droit international …………………………………..……. 125
A. LES PRINCIPES PERTINENTS DU DROIT DES COURS D’EAU
INTERNATIONAUX APPLICABLES AU PRÉSENT DIFFÉREND …...........................… 127
B. LES PRINCIPES DU DROIT INTERNATIONAL DE L’ENVIRONNEMENT
APPLICABLES AU PRÉSENT DIFFÉREND….......................................................... 132
C. LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX APPLICABLES
AU PRÉSENT DIFFÉREND……...........…………………………....…………… 142
Conclusion ………………………………………………………………………… 149
iiCHAPITRE IV: LES VIOLATIONS PAR L’URUGUAY DES
OBLIGATIONS DE PROCÉDURE IMPOSÉES PAR LE
CHAPITRE II DU STATUT DE 1975 ………………………………………….. 151
Section I : L'Uruguay a systématiquement autorisé tous les projets
sans saisir la CARU (article 7, alinéas 1 et 2 du Statut de 1975) ……………... 154
A. L'AUTORISATION DU 9OCTOBRE 2003 RÉLATIVE À
L’USINE CMB………………………………………………....…......……… 158
B. L'AUTORISATION DE LA CONSTRUCTION DE L’USINE
ORION LE14 FÉVRIER 2005 ……………. ………………..........……………. 169
C. L'AUTORISATION DONNÉE À BOTNIA DE CONSTRUCTION
DU TERMINAL PORTUAIRE (5JUILLET2005 )……………....................………. 172
D. L'A UTORISATION DE MISE EN SERVICE DU TERMINAL
PORTUAIRE DE BOTNIA(24AÔUT 2006)…………………….……...............… 173
E. L'A UTORISATION DE PRÉLÈVEMENT ET D’UTILISATION
DE L’EAU DU FLEUVE URUGUAY DONNÉE À BOTNIA
12 SEPTEMBRE 2006 )…………………………..........……………………… 174
Section II : L'Uruguay n'a pas notifié les projets par l'intermédiaire
de la CARU (article 7, alinéas 2 et 3) ……………………………………..…… 176
A. L'NFORMATION RELATIVEAU PROJET CMB …………….......................….. 176
B. L'NFORMATION RELATIVE À L’USINE ORION………......................……… 179
C. L’URUGUAY A EXPLICITEMENT RECONNU QU’IL N’A PAS
FOURNI L’INFORMATION À LA CARU CONFORMÉMENT
AU STATUT DE1975 ……………..........................................……...……….. 179
D. L'NFORMATION TRANSMISE PAR L’URUGUAY ÉTAIT ET
DEMEURE INCOMPLÈTE …………………………..........…………......……… 180
Section III : Les autorisations contestées ont été données par l'Uruguay
nonobstant l'opposition de l'Argentine et l'absence de règlement
du différend (article 9) …………………….…………………………………… 182
iiiSection IV : Le comportement uruguayen constitue une violation
substantielle du Statut de 1975 ………………………………………………… 184
CHAPITRE V: LES VIOLATIONS PAR L’URUGUAY DES
OBLIGATIONS DE SUBSTANCE ……………………………………,,……… 189
Section I: Remarques liminaires ………………………………………………… 192
A. LE PRINCIPE D«DÉVELOPPEMENT DURABLE » TROUVE APPLICATION
DANS LES TATUT DE1975 ET NE PERMET PAS ’ULRUGUAY DE NE PAS
RESPECTER SES OBLIGATION……………………………………………… 192
B. LE PRINCIPE DE SOUVERAINETÉ PERMANENTE SUR LES RESSOURCES
NATURELLES DOIT TROUVER APPLICATION DANS LE RESPECT DES
OBLIGATIONS PREVUES PAR LSTATUT DE1975 ………………………...… 196
C. LESTATUT DE 1975DOIT ÊTRE INTERPRÉTÉ ET MIS EN ŒUVRE DANS LE
RESPECT DU PRINCIPE DE PRÉCAUTI………………………………..…… 199
Section II: L’ Uruguay a violé ses obligations d’empêcher
la pollution et de protéger la qualité des eaux du fleuve Uruguay
et son écosystème : ……………………………………………………………… 203
A. L’URUGUAY A NÉGLIGÉ D’ADOPTER TOUTES LES MESURES
PROPRES À PROTÉGER LA QUALITÉ DES EAUX DU FLEUUERUGUAY
ET DE SES ZONES’INFLUENCE ………………………………………… 206
B. L’URUGUAY A NÉGLIGÉ DE PRENDRE TOUTES LES MESURES PROPRES
À PROTÉGER ET À PRÉSERVER LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE DU FLEUVE
URUGUAY ET SES ZONES DINFLUENCE …………………………………… 214
C. L’URUGUAY A NÉGLIGÉ DE ’ASSURER QU’UNE ÉTUDE ’IMPACT
ENVIRONNEMENTAL COMPLÈTE SOIT PRÉPARÉE ……………….…………. 217
D. L’URUGUAY N A PAS PRIS TOUTES LES MESURES PROPRES À
EMPÊCHER LA POLLUTION EN NE SE CONFORMANT PAS À SES
OBLIGATIONS PRÉVUES PAR LE CHAPITRIIDUSTATUT DE 1975 ………… 223
E. L’U RUGUAY N’A PAS PRIS TOUTES LES MESURES PROPRES À
EMPÊCHER LA POLLUTION EN AUTORISANT LA CONSTRUCTION DE
LUSINE ORION SUR UN SITE PAS CONVENABL…………………………… 224
iv F. L’URUGUAY N ’A PAS PRIS TOUTES LES MESURES PROPRES À EMPÊCHER LA
POLLUTION EN N’EXIGEANT PAS LUTILISATION DES«MEILLEURES
TECHNOLOGIES DISPONIBLES »PAR L’USINE……………………………… 229
G. L’URUGUAY N ’A PAS PRIS TOUTES LES MESURES PROPRES À
EMPÊCHER LA POLLUTION EN N’APPLIQUANT PAS LES STANDARDS
DE LA CARU ………………………………………………………………231
Section III : L’ Uruguay a violé son obligation d’empêcher la modification
de l’equilibre écologique du fleuve Uruguay et ses zones d’influence
notamment en causant un préjudice sensible au fleuve Uruguay et ses
zones d’influence ……………………………………………………………….. 231
CHAPITRE VI: L’ENVIRONNEMENT AFFECTÉ PAR LES
USINES DE PÂTE À PAPIER PROJETÉES ET LEURS
INSTALLATIONS CONNEXES ………………………………………………. 235
Section I : Le Fleuve Uruguay et ses zones d’influence comme
un système écologique environnemental ……………………………….......…. 237
Section II : La spécificité de la région du fleuve Uruguay où
les projets d’usine de pâte a papier et les installations connexes ont
été unilatéralement autorisés ……………………………………………......….. 242
Section III : Le fleuve Uruguay comme axe de développement durable,
du bien-être et de la santé des communautés voisines ……………………....... 251
CHAPITRE VII: LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DE
L’USINE DE PÂTE À PAPIER ORION …………………………………..… 259
Section I: Introduction …………………………………………………....…… 261
Section II : Le niveau de qualité actuel du fleuve Uruguay et
ses zones d’influence ……................................................................................... 266
Section III : Les impacts environnementaux des usines de pâte
à papier de ce type ………………………………………………………....….. 290
vSection IV : Le mode de fonctionnement et les rejets envisagés pour
l’usine Orion ………………………………………………………………… 302
Section V:Les effets de la construction et du fonctionnement de l’usine
projeté sur l’environnement du fleuve Uruguay et des zones
d’influence ………………………………………………………….………. 309
Section VI : Conclusions …………………………………………………… 345
CHAPITRE VIII - LES REMÈDES DEMANDÉS
PAR L'ARGENTINE ………………………………………………………. 349
Section I : La constatation par la Cour des faits internationalement
illicites de l'Uruguay ……………………………………………………… 351
Section II : La cessation des violations continues et la reprise
des obligations imposées par le Statut de 1975 …………………………… 354
Section III : La réparation par l'Uruguay des préjudices
causés par ses faits internationalement illicites ……………………358
Section IV : L'Argentine a droit à des garanties et assurances appropriées
de non-répétition du comportement illicite de l'Uruguay ………………… 363
CONCLUSIONS ……………………………………………………………… 367
LISTE DES ANNEXES ……………………………………………………… 371
viINTRODUCTION
1 Section I
Le contexte général de l'affaire soumise à la Cour
0.1 Le différend dont la République argent ine (ci-après "l'Argentine") a saisi
la Cour internationale de Justice le 4 ma i 2006 envenime de manière préoccupante les
relations, traditionnellement fraternelles et exemplaires, entre l'Argentine et la
République orientale de l'Uruguay (ci-après "l'Uruguay").
0.2 L'Argentine et l'Uruguay sont deux pa ys profondément unis par des liens
historiques, sociaux et culturels qui dépassent les simples relations de bon voisinage entre
États. Le Traité du fleuve Uruguay de 1961 les décrit d'une manière éloquente, lorsque
son préambule se réfère aux "liens étroits et indestructibles d'affection et d'amitié qui ont
1
toujours existé entre leurs peuples respectifs" .
0.3 Les annonces successifs, en l’espace de seize mois, de la construction de
deux usines géantes de pâte à papier sur la rive gauche du fleuve Uruguay près de la ville
de Fray Bentos dans le dépa rtement uruguayen de Rio Negro 2, ont marqué une
détérioration soudaine et grave de leurs rela tions. Plusieurs facteurs expliquent l'ampleur
de cette situation:
- en premier lieu, les décisions un ilatérales du gouvernement uruguayen
d'autoriser la construction des deux usines ont été prises en viol ation des prescriptions
claires du Statut du fleuve Uruguay. Ce trai té signé par les deux États à Salto (Uruguay)
le 26 février 1975 et entré en vigueur le 18 septembre 1975 (ci-ap rès: "le Statut de
3
1975") , instaure une coopération étroite en tre les deux États riverains -dont le
1Traité entre la République argent ine et la République orientale de l' Uruguay relatif à la frontière sur
l'Uruguay, Montevideo, 7 avril 1961, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 635, N° 9074, p. 99, Annexes,
livre II , annexe 1
2
Annexes, livre VIII, annexes 1 à 4. Su r les caractéristiques de ces usines, v. infra, par. 0.16, ainsi que le
3hapitre VII, Section III.
R.T.N.U., vol. 1295, p. 332 (n° 12425). Annexes, livre II, annexe 2, ainsi que l’annexe I à la requête.
3mécanisme d’information et consultation préalables réglementé aux Articles 7 a 13
constitue un aspect central - qui avait, jusqu'alors, donné toute satisfaction;
- en deuxième lieu, les atteintes prévisib les à l'environnement et à la qualité des
eaux du fleuve seront, inévitablement, considérab les, les usines de pâte à papier faisant
partie des complexes industriels les plus po lluants qui soient; or Gualeguaychú et sa
région, situées sur la rive argentine du fleuve en face de l'emplacement retenu pour les
usines, sont vouées à l'agriculture et, surtou t au tourisme écologi que que s'y développe
rapidement; et
- en troisième lieu, la population de la pr ovince argentine d'Entre Ríos en général,
et de la ville de Gualeguayc hú en particulier, a une longue tradition communautaire de
défense de l'environnement.
0.4 Depuis des années en effet, la provin ce d'Entre Ríos a adopté une attitude
très soucieuse du respect de l'environnement. La ville de Gualeguaychú est à la pointe du
5
développement de cette conscience écologique .
0.5 L'annonce soudaine, le 21 septembre 20 06, par les dirigeants de la société
espagnole ENCE, qui avait obtenu des autorités uruguayennes l'autorisation de construire
l'une des deux usines contestées près de Fr ay Bentos, de leur renonciation à ce projet 6
n’affecte pas en substance le différend. D'un e part en effet, il n'est nullement question
d'un abandon, ni encore d'une relocalisation, de l'autre usine, constr uite à marche forcée
par la société finlandaise Botnia, et qui sera dotée d'une capacité de production double de
celle qu'envisageait ENCE au départ pour sa propre usin e. D'autre part, si ENCE a
renoncé à implanter celle-ci à proximité immédiate de celle de Botnia, elle a annoncé son
4
5V. infra, chapitre III, Section II.
À titre d’exemple, son système de traitement des déchets est un modèle unique dans le littoral du fleuve
Uruguay et ses zones d'influence. V. infra, chapitre VI, pars. 6.51 et 6.52.
6V. "ENCE SE QUEDA; ESTUDIA RELOCALIZACIÓN DE SU PLANTA", 21 septembre 2006,
http://www.presidencia.gub.uy/_web/noticias/2006/09/2006092109.htm (Annexes, livre VI, annexe 1),
"DECISIÓN DE ENCE NO AFECTA LA ESTR ATEGIA URUGUAYA", 22 septembre 2006,
http://www.presidencia.gub.uy/_web/noticias/2006/09/2006092205.htm (Annexes, livre VI, annexe 3).
4intention de la construire ailleurs 7, à un emplacement non confirmé au moment de la
finalisation de ce Mémoire en vue de sa impression et reliure . 8
0.6 Du fait de l'incertitude entretenue à cet égard, le présent mémoire est
rédigé en fonction de la situation existante à la date de son achèvement. Il va de soi que,
si la situation concernant le projet d’ENCE venait à changer, l'Ar gentine se réserve le
9
droit d'adapter en conséquence ses conclusions et l'argumentation qui les justifient .
Section II
La procédure
0.7 C'est dans ce contexte que l'Argent ine a déposé au Greffe de la Cour
internationale de Justice, le 4 mai 2006, une requête contre l'Urugua y, par laquelle elle
prie la Cour de constater que l'autorisation de construction, la construction et l'éventuelle
mise en service de deux usines de pâte à pa pier sur la rive gauche du fleuve Uruguay
violent les obligations de l'État défendeur en vertu du Statut de 1975 et des autres règles
de droit international auxquell es ce Statut renvoie, et qu e ces violations engagent la
responsabilité internationale de l'Uruguay avec toutes conséquences de droit.
0.8 Le même jour, l'Argentine a présen té une demande en indication de
mesures conservatoires en vertu de l'article 41 du Statut de la Cour et de l'article 73 de
son Règlement, en raison des préjudices sensib les et irréversibles que la mise en service
7V. la conférence de presse du Président d'ENCE, M. Juan Luis Arregui, et du directeur exécutif, M. Pedro
Oyarzábal, Montevideo, 21 septembre 2006 (Annexes, livre VI, annexe 1, le communiqué d'ENCE, 22
septembre 2006, http://www.ence.es/ Publico/publica_cnmv.php?Id=64 (Annexes, livre VI, annexe 4) et
VÁZQUEZ: LO OFICIAL DE ENCE ES QUE NO SE VA DEL PAÍS" , 28 septembre 2006,
http://www.presidencia.gub.uy/_web/noticias/2006/09/2006092802.htm (Annexes, livr e VI, annexe 5) ou
"PLAN ESTRATÉGICO DEL GRUPO ENCE (PERÍODO 2007 - 2011)", 27 octobre 2006, site Internet de
la Présidence uruguayenne, ht tp://www.presidencia.gub.uy/_web/noticias/2006/10/2006102701.htm
(Annexes, livre VI, annexe 6).
8Lors de leur conférence de pr esse du 21 septembre 20 06, les dirigeants d'EN CE n’ont répondu aux
questions des journalistes sur ce point (Annexes, livre VI, annexe 1). En ce qui concerne l’ annonce fait le
12 décembre 2006 par le Président d’ ENCE de délocaliser le projet CMB pour le situer à proximité de la
localité uruguayenne de Punta Pereira, sur le Río de la Plata, v. infra, chapitre VIII, pars. 8.6 et 8.7.
9V. infra, conclusions, par 9.2.
5des usines causera à la qualité des eaux du fl euve Uruguay et des préjudices écologiques,
sociaux et économiques graves que causent et causeront la construction des ouvrages
dans les zones d'influence du fleuve, y compris sur sa rive droite.
0.9 Par son ordonnance du 13 juillet 20 06, la Cour a décidé que "les
circonstances, telles qu'elles se présentent actuellement (…), ne sont pas de nature à
exiger l'exercice de son pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires en vertu de
l'article 41 du Statut" . La Cour a cependant précisé "que, en maintenant l'autorisation et
en permettant la poursuite de la co nstruction des usines, l'Uruguay assume
nécessairement l'ensemble des risques liés à to ute décision au fond que la Cour pourrait
11
rendre à un stade ultérieur" . Elle a en outre rappelé que "les Parties sont tenues de
s'acquitter des obligations qui sont les leurs en vertu du droit international" et souligné "la
nécessité pour l'Argentine et l'Uruguay de mettre en Œuvre de bonne foi les procédures de
consultation et de coopératio n prévues par le Statut de 1975, la CARU [Commission
d’administration du fleuve Uruguay; voir les Chapitres II et III, infra] constituant
l'enceinte prévue à cet effet" et encouragé "en outre les Parties à s'abstenir de tout acte qui
12
risquerait de rendre plus difficile le règlement du présent différend" .
0.10 Par une seconde ordonnance rendue le même jour, la Cour a fixé au 15
janvier 2007 la date d'expiration du délai pour le dépôt du mémoire de l'Argentine et au
20 juillet 2007 celle du contre-mémoire de l'Uruguay. Cette brièveté bienvenue montre
que la Cour s'est montrée sensible à la nécessité de régler le différend dont l'Argentine l'a
saisie dans les délais les plus prompts, co mpatibles avec la présentation approfondie de
leurs argumentations respectives par les Parties. Le présent mémoire est déposé
conformément à cette décision.
10
Par. 97.
11Ibid., par. 78.
12Ibid., par. 82.
6 Section III
La portée du différend
0.11 Dans son ordonnance du 13 juillet 20 06 sur la demande en indication de
mesures conservatoires de l'Argentine, la Cour a considéré que
"la présente affaire met en évidence l'impo rtance d'assurer la protection, sur le
plan de l'environnement, des ressources naturelles partagées tout en permettant un
développement économique durable; qu'il convient notamment de garder à l'esprit
la dépendance des Parties vis-à-vis de la qualité des eaux du fleuve Uruguay en
tant que celui-ci constitue pour elles une so urce de revenus et de développement
économique; que, dans cette perspective, il doit être tenu compte de la nécessité
de garantir la protection continue de l' environnement du fleuve ainsi que le droit
au développement économique des États riverains" . 13
0.12 Cette présentation définit de manière concise et exacte un aspect important
de la portée du présent différend qui tient à la menace que font peser sur l'environnement
du fleuve Uruguay et le développement éco nomique et social durable de la province
14
argentine d'Entre Ríos la construction cer taine d'une usine géante de pâte à papier à un
emplacement particulièrement sensible et celle, probable, d'une autre usine ailleurs sur la
partie du fleuve commune aux Parties 1.
0.13 En outre, c'est à un véritable "sauvetage" du Statut de 1975 que la Cour est
appelée: par son mépris total et constant des procédures imposées par le chapitre II de cet
instrument et son refus de procéder, en co nsultation préalable avec l'Argentine, c’est à
dire, avant l’autorisation octroyée aux usin es projetées, à une évaluation complète et
précise des effets de la construction et de leur mise en service, l'Uruguay a en effet atteint
ce traité dont le respect scrupuleu x est le gage de "l'utilisati on rationnelle et optimale du
fleuve Uruguay" 16 et, au-delà, de relations harmonieuses entre les Parties.
13
14Ibid., par. 80.
Sur les caractéristiques de cette usine, v. infra, par. 0.16, ainsi que le chapitre VII, section III.
15V. supra, par. 0.6.
16Article 1er du Statut de 1975.
7 17
0.14 Comme l'Argentine l'a exposé dans sa requête , le différend est né à la
suite de l'autorisation unilatérale, donn ée le 9 octobre 2003 par le gouvernement
uruguayen, à la société espagnole ENCE de c onstruire une très grande usine de pâte à
papier sur la rive gauche du fleuve Uruguay, à environ 30 kilomètres de la ville argentine
de Gualeguaychú (dont l'agglomération, qui est la plus importante sur le tronçon du
fleuve Uruguay commun aux Parties, compte prés de 100.000 habitants) et 12 kilomètres
de la station balnéaire argentine de Ňandubaysal. L'une des sources principales de
revenus de cette zone de la province argentine d'Entre Rios est le tourisme écologique 18.
0.15 À ce projet, dénommé "Celulosa de M'Bopicuá" (ci-après "CMB"), s'en est
rapidement ajouté un autre de plus grande ampleur encore, puisque, le 14 février 2005, le
gouvernement de l'Uruguay a autorisé l'entr eprise finlandaise Oy Metsä-Botnia AB (ci-
après "Botnia"), aussi unilatéralement et en violation du Statut du 1975, à construire une
autre usine ("Orion"), aux capacités de production encore plus étendues, à sept kilomètres
19
seulement de CMB . L'emplacement des deux usines estindiqué sur les schémas 1 et 2.
0.16 À plein régime, il était prévu que le s deux usines, dont la construction
20
devrait être achevée en août 2007 pou r Orion et en juil let 2008 pour CMB , produisent,
dans un premier temps respectiv ement un million de tonnes et 500.000 tonnes de pâte à
21
papier , en attendant que la production de CMB soit également portée à un million de
tonnes 22. Par leur capacité de production, ces usin es se situent parmi les plus importantes
de toutes celles qui existent actuellement dans le monde 23.
17
18V. les pars. 5 à 23 de la requête.
V. infra chapitre VII et l’ annexe « M » au rapport Latinoconsult (« Assesment of the fluvial environment
of the proposed Botnia pulp mill on Río Uruguay»). In : http://www.ecopaedia.com.ar/publico/ea_report/
(username : ea_annex ; password : ea_annex)
19
En outre, le 5 juillet 2005, l'Uruguay a autorisé Botnia à construire un port connexe à l’usine projetée par
la même société (Annexes, livre VII, annexe 15). Ce port a été unilatéralement autorisé à opérer le 24 août
2006 (v. para. 0.23). Un troisième projet majeur d'usine de pâte à papier est en outre prévu au profit de la
société transnationale suédo-finlandaise Stora Enso. L'usine, d'une capacité de production également d’un
million de tonnes devrait être implantée sur le fleuve Negro (v. l'annexe XXV à la requête et Annexes, livre
20, annexe 7).
CR 2006/47, 8 juin 2006, p. 46 , par. 15 (M. Reichler). V. aussi l'affidavit de Mme Alicia Torres,
Directeur national de l'environnement, Observations de l'Uru guay, pièce 1, pp. 10-11 et l'affidavit de M.
Ponce de Léon, ibid., pièce 3, p. 2, par. 8, ainsi que l’ Annexes, livre VI, annexe 14.
21
22Annexe I à la demande en indication des mesures conservatoires.
Les dirigeants d'ENCE ont indiqué que, lorsqu'elle sera construite à un nouve l emplacement, leur usine
de pâte à papier aura égalem ent une capacité de production d' un million de tonnes (Annexes , livre VI,
annexe 1).
23
Annexes, livre V, annexe 2.
80.17 L'annonce par les dirigeants d'ENCE, en septembre 2006, à un moment où
la rédaction du présent mémoire était déjà avancée, de l'abandon provisoire de la
construction de l’usine CMB 24– du moins à l'emplacement pr évu- n’a pas une incidence
majeure sur la portée du présent différend. En effet:
- la procédure suivie par la Partie urug uayenne pour autoriser la construction de
l'usine CMB a grossièrement violé la lett re et l'esprit du Statut de 1975 et
participe de la mise en danger de ce trai té dont la sauvegarde est l'un des enjeux
25
essentiels de la présente procédure ; l'abandon annoncé du projet n'efface pas ces
irrégularités, qui constituent un dangereux précédent; et
- l'impact négatif de l’usine Orion de meure évidemment, et est loin d'être
26
négligeable même si on le considère isolément .
24V. supra, par. 0.5.
25V. supra, par. 0.13.
26V. infra, chapitre VIII, par. 8.7. En autre, ENCE n'a nullement renoncé à construire une usine du même
type ailleurs en Uruguay, même si l'emplacement précis de cette relocalisation demeure non confirmé à la
date d'achèvement du présent mémoire.
910 27
0.18 Par nature, l'industrie de la pate à papier est extrêmement polluante et
l'implantation de l’usine Orion sur le fleuve Uruguay ne manquera pas de causer des
préjudices à l'environnement de celui-ci et de ses zones d'influence y compris à la santé et
au bien-être des communautés humaines étab lies sur les deux rives de cette ressource
naturelle partagée. Comme l'a souligné M. En rique Viana, Procureur public uruguayen,
"the collective health of the residents of both riversides will be plac ed in great, mediate
and immediate peril, ... as we ll as all of the common envi ronmental resources with the
Argentine Republic ... The site location of these plants ... will result in an assault to the
especially protected Eastern riverside of the Rio Uruguay and constitutes an irruption or
an abrupt territorial invasion ..." 28.
27Selon Delores Broten et Jay Ritchlin: "Pulp and paper is the third largest industrial polluter to air, water,
and land in both Canada and the Un ited States, and releases well ov er a hundred million kg of toxic
pollution each year” (National Pollutant Release Inventory, 1996)". Pl us spécifiquement sur l'impact de
l'industrie du papier sur l'eau, ils précisent: "Pulp mi lls are voracious water users. Their consumption of
fresh water can seriously harm habita t near mills, reduce water levels necessary for fish, and alter water
temperature, a critical environmental factor for fish." (Delores Broten and Jay Ritchlin, "The Pulp Pollution
Primer", site Internet http://www.rfu.org/PulpPrimer.htm) Le professeur Wayne Gray montre également, en
ce qui concerne la pollution atmo sphérique que: "As part of the manu facturing process, pulp and paper
mills generate sulfur diox ide and particulate matter-dust, soot, an d ashes--from the burning of fossil fuels
like coal and oil for ener gy. Both pollutants can ca use respiratory problems, damage to property, and
reduced atmospheric visibility. Sulfur dioxide contributes to acid rain that can devastate forests hundreds of
miles from its source" ("Pulp (non)fic tion: air pollution in the pulp and pa per industry", site Internet
http://www.clarku.edu/activelearning/departments/economics/gray/grayD.c…, Annexes, livre V, annexe
14). Plus généralement sur ces aspects, v. infra, chapitre VII, section III.
28Demande présenté cont re le Gouvernement ur uguayen par Dr. Enrique Vi ana, Procureur de la
République orientale de l’Uruguay – 12 septembre 2005 (extrait), Annexes, livre V, annexe 17.
110.19 Ceci est d'autant moins acceptable que le fleuve Uruguay, qui constitue la
frontière entre les Parties sur une longueur d'environ 500 kilomètres (voir schéma 3), a
fait l'objet d'un régime juridique détaillé, pr otecteur tant des droits respectifs des deux
États riverains que du milieu aquatique et de l'environnement du fleuve et de ses zones
d'influence. À l'époque où il a été conçu, ce régime constituait sans aucun doute un
modèle du genre, qui, encore aujourd'hui, demeure en phase – et même en avance à
certains égards – avec les règles générales pr otectrices des cours d'eau internationaux et
de leur environnement, auxquelles, du reste, il renvoie expressément 2. Le Statut du 26
février 1975, qui est le point d'aboutissement d'une longue maturation conventionnelle
marquée en particulier par l' adoption, en 1961, du Traité relatif à la frontière sur
l'Uruguay 30 et, en 1971, de la Déclaration arge ntino-uruguayenne sur les ressources en
eau 31, présente en effet deux caractères principaux : 32
- en premier lieu, il prévoit à la char ge des Parties un ensemble d'obligations
substantielles en vue d'assurer une utilisation rationnelle, durable et équitable, des
eaux du fleuve et à protéger son environnement et celui de "ses zones
d'influence" 3;
- en second lieu, à cette fin, il impose aux Parties des obligations de coopération
précises, notamment d’information et consultation préalables lorsque des
ouvrages projetés sont "suffisamment im portants pour affecter la navigation, le
régime du fleuve ou la qualité de ses eaux" 34et lorsqu'ils risquent d'entraîner "une
modification de l'équilibre écologique" ou entraîner des "f léaux et autres facteurs
35
nocifs sur le fleuve et dans ses zones d'influence" .
29Cf. les articles 1 et 41.a).
307 avril 1961, R.T.N.U., vol. 635, p.98 (Annexes, livre II, annexe).
31
32Déclaration sur les ressources eneau, 9 juillet 1971, Argentine – Uruguay (Annexes, livre II, annexe 11).
Pour une présentation détaillée du Statut de 1975, v. infra, chapitre III.
33Cf. l'article 36. "sus áreas de influencia" dans le texte original espagnol ; Annexes, livre II, annexe 2.
34Article 7, alinéa 1; v. aussi les articles 11, 27, 34 et 35.
35
Article 36; v. aussi l'article 13.
120.20 Ceci est sans aucun doute le cas dans la présente espèce. Du reste, que ce
le soit ou non, une détermination commune s'est révélée impossible car l'Uruguay a, dès
l'origine de l'affaire , décidé de procéder unilatéralemen t sans consultation de la Partie
argentine et sans recours au mécanisme d'info rmation et de consultation préalables prévu
par le Statut. En particulier, au mépris des dispositions des chapitres II, XIII et XIV du
Statut de 1975, il n'a ni informé la CARU de ses projets avant de donner les autorisations
nécessaires, ni fourni à celle-ci et à la Partie argentine, par intermédiaire de la CARU, les
éléments permettant d'évaluer de façon co mplète les effets pr obables qu'auront les
ouvrages sur le régime du fleuve, la qualité de ses eaux et ses zones d'influence, ni tenu
compte des objections motivées de l'Argentine et d'autres instances qui se sont inquiétées
37
des risques induits par la construction et la mise en service des ouvrages .
0.21 La présente affaire porte donc sur un ensemble de manquements
nombreux et divers de l'Uruguay aux obligat ions lui incombant en vertu du Statut de
1975. Elle présente une importance part iculière en matière de protection de
l'environnement, dont la Cour a indiqué à plusieurs reprises qu'il
"n'est pas une abstraction, mais bien l'espace où vivent les êtres humains et dont
dépendent la qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les générations à
venir. L'obligation générale qu'ont les États de veiller à ce que les activités
exercées dans les limites de leur juridi ction ou sous leur contrôle respectent
l'environnement dans d'autres États ou dans des zones ne relevant d'aucune
juridiction nationale fait maintenant 38 partie du corps de règles du droit
international de l'environnement".
0.22 En ne respectant ni les obligations im posées par le Statut de 1975 en la
matière, ni celles auxquelles il renvoie, l'Uruguay porte atteinte aux intérêts de
l'importante communauté humaine qui dépe nd largement pour son développement
36V. la déclaration du Ministre uruguayen des Affaires étrangères, M. D. Opertti, au Sénat de l'Uruguay en
date du 26 novembre 2003, Sénat de la République orientale de l’Uruguay, Commission des affaires
internationales, séance du 26 novembre 2003, Intervention du Ministre des af faires étrangères, M. Didier
Opertti (document 3 déposé au Greffe par l'Argentin e le 2 juin 2006 – égalem ent reproduit en Annexes,
livre VII, annexe 4. V. aussi infra, chapitre II, par. 2.26.
37Pour une présentation détaillée de la procédure suivie par l'Uruguay et des protestations de l'Argentine, v.
infra, chapitre II.
38
Avis consultatif, 8 juillet 1996, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif,
Rec. 1996 (I), p. 241-242, par. 29; v. aussi: arrêt, 25 septembre 1997, Projet Gabčíkovo-Nagymaros, Rec.
1997, p. 78, par. 140 et ordonnance, 13 juillet 2006, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, par. 72.
13durable de la qualité des eaux du fleuve et de la préservation de ses zones d'influence
contre la pollution. Et, en se soustrayant aux règles posées par le Statut en matière de
coopération entre les États riverains, l'Uruguay vide de substance le contenu même de ce
traité.
0.23 Ceci est d'autant plus préoccupant que, passant outre aux mises en garde
de la Cour qui, dans son ordonnance du 13 juillet 2006, avait fermement invité les Parties
"à mettre en Œuvre de bonne foi les procédures de consultation et de coopération prévues
39
par le Statut de 1975" , l'Uruguay a, toujours sans sais ir la CARU (ou en la mettant
devant le fait accompli) et sans concertation au cune avec l'Argentine, autorisé Botnia, le
40
24 août 2006, à mettre en service le port connexe à l'usine Orion et, le 12 septembre
2006, à utiliser à des fins in dustrielles des volumes d'eau co nsidérables prélevés dans le
41
fleuve Uruguay .
Section IV
Structure du mémoire
0.24 Étant donné la position extrêmement restrictive adoptée en plaidoirie par
l'Uruguay au sujet de l'étendue de la compétence de la Cour dans la présente affaire,
l'Argentine doit faire quelques remarques liminaires sur ce point (chapitre I).
0.25 Pour mieux comprendre les faits détaillés au chapitre II sur la genèse,
l'existence et l'évolution du différend, le chapitre III décrit le cadre juridique du différend,
c'est-à-dire l'ensemble des règles appli cables à son règlement, à commencer par une
analyse précise du Statut du fleuve Uruguay de 1975 à la lumi ère notamment de la
pratique des États.
39Par. 82; v. supra, par. 0.9.
40V. la résolution R/DN/100/2006 de la DINAMA ( Dirección Nacional del Medio Ambiente – Direction
41tionale de l'environnement), du 24 août 2006 (Annexes, livre VII, annexe 15).
V. la résolution du Ministèreuruguayen des transports et des travaux publics du 12 septembre 2006
(Annexes, livre VII, annexe 16).
140.26 La relation des faits et la descriptio n du droit applicable permettent, pour
sa part, saisir dans toute leur dimension le s violations par l'Uruguay de ses obligations
internationales que celles-ci soient de nature procédurale (chapitre IV) ou substantielle
(chapitre V).
0.27 Afin de compléter la présentation de la portée du présent différend, dont
les aspects essentiels ont été brièvement soul ignés dans le présent chapitre introductif,
l'Argentine consacre les deux chapitres suivants de son mémoire à décrire:
- à la fois l'environnement global concer né par les usines projetées et leurs
installations connexes, c'est-à-dire le fleuve Uruguay et ses zones d'influence,
et les caractères spécifiques de la partie du fleuve sur la rive de laquelle
l'Uruguay a unilatéralement décidé d'impl anter les usines litigieuses (chapitre
VI); et
- les préjudices qui découleraient de la cons truction et de la mise en service de
l'usine Orion et des installations connex es et, le cas échéant, de l'usine CMB,
soit à l'emplacement initialement prévu, soit ailleurs sur le fleuve Uruguay ou
sur l'un de ses affluents (chapitre VII).
0.28 Enfin, avant d'énoncer ses conclusion s en application de l'article 49,
paragraphe 4, du Règlement de la Cour, l'Ar gentine indiquera dans un chapitre VIII les
remèdes qu'appelle la responsabilité que l' Uruguay a engagée du fait des manquements
aux obligations internationales qui lui sont attribuables.
15 CHAPITRE I
LA COMPÉTENCE DE LA COUR
171.1 Dans sa requête, l'Argentine a préci sé que la compétence de la Cour pour
connaître de la présente affaire était fondée sur le premier alinéa de l'article 60 du Statut
de 1975 aux termes duquel:
"Tout différend concernant l'interprétation ou l'application du Traité et du Statut
qui ne pourrait être réglé par négociation directe peut être soumis par l'une ou
l'autre des Parties à la Cour internationale de Justice".
1.2 Lors de l'examen de la demande en indication de mesures conservatoires
de l'Argentine, l'Uruguay n'a pas contesté la compétence de la Cour sur ce fondement 42 et
celle-ci a constaté "que les Pa rties conviennent que la Cour est compétente à l'égard des
droits auxquels s'applique l'ar ticle 60 du statut de 1975" 4. Toutefois, la Partie
uruguayenne a soutenu "que cett e compétence [n'était] établie prima facie qu'en ce qui
concerne les aspects de la demande de l'Argent ine en relation directe avec les droits dont
celle-ci peut se prévaloir en vertu dudit statut", et a insisté "à cet égard sur le fait que les
droits invoqués par l'Argentine relativement à l'éventuel impact économique et social des
usines, notamment en matière de tourisme, n'entrent pas dans les prévisions du statut de
44
1975" .
1.3 Il n'est pas nécessaire de revenir sur la compétence de principe de la Haute
Juridiction pour se prononcer sur la requête en vertu de l'article 60 du Statut de 1975 (et
de l'article 36, paragraphe 1, du Statut de la Cour), que la Partie uruguayenne accepte, et
sur laquelle elle ne pourrait de toutes façons revenir. Comme l'a relevé la Cour
permanente:
"Si, dans un cas spécial, le défendeur a manifesté, par une déclaration expresse, sa
volonté d'obtenir une décision sur le fond et de ne pas soulever la question de
compétence, il semble clair qu'il ne peut , plus tard au cours de la procédure,
revenir sur cette déclaration" 45.
42
43Audience du 8 juin 2006, CR 2006/47, p. 33, pars. 4 et 5 (M. Condorelli); p. 52, par. 31 (M. Reichler).
44Ordonnance du 13 juillet 2006, par. 59.
Ibid., par. 58; pour l'exposé de la thèse de l'Uruguay, v. audience du 8 juin 2006, CR 2006/47, pp. 33-37,
pars. 5 à 13 (M. Condorelli), p. 52, par. 31 (M. Reichler).
45C.P.J.I., arrêt du 26 avril 1926, Droits de minorités en Haute-Silésie (Écoles minoritaires), série A, n° 15,
p. 25. V. aussi C.I.J., arrêt du 25 mars 1948, Détroit de Corfou, Exception préliminaire, Rec. 1947-1948, p.
29.
19En revanche, il convient de dire quelques mots sur l'extension de cette compétence et sur
le rôle exact qui incombe à la Cour dans le cas présent, questions sur lesquelles il se
pourrait que les Parties soient en désaccord.
1.4 Il va de soi que l'Argentine ne prétend en aucune manière, contrairement à
ce qu'a laissé entendre un Conseil de l'Urugua y lors de l'audience de la Cour du 8 juin
2006, que l'article 60 du Statut de 1975 attrib uerait "à la Cour la compétence pour régler
46
n'importe quel différend international opposant l'Uruguay et l'Argentine" . Aussi bien, la
Partie argentine partage-t-elle les vues de l'Uruguay selon lesquelles "les seuls différends
couverts ratione materiae par la clause compromissoire en question sont ceux relatifs à
47
l'interprétation ou l'application … du statut" . Encore faut-il,
1° ne pas déformer l'objet même de la requête argentine – ce que fait l'Uruguay; et
2° ne pas interpréter le Statut de 1975 d'une manière incompatible avec son objet
et son but – ce que fait également la Partie uruguayenne.
1.5 En ce qui concerne le premier point , la simple lecture de la requête de
l'Argentine suffit à faire justice de l'argumen t selon lequel celle-c i n'invoquerait que la
violation des "articles 7 et suivants du statut" 48: ni le paragraphe 2 de la requête, qui
définit l'"objet du différend", ni son para graphe 24 qui énumère "les moyens de droit
invoqués par l'Argentine", ni non plus son paragraphe 25 relatif à la "décision demandée"
ne limitent l'objet de la requê te à la seule violation de l' article 7 (et des dispositions,
procédurales, qui le suivent im médiatement dans le chapitre II). Assurément, l'Argentine
prie la Cour de constater que l'Uruguay n' a pas respecté les obligations lui incombant à
49
cet égard et il s'agit là d'un élément essentiel de ses demandes puisqu'il s'agit de rien
moins que de sauvegarder l'intégrité du Statut de 1975 50et de protéger le fleuve Uruguay
et ses zones d'influence. Mais là ne s'arrête pas la liste des manquements aux obligations
46Ibid., pp. 33-34, par. 6.
47
48Ibid., p. 34, par. 6.
49Ibid., p. 34, par. 7; v. aussi p. 37, par. 14.
Cf. par exemple le par. 25.1).c) de la requête aux termes duquel l'Argenti ne prie la Cour de dire et juger
que l'Uruguay a manqué à "l'obligation de se conformer aux procédures prévues par le chapitre II du Statut
de 1975"; v. aussi le par. 24.c).
50
Sur ce point, v. infra, les pars. 1.11 et 1.14 du présent mémoire.
20conventionnelles incombant à la Partie uruguay enne en vertu du Statut qui peuvent être
imputées à celle-ci et pour lesquels l'Argentine demande réparation.
1.6 Sans que la liste en soit nécessa irement exhaustive, les obligations qu'a
violées l'Uruguay – et qui sont expressément ou implicitement invoquées dans la requête,
sont au moins les suivantes:
- les obligations procédurales découlant de l'article premier et des articles 7 à 12
du Statut de 1975, et 27 ou 34 qui y renvoient également;
- les obligations relatives à l'utilisation du fleuve pour la navigation (articles 3 à 6)
- les obligations concernant l'utilisatio n des eaux du fleuve à des fins notamment
industrielles (article 27);
- les obligations relatives à la gestion du sol et des forêts, l'équilibre écologique du
fleuve et de ses zones d'influence, et la co nservation et la préservation des ressources
biologiques (articles 35 à 37); et
- les obligations visant la prévention de la pollution (articles 40 à 43).
1.7 En outre, la Partie uruguayenne d onne une interprétation très abusivement
étroite tant des obligations découlant de l'ar ticle 7 du Statut de 1975 que des autres
dispositions pertinentes.
1.8 Aux termes de l'article 7, tout pr ojet de construction ou de modification
d'ouvrages "suffisamment importants pour affe cter la navigation, le régime du fleuve ou
la qualité de ses eaux" oblig e l'État qui l'envisage à in itier une procédure complexe 51
faisant intervenir la CARU et, in fine, la Cour internationale de Justice puisque, "[s]i les
Parties n'aboutissent pas à un accord dans un délai de 180 jours" ap rès que l'une d'elles
est arrivée à la conclusion que l'exécution de l'ouvrage "peut causer un préjudice sensible
à la navigation, au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux", "la procédure indiquée
au chapitre XV est applicable" 5. En la présente espèce cependant, l'Uruguay en ne
soumettant pas les projets de construction des usines CMB et Orion et des ouvrages
51
52Pour une description détaillée de celle-ci, v. infra, Chapitre III, section II.
Articles 11 et 12 du Statut de 1975.
21connexes à la CARU, n'a pas permis que s'encl enche le processus prévu au chapitre II du
Statut, privant ainsi d'effet tout es les dispositions de celui-c i, y compris l'article 12. La
Cour n'en est pas moins compétente pour se prononcer dans la présente instance sur le
fondement de l'article 60, qui lui confèr e compétence pour se prononcer sur " tout
différend concernant l'interprétation ou l'application (…) du Statut" . 53
1.9 Curieusement, lors des audiences re latives à l'examen de la demande en
indication de mesures conservato ires de l'Argentine, l'Urug uay a prétendu que la Cour
n'avait compétence pour connaître du différend ré sultant de la constitution et de la mise
en service des usines litigieuses que dans la mesure où celle s-ci auraient pour effet une
altération de la qualité des eaux du fleu ve et pour les conséquences "découlant
directement par une relation de ca use à effet d'une telle altération" 54. C'est assurément le
cas, mais ce n'est pas le seul chef de compét ence de la Cour de céans dans la présente
espèce.
1.10 En premier lieu, l'Uruguay semb le avoir une conception singulièrement
restrictive de ce que signifie l'expression "régime du fleuve". Lors des audiences relatives
à la demande en indication des mesures cons ervatoires, un conseil de l'Uruguay s'est
borné à affirmer que les "usines de pâte à papi er … ne sont pas susceptibles d'affecter …
le régime du fleuve" et que l'Argentine "ne le prétend pas" 55. En réalité, l'Argentine, tant
56
dans la requête introductive d'instance que dans la demande en indication des mesures
57 58
conservatoires et dans ses plaidoiries relatives à ladite demande , a constamment
insisté sur les violations "du régime du fleuve" qui se traduisent par des préjudices d'ordre
écologique, économique et touristique en les di stinguant, comme le fait le Statut de 1975
de l'altération de la qualité des eaux du fleuve Uruguay.
53V. supra, pars. 1.1 à 1.3.
54
55Audience du 8 juin 2006, CR 2006/47, p. 34, par. 8 (M. Condorelli).
56Ibid.
V. Requête, pp. 9-10, par. 24.e), f) et g).
57V. Demande en indication de mesures conservatoires, pp. 1 et 2, pars. 4.a) et 5.
58Audience du 8 juin 20 06, CR 2006/46, p. 51, par. 9 (Mme Bois son de Chazournes), p. 60, par. 12 (M.
Pellet).
221.11 Le Statut de 1975 a été conclu pour protéger, certes, la "qualité des eaux"
du fleuve Uruguay mais aussi, plus générale ment, son "régime". C'est pour cette raison
qu'il se réfère systématiquement à la "quali té des eaux" d'une part , mais aussi, d'autre
part, au "régime du fleuve" et de ses zones d'influence, c'est-à-dire à l'ensemble des
éléments qui influencent, et qui sont influen cés par, l'écosystème du fleuve pris dans son
ensemble.
1.12 Il ne saurait faire de doute que les normes concernant la qualité de l'eau
incluent les normes et obligati ons concernant la pollution (a rticles 41, 42 et 43) et la
protection de l'équilibre écologique de la zone du fleuve Uruguay et de ses zones
d'influence (articles 35, 36 et 37). En outre, limiter l'appl ication de la procédure des
articles 7 et suivants aux seuls ouvrages sus ceptibles de porter atteinte à la qualité des
eaux du fleuve reviendrait au résultat absu rde d'autoriser des ouvrages qui tout en
respectant ces normes causeraient par ailleurs "un préjudice sensible à l'autre Partie" ou
porterait atteinte à la navigation sur le fleuve – ce qui serait d'autant plus déraisonnable
que l'article 7 impose expressément aux Partie s l'obligation de permettre l'évaluation par
l'autre Partie de "l'effet prob able que l'ouvrage aura sur la na vigation" et que les articles
concernant celle-ci (articles 3 à 6) figure nt dans le même chapitre (chapitre II,
"Navigation et ouvrages") que les dispositions procédurales des articles 7 à 13.
1.13 En deuxième lieu, la procédure prévue aux articles 7 et suivants du Statut
de 1975 ne se limite pas à l'hypothèse envisagée à l'article 7, c'est-à-dire à la construction
ou la modification de chenaux ou d'ouvrages sur le fleuve. Elle est également applicable:
- à l'utilisation des eaux du fleuve à des fi ns ménagères, sanitaires, industrielles et
agricoles susceptible d'affecter le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux (article 27 du
Statut de 1975); et
- à l'exploration et l'exploitation des ressources du lit et du sous-sol suffisamment
importantes pour affecter le ré gime du fleuve ou la qualité de ses eaux (article 34 du
Statut de 1975).
231.14 De surcroît, la procédure des articles 7 et suivants ne do it pas seulement
être respectée pour les ouvrages ou entrepri ses affectant le fleuve Uruguay lui-même,
mais également pour tout ouvrage ou entr eprise "que l'une quelconque des Parties
projette de réaliser dans sa juridiction sur le fleuve Urugua y, en dehors de la partie
définie comme étant le fleuve et dans le s zones respectives d'influence des deux
tronçons" (articles 13 et 29 du Statut de 1975). La procédure devant la CARU prévue par
les articles 7 et suivants du Statut est, pa r conséquent, d'applicat ion plus large que la
Partie uruguayenne l'a laissé entendre et a été instituée afin de protéger le fleuve Uruguay
en tant qu'ensemble écologique et en tant que système.
1.15 Ainsi, la clause compromissoire de l'article 60 du Statut de 1975 englobe
l'ensemble des violations commises par l'Urugua y, c'est-à-dire aussi bien les violations
des obligations procédurales découlant des articles 7 et suivants, que celles des
obligations matérielles concernant la protect ion de l'écosystème du fleuve dans son
ensemble 59. Dans l'affaire des Plate-formes pétrolières, la Cour a souligné qu'afin de
déterminer si un différend est relatif à l'interpré tation ou à l'application d'un traité, il faut
"rechercher si les violations du traité … alléguées [par les parties] entrent ou non dans les
prévisions de ce traité" 60. En l'espèce, chaque violation invoquée par l'Argentine contre
l'Uruguay trouve son fondement dans une ou plusieurs dispositions du Statut de 1975, y
compris – mais pas exclusivement – dans le s articles 7 et suivants concernant la
procédure à suivre dans les cas où une pa rtie envisage la construction d'un ouvrage
susceptible d'affecter "le régi me du fleuve ou la qualité de ses eaux". La Cour dispose
donc, en vertu de l'article 60 du Statut, de la compétence nécessaire pour connaître de
l'ensemble des violations de celui-ci attribuables à l'Uruguay.
1.16 Ecnonclusion:
i- l'article 60 du Statut de 1975 fonde la compétence de la Cour dans la présente
instance;
59
60V. supra, par. 1.6.
Arrêt du 12 décembre 1996, Plate-formes pétrolières (République islamique d'Iran c. États-Unis
d'Amérique), Exceptions préliminaires, Rec. 1996, p. 810, par. 16.
24 ii- celle-ci s'étend à l'ensemble des vi olations attribuables à l'Uruguay des
obligations lui incombant en vertu du Statut;
25 CHAPITRE II
GÉNÈSE, EXISTENCE ET
ÉVOLUTION DU DIFFEREND
27 Section I
Introduction
2.1 Le présent chapitre a pour objet de présenter la genèse du différend
argentino-uruguayen sur les usines de pâte à papier et ouvrages co nnexes sur le fleuve
Uruguay, l'existence du différend malgré sa négation par l'Uruguay durant une certaine
période et son évolution, ce qu i inclut la façon dont l'Uru guay l'a aggravé, du fait des
autorisations successives d'ouvrages, tout co mme les efforts argentins en vue de son
règlement.
2.2 A cette fin, seront successivement pr ésentés les évènements conduisant à
la naissance et à l'aggravation du différend, du fait d'une première autorisation de
construction d'une usine de pâte à papier (C MB) par l'Uruguay le 9 octobre 2003, suivie
par une deuxième autorisation de constructio n d'une autre usine (Orion) le 14 février
2005, par l'autorisation de construction d'un port annexe à cette dernière le 5 juillet 2005,
par l'autorisation de mise en service de celui- ci le 24 août 2006 et par l'autorisation de
prélèvement et d'utilisation à des fins industrielles de l'eau du fleuve Uruguay à Botnia le
12 septembre 2006. Les tentatives argent ines de règlement du différend par des
négociations directes, ainsi que le s faits menant à la saisine de la Cour internationale de
Justice en vertu de l’article 60 du Statut se ront également exposés. Compte tenu du fait
que l'Uruguay a durant un certain laps de temps nié l'existence même du différend, ce
chapitre démontrera également le caractère erroné de cette affirmation uruguayenne.
Section II
L'origine du différend : l'autorisation du 9 octobre 2003 pour la construction de
l'usine CMB
2.3 Le différend trouve sa source dans l'autorisation, délivrée par l'Uruguay à
la société espagnole ENCE ("Gabenir S.A." au moment de cette autorisation) le 9 octobre
2003, pour la construction d’une usin e de pâte à papier (projet dénommé Celulosa de
29M'Bopicuá ou CMB ) sur la rive gauche du fleuve Ur uguay, près du pont international
"Général San Martin" et de la ville de Fray Bentos, en face de la région argentine de
Gualeguaychú. Cette autorisati on est intervenue malgré le fait que la CARU de son
propre chef avait demandé à l'Ur uguay de l´informer sur le projet, afin de pouvoir se
prononcer ensuite sur la conformité de l'ouv rage au Statut du fleuve Uruguay, ce qui
aurait ensuite permis ou non à l'Uruguay d'autoriser la construction de l'usine. 61
2.4 Bien avant l'autorisation unilatérale uruguayenne du 9 octobre 2003, la
société espagnole ENCE avait entrepris des démarches auprès des autorités uruguayennes
en vue de la possible construction d'une usine de pâte à papier en Ur uguay. Le 22 juillet
2002, cette société avait présenté à la DINA MA une étude d'impact sur l'environnement
62
de son projet CMB. Aucune information ne fut transmise par l'Uruguay à la CARU.
2.5 Ayant pris connaissance du projet CMB, la CARU a sollicité de
l'information auprès du Ministère uruguayen du logement, de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (MVOTMA) le 17 octo bre 2002. La note de la CARU a mis en
exergue que la zone d'infl uence du projet CMB "cons titue une zone d'importance
touristique".63 Comme ce sera établi ci-après, 64 l'impact des usines de pâte à papier
autorisées par l'Uruguay sur l'activité touristique dans la même région riveraine du fleuve
Uruguay constitue l'un des éléments importants du présent différend. La CARU n'a pas
reçu de réponse de la part de l'Uruguay à cette demande du 17 octobre 2002.
2.6 Le 8 janvier 2003, la DINAMA a qua lifié le projet CMB comme relevant
de la catégorie "C" de la législation uru guayenne pertinente, c'est-à-dire, celle "des
projets d'activités, constructions ou ouvrages dont la mise en Œuvre peut produire des
impacts négatifs sur l'environnement, du fait de leur importance quantitative ou
qualitative, et ce que des mesures de pr évention ou d'atténuation soient ou non
61
Voir chapitre III, section II.B
62L'Argentine a pris connaissance de l'existence de ce document parce qu'il est cité dans le Rapport final
d'évaluation de la DINAMA du 2 octobre 2003 (voir ce rapport de la DINAMA dans les Annexes, livre V,
annexe 12, ainsi que dans : Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina vs. Urugu ay), Observations of
63uguay, 2 juin 2006, Exhibit 1,DINAMA Annex 9).
64CARU, Note SET-10413-UR du 17 octobre 2002. Annexes, livre III, annexe 12.
Infra, chapitre VII, pars. 7.195 – 7.201.
30prévues". 65 Cette décision, pas davantage que d'autres informations relatives au projet, ne
fut pas communiquée à la CARU.
2.7 La Sous-commission de la qualité des eaux et de la prévention de la
pollution de la CARU avait pris en charge le suivi de la question sur le projet CMB et
avait relevé le manque d´information sur ce projet. En février 2003 , le président de la
Délégation uruguayenne à la CARU, M. Walt er Belvisi, informa la Sous-commission
qu'il avait rencontré le Minist re uruguayen de l'environnement et qu'il lui avait demandé
l'information nécessaire relative à CMB. Selo n M. Belvisi, le Mini stre avait donné des
instructions au Directeur de la DINAMA pour que celui-ci transmette l'information à la
66
CARU.
2.8 En mars 2003, le Secrétariat technique de la CARU fait savoir que celle-ci
n'a toujours pas reçu l'étude d'impact sur l'environnement ou tout autre documentation sur
le projet CMB. M. Belvisi affirme qu'i l a contacté aussi bien le Ministre de
67
l'environnement que le Directeur de la DINAMA.
2.9 Durant sa réunion du mois d'avril 2003, la Sous-commission informe la
CARU que, bien qu'elle eût pris contact av ec la DINAMA et demandé des informations,
elle n'a reçu aucune réponse de la part des autorités uruguayennes. 68
65
Décret 435/994 du 21 septembre 1994, Règlement d'évaluation de l'im pact sur l'environnement, art. 5
(Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina vs. Uruguay), Observations of Uruguay, 2 juin 2006, Exhibit
1, DINAMA Annex 4), Annexes, livre V, annexe 12. Pour la qualif ication faite par la DINAMA, voir
l'autorisation environnementale init iale délivrée par lenistère du logement, de l'aménagement du
territoire et de l'environnement le 9 octobre 2003, Anne xes, livre 7, annexe 9, également dans: Pulp Mills
on the River Urug uay (Argentina vs. Uruguay), Observations of Uruguay , 2 juin 2006, Exhibit 1,
66NAMA, Annex 9).
CARU, Procès-verbal N° 02/03 du 21 février 2003, Annexes, Rapport N° 232 de la Sous-commission de
la qualité des eaux et de la prév ention de la pollution du 18 février 20 03, point 4), pp. 211-212. Annexes,
livre III, annexe 13.
67
CARU, Procès-verbal N° 03/03 du 21 mars 2003, Annexe 2, Rapport N° 233 de la Sous-commission de
la qualité des eaux et de la prévention de la pollution du 18 mars 2003, point 5), p. 463. Annexes, livre III,
annexe 14.
68CARU, Procès-verbal N° 04/03 du 17 avril 2003, Annexe 2, Rapport N° 234 de la Sous-commission de
la qualité des eaux et de la prévention de la pollution du 14 avril 2003, point 5), p. 627. Annexes, livre III,
annexe 15.
312.10 Face au silence de l'Uruguay, la CARU a formellement réitéré sa demande
69
d'informations le 21 avril 2003. Dans sa réunion du 13 mai 2003, la Sous-commission
constate qu'elle est toujours sans nouvelles du projet CMB. 70
2.11 Le 14 mai 2003, la DINAMA répond fi nalement mais en proposant à la
CARU de contacter l'un de ses agents, lequ el propose à son tour de transmettre le
document intitulé "Etude d'impact sur l'environnement, Cellulose de M'Bopicuá. Résumé
de diffusion", document qui était déjà d'accès public sur le site internet de la DINAMA. 71
Ce document, produit par la société "Soluz iona" est reçu par la CARU et mis à la
disposition de la Sous-commi ssion de la qualité des eaux et de la prévention de la
72
pollution, qui le distribue aux parties.
2.12 Le 16 juillet 2003, la CARU reçoit une note de la DINAMA informant de
la tenue d'une réunion publique à Fray Bentos le 21 juille t 2003, concernant la demande
73
d'autorisation environnementale initiale pour le projet CMB.
2.13 Le secrétaire technique de la CARU et son consultant juridique assistent à
la réunion publique et dans un rapport à la CARU font état des discussions qui y ont eu
lieu. Ils concluent que, une fo is connues les différentes posi tions (en faveur et contre
l'installation de l'usine), "le besoin d'approfon dir les études s'est fait sentir, afin qu'elles
soient d'une qualité telle qu'elles permettent la prise de décisions qui ne portent pas
atteinte à l'environnement et son habitat". 74
69
70CARU, Note SET-10617-UR du 21 avril 2003. Annexes, livre III, annexe 16.
CARU, Procès-verbal N° 05/03 du 16 mai 2003, Rapport N° 235 de la Sous-commission de la qualité des
eaux et de la prévention de la pollution du 13 mai 2003, point 5), p. 855. Annexes, livre III, annexe 17.
71CARU, Note SET-10706-UR du 15 août 2003. Annexes, livre III, annexe 18.
72CARU, Procès-verbal N° 06/03 du 13 juin 2003, Rapport N° 236 de la Sous-commission de la qualité
des eaux et de la prévention de la pollution du 10 juin 2003, point 6), pp. 1083-1084. Annexes, livre III,
annexe 19.
73CARU, Procès-verbal N° 08/03 du 15 août 2003, pp. 1400-1401. Annexes, livre III, annexe 20.
74CARU, Procès-verbal N° 08/03 du 15 août 2003, Annexe, Mémoran dum SET-1368 du 8 août 2003, p.
1456. Annexes, livre III, annexe 20.
32 75
2.14 Le 15 août 2003 le président de la CARU, M. Belvisi (Uruguay), écrit à
nouveau au Ministre uruguaye n de l'environnement pour lui signaler que davantage
d'information est indispensable. En particul ier, cette note de la CARU indique au
Ministre uruguayen que:
"Conformément à ce qui a été décidé pa r cette Commission, compte tenu des
compétences que les deux Gouvernements ont accordées à la C.A.R.U. dans le
Statut du Río Uruguay, articles 7 à 12, et étant donné l´importance que la future
construction revêt au sein de la C.A.R. U. on a procédé à l'étude du document
mentionné. Cette étude a mis en évidence la nécessité de disposer de plus de
précisions et d´informations sur l´étude évaluant les effets environnementaux que
celles contenues dans le document “É tude de l´impact environnemental,
Cellulose de M´Bopicuá. Résumé de diffusion”.
Par conséquent, nous vous prions de nous faire parvenir les informations ci-après
mentionnées, outre celles que vous jugerez pertinentes:
• Données enregistrées et re cueillies sur la qualité de l´eau qui ont été utilisées
dans l´étude. Protocoles analytiques employés, y compris les limites de
détection/dosage.
• Caractéristiques du système de dispersion de l´effluent liquide dans le milieu
récepteur (émissaire).
• Données concernant l´entrée et simu lations effectuées sur le panache de
dispersion de l´émissaire. Modèle utilisé.
• Données concernant l´entrée et simula tions effectuées sur le transport de
polluants en aval du point de déversement. Modèle utilisé.
• En ce qui concerne la détermination des AOX (Composants organiques
halogénés absorbables): fréquence de leur détermination et matrices pour le
contrôle d´effluents et du milieu aquatique.
• Plan détaillé concernant le suivi et le contrôle du milieu et de l´effluent liquide.
• Tout autre information (é ventuelle atteinte à la ressource hydrique par le
déversement d´effluents) que vous jugerez utile à cet égard."76
2.15 Aucune nouvelle information n'est parv enue à la CARU. Dans sa séance
de septembre 2003, la Sous-commi ssion de la qualité des eaux et de la prévention de la
pollution propose à nouveau de "renouveler la demande d'information à la DINAMA". 77
2.16 Le 8 octobre 2003, la Sous-Commissio n de la qualité des eaux et de la
prévention de la pollution indique dans son rapport N° 240 à la CARU:
75 La présidence de la CARU est tournante. Elle est ex ercé de manière alternée par les présidents des deux
délégations durant des périodes d'une durée d'un an.
76CARU, Note SET-10706-UR du 15 août 2003. Annexes, livre III, annexe 18.
77
CARU, Procès-verbal N° 09/03 du 15 août 2003, Annexe, Rapport N° 239 de la Sous-commission de la
qualité des eaux et de la prévention de la pollution du 9 septembre 2003, point 2), p. 1703. Annexes, livre
III, annexe 21.
33 “ le Président de la Délégation de ROU [Uruguay] rapporte que le Ministre uruguayen de
logement, de l’aménagement du territoire et de l’environnement, M. l’architecte Saúl
Irureta lui a communiqué que da ns les prochains jours, il nous adressera le rapport
respectif sur M'Bopicuá élabor é par DINAMA, que ladite en treprise est en train de
‘verifier’".8
2.17 Sans informer préalablement la CARU, le MVOTMA procède à la
79
délivrance à ENCE de l'autorisation de cons truction de l'usine CMB le 9 octobre 2003.
Le même jour, le Président de l'Uruguay Jorge Battle avait promis à son homologue
argentin Néstor Kirchner, dans une réun ion tenue à Colonia (Uruguay), qu'aucune
autorisation ne serait délivrée avant de répondre aux soucis environnementaux de
l'Argentine. Auparavant, une promesse semb lable avait été formul ée par le Ministre
uruguayen des affaires étrangères Didier Opertti, qui avait affirmé qu'aucune autorisation
ne serait délivrée avant que la CARU se pr ononce sur le rapport en cours d'élaboration
80
par la DINAMA.
2.18 Le 10 octobre 2003, la CARU approu ve le rapport n° 240 de la Sous-
commission de la qualité des eaux et de la prévention de la pollution mentionné ci-
dessus. Ignorant l'autorisation uruguayenne de la veille et se référant aux demandes
pressantes de la Délégation uruguayenne pour que son gouvernement transmette
l'information requise, le président de la CARU, l'Ambassadeur García Moritán
(Argentine), déclare qu'il "apprécie ce qui a été accompli par la Délégation uruguayenne
en vue du respect strict de l'article 7 du Statut, afin que le mécanisme de consultation qui
y est prévu ait lieu." Et le Président d'ajouter:
78CARU, Procès-verbal N° 10/03 du 8 octobre 2003, Sous-Commission de la qualité des eaux et de la
prévention de la pollution, Rapport N° 240, 8 octobre 2003, p. 1958. Annexes, livre III, annexe 22.
79
Ministère du logement, de l'aménagement du territoire et de l'environnement, Résolution N° 342/2003, 9
80tobre 2003, texte in : Observations of Uruguay, 2 juin 2006, livre I, Exhibit 1, DINAMA Annex 11..
Comme il ressort de la Note MR EU 226/03 de l'Ambassade d'Argent ine au Ministère des affaires
étrangères de l'Uruguay du 27 octobre 2003, Annexes, livre II, annexe 20. Les faits mentionnés dans cette
note n'ont pas été contestés par l'Uruguay –en incluant l’affirmation de que « lors de la presentation auprès
du Ministre des affaires étrangères M. Didier Opertti de la préoccupation concernant le thème, ce dernier
a manifesté, d’une manière emphatiq ue, qu’aucune résolution serait pris e jusqu’à ce que la Commission
d’administration du Rio Ur uguay (CARU) en se pronon ce sur le Rapport d’impact environnemental
soumis à la considération de la Direction nationale de l’environnement (DINAMA). ».
34 « Une fois que nous serons en possession du matériel que la DINAMA doit nous
remettre – du moins nous l’espérons – dans les plus brefs délais, nous
reprendrons les réunions techniques pert inentes pour faire les analyses et les
évaluations a81enantes au pr ojet, en conformité avec la procédure prévue dans
l’article 7. ».
2.19 La Délégation uruguayenne n'a pas fo rmulé de commentaire. Elle n'a pas
non plus informé la CARU que l'autorisation avait été délivrée la veille.
2.20 Quelques jours plus tard, l'Ambass ade argentine à Montevideo prend
connaissance de manière non-officielle de l'existence d'une autorisation de construction et
en a informé la Délégation argentine à la CARU. Aussitôt, la Délégation argentine
demande une réunion extraordinaire de la CARU.
2.21 Le 17 octobre 2003 a lieu la réunion extraordinaire de la CARU afin de
traiter la situation créée par l'autorisation de construction de l'usine CMB. Le Président de
la CARU, l'Ambassadeur García Moritán fait part de sa surprise lorsqu'il a appris par
l'Ambassade argentine à Montevideo que le Ministère uruguayen de l'environnement
avait autorisé la construction de CMB sans saisir la CARU, en contradiction avec l'article
7 du Statut. Et le Président de la CARU de citer explicitement l'article 12 du Statut de
1975 (qui renvoie à la procédure devant la CI J en cas de différend) "dans l'hypothèse de
divergences d'opinions" et de conclure : "l a Résolution du MVOTMA aurait dû été prise
82
après l'application du mécanisme prévu [par le Statut de 1975]".
2.22 La Délégation uruguayenne n'a pas ré futé les positions argentines. Le
Président de la Délégation uruguayenne répond en affirm ant tout simplement que: "en
tant que Délégation nous ne sommes pas en état d'avancer ni de formuler d'autre genre de
réflexion, puisque nous n'avons pas tous les éléments, même pas ceux dont nous
83
pourrions transmettre comme des antécéd ents au sein de la Commission". Le Président
de la Délégation uruguayenne ajoute qu'il ne connaît pas la Résolution du Ministère, que
81
CARU, Procès-verbal N° 10/03, 10 octobre 2003, point 3.2. Annexes, livre III, annexe 23.
82CARU, Procès-verbal N° 11/03 séance extraordinaire du 17 octobre 2003. Annexes, livre III, annexe 5.
83Ibid.
35sa délégation croit que la Résolution se réfère seulement à un projet et que "[c]e projet
84
n'est pas arrivé ici [c'est-à-dire, à la CARU]".
2.23 Le 27 octobre 2003, le Ministère uruguayen des affaires étrangères
transmet une note au gouvernement argentin à laquelle sont joints la Résolution du
MVOTMA du 9 octobre 2003, le rapport fina l d'évaluation de la DINAMA du 2 octobre
2003 et l'étude d'impact présentée par la société constructrice le 22 juillet 2002. Le
Ministère justifie la transmission de cette in formation simplement sur la base de "l'esprit
de coopération et de bon voisinage qui he ureusement caractérise les relations entre
85
l'Uruguay et l'Argentine". Aucune référence à la CARU ou au Statut de 1975 n'est faite.
Cette documentation est également loin de constituer l'information requise conformément
au Statut de 1975. 86
2.24 Le même jour, le Gouvernement argentin répond en affirmant qu'une telle
autorisation n'était pas conforme au Statut de 1975 et à d'autres règles de droit
international, et que l'information transmise semblait ne pas être suffisante pour pouvoir
87
se prononcer sur les aspects environnementaux du projet.
2.25 L'Uruguay a répondu à cette note le 7 novembre 2003, se bornant à
transmettre un dossier du MVOTMA sur le pr ojet CMB, sans toutefois répondre aux
objections de la note argentine du 27 oct obre 2003 relatives au comportement uruguayen
88
contraire au Statut de 1975. En effet, l'Uruguay n'est pas revenu sur sa position, qui
consiste à nier la compétence de la CARU pour se prononcer sur le projet d'usine de pâte
à papier. Ainsi, l'Uruguay n'a ni saisi la CA RU du projet CMB, ni transmis davantage
d'information. En conséquence de cette si tuation qui empêche la CARU d'exercer les
84Ibid.
85Note 05/2003 du 27 octobre 2003 du Ministère de s affaires étrangères de l'Uruguay à l'Ambassade
86Argentine en Uruguay, Annexes, livre II, annexe 21.
87V. chapitre III, section II.B et chap. IV, section A, pars 4.15 - 4.24.
Note MREU 226/03 de l'Ambassade d'Argentine au Ministère des affaires étrangères de l'Uruguay du 27
octobre 2003 Annexes, livre II, annexe 20.
88Note du Ministère uruguayen des affaires étrangè res à l'Ambassade d'Argentine en Uruguay du 7
novembre 2003. Annexes, livre II, annexe 32.
36compétences qui sont les siennes, la CARU suspend son fonctionnement durant plus de
six mois.
2.26 Le 26 novembre 2003, le Ministre ur uguayen des affaires étrangères,
Didier Opertti, fit un exposé devant la Commission des af faires étrangères du Sénat et
explique le point de vue du gouvernement uruguayen, qui se révéla en contradiction
flagrante avec la position prise par la dé légation uruguayenne à la CARU. Pour le
ministre, il s'agissait d'un ouvrage entièr ement national, qui, par conséquent, était
89
"exclusivement assujetti à l'ordre juridique uruguayen" , ce qui exclut, selon lui,
l'application du Chapitre II du Statut de 1975. Il expliqua :
«étant donné qu´elle n´est pas binationa le, la seule raison ou fondement pour
lequel cette entreprise ou cette installa tion –ou d´autres similaires- pourrait
toucher des compétences d´un organe binational, comme la Commission de
gestion du fleuve Uruguay, serait au cas où la construction envisagée mettrait en
risque –selon ce qui est établi à l´articl e 7 et 8 du Statut du fleuve Uruguay- la
qualité des eaux ou la navigabilité du fleuve (…)
La Commission d’administration du Fleu ve Uruguay est compétente pour la
gestion du fleuve Uruguay, c´est à dire, d´une ressource naturelle partagée. Cette
compétence n´a jamais été mise en caus e; il est évident qu´ elle possède cette
compétence. Le fait de reconnaître à la Commission une co mpétence spécifique
dans cette étape de la procédure, revi endrait à reconnaitre la présomption de
l´application des articles 7 et 8. La présomption est que cette réalisation portera
atteinte ou pourra porter atteinte -je croi s que l´expression de la réglementation
est: il y aura un risque certain- à la qual ité et a la navigabilité des eaux. Étant
donné que ces deux éléments font défaut, il est nature l que le Gouvernement de
l´Uruguay ne soit pas en situation d´avoir à placer cette question sous l´orbite de
la Commission. Il s´agir ait d´une renonciation à des compétences que le
Gouvernement de la République n´entend pas effectuer; il n´ y a rien de plus
simple.”90
2.27 L'actuelle Présidente de la Délégation uruguayenne à la CARU, Mme
Martha Petrocelli, dans son exposé à la Commission de l'environnement du Sénat
uruguayen du 12 décembre 2005, a expliqué la raison pour laquelle l'Uruguay a décidé de
ne pas présenter le projet d'usine CMB à la CARU.Cefaisant,elleconfirmequela
89Sénat de la République orientale de l’Uruguay, Commission de s affaires étrangères, séance du 26
novembre 2003. Intervention du Ministre des affaires ét rangères, Monsieur Didier Opertti, Annexes, livre
90I, annexe 4.
Ibid.
37volonté du gouvernement uruguayen a été de se soustraire délibérément de l'application
du Statut de 1975. Le dialogue entre Mme. Petrocelli et les Membres de la Commission
de l’environnement du Sénat uruguayen est fort révélateur à ce sujet:
"M. PAZ. La question a été traitée; or, les usines de pâte a papier, ont-elles
demandé préalablement l´autorisation à la CARU? ou bien la question a été
posée par l´un des membres ?
Mme PETROCELLI : La question a été posé e par les délégués argentins et a été
acceptée par les délégués uruguayens, ma is il n´y a pas eu de présentation
formelle. Par ailleurs, selon l´article 7, c´ est l´État qui doit faire la présentation.
Ce cas particulier s´est présenté par surprise. La partie -diplomatiquement
parlant- est celle qui doit faire la présen tation et informer qu´elle va réaliser une
construction –privée ou publique- et l´annoncer avec suffisamment de temps. Ces
jours-ci je réfléchissais sur le fait qu´actuellement le problème du temps est
grave; les délais actuels sont beaucoup plus contraig nants qu´à l´époque où le
Traité fût conclu. Nous parlons du Traité de 46, lorsque les annonces pouvaient
être effectuées bien à l´avance. Mais il n´y a pas eu vraiment de dénonciation de
la partie; l´obligation ne revient pas à l´entreprise partic ulière, mais celle-ci
communique à la CARU.
M. le PRÉSIDENT: L´articl e 7 fait allusion a la nécessité que la CARU soit
consultée et que les deux délégations donnent leur consentement pour le projet en
cause. L´interprétation juridique passe par affirmer qu´étant donné qu´il ne
s´agissait pas d´un élément pouvant pr ovoquer une contamination, ce
consentement préalable n´était pas nécessaire. C´est la bonne interprétation ?
Mme PETROCELLI: Si vous lisez attentiv ement l´article 7, une solution peut
être trouvée qui, à l´instar de toutes celles du Droit International Public, est plutôt
ambiguë et de compromis et où apparai ssent deux ou trois bibliothèques. Par
ailleurs, l´article 7 consacre le principe du Droit International Public. Lorsqu´il y
a un fleuve partagé ou succéssif, des consultations interviennent sur les travaux et
il n´y a aucune invention de la part du Statut. La partie A est responsable
d´entreprendre la construction; elle consul te la partie B et celle-ci a du temps
pour parler ou ne pas le faire; c´est à dire qu´elle ne doit pas indiquer d´emblée
qu´il s´agit d´un préjudice sensible et par la suite elle peut demander
l´élargissement du projet. Cela veut dire qu´il ne s´agit pas d´une étape vraiment
claire. J´ai même regardé la jurisprudenc e internationale où l´on précise que s´il
s´agit d´un dérangement, cela ne constitue pas une raison pour arrêter quoi que ce
soit, ce qui revient à dire qu´il doit avoir un préjudice net.
Le système seraitdonc le su ivant: d´abord annoncer à l´ usine la réalisation, je
donne du temps, l´information me revi ent et ce n´est qu´à ce moment que je
présente le projet. Il me semble que dans le cas du Port, j´ai encore du temps. Or,
ce consentement préalable pour éliminer la consultation n´est pas très viable.
Voici ma modeste opinion.
38 M. le PRÉSIDENT: Les Argentins veulen t porter cette question devant l´OEA
[Organisation des états américains].
Mme PETROCELLI; Effectiv ement. J´ai parlé avec l´Ambassadeur argentin,
dans une ambiance détendue et amicale et je lui ai dit : « J´espère que tu pourras
parvenir à la Haye, car moi je n´arrive pas. En 2020 si l´on a de la chance » C´est
à dire qu´il y a une questio n de temps pour la consultation à la Haye. Il y a
également une réalité de positionnement devant les tribunaux d´arbitrage et,
quelquefois, il n´est pas convenable de le faire. Je vous donne ici mon avis. Mais
cette démarche est valable. Juridiquement on peut chercher à tourner et retourner
la question de la créatio n de nouveaux organes. Nous espérons que tout
s´arrangera autrement. La question est que l´Uruguay a été extemporané pour
traiter cette affaire. Vraiment.
M. le PRÉSIDENT. L´un des arguments évoqués est que s´il avait consulté on lui
aurait dit non. C´est une astuce. Qu´aurait-il arrivé si on lui avait dit non ?
Mme PETROCELLI; On n´aurait pas fait les ouvrages. Nous aurions dû saisir
un tribunal international pour connaîtr e quel préjudice entraînait un refus
d´arbitrage."91
2.28 Face à la situation créée par l'attitude uruguayenne, la délégation argentine
s'efforce pour sortir la CARU de sa paralysie. Le Président de la délégation écrit le 23
février 2004 au Président de la CARU, a fin de transmettre à la Commission la
documentation que l'Argentine avait reçue de l'Uruguay au sujet du projet CMB. Il
demande aussi que la Sous-commission de la qualité des eaux et de la prévention de la
pollution soit saisie de ceux-ci , afin d'évaluer dans quelle me sure l'ouvrage projeté et sa
mise en service peuvent affecter la qu alité des eaux du fleuve Uruguay, cela " sans
préjudice des considérations formulées en re lation avec l'article 7 du Statut du fleuve
Uruguay par la Délégation argentine dans la réunion plénière extraordinaire du 17
92
octobre 2003".
2.29 Entre temps, la CARU continuait paralysée a cause de cet desaccord. Le 2
mars 2004, les Ministres des affaires étrangèr es des deux pays, Rafael Bielsa et Didier
Opertti, ce sont rencontrés à Buenos Aires, dans le cadre d'une réunion concernant des
91Sénat de la République orientale de l’Uruguay, Commission de l’environnement, séance du 12 décembre
2005. Exposé des délégués uruguayens à la CARU, p. 4 du texte original en espagnol. Annexes, livre VII,
92nexe 5.
CARU, Procès-verbal N° 1/04, réun ion extraordinaire convoquée par l' Argentine du 15 mai 2004, p. 6.
Annexes, livre III, annexe 24.
39affaires d'ordre bilatéral et régional. En ce qu i concerne le projet CMB, ils sont parvenus
à un arrangement verbal afin de sortir la CARU de son impasse. En vertu de cet
arrangement, l'Uruguay s'engageait à transmettre à la CARU l' information requise, et, en
attendant cette information, la CARU entreprendrait le monitoring de la qualité des eaux
dans la région envisagée pour le projet CMB.
2.30 Le ministre Bielsa a ré sumé le contenu de l'arrangement du 2 mars 2004
avec son homologue uruguayen devant la Co mmission des affaires étrangères de la
Chambre des députés argentine le 14 avril de la manière suivante :
«En ce qui concerne M’Bopicuá, l’ accord auquel nous avons souscrit avec
l’Uruguay aura trois étapes. La première étape culmine avec l’approbation des
travaux. Cette étape est le fait d’une instance spécifique, la Commission du
Fleuve Uruguay (CARU), à ce stade, l’Ar gentine va recevoir toute l’information
de la part de l’Uruguay. Comme on le sait, l’Argentine a présenté deux rapports
relatifs à l’impact environnemental et tous deux contiennent des plans de remède.
La deuxième étape, qui est celle de la construction, est de quatre ans.
L’Argentine a un droit de regard, cet élément n’est pas sans importance, car
l’enjeu ici c’est qu’il existe des processus technologiques permettant de réduire
de manière extrêmement significative le s conséquences environnementales. Or,
les usines qui disposent de ces technol ogies supportent des coûts bien plus
élevés. L’Uruguay, en sa qualité de pays vert, de sixième pays au monde dans la
protection de l’environnement, pr end sérieusement en compte ces
préoccupations.
Il m’a semblé que ce droit de regard, nous pouvions le réclamer en conformité
avec le traité du fleuve Uruguay et c’est la commission qui va assurer le
93
monitoring de la construction. "
93Procès-verbal de la réun ion du ministre des affaires étrangère s Rafael Bielsa avec la Commission des
affaires étrangères de la Chambre des députés, Buenos Aires, 14 avril 2004. Annexes, livre VII., annexe 11.
Cité également dans: Uruguay, Ministèr e des affaires étrangères, Rapport su r l'installation de deux usines
de cellulose sur le fleuve Uruguay, Montevideo, 23 février 2006, in :
http://www.mrree.gub.uy/mrree/Asuntos_Politicos/Planta%20Celu/informe.h…. Cette même version de
l’arrangement verbal fur réflété dans le Mémoire argentine sur l'état de la Nation 2004 qui se réfère dans
deux paragraphes séparés à cette ques tion. Le premier apparaît dans la rubrique "Uruguay", le deuxième
dans la rubrique "CARU". (Présidence de la Natioer Direction [Jefatura] du Cabinet de Ministres, Mémoire
sur l'état de la Nation 2004 , Buenos Aires, 1 mars 2005, p. 106. Annexe s, livre VII, annexe 18).
Conformément à l'article 104 de la Constitution argentine, les mini stères présentent un mémoire de leurs
activités de l´année précedent à l'ouverture de la période législative, qui commence le 1ars de chaque
année. L’arrangement verbal fut aussi réflété dans deux rapports du Chef du cabinet de ministres au
Congrès argentin (Rapport du chef du cabinet de s ministres, Docteur Alberto Angel Fernández, à
l'Honorable Chambre des députés de la Nation, Rapport N° 64, mars 2005, p. 37 9 Annexes, livre VII,
annexe 19 et Rapport du Chef du cabinet des ministres, Docteur Albe rto Angel Fernández, à l'Honorable
Chambre des sénateurs de la Nation, Rapport N° 65, juin 2005, p. 528 . Annexes, livre VII, annexe 20).
L’Uruguay a transmis à la Cour, lors de la phase des mesures conservatoires, une version délibérément
tronquée des passages pertinents, aussi bien dans la langue originale que dans la traduction en anglais, sans
en fournir à la Cour le texte comp let, comme cela est exigé par l'articl e 50 du Règlement de la Cour. Ce
comportement est d'autant plus regrettable que les passages délibérément om is ont une importance
40Sans aucun doute, la première étape à laquelle le ministre Bielsa fait référence, est celle
qui mène à l'approbation du projet , durant laquelle l'Uruguay devait transmettre à
l'Argentine, à travers la CARU, l'information pertinente. Ceci n'est ni plus ni moins que
la mise en Œuvre effective de l'article 7.
2.31 A la suite de cet arrangement, l' Argentine a convoqué à une réunion
extraordinaire de la CARU, la quelle s'est tenue le 15 ma i 2004. Le président de la
Délégation argentine expliqua que la raison pour laquelle sa délégation a demandé la
convocation d'une réunion extraordinaire d'urge nce de la CARU tenait à son souhait "de
requérir à cet organe d'engager, de toute ur gence, les responsabilités lui étant octroyées
par ce Statut en matière envi ronnementale, et notamment cel les générées comme suite à
l'installation d'une usine de pâte à papier à la localité de Fray Bent os (ROU), “Celulosas
de M’Bopicuá”". 94
2.32 Le contenu de l'arrangement Bielsa-Opertti à été résumé au sein de la
CARU de la manière suivante :
"Le 2 mars 2004, les Ministres des affair es étrangères d'Argentine et d'Uruguay
sont parvenus à une entente par rappor t aux voies d'issue pour développer ce
sujet, soit l'apport du g ouvernement uruguayen de l'information concernant la
construction de l'usine et sur la base opér ationnelle, la réalisation du monitoring
de la CARU, quant à la qualité des eaux conformément à son Statut". 95
2.33 Toujours par rapport au projet CMB, les deux délégations:
«ont réaffirmé l’arrangement des Minist res des affaires étrangères de la
République Argentine et de la République Orientale de l'Uruguay du 2 mars 2004
par lequel l'Uruguay communi quera l'information relati ve à la construction de
fondamentale pour la compréhension correcte du document et que leur absence modifie le sens de son
94ntenu.
CARU, Procès-verbal N° 1/04, réunion extraordinaire convoquée par l'Argentine du 15 mai 2004, p. 31,
Annexes, livre III, annexe 24.
95CARU, Procès-verbal N° 1/04, réunion extraordinaire convoquée par l'Argentine du 15 mai 2004, p. 34,
Annexes, livre III, annexe 24.
41 l'usine y compris le Plan de gestion envi ronnemental. En conséquence, la CARU
recevra les Plans de gestion environnementa le pour la construction et la mise en
service de l'usine déposés par l'entreprise au gouvernement uruguayen, une fois
remis par la délégation uruguayenne. La CARU, dans le cadre de ses
compétences, les étudiera, compte tenu de s termes compris dans la Résolution
ministérielle 342/2003 déjà mentionné, notamment ceux signalés par le Ministère
du logement, de l'aménagement du territoire et de l'en vironnement, ainsi que les
actions exigeant une mise en oeuvre et des études addition nelles de la part de la
société avant leur approb ation, tout en formulant des observations, des
commentaires et des apports , qui seront transmis à l' État uruguayen pour leur
acquittement et pour qu'il tranche avec l'entreprise. Une fois acco mplies ces
démarches, la CARU en sera encore saisie.". 96
2.34 La décision adoptée lors de la séance extraordinaire de la CARU du 15
mai 2004 a la teneur suivante :
" Sur la base de ce qui vient d'être mentioné et accordé précédemment par les Parties, il a
été décidé de remettre toute la documentation détenue par la C.A.R.U concernant le projet
M’Bopicuá à la Sous-commission de Qualité de s eaux et de la prévention de la pollution
environnementale pour son analyse et son év aluation conformément à ce qui a été signalé
aux points (I et II - coïncidenc es spécifiques) pages 34 et 35 . Il est convenu de même de
demander toute l'information relative à l'étape de la construction de l'usine conformément
aux engagements pris par le Ministère des affa ires étrangères de l' Uruguay. Dans ce
contexte et conforme au Plan de Protection environnemental, il est convenu de convoquer
le Comité des consultants techniques aux effets pertinents. ".97
2.35 Le Président de la Délégation argen tine a rappelé ce qu'il avait indiqué
dans sa note adressée au Président de la CARU le 23 février 2004, notamment qu'il
transmettait à la CARU la documentation uruguayenne relative à l'installation d'une usine
de cellulose à Fray Bentos remise par le Mini stère des affaires étrangères de l'Uruguay à
l'Ambassade argentine à Montevideo, demandan t que la Sous-Commission de la qualité
des eaux et de la prévention de la pollu tion puisse commencer le traitement de cette
documentation, afin de consid érer dans quelle mesure le s Œuvres projetées et leur
opération peuvent affecter la qualité des eaux du fleuve Uruguay. Comme il a été indiqué,
cette note affirmait clairement :
96Ibid., p. 34/35.
97Ibid.
42 " Ce qui vient d'être dit est sous réserve des considérations déjà posées concernant l'article
7 du Statut du Fleuve Uruguay par la Délégation argentine, lors de la séance plénière
98
extraordinaire du 17 octobre 2003”.
2.36 Ce faisant, il faisait référence au constat argentin de la violation par
l'Uruguay de l'obligation établie par l'articl e 7 du Statut de 1975 lors de la réunion
extraordinaire de la CARU co nvoquée à cet effet par l'Argent ine. Après avoir signalé le
manque d'information sur un certain nombre d'aspects, le Président de la Délégation
argentine a souligné "qu'il es t important que la CARU agisse conformément à ce qui est
prévu dans le Statut et que celle-ci comp lète, conformément à ce mandat, les études
qu'elle puisse considérer comme manquantes". 99
2.37 Le délégué argentin M. Rodríguez a ra ppelé que l'Argentine avait protesté
contre le non-respect du mécanisme de consul tation que prévoit l'article 7 du Statut. Un
autre délégué argentin, M. Rojas, a souligné que
"la procédure des articles 7 et suivants est fondamentale afin d'évaluer si
l'ouvrage projeté par l'autre partie, sur une ressource naturelle partagée comme le
fleuve Uruguay, est susceptib le de causer un préjudice se nsible à l'autre. Pour
cette raison, il faudrait, selon la norme, s'attendre à une procédure que permet une
information adéquate, une procédure qui soit vraiment participative et qui soit
menée pas à pas vers une résolution fondée sur un critère absolument raisonnable
et de coopération entre les deux pays ; qu 'on analyse les effets que ce projet peut
produire sur l'environnement directement et cumulativement, tenant compte non
seulement de l'utilisation ou de la modification de précieuses ressources
naturelles, mais des autres alternatives de développement qui pourraient se voir
affectées lors d100a construction et de la mise en service ulté rieure de Celulosas
de M'Bopicuá".
2.38 Le délégué uruguayen M. Cardoso a sa lué le rapprochement de points de
vue intervenu entre les deux Mi nistères et estimé que ceci "facilitera le chemin pour
101
surmonter le différend" . Il a mis en exergue que la Délégation uruguayenne ne
partageait pas en sa totalité le s conclusions des techniciens ar gentins, et que les rapports
98Italiques ajoutés. Ibid., p. 4.
99
100bid., p. 13.
101Ibid., p. 28.
Italiques ajoutés. Ibid., p. 31.
43uruguayens, qui n'avaient pas une valeur t echnique inférieure, ne parvenaient pas aux
mêmes conclusions. Le même délégué a répété que la Délégation uruguayenne ne partage
102
pas certaines analyses des rapports des délégués argentins. Clairement, la Délégation
uruguayenne reconnaît que le différend sur le projet d´usine n'est pas réglé à ce stade.
2.39 L'Argentine a explicitement réservé sa position quant au non-respect de
l'article 7 du Statut et quan t au besoin de le respecter. Les Parties ont constaté leurs
divergences, elles se sont mises d'accord sur le fait que l'Uruguay devait fournir
davantage d'information, que celle-ci sera it examinée par la CARU, que la CARU
transmettrait ses observations à l'Uruguay, que l'Uruguay traiterait de ces questions avec
ENCE et qu'ensuite la CARU devait à nouveau être saisie. Ce faisant, la CARU a réitéré
ses compétences en vertu du Statut et l'ob ligation de suivre la procédure prévue au
chapitre II. À aucun moment du rant cette réunion extraordinai re, ni durant aucune autre
réunion de la CARU, n'a approuvé la construc tion de l'ouvrage ni n'a décidé de la
question de savoir si le projet peut causer un préjudice sensible à l' autre Partie. Ceci est
en net contraste avec la pro cédure que la CARU suit lorsqu'e lle approuve la réalisation
d'un ouvrage, comme en témoigne par exem ple la résolution 12/01 relative au Port
103
M'Bopicuá.
2.40 Clairement, la procédure n'est en aucun cas arrivée au stade de la décision
par la CARU. Au contraire, comme cela est explicitement mentionné dans l'arrangement
du 2 mars 2004, l'Uruguay devait transmettr e à la CARU davantag e d'informations, ce
qui présuppose qu'aucune décision ne peut intervenir avant qu e ces informations
n'arrivent. Or cette information n'est jamais arrivée à la CARU.
2.41 En effet, l'information disponible n'ét ait pas suffisante pour que la CARU
puisse se prononcer conformément à l'artic le 7 du Statut. Les Parties n'étaient pas
d'accord sur un certain nombre de questions de substance. Elles l'ont affirmé de manière
explicite le 15 mai 2004. En réalité, l'accord intervenu entr e les deux ministres était de
102Ibid., p. 31-32.
10CARU, Résolution N° 12/01 du 27 avril 2001. Annexes, livre III, annexe 2.
44faire respecter la procédure du Statut de 1975, mettant fin au différend relatif à la
compétence de la CARU pour connaître du projet CMB. L'Uruguay n'a pas respecté son
engagement du 2 mars 2004. Le comportement ultérieur uruguayen a malheureusement
empêché ce règlement de se produire et au contraire a aggravé le différend.
2.42 En attendant l’information promise par le Ministre de affaires étrangères
uruguayen a son homologue argentin, la CARU rédigea et approuva un plan par lequel se
prévoyait de renforcer le contrôle de la qu alité des eaux du fleuve Uruguay dans la zone
du projet CMB, voisine a Fray Bentos. Ai nsi, l’Argentine respectait sa part de
l’arrangement verbal.
2.43 La Sous-commission commença aussitô t le travail de préparation du
monitoring de la qualité des eaux dans la zone du projet CMB. Aux contrôles normaux de
la qualité des eaux, il a été ajouté le contrôle du biote 104. Le plan de monitoring de la
qualité des eaux fut ultérieurement scindé, et un plan autonome de monitoring de la
qualité des eaux dans la zone dont l’ usine est projeté ("PROCEL") fut ainsi adoptée par
105
la Sous-commission le 11 novembre 2004. En ce qui concerne l'information relative à
la construction de l'usine CMB promise par le Ministre uruguayen Opertti, elle n'est
jamais arrivée à la CARU.
2.44 L'Uruguay prétend que ces efforts ar gentins en vue du règlement du
différend démontreraient que le différend né en octobre 2003 aurait été réglé. Rien n'est
plus éloigné de la réalité, comme il sera démontré aux sections suivantes de ce chapitre.
104CARU, Rapport N° 242 de la Sous-commission de la qualité des eaux et de la prévention de la pollution,
15 juin 2003, Procès-verbal N° 03/04 du 18 juin 2004, Annexe 3, p. 624-625 Annexes, livre III, annexe 26.
105CARU, Rapport N° 247 de la Sous-commission de la qualité des eaux et de la prévention de la pollution,
11 novembre 2004, Procès-verbal N° 8/04, p. 1951. Annexes, livre III, annexe 28.
45 Section III
L'aggravation du différend : L'autorisation de construction de
l'usine Orion du 15 février 2005
2.45 Le différend né en octobre 2003 n´étai t pas réglé. En ne transmettant pas
l'information requise, l'Uruguay n'a jamais permis à la CARU de déclancher la procédure
106
prévue au chapitre II du Statut de 1975. En fait, en autorisant la construction d'une
deuxième usine sans suivre la procédure prévue par le Statut de 1975 moins d'un an plus
tard, l'Uruguay a purement et simplement rejeté l'accord du 2 mars 2004.
2.46 À une date inconnue de l'Argentine, la société finlandaise Botnia contacta
les autorités uruguayennes en vu e de l'installation d'une usin e de pâte à papier dans la
zone de Fray Bentos. Le 30 octobre 2003, la DINAMA qualifie ce projet comme relevant
107
de la catégorie "C" de la légi slation uruguayenne pertinente. Le 31 mars 2004, Botnia
déposa sa demande d'autorisation environnemen tale initiale, laquelle fut complétée le 7
avril 2004. 108
2.47 Les 29 et 30 avril 2004, Botnia a tenu à Montevideo une réunion avec des
109
membres de la CARU, en vue d'exposer son projet d'usine de pâte à papier. Durant sa
réunion du 15 juin 2004, la Sous-commission de la qualité des eaux et de la prévention de
la pollution considéra la possibilité d'avoir une autre réunion, afin que Botnia élargisse
l'information donnée lors de la réunion pr écédente. À cette occas ion, "[l]a Délégation
argentine a souligné l'importan ce du mécanisme de consultati on établi par le Statut du
110
fleuve Uruguay".
2.48 En août 2004, des délégués de la CA RU ont été invités par Botnia à se
rendre à Finlande. Des délégués de la CARU se sont également rendus en Espagne à
106
107Infra, chapitre III, Section II.B.
108V. supra, par. 2.6.
Ibid.
109CARU, Procès-verbal N° 02/04 du 2004, p. 151. Annexes, livre III, annexe 25.
110CARU, Procès-verbal N° 03/04 du 18 juin 2004, Annexe 3, Sous-commi ssion de la qualité des eaux et
de la prévention de la pollution, séance du 15 juin 2004, point 2 b), p. 626. Annexes, livre III, annexe 26.
46 111
l'invitation d'ENCE en septembre 2004. Des membres de la CARU sont aussi allés en
Argentine et au Brésil, afin de visiter des zone s dans lesquelles se trouvent des usines de
112
pâte à papier.
2.49 Le 18 octobre 2004, les présidents des deux délégations se sont réunis et
ont décidé de la création d'une nouvelle sous-commission, appelée "Sous-commission de
l'environnement et de l'utilisation durable de l'eau", laquelle au rait à sa charge le plan de
113
monitoring de la qualité des eaux dans les zones des usines de cellulose.
2.50 Le 19 octobre 2004 la CARU tient une réunion avec des représentants de
Botnia. La CARU souligne le besoin de dis poser d'information au sujet de la procédure
114
en cours devant la DINAMA.
2.51 En conséquence, dans une note à la DINAMA du 16 novembre 2004, la
CARU indique avoir pris connaissance des dé marches de Botnia en vue de l'obtention
d'une autorisation de construction d'une usine de pâte à papier et demande à la DINAMA
115
de lui fournir l'information pertinente. Il n'a jamais été répondu à cette note de la
CARU.
2.52 La DINAMA organise le 21 décemb re 2004 à Fray Bentos une réunion
publique d'information sur le projet de Botnia. L'un des consultants de la CARU y
participa.116 Son rapport à la Sous-commission de la qualité des eaux et de la prévention
de la pollution de la CARU se borne à décrire la façon dont la réunion s'est déroulée. 117
111
112CARU, Procès-verbal N° 06/04 du , point 3), pp. 1563-1564. Annexes, livre III, annexe 27.
CARU, Procès-verbal N° 02/05 du 11 février 20 05, Rapport N° 3 de la Sous-commission de
l'environnement et de l'utilisation durable de l'eau, pp. 306-309. Annexes, livre III, annexe 30.
113CARU, Procès-verbal N° 08/04 du 12 novembre 2004, p. 1870. Annexes, livre III, annexe 28.
114
115Ibid., pp. 1870-1871.
CARU, Note SET-11037-UR du 16 novembre 2004, Annexes, livre III, annexe 36.
116CARU, Procès-verbal N° 01/05 du 7 janvier 2005, rapport N° 24/04 du Secrétaire technique de la
CARU, p. 17. Annexes, livre III, annexe 29.
117
CARU, Ibid, rapport de M. Carlos Fernandes Antunes, Annexe A au Rapport N° 249 de la Sous-
commission de la qualité des eaux et de la prévention de la pollution, pp. 65-66.
472.53 Le 11 février 2005, la DINAMA produit son étude d'impact sur
l'environnement sur le projet d'usine de pâ te à papier présenté par Botnia. Même en
constatant que le projet soumis par Botnia présente "des lacunes d'information, des
contradictions (y compris dans le document lu i-même) et des réponses dispersées et peu
118
satisfaisantes", la DINAMA se manifesta favorable a l’autorisation. L'étude de la
DINAMA n'a pas été transmise à la CARU.
2.54 Malgré les défauts de l’usine que la DINAMA avait identifié, le 14
février 2005 -soit trois jour s après la date de l'étude d’impact susmentionné, et deux
semaines avant le changement de gouverne ment en Uruguay-, le MVOTMA adopte la
Résolution 63/2005 en vertu de laquelle il octroie à Botn ia l'autorisation
119
environnementale initiale pour son projet d'usine de pâte à papier. Aucune décision
n'avait préalablement été prise par la CARU, laquelle n'a pas non plus été informée de
cette autorisation ultérieurement. Le go uvernement uruguayen sortant était donc
conscient que, en octroyant l'autorisation à Botnia pour le projet Orion le 14 février 2005,
sans passer par la CARU, il allait aggraver le différend.
2.55 Lors de la réunion de la CARU du 11 mars 2005, le Vice-président de la
Délégation argentine fait part avec regret du fait qu'il a pris connaissance, par les médias,
que l'Uruguay aurait autorisé Botnia à construi re une usine de pâte de papier sans passer
par la CARU, qui plus est, sans avoir répondu à la demande d'information de celle-ci. Le
Président de la Délégation uruguayenne lui- même a pour sa part confirmé que sa
Délégation n'était pas au courant de l'autori sation, mais qu'il connaissait les versions
données par les médias auxquelles se référait son collègue ar gentin. Il s'agissait de la
répétition exacte de ce qui s'est produit au se in de la CARU au moment de l'autorisation
uruguayenne de CMB. Suivant une proposition de l'Uruguay, la CARU décide de réitérer
118Uruguay, DINAMA, Division de l'évaluation de l'impact sur l'environnement, 11 février 2005, Annexes,
119re V, annexe 8.
Uruguay, Ministère du logement, de l'aménagement du territoire et de l'environnement, Résolution N°
63/2005, 14 février 2005. Annexes, livre VII, annexe 10.
48sa demande de renseignements à la DINAMA du 16 novembre 2004 et qui n'avait pas été
120
répondue.
2.56 Le même mois de mars 2005, répond ant à une question d'un sénateur, le
Chef du cabinet des ministres argentin explique dans son Rapport N° 65 au Sénat :
"a) Le Gouvernement National a reçu l’analyse de l’impact environnemental d’une usine
de pâte a papier, dont le projet appartient à l’entreprise espagnole ENCE, qui révèle que
des émanations liquides et gazeuses nuisi bles aux eaux du Fl euve Uruguay et á
l’atmosphère de la Province de Entre Ríos se produiront. Néanmoins, cette évaluation -
faite à la demande de l´entreprise ENCE - ne tient pas co mpte de l’impact
environnemental des ces émissions sur le territo ire national. En conséq uence, il faut le
compléter. En outre, des docum ents équivalents concernant l’usine de Botnia - d’une
envergure majeure – n’ont pas été reçus. Une évaluation de l’impact environnemental du
complexe des usines de pâte a papier qui sera installé sur la marge gauche du Fleuve
Uruguay est requise car deux usines, selon les estimations environnementales, sont
considérées comme une seule unité.
b) A maintes reprises, des informations au Gouvernement de la République Orientale de
l’Uruguay ont été demandées. Or, le proc essus administratif d’approbation de la
construction des usines s’est fait sans respecter les normes du droit international, en
particulier, celles établies dans les Statuts du Fleuve Uruguay.
c) Le Gouvernement Argentin n’a pas par ticipé du processus d’approbation
121
de ces usines. Il n’a même pas été consulté à cet égard."
2.57 Ce rapport contient un examen détail lé de l'historique du différend et
l'action argentine visant à ce que la CARU prenne en main le dossier concernant le projet
CMB. En outre, le rapport explique la situ ation de paralysie de la CARU du fait de
l'absence de consensus pour traiter de la question de l'autorisation unilatérale
uruguayenne. 122 Il ajoute :
" La délégation argentine auprès de la CARU, dont les sessions étaient toujours
interrompues, a reçu les documents [ceux concernant l'autorisation octroyée à
CMB] par l’intermédiaire de son Ministèr e des affaires étrangères. Ce dernier a
également demandé que lesdits document s fassent l’objet d’un examen par la
Commission d’administration du fleuve Uruguay (note Nº 10ó [sic]/2004, en date
du 24 février 2004). Cette présentati on n’a pas non plus fait l’objet d’un
120CARU, Procès-verbal N° 03/05, 11 mars 2005, p. 7-10. Annexes, livre III, annexe 31.
121
Rapport du Chef du cab inet des ministres, Docteur Alberto An gel Fernández, à l'Honorable Chambre
122 sénateurs de la Nation, Rapport N° 65, juin 2005, p. 528. Annexes, livre VII, annexe 20.
Rapport N° 65, loc. cit., pp. 615-621.
49 consensus étant donné le refus uruguayen de ce que la CARU initie l’examen de
la question. "23
Section IV
La constitution du GTAN et une nouvelle aggravation du différend du fait de
l'autorisation de la construction d'un port à Botnia
2.58 Le 1 mars 2005 a lieu le changement de gouvernement en Uruguay. Lors
de sa première visite en Argentine, le no uveau président uruguayen Tabaré Vázquez et
son homologue argentin Néstor Kirchner déci dent le 5 mai 2005 de créer un groupe de
travail de haut niveau (GTAN), en vue du règlement du différend, sur la base d'une étude
d'impact sur l'environnement des deux projets d'usines de pâte à papier, CMB et Orion.
2.59 Dans le cadre de cette rencontre prés identielle, le mini stre des affaires
étrangères argentin Rafael Bielsa remet le même jour à son nouvel homologue uruguayen
Reinaldo Gargano une note relative aux projets des usines de pâte à papier, demandant :
a) que l'on envisage la relocalisation des usines,
b) que l'on élargisse l'information fournie à leur égard et
c) que l'on maintienne le statu quo durant 180 jours af in de produire des
124
études d'impact cumulé sur l'environnement.
Il n'a jamais été formellement répondu à cette note argentine.
123
Rapport du chef du cabinet des ministres, Docteur Alberto Angel Fernández, à l'Honorable Chambre des
sénateurs de la Nation, Rapport N° 65 , juin 2005, pp. 616-617. Annexes, livre VII, annexe 20. Lors de la
phase des mesures conserva toires, l’Uruguay a présen té une version délibérém ent tronquée des passages
pertinents, aussi bien dans la langue originale que dans la traduction en anglais, sans en fournir à la Cour le
texte complet, comme cela est exigé par l'article 50 du Règlement de la Cour. Ce comportement est d'autant
plus regrettable que les passages délibérément omis ont une importance fondamentale pour la
compréhension correcte du document et que leur absence modi fie le sens de son contenu. L'Uruguay s'est
borné à reproduire deux des six page s et demie du deuxième rapport du Ministère de s affaires étrangères
paraissant dans le rapport N° 65, dont il n'a d'ailleurs traduit qu'u n seul paragraphe. Ce deuxième rapport
contient un examen détaillé de l'historique du différend et ne permet pas non plus de conclure que
l124rangement du 2 mars ait mis fin au différend concernant le p.ojet
Note remise le 5 mai 2005 par le Ministre des affaires étrangères de l’Argentine, Monsieur Rafael
Bielsa, au Ministre des affaires étrangères de l’Uruguay, Monsieur Reinaldo Gargano. Annexes, livre II,
annexe 22, dont ont parle des instalations « projetée » de deux usines.
502.60 Le jour suivant, le 6 mai 2005, la CARU a tenu une réunion. Le président
de la Délégation argentine a soulevé une quest ion préalable à l'ordre du jour, en faisant
valoir que le mécanisme de consultation prévu par le Statut (article 7 et suivants) n'avait
été respecté ni pour le projet CMB, ni pour le projet Orion. Après avoir rappelé les
évènements, le Président de la Délégation argentine continua ainsi:
"L´ objet centrale de revenir su r ces antécédents c´ est le souci constante au sujet du
mécanisme de consultation préalable mentionnait auparavant qui continue sans être
appliqué. Malheureusement, la CARU ne peut pas remplir correctement son rôle si ne
reçoit pas toute l´information technique. Dans le cas de Botnia, ils n´ont pas reçu non plus,
comme est prévu dans les articles pertinents du Statut du fleuve Uruguay, l´information a
fin d´évaluer et déterminer techniquement si ce projet peut générer un impact
environnemental comme il est prévu dans le Stat ut. Je me rappelle que par rapport au cas
de M´Bopicua, la CARU n´a pas reçu no n plus, a travers les chenaux normales,
l´information correspondant sinon que par mo yen de la Délégation Argentine. Dans de
nombreuses opportunités nous avons échangé de s idées à propos de ce sujet là avec la
Délégation Uruguayenne, qui l´ a toujours traité avec l´espr it le plus constructif et
responsable, n´ayant la Délégation Argentine que de mots de remerciement par rapport à la
manière de traiter cette question devant ses propres autorités. Néanmoins, il est inévitable
de remarquer que le mécanisme de consultation préalable n´a pas été respecté et cela reste
grave. La CARU a envoyé des notes aux or ganismes uruguayens compétents – démarches
que l´Argentine remercie - en demandant d´ information complémentaire par rapport au
projet M´Bopicua et afin qu¨i ls envoient de même l´information concernant Botnia. Nous
regrettons qu´il n´ait pas eu de réponse. Nous regrettons aussi que le system de
consultation prévu dans le Stat ut du fleuve Uruguay ne marc he guère et que la CARU ne
peut alors se bénéficier de compter sur ce mécanisme. L´intention de notre Delegation c´est
d´insister sur ce sujet qui af fecte de manière sensible les différentes communautés de la
rive argentine sur le fleuve Ur uguay, en étant évid ent que la rive urugu ayenne souffrirait
aussi ces effets. C´est évident que la violation du Statut par rapport au mécanisme de
consultation préalable (arts. 7 et suivants) doitêtre pris au sérieux. C´est évident que de
poursuivre cette situation, il faudra mettre en marche les procédures prévues dans le Statut
pour régler les différends sur l´application de s normes stipulés dans ce traité. Je désire
remarquer que nous nous réservons nos droits sur ce point-la. Nous faisons un nouvel appel
a la Delegation Uruguayenne pour qu´ils accomplissent la consultation préalable par
rapport a Botnia S.A afin que la CARU et en particulier la Delegation Argentine puissent
analyser si les ouvrages proj etés peuvent avoir des effets environnementaux qui puissent
être corrigés de conformité avec le Statut du fleuve Uruguay." 125
Ainsi, l'Argentine s'est réservé le droit de déclencher les procédures prévues par le Statut
pour le règlement des différends, si la situation se poursuivait. Autrement dit, d'utiliser le
règlement judiciaire prévu aux articles 12 et 60 de ce traité.
125
CARU, Procès-verbal N° 05/05 du 6 mai 2005, pp. 966-968. Annexes, livre III, annexe 32.
51On rappel la réponse du Prés ident de la Délégation urugua yenne, confirmant la vision
argentine : "les faits sont tels que M. l'Am bassadeur [García Moritán, Président de la
126
Délégation argentine] les a présentés". Il s'agit ici d'une autre reconnaissance claire par
l'Uruguay qu'il n'a pas suivi le mécanisme du chapitre II du Statut.
2.61 Le 31 mai 2005, les Ministres des af faires étrangères procèdent à la
création effective du GTAN. 127La première réunion prévue pour le 5 juillet 2005 à
Montevideo fut annulée par le gouvernement uruguayen. 128L'Argentine a alors proposé
de tenir cette première réunion le 12 ju illet 2005. Cette proposition fut rejetée par
l'Uruguay, qui n'accepta pas de commencer les travaux du GTAN si l'Argentine ne retirait
pas sa note du 26 juin 2005 adressée au Pr ésident de la Banque mondiale. Cette note
exprimait la préoccupation du gouvernement arge ntin du fait de la possibilité que la
Société financière internationale (SFI) décide de financer la construction des usines CMB
et Orion avant que le GTAN procède aux études d'impact transfrontalier et en dépit du
non-respect par l'Uruguay de ce qui est stipulé par le Statut de 1975. 129
2.62 Les travaux pour la construction de l'usine Orion ont commencé dans la
deuxième moitié de 2005. Botnia s'empressa de passer au plus vite à l'étape de
construction. ENCE avait commencé à la mê me époque des travaux de nivellement du
terrain en vue de la construction de l'usine CMB.
2.63 Le Gouvernement uruguayen autorisa le 5 juillet 2005 la société Botnia à
construire un terminal portuaire dans la zone de son usine Orion sans préalablement saisir
la CARU. En effet, ce jour-là, le Ministère uruguayen des transports et travaux publics a
donné à Botnia le droit d'utilis er le lit du fleuve et autorisé la construction de ce port et
126Ibid.
127Communiqué conjoint argentine-uru guayen, usines de pâte à papier , constitution du Groupe de haut
128eau, Buenos Aires, 31 mai 2005. Annexes, livre IV, annexe 3.
Uruguay, Noer DGAP3/199/2005 du Ministère des affaires étrangères à l'Ambassade argentine à
Montevideo, 1 juillet 2005. Annexes, livre II, annexe 23.
129Note de l'Ambassadeur argentin à Washington, M. Octavio Bordon, au Président de la Banque
mondiale, M. Paul Wolfowitz, du 26 juin 2005, Annexe, livre II, annexe 24; Note MREU N° 178/05 de
l'Ambassade argentine à Montevideo au Ministère des affaires étrangères de l'Uruguay du 5 juillet 2005,
livre II, annexe 25, et note DGAP3/203/2005 du Ministère des affaires étrangères de l'Uruguay à
l'Ambassade argentine à Montevideo du 8 juillet 2005, Annexes, livre II, annexe 26.
52 130
éventuellement des chenaux, à l' usage exclusif de l'usine Orion. A nouveau,
l’Argentine a pris connaissance de ce projet par les médias uruguayens et a formellement
demandé que le Gouvernement uruguayen resp ecte l’obligation déco ulant de l’article 7
du Statut de 1975. Elle l'a fait par une note datée du 27 juin 2005, c'est-à-dire, avant que
l'Uruguay procède à l'autorisati on, rappelant qu'un projet de cette nature est soumis à la
procédure de consultation du Statut de 1975 . La note demande également à l'Uruguay de
procéder à la nomination de sa délégation au sein de la CARU, de sorte que cette dernière
131
puisse reprendre ses travaux dans les meilleurs délais. En effet, le nouveau
gouvernement du Président Vázquez n' avait pas nommée les nouveaux délégués
uruguayens, empêchant ainsi la CARU de fonc tionner. Cette nouvelle note argentine n'a
pas non plus reçu de réponse. Comme cela es t indiqué ci-dessus, l'Uruguay autorisa 8
jours plus tard la construction du port.
2.64 Le GTAN tint finalement sa première réunion le 3 août 2005. Lors de cette
réunion, la délégation argentine réitéra que son pays ne souhaitait pas mettre d'obstacles
au développement économique de l'Uruguay, ma is que l'Argentine est préoccupée par la
protection de l'environnement d'une ressource partagée et par l'impact des deux usines de
pâte à papier sur sa zone d'influence. La délégation argentine rappela la note remise par le
Ministre Bielsa au Ministre Gargano le 5 mai 2005, dans laquelle on demandait un
moratoire, et souligne que celle-ci est rest ée sans réponse. Elle a présenté une liste
détaillée des informations demandées à l'Ur uguay et qui manquaient toujours (ces
demandes sont mentionnées dans l'annexe II du procès-verbal de la réunion), en
particulier sur les raisons des emplacemen ts choisis, sur les raisons du choix
d'emplacements si proches des villes de Fray Bentos et Gual eguaychú et si proches l'un
de l'autre, ainsi que sur les motifs du choix de la méthode "kraft" pour la production de la
pâte à papier.
130Uruguay, Ministère des tr ansports et travaux publics, Résolution du 5 juillet 2005. Annexes, livre VII
131exe 6.
Note MREU N°168/05 de l’Ambassade de l’Argentine en Uruguay au Ministère des affaires étrangères
de l’Uruguay du 27 juin 2005. Annexes, livre II, annexe 7.
532.65 La délégation uruguayenne rappe la que son pays avait répondu
négativement aussi bien en ce qui concerne la demande de suspension pour 180 jours que
celle relative à la relocalisation des usines co ntenues dans la note remise par le ministre
Bielsa au ministre Gargano. Elle fournit à la délégati on argentine la documentation
relative à la législation uruguayenne pe rtinente, ainsi qu'aux autorisations
environnementales initiales de CMB et Botnia. Au sujet de l'emplacement des usines, la
délégation uruguayenne répondit que cela relevait de la souveraineté uruguayenne et que
“la raison pour laquelle l’usine s’est installée à un endroit déterminé n'est pas du
ressort du Groupe [le GTAN] et elle ne figure pas parmi ses compétences,
puisque, outre le fait qu'il s'agit d'une décision antérieure au présent
gouvernement, la localisation des usines est déjà un fait”.
2.66 Dans les six mois qui suivirent sa première réunion, le GTAN a tenu
douze réunions. Durant cette période, les pa rties ont échangé de la documentation et
soulevé diverses questions relatives à l'imp act environnemental et transfrontalier des
usines. Les positions des parties n'ont pas pu être rapprochées, même au sujet de
l'information considérée nécessaire pour produire une évaluation.
2.67 Entre-temps, Botnia co ntinuait la construction de son usine Orion et
commença la construction du port. L'Argentine a, à deux reprises, formellement réitéré au
sein de la CARU son exigence que l'Uruguay s'acquitte de ses obligations découlant des
articles 7 à 12 du Statut, doubl ée de la demande de suspensi on des travaux tant que la
CARU ne se prononcera pas sur le projet de construction du port. La présidente de la
Délégation uruguayenne considéra qu'en effet, la question de la construction du port était
du ressort de la CARU, mais que l'Uru guay ne suspendrait pas les travaux de
construction. Le 15 août 2005, la Délégation uruguayenne a également remis à la CARU
le texte de la résolution du 5 juillet 2005 auto risant la construction du port et présenta le
13 octobre 2005 une partie de la documentat ion à son sujet requise par l'Argentine. La
délégation argentine a considéré que, en vue du respect de la procédure du chapitre II du
Statut de 1975, en particulier son article 9, la construction de l'ouvrage devait être
132
GTAN, Procès-verbal de la première séance, Montevideo, 3 août 2005. Annexes, livre IV, annexe 4.
54suspendue afin que la CARU commence à traiter le projet. 133 Pour sa part, ENCE
continua également ses travaux de nivellement du terrain pour l'usine CMB.
2.68 Dans ce contexte, et contrairement à ce qui avait été prévu, le GTAN fut
incapable de produire un rapport commun dans le délai prévu de 180 jours, du fait des
profondes divergences subsistant entre les deux délégations. Chaque délégation produisit
un rapport séparé à la fin des travaux.
2.69 Dans son rapport du 3 février 2006, la délégation argentine au GTAN
réitéra que l'Uruguay avait violé ses obligatio ns découlant du Statut de 1975, constata
l'insuffisance et le caractère erroné des étud es d'impact sur l'environnement existantes,
formula des critiques quant aux emplacements choisis et à la méthode de production
prévue, ainsi que des analyses sur l'impact de s effluents sur l'eau et le biota, sur les
émissions de gaz et les rési dus solides, l'omission de mesures de prévention et de
correction et sur l'impact socio-économique des usines dans les zones d'influence du
134
fleuve.
2.70 Dans son rapport, la Délégation uruguayenne indiqua qu'elle avait
transmis à la Délégation argentine toute l'information disponible, et que pour celle qui ne
l'était pas, elle l'a demandée aux entreprises, lesquelles ont répondu "en fonction du degré
d'avancement de ses projets" 13; ceci montre d'une manière tr ès claire que l'Uruguay lui-
même ne disposait pas d'une information comp lète sur les projets. Le rapport considère
que des progrès ont été accomplis quant à l'ét ude de l'impact des émissions liquides et
que, pour ce qui est des études sur les ém issions gazeuses, des modifications ont été
introduites afin d'en mesurer l'impact sur la région de Gualeguaychú. La Délégation
136
uruguayenne réitéra ses positions quant au fond du différend.
133
CARU, Procès-verbaux Nos. 06/05 du 15 août 2005, pp. 1234-1241; N° 08/05 du 9 septembre 2005, pp.
1242-1247 et N° 09/05 du 14 octobre 2005, pp. 1859-1862 ; Note OCARU N°129/2005 de la Délégation
argentine à la CARU du 10 novembre 2005. Annexes, livre III, annexes 34, 35 et 38.
134GTAN, Rapport de la Délégation argentine, Buenos Aires, 3 février 2006. Annexes, livre IV, annexe 1.
135GTAN, Rapport de la Délégation uruguayenne, Montevideo, 3 février 2006. Annexes, livre IV, annexe
2.
136
Ibid.
55 Section V
L´echec des négotiations et l'appui du parlement argentin à la saisine de la Cour
Internationale de Justice
2.71 Fin 2005, compte tenu des positions contradictoires des parties au sujet de
l'étendue de l'information requise, de la que stion de l'emplacement des usines et de la
technologie à utiliser par celles-ci, ainsi que du fait que les travaux se poursuivaient et
que l'Uruguay continuait à donner des autori sations de constructi on d'ouvrages sans
suivre la procédure du Statut de 1975, il est devenu évident que les travaux du GTAN
s'acheminaient vers une impasse.
2.72 Le 14 décembre 2005, l'Argentine transmet à l'Uruguay une note dans
laquelle elle rappelle formellement l'existen ce d'un différend relatif au Statut de 1975,
que l'article 12 de celui-ci est applicable, que par conséquent la procédure du chapitre XV
du Statut est ouverte aux Parties et que le délai de 180 jours prévu par ce traité pour que
celles-ci parviennent à un règlement par des né gociations directes court depuis le 3 août
137
2005, date de la première réunion du GTAN.
2.73 Le 26 décembre 2005 le gouvernemen t argentin rappela sa grande
préoccupation du fait des fortes tensions provo quées par la poursuite de la construction
des usines et du port, qui créait une situa tion inédite dans l'histoire des relations
argentino-uruguayennes. L'Argentine demanda encore une fois la suspension des travaux
138
en vue de trouver un règlement rapide et définitif du différend.
2.74 Le 27 décembre 2005, le Ministre de s affaires étrangères de l'Uruguay
répond à la note argentine du 14 décembre 2005 en rejetant la protestation argentine et en
affirmant que l'Uruguay a mis à la disposition de l'Argentine toute l'information voulue et
que celle-ci permet de conclure que l'exéc ution des ouvrages est accomplie dans le
respect des normes nationales et internationa les. La note conclut qu'il n'existe aucun
137Note SEREE 149/2005 du Secrétaire des affaires étrangères de l'Argentine à l' Ambassadeur d'Uruguay
138Argentine du 14 décembre 2005. Annexes, livre II, annexe 27.
Note SEREE 154/2005 du Secrétaire des affaires étrangères de l'Argentine à l' Ambassadeur d'Uruguay
en Argentine du 26 décembre 2005. Annexes, livre II, annexe 28.
56différend entre les parties et que la procédur e prévue au Statut de 1975 n'est donc pas
139
ouverte.
2.75 Par note du 12 janvier 2006, l'Arge ntine rejeta la note uruguayenne
précédente, soulignant la contradiction intrin sèque entre les arguments uruguayens et le
rejet de l'existence d'un différend. La même note insiste sur les interprétations des faits et
140
du droit faites préalablement par l'Argentine.
2.76 Le 16 janvier 2006, en réponse à la note précédente, l'Uruguay renouvela
141
les termes de sa note du 27 décembre 2005.
2.77 Le délai de 180 jours prévu pour l’activité du GTAN est arrivé à échéance
le 3 février 2006, sans que les parties parviennent à un accord 142.
2.78 Le 14 et 16 février 2006, le Minist re argentin des affaires étrangères
expose l'état du différend auprès des Commissions des affaires étrangères de la Chambre
des députés et du Sénat. 143 Les deux chambres du Congrès argentin adoptent des
résolutions en vertu desquelles devant l´échec de s négociations directes, elles appuient la
décision du gouvernement de saisir la Cour international de Justice.
139Note du Ministre des affaires ét rangères de l'Uruguay, M. Reinal do Gargano, à l'Ambassadeur de
140rgentine en Uruguay, Amb. Hernán Patiño Meyer, du 27 décembre 2005. Annexes, livre II, annexe 29.
Note du Secrétaire des affaires étrangères de l'Argentine, Amb. Roberto García Moritán, à
l'Ambassadeur d'Uruguay en Argentine, Amb. Franci sco Bustillo, du 12 janvier 2006. Annexes, livre II,
annexe 30.
141Note du Ministre des affaires étrangères de l'Uruguay, M. Reinaldo Gargano, à l'Ambassadeur de
142rgentine en Uruguay, Amb. Hernán Patiño Meyer, du 16 janvier 2006. Annexes, livre II, annexe 31.
Annexes, livre IV, annex 1.
143V. le discours du Ministre des affaires étrangères de l’Argentin e, Ambassadeur Jorge Taiana, du 14
février 2006 devant la Commission des affaires étrangères de la Chambre des Députés. Annexes, livre VII,
annexe 12.
57 Section VI
Nouvelles tentatives argentines de régler bilatéralement le différend
2.79 Durant le mois de février 2006, le gouvernement argentin a à plusieurs
reprises proposé la suspension des travaux durant un laps de temps limité, pour que des
études d'impact objectives puissent être menées, afin de régler le différend. Ces
propositions n'ont pas eu d'écho du côté uruguayen.
2.80 Il est à réléver, dans ce sens , que dans son discours du 1 er mars 2006 à
l'Assemblée législative, le Président Kirc hner a formellement invité le Président
uruguayen Vázquez à continuer à rechercher un règlement du différend, sur la base de la
suspension pour 90 jours des travaux de construction des usines dans l'attente d'une étude
indépendante d'impact sur l'environnement. 144
2.81 Le même jour, le pouvoir exéc utif argentin a présenté le Mémoire sur
l'état de la Nation 2005 dans lequel il confirme la position constante de l'Argentine qui
n'a jamais cessé de dénoncer les violations uruguayennes des obligations découlant de
l'article 7 et suivants du Statut de 1975 et offre un démenti supplémentaire à la thèse de
l'Uruguay. On lit dans le volet relatif à l'environnement du Mémoire 2005 :
"Dans le cadre de la contro verse entre l’Argentine et l’ Uruguay relative aux projets
d’installation de deux usines industrielles de production de pâte a papier sur la rive
gauche du fleuve Uruguay, et afin d’éviter son aggravation découlant de l’autorisation
unilatérale uruguayenne octroyée à la deuxième usine – projetée par la société finlandaise
Botnia – au début du mois de mai 2005, les Présidents des deux pays ont accordé
d’établir un Groupe Technique Bilatéral de Haut Niveau – le GTAN - , qui mènerait les
négociations pendant 180 jours afin de trou ver une solution à la controverse sous la
supervision des Ministères des Affaires Ét rangères des deux pays. Au sein du Groupe,
ayant démarré ses activités le 3 août 2005, la partie argentine a requis à l’Uruguay, de
manière réitérée, des informations appropri ées et complètes, concernant les usines
projetées, permettant, notamment, de comprendre la raison de la zone choisie pour leur
localisation et de déterminer de manièr e objective et vraisemblable l’impact
transfrontalier cumulé pouvant se produire sur l’écosystème associé au fleuve Uruguay.
144Message du Président Nést or Kirchner à l'Assemblée législative, 1er mars 2006. An nexes, livre VII,
annexe 13.
58 Ces demandes n’ont pas été prises en compte . Le 30 janvier 2006, après six mois de
négociations, le GTAN a conclu ses activités sans avoir pu atteindre un consensus. " 145
Dans la partie relative à la relation avec l'Uruguay, le Mémoire poursuit:
"Pendant l´année 2005, s´es t aggravé le différend qui oppose l´Argentine avec
l´Uruguay pour la installation des usines industrielles de production de pâte a
papier et ses installations connexes sur la rive gauche du fleuve Uruguay, cour
fluviale partagé entre les de ux pays. Le premier motif de cette aggravation a été
la nouvelle autorisation unilatéral, en violation du Statut du fleuve Uruguay, que
l´Uruguay a octroyé a une seconde usine, projeté pour l´entreprise finnoise
Metso-Botnia, qui duplique la capacité qu’avait été autorisé aussi de façon
unilatérale a la fin de année 2003 a l´en treprise espagnole Ence. Une troisième
autorisation unilatéral celle aussi en violation du Statut du fleuve Uruguay, s´est
produit dans le mois de jui llet, cette fois par rapport au projet de une terminal
portuaire connexe a la seconde usine. Dans tous les cas, l´Uruguay a ignoré les
demandes réitérés d´information et de su spension des projets que l´Argentine l´a
formulé, soit a niveau de la Commission d´administration du fleuve Uruguay soit
au niveau des gouvernements, avec l´objet de pouvoir fa ire un étude objectif et
certain de l´impact environnemental tr ansfrontalier accumulé que les ouvrages
projetés pourraient produire sur l’ écos ystème associé au fl euve Uruguay. Avec
l´intention d’essayer de régler cette aggr avation du différend, les Présidents des
deux pays ont décidé la création d´un Groupe de Haut Niveau, qui a commencé
ses travaux dans le mois de août. Au moment de la préparation de cette Mémoire,
en décembre 2005, l´intransi geance de la Délégation Uruguayenne au sein du
Groupe pour donner de l´information co mplète et pertinente sur les projets,
malgré les demandes réitérés de sa contrepartie argentine, affectait les
possibilités de146´on puisse atteindre un a ccord dans le cour de cette instance de
négociation."
Enfin, le Mémoire résume la situation au sein de la CARU de la manière suivante:
"Dans la Commission d´administration du fleuve Uruguay (CARU) s´est suscité
un nouveaux différend en raison de l´ autorisation unilatérale que l´Uruguay a
octroyé, en violation du mécanisme d´information et consultation préalable prévu
dans le Statut du fleuve Uruguay, a une terminal portuair e connexe a une des
usines industrielles de production de pâte a papier – projeté sur la rive gauche de
ce cour d´eau transfrontalier– aussi en violation du Statut. Ce différend a été mis
147
a considération des respectifs Gouvernements"
145
Présidence de la Nation, Derection [Jefatura] du cabinet des ministres, Mémoire détaillé sur l'état de la
Nation 2005, Buenos Aires, 1 mars 2006, p. 83. Annexes, livre VII, annexe 21.
146 Ibid., p. 110.
147Ibid., p. 130.
592.82 Le 11 mars 2006 à Santiago de Chili, lors de sa rencontre avec le Président
Kirchner, le Président Vázquez a demandé aux entreprises ENCE et Botnia de suspendre
la construction des usines, 148 afin de permettre la conclusion d'un accord bilatéral. ENCE
accepta cette suspension pour 90 jours, alors que Botnia, après avoir initialement fait de
même, a refusé par la suite d'y procéder, et s'est bornée à une "suspension" de 10 jours
149
qui coïncidait avec la semaine des vacances de Pâques en Uruguay. Un accord était en
train d’être parachevé entre les deux pays pour cons tituer une commission d'experts
indépendants afin qu'elle produise une étude globale et indépendante de l’impact cumulé
des deux usines sur l'environne ment transfrontalier et prop ose les mesures à adopter en
150
conséquence. Du fait du refus de Botnia, la ré union à niveau présidentiel prévue à
Anchorena (Uruguay) pour formaliser cet accord n'a pas pu avoir lieu. 151 Le 6 avril 2006,
le Gouvernement uruguayen a déclaré "terminées les négociations directes avec le pays
152
voisin".
2.83 Durant le même mois d'avril, des ra pports de presse ont fait état d'un
projet d'installation d'une troisième usine de pâte à papier su r l'un des affluents du fleuve
153
Uruguay par la compagnie Stora-Enso.
148Présidence, République orientale de l'Uruguay, "Possi ble solution sur les usin es de cellulose à Fray
Bentos", 11 mars 2006, disponible sur:
149tp://www.presidencia.gub.uy/_web/noticias/2006/03/2006031101.htm. Annexes, livre VI, annexe 9.
Communiqués de Botnia du 26 mars 2006, d'ENCE du 28 ma rs 2006 et de Botnia du 4 avril 2006.
Annexes, livre VI, annexe 8.
150Projet de Déclaration présidentielle commune sur la préservation intégrale du fleuve Uruguay et de son
151système (Déclaration d'Anchorena), 3 avril 2006. Annexes, livre VII, annexe 14.
Ministère des affaires étrangères (Uruguay), "Diffé rend sur les usines de ce llulose : réunion Vázquez-
Kirchner a été pour le moment reportée ", 4 avril 2006,
http://www.mrree.gub.uy/mrree/Prensa/informacion0106.htm. Annexes, livre VI, annexe 10.
152
Présidence, République orientale de l'Uruguay, "Uruguay demande une réun ion du Mercosur ; il
remettra une lettre au Tribunal de La Haye", 7 avril 2006,
http://www.presidencia.gub.uy/_web/noticias/2006/04/2006040704.htm. Annexes, livre VI, annexe 11.
153Annexes, livre VI, annexe 12.
60 Section VII
La saisine de la Cour par l'Argentine et l'aggravation ultérieure du différend par
l'Uruguay
2.84 Le 4 mai 2006, l'Argentine déposa une requête introductive de la présente
instance et demanda en même temps à la Cour d'ordonner des mesures conservatoires. Le
13 juillet 2006, la Cour délivra une ordonnance à propos de cette demande 15.
2.85 Le 24 août 2006, l'Uruguay a autorisé la mise en service du terminal
155
portuaire de l’usine Orion. L'Uruguay a informé la Délégation argentine à la CARU de
cette autorisation le 4 septembre 2006. 156 Au moment où cette information a été donnée,
le terminal portuaire était déjà en activité . L'Argentine a considéré que cela constituait
une nouvelle violation de l'obliga tion de suivre la procédure de s articles 7 et suivants du
Statut de 1975 et était au su rplus en contradiction flagra nte avec la recommandation
adressée par la Cour aux parties au paragrap he 82 de son ordonnance du 13 juillet 2006
de s'abstenir de tout acte qui risquerait de rendre plus difficile le règlement du différend
et de mettre en Œuvre de bo nne foi les procédures de cons ultation et de coopération
prévues par le Statut de 1975. 157
2.86 Le 12 septembre 2006, l'Uruguay a autorisé Botnia à prélever et utiliser les
158
eaux du fleuve Uruguay à des fins industrielles. Le 17 octobre 2006, la Délégation
uruguayenne s’a limité a transmettre a titre informatif le texte de cette résolution à la
CARU, sans respecter la procédure du Statut. L'Argentine a considéré que cela constituait
une nouvelle violation de l'obliga tion de suivre la procédure de s articles 7 et suivants du
Statut de 1975 et étai t également en contradiction avec la demande faite par la Cour aux
159
parties dans son ordonnance du 13 juillet 2006.
154Ordonnance, 13 juillet 2006, usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay.
155
156DINAMA, Résolution R/DN/100/2006 du 24 août 2006. Annexes, livre VII, annexe 15.
Note CARU-ROU N° 023/06 du 4 septembre 2006. Annexes, livre III, annexe 37.
157Annexes, livre III, annexes 33 et 41.
158Résolution du Ministère des transports et des travaux publics du 12 septembre 2006. Annexes, livre VII,
annexe 16.
159
Note du Ministère argenter des affaires étrangères, commerce international et culte à l'Ambassade
d'Uruguay en Argentine du 1 novembre 2006, Annexes, livre II, annexe 33.
612.87 Le 21 septembre, ENCE a annoncé qu'elle renonçait à construire son usine
CMB à l'emplacement prévu et qu'elle se prop osait de relocaliser cette usine, sans
préciser pour autant le nouvel emplacement prévu. Le président de cette compagnie a
tenu sa conférence de presse au siège de la Présidence de la République orientale de
l'Uruguay. Pour fonder sa décision, le président d'ENCE a affirmé :
"Nous allons rélocaliser [l'usine] parce qu'il est industriellement impossible de
construire à Fray Bentos deux usines comme celles qui sont projetées".160
2.88 Le 3 octobre 2006, l'Argentine dema nda à l'Uruguay des informations
relatives à l'évaluation de l'impact sur l'en vironnement de l'installation par la société
ISUSA d'une usine de sulfure dans la locali té d'Agraciada (Dépar tement de Soriano),
dont la production sera destinée à l'usin e Orion. L'Argentine demanda également à
l'Uruguay de saisir la CARU au sujet de ce projet. 161 L'Uruguay a répondu en déclarant
cette demande irrecevable. 162
Section VIII
Conclusions
2.89 A partir de la description des faits précédente on peut conclure que:
a) L'Uruguay avait pleine connaissance du fait que la CARU était compétente
pour connaître des projets CMB et Orion ;
160
Conférence de presse du Président d'ENCE, M. Juan Luis Arreghi, et du conseil exécutif de l'entreprise,
M. Pedro Oyarzábal, Montevideo, 21 septembre de 2006, Annexes, livre VI, annexe 1. V. aussi supra,
Introduction, par. 0.5.
161Note 177/2006 de l'Ambassade de l'Argentine en Uruguay au Mini stre des affaires étrangères de
l'Uruguay, 3 octobre 2006. Annexes, livre II, annexe 8.
162
Note DGAP3/184/06 du 9 octobre 2006, Annexe, livre II, annexe 8.
62b) L'Uruguay a délibérément décidé de ne pas soumettre les projets des usines
de pâte à papier et ses in stallations connexes à la pr océdure du chapitre II du
Statut de 1975 ;
c) Après l'autorisation uruguayenne du projet CMB le 9 octobre 2003, un
différend a opposé les parties au sujet de la compétence de la CARU pour
connaître du projet CMB, l'Argentine invoquant cette compétence, l'Uruguay
la rejetant ;
d) Le 2 mars 2004, l'Uruguay reconnais sant la compétence de la CARU s´est
engagé a soumettre à la Commission la documentation relative au projet
CMB.
e) L'Uruguay n'a pas transmis l’in formation promis, au mépris de
l'arrangement du 2 mars 2004 ;
f) Si l'Uruguay avait tenu cet engagement, le différend aurait pu être réglé. Au
contraire, l'Uruguay a aggravé le différ end par de nouvelles autorisations non
conformes à l'article 7 du Statut: celles relatives à la construction de l'usine
Orion, à la construction du port pour cette usine, à la mise en service de celui-
ci et au prélèvement et utilisation de l'eau du fleuve Uruguay par Botnia ;
g) L'Argentine a protesté contre les agissements du défendeur et elle a
toujours maintenu sa position ;
h) L'Uruguay, a plusieurs reprises, a reconnu que son comportement n'était
pas conforme à ce qui est prescrit par le Statut de 1975.
63 CHAPITRE III
LE DROIT APPLICABLE – LE STATUT DE 1975
653.1 Le Statut du fleuve Uruguay conc lu le 26 février 1975 à Salto fonde le
socle des droits et obligations relatifs à la gestion et à la protectio n du fleuve Uruguay.
Deux clauses de renvoi à des conventions et autr es instruments sont prévues par le Statut
de 1975 (articles 1 eret 41 a) du Statut de 1975).
3.2 Le droit applicable en l’espèce sera présenté. Le champ et le contenu du
droit applicable ont des contours particuliers. Tout d’abord, le Statut de 1975 – sur lequel
repose principalement le droit applicable – es t un instrument négocié et conclu dans un
contexte particulier (Section I) qui reflète le s spécificités du régime juridique du fleuve
Uruguay. Ensuite, la particularité des contours du droit applicable au présent différend se
manifeste dans l’originalité du régime de gestion, de coopération et de protection institué
par le Statut de 1975 (Section II). Enfin, la na ture particulière du droit applicable a trait à
la nécessité d’interpréter et d’appliquer le St atut de 1975 à la lumière des principes et
règles du droit international relatifs aux cours d’eau intern ationaux et à la protection de
l’environnement (Section III).
Section I
Le Statut de 1975 est un instrument négocié et conclu
dans un contexte particulier
3.3 Le fleuve Uruguay fait l’ objet d’une réglementation spécifique au travers
du Statut de 1975 signé à Salto le 26 févrie r 1975 et entré en vigueur le 18 septembre
163
1976. Le Statut de 1975 a été négocié et conc lu dans un contexte caractérisé par des
liens étroits d’amitié et de coopération en tre l’Argentine et l’Ur uguay. Cet esprit de
coopération étroite se reflète dans les nomb reux instruments juridi ques adoptés par les
163Statut du fleuve Uruguay, 26 février 1975, Nations Unies, Recueil des traités , livre1295, pp.348-355,
Annexes, livre II, annexe 2.
67 164
deux Etats. Ainsi en est-il du Traité rela tif à la frontière sur l’Uruguay de 1961 , du
165
Traité du bassin du Ri o de la Plata de 1969 , de la Déclaration argentino-uruguayenne
166
sur les ressources en eau de 1971 et du Traité relatif au Rio de la Plata et à sa façade
maritime de 1973 (ci-après le « Traité de 1973 »). 167 Ces instruments permettent de saisir
le sens et la pratique des droits et obligations prévus par le Statut de 1975.
3.4 Le Statut de 1975 entretient des li ens particuliers avec ces instruments
juridiques. Si le Traité relatif à la frontière sur l’Uruguay de 1961 (ci-après le « Traité de
1961») en constitue le socle primaire (A), il n’en demeure pas moins que le Statut de
1975 est un véritable réceptacle des valeurs et de des principes juridiques en matière de
coopération, de gestion et de protection des cours d’eau internationaux (B).
A. DU TRAITE DE 1961 AU STATUT DE 1975
3.5 Le Statut de 1975 a été adopté en application des dispositions de l’article 7
du Traité relatif à la frontière sur l’Uruguay de 1961. Ces deux instruments fixent chacun
168
les contours de la « communauté d’intérêts et de droits » qui régit le fleuve Uruguay et
se complètent mutuellement.
1 § Le Traité de 1961, instrument emblématique de la
coopération entre l’Uruguay et l’Argentine
164
Traité relatif à la frontière sur l’ Uruguay, 7 avril 196 1, Nations Unies, Recueil des traités , vol. 635,
pp.98-109, Annexes, livre II, annexe 1.
165Traité du bassin du Rio de la Pl ata, (Républiques d’Argentine, de Bolivie, du Brésil, du Paraguay et de
l’Uruguay), 23 avril 1969, Nations Unies, Recueil des traités, vol.875, pp.14-16, Annexes, livre II, annexe
166
Déclaration sur les ressources en eau, 9 juillet 1971, Arge ntine – Uruguay, Annexes, livre II, annexe
11.
167Traité relatif au Rio de la Plata et à sa façade maritime, 19 novembre 1973, Nations Unies, Recueil des
Traités, vol.1295, p.319-330, Annexes, livre II, annexe 5.
168
Affaire relative au Projet Gabcíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt du 25 septembre 1997, C.I.J.
Recueil, 1997, p.56, par.85.
683.6 Le Traité de 1961 délimite la fr ontière sur le fleuve Uruguay entre
l’Argentine et l’Uruguay. Les articles 1 er à 4 du Traité de 1961 sont consacrés à la
délimitation du fleuve Uruguay et à l’attribution des îles et îlots à chacun des deux Etats
riverains. Prenant en compte la délimitation , ce Traité définit également les compétences
169 170
des deux Etats et énonce des obligations relatives à la navigation.
3.7 Bien qu’étant un instrument à vocation de délimitation d’une frontière sur
un cours d’eau international, le Traité de 1961 vise à poser les jalons d’une utilisation et
d’une gestion communes des eaux du fleuve Ur uguay. Le Traité de 1961 transcende la
logique de «coexiste nce » pour promouvoir uti singuli celle de «coopération» et
approfondit les principes généraux de bon voisinage entre Etats riverains d’un même
171
cours d’eau international.
3.8 Ce souci d’établir une coopération étroite entre l’Argentine et l’Uruguay et
de prendre en considération les particularités du fleuve Uruguay imprègnent l’esprit et la
teneur du Traité de 1961. Ainsi le préambul e du Traité de 1961 proclame notamment la
volonté commune des deux Et ats de prendre en considér ation les intérêts et les
aspirations de part et d’autre:
«Les Gouvernements de la République d’Argentine et de la République
Orientale de l’Uruguay, animés par une commune volonté de resserrer les
liens étroits et indestructibles d’affection et d’amitié qui ont toujours existé
entre leurs peuples respectifs, ont d écidé de régler définitivement la
question du tracé de leur frontièr e commune sur l’Uruguay. Les deux
Gouvernements, considérant qu’il impo rte de tenir compte, pour réaliser
169
Articles 8-10 du Traité de 1961.
170Articles 5 et 6 du Traité de 1961.
171Sur le concept de voisinage, voir la se ntence du 17 juillet 1986 relativeFiletage dans le golfe du
Saint-Laurent. Dans cette sentence le Tribunal a indiqué :
«Si le concept de voisinage es t généralement utilisé en vuede désigner une situation de
proximité géographique, il est plus spécifiqu ement utilisé dans le langage juridique pour
qualifier des situations de pr oximité qui, à peind’engendrer des frictions continuelles,
appellent une collaboration contin ue au bénéfice des nationau x ou des services publics de
deux ou de plusieurs Etats do nt les activités s’interpénèrent dans un même espace
géographique. Tel est le cas pa r exemple de l’utilisation des eaux d’un même bassin fluvial,
de la prévention de la pollution, du régime des travailleurs fron taliers ou de certaines zones
douanières ».
Affaire relative au Filetage dans le Golfe du Saint-Laurent (France/Canada), décision du 17 juillet 1986,
Revue générale de droit international public, 1986, p.732, par.22.
69 cette délimitation, non seulement des droits identiques des deux pays sur la
partie considérée du fleuve […] d écident d’adopter pour frontière une
ligne à caractère mixte, qui ti enne compte des particularités
susmentionnées et en même temps donne le maximum de satisfaction aux
aspirations et intérêts des deux Etats contractants ». 172
3.9 Pour donner un contenu juridique à la «communauté d’intérêts»
consacrée dans le Préambule, l’article 7 du Trai té de 1961 prévoit l’obligation d’élaborer
d’un commun accord un «Code de l’utilisatio n du fleuve Uruguay». Ce code devait
contenir les éléments suivants :
«a) réglementation commune et uni forme pour la sécurité de la
navigation; b) régime de pilotage respectant les pratiques actuelles; c)
réglementation du dragage et de l’entretien du balisage, conformément aux
dispositions de l’article 6; d) facilités réciproque s pour l’établissement de
levés hydrographiques et d’autres études relatives au fleuve; e)
dispositions concernant la conserva tion des ressources biologiques ; f)
dispositions concernant la prévention de la pollution des eaux ».
3.10 E. Gonzalez Lapeyre et Y. Flangini (ci-après, Lapeyre et Flangini) dans un
livre emblématique dénommé «El Estatu to del Río Uruguay» ont retracé les
circonstances ayant entouré l’adoption du Traité de 1961 et décrivent en profondeur son
contenu. Ils citent le juge Jimenez de Arec haga, celui-ci ayant souligné l’importance de
l’article 7 dans la structure du Traité de 1961 en tant qu e disposition qui vise
l’uniformisation des comporte ments des deux parties et la sécurisation du régime
juridique du fleuve Uruguay. 173Il apparaît donc que l’inte ntion manifeste des parties au
Traité de 1961 était d’établir un régime de coopération très étroite. Cette intention ne
restera pas au stade d’un vŒu pieux puisque le «Code de l’ut ilisation du fleuve
Uruguay» sera adopté sous la forme d’un st atut, en l’occurrence le Statut du fleuve
Uruguay de 1975.
172Italiques ajoutés.Voir Annexes, livre II, annexe 1.
173«Ceci implique évidemment un grand progrès, car il suppose que ctype de règlem ents uniformes
doivent être dictés dans l’avenir à travers l’accord des riverains. Cela ira dans l’intérêt commun puisque
l’uniformité et la certitude quau régime juridique applicable sula totalité du cours navigable d’un
fleuve constituent la condition essentielle de sa navigation aisée et sure. Cette uniformité ne peut être que le
résultat de l’accord entre les riverains »
E. G. Lapeyre et Y. Flangini, El Estatuto del Rio Uruguay , Ediciones Juridicas Am anlio M. Fernandez,
Montevideo, 1983, pp.71-72, Annexes, livre VII, annexe 1.
70 2 § Historique du Statut de 1975
3.11 Les négociations relatives à la conclu sion du Statut du fleuve Uruguay de
174
1975 sont retracées dans le livre de Lapeyre et Flangini susmentionné. Ce livre dont les
deux auteurs ont participé à la négociation du Statut, joue un rôle important pour éclairer
les circonstances et les négociations ayant entouré le Statut. Ce rôle est d’ailleurs
175
confirmé par l’achat de plusieurs copies de ce livre par la CARU en 1983.
3.12 Les négociations sur le Statut du fleuve Uruguay ont débuté en 1969.
Toutefois, du fait du climat de confiance mutuelle instauré dès le début des travaux,
l’Argentine et l’Uruguay ont préféré se con centrer d’abord sur l’él aboration du Traité
portant sur le Rio de la Plata et la façade maritime. Celui-ci a été adopté le 19 novembre
1973.
3.13 Suite à l’adoption du Traité du Rio de la Plata, les négociations relatives
au Statut du fleuve Uruguay ont repris. Elle s ont duré deux ans, de 1973 à 1975. Ces
négociations ont été marquées par le même es prit de confiance mutuelle que celui qui
avait caractérisé l’élaboration du Traité du Ri o de la Plata. Cela d’autant plus que les
négociateurs argentins et uruguayens ont ét é les mêmes pour les deux traités. Les
négociations ont pris fin le 26 février 1975 avec la signature du Statut du fleuve Uruguay
à Salto par les chanceliers des deux Etats, Juan Carlos Blanco et Alberto Vignes.
3.14 Le Statut du fleuve Uruguay a été approuvé par le Parlement argentin dans
la Loi 21.413 du 9 septembre 1976, et par le Conseil d’Etat uruguayen dans la Loi 19.769
du 4 mai 1976. Comme l’indique la note qui accompagne l’approbation du Statut du
fleuve Uruguay par le Conseil d’Etat de l’Uruguay:
« I. Ce statut a été établi d'après les dispositi ons de l'article 7 du Traité des limites sur le
fleuve Uruguay, du 7 avril 1961, ratifié par la République le 19 ja nvier 1966 et ayant
174Ibid. pp.72-73.
175
CARU, Procès-verbaux N°5/83, Résolution 16/83 du 10 juin 1983, pp.337-338, Annexes, livre III,
annexe 43.
71 comme objet d'établir les mécanismes communs indispensables à l'utilisation intégrale du
fleuve Uruguay par les deux Parties contractan tes, ainsi qu'à éclaircir avec précision
quelques aspects juridictionnels n'étant pas déterminés par le s critères prévus dans le
Traité des Limites de 1961. II.- Il faut s ouligner l'influence exer cée dans la présente
Convention par les solutions adoptées dans le Traité du Río de la Plata et sa façade
maritime du 19 novembre 1973.
Il pourrait être affirmé que cette influence a été projetée, notamment, sur le plan spirituel
et sur le plan technique. Sur le plan spirituel parce que les négociateurs ont agi dans une
ambiance particulière de cordialité consolidée au cours de s négociations de ce Traité et,
sur le plan technique, parce qu'ils ont essayé de transférer au fleuve Uruguay, dans le
cadre établi par le Traité des Limites de 1 961, les solutions envisagées dans les règles
conventionnelles concernant le Río de la Plat a, mais, en les adaptant aux caractéristiques
176
spéciales de notre fleuve homonyme ».
3.15 La note du gouvernement qui accompa gne le projet de loi 21.413 de
l’Argentine souligne également les relations entre le Statut du fleuve Uruguay et le Traité
relatif à la frontière de 1961. La note affirme :
«Le traité de 1961, a fixé les limites entr e les deux pays sur le tronçon du fleuve
Uruguay qui constitue la frontière. Le Stat ut le complète, car il fixe les normes
nécessaires à la régulation des différentes activités qui se développent sur ledit
territoire fluvial, en tenant compte de ses caractéristiques spéciales et en s’inspirant,
tel que le dit son préambule, de l’esprit fr aternel qui a animé le Traité du Río de la
177
Plata et de sa façade maritime, signé à Montevideo le 19 novembre1973 ».
3.16 Le Statut de 1975 prévoit et défi nit des obligations strictes quant à
l’utilisation et à la protection du fleuve Uruguay. La négociation de cet accord s’est
réalisée dans un court laps de temps et cela grâce à la confiance r éciproque qui prévalait
entre les parties. Elle témoigne du souci permanent (depuis 1961) d’élaborer un régime
strict et prévisible de droits et obligatio ns en matière de coopération sur le fleuve
Uruguay.
176
Diario de sesiones del Consejo de Estado, 183 sesion oridinaria, 26 avril 1976, p. 164, Annexes, livre
177 annexe 3.
ADLA XXXVI-D, Ley 21.413, pp.2802-2803, Annexes, livre II, annexe 4.
72 B. LE CONTEXT RÉGIONAL DE RÉGLEMENTATION DE LA GESTION DES
COURS D’EAU INTERNATIONAUX ET LE STATUT DE 1975
3.17 L’adoption du Statut de 1975 s’in scrit dans le prolongement de la
conclusion de plusieurs instruments régionaux et bilatéraux relatifs à des cours d’eau
internationaux. Le Traité du bassin du Rio de la Plata de 1969, la Déclaration argentino-
uruguayenne de 1971 et le Traité du Rio de la Plata et sa façade maritime de 1973
illustrent pleinement la volonté constante de l’Argentine et de l’Uruguay de façonner un
régime juridique international sur les cours d’eau dont ils sont tous deux riverains. Ainsi,
ces instruments aident à mieux comprendre le contexte particulier qui a entouré
l’adoption du Statut de 1975.
1 § Le Traité du bassin du Rio de la Plata de 1969
3.18 Le Traité du bassin du Rio de la Plat a (ci-après le «Traité de 1969»)
contribue à la compréhension du régime du fleuve Uruguay pu isqu’il représente l’un des
premiers efforts des Etats de la région du Plata (à savoir l’Argentine, la Bolivie, le Brésil,
le Paraguay et l’Uruguay) visant à étab lir des institutions co mmunes de gestion de
ressources en eau. Un organe spécifique perm anent, le « Comité intergouvernemental de
178
coordination des pays du bassin du Rio de la Plata» est constitué pour promouvoir,
coordonner et suivre les activités internat ionales ayant pour ob jet le développement
intégré du bassin du Rio de la Plata. Le ma ndat de ce comité démontre l’attachement des
Etats du bassin du Rio de la Plata à l’étab lissement de mécanismes institutionnels de
gestion commune d’un fleuve international.
178En février 1967, les mini stres des affaires étrangères des Etats susmentionnés se sont réunis à
Buenos Aires et ils ont adopté une Déclaration commune créant un Comité intergouvernemental de
coordination. La deuxième réunion de s ministres des affaires étrangères des pays riverains du Rio de la
Plata s'est tenue à Santa Cruz de la Sierra en mai 1968. La réunion a adop té l'« Acte de Santa Cruz de la
Sierra » et le statut du Comitéintergouvernemental de coordination . Sur ce point, voir: «Problèmes
juridiques posés par les utilisations des voies d'eau internationades fins autres que la navigation :
rapport supplémentaire du Secrétaire général» , Annuaire de la Commissi on du droit international , 1974,
vol. II (2artie), p.354.
733.19 L’importance du Traité de 1969 se situ e également à un niveau « spatial »
(ratione loci). En effet, les Etats de la région du Pl ata ont décidé de retenir du Rio de la
Plata une acception large qui inclut le « bassin du Rio de la Plata et des zones où il exerce
179
une influence directe et sensible ». L’utilisation de cette terminologie révèle la volonté
des Etats de la région du Plat a d’inclure dans le champ d’ap plication du Traité une aire
géographique large. Il est utile à ce propos d’ observer que l’article I du Traité du bassin
du Rio de la Plata indique que les Parties contractantes :
«encourageront, à l’intérieur du ba ssin, (…) la formulation des accords
operatifs et des instruments juridiques qu’elles estimeront nécessaires en
vue de : a) faciliter la navigation et fournir une assistance en la matière ; b)
utiliser rationnellement les ressources en eau, en particulier en régularisant
les cours d’eau et en assurant leur ex ploitation multiple et équitable; c)
préserver et favoriser la vie animale et végétale ».
3.20 Cette terminologie a influencé les accords conclus en 1973 et en 1975
relatifs respectivement au Rio de la Plata et au fleuve Uruguay.
3.21 Le Statut de 1975 s’inscrit dans le prolongement du Tra ité du bassin du
Rio de la Plata de 1969 qui met en exergue l’engagement des Etats de la région du Plata à
favoriser la création d’institutions communes de gestion des ressources en eau. En outre,
le Traité de 1969 met en lumière l’attachement de ces Etats à la notion de « bassin » d’un
cours d’eau international.
2 § La Déclaration argentino-uruguayenne sur les ressources en eau de 1971
3.22 En 1971, peu avant la Conférence de s Nations Unies sur l’environnement
humain de Stockholm réunie en 1972, l’ Argentine et l’Uruguay adoptèrent une
Déclaration sur les ressources en eau. C’est da ns le cadre de cette déclaration que des
traités bilatéraux spécifiques pour le Rio de la Plata et le fleuve Uruguay, ont été signés
respectivement en 1973 et en 1975. 180
179
180Article I du Traité du bassin du Rio de la Plata de 1969, Annexes, livre II, annexe 10.
CR 2006/46, para.6 (Cerutti).
743.23 Le préambule de la Déclaration de 1971 indique que les deux Etats :
«ont déjà entrepris l´utilisation du fleuve Uruguay, tel qu´il a été décidé dans le
chronogramme en application pour le barrage de Salto Grande, de même que
dans les travaux communs préliminaires pour l´élaboration du Statut du Fleuve
Uruguay, ce qui est un témoi gnage concret de la profonde entente et de l´étroite
collaboration entre les deux parties. ».
3.24 En outre, l’Argentine et l’Uruguay expriment leur accord quant aux
principes fondamentaux qui doivent régir les utilisations des cours d’eau internationaux.
Les deux États affirment :
«Les deux ministres déclarent leur coïnci dence sur les principes de base suivants,
applicables au régime d´utilisation des fleuves internationaux et de leurs affluents:
1. L´utilisation des eaux fluviales se ra réalisée de façon équitable et
raisonnable.
2. Toutes les formes de pollution de s fleuves internationaux et de leurs
affluents seront évitées, de même que seront préservées toutes les
ressources écologiques dans les zones de leurs juridictions respectives.
3. Lorsqu´un État envisage de réalis er une utilisation de la ressource il
fournira préalablement aux États conc ernés le projet des travaux et le
programme d´opération ainsi que tout e autre donnée leur permettant de
déterminer les effets qu´auront ces travaux sur le territoire de ces Etats.
4. La partie requise est tenue de co mmuniquer, dans un délai raisonnable,
s´il y a des aspects dans le projet ou le programme d´opération pouvant
entraîner des préjudices sensibles. Dans ce cas, elle indiquera les raisons
techniques et de calcul sur lesquelles elle s´est basée ou les suggestions de
modification du projet ou du programme d´opérati on notifié, destinées à
éviter ce préjudice.
5. Les différends éventuellement suscités pour cette raison seront soumis à
la décision d´une Commission Technique Mixte. En cas de désaccord entre
les experts techniques, ceux-ci sont tenus de présenter un rapport à leurs
Gouvernements en exprimant leurs avis. Les Gouvernements chercheront à
trouver une solution par la voie diplomatique ou par un autre moyen qu´ils
conviendront, en veillant toujours à trouver une solution amicale et
équitable ».
3.25 La Déclaration de 1971 témoigne de l’accord entre l’Argentine et
l’Uruguay sur les principes qui gouvernent l’ utilisation des ressources en eau, à savoir
181
Déclaration argentino-uruguayenne sur les ressources en eau de 1971, Annexes, livre II, annexe 11.
75l’utilisation équitable et raisonnable, la co nservation des ressourc es écologiques, les
obligations d’information et de consultation en vue de parvenir à un accord préalable. Ces
principes constituent les piliers fondamentaux du régime de coopération entre l’Argentine
et l’Uruguay sur le fleuve Uruguay.
3 § Le Traité du Rio de la Plata de 1973
3.26 Le Traité du Rio de la Plata de 1973 a joué un rôle très important dans
l’élaboration de la réglementation du fleuve Uruguay. Le Statut de 1975 mentionne cet
instrument en affirmant que les régimes sur les deux fleuves sont animés par le même
esprit fraternel.182Certaines des dispositions du Traité du Rio de la Plata de 1973 sont
reprises par le Statut de 1975. En outre, les deux instruments donnent un rôle significatif
à la Cour internationale de Justice dans la préservation du régime établi.
3.27 Le Traité de 1973 prévoit, comme le Statut de 1975, que lorsque les
Parties n’aboutissent pas à un accord quant à la réalisation d’un ouvrage qui peut causer
un préjudice sensible aux eaux du fleuve concerné, l’une ou l’au tre des Parties peut
183
soumettre le différend à la Cour internationale de Justice. En outre, le Traité du Rio de
la Plata institue une Commission d’administrati on dont les compétences sont semblables
184
à celles de la Commission d’administration du fleuve Uruguay.
3.28 Toutefois il faut souligner que le Statut de 1975 du fleuve Uruguay établit
un mécanisme de notification et consultation en vue de pa rvenir à un accord préalable
plus exigeant que celui prévu par le Traité de 1973. Ce dernier prévoit que ce mécanisme
ne trouve application que pour les ouvrages qu i peuvent affecter la «navigation» ou le
«régime du fleuve». Le Statut de 1975 applique ledit mécani sme non seulement aux
ouvrages susceptibles d’affect er la «navigation» ou le «régime du fleuve» mais
182Le Préambule du Statut de 1975 prévoit :
«Le gouvernement de la Répu blique orientale de l’Uruguayet le Gouvernement de la
République Argentine, animés par l’esprit fraternel qui inspire le Traité concernant le Rio de
183 la Plata et sa façade maritime, signé à Montevideo le 19 novembre 1973 ».
184Voir les articles 22 et 69 du Traité du Rio de la Plata de 1973, et articles 12 et 60 du Statut de 1975.
Voir l’article 60 du Traité du Rio de la Plata de 1973 et l’article 56 du Statut de 1975.
76 185
également aux ouvrages pouvant affecter «la qualité des eaux» du fleuve Uruguay.
Par ailleurs, le Statut de 1975 a élargi le champ des obligations en prévoyant l’obligation
de protéger le fleuve Uruguay et ses « zones d’influence ».
3.29 Le Traité du bassin du Rio de la Plata de 1969 et le Traité relatif au Rio de
la Plata et à sa façade mariti me de 1973 démontrent l’enga gement de l’Argentine et de
l’Uruguay en faveur de la création de mécani smes communs de gestion et de protection
des ressources en eau et leur intention d’ad opter une approche large de la notion de
« fleuve ».
3.30 En outre, la Déclaration argentin o-uruguayenne de 1971 énonce les
principes fondamentaux en matière d’utilisati on et de protection d’ un cours d’eau. Tous
ces éléments illustrent et précis ent le contexte régional part iculier dans lequel l’adoption
du Statut du fleuve Uruguay de 1975 a eu lieu et permettent de saisir le sens des droits et
obligations prévus par ce Statut.
Section II
Le Statut de 1975, un instrument spécifique qui gouverne
le régime juridique du fleuve Uruguay
3.31 Le Statut de 1975 est composé de 63 arti cles répartis en 17 chapitres. Les
obligations du Statut de 19 75 forment un ensemble unit aire et interdépendant. Des
obligations de contenu plus procédural co mme la notification et la consultation
permettent la mise en Œuvre d’obligations à contenu substantiel co mme le principe de
l’utilisation équitable et raisonnable et le principe de ne pas causer un préjudice sensible.
Elles sont liées les unes aux autres. Dans le cadre des travaux de la Commission du droit
185Les négociateurs uruguayens M. Lapeyre et Flangini précisent à cet effet :
«En vertu du Statut du fleuve Uruguay, dansses articles 7 à 13, même s’ils s’inspirent de
ceux susmentionnés, [notamment le s articles 17 à 22 du Traité du Rio de la Plata de 1973],
l’on parvient à une solution enco re plus large. En effet la consultation porte non seulement
sur les éventuels préjudi ces sensibles pouvant nui re à la navigation ou le régime du fleuve,
sinon qui s’ ajoute également sur « la qualité de ses eaux ».
E. G. Lapeyre et Y. Flangini, op.cit., p.75. Annexes, livre VII, annexe 1.
77international (CDI) sur le droit relatif aux utilisations de cours d’eau internationaux à des
fins autres que la navigation, le rapporteur spécial S. C. McCaffrey a souligné, à ce
186
titre, que « les principes de fond et de procédure forment […] un tout intégré ».
3.32 La spécificité du Statut de 1975 se ressent à trois niveaux essentiels.
Primo, au niveau du régime novateur de «ge stion» commune qui en découle (A).
Secundo, au niveau du caractère exigeant du régi me de «coopération» institué par le
Statut (B). Tertio, au niveau du régime de «prot ection» qui résulte du champ des
obligations prévues par le Statut (C). A ces trois niveaux essentiels , apparaît un souci
constant : celui d’exclure toute utilisation et exploitation unilatérale du fleuve Uruguay.
A. UN RÉGIME JURIDIQUE DE GESTION NOVATEUR
3.33 Le Statut de 1975 prône la gestion commune du fleuve Uruguay. Grâce à
la création de la CARU et aux obligations destinées à prévenir les atteintes à la
navigation, au régime du fleuve et à la qualité des eaux, l’Ar gentine et l’Uruguay se sont
dotés d’un régime très développé de coopéra tion sur le fleuve Uruguay et ses zones
d’influence qui à maints égards fait montre d’innovation.
3.34 Le régime de gestion conjoint du fl euve Uruguay s’exprime au travers de
ses aspects matériel, spatial, fonctionnel et in stitutionnel. Ceux-ci montrent la spécificité
du régime juridique du fleuve Uruguay.
1 § La gestion commune et son expression matérielle :
le fleuve comme ressource naturelle partagée
186
Troisième rapport sur le droit rela tif aux utilisations de cours d’eau internationaux à dee fins autres que
la navigation de S. C. McCaffrey à la Commission du droit international, Annuaire de la CDI , vol. II (1
partie), 1987, A/CN.4/406, p.23, par.34.
783.35 L’Argentine et l’Uruguay ont exprimé dans le Statut de 1975 leur
intention d’appréhender le fleuve Uruguay comme une ressource naturelle partagée.
3.36 Le caractère partagé du fleuve Uruguay se manifeste dans la mise en place
d’institutions communes pour gérer ledit fleuve. L’article 1 er du Statut de 1975 insiste
d’ailleurs sur la nécessité d’établir des «mécanismes communs afin de garantir
l’utilisation rationnelle et op timale du fleuve Uruguay». 187 La CARU constitue
l’enceinte par excellence par laquelle se maté rialise une gestion co mmune, conjointe et
188
solidaire d’une ressource naturelle pa rtagée telle que le fleuve Uruguay. Cette gestion
solidaire est indispensable pour préserver l’ob jet et le but du Statut de 1975, à savoir
189
l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve Uruguay.
3.37 Le caractère partagé du fleuve Uruguay s’exprime également dans
l’imposition d’obligations internationales à l’Argentine et à l’Uruguay. Le Statut de 1975
proprement dit est un réceptacle des obligati ons internationales auxquelles sont soumis
les deux Etats et exclut tout privilège quelco nque d’un riverain au détriment d’un autre.
C’est le propre d’une ressource naturelle partagée d’être régie par des droits et
obligations internationaux pour en garantir l’util isation rationnelle et optimale par tous
les Etats concernés. Cette ut ilisation est nécessairement tributaire du respect des
obligations internationales prév ues expressément par le Statut de 1975 et des autres
obligations internationales auxquelles renvoient les articles 1 et 41 a) du Statut de 1975.
Aux termes de l’article 1er l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve doit se réaliser :
«dans le strict respect des droi ts et obligations découlant des
traités et autres engagements inte rnationaux en vigueur à l’égard
de l’une ou l’autre des Parties ».
L’article 41 a), quant à lui, affirme l’oblig ation des Parties d’adopter des normes et
mesures appropriées pour protéger et préserve r le milieu aquatique et en empêcher la
pollution :
187
Article 1 du Statut de 1975.
188Voir infra, par.3.54-3.60.
189Voir infra, par.3.48-3.53.
79 «conformément aux accords interna tionaux applicables et, le cas
échéant, en harmonie avec les dire ctives et les recommandations
des organismes techniques internationaux ».
3.38 Le « statut » de ressource naturelle partagée du fleuve Uruguay se reflète
enfin dans la soumission des utilisations nationales du fl euve à des fins ménagères,
sanitaires, industrielles et ag ricoles aux obligations prévues aux articles 7 à 12, lorsque
cette utilisation est suffi samment importante pour affecter le régime du fleuve ou la
190
qualité de ses eaux. Le droit de chaque Etat d’utiliser les eaux du fleuve à l’intérieur de
sa juridiction nationale est donc soumis au x obligations relatives à l’information, la
notification, la consultation et l’accord pr éalable, c'est-à-dire au mécanisme strict de
191
coopération établi par le Statut de 1975. Une telle approche confirme le rejet ou
l’exclusion de toute action unilatérale non conforme au Statut de 1975 qui dénaturerait le
caractère de ressource naturelle partagée du fleuve Uruguay et ses zones d’influence.
2 § La gestion commune et son expression spatiale :
la notion de fleuve et ses zones d’influence
3.39 Le Statut de 1975 inclut dans son régime de gestion commune le fleuve 192
et ses zones d’influence. Son champ d’application est large. Son article 13 indique que les
obligations prévues aux articles 7 à 12 du Stat ut de 1975 relatives à la saisine de la
CARU, à l’échange d’informations, à la notificat ion et consultation en vue de parvenir à
un accord préalable s’appliquent aussi à tous les ouvrages projetés par l’une des Parties
sur le fleuve Uruguay « en dehors de la part ie définie comme étant le fleuve et dans les
zones respectives d’influence des deux tronço ns», et donc égal ement sur le tronçon
argentino-brésilien du fleuve Uruguay. Ce la signifie concrètement que l'Argentine a
consenti à soumettre ses projets sur ce tronçon à la procédure du chapitre II du Statut de
190Article 27 du Statut de 1975, Annexes, livre II, annexe 2.
191
192Ce qui va à l’encontre de ce que soutient le Professeur Boyle : CR 2006/47, par.39 (Boyle). er
Selon l’article 2 du Statut de 1975 le « fleuve » est : « la part ie du fleuve Uruguay définie à l’article 1
du Traité de 1961 relatif à la frontière sur l’Uruguay». Annexes, livre II, annexe 2.
801975, permettant ainsi à la CARU et à l' Uruguay de se prononcer sur ceux-ci. Les
obligations de l’article 13 s’appliquent à « toute utilisation suffisamment importante pour
193
affecter le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux». Elles couvrent donc toute
activité répondant à ces condition s dans les espaces couverts par le Statut et notamment
ceux visés par l’article 13.
3.40 L’importance de l’article 13 été décr ite dans la note du gouvernement
argentin qui accompagne le projet de loi 21.413 :
« En conformité avec les buts suivis pa r le statut, et les principes du droit
international, les États signataires conviennent d’appliquer la même
procédure de consultation, a tout autre ouvrage à caractéristiques comme
celles mentionnées ou tout autre exploitation des eaux ayant une
importance suffisante comme pour aff ecter le régime du fleuve ou la
qualité de ses eaux, que l’une des Partie s projetait de réaliser sur le fleuve
Uruguay à l’intérieur de sa juridiction, mais hors du tronçon fluvial réglé
par le statut ou dans les respect ives zones d’influence des deux
tronçons ». 194
3.41 La même note poursuit en ces termes :
« Il serait difficile d’atteindre les but s fixés si les États, individuellement,
agissaient à l’intérieur des zone s d’influence de ce fleuve, en
méconnaissant l’étroite relation réci proque qui existe entre toutes les
parties d’un même système. Par conséq uent, et afin d’être cohérents avec
la position prise par les deux pays, le mécanisme est complété quand on
élargit la procédure de consultation préalable, aux ouvrages que n’importe
lequel des riverains entrep rend à l’intérieur de sa juridiction, dans les
zones d’influence du fleuve Uruguay qui est l’objet du statut, ainsi que sur
195
les autres tronçons du même fleuve, qui ne leur sont pas limitrophes. ».
3.42 Le sens et la portée de l’article 13 on t été précisés par J. Barberis lors des
rencontres technico-juridiques de la CARU te nues les 17 et 18 septembre 1987 ; l’article
13 :
193Article 29 du Statut de 1975.
194ADLA XXXVI-D, Ley 21.413, p.2803, (italiques ajoutés), Annexes, livre II, annexe 4.
195
Ibid. p.2805.
81 «La même procédure devrait être su ivie quand l´exécution des ouvrages
implique faire obstacle au déversement d´ un aquifère dans le fleuve ou si
quelqu´un propose d´installer sur un affluent du fleuve Uruguay une
industrie polluante, comme une tannerie ou celle destinée à la fabrication
196
de certains produits chimiques. ».
3.43 Le champ d’application spatial (ratione loci) du Statut de 1975 s’apprécie
tant au regard de la notion de «fleuve »que de celle de «zone d’influence». La
protection de ces espaces doit s’effectuer à l’aune des concepts de système des cours
d’eau internationaux et de bassin de drainage. La Commission du droit international dans
son rapport de 1980 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’ eau internationaux à
des fins autres que la navigation indique que :
«le cours d’eau international n’est pas un conduit par lequel l’eau est
acheminée à travers le territoire de deux ou plusieurs Etats. Bien qu’il soit
généralement et à juste titre consid éré pour l’essentiel comme étant le
tronc d’un fleuve qui traverse ou fo rme une frontière internationale, le
cours d’eau international est davantag e, car il fait partie de ce qu’il
convient, en définitive d’appeler un « système » ; il est constitué
d’éléments parmi lesquels figurent ou peuvent figurer non seulement des
fleuves et des rivières, mais d’autres éléments tels que des affluents, des
lacs, des canaux, des glaciers et des eaux souterraines qui, du fait de la
197
relation physique qui existe entre eux, forment un ensemble unitaire ».
3.44 La Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau
internationaux à des fins autr es que la navigation adoptée par l’Assemblée générale des
Nations Unies le 21 mai 1997 définit les cours d’eau comme :
«un système d’eaux de surface et d’eaux souterraines constituant, du fait
de leurs relations physiques, un en semble unitaire et aboutissant
normalement à un point d’arrivée commun ». 198
196J. Barberis lors des rencontretechnico-juridiques de la CARU, les 17 et 18 sept embre 1987, p.68,
(italiques ajoutés), Annexes, livre III, annexe 10.
197Deuxième rapport du rapporteur sp écial Schwebel sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau
internationaux à des fins autres qu e la navigation, Rapport de la Commi ssion du droit international sur les
travaux de sa trente-deuxième se ssion (5 mai – 25 juillet 1980Annuaire de la Commission du droit
international, 1980, vol. II (2e partie), p.102.
198Article 2 a) de la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins
autres que la navigation.
823.45 Le concept de bassin de drainage apporte plus spécifiquement un éclairage
à la notion de zone d’influence. Selon l’Association du droit international (ILA), le bassin
de drainage doit s’entendre d’une :
« zone géographique s’étendant sur de ux ou plusieurs Etats et déterminée
par les limites de l’aire d’alimen tation du réseau hydrographique, y
compris les eaux de surface et sout erraines aboutissant en un point
commun ». 199
3.46 Un rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de 2004
a souligné que :
«Le concept de bassin hydrographique s’ est imposé progressivement sur la scène
internationale depuis une cinquantaine d’an nées. Il s’agit de la zone dans laquelle
toutes les eaux de ruissellement convergent à travers un réseau de rivières, fleuves
et, éventuellement, de lacs vers la mer, dans laquelle elles se déversent par une
embouchure, un estuaire ou un delta uniques.
(…)
Le principe d’une gestion internationale de l’eau vise à décourager les altérations
unilatérales de bassin et les modifi cations préjudiciables des cours d’eau
internationaux et à encourager la création de commissions mixtes. L’idée consiste à
aborder les problèmes que posent les ressou rces en eau et les services y afférents
dans le cadre d’une démarche intégrée qui considère le bassin comme une seule
unité de gestion et de planification ».200
3.47 Ces éléments commandent une lect ure extensive du concept de zone
d’influence tel que contenu dans le Statut de 1975. Le bassin de drainage et, par ricochet,
la zone d’influence ont trait non seulement aux eaux de surface et souterraines, mais aussi
au territoire terrestre dans l’aire d’alimenta tion d’un fleuve. Le Professeur Caflisch
précise à ce propos que :
«la notion de bassin de drainage englobe tous les éléments aquatiques
localisés à l’intérieur d’un système de lignes de partage des eaux (…) de
199Article II des Règles sur les utilisations desdes fleuves internationaux , dites Règles d’Helsinki,
ILA, Report of the Fifty-second Conférence, Helsinki,1966, Londres, 1967, p. 484 (texte reproduit en partie
dans Annuaire de la CDI, 1974, vol. II (2tie), doc. A/CN.4/274, p. 396.
200
Rapport de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, 8 avril 2004, Doc. 10131.
83 même que – et c’est là un point part iculièrement important – le territoire
terrestre qui les renferme. Ainsi la notion en question transcende la
dimension aquatique pour acquérir une connotation territoriale, voire une
201
dimension d’intégration régionale ou sous-régionale ».
3.48 L’interprétation de l’article 13 à la lumière des notions de système de
cours d’eau et de bassin de drainage cond uit à considérer le champ d’application
spatialdu Statut de 1975 comme particul ièrement large. Cela est important pour
apprécier la portée des droits et obligations prévus par le Statut de 1975.
3 § La gestion commune et son expression fonctionnelle :
l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve
er
3.49 Il ressort de l’article 1 du Statut de 1975 que l’ objet et le but du Statut a
er
trait à l’utilisation rationnelle et optim ale du fleuve Uruguay. L’article 1 se lit comme
suit :
« Les Parties adoptent le présent Statut conformément aux dispositions de
l’article 7 du Traité relatif à la fron tière sur l’Uruguay du 7 avril 1961, à
l’effet d’établir les mécanismes communs nécessaires à l’utilisation
rationnelle et optimale du fleuve Uruguay dans le strict respect des droits
et obligations découlant des traités et autres engagements internationaux
en vigueur à l’égard de l’une ou l’autre des Parties ». (italiques ajoutés)
3.50 Le respect de l’utilisation rationnelle et optimale d’un fleuve exige que les
Etats riverains tiennent compte des facteurs propres au cours d’eau et aux possibles
conséquences que les utilisations d’un cours d’eau peuvent av oir sur l’un ou l’autre. Ces
deux adjectifs indiquent l’obligation des Etats du cours d’eau de parvenir à des avantages
«optimaux» dans l’utilisation du cours d’ eau compatibles avec les exigences d’une
protection du fleuve. L’objectif de l’utilisation «rationnelle » et « optimale » du fleuve
Uruguay ne peut être réalisé que conjoint ement par les deux riverains au sein de
201
L. Caflisch, «La Convention du 21 mai 1997 sur l’utilisation des cour s d’eau à des fins autres que la
navigation », Annuaire français de droit international, vol. XLIII, 1997, p.753.
84« mécanismes communs », notamment la CARU, sous peine de priver le Statut de 1975
de son objet et de son but.
3.51 L’utilisation rationnelle doit être évaluée et objectivée à l’aune des
obligations prévues par le Statut de 1975 rela tives à l’information, la notification, la
consultation et l’accord préalable. Ainsi, une utilisation rationnelle en vertu du Statut de
1975 est celle qui se fonde sur le mécanisme de coopération strict prévu à cet effet. Seul
le respect des droits et obligat ions bien délimités et définis par le Statut de 1975 peut
servir d’indicateur à une utilisation rationnelle et de bonne foi du fleuve Uruguay.
3.52 L’utilisation optimale, quant à elle, se qualifie par rapport à l’obligation de
chaque Etat riverain de prévenir toute atteinte à la navigation, au régime du fleuve et à la
qualité des eaux. Dans ce contexte, tout ouvr age projeté et toute utilisation du fleuve
Uruguay doivent s’inscrire dans le scénario le moins préjudic iable au fleuve en tant que
ressource naturelle partagée. Dans le cas contra ire, les mesures projetées sur le fleuve et
dans ses zones d’influence risquent de pr iver un des Etats riverains de son droit à
l’utilisation optimale c’est-à-dire de son droit de jouir du plein usage du fleuve. Partant,
une utilisation optimale est cell e qui prend en compte toutes les oppositions éventuelles
d’un Etat riverain lorsque des mesures sont projetées. L’utilisation optimale induit qu’elle
soit appréciée au regard des intérêts des deux Etats riverains et non de l’ un seul d’entre
eux, ainsi qu’au regard des différents utilisations du fleuve.
3.53 Chaque Etat riverain a le droit à la fois d’utilise r les eaux du fleuve de
manière optimale et rationnelle et l’obligation de prévenir les dommages au cours d’eau.
Si cette exigence n’est pas respec tée, l’autre Etat riverain pourrait être privé de son droit
de parvenir à un résult at optimal et rationnel dans l’utilisation des eaux du fleuve. Dans
ce sillage, la CDI, dans son commentaire au Pr ojet d’articles de 1994 sur le droit relatif
aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation, a
estimé que :
85 « Parvenir à ce [un] résultat optimal ne signifie pas parvenir à l’utilisation
« maximale », à l’utilisation techniquement la plus rationnelle ou à
l’utilisation financièrement la plus av antageuse, et sign ifie bien moins
encore s’assurer des profits immédiats au prix de pertes à long terme. Cela
ne signifie pas non plus que l’Et at qui a les moyens de pratiquer
l’utilisation la plus rationnelle du cours d’eau – que ce soit au sens
économique, ou parce qu’il évite le gasp illage, ou dans tout autre sens –
doit avoir la priorité en matière d’u tilisation. Cela signifie que les Etats
s’assurent tous le maximum d’avanta ges possibles et répondent le mieux
possible à tous leurs besoins tout en réduisant au minimum les dommages
202
causés à chacun d’entre eux et la part non satisfaite de leurs besoins ».
3.54 Le principe de l’utilisatio n rationnelle et optimale, en tant qu’objet et but
du Statut de 1975, demeure au cŒur de la notion de « communauté d’ intérêts » telle que
définie par la CIJ :
«[la] communauté d'intérêts sur un fleuve navigable devient la base d'une
communauté de droit, dont les traits e ssentiels sont la pa rfaite égalité de
tous les Etats riverains dans l'usage de tout le parcours du fleuve et
l'exclusion de tout privilège d'un riverain quelconque par rapport aux
autres (Juridiction territoriale de la Co mmission internationale de l'Oder,
arrêt n 16, 1929, C.P.J.I. série A n 23, p. 27).
Le développement moderne du droit in ternational a renforcé ce principe
également pour les utilisations des co urs d'eau internationaux à des fins
autres que la navigation, comme en témoigne l'adoption par l'Assemblée
générale des Nations Unies, le 21 mai 1997, de la Convention sur le droit
relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que
la navigation ». 203
4 § La gestion commune et son expression institutionnelle :
la Commission d’administration du fleuve Uruguay (CARU)
202
Projet d’articles sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la
navigation, Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa quarante-sixième session,
2 mai-22 juillet 1994, Supplément No. 10 (A/49/10), p.239.
203Affaire relative au Proj et Gabcíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), op.cit., p.56, par.85 (italiques
ajoutés).
863.55 Le Statut du fleuve Uruguay prévoit en son chapitre XIII la mise en place
de la Commission d’administra tion du fleuve Uruguay (CAR U). C’est l’un des piliers
essentiels de la coopération entre les deux Etats riverains.
3.56 Le Statut de la CARU a été adopté le 18 septembre 1976 d’un commun
accord par échange de notes dipl omatiques, en conformité av ec l’article 53 du Statut de
1975. La CARU est composée d’un nombre égal de membres de chacun des deux pays 204
205
et est dotée de la personnalité juridique. D’après l’article 2 du Statut, la CARU est une
organisation internationale pourvue de la capacité juridique nécessaire à
206
l’accomplissement de son mandat spécifique. Cette organisation exerce ses
compétences sur une base permanente et dispose d’un secrétariat. 207
3.57 Les décisions de la CARU doivent être adoptées avec l’accord des deux
208
délégations, sur la base de la règle «une délégation, une voix». Afin que la CARU
puisse tenir ses sessions, la présence d’au moins trois délégués pour chaque Partie est
nécessaire. 209 Chaque délégation, indépendamment du nombre de ses membres présents,
210
s’exprime par son Président ou la personne qui le remplace.
3.58 Le mandat de la CARU est large et ses compétences sont étendues. La
CARU est dotée de compétences réglementaires prévues à l’article 56 a) du Statut de
1975. Elle exerce ces compétences dans les doma ines de la sécurité de la navigation sur
le fleuve et de l’utilisation du chenal principal, de la co nservation et préservation des
211
ressources biologiques et de la prévention de la pollution du fleuve.
204
205Article 49 du Statut de 1975.
Article 50 du Statut de 1975.
206Article 2 du Statut de la CARU de 1976.
207Article 52 du Statut de 1975.
208
209Article 55 du Statut de 1975.
210Article 12 du Statut de la CARU de 1976.
Article 13 du Statut de la CARU de 1976.
211Article 56 a) 1), 2) et 4) du Statut de 1975.
873.59 La CARU dispose tout particulièrement de pouvoirs exécutifs en matière
212
de navigation et d’ouvrages envisagés par les parties et elle exerce des fonctions de
contrôle et d’inspection. 213 Dans ce cadre, elle est compétente pour coordonner la
réalisation conjointe d’études et de recherches à caractère scientifique. 214 Elle coordonne,
en outre, l’action de prévention et de répression des actes illicites, l’adoption de plans, de
manuels et de systèmes de communication communs en ma tière de recherche et de
215
sauvetage.
3.60 La CARU exerce également des foncti ons d’administration et de gestion
du fleuve. Du fait de son stat ut d’organe privilégié de co ntact entre les deux pays, la
CARU peut transmettre rapidement aux Etat s les communications, avis, informations et
notifications effectués en conformité avec le Statut. 216 Par l’intermédiaire de la CARU,
les Etats échangent sur une base régulière les renseignements relatifs à la pêche. 217
L’Argentine et l’Uruguay peuvent décider pa r échange de notes ou par le biais d’un
218
accord d’attribuer à la CARU d’autres fonctions.
3.61 La CARU revêt un rôle essentiel dans la préservation de l’intégrité du
Statut et la bonne administration du mécanisme de coopération. Ce rôle a été souligné par
la Cour internationale de Justice dans s on Ordonnance en mesures conservatoires du 13
juillet 2006. Elle a en effet affirmé que la CARU est chargée de «la bonne application
des dispositions du Statut de 1975 régi ssant la gestion des ressources fluviales
partagées» et que les parties doivent « fournir à la CARU les ressources et les
informations indispensables à son fonctionnement». En outre la Cour a jugé que pour
mettre en Œuvre de bonne foi les procédures de consultation et de coopération prévues
219
par le Statut de 1975, la CARU constitue l’enceinte par excellence prévue à cet effet.
212
213Voir le chapitre II du Statut de 1975.
Voir, par exemple, l’article 28.
214Article 56 (b) du Statut de 1975.
215Articles 56 (d), e) et (f) du Statut de 1975.
216
217Article 56 (k) du Statut de 1975.
Article 39 du Statut de 1975.
218Article 56 (l) du Statut de 1975.
219Ordonnance relative aux us ines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), 13
juillet 2006, paras. 81 et 82.
88 B. UN RÉGIME JURIDIQUE DE COOPÉRATION EXIGEANT AFIN DE
PRÉVENIR LES ATTEINTES À LA NAVIGATION, AU RÉGIME DU
FLEUVE ET À LA QUALITÉ DES EAUX
3.62 Le Statut de 1975 fait montre de nombreux aspects innovateurs en matière
de gestion et de protection d’un cours d’eau international. Cet instrument, conclu vingt-
deux ans avant l’adoption par l’Assemblée généra le de la Convention sur le droit relatif
aux utilisations d’un cours d’eau international à des fins autres que la navigation de 1997,
prévoit la mise en place d’un régime de co opération beaucoup plus exigeant que celui
prévu par cette dernière.
3.63 La coopération entre les deux Etats riverains repose notamment sur la
saisine de la CARU, l’échange d’informations ainsi que des obligations de notification et
de consultation en vue d’un accord préalable . Ces obligations concernent tout projet
d’ouvrage et toute utilisation qui pourraient av oir un impact sur le fleuve et ses zones
d’influence.
1 § La saisine de la CARU et l’échange d’informations
3.64 L’importance de connaître au préalable les informations relatives à un
projet a été soulignée par J. Barberis qui affirme :
« (...) pour qu’un Etat puisse détermin er si un ouvrage ou une exploitation
quelconque peut lui porter un préjudice sensible ou bien s’il implique une
utilisation équitable et raisonnable des eaux, il doit connaître au préalable
le projet de l’exploitation ou de l’ ouvrage en question. Les Etats ont pour
cela généralement recours à un pr océdé qui consiste à communiquer à
l’autre Etat le projet de l’ou vrage en question, son mode de
fonctionnement et tous les renseignements nécessaires pour que celui-ci
puisse déterminer les conséquences dans son territoire de l’ouvrage
220
projeté ».
220J. Barberis, Droits et obligations des riverains des fleuves internationaux , Académie de droit
international, Centre d’étude et de recherche de droit international et de relations internationales, La Haye,
Martinus Nijhoff, La Haye, 1991, p.49.
893.65 En vertu du Statut de 1975, l’obli gation d’information se réalise tout
d’abord par la saisine obligatoire de la CARU . Le contenu de cette obligation doit être
déterminé à la lumière de son objectif qui es t la prévention des atteintes à la navigation,
au régime du fleuve et à la qualité de ses eaux. Ainsi, l’article 7, alinéa premier, du Statut
de 1975, prévoit que:
« La Partie qui projette de construire de nouveaux chenaux, de modifier ou
d’altérer de manière significative les chenaux existants ou de réaliser tous
autres ouvrages suffisamment important s pour affecter la navigation, le
régime du fleuve ou la qualité de ses eaux, en informe la Commission
administrative, laquelle détermine sommairement, dans un délai maximum
de 30 jours, si le projet peut causer un préjudice sensible à l’autre Partie ».
3.66 Cette disposition prévoit l’obligation de saisir et d’informer la CARU
préalablement à toute action qui vise à l’ autorisation et à la cons truction d’un projet sur
le fleuve Uruguay. Ainsi, tant la saisine que l’échange d’informat ions au sein de la
CARU constituent des obligations qui pèsent sur les deux Etats en vertu du Statut de
1975. Ces deux obligations doivent être déterm inées à la lumière de leur objectif qui est
la prévention des atteintes à la navigation, au régime du fleuve et à la qualité de ses eaux.
En 1981 lors d’une intervention à la CARU concernant le projet Garabí, le Président de la
Délégation uruguayen à la Commission, M. Lapeyre a affirmé que :
«L’article 7 du Statut du fleuve Uruguay est clair lorsqu’il établi «en
informe la Commission administrative ».(…). Le Statut prévoit une
procédure en vertu de laquelle ch aque pays doit communiquer à la
Commission d’Administration et non pas aux Délégations respectives.Cela
peut être considéré comme un geste de courtoisie, une attitude fraternelle
de bonne entente. Mais la procédure établie est bien définie. C’est à la
Commission d’Administration du Fleuve Uruguay d’analyser les travaux
que n’importe laquelle des Parties prétende réaliser. ». 221
3.67 Suite à la saisine de la CARU par la pa rtie qui envisage la construction ou
l’autorisation d’un ouvrage suffisamment important pour affecter la navigation, le régime
221
CARU, Procès-verbaux N° 8/81, 13 novembre 1981, p.450, Annexes, livre III, annexe 7, Voir infra,
par.3.104.
90du fleuve ou la qualité des eaux, la CARU dispose de 30 jours pour se prononcer.
Lorsque la CARU décide que le projet ne cau sera pas de préjudice sensible, la partie
intéressée peut construire ou autoriser la construction de l’ouvrage.
3.68 La CARU peut décider que le projet est susceptible de causer un préjudice
sensible. Elle peut aussi ne pas se prononcer. Dans ces de ux hypothèses, le Statut de
1975 prévoit que la partie intéressée notifie et informe l’autre partie du projet par
l’intermédiaire de la CARU. 222
3.69 Lorsque la CARU avait décidé que le projet Garabí pouvait causer un
préjudice sensible, le Président de la Délégation uruguayenne a la Commission, M.
Lapeyre, avait alors souligné que :
« La décision de la C.A.R.U., du 18 dé cembre 1981, conformément à ce qui est
prévu à l´Article 7 du Statut du Fleuve Uruguay concernant le barrage de Garabí
(…) doit, à notre avis, avoir un effet su spensif des travaux envisagés. Autrement
dit, les travaux ne doivent pas être entrepris étant donn é qu´un Organisme
Binational “compétent, avec le vote de la représentation de l´un des pays ayant
“projeté les travaux a émis une résoluti on qui, nécessairement doit être obéie par
223
celui-ci ».
3.70 La pratique ultérieure confirme cet te interprétation de l’article 7. 224La
Résolution 12/01 adoptée par la CARU en 2001 sur le port M’Bopicuá en est un exemple
225
fort édifiant étant donné qu’elle mentionne explicitement l’article 7. Le cas du
226
terminal de cargos à Nueva Palm ira constitue un autre exemple. Le respect de
l’obligation d’information consacrée par l’article 7 du Statut implique qu’aucun projet ou
utilisation du fleuve ne soit autorisé ou co nduit tant que la CARU n’a pas été saisie et
informée du projet envisagé.
222Article 2.2 du Statut de 1975.
22CARU, Procès-verbaux N° 6/83, 29 juillet 1983, pp.397-398, Annexes, livre III, annexe 8.
224Voir infra, par. 3.100-3.122.
225
Résolution 12/01 du 12 avril 2001 , CARU, Procès-verbal N°4/2001, p. 521 bis, Annexes, livre III,
annexe 2 . Voir infra, par. 3.119-3.120.
226CARU, Procès-verbal N° 02/06, 17 février 2006, point 5.2, Annexes, livre III, Annexe 6, Voir infra,
par. 3.121-3.122.
91 e
g
Lan peaciecitrétiusrsoscoanstl’ntvruagtierisdee
g
L’anuef’rbaetetonss
g
LapCARU décide que leiblede
Lacpoantiruinttiesdéel’ounvsrtaruit ou autorise la
L’alatronpsatrecto’ouneuliouLvua’eouvsielcsdbelquuesera
L’anuetrreéprtdiepas
du Statut du fleuve Uruguay
arties saisit
L’ul’naptoeladCsour
La partie informe la CARU du projete
Lesn’abroitisusatccord
L’aotrebjlaeiessd
Fig. 1 -Procédure du chapitre II
Lacpoantsi’nttruLgionesc’ouivtégrespsaése
ie et informe l’autre
termédiaire de la CARU Lesabpoàrtessaecnctord
Lappaarrttintérrosstpanrolt’iifn
LalCeA unojpeéjéciiteqsenesrible L’asatveortfqietialtteest
Laipnattrilsmntorma- Fig. 2 - Pratique suivie par la CARU
L’Etat intéressé
transmet le projet
à la CARU
Sous-commissions techniques:
Environnement et utilisation La CARU transmet le
soutenable de l’eau
projet à la sous-
commission technique
sous-fluvialériensaaux et câbles compétente
Pêche et autres resources
la pollution environnementalon de La sous-commission
compétente étudie le
projet et fait une
Navigation, ouvrages et érosion
proposition à la
CARU
La CARU décide en
adoptant une
résolution
93 2 § L’obligation de notification
3.71 La notification des mesures projetées vise à protéger les Etats riverains
d’un cours d’eau international de s initiatives unilatérales des autres Etats susceptibles de
leur causer des dommages. L’initiative de la notification émane de l’Etat qui envisage de
mettre en Œuvre des mesures sur un cours d’eau international. La notification doit être
faite par l’Etat, même si les activités en question sont conduites par des personnes
privées. Le commentaire du proj et d’articles sur le droit rela tif aux utilisations des cours
d’eau internationaux à des fins autres que la navigation qui a donné lieu à l’adoption de la
Convention des Nations Unies de 1997 précise qu el’Etat qui envisage un projet sur un
cours d’eau doit:
«adresser une notification aux États susceptibles d'être affectés par
l'activité envisagée. Il s'agit, en l' occurrence, des activités projetées tant
par l'État lui-même que par des entités privées. L'obligation de notifier est
un élément indispensable de tout sy stème visant 227révenir le dommage
transfrontière ou à le réduire au minimum ».
3.72 Le Statut de 1975 prévoit que si la CARU détermine que le projet peut
causer un préjudice sensible ou si la CARU ne prend pas de décision, «la Partie
228
intéressée notifie le projet à l’autre Partie par l’intermédiaire de la Commission». Le
contenu de la notification comprend :
«les aspects essentiels de l’ouvrag e, et le cas échéant son mode de
fonctionnement et les autres données techniques permettant à la Partie à
laquelle la notification est adress ée d’évaluer l’effet probable que
l’ouvrage aura sur la navigation, sur le régime du fleuve ou sur la qualité
de ses eaux ». 229
227
Commentaire au Projet d’articles sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des
fins autres que la navigation, op.cit., p.283.
228Article 7 du Statut de 1975.
229Article 7 du Statut de 1975.
943.73 Pour produire pleinement ses effets , la notification doit contenir les
informations et les données qui permettent à l’Etat notifié de procéder à une évaluation
aussi exacte que possible du projet envisagé, et notamment des risques avérés mais aussi
potentiels d’effets négatifs à l’encontre de l’Etat notifié. Cela explique que les
informations communiquées doivent être aussi complètes que possible. Dans ce contexte,
la conduite d’une étude d’impact environnementale (EIE) est un instrument fondamental.
Elle permet d’appréhender l’ensemble de s éventuels impacts environnementaux et
230
sociaux liés à un projet.
3.74 La conduite d’une étude d’impact peut ne pas épuiser toutes les conditions
dont l’obligation de notification est assortie. Celle-ci doit énoncer :
«les aspects essentiels de l’ouvrag e, et le cas échéant son mode de
fonctionnement et les autres données techniques ». 231
3.75 Aux termes de l’article 8 du Statut de 1975 :
« La partie notifiée dispose d’un délai de 180 jours pour se prononcer sur
le projet, à compter du jour où sa délégation à la Commission a reçu la
notification ».
Pendant cette période, le Statut de 1975 pré voit deux obligationsmajeures: il s’agit de
l’obligation de coopérer et de fournir à l’Etat notifié, à sa demande, toutes les données et
informations disponibles et nécessaires à un e évaluation précise des effets des mesures
projetées. Le Statut de 1975 dispose à cet égard qu’ :
« Au cas où la documentation mentionnée à l’article 7 serait incomplète, la
Partie notifiée disposera de 30 jours pour le faire savoir, par
l’intermédiaire de la Commission, à la Partie qui projette l’ouvrage ». 232
Le Statut précise :
230
231Voir infra, par.3.198-3.209.
232Article 7 du Statut de 1975.
Article 8.2 du Statut de 1975.
95 «Le délai de 180 jours susmentionné commence à courir à partir du jour
où la Partie notifiée a reçu la documentation complète.
Ce délai peut être prorogé de façon raisonnable par la Commission si la
complexité du projet l’exige ». 233
L’article 8 exige des Parties de fournir une in formation complète. L’Etat notifié ne peut
se prononcer en toute connaissance de cause su r un projet envisagé qu’à la condition de
recevoir toutes les informations et données nécessaires pour évaluer les effets des
mesures projetées.
3.76 Lorsqu’un Etat a notifié un projet à l’autre Partie, trois hypothèses peuvent
alors se présenter: 1) l’Etat notifié ne formule pas d’objectio ns; 2) l’Etat notifié ne
répond pas dans le délai prévu; 3) l’Etat notifié aboutit à la conclusion que l’exécution de
l’ouvrage peut causer un préjudice.
3.77 Les deux premières hypothèses sont ré glementées par l’article 9 du Statut
de 1975 qui dispose que:
« Si la Partie notifiée ne formule pas d’objections ou ne répond pas dans le
délai prévu à l’article 8, l’autre Partie peut construire ou autoriser la
construction de l’ouvrage projeté ».
L’article 10 vient en complément de l’article 9 en prévoyant que :
« La Partie notifiée a le droit d’inspecter les ouvrages en construction pour
vérifier s’ils sont conformes au projet présenté ».
3.78 La troisième hypothèse prévue par le Statut de 1975 est celle de
l’objection par l’Etat destinataire de la notification des mesures projetées. Aux termes de
l’article 11 du Statut de 1975 :
« Si la Partie notifiée aboutit à la co nclusion que l’exécution de l’ouvrage
ou le programme d’opérations peut causer un préjudice sensible à la
233Article 8, alinéa 2 et 3 du Statut de 1975.
96 navigation, au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux, elle en informe
l’autre Partie par l’intermédiaire de la Commission dans le délai de 180
jours fixé à l’article 8 ».
L’article 11 poursuit :
«La communication précise quels sont les aspects de l’ouvrage ou du
programme d’opérations qui peuvent causer un préjudice sensible à la
navigation, au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux, les raisons
techniques qui permettent d’arriver à cette conclusion et les modifications
qu’elle suggère d’apporter au projet ou au programme d’opérations ».
3.79 Le Statut de 1975 prévoit donc qu ’en cas d’objection à un ouvrage ou à
une utilisation du fleuve Uruguay, l’Etat notifié en informe l’autre Partie par
l’intermédiaire de la Commission dans un délai de 180 jours qui commence à courir à
partir du jour où la partie notifiée a reçu la documentation complète. L’Etat notifié doit
motiver son objection au projet envisagé pa r l’autre Etat riverain en précisant «les
aspects de l’ouvrageou du programme d’opér ations » qui peuvent causer un préjudice
sensible à la navigation, au ré gime du fleuve ou à la qualit é de ses eaux et « les raisons
techniques» qui permettent d’arriver à cett e conclusion ainsi que «les modifications»
qu’elle suggère d’apporter au projet. Ainsi, si un Etat formule des objections à la
réalisation d’un ouvrage, la Partie concernée ne peut pas procéder à l’ autorisation et à la
réalisation de cet ouvrage de manière unilatérale. Le Statut prévoit une obligation de
consultation en vue d’un accord entre les Parties. Lorsque les deux Parties parviennent à
un accord, elles peuvent décider de construire ou autoriser la construction de l’ouvrage ou
que la partie intéressée ne construira pas l’ouvrage.
3 § L’obligation de consultation en vue
d’un accord préalable en connaissance de cause
3.80 Lorsque l’Etat notifié formule une object ion, l’article 12 du Statut prévoit
que « [s]i les parties n’aboutissent pas à un accord dans un délai de 180 jours à compter
de la communication visée à l’article 11 […] » (italiques ajoutés), la procédure relative au
97règlement des différends, et notamment la soumission du différend à la CIJ, est envisagée
par l’article 12.234
3.81 Le Statut de 1975 pose des exigences beaucoup plus stri ctes qu’en droit
international général. 235Outre la saisine de la CARU et l’échange d’informations et la
notification, en cas d’objectio n, il y a une obligation de consultation pour parvenir à un
accord préalable en connaissance de cause. Cette obligation doit être poursuivie en
prenant en compte les exigences de l’Etat notifié afin d’aboutir à une solution acceptée
par les deux Etats riverains. La Déclaration argentino-uruguayenne sur les ressources en
eau de 1971 avait déjà prévu l’établissement d’un tel régime :
«En cas de désaccord entre les experts techniques, ceux-ci sont tenus de
présenter un rapport à leurs Gouverne ments en exprimant leurs avis. Les
Gouvernements chercheront à tro uver une solution par la voie
diplomatique ou par un autre moyen qu´ils conviendront, en veillant
toujours à trouver une solution amicale et équitable ». 236
La Déclaration conjointe argentine-uruguaye nne du 18 septembre 1976 –c’est à dire,
juste un an après l’adoption du Statut de 1975- confirme le sens du mécanisme
d’information et consultation pr éalables prévu au Statut. En effet, par le biais de cette
Déclaration les deux parties « perçoivent avec profonde satisfaction que le Statut,
maintenant mis en vigueur en accomplissant les prévisions du Traité de Limites du fleuve
Uruguay de 1961, s´inspire dans le même espr it fraternel qui a con duit vers la signature
du Traité du Rio de la Plata et sa Façade Ma ritime, en réitérant, dans son article 1°,
l´objet d´établir les mécanismes communs n écessaires pour l´util isation optimale et
rational du fleuve Uruguay, et au même temps ajoute dans son ordre juridique bilatéral,
le principe d´accord préalabl e pour tout ouvrage ou acti vité que l´une quelconque des
234Article 60 du Statut de 1975.
235Ce dernier trouve un reflet notamment da ns la sentence rendue en l’affaire du Lac Lanoux et plus tard
dans les principes codifiés aux ar ticles 11 à 19 de la ConventionNations Unies de 1997 sur le droit
236atif aux utilisations des cours d’eau internationaux pour des fins autres que la navigation.
Par.5 de la Déclaration argentino-uruguayenne sules ressources en eau de 1 971, Annexes, livre II,
annexe 11.
98Parties envisage réaliser dans le tronçon partagé, ou que la République Argentine réalise
237
dans le tronçon supérieur. »
3.82 Le Statut de 1975 dégage des obligations beaucoup plus exigeantes que ce
que l’Uruguay a voulu prétendre devant la Cour quand il s’est limité à évoquer
238
l’obligation de donner une «place raisonna ble» aux intérêts d’un Etat riverain. La
terminologie utilisée par l’Uruguay s’appuie sur la sentence rendue dans l’Affaire de
239
l’Utilisation des eaux du Lac Lanoux (France/Espagne).
3.83 Dans l’affaire du Lac Lanoux, l’Espa gne et la France n’étaient pas liées
par un traité au contenu semblable au Statut de 1975. Le tribunal avait alors notéque
l’exigence d’un accord préalable « ne peut résulter, entre la France et l’Espagne, que d’un
240
acte conventionnel» en l’espèce un tel accord n’exis tait pas. A la différence des
instruments qui liaient la France et l’Espagne , le Statut de 1975 définit des obligations
241
spécifiques en matière de projets et d’utilisations envisagés sur le fleuve Uruguay.
3.84 Dès lors, force est de constater que l’Uruguay fait une interprétation
erronée du droit applicable dans le différe nd qui l’oppose à l’Argentine et de bien
souligner que le Statut de 1975 encadre le mécanisme de décision relatif à tout ouvrage
ou toute utilisation qui peut causer un préjud ice sensible à la navigation, au régime du
fleuve ou à la qualité de ses eaux. Ce mé canisme ne laisse aucune place à une décision
unilatérale, s’il y a objection.
3.85 L’obligation de consultation en vue de parvenir à un accord préalable doit
être comprise à la lumière de la pratique qui s’est dével oppée sur le continent latino-
237
238Annexes, livre II, annexe 34 (italiques ajoutés).
CR 2006/47, para.27 (Boyle). L’Argentine dans ses plaidoiries a affirmé que : « Les droits que le Statut
de 1975 reconnaît à l’Argentine sont plus précis et beaucoup plus larges que ceux dont il est question dans
l’arbitrage du Lac Lanoux ou, d’ailleurs, ceux qui existent en dr oit international gé néral». CR 2006/48,
para.12 (Sands).
239
Affaire de l’Utilisation des eaux du Lac Lanoux , France/Espagne, sentence du 16 nove mbre 1957, Revue
240érale de droit international public, 1958, vol. XXIX (1958).
Affaire de l’Utilisation des eaux du Lac Lanoux (France/Espagne), op.cit., p.108, para.14.
241Articles 7 à 13 et articles 27 et 29 du Statut d1975. Le Professeur Condo relli a dit: «Certes les
autorisations relatives au début de construction des usines ont été données par les autorités uruguayennes
sans le consentement préalable de l’Argentine, c’est indéniable ». CR 200/47, par.21 (Condorelli).
99américain. Cela permettra de souligner le caractère particulier du mécanisme de
consultation du Statut de 1975 qui va de pair avec la recherche d’un « accord préalable en
connaissance de cause » des Etats riverains.
3.86 La Convention pour la fixation du statut juridique entre Brésil et
l’Uruguay signée à Montevideo le 20 décembre 1933 est un premier exemple de pratique.
Cette Convention prévoit en son article XX que si l’étab lissement d’une installation pour
l’utilisation des eaux est susceptible d’entraîner une modification sensible et durable dans
le régime d’un cours d’eau longeant ou coupant la frontière, l’Etat désireux de procéder à
cette installation n’exécutera les travaux néces saires à cet effet qu’après avoir trouvé un
242
accord avec l’autre Etat.
3.87 Lapeyre et Flangini dans leur livr e «El Estatuto del Rio Uruguay»
commentent cette disposition de la manière suivante:
«Cette règle, applicable au fleuve Uruguay en raison de son caractère de
frontalier entre les deux États, présente une effi cacité comme garantie,
pratiquement complète.
En effet, il ne s’agit pas d’une simp le consultation pr éalable, mais le
consentement de l’autre Ét at est requis, et jusqu’à l’obtention de celui-ci, la
réalisation des ouvrages est suspendue.
C’est-à-dire, le simple écoulement d’un délai déterminé après la consultation ne
suffit pas à permettre à l’État qui réa lise ladite consultation à entamer les
ouvrages, l’accord est impératif et de ce fait, le consentement de l’autre
243
contractant. ».
3.88 La Déclaration de Montevideo ad optée par la septième Conférence
internationale des Etats américains à sa 5è me séance plénière, le 24 décembre 1933,
constitue un autre exemple de l’énonciation de l’obligation de cons ultation en vue de
parvenir à un accord préalable. Elle prévoit qu’ :
242
Convention pour la fixation du statut juridique entre le Brésil et l’Uruguay, Société des Nations, Recueil
des traités, vol. CLXXXI, p.80.
243E. G. Lapeyre et Y. Flangini, op.cit., p.79, Annexes, livre VII, annexe 1.
100 « 2. … [A]ucun Etat ne peut, sans le consentement de l'autre Etat riverain,
apporter aux cours d'eau de caractère international, en vue d'exploiter leurs
eaux à des fins industrielles ou agrico les, une modification qui soit de
nature à porter préjudice à la rive placée sous la juridiction de l'autre Etat
intéressé ». 244
3.89 La Résolution d'Asunción sur l'utilisat ion des cours d'eau internationaux,
adoptée par les ministres des affaires étrangères des Etats riverains du Rio de la Plata lors
er
de leur quatrième réunion, tenue du 1 au 3 juin 1971, confirme à son tour la nécessité
d'un consentement préalable et ce, pour les cours d'eau contigus. Elle indique que :
«1. Dans les cours d'eau internationaux contigus, qui relèvent
simultanément de la souveraineté de deux Etats, un accord bilatéral
préalable doit être conclu entre les Et ats riverains avant qu'une utilisation
soit faite des eaux ». 245
3.90 Lors de sa dixième Conférence, tenue en 1957 à Buenos Aires,
l'Association interaméricaine des avocats (In ter-American Bar Associ ation) a adopté à
l'unanimité une résolution sur l'utilisation des fleuves internationaux. Après un rappel du
principe général, selon lequel les Etats ont le droit de fa ire usage des eaux d'un bassin
hydrographique international « à condition de ne pas léser le droit égal des Etats qui ont
sous leur juridiction d'autres parties du même bassin » (para. 1.1), la résolution énonce la
règle de l’accord préalable des autres Etats intéressés à toute utilisation nouvelle de
nature à porter atteinte aux eaux du bassin:
«3. Les Etats ayant sous leur juridiction une partie d'un bassin
hydrographique international sont tenus de s’abstenir d’apporter au régime
existant des modifications de nature à porter atteinte à la jouissance des
eaux de ce bassin par un ou plusieurs autres Etats ayant juridiction sur une
partie de ce même bassin, sauf si ces modifications sont conformes : 1) à
244Voir le paragraphe 2 de la Déclaration de Montev ideo sur l'utilisation des fleuves internationaux à des
fins industrielles et agricoles, Annuaire de la Commission du droit international 1974, vol. II (2e partie),
245N.4/SER.A/1974/Add.1 (Part.2), p.229.
Voir les paragraphes 1 et 2 de la Résolution n°25 «Déclaratio n d’Asunción sur l’ut ilisation des cours
d’eau internationaux». S’agissant des cours d’eau interna tionaux successifs, cette Déclaration dispose en
son paragraphe 2 que « chaque Etat peut utiliser les eaux conformément à ses besoins, à condition qu’il ne
cause de préjudice notable à aucun autre Etat du bassin ».
101 un accord conclu avec l’Etat ou les Etats intéressés ou 2) à une décision
246
rendue par un tribunal international ou par une commission arbitrale ».
3.91 La règle de l’approbation préalab le des projets sur un cours d’eau
international a donc été plébis citée en Amérique Latine. Le Statut du fleuve Uruguay
s’inscrit dans cette mouvance.
3.92 Au regard de la pratique à l’échelon universel, c’est une singularité qu’il
faut souligner. 247 La Convention des Nations Unies sur le droit relatif aux utilisations des
cours d’eau internationaux à des fins autr es que la navigation de 1997 donne une
expression à cette pratique universelle généralement acceptée et qui consiste en ce que le
respect des principes de notification et de co nsultation pour des activités projetées sur un
cours d’eau international soit requis, sans al ler jusqu’à la règle ex igeante de l’accord
prévue par le Statut du fleuve Uruguay.
3.93 Selon le Statut de 1975 en cas de dé saccord entre les parties, lorsque les
consultations ne permettent pas de parvenir à un accord su r les mesures projetées, celles-
ci doivent faire l’objet de négociations. Les négociations doivent notamment être
conduites en application du principe de bonne foi. 248Il est prévu en dernier recours que la
CIJ puisse être saisie.
4 § Le recours à la Cour internationale de Justice en cas de désaccord
3.94 L’intervention de la CIJ forme une partie intégrante du régime de
coopération prévu par le Statut de 1975. Par le recours à la CIJ, les Parties se sont
246Résolution de l’Association interaméricaine des avocats, Annuaire de la Commission du droit
international 1974, op.cit, p. 223.
247Pour des exemples d’autr es régimes spécifiques et exigeants, vo ir: Article 5 A de l’Accord sur le
Mékong de 1995. Voir aussi l’artic le 6 sur les « Procedures for Notification, Prior Consultation and
Agreement ». Voir l’article 4 du Statut du Fleuve Sénégal de 1972 et l’article 10 de la Charte des eaux du
fleuve Sénégal de 2002.
248Ainsi, l’article 12.2 de la Conve ntion des Nations Unies sur le drrelatif aux utilisations des cours
d’eau internationaux à des fins autr es que la navigation de 1997 prévoi t que: «Les consultations et les
négociations se déroulent selon le principe que chaque Etat doit de bonne foi tenir raisonnablement compte
des droits et des intérêts légitimes de l’autre Etat ».
102assurées que tout différend relatif à un proj et ou à une utilisation qui pourrait mettre en
danger le fleuve et son écosys tème puisse être l’objet d’une décision judiciaire pour
empêcher qu’il ne soit porté atteinte à l’intégrité du Statut.
3.95 La note qui accompagne l’approbation du Statut du fleuve Uruguay par le
Conseil d’Etat de l’Uruguay précise que:
« Les articles 7 à 13 prévoient la procéd ure à suivre dans le cas où l'une des
Parties contractantes envisagerait la réalisation des ouvrages suffisamment
importants pour affecter la navigation, le régime du fl euve, ou la qualité de ses
eaux. Il faut prévoir l'intervention d'une Commission et un régime de notification,
de contrôle et de consulta tion à l'autre Partie avec des garanties suffisantes
pouvant déclencher s'il n'y a pas d'accord entre elles, à la procédure de règlement
de controverse établie à l'article 12 et parvenir même249la soumission du litige par
devant la Cour internationale de justice (article 60) ».
3.96 Le recours à la CIJ participe à la réalisation de l’objectif de prévention des
atteintes à l’environnement du fleuve Uruguay. L’Argentine et l’Uruguay ont conféré un
rôle clef à la Cour dans leurs relations bilatérales en matière d’utilisation d’une ressource
naturelle. Ce rôle est confir mé par le fait que ce recour s est également prévu lorsqu’un
projet ou une utilisation 250est réalisé «en dehors de la partie définie comme étant le
fleuve et dans les zones respectives d’influence des deux tronçons ». 251 Le rôle clé de la
CIJ dans le cadre du Statut de 1975 a été souligné par le président de la CIJ de la manière
suivante:
«Le statut du fleuve Uruguay, dont les dispositions sont au cŒur du
différend, devrait en outre particulière ment intéresser la CDI. Ce traité,
conclu, je vous le rappelle, en 1975, était très en avance sur son temps en
matière de droit des cours d'eau et de droit de l'environnement. En fait, il
était même en avance sur la convent ion sur l’utilisation des cours d'eau
internationaux à des fins autres que la navigation, convention adoptée en
1997, à la suite du travail pionnier accompli par la CDI. Outre les
mécanismes de notification et de cons ultation habituels prévus dans la
convention de 1997 et dans la plupart des traités internationaux relatifs
aux cours d'eau, le statut de 1975 en visage en effet également l'hypothèse
249Diario de sesiones del Consejo de Estado, op.cit., p. 164. Annexes, livre II, annexe 3.
250Article 29 du Statut de 1975.
251
Article 13 du Statut de 1975.
103 où ces mécanismes échoueraient, en c onférant en pareil cas compétence à
la Cour internationale de Justice. De surcroît, le traité crée un organe de
surveillance et contient des prescriptio ns très détaillées concernant les
échanges d'informations ». 252
5 § Soumission des utilisations relevant de la
juridiction d’un Etat au régime de coopération
3.97 L’un des aspects importants du régime de coopération étroit du Statut de
1975 repose sur la soumission de toute util isation nationale «suffisamment importante
pour affecter le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux » aux obligations de saisine de
la CARU, d’échange d’informations, de notification et de consultation en vue de parvenir
à un accord préalable.
3.98 L’article 27 du Statut de 1975 est ainsi libellé :
« Le droit de chaque Partie d’utiliser les eaux du fleuve, à l’intérieur de sa
juridiction, à des fins ménagères, sa nitaires, industrielles et agricoles,
s’exerce sans préjudice de l’application de la procédure prévue aux articles
7 à 12 lorsque cette utilisation est suffisamment importante pour affecter le
régime du fleuve ou la qualité de ses eaux ».
3.99 Les utilisations nationales du fleuve Uruguay sont ainsi soumises aux
mêmes principes que ceux applicables aux ouvrages per se. Aucun des deux Etats ne peut
décider unilatéralement si une utilisation nationale de l’eau est suffisamment importante
pour affecter ou non la navigation, le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux. L’article
29 prévoit quant à lui, que même les utilisations projetées « en dehors de la partie définie
comme étant le fleuve et dans les zones respectives d’influence des deux tronçons»
(article 13 du Statut de 1975), et donc sur la partie amont du fleuve Uruguay à la frontière
252Discours prononcé par S. Exc. Mme Rosalyn Higgins, Président de la Co ur internationale de Justice, à
l’occasion de la cinquante-huitième session de la Commission du droit international le 25 juillet 2006.
104avec le Brésil, seront soumises aux obliga tions d’information, de notification, de
consultation et d’accord préalable. L’article 29 précise :
«Les dispositions de l’article 13 s’appliquent à toute utilisation
suffisamment importante pour affecter le régime du fleuve ou la qualité de
ses eaux ».
3.100 Les obligations relatives aux utilisations nationales des eaux illustrent bien
le caractère exigeant du régime de coopération institué par le Statut de 1975 aux fins de
prévention des atteintes au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux.
6 § Pratique suivie en application du chapitre II du Statut de 1975
3.101 Le régime du Statut du fleuve Uru guay a été soumis à l’épreuve des faits.
Il n’est pas resté « lettre mo rte » comme a pu le suggérer l’Uruguay lors de la demande
en indication de mesures conservatoires. 253Différents cas issus de la pratique seront
évoqués qui apporteront un éclairage su r l’interprétation du régime exigeant
d’information, de notification et de consultation et d’accord préalable prévu par le Statut
de 1975.
a) Le cas du barrage Garabí
3.102 A la suite de la signature le 17 mai 1980 du Traité pour l’utilisation des
ressources en eau partagées dans les tronçon s limitrophes du fleuve Uruguay et de son
affluent Rio Pepiri Guazú entre l’Argentine et le Brésil (ci-après le «Traité de 1980»),
ces deux pays ont commencé des études sur la réalisation du projet du barrage Garabí,
situé dans le Haut-Uruguay. 254
253Voir CR 49/2006, p.27 (Reichler).
254Tratado para el aprovechamiento de los recursos hidricos compartidos de los tramos limitrofes del Río
Uruguay y de su afluente el Río Pe piri-Guazú, cité en CARU, Procès-v erbal N° 8/81, 13 novembre 1981,
point 2.4, pp.436-432.
1053.103 Le projet a été discuté au sein de la CARU. La délégation uruguayenne a
tout d’abord indiqué avoir reçu une document ation incomplète sur le projet et ne pas
avoir été consultée de manière conforme aux obligations prévues dans les articles 7 à 13
du Statut de 1975. Lors de la réunion de la CARU du 13 novembre 1981, M. Lapeyre, à l’
époque Président de la Délégation uruguaye nne à la CARU, a rappelé l’obligation de
communiquer tout projet d’ouvrage envisagé sur le fleuve Uruguay à la CARU et non au
gouvernement de l’Uruguay. 255 L’Argentine a porté à la connaissance de la CARU,
l’« Estudio de factibilidad del proyecto Garabí » lors de la session de novembre 1981. La
Commission a disposé ainsi d’un délai maximu m de 30 jours pour décider si le projet
était susceptible de causer un préjudice sensible à l’Uruguay.
3.104 Le 18 décembre 1981, la CARU a co nsidéré que les ouvrages envisagés
pour la réalisation du barrage Garabí dans la partie Nord du fleuve Uruguay pourraient
causer un préjudice sensible à la navigation, au régime du fleuve Uruguay et à la qualité
256
de ses eaux. Lapeyre a alors fait part de sa prof onde satisfaction eu égard à la décision
255Nous reprenons ici le passage du discours de M. Lapeyre à la CARU. Une partie de ce discours avait été
citée supra, par. 3.65. Il est dit:
«L’article 7 du Statut du fleuve Uruguay est clair lors qu´il etabli «en informe la
Commission administrative..» Le fait que le Commodore CURA., Sous-secrétaire des
Relations Internationales du Ministère des Affaires Étrangère s se soit rendu à Montevideo
et qu’il ait eu un entretien avec la Sous-serétaire aux Affaires Étrangères de l’Uruguay
pour lui informer que le Traité [Traité relatif a l´utilisation/exploitation des ressources
hydriques partagés dans les tronçons frontali ers du fleuve Uruguay et de son affluent le
fleuve Pepiri-Guazu ], allait être signé, ne revêt aucune importance aux effets du Statut du
Fleuve Uruguay. Le Statut prévoit une procéd ure en vertu de laquelle chaque pays doit
communiquer à la Commission d’Administration et non pas aux Déléga tions respectives.
Cela peut être considéré comme un geste de c ourtoisie, une attitude fraternelle de bonne
entente. Mais la procédure établie est bien définie. C’est à la Commission d’Administration
du Fleuve Uruguay d’analyser les travaux que n’importe laquelle des Parties prétende
réaliser. ».
CARU, Procès-verbal N° 8/81, 13 novembre 1981, point 2.4, p.450, Annexes, livre III, annexe 7.
256La CARU conclue que :
«I. Les projets du Alto Uruguay, parmi lesquels se trouve Garabi, c onstituent en soi un
system intégré et relié, concept qui ne s´applique pas au tronçon défini dans l´article 1° du
Traité de Limites du fleuve Uruguay entre l´ Argentine et l´Uruguay le 7 avril 1961. Cette
apparente divergence entre le s deux tronçons, peut implique r des aspects techniques non
évalués avec certitude, ce qui en définitif pourrait se traduire par des dommages sensibles. II.
La navigation n´a pas reçu la pr iorité dont elle avait besoin. Il est possible de remarquer une
tendance à faire mention de cet aspect vital, comme s´il s´agissait d´une question secondaire.
Pourtant, la navigation fluviale est un principe fondamental sauv egardé dans tous les Traités
d´exploitation multiple dans les fleuves internationaux a cour su ccessif. C´est ainsi qu´il est
recensé deux secteurs, l´un en aval du Garabi, d´environ cinquante kilomètres et un autre
encore du même ordre, en aval de San Pedro, ou la navigation se voit interrompue par de bas
106adoptée par la Commission. Il a qualifié cette décision d’ « acte le plus transcendant de la
vie institutionnelle de la Commission d’Administration depuis sa création, vu qu’il s’agit
du résultat de l’intérêt, la préoccupation et le sens de responsabilité de cette Commission,
afin d’éviter que les ouvrages à réaliser sur notre fleuve homonyme, puissent aller contre
les intérêts des deux pays ; féli cite la Présidence du fait de sa conduite de la réunion ; se
félicite du fait d’appartenir au bassin du Rio de la Plata, vu le sens de compréhension
257
retrouvé chez nos frères argentins intégrant la Délégation de ce grand et cher pays ».
3.105 En 1983, la délégation uruguayenne a exprimé ses préoccupations à la
CARU quant à la version de que, malgré la d écision de cet organisme, le projet Garabí
258
pourrait être executé. Plus précisément, le 29 juillet 1983, la délégation uruguayenne a
souligné qu’en raison de la décision de la CARU du 18 décembre 1981 « les ouvrages ne
doivent pas être commencés du fait qu’un organisme binational compétent, comprenant le
vote de la délégation d’un des pays qui a projeté les ouvrages, a adopté une résolution qui
doit être nécessairement respectée par ce même Etat ». 259
fonds, qui seulement au moyen de travaux si gnificatifs et coûteu x de démolition et
canalisation pourraient être surmontés, ce qui a son tour pourrait pr oduire des modifications
au régime du fleuve. Aux effets de la naviga tion sont essentiellement important les niveaux
d´opération minima et non le s niveaux normaux et que les échelons pour répondre a la
prémisse de la navigation longit udinale, doivent être établis au bout des barrages au niveau
minimum. A ce sujet, il est pe rtinent de transcrire un commentaire extrait de l´étude de
référence : « L´alternative San Pedro, imposerait un chenal de navigation en aval, a efficacité
douteuse, car il affecte les niveaux de l´eau et les tirants du fleuve en amont, en plus d´affecter
la production d´énergie ».III. Dans l’étude présentée, on t été analysés de nombreux
emplacements possibles pour les travaux à réaliser. Cette situation permet de supposer que ne
serait pas à délaisser la possibilité de dommage sensible. IV. En même temps, il est exprimé le
profond souci produit par la circonstance que, dans le projet examiné, ne sont pas incluses des
prévisions concernant la préservation de la qualité des eaux. Etant donné tout ce qui précède,
la Comisión conclut de manière succincte que la réalisation des travaux en question, projetés
pour le Alto Uruguay, pourraient produire des préjudices sensibles à la navigation, au régime
du fleuve et à la qualité des eaux. ».
CARU, Procès-verbal N° 9/81, 18 décembre 1981, point 4.1, pp.512-514, Annexes, livre III, annexe 3.
257
258bid., point 7, pp.520-521, Annexes, livre III, annexe 9.
Ces préoccupations se fondaient su r les déclarations du ch ancelier argentin Aguirre Lanari, lequel, lors
d’une réunion de chanceliers du bassin du Plata, avait affirmé que les projets argentino-brésiliens envisagés
dans le Haut-Uruguay continuaient à progresser selon ce qui avait été convenu et que les travaux relatifs au
projet Garabi étaient suspendus jusqu’au décembre 1983.
259
Ce passage est repris du discours de G. Lapeyre cité supra, par. 3.68. CARU, Procès-verbal N° 6/83, 29
juillet 1983, point 3.2, pp.397-398, Annexes, livre III, annexe 8.
1073.106 En outre, la délégation uruguayenn e a indiqué que si un différend
surgissait entre les deux Etats, ceux-ci devr aient faire appliquer un principe de droit
international qui impose une obligation de né gocier aux Etats concernés. La délégation
uruguayenne a aussi mis en relief que l’obli gation de négociation est «une obligation
consacrée par le droit international coutum ierqui empêcherait la mise en Œuvre
unilatérale» d’un projet d’ouvrage «avant que les Etats aient épui sé toutes les voies
possibles de négociation et de règlement des différends ». 260
3.107 En 1984, à la suite de la demande uruguayenne visant à recevoir des
informations relatives au projet Garabí, l’ Argentine a indiqué qu’elle avait donné les
informations nécessaires à l’Uruguay, en étant consciente du principe de l’information et
de la consultation préalable. Elle a souligné qu’aucune décision n’avait été prise eu égard
à ce projet. 261Lors de la quatrième session en 1989, la délégation uruguayenne a
formellement demandé la noti fication du projet Garabi po ur déclencher le mécanisme
prévu aux articles 8 et suivants du Statut de 1975 et a indiqué la liste des documents que
262
l’Uruguay désirait consulter. Le 23 mars 1990, la délé gation uruguayenne a demandé
une prolongation de 90 jours du délai originairement prévu pour étudier la documentation
relative au projet Garabí. 263 La prolongation a été acco rdée lors de la réunion
extraordinaire de la CARU du 6 avril 1990. 264
3.108 En mars 2006, la Chancellerie ur uguayenne, par le biais d’une note
diplomatique envoyée à l’ambassade d’Argentine à Montevideo, a demandé à l’Argentine
et au Brésil de recevoir la do cumentation officielle sur le projet Garabí en application de
l’article 13 du Statut de 1975 . L’Uruguay a invoqué dans sa note un argument juridique
semblable à celui de l’Argentine dans l’affaire des usines de pâte à papier. 265
260CARU, Procès-verbal N° 6/83, 29 juillet 1983, point 3.2, p. 398, Annexes, livre III, annexe 8.
261CARU, Procès-verbal N° 10/84, 7 décembre 1984, point 4.1, pp.853-858, Annexes, livre III, annexe 44.
262
CARU, Procès-verbal N° 4/89, pp.542-545. Voir au ssi CARU Procès-verbal N° 1/89, pp.19-20 et N°
2/89 pp.218-221 qui font état des discussions entre les deux délégations au sujet de la notification du projet
Garabi.
263CARU, Procès-verbal N° 2/90, pp.178-179.
264CARU, Procès-verbal N° 3/90, réunion extraordinaire du 6 avril 1990.
265
Annexes, livre II, annexe 35
108 b) Le Pont Santo Tomé-Sao Borja
3.109 Les gouvernements de l’Argentine et du Brésil ont constitué le 22 août
1989 une Commission mixte da ns le but d’examiner les questions relatives à la
construction et à l’exploitation d’un pont ferr oviaire international sur le fleuve Uruguay
entre les villes de Santo Tomé et Sao Borj a. La Commission a produit un document
(pliego de licitación ) qui définissait les paramètres d’exécution du projet. Le 26
novembre 1993, la délégation argentine a co mmuniqué, au sein de la CARU, qu’elle
266
allait fournir, dans un court délai, la documentation relative au projet de pont. Cette
267
documentation a été fournie le 15 décembre 1993.
3.110 Le 23 décembre 1993 la délégation ur uguayenne a présenté à la CARU le
Mémorandum n°6 dans lequel elle considère que tout nouveau pont sur le fleuve Uruguay
« ne devrait pas présenter des obstacles à la navigation plus grands que le Pont uruguayen
Paso de los Libres ». 268Le 28 décembre 1993, lors de la réunion de la « Sous-commission
de navigation et ouvrages» de la CARU, l’am bassadeur M. Carasales, Président de la
Délégation argentine, a affirmé qu’il ne pa rtageait pas l’avis de l’Uruguay. Selon M.
Carasales, le pont projeté n’affecterait ni le régime ni la qualité des eaux du fleuve
Uruguay. Concernant la navigation, l’Argentine a soutenu que cette activité était presque
inexistante dans cette partie du fleuve et que le pont ne co nstituerait pas un obstacle à la
navigation.
3.111 Malgré cette opinion l’Argentine a communiqué à la CARU, le 19 mai
1995, qu’elle avait modifié son projet initial, en respectant ainsi les exigences qui avaient
269
été formulées par la délégation uruguayenne en 1993.
c) Le Canal Casa Blanca
266CARU, Procès-verbal N° 10/93, Informe n°158 de la Sous-Commission de Navigation et Ouvrages,
p.1262.
267
268CARU, Procès-verbal N° 11/93, pp.1433-1444.
269CARU, Procès-verbal, Mémorandum n°6 du 23 décembre 1993.
CARU, Procès-verbal N° 4/95, 19 mai 1995, pp.555-556.
1093.112 L’Uruguay a soumis à l’Argentine le pr ojet du Canal Casa Blanca au sein
de la CARU le 22 juillet 1994. La délégation argentine a indiqué qu’elle n’était pas en
mesure de dire si le projet causerait ou non un préjudice selon les termes de l’article 7 du
270
Statut de 1975. Lors de cette réunion, les deux dé légations ont fixé un délai de 30
jours, tel que prévu par l’article 7 du Statut de 1975, sans préjudice du mandat donné à la
CARU de réaliser des études relatives à ce projet. 271 Le 7 avril 1995, les experts ont
conclu que «les calculs effectués confirment la présomption que le dragage de Casa
272
Blanca n’affecte pas les plages Banco Pelay ».
3.113 La délégation uruguayenne a considér é qu’en conformité avec l’article 8
du Statut, l’Argentine disposait d’un délai de 180 jours pour se prononcer sur le projet, à
compter de la réception par sa délégation de la notification. L’Uruguay a considéré
qu’elle était autorisée à procéder au dragage du canal Casa Blanca du fait de l’absence de
réponse de la part de l’Argentine et des ré sultats des calculs entrepris par les experts. 273
L’Uruguay a considéré que le délai de 180 jours prévu à l’article 8 du Statut de 1975 était
échu en avril 1995 au moment de la présentati on du rapport d’experts et a indiqué que si
les deux Etats ne parvenaient pas à un accord, il y avait la possibilité de recourir à la
procédure de règlement des différends prévue par le Statut de 1975. 274
3.114 Le sujet du dragage du Canal a été repr is par la CARU en 1992. Dans les
actes de la Commission du 7 février 1997, la délégation argentine a précisé que l’étude
relative au Canal Casa Blanca effectuée par la province d’Entre Rios avait déterminé que
275
le dragage du Canal n’aurait pas eu d’ef fets négatifs pour la côte argentine.
L’Argentine a néanmoins précisé qu’elle se réservait le droit d’inspecter les ouvrages en
construction conformément à l’article 10 du Statut de 1975, et que si l’Uruguay modifiait
le projet de dragage, il devrait procéder à une nouvelle consultation.
270
271CARU, Procès-verbal N° 5/95, 23 juin 1995, pp.691-692.
272Ibid.
Ibid., p.693.
273Ibid.
274Ibid., p.710.
275
CARU, Procès-verbal N° 1/97, 7 février 1997, pp.14-19.
110 d) Le projet d’usine de pâte à papier Papelera Traspapel
3.115 Entre 1995 et 1996 un projet d’instal lation d’une usine de pâte à papier à
Fray Bentos, dénommé Papelera Traspapel a ét é discuté par les organes de la CARU. La
société commerciale qui devait s’installer dans cette localité était d’origine espagnole.
3.116 Dans les actes de la CARU 6/95 du 20 juillet 1995, la Sous-commission
sur la qualité des eaux et la prévention de la contamination environnementale de la
CARU indique avoir reçu la résolution 4 07/95 adoptée par le Conseil délibérant de
Concepción del Uruguay (Honorable Concejo Deliberante de Concepción del Uruguay).
Dans cette résolution, le Conseil exprime sa préoccupation quant à la possibilité de
276
l’installation d’une usine de pâte à papier. Ainsi, la Sous-commission a demandé à la
DINAMA de fournir à la CARU, dans les délais les plus courts possible, la
documentation relative au projet. 277
3.117 Les actes de la CARU mentionnent la réception d’un Mémorandum
élaboré par l’ingénieur Amorín, foncti onnaire de la DINAMA. Ce Mémorandum
contenait les informations relatives aux étapes suivies par la société commerciale devant
278
la DINAMA jusqu’au 15 août 1995. Le Mémorandum donne des informations sur les
techniques de production utilis ées par l’usine projetée et il conclut que celle-ci devra se
soumettre à des conditions très exigeantes en matière d’impact environnemental,
conformément aux normes urug uayennes applicables en la matière et aux normes du
Digeste sur les utilisations du fleuve Uruguay de la CARU. 279
276Rapport n°148 de la sous-commiss ion sur la qualité des eaux et prévention de la contamination
environnementale de la CARU, CARU, Procès-verbal N° 6/95, 21 juillet 1995, pp.842-845 et pp.893-894 ;
277U, Procès-verbaux N° 7/95, 18 août 1995, p.946.
CARU, Procès-verbal N° 6/95, 21 juillet 1995, p. 845.
278CARU Procès-verbal N°7/95, 18 août 1995, pp.1007-1008 et pp.1027-1028.
279Ibid., pp.1007-1008.
1113.118 En 1996, M. Marchessi, membre de la délégation argentine, a demandé
que le Secrétariat technique de la CARU collecte toute la documentation pertinente
280
relative au projet d’usine Traspapel depuis 1995. Lors de la réunion plénière du 23
août 1996, M. Lapeyre, en tant que Président de la Délégation uruguayenne à la CARU, a
avancé que le projet de l’installation d’une usine de pâte à papier à Fray Bentos a
«la capacité potentielle de se transformer en une question de
préoccupation et de difficile solu tion au sein de la Commission
d’administration du fleuve Uruguay ».
Il ajoute:
«la Commission a comme principal de voir, ou au moins comme un des
principaux devoirs, de préserver la qualité des eaux du fleuve Uruguay et,
évidemment lorsqu’on parle d’une installation industrielle qui peut affecter
la qualité des eaux il est nécessaire d’être très prudent dans la gestion de la
question et se conformer aux obligations prévues aux articles du 7 à 13 du
Statut du fleuve Uruguay ».
M. Lapeyre a souligné également à cette occasion que la demande d’informations
281
constitue «une procédure investie de ce rtaines caractéristiques de solennité». A son
avis, ces informations constituent des conditi ons nécessaires pour que la consultation
prévue par le Statut de 1975 puisse être effective et e fficace. La société commerciale
concernée a finalement décidé de ne pas installer l’usine Traspapel.
e) Le port M’Bopicuá
3.119 En 2001 et 2002 la CARU a examin é le projet de port M’Bopicuá situé
près de la ville uruguayenne de Fray Bentos . Le projet n’entretenait à l’époque aucun
rapport avec le projet d’ usine CMB. En vertu de l’article 7 du Statut du fleuve Uruguay,
la CARU a été saisie de ce projet par l’Ur uguay. Le 12 avril 2001, la sous-commission
sur la navigation, ouvrages et érosion de la CARU a adopté une résolution relative à ce
280
281CARU, Procès-verbal N° 2/96, 15 mars 1996, pp.202-203.
CARU, Procès-verbal N° 7/96, p.1065, Annexes, livre III, annexe 4.
112projet.282Dans celle-ci les experts techniques de la sous-commission ont considéré qu’ils
n’y avait pas d’objections à la réalisation de ce projet. La résolution de 2001 mentionne
expressément l’article 7 du Statut de 1975.
3.120 La CARU a discuté du pr ojet de port M'Bopicuá de l’entreprise Thenon
S.A. lors de sa réunion du 8 juillet 2002. Le président de la délégation argentine a
souligné le besoin d’obtenir toute l'information nécessaire afin de permettre à la CARU
de considérer de manière adéquate ce projet, et de respecter les engagements
internationaux en matière de qualité des eaux et de contamin ation. Le président de la
délégation uruguayenne (alors président de la CARU) a manifesté son accord à la
demande de l’Argentine. Ainsi, la CARU a décidé de réunir toute l’information
nécessaire, de sorte que la Sous-commission pe rtinente l'évalue et transmette son rapport
283
à la Commission plénière. Les étapes suivies par la CARU dans le cadre du projet de
port M’Bopicuá correspondent à ce qui doit être fait avant que la Commission ne prenne
une décision.
f) Terminal pour cargos à Nueva Palmira
3.121 Lors de sa session du 17 février 2006, la Présidente de la CARU a indiqué
que la délégation uruguayenne a donné des informations relatives au projet de
construction d’un Terminal pour cargos à Nueva Palmira. La délé gation uruguayenne a
présenté ces informations à la CARU afin de mettre en Œuvre les obligations prévues aux
articles 7 et suivants du Statut de 1975. 284
3.122 Lors de la discussion relative à ce pr ojet, la délégation argentine a indiqué
que ce projet n’était pas lié à ceux de la constr uction des usines de pâte à papier qui sont
l’objet d’un différend entre l’Argentine et l’Ur uguay. En outre, la délégation argentine a
rappelé que sur la base de l’article 7, la CARU doit déterminer, dans un délai de 30 jours,
282Résolution 12/01 du 12 avril 2001, CARU, Procès-verbal N°4/2001, p.521bis, Annexes, livre III,
283exe 2.
284CARU, Procès-verbal N° 15/02, 8 juillet 2002, point 3.2.
CARU, Procès-verbal N° 02/06, 17 février 2006, point 5.2. Annexes, livre III, annexe 6.
113si le projet envisagé par une Partie peut ca user un préjudice sensible à l’autre partie. A
cette fin la délégation argentine a demandé de faire parvenir à la Commission, dans les
délais les plus courts, toute l’information pertinente relative à ce projet.
C. UN RÉGIME JURIDIQUE DE PROTECTION GLOBALE
3.123 Le régime juridique applicable au fl euve Uruguay est un régime juridique
de protection globale qui énonce des obligations spécifiques en matière de navigation, de
protection du régime du fleuve, et de protection de la qualité des eaux et de l’écosystème
du fleuve. 285 Porter atteinte à l’une de ces obligati ons c’est porter atteinte au principe de
l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve.
1 § La protection de la navigabilité du fleuve Uruguay
3.124 L’article 3 du Statut de 1975 établi t que: «Les Parties se prêtent le
concours nécessaire pour donner à la navigation les facilités et la sécurité la plus grande à
la navigation». Comme indiqué par Lapeyre et Flangini: «Cette règle a un contenu
286
programmatique; elle signifie une obligation á caractère prioritaire incontournable ».
3.125 Le Statut de 1975 en son article 4 précise que les deux riverains établissent
conjointement «les normes relatives à la sécu rité de la navigation sur le fleuve et à
l’utilisation du chenal principal ». Cett e obligation établit le principe d’une
285Pour une vision trop restrictive du régime de protection, voir les propos de M. Condorelli qui affirme :
«Les usines de pâte à papier dontnous discutons ne sont pas susceptib les d’affecter la navigation ou le
régime du fleuve: l’Argentine, d’ailleurs ne le prét end pas. Le statut est donc pertinent exclusivement en
vue du «préjudice sensible» que – d’après la partie adverse – ces usin es risqueraient de lui causer par
286ltération de la « qualité » des eaux du fleuve ». CR 47/2006, par.8 (Condorelli).
E. G. Lapeyre et Y. Flangini, op.cit., p.73.
114réglementation commune pour la navigation. C’est là une des innovations du Statut de
1975 par rapport au Traité du Rio de la Plata de 1973. 287
3.126 La réalisation des travaux de dragag e et balisage et des ouvrages de
conservation du chenal principal est soumise à un régime spécifique mis en relief par le
régime de coopération sur le fleuve Uruguay. Selon les termes de l’article 5 :
« La Commission attribue aux Parties, après établissement en commun
du projet , la réalisation des travaux de dragage et balisage et des
ouvrages de conservation du ch enal principal qu’elle décide
périodiquement d’effectuer en fonction de l’utilisation du chenal et de
la disponibilité de moyens techniques ». 288
L’Argentine et l’Uruguay ont prévu l’oblig ation de notification des projets visés à
l’article 5. En effet, en vertu de l’article 6 :
«Aux fins énoncées à l’article 5, ch aque Partie autorise les services
compétents de l’autre à exécuter les taches qui lui incombent dans sa
juridiction, moyennant notification pr éalable par l’intermédiaire de la
Commission ».
3.127 Les différentes utilisations d’un cour s d’eau international, navigation y
compris, ont des liens étroits. Le rapporteur sp écial sur le droit relatif aux utilisations des
cours d’eau internationaux pour des fins autres que la navigation et plus tard juge, S.
Schwebel, dans son premier rapport à la CDI avait souligné:
«(…) Les interactions de la naviga tion et des autres utilisations des
voies d’eau sont tellement nomb reuses que les ingénieurs et
administrateurs chargés de la mise en valeur de n’importe quelle voie
d’eau sur laquelle la navigation es t pratiquée ou envisagée ne peuvent
dissocier les besoins et les effets de la navigation et ceux d’autres
289
projets d’exploitation des ressources hydrauliques (…) ».
287
Selon le Traité du Rio de la Plat a de 1973 chaque riverain qui «cons truit ou fait construire un chenal
établira en outre la réglementation correspondante ». La Commission administrative du Rio de la Plata est
chargée de répartir les re sponsabilités de la réglementation pour les tronçons de chenaux dans les eaux
d’intérêt commun. Articles 12 et 13 du Traité du Rio de la Plata de 1973.
288Italiques ajoutés.
289 er
Annuaire de la Commission du droit international, 1979, vol. II (1 partie), p.168.
1153.128 La Convention des Nations Unies de 1997 fait état des rapports entre la
navigation et les autres utilisa tions d’un cours d’eau, en énonçant que dans certains cas
« d’autres utilisations ont une incidence sur la navigation ou sont affectées par elle ». 290
2 § La protection du régime du fleuve Uruguay
3.129 Selon le Dictionnaire hydrographique , le régime renvoie à «l’ensemble
291
d’éléments dont les variations saisonnières caractérisent la situation en un lieu donné ».
Le régime naturel d’un fleuve est déterminé par la taille du fleuve, le climat, la géologie
et la végétation. 292Le Statut du fleuve Uruguay exige que le régime des eaux ne soit pas
affecté par un ouvrage et toute autre utilisation.
3.130 La littérature scientifique a mis en re lief la relation entre les changements
du régime du fleuve et son impact sur l’écosystème. Ainsi, il a été dit:
«flow regime is of central import ance in sustaining the ecological
integrity of flowing water system s. (…) Modification of flow has
293
cascading effects on the ecological integrity of rivers ».
3.131 Une résolution de la Conférence des Pa rties à la Convention relative aux
zones humides d’importance internationale pa rticulièrement comme habitats des oiseaux
d’eau (ci-après Convention de Ramsar) à laque lle l’Argentine et l’Ur uguay sont parties,
souligne les liens entre la protection des zo nes humides et le régime naturel de l’eau.
Cette résolution, qui contient les Lignes directrices pour l'intégration de la conservation
290Article 1 al. 2 de la Convention des Nations Unies de 1997.
291
Organisation hydrographique internationale, Dictionnaire hydrographique, Partie I, 3e édition, Monaco,
2924, p.261.
N. Le Roy Poff, J. David Allan, M. B. Bain, J.R Carr, K.L. Preseteg aard, B. D. Richter, R.E. Sparks,
J.CI. Stromberg, « The Natural Flow Regime: A Pa radigm for river conserva tion and restoration »,
BioScience, vol. 47, 1997, p.2
293
Ibid.
116et de l'utilisation rationnelle des zone s humides dans la gestion des bassins
hydrographiques, et adoptée en mai 1999, précise que :
«Les écosystèmes des zones humides dépendent du maintien du régime
naturel de l’eau - débit, quantité et qualité, température et périodicité -
pour conserver leur diversité biologiqu e, leurs fonctions et leurs valeurs.
Le régime naturel de l’eau peut être considéré comme la variable la plus
importante pour l’intégrité écologique d’écosystèmes de zones humides
riveraines. La construction d’ouvrages qui entravent l’écoulement de l’eau
et de canaux qui détournent l’eau de la plaine d’inondation plus vite que
cela ne se produirait à l’état naturel entraînent la dégradation des zones
humides naturelles et, en fin de comp te, la perte des services qu’elles
procurent. Face à ces préoccupations, plusieurs pays ont promulgué des
lois et élaboré des lignes directrices afin de garantir une attribution
adéquate d’eau pour maintenir le s écosystèmes naturels des zones
humides». 294
La résolution adoptée par les Etats parties à la Convention de Ramsar met en lumière que
les écosystèmes des zones humide s, - telles celles entourant un fleuve -, peuvent être
affectés par des changements dans le régime naturel de l’eau. On saisit ainsi la grande
importance du maintien du régime naturel d’un fleuve tel que le fleuve Uruguay.
3 § La protection de la qualité des eaux du fleuve Uruguay
3.132 Le Statut de 1975 fait une large place à la protection et à la prévention de
la pollution du fleuve. L’article 40 donne une définition large de celle-ci. Il s’agit de :
« l’introduction directe ou indirecte par l’homme de substances ou énergie
nocives dans le milieu aquatique ».
294Annexe à la Résolution VII.18.
117Cette définition couvre toute source de pollution ainsi que la pollution intentionnelle et la
pollution non intentionnelle. 295
3.133 La protection de la qualité des eaux du fleuve Uruguay est assurée à la fois
par l’adoption par les Etats de mesures nationales et par la CARU qui a compétence pour
adopter des normes et standards en ce doma ine. L’article 41 requiert queles Parties
s’obligent :
«A protéger et à préserver le m ilieu aquatique et, en particulier, à en
empêcher la pollution en établissant des normes et en adoptant les mesures
appropriées ». (italiques ajoutés)
Cette disposition ajoute que les normes et les mesures adoptées par les Parties sont
établies
« conformément aux accords internationaux applicables et, le cas échéant,
aux directives et recommandati ons des organismes techniques
internationaux ». 296
Les Parties ont à cet effet adopté le Digesto sobre el uso y aprovechamiento del río
Uruguay (ci-après le « Digeste »). Le chapitre 4 du titre 2 de la section E3 de ce Digeste
énonce des standards en matière de qualité des eaux. 297
3.134 Le Statut de 1975 engage les Etats à adopter des législations nationales qui
doivent être conformes à leurs engagements et aux standards élaborés par des institutions
compétentes. L’Argentine et l’ Uruguay ont l’obligation de ne pas amoindrir, ou passer
outre, dans leurs systèmes juridiques respectifs :
« Les normes techniques en vigueur pour prévenir la pollution des eaux, et
les pénalités établies pour les infractions ». 298
295La rédaction de l’article 40 du Statut de 1975 s’inscrit dans la ligne des travaux de l’Association de droit
international lors de sa réunion en 1966 à Helsinki ainsi que des documents issu s de la Conférence des
296ions Unies pour l’environnement de Stockholm de 1972.
Article 41 (a) du Statut de 1975.
297Voir infra, par. 3.147-3.152.
298Article 41 (b) (1) et (2) du Statut de 1975.
118En outre, les deux Parties ont l’obligation de «s’informer mutuellement des normes
qu’elles se proposent d’établir en matière de pollution des eaux, en vue d’établir des
299
normes équivalentes dans leurs systèmes juridiques respectifs ».
3.135 Il est important de souligner que l’article 42 du Statut affirme que :
« Chaque Partie est responsable envers l’autre des dommages résultant de
la pollution causée par ses propres act ivités ou par celles menées sur son
territoire par des personnes physiques ou morales ».
3.136 Cette disposition vise ainsi tant les activités polluantes de l’Etat que celles
des acteurs privés qui opèrent sur son territoire. Il établit aussi la responsabilité de chaque
Etat à l’égard de l’autre pour la pollution produite.
3.137 L’Argentine et l’Uruguay ont, par ailleu rs, prévu, dans le Statut de 1975,
d’établir :
« d’un commun accord les normes régissant les activités de pêche dans le
fleuve, pour ce qui touche la préservation des ressources biologiques ». 300
Cette disposition témoigne du souci des Etats riverains de protéger le fleuve et ses
ressources biologiques et confirme l’enga gement de l’Argentine et de l’Uruguay
d’élaborer un régime juridique pour lutt er contre la pollution des eaux du fleuve
Uruguay.
4 § La protection de l’écosystème du fleuve Uruguay
3.138 La protection de l’écosystème est pr évue par le Statut de 1975. Elle
découle des articles 35 et 36.
299
300Article 41 (c) du Statut de 1975.
Article 37 du Statut de 1975.
1193.139 La Convention sur la diversité biol ogique à laquelle l’Argentine et
l’Uruguay sont parties, définit l’écosystème comme :
« Le complexe dynamique formé des communautés de plantes, d’animaux
et de micro-organismes et de leur environnement non301vant, qui par leur
interaction, forment une unité fonctionnelle ».
3.140 Dans son commentaire sur le Projet d’ articles relatif aux utilisations des
cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation, la CDI a précisé quele
terme d’écosystème désigne :
«une unité écologique composée d’élém ents biologiques ou non qui sont
interdépendants et fonctionnent comme un ensemble. ̀Toutes les
composantes d’un écosystème sont inte rdépendantes et rien ne s’y perd
réellement. En conséquence, ̀une sollicitation extérieure s’exerçant sur l’un
d’entre eux [c’est-à-dire l’un des éléments] peut se répercuter sur d’autres
302
et risquer de perturber l’équilibre d’ensemble ».
3.141 Ainsi que l’a souligné S. McCaffrey :
«“ecosystems” of an international wa tercourse should be understood to
include not only the flora and fauna in and immediately adjacent to a
watercourse, but also the natural features within its catchment that have an
303
influence on, or whose degradation could influence, the watercourse ».
3.142 La Convention des Nations Unies de 1997 fait place à cette notion en
304
envisageant la protection de l’écosystème des cours d’eau. Les accords régionaux sur
305
les cours d’eau internationaux prônent également une gestion semblable.
301Article 2 de la Convention sur la diversité biologique. L’Argentin e a ratifié la Convention sur la
302diversité le 22 novembre 1994 et l’Uruguay le 5 novembre 1993.
Projet d’articles relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation,
op.cit., pp.304-305 (notes de bas de page omises).
303S. McCaffrey, The Law of International Watercourses. Non-navigational uses, Oxford University Press,
2001, p.393.
304
L’article 20 de la Convention des Nations Unies de 19 97 stipule que : « Les Etats du cours d’eau,
séparément et, s’il y a lieu, conjontement, protègent et préservent les écosystèmes des cours d’eau
internationaux ».
305Voir l’article 3.1 (d) (i) de Convention d’Helsinki sur la protection et l’util isation des cours d’eau
internationaux et de lacs internationaux adoptée sous l’égide de la Comm ission économique des Nations
Unies pour l’Europe de 1992 ; article 4.2 (a) du Protocole de 2000 sur les systèmes de cours d’eau partagés
dans la Communauté de développe ment de l’Afrique Australe, l’ article 3 de l’Accord pour le
développement durable du bassin du Mékong de 1995, article 3 de la Charte des eaux du fleuve Sénégal de
2002, Article 4.2 (i) du Protocole pour le développement durable du Lac Victoria de 2003.
1203.143 Le Statut de 1975 fait montre d’innov ation puisqu’il énonce, bien avant
l’adoption de la Convention des Nations Un ies, quel’Argentine et l’Uruguay doivent
coordonner
«par l’intermédiaire de la Commissi on, les mesures propres à éviter une
modification de l’équilibre écologique et à contenir les fléaux et autres
306
facteurs nocifs sur le fleuve et dans ses zones d’influence ».
3.144 En outre, le Statut de 1975 inclut da ns son régime de gestion commune le
fleuve, la gestion du sol et des forêts, les eaux souterraines et les affluents du fleuve
Uruguay, en indiquant :
«Les Parties s’obligent à adopter le s mesures nécessaires pour que la
gestion du sol et des forêts, l’utilisa tion des eaux souterraines et celles des
affluents du fleuve n’entraînent pas de modification causant un 307judice
sensible au régime de ce dernier ou à la qualité de ses eaux ».
3.145 Ces obligations prévues par le Statut de 1975 illustrent la volonté de
l’Argentine et de l’Uruguay de prôner et de promouvoir un régime de protection globale
du fleuve Uruguay et de son écosystème.
5 § Instruments de mise en Œuvre en matière de protection du fleuve Uruguay
3.146 Différents instruments adoptés au sein de la CARU ou entre la CARU et
des autorités locales argentines et uruguayenn es ont permis aux deux Etats de mettre en
Œuvre leurs obligations en matière de prot ection du fleuve Uruguay. Ces instruments
montrent la volonté des deux Etats de dévelo pper plus avant les obligations contenues
dans le Statut de 1975.
a) Le Digeste sur les utilisations des eaux
du fleuve Uruguay et l’édiction de standards
306
307Article 36 du Statut de 1975.
Article 35 du Statut de 1975.
1213.147 La CARU a édicté des standards rela tifs à la qualité des eaux, à la
conservation et à la préservation des ress ources biologiques du fleuve Uruguay. Ces
308
standards sont compilés dans les sections E3 et E4 du Digeste. Cet instrument est
l’expression directe de la volonté des parties et de leur interprétation des dispositions du
Statut de 1975.
3.148 Les notes diplomatiques de 1990 relati ves à l’adoption de la partie E3
précisent que cette partie a été élaborée en conformité avec l’article 7 f) du Traité relatif à
la frontière de 1961 et avec les articles 35, 36 , 41-45 et 56 a) 4) du Statut de 1975 et que
ces normes «déterminent les principes normatifs essentiels pour prévenir la
309
contamination des eaux du fleuve et défini r les standards de qualité de ces eaux ». En
outre, l’Uruguay reconnaît qu’il est lié par les « Normes sur la contamination » élaborées
310
par la Commission.
3.149 Dans la note diplomatique adressée par l’Argentine à l’Uruguay en 1995
relative à la section E4, il est affirmé que ce chapitre a été élaboré pour mettre en Œuvre
les articles 37, 38 et 39 du St atut et que cette réglementation « montre encore une fois la
volonté conjointe de nos pays de réaliser concrètement des sujets d’intérêt commun et
détermine les règles pour rendre possible la conservation, l’utilisation et la préservation
des ressources vivantes dans le tronçon du fleuve Uruguay partagé, en constituant une
311
référence historique sans beaucoup d’exemples analogues dans le monde actuel ».
3.150 L’objet et le but du Digeste sont de protéger et de préserver le milieu
aquatique et son équi libre écologique, d’assurer toute utilisation légitime des eaux en
tenant compte des nécessités à long terme et particulièrement celles relatives à la
consommation humaine. Le Digeste vise, en outr e, à prévenir toutes nouvelles formes de
308Pour les standards relatifs à la qualité des eaux, voir infra, par. 3.151.
309Note du 27 novembre 1990, Annexes, livre II, annexe 14.
310Note du 27 novembre 1990, Annexes, livre II, annexe 14.
311
Note du 12 septembre 1995, Annexes, livre II, annexe 15.
122contamination et à les éliminer lorsque les valeurs et les standards adoptés pour les
utilisations légitimes du fleuve n’ont pas été respectés. 312
3.151 Le Digeste fixe les compétences des Et ats et celle de la CARU en matière
de prévention de la contamination. Les Etat s édictent les autorisa tions, restrictions ou
prohibitions relatives aux utilisations des eaux en informant la CARU lorsque ces
313
autorisations, restrictions ou prohibitions ont trait à des risques pour la santé humaine.
Les Etats évaluent conjointement le niveau de la qualité des eaux du fleuve en conformité
avec les standards établis dans le chapitre 4 du titre 2 de la section E3. Ceux-ci portent
notamment sur les substances qui risquent de contaminer les eaux du fleuve et affecter la
santé de l’homme.
3.152 Le Digeste fixe la responsabilité des Etats en matière de dommages causés
par la contamination du fleuve du fait d’act ivités menées par un Etat ou des entités
314
physiques ou morales relevant de sa juridiction. Cet instrument fait référence aux
articles 7 à 12 du Statut de 1975 relatifs à la procédure prévue pour la mise en place
d’ouvrages et pour les utilisations des eaux du fleuve. Le chapitre 5 du titre 2 contient les
normes relatives aux conditions des effluents du fleuve Uruguay et le chapitre 6 du titre 2
détermine les conditions de décharges et de déversements . Le titre 3 du Digeste est
consacré à la recherche en matière de pollution. La CARU peut promouvoir et
coordonner les études et recherches menées conjointement ou séparément par les parties
en matière de contamination. En outre, quan d la CARU l’estime pertinent, elle peut
réaliser d’office des études et recherches qui sont nécessaires à l’accomplissement de son
mandat en matière de contamination. 315
b) Le Plan de protection environnementale du fleuve Uruguay de 2002
312Chapitre 2 du titre 1, article 1 du Digeste (E3), Annexes, livre II, annexe 12.
313Chapitre 1 du titre 2, article 1 (a) du Digeste (E3), Annexes, livre II, annexe 12.
314Chapitre II du titre 2, article 1 du Digeste (E3), Annexes, livre II, annexe 12.
315
Chapitre 1 du titre 3, articles 4 et 5 du Digeste (E3), Annexes, livre II, annexe 12.
1233.153 L’Accord régional pour l’adoption d’un Plan de protection
environnementale (ci-après Accord régional) et le Plan de protection environnementale
du fleuve Uruguay (ci-après le Plan de 2002) conclus à Pa ysandú le 29 octobre 2002
entre la CARU et quinze gouv ernements locaux uruguayens et argentins spécifient les
obligations énoncées par le Statut de 1975. Il s fournissent un cadre de coopération et de
coordination collectif, participatif et collaboratif pour protéger le fleuve Uruguay « pour
les générations futures ». 316
3.154 Le Plan de 2002 couvre la protection du fleuve et du milieu aquatique et il
contient des obligations pour prendre des mesu res en vue d’améliorer la prise en compte
des sujets d’intérêt commun co mme le tourisme. Le tourisme est considéré par le Plan
comme une des activités en croissance dans la région. Dans le préambule de l’Accord
régional, est mentionné le «désir de trav ailler pour un développement durable de
l’écosystème du fleuve Uruguay (…) en prenant en considération la richesse naturelle du
fleuve, ses îles, rives et zones alluviales ». Le Plan de 2002 s’inscrit dans le prolongement
du Statut du fleuve de 1975, du Digeste et de l’Accord de coopér ation du 18 août 2001
signé entre les gouvernements locaux et la CARU.
3.155 Le champ d’application de l’Accord régional de 2002 est large. Il
s’applique au fleuve Uruguay, aux eaux so uterraines, aux écosystèmes aquatiques et
terrestres qui interagissent avec le fleuve et au bassin de drainage du fleuve Uruguay. 317
En outre, l’Accord régional est inspiré par les principes de protection de l’environnement
reconnus par l’Argentine et l’Uruguay et énoncés dans la Déclaration de Rio adoptée lors
de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement de 1992. 318
3.156 Les engagements des parties sont énumérés à l’article 4. Ils
comprennent le développement de l’échange d’informations et de la coopération tant
entre les gouvernements locaux qu’entre les gouvernements locaux et la CARU. Les
316
317Plan de protection environnementale du fleuve Uruguay, « Introduction », Annexes, livre II, Annexe 9.
Article 1 de l’Accord régional pour l’adoption d’un Plan de protection environnementale du fleuve
Uruguay, Annexes, livre II, annexe 9.
318Article 3 de l’Accord régional pour l’adoption d’un Plan de protection environnementale du fleuve
Uruguay. Plan de 2002, Annexes, livre II, annexe 9.
124gouvernements locaux s’engagent à condui re des actions autonomes, considérées
nécessaires, dans leurs juridictions nation ales respectives, afin que «les projets
techniques ayant potentiellement des effets nocifs sur l’écosystème [soient] soumises à
une autorisation préalable, en tenant compte des régulations générales et des règlements
particuliers nécessaires ».
3.157 D’un point de vue opérationnel, l’ob jectif de l’Accord régional est
d’intégrer les actions des gouvernements locaux et les activités de la CARU, en
s’assurant de la participatio n active d’entités publiques et privées des deux pays. Sept
domaines d’action appelés « Areas temáti cas estratégica»s et une structure
opérationnelle composée de plusieurs organes ont été établis à cette fin. 319
Section III
Le Statut de 1975 doit être interprété et appliqué
à la lumière des instruments internationaux et des
principes et règles pertinents du droit international
3.158 Les négociateurs du Statut de 1975 ont placé cet instrument au cŒur du
système juridique international. Ils l’ont fait tout d’abord au moyen de clauses de renvoi
prévues aux articles 1 et 41 a) . Ces articles obligent les Etat s au «respect des droits et
obligations découlant des trai tés et autres engagements in ternationaux en vigueur à
l’égard de l’une ou l’autre des Parties» ains i qu’à protéger le milieu aquatique et à
empêcher la pollution « en adoptant les me sures appropriées, conformément aux accords
internationaux applicables et, le cas échéan t, en harmonie avec le s directives et les
recommandations des organismes techniques internationaux ».
319Article 5 de l’Accord régionpour l’adoption d’un Plan de pr otection environnementale du fleuve
Uruguay. Annexes, livre II, annexe 9.
1253.159 Dans cette perspective, la Cour étant compétente pour les différends
relatifs à « l’interprétation ou l’application du Statut de 1975 », la question de savoir si
l’un des deux Etats a respecté les droits et obligations découlant d’autres engagements
figure parmi les éventuels problèmes relatifs à l’interprétation et à l’application du Statut.
Le Statut de 1975 disposant que sa mise en Œuvre s’effectue également en prenant en
compte ces normes, en découle que ceux-ci s’aj outent aux droits et obligations du Statut
de 1975.
3.160 En effet, les clauses de renvoi 320 susmentionnées permettent
l’incorporation et l’application des droits et d’obligations découlant d’autres traités et
engagements internationaux dans les relations entre l’Argentine et l’Uruguay établies en
vertu du Statut de 1975 et doivent ainsi être nécessairement pris en compte pour éclairer,
ordonner et nuancer le sens, le contenu et la portée des droits et obligations prévus par le
Statut de 1975 ainsi que les compléter.
3.161 En outre, l’interprétation du Statut de 1975 fait place au droit international
général et notamment «aux principes qui règlent en général le droit fluvial
international». Dans l’affaire de la Juridiction territorial e de la Commission
internationale de l’Oder, les Parties avaient demandé à la CPJI d’interpréter l’article 331
du Traité de Versailles pour déterminer les limites territoriales du régime
d’internationalisation et d’administration de la Commission. Les six gouvernements
(l’Allemagne, le Danemark, la France, le Roya ume-Uni, la Suède et la Tchécoslovaquie)
et la Pologne n’étaient toutefois pas d’acco rd sur l’interprétation à donner à certains
321
termes de l’article 331. La CPJI avait alors jugé que da ns l’interprétation d’un traité
lorsque « l’analyse grammaticale d’un texte» ne donne pas des résultats certains, « il y a
bien d’autres moyens d’interprétation, en particulier le recours aux principes qui régissent
320
Sur la portée des clauses de renvoi en général, voir M. Forteau, « Les renvois inter-conventionnels»,
Annuaire français de droit international, 2003, pp. 71-104.
321La Cour devait déterminer si « la partie des deux affluents qui trouve en amont de la frontière
allemande peut être considérée comme servant d’accès à la mer à plus d’un Etat au sens de l’article 331 du
Traité de Versailles». Affaire de lJuridiction territoriale de la Co mmission internationale de l’Oder
(Allemagne, Danemark, France, Royaume-Uni, Suède et Tchécoslovaquie c. Pologne), arrêt n° 16, 1929,
C.P.J.I. Recueil, série A No. 23, p.25.
126 322
la matière à laquelle le texte a trait». A cette occasion, la CPJI a fait mention
323
particulière des « principes qui règlent en général le droit fluvial international ».
3.162 De manière générale, il est à no ter qu’il est requis d’adopter une
interprétation systématique du Statut de 1975 qui tienne compte du contexte juridique
approprié et « de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations
entre les parties » tel que prévu spécifiquement par l’article 31.3 c) de la Convention de
Vienne sur le droit des traités. Cette exigence a été soulignée par la CIJ: « tout instrument
juridique doit être interprété et appliqué dans le cadre de l’ensemble du système juridique
en vigueur au moment où l’interprétation a lieu ». 324L’interprétation du Statut doit
s’inscrire dans une perspective évolutive pour permettre la prise en compte effective des
nouvelles normes en matière d’environnement. 325 Le contenu des droits et obligations
326
prévus par le Statut de 1975 n’est pas figé mais « par définition évolutif ».
A. LES PRINCIPES PERTINENTS DU DROIT DES COURS D’EAU
INTERNATIONAUX APPLICABLES AU PRÉSENT DIFFEREND
1 § Le principe de l’utilisation équitable et raisonnable d’un cours d’eau international
3.163 Le principe de l’utilisation optimale et rationnelle du fleuve Uruguay est
notamment lié au principe de l’ utilisation équitable et raisonnable. Ce dernier est récepté
dans l’article 5 de la Convention sur le dr oit relatif aux utilisations des cours d’eau
internationaux à des fins autr es que la navigation adoptée par l’Assemblée générale des
Nations Unies le 21 mai 1997.
322
323Ibid., p.26.
324Ibid.
Conséquences juridiques pour les Et ats de la présence co ntinue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-
Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité , avis consultatif du 21 juin
1971, C.I.J. Recueil 1971,, p.31, para.53.
325
Affaire relative au Projet Gabcíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), op.cit., paras.112 et 140. Affaire
du Rhin de fer (Belgique c. Pays-Bas), décision du 24 mai 2005, disponible sur: www.pca-cpa.org, par.80.
326Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-
Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, op.cit., p.31, para.53
1273.164 Dans l’Affaire relative au Projet Ga bcíkovo-Nagymaros, la CIJ a indiqué
que :
« Le rétablissement du régime conjoint reflétera aussi de façon optimale le
concept d’une utilisation conjointe de s ressources en eau partagées pour
atteindre les différents objectifs men tionnés dans le traité et ce,
conformément au paragraphe 2 de l’ar ticle 5 de la Convention sur le droit
relatif aux utilisations des cours d’ea u internationaux à des fins autres que
la navigation, aux termes duquel :
Les Etats du cours d’eau participent à l’ut ilisation, à la mise en valeur et à
la protection d’un cours d’eau inte rnational de manière équitable et
raisonnable. Cette participation compor te à la fois le droit d’utiliser le
cours d’eau et le devoir de coopérer à sa protection et à sa mise en valeur,
comme prévu dans les présents articles. (Assemblée générale, doc.
327
A/51/869 du 1 avril 1997) »
3.165 L’article 5 de la Convention des Nati ons Unies de 1997 met en lumière
que le droit d’utiliser un cours d’eau internat ional est couplé du devoir de protéger le
cours d’eau. Le rapporteur spécial Schwebel a précisé à cet égard que:
«[L]a composante « protection » qui, par définition, couvre surtout la
qualité de l’eau, l’environnement, la sécurité, les maladies transmises par
l’eau et la préservation des ressourc es, appelle la prise de mesures ou
l’exécution de travaux de nature à limiter jusqu’à un certain point les
utilisations des eaux par un ou plusieurs Etats du système. Le bien-être des
populations tributaires des eaux d’un système ou le développement socio-
économique de la région qu’il dessert, sans parler de la protection de
l'environnement marin, peut conférer une priorité absolue à certaines
328
mesures de protection ».
3.166 Alors que chaque Etat riverain a le dr oit d’utiliser les eaux d’un fleuve à
plusieurs fins, aucune de ces utilisations n’ a une priorité en soi. La Convention des
Nations Unies de 1997 codifie cette règle en affirmant que :
«En l’absence d’accord ou de cout ume en sens contraire, aucune
utilisation d’un cours d’eau internatio nal n’a en soi priorité sur d’autres
utilisations. »
327Affaire relative au Projet Gabcíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), op.cit., p.80, par.142.
328
Troisième rapport sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux e des fins autres que
la navigation du rapporteur Schwebel, Annuaire de la Commission du droit international, vol. II (1,
1982, A/CN.4/SER.A/1982/Add.1, p.104.
128Dans son commentaire au Projet d’articles, la CDI a indiqué que :
«les mots'priorité en soi' signifien t que rien, dans un type particulier
d’utilisations ou dans une catégorie pa rticulière d’utilisations, n’attribue à
ces utilisations une prio rité de principe ou intrinsèque par rapport aux
329
autres utilisations ».
3.167 Le Statut de 1975 est le reflet d’ une telle conception. Les utilisations
ménagères, sanitaires, industri elles et agricoles et de navi gation sont mentionnées, sans
que l’une ait priorité sur l’autre.330
3.168 En définitive, la lecture du principe de l’ut ilisation rationnelle et optimale
du fleuve Uruguay à la lumièr e du principe de l’utilisatio n équitable et raisonnable,
implique que l’Argentine et l’Uruguay tiennent tous deux compte des facteurs propres au
fleuve Uruguay ainsi que des utilisations faites ou projetées par les deux riverains. Parmi
les facteurs à considérer, la préservation de la qualité des eaux du fleuve revêt une
importance particulière. Le Statut de 1975 et la pratique de l’Argentine et de l’Uruguay
au sein de la CARU confirment à l’évidence une telle lecture.
2 § Le principe de l’utilisation non-dommageable d’un cours d’eau international
3.169 En plus de l’utilisation équitable et ra isonnable, le principe de l’utilisation
optimale et rationnelle prend appui sur le pr incipe de l’utilisation non-dommageable du
331
territoire. Dans le cadre du Statut de 1975, l’utilisation non-dommageable d’un cours
d’eau trouve application dans les règles relati ves à l’évaluation d’un projet et dans celles
enserrant les utilisations des eaux du fleuve Uruguay. Lorsqu’une partie projette un
329
Projet d’articles relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation,
330cit. p.279.
Voir notamment les articles 3 et 27 du Statut de 1975.
331Sur le caractère coutumier de ce principe : Affaire du Détroit de Corfou, (Royaume-Uni/Albanie), arrêt
du 9 avril 1949, C.I.J. Recueil, 1949, p. 22, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis
consultatif du 8 juillet 1996, C.I.J. Recueil 1996, p. 242, par.29 et Affaire relative au Projet Gabcíkovo-
Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), op.cit., p. 41, par.53.
129ouvrage ou une utilisation des eaux est su ffisamment important pour affecter la
navigation, le régime du fleuve ou la qualit é des eaux, elle doit en informer la CARU.
Celle-ci détermine si l’ouvrage ou l’utilis ation concerné peut causer un «préjudice
sensible à l’autre Partie ».332 Ce principe est spécifié dans le Statut de 1975 au travers de
l’obligation de ne pas causer un préjudice sensible.
3.170 Les articles 7 et 11 du Statut de 19 75 donnent à la CARU et à la partie
notifiée le pouvoir de déterminer si un pr ojet ou une utilisatio n des eaux du fleuve
Uruguay peuvent causer un préjudice sensible . Dans sa pratique, la CARU a eu à se
prononcer sur le projet Garabi et a consid éré que ce projet pouvait causer un préjudice
sensible.333 En outre, dans le cadre du projet du Canal Casa Blanca, la délégation
uruguayenne a considéré qu’en conformité avec l’article 8 du Statut, l’Argentine
disposait d’un délai de 180 jours pour se prononcer sur les effe ts préjudiciables du projet
envisagé. 334
3.171 Le Statut de 1975 oblige égalemen t les Etats à adopter une législation
«pour que la gestion du sol et des forêts, l’ utilisation des eaux sout erraines et celle des
affluents du fleuve n’entraînent pas de modifications causant un préjudice sensible au
335
régime de ce dernier ou à la qualité de ses eaux». Dans ce contexte, le principe de
l’utilisation non-dommageable d’un cours d’eau international s’inscrit dans une approche
écosystèmique qui comprend la gestion du sol et des forêts, l’utilisation des eaux
souterraines et celle des affluents du fleuve.
3.172 Le principe de l’utilisation non-dom mageable d’un cours d’eau trouve
également une expression dans le contexte général de la lutte contre la pollution. L’article
42 du Statut de 1975 précise que: «Chaque Partie est responsable envers l’autre des
dommages résultant de la pollution causée par se s propres activités ou par celles menées
sur son territoire par des personnes physiques ou morales » (italiques ajoutés).
332Article 7 du Statut de 1975.
333Voir supra pars. 3.102-3.108.
334Voir supra pars. 3.112-3.114.
335
Article 35 du Statut de 1975 (italiques ajoutés).
130 3§ Le principe de coopération et l’invocation du droit interne
3.173 L’Uruguay a au cours de la procédur e en mesures conservatoires fait
référence à plusieurs reprises à son droit interne pour invoquer son respect des exigences
de protection de l’environnement et de lutte contre la pollution. 336Ce respect ne peut
faire fi des engagements internationaux auxquels est tenu l’Uruguay.
3.174 La Cour permanente de Justice intern ationale a rappelé ce principe dans
l’affaire des Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex en jugeant que le
principe du respect de la souveraineté de la France s’applique « […] pour autant qu’elle
n’est pas limitée par ses obligat ions internationales […] ». 337De même, dans l’affaire du
Lac Lanoux , le Tribunal arbitral a jugé que: «[l] a souveraineté territ oriale joue à la
manière d’une présomption. Elle doit fléchir devant toutes les obligations internationales,
338
quelle qu’en soit la source […]». L’article 27 du Statut de 1975 explicite ce
339
principe.
3.175 La législation uruguayenne ne peut en aucun cas se substituer aux
obligations internationales contractées en ve rtu du Statut de 1975. Ce dernier ne repose
pas sur un quelconque principe de «subsidia rité» mais bel et bien sur le principe du
nécessaire respect du mécanisme internationa l de coopération établi par le Statut. Les
droits internes des deux Etats doivent s’y conformer.
336CR 2006/47, p.12 (Gros Espiell) par.4-17 (Boyle) ; CR 2006/49 par.4 (Boyle).
337Séries A/B 46, p. 166.
33Utilisation des eaux du Lac Lanoux, op.cit.,p..99.
339
L’article 27 du Statut de 1975 se lit comme suit : « le droit de chaque Partie d’utiliser les eaux du fleuve,
à l’intérieur de sa juridict ion, à des fins ménagères, sanitaindustrielles et agrico les, s’exerce sans
préjudice de l’application de la procédure prévue aux articles 7 à 12 lorsque cette utilisation est
suffisamment importante pour affecter le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux ».
131 B. LES PRINCIPES DU DROIT INTERNATIONAL DE L’ENVIRONNEMENT
APPLICABLES AU PRÉSENT DIFFEREND
3.176 Divers principes et concepts permettent de mieux saisir la portée du Statut
de 1975 en matière de protection de l’envi ronnement. En vertu d’une interprétation
systématique et évolutive du Statut de 1975, il doit être tenu compte de ces principes afin
d’interpréter et appliquer le s dispositions de cet instrume nt dans le cadre du système
340
juridique contemporain.
1§ Le principe du développement durable
3.177 L’Argentine et l’Uruguay sont liés par le respect du principe du
développement durable lorsque ces deux Etats entreprennent des activités sur le fleuve
Uruguay.
3.178 Le droit au développement économiqu e ne peut être revendiqué aux
dépens des obligations en matière de protecti on de l’environnement. Ces dernières font
partie de la réalisation du droit au déve loppement de chaque Etat. Le principe du
développement durable intègre les obligations environnementales dans le droit de chaque
Etat au développement économique.
340Ce lien entre le Statut de 1975 et les principes pertinents du droit international de l’environnement a été
noté para la Délégation argentine au Groupe de Haut Niveau (GTAN) dès le début de cette instance de
négociations directes (V., supra, chapitre II). En effet, à la deuxième réunion de ce Groupe, le 19 août
2005, la délégation a présenté un document détaillant les normes du droit environnemental qu’elle jugea
applicables au différend (Annexes, livre IV, annexe 1, pp. 5 et 6).
Le lien a été a nouveau établi par l’Argentine au moment de confirmer auprès l’Uruguay l’existence du
différend en conformité avec l’article 60 du Statut. En effet, dans sa note SEREE 154 du 26 décembre
2005, l’Argentine a conçu le mécanisme d’information et consultation préalables du Statut de 1975 comme
« firmly rooted in [the] general international law concerning the protection of the environment, as one of
the elements necessary to make effective the principle according to which a State must guarantee that the
activities carried out within its jurisdiction or under its control do not cause damage to the environment of
other States. Both the mechanism and the principle onwhich it is based … are directly or indirectly
embodied in very many international instruments in whose preparation that country [Uruguay] and
Argentina participated –in particular, the 1972 Declaration on the Human Environment and the 1992
Declaration on Environment and Development- and in bilateral instruments such as the 1971 Argentine-
Uruguayan Declaration on Water Resources .» (Annexes, livre II, annexe 28)
1323.179 Matrice conceptuelle qui inspire le droit international de l’environne-
ment 341, le développement durabl e requiert que les obje ctifs de développement
économique et ceux de protection de l’environn ement soient traités de manière intégrée.
Ce principe a été déclaré solennellement par les Principes 3 et 4 de la Déclaration de Rio
sur l’environnement et le développement de 1992.
3.180 L’une des composantes essentielles du principe du développement durable
est que la satisfaction des besoins immédiats des générations présentes au titre du droit au
développement, ne doit pas compromettre le bien-être des générations futures :
«Le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire
équitablement les besoins relatifs au développement et à l’environnement
des générations futures ». 342
Le principe 4 stipule quant à lui le principe d’intégration :
Pour parvenir à un développem ent durable, la protection de
l’environnement doit faire part ie intégrante du processus de
développement et ne peut être considéré isolément ».
3.181 La Cour internationale de Justice a souligné cela :
«[…] Le concept de développem ent durable traduit bien cette
nécessité de concilier développement économique et protection de
l'environnement ». 343
3.182 La sentence arbitrale de 20 05 relative à l’affaire du Rhin de fer a aussi
mis l’accent sur l’exigence de l’intégration des mesures environnementales appropriées
dans le contexte de projets et d’activités de développement économique. 344L’implication
de cette intégration est que « Environmental law and the law on development stand not as
345
alternatives but as mutually reinforcing concepts ».
341P.-M. Dupuy, « Où en est le droit international de l’environnement à la fin du siècle?», Revue générale
de droit international public, 1997/4, p.886.
342Principe 3 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992.
343
344Affaire relatif au Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), op.cit. par.140.
Affaire du Rhin de fer (Belgique c. Pays-Bas), décision du mai 2005, disponible sur: www.pca-
cpa.org
345Ibid. para.59.
1333.183 L’Institut de droit international a so uligné la dimension humaine de ce
principe en précisant que :
«[l]a réalisation effective du droit de vivre dans un environnement sain
346
doit être intégrée dans les objectifs du développement durable ».
3.184 La participation du public est une des composantes essentielles du principe
du développement durable. Plusieurs instruments énoncent ce principe ainsi que celui en
347
matière d’accès à l’information. Afin d’intégrer au mieux les questions
d’environnement et de développement, il est nécessaire d’améliorer le processus
décisionnel relatif aux projets d’utilisation des ressources naturelles du fleuve Uruguay.
Ces questions ne doivent pas être séparées.
3.185 En outre, le développement durable est aussi porteur d’une dimension
sociale. Le Sommet de Johannesburg a rappelé son importance
«nous assumons notre responsabilité collective, qui est de faire
progresser, aux niveaux local, nati onal, régional et mondial, le
développement économique, le développement social et la
protection de l’environnement, piliers inte348pendants et
complémentaires du développement durable ».
3.186 Les projets d’utilisation des ressources naturelles ont un impact croissant
sur les écosystèmes qui sont nécessaires au bien-être de la population et au
346
Article 3 de la Résolutio n de Strasbourg de l’Institut de droi t international sur l’ Environnement du 4
septembre 1997 affirme «[l]a réalisa tion effective du droit de vivre dans un environnement sain doit être
intégrée dans les objectifs du développement durable.»
347Voir par exemple le principe 10 de la Déclaration de Rio sur l’envi ronnement et le développement de
1992 ; les principes 2 et 3 de la Déclaration de Dublin sur l’eau dans la perspective d’un développement
durable adoptée lors de la Conférence sur l’eau et l’environnement de 1992 ; le par. 23.2 de l’Agenda 21 ;la
Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la
justice en matière d’environnement , Aarhus 25 juin 199 8; le Chapitre IV Protection et gestion des
ressources naturelles aux fins de développement économique et social, par. 25 b) du Plan de mise en Œuvre
du Sommet mondial pour le développement durable, 4 septembre 2002.
348
Par.5 de la Déclaration de Johannesburg sur le développement durable (2002) (italiques ajoutés).
134développement de leurs ac tivités socio-économiques. 349Le processus décisionnel doit
intégrer les considérations socio-économiq ues et les questions d’environnement pour
assurer « un développement qui soit à la fois réel du point de vu e économique, équitable
350
sur le plan social et écologiquement rationnel ».
3.187 On le saisit, les projets envisagés su r le fleuve Uruguay doivent respecter
toutes les composantes du développement dura ble. Aucune d’entre elles ne peut primer
sur l’autre.
2 § Le principe de prévention
3.188 Le caractère souvent irréparable de s dommages causés à l’environnement
impose d’en prévenir la survenance. 351 Telle a été la préoccupat ion des négociateurs du
er
Statut de 1975. Les articles 1 et 41 a) du Statut de 1975 précisent que l’obligation de
prévention de la pollution doit être respectée en prenant en compte les droits et
obligations découlant des trai tés et autres engagements in ternationaux en vigueur à
l’égard de l’une ou de l’autre des Parties ainsi qu’en harmonie avec les directives et
recommandations des organismes techniques internationaux.
3.189 Enoncée dans le principe 21 de la Déclaration de Stockholm, reprise par le
principe 2 de la Déclaration de Rio, l’obli gation de prévention prend appui sur le droit
souverain des Etats d’exploiter leurs ressources et requiert que les Etats fassent en sorte
que «les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne
causent pas de dommages à l’envi ronnement dans d’autres Etats». 352 Cette obligation
relève du droit international général. 353
349Voir le par. 4 du Chapitre IV « Protection et gestion des ressources naturelles aux fins de développement
économique et social , du Plan de mise en Œuvre du Sommet mondial pour le développement durable,
350cit.
351Agenda 21, par.8.4.
Affaire relatif au projet Gabcikovo-Nagymaros, op.cit., par.140.
352Principe 2 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement.
353Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, C.I.J. Recueil.
1996, p.242, par.29 ; Affaire relatif au Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), op.cit. pp.77-78,
1353.190 L’obligation de prévention a nota mment été rappelée par la Cour
internationale de Justice dans son avis consultatif sur la Licéitédelamenaceoude
l’emploi d’armes nucléaires et par le tribunal arbitral qu i a rendu la sentence relative à
l’affaire du Rhin de fer . L'obligation de prévention s'appl ique à tout dommage ou tout
risque de dommage et d'atteinte à l'environnement.
3.191 Le Statut de 1975 au travers du Digest e spécifie certains contours de cette
obligation. L’article 1er de la section E3 du Digeste, consacrée à la «Prévention en
matière de pollution», indique que l’object if de cette partie est de réglementer la
prévention de la pollution en conformité avec l’article 56 a) 4) du Statut de 1975.
L’article 2 précise que la prévention de la pollution du fleuve Ur uguay est régie par le
Statut de 1975, les conventions internationales applicables, le Digeste et les législations
nationales. Le Digeste donne des définition s qui sont importantes dans le cadre du
différend relatif aux usines de pâte à pa pier. La prévention est définie comme:
«l’ensemble de moyens qui permettent d’év iter la pollution des eaux ». La pollution
désigne : « l’introduction directe ou indirecte, par l’homme, dans le milieu aquatique, des
substances ou énergie par lesquels résultent des effets nocifs » et la pollution industrielle
est causée «par des émissions solides, liquid es ou gazeuses qui proviennent d’activités
industrielles, y comp ris les mines et la génération d’énergie ». 354En outre, le Digeste
définit la notion d’« effets nocifs » comme :
«toute altération de la qualit é des eaux qui empêche ou rend
difficile quelconque utilisation lé gitime des eaux, qui produit des
effets délétères ou dommages aux ressources vivantes, des risques à
la santé humaine, une menace aux activités aquatiques y compris à la
355
pêche ou à la réduction des activités récréatives ».
3.192 Les standards de qualité des eaux sont qualifiés comme :
par.140 ; Affaire du « Rhin de fer », op.cit, par.59. Voir le discours du président de la C.I.J., Mme Higgins,
fait le 26 octobre 2006 deva nt la 6ème Commission de l’Assemblée générale: y est établi l’appartenance
354droit international de l’environnement au droit international dans son ensemble.
355Chapitre 1 du titre 1, article 1 (a) et (b) et point 1 de l’article 1 (b) du Digeste (E3).
Chapitre 1 du titre 1, article 1 (c) du Digeste (E3).
136 «Les valeurs numériques de concentration ou les recommandations
spécifiques sur les paramètres de qualité des eaux, qui sont établis
comme référence permanente pour permettre les utilisations
légitimes des e356 et pour l’adopti on de moyens destinés à prévenir
la pollution».
3.193 L’Etat procédant ou autorisant des projets sur le fleuve Uruguay doit
s’assurer du respect de l’obligation de prévention.
3 § Le principe de précaution
3.194 Le lien inhérent entre le principe de précaution et celui du développement
357
durable ne fait plus de doute et la doctrine en a souligné la pertinence. En outre, la
Convention sur les polluants or ganiques persistants et la Convention sur la diversité
biologique font toutes deux pl ace au principe de précaution. 358 Ces instruments
internationaux sont à prendre en considération du fait de la clause de renvoi des articles
1eret 41 a) du Statut de 1975.
3.195 Le principe de précaution entraîne que:
«En cas de risque de dommages grav es ou irréversibles, l’absence de
certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à
plus tard l’adoption de 359ures effectiv es visant à prévenir la dégradation
de l’environnement ».
3.196 Le principe de précaution impose ai nsi à l’Argentine et à l’Uruguay une
autre obligation en plus de celles de « vigila nce » et « prévention » : celle de prendre en
compte les risques incertains dans la concepti on, la préparation et la mise en Œuvre de
tout projet ou de toute utilisation ayant trait au fleuve Uruguay et à ses zones d’influence.
356
Chapitre 1 du titre 1, article 1 (f) du Digeste (E3).
357P.-M. Dupuy, op.cit., p. 889. Voir aussi P. Birnie et A. Boyle pour lesquels « the precautionary approach
has implications for the sustainable utilization of resources in the same way that it affects environmental
pollution risks ». International Law and the Environment, 2e éd. Oxford University Press, Oxford, 2002,
35820.
Préambule de la Convention sur la diversité biologique; préambule et article 1 de la Convention sur les
polluants organiques persistants.
359Principe 15 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992.
1373.197 L’Uruguay lors de la demande en mesures conservatoires a clairement
signifié son engagement au respect de ce principe. 360 Même si les risques de dommage
peuvent en certaines circonstan ces ne paraître que potentiels , le principe de précaution
exige «l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de
l’environnement ».
4 § Le principe de la conduite d’étude d’impact environnemental
a) La notification de bonne fo i des mesures projetées sur le
fleuve Uruguay a pour corollaire direct la conduite d’étude
d’impact sur l’environnement
3.198 Le Statut de 1975 doit être interp rété à la lumière du principe de la
conduite d’étude d’impact (EIE). La technique de l’EIEse greffe sur la mise en Œuvre
des principes d’information, not ification, consultation et acco rd préalable prévus par le
Statut de 1975 ainsi que sur les dispositions du Statut relatives à la protection du fleuve.
Comme il l’a bien été souligné, «without pr ior assessment there can be no meaningful
361
notification and consultation in most cases of environmental risk ».
3.199 Le principe de la conduite d’étude d’impact constitue ainsi une expression
nécessaire de l’obligation de prévention et une assise du principe de précaution. Il relève
par ricochet de la logique selon laquelle :
«dans le domaine de la protection de l’environnement, la vigilance et la
prévention s’imposent en raison du caractère souvent irréversible des
dommages causés à l’environnement et des limites inhérentes au
mécanisme même de réparation de ce type de dommages ». 362
3.200 L’étude d’impact est définie dans le principe 17 de la Déclaration de
Riosur l’environnement et le développement . Ce principe permet donc d’intégrer les
360
CR 2006/47, par.17 (Boyle) ; CR 2006/49, paras.1 et 14-17 (Boyle).
361P. Birnie and A. Boyle, op.cit., p.133.
36Affaire relative au Projet Gabcíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), op.cit., p.77, par.140.
138exigences environnementales dès la phase de conception du projet et de garantir que
celles-ci soient prises en compte lors des phases de conception, préparation et exécution
d’un projet.
3.201 Dans le contexte d’une ressource naturelle partagée telle le fleuve
Uruguay, la conduite d’une EIE permet de prévenir la survenance d’un dommage
transfrontière qui serait issu d’une activité pr ojetée sur le territoire d’un Etat riverain. La
Commission du droit international (CDI) précise dans son commentaire au Projet
d’articles sur la prévention des dommages transfrontières de 2001, que la conduite de
l’étude d’impact «permet à l’Etat de déterm iner l’étendue et la nature du risque que
présente une activité et, par conséquent, le type de mesures préventives qu’il doit
prendre». 363
3.202 Chaque Etat définit les politiques nécessaires au développement de ses
ressources naturelles et le choix des acti ons à mener pour répondre aux besoins de sa
population. Cependant, ce faisant, l’Etat do it veiller à ce que les act ivités conduites sur
son territoire tiennent compte des intérêts juridiquement protégés des autres États. L’EIE
est un moyen d’évaluer les aspects positifs d’ un projet mais aussi les risques avérés ou
potentiels pour un Etat riverain. Là encore apparaît le principe de l’utilisation optimale et
rationnelle dans ses diverses composan tes comme l’illustre l’affaire de la
Donauversinkung :
«Les intérêts des États en cause doivent être évalués équitablement les uns
par rapport aux autres. Il faut prendr e en considération non seulement le
préjudice absolu causé à l’État voisin mais aussi le rapport entre
364
l’avantage acquis par l’un et le préjudice causé à l’autre ».
b) Les critères d’une étude d’impact objective et
complète doivent être satisfaits
363Projet d’articles sur la préventio n des dommages transfrontières résu ltant d’activités dangereuses et
commentaires y relatifs, Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II (2e partie), p.433.
364Wurttemberg and Prussia v. Baden (Donauversinkung case) (1927), in Annual Digest of Public
International Law Cases (1927-1928), Londres, 1931, p. 131. Version française in: Annuaire de la CDI ,
2001, vol. II (2 partie), p.433, pp.445-446.
1393.203 La complétude et l’objectivité d’une EIE sont des aspects essentiels
inhérents à l’obligation de conduire une étude d’impact. Le caractère complet d’une
évaluation environnementale est déterminé par rapport à son contenu.
3.204 La pratique internationale permet d’identifier un certain nombre de
conditions à satisfaire dans la conduite de l’étude d’impact. Ainsi, l’article 4 de la
Convention sur l’évaluation de l’impact envi ronnemental dans un contexte transfrontière
de 1991 (Convention d’Espoo) prévoit que l’ évaluation de l’impact sur l’environnement
doit au moins contenir les renseignements visés à l’appendice II de la Convention.
L’appendice II (« Contenu du dossier d’éval uation de l’impact sur l’environnement »)
énumère les rubriques suivantes:
« a) Description de l’activité proposée et de son objet; b) Description, s’il
y a lieu, des solutions de remplacement (par exemple en ce qui concerne le
lieu d’implantation ou la technologi e) qui peuvent être raisonnablement
envisagées, sans omettre l’option « zéro »; c) Description de
l’environnement sur lequel l’activ ité proposée et le s solutions de
remplacement sont susceptibles d’avoir un impact important; d)
Description de l’impact que l’acti vité proposée et les solutions de
remplacement peuvent avoir sur l’en vironnement et estimation de son
importance; e) Description des mesures correctives visant à réduire autant
que possible l’impact préjudiciabl e sur l’environnement; f) Indication
précise des méthodes de prévision et des hypothèses de base retenues ainsi
que des données environnementales ».
3.205 Il ressort également de la pratique que les impacts relatifs au milieu
naturel (air, terre et eau) et les impacts sociaux, tels la santé et la sécurité de la population
doivent être pris en compte de manière intégrée. 365Les rapports du Panel d’inspection de
36Voir : Politique opérationnelle SFI 4.01 relative à l’éaluation environnementale par.3; Directive
97/11/CE du Conseil du 3 mars 1997 modifiant la direc tive 85/337/CE concernant l'évaluation des
incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement,Journal officiel n° L 073 du
14/03/1997, pp. 5 - 15, art.3. L’article 29 des Règles de Berlin de l’Associati on de droit international de
2004 précise que:
«1. States shall undertake prior and continuing assessment of the impact of programs, projects, or activities
that may have a significant effect on the aquatic environment or the sustainable development of waters. 2.
Impacts to be asse ssed include, among others: a. Effectshuman health and safety ; b. Effects on the
environment; c. Effects on existing or prospecte economic activity; d. Effe cts on cultural or socio-
economic conditions; and e. Effectson the sustainability of the use owaters ». Association de droit
140la Banque Mondiale mettent en lumière le s liens à établir entre les impacts sur
l’environnement et les impacts sociaux. Ainsi dans l’affaire Colombia : Cartagena Water
Supply, Sewerage and Enviro nmental Management Project, le Panel a indiqué que les
risques sociaux liés à un projet de développem ent portant sur l’installation de services en
eau que pouvait avoir le projet sur les co mmunautés locales n’avaient pas suffisamment
366
été pris en compte lors de l’évaluation du projet. Lors de l’évaluation d’un projet de
construction d’un barrage en Ouganda, le Panel d’inspection a évalué les impacts causés
au tourisme par ledit projet et en a conclu que le plan d’action pr évu pour protéger les
intérêts des communautés affectées n’était pas conforme aux cond itions posées par les
367
politiques opérationnelles de la Banque.
3.206 La transmission d’informations appr opriées et la consultation avec les
Etats concernés ainsi qu’avec les populati ons locales intéressées sont des parties
intégrantes du principe de l’EIE. Ainsi, la Convention d’Espoo requiert que les
populations concernées dans l’Etat suscepti ble d’être affecté par un projet puissent
participer au processus d’évaluatio n de l’impact sur l’environnement. 368 Enoutre,la
politique opérationnelle 4.01 relative à l’év aluation environnementale de la Société
financière internationale (SFI) prévoit que« le promoteur consulte les groupes affectés
par le projet et les organi sations non-gouvernementales (ONG) local es sur les aspects
environnementaux du projet, et tient compte de leurs points de vue». Il est ajouté que
« pour permettre des consultations fructueuses entre le promoteur et les groupes affectés
par le projet et les ONG locales (…) le pr omoteur fournit une documentation pertinente
en temps voulu avant la consultation ». 369
international, Revision of the Helsinki another International Law Associ ation Rules on International
Water Resources, Berlin, 2004.
366Colombia : Cartagena Water Supply, Sewera ge and Environmental management Project, Investigation
Report, 24 juin 2005, pp.63 -66. D’autres affaires portées devant le Panel d’ inspection ont eu trait aux
impacts sociaux causés par les déplacements des personnes lors de construction de barrages. China: A
component of the Western Poverty Reduction Project – The Qinghai Project, Investigation report 28 avril
2000, pp. 136-156.
367Uganda: Third Power Projec t, the Power IV and the Bujagali Hydropower Project , Investigation
Report, 2001, par.270
368
369Voir articles 2.2, 2.6, 3.8 et 4.2 de la Convention d’Espoo.
Politique opérationnelle 4.01 relative à l’évaluation environnementale, paras. 12 et 13.
1413.207 L’obligation de consulter le public est reconnue également par la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Dans l’affaire The social and
Economic Rights Action Center and the Cent er for Economic and Social Rights v.
Nigeria, la Commission africaine a conclu que le gouvernement avait l’obligation de
permettre un accès à l’information aux commu nautés Ogoni pouvant être affectées par
des activités dangereuses et elle a affirmé le droit de ces comm unautés à participer
370
activement dans les décisions en matière de développement économique.
3.208 Les rapports de la Commission inter-a méricaine des droits de l’homme
apportent un autre éclairage sur la question . Bien qu’ils se réfèrent à l’obligation
spécifique de consultation préalable avec les populations autochtones, ils mettent
néanmoins en relief l’obligation des Etats de s’ assurer la participation du public dans la
prise de décision relative à des activités de développement économique. 371
3.209 En dernier lieu, il faut souligner qu’ une EIE doit prendre en compte les
engagements internationaux de l’Etat sur le territoire duquel est projetée une activité. Ce
principe vaut pour tout projet envisagé sur le fleuve Uruguay.
C. LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX
APPLICABLES AU PRÉSENT DIFFÉREND
3.210 Ainsi que déjà précisé, le Statut de 1975 contient des clauses de renvoi à
des conventions et instruments internationaux. 372 Ceux-ci trouvent application dans les
relations entre l’Argentine et l’Uruguay en vertu du Statut de 1975 et développent et
370Communication 155/96, The social and Economic Rights Actio n Center and the Center for Economic
and Social Rights v. Nigeria, Décision du 27 mai 2002, par.53.
371
Chapitre X du Deuxième rapport sur la situation des droits de l’homme en Pérou, 2 Juin 2000, paras. 26
et 39 1)OEA/Ser.L/V/II 106, doc. 59 rev.2 et Chapitre IX duRapport sur la situat ion des droits de
l’homme en Equateur , Recommandations, 24 avri l 1997, OEA/Ser.L/V/II 96 , doc. 10 rev.1. Dans le
chapitre VIII de ce rapport la Commission a affirmé le droit de tout individu à l’accès à l’information et de
participer à la prise des décisioqui peuvent les affecter y comprisla conduite de l’étude d’impact
environnemental.
372
Articles 1 et 41 a) du Statut de 1975.
142complètent les obligations qui pèsent sur l’Argentine et l’Uruguay au travers du Statut de
1975.
1 § Les conventions internationales en matière de protection de l’environnement
a) Les conventions multilatérales applicables
i) Conventions relatives à la conservation de la nature
3.211 La Convention relative aux zones hu mides d’importance internationale
particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau adoptée à Ramsar en 1971 (ci-après la
Convention Ramsar) et la Convention sur le commerce international des espèces de faune
et de flore menacées d’extinction adoptée à Washington en 1973 (ci-après la Convention
CITES) contiennent des obligations significatives pour la protection du fleuve Uruguay et
de ses ressources. L’Argentine a ratifié la Conv ention Ramsar le 4 septembre 1992 et la
Convention CITES le 8 janvier 1981. L’Urugua y a ratifié la Convention Ramsar le 22
septembre 1984 et la Convention CITES le 2 avril 1975.
3.212 L’inscription d’un site sur la List e Ramsar oblige le gouvernement à
prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le maintien des caractéristiques
écologiques spécifiques du site. La Conven tion de Ramsar attache une importance
particulière aux liens entre la protection de zones humides et celle des cours d’eau et des
373
ressources aquatiques y afférentes. L’un des deux sites inscrits par l’Uruguay dans la
Liste Ramsar est situé sur le fleuve Uruguay. Il s’agit du sitedénommé Esteros de
374
Farrapos e Islas del Río Uruguay. »
3.213 Les décisions adoptées pa r la Conférence des Parties à la Convention de
Ramsar, précisent le contenu des obligations du Statut de 1975. Ainsi, le sens de
373
Voir, la Résolution VI.23 intitulée Ramsar et l’eau. Adoptée par la sixième Co nférence des Parties en
1996 et les Lignes directrices pour l’intégration de la conser vation et de l’utilisation rationnelle des zones
humides dans la gestion des bassins hydrographiques, annexe à la Résolution VII.18, septième Conférence
des Parties, San José 10-18 mai 1999.
374Fiche descriptive du site compilé par le ministère de l'Élevage, de l'Agriculture et de la Pêche,
disponible sur: http://www.ramsar.org/wn/w.n.uruguay_farrapos_f.htm
143l’expression « utilisation rationnelle » 375 a été précisé lors de la troisième Conférence des
Parties en 1987 et mis à jour lors de la neuvième Conférence des Parties tenue en 2005 à
Kampala :
« L’utilisation rationnelle des zone s humides est le maintien de leurs
caractéristiques écologiques obtenu par la mise en Œuvre d’approches par
376
écosystème dans le contexte du développement durable ».
3.214 Cette définition tient compte du princi pe du développement durable et de
la notion d’écosystème. Le Statut de 1975 revêt dans ce contexte une importance majeure
pour garantir la préservation durable du site en conformité avec les obligations fixées par
la Convention de Ramsar.
3.215 La Convention CITES vise à assurer la protection d’espèces animales et
végétales menacées d’extinction qui sont énumérées dans les trois annexes à la
Convention où elles sont regroupé es en fonction de la gravité du risque d’extinction. La
protection d’un milieu spécifique tel le fleuve Uruguay favorise celle d’espèces animales
et végétales listées dans les Annexes de la Convention CITES.
ii) Convention sur la diversité biologique
3.216 La Convention sur la diversité biologiq ue de 1992 joue un rôle clef dans
l’utilisation et la protection durable du fleu ve Uruguay et de ses ressources. L’Argentine
et l’Uruguay sont toutes deux Parties à cette Convention. 377
375
Article 3.1 de la Convention de Rams ar qui dispose: «les Parties cont ractantes élaborent et appliquent
leurs plans d’aménagement de façon à favoriser […] autant que possible l’utilisation rationnelle des zones
humides dans leur territoire ».
376Résolution IX.1 et son annexe A Cadre conceptuel pour l’utilisation rationnelle des zones humides et le
maintien de leurs caractéristiques écologiques, neuvième Conférence des Parties, Kampala 8-15 novembre
2005. Pour comprendre l’évol ution du principe de l’utilisation rtionnelle des zones humides, voir:
Recommandation III.3 et son annexe Utilisation rationnelle des zones humides , troisième Conférence des
Parties, Regina 27 mai- 5 juin 1987 ; Recommandation IV.10 et son annexe les Lignes Directrices pour la
mise en Œuvre du concept d’utilisation rationnelle , quatrième Conférence des Parties, Montreux 27 juin- 4
juillet 1990; Résoluti on V.6 et son annexeOrientations complémentaires sur l’utilisation rationnelle ,
377quième Conférence des Parties, Kushiro 6-19 juin 1993.
Ratifiée par l’Argentine le 22 novembre 1994 et par l’Uruguay le 5 novembre 1993.
1443.217 La diversité biologique est définie par la Convention comme la:
« [V]ariabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre
autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes
aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela
comprend la diversité au se378des espèces et entre espèces ainsi que
celle des écosystèmes ».
3.218 La Convention sur la diversité biolog ique indique les critères visant à
l’utilisation durable d’une ressource naturelle quelconque. Selon la Convention, la notion
d’« utilisation durable » est :
«[L]’utilisation des éléments constitu tifs de la diversité biologique
d'une manière et à un rythme qui n'entraînent pas leur
appauvrissement à long terme, et sauvegardent ainsi leur potentiel
pour satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes
et futures ».379
3.219 En vertu de la Convention sur la diversité biologique, l’Argentine et
l’Uruguay sont tenus d’intégrer la conservati on et l'utilisation du rable de la diversité
380
biologique dans leurs politiques nationales et d’adopter des mesures «concernant
l'utilisation des ressources biologiques pour éviter ou atté nuer les effets défavorables sur
381
la diversité biologique». La Convention sur la divers ité biologique oblige les Etats à
mettre en Œuvre le principe de l’étude d’im pact en vue de prévenir les dommages à la
diversité biologique. L’article 14 intitulé «Etudes d’impact et réduction des effets
nocifs » oblige ainsi les Etats à adopter :
«[D]es procédures permettant d’ex iger l’évaluation des impacts sur
l’environnement des projets qu’elle a pr oposée et qui sont susceptibles de
nuire sensiblement à la diversité biolog ique en vue d’éviter et de réduire
au minimum de tels effets […] ». 382
3.220 La Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique s’est
intéressée aux relations entre diversité biologique et tourisme. A ce titre, elle a adopté une
Résolution intitulée « Diversité biologique et tourisme ». Cette Résolution reconnaît que
378Article 2 de la Convention sur la diversité biologique.
379Ibid.
380
381Article 6.
382Article 10 b).
Article 14 a).
145«le tourisme durable peut apporter des avan tages déterminants à la conservation de la
diversité biologique». 383 Ainsi un tourisme durable, tel celui envisagé par l’Argentine
dans la région du fleuve Urug uay et en conformité avec le St atut de 1975, contribue à la
conservation de la diversité biologique.
iii) Convention de Stockholm sur les polluants
organiques persistants (POP)
3.221 La Convention sur les polluants organi ques persistants est cruciale. Elle
permet de déterminer le caractère dangereux et polluant des substan ces et techniques de
384
production liées à l’installation d’usines de pâte à papier. Cet instrument contient des
obligations requérant des Etats qu’ils adopt ent des mesures pour protéger la santé
humaine et l’environnement.
3.222 La Convention oblige les Parties à utiliser les meilleures techniques
disponibles pour les activités industrielles énumérées dans l’annexe C. Celle-ci énonce
l’obligation de réduire et « d’ éliminer à terme », les « polychlorodibenzo – p-dioxines et
dibenzofuranes » (PCDD/PCDF), appelés communément dioxines et furanes. 385 Ce
document indique quatre catégories de so urces industrielles qui ont un potentiel
relativement élevé de production et de reje t de ces substances dans l’environnement.
Parmi ces catégories il y a les méthodes de production de pâte à papier. Il est indiqué que
«la production de pâte utilisant le chlore élémentaire, ou des substances chimiques
38Alinéa 2 de la Résolution VII/14 et son annexe les Lignes directrices sur la diversité biologique et le
développement du tourisme , septième Conférence des Parties, Kuala Lumpur 9-20 février 2004,
384P/CBD/COP/7/21, pp.259-282.
La Convention sur les polluants organiques persistants n’est pas le seul strument à souligner le
caractère dangereux des usines de production de pâte à papier. Voir aussi le Point 13 de l’Appendice I de la
Convention d’Espoo, le Poin t 18 de l’Annexe I de la Directive 97/11/CE du Conseil du 3 mars 1997
modifiant la directive 85/337/CE co ncernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et
privés sur l'environnement, Journal officiel L73 du 14/3/1997 et l’Annexe II de la Convention en matière
de coopération pour la protection et l’utilisation durable du Danube de 1994.
385L’annexe C, dans sa partie I énonce les «Polluants organiques persistants soumis aux obligations
énoncées à l’article 5 ».
146générant du chlore élémentaire, pour le blanchiment » a « un potentiel relativement élevé
386
de production et de rejet de ces substances dans l’environnement ».
3.223 L’objectif d’une élimination à terme de s dioxines et furanes est prévu par
la Convention de Stockholm qui énonce l’obliga tion d’adopter un plan d’action, dans les
deux ans qui suivent l’entrée en vigueur de la Convention, pour faciliter «l’application
de mesures matériellement possibles et prat iques qui permettent d’atteindre rapidement
387
un niveau réaliste et appréciable de réduction des rejets ou d’élimination des sources ».
L’Uruguay a adopté son Plan de mise en Œu vre de la Convention de Stockholm en mai
2006. Dans ce Plan l’Uruguay identifie la pr oduction de pâte à papier comme l’une des
sources de production de substances chimiques et indique qu’il est prévu « une croissance
très significative de production de pâte à papier «blanqueada»». 388 Bien que l’un des
objectifs de la Convention soit la réduction et l’élimination des di oxines et furanes,
l’Uruguay admet ne pas prévoir des moyens de réduction voire d’élimination de ces deux
substances. Le Plan ajoute que l’Uruguay « ne prévoit pas à court terme de changements
significatifs d’émission sauf pour le secteur de production de la pâte à papier » ! 389
b) L’Accord de coopération pour prévenir et lutter contre les
accidents de contamination du milieu aquatique produits par
les hydrocarbures et d’autres substances préjudiciables de
1987
386Annexe C, Partie II « Catégories de sources ».
387Articles 5 a) et b) de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants.
388
Le document en espagnol indique que la production de pâte à papier «au sein de la catégorie industrielle
c’est la seule activité identifiée avec de possibles effluents pollués par des dioxines et des furannes. On
prévoit une augmentation très signif icative de la production de pâte de cellulose blanchie. La seule
entreprise qui actuellement produit de la pâte kraft blanchie, est une moye nne entreprise et prévoit, à court
terme, de reconvertir son actuel système de produc tion pour passer du chlore élémentaire à un système
totalement libre de ch lore. On prévoit l’installation de deux autres usines de cellulose kraft blanchie avec
un volume total de production de 1.410.000 tonnes par an avec un blanchiment au dioxyde de chlore. Cette
technologie de production, selon IPCC, serait parmi les meilleures disponibles.
Dans le pays existent d’autres usines de pâte à papier sans blanchiment, le recyclage jouant un rôle central
dans la production. Dans certains ca s, il n’y a pas de système de traite ment des effluents et/ou les déchets
générés ne sont pas correctement tr aités. Actuellement, la consommati on énergétique de bois dans le
secteur du papier correspond environ au 18% de la consommation totale du secteur indu striel ». Plan
Nacional de Implementación, Uruguay, mai 2006, p.63, Annexes, livre VII, annexe 8.
389Ibid. pp.64-65 (italiques ajoutés).
1473.224 L’Accord de coopération pour prévenir et lutter contre les accidents de
contamination du milieu aquatique produits pa r les hydrocarbures et d’autres substances
préjudiciables conclu le 16 de septembre 1987 à Buenos Aires entre l’Argentine et
l’Uruguay contient des obligations visant à prévenir les accidents de contamination et
veiller à la qualité du milieu aquatique défini dans le Traité du Rio de la Plata et sa façade
maritime de 1973 et le Traité relatif aux limites du fleuve Uruguay de 1961. 390
3.225 L’article 5 de l’Accord oblige les deux Etats à promouvoir la réduction des
risques d’accidents et à augmenter la sécuri té des opérations qui peuvent contaminer le
milieu aquatique « en conformité avec les instruments internationaux en vigueur, les lois,
les décrets et les règlements dictés par l’une des deux Parties». L’article 6 impose un
devoir de vigilance sur la qualité du milieu aquatique et ses ressources. L’Accord attribue
aussi des fonctions à la Commission d’Admi nistration du Rio de la Plata, à la
Commission technique mixte du front maritime et à la CARU dans la lutte contre les
accidents de contamination. 391
2 § Le Statut de 1975 et les directives et recommandations
d’organismes techniques internationaux
3.226 L’Argentine et l’Uruguay se sont engagés au travers du Statut de 1975 à
protéger le milieu aquatique «en harmonie avec les directives et les recommandations
392
des organismes techniques internationaux». Ces instruments auxquels l’article 41 (a)
du Statut renvoie sont ceux adoptés par les organisations et institutions internationales qui
ont compétence dans les domaines couverts par le Statut de 1975.
3.227 On a évoqué précédemment les décisions adoptées par les Conférences des
Parties établies dans le cadre des diverses conventions relatives à la protection de
l’environnement. On peut également se réfé rer aux directives et recommandations de
390Le préambule exprime le désir des Parties de «maintenir et élargir la coopération entre les deux pays
pour prévenir les accidents de contamination et lutter contre leurs conséquences dans le milieu aquatique
défini dans le Traité du Rio de lPlata et sa façade maritime et lTraité relatif aux limites du fleuve
391guay ». Annexes, livre II, annexe 6.
392Article 11 d) et annexe de l’Accord relatif aux définitions, Annexes, livre II, annexe 6.
Article 41 a) du Statut de 1975.
148certaines institutions spécialisées du syst ème des Nations Unies telles l’Organisation
mondiale de la santé (OMS).
3.228 Les directives sur la qualité de l’eau de boisson de l’OMS mises à jour en
2006 relèvent de la catégorie des in struments visés par l’article 41 (a). 393 Elles ont pour
objectif de mettre en place un cadre préventif afin d’assurer le caractère salubre de l’eau
et promouvoir la protection de la santé de la population.
3.229 Les directives de l’OMS sur la qualité de l’eau de boisson contiennent des
chapitres consacrés aux impacts de substances chimiques en mettant en relief l’obligation
394
de prévention des Etats pour empêcher la contamination de l’eau. Il y est dit:
« Identification of the potential for contamination by chemicals from
industrial activities and human dw ellings requires assessment of
activities in the catchment and of the risk that particular
contaminants may reach water s ources. The primary approach to
addressing these contaminants is prevention of co ntamination by
395
encouraging good practices ».
En outre, les lignes directrices développent des standards quant à l’utilisation de certaines
substances dangereuses par l’industrie de pâte à papier.
Conclusion
3.230 L’ ensemble des droits et obligations analysés dans le cadre de ce chapitre
constitue le droit applicable au présent différe nd. Le Statut de 1975 est un instrument au
contenu exigeant qui requiert une coopération étroite entre les deux Parties. Il est un
accord spécifique avec une procédure clairement réglementée.
393Guidelines for Drinking -Water Quality, 3e éd., 2006. La première version des Lignes directrices date de
3944.
395Chapitres VIII et XII des Lignes directrices sur la qualité de l’eau de boisson.
Guidelines for Drinking -Water Quality, op.cit., p.186.
1493.231 Le droit applicable au présent différen d outre les droits et obligations du
Statut de 1975 englobe les principes et rè gles du droit international des cours d’eau
internationaux et de l’enviro nnement ainsi que les instrument s juridiques internationaux
qui trouvent application par les clause s de renvoi prévues aux articles 1 eret 41 a) du
Statut. Les violations de droit commises pa r l’Uruguay doivent être appréhendées à
l’aune de l’ensemble du droit applicable au présent différend.
3.232 Ces violations comprennent notamment l’ atteinte à normes internationales
particulières : les violations des obligations d’échange d’info rmations, de notification et
de consultation en vue d’un a ccord préalable prévues par le chapitre II ainsi que les
violations des obligations relatives à la prot ection de la qualité de l’eau, du régime du
fleuve et de l’écosystème prévues par le Statut du fleuve Uruguay.
150 CHAPITRE IV
LES VIOLATIONS PAR L’URUGUAY DES
OBLIGATIONS DE PROCÉDURE IMPOSÉES PAR
LE CHAPITRE II DU STATUT DE 1975
151 4.1 Dans le chapitre III, l'Argentine a d écrit le contenu de s obligations qui
découlent pour les Parties du chapitre II du Statut de 1975 lors qu'un projet d'ouvrage
risque d'être suffisamment important pour aff ecter la navigation, le régime du fleuve ou
la qualité des eaux 396. L'objet du présent chapitre est de démontrer que l'Uruguay ne s'est
pas acquitté de ces obligations, pourtant centrales dans l'économie générale du traité. En
effet, chaque fois que l'Uruguay a procédé à l'autorisation de construction des ouvrages
en cause, il l'a fait sans préalablement le notifier à la CARU, sans l'informer, sans
attendre que la CARU et l'Argentine se pr ononcent sur les ouvrages. Ce faisant, il a
purement et simplement empêché que la procédure prévue aux articles 7 à 12 du Statut de
397
1975 puisse être normalement suivie .
4.2 C'est dans le contexte de la première autorisation contestée, celle relative à
l'usine CMB, que l'Uruguay a essayé de tr ouver une justification à son comportement
illicite. C'est la raison pour laquelle, l'Argentine consacre ci-après de longs
398
développements à cette autorisation . Il convient en effet de relever que le
comportement uruguayen relatif aux autorisations subséquentes a été semblable. Dès lors,
les analyses applicables aux tentatives de justification par l'Uruguay de son
comportement illicite en ce qui concerne l'usine CMB le sont également aux autres
autorisations délivrées en violation du Statut de 1975, qu'il s'agisse:
- de la non-saisine initiale de la CARU (qui a entraîné la paralysie totale de toute
la procédure imposée par le Chapitre II du Statut) (Section I),
- de la non-communication des inform ations pertinentes à la CARU et, par
l’intermédiaire de la Commission, à l'Argentine (Section II) ou
- du fait que l'Uruguay a passé outre l' opposition de l'Argentine et l'absence de
règlement du différend (Section III);
il résulte de l'ensemble de ces comporte ments que l'Uruguay a commis une violation
substantielle du Statut de 1975 qu'il a privé de l'un de ses objets essentiels (Section IV).
39V. supra, chapitre III, section II, en particulier, B.
39V. le schéma sur la procédure prévue aux articles 7 à 12 du Statut de 1975, supra, chapitre III, section
II.B.1 fig. II.1 et II.2.
39Comme ceci a été expliqué supra (pars. 0.17 et 0.18), la délocali sation annoncée de l'usine CMB ne
saurait effacer rétroactivement l'illicéité du comportement uruguayen.
153 Section I
L'Uruguay a systématiquement autorisé tous les projets sans saisir la CARU
(article 7, alinéas 1 et 2 du Statut de 1975)
4.3 Il ne fait aucun doute que les proj ets Botnia et CMB entrent dans les
prévisions du Statut de 1975. Si des projets de ce type devaient en être exonérés, le traité
se trouverait privé de toute substance.
4.4 L'industrie de pâte à papier constitue en effet l'une des plus polluantes qui
soient et la taille des usines projetées ne laisse aucun doute sur la nécessité de les
soumettre à la procédure prévue au chapitre II du Statut étant donné leurs effets potentiels
sur la qualité des eaux du fle uve Uruguay et ses zones d'influence et sur son régime. Cette
constatation est confirmée par le s très nombreux traités intern ationaux et lois nationales
qui imposent de soumettre obligatoirement les projets de ce type à une étude d'impact de
l'environnement et à d'autres mesures préventi ves compte tenu des risques inhérents qu'ils
399
causent à leur environnement .
4.5 Diverses conventions internationales incluent les projets importants
d'usines de pâte à papier parmi ceux qui, par nature, causent des effets néfastes à
l'environnement. Il en va ainsi de la Convention de Stockho lm sur les polluants
organiques persistants du 22 mai 2001, qui vise à préserver la santé et l'environnement
er
humains des effets de ces substances (article 1 ) et dont l'article 5 impose aux parties –
dont l'Uruguay – de prendre certaines mesures minimales pour réduire les rejets de
diverses catégories de substances chimiques énumérées à l'annexe C de la Convention. La
partie II de cette annexe identifie quatre catégories de sources industrielles qui sont
décrites comme susceptibles d' avoir “un potentiel relativement élevé de production et de
rejet de ces substances dans l’environnement”. Parmi celles-ci l'annexe mentionne:
“(c) la production de pâte utilisant le chlore élémentaire, ou des substances
chimiques générant du chlore élémentaire, pour le blanchiment”.
39V. chapitre III, section III.B.4§.
1544.6 D'autres conventions internationa les établissent le s dangers pour
l'environnement qui sont inhérents à la product ion de pâte à papier. Ainsi, la Convention
d'Espoo de 1991 sur l'évaluation d'impact sur l'environnement dans un contexte
transfrontière identifie, dans son appendice I, les projets qui doivent obligatoirement faire
l'objet d'une E.I.E. du fait qu'ils sont “susce ptible[s] d'avoir un impact transfrontière
préjudiciable important” 400. Parmi les dix-sept type d'activités qui figurent dans la liste de
l'appendice se trouve:
“13. Installations pour la fabricat ion de papier et de pâte à papier
produisant au moins 200 tonnes séchées à l'air par jour”.
4.7 On retrouve la même approche dans la directive 85/337 de la
Communauté européenne concernant l'évalua tion des incidences de certains projets
publics et privés sur l'environnement, tell e qu'amendée en 1997 par la directive 97/11 401,
dont l'annexe I inclut égalem ent la fabrication industrielle de papier parmi les activités
qui sont obligatoirement soumises à de s E.I.E. du fait des risques qu'elles font courir à
l'environnement. Cette annexe mentionne expressément:
“18. Installations industrielles destinées à:
a) la fabrication de pâte à papier à partir de bois ou d'autres matières
fibreuses;
b) la fabrication de papier et de carton, d'une capacité de production
supérieure à 200 tonnes par jour”.
400
Article 3, paragraphe 1. Aux termes de l'article 2, paragr aphe 3, de la Conventio n d'Espoo: “La Partie
d'origine veille à ce que, conformément aux dispositio ns de la présente Convent ion, il soit procédé à une
évaluation de l'impact sur l'environn ement avant que ne soit prise la d écision d'autoriser ou d'entreprendre
une activité proposée inscrite sur la liste figural'Appendice I, qui est susceptible d'avoir un impact
transfrontière préjudiciable important”.
401
J.O.C.E. L 73, 14 mars 1997, pp. 5 et ss.
1554.8 De même les banques internationales pour le développement exigent aussi
que les projets importants de production de pâte à papier fassent l'objet d'une E.I.E. avant
qu'un financement puisse être envisagé. La BIRD et la S.F.I. incluent les projets à grande
échelle de production de pâte à papier dans la catégorie A de ce ux qui devraient faire
l'objet d'une étude d'impact du fait de leurs impacts variés et importants sur
l'environnement 40. De même, la Politique environnem entale de la Banque européenne
pour la reconstruction et le développement (BERD) répartit les projets en trois catégories,
énumérées respectivement dans les annexes A, B et C. L'annexe A concerne les projets
qui sont considérés comme les plus danger eux pour l'environnement (projets qui “ could
result in potentially significant adverse future environmental impacts ”) et qui doivent
obligatoirement faire l'objet d'une E.I.E.:
“13 - Industrial plants for the: (a) production of pulp from timber or
similar fibrous materials; (b) production of paper and board with a
403
production capacity exceeding 200 air-dried metric tonnes per day” .
4.9 Il en va de même d'ailleurs du droi t uruguayen. L’article 6 de la Loi N°
16.466 sur la protection de l' environnement contre la dégrad ation, la destruction ou la
contamination du 19 janvier 1994 exige la réal isation préalable d’une E.I.E. pour les
« activités, constructions ou ouvrages, publics ou privés » qui concernent les « complexes
de l’industrie … ou les installations que, par sa natur e ou envergure, peuvent causer un
impact environnemental grave…" (italiques ajoutés) 404.
4.10 Il ne paraît dès lors pas douteux que les projets d'usines de pâte à papier
envisagé ou mis en Œuvre par l'Uruguay sont soumis aux obligations acceptées par les
Parties dans le Statut de 1975. Ils sont à l'évidence susceptibles d'affecter de manière
significative "la navigation, le régime de fleuve ou la qualité de ses eaux" et de "causer
un préjudice sensible à l'autre Partie".
402
V. Banque mondiale, Environmental Assessment Sourcebook, 1999, chapitre 1,
http://siteresources.worldbank.org/INTSAFEPOL/1142947-
1116495579739/20507372/Chapter1TheEnvironmentalReviewProcess.pdf, par. 13.
403V. BERD, Environmental Policy, juillet 2003, p. 16.
404In : http://www.parlamento.gub.uy/Leyes/Ley16466.htm .
156 4.11 Conformément à l'article 7, alinéa premier, du Statut de 1975,
"La Partie qui projette de construire de nouveaux ch enaux, de modifier ou
d'altérer de manière significative les chenau x existants ou de réaliser tous autres
ouvrages suffisamment importants pour affecter la navigation, le régime du fleuve
ou la qualité de ses eaux, en informe la Commission d’administration, laquelle
détermine sommairement, dans un délai maxi mum de 30 jours, si le projet peut
causer un préjudice sensible à l'autre Partie".
4.12 L'Uruguay était donc dans l'obligation de saisir et d'informer la CARU des
projets d'usines dont il en visageait la construction avant de donner les autorisations. Cette
disposition vise clairement une saisine et une information préalables à toute action visant
l'autorisation de construction 40. Le texte du chapitre II du Stat ut de 1975 ne laisse aucune
place à l'ambiguïté en ce qui concerne le mécanisme d’information et consultation
préalables prévu au Statut de 1975. Il se réfère à "La partie qui projette de construire …ou
de réaliser des ouvrages (…) informe la Comm ission d’Administration ", laquelle se
406
prononce sur "le projet" (article 7) . La CARU dispose d'un délai de 30 jours "pour
déterminer sommairement (…) si le projet peut causer un préjudice sensible à l'autre
partie". Ce n'est que si la CARU détermine que le projet ne causera pas de préjudice
sensible que la partie concernée pourra construire ou autoriser la construction de l'ouvrage
projeté. L'article 7, alinéa 1, vise clairement un e obligation d'information préalable à toute
action relative à la construction d'un ouvrage par l'une des parties 407et, si ce n'est pas la
partie elle-même qui construit, l'autorisatio n de construire que celle-ci donnera à une
405V. CR 2006/46, p. 17, par. 7 (Mme Ruiz Cerutti))
406V. aussi l'article 13: "Les règles fixées aux articles 7 à 12 s'appliquent à tous les ouvrages visés à l'article
407…) que l'une quelconque des Parties projette de réaliser dans sa juridiction sur le fleuve Uruguay…".
Cette analyse est confirmée par les versions anglaise et espagnole d'autres dispositions du Statut: ainsi,
dans le cas de la version anglaise, les articles 27 et 29 renvoient à la procédure prévue aux articles 7 à 12
lorsque l'utilisation des eaux du fleuves "is liable to affect the regime of the river or the quality of its
waters". Il est aussi confirmé para la Déclaration Conjointe du 18 septembre 1976, dans laquelle les
Présidents de l’ Argentine et l’Uruguay « perçoivent avec profonde satisfaction que le Statut, maintenant
mis en vigueur en accomplissant les prévisions du Traité de Limites du fleuve Uruguay de 1961, s´inspire
dans le même esprit fraternel qui a conduit vers la signature du Traité du Rio de la Plata et sa Façade
Maritime, en réitérant, dans son article 1°, l´objet d´établir les mécanismes communs nécessaires pour
l´utilisation optimale et rational du fleuve Uruguay, et au même temps ajoute dans son ordre juridique
bilatéral, le principe d´accord préalable pour tout ouvrage ou activité que l´une quelconque des Parties
envisage réaliser dans le tronçon partagé, ou que la République Argentine réalise dans le tronçon
supérieur. », Annexes, Livre II, annexe 34, V. aussi, supra, par 3.81.
157personne ou société privée. C'est de ce dernie r cas dont il est question dans la présente
espèce. Il s'agit des autorisations octroyées par l'Uruguay aux compagnies ENCE et Botnia.
4.13 Aucune des autorisations de construction délivrées par l'Uruguay n'a
respecté l'obligation de saisir et d’informer préalablement la CARU afin que celle-ci
détermine s'il pouvait construire ou délivrer l'autorisation de construire des ouvrages
concernés.
A. L'AUTORISATION DU 9 OCTOBRE 2003
RÉLATIVE À L’USINE CMB
4.14 Le 9 octobre 2003, le gouverneme nt de l'Uruguay a autorisé la
société espagnole ENCE à construire une usine de pâte à papier dans les alentours de la
ville de Fray Bentos (Département de Río Negro), projet dénommé "Celulosa de
M'Bopicuá" 408. Cette autorisation est intervenue en dépit du fait que la CARU avait déjà
demandé des informations sur le projet, et des promesses uruguayennes de transmettre à la
CARU l'information requise par l'article 7 du Statut 409.
i) L'Uruguay a explicitement reconnu ne pas avoir respecté l'obligation de
saisir la CARU
4.15 L'Uruguay lui-même a reconnu à plusie urs reprises qu'il n'a pas suivi la
démarche requise par l'article 7 du Statut de 1975.
4.16 Dans un premier temps, l'explicati on uruguayenne à consisté à affirmer
que l'obligation d'informer la CARU, conformément à l'article 7 du Statut de 1975, existe
seulement si les ouvrages sont "suffisamment importants pour affecter la navigation, le
408
409. par. 2.17.
V. pars. 2.5-2.16.
158régime du fleuve ou la qualité de[s] eaux" et que, comme dans le cas de l'usine CMB ce
n'était pas le cas, l'Uruguay ne devait pas s'acquitter de cette obligation.
4.17 Cette position découle implicitement de la note uruguayenne du 27
octobre 2003, et explicitement de l'explicat ion avancée par le Ministre uruguayen des
affaires étrangères Didier Opertti devant le Sénat uruguayen le 26 novembre 2003. Dans
la première, l'Uruguay essaie de justifier la remise à l'Argentine de la documentation –
très partielle et en tout cas tardive, et, en plus, sans pa sser par la CARU– relative à
l'autorisation de construction de CMB simpleme nt sur la base de "l'esprit de coopération
et de bon voisinage qui heureusement cara ctérise les relations entre l'Uruguay et
l'Argentine" 410.
4.18 Il est à relever qu'à ce moment là, l'Ar gentine avait déjà fait savoir au sein
de la CARU qu'elle considérait que l'article 7 du Statut de 1975 était applicable, sans que
411
la délégation uruguayenne à la CARU l'ait contesté . La même note uruguayenne du 27
octobre 2003 décrit la procédure interne suivie et estime que celle-ci "permet de conclure
412
que tous les précautions ont été prises" . Clairement, l'Uruguay agissait à ce moment là
comme s'il ne fallait pas suivre la procédur e du Statut de 1975 avant de procéder à
l'autorisation de construction de l'usine CM B, malgré toutes les promesses en sens
413
contraire faites auparavant par les plus hautes autorités étatiques et alors que la CARU
avait demandé avec insistance que lui soit communiquée l'information requise.
4.19 L'intervention du Ministre des affa ires étrangères Opertti au Sénat
uruguayen le 26 novembre 2003 éclaire parfaite ment la position uruguayenne reflétée un
mois plus tôt dans la note de son Ministère. Le Ministre affirme d'ab ord qu'il s'agit d'un
ouvrage entièrement national et que par co nséquent il est "exclusivement assujetti à
410
Note 05/2003 du 27 octobre 2003 du Ministère des affaires étrang ères de l'Uruguay à l'Ambassade
d'Argentine en Uruguay, Annexes, livre II, annexe 2.
411CARU, Procès-verbal N° 11 de la réunion extraordinaire convoquée par la délé gation argentine du 17
octobre 2003, en particulier p.10. Annexes, livre III, annexe 5).
412Ibid.
413
V. supra, par. 2.17.
159l'ordre juridique uruguayen" 414. Il en déduit que l'Uruguay n' est pas tenu de suivre la
procédure des articles 7 et 8 du Statut de 1975:
"… il est naturel que le Gouvernement de l´Uruguay ne soit pas en situation
d´avoir à placer cette question sous l´orbite de la Commission. Il s´agirait d´ une
renonciation à des compétences que le Go u415nement de la République n´entend
pas accomplir ; il n´y rien de plus simple"
4.20 Le Ministre Opertti a indiqué dans ce même exposé que des projets
industriels ont été menés à bien du côté argentin sans qu'i l y ait eu de réaction ou de
protestation uruguayennes. M. Opertti ne s'es t pas montré plus explicite bien qu'il eût
laissé entendre que dans des cas semblables l'Argentine n'avait pas saisi la CARU. Rien
n'est plus éloigné de la réal ité. D'abord, parce qu'aucun ouvrage d'une telle envergure n'a
jamais été construit sur la rive argentine. Ensuite, parce que l'Argentine a toujours
respecté ses obligations découlant des articles 7 et suivants du Statut. Comme il a été
indiqué au chapitre III, non seulement l' Argentine n'a pas hésité à transmettre
l'information requise par l'article 7 du Statut, mais elle a même abandonné un projet et n'a
pas procédé à l'autorisation de construction d'un ouvrage – qui se trouvait pourtant en
amont du tronçon argentino-uruguayen du fleuve Uruguay – lorsque la CARU a
considéré qu'il pouvait causer un préjudice sensible 416.
4.21 La position uruguayenne visant à just ifier la non-saisine de la CARU du
fait que l'ouvrage n'allait pas produire un préj udice sensible au fleuve a été réitérée plus
tard par l'actuelle Présidente de la Déléga tion uruguayenne auprès de la CARU, Mme
Petrocelli, dans son exposé devant la Commission de l'environnement du Sénat
414Sénat de la République oriental e de l’Uruguay, Commission des af faires étrangères, séance du 26
novembre 2003, intervention du Ministre des affaires étrangères, MDidier Opertti, Annexes, livre VII,
415exe 4. Pour le texte complet de cette intervention, v. supra, par. 2.26.
416Ibid.
V. supra, pars. 3.102-3.108.
160uruguayen le 12 septembre 2005. Le Présiden t de cette commission du Sénat posa la
question suivante:
" L´article 7 fait allusion a la nécessité que la CARU soit consultée et que les
deux délégations donnent leur consentement pour le projet en cause.
L´interprétation juridique pa sse par affirmer qu´étant donné qu´il ne s´agissait
pas d´un élément pouvant pr ovoquer une contaminatio n, ce 417sentement
préalable n´était pas nécessaire. C´est la bonne interprétation ?"
418
4.22 La réponse de Mme Petrocelli a été affirmative .
4.23 Toutefois, par l'arrangement du 2 ma rs 2004 avec son collègue argentin
Bielsa, le ministre des affaires étrangères Opertti s'est déclaré d'accord pour soumettre le
projet CMB à la CARU, confirmant ainsi et l' applicabilité du Statut de 1975 à ce projet,
et la compétence de la CARU pour se pr ononcer sur le projet. Malheureusement,
l'Uruguay n'a pas respecté cet arrangement 41.
4.24 Les audiences relatives à la demande de mesures conservatoires formulée
par l'Argentine ont constitué une autre o ccasion de reconnaissance par l'Uruguay de
l'obligation de saisir la CARU du projet CMB: en contradict ion flagrante avec son
argumentation précédente, l'Uruguay a prétendu cette fois-ci "s'être acquitté de bonne foi
420
des obligations qui lui imposent l'article 7 et suivants" .
ii) Les tentatives de l'Uruguay de justifier son manquement sont
contradictoires et infondées
4.25 Ainsi, après avoir prétendu que, en vertu de l'arti cle 7 il n'avait aucune
obligation de soumettre le projet CMB à la CARU, l'Uruguay en est venu à considérer
qu'il a respecté les obligations découlant des ar ticles 7 et suivants à l'égard de ce projet.
417Annexes, livre VII, annexe 5. V. aussi supra, par. 2. 27.
418Ibid.
419V. supra, pars. 2.40-2.41.
420
CR 2006/47, 8 juin 2006, p. 38, par. 15 (Condorelli).
161Ce curieux renversement de position en dit long sur le sérieux de l' une et de l'autre des
tentatives de l'État défendeur pour justifier son comportement.
4.26 Les explications uruguayennes antéri eures à la requête introductive
d'instance de la raison pour laquelle la CARU n'a pas été saisie du projet CMB défient
ouvertement les termes de l'article 7, sont contraires au simp le bons sens et sont réfutées
par la qualification du projet faite par le s autorités compétentes uruguayennes elles-
mêmes.
4.27 L'Argentine a déjà abondamment expliqué le sens et la portée de l'article 7
421
du Statut de 1975 et il n'y a pas lieu d'y revenir ici : ce n'est pas parce que l'une des
Parties estime qu'un ouvrage important ne pr oduira pas de dommages que l'obligation de
saisir et d'informer préalablement la CARU n' existe pas. Comme l'ont fort bien expliqué
MM. González Lapeyre et Flangini (tous deux négociateurs uruguayens du Statut et
anciens délégués auprès de la CARU) dans leur commentaire du Statut de 1975,
" afin qu’un État riverain puisse évaluer si les ouvrages à être réalisés par un
autre, sur un cours fluvial partagé sont susceptibl es de causer sur celui-ci un
préjudice sensible, il doit être au courant du projet afférent au préalable..
4.28 La prétendue justification uruguayenne, si c'en était une, réduirait à néant
le chapitre II du Statut de 1975 car il signifierait que l'Etat qui envisage de construire un
ouvrage procède lui-même à la détermination qui est en première instance –c’est à dire,
avant l’évaluation par l’autre partie le ca s écheant- du ressort de la Commission. Par
ailleurs, selon l'article 7, al inéa 2, du Statut de 1975, si la CARU ne se prononce pas,
l'effet de cette non-décision est identique à ce qui se produit si elle qualifie le projet
comme étant susceptible de causer un préjudi ce sensible à l'autre Partie. En d'autres
termes, c'est uniquement si la CARU décide que le projet ne peut causer un tel préjudice
que la procédure s'arrête à ce stade, sans qu'i l soit besoin pour la partie intéressée de
421
422V. chapitre III, section III.
Italiques ajoutés. E. Gonzál ez Lapeyre et Y. Flangini, El Estatuto del Río Uruguay (Montevideo: Ed.
Jurídicas A. M. Fernández, 1983), p. 74. Annexes, livre VII, annexe 2
162notifier et d'informer l'autre partie, par l’ intermédiaire de la CARU, avant de pouvoir
autoriser ou construire l'ouvrage.
4.29 La pratique mentionnée au chapitre III du présent Mémoire montre que
des ouvrages d'une envergure bien moindre que celle des usines de pâte de papier CMB
et Orion ont suivi la procédure du Statut de 1975 423. Il suffit de mentionner ici que la
construction du port de M'Bopicuá, propriét é d'ENCE, a été effect uée une fois que la
CARU a autorisé cette construction en 2001 424. M. Opertti, Ministre des affaires
étrangères uruguayen, l'a du reste souligné dans son intervention devant le Sénat
uruguayen du 26 novembre 2003:
"Je voudrais apporter une précision additionnelle. Lors de la construction du port
de M´Bopicuá et une fois adoptée la réso lution respective, une intervention a été
faite en vue de déterminer si425e condition naturelle ou de navigabilité du fleuve
serait éventuellement en jeu" .
Manifestement, la construction d'une usine de pâte à papier de l'envergure de CMB est un
ouvrage qui dépasse largement en importance le port de M'Bopicuá pour ce qui est de la
possibilité d'affecter le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux.
4.30 L'obligation de saisir la CARU dans le cadre du mécanisme d’information
et consultation préalables du St atut de 1975 est une obligati on internationale et existe
indépendamment de l'ampleur des précautions, études d'impact, mesures législatives et
réglementaires, etc., effectivement prises ou no n par l'Uruguay. En effet, la réponse à la
question de savoir si l'ouvrage en question est "suffisamment important pour affecter la
navigation, le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux" relève de la CARU ("laquelle
détermine sommairement, dans un délai maximum de 30 jours, si le projet peut causer un
préjudice sensible à l'autre Partie"). La question ne relève donc pas du pouvoir
discrétionnaire de la Partie intéressée.
423
424Supra, chapitre III, section II.A.6§.
425Résolution CARU 12/2001, Annexes, livre III, annexe 2.
Sénat de la République orientale de l’Uruguay, Commission des affaires étrangères, séance du 26
novembre 2003, intervention du Ministre des affaires étrangères, MDidier Opertti, Annexes, livre VII,
annexe 4.
163 4.31 Il est fort significatif à cet égard que la DINAMA elle-même a classé le
projet CMB, selon la législation uruguayenne pertinente, dans la catégorie "C", c'est-à-
dire, celle "des projets d'activ ités, constructions ou ouvrages dont la mise en Œuvre peut
produire des impacts négatifs sur l'environnement, du fait de leur importance quantitative
ou qualitative, et ce que de mesures de prévention ou d'atténu ation soient ou non
prévues" 426.
4.32 Le gouvernement uruguayen savait parfaitement que des projets d'une telle
nature devaient suivre la procédure du ch apitre II du Statut de 1975 et a décidé
délibérément de ne pas la suivre. Il y a là une infraction à l'obligation de saisir la CARU.
La première tentative de justification de l'Ur uguay, selon laquelle l'ouvrage n'allait pas
produire un dommage sensible au fleuve, tout en impliquant une reconnaissance que le
comportement prévu par l'article 7 n'a pas été adopté, doit être écartée.
4.33 De même, il est évident que le second argument avancé par l'Uruguay et
selon lequel l'autorisation de construire l' usine CMB a été donnée en conformité de son
droit interne, ne saurait le libérer de ses obligations inte rnationales qui découlent de
l'article 7 du Statut de 1975. Comme le rappelle l'article 3 des Articles de la C.D.I. sur la
responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite:
"La qualification du fait de l'Etat comme internationalement illicite relève du droit
international. Une telle qualification n' est pas affectée par la qualification du
427
même fait comme licite par le droit interne" .
Le commentaire de la C.D.I. précise à cet égard:
426
Décret 435/994 du 21 septembre 1994, Règlement d'évaluation de l'im pact sur l'environnement, art. 5
(Observations of Uruguay, 2 juin 2006, Exhibit 1, DINAMA Annex 4), Annexes, livre V, annexe 13. Pour
la qualification dans cette catégorie des projets CMB et Orion faite par la DINAMA, voir les autorisations
environnementales préalables délivrées par le Ministère du logement, de l'aménagement du territoire et de
l'environnement respectivement du 9 octobre 2003 et du 14 février 2005, Annexes, livre VII, annexes 9 et
10).
427
Assemblée générale des Nations Unies, Rèsolution A/RES/56/83, 12 décembre 2001, annexe.
164 "un État ne peut pas éviter en faisant valoir que son comportement est conforme
aux dispositions de son droit interne, qu e ce comportement soit qualifié d'illicite
selon le droit international" 428.
4.34 La jurisprudence de la Cour est cons tante et uniforme quant à la relation
entre l'existence d'une obligation internationale et les dispositions de droit interne. Comme
la Cour permanente l'a rappelé à plusieurs reprises:
"c'est un principe généralement reco nnu du droit des gens que, dans les
rapports entre Puissances contractan tes d'un traité, les dispos429ons d'une
loi interne ne sauraient prévaloir sur celles d'un traité" .
4.35 D'autre part, la Cour a constaté que
"La conformité d’un acte au droit interne et sa conformité aux dispositions
d’un traité sont des questions différe ntes. Ce qui const itue une violation
d’un traité peut être licite en droi t interne, et ce qui est illicite en droit
interne peut n’entraîner aucune violation d’une disposition
conventionnelle" 430.
4.36 Lui-même convaincu de la faiblesse intrinsèque de la position qu'il a
soutenue jusqu'au moment des audiences devant la Cour le 8 et 9 juin 2006, l'Uruguay a
opéré durant ces audiences une spectacula ire volte-face argumentative. Désormais,
l'Uruguay considère que "le projet [CMB] a ét é formellement porté à l'attention de la
428Rapport de la C.D.I. sur les travaux de sa 53 ème session, 23 avril-1erjuin et 2 juillet-10 août 2001,
ème
Documents officiels de l'Assemblée générale, 56 session, Supplément n° 10 (A /56/10), p. 77, par. 1) du
429mentaire.
Avis consultatif du 31 juillet 1930, «Communautés» greco-bulgares, C.P.J.I., série B, n° 17, p. 32. V.
aussi : arrêt du 17 août 1923, Vapeur «Wimbledon», C.P.J.I., série A, n° 1, pp. 29-30; ordonnance du 6
décembre 1930, Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, C.P.J.I., série A, n° 24, p. 12; arrêt
du 7 juin 1932, Zones franches de la Haute- Savoie et du Pays de Gex , C.P.J.I., série A/B, n° 46, p. 167;
avis consultatif du 4 février 1932, Traitement des nationaux polonais et des autres personnes d'origine ou
de langue polonaise dans le territoire de Dantzig, C.P.J.I., série A/B, n° 44, p. 24.
430C.I.J., arrêt du 20 juillet 1989, Elettronica Sicula S.p.A., Rec. 1989, p. 51, par 73. V. aussi: arrêt du 18
décembre 1951, Pêcheries, Rec. 1951, p. 132; arrêt du 18 novembre 1953, Nottebohm, exceptions
préliminaires, Rec. 1953, p. 123; arrêt du 28 novembre 1958, Application de la Convention de 1902 pour
régler la tutelle des mineurs , Rec. 1958, p. 67; avis cons ultatif du 26 avril 1988, Applicabilité de
l'obligation d'arbitrage en vertu de la section 21 de l'Accord du 26 juin 1947 relatif au Siège de
l'Organisation des Nations Unies, Rec. 1988, p. 34 et 35, par. 57.
165CARU (…) le 8 juillet 2002, lorsque les représentants de l'usine ont fourni à la CARU les
431
informations y relatives". Tout ce que l'on trouve comme "preuve" de cette affirmation
est une lettre d'ENCE du 24 août 2004 adressée au Président de la CARU aux termes de
laquelle: "comme vous vous souviendrez, en juillet 2002 nous avon s visité votre siège
dans le but d'informer la Co mmission que vous présidez sur le projet d'installation d'une
usine de cellulose en M'Bopicuá" 43.
4.37 Il est évident que ces prétendus ag issements privés ne constituent pas
l'exécution de l'obligation imposée aux Partie s contractantes par l'article 7 du Statut. La
CARU a, bien entendu, des contacts avec des entités publiques et privées. Elle reçoit
régulièrement du courrier et des visites de personnes physiques, sociétés commerciales,
ONG, associations en général, organes des Etats et organi sations internationales. La
correspondance et les visites concernent des activités liées aux compétences de la CARU.
Elles ne peuvent aucunement suppléer à l'ob ligation d'informer pesant sur les Parties
conformément à l'article 7 du Statut et n'ont jamais été interprétées comme remplissant la
condition imposée par cette disposition. Le texte des articles 7 et suivants est clair: ces
dispositions mentionnent "la Part ie qui projette de construire ", "la Partie intéressée", la
"Partie [qui] peut construire ou autoriser la construction de l'ouvra ge projeté". Ceci est
d'ailleurs corroboré par le fait que la CARU a demandé après ces visites des informations
concernant le projet.
4.38 La présidente de la Délégation uruguayenne à la CARU, Mme. Petrocelli a
reconnu ceci de manière on ne peut plus claire dans son exposé au Sénat uruguayen du 12
décembre 2005:
" c´est l´État qui doit faire la présentatio n. Ce cas particulier s´est présenté par
surprise. La partie -diplomatiquement parlant- est celle qui doit faire la
431CR 2006/47, 8 juin 2 006, p. 38, par. 16 (Condorelli), citant la déclaration sur serment de Mme
Petrocelli, Présidente de la Délégation uruguayene à la CARU, contenue da ns les Observations de
l'Uruguay soumises à la Cour le 2 juin 2006 (Volume II, Exhibit 1).
432
Documents présentés par l'Uruguay le 2 juin 2006, Volume II, Exhibit 2, CARU Annex I.
166 présentation et informer qu´elle va réaliser une construction –privée ou publique-
et l´annoncer avec suffisamment de temps." 43.
4.39 Il y a là une nouvelle reconnaissance que l'Uruguay n'a pas respecté la
première étape prévue par l'article 7 du Stat ut. En aucun cas une simple prise de contact
faite par une société privée, quand le mécani sme d’information et consultation préalables
du Statut n’avais pas même commencé, ne pe ut suppléer à la saisine formelle de la
CARU par la partie intéressée.
4.40 L'Uruguay a aussi affirmé en plaidoir ie que "[l]e 10 octobre 2003, la
434
CARU a approuvé son plan pour le contrôle et l'étude de la construction de l'usine" .
Aucune référence n'y est mentionnée. Cette af firmation est tout simplement fausse. Le
procès-verbal de cette réunion de la CARU affirme au contraire très clairement que
"une fois que l'on disposera du ma tériel, que nous attendons le plus
rapidement possible de la DINAMA, le s réunions techniques pertinentes
auront lieu afin de faire les analyses et évaluations correspondantes du
435
projet, conformément à la procédure prévue à l'article 7" .
4.41 Ceci a été dit un jour après l'autori sation délivrée par la DINAMA et dans
l'ignorance de l'existence même de cette autorisation. Clairement, l'Uruguay ne s'était pas
acquitté de ses obligations en vertu de chapitre II du Statut le 10 octobre 2003.
4.42 Au cours de la même plaidoirie, l'Ur uguay a par ailleurs prétendu que
"[l]e même jour, l'Uruguay a donné son auto risation environnementale préalable pour
l'usine et l'a notifiée au Président de la délégation argentine à la CARU, qui était à
436
l'époque le Président de la CARU" . Il n'en est rien :
433
Sénat de la République orientale de l’Uruguay, Commission de l’environnement, séance du 12 décembre
2005. Exposé des délégués uruguayens à la CARU, p. 4 , Annexes, livre VII, annexe 5.
434CR 2006/47, p. 39, par. 16 (Condorelli).
435Italiques ajoutés. CARU, Procès-verbal N° 10/03, 10 octobre 20 03, p. 1912-1913 , A nnexes, livre III,
annexe 23.
436
CR 2006/47, p. 39 (Condorelli).
167 - Primo , l'autorisation environnementale préalable a été octroyée à CMB le 9
octobre 2003 et non le 10, c'est-à-dire, un jour avant la réunion de la CARU, sans que
celle-ci ait eu même connaissance de cette autorisation;
- Secundo, il n'y a eu aucune notification au Président de la délégation argentine;
- Tertio , non seulement il n'y a eu aucune notification, ni à la CARU, ni à
l'Argentine, mais ce fut l'Argentine qui a dû convoquer une séance extraordinaire de la
CARU une semaine plus tard, le 17 octobre 2003, pour discuter de cette grave question.
4.43 En effet, il ressort du procès-verbal de cette séance extraordinaire 437 que le
Président de la CARU avait appris par l' Ambassade argentine à Montevideo que le
Ministère uruguayen de l'environnement avait autorisé l'établissement de CMB sans saisir
la CARU. Il a clairement fait savoir que ceci était en co ntradiction avec l'article 7 du
Statut. En outre, le Présiden t de la CARU s'est référé explicitement à l'article 12 (le
déclenchement du recours à la Cour Internationale de Just ice) "dans l'hypothèse de
divergences d'opinions" et a souligné cl airement que "la résolution du MVOTMA [le
Ministère de l'environnement] aurait dû été édictée après l'application du mécanisme
438
prévu" .
4.44 La Délégation uruguayenne n'a pas cont esté les propos du Président de la
Délégation argentine. Selon les dires de son Président, la Délégation uruguayenne
semblait ne pas être au courant de l'autori sation. Il a en effet indiqué: "en tant que
Délégation nous ne sommes pas en état d' avancer ni de formuler d'autre genre de
réflexion, puisque nous n'avons pas tous les éléments, même pas ceux que nous pourrions
transmettre comme des antécédents au sein de la Commission" 439. C'est une curieuse
manière pour l'Uruguay de "s'a cquitter de ses obligations en vertu de l'article 7": la
Délégation uruguayenne à la CARU avoue el le-même ne pas avoir tous les éléments,
même ceux qui constitueraient les informations indispensables à la Commission.
437
CARU, Procès-verbal N° 11/03, séance extraordinaire convoquée par l'Argentin e du 17 octobre 2003,
Annexes, livre III, annexe 5.
438Ibid., p. 6.
439Ibid.
168 4.45 On ne pourrait être plus clair qu e le Président de la Délégation
uruguayenne pour établir que l'Uruguay n'a pas présenté le projet relatif à CMB devant la
CARU. Après avoir affirmé qu'il ne connaissa it pas la résolution du Ministère et que sa
délégation croyait que cette résolution se référait seulement à un projet, il a conclu ainsi:
440
"Ce projet n'est pas arrivé ici [la CARU]".
4.46 S'il était vrai que l'Uruguay considérait ses agissements préalables comme
l'accomplissement de ses obligations découlant de l'article 7, la Délégation uruguayenne
n'aurait pas manqué de l'affirmer. Il n'y a pas la moindre trace dans les procès-verbaux de
la CARU d'une prétention uruguayenne affirmant le respect de la procédure du Statut. Au
contraire, une fois encore, l'Uruguay a ex plicitement reconnu qu'il n'a pas suivi les
prescriptions de l'article 7 du Statut.
4.47 En conclusion, en autorisant la constr uction de l'usine CMB sans saisir la
CARU, l'Uruguay a violé l'obligation lui incomb ant en vertu de l'article 7 du Statut de
1975. Cette violation n'a aucune justificatio n et n'est excusée par aucune circonstance
excluant l'illicéité. Elle constitue non seulement, par elle-même, un fait internationalement
illicite à l'égard de l'Argentine mais aussi el le prive les articles subséquents de toute
possibilité de mise en Œuvre.
B. L'AUTORISATION DE LA CONSTRUCTION DE L’USINE ORION LE
14 FÉVRIER 2005
4.48 Le 14 février 2005, le gouvernem ent de l'Uruguay a autorisé la
construction par la société finlandaise Botnia d'une usine de pâte à papier, projet dénommé
"Orion", dans les alentours de la ville de Fr ay Bentos (Département de Río Negro), sur la
rive gauche du fleuve Uruguay et à moins de 7 kilomètres de l'usine CMB. Une nouvelle
fois, cette autorisation est in tervenue en dépit du fait qu e la CARU avait demandé des
44Ibid.
169informations relatives au projet sans avoir sa isi formellement la CARU et sans transmettre
l'information requise par l'article 7 44.
4.49 Il est difficile d'imaginer qu'u n projet d'une telle envergure 442, qui
constitue le plus grand projet industriel ja mais envisagé sur le tronçon commun du fleuve
Uruguay, ait pu être considéré par l'Uruguay comme n'étant pas susceptible de tomber sous
le coup de l'article 7 du Stat ut. Même le rapport élaboré par la DINAMA, qui qualifia le
projet comme relevant de la catégorie «C » de la législation uruguayenne pertinente
(«projets d'activités, constructions ou ouvrag es dont la mise en Œuvre peut produire des
impacts négatifs sur l'environnement, du fait de leur importance quantitative ou qualitative,
et ce que des mesures de prévention ou d'atténuation soient ou non prévues »), témoigne du
caractère incomplet et insatisfaisant de l'étud e d'impact sur l'environnement fourni par
Botnia. Il est signalé en particulier "des vi des d'information, des contradictions (même
dans le document lui-même) et des réponses irreguliéres et peu satisfaisantes" 443. Malgré la
conviction ainsi manifestée par les autorités uruguayennes que cet ouvrage risque de
causer des dommages sérieux à l'environnement et rentre donc dans le champ d'application
de l'article 7, alinéa 1, du Statut, celles-ci ont décidé de ne pas s'acquitter de leur obligation
de soumettre le projet à l'examen de la CARU, seule compétente pour en connaître.
4.50 La démarche uruguayenne a été exactem ent la même que pour le projet
CMB. Le Ministère de l'environnement (MVO TMA) a autorisé la construction d'Orion
sans passer préalablement par la CARU comme requis par l' article 7; l'Argentine, qui
avait appris cette autorisation par les médias, a tenté par l’intermédiaire de sa Délégation
à la CARU de saisir la Co mmission pour faire respecter les obligations découlant du
444
chapitre II du Statut .
441
442V. supra, pars. 2.54-2.55.
V. supra, par. 0.16 et infra, chapitre VII, section IV.
443Direction nationale de l'environnement (DINAMA), Division d'évaluation de l'impact environnemental,
Installation d'une usine de pâte cellulose et des ouvra ges accessoires, Dossie r 2004/14001/1/01177,
Montevideo, le 11 février 2005, Annexes, livre V, annexe 8.
444
Voir supra, par. 2.55.
1704.51 Ce comportement uruguayen est d'au tant plus grave que l'Uruguay ne
pouvait pas ignorer ni le différend déjà susc ité par l'autorisation du projet CMB ni sa
promesse de revenir à la CARU. Il ne pouv ait ignorer non plus la position claire de
l'Argentine sur la nécessité de respecter la procédure du chapitre II du Statut de 1975.
Ainsi, lorsque la question d'une réunion avec des représentants de Botnia a été soulevée
au sein de la CARU, "[l]a Délégation arge ntine a souligné l'importance du mécanisme de
consultation établi par le Statut du fleuve Uruguay" 445. Le gouvernement uruguayen
sortant, à quelques jours à peine de la pass ation du pouvoir au Président Vázquez, était
pleinement conscient que, en octroyant l'autori sation à Botnia pour le projet Orion le 14
février 2005, sans passer par la CARU, il allait aggraver le différend.
4.52 La position au sein de la CARU à cet égard a été claire et manifeste:
durant la réunion du 11 mars 2005, le Présiden t de la Délégation argentine a fait part de
ses préoccupations du fait qu'il a pris connai ssance, par les médias, que l'Uruguay aurait
autorisé Botnia à construire une autre usine de pâte de papier sur le fleuve Uruguay sans
passer par la CARU nonobstant une demande d'information de la Commission à ce
propos. En effet, dans une lettre à la DINAMA du 16 novembre 2004, la CARU avait fait
savoir qu'elle avait pris connaissance des démarches de Botnia en vue de l'obtention d'une
446
autorisation de construction et de mandé de plus amples informations . Le Président de
la Délégation uruguayenne lui-même a, pour sa part, confirmé lors de la réunion du 11
mars 2005 que sa Délégation n'était pas au courant de l'autorisation, mais qu'il connaissait
les présentations du projet données par les médias auxquelles se référait son collègue
447
argentin .
4.53 Le 6 mai 2005, au sein de la CARU, le présid ent de la Délégation
argentine a rappelé une fois de plus que le mécanisme de consultation préalable (article 7
et suivants) prévu par le Statut n'a été respecté ni pour le projet CMB, ni pour le projet
Orion. Si la situation se poursuit -il affirma-, l'Argentine se réserve le droit de déclencher
445CARU, Procès-verbal N° 03/04 du 18 juin 2004, Annexes, livre III, annexe 26.
446Note SET-11037-UR du 16 novembre 2004, Annexes, livre III, annexe 36.
447
CARU, Procès-verbal N° 03.05, 11 mars 2005, p. 9. , Annexes, livre III, annexe 31.
171 les procédures prévues par le Stat ut pour le règlement des différends 448, c'est-à-dire la
conciliation ou le règlement judiciaire. La réponse du Président de la Délégation
uruguayenne confirme la position argentine : "les faits on t été comme M. l'Ambassadeur
[García Moritán, Président de la Dé légation argentine] les a relatés" 449. Encore une fois,
on retrouve ici une reconnaissance claire pa r l'Uruguay qu'il n'a pa s suivi le mécanisme
du chapitre II du Statut.
4.54 À ce jour et nonobstant les demandes ré itérées de la part de l'Argentine,
avant comme après l'autorisation accordée à Botnia, la CARU n'a toujours pas été saisie du
projet et l'Uruguay refuse toujours de le faire.
C. L'AUTORISATION DONNÉE À BOTNIA DE CONSTRUCTION DU
TERMINAL PORTUAIRE (5 JUILLET 2005)
4.55 Le Gouvernement uruguayen a répété le même comportement que celui
qu'il avait adopté à propos des usines CMB et Orion en autorisant, le 5 juillet 2005, la
société Botnia à utiliser le lit du fleuve et à construire un port à l'usage exclusif de l'usine
Orion sans saisir la CARU. À nouveau, l’Arge ntine a pris connaissance de ce projet par
les médias uruguayens et a formellement demandé que le Gouvernement uruguayen
respecte l'obligation découlant de l’article 7 du Statut de 1975 par une note datée du 27
450
juin 2005, c'est-à-dire, avant que l' Uruguay ait procédé à l'autorisation . Une fois cette
autorisation accordée, la demande argentin e a été formellement renouvelée à deux
reprises au sein de la CARU, doublée de la demande de suspension des travaux tant que
la CARU ne se sera prononcé sur le projet 451.
4.56 L'autorisation uruguayenne du 5 juillet 2005 inclut l'utilisation par Botnia
du lit du fleuve, le droit de procéder au comblement de ce lit, à la construction et à
448
CARU, Procès-verbal N° 05.05 du 6 mai 2005, p. 4, Annexes, livre III, annexe 32.
44Ibid.
45Note MREU N°168/05 de l'Ambassade d'Argentine en Uruguay au Mini stère des affaires étrangères de
l’Uruguay du 27 juin 2005, Annexes, livre II, annexe 7.
451
CARU, Procès-verbaux Nos. 08/05 et 09/05, Annexes, livre III, annexes 34 et 35.
172l'exploitation du terminal portuaire, ainsi que de mener les opérations de dragage
"nécessaires pour l'exécution des installations portuaires, pour permettre l'accostage et les
manŒuvres des navires et pour l'ouverture et la maintenance du chenal de navigation
452
d'accès au terminal" . Clairement, un ouvrage présentant ces caractéristiques est de ceux
qui présentent les différents aspects mentionn és par l'article 7 du Statut de 1975, en
particulier la construction de nouveaux ch enaux et de tout ouvrage suffisamment
important susceptible d'affecter la navigation, le régime du fleuve ou la qualité de ses
eaux.
4.57 L'Uruguay a autorisé la construction de l'ouvrage, l'u tilisation du lit du
fleuve et son comblement, ainsi que la c onstruction et la maintenance d'un nouveau
chenal avant de saisir la CARU en conf ormité avec le mécanisme d’information et
consultation préalables du Statut. Ceci est no n seulement en nette co ntradiction avec ce
qui est prévu par le Statut de 1975, mais au ssi avec la procédure suivie dans le cas du
terminal portuaire M'Bopicuá, où la constr uction a commencé après que la CARU eut
pris la décision que l'ouvrage ne produirait pas un préjudice sensible 453. Pour cette raison,
la Délégation argentine a dema ndé la suspension des travau x du port de Botnia dans
454
l'attente de la décision de la CARU, ce que l'Uruguay a refusé .
4.58 En autorisant Botnia à construire le port d'Orion, l' utilisation et le
comblement du lit du fleuve ainsi que la construction et la maintenance d'un chenal avant
même la saisine de la CARU, l'Uruguay a viol é l'obligation prévue à l'article 7 du Statut
de 1975.
D. L'AUTORISATION DE MISE EN SERVICE DU TERMINAL PORTUAIRE
DE BOTNIA (24 AÔUT 2006)
4.59 La mise en service du terminal portua ire de Botnia a été autorisée le 24
août 2006 par une résolution de la DI NAMA. L'Uruguay a informé la Délégation
452Uruguay, Ministère des transports et travaux publics, Résolution du 5 juillet 2005, Annexes, livre VII,
annexe 6.
453V. supra, chapitre III, section II.B.6§
454
CARU, Procès-verbal N° 9/05 du 14 octobre 2005, Annexes, livre III, annexe 35.
173argentine à la CARU de cette autorisation ex post facto ; la Présidente de la Délégation
uruguayenne a simplement déclaré rester "à la disposition de la Délégation argentine pour
éclaircir tout doute ou pour remettre l'information addi tionnelle qu'elle estimerait
455 456
pertinente" . À ce jour, le terminal portuaire est opérationnel . L'Argentine a protesté
contre la mise en service du terminal en pr écisant qu'elle était contraire aux dispositions
457
du Statut de 1975, et a demandé à l'Uruguay de suspendre sa mise en service .
4.60 Cette autorisation de mise en service du terminal portuaire de Botnia ayant
été octroyée sans saisir la CARU constitue un e infraction à l'article 7 du Statut de 1975,
car il s'agit d'une activité suffisamment importante pour affecter la navigation du fleuve.
E. L'AUTORISATION DE PRÉLÈVEMENT ET D’UTILISATION DE L’EAU
DU FLEUVE URUGUAY DONNÉE À BOTNIA (12 SEPTEMBRE 2006)
4.61 Poursuivant sa politique systématique d'autorisation unilatérale, l'Uruguay
a, le 12 septembre 2006, autorisé Botnia à pr élever et utiliser les eaux du fleuve Uruguay
à des fins industrielles, à savoir la production de pâte à papier 458. Le 17 octobre 2006, la
Délégation uruguayenne a transmis le texte de cette résolution à la CARU.
4.62 L'article 27 du Statut de 1975 dispose à ce sujet:
"le droit de chaque Partie d'utiliser les eaux du fleuve, à l'intérieur de sa
juridiction, à des fins ménagères, sa nitaires, industrielles et agricoles,
s'exerce sans préjudice de l'application de la procédure prévue aux articles
7 à 12 lorsque cette utilisation est suffi samment importante pour affecter
le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux."
455
Note CARU-ROU N° 023/06 du 4 septembre 2006, Annexes, livre III, annexe 37.
456En effet, le terminal compte à aujourd’hui même des installations douanières, que l’Uruguay a autorisée
aussi unilatéralement par Décret N° 143358 (2octobre 2006) du Président de l’Uruguay.
457Annexes, livre III, annexe 41 . V. aussi par. 2.85.
458
Résolution du Ministère des transports et des travaux publics du 12 septembre 2006, Annexes, livre VII,
annexe 16.
174 Il résulte de sa rédaction même que l'article 27 ne constitue pas un "permis
de polluer" et qu'il ne dispense en aucune manière les Parties de suivre, avant tout début
de réalisation "la procédure prévue aux articles 7 à 12".
4.63 L'autorisation octroyée (jusqu'au 30 juin 2011) prévoit le prélèvement et
l'utilisation maximales de 60.000.000 m 3d'eau annuels ou un dé bit de 1,900 litres par
459
seconde, sans dépasser le volume maximum . Indiscutablement, il s'agit d'une
utilisation suffisamment importante pour affecter le régime du fleuve ou la qualité de ses
460
eaux . L'Uruguay devait suivre la procédure pr évue aux articles 7 à 12 du Statut de
1975 et il ne l'a pas fait.
4.64 D'une façon plus générale, il convient de noter que l'Uruguay ne saurait en
aucune manière invoquer l'article 27 pour s'exonérer de ses obligations en vertu du Statut
de 1975 comme il l'a fait durant les audi ences relatives aux mesures conservatoires
demandées par l'Argentine. À cette occasion, il a fait valoir, par exemple, que l'article 27
du Statut "expressly permits both Uruguay and Argentina to use the river for industrial
purposes" 461 et que cette disposition "recognizes th e right of each Party to exploit the
waters of the river for domestic, sanitary , industrial and agricultural purposes" 46.
Assurément, aucune de ces affirmations se prêtent à discussion; mais il n'est pas
acceptable d'en déduire pour au tant, comme le fait l'Uruguay, que l'article 27 pourraient
avoir pour effet de l'exonérer de l'appli cation d'obligations im posées par d'autres
dispositions du Statut.
459
460Ibid.
V. en ce sens la note du minist re des affaires étrangères de l'Ar gentine à son homologue uruguayen du
1 novembre 2006, Annexe, livre II, annexe 33.
461CR 2006/47, p. 44, par. 9 (Reichler).
462
CR 2006/47, p. 29, para. 39 (Boyle).
175 Section II
L'Uruguay n'a pas notifié les projets par l'intermédiaire de la CARU
(article 7, alinéas 2 et 3)
4.65 Après sa saisine par la partie qui proj ette de construire ou d'autoriser la
construction d'un ouvrage suffisamment importan t pour affecter la navigation, le régime
du fleuve ou la qualité de ses eaux, la CARU dispose de 30 jours pour se prononcer. Si
elle détermine que le projet peut causer un préj udice sensible à l'autre partie ou si aucune
décision n'intervient, la partie intéressée notifie le projet à l'autre partie par l'intermédiaire
de la CARU. L'alinéa 3 de l'article 7 précise : "La notification énonce les aspects
essentiels de l'ouvrage et, le cas échéant, son mode de fonctionnement et les autres
données techniques permettant à la Partie à laquelle la notification est adressée d'évaluer
l'effet probable que l'ouvrage au ra sur la navigation, sur le régime du fleuve ou sur la
qualité de ses eaux".
4.66 Bien évidemment, le fait que l'Urug uay n'ait pas soumis les projets des
usines de pâte à papier à la CARU n'implique pas pour lui le droit de se libérer de cette
deuxième obligation, faute de quoi, en commet tant une première vi olation, une Partie
s'exonèrerait à peu de frais de l'ensemble de ses obligations subséquentes en vertu des
articles 7 et suivants du Statut, ce qui ne saurait être admis. Or , l'Uruguay a procédé à
l'autorisation de la construction des usin es en cause sans s'acquitter de l'obligation
subséquente de notifier l'autr e partie par l'intermédiaire de la CARU et de lui fournir
l'information requise par les articles 7 et 8 du Statut de 1975.
A. L'INFORMATION RELATIVE AU PROJET CMB
4.67 Lors de l'audience du 8 juin 2006, l' Uruguay a prétendu s'être acquitté de
l'obligation d'informer la CARU, qui au rait demandé et reçu des informations
463
supplémentaires "importantes et détaillées concernant l'usine" . La réalité est que, ayant
pris informellement connaissance du projet CMB, la CARU a, le 17 octobre 2002,
463
CR 2006/47, p. 38, par. 16 (Condorelli).
176sollicité de l'information auprès du Ministère uruguayen du logement, de l'aménagement
du territoire et de l'environnement (MVOTMA) et qu'elle n'a pas reçu de réponse. La
CARU a renouvelé sa demande le 21 avr il 2003. L'information transmise par la
DINAMA à la CARU le 14 mai 2003 ne concernait que des informations déjà accessibles
464
sur son site internet et rien de plus . Le 15 août 2003, le Président de la CARU, M.
Belvisi (Uruguay), a écrit à son Ministre p our lui signaler le besoin de davantage
465
d'information. . Malgré ces demandes répétées, au li eu d'envoyer l'information requise,
la DINAMA a directement octroyé l'autorisation environnementale préalable le 9 octobre
2003, sans passer par la CARU.
4.68 L'Uruguay a aussi cité une réunion publique qui a eu lieu à Fray Bentos et
au cours de laquelle il aura it "divulgué officiellement le s informations sur le projet" 466.
Néanmoins, contrairement à ce qui a été prétendu par l'Urug uay, aucun délégué de la
CARU n'a participé à ces réunions; seuls son secrétaire technique et un "consultant" de la
467
CARU ont été présents et ont fait état des discussions ayant eu lieu à cette occasion .
Du reste, même si certains délégués de la CARU étaient présents et avaient ensuite
informé la CARU, ceci ne serait toujours pa s ce qui est exigé par le Statut. Les membres
de la CARU participent réguli èrement à des réunions de nature très diverse auxquels ils
sont invités, à ce titre ou autrement. L'Uruguay ne peut sérieusement prétendre que le fait
que deux membres de la CARU, ce qui n'est pas le cas, aient participé à une réunion
publique informative du projet puisse équivaloir à l'obligati on de l'Etat d'informer à la
CARU conformément à l'article 7, ou même se rattacher d'une manière quelconque au
mécanisme d’information et co nsultation préalables prévu au chapitre II du Statut de
1975.
4.69 L'explication que l'Urugua y a avancée devant la Co ur lors des audiences
du 8 et 9 juin 2006 à l'appui de sa prétention selon laquelle il aura it respecté l'obligation
de transmettre à la CARU les informations re latives à CMB contredit du reste clairement
464
Notes SET-10413-UR du 17 octobre 2002, SET-10617-UR du 21 avril 2003 et Note SET-10706-UR du
15 août 2003, Annexes, livre III, annexes 12 ,16 et 18.
465Note SET-10706-UR du 15 août 2003, Annexes, livre III, annexe 18.
466CR 2006/47, p. 39, par. 16 (Condorelli).
467
V. pars. 2.11-2.13.
177la position prise auparavant par cet État . En effet, pour montrer qu'à ses yeux
l'autorisation de la constructi on de l'usine CMB ne relevait pas de la compétence de la
CARU, l'Uruguay aurait choisi de transmettr e information directement à l'Argentine par
l'intermédiaire de son ambassad e à Montevideo. Si c'est l'Ar gentine qui a transmis cette
information à la CARU en février 2004 et no n l'Uruguay, cela est justement dû au refus
de ce dernier de s'acquitter de son obligation. De même, le fait que – face au manquement
uruguayen – ce soit l'Argentin e qui ait dû transmettre le do ssier à la CARU n'excuse en
rien ce manquement ni n'implique un qu elconque accord sur un changement de
procédure. Au contraire, cette situation pour le moins singulière constitue la preuve du
manquement flagrant de l'Uruguay à son obligation d'information à travers la CARU. Qui
plus est, dans sa lettre accompagnant le dossi er fourni par l'Uruguay, le Président de la
Délégation argentine demande que les inform ations pertinentes soient envoyées à la
Sous-commission de la qualité des eaux afin d'évaluer dans quelle mesure les ouvrages
projetés et leur mise en service peuvent aff ecter la qualité des eaux du fleuve Uruguay,
"sans préjudice des considérations formulées en relation avec l'article 7 du Statut du
fleuve Uruguay par la Délégation argentine da ns la réunion plénière extraordinaire du
468
17 octobre 2003" .
4.70 En effet, comme en témoigne la pr atique, l'envoi à la Sous-commission
469
pertinente est l'étape préalable à la prise de décision au sein de la Commission plénière .
Clairement, l'Argentine a réservé sa po sition quant au manquement uruguayen à
l'obligation d'information et de notification découlant des articles 7 et 8 du Statut et quant
au devoir toujours en vigueur pour l'Uruguay de les respecter.
468CARU, Procès-verbal N° 1/04, ré union extraordinaire convoquée par l'Argentine du 15 mai 2004, p. 5,
Annexes, livre III, annexe 24.
469
V. chapitre III.
178 B. L'INFORMATION RELATIVE À L’USINE ORION
4.71 Durant l'audience du 8 juin 2006, l'Uruguay s'est essayé au même exercice
que pour le projet CMB en expliquant qu'il avait également respecté ses obligations à
l'égard du projet Orion. Pour ce faire, il a mentionné que des représentants de la
compagnie Botnia ont rencontré la CARU et ont fourni de l'information, que des
membres de la CARU ont voyagé en Finlande et en Espagne pour visiter des usines de
Botnia et d'ENCE et que la CARU "a orga nisé une réunion" avec les représentants de
470
Botnia le 19 octobre 2004 . En réalité, s'il y a eu des contacts entre les compagnies et la
CARU, la seule chose que ceci démontre est que cette dernière s'estimait compétente
pour connaître des projets en question. Ma is ces contacts ont revêtu un caractère
purement préliminaire et ne sauraient remplacer, de quelque manière que ce soit la
procédure du chapitre II du Statut de 1975. Au contraire, ces communications à la CARU
fournissent une preuve supplémentaire de la nécessité de soumet tre ces projets à la
Commission, contrairement au comportement suivi et aux prétentions avancées par
l'Uruguay.
4.72 L'Uruguay n'a jamais donné l'in formation requise à la CARU.
L'information ultérieurement transmise à l'Argentine relative à Orion l'a été
exclusivement dans le cont exte des travaux du GTAN et s'est avérée manifestement
incomplète 471.
C. L’ URUGUAY A EXPLICITEMENT RECONNU QU’IL N’A PAS FOURNI
L’INFORMATION À LA CARU CONFORMÉMENT AU STATUT DE 1975
4.73 Durant la présentation officielle de la position uruguayenne organisée par
la Présidence de l'Uruguay le 29 mai 2006. L'Ambassadeur Felipe Paolillo a eu la tâche
470
471CR 2006/47, 8 juin 2006, pp. 39-40, par. 18 (Condorelli).
GTAN, Procès-verbal N°1 du 3 août 2005; Rapport de la délégation argent ine du 3 février 2006,
Annexes, livre IV, annexes 4 et 1.
179d'exposer les aspects juridiqu es du différend avec l'Argentine. À cette occasion, il a
expliqué que
"l'Uruguay a informé les autorités argentines des projets et de la
construction des ouvrages, et a à plus ieurs reprises fourni l'information
requise par les autorités argentines. Toutefois, il ne l'a pas fait à travers la
procédure prévue par le Statut du fleuve Uruguay . Pourquoi? Parce que
les autorités des deux nati ons, au plus haut niv eau – dans un cas les
Ministres des affaires étrangères, dans un autre, les Présidents des deux
pays eux-mêmes, se sont mis d'accord sur d'autres procédures
472
alternatives" .
4.74 À la fin de cette présentation officielle, le Ministre uruguayen des affaires
étrangères, a déclaré que les intervenants "ont résumé en 40 minutes ce qu'est exactement
la position uruguayenne" 47.
4.75 L'explication de l'Ambassadeur Paol illo appelle plusieurs remarques.
Primo, elle comporte une reconnaissance manife ste, dépourvue de toute ambiguïté, que
l'Uruguay n'a pas transmis l'information requ ise "à travers la procédure prévue par le
Statut du fleuve Uruguay". Secundo, les Parties ne se sont jamais mises d'accord pour
suivre des procédures alternatives à celle pr évue par le Statut de 1975, pas davantage
qu'elles n'ont décidé de su spendre l'application du chapitre II de celui-ci. Tertio,
l'affirmation selon laquelle l'Uruguay aurait transmis à l'Argentin e toute l'information
requise est clairement démentie par les faits.
D. L'INFORMATION TRANSMISE PAR L’URUGUAY
ÉTAIT ET DEMEURE INCOMPLÈTE
4.76 L'obligation incombant aux Parties aux termes du Statut est de transmettre
toute l'information pertinente . L’obligation d’information et consultation préalables est
472Italiques ajoutés. République orientale de l'Uruguay, Présidence, "L'Uruguay a informé sur l'installation
473 usines de cellulose", 29 mai 2006, Annexes, livre VI, annexe 13.
République orientale de l'Uruguay, Présidence, "Répercussions: large satisfaction pour l'unité nationale",
29 mai 2006. Disponible in :http://www.presidencia.gub.uy/web/noticias/2006/05/2006052911.htm .
180 caractérisée par sa finalité : il s'agit de perm ettre à l'autre partie intéressée "d'évaluer
l'effet probable que l'ouvrage au ra sur la navigation, sur le régime du fleuve ou sur la
qualité de ses eaux" (article 7, alinéa 3). Il ne faut donc pas simplement fournir quelques
informations, mais les informations exhaustiv es et complètes qui permettent une telle
évaluation d'une façon effective.
4.77 Il n'est pas exact d'affirmer, comme l'a fait l'ambassadeur Paolillo, que
l'Uruguay aurait transmis à l'Argentine toute l'information requise par celle-ci. Le procès-
verbal de la première réunion du GTAN et le dernier rapport de la délégation argentine à
ce Groupe résument de manière concrète quelle a été l'information requise par l'Argentine
474
que l'Uruguay n'a pas transmise.
4.78 Le rapport Hatfield du 27 mars 2006 a reconnu que l'information relative
aux usines CMB et Orion était insuffisante :
"Assertions that the CIS, Botnia a nd CMB have not provided sufficient
information on the proposed de sign, operating proced475s and
environmental monitoring for the mills are generally valid" ;
et ce, plus de deux ans après l'autorisation délivrée à la première usine susmentionnée et
plus d'un an après celle concernant la deuxiè me. Rien de ce qui s'est produit par la suite,
n'a pu changer cet état des choses.
4.79 En ne transmettant pas à la CARU l'information nécessaire pour que la
CARU et l'Argentine puissent se déterminer par rapport à l'impact sur le fleuve et ses
zones d'influence des ouvrages projetés , l'Uruguay a manqué à son obligation
internationale découlant des articles 7 et 8 du Statut de 1975.
474
GTAN, Compte-rendu de la première réunion, Montevideo, 3 août 2005, Annexes, livre IV, annexe 4 ;
GTAN, Rapport de la délégation argentine, Buenos Aires, 3 février 2006, Annexes, livre IV, annexe 1.
47Re: Cumulative Impact Study-Uruguay Pulp Mills, 27 mars 2006, p. 2. Il affirme également: "there is a
lack of supporting information in their documents [Botnia and CMB's environmental impact assessments]
to show that the mills would actually use BAT in all aspects of their design and operations" (ibid.) et
poursuit: "Both EIAs are replete with generic descriptions of modern mill features (much of Orion EIA text
is copied from IPPC 2001), with little information on what the company is actually intending to install" (p.
5, A.3). Le rapport détaille un nombre important d'insuffisances des études d'impact évaluées par les
experts. Disponible in: http://www.ifc.org/ifcext/lac.nsf/Content/Uruguay_Pulp_Mills_TOR , Annexes,
livre V, annexe 9.
181 Section III
Les autorisations contestées ont été données par l'Uruguay nonobstant l'opposition
de l'Argentine et l'absence de règlement du différend (article 9)
4.80 L'Uruguay n'a ni saisi la CARU de tous les projets d'ouvrages ou
d'utilisations du fleuve litigieux (constructio n des usines CMB et Or ion et du terminal
portuaire de Botnia, mise en service de ce dernier et prélèvement et utilisation de l'eau du
fleuve par Botnia), ni transmis l'information nécessaire à l'égard des deux usines, mais il
a de surcroît procédé à l'autorisation de ces ouvrages et des utilisations du fleuve en dépit
des objections argentines et de l'absence de règlement du différend opposant les deux
pays. Ceci est en claire contradiction avec la procédure prévue au chapitre II du Statut de
1975, qui dispose que la partie intéress ée peut procéder à la construction ou à
l'autorisation de construction si la CARU décide explicitement que les ouvrages ne
pourront causer un préjudice sensible à l'autre pa rtie (article 7, alinéas 1 et 2) ou si celle-
ci en arrive à la même conclusion ou ne se prononce pas après avoir reçu l'information
pertinente (article 9). Si un différend s'élève entre les parties à cet égard et qu'il ne peut
être réglé, il appartie nt à la Cour de le régler (article12). Comme il a été expliqué au
chapitre III du Mémoire, ta nt qu'une décision favorabl e à la construction ou à
l'autorisation de construire n'est pas intervenue, la partie in téressée ne peut pas procéder
de la sorte de manière unilatérale.
4.81 A en croire l'Uruguay, tout ce que le Statut imposerait aux parties serait
une pure obligation d'information, les part ies restant exclusivement maîtres de leur
décision. Or, le chapitre II est clair : d'abord, la CARU, en tant qu'organe binational, doit
être saisie de la question; puis, la partie concernée doit fournir d’ abord à la CARU –et, le
cas écheant, à l'autre partie in téressée, par l’ intermédiaire de la CARU, l'information
conformément aux dispositions du Statut. Enfin, la partie notifiée et dûment informée a le
droit d'évaluer le projet et de se pronon cer par l’intermédiaire de la CARU sur sa
182conformité au Statut. Comme il a ét é expliqué au chapitre III du Mémoire 476, le point de
vue de l'autre partie ne constitue pas un simple avis : ou bien il y a accord entre les parties
– au sein de la CARU ou directement – et le projet peut être autorisé et l'ouvrage
construit, ou bien il y a un différend, et celui-ci doit être réglé par des négociations
directes ou par règlement judiciaire par la Cour internationale de Justice.
4.82 Cette violation de l'article 9 va de pair avec, et est la conséquence de, celle
de l'article 7, alinéa 1, mais en est néanmoins distincte: l' Uruguay n'aurait pas seulement
dû informer d’abord la CARU –et, le cas ech éant, l'Argentine par l’intermédiaire de la
Commission- des projets, mais aurait également dû s'abstenir d'autoriser les travaux aussi
longtemps que la procédure n'a pas été achevé e et que toutes les instances compétentes
477
n'ont pu se prononcer sur le projet. Il s'agit là d'une obligation de résultat.
4.83 Compte-tenu du comportement uruguaye n et de l'information disponible,
l'Argentine a constamment exprimé son désacco rd à la construction des usines CMB et
Orion et du terminal portuaire d'Orion, à la mise en service de ce dernier et à l'extraction
et utilisation de l'eau du fleuve par Botnia 478. Malgré ces protestations, malgré le fait que
les parties avaient entamé des négociations directes en vue du règlement du différend,
malgré la saisine de la Cour par l'Argentine conformément au Statut de 1975, l'Uruguay a
délivré les autorisations de construction des ouvrages et d'utilisation des eaux et du lit du
fleuve sans attendre ni une décision de la CA RU, ni un règlement direct, ni le règlement
judiciaire, comme il est prévu au Statut de 1975. L'Uruguay a ainsi commis autant de
faits internationalement illicites.
476
Pars. V, supra, chapitre III, section II.B. 3§.
477V. CR 2006/46 (Pellet), p. 60, par. 12 (tiret)
478V. supra, pars. 4.55-4.59, 4.60-4.61, 4.62-4.65
183 Section IV
Le comportement uruguayen constitue une violation substantielle
du Statut de 1975
4.84 Le comportement récurrent de l'Uruguay témoigne d'un rejet systématique
du Statut du fleuve Uruguay. En effet, depuis octobre 2003 et jusqu'à présent, chaque fois
que cet État s'est trouvé en situation de devoi r appliquer la procédure prévue au chapitre
II du Statut de 1975, il a systématiquement ch oisi de ne pas le faire. Ce comportement
constitue une violation substan tielle du Statut de 1975, au sens de l'article 60 de la
Convention de Vienne sur le droit des traités, lequel exprime l'état du droit coutumier en
479
la matière .
4.85 En effet, conformément au paragraphe 5 de l'article 60 précité,
"Aux fins du présent article, une viol ation substantielle d'un traité est
constituée par :
a) Un rejet du traité non autorisé par la présente Convention; ou
b) La violation d'une disposition essentielle pour la réalisation de l'objet ou
du but du traité".
4.86 Dans la présente instance, il y a une violation substantielle sous l'une et
l'autre de ces formes. D'une part, le com portement constant de l'Uruguay et les
explications du Ministre des a ffaires étrangères, M. Opertti, et de la Présidente de la
Délégation uruguayenne à la CARU, Mme Petrocelli, au Sénat uruguayen, témoignent de
manière claire et nette d'un rejet du traité en question 48. Il s'agit d'une attitude qui a pour
479Conséquences juridiques pour les Etats de la prés ence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-
Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil
1971, p. 47, par. 94 ; Projet Gabcîkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), p. 38, par. 46 et p. 62, par. 99.
480
Supra, pars. 2.26-227.
184but de se libérer des obligations découlant du Statut de 1975, pour des raisons non
reconnues ni dans le Statut lui-même, ni dans le droit des traités 481.
4.87 D'autre part, la procédure prévue au chapitre II constitue sans aucun doute
une disposition essentielle pour la réalisation de l'objet et du but du Statut de 1975. Sans
une procédure d'information et de consultation ce traité serait privé de l'essentiel de sa
482
substance . Comme la Cour l'a sou ligné, "le mécanisme procédural mis en place aux
termes du Statut de 1975 occupe une place très importante dans le régime de ce traité" 48.
Par son comportement, l'Uruguay a systématiq uement et de manière grave commis une
violation substantielle de dispos itions essentielles pour la réalisation de l'objet et du but
du Statut de 1975.
4.88 L'Argentine tient à remarquer que bien que les violations commises par
l'Uruguay aux dispositions du Statut de 1975 se révèlent co mme "substantielles" au sens
de l'article 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, le Statut n'a aucunement
pris fin et son application n'a pas été suspendue. Ces violations, qui relèvent du droit de la
responsabilité et non pas du droit des traités 484, engagent la responsab ilité internationale
de l'Uruguay avec toutes les conséquences que cela entraîne.
4.89 En conclusion, il apparaît que:
a) En autorisant la construction de CMB le 9 octobre 2003, l'Uruguay a violé son
obligation de se conformer à la procédure prévue par le chapitre II du Statut de
1975, en particulier :
i) l'obligation de saisir la CARU;
ii) l'obligation de fournir l'information requise à la CARU;
481Cf. Bruno Simma et Christian Ta ms, "Article 60", in : Olivier Co rten et Pierre Klein (dir.)Les
Conventions de Vienne sur le droit des traités. Commentaire article par article (Bruxelles: Bruylant, 2006),
pp. 2140-2141, par. 16.
482
483V. supra, chapitre III, section II.B.
Ordonnance du 13 juillet 2006, par. 81.
484CIJ, arrêt du 25 septembre 1997, Projet Gabcíkovo-Nagymaros (Hongrie/ Slovaquie), Rec. 1997, par.
47.
185 iii) l'obligation de notifier le projet à l'Argentine par l'intermédiaire de la
CARU;
iv) l'obligation de parvenir à un accor d avec l'autre partie ou d'attendre le
règlement du différend selon la procédure pr évue au chapitre II du Statut de 1975,
avant d'autoriser la construction de l'usine CMB.
b) En autorisant la construction d'Orion le 14 février 2005, l'Uruguay a violé son
obligation de se conformer à la procédure prévue par le chapitre II du Statut de
1975, en particulier:
i) l'obligation de saisir la CARU;
ii) l'obligation de fournir l'information requise à la CARU;
iii) l'obligation de notifier le projet à l'Argentine par l'intermédiaire de la
CARU;
iv) l'obligation de parvenir à un accor d avec l'autre partie ou d'attendre le
règlement du différend selon la procédure pr évue au chapitre II du Statut de 1975,
avant d'autoriser la construction de l'usine Orion.
c) En autorisant la construction du port d'Or ion le 5 juillet 2005, ainsi que sa mise
en service le 24 août 2006, l'Uruguay a violé son obligation de se conformer à la
procédure prévue par le chapitre II du Statut de 1975, en particulier:
i) l'obligation de saisir la CARU;
ii) l'obligation de fournir l'information requise à la CARU;
iii) l'obligation de notifier le projet à l'Argentine par l'intermédiaire de la
CARU;
iv) l'obligation parvenir à un accord avec l'autre partie ou d'attendre le
règlement du différend selon la procédure pr évue au chapitre II du Statut de 1975,
avant d'autoriser la construction ainsi que la mise en service du port d'Orion.
3
d) En autorisant Botnia à prélever et utiliser annuellement 60.000.000 m d'eau du
fleuve Uruguay ou un débit de 1,900 litres par seconde pour son usine Orion le 14
186 septembre 2006, l'Uruguay a violé son oblig ation de se conformer à la procédure
prévue par le chapitre II du Statut de 1975, en particulier:
i) l'obligation de saisir la CARU;
ii) l'obligation de fournir l'information requise à la CARU;
iii) l'obligation de notifier le projet à l'Argentine par l'intermédiaire de la
CARU;
iv) l'obligation de parvenir à un accor d avec l'autre partie ou d'attendre le
règlement du différend selon la procédure pr évue au chapitre II du Statut de 1975,
avant de procéder à cette autorisation.
e) L'ensemble de ces autorisations et le refu s obstiné de l'Uruguay de se soumettre à
la procédure prévue par le chapitre II du Statut de 1975, co nstitue une violation
substantielle de ce dernier, qui engage la responsabilité de l'Uruguay.
187 CHAPITRE V
LES VIOLATIONS PAR L’URUGUAY DES
OBLIGATIONS DE SUBSTANCE
1895.1 Le Chapitre précédent a décrit les violations par l’Uruguay des
obligations qui lui incombent en vertu du Chapitre II du Statut de 1975. Ce chapitre décrit
les violations par l’Uruguay des autres oblig ations auxquelles l’Uruguay est assujetti en
application du Statut de 1975. Ces deux catégories sont intimement liées.
5.2 Le Statut de 1975 ne prévoit ni n'im plique aucune hiérarchie entre les
normes qu'il énonce et les obligations qu'il impose. Celles-ci sont souvent liées entre elles
quand bien même leurs violations constitu ent des faits internationalement illicites
distincts. Il en va ainsi des deux catégori es d'obligations imposées aux Parties par le
Statut: les obligations substantielles de préven ir la pollution et le s autres dommages au
fleuve Uruguay (que l'on peut considérer co mme des obligations de résultat) d'une part;
les obligations procédurales de coopération, information et consultation préalables (qui
s'apparentent à des obligations de comportement) d'autre part, les secondes constituant le
moyen pour atteindre les résultats visés par les premières. Il s'agit là d'obligations
er
intégrées qui concourent ensemble à réaliser l'objectif du Statut énoncé à l'article 1 :
«établir les mécanismes communs» – et ceci se réfère aux obligations procédurales –
«nécessaires à l'utilisation rationnelle et op timale du fleuve Uruguay dans le strict
respect des droits et obligations découl ant des traités et autres engagements
internationaux en vigueur à l'égard de l'une ou de l'autre des Parties" – ce qui renvoie aux
obligations « substantielles ».
5.3 Il sera démontré de ce chapitre que l’Uruguay a violé de manière
systématique les obligations qui lui incomb aient en vertu du Statut de 1975 afin
485
d’autoriser la construction et l’eventuelle mise en marche . La violation par l’Uruguay
de l’obligation d’empêcher la pollution et de protéger la qualité des eaux du fleuve
Uruguay et son écosystème sera tout d’abor d appréhendée en montrant que l’Uruguay a
systématiquement négligé de prendre les mesures nécessaires pour protéger la qualité des
eaux du fleuve Uruguay et de son écosystème, qu’il n’a pas cru bon de s’assurer qu’une
étude d’impact environnemental complète soit préparée et qu’il a négligé de prendre les
485En ce qui concerne le projet CMB, voir supra , pars. 0.17 et 4.2.
191mesures propres à empêcher la pollution, d’abord en ne se conformant pas à ses
obligations d’information et de consultation préalables prévues par le chapitre II du Statut
de 1975, ensuite en autorisant la construction de l’usine Orion sur un site pas convenable
et en négligeant d’exiger l’utilisation par celle-ci des meilleures technologies disponibles
et des meilleures pratiques internationales. Il sera ensuite montré que l’Uruguay n’a pas
respecté son obligation de prendre les mesure s nécessaires pour éviter tout préjudice
sensible au régime du fleuve Uruguay ou à la qualité de ses eaux et que l’Uruguay a violé
son obligation d’empêcher la mo dification de l’équilibre écol ogique du fleuve et de ses
zones d’influence, ainsi que l’obligation de ne pas cau ser de préjudice sensible
transfrontalier.
Section I
Remarques liminaires
5.4 A titre liminaire, l’Argentine souhaite préciser que le principe du
développement durable trouve application dans le cadre du Statut de 1975 et qu’il ne
permet en aucun cas à l’Uruguay de ne pas re specter les dispositions du Statut de 1975.
L’Argentine précise également que le prin cipe de souveraineté permanente sur les
ressources naturelles, s’agissant d’une ressource partagée comme le fleuve Uruguay, doit
trouver application dans le respect des obligations prévues par le Statut de 1975, et que le
Statut doit être interprété et mis en Œuvre dans le respect des normes et principes de droit
international applicables en l’espèce, notamment le principe de précaution.
A. L E PRINCIPE DU «DÉVELOPPEMENT DURABLE » TROUVE APPLICATION DANS LE
STATUT DE 1975 ET NE PERMET PAS À L ’URUGUAY DE NE PAS RESPECTER SES
OBLIGATIONS
5.5 Le concept de «développement dura ble» exige de l’Uruguay et de
l’Argentine qu’ils traitent les objectif s de protection environnementale et de
développement économique de manière intégr ée. Cette approche est reflétée dans de
nombreux instruments internationaux et nota mment dans plusieurs dispositions de la
192Déclaration de Rio de 1992 sur l’environnemen t et le développement. Celle-ci précise en
son principe 3 que
« le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire
équitablement les besoins relatifs au développement et à l'environnement
des générations présentes et futures » (italiques ajoutées).
Le principe 4 de cette déclaration ajoute que :
pour parvenir à un développement durable, la protection de
l'environnement doit faire partie intégrante du processus de
développement et ne peut être considérée isolément » (italiques ajoutées).
5.6 En application du principe du dévelo ppement durable, les Etats réalisent
leur droit au développement en respectant leurs obligations en matière de promotion et de
protection de l’environnement. Ainsi en est-il des obligations découlant du Statut de 1975
et de celles auxquelles celui- ci fait renvoi. La Cour intern ationale de justice, dans son
arrêt en l’affaire relative au projet Gabc íkovo-Nagymarosa rappelé cette exigence de
conciliation :
« [a]u cours des âges, l'homme n'a cess é d'intervenir dans la nature pour
des raisons économiques et autres. Dans le passé, il l'a souvent fait sans
tenir compte des effets sur l'en vironnement. Grâce aux nouvelles
perspectives qu'offre la science et à une conscience croissante des risques
que la poursuite de ces interventions à un rythme inconsidéré et soutenu
représenterait pour l'humanité — qu'il s'agisse des générations actuelles ou
futures —, de nouvelles normes et exigences ont été mises au point, qui
ont été énoncées dans un grand nombr e d'instruments au cours des deux
dernières décennies. Ces normes no uvelles doivent être prises en
considération et ces exigences nouvell es convenablement appréciées, non
seulement lorsque des Etats envisagent de nouvelles activités, mais aussi
lorsqu'ils poursuivent des activités qu' ils ont engagées dans le passé. Le
concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier
développement économique et protection de l'environnement ». 486
5.7 Le concept de «développement durabl e» ne peut pas être invoqué pour
justifier le fait de donner aux objectifs de développement économique une quelconque
préséance sur des nécessités environnementa les essentielles. L’Uruguay a reconnu que
son « droit souverain d’exécuter un projet de développement économique durable sur son
486
Affaire relative au Proj et Gabcíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt du 25 septembre 1997,
C.I.J. Recueil, 1997, par. 140 (italiques ajoutées).
193propre territoire » ne doit violer « ni les obligations que lui im pose le statut du fleuve ni
les normes antipollution de la CARU, ét ablies conjointement par l’Uruguay et
l’Argentine ». 487Le Statut de 1975 est intiment lié au principe du développement durable
et l’Uruguay ne saurait utilement se prévaloi r de ce principe pour ne pas respecter les
obligations qui découlent du Statut.
5.8 En pratique, cela signifie que les de ux objectifs de protection de
l’environnement et de développement économique doivent être mis en Œuvre de manière
équilibrée, aucun des deux ne prenant le pas su r l’autre. Ce principe a été réitéré par le
tribunal arbitral en l’affaire du « Rhin de fer » :
« [s]ince the Stockholm Conference on the Environment in 1972 there has
been a marked development of intern ational law relating to the protection
of the environment. Today, both in ternational and EC law require the
integration of appropriate environm ental measures in the design and
implementation of economic development activities. Principle 4 of the Rio
Declaration on Environment and Development, adopted in 1992 (31 I.L.M.
p. 874, at p. 877), which reflects this trend, provides that “environmental
protection shall constitute an integral part of the development process and
cannot be considered in isolation fr om it.” Importantly, these emerging
principles now integrate environmen tal protection into the development
process. Environmental law and the law on development stand not as
alternatives but as mutual ly reinforcing, integral concepts, which require
that where development may cause si gnificant harm to the environment
there is a duty to prevent, or at leas t mitigate, such harm (see paragraph
222). This duty, in the opinion of the Tribunal, has now become a
principle of general international law. This principle a pplies not only in
autonomous activities but also in activ ities unde488ken in implementation
of specific treaties between the Parties. […] ».
Le tribunal arbitral a reconnu que «the me re invocation of such matters does not, of
course, provide the answers in this arbitration to what may or may not be done, where, by
489
whom and at whose costs » . Le tribunal procéda donc à une analyse détaillée de la
487
488CR 2006/47, déclaration de M. Reichler, par. 51.
Affaire du Rhin de fer(Belgique c. Pays-Bas), sentence arbitr ale du 24 mai 200disponible sur:
www.pca-cpa.org, par. 59.
489Ibid, par. 60.
194manière par laquelle ces principes devaient être appliquées à l’affaire devant lui
présentée, ce aux paragraphes 222 et 223 de sa sentence :
« 222. The use of the Iron Rhine railway started some 120 years ago and it
is now envisaged and requested by Be lgium at a substantially increased
and intensified level. Su ch new use is susceptibl e of having an adverse
impact on the environment and causing harm to it. Today, in international
environmental law, a growing emphas is is being put on the duty of
prevention. Much of international en vironmental law has been formulated
by reference to the impact that activities in one territory may have on the
territory of another. The Internationa l Court of Justice expressed the view
that “[t]he existence of the general ob ligation of States to ensure that
activities within their jurisdiction an d control respect the environment of
other States or of areas beyond nation al control is now part of the corpus
of international law relating to the environment” (Legality of the Threat or
Use of Nuclear Weapons, Advisory Op inion, I.C.J. Reports 1996 (I), p.
226 at pp. 241–242, para. 29).
223. Applying the principles of in ternational environmental law, the
Tribunal observes that it is faced, in the instant case, not with a situation of
a transboundary effect of the economic activity in the territory of one state
on the territory of anothe r state, but with the effe ct of the exercise of a
treaty-guaranteed right of one state in the territory of another state and a
possible impact of such exercise on the territory of the latter state. The
Tribunal is of the view that, by anal ogy, where a state exercises a right
under international law within the territory of another state, considerations
of environmental protection also apply. The exercise of Belgium’s right of
transit, as it has formulated its request, thus may well necessitate measures
by the Netherlands to protect the environment to which Belgium will have
to contribute as an integral element of its request. The reactivation of the
Iron Rhine railway cannot be viewed in isolation from the environmental
protection measures necessitated by th e intended use of the railway line.
These measures are to be fully integrated into the project and its costs ».
5.9 L’approche du tribunal quant à la mi se en Œuvre des principes de droit
international de l’environnem ent – notamment le principe de développement durable –
est pertinente dans le cadre de la présente a ffaire: elle est en effet relative au problème
«de l’effet transfrontière d’une activité éco nomique sur le territoire d’un Etat sur le
territoire d’un autre Etat». Dans une te lle situation, les mesures de protection de
l’environnement doivent, dans les termes du tribunal, « être pleinement intégrées dans le
projet et dans ses coûts». En l’espèce, la solution signifie que les considérations
195environnementales devaient constituer un élément à part entière du processus décisionnel
de l’Uruguay relativement au lancement du projet Orion, et que ces considérations ne
devaient pas intervenir après coup. Conformément au principe de développement durable,
490
aucune décision relative au projet Orion (ou au projet CMB) ne pouvait, ni n’aurait dû
être prise par l’Uruguay avant que toutes le s conséquences environnementales n’en aient
été étudiées et prises en considération. L’Argentine a exposé aux chapitres II et IV 491
qu’il n’en a rien été : l’Uruguay a autorisé le projet pas seulement en violation du Statut
de 1975, mais aussi avant que toutes les conséquences environn ementales du projet
n’aient été établies. Cette approche est incomp atible avec les exigences liées à la notion
de développement durable, qui constitue un él ément indispensable du cadre posé par le
Statut de 1975 qui réglemente une ressource naturelle partagée.
B. L E PRINCIPE DE SOUVERAINETÉ PERMANENTE SUR LES RESSOURCES NATURELLES
DOIT TROUVER APPLICATION DANS LE RESPECT DES OBLIGATIONS
PREVUES PAR LE S TATUT DE 1975
5.10 Le même approche doit être appliq uée au principe de souveraineté
permanente sur les ressources naturelles. Ce principe doit être interprété dans le cadre du
droit international général, et notamment en vue des limites à l’exercice de la
souveraineté qui découlent des principes internationaux de protection de l’environnement
et du développement durable. La restrict ion générale imposée par les exigences
environnementales est reflétée pa r le principe 21 de la Décl aration de Stockholm et le
principe 2 de la déclaration de Rio de 1992. Il ressort clairement de ces deux déclarations
que, particulièrement en raison de la nature du fleuve Uruguay comme ressource
naturelle partagée, le droit de l’Uruguay d’expl oiter cette ressource ne peut se réaliser au
détriment de l’obligation de ne pas causer de dommages environnementaux à l’Argentine.
La Cour internationale de justice dans son avis consultatif relatif à la licéité de la menace
490En ce qui concerne le projet CMB, voir pars. 0.17 et 4.2.
491
V. En particulier le chapitre IV, pars. 4.3-4.10.
196ou de l’emploi des armes nucléaires a relevé le caractère coutumier de cette obligation
492
(également évoquée par le tribunal arbitral de l’affaire du Rhin de fer).
5.11 Le Statut de 1975 porte les obliga tions de l’Uruguay au-delà du droit
coutumier. Le principe de la souveraineté permanente sur ses ressources naturelles doit
être interprété à la lumière des obligatio ns conventionnelles auxquelles l’Uruguay a
souscrit dans le Statut de 1975. Le principe de souveraineté permanente sur les ressources
naturelles ne peut être invoqué pour modifier les droits et obligations qui sont clairement
prévues par le Statut de 1975, qu’il s’agisse de la nature et de l’ampleur des obligations
de coopération ou de l’obligation d’empêcher la pollution en application du Statut. Le
Statut de 1975 « organise » l’exercice de la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles –en particulier, les ressources pa rtagées telles que le fleuve Uruguay- en
conformité avec le principe général de la so uveraineté. Il est à peine besoin de rappeler
les propos de la Cour permanente de justice internationale :
« [l]a Cour se refuse à voire dans la conclusion d’un traité quelconque, par
lequel un Etat s’engage à faire ou à ne pas faire quelque chose, un
abandon de sa souveraineté. Sans do ute, toute convention engendrant une
obligation de ce genre, apporte une restriction à l’exercice des droits
souverains de l’Etat, en ce sens qu’elle imprime à cet exercice une
direction déterminée. Ma is la faculté de contracter des engagements
493
internationaux est précisément un attribut de la souveraineté de l’Etat » .
5.12 L’Uruguay ne saurait utilement invo quer, à l’appui de son argumentation
relative au principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles, le
paragraphe 3 de la résolution 2995 du 15 décembre 1972 de l’Assemblée générale de
l’ONU relative à la coopération entre les Etats dans le domaine de l’environnement. Dans
le cadre de la procédure initiale relative aux mesures conservatoires, l’Uruguay a invoqué
le paragraphe 3 de cette résolu tion afin d’appuyer le raisonne ment selon lequel le Statut
de 1975 devait être lu à la lumière du pr incipe de souveraineté permanente sur les
492V. supra, par. 5.8. V. également le chapitre III, pars. 3.189-3.192.
493V. l’affaire du Vapeur Wimbledon, C.P.J.I., (1923) série A, n°1, p. 25.
197ressources naturelles, et ainsi limiter les droits que l’Argentine tient du Statut de 1975. La
référence de l’Uruguay à la résolution 2995 de l’Assemblée générale est pourtant dénuée
de fondement. Celle-ci prévoit que l’Assemblée générale
2. Reconnaît que la coopération en tre les Etats dans le domaine de
l’environnement[...] sera réalis ée de façon adéquate s’il est donné
connaissance officielle et publique des données techniques relatives aux
travaux que doivent entreprendre le s Etats dans les limites de leur
juridiction nationale, afin d’éviter qu’un préjudice sensible puisse être
causé à l’environnement de la zone voisine ;
3. Reconnaît en outre que les do nnées techniques mentionnées au
paragraphe 2 seront commun iquées et reçues dans le meilleur esprit de
coopération et de bon voisinage, sans que cela puisse être interprété
comme habilitant un Etat quelconq ue à retarder ou à entraver des
programmes et projets d’exploration, d’ exploitation et de mise en valeur
des ressources naturelles des Etats sur le territoire desquels sont entrepris
de tels projets ».
Le paragraphe 3 concerne seulement la fourniture de données techniques
volontairement partagées dans l’esprit du paragraphe 2. Il ne traite pas d’hypothèses
dans lesquelles – comme en l’espèce – un Etat a souscrit une obligation conventionnelle
de coopérer avec un Etat voisin d’une manière spécifique, qui comprend notamment un
mécanisme d’échange d’information et consultation préalables. Le paragraphe 3 ne peut
pas être invoqué séparément pour interpréter le s dispositions du Statut de 1975. Le fait
qu’il ait été adopté trois ans avant l’adop tion du Statut de 1 975 démontre largement
qu’il ne peut être d’aucune pertinence dans l’interprétation du Statut, dont les
dispositions sont plus récentes et qui doivent être, en tout ét at de cause, interprétées et
appliquées conformément aux développements subséquents du droit international, et
suivant la régle de especificité selon laquelle une norme espéciale doit prévaloir sur une
norme générale.
198 C. LE STATUT DE 1975 DOIT ÊTRE INTERPRETÉ ET MIS EN OEUVRE DANS LE
RESPECT DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION
5.13 Les Parties reconnaissent que l’interprétation et la mise en Œuvre du Statut
de 1975 doivent être conduites à la lumière du principe de précaution, pris en tant que
494
norme de droit international. Il a également été démontré au capitre III que le principe
de précaution est applicable au moyen des ar ticles 1 et 41(a) du Statut de 1975, qui
permettent l’incorporation et l’applicati on d’obligations découlant de conventions
internationales applicables en l’espèce. 495 A cet égard, deux inst ruments internationaux
sont particulièrement significatifs : la Convention sur la diversité biologique de 1992 et la
Convention POP de 2001 obligent toutes deux l’Uruguay à appliquer le principe de
496
précaution. Celui-ci s’ajoute aux impératifs généra ux de « vigilance et de prévention »
497
évoqués par la Cour internationale de justice dans l’affaire Gabcíkovo Nagymaros.
5.14 Le principe de précaution est applicable à la protection de l’environnement
dès lors qu’il existe un « risque de dommages graves ou irréversibles ». 498 Il dispose que
« l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à
plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de
l'environnement». Dans la présente affair e, le principe de pr écaution, conjugué à
l’obligation de prévenir tout dommage à l’ environnement, signifie que les Parties au
Statut de 1975 sont dans l’obligation de s’informer mutuellement de toutes les
conséquences environnementales probables de leurs actions pouvant causer des
dommages graves ou irréversibles avant que ces actions ne soient autorisées ou entamées.
Le fait d’autoriser la construction ou le fonctionnement d’une usine de pâte à papier avant
que la procédure prévue par un traité international (le Statut de 1975), notamment
incluant la évaluation environnementale pr éalable, n’ait été achevée est incompatible
avec une approche fondée sur le principe de précaution (et avec l’obligation existante
d’empêcher la pollution). Une approche de précaution exig e donc des Parties au Statut
494V. CR 2006/47, par. 17; et CR 2006/49, par. 14-17.
495V. chapitre III, pars. 3.193-3.196.
496 er
V. le préambule de la convention de 1992 sur la diversité biologique ; et le préambule et l’deticle 1
la Convention POP de 2001..
497Affaire relative au projet Gabcíkovo-Nagymoros, op.cit., par.140.
498Déclaration de Rio de 1992, principe 15.
199de 1975 qu’elles respectent leurs obligati ons d’information et de consultation avant
d’autoriser la construction ou la mise en marche.
5.15 Le principe de précaution peut ég alement avoir des incidences sur la
charge de la preuve. Selon les termes d’un auteur des plus autorisés, « there are examples
where application of the precautionary principle has reversed the burden of proof of risk.
Exceptionally in this form it becomes impermissible to carry out an activity unless it can
be shown that it will not cause unacceptable harm to the environment ». 499L’Argentine
considère ainsi que le Statut de 1975, tout comme la Convention POP de 2001 (dont le
préambule déclare que «un souci de précauti on[...] se manifeste dans laprésente
Convention »), adoptent une approche en termes de précaution qui transfère la charge de
la preuve à l’Uruguay, afin que celui-ci démo ntre que l’usine de pâte à papier Orion ne
cause pas de dommages significatifs à l’enviro nnement. Or l’Uruguay a négligé d’établir
les conséquences environnementales de ses act ions avant d’autoriser l’usine Orion. Il a
été démontré au chapitre VII que l’Uruguay n’a toujours pas évalué l’impact de la
construction et du fonctionnement de l’us ine Orion sur la qualité des eaux du fleuve
Uruguay. En particulier, l’Uruguay a néglig é de procéder ou de faire procéder à des
études appropriées afin de bien comprendre le régime du fleuve Uruguay, quel sera l’effet
du phénomène du inversion de courant et quelles seront les conséquences du changement
climatique. Il a autorisé la construction de l’usine Orion sans avoir préalablement établi si
le fleuve Uruguay était en mesure d’absorb er l’ensemble des nouveaux polluants devant
être émis au cours des quarante années de durée de vie estimée de l’usine. Le même
s’applique à l’impact sur l’air. Et l’Ur uguay a complètement négligé d’étudier les
conséquences d’un éventuel rejet accidentel de polluants sur la qualité des eaux et de
500
l’air .
5.16 Au cours de l’audience publique rela tive aux demandes d’indication de
mesures conservatoires, le Professeur Boyle, au nom de l’Uruguay, a critiqué l’utilisation
499P. Birnie and A. Boyle, International Law and the Environment,éd., 2002, p.118.
500
V. chapitre VII, section V.
200 501
par l’Argentine du principe de précaution dans le différend. Les arguments avancés à
cette occasion révèlent une mé compréhension totale de l’a pplication du principe de
précaution dans une affaire telle que celle-ci.
5.17 L’Uruguay a d’abord avancé que le prin cipe de précaution ne trouvait pas
à s’appliquer en l’absence prétendue d’incer titude scientifique quant aux effets sur
l’environnement de la technologie Kraft, ai nsi qu’en la présence d’études d’impact
environnemental ayant traité de manière ex haustive et circonstancielle de l’impact
probable de chacun des projets. L’Argentin e conteste cette affirmation et renvoie
généralement au chapitre VII, dans le cadre duquel la question de l’impact
environnemental de l’usine Orion (et des insuffi sances de l’étude d’impact) a été traitée.
Le chapitre VII fait référence à un certai n nombre de zones d’ince rtitude, concernant
notamment les implications de l’inversion du courant dans le fleuve sur la concentration
des polluants, le sens des vent s, les changements climatiques et le probable impact de la
présence des polluants sur les poissons du fleu ve. Au surplus, l’impact d’un projet est
largement déterminé par les propriétés de l’environnement qui en supporte les
conséquences et il ne saurait donc être sérieusement soutenu que l’utilisation d’une
technologie en d’autres lieux (en l’occurren ce la technologie Kraft) peut signifier que
toute incertitude est à jamais levée quant à ses effets sur l’ environnement du fleuve. Ce
principe de base est présen t dans de nombreux instrument s internationaux relatifs aux
études d’impact environnemental, par exemple ceux de la Banque mondiale ou l’Union
européenne. 502 L’Argentine refuse de considérer que l’étude d’impact environnemental
présentée par Botnia est suffisamment spécifique et exhaustive. Et la position, confirmée
par le rapport Hatfield, n’a pas été clarifié par le rapport CIS.
501
CR 2006/49, déclaration du Pr. Boyle, par. 14 et suivants.
502L’importance capital e d’une prise en considéra tion de l’environnement d’ac cueil du projet ressort
clairement de la Politique opérationnelle de la Banque mondiale n°4.01 (annexe B). Le texte précise que les
études d’impact environnementa l spécifiques à chaque projet doivent traiter des conditions
environnementales initiales existant es. La directive de l ’Union européenne n° 85 /337, modifiée par la
directive n°97/11, exige des Etats membres qu’ils «pr ennent les dispositions nécessaires pour que, avant
l'octroi de l'autorisation, les ets susceptibles d'avoir des incideces notables sur l'environnement,
notamment en raison de le ur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une
procédure de demande d'autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences » (article 2(1)
(italiques ajoutés).
2015.18 Il n’appartient par ailleurs pas à l’Argentine (contrairement à ce que
l’Uruguay semble suggérer) de préciser commen t les risques posés par l’usine de pâte à
papier doivent être gérés, ni de déterminer quel serait le niveau de risque socialement
acceptable. Le Statut de 1975, comme les au tres instruments intern ationaux pertinents,
fournissent un cadre juridiqu e précis pour déterminer le s démarches que l’Uruguay est
autorisé (ou n’est pas autorisé) à mettre en Œuvre en présence d’une incertitude
scientifique quant aux incidences probables du projet sur l’ environnement du fleuve et
sur l’environnement générale, particulièrement sur les zones d’influence du fleuve en
territoire argentin. Ce cadre juridique, et not amment les articles 7, 13, 27, 29 et 40 du
Statut ont été évoqués précéd emment. L’ensemble de ces di spositions confirme que les
objectifs du Statut en termes substantiels autant que pro céduraux doivent être mis en
Œuvre dans le cadre d’une approche tendant à empêcher tout détérioration de la qualité du
fleuve Uruguay ainsi qu’à son régime. Il appartient donc d’abord à l’Uruguay de
démontrer que ses actions ne portent pas préjudice au régime du fleuve et aux ses eaux ni
en déhors de sa jurisdiction, et le Statut ét ablit clairement que l’Uruguay n’a pas le droit
d’imposer ses vues à l’Argentine ni de décider par lui seul quand un mécanisme
conventionel est établi à cet égard.
5.19 Enfin, l’Uruguay évoque le fait qu e la Convention POP de 2001 (dans
laquelle le principe de précaution trouve explicitement application) 503 n’interdit pas
complètement les polluants organiques persista nts, mais se contente de règlementer leur
utilisation. En réalité, la C onvention prohibe la fabrication, l’utilisation et le commerce
de certaines substances listées à son Annexe A (sous réserve de possibles exemptions) et
restreint de manière significative la fabricat ion et l’utilisation de s autres substances,
listées à l’Annexe B. L’objectif global de la Convention, décrit à son article 1 e, est de
protéger la santé humaine et l’environnement des polluants organiques persistants. Le fait
qu’une substance donnée n’ait pas été complè tement interdite ne signifie donc pas,
contrairement à ce que prétend l’Uruguay, qu e sa fabrication ou son émission dans une
situation donnée réponde automatiquement aux exigences du principe de précaution. En
outre, l’un des objectifs de la Convention POP est la réduction et l’élimination des
503V. préambule de la Convention, point 8.
202dioxines et furanes utilisés dans la fabrication de pâte à papier et l’Uruguay admet ne pas
504
prévoir des moyens de réduction voire d’élimination de ces deux substances.
Section II
L´Uruguay a violé ses obligations d´empêcher la pollution et de protéger la qualité
des eaux du fleuve Uruguay et son écosystème
5.20 Le chapitre X du Statut de 1975 es t intitulé «Pollution». Il comprend
quatre articles, dont deux sont pertinents dans le cadre de notre propos. L’article 40
définit la pollution et l’articl e 41(a) établit des obligations de protéger et de préserver le
milieu aquatique et d’en empêcher la pollution.
5.21 Ainsi que précisé dans le chapitre III, la notion de pollution retenue par le
Statut de 1975 est très large. Les deux Pa rties reconnaissent que le terme exclut la
pollution de minimis, mais sont en désaccord sur le po int de savoir si la production de
pâte à papier envisagée constitue une pollution au sens du Statut.
5.22 La position de l’Argentine est claire. La définition de la pollution retenue
par l’article 40 s’inscrit dans la ligne générale de nombreuses conventions internationales
et de la pratique internationale. Elle fixe un seuil très bas et l’ Argentine considère que
tous les rejets d’un volume autre que de minimis sont couverts.
5.23 L’objectif du Statut de 19 75 est bien celui de prévenir toute activité qui
serait «suffisamment importante pour affecter la qualité des eaux» du fleuve Uruguay.
Dans son étude de l’impact des rejets de l’us ine de pâte Orion, l’Uruguay se trouve donc
dans l’obligation de prouver, entre autres, que ces rejets, intentionnels ou accidentels, (1)
ne constituent pas une polluti on et (2) ne seront pas « suffisamment importants pour
affecter la qualité des eaux » du fleuve Uruguay. L’Uruguay en a été, à ce jour, incapable.
En particulier son incapacité à prendre en compte les effets des faibles débits du fleuve,
l’incidence de niveaux accrus de nutriments (notamment de phosphore)sur les niveaux
d’eutrophisation ainsi que les risques posés à la santé humaine par la bioaccumulation et
504V. chapitre III, par. 3.220-3.222.
203la bioamplification des contaminants dans les stocks de poissons, constitue un
manquement caractérisé de l’Uruguay à son obligation d’empêcher la pollution.
5.24 Les rejets envisagés de l’usine Orion constituent donc une « pollution » au
sens des articles 40 et 41 et sont, à ce titre, «suffisammen t importants pour affecter la
qualité des eaux». Ce dernier élément re ssort clairement des rapports d’experts
505
mentionnés au chapitre VII, notamment le rapport Wheater et le rapport Latinoconsult
5.25 De plus, l’obligation d’empêcher la pollution du fleuve Uruguay ne
correspond pas seulement à la pr otection du milieu aquatique per se , mais s’étend
également à toute autre utilisation raisonna ble et légitime des eaux du fleuve. La
pollution du fleuve portera préjudice au tourisme, ainsi qu’à d’autres activités, récréatives
et autres. Le Statut de 1975 a un champ d’ application large et recouvre l’ensemble des
phénomènes préjudiciables qui découleront indirectement de la pollution du fleuve
Uruguay. L’Uruguay a manifestement adopté une vision excessivement formaliste et
étroite de ce que le Statut cher che à protéger. Il prétend que le Statut ne traite que de la
pollution du fleuve et que seule cette question tombe par conséquent sous la juridiction de
506
la Cour. L’approche ainsi retenue semble destinée à exclure du champ de considération
de la Cour l’ensemble des co nséquences économiques et sociales (notamment en termes
d’activités touristiques) qui résulterait d’une pollution du fleuve. L’Argentine affirme que
l’argument est parfaitement infondé. Il est de surcroît incompatible avec l’approche qui
prévaut en droit international général: le pr ojet d’articles de la Commission du droit
international sur la préven tion des dommages transfrontières découlant d’activités
dangereuses confirme que par « dommage » s’entend le « dommage causé aux personnes,
aux biens ou à l’environnemen» t (artic le 2(b)). L’exemple du tourisme est
particulièrement parlant à cet ég ard. L’activité touristique sur la rive argentine du fleuve
Uruguay est située à cet endroit en raison même de la présence du fleuve. Sans le fleuve,
il n’y aurait plus de plages, de pêche ou de navigation de plaisance. La pollution effective
des zones de baignade et la crainte (justifi ée) d’une pollution du fl euve ont toutes les
505V. la liste des principaux rapports mentionné au chapitre VII, par. 7.5.
506CR 2006/49, déclaration du Pr. Boyle, par. 34 et déclaration du Pr. Condorelli, par. 7 et 8.
204chances de faire décliner ou même disparaitre le tourisme. 507Le lien entre une eau propre
et le tourisme est bien établi, comme le mont re la déclaration de Berlin sur la diversité
biologique et le tourisme durable, adoptée en 1997 lors d’une conférence internationale
de ministres de l’environnement. 508L’article 42 du Statut de 1975 pose le principe d’une
responsabilité pour les dommages causés par une pollution. Il découle de principes
reconnus du droit international que la responsa bilité pourle préjudice lié à la pollution
d’un fleuve s’étend au préjudice indirect , qui affecte les activités économiques –
particulièrement touristiques – qui sont directement affectées par la pollution du fleuve.
5.26 En résumé, les rejets de l’usine constituent bien des pollutions au sens des
articles 40 et 41 du Statut. Ils sont « suffisa mment importants pour affecter la qualité des
eaux ». Leur autorisation par l’Uruguay doit être évaluée à la lumi ère, non seulement de
leurs effets directs sur le milieu aquatique, mais aussi de leur in cidence sur l’ensemble
des utilisations légitimes du fleuve, notamment le tourisme. 509 La qualité des eaux
comprend l’écosystème du fleuve et ses zones d’influence da ns son entier, y compris les
zones humides et le reste de la diversité biologique, et s’étend à toutes les zones
510
susceptibles d’être affectées par le phénomène de l’inversion du courant .
5.27 L’article 41(a) du Statut engage les Parties à
« protéger et préserver le milieu aquatique et, en particulier, à en empêcher
la pollution en établissant des no rmes et en adoptant les mesures
appropriées, conformément aux accords internationaux applicables et, le
cas échéant, en harmonie avec les di rectives et les recommandations des
organismes techniques internationaux ».
5.28 Il a été démontré au chapitre III qu e les dispositions de l’article 41(a)
révèlent un fonctionnement en deux temps: premièrement , le texte impose aux Parties
507
508V. les pars. 7.195-7.204.
http://www.gdrc.org/uem/eco-tour/berlin.html
509V. par exemple les développements du chapitre VII aux pars. 7.195-7.196 (tourisme) et 7.202-7.204
(navigation).
510V. spécialement le chapitre VII aux par. 50-65 (vie aquatique et diversité biologique) et les pars. 7.46-
7.61..
205une obligation générale de «protéger et préserver le milieu aquatique»; et
deuxièmement, il impose aux Parties une obligation spéciale d’«empêcher la pollution
[du fleuve Uruguay]». Ces mesures doivent par ailleurs être conformes aux accords
internationaux applicables et en harmonie avec les directives et les recommandations des
organismes techniques internationaux qui ont été identifiés dans le même chapitre III.
5.29 L’article 41(a) impose à l’Uruguay de s obligations qui sont directement
applicables aux décisions relatives à l’usine Orion. Si l’Uruguay néglige de prescrire
toutes les mesures propres à empêcher la poll ution du fleuve Uruguay par l’usine de pâte
à papier, il se place en violation caractérisée des obligations qui lui incombent en vertu de
l’article 41(a). L’Argentine affirme que l’Uruguay n’a pas adopté les mesures
appropriées. En particulier, cet Etat a négligé de prescrire des mesures de nature à :
i. protéger la qualité des eaux du fleuve Uruguay et ses zones d’influence;
ii. protéger et préserver la diversité biologique du fleuve Uruguay et ses
zones d’influence, et celle qui lui est attachée ;
iii. s’assurer qu’une étude d’impact envi ronnemental complète et objective
soit préparée avant que la décision d’autoriser l’usine ne soit prise ;
iv. assurer la participation de l’Argent ine ainsi que le Statut de 1975 le
prévoit, à travers notamment l’échange d’informations, la notification et la
consultation préalables;
v. n’autoriser le projet sauf que localisé dans un endroit convenable du point
de vue de l’environnement ;
vi. exiger du projet d’usine qu’il su it «les meilleures technologies
disponibles» et «les meilleures pra tiques environnementales» aux effets
de son évaluation.
A. L’U RUGUAY A NÉGLIGÉ D ’ADOPTER TOUTES LES MESURES PROPRES À PROTÉGER LA
QUALITÉ DES EAUX DU FLEUVE U RUGUAY ET DE SES ZONES D ’INFLUENCE
5.30 La protection de la qualité des eaux est au cŒur de cette affaire. Il a été
exposé au chapitre VII que, même si les eaux du fleuve Uruguay présentent aujourd’hui
de bons résultats dans certains domaines, el les révèlent déjà des niveaux élevés de
206concentration de polluants (par exemple, de phosphore). Ces facteurs signifient que
l’Argentine et l’Uruguay ont une responsabi lité conjointe particulièrement importante
dans le maintien de la protection de la qualité de ces eaux.
5.31 Cette responsabilité est d’autant plus aiguë. Dans ce contexte, l’Argentine
s’est trouvée extrêmement préoccupée de voir l’Uruguay décider d’autoriser
unilatéralement, en violation du Statut de 197 5, la construction de l’usine Orion, conçue
pour rejeter des quantités impo rtantes d’effluents liquides directement dans le fleuve
Uruguay sur une période d’au moins 40 ans, en particulier en tenant compte qu’il n’existe
pas d’autre usine de pâte à papier sur le fl euve Uruguay et qu’auc une autre installation
industrielle n’y décharge ne serait-ce qu’une fraction des volumes de liquides polluants
envisagés pour l’usine Orion. Celle-ci constit ue donc une menace unique et sérieuse
contre les eaux du fleuve. Les décisions de l’ Uruguay menacent de transformer la qualité
des eaux du fleuve. L’Argentine pouvait donc s’attendre à ce que l’Uruguay conduise les
études appropriées afin de s’assurer que la qualité des eaux serait maintenue malgré les
rejets envisagés, et, de surcroît, que l’Urug uay ferait cela avant de mettre en Œuvre ses
obligations procédurales prévues par le Statut de 1975 et avant d’autoriser la construction
des usines. S’il avait voulu remplir les oblig ations qui lui incombaient aux termes du
Statut, en particulier, l’article 41 (a), l’Uruguay aurait dû se livrer à trois exercices, dans
le respect des exigences de la diligence due et de son obliga tion de prévention de
511
dommage à l’environnement : (1) établir la qualité in itiale des eaux recevant les
polluants, (2) identifier aussi clairement que possible le volume et les caractéristiques des
polluants que l’usine sera amen ée à rejeter dans le fleuve et (3) établir que les eaux
recevant les rejets polluants prévus sont en mesure de les recevoir, et ensuite de les
disperser de manière à éviter tout dommage. L’Uruguay n’a suivi aucune de ces mesures
d’une manière qui lui aurait permis d’établir que la qualité des eaux serait protégée.
5.32 En ce qui concerne la qualité initiale des eaux , il est parfaitement apparent
qu’un certain nombre de polluants sont déjà présents à un niveau très élevé. Ainsi, il a été
démontré au chapitre VII qu’il existe déjà un niveau relativement élevé de phosphore (P)
511
V. chapitre VII, les pars. 7.189-7.194.
207dans le fleuve Uruguay. Cette situation est très préoccupante et représente un risque
potentiel d’eutrophisation et d'une augmentation de la prolifération de la flore aquatique,
ainsi que le développement massif de cyanobact éries, en particulier dans les sections peu
profondes et à bas débit du fleuve, telles que les baies de Yaguareté (Uruguay) et de
512
Ñandubaysal .
5.33 En ce qui concerne le volume et les caractéristiques des rejets envisagés , il
est frappant de constater que le processus d écisionnel retenu par l’Uruguay n’a, à aucun
moment, contraint les promoteurs du projet à fournir des informations claires et détaillées
quant au volume d’effluents liquides appelé à être rejeté dans le fleuve. Cette information
aurait pourtant dû être incluse dans les déclar ations des promoteurs du projet relatives à
l’environnement. Cela n’a pas été le cas. Le rapport Wheater critique précisément l’étude
d’impact cumulé (le CIS, r éalisé pour la SFI), et par conséquent l’étude d’impact
environnemental d’Orion, sur laquelle celui-ci est basé parce qu’il a négligé de traiter des
incertitudes liées aux chargements d’effluents, aux concentrations de contaminants et à la
réponse écologique. Ce même rapport note, pa r exemple, que la question de l’incertitude
pourrait être cruciale en ce qui concerne le s estimations d’émission de métaux et que
«instead of being neglected, [it] warrants explicit attention in effluent load calculations
and predictions of water quality ». 513
5.34 Le rapport Hatfield critique les ét udes d’impact sur l’environnement
fournies à la Société financiè re internationale pour plusieurs raisons et notamment parce
que: elles ne fournissent pas d’informations suffisamment détaill ées sur la conception
des usines de pâte à papier pour déterminer si celles-ci utiliser ont effectivement les
meilleures technologies disponibles; elles ne fournissent aucun listing complet des rejets
dans l’environnement à proximité des usines; les données présentées surestiment les
quantités a être effectivement rejetées de nombreux polluants (le rapport ajoute que des
estimations excessivement conservatrices faussent le processus d’évaluation et
512V. le chapitre VI, le par. 6.41, ainsi que le chapitre VII, les pars. 7.44, 7.185-7.186 et 7.189-7.190. V.
également §31-34 du rapport Latinoconsult (effet de l’enrichissement nutritif) (page 8), section 6.3, p. 33-
35 (niveaux de phosphore et effets sur le planton) et section 6.7(ii), p. 41, (rôle du phosphore dans
513nrichissement nutritif).
V. le rapport Wheater, section 3, p. 3, Annexes, livre V, annexe 5.
208conduisent à des préoccupations injustifiées dans l’opinion publique, tandis que des
estimations en dessous de la réa lité déforment également l’analyse) 514. Le rapport
Hatfield est particulièrement critique de l’étude d’impact environnemental menée pour le
projet Orion, et souligne que celle-ci ne fournit aucun détail quant à la qualité de l’eau en
aval de l’usine Orion ou quant aux ressources aquatiques (faune et flore) présentes dans
515
la zone de manière temporaire ou permanente. L’absence de test biologique sur les
516
espèces locales de poissons a également été critiquée.
5.35 Depuis la préparation de ce rapport, les promoteurs du projet et/ou le
gouvernement uruguayen ont fourni des info rmations complémentai res, mais il n’en
demeure pas moins que certaine s informations essentielles demeurent inconnues, ainsi
que cela sera évoqué au chapitre VII 517. Le rapport Latinoconsult a ainsi identifié cinq
zones d’ombre persistantes du fait :
(1) d’une délimitation incorrecte du panache, par quoi il est impossible de
caractériser les concentrations pote ntielles d’exposition qui seront
supportées par les récepteurs biologiques ;
(2) d’un manque d’information sur les périodes de résidence, les cycles
saisonniers de reproduction et les périodes critiques pour le développement
des organismes de la flore et de la faune exposées, qui rend difficile
l’évaluation de l’incidence de l’exposition ;
(3) d’un manque de données sur les niveaux initiaux de contamination des
poissons, qui rendra impossible la di stinction entre la contribution de
l’usine à la contamination et celle provenant d’autres sources;
(4) d’un manque de description clai re des modalités prévues pour le
contrôle post-opérationnel, qui empêch e de déterminer si l’usine sera ou
non en conformité effectivement avec ses prévisions ;
514V. le résumé fourni en p. 3 et 4 du rapport Hatfield, Annexes, livre V, annexe 9.
515V. le rapport Hatfield, section A12, p. 14, Annexes, livre V annexe 9
516V. ibid, section B4, p. 19.
517
V. Spécialement les pars. 7.128-7.132 et les références au rapport Latinoconsult citées.
209 (5) que la possibilité d’ effets inattendus liés au x rejets d’effluents de
518
l’usine de pâte à papier n’a jamais été abordée.
Il est également incontestable que l’usine Orion a été autorisée sur la base d’informations
insuffisantes et qu’aucune sorte d’information fournie ex post facto ne peut remédier à la
violation de l’obligation d’adopter toutes les mesures nécessai res pour protéger le fleuve
et ses zones d’influence en vertu du Statut de 1975.
5.36 Près de deux ans après l’autorisati on de l’usine Orion, l’Argentine
demeure ainsi dans l’impossibilité de déterm iner le volume total d’effluents polluants
appelés à être déversés annuellement dans le fleuve ou bien encore la nature exacte de ces
déversements. Sur plus de 40 an s, le volume des rejets sera en tout état de cause très
important, mais il ne peut pas être quantifi é sur la base des informations disponibles
aujourd’hui si le fleuve est en capacité, oui ou non, de r ecevoir ces effluents polluants.
L’incapacité de l’Uruguay à prendre ces me sures de base constitue à elle seule une
violation des dispositions de l’article 41(a ) du Statut de 1975. L’Uruguay ne saurait
utilement soutenir s’être conformé à l’obligation qui lui incombent aux termes de l’article
41(a) de prendre les mesures appropriées pour empêcher toute pollution du fleuve, dans
la mesure où il n’a pas conduit les actions nécessaires pour être informé du volume de
pollution appelé à être rejeté dans le fleuve.
5.37 La question de la capacité du fleuve à recevoir et à disperser les effluents
polluants est également un sujet sur lequel l’ Uruguay a complètement négligé de
s’assurer que des informations suffisantes soient obtenues. Ce point est évoqué plus tard,
au chapitre VII, dans le contexte d’une prise en compte de l’écosystème du fleuve en son
519
entier. En particulier, les quest ions suivantes n’ont pas été traitées de manière
satisfaisante : la fréquence du phénomène de l’inversion du courant ; la dispersion du
panache ; le changement possible de cycle météorologique ; et enfin le rôle des sédiments
et de la géomorphologie. La fréquence du phénomène de l’inversement du courant a ainsi
518V. section 4.6 du rapport Latinoconsult, Annexes, livre V, annexe 3
519V. Spécialement les pars. 7.13-7.18.
210été largement sous-estimée. Il a des incidences importantes sur le panache de polluants
car, lorsque le courant s’inverse, les contaminants qui ont été dilués retournent à nouveau
520
sur le lieu de leur réjet et la conc entration de toxines s’y accroît alors . En ce qui
concerne la dispersion du panache, les études d’ impact réalisés se sont fondés sur un
modèle erroné de comportement du panach e, ce qui rend inco rrects les niveaux de
dilution sur lesquels il se base. 521Quant à l’éventualité d’ un changement de cycle
météorologique, il n’a tout simplement pas ét é pris en compte, avec la conséquence que
l’extension de la zone estuarienne et la diminution du courant qui en résulteraient ne sont
522
pas identifiées, ni prises en compte . Enfin, le rôle des sédiments et de la
géomorphologie n’a pas été examiné de mani ère satisfaisante. Le fleuve Uruguay est un
environnement sédimentaire dynamique avec des taux de dépôt de sédiments assez
importants qui ont une incidence sur l’évolution future du cour ant et le transport de la
pollution. 523
5.38 Les informations disponibles concernant le projet d’usine Orion sont donc
totalement insuffisantes pour déterminer la capacité du fleuve à recevoir et à disperser les
effluents liquides polluants. Ce manquement de vient particulièrement grave à la lumière
de la possibilité réelle d’un e altération du courant du fleuve Uruguay résultant d’un
changement climatique et cela dans des conditions qui n’ont absolument pas été
envisagées ou évaluées. 524
5.39 Le rapport Hatfield a déjà souligné ces manquements de manière claire et
convaincante. Le rapport déclare que «[t]he documents in the public domain do not
provide sufficient information for stakehol ders outside Botnia and ENCE to form
reasoned opinions on many issues ». 525
520
521V. pars. 7.15-7.20.
522V. pars. 7.23-7.25.
V. pars. 7.26-7.30.
523V. pars. 7.31-7.36.
524V. le rapport Wheater en sa section 4, p. 4, Annexes, livre V, annexe 5, ainsi que le par. 7.21.
525
V. le rapport Hatfield, section A1, p. 5, Annexes, livre V, annexe 9.
2115.40 Le rapport final CIS n’a pas effacé ses préoccupations, ainsi que le
révèlent les rapports commandités par l’Argent ine et décrits au chapitre VII. Comme le
décrit la partie I du chapitre VII, le fleu ve Uruguay se caractérise par sa faible
profondeur, la présence de bancs de sable et un courant très lent, ce qui signifie que le
transport des polluants sera lui-même lent. Il est également marqué par le phénomène d’
inversion du courant, par lequel, dans certain es conditions, le fleuve change de direction
et transporte les polluants en amont. Ces car actéristiques signifient que des quantités
importantes de polluants rejetées par l’usine Orion ne seront pas transportées en aval,
puis vers la mer. Au contraire, des quantités significatives de ces polluants resteront dans
leur zone initiale de rejet et se déposeront dans le sable et la boue du lit du fleuve. Ces
polluants seront également transportés en grande quantité en amont, où ils sont
susceptibles d’atteindre des zones sensible s, notamment des zones humides protégées
telles que le site Ramsar de Esteros de Farrapos et d’avoir ainsi des effets que l’Uruguay
526
a complètement négligé d’évaluer. De plus, le rapport Latinoconsult note que l’étude
ornithologique de Botnia a enregistré une très faible diversité biologique en raison de la
durée extrêmement courte de la période d’ échantillonnage, ce que reconnaît le rapport
CIS. Seules deux des dix espèces listées dans la Convention sur le commerce
international des espèces de faune et de flore menacées d’extinction (ci-après «la
527
Convention CITES ») ont été pris en compte dans le rapport CIS.
5.41 Les rapports indépendants de l’Argentine ont conc lu qu’il existait une
incertitude considérable sur les impacts enviro nnementaux des rejets polluants de l’usine
Orion dans le fleuve Uruguay et que ces ince rtitudes n’avaient pas été traitées dans le
processus d’évaluation de l’impact enviro nnemental (voir, par exemple, le rapport
Wheater en sa section 3 (analyse de l’incertitude des prédictions en matière de charge en
effluents, de concentrations de contaminants et de réponse écologique) et en sa section 7
(modélisation hydrodynamique et de qualité de l’eau). De plus, tant le rapport Wheater
(section 2) que le rapport Latinoconsult (section 4.2) critiquent le fait de se fonder sur des
ratios de dilution et l’utilisation abusive de ratios développés pour les Etudes de suivi des
52V. le chapitre VII, par. 7.179.
527V. le rapport Latinoconsult en sa section 6.5, p. 37, Annexes, livre V, annexe 3.
212effets sur l’environnement canadiennes afin de rationaliser les ressources expérimentales
et d’éviter d’avoir à procéder à des échantillonnages dans de s conditions difficiles et peu
sécuritaires. Le rapport Wheater est partic ulièrement critique de l’approche de
modélisation retenue dans le rapport CIS de la SFI, approche qu’il décrit comme « poorly
presented » et « inadequately detailed », et conclut que la confiance placée dans ces
modèles est injustifiée et su sceptible d’induire en erreur 528. La carence caractérisée
d’examen d’une large palette d’incertitudes sc ientifiques est traité au chapitre VII.
Comme indiqué dans ces rapports , auxquels l’Argentine s’est référée, il y a une carence
sérieuse et généralisée de l’ensemble du pr ocessus d’évaluation. L’absence de prise en
compte des problèmes-clefs d’incertitude scient ifique prive totalement de pertinence la
conclusion du CIS selon laquelle aucun effet ne doit être attendu en termes
d’environnement ou de santé humaine.
5.42 Il est également clair que, dans un laps de temps court, les limites de
concentration de phosphore précisés par le recu eil de la CARU seront atteintes (voir les
développements du rapport Wheater en sa section 6 (nutriments) et au chapitre VII). 529
5.43 Les rejets de l’usine Orion créeront de très graves risques d’eutrophisation
530
et de prolifération d’algues, particulièrement dans la baie de Ñandubaysal.
5.44 Il apparaît ainsi clairement que l’Ur uguay n’a pas pris toutes les mesures
propres à empêcher la pollution du fleuve Ur uguay et ses zones d’influence. L’ensemble
de ses manquements constitue une violation ma nifeste des dispositions de l’article 41(a)
du Statut de 1975, ainsi que d’autres dispos itions du même Statut . Un certain nombre
d’espèces protégées par la Convention CITES sont nota mment reconnues être en
situation de risque.
528V. le rapport Wheater, section 7, Annexes livre V, annexe 5.
529V. le chapitre VI, par. 41, ainsi que le chapitre VII, les pars. 7.41, 7.43-7.44, 7.185-7.186 et 7.189-
53090.
V. le rapport Wheater en sa section 6 et généralement la section 6.7du rapport Latinoconsult, ainsi que
les pars. 7.189-7.190.
213 B. L’U RUGUAY A NÉGLIGÉ DE PRENDRE TOUTES LES MESURES PROPRES À PROTÉGER ET
À PRÉSERVER LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE DU FLEUVE U RUGUAY ET SES ZONES
D’INFLUENCE
5.45 L’obligation «de protéger et de préserver le milieu aquatique» ne
comprend pas seulement une obligation de protéger la qualité des eaux du fleuve
Uruguay, mais également une obligation de pr otéger la diversité biologique du fleuve
ainsi que celle qui lui est as sociée. Cette diversité biolog ique comprend à la fois les
habitats et les espèces de la flore et de la faune.
5.46 Il sera montré aux chapitres VI et VII 531que les eaux du fleuve Uruguay
renferment indiscutablement une diversité biol ogique riche et diverse, notamment: plus
de 100 espèces de poissons (dont certaines sont considérées comme étant en danger
critique d’extinction par l’Union internationa le pour la conservation de la nature); des
espèces amphibies et benthiques, qui comp rennent des organismes tolérants et des
organismes sensibles ; une variété d’espèces d’oiseaux comprenant 10 espèces soumises
à des menaces de degré varié, notamment Xanthopsar flavus (en danger, ou vulnérable) ;
532
Sporophila zelichi (en danger critique d’extinction) ; Sporophila palustris (en danger) .
Ce qui n’a été évoqué dans aucun des étud es d’impact est qu’à seulement quelques
kilomètres en amont de l’usine Orion se situe le site Ramsar de Es teros de Farrapos. Il
sera indiqué plus loin que le phénomène d’inversion de cour ant signifie que la frontière
en amont du modèle de dispersion est seulem ent à 2,5 kilomètres au sud du site Ramsar.
A cette frontière amont du modèle de dispersion, il est estimé que, pendant 1% du temps,
la dilution sera inférieure à 1000:1. La dilu tion minimale simulée à cette frontière amont
était de 200:1. Il est prévu que, sous certai nes conditions, le panache puisse se déplacer
au-delà de la frontière amont fi xée par le modèle de dispersion, atteignant ainsi la partie
sud du site Ramsar 533. Le rapport CIS affirme que le phénomène du inversion de courant
n’affectera pas cet important site Ramsar. Le rapport d’expert de l’Argentine expose
pourquoi le rapport CIS est erroné : la fréquence de ce phénomène d’inversion de courant
531
V. spécialement le chapitre VI , section I, et le chapitre VII, pars. 7.46-7-61.
532V. le chapitre VII, par. 7.60.
533V. le chapitre VII, par. 7.179.
214a été largement sous-estimée et les conséque nces des changements climatiques n’ont pas
534
été prises en compte .
5.47 Le chapitre III fait mention d’ un certain nombre de conventions
internationales applicables en l’espèce re latives à la protection de la diversité
biologique 53. L’article 41(a) du Statut requiert de l’Uruguay qu’il prenne en compte et
mette en Œuvre les obligations prévues pa r ces conventions. Dans ce contexte, la
Convention CITES et la Convention sur la diversité biologique exigent de l’Uruguay
qu’il respecte les obligations d écoulant de ces instruments, dans le cadre des activités
entreprises sur le fleuve Uruguay et ses zones d’influence.
5.48 Comme pour la protection de la qual ité de l’eau, l’Argentine pouvait
espérer que l’Uruguay mettrait en Œuvre le s études nécessaires pour s’assurer que la
protection de la diversité bi ologique, et notamment des re ssources halieutiques, soit
garantie. L’Uruguay aurait dû adopter les mesures suivante s afin de protéger la
diversité biologique: (1) déterminer son état ou sa situation dans le fleuve Uruguay et ses
zones d’influence, (2) identifier le volume et les caractéristiques des polluants appelés à
être rejetés dans le fleuve et ses environs et (3) déterminer l’impact des polluants sur cette
diversité biologique, en se fondant notamment sur les obligations prévues par la
Convention RAMSAR relative aux zones humides d’importance internationale
particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau et la Convention sur la diversité
biologique et en prenant en compte les incertitudes scientifiques existantes. En révanche,
comme pour la protection de la qualité de l’eau, l’Uruguay n’a pas pris les mesures
appropriées et nécessaires pour protéger la diversité biologique.
5.49 La question du volume et des car actéristiques des rejets envisagés est
examinée au chapitre VII dans le cadre des déve loppements relatifs à la qualité de l’eau.
534
V. le chapitre VII, par. 7.179 ainsi que par. 7.21.
535V. le chapitre VII, pars. 3.210-3.219.
537V. le rapport Latinoconsult, à son Executive Summary, §29, Annexes, livre V, annexe 3, qui note que
les baies constituent une réserve de nourriture pour le sabalo (entre autres espèces), décrit comme un
poisson détritivore et migratoire, et qui déclare qu’il existe un risque de bioamplification polluante
persistante à travers les détritus de la chaîne alimentaire.
215Les conclusions déjà évoquées sont applicab les ici, à savoir que l’Uruguay a négligé de
s’assurer que les informations nécessaires pour déterminer la quantité ou les
caractéristiques des substances polluantes appelé es à être rejetées dans le fleuve et ses
zones d’influence soient disponible. Il est par conséquent impossible de déterminer sur la
base del’information disponible, quel pourra it être l’impact probable sur la diversité
biologique, et notamment sur les espèces de poisson telles que le sabalo, le boga, le
coryphène et d’autres espèces util isées pour la consommation humaine 537. Ce
manquement constitue également une violatio n, par l’Uruguay, des obligations qui lui
incombent aux termes de l’article 41(a) du Stat ut de 1975. Cet Etat ne saurait utilement
prétendre s’être conformé à son obligation de protéger la diversité biologique dans la
mesure où il n’a même pas cherché à savoir quel serait le volume de pollution susceptible
de l’affecter. Ces manquements constituent également des violations d’autres dispositions
du Statut, notamment ses articles 35, 36 et 37, qui seront évoquées plus loin.
5.50 L’information disponible de la pa rt de l’Uruguay se révèle donc
absolument insuffisante et ne permet pas de déterminer la capacité du fleuve à recevoir et
à disperser les effluents pollua nts d’une manière propre à gara ntir la protection de la
diversité biologique.
5.51 Les rapports demandés par l’Argentine identifient en revanche les impacts
qui seront causés ou qui, dans certains cas, pourraient être causés par les rejets polluants.
5.52 Les rapports indépendants présentés par l’Argentine concluent qu’il y a
une très forte probabilité que les réserves de poissons soient affe ctées, tout comme la
diversité de l’écosystème, et que l’on assiste à un accroissement de la fréquence
d’apparition des algues toxiques résultant de l’eutrophisation538. De plus, le rapport
Latinoconsult conclut à l’existence d’un risque accru de pollution lors des interruptions et
des remises en marche (risque qui n’a pas été évoqué par le CIS de manière quantitative
et substantielle), pointe l’existence d’un bassin d’urgence de dimension insatisfaisante et
538V. le rapport Latinoconsult, Annexes, livre V, annexe 3.
216 539
critique l’absence inacceptable d’un atelier de traitement tertiaire . Tous ces facteurs
accroissent le risque d’effets néfastes sur la diversité biologique. Les impacts
environnementaux importants qui produiront des dommages significatifscomprennent
notamment:l’accumulation de sédiments et de contaminants associés, particulièrement
dans la baie de Yaguarete ; l’accroissement de l’eutrophisation du fait de la présence de
niveaux plus élevés de phosphore et d’au tres nutriments; l’ émission d’une odeur
désagréable sur une zone étendue; et un a ccroissement du risque de déversements de
produits chimiques par les barges fluviales. En ce qui concerne l’odeur, l’équipe IAEST
note que celle-ci ne signifie pas seulement un inconfort et une mauvaise qualité de vie.
Tous les composés de soufre réduit total (SRT) responsables de l’odeur sont toxiques
pour le système respiratoire. Une étude épidémiologique sur les effets sur la santé des
émissions de SRT d’usines de pâte à papier a montré que des symptômes à l’Œil et au nez
ainsi que des toux étaient plus fréquents ch ez les personnes exposées à des niveaux
supérieurs à 0,07 ppm (en moyenne quotidie nne) que chez les personnes non exposées
aux émissions de SRT. 540
5.53 Il est, dans ces conditions, incont estable que l’Uruguay a négligé de
prendre les mesures propres à empêcher la pollution du fleuve Uruguay. Ses
manquements constituent une violation caractér isée des dispositions de l’article 41(a) du
Statut de 1975 (ainsi que d’autres dispositio ns), à raison notamment de son incapacité à
remplir les conditions posées aux articles 3 et 5 de la Convention relative aux zones
humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau
et aux articles 3, 5, 8 et 14 de la Convention de 1992 sur la diversité biologique.
C. L’U RUGUAY A NÉGLIGÉ DE S ASSURER QU ’UNE ÉTUDE D IMPACT
ENVIRONNEMENTAL COMPLÈTE SOIT PRÉPARÉE
5.54 Il est bien établi en droit internat ional, ainsi qu’il a été démontré au
chapitre III, que la mise en Œuvre de to ute activité intrinsèquement préjudiciable à
l’environnement doit obligatoirement faire l’objet d’une étude d’impact environnemental
539
540V. les sections 7, 8 et 9 discutées au chapitre VII, aux pars. 7.180-7.188.
V. le chapitre VII, par. 7.162.
217 541
(EIE) appropriée et ce dès la phase de conception d’un projet . L’objectif de telles EIE
est de prévenir un dommage à l’environnement et d’empêcher la pollution. Le défaut
d’EIE (ou la production d’une EIE insuffisant e) empêche d’agir de manière appropriée
pour prévenir un dommage en vironnemental ou d’empêcher la pollution. Toute EIE
comprend la préparation d’une évaluation environnementale, qui doit inclure un certain
nombre d’informations minima pour se conformer aux règles et standards
542
internationaux . Dès lors qu’une évaluation ne comprend pas ces informations
minimales – comme c’est le cas en l’espèce – l’Etat en cause ne saurait être considéré
comme ayant mis en Œuvre toutes les mesures appropriées pour empêcher la pollution.
5.55 Il est absolument incontestable qu e l’article 41(a) oblige l’Uruguay à
obtenir une évaluation de l’impact sur l’environnement satisfaisante et que l’obtention de
celle-ci constitue une mesure nécessaire et appropriée. Tout Etat ayant manqué de
s’assurer qu’une étude d’impact environnemental satisfaisante relativement à une activité
intrinsèquement préjudiciable telle que la fabr ication de pâte à papi er soit préparée, ne
s’est pas conformé à son obligation de prendre les mesures appropriées pour empêcher la
pollution.
5.56 L’obligation de conduire une étude d’impact environnemental
satisfaisante découle des obligations posées pa r les articles 7 et suivants ainsi que les
articles 27 et suivants du Statut. L’Urugua y a violé l’article 41(a) ainsi que d’autres
dispositions du Statut en autorisant la cons truction de l’usine Or ion sur la base d’une
évaluation de l’impact sur l’environnement insuffisante. L’évaluation préparée pour
l’usine Orion était manifestement insuffisante. Il y manquait notamment une évaluation
de tous les impacts possibles, l’établissement de données initiales correctes sur la qualité
de l’eau et l’écosystème du fleuve, ainsi qu’ une explication sur les raisons ayant conduit
au choix du lieu d’implantation et au rejet d’autres possibles site s d’implantation. La
pratique internationale requiert que ces données soient fournies pour qu’une étude
d’impact environnementale puisse être considérée comme doté d’éléments suffisants pour
541V. le chapitre III, pars. 3.197-3.208.
542V. le chapitre III, pars. 3.202-3.203.
218qu’il soit avalisée. Dans son rapport sur l’étude d’impact environnemental relatif à l’usine
Orion, la DINAMA avait pourtant noté que
« [i]n the documents provided by BO TNIA during the assessment process
for the EIE information gaps, contra dictions (even within the same
document) and vague, rather unsatisf actory replied were identified. The
information received was also volumino us but rather unclear, reiterative
543
and, on occasion, superfluous and of scarce quality » .
Toutefois, la DINAMA a autorisé le projet Orion sans avoir au préalable évalué de
manière appropriée les impacts de la mise en service de l’usine sur le fleuve Uruguay.
Et ce manquement est rendu d’autant plus grave par le fait que la DINAMA avait
également autorisé la construction d’une autre usine de pâte à papier (celle du projet
544
CMB) situé à une distance de seulement sept kilomètres .
5.57 En juin 2005 – soit après que l’Uruguay ait approu vé le projet Orion et
autorisé le début de la cons truction de l’usine – la SFI a décidé que l’étude d’impact
environnemental n’était pas satisfaisante et que «further study was required of the
cumulative social and enviro nmental impacts of the pulp mills projects, beyond those
attributable to each plant’s operation» 545. La décision de la SFI faisait suite à la saisine
du conseiller-médiateur (CAO) de la SFI par des associations argentines et uruguayennes,
qui considéra que l’étude d’impact était incomplète 546.
5.58 La SFI nomma deux experts indépend ants chargés de préparer une étude
547
d’impact cumulé . Cette étude fut terminée en déce mbre 2005 un projet d’étude fut
proposé sur la base des évaluations produite s par les entreprises ENCE et BOTNIA. Ce
projet a été par la suite soumise à une no uvelle expertise effectuée par un groupe
543
V. le rapport DINAMA sur l’étude d’impact environnemental sur BOTNIA, p. 6, Annexe, livre V,
annexe 8.
544V. le chapitre II, pars. 2.4 et suivants.
545Cumulative Impact Study, Décembre 2005, p.5,
http://www.ifc.org/ifcext/lac.nsf/Content/Uruguay_Pulp_Mills_CIS (Annexe XXIII de la requête),
Annexes, livre V, annexe 6.
546V. Annexes, livre V, annexe 10..
547V. le chapitre 6, par. 7.7.
219 548
indépendant nommé par la SFI. Le ré sultat en fut le rapport Hatfield , dont de
nombreuses recommandation s ont souligné les insuffisances des évaluations
environnementales. Parmi les nombreuses caren ces de celles-ci, le rapport a notamment
souligné :
1. le caractère très peu fourni des donn ées relatives à la qualité des eaux du
549
fleuve Uruguay et à sa diversité biologique;
2. une identification et un listing incomple ts des rejets dans l’environnement
550
naturel aux alentours de l’usine ;
3. l’absence d’un examen indépendant des estimations de rejets de polluants
présentées par la compagnie ; 551
4. un traitement cavalier des effets des décharges de dioxines et de
552
furanes;
5. le fait que le projet de CIS ne fo urnissait pas une explication claire du
processus de sélection du site retenu pour l’implantation de l’usine
Orion 553.
5.59 Le rapport final du CIS d’Ecometrix n’ a pas traité de ces difficultés. En
particulier, l’Argentine maintient, à la lect ure des rapports d’expe rts ayant examiné le
processus d’évaluation que notamment les ma nquements suivants (qui sont directement
liés à ceux évoqués plus haut) demeurent :
¾ le CIS final ne prend en compte de manière satisfaisante les impacts des
usines sur les espèces invertébrées qui vivent dans le fleuve et ses
environs. Les impacts potentiels des pr ojets sur les invertébrés situés au
sud de l’usine envisagée ne sont pas évalués et les développements relatifs
aux risques particuliers affect ant les espèces amphibies sont
insuffisants 554 ;
548Hatfield Consultants, Cumulative Impact Study. Uruguay Pulp Mills, avril 2006 (Annexe XXIII de la
549uête), Annexes, livre V, annexe 9.
V. le rapport Hatfield, résumé, p.4, §7, Annexes, livre V, annexe 9.
550Ibid, p. 4, §3.
551Ibid, p.3, §5.
552Ibid, p.3, §6.
553
554V. le rapport Hatfield, question A23, p. 18 Annexes, livre V, annexe 9.
V. le chapitre VII, par. 7.56-7.57.
220 ¾ le CIS final a conclu que :
« [i]n general, the quality of the wa ter is considered good but there are
localised issues and exceedances of wa ter quality criteria such as near
Bella Union, Salto etc » 555,
mais il ne mentionne au cun problème localisé ni aucun dépassement des
556
niveaux de qualité de l’eau sur la rive argentine ;
¾ la question des chlorophénols dans la baie de Yaguarete est traitée de
557
manière superficielle ;
¾ la recommandation du rapport Hatfield qu’une motivation détaillée et un
558
organigramme de la décision soient fournis n’a pas été mise en oeuvre .
Il convient aussi de noter que les rapports d’ experts auxquels l’Argentine se réfère au
chapitre VII, spécialement les rapports La tinoconsult et Wheater, ont également mis à
jour une série d’autres lacunes et faiblesses du CIS qui n’ont pas été relevées (ou pas
relevées intégralement) par le rapport Hatfield et n’ont pas été rectifiées dans la version
finale du CIS. Ces points sont évoqués en détail au chapitre VII, mais ils relèvent
globalement d’une incapacité à prendre en compte l’incertitude scientifique, notamment
quant aux éléments suivants : l’utilisation de modélisations informatiques pour mesurer
les impacts sur la qualité de l’eau; les effe ts de la dilution; l’incidence de faibles
concentrations de contaminants sur l’écologi e. Les rapports soulignent également une
évaluation insatisfaisante des él éments suivants: la dispersion du panache, l’impact de
l’inversion du courant et d’un changement de cycle météorologique sur la dispersion des
polluants. L’on a également constaté une omission d’évaluation du risque de
déversements de substances chimiques, lié s notamment à l’accroissement du trafic
fluvial.
5.60 Dans ce contexte, la position de l’Uruguay selon laquelle «les risques
d’impact sur le fleuve et sur l’Argentine ont été pleinement pris en considération par la
555
V. le rapport CIS, p. ES.xi, Annexes, livre V, annexe 6.
556V. le chapitre VII, par. 7.42.
557V. le rapport Wheater, section 5, p. 6, Annexes, livre V, annexe 5, et les développements au chapitre
VII, par. 7.40.
558
V. le chapitre VII, pars. 7.108-7.109.
221DINAMA » 559 est tout simplement intenable. Le s affirmations selon lesquelles les
560
évaluations environnementales présentées par Botnia étaient « complètes et détaillées »
sont tout aussi fantaisistes. En résumé, en addition au fait d’ avoir été réalisés
unilatéralement et en violation d’un traité bi latéral (le Statut de 1975), les évaluations
environnementales ne sont pas complètes et sont insuffisantes sur nombre d’aspects. Elles
sont donc pas satisfaisantes au regard des ex igences posées par la pratique et le droit
international en la matière.
5.61 L’Uruguay ne s’est pas non plus assuré que des consultations appropriées
avec les populations concernées soient cond uites pour permettre leur participation au
processus d’évaluation des impacts sur l’e nvironnement. Les procès- verbaux de la
CARU font état de ce manque de consulta tion avec les populations affectées par les
564
projets .
5.62 Le manque d’information et de consul tation a été mis en évidence par le
conseiller-médiateur (CAO)de la Société financière intern ationale et de l’Agence
565
multilatérale de garantie des investissements. A la suite d’une plainte déposée auprès
du CAO le 23 septembre 2005 par une organisation non-gouvernementale le Centro de
566
derechos humanos y ambiente , le rapport préliminaire du CAO de novembre 2005 a
indiqué que :
« [t]he consultation and disclosure processes related to approvals for these
projects give the impr ession of being rushed, and presented as a fait
559CR 2006/47, déclaration Pr. Boyle du 8 juin, par. 23.
560Ibid, par. 21.
564V. le chapitre II, ainsi que CARU, Procès-verbal N° 08/03 du 15 août 2003, pp. 1400-1401. Annexes,
565re III, annexe 20 .
Pour la description de ces fonctions, voir le site du CAO: www.cao-ombudsman.org
566Cette plainte alléguait que les projets de deux usines de pâte à papier risquent d’affecter la santé de la
population résidant le long de deux rives du fleuve Uruguay ainsi que l’environnement (notamment à cause
de la contamination de l’eau et de l’air, du problème des pluies acides et de la question des mauvaises
odeurs). Centro de derechos humanos y ambiente, Complaint, Compliance/Advisor Ombudsman (CAO), 23
septembre 2005: www.cao-ombudsman.org
222 accompli to those being consulted. Too little emphasis has been placed on
the trans-boundary nature of the poss ible impacts of these developments
and there has not been sufficient ack nowledgement of the legitimacy of
concerns and fears of co mmunities that are local to the project. Further
technical information and scientific f acts will not be sufficient to address
the lack of trust that currently exists amongst those who are concerned
about the projects. Specific efforts must be implemented in order to ensure
that people who believe that they will be impacted are able to have trust in
the process as well as outcome of any additional studies ».567
5.63 L’Uruguay a donc négligé de s’assurer que des évaluations
environnementales complètes soient préparée s préalablement à ses décisions d’autoriser
la construction des usines Orion et CMB. Les décisions de l’Uruguay sont non seulement
unilatérales et en violation du droit internat ional, mais aussi bas ées sur des évaluations
environnementales qui ne sont pas satisf aisantes. Ceci constitue un manquement
additionnel de l’Uruguay à son obligation générale de prendre toutes les mesures propres
à empêcher la pollution du fleuve Uruguay.
D. L’U RUGUAY N ’A PAS PRIS TOUTES LES MESURES PROPRES À EMPÊCHER LA
POLLUTION
EN NE SE CONFORMANT PAS À SES OBLIGATIONS PRÉVUES PAR LE
CHAPITRE IIDU STATUT DE 1975
5.64 Le chapitre III a déjà évoqué la si tuation dans laquelle une décision
relevant de la juridiction d’un Etat est susceptible d’avoir des conséquences
dommageables sur des ressources naturelles partagées avec un autre État, ainsi que sur le
térritoire même de l’autre État. Il a été soul igné que les développements récents du droit
56Office of the Compliance Advisor/Ombudsman In ternational Finance Co rporation Multilateral
Investment Guarantee Agency, Pr eliminary assessment report Comp laint Regarding IFC’s Proposed
Investment in Celulosa s de M’Bopicuá and Orion Projects, Uruguay,Complaint Regarding IFC’s
Proposed Investment in Celulosas de M’Bopicuá an d Orion Projects, Uruguay , 11 novembre 2005, p.10,
Annexes, livre V, annexe 10.
223international tendent à s’assurer que l’Etat voisin soit alors a ssocié au processus
décisionnel 568. L’objectif d’une telle approche est notamment de garantir la prévention de
la pollution. Le chapitre II du Statut de 1975 (articles 7 et suivants) prescrit des
mécanismes de coopération, échange d’inform ations et de consultation préalables qui
vont au-delà de ceux prévus par le droit in ternational général. La violation de ces
obligations a été évoquée da ns le chapitre précédent 569. Ces obligations sont intimement
liées à l’obligation d’empêcher la pollution prévue par l’article 41(a) du Statut. Elles
participent à la réalisation de cette obligation. L’Uruguay a donc également manqué à son
obligation de prendre toutes les mesures appropriées pour empêcher la pollution en
s’abstenant de respecter ses obligations de saisine de la CARU, de transmission
d’informations à la CARU –ou, le cas échéan t, à l’Argentine par l’intermédiaire de la
CARU- et de consultations préalablement à l’autorisation des usines Orion et CMB,
violant par là-même les obligations qui lui incombaient aux termes du Statut de 1975.
E. L’U RUGUAY N ’A PAS PRIS TOUTES LES MESURES PROPRES À EMPÊCHER LA POLLUTION
EN AUTORISANT LA CONSTRUCTION DE L ’USINE O RION SUR UN SITE PAS CONVENABLE
5.65 Aux chapitres VI et VII de cette mé moire, l’Argentine explique la
signification de l’emplacement retenu pour l’us ine Orion. Le chapitre III a par ailleurs
exposé de quelle manière le droit international imposait la justification du choix du site et
du rejet de ses alternatives. En plus des aspect s de qualité de l’eau et de ceux relatifs à la
protection de la diversité biologique qui doivent être pris en compte, il est à noter que le
lieu choisi correspond à une zone touristique importante et revê t d’autres fonctions
570
économiques significatives . Gualeguaychú, en Argentine, est un important centre
touristique, dont les visiteurs viennent profiter des plages et du carnaval annuel, une fête
populaire traditionnelle qui se tient chaque samedi depuis le 7 janvier jusqu’au premier
week-end de mars 571. Des spectateurs viennent assister au carnaval depuis toutes les
régions de l’Argentine et de l’étranger. Il s’ agit d’une ressource touristique clef pour le
568V. le chapitre III, par. 3.207.
569V. le chapitre IV, spécialement la Section III..
570V. le chapitre VII, pars. 7.64-7.66 et 7.195-7.196.
571
V. encore le rapport Latinoconsult, qui note que l’amphithéâtre construit pour le carnaval est le
deuxième plus grand amphithéâtre d’Amérique latine, après celui de Rio de Janeiro, p.48, Annexes, livre V,
annexe 3.
224pays et sa présence participe à la croissance d’ autres activités touristiques dans la région,
notamment les stations balnéaires, l’écotourisme , le tourisme sportif, culturel et thermal
(avec la présence de stations thermales). Enfin, il est situé pr écisément à l’endroit le plus
peuplé de cette portion du fleuve. La question de l’emplacement du site de l’usine Orion
n’a absolument pas été traitée de manière satisfaisante, voire pas du tout, dans
l’évaluation environnementale pour l’usine Or ion. Cette évaluation n’indique pas que
d’autres emplacements aient été envisagés ou les raisons pour lesquelles ils ont été
écartés; elle ne décrit pas de manière sati sfaisante les conditions environnementales
actuelles et ne présentent pas les possibles impacts sur l’environnement. Le choix du site
de l’usine Orion est au cŒur du différend entre l’Argentine et l’Uruguay.
5.66 L’Uruguay prétend que ces sites «co nstituent un excellent choix pour
573
l’environnement » . Il n’a pourtant présenté aucune référence scientifique, ni aucun
soutien à l’appui de cette affirmation, pas pl us qu’il n’a été expliqué pourquoi ces sites
avaient été choisis, ou pourquoi d’autres sites moins sensibles d’un point de vue
environnemental et économique n’avaient pas été choisis. Comme il a été dit au chapitre
II, l’Uruguay n’a même pas accepté de discuter de ces questions avec l’Argentine 57.
5.67 Au cours des audiences publiques relatives aux demandes en indication de
mesures conservatoires, l’Uruguay a fait de nombreuses erreurs de fait quant à ces
emplacements. Premièrement , il a prétendu que il n’y avai t « pas de zones écologiques à
575 576
proximité » : cette déclaration est fausse, pour les raisons indiquées au chapitre VII.
Le site d’Esteros de Farrapos se trouve à seulement sept kilomètres de Orion – il est
protégé sous le numéro 1433 par la Liste des zones humides d’importance internationale
de la Convention Ramsar de 1971 57, à laquelle l’Argentine et l’Uruguay sont Parties et à
laquelle l’article 41 du Statut de 1975 renvoie. Deuxièmement , l’Uruguay a prétendu que
les emplacements retenus se situaient à un endr oit où le fleuve est pleinement navigable
573V. CR 2006/47, déclaration Pr. Boyle du 8 juin, par. 3.
574V. le chapitre II, spécialement le par. 2.65.
575
576V. CR 2006/47, déclaration Pr. Boyle du 8 juin, par. 3.
par 7.60.
577V. http://www.ramsar.org/wn/w.n.uruguay_farrapos.htm.
225et que le fleuve était «profond», suggéran t ainsi que les polluants seraient dispersés
aisément. Cette affirmation est également faus se, pour les raisons exposées au chapitre
VII. Un chenal de navigation est bien situé à cet endroit mais il doit être entretenu à l’aide
d’opérations régulières de drag age et, en-dehors de ce chenal, le fleuve a moins de 1
578
mètre de profondeur à certains endroits . Troisièmement, l’Uruguay a prétendu que le
579
courant du fleuve disperserait ra pidement les rejets d’effluents . Cette affirmation est
également fausse. La vitesse du courant peut ne pas dépasser 0,6 mètre par secondeet
cela a un effet significat if sur la capacité des eaux à disperser les effluents liquides
qu’elles recevront, ainsi que le montre les rapports indépendants commandités par
l’Argentine. 580 Le phénomène du inversion de co urant signifie que d’importantes
quantités de pollution seront charriées en amont et sont susceptibles d’atteindre le site
581
Ramsar.
5.68 L’Uruguay a également négligé de fo urnir des informat ions suffisantes
quant à la sédimentation. Le CIS n’examine pas les sédiments du fleuve en détail et la
question du changement géomorphologique n’est pas abordée du tout. Le fleuve Uruguay
est un environnement sédimentaire dynamique caractérisé par des taux élevés de dépôts
locaux de sédiments. Sur certaines portions du fleuve, telle la baie de Ñandubaysal, des
mesures récentes sur le terrain ont montré de s taux de l’ordre de 0,015-0,02 m/an, taux
relativement important indiquant un système extrêmement dynamique. A titre d’exemple
du dynamisme de ce processus, les images sa tellites montrent l’existence d’une petite île
à environ 10 km au sud de la baie de Ñand ubaysal qui n’était pas visible sur les cartes
fluviales 30 ans auparavant. Cet élément a de s incidences sur le courant futur et le
582
transport des polluants .
5.69 En se basant sur un taux de sédimentat ion plus faible, le CIS ne prend pas
en compte les changements géomorphologiques, qui sont intimement liés au dépôt et à
578Atlas Cartografico del Rio Uruguay, Cartas 705 y 801, 2002.
579V. CR 2006/47, déclaration Pr. Boyle du 8 juin, par. 3.
580V. en particulier le rapport Latinoconsult en sa section 2.2, qui note que les courants effectifs du fleuve
dépassent rarement 4000m³/s, soit beaucoup moins que la moyenne arithmétique de 6.230m³ retenue par le
CIS, livre V, annexe 3.. Les courants plus faibles résultent plus souvent que ne l’admet le CIS.
581V. les développements du chapitre VII, aux pars. 7.15-7.20.
582V. la section 5 du rapport Wheater, Annexes, livre V, annexe 5.
226l’accumulation de contaminants. Le Dr. Howard Wheater cons idère qu’il s’agit là d’une
omission grave, qui constitue un sujet de préoccupation eu égard aux changements
significatifs observés en quelques décennies . Cette question doit être réglée avant que
toute étude d’impact puisse être considérée comme complète.
5.70 En raison de l’augmentation du nive au d’eutrophisation, spécialement en
baie de Ñandubaysal, l’apparition de cya nobactéries et de cia notoxines sera plus
fréquente. Les risques posés par les cyanobactér ies et les cyanotoxines sont évoqués en
583
détail à la section 6.7.2 du rapport Latinoconsult . Le rapport examine la toxicité de la
microcystine et ses implicatio ns pour les humains et les an imaux. Le rapport note que,
dans les climats tempérés tels que ceux de l’Amérique du Sud, les plans d’eau dominés
584
par le genre Microcystine peuvent révéler une saison d’efflorescencede 6 à 10 mois .
Dans des contextes de concentration élevée de phosphore (évoqués plus haut), les
souches hépatotoxiquesproduisent plus de toxines. Les dégorgements dans l’eau
environnante produisent des toxines dissoutes (e ssentiellement lors de la sénescence, de
la mort et de la lyse de la cellule) et constituent un danger pour la santé.
5.71 Les problèmes liés à l’emplacement du site n’ont pas été traités, ainsi que
le confirme le rapport Hatfield qui décl are sans ambiguïté que l’Uruguay n’a fourni
aucune explication satisfaisante sur le choix de l’emplacement du site de l’usine Orion.
5.72 Le rapport CIS final ne remédie pa s à ces anomalies. Ainsi qu’il est
exposé au chapitre VII, l’emplacement choisi n’est pas adapté pour les raisons suivantes :
(1) il existe déjà un volume relativem ent important de phosphore (P) dans
le fleuve Uruguay , Cette situation est très préo ccupante et représente un
risque potentiel d’eutrophisation et de prolifération de plantes aquatiques,
particulièrement dans les sections pe u profondes et mouvantes du fleuve
583
584V. le rapport Latinoconsult, p. 40-47, Annexes, livre V, annexe 3.
V. le rapport Latinoconsult, p. 43, Annexes, livre V, annexe 3.
227 telles que les baies de Yaguareté et Ñandubaysal 585. Ces phénomènes
pourraient avoir des conséquences néfastes sur la santé publique.
(2) la zone choisie est un écosystème aquatique fragile qui conserve un
586
niveau de qualité qu’il est nécessaire et possible de protéger . Les baies
de Ñandubaysal et de Bellaco sont, av ec le lagon Ines, constitutives d’une
zone côtière très productive comprenant une large variété de refuges pour
des organismes aquatiques, et qui devrait de ce fait être déclarée sanctuaire
587
naturel . Les experts ont confirmé qu’il y avait une forte probabilité que
les réserves de poissons et la diversité de l’écosystème seront affectées par
les usines de pâte à papier.
(3) le phénomène de l’ inversion du courant aggrave la probabilité que des
contaminants atteignent des zones sensibles 588.
(4) plus de 90% de la production ha lieutique de la portion partagée du
fleuve, soit 4.500 tonnes par an, prov ient de la zone de l’usine Orion 589.
Des préoccupations existent quant à la bioaccumulation de contaminants
dans des espèces telles que le Sabalo qui sont utilisées pour la
590
consommation humaine .
(5) Gualeguaychú, en Argentine, es t un centre touristique important qui
attire les visiteurs grâce à ses plages et son carnaval annuel. La station
balnéaire de Ñandubaysal à Gualegua ychú rencontre un franc succès et
reçoit près de 450.000 personnes chaque année. Les atouts principaux de la
station sont l’eau claire de se s plages, de même que d’autres
considérations esthétiques. L’eutr ophisation, qui produit des odeurs
désagréables, des risques pour la santé et une couleur d’eau peu attractive,
ainsi que l’impact visuel de la prés ence des installations de l’usine Orion
585
586V. le rapport Wheater en sa section 6, Annexes, livre V, annexe 5.
587V. le rapport GTAN, p. 2, §5, Annexes, livre IV, annexe 1.
V. le rapport Latinoconsult, p. 28, Annexes, livre V annexe 3.
588V. le chapitre VII, par. 7.15.
589V. le rapport argentin du GTAN, Annexes, livre IV, annexe 1.
590
V. le rapport Latinoconsult, au §29b de son ‘Executive Summary’, p. 7, Annexes, livre V, annexe 3.
228 sur la rive opposée, auront des conséquences negatives très importantes sur
591
le tourisme .
5.73 L’Uruguay a choisi de situer l’usine Orion en un lieu proche de l’usine
CMB, dont le projet a été abandonné depu is. Cet emplacement n’est pas propice à la
dispersion des quantités de pollution qui seront rejetés dans le fleuve, eu égard à la nature
des eaux qui recevront la pollution, à la pr opension du site à la sédimentation et à
l’eutrophisation, au phénomène d’invers ion de courant et à la proximité de
l’agglomération la plus importante du fleuve Uruguay. Ainsi, en négligeant de prendre les
mesures nécessaires pour déterminer le car actère approprié des emplacements choisis,
l’Uruguay a commis une nouvelle violation de l’obligation qui lui incombe aux termes de
l’article 41(a) du Statut de prendre les mesures propres à empêcher la pollution.
F. L’U RUGUAY N ’A PAS PRIS TOUTES LES MESURES PROPRES À EMPÊCHER LA POLLUTION
EN N ’EXIGEANT PAS L ’UTILISATION DES « MEILLEURES TECHNOLOGIES DISPONIBLES »PAR
L’USINE
5.74 L’Uruguay reconnaît que l’article 41 du Statut de 1975 «a pour effet
d’incorporer les normes définies par la Co nvention de Stockholm sur les polluants
592
organiques persistants (2001) » . Il admet qu’il est dans l’ obligation d’appliquer «les
meilleures technologies dispon ibles» et «les meilleures pr atiques environnementales»,
comme l’exige l’article 5(d) de la Convention POPs de 2001.
5.75 Les rapports Wheater et Latinoconsult confirment que l’usine Orion ne se
conformera pas à toutes les exigences BAT. En ce qui concerne le traitement tertiaire des
effluents, le document BREF de l’Union européenne sur les industries de la fabrication de
pâte à papier et du papier déclare que celui-ci est nécessaire dans certaines hypothèses 59.
Ces hypothèses sont celles dans lesquelles le s concentrations de nutriments dans les
effluents doivent être diminuées si l’usine ef fectue ses rejets sur des récepteurs très
591
V. le chapitre VII, pars. 7.64-7.66 et 7.199-7.201.
592V. CR 2006/47, déclaration Pr. Boyle du 8 juin, par. 37.
593V. le document européen BREF en sa section2.3.14, p. 85-86, Annexes, livre V, annexe 15.
229sensibles. La technique est essentiellement utilisée pour réduire le volume de nutriments,
594
notamment de phosphore . L’emplacement de l’usine de pâte à papier Orion signifie
que les rejets seront effectués dans des eaux se nsibles, ce qui rend le traitement tertiaire
595
nécessaire si l’on se co nforme aux standards BAT , ce qui n’est pas le cas du projet
Orion.
5.76 Une autre violation des standards BAT a par ailleurs été co nstatée et elle
est liée à l’absence d’un bassin d’urgence vide afin de faire face à un déversement
important ou à des changements significatif s dans les effluents. Les standards BAT
596
exigent la récupération de presque tous les déversements et l’utilisation de réservoirs
tampons suffisamment importants pour stocker les concentrés ou les liquides chauds issus
597
du processus . Ces exigences liées répondent à de s impératifs environnementaux et de
sécurité selon le document BREF de l’ Union européenne. Orion affirme que la
conception de l’usine compre« nd three 8-h retention time basins
(equalization/emergency) that operate in a se mi-continuous manner, i. e. they are filled
continuously, and then the effluent quality in the basin is ch ecked prior to discharge into
the AST. In the event that a spill has occurred in the mill, the basin contents would have a
high COD and would be discharg ed into the AST in a manner that does not overload the
system». Cependant, l’égalisation des efflue nts est effectuée dans les deux bassins, qui
disposent d’une capacité de 8 heures chacun et fonctionnent de manière alternée (2 x
25.000m 3). Le troisième bassin, qu i correspond également à 8 heures de production en
marche normale, demeurera vide (25.000 m 3). Comme l’indique l’IAEST, ce bassin
supplémentaire ne saurait être consid éré comme un bassin d’urgence en cas de
déversement ou de problème de fonctionnement, dans la mesure où il s’agit plutôt d’une
598
installation opérationnelle et qu’elle se révèlera trop petite en cas d’urgence .
594
Ibid.
595V. les développements du chapitre VII, aux pars. 7.180-7.188.
596V. le document européen BREF en sa section2.3.9, p. 75-77, Annexes, livre V, annexe 15.
597Ibid, section 2.3.12, p. 80-82, Annexes, livre 5, annexe 15.
598
A l’usine de pâte à papier de Gunns, le bassin d’urgence a une capacité de 25 heures et celui de l’usine
de Valdivia de Arauco a une capacité suffisante pour 48 heures de fonctionnement.
2305.77 L’incapacité de l’Uruguay à exiger l’utilisation des «meilleures
technologies disponibles» et des «meilleur es pratiques environnementales» constitue
ainsi une nouvelle violation de son obligatio n de prendre toutes les mesures propres à
empêcher la pollution.
G. L’U RUGUAY N ’A PAS PRIS TOUTES LES MESURES PROPRES À EMPÊCHER LA POLLUTION
EN N ’APPLIQUANT PAS LES STANDARDS DE LA CARU
5.78 Le rapport Latinoconsult indique que le niveau de phosphore (P) dans le
fleuve Uruguay est déjà élevé. Cette situation est très préoccupante et représente un
risque potentiel d’eutrophisation et de prolif ération, particulièrement dans les sections
peu profondes et mouvantes du fleuve telles que les baies de Yaguareté et Ñandubaysal.
Le standard DINAMA de qualité de l’eau de surface est de 0,025 mg/l pour le
phosphore 59. Des échantillons divers, ti rés par la CARU en 1999 et 2001 sur la marge
droite du fleuve Uruguay, près de Gualegua ychú (dans la baie et le canal), oscillent
autour de 0,04 mg/l et 0,2 mg/l (en moye nne 0,097 mg/l) de ph osphore total: ces
résultats sont nettement supérieurs au standa rd DINAMA de 0,025 mg/l. Il s’ensuit que,
même si le processus de production de l’us ine Orion se conforment aux standards BAT,
l’eau réceptrice n’est pas en mesure d’abso rber plus de phosphore sans que cela ne
provoque des niveaux graves d’eutrophisation. Les conséquences de ceci pour la santé
humaine et animale sont envisagées au chapitre VII 600.
Section III
L´Uruguay a violé son obligation d´empêcher la modification de l´équilibre
écologique du fleuve Uruguay et de ses zones d´influence, notamment causant un
préjudice sensible au fleuve Uruguay et ses zones d´influence.
5.79 L’article 35 du Statut de 1975 fait peser sur l’Uruguay l’obligation
599
Article 5 du décret n° 253/79 pour la Classe 1 (fourniture d’eau de boisson), la Classe 2b (irrigation), la
600sse 2b (loisirs) et la classe 3 (protection de la vie aquatique) pour le P total.
V. le chapitre VII, pars. 7.43-7.44 et 7.195-7.196.
231 «d’adopter les mesures nécessaires pour que la gestion du sol et des
forêts, l’utilisation des ea ux souterraines et celle des affluents du fleuve
n’entraînent pas de modification causa nt un préjudice sensible au régime
de ce de dernier ou à la qualité de ses eaux ».
Cette disposition importante confirme l’importance que les Parties au Statut accordent à
la protection de la qualité des eaux du fleuve Uruguay et à son régime, ainsi que
l’existence d’une obligation distincte d’éviter de « caus[er] un préjudice sensible » à ses
eaux.
5.80 La décision de l’Uruguay de s’engager dans des opérations importantes de
plantation d’eucalyptus afin de fournir la matière première de l’usine Orion constitue une
activité qui a des incidences sur la gestion des sols et des forêts uruguayennes. Cette
décision a également des conséquences import antes pour la qualité des eaux du fleuve
Uruguay: l’existence de ces plantations d’ eucalyptus, de taille significative, est
aujourd’hui utilisée pour justifie r le fonctionnement de l’usin e Orion et l’utilisation qui
en sera faite contribuera directement à la pollution des eaux du fleuve. Or, l’article 35
impose à l’Uruguay une obligation d’adopter « les mesures nécessaires ». Ceci comprend
une obligation d’évaluer toutes les conséquences directes et indirectes pour le fleuve de la
décision de planter des eucaly ptus. En prenant cette décision , l’Uruguay n’a pas pris en
compte les impacts indirects de l’utilisation par la future usine de pâte à papier de la pâte
d’eucalyptus comme matière première. A tout le moins, cela signifie qu’il ne peut pas
imposer sa décision en la présentant comme un fait accompli: le fait que l’Uruguay ait
pris cette décision en matière de dévelo ppement économique il y a de nombreuses
années, mais après l’adoption du Statut de 1975, ne lui permet pas d’échapper aux
obligations environnementales qui lui incombent en vertu de ce Statut pour protéger le
fleuve Uruguay et ses zones d’influence.
5.81 L’article 36 prévoit que les Parties
232 « coordonnent, par l’intermédiaire de la Commission, les mesures propres
à éviter une modification de l’équilibr e écologique et à contenir les fléaux
et autres facteurs nocifs sur le fleuve et dans ses zones d’influence ».
Cette disposition est également importante, et ce pour quatre raisons. Premièrement, elle
confirme le fait que le Statut adopte un e approche de protection globale du fleuve
Uruguay et de son écosystème. Deuxièmement , elle précise clairement que les Parties
doivent coordonner leurs mesures, qui sont à prendre «par l’intermédiaire de la
Commission » : elles ne sont pas en droit de déterminer unilatéralement quelles mesures
sont propres à éviter «une modification » de l’équilibre écologique du fleuve.
Troisièmement, elle impose une obligation d’une portée extrêmement large, à savoir
éviter «une modification de l’équilibre écologique». Et enfin, quatrièmement, la zone
protégée couvre le fleuve et ses zones d’influence.
5.82 L’Uruguay a violé cette obligation. Il a agi unilatéralement en autorisant
l’usine Orion, sans transmission des inform ations à la CARU -ou, le cas échéant ,à
l’Argentine par l’intermédiaire de la CARU- en vertu du chapitre II du Statut de 1975, et
n’a pas communiqué à l’avance à la Commission -ou, le cas échéant ,à l’Argentine par
l’intermédiaire de la CARU- les mesures qu i seraient nécessaire s pour éviter toute
modification de l’équilibre écologique. Par ailleurs, il sera démontré au chapitre VII que
les mesures de l’Uruguay ne seront pas su ffisantes pour éviter des altérations de
l’équilibre écologique du fleuve. Sur une pé riode de plus de 40 an s, la sédimentation
accrue, les algues toxiques et l’eutrophisatio n qui résulteront du projet, particulièrement
dans la baie de Ñandubaysal, donneront to us lieu à une modification de l’équilibre
écologique. L’impact sur la diversité biologiq ue conduit lui aussi à une modification de
l’équilibre écologique, que l’Uruguay a imposé unilatéralement, en violation du Statut de
1975, á l’Argentine.
5.83 En conclusion, il apparaît que l’Uruguay a violé :
a) son obligation d’adopter t outes les mesures propres à protéger la qualité
des eaux du fleuve Uruguay et ses zones d’influence ;
233b) son obligation de prendre toutes le s mesures propres à protéger et à
préserver la diversité biologique du fleuve Uruguay et ses zones
d’influence ;
c) son obligation de s’assurer qu’une étude d’impact environnemental
complète soit préparée ;
d) son obligation de prendr e toutes les mesures propres à empêcher la
pollution en ne se conformant pas à ses obligations prévues par le chapitre
II du Statut de 1975 ;
e) son obligation de prendr e toutes les mesures propres à empêcher la
pollution en autorisant la constructi on de l’usine Orion sur un site pas
convenable ;
f) son obligation de prendr e toutes les mesures propres à empêcher la
pollution en n’exigeant pas l’utilis ation des «meilleures technologies
disponibles » par l’usine ; et
g) son obligation d’empêcher la modification de l’ équilibre écologique du
fleuve et de ses zones d’influenc e, notamment causant un préjudice
sensible au fleuve Uruguay et ses zones d’influence.
234 CHAPITRE VI
L’ENVIRONNEMENT AFFECTÉ PAR LES
USINES DE PÂTE A PAPIER PROJETÉES ET
LEURS INSTALLATIONS CONNEXES
235 Section I
Le Fleuve Uruguay et ses zones d’influence comme 601
un système écologique environnemental
6.1 Coté argentine, les eaux du fleuve Uruguay baignent la Mésopotamie,
2
région biogéographique de près de 200.000 km conformée par les provinces de
Corrientes, Entre Ríos et Misiones. C’est une région à fort dynamisme influencée
notamment par les changements hydrologique s provenant des hauts bassins des grands
fleuves Paraná et Uruguay et, en partie, par l’action du front maritime sur le système du
Río de la Plata. La région présente des caractéristiques géomorphologiques,
hydrologiques et limnologique s propres, et contiennent une grande variété et richesse
d’espèces ainsi qu’une grande dive rsité de types écologiques. Les taxa se répartissent
dans les différents habitats, en interagi ssant à travers leurs adaptations avec les
communautés aquatiques et terrestres de la région.
6.2 Le haut bassin du fleuve Uruguay traverse une forêt tropicale
pluristratifiée qui change ab ruptement vers une forêt semidécidue avec une présence
dominante du pin paraná menacé actuellement par le déboi sement et le remplacement
par des espèces introduites da ns l’ecosystème. Sur les tronç ons inférieurs prédomine la
végétation herbacée. La végétation côtière et aquatique est profuse, même si le débit
principal est variable en raison du changeme nt du niveau des eaux, des marges abruptes
et des substrats rocheux, avec prédominance de prairies dans des zones plus protégées.
Sont également fréquents les jonchais qui favorisent la présence d’autres plantes
flottantes.
6.3 La forêt en galerie se trouve liée au réseau de drainage, en conformant un
bandeau étroit mais densément peuplée par des espèces de taille moyennement haute .
601
Pour les références concernant cette section, v. infra chapitre VII et le rapport Latinoconsult
(« Assesment of the fluvial environment of the proposed Botnia pulp mill on Río Uruguay » -en particulier,
ses Annexes « E », « F » et « G ». In : http://www.ecopaedia.com.ar/publico/ea_report/ (username :
ea_annex ; password : ea_annex).
Voir aussi Annexes, livre V. annexe 3, livre VII, annexe 7 et livre VIII, annexe 6.
237Vers le bas Uruguay il y a une prédominance presque absolue du sarandí blanc dans la
région riveraine de la côte argentine, dans le s îles et sur le bord des baies comme c’est le
cas de Ñandubaysal et ses zones voisines.
6.4 Le type de végétation riveraine constitue un élément important pour
l’incorporation au système de matériel alloch tone particulaire gros qui sera employé par
les invertébrés bentoniques, associés aux marg es du fleuve Uruguay, ce qui détermine la
faune caractéristique de ce milieux.
6.5 Pour une partie importante du fleuve Uruguay il existe une haute diversité
de mollusques selon les différents habitats, aussi bien gastéropodes que bivalves. Des
sphérides et des profères ont été également identifiés.
6.6 Dans le fleuve Uruguay existent diverses espèces bentoniques autochtones
bien caractéristiques. Ils ont été identifiés 33 espèces de meso et macro-invertébrés, ce
qui peut être considéré un nombre haut par rapport aux autres corps d’eau en Amérique
du Sud. Dans la zone côtière il y une plus importante hétérogénéité environnementale –
qui résulte notamment de la présence de ma crophytes. Ceux-ci ont un effet direct sur
l’augmentation de la diversité.
6.7 Parmi les organismes qui se tro uvent à un niveau de tolérance
intermédiaire à la pollution il y en a certains qui appartiennent au groupe des mollusques.
Ceux-ci se trouvent associés aux substrats durs de la rive, et deviennent très importants
du fait de constituer le principal source alimentaire de nombreux poissons bentophages.
6.8 La présence et l’abondance d’organi smes bentoniques est déterminée
principalement par les caractéri stiques de l’habitat physique (hétérogénéité d’habitats
disponibles), la qualité de l’eau et la disponibilité et qualité des sources alimentaires.
Nous pouvons ainsi différencier un bentos littoral (plus grand nombre d’habitats
238disponibles, grande diversité, matière organi que particulaire grosse, …) d’un bentos
profond (diversité modérée, matière organique particulaire fine allochtone,…).
6.9 Par conséquent, à partir d’une diversité d’indices biotiques nous pouvons
conclure que la qualité écologique actuelle du fleuve Uruguay est qualifiable comme de
bonne à très bonne. Cela est mis notamment en évidence par la pr ésence d’organismes
sensibles dans le fleuve Uruguay, tels que les trichoptères et les odonates.
6.10 L’importance écologique et économique du bentos est significative, car
chez les organismes de ces communautés, no tamment en zone côtière, cela constitue une
ressource en soit ou bien c’est la source principale d’alimentation d’autres espèces à
importance commerciale (poissons bentophages , oiseaux). De la même manière, ils
jouent un rôle comme recycleurs de substan ces organiques et polluantes, avec les effets
en cascade qui en découlent sur la trame trophique de la communauté néritique.
6.11 Plusieurs tronçons du fleuve Uruguay sont caractérisés par le fait d’être
occupés par des zones humides consignés sur la Liste de zones humides d’importance
internationale reconnues par la Conventi on relative aux zones humides d’importance
internationale particulièrement comme habi tats des oiseaux d’eau , 1969 (Convention
RAMSAR). Les zones humides sont des écosys tèmes avec une productivité plus élevée
que les terrestres et la biodiversité de lafaune qu’ils soutiennent est élevée, le groupe
d’oiseaux étant l’un qui propose les plus fortes concentrations entre la faune de vertébrés.
Cependant, le même fait de se concentrer là où il y a de l’eau les rend particulièrement
vulnérables à toute altération dans leur environnement.
6.12 Dans le fleuve Uruguay les oise aux aquatiques sont profusément
représentés par les familles Ardeidae, Ciconiidae et Anatidae.
6.13 Il convient de signaler la valeur que présente pour la conservation
d’espèces la zone concernée, ce qui c onduit à la désignation d’AICOs (Aires
239d’Importance pour la Conservation des Oiseaux) et des zones identifiées suivant le code
ER02 ER03 qui comprennent la zone proche de Gualeguaychú. Cette zone se caractérise
par le fait d’avoir une grande diversité d’oi seaux d’herbages, y compris des populations
d’au moins 10 espèces menacées d’extinction, don t le Grive jaune, le Capucin à collier,
le Capucin à gorge blanche, le capucin à couronne grise, le Monjita Dominicana
(tyraniidae), le Capucin (emberizidae) à gorge café, le Capucin Châtain, le Tachurí
Cannelle, le Espartillero nain et le Ñandú (rheidae) . Il y a d’autres espèces menacées qui
se distribuent dans la zone : le Cardinal jaune, et l’ Atajacaminos à aile noire. Cette
dernière espèce apparaît dans des populations assez fragmentées, et donc plus sensible à
l’extinction locale.
6.14 Nous avons la nidification de certaines espèces de gaviotines (sternidae),
rayadores (rynchopinae) et chorlitos (charadrius) sur les grands bancs de sables proches
du fleuve Uruguay. Ces endroits sont consid érés en outre de grande importance à cause
de leurs caractéristiques environnementales, comme habitat permanent ou transitoire de
nombreuses espèces aquatiques, parmi lesque lles se trouvent les oiseaux migrateurs
néarctiques, dont certains se trouvent en recul numérique.
6.15 Dans l’avifaune aquatique du fleuve Uruguay et ses zones d’influence on
peut distinguer une série de groupes fonction nels, suivant les modèles d’exploitation des
ressources disponibles, sur la base de l’alimentation et l’habitat de chaque espèce : (i) les
oiseaux cherchant de l’alimentation en marchant sur les plages et les eaux peu profondes
(hérons, chorlos, playeros, cuervillos (petits corbeaux), bandurrias, ….) dont la source
d’alimentation principale est constituée par des invertébrés aquatiques –notamment des
mollusques, des crustacés et des insectes qu ’ils obtiennent en parcourant les plages,
inondées ou non, avec végétation ou sans elle, et (ii) les oiseaux qui nagent et plongent
pour se nourrir gallaretas (rallidae), macáes (podicipedilae) et le biguá ) dont la source
d’alimentation principale sont les poissons, (iii) les oiseaux qui chassent en vol ou depuis
des perches (martin pêcheurs et gaviotines, mouettes et rapaces), qui sont pour la plupart
des insectivores, qui généralement chassent le urs proies en vol, et (iv) les oiseaux qui
240parcourent la végétation émergente pour trouver sa nourriture (Passériformes, Furnaridés,
et certains Tyrannidés).
6.16 Parmi les espèces qui se nourriss ent d’organismes animaux (macro-
invertébrés aquatiques, insectes, crustacées, poissons, amphibiens et d’autres petits
vertébrés) se démarquent par sa taille les hérons et les ypacaá. Certains de ces oiseaux
passent à gué les eaux peu profon des tandis que les autres guet tent leur proie depuis une
perche sur l’eau. L’aigle pêcheur prend ses pr oies sur la surface pendant qu’il vole. Il
constitue une espèce migratoire de l’hémisphère nord. Même si parfois ils sont moins
manifestes par leur taille, ils sont très importants par leur nombre et biomasse au cours de
mois chauds, les chorlos, playeros, cuervillos et d’autres espèces d’oiseaux de plage qui
passent à gué les eaux peu profondes riveraines pour se nourrir d’insectes, de crustacés et
de mollusques, raison pour la quelle elles sont plus exposées à la bio-accumulation de
substances toxiques. Parmi les omnivores et he rbivores qui trouvent leur nourriture dans
l’eau, il faut mentionner les gallaretas et les canards.
6.17 En tenant compte de la nidification des oiseaux dans le secteur concerné, il
existe un nombre important d’ espèces aquatiques qui nidifi ent en formant de colonies
dans la région comme par exemple les hérons, le biguá, cuervillos, espátulas, macáes,
etc.
6.18 La faune de mammifères des milieux aqua tiques dans la région du fleuve
Uruguay est représentée par près de 26 espèces autochtones, en tenant compte même de
celles dont l’état de la popu lation est inconnu de nos jours mais que n’ont pas été
signalées comme disparues dans la région.
6.19 La composition de cette faune, qu ’est en rapport avec les milieux
aquatiques, comprend des espèces des Didelphimorphia, Chiroptera, Cingulata,
Rodentia, Odontoceti et Carnivore, dont certaines ont une valeur commerciale pour
l’industrie de la fourrure ou bien pour la consommation humaine. Parmi ces espèces nous
241trouvons certains qui sont presque strictemen t insectivores, carnivores, de préférence
ichtyophages, carnivores généralistes, omnivores et herbivores.
6.20 Du point de vue de la ichtyofaune, l’on observe que ce sécteur du fleuve
Uruguay appartient à la Province Paranoplatense même si on le situe dans l’Écorégion
du Bas Uruguay. Dans la Province Paranoplatense l’on trouve la plus grande diversité
d’ichtyofaune de l’Argentine, car on y trouve la plupart des familles du groupe dominant
des ostariofisos Cypriniformes ( sábalos, daurades, bogas, pacúes, bagres, viejas,
armados, surubíes, mojarras , ….), ainsi que des groupe s d’origine marine (raies,
clupéidés, anchois, pejerreyes, corbines, lisas et soles).
6.21 Le fleuve Uruguay avec le Paraguay et le Paraná agissent comme des
corridors d’icthyofaune, en facilitant l’entrée d’éléments tropicaux et sous-tropicaux de la
faune aquatique. Par ailleurs , ce fleuve et ses zones d’in fluence intègrent une zone
particulière d’endémisme qui connaît un dé veloppement plus important sur son tronçon
supérieur, en territoire brésilien.
6.22 Toutes les espèces de poissons, à ex ception des endémiques, connaissent
une large distribution dans le Bassin du Plata, et réalisent partiellement ou totalement leur
cycle biologique dans des différentes zones de cette région.
Section II
La spécificité de la région du fleuve Uruguay où les projets d’usines de pâte à papier
et les installations connexes ont été unilatéralement autorisés 602
6.23 Dans la région de Gualeguaychú coïncident quatre provinces
phytogéographiques : la prairie he rbacée pampéenne, la région du espinal, le district du
602
Pour les références concernant cette section, v. infra chapitre VII et le rapport Latinoconsult
(« Assesment of the fluvial environment of the proposed Botnia pulp mill on Río Uruguay » -en particulier,
ses Annexes « C », « D » et « F ». In : http://www.ecopaedia.com.ar/publico/ea_report/ (username :
ea_annex ; password : ea_annex).
Voir aussi Annexes, livre V, annexe 3, livre VII, annexe 7 et livre VIII, annexe 6.
242ñandubay et la forêt riveraine laquelle avec les milieux aquatiques conforment un
écosystème diversifié, complexe et riche en différentes ressources naturelles. La zone
d’étude est dominée par la forêt riveraine, avec des espèces d’arbres et d’arbustes qui
forment une masse forestière dense relativement basse.
6.24 La zone d’influence de Gualeguaychú couvre, sur une superficie
relativement réduite, une diversité marqué e par des différents mi lieux qui comprennent
une proportion importante de l’hétérogénéité de la végétation de la Mésopotamie. Sur un
rayon de 50 km autour de la ville de Gual eguaychú il est possible de reconnaître 5
différentes régions naturelles déterminées par la hétérogénéité géologique et
géomorphologique : la Pampa de la région d’Entre Ríos, l’Ancienne Plaine Littorale
connectée aujourd’hui avec la vallée du fleuve Paraná, la vallée du fleuve Gualeguaychú,
la Vallée du fleuve Uruguay et la plaine de la Bande Orientale de l’ Uruguay. Chacune de
ces régions naturelles présente une végétati on, en bonne mesure caractéristique, formée
par différentes communautés végétales représentatives des provinces phytogéographiques
du Paraná, la région du Chaco, de l’Espinal et Pampéenne.
6.25 La région de la Pampa de la région d’ Entre Ríos s’étend sur la plupart de
la Province d’Entre Ríos, en couvrant le nord-ouest de notre zone d’intérêt correspondant
aux cotes les plus élevées. Elle présente un paysage ondulé modelé par l’action de
ruisseaux affluents des fleuves Uruguay, Gu aleguay et Gualeguaychú sur sédiments
quaternaires de la Formation Hernandarias du Pléistocène Moyen très riches en argile
montmorillonitique. La végétation naturelle de la région est constituée par des herbages
parmi lesquels prédominent, par le secteur qu ’ils occupent dans les parties élevées du
paysage ondulé, les prairies de Mésophytes.
6.26 Ces prairies sont distribuées su r l’ensemble de la province
phytogéographique pampéenne. Celles d’Entre Ríos se distinguent par la domination
d’espèces d’herbes du type mamillaria elongata et par la fréquence élevée d’herbes de
243genres avec distribution sous-tropicale. Su r ces prairies on trouve également avec
fréquence des astéracées, des légumineuses, des espèces natives, des ombellifères, divers
genres de verbénacées, etc. ai nsi que d’autres à utilité fou rragère. En bonne mesure ce
type de végétation a été remp lacé par des cultures d’herbes et des espèces fourragères
pérennes (pâturages) et par des cultures annuelle s comme le blé, le soya, ou le tournesol.
Sur les proportions plus basses du pays age ondulé connectées avec les vallées des
ruisseaux, ce type de végétation cède la pl ace à d’autres trois types de végétation, les
Steppes d’Halophytes, les Pr airies d’Hydrophytes et les Savanes ou Forêts de
Xérophytes.
6.27 En outre il existe l’ancienne Plaine Li ttorale, région qui couvre la portion
sud-ouest de la zone, constituée par un e plaine qui se développe à des cotes
substantiellement inférieures que la Pampa de la Région d’Entre Rios à partir des
sédiments de l’Holocène. La plaine a été modelée à des périodes relativement récentes
par une combinaison de proces sus géomorphologiques du littoral marin, l’action fluviale
et l’action éolienne. Ceci a eu pour résultat une mosaïque complexe qui comprend des
dépressions noyées en permanence, fréquemment connectées avec des anciens canaux de
marée, des vastes plaines avec inondations alternées, surélévations et dépôts sablonneux
à caractère de dune littorale. Cette hétérogénéité se voit reflétée sur une diversité marquée
de communautés végétales: les buissons d’hygrophytes, les prairies humides de
mésophytes, les savanes d’espinillo et ñandubay, et les steppes de psamophytes.
6.28 Le fleuve Uruguay court au fond d’ une profonde vallée qui atteint 10 km
de largeur dans la zone. Les conditions de l’environnement dans cette vallée sont
fortement influencées par l’action morpho-génétique du fleuve, qui a déposé la plupart du
substrat, et par l’influence de la masse d’ea u sur les régimes de température et humidité
(par exemple, brouillards de nuit et du matin). Comme résult at de ces caractéristiques de
l’environnement et de l’action du fleuve comme transport de propagules à partir du nord,
dans la vallée de l’Uruguay on trouve de la flore de la province du Paraná, quoique avec
un grand appauvrissement des espèces. Cette région est, en conséquence l’abri des
244populations plus australes de nombreuses espèces. Les principaux types de végétation
caractéristiques de la vallée de l’Uruguay da ns la région de notre intérêt sont les
suivants : la végétation palustre, les buissons riverains et la forêt en galerie.
6.29 Le fleuve Gualeguaychú, affluent principal du fleuve Uruguay qui traverse
la Pampa d’Entre Ríos, est parvenu à couper la pile sé dimentaire de la Formation
Hernandarias et a exposé des sables et des lim ons argileux de la Fo rmation Ituzaingó du
Pléistocène Inférieur. Dans cette vallée, les commun autés de forêt correspondant aux
provinces phytogéographiques de Chaco et de l’Espinal pa rviennent à leur expression
maximale, qui sont également présentes dans les vallées de ruisseaux de la Pampa
d’Entre Ríos et dans des secteurs de la vallée du fleuve Uruguay. Comme dans le reste de
la région, la végétation primaire boisée de l’Es pinal se trouve très dégradée et détruite.
Les principaux types de forêts présentes sont : la forêt et les sava nes xérophytes, et les
forêts en galerie.
6.30 Les organismes aquatiques dans la ré gion sont de différents types. Parmi
les organismes du benthos se trouvent des espèce s sensibles: trichoptères et odonates, en
addition à des éphéméroptères, quelques bivalves et ancillides.
6.31 Les densités les plus fortes d’es pèces se trouvent dans les milieux
caractérisés par une végétation constituée notamment par jonchais, ce qui indique le rôle
majeur de la végétation riveraine. Elle offr e de l’abri et de la source d’alimentation
nécessaires au développement de la communauté d’invertébrés bentoniques et associés à
la végétation.
6.32 Les petites baies sont caractérisées par des valeurs en moyenne de matière
organique (MO) du sédiment qui ont varié entre 2 et 7,3 %, en raison de l’accumulation
continuelle favorisée par les caractéristiques lent iques du site et de la grande couverture
végétale. Des valeurs élevées de MO ont égalem ent été enregistrées dans le centre de la
baie de Ñandubaysal, probablem ent en raison du voisinage de l’embouchure du fleuve
Gualeguaychú, qui apporte des nutriments et de la MO au fleuve Uruguay. Pourcentages
245plus bas de MO ont été trouvés dans les stat ions du lit principal (MO <1%) où la plus
grande profondeur et l’énergie hydrauliqu e ne permettent pas l’accumulation de cette
ressource, à l’exception de zones de déposition sur la rive.
6.33 Comme il a été indiqué, il y a dans la zone 33 espèces sensibles, face à une
richesse moyenne d’entre 6 et 16 espèces po ur les autres corps d’eau similaires en
Amérique du Sud. Les valeurs plus élevées sont ceux qui correspondent aux groupes liés
à la végétation riveraine du lit principal du fleuve Uruguay et de la baie de Ñandubaysal.
6.34 Différents indices biotiques, nationau x et internationaux, permettent de
déterminer que la qualité éco logique du fleuve Uruguay es t qualifiable comme de bonne
à très bonne. Il convient de signaler, notamment, la présence d’une variété très importante
et aussi d’unes très grande sensibilité d’organismes bent oniques présentes dans des
macrophytes qui agissent positivement sur ces indicateurs. Des organismes sensibles à la
qualité environnemental la plus élevée selon lesdits indices biotiques ont été identifiés
dans les buissons de Ñandubaysal et dans les jonchais du lit principal du fleuve Uruguay.
Parmi les odonates il faut souligner certains tels que la Phyllocycla argentina, une espèce
se trouvant dans les zones de havre ou de faible vitesse de courant avec une
prédominance de sables, eaux limpides avec un taux élevé d’oxygène dissout.
6.35 Il convient de signaler une diversité él evée d’oiseaux, qui atteint près de
170 espèces en rapport avec le s milieux aquatiques et plus d’une centaine qui habitent
d’autres milieux.
6.36 On ne pourrait pas caractériser dans cette mémoire chacune des divers
unités de paysage qui conforment l’espace géog raphique du sud-est d’Entre Ríos et de la
côte du fleuve. Les unités visuellement co mpromises s’associent concrètement aux vues
depuis le Balnéaire de Ñandubaysal ou depuis le pont international Général San Martín.
246 Balnéaire Ñandubaysal, sur le fleuve Uruguay.
6.37 Le paysage qui intègre l’espace géographique du sud-est d’Entre Ríos est du type
rural, riche en diversité biologique. Très proche du Pont Libertador General San Martín, unissant
Fray Bentos – Puerto Unzué, se trouve la lagune de La Inés, qui est une pé nétration du fleuve de
faible profondeur, qui est emprun té par plusieurs espèces migrat oires de poissons, pour leur
reproduction. Cinq kilomètres pl us au sud se trouve l’embouchure du fleuve Gualeguaychú,
affluent du fleuve Uruguay, et soumis aux périodes d’étiage et de cru de ce fleuve.
6.38 La plus grande concentration touristique dans le secteur est appréciée dans la
Baie Ñandubaysal, dont l’environnement spécifique présente des traits naturels dans les zones
riveraines et un paysage fermé par des forêts pl antés qui appartiennent au boisement du parc et
une large plage sur le front riverain.
6.39 Le paysage de la zone riveraine du fleuve Uruguay sur le tronçon soumis à
étude présente une fragilité visue lle élevée associée à l’horizonta lité de son relief et à la
végétation riveraine dense mais basse. Ce la suppose qu’il ne s’agit pas d’un
247environnement ou peuvent être dissimulés fa cilement des structures ou des objets de
grand volume.
Le projet d’usine de pâte a papier Or.on
6.40 Du point de vue bio-géochimique le fleuve Uruguay a des caractéristiques
assez homogènes: faible turbidité ( ∼30-35 mg/L), courant généralement stable en aval,
faible profondeur (8 à 10 m), prédominance de fonds de sable, avec une rapide réduction
vers la côte argentine et une augmentati on parallèle des fractions fines dans les
sédiments. Voilà quelques particularités spéci fiques dans la zone où les projets des
usines de pâte à papier et ses installations connexes ont été unilatéralement autorisés:
• Fleuve Uruguay : la profondeur de près de 8 m, la déposition de gros matériaux,
des fonds de sable avec une rare prés ence de matière organique, une quantité
248 pigments dégradés et des nutriments élevés. Il s’agit d’un système de productivité
faible-modérée (oligo–mésotrophique), susceptible d’augmenter son état
trophique.
• Baie Bellaco – Ñandubaysal : baie semi-fermée peu prof onde (1.5-2 m) à faible
circulation avec des modèles circulaires, un plus grande nombre de solides en
suspension, déposition de matériaux fins , fonds limon-argileux, une chlorophylle
fraîche élevée et des nutriments plus fa ibles. Elle présente les caractéristiques
d’un environnement méso-eutrophique av ec des flux verticaux importants de
matériel phyto-planctoniques frais ce qui constitue une zone d’alimentation et
d’élevage de diverses espèces aquatiques. À l’ interieur de la baie prédominent les
sédiments limon-argileux et une abondante productivité biologique (plancton).
• Laguna Inés : lagune très peu profonde (0.3-0.5 m) en franc recul de colmatage
qui fonctionne comme un piège de matéri aux fins, avec 20-50 cm d’eau au cours
de l’échantillonnage, une turbidité élevée ( ∼160 mg/L), des sédiments de fins à
très fins, ruisseaux et abris avec une ab ondante végétation aquatique. Une grande
quantité de solides en suspension, fond s limon-argileux avec une re-suspension
fréquente, chlorophylle intermédiaire av ec des pigments dégradés et des
nutriments faibles. Elle présente des caractéristiques de zone humide en transition
vers la terre émergée, avec une abondan ce de plantes palustres et une diversité
d’abris. Connecté au fleuve Uruguay vers le nord par l’Arroyo Pereyra et avec la
baie Ñandubaysal vers le sud au travers d’un canal côtier et une zone de fonds
faibles.
6.41 La condition environnementale de la région étudiée est optimale en
présentant une ligne de basse très faible de polluants anthropogéniques, avec des apports
plus significatifs au cours des dernières 15 -20 ans. Sont recensées des traces de PCB,
249hydrocarbures aliphatiques pétrogéniques, aromatiques pyrogéniques et pesticide
organochlorés très en-dessous des valeurs de guide, aussi bien en sédiments qu’en
organismes. Les métaux lourds de la zone ont leur origine naturelle pour la plupart.
6.42 La baie avec la lagune Inés c onforment une unité écologique très
productive avec une diversité d’abris pour différentes espèces aquatiques susceptible
d’être protégée comme un sanctuaire naturel.
6.43 Ci-après, une synthèse des caractéristiq ues plus significatives de la zone
où les projets des usines de pâte à papi er et ses installations connexes ont été
unilatéralement autorisés:
• La zone présente des conditions envi ronnementales optimales avec un faible
impact anthropique. Les organismes se trouvant dans celle-ci présentent des
niveaux très faibles de tous les polluants.
• Le fleuve Uruguay se trouve à un état trophique inférieur avec des concentrations
plus faibles de chlorophylle A, une proportion plus élevée de pigments dégradés et
des nutriments plus nombreux.
• La Baie Bellaco-Ñandubaysal est un e nvironnement méso-eutrophique à haute
productivité qui exporte de la matière orga nique fraîche vers le fond et au fleuve
Uruguay où elle est consommée par les or ganismes bentoniques et détritivores.
Dans la Baie sont enregistrées des concentrations maxima de chlorophylle A avec
des rares pigments dégradés, nutrimen ts plus réduits par consommation
biologique et des forts flux ver ticaux de matériel (sédimentation ∼1.55 cm/an), y
compris de la biomasse algale fraîch e, avec accumulation nette de sédiments
limon-argileux enrichis en matière organique dans le fond.
• Laguna Inés est une zone humide en processus de colmatage avec abondante
végétation aquatique et diversité d’abris.
250 Section III
Le fleuve Uruguay comme axe de développement durable, du bien-être et de la santé
des communautés voisines 603
6.44 Le Produit Brut Géographique (PBG) d’Entre Ríos a atteint en 2003, 2%
du produit Brut Interne du pays. Dans le PBG, le secteur tertiaire est le plus important,
avec plus de 65% du total, dont on souligne particulièrement le tourisme, suivi par le
secteur secondaire qui atteint près de 20%; po ur finir, se trouve le secteur primaire, qui
représente 15% du produit provincial.
6.45 Le Département Gualeguaychú a près de 10.000 km 2. Sa population
dépasse 100.000 habitants, dont près de 75% habite à la capitale du Département, la ville
Gualeguaychú. Plus de la moit ié de cette population a entre 14 et 64 ans, ce qui met en
avant une large proportion du secteur écon omiquement actif. En 2001, 97,7% de la
population de plus de 10 ans du Département était alphabétisée.
6.46 En 2003, le PBG du Dépa rtement Gualeguaychú a représenté à prés le
10% du produit provincial.
6.47 Historiquement, la base fondamenta le de l’économie du Département
Guleguaychú a été l’agriculture et l’élevage. Il s’agit d’une région avec des nombreuses
exploitations d’élevage, des exploitations laitières et avicoles. Les principales cultures du
Département sont le riz, le maïs, le soya et le blé.
6.48 En comparaison avec la moyenne provinciale, la population du
Département de Gualeguaychú a un accès pl us important à l’eau de réseau. Dans la
603Pour les références concernant cette section, v. infra chapitre VII et le rapport Latinoconsult
(« Assesment of the fluvial environment of the proposed Botnia pulp mill on Río Uruguay » -en particulier,
son Annexe « M ». In : http://www.ecopaedia.com.ar/publico/ea_report/ (username : ea_annex ; password :
ea_annex)
Voir aussi Annexes, livre V, annexe 3, livre VII, annexe 7 et livre VIII, annexe 6.
251région nord de la ville de Gualeguaychú, op ère une station de potabilisation. Les travaux
réalisés dans ladite station ont permis d’améliorer sensiblement le niveau de production,
en quantité et en qualité, à ce qu’on a ajouté une augmentation de la capacité de réserve et
l’exécution de forages à différents points de la ville, qui fonctionnement comme renfort
du système. De cette manière l’on répond à l’expansion de réseaux et à l’augmentation de
plus de 10.000 connections effectuées dans les Secteurs Nord, Est et Sud. La station a une
capacité de production de 950m 3/h. De nos jours, la ville dispose de près de 22.000
parcelles avec service disponible. 87 % du secteur urbain est connecté au réseau.
6.49 Actuellement le Plan Totalisateur d’Eau et d’Égouts est en cours, ce projet
est élaboré et géré de la Direction des Trav aux Publics, qui est également prestataire de
l’ensemble du service et a pour objet l’expa nsion et le renouvellement des réseaux pour
servir toute la population.
6.50 La station de traitement de liquides ménagers (procédant des foyers, des
institutions publiques et commerces) a une surf ace de 22 has; est intégrée par trois séries
de lagunes de stabilisation aérées et de sé dimentation placées en pa rallèle, et par des
éléments complémentaires (station de pomp age, dessableur, chambre de mesure de
débits, chambre de chloration, centre d’ enfouissement technique pour des solides à
extraire du fond des lagunes), sa fonction ét ant l’élimination des po lluants à travers le
processus de stabilisation naturelle.
6.51 La station de traitement a été conç ue pour une population de 112.000
habitants desservis par le réseau d’assainissement, ce qui représente la population estimée
20 ans à l’avenir de sa mise en service.
6.52 Le secteur urbain de Gualeguayc hú possède 8,5 km. de réseau
d’écoulement d’eaux pluviales, le reste ruisselle superficiellement.
6.53 La population d’arbres à titre général est en bon état. Seulement dans une
section de la ville de Gualeguaychú, il y a pl us de 10.000 arbres, et un espace disponible
252pour reboiser de près de 8.000 places. En ce que concerne le reste de la ville, il est estimé
qu’il y a entre 5.000 et 7.000 arbres plus.
6.54 De nos jours, le tourisme est le s ecteur plus dynamique de la région.
L’activité touristique se développe notamme nt à partir du dénommé le “Carnaval du
Pays”, qui a lieu tous les ans et attire des visiteurs de l’Arge ntine et de l’étranger. De la
même manière, l’on souligne la présence de centre de bains d’ eau thermales et les
activités liées à la plage et au fleuve, tell es que des activités de loisir, les activités
nautiques et la pêche sportive.
6.55 Les ressources naturelles jouent un rôle important dans l’économie de la
province. Beaucoup d’espèces de la faune de mammifères qui sont en rapport avec les
milieux aquatiques, ont une valeur commerciale pour l’industrie de la fourrure ou pour la
consommation humaine.
6.56 L’activité touristique dans la région de Gualeguaychú est très importante.
Elle est à la base d’autres activités éco nomiques connexes, comme les agences de
voyages, le logement, les restaurants, le transport, la location de voitures, le commerce et
les services culturels et de loisir.
6.57 Les produits touristiques qui car actérisent l’offre du Département
Gualeguaychú sont : le carnaval, les plages, la nature, les sports, le s loisirs, les activités
culturelles et les bains d’eaux thermales. Parmi ces produits, les plus consolidés sont le
Carnaval de Gualeguaychú et le tourisme ba lnéaire, ce dernier en rapport directe avec la
nature.
i) Carnaval de Gualeguaychú . C’est une fête populaire traditionnelle qui a lieu
tous les samedis depuis le 7 janvier jusqu’ au premier week-end du mois de mars.
Pour son déroulement, la ville dispose d’un amphithéâtre avec une capacité pour
40.000 personnes. Cette infrastructure est la deuxième en ordr e d’importance en
Amérique Latine après celle de Río de Jane iro. Il s’agit d’un défilé compétitif de
25340.000 personnes. Cette infrastructure est la deuxième en ordr e d’importance en
Amérique Latine après celle de Río de Jane iro. Il s’agit d’un défilé compétitif de
quatre « comparses », qui, pour leur présen tation, requièrent d’un travail artisanal
de plus de 2000 personnes. Le carnaval compte avec la présence de spectateurs
qui font d’autres activités au cours de la journée, surtout celles liées au soleil et la
plage. Sans aucun doute, il s’agit de la ressource touristique la plus importante et
qui a renforcé les autres segments du marché.
ii) Soleil et plage . Ce produit est représenté, d’un e part par les balnéaires sur la
rive du fleuve Gualeguaychú, et d’autre part par les plages de Ñandubaysal, une
des plages des plus importantes de la zone, à 15 km de la ville de Gualeguaychú et
située dans une baie sur la rive du fle uve Uruguay, c’est la préférée par le
tourisme à cause de son ampleur et sa qualité.
Activités de loisir sur le fleuve Uruguay.
254 comprises les visites à la réserve municipale privée Las Piedras pour
l’observation d’oiseaux et pour faire de promenades guidées.
iv) Tourisme sportif. Il se fonde sur la pratique de s sports nautiques, les services
qui offrent les ports de plaisance et les services d’embarcation pour la navigation
sur le fleuve . Il comprend aussi la pêch e sportive, qui s’associe à la capture du
pejerrey, surtout en hiver.
v) Loisirs et tourisme culturel. Le premier volet comprend le casino, les théâtres,
les discothèques et les cafés. Le second volet les visites aux monuments
historiques et religieux, ainsi que les musées. Il s’agit d’une activité
complémentaire des deux produits principaux susmentionnés dont il faut souligner
l’activité du casino.
vi) Tourisme thermal. Gualeguaychú a les complexes de tourisme thermale plus
proches de la ville de Buenos Aires, ca pitale du pays. Le complexe le plus
important possède des services de piscin es d’eau salée avec des températures
allant de 38° à 40° Celsius, dont deux couvertes. Actuellement c’est l’un des
produits qui se consolide avec des nouveaux investissements.
6.58 Le premier indicateur de l’activité tour istique dans la zone est le nombre
significatif de touristes que se rendent à la ville de Gualeguaychú –particulièrement pour
visiter les plages et attractions naturelles voisines. Leur nombre dépasse les 400.000 à la
haute saison et les 90.000 en basse saison, indépendamment du fait d’avoir augmenté le
nombre moyen de jours de séjour.
6.59 Un deuxième indicateur est le nomb re d’établissements pour donner
logement aux touristes.
2556.60 Un troisième indicateur qui montre l’ importance de l’activité est le
personnel occupé: même si l’on observe une fluctuation saisonnière associée aux activités
balnéaires.
6.61 Un quatrième indicateur est conformé par les investissements dans le
secteur : en addition aux investissements da ns le secteur hôtelier, le premier casino
thématique en Amérique Latine a été inaugur é, l’autodrome a été élargi, l’amphithéâtre
où a lieu le défilé de Carnaval a été renouv elé, une nouvelle salle de conventions et un
deuxième complexe d’eaux thermales ont été bâtis.
6.62 Les activités liés au tourisme actif et à la santé sont également importantes
pendant les week-ends tout le long de l’ année. Notamment le tourisme thermal qui
dégage des flux de demande propres pour des raisons de santé, de relax ou simplement de
récréation.
6.63 Plus de 80% des touristes qui arrive nt à Gualeguaychú sont liés au
tourisme balnéaire, et ce dernier se concentr e dans le Balnéaire de Ñandubaysal, devenu
l’attractif le plus important du marché et que reste comme destination préféré, notamment
par la qualité de ses plages de douces pentes et de sable très bl anc. Aux alentours du
balnéaire ont été découvertes des sites archéolo giques de diverses ethnies aborigènes qui
y ont habité l’endroit.
6.64 Aves Argentinas (Oiseaux Argentins) et le Conseil Mondial de BirdLife
International, avec le soutien du Ministèr e des Affaires Étrangères, du Commerce
International et du Culte, ont déclaré publi quement et officiellement en Argentine les
premières six « Zones d’Importance pour la Conservation des Oiseaux " dont la zone de
Ñandubaysal.
6.65 En conclusion, la partie du fleuve Urugua y et ses zones d’infl uence où les projets
d’usine de pâte à papier et les installations connexes ont été unilatéralement autorisés a
une sensibilité toute particulière du point de vue environnementale. Ceci, notamment en
256raison de l’énorme diversité biologique qu’elle présente et la pureté de son écosystème.
Ces caractéristiques ont permis que la régi on de Gualeguaychú et du balnéaire de
Ñandubaysal et ses zones voisines soient fort ement valorisés du point de vue touristique,
en devenant une source de revenus pour les plus de 100.000 habitants de Gualeguaychú
et les autres communautés voisines. Pour ces habitants, la préservation du fleuve Uruguay
et ses zones d’influence est étroitement liée à leur propre qualité de vie.
257 CHAPITRE VII
LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DE
L’USINE DE PÂTE À PAPIER ORION
259 Section I
Introduction
7.1 Ce chapitre traite des conséquenc es environnementales du projet
d’usine de pâte à papier Orion à la lumièr e des informations mises à disposition lors
des études nationale et internationale d’ évaluation des impacts environnementaux, et
des rapports d’experts indépendants comman dités pour les besoins de cette instance.
L’usine est proposée par une compagnie finl andaise, OY Mesta Botnia AB (Botnia)
pour être construite près de Fray Bentos, en Uruguay. Les documents auxquels il est
fait référence dans ce chapitre désignent pa rfois l’usine de pâte à papier proposée
sous le vocable d’ « usine Orion ».
7.2 Le contexte factuel et juridique de l’autorisation de l’usine Orion par
l’Uruguay a été exposé aux chapitres II et III. Ces chapitres montrent que, à la base de
l’impact négatif de l’usine projetée sur le fleuve Uruguay et ses zones d’influence,
existe la violation par l’Uruguay en préjudice de l’Argentine d’un traité international,
le Statut du fleuve Uruguay de 1975, qui réglemente une ressource partagée par des
normes particulières qui se conforment aux règles et principes du droit international
universellement reconnus en matière de protection de l’environnement.
7.3 Ce chapitre est divisé en cinq parties. La Section II décrit la situation
et la qualité environnementales actuelles du fleuve Uruguay et ses zones d’influence à
proximité. La Section III décrit le fonctionnement des usines comme la projetée et
évalue les impacts environnementaux habituels des usines de pâte à papier de ce type,
y compris un certain nombre de risque s environnementaux intrinsèques. Elle
envisage, en particulier, les impacts résultant des prélèvements d’eau et des émissions
et effluents rejetés dans le fleuve et son environnement, y compris dans l’atmosphère.
La Section IV décrit de manière relativement dé taillée les modes de fonctionnement
envisagés pour l’usine Orion et les types de rejets à être produites par celle-ci. La
261Section V décrit les effets sur l’environnement , selon les rapports disponibles,
résultant de la construction et du fonctionne ment de l’usine de pâte à papier, sur le
fleuve Uruguay et ses zones d’influence. Il s’agit notamment de conséquences sur la
qualité de l’air et de l’eau, de la producti on de nuisances sonores, visuelles et de
confort et des risques pour la santé humaine et animale, notamment par l’apparition et
le développement d’algues. Les impacts spéci fiques sur le secteur du tourisme sont
également évoqués. La Section VI permettra de conclure en rassemblant tous les
éléments de ce chapitre, afin de mont rer comment l’autorisation d’une usine
«suffisamment importante pour affecter [...] la qualité [des eaux du fleuve
Uruguay] » a pu être accordée par l’Uruguay en violation du Statut de 1975 sans que
l’Uruguay ne soit en mesure de démontrer qu’ il a pris toutes le s mesures nécessaires
pour protéger et préserver l’environneme nt aquatique du fleuve Uruguay et en
empêcher sa pollution .
7.4 De manière générale, il va être montré dans ce chapitre qu’aucune
étude exhaustive et déta illée de l’ensemble des risques possibles pour
l’environnement que présente cette usine de pâte à papier n’a été réellement fournie à
ce jour. Les incertitudes inhérentes à l’éval uation des risques posés par l’usine Orion
sont au coeur de toute évaluation de ce pr ojet, en particulier au vu des conséquences
graves pour la qualité de l’eau, pour la vie aquatique et pour la santé humaine, y
compris à travers la bioaccumulation de po lluants dans la chaîne alimentaire ou
d’autres formes d’expositions à des substa nces chimiques toxiques. Ces incertitudes
n’ont absolument pas été traitées de manièr e satisfaisante au cours de la procédure
d’évaluation d’impact. Ces co nclusions sont détaillées dans la Section VI de ce
chapitre.
7.5 Les principaux documents auxquels il sera fait référence dans ce
chapitre sont les suivants :
(a) «Assessment of the Fluvial Environm ent of the Propos ed Botnia Pulp
Mill on Río Uruguay at Fray Bentos, Uruguay» , rapport préparé par
262 Latinoconsult S.A. pour le Secrétariat à l’environnement d’Argentine, daté
604
du 5 décembre 2006 («le rapport Latinoconsult» ). Le rapport fait
également référence au travail de l’ Independent Argentinian
Environmental Scientific Team (IAEST), qui a développé une évaluation
des caractéristiques environnementales du fleuve Uruguay et envisagé les
605
effets de l’usine projetée ;
(b) « Review of the IFC Cumulative Impacts Study for Botnia’s Uruguay Pulp
Mill », disponible le 4 dé cembre 2006 («le rapport Wheater») 606. Ce
rapport a été préparé par le Professe ur Howard Wheater et le Dr Neil
McIntyre du Département d’ingénierie civile et environnementale de
l’Imperial College of Science, Techno logy and Medecine de Londres. Ce
rapport, préparé en réponse à une commande de l’Argentine, est centré sur
les aspects liés à la qualité de l’ air et de l’eau , de l’impact sur
l’environnement du projet d’usine Orion ;.
(c) « Cumulative Impact Study » (« le CIS ») : la version finale du CIS sur les
607
usines de pâte à papier de l’Uruguay a été révisée par des consultants d’
EcoMetrix Incorporated, SENES et Processys et a été publiée en
septembre 2006 608.
Le CIS avait été commandité par la Société financière internationale (SFI),
609
filiale de la Banque mondiale . Toutes les références au CIS sont des
610
références à cette version finale, sauf mention contraire .
604V. vol. V, Annexes, livre V, annexe 3.
605Les conditions de nomination et de travail des membres de l’IAEST sont exposés dans le rapport
606inoconsult en sa section 1, p. 12, Annexes, livre V, annexe 3.
V. Annexes, livre V, annexe 5.
607Le CIS présente une évaluation commune des effets potentiels de l’usine Orion proposée et d’une
seconde usine proposée par Em presa Nacional de Celulosa Espana (ENCE) pour être construite en amont
du site de Botnia. L’ENCE a annoncé son intention de modifier l’ emplacement de l’usine qu’elle propose
après le début du CIS finale (FCIS).
608Un résumé du processus de rédaction et de révision du CIS est présenté aux sections 4.1.1.-4.1.2 du CIS,
p. 4.2-4.7.
609A la suite de la publication de l’évaluation environnementale faite par les sociétés ENCE et BOTNIA, la
SFI a demandé en juillet 2005 à des experts indépendants de conduire une étude d’impact cumulée (CIS).
Cette étude d’impact global a été définie comme « a study of the cumulative social and environmental
263 (d) le rapport de la délégation argentine au groupe de haut-niveau argentino-
uruguayen («le rapport argentin du GT AN») : ce rapport, daté du 3
février 2006, expose les conclusions de la délégation argentine au GTAN,
présentés séparement en raison du échec de cette instance de
611
négociation .
(e) l’étude d’impact environnemental préparée par Botnia pour l’usine de pâte
à papier proposée. Botnia a présenté son étude d’impact environnemental
(EIE) originelle le 31 mars 2004 61.
(f) le rapport « Hatfield » : cet examen du projet de « CIS » a été commandité
par la SFI et publié le 27 mars 2006 (« le rapport Hatfield »). Cette analyse
a été préparée par deux experts, M. NeilMcCubbinetMr.L.Wayne
Dwernycjuk de Hatfield Consultants. L’étude identifie des faiblesses
majeures dans le projet de CIS (et les études d’impact environnemental
(EIE) sur lesquels il se fonde) liées à « a lack of information rather than to
environmentally deficient factors in the proposed mill designs and
operations » 613.
(g) « Les rapports intitulés « Synthèse des conséquences sur l’environnement
des usines de pâte à cellulose et du modèle forestière en Uruguay »,
préparée par l’Université de la Républ ique et publiée en juin 2006, et
«Consultacy report on pulp mills» , préparée par une équipe d’experts
impacts likely to occur with the development of these two pulp mills projects in Uruguay. It focuses
specifically on the cumulative impacts, although information on the direct impacts of each specific
operation is included where necessary ». Cumulative Impact Study. Uruguay Pulp Mills, 19 Décembre
2005, p.5
610V. Annexes, livre V, annexe 6 .
611V. Annexes, livre IV, annexe 1. Le GTAN fut établi en tant qu’instance de né gociations directes entre
les deux pays et s’est réuni douze fois entre août 2005 et janvier 2006 – v. le rapport argentin du GTAN, p.
3.
612V. Annexes, livre V, annexe 7.
613V. Annexes, livre V, annexe 9. V. l’étude, p. 2.
264 cordonné par le Dr. Marcelo Conti, professeur à l’Université de Rome «La
Sapienza». 614
7.6 Botnia a préparé une EIE et l’a soum ise à la Direction nationale pour
615
l’environnement du gouverneme nt de l’Uruguay (DINAMA) . L’entreprise a
d’abord présenté son EIE origin elle (sans toutes les annexe s) le 31 mars 2004 et sa
616
version finale le 7 avril 2004, lors que plusieurs annexes furent soumises . Botnia a
également fourni un certain nombre de ve rsions de son rapport environnemental au
cours de l’année 2004, qui ne furent pas acceptées par la DINAMA. Finalement, une
version datée du 2 décembre 2004 fut acceptée et déclarée finale par la DINAMA, qui
traita l’ usine Orion comme un projet de catégorie C, soit un projet potentiellement
très polluant.
7.7 Botnia a contacté la SFI pour obteni r son soutien. Afin de remplir les
conditions de sa Politique d’évaluation environnementale (OP 4.01), la SFI décida en
juin 2005 qu’une étude supplémentaire de s effets sociaux et environnementaux
cumulatifs était nécessaire 617 et elle commandita le CIS en août 2005. Celui-ci devait
considérer l’impact de l’usine Orion et de l’usine de pâte à papier proposée par
Empresa Nacional de Celulosa España (ENCE), ainsi que la question de leur
approvisionnement respectif en matières premières. Le pr emier projet de CIS a été
rendu public en décembre 2005. Il a ensuite fait l’objet d’une enquête publique. Il a
également été examiné par des experts in dépendants. Le rapport de ces experts
indépendants fut publié en avril 2006 sous le nom de rapport Hatfield. Celui-ci a
identifié des faiblesses majeures dans le projet de CIS. Le CIS a été révisé en
614V. Annexes, livre V, annexes 1 et 4.
615
616Direccion Nacional de Medio Ambiente (DINAMA).
Une série de requêtes à fins de plus ample information fut présentée par la division des études d’impact
environnemental de la DINAMA au cours de l’année 2004 et Botnia fournit des documents
supplémentaires que la DINAMA, dans son rapport du 11 février 2005, évoque comme étant présentés « in
a very vague fashion» et ne répondant que de mani ère insatisfaisante aux ques tions posées – v. p. 1 du
rapport DINAMA, Annexes, livre V, annexe 8.
617
Le CIS déclare que les études d’impact cumulatives couvrent les effets potentiels associés aux projets et
aux conditions existantes, ceux des projets proposés et ceux des autres évènements qui peuvent être définis
de manière réaliste au moment où l’ étude est préparée et qui auront un e incidence directe sur la zone du
projet – v. le CIS en sa section 4.0, p. 4.1, Annexes, livre V, annexe 6.
265 conséquence pour faire suite aux recommandati ons du rapport Hatfield et la version
finale du CIS fut publiée le 12 octobre 2006.
7.8 L’Argentine a commandité un rapport quant aux effets de l’usine
Orion sur l’environnement du fleuve Ur uguay. Le rapport a été préparé par
618
Latinoconsult S.A. et s’est vu remis au gouvernement argentin le 5 décembre 2006.
Ce rapport résume les conclusions e ssentielles d’un examen des évaluations
environnementales élaborées en vue d’analyser les effets de l’usine projetée de pâte à
papier Orion.. Le rapport du Professeur Howard Wheater de l’Imperial College de
Londres fut rendu public le 4 décembre 2006.
7.9 Enfin, l’Argentine renvoie au chap itre I de ce mémoire pour son
commentaire relatif à la proposition d’une seconde usine de pâte à papier par la
société espagnole Empresa Nacional de Ce lulosa Espana (ENCE) et au retrait
subséquent de ce projet.
Section II
Le niveau de qualité actuel du fleuve Uruguay et ses zones d’influence
7.10 L’emplacement prévu pour l’usine Orio n est situé sur la rive gauche
du fleuve Uruguay, près de la ville de Fray Bentos, département uruguayen du Rio
Negro. L’usine est à moins de 700 mètres de la frontière internationale (constituée par
l’axe du chenal principale) ; la terre argentine la plus proc he est l’île de Santa Inés, à
environ 1.600 mètres. C’est le fleuve Uruguay qui constitue la frontière internationale
entre l’Argentine et l’Uruguay dans cette région 619.
7.11 La plus grande partie des terres situées à proximité des sites des projets
est affectée à l’agriculture et à la productio n forestière. Le fleuve est utilisé pour la
618Latinconsult S.A. était la socé maîtresse de l’élaboration du pport mais les travaux en furent
conduits par un consortium de trois so ciétés de conseil: IATASA (Argen tine) et ESSA Tecnologies, Ltd.
619nada).
Annexes, livre VIII, annexes 1-5.
266 consommation d’eau, la pêche et les loisirs par les habitants de la région et les
touristes. On trouve également des zones de plages grandes et petites le long des deux
rives argentine et uruguayenn e du fleuve, qui sont utilis ées pour les loisirs et le
tourisme. La station balnéaire de Ñandubay sal est située à l’ouest sud-ouest, sur la
rive argentine, à seulement 11 kilomètres de l’emplacement pr évu pour le projet
Botnia. Les effluents traités issus de l’usine Orion seront déversés directement dans le
fleuve Uruguay.
7.12 Le fleuve Uruguay est, après le Rí o Paraná, le plus important cours
d’eau s’écoulant vers le Rio de la Plata 620. Son bassin hydrologique recouvre
approximativement 365.000 km², dont 51% sont situés au Brésil, 33,5% en Argentine
et 15,5% en Uruguay. Son cours inférieur, où l’usine Orion sera située, a été
caractérisé dans le CIS comme un enviro nnement estuarien doté d’un chenal
relativement large (1,8 km près de Fray Be ntos) et plat, avec de nombreuses îles. Le
fleuve s’élargit progressivement, passant de 6 kilomètres près de Las Cañas à un
maximum de 12 kilomètres au niveau de Nueva Palmira. Les cours moyens et
supérieurs du fleuve, au-dessus du barrage de Salto Grande sont caractérisés par une
largeur de chenal relativement étroite, des pentes de lit du fleuve abruptes et de
nombreux rapides.
7.13 Le fleuve Uruguay présente un certain nombre de particularités qui
nécessitent une attention toute particulière lorsqu’il s’agit d’ autoriser un projet
pouvant avoir un impact significatif sur sa qualité. Ces particularités comprennent
notamment :
(i) la très faible profondeur de parties importantes du fleuve ;
(ii) les bancs de sables qui caractérisent son lit ;
(iii) sa relative lenteur, qui signifie que le transport ( i.e. la dispersion et
l’advection) des polluants sera lent ; et
620
V. le CIS , p. ES. P. x, Annexes, livre V, annexe 6.
267 (iv) le phénomène d’inversion de cour ant, qui signifie que les polluants
peuvent être transportés en amont et pe uvent demeurer à proximité de la zone
où ils ont été initialement rejetés dans le fleuve.
Ces caractéristiques sont particulièreme nt marquées autour de l’emplacement
retenu pour l’usine Orion. Le fait que ces particularités n’aient pas été prises en
compte par l’Uruguay et que la localisation de l’usine Orion n’ait pas été soumise
à une évaluation ou à un examen préalable approprié, en conformité avec le Statut
de 1975, constitue un aspect central du différend.
7.14 Le contexte environnemental et social de l’installation de l’usine Orion
est décrit à la section 3 du CIS. L’Arge ntine souhaite souligner que il y a beaucoup
d’aspects importants des particularités de l’environnement du fleuve Uruguay qui
n’ont soit pas été évoqués de manière co mplète, soit ont été évoqué de manière
erronée par le CIS 621. Ces carences du CIS sont les suivantes :
(a) l’occurrence du phénomène d’inversion de courant du fleuve est beaucoup
plus fréquent à proximité de l’usine Orion que ne le reconnaît le CIS ;
(b) l’analyse lors du CIS de la dispersion du panache est erronée car elle ne
622
repose pas sur des scénarios caractéristiques et critiques . Les
concentrations d’effluents du pa nache devraient vraisemblablement
différer de celles découlant des émissions de l’usine.
(c) les données hydrologiques récentes sont caractéristiques d’un cycle
météorologique humide et, dans le futu r, le projet est susceptible de
fonctionner dans les conditions d’un cycle sec, dans lequel les courants
moyens sont inférieurs à ceux utilisés dans le CIS.
Le reste de cette partie souligne par ailleurs d’autres carences dans l’analyse par le
CIS du contexte environnemental de l’usin e Orion, identifiées dans les rapports
Latinoconsult et Wheater :
621
V. le rapport Latinoconsult en sa section 2, p. 13-18, Annexes, livre V, annexe 3.
622D’après un expert de l’IAEST, de manière générale, l’analyse de la dispersion du panache par le CIS ne
sous-estime pas, mais au contraire surestime les conc entrations d’effluents du panache dans les récepteurs.
Il sous-estime probablement cette concentration uniquement le long, ou à proximité , de l’axe du panache,
dans la mesure où le modèle retenu par le CIS utilise des coefficients de dispersion plus importants que
ceux utilisés par le rapport Latinoconsult.
268 (d) l’absence de prise en compte du rôle potentiel des sédiments du fleuve et
de la géomorphologie ;
(e) la prise en compte insuffisante de la qualité et de la vulnérabilité
environnementales du fleuve Uruguay ;
(f) l’absence de prise en compte de l’ éventail complet des formes de vie
aquatique dans le fleuve Uruguay ;
(g) l’absence de prise en compte de l’év entail complet des autres formes de
diversité biologique dans la zone ;
(h) l’absence de traitement des conséquen ces des plantations d’arbres sur le
cycle de l’eau ;
(i) une mauvaise appréciation des impacts socio-économiques du projet.
7.15 (a) Inversion de courant et autres aspects : le fleuve Uruguay est
soumis à un même phénomène désigné de façon variable comm e l’ inversion de
courant, ou plus généralement les conditi ons de marées. Ceci se passe lorsque le
courant du fleuve change de direction et se déplace vers l’amont sur des périodes de
temps plus ou moins longues. Le phénomène de l’inversion de courant dans le fleuve
Uruguay et ses implications quant à l’imp act environnemental des usines de pâte à
papier ont été soulignés par la délégation argentine au GTAN 623. Pourtant, et malgré
le fait que la question avait été soulevée tr ès tôt, l’Uruguay a constamment refusé de
la prendre en considération.
7.16 Le CIS reconnaît l’existence de ce phénomène 624. Pourtant, il se
contente de prétendre que celui -ci ne se produit que « quel ques fois par an ou moins
fréquemment » 625. Il s’agit là d’une erreur considérable.
7.17 La fréquence de ce phénomène d’ inversion de courant a été très
largement sous-estimée par le CIS, comme le confirment les conclusions du rapport
623
V. le rapport argentin au GTAN en sa section III, p. 7, note 13, Annexes, livre IV, annexe 1.
624V. le CIS en sa section 3.2.1, Annexes, livre V, annexe 6.
625Ibid, p. 3.4.
269 Latinoconsult 626. Ce dernier valide le fait que des inversions de courant se produisent
au total pendant environ 23% du temps (so it une moyenne de 84 jours par an). 22%
des reflux sont le résultat de marées (de 20 centimètres ou moins) et de conditions de
vent (vents alignés avec le fleuve). Ce type de reflux se produit en moyenne 80 jours
par an, au cours desquels le flux s’inverse une ou plusieurs fois dans la journée. Le
1% additionnel des reflux (soit environ 3-4 jours par an) sont causés par des vagues
de tempêtes (et sont appelés « inversions de courants purs »). Ce type d’inversion de
courant conduit le fleuve à couler à contresens pendant au moins 24 heures.
7.18 La fréquence de ces inversions de courants a des conséquences
importantes sur la dispersion du panache des polluants, ce qui n’a pas été admis par le
CIS. Elles s’expliquent par le fait que, lorsque le couran t s’inverse, les contaminants
qui ont été dilués retournent à nouveau au lieu de leur re jet et la concentration de
toxines s’y accroît alors. Ainsi que le note le rapport Wheater :
«[t]he frequency of low flow conditio ns seems to have been understated
in the CIS. This point is well cove red by Latinoconsult (2006). If their
analysis is accurate then this is an obvious and potentially deficiency in
627
the CIS » .
7.19 Durant de telles périodes, la diluti on à certains endroits éloignés sera
inférieure à la valeur moyenne de 1000:1 mentionnée dans le CIS 628. Des valeurs de
dilution des effluents de l’ordre 693:1 dans la baie de Ñandubaysal et de 516:1 dans
la baie de Yaguareté (en Uruguay) seront plus fréquents que ne l’admet le CIS 629.
7.20 De tels niveaux de dilution à des di stances de plusieurs kilomètres ont
été considérés comme préoccupants par l’IAEST. Le rapport Wheater confirme que le
rapport du CIS a utilisé une période qui ne semble pas représentative. Le rapport
déclare qu’il est contestable que l’estimation de courant sur 10 ans utilisée par le CIS
626V. le rapport Latinoconsult en sa section 1(A), Annexes, livre V, annexe 3.
627V. le rapport Wheater en sa section 4, p. 4, Annexes, livre V, annexe 5.
628V. le rapport Latinoconsult en sa section 2.2, p. 16, Annexes, livre V, annexe 3.
629
V. le tableau D6.2-1, annexe D) du CIS, Annexes, livre V, annexe 6.
270 soit suffisante. Il souligne que le caractère sensible d’un grand nombre des récepteurs
et la nature des dangers pote ntiels pour le milieu aquatique et pour la santé humaine,
signifie que les risques que font courir de s évènements peu fréqu ents pourraient se
révéler inacceptables 630. Le rapport en conclut, d’une part, que l’absence de prise en
compte des phénomènes de bas débit les plus extrêmes constitue une carence du CIS,
eu égard aux risques potentiellement inacceptables qui y sont liés, et, d’autre part, que
l’incertitude statistique de pr évisions de bas débit pour 5 (ou 10) ans, fondées sur
seulement 20 ans de données, est élevée et doit être mentionnée afin qu’il soit
possible de se former une opinion quant à leur précision.
7.21 Le rapport Wheater a par ailleurs id entifié un autre domaine important
d’incertitude, qui est celui de l’effet du changement climatique sur la variabilité du
flux. Le rapport qualifie de carence im portance le fait que le CIS ne prenne
absolument pas en compte le changement cl imatique pour son analyse des bas débits
(ou pour d’autres aspects du CIS) 631.
7.22 Les autres sources d’incertitude identifiées par le rapport Wheater sont
notamment les suivantes: 1) le régime du courant, et par là les bas débits sur les 5
prochaines années, sont essentiellement liés au fonctionnement du barrage de Salto
Grande. Le CIS tient implicitement pour acquis que les régi mes de courant ne seront
sensibles à aucune modification future du fo nctionnement du barrage et se contente
de noter que celui-ci est généralement mis en Œuvre pour maintenir un régime de
courant naturel et que la capacité de retenue des réservoirs est limitée; 2) le CIS a
estimé les apports des affluents sous le barrage de Salto Gr ande sur la base du bassin
hydrographique. Cette approche pourrait se révéler de peu de précision eu égard aux
différences spatiales en termes de précipitations, d’hydrologie et de prélèvements 63.
630V. le rapport Wheater en sa s ection 4, p. 4, ainsi que les dévloppements relatifs aux chances de
631venance de phases de bas débit qui suivent, Annexes, livre V, annexe 5.
632V. le rapport Wheater en sa section 4, p. 4, Annexes, livre V, annexe 5.
V. le rapport Wheater en sa section 4, p. 4, Annexes, livre V, annexe 5.
271 7.23 (b) Dispersion du panache : Le CIS n’a pas pris en compte les
conditions d’inversion de courant qui sont relativement fréquentes et, pour cette
raison, les niveaux de dilution sur lesquels ils se fondent sont erronés.
7.24 Le rapport Latinoconsult a envisagé le comportement du panache sous
différents régimes de courant, en utilisant un modèle de dispersion à 2D (modèle
633
MIKE 21 du Laboratoire danois d’hydraulique) . Les résultats obtenus grâce à un
modèle unidimensionnel (MIKE 11) qui ont été utilisés pour estimer et prévoir les
courants du fleuve Uruguay ont été inclus dans l’analyse de la dispersion du panache.
La simulation de transports des effluents a été effectuée pour les mêmes scénarios que
ceux présentés dans le CIS.
7.25 Lorsque l’on utilise les modèles MI KE 21 et MIKE 11 et que l’on
prend en compte la fréquence réelle du phénomène d’inversion de courant, les
écoulements d’effluents vers la rive arge ntine du fleuve apparaissent clairement
beaucoup plus vraisemblables que lorsqu e l’on se fonde sur les courants moyens
retenus par le CIS. Le rapport Latinoconsu lt confirme aussi que les concentrations
atteignent des valeurs supérieures dans les eaux uruguayennes, près de la rive
634
uruguayenne . Le modèle révèle également la su rvenance de turbulences de grande
échelle, en particulier dans les zones ouvertes telles que celle de Bahia Ñandubaysal.
7.26 (c) Changement éventuel du cycle météorologique : l’Argentine
reconnaît qu’il est difficile de prévoir le s tendances futures de l’alternance entre
cycles secs et humides du fl euve Uruguay, dans la mesure où celle-ci sera influencée
par de nombreux facteurs, y compris le réchauffement climatique. Néanmoins, il y a
de bonnes raisons de croire, comme le confirme la section 2.3 du rapport
Latinoconsult, que le fleuve s’approche d’ une période sèche, ou peut-être même que
celle-ci est déjà entamée. Le CIS ne pren d pas en compte la possibilité de ce
633V. le rapport Latinoconsult, p. 15, Annexes, livre V, annexe 3.
634V. le rapport Latinoconsult en sa section 2.2, p. 16, Annexes, livre V, annexe 3.
272 changement de cycle météorologique, ce qui a pour conséquences que l’augmentation
des phénomènes d’inversion de courant et ceux liés aux marées, et l’affaiblissement
du courant qui résulterait d’un tel change ment de cycle météorologique ne sont
aucunement prises en compte, ni même envisagées par le rapport du CIS. L’Argentine
affirme pour sa part que toute analyse d’ impact vraisemblable devrait étudier la
sensibilité à un changement de régime des courants.
7.27 La transition vers un cy cle sec affecterait les ba s débits, qui seraient
probablement de l’ordre de 440m³/s, au lie u de 500m³/s comme l’estime le CIS. On
pourrait s’attendre à ce que le phénomène du reflux augmente de son niveau actuel de
23% du temps à un niveau de l’ordre de 30% du temps (e n supposant que les marées
du Rio de la Plata restent les mêmes) 635.
7.28 Afin de comprendre comment les co nditions futures dans le fleuve
pourraient être également affectées par le réchauffement climatique, un examen
explicite des prédictions des modèles climatiq ues de la région serait nécessaire. Ceci
n’a pas été pris en compte, ni par le CIS, ni par l’Uruguay. Il s’ agit là d’une carence
significative: il est en effet possible qu e les bas débits décroissent en volume et
deviennent plus réguliers, ce qui rendrait, si cela se produit, les effets du reflux ou des
conditions de marée encore plus graves, no tamment en ce qui concerne la dispersion
et la dilution des polluants.
7.29 Par ailleurs, la tendance future de s cycles météorologiques pourrait
aussi être affectée par l’utilisation du fleuve et de son bassin hydrologique, y compris
la construction de barrages. L’utilisation des terres est également susceptible d’avoir
un impact au fur et à mesure de l’intensification de l’ér osion induite par les coupes
forestières. Ces éléments ne sont pas pris en compte de manière satisfaisante ou
appropriée par le CIS.
635V. le rapport Latinoconsult en sa section 2.3, p. 18, Annexes, livre V, annexe 3.
273 7.30 Ces facteurs ont une incidence sur la fiabilité des prévisions de
dynamiques du panache et de niveaux de dilution dans les parties éloignées du fleuve,
au-delà de la zone immédiate de mélange. Les prévisions fondées sur une analyse des
conditions d’équilibre moyen du fleuve dans un passé récent pourraient ne pas
caractériser de manière appropriée les conditio ns futures. Ainsi que le note l’équipe
du rapport Latinoconsult :
«[c]onsequently, it is likely that w ithin the lifetime of this project, the
exposure of receptor sites to effluent from the mill may be greater than
636
predicted in the FCIS analysis » .
7.31 (d) Sédiments et géomorphologie : le CIS n’examine pas les sédiments
du fleuve en détail et la question de modifications géom orphologiques n’est
absolument pas évoquée. Le fleuve Urug uay est un environnement sédimentaire
dynamique caractérisé par des taux élevés de dépôts locaux de sédiments. Sur
certaines portions du fleuve, telles que la zone de la baie de Ñandubaysal, des
mesures récentes sur le terrain ont montré des taux de sédimentation de l’ordre de
0,015-0,02 m/an, un taux relativement important, symptomatique d’un système
extrêmement dynamique. A titre d’exempl e du dynamisme de ce processus, les
images satellites montrent l’ex istence d’une petite île à en viron 10 km au sud de la
baie de Ñandubaysal qui n’était pas visibl e sur les cartes fluviales 30 ans auparavant.
Ceci a des conséquences sur le courant et le transport des polluants à l’avenir 637.
7.32 En se fondant sur un taux de sédi mentation beaucoup plus faible, le
CIS ne tient aucun compte des changements géomorphologiques, qui sont intimement
liés au dépôt et à l’accumulation de cont aminants. Le Dr. Howard Wheater considère
qu’il s’agit là d’une omission grave, et que c’est un sujet de préoccupation à la
lumière des changements significatifs observés en quelques décennies. Cette question
doit être réglée avant que toute étud e d’impact puisse être considérée comme
terminée.
636Ibid.
637V. la section 5 du rapport Wheater, Annexes, livre V, annexe 5.
274 7.33 Les concentrations dans l’eau, qui sont prises en compte par le CIS, ne
reflètent pas le rôle potentiel à cet égard de l’accumulation de contaminants dans les
sédiments, ni ses conséquences sur la chaî ne alimentaire. Le CIS ne discute pas la
question des contaminants associés aux sédi ments et celle de leur devenir. Comme le
souligne le rapport Wheater :
«[a]lthough accumulation of contamin ants in the bays near the Botnia
discharge will probably be less than in a lake, due to smaller hydraulic and
sediment residence times, the sign ificant discharge of AOX and other
organics means there is significant potential for accumulation. The CIS
provides no evidence that this poten tial has been reasonably explored
through literature review and/or integrated hydrodynamic-sediment-
638
contaminant modelling » .
7.34 Le même rapport Wheater poursuit en affirmant que le CIS donne
«une justification insatisfaisante» au fait qu’il néglige le phénomène de
l’accumulation dans la baie de Yaguarete des sédiments et des contaminants associés.
Le développement du port pourrait accroître le taux de sédimentation d’environ 50%,
mais le CIS se contente de déclarer que «… other factors are expected to prevent
accumulation of sediment within the embaym ent » et que « net sedimentation in the
bay is not expected to change». Le ra pport Wheater affirme avec raison que cette
affirmation défie le bon sens et souligne qu’aucune raison convaincante n’est donnée
pour expliquer pourquoi ce taux estimé de 50% devrait être ignoré 63.
7.35 Enfin, le rapport Wheater critique le CIS pour son «traitement
superficiel » de la question de s chlorophénols dans la baie de Yaguarete. Il souligne
que l’accroissement estimé de la concentrat ion dans la baie de Yaguarete dans des
conditions de bas débit (0,0003 mg/L) n’ est pas marginal si on le compare aux
niveaux de base de 0,0001-0,0014 mg/L, en particulier si on considère la place laissée
638V. le rapport Wheater en sa section 5, p. 5, Annexes, livre V, annexe 5.
639Ibid.
275 à l’incertitude pour cette valeur estimée et à l’accroissement concomitant des solides
640
en suspension .
7.36 L’Argentine affirme que les questio ns relatives à la qualité des
sédiments doivent absolument être étudiées de manière plus approfondies avant de
pouvoir considérer que l’étude d’impact es t terminée. Comme le souligne le rapport
Latinoconsult, il existe un risque d’accumulation chroni que des contaminants sous
forme de particules fines, riches en matiè res organiques, s’accumulant au centre des
dépôts. De plus, la po ssibilité de formation de zones d’ eutrophisation dans le fleuve
Uruguay, avec une charge accr ue de substances organiques dissoutes et particulaires
issues du panache, aggraverait la sédiment ation de particules riches en matières
organiques au fond du fleuve. Un telle concentration organique pourrait devenir un
attracteur pour les poissons détritivores, avec toutes ses conséquences pour la
bioaccumulation de polluants non biodégradables 641. Au total, le rapport Wheater
déclare que l’attention consacrée aux sédiments et à l’accumulation de contamination
sédimentaire « is very disappointing and may be regarded as one of the CIS's weakest
642
elements » .
7.37 (e) Qualité de l’eau : les niveaux de dilution retenus par le CIS
tiennent compte seulement des conditions du régime du courant normale, sans
prendre en compte les inversions de courant. Comme conséquence, le CIS a
gravement sous-estimé la dilution des effl uents de l’usine Orion dans la baie de
Ñandubaysal, dans le lagon de Santa Inés et près de l’île de Sant a Inés (sur la rive
argentine). Les calculs de l ’IAEST montrent que la probab ilité d’avoir des dilutions
de moins 1000:1 est proche de 10%. De plus, dans la mesure où ce niveau de dilution
intervient environ 80 jours par an, il est év ident que la qualité de l’eau, en termes de
niveaux d’exposition et de concentrations des effluents, n’a pas été présentée de
manière réaliste par le CIS.
640V. le rapport Wheater en sa section 5, p. 6, Annexes, livre V, annexe 5.
641V. le rapport Latinoconsult en sa section 6.1, p. 31, Annexes, livre V, annexe 3.
642
V. le rapport Wheater en sa section 5, p. 6, Annexes, livre V, annexe 5.
276 7.38 Comme le soulève le rapport arge ntin au GTAN, les eaux du fleuve
Uruguay amenées à recevoir les effluents se caractérisent par un bon niveau général
de propreté, avec des niveaux de COD et DBO faibles. Ses valeurs de pH se situent
5
au milieu de l’éventail des valeurs recomma ndées par le Digeste de la CARU (5,6-
8,9) et l’oxygène dissous se situe à un taux de 8.3 mg/L avec 76.8% de saturation.
Cependant, il apparaît également que le niveau des nutriments, en particulier du
643
phosphore , est tel que toute variation peut entraîner un phénomène
644
d’eutrophisation, en particulier l’été . Cela signifie que la zone concernée est un
écosystème aquatique fragile qui conserve un degré de qualité qu’il est possible et
645
nécessaire de protéger .
7.39 Le rapport Latinoconsult note que la zone des baies de Ñandubaysal et
de Bellaco constituent, ense mble le lagon Ines, une zone côtière très productive
comprenant une grande diversité de refuge s pour des organismes aquatiques, et qui
646
pourrait utilement être décl arée parc naturel protégé . Les données de la ligne de
base initiale sont résumées à la section 6.1 du rapport Latinoconsult.
7.40 Le rapport Wheater critique le CIS pour n’avoir pas fourni
d’informations suffisantes à l’appui de s on affirmation selon laquelle, malgré les
niveaux élevés de nutriments existants, l’ augmentation de leurs niveaux qui résultera
des rejets de l’usine n’est pas significative. Le rapport envisage les conséquences du
traitement par l’usine de pâte à papier de s ordures de Fray Bentos et affirme que,
même si cette solution conduirait à une amél ioration globale de la qualité de l’eau,
cela ne serait sans doute pas le cas en baie de Yaguarete et au site de prélèvement
d’eau potable (qui deviendraient tous deux placés en aval du rejet des eaux usées de
la ville, alors qu’ils étaient a uparavant situés en amont). Une amélioration au niveau
de ces sites dépendrait des performances du système de traitement du réacteur à boue
643
Les concentrations de phosphore dans la zone (valeur moyenne: 0, 093 mg/l) dépassent de loin le
maximum établi par le décret réglem entaire uruguayen n°253/79 modifié – v. p. 12 du rapport argentin au
GTAN, Annexes, livre IV, annexe 1.
644Le phénomène s’est produ it encore récemment à l’été 2005 – v. p12 du rapport argentin au GTAN,
Annexes, livre IV, annexe 1.
645V. le rapport argentin au GTAN, p. 2, §5, Annexes, livre IV, annexe 1.
646
V. le rapport Latinoconsult, p. 28, Annexes, livre V, annexe 3.
277 activée (RBA), en particulier po ur extraire les nutriments. Or, ce type d’installation
RBA n’est pas conçue pour extraire les nu triments, comme le montre la description
des meilleures techniques disponibles europé ennes pour les usines de pâte à papier
(IPPC-BAT). Le taux d’extraction des nutriments par les RBA est typiquement de 30-
35%, à comparer avec les 90% des BOD 5. Une extraction complémentaire des
nutriments nécessiterait la mise en place d’un traitement tertiaire. De plus, le
traitement des eaux usées nécessite l’ajou t de nutriments complémentaires sous la
forme d’acide phosphorique et d’urée; le sort de ces nutriments additionnels, qu’ils
soient ou non transferés à l’eau en aval du traitement ou expulsés sous forme de
boues résiduaires – dépend des performan ces du RBA. Toutefois, l’ajout de
nutriments complémentaires ne serait pas nécessaire si les ordures municipales étaient
importées pour être traités par l’usine de pâ te à papier. Soulignant que « Botnia has
not yet specified a nutrient control strategy for its Orion WWTP », le rapport Wheater
affirme ainsi que la conclusion du CIS selo n laquelle «[...] no adverse effect on
human health or aquatic life » est totalement prématurée 647.
7.41 Le rapport Latinoconsult indique que le niveau de phosphore (P) dans
le fleuve Uruguay est déjà élevé, ce qui est une préoccupation grave et représente une
source d’eutrophisation et d'une augmenta tion de la prolifération de la flore
aquatique, en particulier da ns les sections peu profondes et à bas débit du fleuve,
telles que les baies de Yaguareté (Uruguay) et de Ñandubaysal. La norme DINAMA
648
de qualité des eaux de surface est de 0,025 mg/l pour le phosphore . Or, différents
prélèvements effectués par la CARU en 1999 et 2001 sur la marge droite du fleuve
Uruguay, près de Gualeguaychú (dans la baie et le chenal), osc illent autour de 0,04
mg/l à 0,2 mg/l (en moyenne 0,097 mg/l) de phosphore total: ces mesures sont
nettement supérieures à la norme DINAMA de 0,025 mg/l. Il s’ensuit que, même si
les opérations de l’usine Orion se confor ment aux recommandations des meilleures
techniques disponibles (BAT), l’eau réceptrice n’est pas en mesure d’absorber plus de
phosphore sans que cela ne provoque de s niveaux graves d’eutrophisation. Les
647V. le rapport Wheater en sa section 6, p. 6-7, Annexes, livre V, annexe 5.
648Article 5 du décret n° 253/79 pour la Classe 1 (fourniture d’eau de boisson), la Classe 2b (irrigation), la
classe 2b (loisirs) et la classe 3 (protection de la vie aquatique) pour le P total.
278 conséquences de ceci pour la santé humaine et animale sont envisagées dans la
Section V.
7.42 Le rapport Hatfield a lui aussi critiqué le projet d’étude du CIS pour la
rareté de ses données relatives à la qualité de l’eau et aux ressources biologiques du
fleuve Uruguay, notamment dans la région de la baie située en aval de l’emplacement
choisi pour le rejet des effluents de l’usine Orion 649. Ces préoccupations n’ont
pourtant été traitées que de manière partielle dans le CIS final – v. infra. L’Argentine
note ainsi que le CIS final a conclu que :
«[i]n general, the quality of the wa ter is considered good but there are
localised issues and exceedances of water quality criteria such as near
Bella Union, Salto etc. » 650.
mais souligne que le même CIS ne fait aucune référence à des problèmes locaux ou
de dépassements de critères de qualité des eaux du côté argentin du fleuve.
7.43 Le CIS mentionne également l’existe nce de ruissellements à partir de
zones agricoles et de rejets urbains et d’industries sans trai tement approprié des
effluents. La qualité des sédiments est ég alement qualifiée de globalement bonne,
651
mais «some nutrients and metals ha ve been found to be elevated» . Les
concentrations en phosphore et en azote sont décrites comme « plutôt plus élevées en
automne». Le même CIS relève que des données de surveillance indiquent que la
vaste majorité des composéssont en confor mité avec les normes applicables pour la
qualité de l’eau, à l’exception possible des coliformes fécaux, de l’oxygène dissous,
de l’ammoniac, du phosphore, du chrome, du fer et du zinc. Il déclare que ces
dépassements peuvent constituer un risque pour la santé humaine ou aquatique et
affecter les qualités esthétiques des eaux utilisées pour les loisirs. Les niveaux de
dérivés phénoliques se sont révélés dépasser fréquemment les critères de qualité de
l’eau, les valeurs les plus impo rtantes ayant été trouvées du côté argentin. C’est dans
ces conditions qu’il ressort clairement du CIS qu’un cert ain nombre de polluants, y
649V. le rapport Hatfield du 27 mars 2006, p. 4, §7 et A11, Annexes, livre V, annexe 9.
650V. le CIS, p. ES.xi, Annexes, livre V annexe 6.
651
V. le CIS, p. xi et généralement en sa section 3.2, Annexes, livre V, annexe 6.
279 compris le phosphore, se trou ve d’ores et déjà à un ni veau élevé dans le fleuve
Uruguay.
7.44 Et pourtant, le CIS semble ne ti rer aucune conséquence de cette
conclusion et néglige de souligner le ri sque d’eutrophisation que représente tout
accroissement volontaire de ce niveau déjà élevé de phosphore dans le fleuve.
7.45 Le CIS note par ailleurs que certain s paramètres chimiques pertinents
dans le cadre du fonctionnement d’une usin e de pâte à papier ne disposent pas de
critère normatif relatif à la qualité de l’ eau et reconnaît que ces paramètres n’ont
même pas été mesurés de manière régulièr e dans le fleuve Uruguay. Il s’agit
notamment des halogénures organiques adso rbables(AOX), des chlorophénols, des
résines acides et des acides gras, des dioxines, des furanes, ainsi que des phytostérols.
Le CIS renvoie à des études spécifiques co mmandités par Botnia et qui ont analysé
les niveaux de base de présence de ces subs tances dans le fleuve : on voit là que
l’étude d’impact n’a pas été fondée sur des mesures indépendantes et appropriées des
niveaux de base quant à la capacité du fleuve d’absorber les émissions et les effluents
de l’usine.
7.46 (f) Vie aquatique – Poissons : le fleuve Uruguay abrite une grande
variété de formes de vie aquatique, notamment de poissons et d’amphibiens, ainsi que
d’autres formes de diversité biologique. Les populations de poissons comprennent à
la fois des espèces dominantes et d’autr es qui en sont dépendantes. Le rapport
argentin du GTAN note que la dernière po rtion du fleuve Uruguay, en aval de Fray
Bentos, est une zone caractérisée par une gr ande diversité d’espèces de poissons –
plus de 125 espèces citées -, dont certaines sont en danger critique d’extinction selon
652
l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) . Le rapport
qualifie aussi cette région de zone ayant la productivité la plus élevée et la biomasse
ayant les niveaux de densité parmi les plus élevés au monde pour ceux enregistrés
652
Le rapport du GTAN note que cet élément est reconnu par l’étude d’ impact environnemental présentée
par Botnia, p. 12, Annexes, livre IV, annexe 1.
280 dans des cours d’eau 65. Cette diversité est mentionnée pa r le CIS, qui déclare que le
bas fleuve Uruguay héberge plus de 100 es pèces de poissons, dont 17 espèces sont
régulièrement pêchées, notamment le sabalo, le boga, le mulet, le dorado et le
654
poisson-chat .
7.47 Le CIS déclare néanmoins n’avoir pas connaissance d’espèces
majeures de poisson migrateur ou d’espèce importantes pour les pêches qui frayent
dans les eaux situées à proxim ité des usines envisagées 655. Cependant, les effluents
des usines de pâte à papier seront déversée s dans le fleuve et contamineront les voies
de migration des poissons arrivant pour re peupler le fleuve, ce qui aura pour effet
d’affecter les pêches de subsistance et de loisirs.
7.48 Selon le rapport argentin au GTAN , plus de 90% de la production
halieutique de la portion partagée du fleu ve, soit plus de 4.500 tonnes par an, est
originaire de la zone à proximité de l’us ine Orion. Le secteur concerné constitue
également une zone de reproduction pour les réserves de poissons migrateurs du
fleuve Uruguay, certains trajets des alevins dérivant et passant à proximité des points
de rejet des effluents des deux usines de pâ te à papier proposées. Les formes de vie
aquatiques de ce secteur pourraient souf frir de l’impact des rejets de fortes
concentrations de substances contamin antes telles que les AOX, COD et DBO . Le
5
rapport du GTAN soulignait également que l’accumulation de dioxines et de furanes
656
dans les différentes formes de vie de l’écosystème aquatique devait être mesurée .
7.49 Le rapport Wheater souligne, pour sa part, que la littérature
scientifique récente relative aux effets sur la vie aquatique révèle un très haut niveau
d’incertitude des connaissances scientifiq ues et relève que le CIS néglige de
reconnaître l’existence de cette incertitude dans ses conclusions 657. Le rapport relève
notamment les incertitudes suivantes : (1) sur certains sites, des substances bioactives
653V. le rapport argentin au GTAN, p. 12, Annexes, livre IV, annexe 1.
654
655V. le CIS, p. ES.xi, Annexes, livre V, annexe 6.
V. le CIS, p. 3.7, Annexes, livre V, annexe 6.
656V. le rapport, p. 2, §5-6, Annexes, livre V, annexe 6.
657V. le rapport Wheater en sa section 1, p. 1, Annexes, livre V, annexe 5.
281 continuent d’être disséminées et des effe ts nuisibles d’être observés, et elles
pourraient être présentes sur d’autres sites, mais elles sont indé tectables en l’état
actuel des ressources et des technologies ; (2) la gamme des substances chimiques
présentes dans les effluents usés produits par des usines de pâte à papier et leur
interaction avec les substances chimiques présentes naturellement en eau douce sont
trop complexes pour pouvoir en tirer des conclusions ; presque toute la littérature
disponible sur les impacts des effluents d’us ines de pâte à papier est fondée sur des
études menées dans l’hémisp hère Nord; (3) les études canadiennes auxquelles se
réfèrent le CIS traitaient d’autres ty pes de pâte à papier, de climat et
658
d’environnements aquatiques, tous différents de celui du site Botnia . Le rapport
note qu’au contraire, les rejets et les impacts sont reconnus comme étant spécifiques à
chaque site et en conclut que :
«[g]iven the limited knowledge abou t extrapolation between sites and
environment types, the CIS statements should be more cautious, and any
associated conclusions and re commendations should be more
precautionary » 659.
7.50 Le rapport Wheater poursuit en nota nt que les écosystèmes aquatiques
importants situés à proximité du site du projet seraient probablement protégés au titre
de la législation européenne. Il est dès lors très peu vraisemblable que ce projet serait
autorisé à être mis en Œuvre dans le cadre de la législation européenne et, dans ces
conditions, l’affirmation selon laquelle l’ usine serait bienvenue en Europe est
660
particulièrement trompeuse et délusoire .
7.51 Le rapport Latinoconsult note, pour sa part, que les populations de
poissons migrateurs du fleuve Para ná constituent l’élément essentiel du
rétablissement des populations de poissons au-dessus du barrage de Salto Grande et
que ces populations traversent la zone de s effluents de l’usine de pâte à papier 66.
658V. le rapport Wheater en sa section 1, p. 1-2, Annexes, livre V, annexe 5.
659
660Ibid, p. 2.
661Ibid.
V. le rapport Latinoconsult en sa section 6.6, p. 37, Annexes, livre V, annexe 3.
282 C’est là une illustration de la ma nière par laquelle le CIS sous-estime
systématiquement la vulnérabilité potentiell e de la diversité biologique du fleuve
Uruguay face à la pollution issue de l’usine. Plus encore, le rapport poursuit en notant
que le cours inférieur du fleuve Uruguay es t une zone de reproduction de la sardine
Lycengraulis grossidens, ainsi que d’un poisson-chat de mer ( Genidens barbus), et
que le secteur situé en aval, près des vill es de Fray Bentos et Gualeguaychú, est
considéré comme l’une des zones les plus importantes pour les populations de
poissons migrateurs , dans laquelle ces pois sons s’alimentent à l’automne et en hiver
662
ou qu’ils utilisent comme zone refuge pendant les périodes de bas débit .
7.52 L’IAEST a développé un modèle pour évaluer les impacts à long
terme des usines de pâte à papier sur l’état et la productivité de la population de
sabalo du fleuve (v. les développements de la section 6.6 du rapport Latinoconsult).
Les effets sur la mortalité post-recrut ement se sont révélés potentiellement
significatifs, en particulier dans la mesure où la mortalité naturelle était plus basse et
que les poissons avaient une accoutumance plus grande pour se nourrir dans le fleuve
Uruguay. Les conclusions de l’IAEST confirme nt ainsi la très forte probabilité d’une
altération des populations de poissons par les effluents de l’usine Orion – elle est
évoquée avec plus de détail dans la Section V
7.53 Le CIS mentionne de faibles concentr ations de contaminants dans les
tissus de poissons à proximité de Fray Bentos, y compris en ce qui concerne les
dioxines et les furanes, les PCBset les pesticides organoc hlorés, mais il déclare que
663
ceux-ci sont « all below levels of concern for fish consumption » . Pourtant, comme
il sera exposé à la Section V, les phénomènes de bioaccumulation et de
bioamplification des contaminants dans les poissons n’ont pas été traités de manière
satisfaisante par le CIS, et la carence est d’autant plus criante si l’on prend en compte
le fait, évoqué plus haut, que la fréquen ce des inversions de courant a été sous-
estimée.
662Ibid, p. 37-38.
663V. le CIS, p. ES.xi et p. 3.8, Annexes, livre V, annexe 6.
283 7.54 Autres formes de vie aquatique : il convient de noter que le CIS ne
prend pas en considération la gamme entière de la diversité biologique existant dans
le fleuve et qu’en conséquence l’ évaluati on par le CIS de cette diversité biologique
s’en trouve considérablement affaiblie. L’ éventail et l’importance de la diversité
biologique du fleuve et de ses environs sont clairement confirmées par les annexes [D
et H] du rapport Latinoconsult.
7.55 En particulier, il n’y a pas de pris e en compte appropriée par le CIS
des impacts des usines sur les espèces vertéb rées autres que les poissons qui résident
dans le fleuve et ses zones d’influence. Les impacts potentiels des projets sur les
vertébrés autres que les poissons au sud de l’emplacement prop osé pour l’usine ne
sont pas discutés.
7.56 Aucune analyse correcte des imp acts potentiels sur les espèces
664
amphibies n’est présentée , alors que celles-ci pourraient se trouver exposées à des
substances xénobiotiques pour l’environne ment de plusieurs manières, y compris à
travers leur épiderme perméable, et à travers le développement des Œufs ou des larves
dans l’eau 665.
7.57 Le CIS fait également référen ce aux populations d’invertébrés
benthiques , y compris la présence de vers tubicoles symptomatique de conditions
riches en nutriments et basses en oxygèn e, que d’autres espèces ne tolèrent pas.
L’IAEST a procédé au total à des échantillonn ages sur vingt sites et en a noté que la
qualité écologique de l’eau du fleuve se situait entre bonne et très bonne, comme
l’indique la présence de taxon s particulièrement sensibles d’invertébrés. La présence
666
d’ organismes tant sensibles que d’autres plus tolérants a aussi été notée .
664
Le rapport Latinoconsu lt note en sa section 6.4 la présence de 26 espèces d’ amphibiens dans la zone
étudiée, alors que le CIS mentionne seulement 13 espèces, Annexes, livre V, annexe 3.
665V. le rapport Latinoconsult en sa section 6.4, p. 36, Annexes, livre V, annexe 3.
666V. le rapport Latinoconsult, Annexes, livre V, annexe 3.
2847.58 D’après le CIS, les populations de ph ytoplanctons sont limitées par la
turbidité du fleuve et des algues bleu-ver t en forment une propo rtion significative,
particulièrement lors des mois d’été, qui les voient apparaître et se développer.
L’Argentine relève que le rapport Latinocons ult conclut à la lumière de ses analyses
(exposées à l’annexe E) que :
« [...] nutrient concentration wo uld not be a limiting factor for
phytoplankton growth, and any increase in the nutrients concentration in
the area will enhance algal growth, esp ecially in the shores and bays » (p.
33 du rapport).
Parmi les conclusions du rapport Lati noconsult sur le plancton, on notera
également celle selon laquelle :
«[t]he Lower Uruguay River, and, pa rticularly the studied area, gathers
optimal growth conditions (pH, te mperature, irradiance, nutrient
concentration) not only for Microcystis aeruginosa , but for other
cyanobacteria as well. Nutrient co ncentrations should be monitored
thoroughly, since any increase in their levels could induce bloom
formation. The Argentinean shore of th e river is a highly vulnerable zone
due to the geomorphological char acteristics of its coasts. These
circumstances affect not only the dy namics of the ecosystem, but might
also have serious implications on hu man health for the local populations,
and their economies as well », (p. 33 du rapport).
Il s’agit encore d’une autre illustra tion des carences du CIS à traiter des
vulnérabilités de l’environnement récepteur du fleuve Uruguay.
7.59 (g) Autres formes de diversité biologique : les environs de l’usine
envisagée abritent une riche diversité d’oiseaux aquatiques et d’espèces en danger. Le
CIS ne traite pas des effets des effluents sur les oiseaux présents, pas plus qu’il ne
décrit l’éventail complet de la diversit é des espèces potentiellement concernées. A
titre d’exemple, le CIS ne mentionne pas la présence dans la zone de 10 espèces
285 d’oiseaux en danger à des degrés divers, y compris Xanthopsar flavus - menacé (ou
vulnérable) -, Sporophila zelichi - en voie d’extinction -et Sporophila palustris -
menacé - 667. Le recensement proposé par le CIS est limité et trompeur. L’Argentine
se fonde sur les analyses exposées à l’an nexe G du rapport Latinoconsult, ainsi que
sur d’autres informations présentées ic i pour démontrer l’importance capitale du
secteur concerné pour toute une frange de la diversité biologique de la région.
7.60 L’Uruguay a désigné le site de Es teros de Farrapos e Islas del rio
Uruguay, situé à sept kilomètres de l’emplacement de l’usine Orion, comme une zone
humide d’importance internationale au sens de la Convention Ramsar, à laquelle tant
668
l’Argentine que l’Uruguay sont parties . Esteros de Farrapos es t le site n° 1433 sur
la liste des zones humides d’ importance internationale au titre de la Convention de
Ramsar. Ce site est situé dans la portion ba sse du fleuve Uruguay, en aval du barrage
de Salto Grande et à la frontière avec l’ Argentine. Le site est constitué de zones
alluviales situées sur la rive est du fleuve, ainsi que de 24 îles, noyées en hautes eaux
et émergées en basses eaux. Ce syst ème est important pour le contrôle des
inondations et de l’érosion des rives du fl euve. Des ensablements surélevés le long
des îles et de la plaine alluviale sont peuplés de forêts et permettent, dans cet
environnement dynamique, la présence de mares d’eau douce permanentes et
669
temporaires . Il y a des observations de spécimens de l’espèce Chrysocyon
brachyurus presque menacée, ainsi que de plus ieurs espèces d’oiseaux menacées:
« Saffron-cowled Blackbird », Xanthopsar flavus , et les grainiers Sporophila
cinnamomea, S. palustris and S. zelichi, ce dernier étant en voie d’extinction. La plus
grande partie de la zone est la propriété de l’Etat et son utilisation la plus importante
est la pâture extensive du bétail pendant l’ét é, bien que l’on y tr ouve également de la
667La liste complète est présentée dans la lettre du Dr. Romina Picolotti, Secrétaire de l’ environnement et
le développement durable de l’Argentine, adressée à M. Declan Duff, vice-président de la SFI, et datée du
668novembre 2006 – v. par. 4 de la réponse au point 1, Annexes, livre II, annexe 18
Convention relative aux zones humi des d’importance intern ationale particulièrement comme habitats
des oiseaux d’eau, de 1971 (la Convention de Ramsar).
669La végétation la plus abondante dans les zones inondées c onsiste en roseaux Scirpus sp., laitue d’eau
Pistia stratiotes, « Eared Watermoss » Salvinia rotundifolia, fougères Azolla filiculoides, saules Salix sp.,
Zizianopsis bonariensis , Panicum spp ., «Southern Cat-tail [¿]», Typha dominguensis , Eryngium
pandanifolium et jacinthe d’eau Eichhornia spp – v. le rapport « Uruguay designates its second Ramsar site
along the Uruguay river », par Ivan Dario Valencia, disponible sur www.ramsar.org/wn/w.n.uruguay.
286 production horticole, de citrons et de charbo n. Le principal problème du site est celui
de l’érosion des sols, liée à de mauvai ses pratiques agricoles dans les zones
adjacentes.
7.61 Il existe également des zones humides protégées sur la rive argentine
et sur les îles du fleuve Uruguay (les zone s humides des départements du Rio Negro,
de Paysandu et de Soriano en Uruguay, ains i que Gualeguaychú et les îles Ibicuy en
670
Argentine) . Les autres sites désignés dans la ré gion sont ceux de Potrero del Burro
(ou Rincón de Gallinas) à environ 14 km. au sud-ouest de Fray Bentos et des Bosque
Nacional Islas del Río Negro, situées au s ud de Fray Bentos. Les Islas Fiscales del
671
Río Uruguay sont situées plus loin en amont de l’emplacement des projets . Pour
l’Argentine, la question clef, pour ce qui co ncerne ces sites, est celle d’inversion de
courant, dont les conséquences sont inconnues et n’ont pas été évaluées, en particulier
quant au transport des polluants jusqu’à ces zones humides protégées.
7.62 (h) Absence de traitement des consé quences de plantations d’arbres
sur l’équilibre de l’eau : des études internationales on t établi que les plantations
d’Eucalyptus suscitaient une réduction des niv eaux des rivières d’environ 25% en
moyenne. Une étude importante, fruit de la synthèse des résultats de plus de 600
observations, a montré l’existence de pertes substantielles de dé bit, ainsi que d’un
accroissement de la salinisation et de l’ac idification des sols, en cas de boisements.
Les plantations ont globalement réduit le dé bit de 227 millimètres par an (52% des
cas), tandis que, dans 13% des cas, les cour s d’eau se sont complètement asséchés
672
pour au moins une année . Aucune considération n’est donnée, aucun commentaire
n’est fait, ni aucune action n’est propos ée en lien avec ce niveau possible de
diminution du débit, qui affecterait directement les zones humides du fleuve Uruguay,
qui sont plus abondantes. Le rapport Wheater confirme que le phénomène pourrait
670Les zones humides sont protégées pa r la loi n° 9718 de la province d’ Entre Rios. La lo i actuelle a été
adoptée en juin 2006, mais elle s’inscrit dans la conformité d’une loi n°8967 antérieure, qui date de 1995.
671V. le CIS en sa section 3.1, p. 3.1, Annexes, livre V, annexe 6.
672
Jackson, R. B., E. G. Jobbágy, R. Avissar, S. B. Roy, D. J. Barrett, C. W. Cook, K. A. Farley, D. C. le
Maitre, B. A. McCarl, and B. C. Murray. 2005. Trading Water for Ca rbon with Biological Carbon
Sequestration. Science 310: 1944-1947).
287 673
certainement avoir des effets signific atifs sur l’équilibre local de l’eau . Le rapport
Wheater évoque la question en sa section 9, qui relève que :
« [t]he section of the CIS [...] dealing with hydrological effects of forestry,
including groundwater interactions, is confused and misleading and does
not draw on the substantial body of relevant literature ».
7.63 Ce même rapport Wheater poursuit sa discussion des conclusions du
CISetnoteque,mêmesilaconclusion générale de l’affi rmation selon laquelle
l’évapotranspiration est plus importante pour les arbres que pour les pâturages est
correcte, ses conséquences - à savoir notamme nt la question de la réduction de l’eau
disponible pour les écoulements et l’alimen tation des nappes phréatiques - ne sont
absolument pas traitées. Le rapport souligne que les effets relatifs peuvent en être
importants, et que leurs conséquences environnementales peuvent en être
extrêmement significatives, en fonction de l’hydrologie et de l’hydrogéologie locales,
674
et que cela requiert par conséquent une évaluation appropriée .
7.64 (i) Aspects économiques et sociaux : l’eau de la rivière est, entre
autres, utilisée pour la cons ommation, les loisirs et la pêche.Letourismeest
également important dans la région. La plage Playa Ubici, dans la partie est de Fray
Bentos, est en vue du site de Botnia ; la station balnéai re Balneario Ñandubaysal est
située à l’ouest nord-ouest, sur la rive argentine du fleuve, à environ 11 km de la zone
du projet Botnia.
7.65 Gualeguaychú, en Argentine, est un important centre d’activité
touristique, attirant les visiteurs vers les plages locales et le carnaval annuel, une fête
populaire traditionnelle qui se tient chaq ue samedi depuis le 7 janvier jusqu’au
675
premier week-end de mars . Des spectateurs viennent as sister au carnaval depuis
toute l’Argentine et l’étranger. Il s’agit d’une ressource touristique d’importance clef
673
674V. le rapport Latinoconsult, Annexes, livre V, annexe 3.
V. le rapport Wheater en sa section 9, p. 10, Annexes, livre V, annexe 5.
675V. encore le rapport La tinoconsult, qui note que l’amphithéâtre construit pour le carnaval est le
deuxième plus grand amphitéâtre d’Amérique latine, après celui de Rio de Janeiro, p.48
288 pour le pays, qui favorise la croissance d’au tres activités touristiques dans la région,
notamment les stations balnéaires, l’écotour isme, le tourisme sportif, culturel et
thermal (avec la présence de stations ther males). Cette croissance est démontrée par
l’accroissement de 39% du nombre d’installations d’hébergement touristiques au
cours de la période allant du début de l’année 2004 au premier semestre de 2006 676.
L’importance économique du tourisme pour Gu aleguaychú est évoquée en détail à la
677
section 7 du rapport Latinoconsult .
7.66 La station balnéaire de Ñanduba ysal est sur le territoire de
Gualeguaychú. La station balnéaire de la baie de Ñandubaysal rencontre un franc
succès et reçoit près de 450.000 personnes ch aque année. Les atouts principaux de la
station sont essentiellemen t les eaux claires de ses pl ages, ainsi que d’autres
considérations esthétiques. L’eutrophisat ion, qui produit des odeurs nauséabondes,
des risques pour la santé pu blique et une couleur d’eau peu attractive, ainsi que la
nuisance visuelle que représente la présen ce des installations de Botnia sur la rive
opposée, auront une incidence négative impo rtante sur le tourisme. Ce fait, ainsi que
les implications économiques d’un déclin du tourisme, sont évoqués plus en détail à
la Section V – v. infra. Dès la première réunion du GT AN, la délégation argentine a
manifesté sa préoccupation particulière quant aux conséquences dommageables que
678
l’implantation des usines pou rrait avoir pour Gualeguaychú . Lors de sa première
prise de contact avec l’Uruguay quant à l’ usine CMB, la CARU elle-même a insisté
sur la problématique de l’impact de l’usin e sur le tourisme – un élément évoqué au
chapitre II.
676
677V. le rapport Latinoconsult, p. 49, Annexes, livre V, annexe 3.
678V. le rapport Latinoconsult en sa section 7, p. 47-51, Annexes, livre V, annexe 3.
V. le rapport argentin au GTAN en sa section III, p. 7, Annexes, livre IV, annexe 1.
289 Section III
Les impacts environnementaux habituels des usines de pâte à papier de ce type
7.67 La production mondiale de pâte à papier est actuellement estimée à
environ 175 millions de tonnes/an. Les usines concernées sont situées principalement
en Amérique du Nord et en Europe, ma is, au cours des dernières années, les
producteurs ont cherché à implanter de nouv elles usines dans l’hémisphère sud et
dans les pays en voie de développement.
7.68 L’usine proposée mettra en Œuvre le procédé de pâte à papier
d’eucalyptus Kraft blanchie (BEKP ou Kr aft). Cette partie analyse les impacts
environnementaux de l’utilisation de ce type de procédé.
7.69 D’après le CIS, la définition la plus largement admise des « meilleures
technologies disponibles » (« BAT ») et les normes de base qui ont été utilisées pour
la conception de l’usine Orion sont celles de l’Union européenne, IPPC-BAT
679
(2001) . Les autres normes en référence dans le CIS étaient le Tasmanian-AMT
(2004) et les normes de l’ USEPA Cluster Rule. La pert inence des normes relatives
aux meilleures techniques disponibles du l’IPPC-BAT (2001) est évoquée en plus
ample détail plus loin, dans la Section V.
Entrées et sorties
7.70 Les principaux intrants dans l’ usine de pâte à papier sont
l’approvisionnement en bois, les produits chimiques et l’eau.
7.71 Les principaux rejets de l’usine sont la pâte issue du bois, de l’énergie,
des effluents liquides, des rejets à l’atmo sphère, des déchets so lides et des déchets
dangereux.
Méthodes de production
7.72 Le procédé Kraft : le CIS déclare que le procédé dit pâte Kraft ou pâte
au sulfate est le procédé préd ominant de production de pâ te à papier en raison des
propriétés de résistance supérieure de la pâte à papier qu’il produit, de son
679
V. le résumé de la section 2.7 du CIS, p. 2.30, Annexes, livre V, annexe 6.
290 applicabilité à toutes les esp èces de bois et de sa capaci té à respecter des standards
environnementaux rigoureux 680.
7.73 Le procédé de fabrication de pâte Kraf t consiste en cinq étapes : (1) le
traitement du bois; (2) la réduction en pâ te; (3) la récupération chimique; (4) le
blanchiment ; et (5) le séchage.
7.74 Le traitement du bois comprend le déchargement des rondins et la
découpe du bois en morceaux maniables. A la phase de réduction en pâte , les copeaux
680
V. le CIS en section 2.4 et v. le document BREF de l’Union européenne datant de 2001 sur les
meilleures techniques disponibles dans l’industrie de la papeterie pâtes et papier (« le document BREF de
l’Union européenne ») en son chapitre 2, p. 17, Annexes, livre V, annexe 6
291 de bois sont réduits en fibres papetières dans une opération de cuisson avec de la
liqueur blanche (de l’hydroxyde de sodium et du sulfure de sodium). La liqueur
blanche est utilisée pour extraire la lignin e de la fibre du bois, dans des grands
récipients sous pression appelés lessiveurs. La pâte non blanchie (pâte brune) est alors
lavée. Dans la phase de récupération chimique , après séparation, la lessive résiduaire
de cuisson (liqueur noire) est concentr ée par évaporation et consumée dans la
chaudière de récupération afin de générér de la vapeur sous haute pression pour
alimenter le procédé d’épuration de la pâte. La portion inorganique de la liqueur noire
est ensuite traitée pour régénérer de l’hydro xyde de sodium et du sulfite de sodium,
nécessaires pour la fabricatio n de la pâte. Les substances chimiques sont récupérées
sous forme de salin, puis de la liqueur ve rte est formée en dissolvant le salin dans de
la liqueur diluée. Celle-ci est alors clarif iée afin d’en extraire les contaminants
solides, désignés sous le terme de dépôts. Ce s dépôts sont ensuite lavés et la liqueur
diluée qui en résulte est utilisée pour dissoud re le salin. De la liqueur blanche est
produite en atelier de recaustification et renvoyée vers les lessiveurs. La liqueur verte
clarifiée est passée à travers un dissolveur à chaux dans lequel le carbonate de sodium
est converti en hydroxyde de sodium par l’utilisation de chaux. La liqueur blanche est
clarifiée afin d’enlever la boue de cha ux précipitée. La boue de chaux est alors
convertie en chaux à travers des calcinations dans le four à chaux et réutilisée dans le
dissolveur à chaux. La pâte est alors blanchie par un processus en trois à cinq étapes
qui forment la séquence de blanchiment (délignification et brillantage) – v. infra – et
elle est séchée et mis en balles pour être expédiée sur le marché.
7.75 Procédé de blanchiment : le choix du procédé de blanchiment dépend
681
de la pâte concernée et de l’ut ilisation finale qui en est prévue . Les effluents
liquides du procédé de blanchiment consti tuent typiquement la moitié des rejets
d’effluents ainsi que la plus grande partie de la charge organique d’une usine BEKP
(CIS Section 2.6).
681
V. Friends of the Earth Briefing on the Environmental Consequences of Pulp and Paper Manufacture,
Alan Stanley, Octobre 1996 (modifié en décembre 2001), section 1.2, Annexes, livre V, annexe 15.
292 7.76 Par le passé, le chlore élémentaire (Cl 2) était utilisé comme milieu
acidique pour blanchir la pâte, mais l’utili sation de ce procédé a pour conséquence la
production d’une large gamme d’hydrocarbure s chlorés, dont certains (en particulier
les dioxines et les furanes), sont toxi ques et cancérigènes. Confrontée aux
préoccupations du public à propos des effets des dioxines, l’industrie du papier a
adopté deux procédés alternatifs: le bl anchiment dit «ECF» (exempt de chlore
élémentaire) qui utilise du bioxyde de chlore au lieu du chlore élémentaire, et le
blanchiment «TFC» (totalement exempt de chlore) qui utilise seulement des
682
substances chimiques oxydantes, et non des produits chimiques à base de chlore . Il
est également possible d’utiliser les propriétés des deux techniques, un procédé connu
sous le nom « ECF-allégé ». Le CIS décrit Botnia comme l’un des chefs de file pour
683
l’adoption des technologies TCF (Section 2.6) . Le même rapport déclare que la
production de pâte issue du procédé TCF a un moins bon rendement et la pâte se
révèle d’une qualité finale moindre que ce lles des procédés ECF et ECF-Light. Le
choix du procédé de blanchim ent est une question importan te et aucune alternative
n’a été envisagée.
7.77 Selon le CIS, qui mentionne à cet égard une Etude menée en 2006 par
une agence gouvernementale de l’Etat de Ta smanie, en Australie, ni le procédé TCF
ni le procédé ECF n’émettent de diox ines à des niveaux significatifs pour
684
l’environnement . Cette étude concluait que la pâte TCF et la pâte ECF avaient des
impacts environnementaux similaires en termes de rejets à l’atmosphère et d’eau. Les
deux technologies sont qualifiées par le CIS d’acceptables en vertu de la Convention
de Stockholm, de l’IPPC-BAT, de l’USEPA et de toutes les instances d’autorisation
significatives.
682Ibid, section 1.2b et note 52. Le Briefing relève que l’industrie est divisée sur les méri tes relatifs des
683x procédés – v. section 1.2d.
684Le CIS déclare que 21% de la production totale de Botnia utilise le procédé TCF
L’étude tasmanienne est mentionnée auxp. ES.ix. et à la section 2.6, p. 2.25, Annexes, livre V, annexe 6.
293 Prélèvements d’eau
7.78 Les méthodes de traitement de la pâte, y compris la méthode de pâte
Kraft, utilisent de très grandes quantités d’eau. Ceci a des impacts environnementaux
considérables, du fait (1) des quantités d’eau prélevées et (2) du risque de dommage
pour l’environnement adjacent. Les cons équences comprennent typiquement une
augmentation de la sédimentation et de la turbidité de l’eau, un e augmentation de la
température de l’eau, une diminution de la diversité des habitats, une concentration
possible de substances toxiques, ainsi que la diminution des réserves aquifères
souterraines 68.
Emissions et effluents
7.79 Les rejets à l’atmosphère des usines de pâte Kraft ont pour origine les
éléments suivants : le stockage des copeaux ; le lessiveur de cuisson ; le lavage de la
pâte; les ateliers de blanchiment; la préparation des produits chimiques de
blanchiment; la récupération des produits chimiques ; l’évaporation ; le fourneau de
destruction des écorces ; la chaudière de récupération ; la préparation de la liqueur
blanche; le four à chaux; et le séchage de lapâteetdesrése rvoirs. Les émissions
sont surtout des produits de combustion, y compris des particules en suspension, des
oxydes d’azote (NO x), et de souffre (SO2), ainsi que des composés nauséabonds de
soufre réduit , généralement désignés sous le vocable de composés du soufre réduit
total (TRS). Des oxydes d’azote sont émis par les fours, de même que de faibles
quantités de poussière (particules solide s) sous forme de cendres volantes. Des
composés chlorés peuvent également être rejetés dans l’atmosphère à partir des
ateliers de blanchiments et de la préparation des composés chimiques de blanchiment.
(1) Rejets d’effluents liquides
7.80 Pollution organique générale et solides en suspension : les principaux
effluents des procédés de fabrication de pâte Kraft sont des substances organiques
consommatrices d’oxygène, telles que les pert es en fibres de cellulose, de l’amidon,
685V. le Briefing de Friends of the Earth,section 1.6b, Annexes, livre V, annexe 15.
294 des glucides et de l’hémicellulose (ou des acides organiques résultant de leur
dégradation) qui sont quantifiées en tant que COD (demande chimique en oxygène) et
686
BOD (demande biologique en oxygène. . Cette demande d’oxygène réduit la
quantité disponible ce qui a en conséquence un impact négatif pour la faune et la flore
687
sauvages à proximité et en aval des rejets d’effluents .
7.81 Des niveaux élevés de solides en suspension peuvent également poser
des problèmes, à la fois en termes d’opaci té de l’eau et de couverture du lit des
rivières ou des lacs. Une c ouverture importante peut résulter en une décomposition
aérobique sous la couverture, susceptible de diffuser de l’h ydrogène sulfuré dans
l’écosystème. Les solides organiques peuven t également adsorber un grand nombre
des toxines émises par les usines, telles que les acides résiniques, les acides gras et les
métaux lourds. Et ceci peut avoir des répercussions à long terme sur une aire
géographique étendue en raison de la bi oaccumulation de ces toxines et de leur
688
transport à travers la chaîne trophique et alimentaire .
7.82 Les effluents traités issus d’usines de pâte Kraft contiennent
principalement des solides inorganiques dissous, ou des sels de sodium et de calcium,
et de faibles concentrations de composés organiques résiduels.
7.83 Composés acides : il s’agit principaleme nt d’acides résiniques
naturels. Ils peuvent avoir été chlorés dans le s effluents de production de pâte Kraft à
689
partir de bois. Ils sont aisément biodégradables et ne se bioaccumulent pas .
686
BOD est une mesure de la quan tité de matière organique néce ssitant de l’oxygène pour sa
décomposition, utilisée da ns le contexte de la pollution organi que en milieux aquatiques. COD est une
mesure de la quantité de substan ces organiques et de toute matière en tant que composés chimiques qui
s’oxydent et qui nécessitent pour ce faire de l’oxygène, de façon se mblable au BOD. COD est utilisé de
manière plus large dans la me sure où il s’agit d’une procédure plus simp le et qu’elle inclut les effets de la
matière organique non biodégradable, qui peut constituer jusqu’à la moitié des substances déchargées – v.
687Briefing de Friends of the Earth en son glossaire.
V. le Briefing de Friends of the Earth en sasection 1.4ai. Annexes, livre V, Annex 15.
688Ibid., section 1.4a i., Annexes, livre V, annexe 15.
689Ibid., section 1.4a ii., Annexes, livre V, annexe 15.
295 7.84 Composés organochlorés: Les effluents des unités de blanchiment, où
des produits chimiques chlorés sont utilisé s, contiennent du chlore lié de façon
covalente à des composés organiques, communément mesurés en tant qu’AOX. AOX
est la mesure d’une large éventail de co mposés organiques chlorés. AOX mesure
également les composés polychlorés, non bi odégradables, dont certains peuvent être
toxiques à de faibles concentrations.
7.85 Les chlorophénols se forment au cours des procédés chimiques de
blanchiment à base de chlore de la pâte à papier. Ils sont toxiques, non biodégradables
et bioaccumulatifs et peuvent également subir des transformation en d’autres
composés qui le sont encore plus. Il s’agit là probable ment du groupe des produits
chimiques les plus dangereux dans les efflue nts de production de pâte à papier, dans
la mesure où ils sont présents en plus grande concentration que d’autres composés
plus toxiques, tels que les dioxines 690. Le remplacement du chlore élémentaire par du
bioxyde de chlore dans le procédé de blan chiment accroît de manière significative la
production de chlorophénols 69.
7.86 Les dioxines sont extrêmement to xiques, non biodégradables et
cancérigènes. Les furanes sont similaires d’ un point de vue chimique, mais sont d’un
ordre de grandeur moins toxiques et non biodégradables. Les dioxines sont connues
pour être présentes dans les gaz de combustion, la pâte à papier et les effluents. Les
effets connus sur les poissons et les mammif ères sont très larges. Chez les humains,
elles sont suspectées d’être à l’origine de fausses couches, d’anomalies congénitales,
de problèmes de peau et d’ atteintes au foie, ainsi que de provoquer des préjudices
neurologiques et comportementaux. Leur bioconcentration à travers la chaîne
692
trophique et alimentaire, via les poissons, est une source de préoccupation majeure .
7.87 Le chlorphorme et d’autres produits chlorés neutres sont formés lors
du procédé de blanchiment, mais à plus faible concentration que les chlorophénols.
690Ibid.
691Ibid., section 1.4a iii, Annexes, livre V, annexe 15.
692
Ibid..
296 Ce groupe de composés est généralement biodégradable et non-bioaccumulatif, mais
certains peuvent être modérément toxiques , mutagènes et/ou sont suspectés d’être
cancérigènes. La préoccupation majeur e à leur égard est l’exposition humaine
693
probable au chloroforme à travers l’air et l’eau potable.
7.88 L’utilisation de bioxyde de chlore, substance de base du blanchiment
ECF, peut conduire à la production de chlo rate. Le chlorate est un herbicide puissant
qui peut gravement affecter les algues aquatiques 69.
7.89 Autres problèmes : Certaines substances chimiques non chlorées
rejetées à partir des usines de pâte à pa pier peuvent également présenter des effets
toxiques sur des organismes aquatiques, si elles ne sont pas traitées de façon
appropriée avant leur évacuation. Les émi ssions de substances colorées peuvent
altérer les écosystèmes aquatiques en rais on d’une réduction de la transparence des
eaux. Les émissions de nutriments (azote et phosphore) peuvent conduire à une
eutrophisation des milieux aquatiques. De s métaux spécifiques extraits du bois
695
peuvent également être détectés à basse concentration dans les effluents .
7.90 Traitement des effluents : il y a trois niveaux possibles de traitement
des effluents des déchets dans les usines de pâte à papier : le traitement primaire qui
implique la séparation mécanique des solides en suspension par précipitation ou par
d’autres méthodes. L’efficacité de tout traitement secondaire ou tertiaire dépend de
l’efficacité de ce traitement primaire, qui réduit les niveaux de BOD et AOX. Le
traitement secondaire utilise des micro-organismes pour accélérer la décomposition
naturelle des déchets organiques. Les deux principales méthodes utilisées sont la
stabilisation sous aération et le traitement par des boues activées (AST). Il s’agit de
traitements aérobies. L’efficacité de ces de ux traitements varie fortement en fonction
du climat, la qualité des intr ants, le type de pâte, l’orig ine des fibres et le procédé
industriel utilisé pour la pr oduction de pâte à papier. En conditions idéales, le
693Ibid..
694Ibid., section 1.4a iv, Annexes, livre V, annexe 15.
695
V. le CIS en sa section 2.7, p. 2.27, Annexes, livre V, annexe 6.
297 traitement AST est plus efficace pour réduire le niveau de BOD et pour enlever les
solides en suspension. Les de ux méthodes présentent tout es deux les désavantages
d’une consommation d’énergie importante et de la production de boues résiduaires.
Des nouveaux traitements anaérobies entren t toutefois progressivement en service 696.
Comme il est indiqué dans le rapport Wheater, le trai tement AST n’est pas conçu
pour éliminer les nutriments, ce qui nécessiterait un traitement tertiaire. 697
7.91 Les traitements tertiaires ou traitements non-bio logiques à base de
substances chimiques impliquent l’utilisa tion d’oxyde d’aluminium, d’oxydes de fer
et de polyélectrolytes afin de favoriser la coagulation des déchets dans les effluents,
qui sont ensuite séparés par filtration sur sable.
(2) Rejets à l’atmosphère
7.92 Les rejets à l’atmosphère à part ir des procédés chimiques de
production de pâte à papier sont formés de particules, d’hydrogène sulfuré, d’oxydes
de sulfure, d’oxydes de souffre et d’oxydes d’azote. D’autre part, des micro-polluants
comprennent du chloroforme, des dioxine s, des furanes, d’autres composés
organochlorés et d’autres su bstances organiques volatiles. Comme pour les effluents
liquides, les niveaux d’émissi ons dépendent étroitement du type de procédé et des
technologies mis en oeuvre 69.
L’odeur émise par l’hydrogène sulfuré (une odeur d’oeuf pourri) peut s’avérer être un
problème spécifique, comme il est décrit ci-dessous. L’Argentine note que le procédé
de pâte Kraft a été interdit en Allemagne pendant plusie urs années au cours de la
décennie 1990. Néanmoins, en raison de l’ apparition de nouvelle s technologies de
blanchiment, de recyclage et de contrôle des odeurs, le procédé de pâte Kraft est à
aujourd’hui autorisé en Allemagne. Ces évènements ne signifient pas pour autant que
la question de l’odeur ne pose plus de pr oblème pour ce qui est du procédé de pâte
Kraft.
696
V. le Briefing de Friends of the Earth Briefingen sa section 1.5., Annexes, livre V, annexe 15.
697V. le rapport Wheater en sa section 6, p. 6, Annexes, livre V, annexe 5.
698V. le Briefing de Friends of the Earth en sasection 1.4b, Annexes, livre V, annexe 15.
298 (3) Déchets solides
7.93 Des déchets solides sont produits, et généralement éliminés par mise
en décharge, bien que l’incinération et le compostage deviennent de plus en plus
courants. Des dioxines et des métaux lour ds peuvent être disséminés au cours de
699
l’élimination des déchets solides .
Les risques environnementaux intrinsèques aux usines de pâte à papier Kraft
7.94 Les principaux problèmes environnementaux soulevés par l’utilisation
de la méthode de fabrication de pâte à papi er Kraft sont liés aux questions suivantes
(v. également supra) : l’impact des effluents des eau x usées (notamment la présence
de chlorophénols et de dioxines, ainsi que la couleur des effluents); les rejets à
l’atmosphère, notamment de dioxines et de gaz nauséabonds; la gestion des résidus
de déchets solides et la consommation d’énergie. Ces éléments ont tous un impact sur
la diversité biologique, la qualité de l’eau et la santé humaine. Le document BREF de
l’Union européenne de 2001 déclare ainsi que :
«[i]n Kraft pulping the wastewater effluents , the emissions to air
including malodorous gases and the energy consumption are the centres of
interest. In some coun tries also waste is expected to become an
environmental issue of concern » 70.
7.95 Le CIS affirme que les technologies de fabrication de la pâte à papier,
les équipements de protection de l’environn ement et les pratiques de fonctionnement
des usines ont évolué rapideme nt au cours des années 1990 et que, pour cette raison,
les caractéristiques des rejets occasionnées par cette industrie ont eux aussi beaucoup
changé. Et d’en conclure que les questi ons environnementales qui demeurent sont
significativement différentes de celles qui se posaient par le passé. Mais de nouvelles
699
700V. le Briefing de Friends of the Earth en sasection 1.4c, Annexes, livre V, annexe 15.
V. l’Executive Summary du document, p. 5, Annexes, livre V, annexe 6.
299 difficultés sont apparues, et d’autres problèmes demeurent, évoqués dans la Section V
de ce chapitre.
7.96 Parmi les problèmes posés par les usin es de pâte à papier, le risque
fréquemment cité comme celui au cŒur du risque environnemental sont les émissions
de dioxines et de furanes. Il est capital. L’étude Hatfield décrit ces composés comme
701
étant « of significant concer n to the general public » . Les usines de production de
pâte Kraft qui utilisent des composés chlo rés dans le procédé de blanchiment (y
compris le traitement ECF) rejettent de s composés organochlorés, notamment des
dioxines et des furanes, dans leurs déchets, tant sous forme de rejets à l’atmosphère
que d’effluents liquides. Comme il est indiqué plus haut, les composés organochlorés
sont extrêmement toxiques , non biodégradables, mutagènes et cancérigènes, et
peuvent être responsables de malformati ons congénitales, d’atteintes au foie,
d’affections de la peau, et de pathologies neurologiques et immunitaires.
7.97 A la lumière de ces risques, le World Bank Pollution Prevention and
Abatement Handbook: Pulp and Paper Mills de 1998 déclare que «the trend is to
avoid the use of any kind of chlorine chemicals and empl oy [TCF] bleaching. [...]
Only ECF processes are acceptable and fr om an environmenta l perspective, TCF
processes are preferred » 702.
7.98 Une autre question clef relative aux émissions rejetées par les usines
les plus modernes de production de pâte Kr aft est liée à la collecte et au traitement
des gaz nauséabonds issus de la fraction de souffre réduit total (TRS). D’après le CIS,
le traitement des TRS est dans une large me sure couvert par la mise en Œuvre, dans
les deux usines, de systèmes modernes de collecte de gaz non condensables (NCG).
Toutefois, le seuil très bas de déclenchement des odeurs pour ces gaz (5-10 ppb) rend
l’élimination complète des odeurs extrêm ement difficile. Le CIS n’indique pas que
cette odeur n’apparaîtra pas de manière récurrente.
701
702V. le rapport Hatfield, p. 3, § 6, Annexes, livre V, annexe 9.
V. le Handbook, p. 395-396, http://www.worldbank.org
300 7.99 Une autre question est celle de la coloration des effluents, ce qui,
d’après le CIS, est réglé par une selection de techniques de production de pâte et de
blanchiment, et par des systèmes extensifs de collecte des résidus (section 2.7 at page
2.28 of the CIS).
7.100 Les banques multilatérales de déve loppement ont réalisé de longue
date la variété des impacts négatifs sur l’environnement que pe uvent présenter les
usines de pâte à papier. Des institutions telles que la Banque européenne de
reconstruction et de développement (BERD) 703, la Banque inter-américaine de
développement, la Banque mondiale et la SFI exigent toutes des projets de
construction d’usines de pâte à papier de grande taille qu’ils soient soumis à des
procédures d’études d’impact environnemen tal obligatoires. Les usines de pâte à
704
papier sont également soumises à ce type de procédure au titre du droit européen .
La Convention d’Espoo de 1991 de la Co mmission Economique pour l’Europe des
Nations Unies sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte
transfrontière liste également la fabrication de pâte à papier et de papier à partir et au
dessus du seuil de 200 tonnes séchées à l’ai r par jour, parmi les activités nécessitant
une notification aux Etats parties affect és, dès lors que cette fabrication est
susceptible d’avoir un impact négatif significatif dans un contexte transfrontière 705.
703Les installations industrielles pou r : (a) la production de pâte à paer à partir de bois et d’autre
matériaux fibreux similaires; (b) laproduction de papier et de carton avec une capacité de production
excédant 200 tonnes par jour séchée s à l’air sont listées comme projets de type «A» dans l’annexe 1 du
document sur les politiques environneme ntales de la BERD (approuvé le 29 avril 2003). Les projets sont
classés en catégorie « A» quand le projet qui reçoitun financement de la BERD pourrait avoir à l’avenir
des impacts environnementaux potentiellement significatifs, mais qui, au moment de l’évaluation du projet,
ne peuvent pas être aisément identi fiés ou évalués. Une étude de l’im pact environnemental (EIE) est alors
requise afin d’identifier et d’évaluer les impacts enviro nnementaux futurs associés au projet proposé, afin
d’identifier les possibilités d’amélio ration potentielle de l’environnement, et af in de recommander toute
mesure nécessaire pour prévenir, réduire, et circonscrire les impacts négatifs (voir section 16 du document
de politique environnementale).
704Voir Directive du Conseil 85/337/CE telle qu’amendée par la Directiv e du Conseil 97/11/CE et par la
Directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil. L’annexe I de la Directive liste les projets qui
font l’objet d’une évaluation obligato ire et le paragraphe 18de l’annexe I se réfère aux installations
industrielles pour la production de pâte à papier à partir de bois ou d’autres matériaux fibreux similaires.
705Les installations pour la fabrication de papier et de pâte à papier produisant au moins 200 tonnes séchées
à l'air par jour sont également listées à l’Annexe 1 de la Convention, §13.
301 7.101 Les installations industrielles pour la production de pâte à papier à
partir de bois et d’autres matériaux fibreux similaires sont également couvertes par le
régime de l’Union européenne relatif à la prévention et la réduction intégrées des
pollutions (IPPC). 706
Section IV
Le mode de fonctionnement et les rejets envisagés pour l’usine Orion
7.102 Les caractéristiques générales de l’usine proposée sont résumées dans
le tableau 2.2-1 du CIS. Le tableau montre que la production annuelle de pâte à papier
séchée à l’air de l’usine Orion sera de 1. 000.000 tonnes par an. Ce chiffre montre
l’ampleur du projet, dans la mesure où la production moyenne d’une usine de pâte à
707
papier européenne est de 180.000 tonnes par an . Le tableau indique également que
la production de l’usine Orion est prévue pour démarrer en 2007 et qu’elle est
envisagée pour une durée de vie estimée de 40 ans.
7.103 Le même tableau indique que l’appr ovisionnement en eau et le rejet
des effluents des opérations industrielles se fera dans le fleuve Uruguay.
7.104 L’usine de pâte à papier Orion co mprend la construction d’un site
Greenfield de production à partir d’eucaly ptus de pâte à papier Kraft blanchie
(BEKP). Botnia est le deuxième producteur européen de pâte à papier. L’usine sera
approvisionné en bois par le partenaire de Botnia, Forestal Oriental SA, qui met en
oeuvre les plantations dans la région de Pa ysandú, à environ 200 kilomètres au nord-
708
ouest du site de l’usine . Les conséquences des pl antations d’eucalyptus sur
l’équilibre de l’eau ont été évoquées plus haut, dans la Section II de ce chapitre.
706
V. la directive du conseil n° 96/61/CC modifiée, Annexe I, §6.1.
707V. le document BREF de l’Union européenne en sa section 1.1, §18, Anexes, livre V, annexe 15.
708Annexes, livre VIII, annexes 3 et 5.
302 7.105 Le projet proposé par Botnia compre nd la construction, le démarrage
et le fonctionnement d’une usine de producti on de cellulose, ainsi que d’un terminal
portuaire dans une zone franche située à pr oximité du port de Fray Bentos, sur le
fleuve Uruguay. Chacun de ces élém ents est soumis à une autorisation
environnementale préalable en droit uruguayen, qui a été octroyée par l’Uruguay en
violation du Statut de 1975 (voir chapitres IV et V, supra). Un certain nombre
d’éléments associés au projet néces sitent également des autorisations
environnementales préalables, qui doivent aussi être en conformité avec le Statut de
1975. Il en va ainsi pour : une antenne de rejet des effluents dans le fleuve Uruguay ;
un site de décharge terminale pour les déchets industriels so lides potentiellement
3
dangereux; une unité de traitement à grande échelle des effluents (73,000 m /day);
une installation de production d’électricit é et d’autres installa tions complémentaires
pour la production d’intrants chimique s (eau oxygénée et chlorate de sodium) 709.
L’incapacité de l’Uruguay à conduire une évaluation appropriée de l’« îlot chimique »
qui sera au coeur du projet, est évoquée pl us loin, à la Section V. Le fait centrale
demeure que le 14 février 2005, au moment de autoriser unilatéralement le projet
Orion, l’ Uruguay n’avait pas toute l’information nécessaire.
7.106 Plusieurs facteurs sont indicatifs de l’envergure du projet Orion.
Pendant le fonctionnement éventuel de l’ usine, quelques 150.000 tonnes par an de
composés chimiques seront réceptionnées po ur être utilisées dans la production
industrielle, incluant des subs tances solides, liquides et peut-être du mazout lourd.
900.000 tonnes par an de produits finis sero nt chargées sur des barges sous forme de
balles de pâtes à papier, pour être expédiées vers un terminal de transbordement situé
à Nueva Palmira. Le nouveau port sera composé de deux quais pour les navires,
comprenant les zones de manutention corresp ondantes et de trois «ducs d’albe»
pour faciliter le mouillage des navires importants, de même qu’une zone gagnée sur le
fleuve pour la collecte et la circulation des chargements. 710L’usine aura une capacité
de production annuelle d’environ 1.000.000 tonnes de pâte à papier séchée à l’air
709
710Le projet est résumé dans le rapport de la DINAMA de février 2005, p. 1, Annexes, livre V, annexe 8.
Ibid.
303 (ADt/a). La consommation prévue d’eau du fleuve Uruguay de l’usine qui sera
soumise à un traitement physico-chimique av ant son utilisation pour le processus de
production est de 1000 l/s.
7.107 Sélection du site : l’usine Orion est cons truite à Fray Bentos.
L’Argentine n’a reçu aucune explication satis faisante sur les critères utilisés pour
sélectionner l’emplacement du projet, et en particulier sur les critères
environnementaux. Ces informations ont été demandées par l’Argentine via la CARU
et le GTAN, mais ne lui ont jamais ét é communiquées avant la publication du CIS
final – un document dont le caractère prof ondément insatisfaisant est évoqué plus
loin. Ni l’évaluation de l’impact environn emental fourni par Botnia, ni le rapport
publié par la DINAMA n’ont traité de cett e question. Le gouvernement de l’Uruguay
a tout simplement refusé de discuter de la question lorsque celle-ci a été soulevée par
l’Argentine au sein de la CARU et du GTAN. L’Argentine a posé à plusieurs reprises
la question de sites alternat ifs à l’emplacement retenu, soutenant que l’absence de
traitement du choix du site dans les deux études d’impact environnemental constituait
une violation des normes internationales pour l’évaluation environnementale 711. Le
rapport Hatfield fait lui auss i référence au caractère insatisf aisant du traitement de la
question de la sélection du site par le CIS :
«[t]he CIS does not provide a clear understanding of the site selection
process employed by Orion…Many stak eholders have commented on this
oversight. There is a desire on the pa rt of the stakeholders to have an
unambiguous “road-map” of the de cision process that governed
elimination/selection of potential mill sites »712.
Le rapport Hatfield continue en recommandant que Botn ia décrive en détail les
arguments et l’« arbre de décision » utilisés lors de l’étude détaillée de chaque site
pour déterminer s’il était acceptable pour l’implantation d’une usine de pâte à
papier. Cela n’a, à ce jour, toujours pas été fait.
711
712V. le rapport argentin au GTAN, p. 7, Annexes, livre IV, annexe 1.
V. le rapport Hatfield et sa « Issue A23 », p. 18, Annexes, livre V, annexe 9.
304 7.108 La question n’est finalement traitée que dans la section 2.3 du dernier
CIS, où elle est abordée de manière prof ondément insatisfaisante, à travers une
713
démarche qui n’est pas objective. Le mandat de l’équipe du CIS se contente de
déclarer que l’Uruguay est l’une des très rares régions au monde dans laquelle les
plantations d’arbres existantes sont en me sure de fournir suffisamment de matières
premières pour une nouvelle usine de pâte à papier de cette taille.L’Argentine note que
ces plantations sont des zones plantées et en aucun cas des zones de forêts existant à
l’état naturel. Tout au long du CIS, les af firmations de Botnia sont tout simplement
acceptées pour argent comptant et il n’y a au cune discussion visa nt à comparer la
pertinence environnementale du(des) site(s) choisi(s) vis-à-vis de celle d’autres
alternatives (y compris l’abandon du projet d’usine). Les recommandations du rapport
Hatfield tendant à la fourniture des raisons duchoix et d’un « arbre de décision » n’ont
pas été suivies. Et il s’agit là d’une carence majeure attribuable à l’Uruguay.
7.109 Le CIS déclare que Botnia (et ENCE) ont décidé de développer leur
usines de pâte à papier en Uruguay en raison de la politique forestière de ce pays, de
ses ressources naturelles, de la présence d’ une main d’Œuvre qualifiée ainsi que d’un
714
environnement social, politique et économique stable . La proximité de plantations
opérationnelles et en activité ainsi que la présence d’eaux profondes navigables sont
présentées comme ayant été les facteurs les plus importants pris en compte pour la
décision, en termes de logistique et d’ infrastructure. Le CIS traite d’un certain
nombre d’aspects environnementaux du pr ojet – notamment l’approvisionnement en
eau, la gestion des déchets, les inconvénients esthétiques, les rejets à l’atmosphère, la
présence de zones naturelles ou culturelle s sensibles et l’acceptabilité du projet
industriel - mais n’examine à aucun mome nt comment ces aspects environnementaux
ont influencé le choix de placer l’usine à l’emplacement proposé. Le rapport se
contente d’affirmer que Botnia a pris en compte l’importance culturelle de
Ñandubaysal, en Argentine, et de Las Caña s, en Uruguay, dans le cadre de sa
713V. l’annexe J du CIS, Annexes, livre V, annexe 6.
714V. le CIS en sa section 2.3, p. 2.7, Annexes, livre V, annexe 6.
305 procédure de sélection du site. Pourtant, la décision finale de Botnia n’a pris en
compte que la proximité des zones de lois irs situées en Uruguay et a manifestement
sous-estimé (ou simplement ignoré) l’importan ce de la partie argentine de la région
touchée par le projet 715.
7.110 La procédure de sélection du site de l’usine de pâte à papier a été basée
sur une méthodologie subjective et aucun critère relatif à l’environnement naturel
(aquatique ou terrestre) n’a été appliqué demanière explicite. Le processus de sélection
du site à micro-échelle (i.e. à l’échelle détaillée au niveaulocal) a été mené en assignant
une priorité exclusive aux critères économiques, logistiques et de construction, afin de
réduire les coûts du projet et de faciliter le fonctionnement industriel.
7.111 La méthode d’analyse SWOT a été em ployée au cours de la procédure
d’évaluation du site, que sa mise en Œuvre a été, à l’évidence, biaisée par les huit
critères utilisés, dont sept étaient d’ordre économique ou logistique, un était axé sur la
notion du développement industriel (approvisionnement en bois, intrants en énergie et
en eau, transport et proximité des villes) et un dernier étaitd’ordre social (tableau 2.3-2
du CIS). C’est seulement après que l’emplacement du projet ait été choisi sur la seule
base de ces critères qu’a été tentée une justification, surdes critères environnementaux,
de la localisation retenue. Même si des cons idérations sociales ont pu être prises en
compte, les critères environnementaux ont été mentionnés en passant mais n’ont jamais
été analysés de manière précise et explicite. La méthode appropriée de sélection du site
aurait dû être la quantification des variations spatiales quant aux conditions sociales et
environnementales les plus importantes, l’estm i ation des zones les plus sensibles (cartes
de sensibilité et d’interdiction de certaine s zones), ainsi que l’id entification de sites
alternatifs, afin de pouvoir procéder à un e sélection finale acceptable, fondée sur des
critères environnementaux rigoureux combinés à des considérations économiques et
sociales. Tout cela n’a simplement pas été fait. La procédure de sélection du site a été
totalement inappropriée, dans la mesure où elle ne s’est pas fondée de manière
satisfaisante, voire pas du tout, sur des critères environnementaux. En particulier, il ne
715
V. le CIS, p. 2.11, Annexes, livre V, annexe 6.
306 semble avoir été tenu aucun compte des effets des rejets de polluants à cet endroit du
fleuve Uruguay, ou des impl ications socio-économiques du projet du côté argentin,
notamment en termes d’activités touristiques etde loisirs.
7.112 Méthodes de production et usine : il est proposé que l’usine Orion soit
une usine de production de pâte à papier Kr aft blanchie à l’aide d’une installation de
716
blanchiment de type ECF, ; elle opérera à l’aide des méthodes de transformation de
pâte Kraft telles que décrites ci-dessous, da ns la Section III. Cela signifie que l’usine
utilisera du bioxyde de chlore comme agen t de blanchiment plutôt que du chlore
élémentaire. L’usine utilisera également de la soude caustique, de l’oxygène, de l’eau
oxygénée, et de l’acide sulfurique comme agents chimiques pendant les opérations de
blanchiment.
7.113 Le projet d’usine Orion comprend aussi la construction de deux
installations de production de produits chimiques destinés à la transformation de la
pâte à papier: une installation amenée à prod uire environ 70-80 tonnes par jour d’eau
oxygénée, et une deuxième in stallation qui produira du chlorate de sodium par
extraction de saumure. Les deux installa tions produiront plus de substances
chimiques que la quantité nécessaire au fonctionnement de l’usine 717.
7.114 L’installation de production d’électricité de l’usine Orion sera formée de
deux turbines à vapeur, alimentées par une ligne de vapeur, elle-même générée par la
chaleur dégagée par la chaudière de récuperation, principalement lorsde la combustion
de la liqueur noire et des gaz odorants.L’installation produiraun surplus d’énergie.
7.115 L’usine de pâte à papier procédera au recyclage des filtrats au sein de
l’installation de blanchiment, ce qui est considéré comme réduisant la consommation
716
717V. le CIS, p. ES.i, Annexes, livre V, annexe 6.
V. le rapport de la DINAMA de février 2005, p. 3, Annexes, livre V, annexe 8.
307 d’eau et la quantité d’effluents, et réutili sera les résidus de substances chimiques au
sein même de l’installation de blanchiment 718.
Evacuation des déchets et rejets
7.116 L’usine produira des quantités importantes d’effluents industriels et de
déchets. Les détails des caractéristiques et du traitement des effluents produits ainsi
que les méthodes de traitement proposées sont exposés dans l’étude initiale de
719
l’impact environnemental des usines . Cette section expose l’ampleur des rejets et
des émissions de l’usine, tels que décrits par la société à l’origine du projet. La nature
des rejets et l’impact environnemental de l’usine sont envisagés en détail dans la
Section V, avec l’éclairage des critiques formulées à l’égard des études d’impact
environnemental initiales et de la version provisoire du CIS. Une analyse critique des
impacts identifiés dans le CIS final est également présentée dans la Section V.
7.117 Afin d’éliminer les déchets solides, un projet de décharge est envisagé
à Cañada de los Perros. Selon l’évaluation initiale des impact s environnementaux,
cette décharge sera construite conformé ment aux lignes directrices de l’Union
européenne. Il est estimé que quelques 49.500 tonnes de dé chets solides seront
720
expédiées là-bas chaque année . Sur une période de 40 ans, cela signifie
qu’approximativement 2.000.000 de tonnes de déchets solides seront générés et qu’il
faudra bien les éliminer. Aucune étude d’impact environnemental ne semble avoir été
préparée pour cette installation d’élimination des déchets.
7.118 La partie de l’usine qui traitera les effluents aura une capacité de
traitement de quelque 73.000m 3 par jour, dont la plus gran de partie proviendra du
718V. le CIS en sa section 2.6, p. 2.25, Annexes, livre V, annexe 6.
719V. le tableau dans le rapport argentin au GTAN, p. 13.
720
Comme il est précisé dans le rapport de Botnia, 29,500 t/an seront mises en décharge. Le reste retourne
aux plantations (7,800 t/an), à la dé charge municipale (3,150 t/an) et des parties tierces seront chargées de
traiter les déchets dangereux (150 t/an), voir l’EIE de Botnia .
308 721
blanchiment de la pâte. L’usine utilisera le procédé de traitement des effluents par
3
boues activées (AST), quitraitera un flux moyen de rejets d’environ 73.000m par jour.
7.119 D’après le CIS, les rejets d’effluent s dans le fleuve seront effectués à
l’aide d’une antenne de rejet qui opérera à une profondeur d’environ 8.25m en
période d’eaux basses. L’antenne de rejet se terminera par un diffuseur de 200m de
long doté de 80 bouches de rejet (DN250) et orienté perpendiculairement à la rive. La
zone de rejet est située en amont du terminal portuaire, à l’extrém ité est de la zone
d’implantation du projet. A l’embouchure du Yaguareté et dans les environs, à
l’extrémité ouest des bâtiments de l’usin e Orion, on trouve une zone d’eaux peu
profondes (moins de deux mètres de prof ondeur) avec un système de courants qui
tend à favoriser le dépôt de sédiments.
7.120 La première étude d’impact envi ronnemental fournie par Botnia
indiquait que l’impact de l’accumulation de sédiments liée à la présence des
structures du port serait limitée et relati vement modeste, mais la DINAMA a relevé
lui-même que cette étude se contredisait elle-même au sujet de l’impact que le
722
terminal aurait sur les poissons de cette zone . Les questions de la sédimentation et
de la contamination des poissons sont évoquées aux Sections II et V.
Section V
Les effets de la construction et du fonctionnement de l’usine projeté sur
l’environnement du fleuve et de ses zones d’influence
Evaluation générale
721V. le rapport de la DINAMA de février 2005, p. 4, Annexes, livre V, annexe 8.
722
V. le rapport de la DINAMA de février 2005, p. 5, Annexes, livre V, annexe 8.
309 7.121 Cette section envisage les impacts environnementaux et associés de
l’usine en procédant à une analyse critique des conclusions du CIS final ainsi que
d’autres sources d’information pertinente s, à la lumière des opinions d’experts
indépendants reçues par l’Argentine. Le point qui soit co mmun à tous les
développements de cette section est d’ aborder la question générique visant à
déterminer avec précision l’impact que le projet aura sur les utilisateurs actuels du
fleuve, en prenant en compte les conséque nces environnementales analysées ici. La
question relève directement des obligations imposées par le Statut de 1975, et
notamment des obligations de procédur es qu’il prescrit pour des projets
«suffisamment[s] important[s] pour affect er[…] la qualité des eaux» du fleuve
Uruguay (article 7), ainsi que de l’obligati on de «protéger et préserver le milieu
aquatique» et «d’en empêcher la pollu tion» (article 41(a)). Elle est également
directement liée aux prescriptions de la Directive opérationnelle n° 7.50 de la SFI, qui
exige que les projets ne causent pas de «dommage appréciable» aux autres
utilisateurs riverains du fleuve. Enfin, comm e il sera montré plus loin, les risques
associés au transport de substances chim iques par barge n’ont pas été traités de
manière appropriée par l’Uruguay.
7.122 L’usine Orion est suffisamment import ante pour affecter le fleuve
Uruguay. Il découle tout au ssi clairement des carences ma nifestes de la procédure
d’autorisation que l’Uruguay n’a pas rempli ses obligations de assurer que l’usine
Orion ne causerait aucun préjudice au fleuve Uruguay et ses zones d’influence, et en
particulier aux personnes habitant aux alen tours de la localisa tion unilatéralement
décidé, en violation du Statut de 1975 –e n particulier, aux personnes engagées dans
des activités de tourisme ou de pêche (que ce soit à titre de loisir ou de subsistance).
Le rapport Latinoconsult confirme la fo rte probabilité que so ient altérées les
populations de poissons et la diversité des écosystèmes, de même qu’il confirme
l’augmentation de la fréquence d’apparition et de développement d’algues résultant
723
du phénomène d’eutrophisation . L’Argentine considère qu’il s’agit là d’un
préjudice significatif, découlant de do mmages causés aux écosystèmes dans les
723
V. le rapport, Annexes, livre V, annexe 3.
310 environs de l’usine. De plus, le rapport Latinoconsult conclut à un risque de pollution
plus important lors des arrêts et des redé marrages de l’usine (risque qui n’a pas été
abordé par le CIS de façon quantitative), à la présence d’un bassin d’urgence de
dimension inappropriée, ainsi qu’à une ab sence inacceptable d’installation de
traitement tertiaire 724. Les impacts environnementaux majeurs qui conduiront à la
réalisation de préjudices appréciables co mprennent notamment: l’accumulation de
sédiments et de contaminants associés en baie de Yaguarete, avec des implications
sur la chaîne trophique et alimentaire; une augmentation de l’ eutrophisation, ainsi
que de l’apparition et du développement d’algues, en raison de niveaux plus élevés de
phosphore et d’autres nutriments ; la génération d’odeurs nauséabondes sur un secteur
étendu et un risque accru d’accidents ch imiques, notamment à partir des barges
fluviales.
7.123 Les fondements détaillés de cette évaluation générale des impacts
négatifs considérables du projet seront développés dans la suite de cette section.
Méthodologie du CIS : la référence aux BAT (meilleures techniques disponibles)
7.124 Le CIS a conclu que l’usine de pâ te à papier met en oeuvre les
recommandations prônées par les meil leures techniques disponibles (BAT) 725.
Quelque soit la façon dont le projet re specte les BAT sur d’autres aspects, il est
évident, comme cela est développé ci-desso us, que l’usine ne respecte pas les BAT
pour ce qui concerne l’absence de traitement tertiaire et l’absence de fourniture de
bassins d’urgence appropriés. En tout état de cause, l’Argentine rejette la conclusion
que semble en tirer le CIS, selon laquelle le respect des normes des BAT signifie que
724
V. les sections 7,8 et 9, Annexes, livre V, annexe 3.
725V. le CIS, p. ES.iv. Globalement, le CIS déclare que Botnia a dével oppé des configurations de ligne de
production de fibres (et de production de pâte à papier) « that wo uld be welcomed in Canada, the USA or
Europe», et qui devraient condui re sur presque tous les aspectsdes performances environnementales
meilleures que leurs usines de produc tion de pâte à papier existantes. La sélection d’une délignification en
deux étapes à base d’oxygène, le blanchiment par uneprocédure allégé de l’ECF, et l’approche prudente
concernant le recyclage des filtrts alcalins est prétendument conf orme aux BAT. Les performances
attendues en ce qui concer ne les flux, le contenu en COD et la coloration deffluents d’opérations de
blanchiment sont prétendument les meil leures au monde. – v. le résumé de la sectio n 2.6, p. 2.26 du CIS,
Annexes, livre V, annexe 6.
311 726
l’usine n’aura aucun impact si gnificatif sur l’environnement . Comme le dit le
rapport Latinoconsult :
«[a]ny responsible environmental anal ysis must, as the FCIS has done,
consider the current regulatory re quirements such as standards for
discharge and ambient water quality, and standards for BAT. However,
adherence to such standards does not in itself guarantee that there will be
no environmental effects. Standards for BAT are set to provide the best
possible level of environmental protect ion that is commer cially feasible
and as such do not necessarily reflect the absolute best protection that is
technically feasible (European Union Council Directive 96/61/CE - article
16, Section 2). While em ission and ambient environmental standards are
usually set conservatively and based on the best available information,
they are from time to time revised to reflect new knowledge about the
727
significance of environmental effects » .
7.125 Il est important de noter dès l’abord que les normes européennes des
BAT ne couvrent pas tous les problèmes en vironnementaux liés au fonctionnement
d’une usine de pâte à papier. Le document BREF 2001 précise ainsi que
« [n]either environmentally relevant upstream processes like forestry
management, production of process chemicals off-site and transport of raw
materials to the mill nor downstream activities like paper converting or
printing are included in this docu ment. Environmental aspects which do
not specifically relate to pulp and pa per production such as storage and
handling of chemicals, occupational safety and hazard risk, heat and power
plants, cooling and vacuum systems and raw water treatment are not or
only briefly treated » 728.
726
V. les développements sur cette question du rapport Latinoconsult en sa sectio n 4, p. 20-25, Annexes,
livre V, annexe 3.
727Ibid, section 4.5, p. 23, Annexes, livre V, annexe 3.
728V. le document BREF de l’Union européenne, Executive Summary, p. 3, Annexes, livre V, annexe 15.
312 7.126 Le rapport Latinoconsult insiste avec raisonsurlefaitque,mêmesi
elles sont mises en Œuvre, les techni ques modernes préconisées par les BAT
n’éliminent pas tous les effets sur l’en vironnement. Les problèmes spécifiques
729
soulignés par le rapport sont les suivants :
• même si la modernisation des usin es de pâte à papier a permis
des progrès importants dans le sens d’une réduction des rejets de
substances chimiques hautement toxiques telles que les dioxines
et les furanes, ces améliorations ont, dans certaines situations,
créé de nouveaux problèmes ;
• à la lumière des connaissances sc ientifiques actuelles, il apparaît
que, même si le traitement seco ndaire et la technologie ECF ont
contribué à réduire les impacts des effluents des usines de pâte à
papier, ces améliorations ne sont pas suffisantes pour supprimer
d’autres problèmes, tels que les réponses environnementales
730
observées dans la biologie de la reproduction des poissons ;
• la communauté scientifique s’inquiète de plus en plus du fait que
le traitement secondaire n’entr aîne la formation de plus de
substances biologiquement actives;
• il existe un corpus d’évidences scientifique de plus en plus
important qui montre que des effets dominants sur la biologie de
la reproduction peuvent être liés à des substances naturelles ou
de synthèse présentes dans le s liqueurs de cuisson et les
condensés des lessiveurs, et que ces effets ne seraient pas liés à
l’utilisation du chlore dans les opérations de blanchiment ;
• Munkittrick (2004) in dique plusieurs raisons pour lesquelles il
n’est pas conseillé de considérer que les technologies actuelles
ont complètement résolu les problèmes liés aux effluents
d’usines de pâte à papier. On trouve notamment parmi ces
raisons le fait que certains effets ont persisté sur des sites où la
729V. le rapport Latinoconsult en sa section 4.3, p. 21-22, Annexes, livre V, annexe 3.
730V. Munkittrik et al. 1997, Munkittrik et al. 2003, .
313 modernisation des techniques avai t eu lieu et que des impacts
environnementaux ont été consta tés sur des sites utilisant les
731
techniques modernes de blanchiment .
7.127 Même si elles étaient utilisées, les limites des BAT, en tant que normes
permettant d’évaluer l’impact environnemental potentiel des usines de pâte à papier,
doivent être considérées à côté d’un ce rtain nombre d’incertitudes spécifiques
pointées par le rapport Latinoconsult, et qu’il convient maintenant d’évoquer.
L’absence de prise en compte des incerti tudes scientifiques entourant l’impact
environnemental de l’usine de pâte à papier
7.128 Le CIS n’a pas pris suffisammen t en compte les incertitudes
scientifiques en effectuant son évaluation des impacts de l’usine Orion. Dans de
nombreux cas, il ne les a pas prises en compte du tout. Cela contrevient au principe de
précaution, qui s’impose ici tant à titre de norme internationale que de bonne pratique
applicable à la conduite d’études d’im pacts environnementaux. Cette approche
biaisée prive de toute crédibilité sa conc lusion générale du rapport, à savoir que
l’usine n’aura aucun impact significatif sur l’environnement. Tant le rapport Wheater
que le rapport Latinoconsult critiquent l’incapacité du CIS à traiter de manière
appropriée, et parfois à traiter tout court, les incertitudes scientifiques. Le rapport
Wheater en conclut que le CIS ne se conforme pas aux bonnes pratiques
732
internationales à cet égard et souligne que la reconnaissance explicite et l’analyse
des incertitudes est aujourd’hui une pratiq ue reconnue et habituelle en matière
d’évaluation des risques pour l’environnem ent. Le même rapport Wheather identifie
731Les autres raisons citées par le rapport Latinoconsult sont les suivante s : des nouveaux sites présentant
de nouveaux impacts sont mentionnés, les réductions de toxicité des effluent s conduisent à ce que les
poissons soient exposés à des habitats contenant de plus fortes concentrations d’effluents, conduisant elles-
mêmes à une plus grande exposition aux effluents, les améliorations technologiques qui réduisent certaines
substances masquantes co nduisent maintenant à pouvo ir observer les effets des autres substances qui
étaient masqués auparavant, et il existe de nouvelles études qui suggèrent que certains effluents peuvent
avoir des effets nouveaux ou plus marqués en raison de l’introduction de traitement secondaire des
effluents (et ce malgré ces avantages pour réduire d’autres effets). Annexes, livre V, annexe 3.
732
V. le rapport Wheater en sa section 3, p. 3, Annexes, livre V, annexe 5.
314 ainsi des incertitudes par ticulièrement critiques qui nécessitent un traitement
explicite, telles que : 1) la charge en polluants des flux de déchets, 2) les variations de
l’efficacité des installations de traitement des eaux usées ; 3) les situations de bas
débit ; 4) le modèle de dispersion des effluents à proximité; 5) le modèle de
dispersion des effluents à distance; 6) le devenir des contaminants; 7) les effets sur
les écosystèmes.
7.129 Le rapport Latinoconsult pointe pour sa part des questions essentielles
qui obèrent gravement toute possibilité de faire des prévisions fiables quant aux effets
de la construction et du fonctionnement de l’usine de pâte à papier 733:
(1) la délimitation incorrecte du pa nache a pour conséquence qu’il n’est
pas encore possible de caractérise r les concentrations d’exposition
potentielles qui seront supportées par les récepteurs biologiques ;
(2) en l’absence d’information sur les périodes de résidence, les cycles
saisonniers de reproduction et les périodes critiques pour le développement
des organismes de la faune et de la flore exposés, qui sont des données
aujourd’hui manquantes, il est diffici le de prévoir les impacts de cette
exposition ;
(3) en l’absence de données sur les niveaux de base actuels de présence de
contaminants dans les poissons, qui sont aussi des données aujourd’hui
manquantes, il sera impossible de différentier la contribution de l’usine de
pâte à papier et la contribution d’ autres sources dans les charges de
contaminants. Sans ces informations cruciales, une estimation fiable du
risque ne peut pas être faite;
(4) des expériences antérieures mont rent que des effets d’effluents
d’usines de pâte à papier peuvent appa raître alors qu’ils n’avaient pas été
prévus. Ainsi, la plante vasculaire immergée Egeria densa et les cygnes au
cou noir ont été sévèrement touchés (ils ont été éradiqués) dans le site protégé
de Carlos Anwandter, un site protégé par la Convention de RAMSAR, en aval
733
V. le rapport Latinoconsult en sa section 4.6, Annexes, livre V, annexe 3.
315 d’une nouvelle usine de pâte à papier sur le Rio Cruces au Chili (Mulsow and
Grandjean, 2006) 734.
7.130 Le rapport Latinoconsult poursuit en discutant l’incertitude relative
aux normes de rejet d’effluents qui pe rmettent d’assurer la protection de
735
l’environnement . Dans le but d’étudier la qu estion du niveau de dilution des
effluents nécessaire pour garantir la prot ection de 95% des espèces potentiellement
touchées, avec un niveau de confiance statistique de 95%, l’équipe de l’IAEST a
utilisé la méthode de Kooijmann (1987), appelée «hazardous concentration for
sensitive species» («concentration de su bstances dangereuses pour des espèces
736
sensibles » - HCS) .
7.131 Dans la mesure où il n’ existe à ce jour aucune étude de la toxicité des
effluents d’usines de pâte à papier qui sont spécifiques au fleuve Uruguay, cette
analyse a été conduite en utilis ation des estimations de la to xicité à partir de valeurs
mentionnées dans la littérature pour les e ffluents d’usines dotées d’une technologie
semblable à celle proposée pour l’usine Orion de Fray Bentos. (Annexe C). Les
résultats de cette analyse indiquent que ce niveau de protection serait atteint à des
niveaux de concentrations d’effluents d’e nviron 0,01% (équivalent à une dilution de
10.000:1). La portée de cette analyse, comme de celles présentées dans le FCIS, est
cependant également limitée par le manque relatif de données disponibles sur les
propriétés chimiques des effluents issus de l’utilisation d’eucalyptus.
7.132 Il apparaît ainsi clairement, dès l’in stant où l’on prend en compte ces
incertitudes comme l’exige le principe de précaution, que les conclusions du CIS ne
sauraient être valablement défendues.
Le CIS n’a pas traité de tous les risques existants
734
Un autre exemple concerne de relevés des impacts des algues brunes dans la mer Baltique, qui sont
apparues en conséquenc e des rejets de chlo rate seulement aprèsque le ClO 2ait remplacé le chlore
élémentaire dans les anciennes techniques de production de pâte à papier, v. le rapport Latinoconsult, p. 24.
735V. le rapport Latinoconsult en sa section 4.7.
736Cette méthode a été développée par des chercheurs de l’In stitut national de santé publique et de
protection de l’environne ment des Pays-Bas, ( i.e., CJ van Leeuwen, W. Slooff, T Aldenberg, PC
Okkerman, EJVD Plassche, HJB Emans, JH Canton, et autres ; v. van Leeuwen, 1990).
316 7.133 Le rapport Latinoconsult discute dans sa section 3 un certain nombre
de risques importants qui n’ont pas été trai tés dans le CIS. Les risques occultés
comprennent notamment :
• le risque d’accidents chimique s au cours du transport des
approvisionnements sur le fl euve Uruguay, eu égard à
l’accroissement du trafic et des chargements sur le fleuve;
• les risques associés à la synthèse de produits chimiques sur le site
de l’usine.
7.134 Cette carence est une raison suppléme ntaire, qui s’ajoute à l’absence
de prise en compte des incertitudes scientif iques et à une confiance abusive dans le
respect des prescriptions des BAT, qui étab lit de façon certaine que les conclusions
du CIS ne peuvent en aucun cas être considérées comme fondées sur des bases
solides.
7.135 En ce qui concerne le risque d’accidents chimiques en cas de
déversement non intentionnel de subs tances au cours du transport des
approvisionnements sur le fleuve Uruguay, le CIS indique que les produits chimiques
et les autres approvisionnements seront transportés par barge jusqu’à l’usine de pâte à
papier737. Le rapport Latinoconsult note à cet égard que les évaluations
environnementales traitent fré quemment de façon séparée d’activités qui sont liées,
mais que cette pratique, qui est cour ante, n’est pas toujours désirable 738. Le transport
des approvisionnements en substances chimiq ues sur le fleuve Uruguay pourrait, en
cas d’accident, avoir des cons équences graves sur la qualité de l’eau du fleuve. Le
rapport Wheater critique cette lacune du CIS, qui ne traite absolument pas des risques
de pollution accidentelle et note que les accidents chimiques en cas de déversement
non intentionnel de substances depuis des barges ou des en gins routiers n’ont pas été
737
738V. la section F.6 de l’annexe « F-Transportation » du rapport, Annexes, livre V, annexe 3.
See Section 3.1 of the Report at page 18, Annexes, livre V, Annex 3.
317 739
envisagés . Le rapport critique également le fa it que des accidents chimiques liés à
une inondation de l’usine de traitement des eaux usées ne soient pas non plus
évoqués.
7.136 En ce qui concerne les risques liés à la synthèse de produits chimiques
sur le site, Botnia affirme que , outre la production de ClO 2,elle disposera de trois
unités de production chimique : pour le chlorate de sodi um, pour l’acide sulfurique
concentré, et pour le méthanol. Ces instal lations sont présentées comme étant celles
qui fourniront à l’usine de pâte à papier les produits chimiques dont elle aura
740
besoin . Pourtant, la capacité de production de ces installations sera beaucoup plus
importante: 15.000 tonnes/an de eau oxyg énée, 60.000 tonnes/an de chlorate de
sodium, et 65.000 tonnes/an d’oxygène. Ces chiffres indiquent que la plus grande
partie de cette production est destinée à être exportée, ce qui signifie que la synthèse
et le stockage de ces produits chimiques tombent sous le coup du concept d’«îlot
chimique», c’est à dire des installations de synthèse et de commercialisation
séparées, et ce d’autant plus que l’opérate ur concerné sera probablement une société
tierce (Kemira). Cependant, Botnia demeure, en tout état de cause, responsable des
émissions et des rejets de cet « îlot chimique ».
7.137 Aucune analyse séparée de l’impact environnemental de cet «îlot
chimique» n’est fournie; par ailleurs, l’impact environnemen tal de cet «îlot
chimique » n’est pas non plus évoqué dans l’étude générale d’impact
environnemental. L’aspect le plus grave de cette carence est que, outre les questions
environnementales très sérieuses qui so nt soulevées par ces installations de
production chimique, elles ne font l’objet d’aucune éval uation séparée des risques
(pour les évacuations et les dispersions de substances, les produits inflammables et les
risques d’incendie, etc.), ni de plans d’urgence ou de secours pour ce qui les
concerne. Aucune considération n’a été donnée à d’éventuelles mesures de prévention
visant à circonscrire un accident chimique ou à diminuer la gravité des dommages qui
739
740V. le rapport Wheater en sa section 8, p. 9, Annexes, livre V, annexe 5.
Ces approvisionnements sont donn és comme étant de 7.000 tonnes/a n pour l’eau oxygénée, de 12.000
tonnes/an pour le chlorate de sodium, et de 20.000 tonnes/an pour l’oxygène.
318 pourraient résulter d’un tel accident. De même, les inondations ou les risques
sismiques n’ont pas non plus été envisagé s. En conclusion, les risques chimiques
n’ont pas été évalués de manière correcte.
7.138 Par ailleurs, la projet de Botnia pr étend appliquer les prescriptions des
BAT pour les opérations de fa brication de pâte à papier, mais, au contraire, aucune
référence n’est faite pour les prescriptions de s BAT en ce qui concerne la gestion, la
manutention ou le transport à l’intérieur de l’usine des stocks des différents intrants
741
du procédé de fabrication. .
7.139 L’Argentine relève que certaines usines de pâte à papier, telle que celle
de Gunns en Australie, auquel le CIS se réfère fréquemment comme à un modèle,
gère également des volumes importants de ch lore, de solutions de bioxyde de chlore,
d’eau oxygénée, d’oxygène, de chlorate de sodium, d’acétylène, etc.. Ces usines
disposent d’un système de gestion des urge nces et des risques pour ces unités de
production. Dans ce cadre, les évacuations et les dispersions de substances, les
produits inflammables et les risques d’in cendie, ainsi que les autres impacts font
l’objet d’une identification des risques qui y sont associés, et une attention toute
particulière est accordée aux substances dangereuses, en donnant une importance plus
grande aux substances qui peuvent éventuellement avoir un effet à distance du site de
production. Des modèles sont utilisés pour évaluer les effets toxiques potentiels de
disséminations, de dégagements, de dispersions, d’incendies éventuels et
d’explosions. Le CIS ne contient aucune approche de ce type pour l’« îlot chimique »
742
de l’usine Orion .
7.140 De plus, l’Argentine note que, comme le souligne le rapport
Latinoconsult, les industries tombant sous le coup des procédés du Programme 3 de
l’USEPA’s – soit les industries potentielleme nt les plus dangereuses – sont soumises
à des exigences particulières en matière de gestion des risques. Dans ces cas, le
741V. le rapport Latinoconsult en sa section 3.2, p. 19.
742Ibid.
319 propriétaire ou l’opérateur de l’installation doit soumettre un plan unique de gestion
des risques, qui couvre l’ensemble des in formations requises pour la totalité des
procédés mis en Œuvre dans l’installation concernée. Ainsi, le plan de gestion des
risques devrait contenir des informations pe rtinentes à propos de chaque procédé mis
en oeuvre.
Méthodologie du CIS : l’utilisation de la modélisation informatique
7.141 Le CIS mentionne le fait qu’il utilise dessophisticated
internationally accepted computer modell ing techniques for th e analysis of air
743
emissions and effluents to water » . Les techniques de modélisation sur lesquelles le
CIS s’est appuyé, en particul ier en ce qui concerne la di spersion du panache, n’ont
pourtant pas permis de brosser un tableau complet des impacts environnementaux
probables de la construction et du foncti onnement de l’usine Or ion. La conclusion
générale du rapport Wheater sur la modélisation de l’hydrodynamique et de la qualité
de l’eau est que :
«[t]he modelling is poorly presen ted, inadequately detailed, not
transparent, not sufficiently suppor ted by experimental data, and the
744
confidence placed in the models is unjustified and misleading » .
Et le rapport Wheater de poursuivre en adressant une série de critiques à la
démarche du CIS en matière de modélisation, telles que décrites ci-dessous.
7.142 Qualité de l’eau : la méthodologie pour l’év aluation de la qualité de
l’eau est décrite à la section 4.1.3.2 du CIS. L’évaluation de la qualité de l’eau et des
autres impacts associés aux effluents de l’usine de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
s’est faite en utilisant une m odélisation de la dispersion de s effluents dans le fleuve,
dans le but de déterminer les concentrations qui résultent de cette dispersion pour
chacune des substances constitu tives des effluents, afin de pouvoir les comparer aux
743V. le CIS en sa section 4.1.3, p. 4.7, Annexes, livre V, annexe 6.
744V. le rapport Wheater en sa section 7, p. 7, Annexes, livre V annexe 5.
320 valeurs reprises dans les lignes directrices relatives à la qualité de l’eau et aux valeurs
des concentrations de base actuelles. 745Deux types de modèles mathématiques ont été
utilisés par le CIS: de s modèles de proximité , qui prédisent les modifications de la
qualité de l’eau à proximité du point de re jet des effluents, et des modèles à distance ,
qui prédisent ces modifications à plus grande distance du point de rejet..
7.143 L’Argentine a déjà souligné que la méthodologie retenue par le CIS est
gravement biaisée à plusieurs égards: la fréquence du phénomène d’inversion de
courant est largement sous -estimée ; le modèle de dispersion du panache est
plausible, mais la description de la modé lisation en est trop vague. Il n’y a aucune
explication de ce qui a été fait à l’aide de modèles 2D et 3D et les conséquences
d’une transition éventuelle vers un cycle météorologique sec ne sont pas évoquées. La
signification de ces carences pour l’éval uation des risques environnementaux est
évoquée plus haut.
7.144 Les conditions de départ actuelles de la qualité de l’eau, qui ont été
reprises de Algoritmos (2006), sont d écrites par les concentrations moyennes de
paramètres clefs de la qualité de l’eau, à pa rtir de cinq échantillons d’eau prélevés en
2005 à chacune des dix localisations retenues sur le fleuve, dans des conditions de
débit proches de la moyenne. Il est précisé que ces emplacements sont déclarés être
situés depuis l’amont du site de décharge projeté pour CMB jusqu’au Balneario Las
Canas.
7.145 Le CIS a utilisé deux modèles de proximité. Le modèle CORMIX,
développé par l’Université de Cornell, a été utilisé comme outil de modélisation
principal. Le modèle VPLUME, distribué par l’USEPA, a été utilisé pour obtenir une
vérification croisée des résultats produits par le modèle CORMIX « to ensure that the
analysis was valid and conservative ».
745
V. le CIS, p. 4.9, Annexes, livre V, annexe 6.
321 7.146 Le rapport Wheater souligne que le modèle Cormix, «although well-
used and previously proven to be useful in many circumstances, has limitations for
complex channels and tidal-flow inter actions, and caution mu st be used when
interpreting results». Le rapport se réfè re également à la Banque mondiale, qui a
souligné à plusieurs reprises la nécessité de conserver en général une approche
circonspecte quant aux résultats de modèles 746. La Banque a par ailleurs insisté sur le
fait que des campagnes importantes de co llectes de données sont généralement
nécessaires pour autoriser une modélisati on, et ce d’autant plus que les modèles
utilisés sont complexes, comme c’est le cas de ceux employés par le CIS. A cet égard,
la collecte de données effectuée ici pour le CIS est manifestemen t insuffisante pour
étayer les modèles utilisés 747. Le rapport poursuit en notan t que la modélisation de
proximité a été effectuée à l’aide de de ux modèles différents et bien reconnus,
Cormix and Visual Plume, mais sans que le CIS ne précise les différences entre les
résultats obtenus à l’aide des deux modèles ni qu’il ne précise de manière explicite les
hypothèses employées. La modélisation po ur la dispersion à distance (ci-dessous)
devrait aussi comprendre une comparai son entre les résultats des différents
748
modèles .
7.147 La modélisation à distance a été ef fectuée en utilisant la série de
modèles TABS-MD, rendus disponibles par les corps d’ingénierie de l’armée des
Etats-Unis.. Spécifiquement, les modèles RMA-2 and RMA-10 ainsi que leur mise en
oeuvre sont décrits à l’annexe D du CIS.
7.148 L’étalonnage du modèle hydrodynamiq ue à distance est décrit par le
CIS comme étant basé sur des données rela tives aux niveaux des eaux pendant deux
périodes différentes et sous différentes co nditions de débit. Il a été conclu que le
modèle hydrodynamique prédisait de façon pr écise la dynamique des flux le long du
fleuve Uruguay, sous le barrage de Salto Grande (page 4.10 du CIS).
746V. le rapport Wheater en sa section 7, p. 7, Annexes, livre V, annexe 5.
747Ibid.
748
Ibid, p. 8..
322 7.149 Le rapport Wheather relève que le mo dèle à distance a été étalonné et
vérifié vis à vis du niveau des eaux à un pe tit nombre de localisations et pendant une
période limitée, et le rapport poursuit en précisant que, dans ces conditions, les
propriétés hydrodynamiques 2-D ne sont pa s vérifiées, car pour le faire de manière
satisfaisante, il est nécessaire de procéder à des mesures de vi tesse de courant du
fleuve (amplitude et direction), de même qu’à des mesures de profondeur. Le rapport
note que la technologie nécessaire pour étudie r la vitesse de courant du fleuve existe
et affirme qu’il n’apparaît pas clairement pourquoi cette technologie n’a pas été
employée dans le cadre de l’analyse d’impa ct. Le rapport affirme par ailleurs qu’au
minimum, des ADCPs auraient dû être utilises pour vérifi er les courants pour les
simulations de proximité, comme cela avait ét é fait pour les analyses de dispersion
des effluents de la déclaration d’impact e nvironnemental, dans le cas de l’usine de
pâte à papier proposée par Gunns en Tasmanie, ou comme cela a été fait pour appuyer
749
les analyses hydrodynamiques de différents cours d’eaux et estuaires. .
7.150 Le même rapport Wheater souligne que, même si un jeu de modèles
reconnus au niveau international a été utilisé pour modéliser la dispersion des
polluants, tant à proximité qu’à distance,: «this type of model and this type of
application are recognised as being limited by the assumptions used about parameters,
physical processes and boundary conditions ». Il poursuit en signalant qu’une
problématique particulière apparaît ici en raison des effets d’inversion de courant
dans l’estuaire, et de l’effet des vents pour amplifier ces conditions particulières. La
modélisation de ces effets est difficile, l’incertitude qui en découle devrait être
reconnue de manière explicite et la robustesse du comportement du panache vis-à-vis
750
de ces effets devrait être éval uée, affirme le rapport Wheater . Le CIS n’a pourtant
pas cru bon de se conformer à la nécessité de ces exigences.
7.151 Le rapport Weather formule une série de critiques complémentaires vis
à vis de l’approche du CIS quant à la modé lisation, notamment : l’erreur de n’avoir
749Ibid, p. 7.
750V. le rapport Wheater en sa section 3, p. 3-4, Annexes, livre V, annexe 5.
323 pas commandité une mesure bathymétrique à jour; le postulat erroné que le
cŒfficient de Manning était uniforme dans to ute la section basse du fleuve, alors que
les inégalités du chenal sont potentiellement variables sur la longueur et sur la largeur
de cette section; l’utilisation de coeffici ents de dispersion repris d’une étude non
publiée relative à des concentrations bactér iennes, mais qui n’ont été ni vérifiés, ni
correctement justifiés ; le manquement de n’ avoir pas fourni d’information relative à
la grille limitée d’éléments; le manquemen t de n’avoir pas effectué de modélisation
transitoire, ce qui aurait permis une an alyse plus complète de la dynamique des
marées, y compris les événements d’invers ions de courant; le manquement de
n’avoir pas effectué de tests avec des éléments traceurs avant le début du
fonctionnement de l’usine.
7.152 Considérées ensemble, ces critiques et les autres points évoqués plus
haut amènent à conclure à titre général que la démarche du CIS en termes de
modélisation est gravement défectueuse. Or, il s’agit là d’un élément au cŒur de
l’évaluation de l’impact des effluents et des rejets de polluants.
7.153 Le CIS déclare que les caractéristiques physiques et chimiques des
751
rejets d’effluents ont été fournies par Botnia et multipliées par 1.000.000 AD
tonnes/an pour l’usine Orion. Il affirme ég alement que la modélisation a été réalisée
pour différents scénarios de courant du fleuve et de rejets d’effluents, qui
comprenaient l’hypothèse d’un e inversion de courant (qualifiée de «rare»). Pour
chacun de ces scénarios, les résultats de qualité des eaux ont été considérés à des
«river locations of interest» spécifiques, dont deux se trouvaient en Argentine (le
récepteur 10 à Río Uruguay sur la rive argent ine et le récepteur 11 situé dans la zone
de plage de Ñandubaysal, en Argentina) . L’Argentine considère que d’autres
emplacements en baie de Ñandubaysal, dans le lagon Inés et les îles Santa Inés
auraient dû être inclus, eu égard à la sensibilité de ces sites.
Qualité de l’air/rejet à l’atmosphère
751
V. les tableaux 4.1-3 et 4.1-4 dans le CIS, p. 4.24-4.25, Annexes, livre V, annexe 6.
324 7.154 Comme le reconnaît le projet du CIS, les rejets à l’atmosphère et la
qualité de l’air sont des problématiques très importan tes pour des régions très
étendues, car les émissions de gaz à partir d’une usine de pâte à papier ont le potentiel
752
d’être le plus largement disséminés dans la zone géographique du projet .
7.155 En février 2006, le rapport argent in au GTAN nota que la DINAMA
s’était montré extrêmement critique de l’ étude d’impact environnemental fournie par
Botnia, particulièrement sur les rejets à l’atmosphère 75. Parmi les cas où des
informations insuffisantes ont été relevées dans ce rapport, on trouve l’absence
d’information sur les composés organiques volatiles (VOCs), l’absence de spécificité
quant au type de matériel particulaire émis, et l’absence de traite ment de la question
de l’opacité des rejets. L’étude d’impact environnemental n’expliquait pas non plus
de manière précise comment les estimations ont été réalisées, pas plus qu’elle ne
précisait comment ont été obtenus les facteu rs d’émissions, ou de quelle manière
l’usine avait été conçue pour atteindre les niveaux projetés 754.
7.156 Qualité de l’air ambiant : le CIS affirme que le s concentrations d’une
heure auxquelles il se réfère représentent la plus forte concentration prévue durant la
simulation d’une année et que les concentr ations moyennes annuelles représentent la
moyenne de cette année (v. le CIS p. 4. 34). It est indiqué qu’en conditions de
fonctionnement normal, la variabil ité dépend seulement des conditions
météorologiques, alors qu’en conditions pe rturbées, la variabilité dépend également
du moment de l’apparition des conditions perturbées par rapport aux conditions
météorologiques. (v. p. 4.34).
7.157 Les conclusions de la version finale du CIS ont été que la qualité de
l’air demeurait conforme aux critères de qualité de l’air ambient dans toutes les
conditions météorologiques, dans toutes les conditions de fonctionnement de l’usine,
752V. le CIS en sa section 4.4, p. 42, Annexes, livre V, annexe 6.
753V. le rapport argentin au GTAN, p. 18, Annexes, livre IV, annexe 1.
754
Ibid, p. 19.
325 et à tous les emplacements des récepteurs. Il en déduit donc qu’il n’y a pas de
«potential for human health effects associated with mill emissions» 755. Le CIS en
conclut qu’il n’y a aucune possibilité d’effe ts sur la santé publ ique en conséquence
des rejets à l’atmosphère issus du foncti onnement de l’usine, à aucun des dix
récepteurs, y compris les trois récepteurs si tués en Argentine (v. les sections 4.4.1-
4.410). Le même CIS admet qu’il soit possible que des odeurs puissent être détectées
à l’occasion (moins de dix fois par an) dans les régions adjacentes à chacune des
usines et, peut être dans la ville de Fray Bentos et sur le pont international (v. la
section 4.4.11) et lors de conditions perturbées, envisagées ci-dessous.
7.158 L’Argentine a manifesté sa préoccu pation auprès du GTAN quant au
fait que les impacts des pointes d’émissi ons qui pourraient survenir en raison
d’incidents imprévus ou d’arrêts de main tenance programmés n’ait pas été pris en
compte au cours de la procédure d’évaluation 756.
7.159 L’IAEST a considéré que, même s’il était possible d’affirmer que ceci
pourrait être envisagé de rester dans les limites des maxima journaliers de rejets
d’effluents, le CIS ne traite pas de ce pr oblème particulier de manière quantitative et
qu’il s’abstenait, au surplus, de spécifier la période de l’année au cours de laquelle ces
jours d’arrêt des opérations seraient les plus susceptibles de survenir.
7.160 Dioxines et furanes : le rapport argentin au GTAN exprimait
également les préoccupations de l’Argentine au sujet des niveaux élevés d’émissions
757
de dioxines et de furanes autorisés par la DINAMA , ainsi que de l’absence de
dispositions de surveillan ce. De même, la délégation argentine exprima sa
préoccupation en tenant compte de leur pouvoir de bioaccumulation importants, qui
pourraient conduire à un accroissement de leur concentration dans le futur 758
755V. le CIS, p. ES xvi, Annexes, livre V, annexe 6.
756
757V. le rapport argentin au GTAN, p. 11.
758Ibid, p. 19.
V. le chapitre V.
326 7.161 Odeur : l’émission d’odeurs nauséabondes par les usines de pâte à
papier est un problème la rgement reconnu et une source de préoccupation pour
l’opinion publique. Le CIS a conclu qu’à aucun endroit dans la région, et notamment
à Gualeguaychú et à Ñandubaysal, aucune od eur ne serait généralement détectée en
période de fonctionnemen t normal des installations 759. Des odeurs pourraient
cependant être détectées au voisinage des usines au cours des périodes dites de
«conditions perturbées», au démarrage initial et pendant les périodes de faible
dispersion de l’air. L’expérience de fo nctionnement d’autres usines existantes
indique, à en croire le CIS, que ce type de situations ne surviendrait pas plus de dix
fois par an et ne durerait, en chaque occasion, pas plus de quelques minutes à
quelques heures durant la première année de fonctionnement, et pas plus de quelques
secondes à quelques minutes par la suite. Dans les termes du rapport :
«[d]uring these limited events, the od our at the nearest receptors may be
considered objectionable at times to someone with a sensitive sense of
smell. At beach resorts, if detectab le during these limited events, these
odours were said “not be distinguishable from odours experienced in daily
760
life »
7.162 La question de l’odeur ne renvoie pas seulement à un inconfort et à
une mauvaise qualité de vie. Tous les composés de soufre réduit total (TRS)
responsables de l’odeur sont toxiques pour le système respiratoire. Une étude
épidémiologique sur les effets sur la santé publique des émissions de TRS d’usines de
pâte à papier a montré que des symptômes à l’Œil et au nez ainsi que la toux étaient
plus fréquents chez les personnes exposées à des niveaux supérieurs à 0,07 ppm (en
moyenne quotidienne) que chez les personnes non exposées aux émissions de TRS 761.
Ces symptômes sont semblables à ceux rappo rtés lors de l’exposition à l’hydrogène
sulfuré (H 2S). D’autres études épidémiologiques conduites en Finlande dans des
populations exposées à des niveaux élev és d’émissions de TRS ont révélé des
759
760V. le CIS en sa section 4.4, Annexes, livre V, annexe 6.
761V. le CIS, p. ES.xvi, Annexes, livre V, annexe 6.
V. Jaakkola J. J. K., Vi lkka V., Marttila O., Jappin en P., Haahtela T. (1990) The South Karelia air
pollution study: the effects of ma lodorous sulphur compounds from pul p mills on respiratory and other
symptoms, p. 1344-1350.
327 762
résultats similaires . L’étude sur la pollution de l’ai r en Carélie du Sud, distribuée
sous forme de questionnaire à remplir soi-même, a conclu que les personnes
appartenant aux populations exposées au TR S rapportaient plus de symptômes de
toux, d’infections respiratoires et de maux de tête que les populations non exposées.
Le risque relatif de maux de tête était notamment significativement plus important
dans les populations exposées. Une étude de 1992 de Haahtela et al.763a découvert
que les cas de symptômes oculaires et resp iratoires étaient plus nombreux durant les
périodes d’exposition à des niveaux supérieurs à 0.025 ppm (en moyenne
quotidienne) que durant une période de référence.
7.163 Ozone : le rapport du CIS n’a tout si mplement pas cru pertinent de
mentionner les émissions probables d’ozones. L’Agence américaine de protection de
l’environnement (USEPA) exige de docum enter systématiquement les émissions
d’ozone dès lors que les indust ries de la pâte à papier et du papier produisent 100
tonnes par an ou au-delà, car la solu tion s’est prouvée économ iquement bénéfique
pour la protection de l’environnement. Au vu des volumes de production envisagés,
l’usine de pâte à papier Orion devrait donc être également contrainte à rendre compte
de ses émissions d’ozone.
7.164 Le CIS déclare que l’usine de Botnia satisfait et dépasse les mesures
prescrites par IPPC-BAT 2001 et AMT 2004 de Tasmanie, visant à contrôler les gaz
odorants de la chaudière de récupération et du four à chaux, y compris par un contrôle
efficace de la combustion et des mesures de CO dans la chaudière de récupération, et
un contrôle de l’oxygène en excès et des ré sidus de sulfure de sodium dans le four à
chaux. L’usine est décrite comme dispos ant d’«an extensive and comprehensive
dilute gas collection system » et comme utilisant la chaudière de récupération comme
point principal d’incinération. Le CIS déclare que la fourniture d’une sécurité pour le
762
V. Partti-Pellin (Partti-Pellinen K., Jaakkola J. J. K., Vilkka V., Ma rttila O., Jappinen P., Haahtela T.
(1996) The South Karelia air pollution study: effecs of low-level exposure to malodorous sulphur
compounds on symptoms. Archives of Environmental Health 51, p. 315-329.
763V. Haahtela T., Marttila O., VilkkV., Jappinen P., Jaakkola J. K. (1992)The South Karelia air
pollution study: acute health effects of malodorous sulphur air pollutants released by a pulp mill. American
Journal of Public Health 82, p. 603-605.
328 système de gaz dilués et ég alement l’inclusion des sour ces de préparation de la
liqueur blanche vont bien au-delà des prescriptions de l’ IPPC-BAT 2001, de l’AMT
2004 de Tasmanie et de l’USEPA (MACT). 76.
7.165 Les commentaires généraux de l’Ar gentine quant à la pertinence de
l’utilisation des BAT ont été exposés supra aux par. 130-133. En matière d’odeur, le
CIS semble chercher délibérément à minimiser l’impact que les odeurs auront sur les
personnes des environs, en présumant que le s odeurs dégagées ne seront pas plus
dérangeantes que celles rencontrées dans la vie de tous les jours. L’Argentine
considère, et affirme, que l’évaluation du CIS à cet égard est basée sur des
suppositions subjectives et des affirmations gr atuites, qui font fi de l’impact constaté
des odeurs à proximité d’autres régions affectées par des usines de pâte à papier.
Qualité de l’eau
7.166 Données de base et paramètres des effluents : l’Argentine relève qu’il
n’existe, à ce jour, aucune autre usine de pâte à papier sur les bords du fleuve
Uruguay et aucune autre installation industrielle n’y décharge dans ses eaux ne serait-
ce qu’une fraction des volumes envisagés de liquides polluants. L’Argentine affirme
que l’Uruguay a négligé d’obtenir des données de base initiales appropriées sur la
qualité de l’eau, pas plus qu’il n’a évalué de manière satisfaisante la capacité des eaux
du fleuve à recevoir et à disperser les rejets polluants envisagés.
7.167 Par ailleurs, il convient de noter à cet égard que la version finale du
CIS a introduit un changement de la va leur de la plupart des paramètres
technologiques (exprimés en tonne séchée par an), qui a ramené les valeurs des
effluents à près de la moitié des chiffres initialement annoncés dans le premier CIS.
Aucune explication n’a été don née des raisons de ce change ment. Pourtant, si le CIS
utilise des estimations particulièrement conservatrices, cela devrait être indiqué
764
V. le CIS, p. ES.vi, Annexes, livre V, annexe 6.
329 expressément. En l’absence de clarification, cette différence inexpliquée ne peut que
remettre en cause, une nouvelle fois, la validité et la fiabilité des conclusions du CIS.
7.168 Les préoccupations de l’Argentine : le rapport argentin au GTAN a
soulevé une série de préoccupations relati ves aux dommages que les rejets des deux
765
usines projetés pourraient causer au cours d’eau , qu’il convient de résumer ci
dessous.
7.169 En ce qui concerne les COD , tout en prenant note que l’USEPA
encourage activement les autori tés qui délivrent des autorisa tions de rejets à limiter
les rejets en COD des sous-catégories pâte Kraft et soude caustique, la délégation
argentine a déclaré que ces seuils doiven t absolument être fixés car des effets
toxiques sub-létaux provenant de rejets d’effluents traités issus d’usines de production
de pâte à papier Kraft ont été rapportés 766. Pour l’AOX , le principal effet
dommageable est lié à la présence évidente de substances chlorées toxiques.. Le
rapport note qu’une relation a été établie entre AOX et des polluants spécifiques telles
que les dioxines, les furanes ou les compos és phénoliques chlorés. Le rapport note
que la formation potentielle de tels composés existera dans l’industrie de la papeterie
tant qu’elle utilisera quelque produit que ce soit qui génè re des substances oxydantes
767
produites par l’action du chlore dans le procédé de blanchiment . Le rapport note
que le fleuve Uruguay est un écosystème qui est actuellement vierge d’AOX, ou que
les valeurs d’AOX y sont inféri eures au seuil de détection, et que ces composés sont
destinés à soit s’accumuler dans l’écosystèm es (poissons), soit s’y diluer. En ce qui
concerne le phosphore en tant que nutriment, le dommage est associé à l’apparition et
au développement d’algues bleu vert (eutr ophisation) dans des zones du fleuve près
de la rive argentine. Le rapport note qu e l’étude d’impact environnemental préparée
par Botnia admet que la concentration actuel le de phosphore sur le site est appelée à
768
augmenter et déclare que le problème de l’eutrophisation s’en trouvera aggravé . Le
765V. le rapport argentin au GTAN, p. 14-16, Annexes, livre IV, annexe 1.
766V. le rapport argentin au GTAN, p. 14, Annexes, livre IV, annexe 1.
767Ibid.
768
Ibid, p. 15.
330 rapport a aussi envisagé la question de l’impact des solides totaux en suspension
(TSS) provenant de fuites de l’unité de sédimentation associée au traitement
biologique des boues activées. Le rapport fait référence aux risques biologiques liés à
la présence de bactéries coliformes présen tes dans les effluents des opérations de
blanchiment ECF, parmi d’autres facteurs de risques, et le risque spécifique pour les
poissons limivores et ceux qui s’alimentent sur les déchets. Le rapport se montre
également soucieux en ce qui concerne les températures des rejets par rapport à celles
du fleuve et l’effet induit sur le panache, qui remontera à la surface. La question n’a
tout simplement pas été évoquée dans le s modèles de dilution présentés par la
délégation de l’Uruguay 769. Les informations relatives au traitement des effluents
fournies par l’étude d’impact environnemental de Botnia ont également été qualifiées
d’insuffisantes par le rapport argentin au GTAN, dans la mesure où aucune
information n’était fournie quant au traite ment secondaire et tertiaire des déchets
liquides 77. Le rapport argentin au GTAN a ég alement critiqué le système de
traitement proposé en affirmant qu’il consistait seulement à «moving easily
sedimented solids in suspension and biodegradable organic matter ».
7.170 L’Argentine relève par ailleurs que ni Botnia, ni le CIS n’ont conduit
des études de toxicité aiguë ou de toxici té chronique sur trois espèces de modèles,
comme le recommande l’USEPA (rapport argentin au GTAN p. 17). Et le CIS n’a pas
non plus cru bon d’évoquer le différentiel de température entre les rejets et l’eau de la
rivière et son influence sur le panache.
7.171 La méthodologie du CIS et ses co nclusions sur la qualité de l’eau : la
méthode du CIS pour l’évaluation de la qualité de l’eau souffre de multiples carences
importantes: ainsi que l’évoque le rapport Wheater (v. infra), le CIS ne justifie pas
771
son insistance sur l’enveloppe de dilution 100:1 ; il semble considérer qu’il n’y a
pas d’effets dans des niveaux de dilution su périeurs à 1000:1; il néglige l’impact
potentiel sur les zones sensib les où, selon les travaux de l’IAEST, les niveaux de
769Ibid, p. 16.
770Ibid, p. 13.
771
V. le rapport Wheater en sa section 2, p. 3, Annexes, livre V, annexe 5.
331 dilution seront en tout état de cause inférieu rs à 1000:1; il néglige de traiter de la
question de la bioaccumulation et de la bioamplification dans les poissons, qui a
pourtant des conséquences majeures sur l’ entrée de contaminants dans la chaîne
alimentaire. Sur ce dernier point, il est d’a illeurs intéressant de noter que le rapport
argentin au GTAN avait insisté sur l’importance de prendre en compte les utilisations
connues et déclarées des eaux devant recevo ir les polluants, à savoir: la fourniture
d’eau pour la consommation humaine av ec un traitement conventionnel; la
consommation des poisson s et l’utilisation pour les lois irs, impliquant un contact
772
direct .
7.172 Le CIS fait référence à la modé lisation des flux et des charges
d’effluents entreprises à 11 endroits choisi s pour déterminer les impacts. Il compare
ensuite les résultats avec les normes et les principes directeurs pertinents et évalue,
sur cette base, les impacts sur la santé publique, l’esthétique, la qualité des sédiments,
ainsi que sur les populations de poissons et d’invertébrés aquatiques. Dans la mesure
où il est établi que la qualité de l’eau reste conforme à ces normes à tous les
emplacements des sondes, l’éq uipe du CIS en conclut que « there is no potential for
human health, aesthetic or environmenta l effects associated with the mill
773
discharges » . L’Argentine affirme pourtant que cette conclusion ne garantit en
aucun cas la sécurité, car il existe des di fférences de sensibilité à l’exposition de
certains facteurs environnementaux au sein de la population générale. Parmi la
population sensible, les enfants et les embr yons représentent les catégories les plus
exposées de la population, y compris à de s niveaux d’exposition extrêmement bas,
mais permanents, des polluants et de le urs mélanges. Selon le CIS, les effets
potentiels sont limités à la zone initiale de mélange des effluents dans l’eau du fleuve,
et «beyond this small area standards are achieved with th e exception of those
parameters which exceed standards under present conditions due to discharge of
untreated run off and municipal wastewater ».
772V. le rapport argentin au GTAN, p. 16, Annexes, livre IV, annexe 1.
773V. le CIS, p. ES.xix., Annexes, livre V, annexe 6.
332 7.173 Dans son évaluation de l’exposition aux effluents dans le fleuve
Uruguay, le CIS a mis en Œuvre des no rmes de surveillance développées pour
l’industrie papetière canadienne par Envir onnement Canada (v. la section 4.6.1. du
CIS). Le CIS note qu’Environnement Canada définit les zones au-delà d’une dilution
1000:1 comme des zones de ré férence et les considère repr ésentatives des conditions
de bruit de fond. Environnement Canada considère également que des effets sur
l’environnement ne sont pas attendus dans les zones où la concentration des effluents
dans le fleuve est réduite à moins de 1% (dilution 100:1). Il est faux de sous-entendre,
comme le fait le CIS, qu’aucun effet sur l’ environnement ne peut survenir à de tels
niveaux de dilution. Et en tout état de cause, il existe des zones sensibles où le niveau
de dilution sera inférieur à 1000:1, comme le montrent les conclusions de l’IAEST (v.
infra).
7.174 Ces critiques sont confirmées par le rapport Wheater, qui déclare que
certaines parties du CIS insistent trop lourdement sur les taux de dilution 774. Le même
rapport Wheater poursuit en expliquant que le seuil de déclenchement de 100:1 retenu
par le Bureau national canadien pour les études de suivi des effets sur
l’environnement (BESEE), auquel le CIS se réfère, a été mal interprété par ce dernier.
Ce seuil de déclenchement avait d’abord été conçu en vue de rationaliser les
ressources expérimentales et d’éviter d’a voir à procéder à des échantillonnages dans
des conditions difficiles et hasardeuses. Le rapport critique aussi le CIS car il se fonde
sur des articles scientifiques relatifs à l’expérience cana dienne pour procéder à des
affirmations que ces articles eux-mêmes ne font pas 77.
7.175 Yaguareté Bay (Uruguay) et Ñandubaysal Bay (Argentina), à plusieurs
kilomètres de distance de l’embouchure de s rejets, auront des dilutions d’effluents
inférieurs à 1000 :1 (516:1 and 693:1, resp ectivement). Le bureau des études de suivi
des effets sur l’environnement canadie n (BESEE) recommande une surveillance
rigoureuse des zones où les taux de diluti on sont situés entre 1000:1 et 100:1 – c’est
774
775V. le rapport Wheater en sa section 2, p. 2, Annexes, livre V, annexe 5.
Ibid.
333 d’ailleurs là une reconnaissance des risque s intrinsèques de te lles pollutions. Aucun
système d’échantillonnage sérieux n’a pourta nt été mis en place. De plus, c’est le
programme BACIPS (« Before-After-Control-Impact Paired Series ») qui devrait être
utilisé, dans la mesure où il s’agit du sy stème le plus recommandé par la littérature
internationale pour déterminer l’existence d’impacts sur l’environnement 776.
7.176 Incidences sur les poissons : l’Argentine se fonde sur les travaux de
l’IAEST pour estimer que, contrairement aux allégations du CIS, il existe une
probabilité très forte que les populations de poissons du fleuve soient affectées par les
effluents rejetés par l’usine. L’estimation de l’IAEST du risque d’impacts sur les
populations de poissons, même en cas de niveau de protection minimum des
organismes de la faune et de la flore, (un mélange complet des effluents dans le
courant du fleuve), a conduit à dépasser le s valeurs du seuil de «Lowest Observed
Effect Concentration» (concentration mi nimale pour l’observation d’un effet;
LOEC). Le seuil de LOEC était dépassé à de s taux de dilution compris entre 100:1 et
1000:1 pour différents niveaux de para mètres finaux mesurés (depuis le niveau
moléculaire et physiologique jusqu’au niveau des populations). Ce résultat aurait été
encore plus marqué pour les tronçons du fleuve ou les baies avec des dilutions
inférieures à la dilution finale (Yaguare té or Ñandubaysal Bays). Le Dr. Howard
Wheater confirme que des indicateurs tels que les perturbateurs endocriniens (un des
paramètres finaux mesurés) sont importants s’ils peuvent être démontrés et qu’il y a
des effets susceptibles d’apparaître aux valeurs de concentration réelles obtenues
après dilution des effluents dans le fleuve.
7.177 Ces résultats sont en opposition av ec ceux du CIS, qui conclut que,
bien que les poissons puissent être attirés vers des zones d’exposition au niveau du
récepteur en raison de températures plus chaudes et d’une plus grande vitesse au
niveau des diffuseurs, la taille de cette zone d’exposition était si petite par rapport au
776
V. le rapport Latinoconsult, Annexes, livre V, annexe 3.
334 territoire habituel pour la plupart des espèces de poissons, qu’en référence à
l’expérience canadienne : « the potential for effects on fish is considered minimal » 777
7.178 Le CIS n’a procédé à aucune évalua tion argumentée d’une éventuelle
bioaccumulation/bioamplification dans la n ourriture des poissons près des sites de
rejets. Le rapport se borne à recommander qu’une surveillance soit mise en place.
7.179 En ce qui concerne le site Ramsar de Esteros de Farrapos, le CIS
conclut que, même en conditions de inve rsion de courant, il est pratiquement
impossible que les effluents de l’usine aien t une incidence sur la région du delta du
fleuve et de ses îles. Cette conclusion du CIS est erronée. Les 17.500 hectares de
Esteros de Farrapos s’étendent de 11 9,5 km à environ 16 6km du chenal de
navigation du fleuve Uruguay, soit une se ction longue de 46.5 km. Le modèle de
dispersion du panache utilisé dans le rapport de LatinoConsult l’étend de 70 km à 117
km du chenal de navigation. Ainsi, la fron tière en amont du modèle de dispersion est
seulement à 2,5 kilomètres au sud du site Ramsar. A cette frontière amont du modèle
de dispersion on s’attend à une dilution infé rieure à 1000:1 pendant 1% du temps. La
dilution minimale simulée à cette frontière amont était de 200:1. Il est prévu que, sous
certaines conditions, le panache puisse se déplacer au-delà de la frontière amont fixée
778
par le modèle de dispersion, atteignant ainsi la partie sud du site Ramsar .
7.180 Traitement des eaux usées : il a déjà été exposé à la Section III qu’il
existe trois niveaux possibles de traitement pour les effluent s usés d’usines de pâte à
papier. Le document BREF (2001) de l’Unio n européenne sur l’industrie des pâtes et
779
papiers énonce qu’un traitement tertiaire est nécessaire dans certains cas . Le projet
de Botnia ne prévoit pourtant que deux niveaux de traitement.
777V. le CIS, p. 4.49, Annexes, livre V, annexe 6.
778
779Annexes, livre V, annexe 3.
V. le document BREF de l’Union européenne en sa section 2.3.14 , p. 85-86, Annexes, livre V, annexe
15.
335 7.181 Le CIS fait référence à l’utilisation du procédé AST comme traitement
secondaire et prétend que l’usine aura une meilleure performance que les lignes
directrices des IPPC-BAT de 2001. Il affirme également que les écoulements
d’effluents de l’usine Orion ne souffriront pas, loin de là, de la comparaison avec
780
ceux des autres usines de pâte à papier dans le monde . Le rapport du CIS affirme
que l’usine respectera les recommandations IPPC-BAT sur le traitement biologique
car elle utilisera les méthodes les plus avanc ées pour le traitement et le rejet dans le
fleuve Uruguay, et que l’impact de réduct ions marginales supp lémentaires dans la
coloration et la présence de nutriments serait « likely to be insignificant ». La mise en
place d’un traitement tertiaire n’est, par conséquent, pas considérée comme
781
nécessaire .
7.182 L’Argentine conteste absolument ce tte conclusion du CIS. Comme le
confirme les conclusions de l’IAEST et à la lumière de la situation actuelle du fleuve
en termes de contamination (en ce qui con cerne le phosphore par exemple) ainsi que
des exigences des normes de qualité de l’eau de surf ace de la DINAMA, il est
inacceptable que le traitement secondaire pr oposé soit le dernier traitement des
effluents de l’usine et qu’un traitement tertiaire ne soit pa s mis en place. Les
arguments du CIS en défaveur de la construction d’un atelier de traitement tertiaire ne
sont tout simplement pas convaincants.
7.183 Le document BREF IPPC confirme que, dans certains cas, le
traitement tertiaire des eaux usées est néces saire, dès lors que la concentration de
nutriments dans les effluents doit être dimi nuée en raison de la sensibilité des eaux
dans lesquels sont effectués les rejets de l’usine. Or, l’emplacement de l’usine Orion
signifie que des rejets seront effectué s dans des eaux de cette nature, et qu’un
traitement tertiaire est donc nécessaire.
780V. le CIS, p. ES.ix.
781Le premier CIS recommandait (à s on annexe D, p. 7) que les installa tions de traitement des eaux usées
de l’usine prévoient la possibilité de l’ajout d’un traitement tertiaire, afin de se conformer à d’éventuels
standards nouveaux de la DINAMA ou de la SFI, ou pour l’hypothèse où lesrésultats du contrôle
montreraient qu’un tel système était nécessaire pour respecter des standards de qualité de l’eau actuels ou à
venir. Cette recommandation n’a pas été reprise par le CIS final.
336 7.184 Le CIS conclut donc à tort que la construction d’un atelier de
traitement tertiaire n’est pas nécessaire dans le cas de l’usine de pâte à papier Orion.
Il conclut également à tort qu’un traiteme nt tertiaire n’est pas nécessaire pour
respecter les normes de qualité de l’eau. Pourtant, eu égard au niveau actuel de
contamination du contenu tota l en phosphore, supérieur de quatre fois au niveau
autorisé par le décret uruguayen N° 253/79, le phosphore to tal présent dans le fleuve
Uruguay doit être réduit et tout nouveau rejet de phosphore total doit être absolument
782
empêché .
7.185 Il paraît que Botnia serait en trai n de «considérer» l’hypothèse d’un
traitement des eaux usées de la ville de Fray Bentos par sa propre usine de traitement,
ce qui aurait pour effet, selon le CIS, d’éliminer de facto une source importante de
demande biologique en oxygène (BOD), de p hosphore et de bactérie de la plage de
783
Arroyo Fray Bentos, et d’améliorer ainsi la qualité générale de la ressource . Le CIS
décrit cette possibilité comme un «signifi cant benefit», qui devrait être pris en
compte de manière plus approfondie par la DINAMA.
7.186 Toutefois, même si le traitement des eaux usées de Fray Bentos par
l’usine de Orion peut contribuer à atténuer le problème de l’excès de phosphore, la
mise en place d’un traitement tertiaire deme ure nécessaire pour traiter le volume de
rejets significatif supplémentaire lié à la présence de l’usine Orion elle-même, eu
égard notamment à son emplacement. Le rapp ort Wheater souligne que le traitement
secondaire par des boues activées (ASR) n’es t pas conçu pour retirer les nutriments,
ce qui nécessite un traitement tertiaire. Le même rapport poursuit sa critique du CIS
pour la « [...] special attention has been ma de in this study regarding the control and
minimum discharge of nutrients [...] » et qualifie cette attention du CIS de trompeuse,
dans la mesure où il n’existe pas de sp écifications de conception pour l’ASR ou
d’autres détails relatifs à la manière par laquelle les rejets de nutriments seront limités
782V. les développements de l’annexe A du rapport Latinoconsult.
783V. le CIS, p. ES.xix., Annexes, livre V, annexe 6.
337 au maximum.. Il est d’ailleur s reconnu ailleurs dans le CIS que le contrôle des
nutriments à l’usine Orion ne sera pas parmi les meilleur s au monde, pas plus que ce
ne sera le cas des normes d’émission mise s en Œuvre. Le rapport Wheater en conclut
généralement que «the strategy for assessing and controlling nutrient impacts is not
784
developed to a stage which allows a rigorous impact assessment » .
7.187 Un autre des problèmes est celui du caractère inadapté des dimensions
du bassin d’urgence. Les meilleures tech niques disponibles (BAT) prescrivent la
collecte de virtuellement toutes les pertes 785 et l’utilisation de réservoirs tampons
suffisamment importants pour le stockage des liquides concentrés ou chauds issus du
processus de fabrication 786. Botnia affirme que la con ception des usines comprend
«three 8-h retention time basins (equali zation/emergency) that operate in a semi-
continuous manner, i.e. they ar e filled continuously, and th en the effluent quality in
the basin is checked prior to discharge into the AST. In the ev ent that a spill has
occurred in the mill, the basin contents would have a high COD and would be
discharged into the AST in a manner that does not overload the system ».
7.188 Cependant, l’égalisation des efflue nts est effectuée dans les deux
bassins, qui disposent d’une capacité de 8 heures chacun et fonctionnent de manière
alternée (2 x 25.000m 3). Le troisième bassin, qui correspond également à 8 heures de
3
production en marche normale, demeurera vide (25.000 m ). Comme l’indique
l’IAEST, ce bassin supplémentaire ne saur ait être considéré comme un bassin
d’urgence en cas de déversement ou de prob lème de fonctionnement, dans la mesure
où il s’agit plutôt d’une installation opérationnelle et qu’elle se révèlera trop petite en
cas d’urgence 787. Il devrait y avoir un bassin d’ur gence vide en permanence, afin de
faire face à toute fuite importante ou à toute altération significative des effluents.
784V. le rapport Wheater en sa section 6, p. 6, Annexes, livre V, annexe 5.
785
786V. le document Bref de l’Union européenne en sa section 2.3.9, p. 75-77 , Annexes, livre V, annexe 15.
V. le document Bref de l’Union européenne en sa section 2.3.12, p. 80-82 , Annexes, livre V, annexe 15.
787A l’usine de pâte à papier de G unns, le bassin d’urgence a une capacité de 25 heures et celui de l’usine
de Valdivia de Arauco a une capacité suffisante pour 48 heures de fonctionnement.
338 7.189 Proliférations d’algues potentiellement toxiques : En raison de
l’augmentation du niveau d’eutrophisation , spécialement en baie de Ñandubaysal,
l’apparition de cyanobactéries et de cya notoxines sera plus fréquente. Les risques
posés par les cyanobactéries et les cyanotoxines sont évoq ués en détail à la section
6.7.2 du rapport Latinoconsult 788. Le rapport examine la toxicité de la microcystine et
ses implications pour les humains et les animaux. Le rapport note que, dans les
climats tempérés tels que ceux de l’Amérique du Sud, les plans d’eau dominés par le
genre Microcystis peuvent révéler une saison de prolifération de 6 à 10 mois 789.
7.190 Les études conduites sur le terrain par IAEST ont confirmé la présence
d’une espèce de cyanobactéries ( Microcystis aeruginosa ) qui produit la toxine
microcystine (qui est avant tout une toxine hépatique), causant des maladies lorsque
ingérée par l’eau, mais présentant un ris que en cas d’exposition dans le cadre
d’activités récréatives. Dans des contextes de concentr ation élevée de phosphore
(évoquées plus haut), les souches hépatoto xiques produisent plus de toxines. Les
dégorgements dans l’eau environnante produisent des toxines dissoutes
(essentiellement lors de la sé nescence, de la mort et de lalysedelacellule)et
constituent un danger pour la santé.
Gestion des déchets solides
7.191 D’après le CIS, les déchets so lides produits par les usines
comprendront des déchets de préparation du bois, de la boue non traitée issue du
traitement de l’eau, des résidus de liqueur verte, de la boue de chaux et des résidus, de
la boue issue du traitement des effluents, des cendres et du sable, des déchets solides
municipaux et des déchets dangereux . 790
788
789V. le rapport Latinoconsult, p. 40-47, Annexes, livre V, annexe 3.
V. le rapport Latinoconsult, p. 43, Annexes, livre V, annexe 3.
790V. le CIS, p. ES xxii. Un tableau présentant l’ensemble des déch ets solides devant être produits est
aussi présenté – v. tableau 4.7-1, p. 4.66, Annexes, livre V, annexe 6.
339 7.192 Le rapport argentin au GTAN a critiq ué l’évaluation du traitement des
déchets solides dans le proj et CIS et dans les études d’impact environnemental
fournies par la compagnie, en raison de leur manque de précision sur des aspects
importants de la gestion des déchets, comprenant la classification, la quantification et
la destination des déchets générés, l’empl acement des éventuelles décharges et de
toute autre projet de gestion des déchets. Le rapport note également les risques liés à
791
d’éventuels écoulements de lixiviats toxiques dans le fleuve .
7.193 Le dernier rapport CIS déclare que l’usine Orion respectera les normes
des BAT et qu’aucun impact cumulé n’est at tendu de la gestion et de l’élimination
des déchets dangereux.. Le CI S ajoute que le projet co ntient la proposition de
construction d’une décharge sur le site de l’usine pour l’élimination des déchets
solides non-dangereux et que le modèle de décharge prévue correspond aux modèles
existants les plus avancés. 792 Les systèmes de collecte des lixiviats orienteront ceux-ci
vers les ateliers de tr aitement des effluents. 793Le CIS affirme que la décharge de
Botnia est prévue pour durer 19 ans et note qu’il y a suffisamment d’espace sur le site
de l’usine pour en étendre la superficie si nécessaire. Le seul déchet organique
potentiel est la boue issue du traitement des eaux du fleuve par Botnia et son volume
est relativement limité lorsque comparé à celui des déchets inorganiques envoyés à la
décharge industrielle. Des systèmes de pu rge à air de la décharge pourront être
installées pour permettre aux gaz de décomposition de s’évacuer vers l’atmoshpère ou
de collecter des gaz pour la combustion ..Un système de surveillance des nappes
aquifères sera mis en place.
7.194 Le CIS final relève également que des déchets dangereux seront
générés. Botnia estime que l’usine produi ra entre 100 et 150 tonnes de matières
dangereuses chaque année. Ces éléments co mprendront de petites quantités d’huiles
usées, de solvants, de détergents, de déchets de laboratoire, etc.. 794
791V. le rapport argentin au GTAN, p. 3, Annexes, livre IV, annexe 1.
792
793V. le CIS, p.4.70, Annexes, livre V, annexe 6.
794Ibid, p. ES xxii., Annexes, livre V, annexe 6.
Ibid, p. ES xxiii., Annexes, livre V, annexe 6.
340 Tourisme
7.195 Le CIS reconnaît que le tourisme est bien établi dans et aux alentours
du secteur où la localisation du projet Orio n a été unilatéralement décidé, et note que
Gualeguaychú, en Argentine, est également un centre important d’activité touristique,
795
fameux pour ses plages et son carnaval annuel (évoqués supra à la Section II) . Et
pourtant, l’Argentine se doit d’affirmer que le CIS ne tire pas les conséquences de ses
constatations et poursuit son analyse en sous-estimant totalement les impacts
environnementaux de l’usine de pâte à papier sur le tourisme dans la région.
7.196 Le rapport argentin de février 20 06 au GTAN a souligné que le
fonctionnement de l’usine aurait un impact négatif sur la province argentine d’Entre
Rios, et notamment sur le secteur touristique, sur les prix de l’immobilier, sur la santé
publique et sur l’écologie. Il était particulièrement fait référence à la station balnéaire
de Ñandubaysal, depuis laquelle serait visible une immense cheminée géante émettant
de la fumée (alors même que cela ne sera it pas le cas depuis la station balnéaire
uruguayenne de Las Cañas).
7.197 Qualité de l’eau : en ce qui concerne la zone de plages de
Ñandubaysal (sonde de qualité des eaux «Wa ter Receptor» 11), le CIS reconnaît
que, « en de rare occasions », un mouvement d’inversion du courant puisse entraîner
le transport d’eaux usées présentes à des niveaux de trace à travers le fleuve Uruguay
et en direction de Ñandubaysal, mais il affirme qu’une dilution de 700:1 est suffisante
pour réduire la concentration d’eaux usées à des niveaux non mesu rables et qu’ainsi,
la contribution prévue de l’usine ne sera pas considérée comme problématique pour
l’eau potable ou pour la protection de la santé humaine et de la vie aquatique 79.
795
796Ibid, section 4.82-83, p. ES xxv., Annexes, livre V, annexe 6.
V. le CIS, p. 4.57, Annexes, livre V, annexe 6.
341 7.198 L’Argentine a déjà eu l’occasion de dénoncer à plusieurs reprises la
sous-estimation systématique de la fréqu ence du phénomène d’inversion du courant
par le CIS. Cette sous-estimation a des impl ications importantes pour l’évaluation de
la mesure du risque de contamination des eaux usées autour de Ñandubaysal, qui
risque ainsi de se trouver elle aussi beauco up plus importante que ne le reconnaît le
CIS.
7.199 Qualité de l’air et odeur : la conclusion de la dernière version du CIS
se fonde sur les résultats de l’analyse de la qualité de l’air, pour énoncer que les
considérations d’odeur n’auront aucun impact significatif sur le secteur du tourisme,
qu’elles soient envisagées seules ou cumulativement avec d’autres facteurs 797. Le
rapport affirme que les visiteurs de la st ation balnéaire de Ñandubaysal, dans la
région de Gualeguaychú, ne souffriront d’aucun problème de qualité de l’air, d’odeur
ou de pollution lié au fonctionnement de l’usine 79. Les émissions d’odeur, qui
constituent les plus importants paramètres de qualité de l’air pour ce qui concerne le
tourisme, ne seront pas détectables en situ ation normale selon le CIS, même si elles
pourraient être détectées en cas de condition s perturbées à Fray Bentos et sur le pont
international. Toujours selo n le CIS, elles ne seront pas détectables en situation
normale dans les zones touristiques de Las Cañas ou de Ñandubaysal, mais seulement
en cas de conditions perturbées et en périod e de mauvaise dispersion de l’air: «the
odour effect level is predicted to be above the detection threshold for a person with a
799
sensitive sense of smell» . Le CIS déclare ainsi que, durant une perturbation, une
personne située dans les stations balnéaire s pourrait détecter une odeur similaire à
celles rencontrées dans la vi e quotidienne (comme celle d’un égout ou de poubelles)
et que ce type de phénomène est essentielle ment susceptible de survenir juste avant
l’aube, à des horaires où la dispersion de l’air est mauvaise. C’est ainsi que le CIS
minimise l’importance de l’impact en term es d’odeur, sur la base d’affirmations
vagues, gratuites et subjectives.
797V. le CIS, p. 4.85, Annexes, livre V, annexe 6.
798Ibid, p. ES xxv., Annexes, livre V, annexe 6.
799
Ibid, p. 4.85, Annexes, livre V, annexe 6.
342 7.200 Nuisance visuelle : toute nuisance visuelle a été niée par Botnia, mais
il sera au contraire significatif en plusieurs lieux de la côte argentine utilisés pour les
loisirs. Cette nuisance est constituée par le fait de voir les bâtiments de l’usine de pâte
à papier Botnia en arrière-plan d’un magni fique panorama sur la plage, un élément
perçu par les touristes comme un ajout indésirable à un paysage naturel.
7.201 En ce qui concerne l’Argentine, le CIS relève que l’usine Orion sera le
site industriel le plus visible depuis la côte argentine, sur 13 kilomètres à travers et en
amont de la station balnéaire de Ñanduba ysal. Le rapport se tourne alors vers
l’exemple d’usines situées en Colombie Britannique, dont il est dit qu’elles coexistent
800
sans difficulté avec des activités touristiques . L’Argentine souhaite souligner qu’il
s’agit là d’un procédé fallacieux, dans la me sure où les zones de plages de Colombie
Britannique et de Ñandubaysal ne sont ab solument pas comparables. Il s’agit en
Colombie Britannique d’un tourisme industr iel, qui n’est pas li é au soleil et aux
activités de plage. Il faut aussi tenir comp te que le tourisme représente près de 20%
du volume d’activité économique de Gualeguaychú.
Navigation
7.202 Les infrastructures de transport ser ont affectées par la construction et
le fonctionnement de l’usin e de pâte à papier Botnia 801. Les deux flots de trafic les
plus importants seront constitués par le bois et les autres approvisionnements livrés à
l’usine, d’une part, et la pâte à papier ex pédiée depuis l’usine, d’autre part. Il faut
ajouter à cela le transport du personnel depuis et vers l’usine, ainsi que le transport
des déchets ménagers et dangereux vers des décharges appropriées.
7.203 Les principaux modes de transport utilisés seront le camion, la barge et
le bateau pour le bois et les autres approv isionnements, d’une part, et la barge et le
bateau pour la pâte à papier, d’autre part. L’accroissement du trafic fluvial par rapport
800
801V. la Déclaration de Berlin sur la diversité biologique et le tourisme durable.
V. le CIS, p. ES xxvi., Annexes, livre V, annexe 6.
343 à 2004 « will not be significant because the pulp export traffic will replace the current
logs and wood chip volumes being ex ported or moved in river transport » 802, d’après
le CIS. Celui-ci affirme pourtant que le fonctionnemen t de Botnia conduira à une
augmentation des rotations de barg e de 5,3 à 6,3 rotations par jour 803. Il ressort ainsi
clairement des chiffres avancés par le CIS qu’il y aura une augmentation du trafic.
7.204 Au cours de la construction, les impacts sur l’environnement seront les
plus grands à proximité immédiate de l’usine, et comprendront une augmentation des
accidents de la route, des ém issions de gaz par les véhicu les ainsi que des nécessités
de maintenance des routes. Des plans de gest ion de ces impacts sont en train d’être
élaborés par la compagnie. EN CE a clairement précisé que l’un des facteurs décisifs
de sa décision de se retirer de Fray Bent os était le volume de transport sur route
nécessaire pour les deux projets. Elle a av ancé le chiffre de 400.000 camions par an
pour la durée de fonctionnement des installations 804. On dépasse là les 1.000
mouvements par jour, ce qui constitue une in dication claire des conséquences de la
présence de ces usines pour l’environnemen t. ENCE n’a pas traité du transport
fluvial, mais les chiffres sont comparables.
Raisons objectives de douter de la capacité de Botnia à se conformer aux standards
proposés
7.205 Une série de facteurs remettent gravement en cause la capacité des
opérateurs de l’usine Orion à se conformer aux normes fixées pour le fonctionnement
de l’usine. Ces facteurs sont les suivants :
(1) la détérioration des performanc es d’usines soeurs de pâte à
papier en Finlande au cours de la période de 2004 à 2005;
(2) les documents montrant que des dommages et intérêts
compensatoires ont dû être payés en Finlande à un certain nombre
de groupes affectés par les usines, notamment des pêcheurs ;
802
803Ibid.
804Ibid, p. 4.10.1, p. 4.92, Annexes, livre V, annexe 6.
V. la déclaration à la presse de ENCE du 21 septembre 2006, Annexes, livre 4, annexe 2.
344 (3) les réticences manifestes de Botnia à donner accès à
l’information pour le public (p ar opposition à des pratiques de
diffusion proactive de l’information) ;
(4) les changements répétés et in expliqués dans les estimations
d’effluents avancées (v. supra) ;
(5) les propositions pour pratique r des tests de toxicité, y compris
les restrictions de capacité actuelles en Uruguay
7.206 Au total, l’Argentine affirme que l’Uruguay n’a pas prouvé que l’usine
Orion respecterait les normes dont le resp ect est exigé par son autorisation octroyée,
d’ailleurs en violation du Statut de 1975.
Section VI
Conclusions
7.207 Ce chapitre a traité des conséquen ces pour le fleuve Uruguay du
fonctionnement envisagé de l’usine Orion sur les quarante ans à venir.
La Section II a confirmé que les caractéristiques particulières du fleuve Uruguay
en font un environnement intrinsèquement inadapté au déversement de rejets de la
nature et de l’ampleur prévues, ainsi que l’état et la qual ité environnementales
généralement satisfaisantes à ce jour de ce cours d’eau et de ses environs. Cette
section a également montré qu’il existait déjà, s ous certains aspects, des
problèmes environnementaux que le fonctio nnement de l’usine de pâte à papier
risquerait d’aggraver sérieusement (ainsi de la présence de niveaux élevés de
phosphore dans les eaux situées à proxim ité immédiate de l’usine, du côté
argentin).
345 La Section III a décrit le fonctionnement de l’usine Orion, montrant à cette
occasion les incidences environnemental es que des projets de ce type sont
susceptibles d’avoir, ainsi que les ri sques environnementaux qui leur sont
intrinsèquement liés. Sur la base de ces éléments, il n’est absolument pas possible
d’affirmer, à l’aune de la position de l’Uruguay, que l’usine Orion n’est pas
suffisamment importante pour affecter la qualité des eaux du fleuve Uruguay (cf.
article 7 du Statut de 1975).
La Section IV a exposé, de manière plus détaillé e, le mode de fonctionnement
prévu de l’usine Orion et les types d’émissions qu’elle doit produire. Cette section
établit elle aussi claireme nt que l’usine Orion est suffisamment importante pour
affecter la qualité des eaux du fleuve Ur uguay. Et c’est cette caractéristique qui
implique pour l’Uruguay un e obligation claire de pr endre toutes les mesures
nécessaires pour prouver que l’usine ne causera pas de dommage au milieu
aquatique ou ne causera pas de pollution constitutive de violations du Statut de
1975.
La Section V a par ailleurs confirmé que l’us ine Orion était intrinsèquement
dommageable pour l’environnement et que son fonctionnement aura des
incidences directes et immédiates sur la qualité de l’air, de l’eau, qu’il produira
des nuisances sonores, visuelles et de conf ort et qu’il créerait des risques pour la
santé humaine et animale, en favoris ant notamment l’apparition et le
développement d’algues potentiellement to xiques. Les incidences spécifiques du
projet sur le secteur touristique ont également été établies dans cette partie.
La Section VI établit ainsi de manière définiti ve que l’Uruguay a autorisé une
installation «suffisamment importantepour affecter[...] la qualité [des eaux du
fleuve Uruguay] », et que cette autorisa tion a été délivrée sans que l’Uruguay ne
soit en mesure de prouver qu’il a adopt é toutes les mesures nécessaires pour
protéger et préserver le milieu aquatique du fleuve Uruguay et d’en empêcher la
pollution.
7.208 La conclusion générale du rapport Wheater est que le CIS ne fournit
pas une base technique appropriée pour répondre de faço n satisfaisante aux
346préoccupations liées à l’impact environn emental de l’usine de pâte à papier
envisagée. Il résume les caren ces et les biais de l’approche retenue par le CIS de la
manière suivante :
(a) les critères de qualité des eaux pou r l’étude d’impact qui sont fondés
sur les taux de dilution sont inappropriés;
(b) les incertitudes liées aux impacts de l’usine sur l’environnement ne
sont pas reconnues, pas plus que le fait que des effets dommageables sur la
vie aquatique ont déjà été observ és après traitement secondaire
d’effluents ; les niveaux de nutriments sont une préoccupation spéciale ;
(c) l’absence de prise en compte de la dynamique de sédimentation ou de
la chimie des sédiments dans les environnements du fleuve et de son
estuaire constitue une omission majeure ;
(d) les effets d’inversion de courant sont complètement sous-estimés, et
l’incertitude découlant de la briève té de la période de référence sur
laquelle l’étude est fondée n’est abso lument pas prise en compte. Aucune
évaluation n’est faite des impa cts de changements de régimes
météorologiques ou du changement climatique ;
(e) l’analyse de la qual ité de l’eau des rejets d’effluents nécessite des
travaux supplémentaires; en particulie r, la modélisation hydrodynamique
de la dispersion des effluents à dist ance nécessite d’être validée avec des
données d’observation appropriées et l’incertitude qui s’y attache doit
impérativement être évoquée de manière satisfaisante ;
(f) l’impact hydrologique potentiel de s plantations envisagées n’est pas
analysé; les conclusions à cet égard sont fondées sur des affirmations
gratuites, incohérentes et erronées ;
(g) les risques de pollution accidentel le n’ont pas été traités de manière
exhaustive.
7.209 En résumé, l’Uruguay s’est montré dans l’incapacité de prendre en
considération de manière satisfaisante ou complète l’ensemble des impacts de la
construction et du fonctionnement de l’usine de pâte à papier Orion sur
347 l’environnement 80. L’Uruguay a été incapable, en particulier , d’évaluer
correctement la capacité de cette portion du fleuve Uruguay à recevoir et à faire face
aux rejets prévus, ainsi qu’aux risques liés au fonctionnement de l’usine, sur une si
longue période de temps.
805V. le rapport Latinoconsult en son Executive Summar y, §3 et en sa section 1, p. 13, dans laquelle
l’approche du CIS quant a ux incidences potentielles sur l’environn ement de l’usine Orion est qualifiée de
« complètement déterministe », Annexes, livre V, annexe 3.
348 CHAPITRE VIII
LES REMÈDES DEMANDÉS PAR L'ARGENTINE
3498.1 Il ressort des chapitres précédents du présent mémoire et, en particulier, des
chapitres IV et V, que l'Ur uguay, par ses actes et ses om issions, est à l'origine de
nombreux faits internationalement illi cites, qui engagent sa responsabilité
806
internationale , sans qu'il puisse invoquer aucune circonstance excluant l'illicéité. Il
appartient dès lors à la Cour de constater ses manquements au Statut de 1975 (section I)
et d'en tirer les conséquences qui s'imposent , en particulier, de décider que l'Uruguay a
l'obligation de mettre fin à ces violations et de reprendre l'exécution des dispositions
violées (section II), de réparer les préj udices causés par ces violations par le
rétablissement de la situatio n qui existait avant que ces vi olations soient commises et,
dans la mesure où ceci s'avèrerait impossib le, d'indemniser le dommage en résultant
(section III), et de donner des garanties et assurances appropriées de non-répétition de son
comportement illicite (section IV).
Section I
La constatation par la Cour des faits internationalement illicites de l'Uruguay
8.2 Compte tenu de la nature de l'affaire, l'Argentine ne demande pas à la Cour
de fixer à ce stade le montant de l'indemnité qui lui est due par l' Uruguay en réparation
des préjudices subis 807. À une réserve près 80, elle ne la prie pas non plus de prononcer,
du moins exclusivement, un arrêt déclaratoire de ses droits – quand bien même ceci lui
809
est, sans aucun doute, juridiquement possible - car un tel prononcé ne ferait pas
complètement justice des dommages causé s à l'Argentine par le comportement
internationalement illicite de l'Uruguay qui a, et continuera d'avoir, des conséquences très
concrètes, qui appellent davantage qu'une simple satisfaction.
806Cf. les articles 1 et 2 des Articles de la Commission du Droit international sur la responsabilité de l'État
pour fait internationalement illicite, annexé à la résolution 56/83 de l'Assemblée générale des Nations Unies
du 12 décembre 2001 (ci-après: "les Articles de la C.D.I.").
807
808V. infra par. 9.1.
V. supra, par. 0.17.
809Cf. C.I.J., arrêt du 2 décembre 1963, Cameroun septentrional, Rec. 1963, pp. 32-33: "Il est incontestable
que la Cour peut, dans des cas appropriés, prononcer un jugement déclaratoire".
3518.3 Néanmoins, une constatation préalable de l'existence et de la consistance
des violations du Statut de 1975 paraît indispensable pour que la Cour puisse se
prononcer sur le contenu même de la respon sabilité encourue de ce fait par l'État
défendeur. Il va en effet de soi que la Haute Juridiction ne serait pas en mesure de se
prononcer sur les autres conclusions de l'Arge ntine (cessation des violations, principe de
la réparation et décision sur ses modalités, et garanties et assurances de non répétition), si
elle ne constatait pas préalablement le s divers manquements de l'Uruguay à ses
obligations en vertu du Statut.
8.4 Celles-ci ont fait l'objet d'une présentati on détaillée dans le chapitres IV et
V du présent mémoire et il suffit de les rappeler ici. Il s'agit:
- du non-respect du mécanisme d'inform ation et de consultation préalables
réglementé dans le chapitre II du Statut de 1975;
- de la violation de l'obligation de procéd er à une étude, complète et objective, de
l'impact transfrontalier de l'usine Orion sur l'environnement du fleuve Uruguay et
ses zones d'influence;
- de la violation de l'obligation de pren dre toute mesure nécessaire à l'utilisation
rationnelle et optimale du fleuve Uruguay;
- de la violation de l'obligation de ne pas causer un préjudice sensible au régime du
fleuve ou à la qualité de ses eaux;
- de la violation de l'obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour
préserver le milieu aquatique et d'empêcher la pollution; et
- de la violation de l'obligation de prot éger la biodiversité et les ressource
halieutiques.
8.5 Ces faits internationalement illicites de natures assez diverses doivent dès
lors entraîner des conséquences diversifiées . Celles-ci font l'objet des trois sections
suivantes.
3528.6 Sous un aspect particulier cependant, les constatations par la Cour des
manquements de l'Uruguay constitueront, par elles-mêmes, une "satisfaction
810 811
appropriée" . En effet, comme l'Argentine l'a exposé ci-dessus , le 21 septembre 2006,
la société espagnole ENCE a fait savoir qu'elle renonçait à implanter l'usine CMB à
l'emplacement initialement prévu, dans les alentours de Fray Bentos. En même temps, ses
dirigeants faisaient part de leur intention de construire une usine similaire ailleurs en
Uruguay, mais sans indiquer de localisation précise. Cette incert itude met la Partie
argentine dans l'impossibilité de déterminer précisément les conséquences de cette
décision. L'Argentine en est donc réduite à réserver ses droits à cet égard.
8.7 Il reste en revanche que la décision de suspendre la construction de l'usine
CMB et de la délocaliser est sans incide nce sur les violations par l'Uruguay des
obligations qui lui incombent en vertu des articles 7 à 11 du Statut de 1975:
- en violation de l'article 7, l'Uruguay a do nné à ENCE l'autorisation de construire
cette usine sans en informer la CARU;
- en violation de l'article 8, il n'a pas fo urni à celle-ci l'information complète, qui
aurait permis à l'Argentine de se prononcer sur ce projet en toute connaissance de
cause;
- par voie de conséquence, il n'a pas permis la mise en Œuvre des articles 8 à 12 du
Statut de 1975 et, en particulier, il a paralysé toute possibilité d'arriver à un
accord, comme l'exige l'article 11.
8.8 Il y a là sans aucun doute un différe nd "concernant l'interprétation [et]
l'application du (…) Statut" au sens de l'article 60 de celui-ci, que la Cour a pour mission
de régler, en constatant les manquement s graves de l'Urugua y à ces dispositions
essentielles. L'Argentine est d'autant plus a ttachée à ce que la Cour se prononce à cet
égard qu'il y va, à ses yeux, du sort même du Statut de 1975 dont elle est soucieuse de
810Cf. C.I.J., arrêt du 9 avril 1949, Détroit de Corfou, Rec. 1949, p.35; v. aussi le dispositif, p. 36. V. aussi,
par exemple: Tribunal du dro it de la mer, arrêt du 1illet 1999, M/V Saiga (N° 2), Rec. 1999, vol. 3, p.
67, par. 176 ou la sentence arbitrale du 30 avril 1990,Rainbow Warrior (Nouvel le Zélande/ France) ,
R.S.A., vol. XX, pp. 272-273.
811
V. supra, par. 0.5.
353préserver l'intégrité et de garantir l'applicat ion effective à l'avenir, afin de préserver son
812
objet et son but et "l'esprit fraternel" dans lequel il a été conclu.
Section II
La cessation des violations continues et la reprise
des obligations imposées par le Statut de 1975
8.9 Pour les mêmes raisons, il est essentiel que la Cour ordonne la cessation des
violations du Statut attribuables à l'Uruguay et la reprise des obligations qu'il impose dans
leur intégralité.
8.10 À cet égard, une première distinction doit être opérée entre les violations
continues des obligations imposées par le St atut de 1975 et celles qui présentent un
caractère instantané ou dont on doit constater qu'elles ont cessé à la date de la rédaction
du présent mémoire – quand bien même leurs effets se font (et se feront) encore sentir.
8.11 En la présente espèce, toutes les viol ations des obligations imposées par le
Statut de 1975 attribuables à l'Uruguay ne présentent pas un caractère continu en ce sens
que certaines d'entre elles ont constitué un fa it internationalement illicite, une fois pour
toutes, au moment où elles se sont produites, même si leurs effets perdurent 813. Il en va
ainsi en particulier, par exemple de la non information préalable de la CARU, de
l'autorisation donnée par l'Uruguay aux sociétés ENCE et Botnia de construire les usines
litigieuses (et les installation s annexes) au mépris des di spositions des articles 7 et
suivants du Statut.
8.12 Dans ces hypothèses, les faits illicites – qui continuent à produire des effets
préjudiciables pour l'Argentine – se sont produits au moment où les décisions – de ne pas
informer la CARU des projets d'usines, d'autoriser la constr uction, de ne pas imposer à
Botnia la suspension des travaux – ont été pr ises par l'Uruguay mais il s'agit de faits
812
813V. le préambule du Statut de 1975.
Cf. le paragraphe 1 de l' article 14 des Articles de la C.D.I. ("Extension da ns le temps de la violation
d'une obligation internationale").
354illicites instantanés. Et, alors même que leurs effets continuent à se faire sentir (du fait de
la construction illicite de l'usin e Orion et de sa probable mise en service dans un délai
relativement rapproché 814). Ces décisions ont produit instantanément tous leurs effets et il
ne serait pas raisonnable que l'arrêt de la C our se borne à les "annuler" pour non-respect
des obligations procédurales imposées par le Statut et à imposer à l'Uruguay de "mettre
fin" à l'absence de notification de la CARU et à cette autorisation de construction.
8.13 L'Argentine tient d'ailleurs à préciser expressément qu'elle ne demande pas
à la Cour d'ordonner que l'Uruguay doit, maintenant, s'acquitter des obligations qui lui
incombaient en vertu des articles 7 à 11 du Statut de 1975:
- d'une part, une reprise de cette procédure ne pourrait être que purement formelle;
en plaçant l'Argentine devant le fait acc ompli au mépris de ces dispositions,
l'Uruguay a commis une succession de faits illicites qui sont maintenant
815
achevés ;
- d'autre part et surtout, en prévoyant l'in tervention de la Cour internationale de
816
Justice (dont "[l]'arrêt est définitif et sans recours" ) dans l'hypothèse où "les
Parties n'aboutissent pas à un accord", les rédacteurs du Statut de 1975 ont
entendu éviter que la procéd ure de concertation entre le s Parties risque de ne pas
aboutir et il serait fondamentalement cont raire à l'esprit de l'article 12 d'imposer
une reprise de la procédure après que la Cour s'est prononcée par un arrêt ayant
l'autorité de la chose jugée – quand bi en même le fondement juridique de la
compétence de la Cour en l'espèce est le seul article 60, l'absence de notification
de ses projets à la CARU par l'Uruguay ay ant paralysé l'application du chapitre II
dans son ensemble, y compris de son article 12.
814
815V. supra, par. 0.16.
V. les paragraphes 4) à 6) du comme ntaire de l'article 14 des Articlde la C.D.I. (Rapport de la
Commission du droit internationa l sur les travaux de sa cinquante-troisième session, 23 avril-1n et 2
juillet-10 août 2001, Documents officiels de l'Assemblée générale, cinquante-sixième session, Supplément
n° 10 (A/56/10), pp. 147-148).
816
Article 60 du Statut de la Cour.
3558.14 Pour leur part, la plup art des violations des obligations "substantielles"
incombant à l'Uruguay en vertu du Statut de 1975 ont un caractère continu et l'une des
conséquences les plus importantes des consta tations de la Cour en ce qui les concerne
sera d'imposer à l'État défendeur de cesser de les violer et d'en reprendre l'exécution.
Ainsi par exemple, la construction de l'usine Orion constitue (et sa future mise en service
constituerait) une violation continue de l'obligation de prendre toutes les mesures
appropriées à la protection et à la préservation du milieu aquatique et à la prévention de la
pollution à laquelle les Parties se sont engagées en vertu de l'article 41.a) du Statut 817; et,
comme le précise expressément l'article 42, "[c]haque Partie est responsable envers
l'autre des dommages résultant de la polluti on causée par ses propres activités ou par
celles menées sur son territoire par des personnes physiques ou morales".
8.15 S'agissant de ces violations continue s d'obligations conv entionnelles – ou
d'autres faits internationalement illicites comparables, comm e, par exemple, la violation
818
des obligations de ne pas causer de préjudice sensible à l'Argentine ou au régime du
fleuve et à la qualité de ses eaux 819 ou à ses "zones d'influence" 820– les premières
conséquences résultant de la responsabilité de l'Uruguay pour ces faits internationalement
illicites sont d'une part d'y mettre fin et, d' autre part, de reprendre la mise en Œuvre des
obligations en cause.
8.16 Aux termes de l'article 30.a) des Articles de la C.D.I.,
"L'État responsable du fait internationalement illicite a l'obligation:
a) d'y mettre fin si ce fait continue".
817
818V. supra, pars. 5.27-5.29.
V. le chapitre V, section III.
819Ibid.
820Cf. les articles 13 et 36 du Statut de 1975.
356Et, comme le précise la Commission dans le commentaire de cette disposition, "[L]a
cessation du comportement en violation d'une obligation inte rnationale est la première
821
condition à remplir pour éliminer les conséquences du comportement illicite" .
8.17 En la présente espèce, la première co nséquence de la constatation par la
Cour des violations du Statut de 1975 devra donc être la cessation de celles qui présentent
un caractère continu et la reprise de l'appl ication intégrale du traité qui en est le
corollaire.
8.18 Comme le précise l'article 29 des Article s de la C.D.I., "[l]es conséquences
juridiques d'un fait internationalement illicite (…) n'affectent pas le maintien du devoir de
l'État responsable d'exécuter l'obligation violée". En l'es pèce, cette reprise revêt une
importance toute particulière: si elle n'intervenait pas l'Urugu ay aurait, en le violant,
obtenu la terminaison de facto du Statut de 1975, alors que la Partie argentine, loin
822
d'accepter une telle conséquence, entend, comme cela est son droit , que la Partie
uruguayenne se conforme complètement à ses obligations en vertu du Statut de 1975.
8.19 Dès lors, suite à l'arrêt de la Cour, l'Uruguay devra cesser les violations
continues des obligations résult ant notamment des articles 1 eret 27 (sur l'utilisation
rationnelle et optimale des eaux du fleuve ), 35 et 36 (obligation de coordonner les
mesures propres à éviter une modification de l' équilibre écologique du fleuve et de ses
zones d'influence), 41.a) (qui impose de pr endre toutes les mesures nécessaires pour
préserver le milieu aquatique et d’empêcher la pollution) et aux obligations générales de
821Par. 4) (Rapport de la Commission du droit inte rnational sur les travaux de sa cinquante-troisième
er
session, 23 avril-1 juin et 2 juillet-10 août 2001, Documents officiels de l'Assemblée générale, cinquante-
822ième session, Supplément n° 10 (A/56/10), p. 234).
Cf. l'article 60, paragraphe 1, de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, dont la
nature coutumière n'est pas douteuse (v. C.I.J., avis consultatif, 21 juin 1971Conséquences juridiques
pour les États de la présen ce continue de l'Afrique du sud en Na mibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la
résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité , Rec. 1971, p. 47); arrê t du 25 septembre 1997, Projet
Gabčikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), C.I.J. Recueil 1997, p. 68, par. 114, ou le paragraphe 3) du
commentaire de l'article 29 des Arti cles de la C.D.I. (Rapport de la Commission du droit international sur
les travaux de sa cinquante-troisième session, 23 avril-1uin et 2 juillet-10 août 2001, Documents officiels
de l'Assemblée générale, cinquante-sixième session, Supplément n° 10 (A/56/10), pp. 231-232).
357ne pas causer un préjudice sensible à l'Argentine et au régime du fleuve et à la qualité de
ses eaux telles qu'elles résultent de ces dispositions.
Section III
La réparation par l'Uruguay des préjudices
causés par ses faits internationalement illicites
8.20 Outre les obligations résultant de la responsabilité internationale de
l'Uruguay déjà mentionnées, l'Uruguay est tenu de réparer intégralement les dommages
subis par l'Argentine du fait des violations de ses obligations inte rnationales en vertu du
Statut de 1975 qui lui sont attribuables.
8.21 Conformément au célèbre dictum de la Cour permanente de Justice
internationale dans son arrêt du 13 se ptembre 1928 en l'affaire relative à l' Usine de
Chorzów:
"[l]e principe essentiel, qui découle de la notion même d'acte illicite et qui semble
se dégager de la pratique internationa le, notamment de la jurisprudence des
tribunaux arbitraux, est que la réparation doit, autant que possi ble, effacer toutes
les conséquences de l'acte il licite et rétablir l'état qui aurait vraisemblablement
existé si ledit acte n'avait pas été commis" 823.
La forme adéquate de la réparation dépend "des circonstances concrètes de chaque affaire
ainsi que de la nature exacte et de l'importance du préjudice, puisqu'il s'agit de déterminer
quelle est la 'réparation dans une form e adéquate' qui correspond à ce préjudice" 824. Elle
peut consister en une restitution, une compensation ou une satisfaction 825, étant entendu
823C.P.J.I., série A n° 17, p. 47. Pur des exemples récents dans la jurisprudence de la Cour, v. par
exemple: arrêt du 27 juin 2001, LaGrand (Allemagne c. États-Unis d'Amérique), fond, Rec. 2001, p. 485,
par. 48; arrêt du 14 février 2002, Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c.
Belgique), Rec. 2002, pp. 31-32, par. 76 et arrêt du 31 mars 2004, Avena et autres ressortissants mexicains
(Mexique c. États-Unis d'Amérique), Rec. 2004, p. 59, par. 119. V. également l'article 31, paragraphe 1, des
Articles de la C.D.I.
824Arrêt du 31 mars 2004, Avena et autres ressortiss ants mexicains (Mexique c. États-Unis d'Amérique),
Rec. 2004, p. 59, par. 119.
825
V. l'article 34 des Articles de la C.D.I.
358que ces diverses modalités de réparation peuvent être combinées, l'essentiel étant
826
d'aboutir à une réparation intégrale .
8.22 En vertu de l'article 35 des Articles de la C.D.I.:
"L'État responsable du fait internationale ment illicite a l'obligation de procéder à
la restitution consistant dans le rétablissement de la situation qui existait avant que
le fait illicite ne soit commis, dès lors et pour autant qu'une telle restitution:
a) n'est pas matériellement impossible;
b) n'impose pas une charge hors de to ute proportion avec l'avantage qui
dériverait de la restitution plutôt que de l'indemnisation".
Il en découle pour l'État responsable l' obligation de prendr e toutes les mesures
nécessaires pour rétablir la situation qui existait avant son ou ses faits internationalement
illicites.
8.23 Comme cela a été établi dans le chapit re IV du présent mémoire, l'un des
faits internationalement illicites dont l'Uru guay est responsable consiste en l'autorisation
de la construction des usines de pâte à papier et des installations annexes en violation des
plusieurs obligations lui incombant en vertu du Statut de 1975 et des règles de droit
international auxquels le Statut renvoie. La restitution appropriée consiste donc, en
premier lieu, dans l'annulation de ces autori sations. L'annulation d'actes administratifs
pris en violation du droit international a été en effet reconnue comme le moyen de
restitution appropriée puisqu'une te lle annulation effa ce l'acte illicite 82. Cette demande
concerne tant l'usine CMB qu e l'usine Orion puisque, à la connaissance de l'Argentine,
l'autorisation donnée à ENCE de construire CMB n'a pas été formellement rapportée
malgré la décision de la société de délocaliser cette usine.
8.24 S'agissant d'Orion, les violations de s obligations lui in combant en vertu du
Statut commises par l'Uruguay ont eu po ur conséquences directes qu'une usine
826Cf. le paragraphe 2) du commentair e de l'article 34 des Articles de la C.D.I.: "Pour 'effacer' toutes les
conséquences du fait illicite, il peut (…) être nécessaire de faire jouer toutes les formes de réparation ou
certaines d'entre elles, en fonction du type et de l'ampleur du préjudice qui a été ca uséer(Rapport de la
Commission de Droit international sur les travaux de sa cinquante-troisième session, 23 avril-1n et 2
juillet-10 août 2001, Documents officiels de l'Assemblée générale, cinquante-sixième session, Supplément
n° 10 (A/56/10), p. 254).
827V. l'article 35 des Articles de la C.D.I., par. 5) du commentaire (ibid., p. 259).
359gigantesque de pâte à papier et des installa tions annexes est en voi e d'achèvement sur la
rive gauche du fleuve Uruguay et devrait êt re mise en service av ant l'intervention de
l'arrêt de la Cour. L'annulation de l'autorisation de construction de cette usine et celle du
port connexe, ainsi que l’autorisation de la mi se en service du port et du prélèvement et
utilisation annuel d’un volume significatif d'eau du fle uve Uruguay, peuvent certes
anéantir les actes illicites en eux-mêmes, mais ne suffissent certainement pas à effacer
toutes les conséquences de ces actes. Seul le démantèlement de l'usine et de ses
installations connexes, ou, le cas échéant leur réaffectation à d’autres usages compatibles
avec les dispositions du Statut de 1975, est de nature à rétablir le statu quo ante.
8.25 En aucun cas ce moyen de restitution n'est disproportionné par rapport à une
indemnisation 828. Le simple versement d'une indemnit é n'est en effet pas de nature à
effacer l'ensemble des préjudices que des usines litigieuses, dont la durée d'activité est
estimée à au moins quarante ans 829, continueront de causer à l'avenir au régime du fleuve
Uruguay et à la qualité de ses eaux et de ses zones d'influence – dommages qu'il est
impossible d'évaluer précisément à ce jour.
8.26 Du reste, dans son ordonnance du 13 juillet 2006, la Cour a mis en garde
l'Uruguay contre les conséquences de la non-suspension des travaux en considérant
"que, en maintenant l'autorisation et en pe rmettant la poursuite de la construction
des usines, l'Uruguay assume nécessairemen t l'ensemble des risques liés à toute
décision au fond que la Cour pourrait rendre à un stad e ultérieur; que la Cour
relève que la construction des usines su r le site actuel ne peut être réputée
constituer un fait accompli car, ainsi qu'elle a déjà été amenée à le souligner, 's’il
est établi que la construction d’ouvrages comporte une atteinte à un droit, on ne
peut ni ne doit exclure à priori la poss ibilité d’une décision judiciaire ordonnant
soit de cesser les travaux soit de modi fier ou démanteler les ouvrages' ( Passage
par le Grand-Belt (F inlande c. Danemark), mesures conservatoires, ordonnance
du 29 juillet 1991, C.I.J. Recueil 1991, p. 19, par. 31)" 830.
828Cf. l'article 35.b) des Articles de la C.D.I.
829CR 2006/46 (Mme. Picolotti), 8 juin 2006, p. 24, par. 16.
830Ordonnance du 13 juillet 2006, Usines de pâte à papier sur le fle uve Uruguay (Argentine c. Uruguay),
mesures conservatoires, par. 78.
3608.27 L'Uruguay lui-même s'est, d'ailleur s, dit conscient du risque de
démantèlement des usines dans le cas où il serait tenu responsable de violations de ses
obligations découlant du Statut de 1975 et des règles de droit international auxquels
celui-ci renvoie. Il a été déclaré lors de l'audience du 8 juin 2006 que
"it should be for Uruguay to decide wh ether to risk proceeding with the
construction of the plants in light of Argentina's claim. If the Court, at the
conclusion of the merits ph ase, were to order the plan ts closed, or dismantled,
Uruguay would have to live with that result" 831.
La Cour a pris note de cette déclaration 83. En conséquence, l'Uruguay ne pourrait, en
tout état de cause, invoquer un caractère disproportionné de la restitution intégrale.
8.28 Dans la mesure où la restitution ne peut pas "effacer toutes les
conséquences de l'acte illicite et rétablir l'état qui aurait vr aisemblablement existé si ledit
acte n’avait pas été commis", l'Uruguay est tenu d'indemniser l'Argentine pour les
dommages matériels subis. L'indemnité doit couvrir tout dommage susceptible
833
d'évaluation financière, ce qui comprend tout manque à gagner établi .
8.29 Les dommages effectivement subis par l'Argentine du fait des autorisations
unilatérales et illicites de la co nstruction de l'usine Orion et des installations annexes, de
leur construction et, à l'avenir 834 ou de leur mise en service, dépasse en effet ce que
l'annulation de ces autorisations et le démant èlement de l'usine peuvent rétablir. Suite à
l'octroi des autorisations et dès le début de la constructio n des usines, l'Argentine a dû
faire face à des pertes et dommages patrimoniau x et financiers importants qu'elle a subis
directement et à travers de ses nationaux. Ces dommages comprennent notamment, mais
pas exclusivement:
831
832CR 2006/47, 8 juin 2006, p. 50, par. 26 (M. Reichler).
Ordonnance du 13 juillet 2006, Usines de pâte à papier sur le fl euve Uruguay (Argentine c. Uruguay),
mesures conservatoires, par. 47.
833V. l'article 36 des Articles de la C.D.I.
834Ou dans l'immédiat s'agissant de la mise en service du port, donnée le 24 août 2006 et de l'autorisation
de prélèvement et d'utilisation à des fins industrielle s de l'eau du fleuve Urug uay donnée à Botnia le 12
septembre 2006, Annexes, livre. VII, annexes 15 et 16.
361 - les pertes financières subies par les opér ateurs touristiques dans la région de
Gualeguaychú, notamment en raison d'une diminution sensible des activités du
835
tourisme ;
- les dommages résultant de la diminution des valeurs immobilières et des prix des
loyers et, d'une façon générale, de l'activ ité économique dans la zone d'influence
du fleuve touchée par les conséquences de la construction et l’éventuel mise en
836
service future des usines ;
- des pertes et surcoûts importants dans le se cteur de l'agriculture, de l'apiculture et
de la pêche qui pourraient se produire le cas échéant de la mise en service future
des usines 837.
8.30 L'ensemble de ces dommages résulte dire ctement de l'autorisation et de la
construction (à laquelle s'ajoutera la mise en service, très probablement avant la
conclusion de la présente affair e) de l'usine Orion et de l' altération de l'écosystème du
fleuve Uruguay et de ses zones d'influence. Connue pour le tourisme écologique dont elle
838
est le cadre et qui s'y développe rapidement , la région de Gualeguaychú risque de faire
face à une diminution importante dans ce secteur du fait de l'implantation et de la mise en
service du complexe industriel Orion et de la menace qu'il fait peser sur l'écosystème du
fleuve et de ses zones d'influence 839. Le manque à gagner enge ndré pour les années à
venir est considérable même si, au moment où le présent mémoire est rédigé, il reste
encore très difficile de chiffrer ce préjudice.
8.31 À ce stade de la procédure, l'Argentine se trouve dans l'impossibilité
d'évaluer l'ensemble des dommages subis, que ce soit en raison de la poursuite de la
construction ou de l’éventuel fonctionnement de l'usine. Par conséquent, à ce stade, et
conformément à l'usage dans de s situations de ce genre, l' Argentine prie seulement la
Cour de bien vouloir constater que l'Uruguay est tenu d'indemniser les dommages subis
835Cf. supra, pars. 7.195-7.196.
836Ibid.
837
V. Déclaration devant notaire de MM. José Eduardo Heft, Jorge Albino Janusa et Oscar Enrique Stockli
du 30 mai 2006 (documentation présentée par l’Argentine le 2 juin 2006, document n° 13)
838V. le chapitre VI, section III.
839V. le chapitre VII, section V.
362par ses faits internationa lement illicites dont elle au ra constaté la réalité 840, tout en
réservant l'évaluation et la détermination du montant du préjudice subi pour une phase
841
ultérieure de la procédure .
Section IV
L'Argentine a droit à des garanties et assurances appropriées de non-répétition du
comportement illicite de l'Uruguay
8.32 En vertu de l'article 30.b) des Articles de la C.D.I.:
"L'État responsable du fait internationalement illicite a l'obligation:
…
b) D'offrir des assurances et des garant ies de non-répétition appropriées si
les circonstances l'exigent".
Tel est le cas en l'espèce.
8.33 Les commentaires de la C.D.I. relatifs à cette disposition soulignent que les
garanties et assurances de non-répétition se présentent comme
"un aspect du maintien et du rétablissement de la relation juridique à laquelle la
violation a porté atteinte. Lorsqu'un État lésé cherche à obtenir des assurances et
garanties de non-répétition, c'est esse ntiellement pour renforcer une relation
juridique continue et l'accent est mis sur le respect futur d'une obligation et non
pas sur sa violation passée" 84.
8.34 Eu égard aux faits et circ onstances qui sont à la ba se du différend opposant
l'Argentine et l'Uruguay, ce dernier est ce rtainement dans l'obligation de donner des
assurances et garanties de non-répétition. Les violations répétées et délibérées du Statut
840
V. section I, ci-dessus.
841V. par exemple C.I.J., arrêt du 25 juillet 1974,Compétence en matière de pêcheries (République
fédérale d'Allemagne c. Islande) , Rec. 1974, pp. 204-206, pars. 76- 77; arrêt du 24 mai 19Personnel
diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran (États-Unis d'Amérique c. Iran), Rec. 1980, pp. 45 et
842(par. 6 du dispositif).
Par. 11) du commentaire, Rapport de la Commissi on du droit international sur les travaux de sa
cinquante-troisième session, 23 avril-1uin et 2 juille t-10 août 2001, Documents officiels de l'Assemblée
générale, cinquante-sixième session, Supplément n° 10 (A/56/10), p. 238.
363de 1975, et tout particulièrement de la procé dure prévue dans les articles 7 et suivants de
celui-ci, montrent d'ailleurs à quel point de telles garanties sont appropriées dans le cas
d'espèce. La seule réparation des dommages subis n'est en effet pas suffisante pour
remettre l'Argentine en conf iance quant au respect futur du Statut par l'Uruguay qui
constitue, comme cela est souligné dans le chapitre III du présent mémoire, le cadre d'une
relation et d'une coopération continues et poussées entre les Parties.
8.35 Il est à peine nécessaire d'attirer à nouv eau l'attention de la Cour sur le fait
que l'Uruguay a, en dépit des protestations les plus vives de la part de l'Argentine et des
tentatives de cette dernière pour trouve r une solution amiable et conforme aux
dispositions et à l'esprit du traité de 1975, au différend né de l'autorisation de construction
de l'usine CMB octroyée unilatéralement par le Défendeur, continué à violer ouvertement
ses obligations quand il a autorisé la construction de la de uxième usine, Orion, puis celle
du terminal portuaire à l'usage exclusive d'Orion. Ces agissements ont profondément
ébranlé la confiance de l'Argentine à l'égard de l'attachement de l'Uruguay au Statut de
1975, de l'importance qu'il lui prête et de sa volonté de le respecter à l'avenir.
8.36 Des évènements postérieurs au dépôt de la requête, mais qui lui sont
intrinsèquement liés, ont d'ailleurs contribué à miner encore cette confiance. L'Uruguay
s'est en effet à nouveau affranch i de la procédure établie par les articles 7 à 12 quand, le
24 août 2006, sans que la CARU ait été in formé préalablement le port connexe a l’usine
843
Orion, autorisé unilatéralement, a été mis en service , ainsi que le 12 septembre 2006,
une autorisation pour l'extraction de 60 m illion m³ d'eau par an (jusqu'à 2011) a été
accordée à Botnia. Cette façon de procéder mo ntre clairement que l'Uruguay ne compte
aucunement se soumettre au Statut de 1975 en ce qui concerne la construction et la mise
en service de l'usine Orion. En outre, le pr ojet d'une autre usine de pâte à papier en
Uruguay, sur le rio Negro, affluent du fleuve Uruguay, qui serait réalisée et exploitée par
843
Annexes, livre VII, annexes 15 et 16.
364Stora Enso, une société finlando-suédoise, est actuellement à l'étude, ce qui ne peut
844
manquer d'inquiéter l'Argentine, qui dispose de fort peu d'informations sur ce projet .
8.37 Dans ces circonstances, et afin de réta blir les relations ju ridiques des deux
parties sur la base de la frat ernité, de la coopération et de la confiance mutuelle qui les
caractérisent traditionnelle ment, l'Argentine demande à l'Uruguay de prendre
concrètement l'engagement de respecter sc rupuleusement à l'avenir les obligations
découlant du Statut de 1975, et en particulie r la procédure prévue dans les articles 7 et
suivants, faute de quoi celui-ci serait durabl ement, et sans doute irrémédiablement, vidé
de son objet et de son but.
8.38 L'Argentine est consciente du fait que l' Agent de l'Uruguay a d'ores et déjà
exprimé, lors de l'audience du 8 juin 2006 , la "volonté [de l'Uruguay] de respecter
pleinement et totalement le statut du fl euve Uruguay de 1975 et son application" 84. Les
récents événements concernant l’autorisation de la mise en service d’un port connexe a
l’usine Orion, l'autorisation de prélèvements de quantités importantes d'eau dans le fleuve
ou le projet d'usine Stora Enso montrent cependant que l'Argentine est fondée à douter du
sérieux de l'engagement ainsi exprimé.
8.39 Dès lors, de l'avis de l'Argentine, une déclaration formelle faite par une
autorité compétente de l'Uruguay, plus précise que celle faite par l'Agent de ce pays lors
des audiences relatives à la demande en indication de mesures conservatoires, par
laquelle la Partie uruguayenne s'engagerait à respecter à l'avenir les dispositions des
articles 7 et suivants du Statut de 1975 et dont la Cour prendrait formellement note dans
le dispositif (et non pas simplement dans les motifs) de son arrêt constituerait une
modalité possible de telles assurances et garanties de non répétition. Cet engagement, qui
se trouverait ainsi revêtu de l'autorité de la chose jugée, pourrait être complété par la
844
V. les communiqués de la Présidence uruguayenne, "MVOTMA AUTORIZÓ A STORA ENSO A
FORESTAR 5.000 HECTÁREAS", 11 juillet 2006.
(http://www.presidencia.gub.uy/_web/noticias/2006/07/2006071109.htm) et "STORA ENSO PRESENTÓ
SU PROYECTO INVERSOR EN URUGUAY", 5 septembre 2006
(http://www.presidencia.gub.uy/_web/noticias/2006/09/2006090514.htm), Annexes, livre VI, annexes 12 et
7.
845
CR 2006/49, 9 juin 2006, p. 36 (M. Gros Espiell).
365création par l'Uruguay, en concertation avec l'Argentine, d'un Fonds de soutien à la
préservation et à l'amélioration de l'enviro nnement du fleuve Uruguay et de ses zones
d'influence. Et la gestion conjointe de ce Fonds par les deux Part ies constituerait une
garantie de nature à redonner confiance à l'Argentine dans la fidélité de l'Uruguay au
Statut de 1975.
8.40 Les conclusions de l'Argentine tirent ci -après, sous une forme concise, les
conséquences des considérations exposées dans le présent chapitre en ce qui concerne:
i/ la constatation par la Cour des faits internationalement illicites attribuables à
l'Uruguay;
ii/ la cessation des violations contin ues et la reprise pa r l'Uruguay de ses
obligations en vertu du Statut de 1975;
iii/ le rétablissement de la situation anté rieure à ces violations et l'indemnisation
appropriée, permettant seule d'effacer toutes les conséquences de ces faits
internationalement illicites; et
iv/ les garanties et assura nces de non-répétition que l'Argentine est en droit de
recevoir de la part de l'Uruguay.
366CONCLUSIONS
367 9.1 Pour l'ensemble des raisons exposées dans le présent mémoire, la
République argentine prie la Cour internationale de Justice de bien vouloir:
1° constater qu'en autorisant unilatéralem ent la construction des usines de pâte à
papier CMB et Orion et les installations annexe s de celle-ci sur la rive gauche du fleuve
Uruguay en violation des obli gations découlant du Statut du 26 février 1975, la
République orientale de l'Uruguay a commis les faits internationalement illicites
énumérés aux chapitres IV et V du présent mémoire, qui engagent sa responsabilité
internationale;
2° dire et juger qu'en conséquence, la République orientale de l'Uruguay doit:
i/ immédiatement cesser les faits internationalement illicites mentionnés ci-dessus;
ii/ reprendre une stricte application de ses obligations découlant du Statut du fleuve
Uruguay de 1975;
iii/ rétablir sur le terrain et au plan juri dique la situation qu i existait avant la
perpétration des faits internationalement illicites mentionnés ci-dessus;
iv/ verser à la République argentine une indemnité pour les dommages occasionnés
par ces faits internationalement illicites, qui ne seraient pa s réparés par cette remise en
état, dont le montant sera déterminé par la Cour dans une phase ultérieure de la présente
instance;
v/ donner des garanties adéquates qu'elle s'abstiendra à l'avenir d'empêcher
l'application du Statut du fleuve Uruguay de 1975 et, en particulier, du mécanisme de
consultation institué par le chapitre II de ce traité.
9.2 La République argentine se réserve la possibilité de compléter et amender
le cas échéant les présentes conclusions, no tamment en fonction de l'évolution de la
369 situation. Il en irait ainsi tout spécial ement si l'Uruguay ag
notamment si l'usine Orion devait être mise en service avant la fin de la présente
procédure.
Le 15 janvier 2007
i t t u r e C z i u R a t r y M a n a s u S
Agent de la République argentine devant
la Cour internationale de Justice
846V. l'ordonnance de la Cour du 13 juillet 2006 sur la demande en indication de mesures conservatoires de
l'Argentine, par. 82.
*La rédaction du présent mémoire a été achevée le 14 décembre 2006, en vue des besoins logistiques liés a
sa soumission à la Cour, notamment son impression et réliure. LISTE DES ANNEXES
LIVRE II - Traités et correspondance diplomatique
Annexe 1 - Traité relatif à la frontière sur l’Uruguay (1961)............................................1
Annexe 2 - Statut du fleuve Uruguay (1975)..................................................................15
Annexe 3 - Note qui accompagne l’approbation du Statut de 1975 par le Congrès
uruguayen (4 mai 1976)...................................................................................................39
Annexe 4 - Note qui accompagne l’approbation du Statut de 1975 par le Congres
argentin – Note adressée au Pouvoir Exécutif (7 septembre 1976) ................................71
Annexe 5 - Traité concernant le Rio de la Plata et la frontière maritime y afférente.
(19 novembre 1973) ........................................................................................................83
Annexe 6 - Convention de coopération entre la République Argentine et la
République Orientale de l’Uruguay pour prévenir et lutter contre les incidents
de pollution du milieu aquatique causés par des hydrocarbures et d´autres
substances nuisibles. (16 septembre 1987)....................................................................119
Annexe 7 - Note MREU Nº 168/05 (27 juin 2005).......................................................143
Annexe 8 - Notes AEE Nº22/2006 (22 avril2006), EURUG Nº177/2006 (3 octobre
2006), AEE Nº 58/2006 (3 octobre 2006) et DGAP3/184/06 (9 octobre 2006)...........147
Annexe 9 - Accord Régional pour l´adoption d´un « Plan de Protection
Environnementale du Fleuve Uruguay » (29 octobre 2002).........................................159
Annexe 10 - Traité du bassin du Río de la Plata. (23 avril 1969).................................231
Annexe 11 - Déclaration argentino-uruguayenne sur la ressource eau (9 juillet 1971) ..245
Annexe 12 - Digeste sur les utilisations du Fleuve Uruguay : Thème E3 : Pollution ..253
Annexe 13 - Digeste sur les utilisations du Fleuve Uruguay : Thème E4:
Conservation et Préservation des Ressources Vivantes................................................333
Annexe 14 - Note diplomatique du Ministère des Affaires Étrangères
de la République Oriental de l´Uruguay, relative a l´adoption du Thème E3.
(27 novembre 1990) ......................................................................................................349
371Annexe 15 - Note diplomatique du Ministère des Affaires Étrangères, Commerce
International et Culte de la République Argentine, relative a l´adoption du Thème
E4 (12 septembre 1995).................................................................................................353
Annexe 16 - Note diplomatique No 604/06 du Ministère des Affaires Étrangères de
la République Oriental de l´Uruguay (10 novembre 2006)...........................................359
Annexe 17 - Note du Secrétaire de l’Environnement et Développement Durable de
la République Argentine (13 octobre 2006)..................................................................367
Annexe 18 - Note du Secrétaire de l’Environnement et Développement Durable de
la République Argentine (13 novembre 2006)..............................................................381
Annexe 19 - Note du Ministère des Affaires Étrangères, Commerce International et
Culte de la République Argentine (9 mai 2006) ...........................................................391
Annexe 20 - Note MREU Nº 226/03 de l’Ambassade de l´Argentine auprès
l´Uruguay (27 octobre 2003).........................................................................................397
Annexe 21 - Note 05/2003 du Ministère des Affaires étrangères de la République
Oriental de l´Uruguay (27 octobre 2003)......................................................................403
Annexe 22 - Note du Ministère des Affaires étrangères, commerce international
et culte de la République Argentine (5 mai 2005) ........................................................407
Annexe 23 - Note DGAP3/199/2005 du Ministère des affaires étrangères de la
République Oriental de l´Uruguay (1 juillet 2005).......................................................413
Annexe 24 - Note du Ambassadeur de la République Argentine auprès des
Etats-Unis(26 juin 2005) ...............................................................................................417
Annexe 25 - Note MREU Nº 178/05 de l’Ambassade de l´Argentine auprès
l´Uruguay(5 juillet 2005)...............................................................................................421
Annexe 26 - Note DGAP3/203/2005 du Ministère des affaires étrangères de la
République Oriental de l´Uruguay (8 juillet 2005).......................................................425
Annexe 27 - Note SEREE Nº 149/2005 du Secrétaire des Affaires étrangères,
Ministère des Affaires étrangères, commerce international et culte de la
République Argentine (14 décembre 2005) ..................................................................429
Annexe 28 - Note SEREE Nº 154/2005 du Secrétaire des Affaires étrangères,
Ministère des Affaires étrangères, commerce international et culte de la République
Argentine (26 décembre 2005)......................................................................................437
372Annexe 29 - Note du Ministère des Affaires étrangères de la République Oriental
de l´Uruguay (27 décembre 2005).................................................................................441
Annexe 30 - Note du Secrétaire des Affaires étrangères, Ministère des Affaires
étrangères, commerce international et culte de la République Argentine
(12 janvier 2006) ...........................................................................................................449
Annexe 31 - Note du Ministère des Affaires étrangères de la République Oriental
de l´Uruguay (16 janvier 2006).....................................................................................459
Annexe 32 - Note DGAP3/711/2003 du Ministère des Affaires étrangères de la
République Oriental de l´Uruguay (7 novembre 2003) ................................................465
Annexe 33 - Note du Ministre de Affaires étrangères, commerce international et
culte de la République Argentine (1 novembre 2006) ..................................................469
Annexe 34 - Déclaration Conjointe des Présidents de la République Argentine et
de la République Oriental de l´Uruguay (18 septembre de 1976) ................................475
Annexe 35 - Note Nº 22/2006 du Ministère des Affaires étrangères de la République
Oriental de l´Uruguay (16 mars 2006) ..........................................................................483
LIVRE III - Documentation de la Commission d´administration du fleuve Uruguay
(CARU)
Annexe 1 - Procès-verbal CARU 4/2001, pp. 499, 501 bis et 520 (27 avril 2001)........1
Annexe 2 - Résolution CARU Nº 12 /2001 (27 avril 2001) .............................................9
Annexe 3 - Procès-verbal CARU 9/81, pp. 512-514 (18 décembre 1981).....................19
Annexe 4 - Procès-verbal CARU 7/96, p. 1065 (23 août 1996) .....................................27
Annexe 5 - Procès-verbal CARU 11/03 (17 octobre 2003)............................................31
Annexe 6 - Procès-verbal CARU 2/06, pp. 301-303 (17 février 2006 ).........................49
Annexe 7 - Procès-verbal CARU 8/81, p. 450 (13 novembre 1981)..............................55
Annexe 8 - Procès-verbal CARU 6/83, pp. 397-398 (29 juillet 1983) ...........................59
Annexe 9 - Procès-verbal CARU 9/81, pp. 520-521 (18 décembre 1981).....................65
373Annexe 10 - CARU, rencontre technique-juridique, p. 68 (17 et18 septembre 1987)..... 71
Annexe 11 - Procès-verbal CARU 15/02, p. 17, point 3.7 (8 juillet 2002) ....................75
Annexe 12 - CARU Note SET-10413-UR de M. Walter M. Belvisi, Président
Délégation uruguayenne auprès de la CARU (17 octobre 2002)....................................79
Annexe 13 - Procès-verbal CARU 2/03, pp. 211-212 (21 février 2003)........................83
Annexe 14 - Procès-verbal CARU 3/03, p. 463 (21 mars 2003) ....................................89
Annexe 15 - Procès-verbal CARU 4/03, p. 627 (17 avril 2003).....................................93
Annexe 16 - CARU Note SET-10617-UR de M. Walter M. Belvisi, Président
Délégation uruguayenne auprès de la CARU (21 avril 2003) ........................................97
Annexe 17 - Procès-verbal CARU 5/03, pp. 854-855 (16 mai 2003)...........................101
Annexe 18 - CARU Note SET-10706-UR de M. Walter M. Belvisi, Président de
la Délégation uruguayenne auprès de la CARU (15 août 2003)...................................107
Annexe 19 - Procès-verbal CARU 6/03, pp. 1083-1084 (13 juin 2003).......................113
Annexe 20 - Procès-verbal CARU 8/03, pp. 1400-1401 et 1456 (15 août 2003).........119
Annexe 21 - Procès-verbal CARU 9/03, p. 1703 (12 septembre 2003)........................127
Annexe 22 - Procès-verbal CARU 10/03, p. 1958 (8 octobre 2003)............................131
Annexe 23 - Procès-verbal CARU 10/03, p. 1911, point 3.2 (8 octobre 2003)............135
Annexe 24 - Procès-verbal CARU 1/04 (15 mai 2004)................................................143
Annexe 25 - Procès-verbal CARU 2/04, p. 151 (21 mai 2004)....................................199
Annexe 26 - Procès-verbal CARU 3/04, pp. 624-626 (18 juin 2004)...........................203
Annexe 27 - Procès-verbal CARU 6/04, pp. 1563-1564 (17 septembre 2004) ............211
Annexe 28 - Procès-verbal CARU 8/04, pp. 1870-1871 et 1951 (12 novembre 2004) ..217
Annexe 29 - Procès-verbal CARU 1/05, pp. 17 et 65-66 (7 janvier 2005)...................229
Annexe 30 - Procès-verbal CARU 2/05, pp. 306-309 (11 février 2005)......................239
374Annexe 31 - Procès-verbal CARU 3/05, p. 7-11, point 3.4 (11 mars 2005).................255
Annexe 32 - Procès-verbal CARU 5/05, pp. 963-969 et 1061 (6 mai 2005)................265
Annexe 33 - Procès-verbal CARU 6/05 (15 août 2005) ...............................................283
Annexe 34 - Procès-verbal CARU 8/05, pp. 1242-1247 (9 septembre 2005) ..............299
Annexe 35 - Procès-verbal CARU 9/05, pp. 1859-1862 (14 octobre 2005).................313
Annexe 36 - CARU Note SET-11037-UR du Ing. Alejandro Rohas, Secrétaire
Technique à charge Commission d´Administration du Fleuve Uruguay
(16 novembre 2004) ......................................................................................................323
Annexe 37 - Note CARU-ROU Nº 023/06 du Dr. Martha Petrocelli, Président de
la Délégation uruguayenne auprès de la CARU (4 septembre 2006) ...........................327
Annexe 38 - Note OCARU Nº 129/2005 de M. l´Ambassadeur Roberto García
Moritán, Président de la Délégation argentine auprès de la CARU
(10 novembre 2005) ......................................................................................................331
Annexe 39 - Note OCARU Nº 107/2005 de M. l´Ambassadeur Roberto García
Moritán, Président de la Délégation argentine auprès de la CARU (17 juin 2005).....335
Annexe 40 - Note OCARU Nº 109/05 de M. l´Ambassadeur Roberto García
Moritán, Président de la Délégation argentine auprès de la CARU (12 juillet 2005)...339
Annexe 41 - Procès-verbal CARU 7/06, pp. 2369-2371 (20 octobre 2006).................343
Annexe 42 - Procès-verbal CARU 10/84, pp. 853-858 (7 décembre 1984).................351
Annexe 43 - Procès-verbal CARU 5/83), pp. 337-338, Décision Nº 16/83
(10 juin 1983) ................................................................................................................365
LIVRE IV - Documentation du Groupe de haut niveau (GTAN)
Annexe 1 - Rapport final de la Délégation argentine au Groupe de haut niveau
(GTAN) (3 février 2006)...................................................................................................1
Annexe 2 - Premier rapport de la Délégation uruguayenne sur le travail du Groupe
technique binational de haut niveau pour l´étude des usines de cellulose......................69
375Annexe 3 - Communiqué conjoint argentin-uruguayen : usines de pâte a papier
cellulosiques, constitution du Groupe de haut niveau (31 mai 2005)...........................117
Annexe 4 - Première réunion du Group de haut niveau (3 août 2005).........................121
LIVRE V - Documentation scientifique et technique
Annexe 1 - Rapport de l´Université de la République « Synthèse des conséquences
sur l´environnement des usines de pâte à cellulose et du modèle forestier en
Uruguay », page de garde, résume, introduction et sections 1.B et 3 (juin 2006)............1
Annexe 2 - Tableau comparatif des usines de pâte à papier dans le monde...................91
Annexe 3 - Rapport “Assessment of the Fluvial Environment of the Proposed Botnia
Pulp Mill on Fleuve Uruguay at Fray Bentos, Uruguay” - Latinoconsult S.A.
(20 novembre 2006) ......................................................................................................109
Annexe 4 - Rapport scientifique “Consultancy report on pulp mills” – Prof.
Marcelo Conti et équipe (1 décembre 2006).................................................................169
Annexe 5 - Rapport “Review of the IFC Final Cumulative Impacts Study for
Botnia´s Uruguay Pulp Mill” - Howard Wheather and Neil McIntyre
(4 décembre 2006).........................................................................................................217
Annexe 6 - “Cumulative Impact Study – Uruguay pulp mills” (décembre 2005
-version préliminaire-; septembre 2006 –version finale)..............................................223
Annexe 7 - Evaluation d´impact environnementale du projet Orion par Botnia
(31 mars 2004)...............................................................................................................373
Annexe 8 - Rapport DINAMA, Division évaluation d´impact environnemental,
Réf. : Installation d´usine de pâte à papier e ouvrages connexes (février 2005) ..........391
Annexe 9 - « Cumulative Impact Study Uruguay Pulp Mills” – Hatfield
Consultants Ltd (27 mars 2006)....................................................................................485
Annexe 10 - Rapport d´évaluation préliminaire “Complaint Regarding ICF´s
Proposed Investment in Celulosas de M´Bopicuá and Orion Projects, Uruguay –
Office of the Compliance Advisor/Ombudsman, International Finance
Corporation/Multilateral Investment Guarantee Agency” (11 novembre 2005).........599
376Annexe 11 - Rapport final “CAO Audit of IFC´s and MIGA´s Due Diligence for two
Pulp Mills in Uruguay by Office of the Compliance Advisor/Ombudsman,
International Finance Corporation/Multilateral Investment Guarantee Agency”
(22 février 2006)............................................................................................................623
Annexe 12 - Rapport d´évaluation de DINAMA (2 octobre 2003) ..............................701
Annexe 13 - Règlement uruguayen d´évaluation de l´impact sur l´environnement
- Décret 435 /994 (21 septembre 1994).........................................................................731
Annexe 14 - “Pulp (non) fiction : air pollution in the pulp and paper industry”
– Prof. Wayne Gray.......................................................................................................743
Annexe 15 - Document BREF de l´Union européenne sur les meilleures techniques
disponibles dans l´industrie de la papeterie, pâtes et papier (2001)..............................749
LIVRE VI - Presse et autres médias
Annexe 1 - Conférence de presse du Président d´ENCE, Juan Luis Arregui, et du
Conseiller Exécutif de la société, Pedro Oyarzábal (21 septembre 2006)........................1
Annexe 2 - Communiqué de presse de la Présidence de la République Orientale de
l´Uruguay « ENCE reste en Uruguay ; elle envisage de relocaliser son usine »............13
(21 septembre 2006).
Annexe 3 - Communiqué de presse de la Présidence de la République Orientale de
l´Uruguay «La décision d´ENCE n´affecte pas la stratégie uruguayenne »
(22 septembre 2006)........................................................................................................17
Annexe 4 - Communiqué d´ENCE, (22 septembre 2006) ..............................................23
Annexe 5 - Communiqué de presse de la Présidence de la République Orientale de
l´Uruguay «Vázquez : ENCE a déclaré officiellement qu´elle ne quitte pas le pays »
(28 septembre 2006)........................................................................................................27
Annexe 6 - Communiqué de presse de la Présidence de la République Orientale de
l´Uruguay «Plan Stratégique du groupe ENCE (période 2007-2011)»
(27 octobre 2006).............................................................................................................31
Annexe 7 - Communiqué de presse de la Présidence de la République Orientale de
l´Uruguay «STORA ENSO a présenté son projet d´investissement en Uruguay »
(5 septembre 2006)..........................................................................................................37
377Annexe 8 - Communiqués de presse de BOTNIA (26 mars et 4 avril 2006) et
d´ENCE (28 mars 2006)..................................................................................................43
Annexe 9 - Communiqué de presse de la Présidence de la République Orientale de
l´Uruguay «Solution possible pour le conflit autour des usines de cellulose à Fray
Bentos» (11 mars 2006)..................................................................................................51
Annexe 10 - Communiqué de presse du Ministère des Affaires Étrangères
« Différend sur usines de pâte à papier: Réunion Vázquez-Kirchner a été différée
pour le moment » (5 avril 2006)......................................................................................55
Annexe 11 - Communiqué de presse de la Présidence de la République Orientale de
l´Uruguay «L´Uruguay a demandé une réunion du Mercosur; enverra une lettre au
Tribunal de La Haye » (7 avril 2006)..............................................................................61
Annexe 12 - Article de presse « STORA ENSO rejoint BOTNIA et ENCE.
L´Uruguay, un paradis pour la cellulose » (29 septembre 2005)...................................65
Annexe 13 - Communiqué de presse de la Présidence de la République Orientale de
l´Uruguay « L´Uruguay informa sur l´installation des usines de pâte à papier »
(29 mai 2006)...................................................................................................................77
Annexe 14 - Articles de presse « Unités de protection de l`armée déjà à Fray Bentos »
( 2 décembre 2006) et « Usines de pâte à papier: l´armée uruguayenne protégera
Botnia, même quand la compagnie ne l´a pas demandé » (13 décembre 2006).............95
LIVRE VII - Autres documents
Annexe 1 - Lapeyre et Flangini – « Le Statut du Fleuve Uruguay »
- Chapitres III et IV ...........................................................................................................1
Annexe 2 - Lapeyre et Flangini – « Le Statut du Fleuve Uruguay »
- Chapitre III , pp. 74 et 75..............................................................................................55
Annexe 3 - González Lapeyre – « Le Statut du fleuve Uruguay » - Prologue par
Enrique Iglesias ...............................................................................................................61
Annexe 4 - Procès verbal, intervention du Ministre des Affaires Étrangères,
M. Didier Opperti, au Sénat uruguayen, (novembre 2003).............................................69
378Annexe 5 - Procès verbal, intervention du Président de la Délégation de l´Uruguay
auprès de la CARU, Mme. Martha Petrocelli, au Sénat uruguayen,
(12 septembre 2005)........................................................................................................77
Annexe 6 - Résolution Nº TO 39/2005 du Ministère de Transport et des Travaux
Publics de l´Uruguay (5 juillet 2005)..............................................................................99
Annexe 7 - Publication « El Ñandubaysal, Parc touristique » - Sections
« Introduction », « Le site » , et « Considérations finales »..........................................127
Annexe 8 - Plan de mise en oeuvre de la Convention POP par l´Uruguay, p.51
(mai 2006)......................................................................................................................159
Annexe 9 - Résolution Nº 342/2003 du Ministère du logement, de l´environnement
et de l´aménagement du territoire (9 octobre 2003)......................................................165
Annexe 10 - Résolution Nº 63/2005 du Ministère du logement, de l´environnement
et de l´aménagement du territoire, (14 février 2005) ....................................................185
Annexe 11 - Procès verbal, intevention du Ministre des Affaires Etrangères de
l´Argentine, M. Rafael Bielsa, á la Chambre des Députés argentine (14 avril 2004)...209
Annexe 12 - Intervention du Ministre des Affaires Etrangères de l´Argentine,
M. Jorge Taiana, á la Chambre des Députés argentine (14 février 2006).....................277
Annexe 13 - Intervention du Président de l`Argentine, M. Néstor Kirchner, au
Congrès argentin (1 mars 2006)....................................................................................319
Annexe 14 - Projet de Déclaration Présidentielle conjointe sur la préservation
intégrale du Fleuve Uruguay et de son écosystème (Déclaration de Anchorena),
(3 avril 2006).................................................................................................................363
Annexe 15 - Résolution R/DN/100/2006 de la Direction nationale de
l´environnement uruguayenne (24 août 2006) ..............................................................371
Annexe 16 - Résolution du Ministère du Transport et des Travaux Publics
Uruguayen (12 septembre 2006)...................................................................................379
Annexe 17 - Demande présenté contre le Gouvernement uruguayen par Dr. Enrique
Viana, Procureur de la République orientale de l´Uruguay (12 septembre 2005).......391
Annexe 18 - Mémoire sur l´Etat de la Nation Argentine 2004 – Points 4.5.4
(pp.106-107) et 4.5.16 (pp. 126-127)...........................................................................397
Annexe 19 - Rapport Nº 64 du Chef du cabinet des ministres de l´Argentine au
Congrès argentin - pp. 379-380 (mars 2005) ................................................................409
379Annexe 20 - Rapport Nº 65 du Chef du cabinet des ministres de l´Argentine au
Congrès argentin – Points 321 et 356 (6 juillet 2005)...................................................417
Annexe 21 - Mémoire sur l´Etat de la Nation Argentine 2005, p.83............................437
LIVRE VIII - Croquis, plans et photos
Annexe 1 - Croquis général du fleuve Uruguay................................................................3
Annexe 2 - Croquis du tronçon du fleuve Uruguay réglé par le Statut de 1975...............7
Annexe 3 - Croquis détaillé des sites des projets d´usines Orion et CMB .....................11
Annexe 4 - Plans du Fleuve Uruguay (Km. 0-334)» ; échelle 1:50.000, édition 1998.
Direction nationale des voies navigables de la République Argentine: Plans Nº 7 bis
(km. 89-115) et Nº 8 (km.101-122).................................................................................15
Annexe 5 - Plan sur image satelitaire. « Pont International Libertador Général San
Martin», 3357-19, échelle 1:100.000, Institut Géographique Militaire argentin............21
Annexe 6 – Photos...........................................................................................................25
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Mémoire de l'Argentine