COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Rôle général n° 91
REQUÊTE
INTRODUCTIVE D'INSTANCE
enregistrée au Greffe de la Cour
le 20 mars 1993
REQUÊTE DE LA RÉPUBLIQUE DE BOSNIE-HERZÉGOVINE
(BOSNIE-HERZÉGOVINE c. YOUGOSLAVIE (SERBIE ET MONTÉNÉGRO)
[Traduction]
Le 20 mars 1993.
A Son Excellence le Président et à Messieurs les Juges de la Cour internationale de Justice, je
soussigné, dûment autorisé par la République de Bosnie-Herzegovine,
ai l'honneur de me référer à l'article IX de la convention du 9 décembre 1948 sur la prévention
et la répression du crime de génocide (ci-après dénommée « convention sur le génocide ») et,
en vertu de la juridiction ainsi conférée à la Cour, de lui soumettre, conformément au
paragraphe I de l'article 36 et au paragraphe I de l'article 40 de son Statut et à l'article 38 de
son Règlement, une requête introduisant, au nom de la République de Bosnie-Herzégovine,
une instance contre la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) pour violation de la convention sur
le génocide en l'affaire ci-après.
I. EXPOSÉ DES FAITS
A. Introduction
1. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale et les révélations des horreurs de la « solution
finale » de l'Allemagne nazie, l'Europe n'avait pas été témoin de l'anéantissement total d'un
peuple pour la seule raison qu'il appartient à un groupe national, ethnique, racial ou religieux
donné, comme tel. Les crimes abominables qui ont lieu actuellement dans la République de
Bosnie-Herzégovine ne peuvent être désignés que par un seul nom: génocide. Le génocide est
le pire des crimes qutun Etat ou un être humain puisse infliger à un autre Etat ou à un autre
être humain. L'énormité même de ce crime exige que les nations du monde fassent preuve
d'unité et s'accordent pour arrêter la destruction du peuple bosniaque.
2. Les nations du monde, horrifiées et indignées par les crimes des nazis se sont efforcées de
créer des lois pour la prévention du génocide et la répression de ceux qui le commettraient.
C'est ainsi quten 1948 l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Nations Unies, Recueil des traités, vol. 277,p. 78, adoptée le 9 décembre 1948, entrée en vigueur le 12 janvier 1951). Par ce texte, les
parties contractantes entendaient prendre des mesures mettant fin à ce crime et assurant le
châtiment des coupables. Le peuple et l'Etat de Bosnie-Herzégovine ont souffert et souffrent
actuellement des effets du génocide qui leur est imposé par la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) et ses agents et auxiliaires en Bosnie et ailleurs, dont ltobjectif ultime n'est rien
de moins que la destruction de l'Etat de Bosnie et de son peuple. Le peuple bosniaque lance
un cri d'alarme au monde et espère ardemment que les nations civilisées de la terre feront
preuve de sagesse et de compassion et sauveront de l'anéantissement l'Etat et le peuple
bosnianues.
3. Le présent exposé des faits est destiné à démontrer que le peuple et l'Etat de Bosnie-
Herzégovine sont victimes d'un crime non moindre que le génocide tel qu'il est défini par la
convention de 1948 sur le génocide. Dans cette brève requête, la Bosnie-Herzégovine ne peut
espérer exposer tous les moyens de preuve disponibles qui sont liés aux actes de génocide
perpétrés contre son peuple par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et ses agents et
auxiliaires. Néanmoins, l'ensemble des moyens de preuve énumérés ci-après montre
clairement qu'aux termes de la convention sur le génocide la Bosnie-Herzégovine a établi
prima facie le bien-fondé de sa thèse quant au crime international de génocide commis contre
son peuple par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et ses agents et auxiliaires.
4. Ceux qui commettent les actes innonimables énumérés plus loin s'efforcent d'effectuer la
destruction complète et radicale de l'Etat de Bosnie-Herzégovine ainsi que l'extermination de
son peuple. Aux termes de la convention sur le génocide, il s'agit précisément des actes que
les parties contractantes cherchaient à « prévenir et punir ». C'est pourquoi le peuple et l'Etat
de BosnieHerzégovine accusent la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et ses agents et
auxiliaires d'avoir commis un génocide et d'avoir l'intention de continuer à commettre le
génocide à moins quton ne les en empêche. Le peuple bosniaque espère que lorsque le monde
apprendra les atrocités commises en Bosnie-Herzégovine, l'humanité, la justice et le règne du
droit prévaudront. Son seul espoir est que le monde entreprendra de mettre fin au carnage
dont sont victimes la population et l'Etat de Bosnie-Herzégovine et livrera les coupables à la
justice.
B. L'histoire de la Bosnie-Herzégovine
5. Durant des siècles, la Bosnie-Herzégovine a été le théâtre de luttes constantes pour la
suprématie entre puissances mondiales: Venise - Italie, I'Empire ottoman, l'Empire austro-
hongrois et d'autres. Les puissants ont utilisé son peuple à leurs fins et il a participé, parfois de
son plein gré, mais le plus souvent contre son gré, à leurs conquêtes stratégiques de territoires
et à leurs conflits historiques pour le pouvoir. Cependant, le peuple de Bosnie-Herzégovine a
réussi à garder son identité au milieu du fracas de puissantes armées et de leurs armes, une
identité faite de tolérance et de coexistence. Ce qui prouve la persistance de son identité, ctest
le maintien d'une langue commune, d'une culture commune et du respect mutuel. Ce qui
prouve la tolérance et le respect mutuel, ce sont les nombreux monuments culturels, églises
catholiques et mosquées musulmanes, intacts les uns à côté des autres des siècles durant
jusqutà présent, où l'ennemi de la culture et de la civilisation les a tous détruits. Plus de 50
pour cent de tous les mariages dans l'ex-Yougoslavie sont des mariages mixtes. Ces mariages
constituent aussi un témoignage important de la tolérance, du respect et des égards mutuels
dont a fait preuve la population de Bosnie-Herzégovine.6. La Bosnie-Herzégovine existe depuis des siècles. La première trace écrite de l'existence de
la Bosnie apparaît dans les ouvrages de l'empereur et écrivain byzantin Constantin
Porphyrogénète, au xe siècle. Depuis ce temps, de nombreux souverains historiquement
attestés dans cette région géographique ont fait figurer le nom de la Bosnie dans leurs titres:
• le «Ban» (gouverneur) de Bosnie, le plus connu étant Ban Borik (11541 163);
• Ban Kulin (1180-1203);
• Ban Stjepan Kotromanic (1322-1353), dont l'administration stétendait à la région de
Hum (l'Herzégovine actuelle);
• le roi de Bosnie, par exemple Tvrtko I (1353- 1391), couronné à Mile, près de Visoko,
en 1377 (il régna aussi sur des territoires de la Serbie (Raska), de la Croatie et de la
Dalmatie maritime actuelles — son titre complet étant « roi de Bosnie, Raska,
Dalmatie, Croatie et Primorje (maritimes)) »;
• Tvrtko II (1421-1443) — durant son règne, le despote serbe (titre des souverains
serbes) Stefan Lazarevic attaqua la Bosnie avec ses armées, et plus particulièrement,
en 1432 et 1433, la région de Srebrenica, désireux de stapproprier la mine d'argent
dtimportance stratégique de la région; après la conquête de Srebrenica par les Serbes,
cette région fut libérée en 1440 par le roi bosniaque Tomas;
• le roi Stjepan Tomasevic (1461-1463).
7. En 1463, l'Empire ottoman conquit la Bosnie, en même temps que la Serbie, le
Monténégro, la Slavonie et la Lika. Le caractère distinctif de la Bosnie a été rétabli sous la
forme du «pachalik bosniaque», qui a été fondé en 1580. C'était la plus importante unité
militaro-administrative turque de l'Empire ottoman, comprenant la plus grande partie de la
Serbie, le Monténégro, la Slavonie, la Lika, la Bosnie-Herzégovine et la Dalmatie. Le
pachalik bosniaque fonctionna sous cette forme sans aucun changement jusqu'à la lutte pour
Vienne (1683-1699) entre l'Empire ottoman et l'Empire austro-hongrois. En 1703, le vizir de
Bosnie déplace le siège du pachalik de Sarajevo à Travnik. A partir de cette date et jusquten
1878, les frontières subirent des modifications en raison d'incursions menées par l'Empire
austro-hongrois et d'autres formations ethniques armées.
8. Au congrès de Berlin de 1878, les puissances militaires européennes donnèrent mandat à
l'Empire austro-hongrois de conquérir la Bosnie-Herzégovine en stipulant que la souveraineté
du sultan turc devait être « reconnue » formellement. En 1908, l'Empire austro-hongrois
annexa la Bosnie-Herzégovine, qui devint alors une de ses unités administratives. Néanmoins,
la proclamation de la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat fut réalisée au sein du Parlement
bosniaque (Sabor), qui commence à exercer ses fonctions en 1916 à Sarajevo. En 1918, la
Bosnie-Herzégovine fut intégrée dans le nouveau Royaume des Serbes, Croates et Slovènes,
rebaptisé Royaume de Yougoslavie en 1933. Durant la seconde guerre mondiale, la Bosnie-
Herzégovine faisait partie — en tant que « gouvernorat » de Bosnie-Herzégovine — de l'Etat
indépendant de Croatie. En 1945, la Bosnie-Herzégovine devint une unité fédérative au sein
de l'ex-Yougoslavie avec les attributs d'un Etat (administration, perception des impôts,
programmes sociaux, etc.).
9. A travers les siècles, la Bosnie-Herzégovine a offert refuge à tous ceux qui en avaient
besoin, ctest ainsi que les Juifs séfarades qui avaient échappé à l'inquisition espagnole et aux
pogroms du roi Ferdinand et de la reine Isabelle se sont établis en Bosnie-Herzégovine et ont
créé en 1565 leur première administration autonome à Sarajevo. La Bosnie-Herzégovine a
protégé son patrimoine en même temps que sa propre existence. En Bosnie, les droits
individuels de tous ont été respectés des siècles avant l'adoption de la Déclaration universelledes droits de l'homme. Maintenant, la Bosnie est punie pour être ouverte, universelle et
humaine, pour essayer de rétablir les valeurs humaines et démocratiques après les décennies
de règne communiste. Les Bosniaques veulent continuer à vivre comme ils l'ont fait des
siècles durant, sans distinction fondée sur l'origine ethnique, la religion ou les affiliations
politiques. La République de Bosnie-Herzégovine, l'une des plus jeunes démocraties
souveraines du monde et qui est Membre de l'Organisation des Nations Unies, connaît
actuellement la crise la plus éprouvante de son histoire millénaire. L'agression à laquelle se
livrent contre elle la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), l'ex-armée yougoslave et des
groupes militants extrémistes du parti démocratique serbe agissant de concert avec elle sont à
l'origine de cette tragédie humaine.
C. Exposé historique des violences actuelles en Bosnie-Herzégovine
10. L'effondrement de l'ex-Yougoslavie et les agressions qu'il a entraînées contre les
nouveaux Etats indépendants sont à l'origine du génocide actuellement perpétré dans les
Balkans. Depuis que ces événements se sont produits les atrocités commises par les forces
serbes contre les Bosniaques et les Croates ont été documentées dans de nombreux rapports
sur les droits de l'homme. Ces actes récents de génocide ont partiellement leur origine dans
l'effondrement de la ligue des communistes au début de l'année 1990. C'est peu après, en avril
et mai 1990, que la Slovénie et la Croatie, auxquelles le nationalisme serbe avait toujours
inspiré crainte et ressentiment, ont organisé des élections libres. Des gouvernements non
communistes ont été élus dans les deux Etats, qui ont pris ltengagement de transformer l'ex-
Yougoslavie en une confédération ou, en cas d'opposition par la Serbie, de faire sécession.
Après des négociations infructueuses, les deux Républiques ont tenu cet engagement le 25
juin 1991.
11. Les combats entre guérillas serbes et forces croates, qui se poursuivaient depuis des mois,
se sont intensifiés après la déclaration dtindépendance de la Croatie. Les forces croates,
manquant d'expérience et insuffisamment armées, ont subi de lourdes pertes et ont dû céder
aux insurgés serbes agissant conjointement avec l'ex-armée populaire yougoslave environ un
tiers du territoire de la Croatie. Ces agents et auxiliaires de l'ex-Yougoslavie ont proclamé l'«
union » avec la Serbie des régions qutils habitaient. En janvier 1992, la Croatie a accepté le
déploiement de forces des Nations Unies pour le maintien de la paix dans les zones de conflit
à l'intérieur de la Croatie.
12. La suivante des anciennes républiques yougoslaves à être entraînée dans les combats a été
la Bosnie-Herzégovine. Les élections en Bosnie-Herzégovine en novembre et décembre 1990
ont abouti à la victoire de trois partis fondés sur l'appartenance ethnique, représentant les
Serbes, les Croates et les Musulmans. Ces trois partis formèrent un gouvernement de coalition
avec le dirigeant du parti d'action démocratique, M. Izetbegovic, à la tête de la présidence
collective de la République.
13. Malgré cela, de septembre à novembre 1991, le parti démocratique serbe a soutenu que
plusieurs prétendues régions autonomes serbes à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine feraient
sécession si la République déclarait son indépendance par rapport à ltex-Yougoslavie.
Certaines de ces régions avaient des majorités serbes, tandis que d'autres comptaient
relativement peu de Serbes mais se trouvaient situées stratégiquement entre les zones à
majorité serbe et la Serbie proprement dite.14. En décembre 1991, la Bosnie-Herzégovine a demandé à la Communauté européenne de la
reconnaître en tant qu'Etat indépendant. Son gouvernement a aussi annoncé qu'un référendum
aurait lieu les 29 février et 1er mars 1992 au sujet de l'indépendance de la Bosnie-
Herzégovine. L'indépendance a été approuvée à la majorité écrasante de 99,4 pour cent des
votants. La participation a été de 63,4 pour cent, principalement parce que les électeurs
appartenant à l'ethnie serbe (qui constitue environ 31 pour cent de la population de la
République) ont boycotté l'élection. En d'autres termes, près de 63 pour cent du corps
électoral se sont prononcés pour l'indépendance. Ce référendum était cependant valide compte
tenu du droit constitutionnel applicable à l'époque.
L'Etat souverain de la République de Bosnie-Herzégovine proclama son indépendance le 6
mars 1992. La présidence de la République de Bosnie-Herzégovine compte sept membres élus
— deux représentants musulmans, deux représentants croates, deux représentants serbes et un
membre représentant d'autres citoyens et des citoyens de la République sans appartenance
déclarée. Cet organe, qui représente tous les citoyens de Bosnie-Henégovine, y compris les
Serbes bosniaques, envisage la création d'un cadre constitutionnel et administratif fort
semblable à celui que lton trouve aux Etats-Unis d'Amérique et dans les autres démocraties
occidentales.
15. En conséquence, la Communauté européenne a décidé, le 6 avril 1992, de reconnaître la
République de Bosnie-Herzégovine. Mais le 4 avril 1992 des milices serbes, agissant sur
ordre de ltex-armée populaire yougoslave et en coopération avec elle, y compris ses forces
aériennes, déclenchèrent des offensives militaires dans toute la République de Bosnie-
Herzégovine. Les attaques stintensifièrent après le 6 avril, date de la reconnaissance par la
Communauté européenne.
16. Le 7 avril, des milices serbes, agissant sur ordre de l'ex-armée populaire yougoslave et en
coopération avec elle, annoncèrent qu'elles avaient, on ne sait trop comment, créé la prétendue
« République serbe de Bosnie-Herzégovine ». Ces forces de l'ex-armée populaire yougoslave
et les forces et milices paramilitaires s'emparèrent rapidement d'environ deux tiers du
territoire de la République de Bosnie-Herzégovine. Elles conquirent rapidement des régions à
population ethniquement mixte et des régions à majorité musulmane en Bosnie centrale et
orientale.
17. Au mois de mai, I'ex-armée yougoslave, dans une tentative non couronnée de succès qui
visait à éviter des sanctions économiques des Nations Unies contre la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) pour l'appui et l'aide fournis aux forces militaires et paramilitaires serbes en
Bosnie-Herzégovine, annonça -tutelle se retirait de la République. Cependant, l'ex-armée
populaire yougoslave annon,ca aussi que les anciens soldats de cette armée nés en Bosnie-
Herzégovine (environ 80 pour cent selon son estimation) pouvaient rester dans la République
avec les armes, les matériels et fournitures militaires de l'ex-armée populaire. A ce jour, les
forces et les milices militaires et paramilitaires serbes en Bosnie-Herzégovine agissent sous la
direction, sur [tordre et avec l'aide de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro). Pour cette
raison, le défendeur est entièrement responsable en droit international de toutes leurs activités,
de même que des activités de l'ex-armée populaire yougoslave.
18. Les forces militaires et paramilitaires du défendeur et ses milices ont même bombardé et
assiégé Sarajevo, la capitale de la République de BosnieHerzégovine. Ces forces se livrant à
la guerre autorisèrent l'Organisation des Nations Unies le 29 juin à détacher des forces des
Nations Unies en Croatie un contingent chargé du maintien de la paix destiné à assurer lasécurité de l'aéroport de Sarajevo pour ouvrir une voie d'acheminement de l'aide humanitaire à
la ville. Cependant, le siège et le bombardement de Sarajevo par les forces militaires et
paramilitaires, les milices, les agents et les auxiliaires du défendeur se poursuivent
aujourdthui sans merci, brutalement, sans pitié et de manière inhumaine.
19. Les informations de plus en plus nombreuses au sujet de près de deux millions de réfugiés
musulmans et croates expulsés des territoires tenus par les Serbes indiquent que les
préoccupations internationales au sujet de la situation en Bosnie-Herzégovine se sont
rapidement étendues au-delà de Sarajevo. Les victimes parlaient du recours à l'intimidation et
à la violence pour les inciter à quitter leurs foyers. Mais les informations les plus effroyables
étaient celles qui parvenaient au sujet des camps de détention serbes. Les témoins parlaient
d'exécutions sommaires, de viols en masse de prisonnières, de passages à tabac, de tortures et
de privation de nourriture des prisonniers.
20. Le 7 août, des diplomates bosniaques ont publié un mémorandum du 8 juillet des forces
des Nations Unies pour le maintien de la paix en Croatie, où il était déclaré que des milices
serbes dans la République de Bosnie-Herzégovine avaient intensifié les opérations dites de «
purification ethnique » en mai 1992. Selon les termes employés dans la résolution 47/121 de
l'Assemblée générale des Nations Unies (18 décembre 1992), reproduite plus loin, le «
nettoyage ethnique » pratiqué par le défendeur contre le peuple bosniaque « est une forme de
génocide ». En fait, la Bosnie-Herzégovine estime que l'expresion « purification ethnique »
est en réalité un euphémisme pour des actes de génocide au sens de la convention sur le
génocide.
21. Ainsi, depuis le moment de sa naissance en tant qu'Etat indépendant le 6 mars 1992
jusqutà l'heure actuelle, le peuple et l'Etat de Bosnie-Herzégovine se trouvent sous la menace
constante d'extermination par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), qui exerce son activité
en liaison avec ses agents et auxiliaires et les forces militaires et paramilitaires ainsi qu'avec
les milices sous ses ordres en territoire souverain bosniaque. En conséquence, le peuple et
l'Etat de Bosnie-Herzégovine dénoncent les actes de génocide commis et qui continuent d'être
commis contre eux par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et ses agents et auxiliaires,
ainsi que par les forces militaires et paramilitaires et les milices qui sont toujours sous ses
ordres en territoire souverain bosniaque. C'est pourquoi le peuple et l'Etat de Bosnie-
Herzégovine invoquent les normes du droit international et comptent que la Cour leur rendra
justice de facon immédiate, effective et définitive.
D. Le projet de «Grande Serbie»
22. Ainsi qu'il a été expliqué plus haut, la plupart des actes de violence antérieurs (avant la
reconnaissance) étaient dus à des unités paramilitaires de la Serbie et du Monténégro dans
l'ex-Yougoslavie, qui terrorisaient et intimidaient la population non serbe. La guerre n'a pas
éclaté spontanément, elle a été provoquée délibérérnent de l'extérieur, alors que la sécurité de
la population serbe de Bosnie ne se trouvait sous aucune menace notable. Les pires atrocités
— consistant à bombarder systématiquement et à affamer la population en assiégeant de
grandes villes — étaient le fait des forces yougoslaves/serbes, qui seules avaient à la fois les
moyens et la volonté de commettre de tels crimes contre lthumanité. Les civils étaient les
premiers objectifs de l'action militaire, au mépris des conventions de Genève. Les abus
concomitants dont étaient victimes des individus et des groupes non serbes revêtaient presque
toutes les formes imaginables de torture, dthumiliation et de meurtre. La politique consistant à
chasser de leurs foyers des civils innocents appartenant à un groupe ethnique ou religieuxdifférent, ce que l'on a appelé la « purification ethnique », a été pratiquée par les forces
yougoslaves/serbes en Bosnie à une échelle qui réduit à peu de chose tout ce quton a vu en
Europe depuis l'époque des nazis.
23. Si l'on considère la manière dont a été menée l'agression, la confiscation de documents et
les conséquences qu'a entraînées l'agression, il apparaît clairement que l'agression
yougoslave/serbe a été projetée d'avance, l'objectif étant d'exterminer les Musulmans vivant
dans le pays et d'occuper les régions où ils vivent. La Yougoslavie (Serbie et Monténégro)
exécute et continue aujourd'hui d'exécuter des plans, établis de longue date et tendant à la
création d'une « Grande Serbie », qui remontent à près de cent cinquante ans.
24. La notion de « Grande Serbie » du défendeur est fondée sur le « Nacertanije (plan)»
publié par le prêtre serbe Garasanin en 1844. Plus récemment, ce plan tendant à la création
d'une « Grande Serbie » a été clairement énoncé dans un « mémorandum » publié à Belgrade
en 1984 par l'académie serbe des sciences et des arts. Le président actuel de la Yougoslavie
(Serbie et Monténégro) est celui qui a inspiré la rédaction de ce « mémorandum », qui
préconise la création d'une « Grande Serbie ».
25. Le projet du défendeur de créer une « Grande Serbie » est lié aussi à une proclamation du
20 décembre 1941 du général Draza Mihajlovic, commandant des tchetniks royaux. La
proclamation était une directive adressée aux commandants militaires serbes en campagne
énonçant notamment les buts de guerre ci-après:
• « Création d'une grande Yougoslavie avec la Grande Serbie, qui devra être
ethniquement pure à l'intérieur des frontières de la Serbie, du Monténégro, de la
Bosnie-Herzégovine, du Srijem et de la Backa;
• épuration du territoire de l'Etat de toutes les minorités nationales et de tous les
éléments non nationaux;
• création de frontières communes entre la Serbie et le Monténégro et entre la Serbie et
la Bosnie par ltépuration de la population musulmane du Sanjak et de la population
musulmane et croate de Bosnie;
• lutte ayant pour but dtincorporer dans notre Etat tous les territoires slovènes dépendant
de l'Italie et de l'Allemagne, ainsi que de la Bulgarie et de l'Albanie septentrionale
avec Shkoder. »
26. Le défendeur a fait sienne aussi la politique du capitaine Milos N. Jovanovic, commandant
de l'unité d'Ozren, qui a donné ses instructions à Golub Mitrovic, commandant de la colonne
de tchetniks de Zenica dans sa lettre du 13 février 1943:
« Il ne restera pas un seul Musulman parmi nous. Nous détruirons sans merci tous ces
Catholiques qui ont péché contre notre peuple, ainsi que tous les intellectuels et tous ceux qui
sont économiquement mieux placés. »
De même, une autre figure historique qui a contribué au projet de Grande Serbie du défendeur
était Mile Santic, le commandant militaire tchetnik qui assistait à l'assemblée des tchetniks à
la fin du mois de juin 1942 à Trebinje, où il a déclaré:
« Les terres serbes doivent être épurées des Catholiques et des Musulmans. Elles ne seront
peuplées que par des Serbes. L'épuration sera faite à fond. Nous les refoulerons tous et nousles détruirons sans exception et sans pitié. Ce sera le point de départ de notre libération. Cela
doit être fait très rapidement et avec une ferveur révolutionnaire. »
27. II est manifeste que les plans de longue date du défendeur pour la création d'une « Grande
Serbie » sont actuellement mis en Œuvre en Bosnie-Herzégovine. Depuis le début de
l'agression, des centaines de milliers de citoyens ont été tués; des centaines de milliers ont été
grièvement blessés; de nombreuses centaines de milliers ont été enfermés dans des camps de
concentration et d'extermination; des millions ont été chassés de leurs foyers — « purifiés
ethniquement » — vers d'autres régions et d'autres pays. Au sujet d'un de ces cas de génocide,
le docteur Filipovic —membre du Gouvernement bosniaque — dans son communiqué de
presse du 16 octobre 1992, a rapporté que cinq mille cadavres ont été brûlés dans un four de la
mine de fer de Tomasica, selon les déclarations de huit témoins oculaires. Certains témoins
signalent que des gens ont été brûlés vifs dans le four (le Gouvernement bosniaque connaît
l'identité des témoins). Les personnes qui ont réussi à stenfuir de la mine de Prijedor disent
que quelque vingt mille personnes y ont été tuées et que leurs corps ont été enfouis sous des
débris miniers.
28. Parmi les victimes, il y a un grand nombre d'enfants, qui ont souffert dans les maisons où
ils habitaient, dans les rues, dans les hôpitaux et dans les maternités. Des fonctionnaires
bosniaques possèdent de nombreuses preuves littérales concernant des cas où l'agresseur a
gravé au couteau ou brûlé au fer rouge des symboles humiliants sur le corps de personnes
vivantes. Des victimes ont été torturées jusqutà la mort par la soif, par la faim et par les
sévices corporels. Certaines personnes ont été forcées de donner leur sang jusqu'à la dernière
goutte. Des jeunes filles sont violées et des femmes, après avoir été violées, ont eu leurs seins
lacérés. On brûle des gens, on les crucifie et on les jette dans des fosses.
29. Tous les symboles qui dénotent des sites nationaux ou religieux sont voués à la
destruction, des édifices religieux centenaires et des cimetières sont détruits. On démolit des
centaines de communes, des douzaines de villes avec les installations industrielles
essentielles, les habitations et d'autres bâtiments. La plupart des établissements industriels et
des usines ont été démontés et volés; les usines les plus modernes ont été transférées en
Yougoslavie (Serbie et Monténégro). La Bosnie-Herzégovine se défend, mais avec des armes
insuffisantes. Le peuple bosniaque n'est pas en mesure de mettre fin aux crimes qu'exécute
l'appareil militaire de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) mieux équipé, qui agit de
concert avec ses azents et auxiliaires. en Bosnie et ailleurs.
E. La convention pour la prévention et la répressiondu crime de génocide
30. Pour des raisons de commodité, les faits précis constituant des actes de génocide commis
par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et ses agents, auxiliaires, forces militaires et
paramilitaires et milices sous ses ordres seront présentés plus loin suivant l'ordre des
dispositions pertinentes de la convention sur le génocide. rédizées comme suit:
« Les Parties contractantes,
Considérant que l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies, par sa résolution
96 (I) en date du 11 décembre 1946, a déclaré que le génocide est un crime du droit des gens,
en contradiction avec l'esprit et les fins des Nations Unies et que le monde civilisé condamne;Reconnaissant qu'à toutes les périodes de l'histoire le génocide a infligé de grandes pertes à
lthumanité;
Convaincues que, pour libérer l'humanité d'un fléau aussi odieux, la coopération
internationale est nécessaire;
Conviennent de ce qui suit:
Article premier
Les Parties contractantes confirment que le génocide, qutil soit commis en temps de paix ou
en temps de guerre est un crime du droit des gens, -tutelles s'engagent à prévenir et à punir.
Article 11
Dans la présente convention le génocide stentend de l'un quelconque des actes ci-après,
commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, comme tel:
a. meurtre de membres du groupe
b. atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c. soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa
destruction physique totale ou partielle
d. mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e. transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.
Article 111
Seront punis les actes suivants:
a. legénocide;
b. l'entente en vue de commettre le génocide;
c. l'incitation directe et publique à commettre le génocide;
d. la tentative de génocide;
e. la complicité dans le génocide.
Article IV
Les personnes ayant commis le génocide ou l'un quelconque des autres actes énumérés à
l'article III seront punies, qu'elles soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des
particuliers. »
31. Le peuple et l'Etat de Bosnie-Herzégovine déclarent que les moyens de preuve qui suivent
sont suffisants pour établir prima facie le bien-fondé de la thèse du génocide imputable au
défendeur et prient la Cour de prendre immédiatement toutes mesures appropriées,
conformément aux dispositions de la convention et aux normes du droit international. On
trouvera ci-après des exemples précis d'actes de génocide présentés dans [tordre des
dispositions pertinentes de la convention sur le génocide citées ci-dessus. Pour chaque cas
examiné, le requérant estime que, dans la mesure où les circonstances indiquent que les
acteurs avaient « l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique,
racial ou religieux », ils ont commis un acte de génocide au sens de la convention sur le
génocide. Ces actes, qui ont été confirmés par les documents rendus publics, sont suffisants
pour étayer prima facie contre la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et ses agents et
auxiliaires une accusation de génocide au sens de la convention.F. Allégations de faits précis constituant des actes de génocide
32. Peu après l'invasion de la Bosnie orientale par ltex-armée yougoslave en avril 1992, un
soldat barbu a grimpé au sommet du minaret de la mosquée Rijecanska, dans la ville de
Zvornik, a accroché à une fenêtre un pavillon à tête de mort et a introduit une cassette dans un
magnétophone. Du haut de la tour, d'où résonnait cinq fois par jour l'appel musulman à la
prière, retentirent des chants nationalistes serbes à figer le sang: « Si vous n'êtes pas avec
nous, nous vous tuerons. Nous vous trancherons la gorge » et « Si tu dis que la Serbie est
petite, tu mens. »
33. Une liste officielle de cent quinze mosquées et autre édifices détruits et endommagés, que
Newsday a tirée de Pehar, nouveau mensuel bosniaque consacré aux problèmes culturels, ne
portait que sur les six premières semaines de la guerre. New York Newsday, 2 septembre 1992:
« C'est terrible. C'est incroyable du point de vue de l'histoire de l'art et de l'architecture »,
déclare Bogdan Bogdanovic, architecte serbe et ancien maire de Belgrade. « De belles villes
ont été complètement détruites, ainsi qu'un nombre énorme de bâtiments historiques. C'est un
grand crime contre la civilisation, une honte pour mon peuple et pour l'armée qui fait cela. »
Les trésors détruits ou endommagés comprennent les plus anciennes, les plus célèbres et les
plus belles mosquées de Bosnie, selon la liste officielle bosniaque et de nombreuses autres
sources. L'ensemble des quatorze mosquées situées dans et autour de Foca, et notamment la
mosquée colorée d'Aladza, bâtie en 1550 et considérée comme l'une des plus belles mosquées
d'Europe, ont été détruites, de même que la mosquée d'Ustikolina, près de Foca, construite en
1448, la plus ancienne mosquée de Bosnie treize mosquées à Mostar, toutes construites entre
1528 et 1631 — dont la mosquée de Karadjoz-Begova, construite en 1557.
A Sarajevo, des trésors inestimables ont été endommagés ou détruits dont la mosquée de Gazi
Husref Beg, construite en 1530, la mosquée impériale, fondée en 1450 et rebâtie en 1565, la
mosquée d'Ali Pacha de la même période et une douzaine de mosquées plus petites à peu près
du même âge. L'artillerie serbe a gravement endommagé la bibliothèque de Gazi Husref Beg,
datant d'environ 1530, et l'hôtel de ville centenaire qui contenait la bibliothèque nationale, et a
complètement détruit la bibliothèque de l'institut oriental et le nouveau séminaire islamique;
elle a attaqué aussi presque toutes les bibliothèques de l'Université de Sarajevo.
Le scénario se répète sur toute l'étendue de la Bosnie... deux cents mosquées ont été détruites
et trois cents autres ont été endommagées entre avril et la fin du mois de juillet... Dans les
secteurs occupés par la Serbie, 90 pour cent des mosquées ont été détruites.
La mosquée d'Aladja [Aladza] avait été endommagée par des tirs de mortier durant l'attaque
lancée par les Serbes au milieu du mois d'avril, mais elle avait survécu à cause de sa
construction en pierres. Au début de juillet, les Serbes ont posé autour de l'emplacement de la
dynamite qu'ils ont fait exploser. Ensuite ils ont traité les décombres au bulldozer...
Aujourd'hui, ltherbe pousse sur les lieux. Les Serbes ont aussi fait sauter Ustikolina à la
dynamite à la fin du mois de juin et ont détruit Ferhadija à Banja Luka en mai.
« Nous avons l'impression nette qutils détruisent non pas certains monuments historiques mais
tous les monuments historiques qui représentant la culture, la tradition et la continuité d'un
peuple », déclare Sehrid Ropic, architecte à Tuzla...Les Serbes ont utilisé des mosquées comme prisons, comme abattoirs et comme morgues.
Alija Luinovic, âgé de cinquante-trois ans, qui était un des témoins cités...: « Ils ne nous ont
pas autorisés à aller aux toilettes. Nous avons dû nous soulager dans le bassin sacré des
ablutions... »
Meurtre des membres d'un groupe
34. Le 16 mai 1992, au moins quatre-vingt-trois Musulmans ont été exécutés de façon
sommaire par des unités paramilitaires serbes dans le village de Zaklopaca, un village
jusqu'alors presque exclusivement musulman. Selon le récit d'un témoin, NaJla Hodzic, les
unités paramilitaires serbes (tchetniks) ont clairement commis des actes de génocide. A 16 h
30, des soldats serbes s'approchèrent de la maison de Hodzic et traitèrent d'« oustacha » le
beau-frère de Hodzic, Haso. Les unités serbes ordonnèrent à Haso de leur remettre ses armes
(Haso n'était pas armé à ce moment-là) et comme il ne s'exécutait pas immédiatement ils
tirèrent sur lui et le tuèrent sur place. C'est là un acte de génocide: les soldats qualifièrent
Haso d'oustacha, ce qui indiquait qutils l'identifiaient comme Musulman, et le tuèrent aussitôt
après avoir reconnu en lui un Musulman. Tels sont les actes mêmes que la convention a
cherché à «prévenir et réprimer» (Helsinki Watch, interview, War Crimes in Bosnia
Herzegovina, 35, 35-37 (1992) (témoignage personnel au sujet d'exécutions sommaires de
citoyens bosniaques par des soldats serbes)).
35. Il y a de nombreuses autres informations faisant état de soldats serbes tuant
intentionnellement des Musulmans sans défense en des lieux qui ne constituent pas des
objectifs militaires. Par exemple, dans la ville de Bihac, où il n'existe aucun objectif militaire
appréciable, le bombardement est quotidien. Dans cette ville, le directeur d'un hôpital a
déclaré que cinquante et un enfants avaient été tués (Commission des droits de l'homme,
documents des Nations Unies, E/CN.4/1992/S-1/9, 24 août 1992, p. 4).
36. Le département d'Etat des Etats-Unis confirme aussi la réalité de meurtres intentionnels de
Musulmans et de Croates par des forces paramilitaires serbes dans la République de Bosnie-
Herzégovine (A Staff Report to the Committee on Foreign Relations of the US Senate, « The
Ethnic Cleansing of BosniaHerzegovina», 15 août 1992). Le porte-parole du département
d'Etat, M. Richard Boucher, a confirmé des informations relatives à ltexistence de centres de
détention en Bosnie-Herzégovine, où des citoyens sont torturés et tués (ibid., p. 5). De plus,
des francs-tireurs d'unités serbes ont ouvert le feu sur un autocar qui transportait des orphelins
hors d'une ville, causant la mort d'un enfant en bas âge (ibid.). Dans la ville de Kozaracs et les
villages avoisinants (une région surtout musulmane), des unités serbes ont entrepris, le 24
mai, une attaque appuyée par des mortiers et de l'artillerie qui dura toute la nuit. Les habitants
de la ville finirent par se rendre après stêtre cachés dans les bois. Ils furent relâchés après
avoir remis leurs armes. Pourtant, le lendemain les unités serbes reparurent et bombardèrent
les villageois et citadins désormais sans défense (ibid., p. 8).
37. Ce rapport confirme aussi le meurtre de personnes âgées (Ibid.). Des meurtres de
Musulmans et de Croates en guise de divertissement ont eu lieu dans les camps de détention
dirigés par des Serbes. Des groupes paramilitaires venus de Serbie entraient dans les camps la
nuit et obligeaient les prisonniers à chanter des chants nationalistes serbes. Ceux qui ne
semblaient pas assez enthousiastes étaient entraînés dehors et obligés de se livrer entre eux à
ce qui constituait en fait un combat de coqs humains. Deux hommes se giflaient l'un l'autre
tour à tour. Celui dont les gifles étaient jugées les plus faibles était tué. Selon la déposition
d'un témoin, il est arrivé une fois que les paramilitaires serbes coupent les oreilles et le nez duperdant avant de lui trancher la gorge (Ibid, p. I I ). Le rapport indique aussi que la plupart des
victimes des agressions commises par des unités serbes sont des civils, non des combattants
(Ibid., p. 12). Il y a des cas où des Serbes ont manifestement fait un effort de volonté
consciente pour tuer des Musulmans. L'un des témoins relate comme suit ce qui a précédé le
meurtre d'un Musulman: « Ils demandèrent à l'homme: « Quelle est ta religion?» Puis ils le
tuèrent.» (Ibid., p. 17.) De fait, les lieux de culte musulmans sont normalement traités comme
des objectifs militaires. Selon un témoin, sept Musulmans furent tués dans une mosquée, qui
fut ensuite détruite (Ibid., p. 18).
38. D'autres constatations du département d'Etat des Etats-Unis figurent dans la publication
Dispatch du département d'Etat (« Supplemental Report on War Crimes in the Former
Yugoslavia», United States Department of State, Dispatch, 2 novembre 1992, vol.3, n° 44, p.
802). Ce rapport relate comment des forces des milices serbes ont tué à bout portant des
réfugiés musulmans; comment des forces des milices serbes ont massacré systématiquement
plus de deux cents hommes et jeunes garçons musulmans sur un étroit sentier de montagne et
poussé leurs corps dans le ravin après les avoir tués (Ibid., p. 802). Un témoin qui avait été
capturé par des forces serbes a fait le récit suivant de sa captivité: il a vu emmener au moins
trente personnes jusqutà des égouts où on leur a tranché la gorge; il a vu un médecin trancher
la gorge de jeunes gens bien portants, découper les organes et les empaqueter dans des sacs en
matière plastique, puis les mettre dans un camion réfrigéré; il a vu aussi les gardes fendre le
crâne d'un prisonnier avec la crosse d'un fusil pour en faire gicler le cerveau. Ensuite ils
appelèrent les chiens pour leur faire manger le cerveau (Ibid., p. 803).
39. Un autre exemple de l'intention de tuer délibérément des Musulmans est le meurtre de
l'imam Mustafa Mojkanovic de Bratunac. Il fut torturé à mort dans le stade de football de la
ville en présence de milliers d'enfants, de femmes et de vieillards musulmans. Des gardes des
unités serbes lui donnèrent l'ordre de faire le signe de la croix. Mojkanovic ayant refusé, ils le
battirent, lui remplirent la bouche de sciure et de bière et lui tranchèrent la gorge (Ibid., p.
804).
40. Les meurtres de Musulmans commis par des forces serbes présentent de surcroît un
caractère tout à fait sadique. Un prisonnier musulman d'un camp de détention dirigé par des
Serbes a raconté que trois prisonniers ont été battus jusqutà ce qutils s'évanouissent, puis
qu'on leur a fait reprendre connaissance avec de lteau froide. Ensuite l'un des prisonniers fut
contraint d'arracher avec ses dents les testicules d'un autre. Celui-ci mourut d'hémorragie le
même soir (Ibid., p. 827).
41. Des prisonniers des camps de la mort sont souvent tués pour des motifs tels que n'avoir
pas chanté assez fort les chants nationaux serbes (Ibid.). Dans ces camps, on tue de nombreux
Musulmans en leur taillant au couteau une croix dans la poitrine (Ibid., p. 828). Selon le
même rapport, trente-six malades adultes et vingt-sept enfants musulmans furent emmenés
hors d'un hôpital et fusillés sur le terrain de lthôpital pour faire place à des soldats serbes
blessés (Ibid.).
42. Des indications relatives à des massacres de Musulmans et de Croates en Bosnie-
Herzégovine ont aussi été publiées par la société internationale pour les droits de l'homme
(don Dobinson, « Human Rights in the Former Yugoslav States: Report 2 — Ethnic
Cleansing », ISHR, juillet 1992). Ce rapport indique comment M. Frank McCloskey,
représentant au Congrès des Etats-Unis, inspecta, en janvier 1992, avec un certain nombre
d'autres observateurs étrangers, les corps de quarante-trois Croates tués lors d'un massacredans la ville de Vocin. Il constata que des gens avaient été brûlés à mort, tués avec des haches
ou des tronçonneuses ou fusillés à bout portant. Des nez, des doigts et des oreilles avaient été
coupés, des yeux arrachés (Ibid., p. 7). Le rapport indique aussi que de nombreux habitants
musulmans de la ville de Sarajevo et de celle de Visegrad ont été enlevés et tués (Ibid., p. 8).
De plus, des autocars pleins de réfugiés musulmans et croates ont été incendiés par des
membres des milices serbes, qui leur ont ensuite tiré dessus à la mitraillette. Nombre des
occupants des autocars étaient des femmes et des enfants (Ibid., p. 10).
43. D'autres cas de meurtre de Musulmans sont rapportés dans les récits de témoins consignés
par Save the Humanity (déclarations de témoins, Save the Humanity, Danijcla Ozme 7, 71000
Sarajevo, Bosnie-Herzégovine). On y relate que des Musulmans ont été tués avec des croix de
bois attachées à leur corps (témoin 1, 30 mai 1992). Selon la déposition d'un autre témoin,
après le pillage des maisons des Musulmans, les hommes furent battus pendant quatre à six
heures, tandis que les femmes et les enfants étaient contraints à écouter leurs cris de détresse.
Après cela, trente-cinq des hommes furent fusillés (témoin 2, 1er juin 1992). D'autres témoins
aussi déclarent qutil stagissait là de meurtres organisés (témoin 3, 28 mai 1992; témoin 6, 31
mai 1992).
44. Tout ce qui est rapporté dans ce qui précède établit clairement la réalité de violations de
l'alinéa a) de l'article Il de la convention sur le génocide (« meurtre de membres du groupe »).
44A. Un groupe de recherches canadien chargé de coordonner les informations sur les crimes
de guerre commis dans l'ex-Yougoslavie a rassemblé des déclarations émanant d'un groupe de
Musulmans bosniaques ayant survécu aux camps de concentration dirigés par diverses forces
militaires et paramilitaires serbes en Bosnie-Herzégovine.
44B. Dans l'un des récits, une femme musulmane, identifiée comme étant la victime SN 011,
a décrit les atrocités dont elle et sa famille avaient fait l'objet et a prié pour que les forces
serbes soient punies pour avoir commis ces actes de genocide:
a) «Je les accuse d'avoir brûlé ma maison, détruit tous nos biens, d'avoir emmene mon mari
et mon beau-père dans un camp de concentration et de les avoir torturés. Je les accuse
d'avoir harcelé et terrorisé ma mère et ma sŒur, en menaçant de les tuer ... et de les avoir
chassées de la ville où elles habitaient en leur disant que, si elles étaient traitées ainsi c'est
parce qu'elles étaient musulmanes et que tous les Musulmans devaient être tués ou chassés. »
b) «Ils devraient être punis pour avoir tué et torturé tous ces amis, cousins, voisins et
connaissances qui étaient innocents; pour avoir violé toutes les mères, les sŒurs et les
femmes...; pour avoir égorgé les parents en présence de leurs enfants; ils ne devraient pas
échapper à la justice à cause de toutes les souffrances, tortures, privations de nourriture et
frayeurs qu'ils ont fait endurer à mon mari et à mon beau-père ainsi qu'à des centaines et à
des milliers d'autres innocents... »
44C. Dans une autre déclaration, une femme musulmane, identifiée comme étant la victime
AD 010, a décrit l'attaque de son village par les forces serbes (tchetniks):
a) «Le 25 mai, les tchetniks ont attaqué notre village, qui était un village musulman, et le 31
mai tous les hommes du village ont été emmenés dans un camp de concentration. Lors de la
première attaque, ils ont bombardé le village. Les habitants terrifiés se sont enfuis de leurs
maisons. J'ai vu tomber beaucoup d'entre eux, leurs corps et leurs membres volant en l'air.Des corps d'hommes, de femmes, d'enfants, et tout cela seulement parce qu'ils étaient
musulmans. Ils se sont livrés à des massacres, ont pillé et brûlé nos maisons, ont arrêté des
femmes, des personnes âgées et des enfants et les ont brûlés vifs. Ils ont arrêté les jeunes
hommes âgés de vingt à trente ans et les ont emmenés dans une école pour les torturer... Un
de mes oncles a été arrêté. Il a survévu à un peloton d'exécution. Deux de ses frères et quatre
de ses neveux, ainsi que cent soixante-dix amis, cousins, voisins. Il s'est terré tout en souffrant
de trois blessures. Il a réussi à s'échapper parce que les tchetniks les ont tous cru morts. Nous
l'avons emmené quelques jours après dans une forêt, mais il ne pouvait pas rentrer chez lui,
sachant qu'ils le rechercheraient parce qu'il avait été témoin du génocide de cent quatre-
vingts Musulmans. Il s'est caché pendant deux mois et ils ont fini un jour par le trouver et
depuis nous n'avons plus entendu parler de lui. »
b) « Ils nous ont tous torturés de différentes manières. Il y avait dans chaque village un
quartier général tchetnik où ils passaient la majeure partie du temps. Ils prenaient notre
nourriture, notre or et nos bijoux, et l'argent. Ils ont emmené le fils [de ma voisine] et ont
menacé de le tuer si cette dernière n'apportait pas quelque argent. Elle et son mari sont allés
quêter dans tout le village ... et finalement lorsqu'ils ont apporté l'argent les tchetniks ont
libéré son fils mais ils ont tué son mari. Ils ont d'abord charcuté son corps avec des couteaux,
lui ont gravé une croix sur le corps, l'ont [laissé] perdre son sang et ont attendu la nuit pour
finalement le tuer. Ils ont tué de la même manière un autre de mes voisins qui nten finissait
pas de mourir; et tout cela pour la simple raison qutils voulaient purifier tout ce qui est
musulman. »
c) « Ils ont violé ma voisine, une vieille femme de soixante-cinq ans et l'ont ensuite tuée. Ils
ont également tué son mari, totalement handicapé et sans défense. Quand nous avons obtenu
l'autorisation de les enterrer, nous avons constaté qu'ils étaient mutilés. Nous avons
dû
ramasser sa tête et son cerveau avec une pelle. »
d) « Une de mes amies a été gardée en captivité parce que son mari se battait sur le front à
Bihac. Ils ont menacé de la tuer, elle et ses trois enfants, si son mari ne revenait pas pour se
rendre. Après qutils eurent emmené nos maris, nous ntavons pas entendu parler d'eux
pendant près de deux mois. Ils nous ont envoyé des messages des camps de détention où ils se
trouvaient pour nous faire savoir qu'ils étaient en vie. Nous, femmes, nous étions à la merci
des tchetniks, étant nous-mêmes gardées dans une sorte de camp de détention. Le village tout
entier était occupé par eux et ils nous laissaient faire seulement ce qu'ils avait décidé que
nous pouvions faire. Nous vivions chaque jour dans la terreur de ce qutils tuent quelqu'un et
nous attendions que cela nous arrive également. » (Coordonnateur des informations sur les
crimes de guerre commis dans l'exYougoslavie, déclaration de la victime portant le matricule
AD 010.)
44D. Dans un autre récit, un civil musulman, identifié comme étant la victime 004 JF, a décrit
sa détention dans plusieurs camps de concentration:
a. « Le 30 mai 1992, j'ai eté arrêté de force à 9 heures du soir dans la SUP de Prijedor.
Dans cet endroit, un soldat serbe m'a transpercé le crâne avec la culasse d'un fusil.
Nous étions tous impitoyablement battus; les Serbes nous ont ordonné de nous mettre
face au mur pour que nous ne puissions pas voir qui nous battait. Il y avait une
centaine de soldats serbes dans la pièce qui nous « interrogeaient » et nous battaient.
Ils n'arrêtaient pas de nous injurier en disant «vous voulez une f... république», «vous
voulez un f... Etat», «vous voulez un f... Etat musulman», etc. Des soldats serbes venant du front se trouvaient là et ils étaient littéralement déchaînés, les pires. Un
Musulman, prénommé Hamzo, a reçu une balle dans le front et a été tué par un soldat
serbe au moment où nous entrions dans le bâtiment de la SUP. Un Musulman, Nizret
Trto, à qui on demandait sa profession, a répondu qu'il était « conducteur de benne »
(dempsterista) et un soldat serbe a dit: « Oh! un tirailleur! » (snajperista), et l'a tué sur
place en lui tirant une balle dans la tête. Curt Vesil (cinquante-huit ans) et son fils
Sead ont été battus à mort. On leur a cassé tous les os, le nez de Sead a été déchiqueté.
b. « Au départ de la SUP de Prijedor, on nous a chargés dans un autobus, cent cinquante
d'entre nous entassés dans le dernier tiers de l'autobus. Des soldats serbes conduisaient
l'autobus. Des soldats serbes ont tué deux ou trois Musulmans dans l'autobus. La route
qui mène à Omarska passe normalement par Kozarac mais les Serbes nous ont fait
passer par de nombreux postes ou villages tenus par des Serbes. A chacun de ces
endroits, des villageois serbes pénétraient dans l'autobus, des femmes, des enfants
serbes, et ils nous frappaient avec des barres en bois, nous donnaient des coups de
couteau, nous jetaient de l'acide. Plusieurs sont morts, mais nous n'avions pas le droit
de regarder. Nous avons atteint le camp de concentration d'Omarska à 23 heures
environ. En quittant l'autobus, j'ai vu qu'il était plein de sang et que de nombreux
Musulmans restaient par terre, morts pour la plupart. »
c. « Je suis resté dans le camp d'extermination d'Omarska du 30 mal au 6 août 1992. J'y
ai été battu quotidiennement pendant trois à quatre heures. Aller aux toilettes
équivalait pratiquemment à se faire tuer par les hordes serbes (soldats). Omarska est
une mine et il y avait tout un tas de matériel provenant de la mine qui était éparpillé
tout autour: madriers, câbles, barres de fer, supports en métal, etc. Les Serbes
utilisaient tout cela pour nous battre. Ils m'ont donné ainsi qu'à d'autres des coups dans
les testicules avec des outils en métal, des barres de métal, utilisant aussi leurs bottes.
Mes testicules étaient enflés, ils avaient la taille de grosses oranges. Le nombre des
tortures variait, allant d'une ou deux jusqu'à vingt ou davantage. Ils se réunissaient
autour de camions, pour boire ou prendre des drogues, nous injuriant: «J'en... ta mère
musulmane », «J'en... ta mère turque (croate) », « Va te faire f... avec ta république »,
etc. Les tortionnaires serbes nous obligeaient à nous coucher par terre avec les mains
sur la tête de façon que nous ne puissions pas voir qui nous torturait. On nous faisait
sortir dehors et, de 8 heures ou 9 heures du matin jusqutà 7 heures du soir nous étions
torturés et battus de la façon la plus cruelle. Très souvent les Serbes, lorsqu'ils nous
battaient atrocement, nous mettaient une boîte en métal sur la tête afin que nous ne
puissions pas voir ceux qui nous torturaient. Les tortionnaires serbes nous battaient,
marchaient ou sautaient sur nous jusqu'à ce qutils soient épuisés. Leurs coups étaient
délibérément dirigés contre nos testicules et ils disaient: « Vous ne referez plus jamais
d'enfants musulmans. »
d. « Lorsqu'un Serbe d'un village voisin s'était fait tuer au cours d'un combat, les gardes
serbes laissaient venir au camp le village tout entier pour passer leur colère, ce qu'ils
faisaient en nous mutilant et en nous tuant. »
e. « Les tortionnaires serbes tuaient chaque jour de soixante-dix à cent Musulmans (aussi
quelques Croates). Il y avait un bâtiment que nous appelions la « Maison Blanche » où
les tortionnaires serbes commettaient leurs meurtres. Ils ont tué tout d'abord tous les
médecins et les intellectuels. Ils ont même tué un médecin de l'ONU, Sadikovic Esad,
qui, je crois, était au Zimbabwe ou quelque part en Afrique avec les Nations Unies. »
f. « Vers le 13 mai 1992, j'étais allongé dans une cour au milieu de corps; je me trouvais
par hasard près d'une poubelle, légèrement hors d'atteinte. Les soldats serbes
continuaient de tirer sur les corps, mais d'une manière ou d'une autre, étant donné l'endroit où je me trouvais, j'ai échappé aux balles et j'ai réussi plus tard à me glisser
dans les baraquements. »
g. «Un jour, j'ai été désigné pour charger des corps dans un camion de 7 tonnes. Nous
jetions les corps dans le camion jusqutà ce qu'ils forment un tas d'un mètre de haut. Je
me suis éclipsé, je ne pouvais pas supporter ce « travail ». J'ai vu les Serbes utiliser de
lourds engins pour creuser de larges fosses et des camions pour basculer les corps dans
la fosse ainsi que des bennes et des machines pour combler les fosses et aplanir le sol.
»
h. « Les tortionnaires serbes utilisaient des barres de fer pour battre à mort les
Musulmans (quelques Croates aussi). Ils n'épargnaient aucune partie du corps, brisant
tous les os de sorte que les Musulmans ainsi battus suppliaient leurs tortionnaires de
leur tirer une balle dans la tête. Les tortionnaires serbes mtont donné des coups de
couteau dans les bras. J'ai vu des tortionnaires serbes en frapper d'autres à coups de
couteau..., tournant et retournant le couteau à l'intérieur de la chair. J'ai vu comment
on obligeait les Musulmans à se sectionner mutuellement les testicules avec leurs
dents, leur bouche pleine de testicules et de sang, des vaisseaux sanguins arrachés
sortant de leurs bouches. Les tortionnaires serbes obligeaient quotidiennement les
prisonniers musulmans à stenc... mutuellement, à se livrer entre eux à des actes de
fellation, imposant ces actes de bestialité en particulier à des membres d'une même
famille, entre un père et un fils. »
i. « Dans une petite pièce pleine de Musulmans, les Serbes avaient coutume de jeter des
pneus enflammés et les Musulmans brûlaient vifs. Nous devions rester étendus sur la
piste ou sur la route, le visage contre le sol. J'ai vu des Musulmans à côté de moi se
faire tuer pour avoir bougé la tête. Alors que nous étions étendus par terre, les Serbes
avaient coutume de sauter sur nous avec leurs bottes, de sauter des marches, des toits
des garages, brisant les os des gens, ils avaient coutume de passer sur nous avec leurs
voitures même avec de gros camions, blessant sérieusement et la plupart du temps
tuant les malheureux. Il m'est arrivé de rester étendu pendant quatre à cinq heures,
pendant que cinq et même dix Serbes à la fois me battaient sans pitié. »
j. « Les meutres commis par les Serbes étaient prémédités. Le camp d'extermination
d'Omarska était un endroit où les Serbes tuaient soi-disant «par vengeance ». Les
Serbes avaient coutume d'accuser les médecins d'étrangler les enfants serbes, les
professeurs et les instituteurs d'être injustes envers les étudiants serbes, et ils les
tuaient sur le champ à cause de ces « crimes ». J'ai eu de la chance d'avoir donné un
faux nom car les Serbes m'ont cherché sous mon nom pour me tuer (mes voisins
serbes ne pouvaient pas me reconnaître, les tortures ayant complètement transformé
les traits de mon visage). (J'ai appris plus tard que les Serbes avaient perquisitionné
chez moi. maltraitant à cette occasion ma famille, mon père et ma femme.) »
k. «Le camp d'extermination d'Omarska comptait également des prisonnières. Chaque
jour les soldats serbes avaient coutume de se saisir de jeunes filles et d'amener cinq ou
six hommes, des soldats serbes, des prisonniers, qui devaient chacun les violer.
Parfois, je me trouvais parmi les hommes que l'on forçait à violer les jeunes filles...
Elles étaient constamment violées, sans arrêt chaque jour. Ils ont violé des vieilles
femmes, des Croates, âgées de soixante à soixante-cinq ans. L'une d'elle, nommée
Divis, a été violée par douze hommes. Il y avait de nombreuses jeunes filles, âgées de
seize ans environ, qui étaient quotidiennement violées... »
l. « Les Serbes avaient coutume de nous torturer en éteignant leurs cigarettes sur nos
corps. Cependant, ils réservaient cela la plupart du temps aux femmes musulmanes. Ils
éteignaient leurs mégots sur les corps nus des Musulmanes, le plus souvent sur leurs
seins et dans leur vagin. Les Serbes avaient également l'habitude d'enfoncer des bouteilles (généralement des bouteilles de bière d'un demi-litre) dans le vagin des
jeunes Musulmanes... Ils enfonçaient une bouteille dans le vagin des femmes
musulmanes et ensuite la cassaient. »
m. « Il y avait à Omarska un garage où l'on réparait les camions-bennes — nous
l'appelions la « Maison Rouge ». Des tortionnaires serbes ont tué de nombreux
prisonniers dans la Maison Rouge. C'est là que j'ai vu des Serbes couper le nez, les
oreilles, les membres des gens. Quand je nettoyais la pièce de la Maison Rouge, le
plancher était couvert de débris de corps humains, débris de crânes, doigts, oreilles,
nez. Dehors sur la route, des morceaux de crânes étaient répandus partout. »
n. « Le 25 ou le 26 juin, les Serbes m'ont obligé à boire cinq litres d'huile de moteur déjà
utilisée et sale qu'ils avaient prise dans le carter d'un camion avec l'intention de me
faire mourir dans les pires douleurs. »
o. « J'ai vu des gardes serbes enfoncer un tuyau de pompe à incendie dans le sphincter
d'un homme (qui venait d'un village Kozarac), laissant l'eau jaillir de la pompe à
pleine force, jusqu'à ce que l'homme entièrement gonflé meure en éclatant en
morceaux. »
p. « Les tortionnaires serbes volaient sans cesse aux prisonniers musulmans ce qui leur
appartenait. Nombre d'entre nous, qui étions prisonniers, portions sur nous des milliers
de marks allemands. Les Serbes nous vendaient des aliments à des prix exorbitants.
Quand nous avions payé, ils venaient, nous frappaient et reprenaient les articles
vendus... Ils prenaient les montres et les bijoux des prisonniers musulmans. Au début,
les Serbes coupaient les doigts des gens pour en retirer les bagues; plus tard, après une
période de privations, les bagues se laissaient enlever facilement. Les Serbes cassaient
les dents des prisonniers musulmans à coups de poing pour se procurer les plombages
en or... »
q. « Les Serbes rassemblaient tous les civils non serbes, surtout des Musulmans, et les
amenaient à Omarska en provenance des villages voisins: Carakovo selo, Hambarina,
Ljeskava, Ljubija, Ravska. Seules une ou deux personnes de chaque village, semble-t-
il, réussissaient à atteindre le camp d'extermination d'Omarska. A Carakovo selo, il y
avait quatre mille personnes; elles ont toutes été rassemblées, mais une seulement a
atteint le camp d'extermination. Si on compare les témoignages des témoins oculaires
survivants, les Serbes ont massacré vingt-deux mille Musulmans à Prijedor même. Sur
une population de quarante-deux mille habitants, il en est resté à peine deux mille. »
r. « Les tortionnaires serbes nous faisaient mourir de faim à Omarska. Pendant quarante
jours, je n'ai mangé que du pain. Les Serbes rationnaient le pain, une miche de moins
d'un kilo était coupée en quarantesept tranches et une tranche constituait la ration d'un
prisonnier avec un peu d'eau sale. Pour aller à la cuisine, j'ai dû subir, comme les
autres, des coups cruellement infligés par les Serbes. Ils nous frappaient aussi pendant
que nous mangions. Les tortionnaires serbes nous laissaient une minute pour finir le
repas. Dans le camp d'extermination d'Omarska, il y avait de lteau qui servait à
découper le minerai dans la mine et aussi lteau utilisée pour nettoyer l'outillage. Nous
étions contraints de boire cette eau pour survivre. J'ai perdu 39 kilos à Omarska. » s)
«Le 25 mai 1992, une visite de la Croix-Rouge au camp d'extermination d'Omarska a
été annoncée. Les tortionnaires serbes ont aussitôt caché cent cinquante prisonniers
musulmans et jeté quelques lits dans les pièces avec des draps de lit, et nous avons été
contraints de dire aux représentants de la Croix-Rouge que nous étions des
combattants musulmans, faits prisonniers juste avant leur arrivée. »
s. «Le 6 août 1992, des hordes serbes nous ont chassés jusqu'au camp de concentration
de Manjaca. Plus de quatre cents Musulmans (et Croates) étaient arrivés avec moi à
Omarska. Il restait moins de mille quatre cents d'entre nous pour aller à Manjaca. Ils nous ont fait quitter le camp d'extermination d'Omarska, selon ce que nous ont dit des
membres de la Croix-Rouge, parce que le monde avait appris notre existence et que les
journaux parlaient de nous. On nous a conduit dans un autocar. Les tortionnaires
serbes nous ont frappés pendant tout le temps du trajet, ils nous forçaient à chanter des
chants tchetniks, ils nous tuaient. Ils ont tranché la gorge à sept personnes juste sous
mes yeux. Le déplacement, d'environ 40 kilomètres, a pris douze heures. L'autocar
s'arrêtait souvent, et des civils serbes, des soldats, des tchetniks avec de longues barbes
et des insignes tchetniks, des femmes et des enfants y pénétraient pour nous frapper
sans merci avec des pierres et ntimporte quoi d'autre. Les Serbes ne nous donnaient
rien à boire, il faisait chaud et ils nous ont obligés à avaler une poignée de sel. Je
transpirais abondamment et, pour survivre, recueillais dans mes mains la sueur de ma
chemise Dour la boire. »
t. «A Manjaca, Merhamet (le Croissant-Rouge) nous a inscrits. La CroixRouge a apporté
des vivres. Cependant, la plus grande partie de la nourriture était emportée par les
gardes serbes. Nous étions censés avoir du poisson au petit déjeuner (deux ou trois
morceaux), mais les Serbes nous en donnaient un seul pour deux personnes, et encore
pas toujours. Quand le camion de la Croix-Rouge arrivait, les Serbes prélevaient
d'abord, à l'entrée du magasin, des rations pour leur armée. Ensuite, quand la Croix-
Rouge partait, les Serbes emportaient la plus grande partie des fruits et des légumes.
Les prisonniers musulmans étaient examinés par le personnel médical de la Croix-
Rouge, qui prescrivait des médicaments. Ces médicaments n'atteignaient jamais aucun
prisonnier, les gardes serbes les prenaient tous pour leur propre usage. Nous ne
reçûmes qu'une seule chose: des pilules toniques, que la Croix-Rouge nous donna de
la main à la main. »
u. « A Manjaca, les gardes serbes nous ont obligés à effectuer toutes sortes de travaux
manuels. Les Serbes nous ont forcés à couper du bois dans les forêts, arracher des
pommes de terre, couper de ltherbe, charger le foin, cueillir le maïs, faire paître les
moutons et les vaches, etc. Un millier de personnes ou plus sont sorties pour travailler
dans les étables ou les ateliers coudre des vêtements, fabriquer des figurines de bois,
des crosses de fusil, etc »
w) « Dans le camp de concentration de Manjaca, j'ai vu des Serbes prendre cent quarante-
deux Croates pour un échange de prisonniers à Knin. Selon ce que m'a dit l'un des Croates,
Halupa Zdenko, ils ont mis de cinq à six jours pour faire le trajet, mais l'échange n'a jamais eu
lieu, car les Serbes ont réclamé un commandant serbe en échange. A Knin, on les a détenus
dans une tour. Les Serbes laissaient les chiens et les enfants ... venir les molester. Ils ont brisé
les os à ... la plupart d'entre eux. Quand les Croates sont revenus, j'ai vu, de la cuisine, que les
Serbes les frappaient violemment. » (Coordonnateur des informations sur les crimes de guerre
dans l'ex-Yougoslavie, déclaration de la victime 004 JF.)
44E. D'après un autre récit, une jeune femme musulmane identifiée comme étant la victime
JK 001, a relaté les circonstances de son expulsion par des forces serbes:
a) « Chaque jour, ils pénétraient dans des maisons où ne restaient que des femmes et des
enfants. Ils pillaient, tuaient et violaient même des petites filles de cinq ans et des femmes
âgées. Ainsi notre propre maison servait-elle pour nous de camp de détention, car ils
pouvaient entrer et nous tuer ntimporte quand le jour ou la nuit. Pendant qu'ils fouillaient chez
moi, on nous a emmenés dans la cour et on nous a obligés à nous mettre en ligne. Ils ont
menacé de nous tuer s'ils trouvaient des armes dans la maison. Il n'y avait pas d'armes. Ils ontpillé la maison et pris l'or et nous ont dit qu'ils reviendraient nous tuer car nous étions des
musulmans... »
b) « J'ai rejoint ces gens avec ma mère âgée et nos voisins. Nous sommes restés dans les
maisons qui avaient été pillées et dont les propriétaires avaient été tués ou emmenés dans des
camps. C'était horrible. Nous étions à peu près cinquante dans une seule maison, nous
couchions les uns sur les autres et ltodeur des cadavres, qui se trouvaient dans les garages et
les jardins, se répandait partout. Ils ont tué les hommes, et les femmes ont dû enterrer leur
mari, leur fils, leur père, de leurs propres mains, comme elles le pouvaient. Il y avait du sang
sur les murs de la maison, le sang innocent d'un fils, d'un enfant, d'une femme, ou d'un
homme. Nous dormions là et attendions de partir; ils montaient la garde au-dehors, chantaient,
buvaient, écoutaient des chants tchetniks et même tiraient sur les maisons. »
c) « Après quelques jours, neuf remorques et plusieurs autocars sont arrivés... Sur la route de
Vlasic, cent soixante hommes, jeunes et vieux, ont été séparés du premier convoi qui était
parti avant le mien et ont été tués. Effrayés par cette nouvelle, nous avons essayé de partir,
mais ils nous ont rassemblés et nous ont dit que nous aurions ce que nous méritions, c'est-à-
dire la mort, la mort pour tous les Musulmans ou « Bulas », comme ils nous appelaient. Ils
nous ont chargés sur les remorques et nous sommes partis, sans savoir nousmêmes si nous
allions à la mort ou à la liberté... Quand nous sommes arrivés à Vlasic, ils nous ont donné
trois minutes pour descendre de la remorque. Nous tombions de la remorque comme des sacs,
et ce sont les femmes âgées et les enfants qui ont le plus souffert. Une fois descendus, ils ont
entrepris de mettre à part les filles et les femmes. Heureusement, j'avais un foulard sur la tête
et l'enfant de ma tante dans les bras. Ils ont mis à part une trentaine de filles. Ils ont séparé une
vieille femme de ses deux filles; elle a protesté, pleuré, s'est mise à genoux et a imploré, mais
il n'y a pas eu de pitié; elle n'a eu qutune balle dans la tête. Les filles ont été emmenées vers
une destination inconnue, que l'on ignore encore aujourdthui. Nous nous sommes mis en route
en colonne dans la direction de Travnik, Ies hommes marchaient séparément, les tchetniks
tiraient des coups de feu derrière eux et nombre d'entre eux ont été tués parce qu'ils se
trouvaient à l'arrière. Ils nous ont dit de suivre la route et que nous atteindrions nos « balijas »
(mot péjoratif pour musulman); nous aurions à leur dire qu'ils devraient remercier les
tchetniks de ne pas nous avoir tous tués. Le trajet a été long et pénible; nombre de femmes
âgées étaient transportées dans des couvertures ou sur des brouettes; des fils portaient leur
mère sur leur dos; enfin, nous sommes arrivés à Travnik, ce qui était difficile à croire après
avoir laissé le long de la route, et partout où les tchetniks avaient mis les pieds, les corps si
nombreux de nos Musulmans morts. Et la seule raison de tout cela, c'est que nous sommes des
Musulmans. » (Coordonnateur des informations sur les crimes de guerre dans l'ex-
Yougoslavie, déclaration de la victime JK 001.)
44F. Dans une autre déclaration un survivant d'un camp de concentration, identifié comme
étant la victime 003 NA, a décrit les conditions de son internement:
a) « Le 27 mai 1992 ... les forces serbes ont annoncé sans cesse à la radio que les gens
devaient se réunir sur le terrain d'entraînement. Les Musulmans et les Croates se sont mis à
quitter leurs maisons et les forces serbes les ont obligés à marcher jusqu'au terrain
d'entraînement sous un tir de mortier. J'ai vu blesser des dizaines de personnes et tuer nombre
de civils... De là, j'ai observé les forces armées serbes [les forces officielles de la municipalité
de Sanski Most] en train de piller les maisons marquées (avec des draps blancs) pour ensuite
les incendier jusqu'à ce qu'il n'en reste rien. Un grand nombre de personnes âgées sont restéeschez elles croyant qutaucun mal ne leur serait fait à cause de leur âge. Pourtant les forces
armées serbes allaient à la ronde et les tuaient. »
b) « Pendant mon enlèvement et mon internement, j'ai sans cesse reçu des coups infligés par
des membres des forces armées serbes et par des civils serbes. Les forces armées serbes et les
civils serbes me frappaient avec des massues, des crosses de fusils et me donnaient des coups
de pied avec leurs bottes. Un Serbe, un voisin qui avait été à la même école que moi, a tenté
de m'assassiner. Il m'a mis le canon d'un pistolet dans la bouche, tandis qutun autre m'a pris la
main, a tiré un couteau et a tenté de me couper deux doigts (pour imiter le salut avec trois
doigts, populaire chez les Serbes), mais, pour une raison que j'ignore, ils ont changé d'avis...
J'ai été frappé à la tête avec des pieds de chaises, on m'a donné des coups de pied dans les
reins et le dos. J'avais la tête si enflée, deux fois sa taille normale, par l'effet de ces coups que
mon père, lui aussi détenu là, ne m'a même pas reconnu. »
c) « Pendant l'internement, on nous a donné un peu de nourriture gluante, une cuillère par
repas, deux fois par jour, parfois même moins. Les gardes serbes nous laissaient de trente à
quarante secondes pour le « repas ». Pendant que nous tentions d'atteindre ceux qui servaient
le repas et pendant le repas, on nous frappait sans cesse; j'ai perdu là 15 kilos en un mois. »
d) «Le 7 juillet 1992, les hordes serbes nous ont transportés au camp de concentration de
Manjaca dans des camions. Les Serbes empilaient environ cent quatre-vingts personnes dans
un camion d'une demi-tonne, ils nous y enfermaient avec une toile à tente fortement serrée par
des câbles d'acier. Pendant le trajet, les Serbes arrêtaient le camion au soleil et attendaient que
la température monte. Les gens ne pouvaient s'empêcher d'uriner et de déféquer sur eux-
mêmes et sur ceux qui les entouraient. Dans le camion où je me trouvais, dix-huit Musulmans
sont morts de soif. Après notre arrivée, les hordes serbes nous ont frappés violemment, elles
nous ont rasé la tête, puis les Serbes nous ont jetés dans des étables, où il y avait eu avant
nous des moutons et des vaches. L'étable était infestée de mouches et la situation sanitaire y
était effrayante. De l'herbe très piquante et coupante était répandue sur le sol de ciment où
nous dormions. L'étable avait de 30 à 40 mètres de long, avec des parois latérales en tôle
ondulée. Il y avait six étables ou plus dans le camp de concentration, toutes entourées de
barbelés; le terrain avoisinant était miné et il y avait des tours de guet avec des nids de
mitrailleuses. Les Serbes ont entassé près de sept cents personnes dans une même étable.
Nous ne pouvions dormir que sur le côté. Quand nous étions à l'interieur, les Serbes nous
forçaient à garder le silence, il ntétait pas permis d'émettre un seul son. Dans le silence, nous
entendions des cris terribles. Au début, nous pensions qu'il stagissait de cris d'animaux, mais
nous avons bientôt compris qutils émanaient d'êtres humains atrocement torturés. Les gardes
serbes du camp nous rationnaient l'eau, un verre d'eau par jour pour quatre personnes (ctétait
l'été!) Si l'un des membres du groupe buvait le verre entier, le reste ntavait rien. Le matin, on
nous donnait du thé sans sucre et sans pain. Pour le dîner, nous avions exactement trois
haricots dans de lteau tiède, sans épices, rarement avec du pain, ctest-à-dire avec une tranche
mince ou parfois la moitié d'une tranche. Nous devions manger accroupis, la tête basse. Les
plats n'étaient pas lavés et souvent il m'arrivait de trouver des excréments flottant dans mon
plat. Une fois, on nous a fait manger la viande de bêtes crevées. Les Serbes prenaient plaisir à
contraindre les hojas (prêtres musulmans) et d'autres Musulmans à manger du porc. Je sais
qutil est arrivé à des Musulmans d'être à tel point mal nourris qutil ntont pas eu à aller aux
toilettes pendant deux mois. »
e) « Les Serbes nous soumettaient chaque jour à un « interrogatoire »; il y avait parfois
jusqu'à vingt « interrogateurs » qui me criaient ensemble à la figure et me frappaient. L'«interrogatoire » était immanquablement accompagné de mauvais traitements physiques, avec
des coups violents. Les Serbes, gardes, soldats, civils, préposés à l'interrogatoire, la plupart le
plus souvent ivres ou drogués, ne cessaient de nous infliger des humiliations verbales, de
jurer: « P... de ta mère » « P... de ta mère et de ta famille turques », « P... de toi et d'Alia »
(une allusion à Alia Izetbrgovic, le président démocratique de la République de Bosnie-
Herzégovine), « Vous autres fils de p... turcs, vous voulez un Etat », et ainsi de suite. Les
haut-parleurs du camp de concentration retentissaient sans cesse de chants tchetniks…»
f) « Chaque jour, des gardes serbes nous faisaient sortir des étables à 7 heures du matin et
nous obligeaient à nous asseoir au soleil la tête basse — nous devions garder la tête basse tout
le temps—avec les mains derrière le dos. Les Serbes nous obligeaient à rester dans cette
position jusqu'à 15 ou 16 heures. Les Serbes, gardes, soldats, civils, venaient et nous
frappaient avec des massues, des morceaux de bois, des barres de métal des tuyaux, des câbles
d'acier et ils nous donnaient des coups de pied; iis nous frappaient dans les reins, en travers de
la nuque, sur la tête, dans le dos. Nous devions garder les yeux baissés, la tête basse, à tous
moments. Les pères et les fils ne se reconnaissaient pas, même s'ils se trouvaient en réalité à
quelques mètres l'un de l'autre. »
g) « Vers le 10 juillet 1992, l'émir Mulalic, membre de la police de Sanski Most a été
sauvagement battu à mort. Une fois mort, j'ai entendu des Serbes donner l'ordre à deux
prisonniers du camp de le tenir. Les Serbes ont obligé les deux prisonniers à tenir le cadavre
pendant deux heures. Ensuite, ils ont appelé un médecin; celui-ci a déclaré qu'il était mort de
la rupture d'une veine dans le cerveau. »
h) « Souvent, on laissait des civils serbes pénétrer dans le camp de concentration, y compris
des femmes et des enfants. Ils nous crachaient dessus, nous lapidaient, nous frappaient avec
tout ce qui leur tombait sous la main. Certains coupaient même les doigts des prisonniers, n'en
laissant que trois (le salut serbe). Les Serbes nous obligeaient à effectuer toutes sortes de
travaux manuels, par exemple faire des corvées agricoles, arracher des pommes de terre,
creuser des canaux dtirrigation; nous devions travailler comme des bûcherons et rapporter le
bois des forêts sur notre dos; les Serbes obligaient les prisonniers à aller dans les bois en
chemisette pendant l'hiver, par grand froid. Pendant le travail dans les champs, j'ai vu des
Musulmans manger de ltherbe pour ne pas mourir de faim jusqu'à ce que leurs estomacs
gonflent. » (Coordonnateur des informations sur les crimes de guerre commis dans
l'exYougoslavie, déclaration de la victime 003 NA.)
44G. Bien que les incidents décrits ci-dessus suffisent à justifier l'accusation de génocide, ces
récits ne sont qutun échantillon de ceux faits par un groupe de Musulmans bosniaques
réfugiés au Canada, victimes des viols, meurtres et autres tortures en masse perpétrés par les
forces serbes en Bosnie-Herzégovine.
44H. De plus, les victimes musulmanes ne sont pas les seuls témoins des actes de génocide
commis par les Serbes. Dans le numéro du 27 novembre 1992 du journal The Globe and Mail,
Borislav Herak, un soldat serbe emprisonné, a relaté les meurtres, les viols et les autres
tortures auxquels il avait participé ou assisté (John Burns, « Serb Soldier Finds Killing of
Innocents Easy » [« Selon un soldat serbe il est facile de tuer des innocents»], The Globe and
Mail vendredi 27 novembre 1992). Dans le récit de Herak, un participant raconte pour la
première fois à des gens de l'extérieur comment les forces nationalistes serbes ont mis à
exécution leur plan de « purification ethnique ».44I. Avec d'autres soldats serbes, Herak a vidé un chargeur de trente cartouches sur une
famille qu'il avait trouvée dans la cave d'une maison à Ahatovici, un village musulman.
Quatre enfants de moins de douze ans, deux femmes âgées et quatre hommes ont été tués.
Herak a expliqué que les commandants serbes avaient donné à ltopération serbe dans le
village le nom de ciscenje prostora, ou purification de la région, et qutil avait ordonné aux
combattants serbes de ne laisser personne en vie (Ibid.):
« On nous a dit qu'Ahatovici devait constituer un territoire serbe purifié, que c'était une
localité stratégique entre Ilidza et Rajlovac et que tous les Musulmans qui s'y trouvaient
devaient être tués. On nous a dit que nul ne devait s'échapper et que toutes les maisons
devaient être incendiées, de sorte que, stil y avait quelques survivants, ils ne trouveraient plus
aucun endroit où retourner. C'était un ordre et j'ai simplement fait ce que lton m'a dit. » (Ibid.)
44J. Lors d'un autre incident, Herak s'est servi d'un couteau de chasse pour couper la gorge de
trois soldats bosniaques musulmans qui avaient été capturés. (Ibid.)
44K. Au début de juin, Herak a vu une unité serbe appelée « groupe spécial d'enquête» abattre
à la mitrailleuse cent vingt hommes, femmes et enfants rassemblés dans un champ à
l'extérieur de Vogosca. Les corps ont été transportés avec des camions-bennes dans des
broussailles à côté d'une gare de triage à Rajlovac, près de Sarajevo, où ils ont été entassés
dans une fosse à ciel ouvert, arrosés d'essence et brûlés. (Ibid.)
44L. Lors d'un autre incident survenu en juillet, Herak a vu trente hommes de Donja Bioca,
village musulman situé à 5 kilomètres au nord-ouest de Vogosca, être abattus et incinérés
dans le four d'une aciérie d'Ilijas, ville se trouvent au nord de Vogosca. Il a dit que certains de
ces hommes étaient encore en vie quand ils ont été jetés dans le four. (Ibid.)
44M. Herak a également déclaré avoir vu les corps de soixante Musulmans qui, disait-il,
avaient été utilisés par les forces serbes comme «boucliers humains » lorsque les forces
bosniaques avaient essayé en août de chasser les forces serbes de la montagne de Zuc, près de
Vogosca. (Ibid.)
44N. En ce qui concerne l'emploi du viol comme arme de guerre, Herak a expliqué que lui-
même et ses compagnons avaient été incites à aller dans un motel par leurs chefs serbes qui
leur disaient que le viol de femmes musulmanes était « bon pour le moral des combattants ».
Herak a déclaré qu'il allait au motel tous les trois ou quatre jours et que, bien que les
combattants serbes aient eu l'habitude d'emmener les femmes qu'ils violaient puis de les tuer,
il arrivait continuellement de nouvelles femmes. (Ibid )
Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe
45. L'alinéa b) de l'article II de la convention sur le génocide définit comme génocide une «
atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe » si une telle atteinte
est commise « dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique,
racial ou religieux, comme tel». Dans la guerre menée contre la Bosnie-Herzégovine par le
défendeur, le viol est utilisé comme une arme de guerre. Les viols de femmes bosniaques ne
sont pas des incidents isolés et font plutôt partie d'un plan délibéré de destruction de la
population musulmane en Bosnie.46. « Il est clair que le viol et les sévices sexuels utilisés comme des formes de torture ou de
traitement cruel, inhumain ou dégradant sont incompatibles avec les normes internationales
relatives aux droits de l'homme, ainsi qutavec le droit international humanitaire, qui sont
applicables au conflit en Bosnie-Herzégovine » (Amnesty International, « Bosnia-
Herzegovina — Rape and Sexual Abuse by Armed Forces», janvier 1993, p. 2) (ci-après
dénommé «rapport d'Amnesty International »). En particulier le viol et les sévices sexuels
constituent une infraction directe à la convention sur le génocide, car ils causent une « atteinte
grave à l'intégrité physique [et] mentale ».
47. Il ressort des enquêtes menées tant par Amnesty International que par le Conseil de
l'Europe que les viols et sévices sexuels en Bosnie-Herzégovine s'insèrent dans un plan
délibéré et organisé de destruction de la population musulmane. Cela constitue le génocide
aux termes de la convention
48. Dans son rapport intitulé « Bosnia-Herzegovina: Rape and Sexual Abuse by Armed
Forces», Amnesty International constate que «les sévices commis contre des femmes, tels que
le viol, sont fréquents en Bosnie-Herzégovine » et que « les femmes musulmanes sont les
principales victimes, tandis que les principaux auteurs sont des membres des forces armées
serbes» (p. 3). Amnesty International conclut que les viols et sévices sexuels de femmes
musulmanes en Bosnie-Herzégovine ont été commis de façon organisée ou systématique: des
femmes ont été détenues de façon délibérée aux fins du viol et de sévices sexuels. Des faits de
ce genre semblent trouver place dans le cadre plus vaste de la guerre, dont font partie
l'intimidation et les mauvais traitements infligés aux Musulmans et aux Croates, qui ont incité
des milliers de gens, par peur de nouvelles violations, à fuir ou à se laisser chasser des régions
où ils vivaient (Ibid., p. 4).
49. Le Conseil de l'Europe est arrivé à des conclusions semblables au sujet des actes de
génocide commis nar les forces serbes:
« Le viol fait partie d'un système de mauvais traitements infligés d'ordinaire dans l'intention
consciente de démoraliser et terroriser les collectivités en les chassant des régions où elles
vivent et de démontrer la puissance des envahisseurs. Ainsi envisagé, le viol ne saurait passer
pour accessoire par rapport au but principal de l'agression: il sert par lui-même une fin
stratégique. » (« EC Investigative Mission into the Treatment of Muslim Women in the
Former Yugoslavia», rapport aux ministres des affaires étrangères de la Communauté
européenne.)
Le Conseil a constaté que les attaques serbes en Bosnie-Herzégovine ont porté principalement
sur les régions à forte population musulmane, notamment la région de Brcko (44 pour cent de
Musulmans), la vallée de la Drina (Zvornik, 60 pour cent; Bratunac, 64 pour cent; Srebrenice,
74 pour cent; Visegrad, 63 pour cent; Gorazde, 70 pour cent, et Foca, 51 pour cent) et la
région de Prijedor (44 pour cent de Musulmans) « dans un effort pour découper un territoire
ethniquement homogène entre la Serbie et les zones serbes de Bosnie-Herzégovine et de
Croatie occupées » (Ibid.). Le choix délibéré de ces régions à très forte population musulmane
comme objectif indique l'intention claire de nuire à ce groupe religieux en particulier.
«Sur la base de ses enquêtes la mission estime établi que le viol de femmes musulmanes a été
commis et l'est peut-être encore à grande échelle de manière à se rattacher à un système assez
clairement reconnaissable pour constituer un élément important de la stratégie de guerre. »
(Ibid.)50. Pour plusieurs raisons, il est difficile de confirmer ces informations et d'obtenir des
statistiques relatives aux viols commis dans le conflit de BosnieHerzégovine. La guerre
continue et de nombreux obstacles pratiques s'opposent donc au rassemblement systématique
de données. De plus, la flétrissure sociale qui s'attache au viol dissuade les femmes de relater
les mauvais traitements qu'elles ont subis.
51. Il existe toutefois des estimations fiables et des récits confirmés. Selon les enquêtes du
Conseil de l'Europe, plus de vingt mille femmes et filles musulmanes de Bosnie ont été
violées (rapport du Conseil de l'Europe). Le Gouvernement bosniaque estime que le chiffre
est plus proche de cinquante mille (Time, « Behavior: Rape and War», vol. 141, n° 8, 22
février 1993, p. 48).
52. En mai 1992, quarante femmes musulmanes ont été capturées et violées par des forces
serbes à Brezovo Polje. L'une des victimes, Mirsada, âgée de vingt-trois ans, a déclaré à un
journaliste que le Serbe qui l'avait enlevée lui avait dit: « Nous avons l'ordre de violer les
filles. J'ai honte d'être serbe. Tout ce qui se passe est un crime de guerre. » Une autre victime,
Hafiza, âgée de vingttrois ans, déclara qu'elle avait essayé de dissuader son agresseur de la
violer, mais qu'il avait répondu: «Je le dois. Je le dois.» («Supplemental Report on War
Crimes in the Former Yugoslavia », présenté par les Etats-Unis au Conseil de sécurité de
l'ONU, vol. 3, n° 46, 16 novembre 1992, p. 831) (ci-après dénommé « rapport supplémentaire
»).
53. Le docteur Milika Kreitmayer, médecin responsable de l'équipe gynécologique qui a
examiné vingt-cinq des quarante victimes de Brezovo Polje, est parvenu à la conclusion que
les viols avaient nour but
«d'humilier les femmes musulmanes, de les insulter, de détruire leur personnalité et de causer
un choc. Ce n'est pas à cause de l'instinct viril que ces femmes ont été violées. Elles ont été
violées parce que c'était un but de guerre. J'ai l'impression que quelqu'un avait donné l'ordre
de violer les filles. » (Roy Gutman, « Bosnian Women Terrorized by Serbs », New York
Newsday, dimanche 23 août 1992.)
M. Kreitmayer a signalé en outre que pratiquement toutes les femmes de la ville musulmane
de LiplJe avaient été violées. Ces incidents se sont produits à la fin du mois de mai 1992,
alors que les forces serbes détenaient plus de quatre cents des villageois dans une grande
maison. Ces informations ont été confirmées à la fois par les fonctionnaires de la police locale
et par les médecins de l'institut gynécologique qui avaient examiné et interrogé les victimes
(Ibid.).
54. En septembre 1992, au moins cent cinquante femmes et adolescentes musulmanes
enceintes furent amenées dans des secteurs de Sarajevo tenus par le Gouvernement bosniaque.
Toutes ces femmes ont déclaré qu'elles avaient été violées par des soldats nationalistes serbes.
Ces femmes ont déclaré qu'on les avait emprisonnées pendant des mois pour les empêcher
d'interrompre leur grossesse. Un des soldats serbes a dit aux femmes: « Quand nous vous
laisserons rentrer chez vous, vous devrez donner naissance à un tchetnik. Nous ne vous
laisserons pas partir tant que vous pouvez vous faire avorter. » (Rapport supplémentaire, p.
830.)55. Dans le district de Grbavica, en mai 1992, des combattants serbes s'emparèrent d'une
vingtaine de filles. Une fille âgée de quinze ans a déclaré qu'on les avait détenues dans une
petite pièce et qu'on leur avait donné l'ordre de se déshabiller:
« Nous avons refusé, alors ils nous ont battues et ont arraché nos vêtements. Ils nous ont
poussées sur le plancher. Deux des hommes me tenaient pendant que deux autres me
violaient. J'ai hurlé et essayé de me défendre, mais cela ne servait à rien. Tandis qutils me
violaient, ils ont dit qu'ils feraient en sorte que je donne naissance à un bébé serbe et ils ont
continué à répéter cela pendant tout le temps qu'ils m'ont détenue là. » (Ibid.)
56. Dans la ville musulmane de Kijuc, en mai ou juin 1992, huit femmes furent violées par un
groupe de Serbes à l'extérieur de la maison où elles avaient cherché refuge. L'une des
victimes, une femme de soixante ans, raconta qu'elle avait été violée par trois hommes. L'un
d'eux lui enfonça d'abord dans le vagin le couteau qu'il tenait à la main et lui fit ensuite lécher
son propre sang. Ensuite, deux des femmes ont eu la gorge tranchée (rapport d'Amnesty
International, p.7).
57. Dans le camp de concentration dirigé par des Serbes situé dans la ville bosniaque de
Trnopolje, le 31 mai 1992, une femme bosniaque fut violée par huit soldats. Ensuite, l'un des
soldats lui lacéra les seins à coups de couteau. Cette femme s'était jointe à un groupe de
quinze autres qui attendaient leur tour pour prendre de l'eau. Les soldats serbes se sont
approchés d'elles, ils ont séparé du groupe six jeunes femmes et les ont conduites dans une
petite maison. Tout en criant des obscénités, les soldats ont donné l'ordre aux femmes de se
déshabiller et de marcher en rond. Au bout de quinze minutes, les soldats ont commencé à
violer plusieurs des femmes à la fois, sous la menace de leurs armes. (Plainte de Mme ... et
Mme ... contre Radovan Karadzic, tribunal fédéral du district sud de New York, présentée le
11 février 1993.)
58. Les comptes rendus ci-dessus ne concernent que quelques-uns des cas confirmés de viol
commis contre des femmes musulmanes en Bosnie-Herzégovine. Dans le conflit de Bosnie, le
viol est communément utilisé comme instrument de destruction de la population musulmane.
Les viols en masse, qui sont une forme de vengeance et d'humiliation, servent à détruire
intentionnellement l'identité nationale, religieuse et culturelle de la population musulmane en
Bosnie. Cela constitue un génocide.
59. En plus de la preuve d'actes de viol et de sévices sexuels, il y a nombre d'exemples
d'atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale de Croates et de Musulmans en République
bosniaque qui ont été causées intentionnellement par des forces serbes. Un rapport de
l'Organisation des Nations Unies décrit plusieurs cas de ce genre (Commission des droits de
l'homme, document des Nations Unies E/CN.4/1992/S-1/9, 24 août 1992). Souvent, des forces
serbes ont emmené pour interrogatoire un grand nombre de villageois au poste de police local,
où la police les a frappés et torturés ou contraints de se battre entre eux (Ibid., p. 2). Le
rapport de l'ONU indique aussi que l'on bombarde régulièrement Sarajevo afin de répandre
délibérément la terreur dans la population (Ibid., p. 4).
60. La commission des relations étrangères du Sénat des Etats-Unis a aussi confirmé les
graves sévices physiques et psychologiques infligés dans les centres de détention de style nazi
dirigés par des Serbes (A Staff Report to the Committee on Foreign Relations of the US
Senate, «The Ethnic Cleansing of Bosnia-Herzegovina», 15 août 1992). Le rapport indique
que des femmes et des enfants sont détenus en grand nombre dans des petits locaux où lesconditions sanitaires sont épouvantables. Selon nombre de récits, les détenus ntavaient pas de
toilettes et, dans certaines régions, devaient déféquer et uriner dans la pièce même où ils
dormaient (Ibid., p. 10). Des gardes serbes éteignaient leurs cigarettes sur les mains des
femmes (Ibid., p. 16). De plus, ce rapport consigne des faits établissant les viols dont ont été
victimes des filles et des jeunes femmes. Dans certains cas, les gardes tuaient les femmes
après les avoir violées (Ibid., p. 10). Le traitement infligé aux prisonniers de sexe masculin est
aussi tout à fait brutal. Presque tous les hommes prisonniers ont été frappés. Dans certains
camps dtinternement, les prisonniers ne recevaient que peu de nourriture ou n'en recevaient
aucune (Ibid.). Dans l'un des camps, les gardes serbes ont contraint pères et fils à se battre
entre eux. Dans ce même camp, un homme paralysé a été frappé jusqutà ce qutil perde
conscience, puis rappelé à lui avec de l'eau (Ibid., p. 17). Le rapport indique aussi quton a
frappé les mains d'un jeune homme avec un marteau jusqutà ce qu'elles enflent (Ibid., p. 26).
Des atteintes à l'intégrité mentale ont été infligées, notamment quand on a forcé des
prisonniers musulmans à faire une génuflexion et le signe de croix (Ibid., p. 17).
61. Les rapports du département d'Etat des Etats-Unis confirment aussi l'existence d'actes
commis à dessein dans l'intention de blesser physiquement et mentalement les Musulmans et
les Croates. Un prisonnier fut emmené hors du centre de détention par un garde serbe, qui
revint plus tard avec la tête tranchée du prisonnier («Supplemental Report on War Crimes in
the Former Yugoslavia», United States Department of State, Dispatch, 2 novembre 1992, vol.
3, n° 44, p. 803). Ce rapport atteste aussi que des jeunes filles ont été violées en présence de
leurs mères, ce qui causait indéniablement une souffrance mentale et physique extrême à la
mère et à la fille (Ibid., p. 804). La torture infligée aux prisonniers est aussi examinée dans ce
rapport. Un prisonnier a fait une déposition sur les sévices physiques graves qutil a subis,
ainsi que sur la torture sexuelle infligée aux prisonniers. Il a dit que plusieurs hommes avaient
été contraints par les gardes d'avoir des relations entre eux et que les gardes avaient tranché
les mains et le pénis de certains prisonniers à titre de châtiment pour effrayer les autres
hommes (Ibid., p. 804).
62. Des rapports de témoins dans le camp d'Omarska ont aussi décrit les tortures infligées par
les gardes serbes. Selon l'un des témoins, les gardes versaient parfois de l'acide sur les plaies
ouvertes des prisonniers après les avoir roués de coups en public et riaient quand les
prisonniers hurlaient de douleur (Ibid., p. 805). Ce témoin a aussi raconté comment un
Musulman de Kozarac, qui avait possédé une motocyclette, fut torturé en présence d'autres
temoins. On le frappa violemment sur tout le corps et on lui cassa les dents à coups de poing.
Ensuite, les gardes serrèrent une des extrémités d'un fil de fer autour de ses testicules et
attachèrent l'autre à sa motocyclette. Puis un garde monta sur la motocyclette et démarra à
toute vitesse (Ibid., p. 805).
63. Ce rapport relate aussi l'interrogatoire d'une femme musulmane âgée de trente-trois ans
dans le camp de Manjaca près de Banja Luka. Pendant son interrogatoire, deux gardes la
frappèrent et la brûlèrent avec un aiguillon à bétail. Ensuite il la violèrent en présence de ses
enfants, une fille de douze ans et un fils de nenf ans. Sa fille fut violée deux fois (Ibid., p.
806).
64. Dans la ville de Vlasica, des atrocités semblables se produisirent. A cet endroit, un témoin
âgé de seize ans a déclaré qu'après les avoir battus les gardes serbes contraignirent les
prisonniers à boire des verres d'urine (Ibid., p. 829). Au camp de Luka-Brcko, les tchetniks
gravèrent au couteau des croix sur les fronts des prisonniers musulmans. Ils leur donnèrentdes noms orthodoxes tels qu'Alexandre et obligèrent les Musulmans à dire: «Je suis
Alexandre», sous peine d'être battus (Ibid., p. 829).
65. Un rapport de la société internationale des droits de l'homme a aussi établi des actes
d'agression serbes ayant pour but dtinfliger une atteinte physique et mentale aux Musulmans
et Croates vivant en Bosnie (don Dobinson, «Human Rights in the Former Yugoslav States»,
ISHR, juillet 1992). Des témoins rapportent que dans un camp dirigé par des Serbes près de la
région de Prijedor en Bosnie, des filles âgées seulement de treize ans ont déclaré avoir été
violées par des gardes du camp (ibid, p. 7).
66. Des rapports semblables ont paru dans une publication intitulée Save the Humanity («
Report on War Destructions, Violation of Human Rights and Crimes against Humanity in
Bosnia-Herzegovina », Save the Humanity, Sarajevo, 3 juin 1992). Se fondant sur diverses
déclarations réunies dans cette publication, le rapport conclut:
«D'après les témoins, le traitement infligé aux civils musulmans et croates capturés peut être
comparé au traitement infligé dans les camps de concentration d'Hitler pendant la seconde
guerre mondiale. Ces mauvais traitements se caractérisent par la torture, les coups et d'autres
sévices. Il y a aussi un grand nombre d'exécutions et lton exécute surtout des jeunes hommes.
Selon une information récente, du sang est prélevé sur les captifs. » (Ibid., p. 8.)
67. La deuxième partie du rapport de Save the Humanity donne des précisions sur des récits
semblables de mauvais traitements et de tortures, ainsi que sur des viols commis par des
forces serbes contre des prisonnières. Des filles au-dessus de l'âge de douze ans et des femmes
sont contraintes à la prostitution et très souvent les femmes sont violées (« Report on War
Destructions, Violation of Human Rights and Crimes against Humanity in Bosnia-
Herzegovina. Part II », Save the Humanity, Sarajevo, 7 juillet 1992, p. 6).
68. Les éléments de preuve qui précèdent suffisent à établir des violations de l'alinéa b) de
l'article II de la convention sur le génocide, « Atteintes graves à l'intégrité physique ou
mentale de membres du groupe». Les peuples et les Etats du monde devraient être horrifiés en
particulier par le viol des femmes bosniaques. Toute la communauté internationale devrait
être épouvantée par les crimes commis contre le peuple bosniaque.
68A. Au début de septembre 1992, à Bosanski Petrovac, des soldats serbes en uniforme se
sont approchés d'un groupe de villageois musulmans. Une femme dans la trentaine a fait une
déclaration au sujet de cet incident. Les soldats l'ont emmenée dans une maison, l'ont
déshabillée en la menaçant d'un couteau, lui ont demandé de dire où son mari avait des armes
en la menaçant de la tuer si elle le niait, et ltont violée. Deux adolescentes ont également été
violées par les soldats. Deux hommes adultes ont été emmenés dans une forêt voisine,
enchaînés, frappés puis brûlés avec des cigarettes par des soldats serbes (Amnesty
International, « Bosnia-Herzegovina — Rape and Sexual Abuse by Armed Forces», 21
janvier 1992, p. 6).
68B. Une femme musulmane de vingt-sept ans interrogée par Amnesty International a décrit
son enlèvement par des soldats serbes. A la fin de juillet, elle a été conduite par des Serbes en
uniforme dans une maison particulière de la ville de Kotor. Arrivés à l'intérieur, l'officier l'a
frappée, mordue et violée, en gardant continuellement à portée de main une arme
automatique. (Ibid., p. 7.)68C. Le 17 juin, les forces serbes sont venues dans le village de Brezovo Polje et ont emmené
mille femmes et enfants de ce village en autobus. Privés de nourriture et d'eau pendant le
voyage, ces femmes et ces enfants sont arrivés plusieurs jours plus tard dans la ville de
Caparde. Au cours du voyage, les autobus ont été garés pendant plusieurs nuits au village de
Ban Brdo et des soldats serbes sont venus chercher des femmes et des jeunes filles qui sont
revenues tachées de sang avec les vêtements déchirés. (Ibid., p. 10.)
68D. A Caparde, les femmes âgées ont été mises à part, semble-t-il, par des membres de
l'unité paramilitaire contrôlée par Zeljko Raznatovic (connu sous le nom d'Arkan), et ont été
emmenées en autobus jusqutaux lignes de combat qu'elles ont dû alors traverser à pied. Les
femmes plus jeunes ont été détenues pendant plusieurs nuits dans un entrepôt de meubles en
ville. Les soldats serbes ont choisi et violé quarante des femmes, âgées de quinze à trente ans.
Les plus jeunes ont rejoint les femmes âgées quatre jours plus tard après avoir été forcées de
passer par une route minée. Selon les médecins qui les ont accueillies après leur libération à
Tuzla, ville contrôlée par le Gouvernement bosniaque, certaines des jeunes filles étaient
enceintes. (Ibid.)
68E. Lors d'un entretien avec un médecin de Zagreb, une jeune fille musulmane de dix-sept
ans, originaire du village de Kalosevici, près de Teslic, a déclaré que des Serbes en uniforme
de la JNA (armée populaire yougoslave — Jugoslavenska Narodna Armija) l'avaient prise à
la fin d'avril dans son village avec d'autres femmes et conduite dans un endroit inconnu,
apparemment des sortes de cabanes de travailleurs, dans des bois près de la ville. Elle a été
gardée là pendant trois mois jusqu'à ce qu'elle soit libérée avec douze autres femmes par un
Serbe du lieu. Vingt-quatre femmes étaient detenues dans une cabane, mais elle pense avoir
vu arriver une centaine de femmes au total. Elle-même ainsi que d'autres femmes, ont été
battues à leur arrivée ainsi que plus tard. Douze femmes, dont l'auteur de ce récit, qui étaient
détenues dans la même pièce y ont été violées à de multiples reprises devant les autres, parfois
par plusieurs hommes à la fois. Une autre femme qui essayait de se défendre a été battue et
l'un des violeurs lui a dit: « Tu porteras un enfant serbe. » (Ibid.)
68F. Dans un hôpital de Zagreb, Marianna, âgée de dix-sept ans, a décrit son internement dans
un camp de détention. Pendant des mois, elle a été violée jusquta dix fois par jour par des
soldats serbes après avoir été emmenée avec vingt-quatre autres femmes de son village
bosniaque de Tesanj vers un camp dans la forêt voisine. Pendant les viols, un gardien serbe lui
avait dit: « Maintenant, tu auras des bébés serbes pour le reste de ta vie.» (Tom Squitieri,
«Weapons in Bosnia: Rape, Degradation», USA Today, 10 août 1992, p. 1.)
Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d 'existence devant entraîner sa
destruction physique totale ou partielle
69. Aux termes de cette disposition, il y a deux éléments qui, s'ils existent, constituent le
génocide: le fait de soumettre intentionnellement un groupe à de telles conditions d'existence
et l'intention que de tels actes entraînent la destruction physique totale ou partielle du groupe.
Ainsi, d'après le libellé de la convention, l'auteur des actes n'a pas besoin de croire, par
exemple, que ceux-ci entraîneraient la destruction de tous les Musulmans, ni même de tous les
Musulmans bosniaques. Par exemple, si la fraction musulmane d'une petite ville est soumise à
de telles conditions d'existence, cela suffit à rendre applicable la qualification de génocide en
vertu de cette partie de la convention. On trouvera ci-après des exemples d'actes qui satisfont
à la définition du génocide donnée à l'alinéa c) de l'article II.70. Peut-être l'acte de génocide commis le plus souvent contre le peuple de Bosnie par les
forces serbes a-t-il été la destruction de villages entiers où vivaient des Musulmans et des
Croates. Cette pratique a été confirmee dans des rapports de l'ONU (Commission des droits
de l'homme, document des Nations Unies E/CN.4/1992/S-1/9, 28 août 1992). Dans la ville de
Bosanka Dobinca, toutes les nuits, des maisons ont été incendiées (Ibid., p. 2). Dans le village
de Celinac, on a fait sauter, en une seule nuit, dix-sept maisons occupées par des familles
musulmanes après l'arrivée de nouvelles selon lesquelles certains soldats du village avaient
été tués au combat (Ibid., p. 3). L'acheminement de vivres et de l'aide humanitaire est aussi
entravé par le bombardement constant anquel sont soumis les forces de protection des Nations
Unies, leurs cantonnements et leurs postes de commandement, ainsi que l'aéroport lui même.
Tous les habitants de la ville subissent les graves effets de ces attaques (Ibid., p. 4). Il n'y a
pas d'objectifs militaires importants à Sarajevo et le bombardement semble avoir pour but de
terroriser la population (Ibid.). De plus, le siège a eu des effets dramatiques sur l'économie de
la région: cette région, autrefois prospère, est devenue tributaire de l'aide étrangère fournie par
la communauté internationale (Ibid., p. 5). Le rapport décrit aussi les conditions d'existence
dans les centres de détention dirigés par des Serbes. Nombre de prisonniers sont en mauvaise
santé et portent des marques de malnutrition, et parfois de torture. Un homme détenu dans le
camp de Manjaca qui fut récemment hospitalisé ne pesait que 34 kilogrammes.
71. Un rapport adressé à la commission des relations étrangères du Sénat des Etats-Unis a
donné des précisions sur des pratiques semblables de génocide utilisées par les Serbes (A Staff
Report to the Committee on Foreign Relations of the US Senate—«The Ethnic Cleansing of
Bosnia-Herzegovina», 15 août 1992). Les prisonniers dans ces camps dirigés par des Serbes
recevaient peu de nourriture ou n'en recevaient aucune (Ibid., p. 10). Un témoin de Kozarac a
décrit les conditions d'existence dans le camp où il était détenu. Plus de cent cinquante
personnes étaient enfermées dans un garage où on ne laissait pénétrer qutun peu d'air par une
petite fenêtre. Il a aussi relaté comment les personnes étaient obligées d'uriner dans le
bâtiment et autour, car de nombreux prisonniers devenaient la cible de coups de feu quand ils
tentaient d'utiliser les toilettes situées à l'extérieur. Il n'y avait pratiquement pas de nourriture.
Le matin, on ne donnait aux prisonniers qu'un peu de thé sans sucre. Au déjeuner, ils ne
recevaient que de la soupe et, pour le dîner, il n'y avait que du blé. Les enfants étaient atteints
de diarrhée. Il y avait un médecin. mais il ne pouvait rien faire, faute de médicaments (Ibid.,
p. 29).
72. Le 1er mai 1992, des Serbes de la région du village de Skelani dans la commune de
Srebrenica ont déclaré qu'il s'agissait d'un village serbe. Le 7 mai, le village est tombé entre
les mains de forces serbes. A 15 heures, tous les Musulmans de la région reçurent l'ordre de
remettre leurs armes à feu, c'est-à-dire surtout des fusils de chasse et d'autres armes du même
genre. Vahida Selimovic tentait d'aller au travail quand les événements suivants se
produisirent:
A. Les forces serbes lui refusèrent le passage, prétendant qu'elle avait besoin d'un « permis ».
B. Le 8 mai, des Serbes portant la tenue des tchetniks entrèrent dans sa maison et tuèrent à
coups de feu tous les hommes adultes qui sty trouvaient. Ensuite, les Serbes maudirent les
femmes, les qualifiant de « Turques » et menaçant de les tuer. Quelque temps après, les
femmes furent transférées à Novi Pazar.
C. Le 9 mai, l'agence de presse serbe indépendante Borba annonça qu'après la chute de
Skelani cinq cent cinquante Musulmans (surtout des femmes, des enfants et des personnesâgées) avaient été expulsés du village. Les forces serbes déclarèrent que Skelani était un
village serbe et refusèrent à tout Musulman l'accès de cette zone (Helsinki Watch, interview,
War Crimes in Bosnia-Herzegovina, 41, 41-43 (1992) (déposition personnelle relative à la
prise du village bosniaque de Skelani par les Serbes)).
Tels que Vahida Selimovic les a décrits, ces actes commis par des forces serbes sont tous trois
des actes de génocide. Le fait d'exiger un « permis » et d'expulser les Musulmans correspond
à la définition donnée à l'alinéa c) de l'article II, selon laquelle un groupe (en ltoccurrence les
Musulmans) est soumis à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique
en tant que peuple. Les Serbes ont transformé les citoyens musulmans en réfugiés et les ont
chassés de leurs foyers en Bosnie. Les Serbes ont manifesté leur intention d'agir de la sorte le
1er mai et à nouveau le 9 mai, quand leurs forces ont déclaré que Skelani était un village serbe
sans tenir aucun compte de la population musulmane qui y demeurait. Ainsi les Serbes ont-ils
commis le crime de génocide en déclarant que Skelani était «serbe», ce qui manifestait leur
intention de détruire la population musulmane qui y demeurait, et ensuite en mettant à
exécution cette politique quand ils ont assassiné des membres du groupe, puis expulsé le reste.
Il convient aussi de relever que l'assassinat du mari de Vahida Selimovic constitue un acte de
génocide en vertu de l'alinéa a) de l'article II. Le fait que les soldats aient qualifié les
survivants de « Turcs » indique aussi leur désir dtidentifier les Musulmans en tant que tels et
la haine qu'ils leur vouaient et il manifeste leur intention certaine de massacrer autant
d'hommes musulmans que possible, contribuant ainsi à la destruction partielle du groupe
ethnique musulman à Skelani. En somme, les sinistres activités serbes à Skelani sont un
exemple tout à fait clair de la pratique du génocide à l'intérieur de la Bosnie.
73. Les camps de concentration en Bosnie et dans l'ex-Yougoslavie fournissent aussi des
éléments de preuve du génocide. Dirigées par des Serbes, ces prisons répondent à la volonté
expresse de maintenir en détention les Bosniaques non serbes. II existe au moins cent camps
de ce genre, où s'instaurent des conditions d'existence effrayantes pour les non-Serbes qui s'y
trouvent emprisonnés (renseignements provenant de sources of ficielles bosniaques et
transmis à Helsinki Watch, War Crimes in Bosnia-Herzegovina, 44, 44-48 (1992) (décrivant
ltexistence des camps de concentration en Bosnie-Herzégovine et la situation dans ces
camps)). Des documents de l'ONU fournissent des éléments de preuve supplémentaires de ce
que les camps ont pour but de détenir, torturer, voire exécuter les non-Serbes (Ibid., p. 44-48).
La pratique qui consiste à établir des camps de concentration pour détenir des groupes
ethniques relève de l'alinéa c) de l'article II de la convention. L'intention des Serbes de
détruire les nonSerbes est évidente; les camps ont pour senl but l'incarcération massive des
Bosniaques non serbes. En plaçant délibérément les non-Serbes dans les camps, les Serbes
imposent des conditions d'existence qui empêchent les prisonniers d'affirmer leur nationalité.
Comme ltont déclaré des fonctionnaires militaires serbes à Banja Luka, les prisonniers sont
classés selon des catégories, notamment dans une catégorie des « combattants musulmans ».
Voici une liste partielle des constatations de l'ONU relatives à certains des camps:
• A Bosanki Novi: un terrain de football est utilisé comme lieu de détention pour les
Musulmans, tandis que les forces serbes fouillent leurs maisons et que les hommes en
âge de combattre sont transportés dans des camps de concentration.
• A Xeraterm (Termokerm): des fonctionnaires de l'ONU ont déclaré que cent à deux
cents Musulmans sont emprisonnés « dans des conditions extrêmement mauvaises ».
• A Omarska: un camp servant principalement, semble-t-il, à détenir des fonctionnaires
musulmans, en provenance pour la plupart de la ville de Prijedor. • A Manjaca: selon ce qu'a fait savoir l'ONU, des Musulmans incarcérés dans les camps
sont régulièrement battus, sont privés d'aliments et d'eau et détenus dans de très
mauvaises conditions (Ibid., p. 46-47).
74. A l'heure actuelle, il est impossible de vérifier si des exécutions ont effectivement lieu
dans ces camps. Il est toutefois certain, sur la base des éléments de preuve dont on dispose,
que les camps serbes remplissent les conditions, définies à l'alinéa c) de l'article II, de la
soumission intentionnelle à des conditions d'existence devant entraîner la destruction
physique totale ou partielle des Musulmans et autres non-Serbes. Les conditions qui règnent
dans les camps indiquent que les Serbes n'ont aucun souci de la vie des prisonniers et les
camps eux-mêmes ne semblent donc servir qu'à commettre le génocide contre les personnes
qui y sont détenues. Il n'est guère douteux que les camps ont été conçus pour la destruction
des Musulmans et autres non-Serbes en tant que peuples. Il convient de noter que, s'il se
vérifiait que des exécutions ont eu lieu dans les camps, cela établirait primufacie le bien-fondé
de la thèse du génocide au sens de l'alinéa a) de l'article II. La torture et les actes de violence
physique commis contre les détenus tomberaient sous le coup de l'alinéa b) de l'article II et
établiraient aussi primufacie la preuve du génocide. Même si ces conditions n'étaient pas
réunies, I'existence des camps eux-mêmes suffit à établir que le crime de génocide a été
commis par des Serbes contre des Bosniaques non serbes.
75. La création, par les forces ex-yougoslaves, de ghettos pour les nonSerbes en Bosnie tend à
la même fin que les camps de concentration et présente donc le caractère de génocide. Les
ghettos pour les non-Serbes paraissent semblables au ghetto nazi de Varsovie créé pour les
Juifs et semblent tendre à la même fin, c'est-à-dire soumettre à des conditions d'existence qui
entraîneront la destruction en tant peuple de ceux qui sont à l'intérieur. Le ghetto musulman
de Brezovo Polje n'en est qu'un exemple. Là, il s'agit de mille cinq cents personnes détenues
dans ce village musulman, entouré de villages serbes et de forces armées serbes (Helsinki
Watch, interview, War Crimes in BosniaHerzegovina, 48, 48-49 (1992) (déposition
personnelle relative à l'internement dans un ghetto)).
76. Il existe de même des documents pour établir les déportations forcées (Helsinki Watch,
interview, War Crimes in Bosnia-Herzegovina, 49, 49 (1992) (déposition personnelle
décrivant la déportation forcée de citoyens bosniaques)). Les déportations forcées constituent
aussi la preuve du génocide au sens de l'alinéa c) de l'article II. Cinquante Musulmans ont
affirmé que des Serbes les avaient déportés loin de leurs foyers situés dans les municipalités
de Zvornik et Bijeljina en Bosnie et qu'on les avait transportés de force dans la ville de
Subotica sur la frontière hongroise et serbe. Ils ont allégué que les Serbes commettaient ces
actes dans l'intention expresse de permettre à des réfugiés serbes venus de Janja d'occuper
leurs maisons (Ibid., p. 49.) Ces actes commis par des forces serbes ont pour effet de priver
les citoyens bosniaques du droit de vivre dans leur propre pays et leurs propres demeures.
L'observation la plus accablante a été formulée par le Haut Commissaire des Nations Unies
pour les réfugiés, Mme Sadacko Ogata, quand elle a déclaré que le fait de provoquer un
mouvement de réfugiés bosniaques « semble constituer non pas simplement le résultat des
combats, mais leur but... » (citation extraite d'un article écrit par Mme Ogata pour
['hebdomadaire allemand Die Zeit et transcrit par Blaine Harden, « UN Pleads for Help for
Bosnian Refugees », The Washington Post, 23 juillet 1992). De tels actes procèdent, de la part
des Serbes, d'un effort manifeste pour détruire la population bosniaque de Zvornik et de
Bijeljina et présentent donc les caractères du génocide aux termes de la convention.77. La plainte relative aux déplacements forcés est semblable à celle qui concerne les
déportations forcées. En réalité, les forces ex-yougoslaves ou leurs auxiliaires, qui
contraignent les Bosniaques à « se disperser aux quatre vents », privent les Bosniaques de leur
droit de vivre comme tels et se rendent donc coupables de pratiques constitutives du génocide.
Les attaques au mortier sont fréquentes contre les zones non serbes, même celles où il n'y a
pas de forces militaires bosniaques (Helsinki Watch, interview, War Crimes in Bosnia-
Herzegovina, 50, 50-52 (1992) (déposition personnelle relative au déplacement forcé de
citoyens bosniaques)). Aux termes de l'alinéa c) de l'article II, ces efforts déployés pour
détruire les Bosniaques en les forçant à quitter leurs demeures et leur pays constituent le
génocide.
78. Un autre aspect du génocide commis par les ex-Yougoslaves est l'emploi systématique de
la force contre les non-Serbes en Bosnie (Helsinki Watch, War Gimes in Bosnia-Herzegovina,
71, 71-76 (1992) (énumération de cas d'emploi systématique de la force contre des citoyens
bosniaques)). Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a déclaré que les tirs
des Serbes détruisaient systématiquement Sarajevo. D'autres sources ont constaté que des
attaques étaient lancées contre des villages à seule fin d'en chasser les habitants (voir Laura
Silber et Judy Dempsey, «EC Withdraws Its Monitors from Bosnian Capital », The Financial
Times, 13 mai 1992). Pour les mêmes raisons qui rendent la qualification de génocide
applicable aux déplacements forcés et à la déportation forcée, l'emploi systématique de la
force contre des villages bosniaques signifie que l'on s'efforce de détruire le peuple bosniaque
comme tel et constitue le génocide.
79. Le Gouvernement bosniaque possède en fait des enregistrements de ce qutont déclaré des
of ficiers d'état-major de l'ex-armée yougoslave projetant, le 27 mai 1992, de détruire
Sarajevo. Le général serbe Ratko Mladic a donné pour instructions à deux colonels sous ses
ordres d'attaquer des quartiers résidentiels de Sarajevo à l'artillerie lourde pour essayer de «
tout brûler » (voir John F. Burns, « Taped Order Loud and Clear: "Bure It All" », The New
York Times, 9 juin 1992). Pour mettre en Œuvre cette politique, le général Mladic a donné
[tordre à ses troupes d'utiliser les obus de mortier les plus lourds de toute l'armée. II s'agit là
d'un exemple caractérisé de violation de l'alinéa c) de l'article II. II est possible de prouver
qu'il y a eu des morts ainsi qu'une atteinte grave à l'intégrité mentale et physique infligée aux
habitants de Sarajevo par lteffet des tirs d'artillerie déclenchés conformément à ces
instructions. Mladic et ses assistants sont donc coupables aussi de violation des alinéas a) et
b) de l'article II.
80. Les forces militaires ex-yougoslaves ou leurs auxiliaires ont aussi enfreint l'alinéa c) de
l'article II en attaquant et pillant des convois d'aide internationale destinés à alléger les
souffrances en Bosnie. En privant les Bosniaques de denrées alimentaires et de médicaments
nécessaires à leur survie en tant qu'êtres humains, les Serbes infligent en réalité de façon
délibérée des conditions d'existence devant entraîner la destruction et la soumission de ce
peuple. Des fonctionnaires de l'ONU ont confirmé que des Serbes avaient violé les dispsitions
de l'alinéa c) de l'article II en retardant, détournant et volant des camions chargés de denrées
alimentaires et de médicaments («Aid Convoys Are Suspended», The New York Times, 23
mai 1992). De plus, après plusieurs détournements, l'ONU a été obligée de suspendre ses
convois de secours en Bosnie, ce qui a causé un surcroît de malheurs et de souffrances.
81. Pour ce qui est des produits médicaux, il a été établi que des Serbes ont délibérément
retenu des médicaments et d'autres produits médicaux nécessaires comme moyens de
marchandage (David Brauchli, « Wounded by Shrapnel in Sarajevo, A Photographer's Story»,TheAssociated Press, 25 mai 1992). Ce crime suit la même logique que le détournement des
convois de denrées alimentaires et constitue le génocide au sens de l'alinéa c) de l'article II.
82. Le peuple et l'Etat de Bosnie-Herzégovine peuvent donc établir le fait que la Yougoslavie
(Serbie et Monténégro), ainsi que ses auxiliaires et agents, ont tenté de détruire les
Musulmans et les Croates en Bosnie-Herzégovine en soumettant délibérément ces groupes à
des conditions d'existence devant entraîner leur destruction physique totale ou partielle. Ces
actes constituent le génocide au sens de l'alinéa c) de l'article II de la convention.
82A. Suivant le rapport d'Amnesty International intitulé « Bosnia-Herzegovina—A Wound to
the Soul » Janvier 1993, p. 10), de cinquante à soixante-dix civils, principalement des
Musulmans de Bosanski Petrovac, et vingt-deux soldats capturés par les forces serbes après la
chute de Kulen Vakuf, ont été détenus dans des baraques à Ko
zile:
a) « Les prisonniers de Kozile étaient détenus dans six pièces, de 3 mètres sur 4 environ et
contenant chacune dix à vingt personnes. La lumière du jour était presque entièrement
obstruée par des planches de bois clouées sur les fenêtres. Les prisonniers recevaient trois
repas par jour, de qualité semblable à celle des repas des soldats qui les gardaient mais moins
abondants. Pour dormir, quelques prisonniers avaient des lits, d'autres des morceaux de
caoutchouc mousse de quelques centimètres d'épaisseur et la plupart avaient des couvertures...
Une fois, un médecin, ou une infirmière, est venu les voir et a laissé quelques médicaments
pour ceux qui souffraient de diarrhée. »
b) « Ce que les prisonniers craignaient le plus était les coups qu'ils recevaient régulièrement la
nuit, souvent après que les soldats eurent, semble-t-il, beaucoup bu. « Le plus terrible était
d'attendre que l'on appelle votre nom » stest rappelé un ancien prisonnier, « la porte d'entrée
avait une vieille serrure, avec un clou. Chaque fois que nous entendions le bruit terrible de
cette serrure, nous savions quton allait appeler quelqutun et nous craignions que ce soit nous.
» Les prisonniers qui avaient été choisis étaient habituellement conduits dans un autre
bâtiment situé une quinzaine de mètres de celui d'où les autres prisonniers pouvaient entendre
leurs cris de douleur. Un ou plusieurs gardiens frappaient le prisonnier à coups de pied, et le
battaient avec des matraques en bois. La victime revenait habituellement dans sa cellule de
trente minutes à deux heures après, généralement couverte de meurtrissures. Si certains
prisonniers ont semblé ntavoir été battus qutune fois ou même jamais, d'autres —
spécialement des Musulmans que l'on pensait riches ou instruits — auraient été sévèrement
battus à au moins sept ou huit reprises. Au moins une fois, un prisonnier a été forcé d'en battre
un autre avec un gourdin. Quelques victimes auraient été placées au secret après avoir été
frappées, certaines une heure, d'autres plusieurs jours. »
c) « Un décorateur musulman de vingt-trois ans a été arrêté le 30 juin 1992 et conduit à
Kozile après avoir été détenu pendant deux jours au poste de police de Bosanski Petrovac.
Une fois, vers minuit, un autre prisonnier musulman d'environ trente-cinq ans, appelé HK, qui
se trouvait dans la même pièce, a été conduit à l'extérieur et battu pendant environ une heure.
Douze chiens de garde ont commencé à aboyer pendant qu'on le battait. Suivant les propres
termes du décorateur: « C'était comme si toute la forêt criait. » HK a été ensuite forcé de
rentrer dans la pièce à quatre pattes en aboyant comme un chien... Ses vêtements trempés
montraient qu'il avait été plongé dans le fossé qui se trouvait à ltextérieur. Tandis que les
autres prisonniers lui enlevaient ses vêtements, HK a été appelé à nouveau et a été obligé,
après quinze minutes environ, de revenir à quatre pattes... »d) «Comme on lui demandait si les blessures de HK étaient apparentes le matin suivant, le
décorateur a répondu: « Oui, parce qutil dormait avec nous dans la pièce. II était
complètement déshabillé de telle sorte quton pouvait tout voir. Son dos était couvert de bleus.
On ntaurait pas pu placer une pointe d'aiguille à un endroit où il n'était pas contusionné. »
e) « HK avait été frappé et avait reçu des coups de pied sur tout le corps sauf à la tête. Trois
jours après, il pouvait marcher avec l'aide de ses codétenus, mais il a été incapable de marcher
sans aide pendant encore au moins deux jours. »
f) « Un prisonnier, ZR, âgé d'environ trente-cinq ans, a été frappé à la tête. Un autre prisonnier
qui l'a vu deux jours plus tard a dit: « [ZR] avait l'air d'avoir été piqué partout par des abeilles.
On ne pouvait même plus voir le blanc de ses yeux car ils étaient complètement injectés de
sang. Il avait des ecchymoses sur les joues. Ses lèvres étaient très enflées. »
g) « Le 6 août 1992, de dix à vingt détenus civils ont été transférés de Kozile à Kamenica,
dans un endroit également décrit comme étant des baraques d'ouvriers, à environ 15
kilomètres de Drinic. Le 21 août, les derniers civils de Kozile ont été libérés. Le camp de
Kamenica aurait contenu environ soixante-dix détenus, principalement des Musulmans mais
aussi quelques Croates ou Serbes. Les Serbes auraient été des soldats qui avaient déserté le
front ou commis des vols. Tous les prisonniers musulmans et croates étaient détenus dans une
pièce d'environ 10 mètres sur 15. Les conditions de vie étaient meilleures qu'à Kozile. La
nourriture était meilleure et un médecin a rendu visite aux détenus trois ou quatre fois en trois
mois. Les détenus dormaient sur un mince morceau de bâche et avaient chacun une
couverture. Ils travaillaient dans le camp à construire des clôtures, à peindre et à faire du
nettoyage. »
h) « Cependant, il semble qu'après que la population civile de Bosanski Petrovac eut négocié
son départ le 24 septembre, les détenus de Kamenica aient commencé à être maltraités. Un
Musulman de vingt-trois ans a été torturé fin septembre trois jours après une visite du Comité
international de la Croix-Rouge (CICR). Un officier responsable des gardiens l'a appelé pour
l'interroger et lui a demandé ce qu'il avait dit à la délégation du CICR. Il a répondu qutil lui
avait seulement remis un message destiné à un parent parce qu'on avait interrompu ltentretien
en l'appelant pour aller travailler et qutil ntavait rien pu dire d'autre. Après cette réponse, il a
été frappé sur le dos à coups de matraque par un autre gardien avant que l'officier ne le
renvoie au dortoir. En y allant, il a été intercepté par un groupe de six prisonniers serbes qui
ltont battu à coups de matraque pendant plusieurs minutes avant que n'intervienne un gardien
qui regardait le spectacle. Quinze minutes plus tard on a été de nouveau le chercher au dortoir:
« Ils m'ont conduit de l'autre cöté de ltécole. Il y avait là huit de leurs gardiens et prisonniers
[serbes]. L'un d'eux me faisait avancer en me poussant dans le dos avec un fusil. J'y suis allé
et ils ont commencé à me frapper. Ils mtont battu pendant trente-cinq à quarante minutes. Ils
me disaient: « Ne crie pas ou ça sera encore pire pour toi. » Ils mtont également interrogé: «
As-tu dit [au CICR] que Bosanski Petrovac avait été évacué de force ? »
i) « Il a été frappé sur les épaules, les bras, le dos, les jambes et à l'aine avec des matraques
ordinaires de police, mais un de ses tortionnaires se servait de quelque chose qu'il a décrit
comme ressemblant à une batte de baseball ou un bâton antiémeutes: «Quand il vous frappait
on avait comme une décharge électrique dans tout le corps. » Voici comment il décrit sa
douleur et son retour au dortoir: « Au début, je sentais tous les coups [pendant qu'on le
battait], mais quand je suis entré dans le dortoir, je voulais seulement me coucher. Je ne
ressentais pas de douleurs mais je ne pouvais pas lever les bras parce que je ne les sentaisplus. Cette nuit-là, je n'ai pas pu dormir. Après une ou deux heures, j'ai commencé à avoir
mal. Je ne pouvais pas me lever, bouger ni me retourner, je ne pouvais rien faire. Le
lendemain au matin, ils [ses codétenus] m'ont déshabillé le haut du corps. Quand j'ai été
déshabillé, mes bras avaient l'air d'avoir été gonflés avec une pompe pour pneus d'automobile.
»
j) « La victime a déclaré qu'elle avait été incapable de se tenir debout pendant quatre ou cinq
jours et -tutelle avait beaucoup souffert pendant un mois entier. Elle se plaignait encore de
douleurs à l'aine et au bras droit fin novembre. » (Ibid., p. 10-13.)
82B. Ces récits décrivent des actes qui constituent manifestement un génocide. Les Serbes ont
choisi pour cible les membres d'un groupe distinct, à savoir les Musulmans bosniaques, ont
tué des membres de ce groupe, ont porté des atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale
de membres de ce groupe et ont soumis intentionnellement ce groupe à des conditions
d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle. Le fait que ces actes se
soient produits en temps de guerre ne met pas les Serbes à l'abri de poursuites. Rien n'excuse
ces atrocités. Les Serbes sont coupables de génocide.
Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe
83. Ce comportement interdit consiste en des mesures prises par la force et de façon délibérée
dans l'intention d'empêcher la naissance des enfants et donc la perpétuation du groupe
national, ethnique, racial, ou religieux. La plupart des éléments de nature à établir des actes de
la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et de ses auxiliaires et agents qui tomberaient sous le
coup de cette disposition de la convention sur le génocide ont déjà été indiqués ci-dessus (voir
en particulier la documentation présentée ci-dessus, relative aux viols de femmes bosniaques
pour faire naître des enfants serbes ou «tchetniks», ainsi qu'à la situation dans les camps de
concentration dirigés par des Serbes et aux tortures sexuelles). Tous les crimes qui font l'objet
d'accusations formulées dans ces paragraphes constituent aussi des crimes au sens de l'alinéa
d) de l'article II et par conséquent le génocide.
G. La résolution 47/121 de l'Assemblée générale de l'ONU du
18 décembre 1992
84. Enfin, le 18 décembre 1992, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la
résolution 47/121 sur La situation en Bosnie-Herzégovine par 102 voix contre 57 abstention.
L'Assemblée générale y a déterminé un grand nombre de faits directement pertinents pour le
différend qui oppose actuellement la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro). On trouvera ci-après le texte intégral de la résolution 47/121:
47/121. La situation en Bosnie-Herzégovine
Date: 18 décembre 1992 Séance plénière: 91e
Vote: 102-0-57 (enregistré) Projet: A/47/L.47/Rev. I
L'Assemblée générale,Ayant examiné le point intitulé « La situation en Bosnie-Herzégovine »,Prenant acte du rapport du Secrétaire général [A/47/47.],
Réaffirmant sa résolution 46/242 du 25 août 1992,
Rappelant toutes les résolutions du Conseil de sécurité qui ont trait à la République de
Bosnie-Herzégovine et à d'autres parties de l'ex-Yougoslavie,
Appréciant tous les efforts actuellement déployés au niveau international pour rétablir la paix
dans la République de Bosnie-Herzégovine, en particulier ceux que déploient l'Organisation
des Nations Unies, la Communauté européenne, la Conférence internationale sur l'ex-
Yougoslavie, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe et l'Organisation de la
Conférence islamique,
Rendant hommage aux efforts inlassables de la Force de protection des Nations Unies et à la
bravoure dont elle fait preuve pour assurer la sécurité des opérations de secours dans la
République de Bosnie-Herzégovine, ainsi qu'aux efforts du Haut Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés et des autres organisations de secours et à vocation humanitaire, et
condamnant les attaques lancées récemment à Sarajevo par des forces serbes contre la Force
de protection des Nations Unies, dont des membres ont été tués ou blessés,
Prenant acte du rapport du 6 novembre 1992 [A/47/635-S/24766, annexe.] dans lequel le
Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de
l'homme dans le territoire de l'ex-Yougoslavie a notamment déclaré que le « nettoyage
ethnique » ne semblait pas être la conséquence de la guerre, mais bien son but,
Prenant acte également du rapport du 17 novembre 1992 [A/47/666-S/24809, annexe.] dans
lequel le Rapporteur spécial a déclaré notamment qu'un autre facteur contribuant à l'intensité
du « nettoyage ethnique » dans les zones sous domination serbe était le net déséquilibre entre
les armes dont disposaient la population serbe et la population musulmane de Bosnie-
Herzégovine,
Gravement préoccupée par la détérioration de la situation dans la République de Bosnie-
Herzégovine due à l'intensification des actes agressifs auxquels les forces serbes et
monténégrines se livrent pour acquérir plus de territoires par la force, situation caractérisée
par des violations constantes, flagrantes et systématiques des droits de l'homme, par le
nombre croissant de réfugiés qui résulte des expulsions massives de civils sans défense de
leurs foyers et par l'existence, dans les zones sous domination serbe et monténégrine, de
camps de concentration et de centres de détention, concourant à l'ignoble politique de
«nettoyage ethnique», qui est une forme de génocide,
Condamnant énergiquement la Serbie et le Monténégro, ainsi que leurs agents en Bosnie-
Herzégovine, pour leur refus constant de respecter les diverses résolutions de l'Organisation
des Nations Unies,
Regrettant profondément que les sanctions imposées par le Conseil de sécurité n'aient pas eu
l'effet désiré, à savoir mettre un terme aux actes agressifs des forces irrégulières serbes et
monténégrines ainsi qu'à l'appui direct et indirect de l'armée populaire yougoslave à ces actes
agressifs dans la République de Bosnie-Herzégovine,Rappelant que le Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine a accepté les
principes constitutionnels proposés par les coprésidents de la conférence internationale sur
l'ex-Yougoslavie,
Convaincue que la situation dans la République de Bosnie-Herzégovine justifie l'application
de mesures décisives en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unie afin d'obliger la
Serbie et le Monténégro ainsi que leurs agents dans la République de Bosnie-Herzégovine à
respecter les résolutions du Conseil de sécurité,
Réaffirmant le principe de l'inadmissibilité de l'acquisition de territoire par la force et le droit
de tous les réfugiés bosniaques de regagner leurs foyers en toute sécurité et dans la dignité,
Réaffirmant aussi que la République de Bosnie-Herzégovine a un droit naturel de légitime
défense individuelle et collective en vertu du chapitre VII, article 51, de la Charte des Nations
Unies, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires au maintien de la
paix et de la sécurité internationales,
Déterminée à rétablir la paix dans la République de Bosnie-Herzégovine et à préserver l'unité,
la souveraineté, l'indépendance politique et l'intégrité territoriale de celle-ci,
1. Réaffirme son appui au juste combat que le Gouvernement et le peuple de la République de
Bosnie-Herzégovine mènent pour sauvegarder leur souveraineté, leur indépendance politiq
ue,
leur intégrité territoriale et leur unité;
2. Condamne énergiquement la Serbie, le Monténégro et les forces serbes présentes dans la
République de Bosnie-Herzégovine pour leur violation de la souveraineté, de l'intégrité
territoriale et de l'indépendance politique de la République de Bosnie-Herzégovine et leur
refus de respecter les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale
ainsi que les accords de paix de Londres du 25 août 1992;
3. Exige que la Serbie et le Monténégro et les forces serbes présentes en République de
Bosnie-Herzégovine cessent immédiatement leurs actes agressifs et hostiles et se conforment
pleinement et inconditionnellement aux résolutions du Conseil de sécurité, en particulier aux
résolutions 752 (1992) du 15 mai 1992, 757 (1992) du 30 mai 1992, 770 (1992) et 771 (1992)
du 13 août 1992, 781 (1992) du 9 octobre 1992 et 787 (1992) du 16 novembre 1992, ainsi qu'à
la résolution 46/242 de l'Assemblée générale et aux Accords de paix de Londres du 25 août
1992:
4. Exige que, conformément à la résolution 752 (1992) du Conseil de sécurité, tous les
éléments de l'armée populaire yougoslave encore présents sur le territoire de la République de
Bosnie-Herzégovine soient ou bien retirés immédiatement ou bien soumis à l'autorité du
Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine, ou bien dissous et désarmés leurs
armes étant placées sous le contrôle effectif de l'Organisation des Nations Unies;
5. Exige également que, conformément à la résolution 752 (1992) du Conseil de sécurité, tous
les éléments de l'armée croate qui se trouvent éventuellement dans la République de Bosnie-
Herzégovine et qui ne sont pas déjà placés sous l'autorité du Gouvernement de la République
de Bosnie-Herzégovine soient ou bien retirés immédiatement, ou bien soumis à l'autorité audit
gouvernement ou bien dissous et désarmés, leurs armes étant placées sous le contrôle effectif
de l'Organisation des Nations Unies;6. Souhaite que le Conseil de sécurité examine les mesures à prendre pour imposer
immédiatement le respect de la résolution 781 (1992) interdisant tous vols militaires au-
dessus de la République de Bosnie-Herzégovine:
7. Engage le Conseil de sécurité, vu la responsabilité qui lui incombe de maintenir la paix et
la sécurité internationales, à demander une nouvelle fois aux forces serbes et monténégrines
de se conformer à toutes les résolutions pertinentes et de mettre un terme aux actes agressifs
contre la République de Bosnie-Herzégovine, à faire appliquer toutes les résolutions adoptées
au sujet de la République de Bosnie-Herzégovine et de l'ex-Yougoslavie et, plus
particulièrement, à examiner plus avant, d'urgence et au plus tard le 15 janvier 1993, les
mesures à prendre, notamment les suivantes:
a) Au cas où les forces serbes et monténégrines ne respecteraient pas intégralement toutes les
résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, autoriser, en vertu des dispositions du chapitre
VII de la Charte, les Etats Membres, agissant en collaboration avec le Gouvernement de la
République de Bosnie-Herzégovine, à utiliser tous les moyens nécessaires pour défendre et
rétablir la souveraineté, l'indépendance politique, l'intégrité territoriale et l'unité de la
République de Bosnie-Herzégovine;
b) Ne plus appliquer à la République de Bosnie-Herzégovine l'embargo sur les armes décrété
contre l'ex-Yougoslavie en vertu de la résolution 713 (1991) du Conseil de sécurité;
8. Engage également le Conseil de sécurité à envisager de prendre les mesures nécessaires
pour ouvrir davantage d'aéroports et d'aérodromes aux vols acheminant l'assistance
humanitaire internationale et continuer en attendant, de parachuter des secours d'urgence, et
d'étudier les possibilités et les besoins touchant la constitution de zones de sécurité à des fins
humanitaires;
9. Engage en outre le Conseil de sécurité à examiner quelles ressources seraient nécessaires
pour assurer une meilleure application de toutes les résolutions pertinentes, et demande aux
Etats Membres d'indiquer au Secrétaire général les ressources en hommes et en matériel qu'ils
peuvent mettre à sa disposition pour contribuer à cet effort;
10. Prie instamment le Conseil de sécurité d'envisager, lorsque des informations suffisantes
auront été fournies par la commission d'experts constituée en vertu de la résolution 780 (1992)
du Conseil de sécurité, de recommander la constitution d'un tribunal international spécial pour
juger et châtier les auteurs de crimes de guerre dans la République de Bosnie-Herzégovine;
11. Prie les coprésidents de la conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie de veiller à ce
que le groupe de travail sur la République de Bosnie-Herzégovine mène rapidement à bien ses
travaux, d'exposer les raisons de l'absence de progrès et de soumettre avant le 18 janvier 1993
des propositions en vue de surmonter les obstacles qui entravent l'exécution de leur mandat:
12. Prie le Secrétaire général de lui rendre compte, d'ici au 18 janvier 1993, de l'application
de la présente résolution;
13. Décide de rester saisie de la question et d'en poursuivre l'examen. »
85. Dans la présente requête et dans la demande en indication de mesures conservatoires
figurant en annexe, datées de ce jour, la Bosnie-Herzégovine confirme, réitère et reprend tousles faits déterminés par l'Assemblée générale dans sa résolution 47/121 (18 décembre 1992).
Considérés dans leur ensemble les nombreux faits déterminés par l'Assemblée générale dans
la résolution 47/121 corroborent et prouvent entièrement le bien-fondé de la présente requête
et de notre demande en indication de mesures conservatoires. La Bosnie-Herzégovine prie
respectueusement la Cour de constater dans l'exercice de sa fonction judiciaire tous les faits
déterminés par l'Assemblée générale dans la résolution 47/121, aux fins de la présente requête
et à l'appui de notre demande en indication de mesures conservatoires
H. Conclusion
86. La République de Bosnie-Herzégovine tient à conclure cet exposé des faits en citant le
passage pertinent d'un appel à l'aide qu'ont lancé pas plus tard que le 17 février 1993 l'évêque
et les prêtres du diocèse de Banja Luka:
« 3. Nous sommes tous parfaitement conscients de l'attitude pacifique qui règne au sein de la
majorité des fidèles de notre diocèse et de leur volonté sincère de vivre sur un pied d'égalité
avec autrui, dans l'harmonie, la paix et le respect. Malgré cela, les prêtres, les religieux, les
religieuses et particulier nos fidèles ont gravement souffert des atteintes portées à nos droits
de l'homme fondamentaux et notamment:
• le droit au respect de la vie, y compris le droit à la liberté d'expression,
le droit à la liberté de pensée et le droit de circuler librement,
• le droit à un traitement égal et le droit à la démocratie
• le droit au travail,
• le droit à un foyer,
• l'aptitude à satisfaire les besoins fondamentaux, en particulier en ce qui concerne les
soins de santé.
Nous tenons à faire connaître les exemples les plus graves de ces violations...
• le meurtre et le massacre de civils innocents; de femmes âgées, d'enfants et d'hommes,
• l'emprisonnement dans des camps de centaines de nos fidèles et de cinq prêtres, dont
l'un est décédé à la suite de tortures. Deux autres prêtres entièrement innocents ont été
assassinés après avoir subi d'épouvantables tortures,
• les horribles tortures psychologiques et physiques infligées à des religieuses et leur
expulsion de force de leur couvent,
• le viol de femmes et de jeunes filles,
• les actes sacrilèges injustifiés qui ont abouti à la destruction de 83 pour cent de nos
églises et de 33 pour cent d'autres édifices religieux,
• l'incendie et la démolition continuels d'immeubles d'habitation et d'édifices publics
appartenant à nos fidèles,
• l'expulsion brutale de dizaine de milliers de nos fidèles (certaines de nos
agglomérations ont été entièrement vidées de la population catholique)
• le programme de purification ethnique en cours d'exécution (près de 50 pour cent de
nos fidèles ont été forcés de quitter les maisons qu'ils occupaient depuis toujours)
• le licenciement d'un grand nombre de travailleurs, ce qui perturbe entièrement
l'existence de la majorité de nos fidèles, en particulier de ceux qui vivent dans les
zones urbaines
• la mobilisation forcée de nos fidèles pour qu'ils combattent leurs propres concitoyens
ainsi que d'autres ressortissants • l'exclusion forcée de nos fidèles de la prise de décisions politiques concernant leur
pays, y compris pour les questions relatives à leur foi,
• l'incapacité pour les hommes adultes de se déplacer librement
• le manque de soins dû à l'incapacité de payer les honoraires des médecins, ainsi que le
manque d'autres services médicaux, notamment de médicaments, et l'absence de soins
hospitaliers,
• l'arrêt de l'aide humanitaire urgente fournie à Banja Luka par Caritas, ce qui met en
danger la vie d'un millier de familles qui dépendent exclusivement de l'aide de Caritas
pour se procurer des aliments, des médicaments etc. » (Voir Bishop's Chancellory,
Banja Luka, A Dramatic Cry for Help by the Bishop and Priests of the Banja Luka
Diocese, Prot. n° 564a/93, Banja Luka, 17 février 1993.)
87. La République de Bosnie-Herzégovine prie respectueusement la Cour de constater dans
l'exercice de sa fonction judiciaire cet appel à l'aide de l'évêque et des prêtres du diocèse de
Banja Luka.
I. Allégations de faits précis se rapportant au comportement de l'ex-Yougoslavie et/ou de la
Yougoslavie (Serbie et Monténégro)
87A. Les événements indiqués ci-après sont présentés dans l'ordre chronologique. Sauf
indication contraire, toutes les mentions de source désignent le numéro de même date du New
York Times.
Mars 1992
2 mars 1992: La Bosnie-Herzégovine, par référendum tenu le 1er mars, approuve la
déclaration d'indépendance et de souveraineté. (New York Times, p.2.)
3 mars 1992: Les forces rebelles serbes lancent des attaques contre la République de Bosnie-
Herzégovine, perturbant les déplacements à destination et en provenance de Bosnie. (Ibid., p.
9.)
28 mars 1992: Les dirigeants de Bosnie-Herzégovine font appel à l'Organisation des Nations
Unies pour qu'elle déploie des forces de maintien de la paix sur le territoire de la République
dans l'espoir de mettre fin aux attaques serbes ou de les freiner. (Ibid., p. 4.)
Avril 1992
7 avril 1992: La Communauté européenne reconnaît l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine
le 6 avril. Les forces serbes bombardent le quartier musulman historique de Sarajevo. (Ibid.,
p. 3.)
8 avril 1992: Les Etats-Unis reconnaissent l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine le 7
avril. (Ibid., p. 10.)
22 avril 1992: Les unités de guérilleros serbes intensifient leurs attaques contre Sarajevo. A la
différence des bombardements précédents, il se peut que l'ex-armée yougoslave n'y ait pas
participé. (Ibid., p. 10.)
Mai 199213 mai 1992: La Communauté européenne et les Etats-Unis rappellent leurs ambassadeurs de
Belgrade. (Ibid., p. 10.)
17 mai 1992: Les forces de maintien de la paix des Nations Unies, initialement chargées de
superviser un cessez-le-feu entre la Serbie et la Croatie, se retirent de Bosnie pour se replier
sur Belgrade et Zagreb par suite des tirs de mortier et d'artillerie qui éclatent autour d'elles. Il
n'est laissé à Sarajevo que cent vingt militaires chargés d'appuyer les convois de vivres et de
rechercher un cessez-le-feu durable en Bosnie. (Ibid., p. 10.)
21 mai 1992: Les forces serbes détiennent en otage cinq mille personnes fuyant la guerre en
Bosnie jusqu'à ce que le Gouvernement de Bosnie lève le blocus des quartiers de l'armée
yougoslave (Serbie et Monténégro). (Ibid., p. 14.)
22 mai 1992: Les cinq mille otages détenus par les forces serbes sont libérés après que le
Gouvernement de Bosnie accepte de lever le blocus des quartiers de l'armée yougoslave
(Serbie et Monténégro) et de leur livrer des vivres et d'autres approvisionnements. (Ibid., p.
13.)
30 mai 1992: Les forces serbes lancent contre Sarajevo une nouvelle attaque, la plus violente
qu'ait essuyée jusqu'à présent la capitale bosniaque. (Ibid., p. 1.)
31 mai 1992: Par treize voix contre zéro, le Conseil de sécurité de l'ONU décide d'imposer
des sanctions économiques contre le Gouvernement de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro)
pour essayer de forcer Belgrade à instaurer la paix en Bosnie-Herzégovine. (Ibid., p. 1)
Juin 1992
7 juin 1992: Les forces serbes lancent contre Sarajevo, au moyen de tirs d'artillerie, de mortier
et de roquette, le bombardement le plus soutenu depuis qu'a commencé le siège de la capitale
bosniaque. (Ibid., p. 16.)
11 juin 1992: Un convoi de l'ONU est attaqué aux abords de Sarajevo par des forces de
guérilleros serbes. L'équipe se dirigeait vers Sarajevo dans l'espoir d'ouvrir l'aéroport. (Ibid.,
p. 6.)
20 juin 1992: Des combattants serbes lancent une attaque contre le faubourg voisin de
Dobrinja au moyen de tirs d'artillerie, de chars et d'unités d'infanterie. Cette attaque
compromet les espoirs de pouvoir ouvrir l'aéroport pour permettre l'arrivée de secours. (Ibid.,
p. 5.)
21 juin 1992: Les survivants d'un autobus de réfugiés tenus en otages par les forces serbes en
dehors de Sarajevo relatent l'événement. Des Serbes armés ont ouvert le feu sur l'autobus au
moyen d'un bazooka et d'armes automatiques. Ensuite, les agresseurs ont lancé des grenades à
main dans l'autobus au milieu des morts et des blessés. Les survivants font également état de
viols et de tortures par les agresseurs serbes. (Ibid., p. 1.)
27 juin 1992: Fin de la trêve à l'aéroport de Sarajevo: des forces serbes déclenchent des tirs
d'artillerie et des attaques de chars contre des bâtiments civils situés dans un faubourg de
l'aéroport. Le Conseil de sécurité de l'ONU émet un ultimatum sommant les forces serbes demettre fin à leurs attaques et de placer leurs armes lourdes sous le contrôle de l'ONU. (Ibid., p.
1.)
28 juin 1992: En dépit de l'ultimatum lancé par le Conseil de sécurité de l'ONU, les forces
serbes continuent de bombarder Sarajevo. (Ibid., p. 1.)
30 juin 1992: Les troupes de l'ONU assument le contrôle de l'aéroport de Sarajevo et des
secours commencent à arriver pour la première fois depuis douze semaines. L'ONU envisage
de dépêcher une force de maintien de la paix de huit cent cinquante hommes. (Ibid., p. 1)
Juillet 1992
12 juillet 1992: Les forces serbes attaquent Gozarde, en Bosnie, ville de cinquante mille
habitants. (Ibid., p. 1.)
14 juillet 1992: Les forces nationalistes serbes continuent d'assiéger Sarajevo et dynamitent
les quatre lignes à haute tension qui alimentaient la ville, privant d'électricité les quatre cent
mille personnes qui restent à Sarajevo et mettant hors service les pompes qui assurent le
service d'eau courante. (Ibid., p. 1.)
21 juillet 1992: Par suite de la persistance des attaques serbes contre Sarajevo, l'accord conclu
sous les auspices de la Communauté européenne est rompu et l'aéroport de Sarajevo est
fermé. (Ibid., p. l.)
29 juillet 1992: La presse rapporte que des forces serbes ont obligé à fuir des milliers de
Musulmans en Bosnie occidentale. Les réfugiés disent avoir délibérément été soumis à la
terreur et avoir été forcés à signer des actes de cession de leurs biens. (Ibid., p. 4.)
Août 1992
3 août 1992: Des tirs d'artillerie serbes atteignent un autobus évacuant des enfants bosniaques
en Allemagne, tuant un petit garçon de quatorze mois et une petite fille de trois ans. (Ibid., p.
1.)
4 août 1992: Premiers rapports concernant les camps de concentration serbes. Les survivants
font un compte rendu détaillé et unanime des actes de torture, des viols et des assassinats dont
ont fait l'objet les prisonniers bosniaques. (Ibid., p. 1.)
5 août 1992: Une famille de Sarajevo allée enterrer une jeune fille tuée lors d'une attaque
serbe est prise sous le feu de tirailleurs serbes au cimetière de Sarajevo. (Ibid., p. 1.)
6 août 1992: Les forces serbes soumettent Sarajevo à un barrage massif d'artillerie dirigé
contre des quartiers civils fort peuplés. De nombreux survivants des camps de concentration
serbes font état, indépendamment mais de façon unanime, des traitements horribles infligés
aux prisonniers; les historiens tracent un parallèle avec les camps de la mort nazis. (Ibid., p. 1,
8.)
8 août 1992: Une bande vidéo britannique de prisonniers bosniaques émaciés dans un camp
serbe confirme qu'un régime d'inspiration nazie règne dans les camps de concentration serbes.
Cette bande vidéo est diffusée dans toute l'Europe et aux Etats-Unis. (Ibid., p. 1.)9 août 1992: Les forces serbes encerclent le nord-ouest de la Bosnie, coupant les arrivées de
vivres et les chemins de repli pour trois cent mille Bosniaques. (Ibid., p. 10.)
21 août 1992: Les Serbes de Bosnie proclament la formation d'une république (la République
serbe de Bosnie-Herzégovine) sur le territoire pris à la Bosnie. (Cela n'est pas suivi d'une
reconnaissance internationale.) (Ibid., p. 1.)
22 août 1992: Radovan Karadzic, chef des forces serbes en Bosnie, s'engage à fermer les
camps de prisonniers serbes, à restituer les biens que son armée a saisis de force et à permettre
aux convois de secours d'accéder librement à Sarajevo et aux autres villes encerclées. (Il est
établi plus tard que Karadzic n'a pas tenu ces engagements.) (Ibid., p. 3.)
25 août 1992: Les combats à Sarajevo s'intensifient, les forces serbes bombardent le centre de
la ville et touchent l'hôtel Holiday Inn. L'intensité de l'attaque oblige à suspendre les vols de
secours. (Ibid., p. 8.)
26 août 1992: Alors que les pourparlers de paix s'ouvrent à Londres, les forces serbes
continuent de bombarder Sarajevo et incendient la principale bibliothèque de la ville. Par
ailleurs, les forces serbes poursuivent leur attaque contre Mostar, tandis que des avions serbes
bombardent Novi Travnik. (Ibid., p. 8)
27 août 1992: Les Serbes déclenchent une attaque d'artillerie contre Sarajevo, touchant des
bâtiments médiévaux musulmans et la bibliothèque principale. (Ibid., p. 10.)
29 août 1992: Le dirigeant serbe Radovan Karadzic promet, pendant les pourparlers de
Londres, de lever le siège de quatre grandes villes de Bosnie. Quelques heures seulement
après la fin de ces pourparlers, toutefois, Sarajevo est soumise à de violents tirs de mortier et
d'artillerie. Il y a au moins dix morts, et le principal hôpital de Sarajevo dit avoir soigné
soixante blessés en quatre heures. (Ibid., p. 5.)
29 août 1992: Des survivants de camps de concentration serbes font à nouveau état des
menaces de mort et des tortures dont les prisonniers bosniaques font l'objet de la part de leurs
ravisseurs serbes. (Ibid., p. 1.)
30 août 1992: Le dirigeant serbe de Bosnie Radovan Karadzic annonce la levée du siège de
Godarze, en Bosnie, mais le Gouvernement bosniaque affirme que les combats se poursuivent
dans la ville. (Ibid., p. 18.)
31 août 1992: L'explosion au milieu d'un marché de Sarajevo, à l'heure d'affluence, d'un obus
tiré par les forces d'artillerie serbes fait quinze morts et une centaine de blessés parmi la
population bosniaque. (Ibid., p. 6.)
Septembre 1992
1er septembre 1992: Une grenade lancée dans un cimetière pendant l'enterrement d'un soldat
bosniaque fait un mort et trois blessés. (Ibid., p. 3.)
4 septembre 1992: Un avion de l'ONU transportant des secours à Sarajevo est abattu. Le
président Bush des Etats-Unis s'élève contre les camps administrés par les Serbes, disant queles prisonniers y sont mal nourris et affamés, font l'objet de violences sexuelles et de mauvais
traitements et sont exécutés. (Ibid., p. 1.)
9 septembre 1992: Les forces serbes reprennent le siège de Goradze. Les milices serbes
placées sous le commandement de Dusko Kornjaca lancent l'assaut, qui, selon les propres
estimations de Kornjaca, fait cinquante mille morts. (Ibid., p. 1.)
9 septembre 1992: Les forces bosniaques essaient de briser l'encerclement de Sarajevo par les
Serbes. (Cette attaque ne parvient pas à briser le siège.) (Ibid., p. 10.)
11 septembre 1992: Selon un rapport publié par le Gouvernement Bush, les forces serbes en
Bosnie suivent les appareils de l'ONU qui transportent des secours à Sarajevo pour couvrir
leurs attaques aériennes contre les Bosniaques. (Ibid., p. 10.)
13 septembre 1992: Les Serbes continuent à lancer des bombardements nourris dans
différentes régions de Bosnie-Herzégovine alors même que leurs armes devaient être placées
sous contrôle de l'ONU. (Ibid., p. 2.)
15 septembre 1992: Les forces serbes lancent une nouvelle vague de bombardements malgré
la présence d'observateurs de l'ONU surveillant les positions de l'artillerie serbe à Sarajevo.
(Ibid., p. 3.)
23 septembre 1992: Un Musulman bosniaque relate en détail comment plus de deux cents
civils ont été massacrés par les forces serbes après avoir été libérés d'un camp de
concentration serbe proche de Travnik: après avoir été tués d'une balle dans la tête, les
cadavres des prisonniers ont été jetés dans un ravin. (Ibid., p. 14.)
26 septembre 1992: Le massacre de deux cents Bosniaques près de Travnik est confirmé par
le représentant de la Communauté européenne, lord Owen, et l'envoyé de l'ONU, Cyrus
Vance. On confirme également une nouvelle vague de purification ethnique par les Serbes
dans la ville de Banja Luka. (Ibid., p. 2.)
26 septembre 1992: On apprend, de source officielle américaine, que trois mille Musulmans,
hommes, femmes et enfants, auraient trouvé la mort. en mai et juin, dans les camps de
concentration serbes proches de la ville de Brcko, en Bosnie. Selon un porte-parole du
département d'Etat des Etats-Unis, les nouvelles font état «de tueries délibérées, de tortures
des prisonniers, de mauvais traitements de civils dans les centres de détention, d'attaques
délibérées dirigées contre des non-combattants, de dévastations aveugles et de destructions de
biens et d'autres actes comme des expulsions forcées et des déportations massives de civils ».
(Ibid., p. 1.)
27 septembre 1992: Les attaques contre Sarajevo s'intensifient et la ville connaît sa pire
semaine de bombardements depuis avril. Les tirailleurs touchent neuf cent vingt civils, dont
cent vingt-neuf sont tués. Sarajevo demeure privée d'électricité et d'eau courante. (Ibid., p.
12.)
27 septembre 1992: Le Gouvernement bosniaque déclare que l'invasion serbe a fait onze mille
morts, ce qui « est établi », et cinquante-six mille disparus. Sarajevo. (Ibid., p. 12.)
Octobre 19922 octobre 1992: Plus de cinq cents habitants de Grbavica, faubourg de Sarajevo, sont forcés de
quitter leurs foyers et d'abandonner leurs biens après que la ville est prise par les forces
serbes. L'on voit dans cet événement une preuve manifeste de ce que les Serbes reviennent sur
leur promesse de mettre fin à la « purification ethnique ». (Ibid., p. 1.)
3 octobre 1992: Au moins cent cinquante femmes et adolescentes musulmanes se trouvent
enceintes de plusieurs mois après avoir été violées par des combattants nationalistes serbes.
Elles disent aussi avoir été emprisonnées pendant plusieurs mois après avoir été violées pour
les empêcher de se faire avorter. (Ibid., p. 5.)
6 octobre 1992: Les forces serbes intensifient à nouveau le bombardement de Sarajevo et
touchent plusieurs grands immeubles d'habitation. Plusieurs de ces immeubles sont incendiés
et leurs occupants essaient de sauver leurs effets personnels en les jetant par la fenêtre. (Ibid.,
p. 10.)
8 octobre 1992: Les agresseurs serbes déclenchent une attaque d'artillerie contre la ville de
Hrasno. Les Serbes utilisent des obus incendiaires pour transformer le quartier en enfer. (Ibid.,
p. 14.)
9 octobre 1992: Les forces serbes reprennent leur offensive dans le nord de la Bosnie après
avoir consolidé leurs solides victoires antérieures. (Ibid., p. 32.)
10 octobre 1992: Un obus de mortier serbe explose dans une cour pleine d'enfants, faisant
trois morts et dix blessés. Plusieurs des enfants doivent être amputés. (Ibid., p. 10.)
11 octobre 1992: Moins de vingt-quatre heures après que l'ONU interdit les vols d'appareils
militaires, des chasseurs serbes attaquent la ville bosniaque de Gradacac, faisant au moins dix-
neuf morts et trente-quatre blessés. D'autres villes du nord de la Bosnie, près de Brcko, sont
également touchées. (Ibid., p. 10.)
11 octobre 1992: La conquête de Bosanki Brod, en Bosnie, par les Serbes force les Croates à
fuir. (Ibid., p. 1.)
19 octobre 1992: Sarajevo déclare que les bombardements serbes ont détruit la seule meunerie
de la ville, exposant à la famine une population se nourrissant essentiellement de pâtes et de
pain. (Ibid., p. 5.)
20 octobre 1992: Les Serbes expulsent de leurs foyers deux mille cinq cents Musulmans
bosniaques près de Hotor Varos. (Ibid., p. 10.)
22 octobre 1992: Les Serbes entreprennent un bombardement massif de Sarajevo dans l'espoir
de faire capituler la ville sans combat. Les Serbes occupent maintenant au moins les deux tiers
du territoire bosniaque. Les Serbes reçoivent un appui logistique de la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro). (Ibid., p. 1)
25 octobre 1992: Les Serbes commencent à accélérer leurs attaques contre plusieurs villes
stratégiques de Bosnie. (Ibid., p. 12.)29 octobre 1992: La Bosnie essuie sa pire défaite aux mains des Serbes: la ville de Jajce,
stratégiquement située, tombe à la suite d'une offensive serbe. La file de réfugiés fuyant la
ville s'étend sur une cinquantaine de kilomètres. (Ibid., p. 3)
Novembre 1992
1er novembre 1992: Des milliers de soldats et de civils épuisés arrivent à Travnik, en Bosnie-
Herzégovine, après la défaite militaire des forces bosniaques à Jajce. (Ibid., p. 14.)
3 novembre 1992: Après la prise de Jajce par les Serbes, vingt-cinq mille Musulmans se
réfugient à Vitez. Selon les services de l'ONU, il y a désormais en Bosnie un million et demi
de sans-abri, sans parler de ceux assiégés chez eux par les Serbes. (Ibid., p. 3.)
6 novembre 1992: L'ONU déclare que, depuis le 22 octobre, les forces serbes ont effectué de
dix-huit à vingt survols de la Bosnie malgré l'interdiction imposée par la résolution du Conseil
de sécurité. (Ibid., p. 8.)
6 novembre 1992: Des combats éclatent entre Serbes et Musulmans près de l'aéroport de
Sarajevo. Un avion américain de secours est touché. (Ibid.)
10 novembre 1992: Le dirigeant serbe bosniaque Radovan Karadzic exige un partage de la
Bosnie sur une base ethnique, sous peine de voir les combats s'intensifier. (Ibid., p. 8.)
14 novembre 1992: Le ministre des affaires étrangères de Bosnie, Haris Silajdzic, déclare que
l'agression serbe a fait cent mille morts, pour la plupart des Musulmans. (Ibid., p. 5.)
20 novembre 1992: Les forces serbes attaquent des unités françaises protégeant un convoi de
secours bosniaque. (Ibid., p. 1.)
21 novembre 1992: Les Serbes déclenchent un bombardement nourri contre la ville de
Travnik, en Bosnie. Travnik revêt une importance stratégique pour la défense bosniaque dans
la mesure où la ville contrôle l'une des principales routes d'accès à Sarajevo. Selon les
informations reçues, la Bosnie a envoyé six mille hommes défendre la ville. (Ibid., p. 3.)
22 novembre 1992: Les forces serbes attaquent Travnik, en Bosnie, pour essayer d'ouvrir une
autre route menant à Sarajevo. (Ibid., p. 8.)
24 novembre 1992: Les forces serbes bombardent Sarajevo de façon soutenue. En outre, les
Serbes intensifient leurs attaques contre Travnik, en Bosnie, peuplée principalement de
Musulmans et de Croates. (Ibid., p. 3.)
27 novembre 1992: Publication d'un rapport spécial concernant Borislav Herak, membre des
forces auxiliaires serbes, passible de la peine capitale pour génocide. Lors d'une entrevue,
Herak décrit les crimes que les forces serbes ont commis à l'encontre des Musulmans de
Bosnie. (Ibid., p. 1.)
29 novembre 1992: Les Serbes laissent finalement repartir un convoi de secours de l'ONU
après l'avoir empêché d'entrer en Bosnie pendant trois jours. (Ibid., p. 14.)30 novembre 1992: Les forces croates et serbes s'affrontent en Bosnie-Herzégovine quelques
heures seulement avant l'entrée en vigueur du cessez-le-feu. (Ibid., p. 3)
Décembre 1992
1er décembre 1992: Les Serbes et les Croates se livrent d'âpres combats en Bosnie-
Herzégovine. Un mort à Sarajevo. (Ibid., p. 8.)
2 décembre 1992: L'ONU suspend les vols humanitaires à Sarajevo après qu'un appareil
militaire américain est touché par des tirs d'armes légères en dépit du cessez-le-feu qui est
censé être en vigueur. (Ibid., p. 7.)
2 décembre 1992: La Commission des droits de l'homme de l'ONU à Genève condamne les
Serbes de Bosnie comme étant principalement responsables des atrocités commises pendant
l'invasion de Bosnie. (Ibid.)
6 décembre 1992: Les forces serbes reprennent leur bombardement du centre de Sarajevo et
intensifient l'attaque menée au moyen de blindés contre un faubourg proche. (Ibid., p. 18.)
6 décembre 1992: A Otes, faubourg situé à une dizaine de kilomètres de Sarajevo, les forces
serbes s'opposent aux forces bosniaques pour s'assurer la maîtrise des principaux accès à
l'aéroport de Sarajevo. (Ibid.)
7 décembre 1992: Les Serbes, ayant conquis la majeure partie d'Otes, empêchent les forces de
l'ONU d'y parvenir et d'y secourir les civils. Les Serbes privent Sarajevo de services
téléphoniques, d'eau et d'électricité. (Ibid., p. 6.)
9 décembre 1992: Les Serbes déclenchent un bombardement nourri du centre historique de
Sarajevo, causant apparemment de lourdes pertes parmi la population civile. (Ibid., p. 19.)
9 décembre 1992: Les Serbes, au moyen de chars, bloquent la route d'accès à l'aéroport et
empêchent les secours de parvenir aux civils enfermés à Sarajevo. Les Serbes tirent sur les
contingents français de l'ONU, les obligeant à quitter leurs quartiers près de l'aéroport. (Ibid.,
p. 3.)
27 décembre 1992: Lors d'une interview, un artilleur d'une unité de chars serbe décrit le
neuvième mois du siège de Sarajevo, disant comment il a reçu l'ordre de tirer sur l'immeuble
où vivaient ses parents. Les militaires serbes confirment que les quartiers civils sont visés.
(Ibid., p. 4.)
Janvier 1993
9 janvier 1993: Les enquêteurs de la Communauté européenne estiment que, lors de l'invasion
serbe de la Bosnie, vingt mille Musulmanes ont été violées par des Serbes. Les dirigeants de
la Communauté européenne condamnent les actes de violence, les qualifiant de «
systématiques ». (Ibid., p. 1.)
20 janvier 1993: Le dernier rapport sur la situation des droits de l'homme dans le monde
présenté par le gouvernement Bush déclare que les forces serbes en Bosnie-Herzégovinemènent une campagne «de cruauté, de brutalité et d'assassinat » qui n'a pas eu d'égale depuis
l'époque des nazis. (Ibid., p. 8.)
24 janvier 1 993: Les services américains de renseignements font savoir qu'au moins cent
trente-cinq des camps de concentration établis par les Serbes lors du déclenchement des
hostilités existent encore alors même que les Serbes avaient promis de les fermer. (Voir les
nouvelles du 22 août 1992 et la promesse faite par Radovan Karadzic de fermer les camps.)
(Ibid., p. 1.)
28 janvier 1993: Sarajevo essuie un nouveau bombardement serbe qui fait au moins dix morts
et soixante-dix blessés. En outre, les forces serbes terrorisent les Musulmans de Trebinje.
(Ibid., p. 6.)
Février 1993
7 février 1993: Les Serbes obligent quatre mille Bosniaques, sous la menace des armes, à
quitter leurs foyers à Trebinje, en Bosnie. Les forces militaires serbes auraient installé d'autres
Serbes dans les foyers évacués. (Ibid., p. 18.)
8 février 1993: Les Serbes reprennent leur campagne de « purification éthnique » après la
remise d'une proposition de l'ONU envisageant un partage de la Bosnie en cantons. Les
réfugiés bosniaques sont forcés de fuir Cerska, Kamenica, et d'autres villages bosniaques
assiégés situés au-dessus de la ville de Zvornik, sur la Drina, à l'est de la Bosnie. Les Serbes
poursuivent leur campagne de bombardements soutenus. (Ibid., p. 10.)
17 février 1993: Un convoi de l'ONU apportant des secours destinés à la ville assiégée de
Cerska est stoppé par les forces serbes. (Ibid., p. 8.)
25 février 1993: Elie Wiesel, lauréat du prix Nobel de la paix, dit avoir été « trahi » par les
Serbes à propos d'un certain nombre de prisonniers interviewés dans le camp de concentration
de Manjanca. Wiesel dit que les prisonniers qu'il a interviewés ont ensuite été appelés et punis
par les commandants serbes des camps. (Ibid., p. 19.)
26 février 1993: Les forces serbes permettent à un convoi de secours -tutelles avaient arrêté
douze jours de parvenir à Goradze, ville musulmane isolée de l'est de la Bosnie. (Ibid., p. 1)
Mars 1993
3 mars 1993: Les forces serbes lancent, à l'aube, une attaque contre l'enclave bosniaque de
Cerska. Le plus gros de la résistance bosniaque prend fin rapidement sous les bombardements
de l'artillerie. Cette attaque fait suite à la campagne de « purification éthnique » menée par les
Serbes. L'attaque commence par un violent barrage d'artillerie, après quoi une campagne de
terreur est menée contre la population musulmane locale pour transformer les survivants en
réfugiés. (Ibid., p. 1.)
4 mars 1993: Les forces serbes poursuivent leur attaque contre l'enclave bosniaque de Cerska.
La résistance bosniaque s'effondre et les Serbes bombardent les civils musulmans. (Ibid., p.
1.)5 mars 1993: L'enclave bosniaque de Cerska capitule sous l'attaque serbe. Quelque mille cinq
cents Musulmans sont blessés. Les réfugiés s'enfuient vers l'enclave musulmane de Srebenica,
en Bosnie. (Ibid., p. 8.)
7 mars 1993: Des nouvelles parviennent sur la façon dont, pendant toute une semaine, les
Serbes ont détruit l'enclave de Cerska, en Bosnie. L'attaque lancée par les Serbes semble avoir
été motivée par les largages de secours des Américains. Cerska était la première ville sur
laquelle les Américains ont largué des vivres et des secours. (Ibid., p. 3.)
13 mars 1993: A Vitez, en Bosnie, vingt femmes et enfants musulmans sont tués par des obus
serbes après s'être pressés autour de deux véhicules blindés de transport de troupes
britanniques dans l'espoir de pouvoir sortir en sécurité de la ville. (Ibid., p. 4.)
14 mars 1993: Le soldat serbe Borislav Herak avoue des crimes commis dans le cadre des
opérations de «purification éthnique». Herak accuse Vojislav Seselj et Miro Vukovic
d'appartenir aux autorités politiques et militaires qui ont «joué un rôle majeur» dans les
opérations. (Ibid., p. 10.)
14 mars 1993: Les forces bosniaques commencent à évacuer par avion vers des hôpitaux de
Tuzla, en Bosnie, les malades les plus graves se trouvant dans l'enclave assiégée de
Srebrenica. Le général Morillon, commandant des forces militaires de l'ONU en Bosnie, exige
des Serbes qu'ils mettent fin à leur offensive contre Srebrenica. Un médecin de l'Organisation
mondiale de la santé signale que les combats ont enfermé quelque soixante mille personnes à
Srebrenica et que deux mille personnes sont mortes de maladie, de faim et des intempéries.
(Ibid., p. 10.)
15 mars 1993: Les forces serbes, appuyées par des chars, prennent la ville de Konjevic Polje,
en Bosnie, tandis que la population musulmane cherche refuge à Srebrenica. Cette nouvelle
est confirmée par un commandant britannique des forces de l'ONU. En outre, des
bombardements de l'enclave musulmane par les Serbes sont signalés. (Ibid., p. 3.)
19 mars 1993: A Cerska, en Bosnie, des militaires bosniaques confirment les nouvelles
diffusées par un opérateur de radio sur ondes courtes selon lesquelles les Serbes ont tué
plusieurs civils après avoir pris le village. (Ibid., p. 10.)
19 mars 1993: Les bombardements serbes font plusieurs morts et plusieurs blessés à
Srebrenica, en Bosnie. (Ibid., p. 1.)
19 mars 1993: Les forces serbes reviennent sur leur engagement de laisser libre passage à un
convoi de secours de l'ONU, et les Serbes lancent un nouvel et intense barrage d'artillerie
contre Sarajevo. (Ibid.)
21 mars 1993: L'on voit des avions serbes bombarder deux villages musulmans (Gladovici et
Osatica) en violation de la résolution interdisant les survols de la Bosnie. (Ibid., p. 6.)
Eléments et déclarations impliquant le Gouvernement de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)
à Belgrade dans une campagne de génocide
87B. Les déclarations et éléments suivants impliquent le Gouvernement de la Yougoslavie
(Serbie et Monténégro) à Belgrade dans les actes de génocide commis par les Serbes enRépublique de Bosnie-Herzégovine. Sauf indication contraire, toutes les mentions de source
désignent le numéro de même date du New York Times.
Avril 1992
4 avril 1992: Des membres des forces irrégulières serbes, appuyés par l'armée yougoslave,
attaquent des forces musulmanes et croates à Bosanski Brod et à Kupres. Des diplomates
qualifient ces attaques de tentatives manifestes de faire obstacle à la reconnaissance de
l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine par la Communauté européenne. (New York Times,
p. 3.)
5 avril 1992: Des membres des forces irrégulières serbes et de l'armée yougoslave poursuivent
leur attaque contre les villes bosniaques de Bosanski Brod et de Kupres. Le président Alija
Izetbegovic est obligé d'annoncer la mobilisation de la garde nationale et d'unités de réserve
de la police. (Ibid., p. 3)
7 avril 1992: Sarajevo est soumise à des tirs d'armes automatiques lourdes et à des attaques à
la grenade après que le président Izetbegovic de Bosnie eut refusé de rapporter un ordre de
mobilisation des forces de la garde nationale. (Ibid., p. 3.)
8 avril 1992: L'armée yougoslave, sous commandement serbe, ordonne des attaques aériennes
contre les villes essentiellement croates de Siroki Brijeg et de Citluk, en Bosnie-Herzégovine.
(Ibid., p. 10)
9 avril 1992: Des unités serbes provenant de Serbie même attaquent Visegrad et Znornik. Des
combats d'artillerie sont également signalés à Mostar, Derventa et Focal Des avions de l'armée
de l'air yougoslave bombardent les villes de Siroki Brijeg et de Citluk pour le deuxième jour
consécutif. (Ibid., p. 9.)
10 avril 1992: Devant des chars de l'armée yougoslave qui n'interviennent pas, une force de
guérilleros appuyée par les Serbes prennent la ville de Zvornik, en Bosnie. (Ibid., p. 14.)
12 avril 1992: L'armée yougoslave conquiert de nouveaux territoires en Bosnie-Herzégovine.
Des unités de l'armée envahissent la ville de Modrica avant l'aube. (Ibid., p. 16.)
14 avril 1992: Devant le National Press Club, M. Haris Silajdzic, ministre des affaires
étrangères de Bosnie-Herzégovine, appelle à l'aide:
«De nouvelles unités des forces irrégulières [serbes] sont amenées en Bosnie-Herzégovine en
provenance de Serbie, du Monténégro et de la ville croate de Knin à bord de camions et
d'hélicoptères de l'armée populaire yougoslave.» (LegislateTrancript ID: 821134.)
15 avril 1992: Interviewé pour l'émission « International Hour », diffusée par la chaîne de
télévision CNN, M. Haris Silajdzic, ministre des affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine,
souligne à nouveau que l'armée populaire yougoslave introduit en Bosnie des forces
irrégulières serbes. M. Silajdzic relève en outre, lors de la même interview, que les Serbes
étaient équipés par l'armée yougoslave.
15 avril 1992: Les forces militaires serbes et yougoslaves rompent le cessez-le-feu conclu
sous les auspices de la Communauté européenne. Des unités serbes et des unités de l'arméeconquièrent plusieurs régions peuplées de Slaves musulmans, ainsi que les villes bosniaques
de Foca, Mostar et Gozarde. (New York Times, p. 6.)
19 avril 1992: Les guérilleros serbes bombardent le centre de Sarajevo au mortier au moment
même où une personnalité américaine arrive avec des secours humanitaires pour la Bosnie.
(Ibid., p. 1.)
20 avril 1992: L'armée yougoslave bombarde Mostar. Pendant au moins trois heures, des obus
tombent sur des quartiers très peuplés et incendient plusieurs appartements. (Ibid., p. 3)
21 avril 1992: Lors d'une réunion d'information à la Maison-Blanche, une haute personnalité
du gouvernement déclare que l'armée nationale yougoslave cause en Bosnie des problèmes
qui rendent difficile l'établissement de rapports avec Belgrade. (LegislateTranscript ID:
821477.)
22 avril 1992: Des avions à réaction de l'armée de l'air yougoslave attaquent les villes
bosniaques de Siroki Brijeg, Citluk, Grude et Capljina. (New York Times, p. 10.)
23 avril 1992: Appuyées par l'armée yougoslave, les forces serbes intensifient leurs attaques
contre Sarajevo ainsi que contre plusieurs autres villes bosniaques de moindre envergure.
(Ibid., p. 10.)
23 avril 1992: Lors d'une interview accordée à l'émission « MacNeil/ Lehrer», diffusée par la
chaîne de télévision PBS, M. Lawrence Eagleburger, secrétaire d'Etat adjoint des Etats-Unis,
qualifie de « scandaleux » le comportement du Gouvernement serbe et de l'armée nationale
yougoslave et blâme ces derniers pour la dégradation de la situation en Bosnie. M.
Eagleburger note que l'armée nationale yougoslave et les forces irrégulières serbes sont plus «
actives » que les autres forces dans la région.
30 avril 1992: Des combats se poursuivent dans au moins cinq villes différentes des régions
nord, est et sud de la République de Bosnie, tandis que la bataille continue au centre de
Sarajevo. Ces attaques des forces serbes et d'unités de l'armée yougoslave sont menées au
moyen de tirs d'artillerie et de mortier et d'armes légères. En outre, des unités de l'armée
yougoslave continuent d'attaquer la ville bosniaque de Mostar au moyen de pièces d'artillerie
et de mortier et à la roquette. (New York Times, p. 13.)
Mai 1992
3 mai 1992: La plus violente attaque dont Sarajevo ait encore fait l'objet éclate lorsque des
guérilleros serbes et des forces de l'armée yougoslave déclenchent des tirs d'artillerie et de
mitrailleuse contre le quartier musulman de la ville. L'attaque, lancée peu après 13 heures, se
poursuit jusqu'à une heure avancée de la nuit. (Ibid., p. 1.)
6 mai 1992: Des avions à réaction de l'armée de l'air yougoslave attaquent à la roquette
plusieurs cibles de Sarajevo, tandis que les forces de guérilleros serbes poursuivent leurs
attaques contre la ville. (Ibid., p. 16.)
13 mai 1992: Essayant d'éluder des sanctions internationales, la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) fait savoir qu'elle renonce à exercer le contrôle sur les unités de l'armée
yougoslave se trouvant en Bosnie-Herzégovine. (Ibid., p. 1507)19 mai 1992: Lors d'une conférence de presse, M. Haris Silajdzic, ministre des affaires
étrangères de Bosnie-Herzégovine, déclare que la guerre en Bosnie n'est pas un combat qui
oppose les Serbes, les Musulmans ou les Croates, mais est plutôt une guerre d'agression
menée par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) contre la Bosnie-Herzégovine. (Legislate
Transcript ID: 831298.)
26 mai 1992: Lors de la réunion d'information quotidienne du département d'Etat, Richard
Boucher déclare que les Etats-Unis n'accordent aucun crédit au désaveu du Gouvernement de
la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) à Belgrade. Boucher impute la responsabilité de la
guerre en Bosnie à l'armée yougoslave et au Gouvernement serbe. (LegislateTranscript ID:
831755.)
28 mai 1992: L'ambassadeur des Etats-Unis en Yougoslavie (Serbie et Monténégro), M.
Warren Zimmerman, interviewé à l'émission « Today » de la chaîne NBC, déclare que les
Etats-Unis voient dans le conflit non pas un conflit ethnique mais plutôt une « guerre
d'agression qui est menée par la Serbie et le président serbe, Milosevic, contre une république
indépendante». (Legislate Transcrint ID: 831904.)
Juin 1992
3 juin 1992: Lors de la réunion d'information périodique du département d'Etat, interrogé sur
le point de savoir si les Etats-Unis étaient « certains » que les dirigeants serbes contrôlaient
les groupes de forces irrégulières serbes à l'intérieur de la Bosnie, Richard Boucher, porte-
parole du département d'Etat des Etats-Unis, répond que le Gouvernement de Belgrade, plutôt
que retirer l'armée yougoslave, l'avait remise aux dirigeants extrémistes serbes de Bosnie. Il
poursuit en disant ce qui suit:
« En Bosnie, la réalité sur le terrain est qu'il s'agit d'un Etat indépendant qui est ravagé par les
forces armées serbes, aussi bien par des unités de l'armée que par des forces irrégulières, qui
ont été déchaînées par Belgrade et qui sont inspirées et équipées et continuent d'être appuyées
par Belgrade. » (Legi-slateTranscript ID: 840231.)
9 juin 1992: Le Gouvernement bosniaque publie la transcription d'un enregistrement de
propos tenus par des dirigeants militaires serbes, dont plusieurs officiers de l'armée
yougoslave, selon lesquels le général commandant les forces a ordonné le bombardement de
tous les quartiers résidentiels bosniaques. Son ordre exact était: « Brûlez tout. » (New York
Times, p. 10.)
11 juin 1992: Ralph Johnson, secrétaire d'Etat adjoint, déclare ce qui suit lors d'une audition
concernant les affaires européennes d'une sous-commission du Sénat:
« Ostensiblement, l'armée [yougoslave] a été retirée mais elle est restée dans certains cas —
de nombreux cas — avec son équipement et est demeurée sous le commandement du général
Vladic. Pour autant que nous le sachions, ce dernier est nommé et payé par Belgrade.
Par conséquent, peu importe réellement, selon nous, la question de savoir si Belgrade exerce
ou non un contrôle tactique sur les différentes unités. L'important est que Belgrade a
effectivement, à notre avis, assez d'influence pour pouvoir avoir un impact sensible sur les
attaques menées par ces forces irrégulières, et que Belgrade doit être tenu pour responsable du
fait que c'est lui qui a mis en route ce processus...A notre avis, M. Milosevic contrôle effectivement l'armée yougoslave... Les éléments de
preuve sont selon nous très, très convaincants... » (Legislate Transcript ID: 840866.)
23 juin 1992: Thomas Niles, sous-secrétaire d'Etat, déclare ce qui suit lors d'une audition de la
sous-commission de la chambre chargée des affaires européennes et des affaires du Moyen-
Orient, en réponse à une question posée par le député Solarz:
«Je dirais que les bombardements persistants de la ville de Sarajevo par les forces serbes ...
sont certainement soumis à une d'influence très directe sinon au contrôle, de Belgrade.»
Niles ajoute qu'à son avis le président de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), Slobodan
Milosevic, est «directement impliqué dans ce qui se passe en Bosnie-Herzégovine».
(LegislateTranscript ID: 841690.)
26 juin 1992: Lors d'une réunion avec lord Carrington (Royaume-Uni), le président serbe,
Slobodan Milosevic, refuse de reconnaître la République indépendante de Bosnie-
Herzégovine, déclarant que son statut doit être déterminé par les dirigeants de la Yougoslavie
fédérale. Toutefois, après l'accession à l'indépendance, au cours de l'année écoulée, de quatre
des anciennes républiques de la Yougoslavie, seuls la Serbie et le Monténégro continuent de
faire partie de la fédération. (New York Times, p. 8.)
Juillet 1992
10 juillet 1992: A la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, James Baker,
secrétaire d'Etat des Etats-Unis, se réfère aux grandes quantités d'armes lourdes transportées
de Serbie en Bosnie pour équiper les forces serbes en Bosnie. (Legislate Transcript ID:
850551.)
11 juillet 1992: James Baker, secrétaire d'Etat des Etats-Unis, déclare à Milan Panic que les
Etats-Unis tiennent le Gouvernement serbe à Belgrade pour responsable «du cauchemar
humanitaire» causé par l'invasion de la Bosnie par les Serbes. (The Houston Chronicle, p. 1, «
Bush demande instamment aux Yougoslaves de mettre fin au bain de sang ethnique.»)
Août 1992
4 août 1992: Thomas Niles, sous-secrétaire d'Etat, déposant lors d'une audition de la sous-
commission de la chambre chargée des affaires européennes et des affaires du Moyen-Orient,
déclare aux députés que la ville de Vucovar est détruite par des forces « contrôlées par le
Gouverment de Serbie ». Plus tard, Niles mentionne que les forces serbes en Bosnie sont «
organisées ... menées par le Gouvernement de Belgrade, le Gouvernement serbe, et attaquent
des populations essentiellement désarmées en Bosnie-Herzégovine». (Legislate Transcript ID:
860166.)
6 août 1992: Une liste de cent cinq camps de concentration serbes est rendue publique; quatre-
vingt-quatorze d'entre eux se trouvent en Bosnie-Herzégovine, et onze en Serbie. (New York
Times, p. 1.)
9 août 1992: A l'émission « Cette semaine avec David Brinkley », diffusée par la chaîne de
télévision ABC, Brent Scrowcroft, conseiller pour la sécurité nationale des Etats-Unis, déclareque les Serbes ont «le monopole des armes lourdes » dans le conflit et que cela est dû au fait
que ces armes leur sont remises par l'armée yougoslave. (Legislate Transcript ID: 860443.)
12 août 1992: A l'émission « Edition du matin », interview de William Taylor, vice-président
chargé des programmes concernant la sécurité internationale du centre d'études stratégiques et
d'études internationales:
«Les solutions [aux problèmes en Bosnie] se trouvent ... à Belgrade, où se trouvent Slobodan
Milosevic, le président, et son haut état-major militaire. Ce sont eux qui ont le contrôle des
forces militaires régulières serbes et des forces des milices serbes ... qui sont toutes à l'origine
de ces atrocités et qui tuent beaucoup de monde en Bosnie... Il y a une chose que nul ne
conteste: ce sont Milosevic et le haut état-major qui contrôlent l'armée nationale yougoslave.
Cela représente environ trente divisions. Selon les estimations du Centre d'études stratégiques
et d'études internationales — et nous suivons la situation depuis des mois — il y a encore sept
divisions régulières en Bosnie et aux alentours. La Serbie contrôle ces forces, cela ne fait
aucun doute...»
Septembre 1992
11 septembre 1992: Lors de la réunion d'information quotidienne du département d'Etat,
Richard Boucher, porte-parole du département d'Etat des Etats Unis, déclare que « les
autorités de Belgrade continuent de livrer des armes, des munitions, du carburant, des pièces
détachées et différents autres équipements aux Serbes de Bosnie ». De ce fait, Boucher
déclare que Belgrade « porte une certaine responsabilité ».
28 septembre 1992: Selon un article du New York Times, la Serbie est utilisée comme une
source d'approvisionnements en armes et en troupes aux fins des combats en Bosnie. (New
York Times, p. 5.)
Mars 1993
18 mars 1993: Selon l'agence de presse UPI la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé la
zone d'interdiction de survol sur la Bosnie et a mené des attaques militaires aériennes contre
les villes assiégées de l'est de la Bosnie.
II. LA COMPÉTENCE DE LA COUR
88. Le paragraphe 1 de l'article 36 du Statut de la Cour dispose que la compétence de la Cour
« s'étend ... à tous les cas spécialement prévus ... dans les traités et conventions en vigueur ».
En tant que Membres de l'Organisation des Nations Unies, la République de Bosnie-
Herzégovine et la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) sont parties au Statut, qui fait partie
intégrante de la Charte. Ces questions seront étudiées plus en détail ci-après.
89. La République de Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) sont
également parties à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
qui, en ce qui concerne les deux parties contractantes, est demeurée constamment en vigueur
pendant toute la période visée dans la présente affaire.
90. L'article IX de la convention sur le génocide dispose que:« Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l'interprétation l'application ou
l'exécution de la présente convention, y compris ceux relatifs à la responsabilité d'un Etat en
matière de génocide ou de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article III, seront
soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête d'une partie au différend. »
91. Le 29 décembre 1992, M. Muhamed Sacirbey, ambassadeur et représentant permanent de
la République de Bosnie-Herzégovine auprès des Nations Unies, a transmis au Secrétaire
général de l'Organisation des Nations Unies, M. Boutros Boutros-Ghali, une lettre datée du 17
décembre 1992, à laquelle était joint le texte original d'une notification de succession
concernant la convention sur le génocide, qui était signée par M. Haris Silajdzic, ministre des
affaires étrangères de la République de Bosnie-Herzégovine. Le Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies est le dépositaire de la convention sur le génocide. Dans
cette notification de succession. M. Silaidzic déclarait
«que le Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine, ayant examiné la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide, du 9 décembre 1948, à laquelle l'ex-
République fédérative socialiste de Yougoslavie était partie, souhaite être le successeur de
cette dernière et s'engage à respecter et exécuter scrupuleusement toutes les clauses figurant
dans ladite convention, avec effet à compter du 6 mars 1992, date à laquelle la République de
Bosnie-Herzégovine est devenue indépendante ».
92. Cette date d'entrée en vigueur de la notification de succession est conforme aux règles
ordinaires du droit international coutumier relatives à la succession d'Etats en matière de
traités. Ces règles ont été codifiées notamment dans les articles 17, 22, 23 et 34 de la
convention de Vienne du 23 août 1978 sur la succession d'Etats en matière de traités. L'ex-
Yougoslavie a signé cette convention de Vienne le 6 février 1979 et a déposé un instrument
de ratification de cette convention le 28 avril 1980. Par conséquent, la Bosnie-Herzégovine est
devenue partie à la convention sur le génocide à compter du 6 mars 1992 (sans aucune
réserve).
93. L'ex-Yougoslavie a signé la convention sur le génocide le 11 décembre 1948, et a déposé
le 29 août 1950 un instrument de ratification sans formuler de réserve. En conséquence, et
pour les raisons expliquées plus haut, la Bosnie-Herzégovine a succédé, le 6 mars 1992, aux
obligations que l'ex-Yougoslavie avait assumées en vertu de la convention sur le génocide et
ce sans aucune réserve. Ainsi, tant le requérant que le défendeur sont, et ont été, parties à la
convention sur le génocide tout au long de la période visée dans la présente instance.
94. L'article 3 de la Charte des Nations Unies dispose que:
« Sont Membres originaires des Nations Unies les Etats qui, ayant participé à la conférence
des Nations Unies pour l'Organisation internationale à San Francisco ... signent la présente
Charte et la ratifient conformément à l'article 110. »
L'ex-Yougoslavie a participé à la conférence de San Francisco et par conséquent est devenue
membre originaire des Nations Unies et partie à sa Charte.
95. Le 27 avril 1992, lors d'une session commune, le Parlement croupion de l'ancienne
République fédérative socialiste de Yougoslavie, l'Assemblée nationale de la République de
Serbie et l'Assemblée de la République du Monténégro ont adopté une déclaration qui était
censée exprimer la volonté de leurs citoyens «de demeurer au sein de l'Etat commun deYougoslavie» et par laquelle ils proclamaient la création de la prétendue « République
fédérale de Yougoslavie » dans les termes suivants:
« 1. La République fédérale de Yougoslavie, assurant la continuité de l'Etat et de la
personnalité juridique et politique internationale de la République fédérative socialiste de
Yougoslavie, respectera strictement tous les engagements que la République fédérative
socialiste de Yougoslavie a pris à l'échelon international. » (Voir A/46/915, annexe II, 7 mai
1992.)
Pour des raisons d'ordre pratique, cette prétendue entité sera désignée ci-après sous le nom de
« Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ».
96. Ce prétendu état «de continuité» a été vigoureusement contesté par l'ensemble de la
communauté internationale y compris par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations
Unies dans sa résolution 757 (1992) et sa résolution 777 (1992), ainsi que par l'Assemblée
générale dans sa résolution 47/1 du 22 septembre 1992. La République de Bosnie-
Herzégovine approuve entièrement et appuie ces trois résolutions.
97. Cependant, cette déclaration du 27 avril 1992 indique clairement que « la République
fédérale de Yougoslavie ... respectera strictement tous les engagements que la République
fédérative socialiste de Yougoslavie a pris à l'échelon international ».
98. Cette intention de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) de respecter les traités
internationaux auxquels était partie l'ex-Yougoslavie a également été confirmée dans une note
officielle datée du 27 avril 1992 adressée au Secrétaire général par la mission permanente de
la Yougoslavie auprès des Nations Unies. Cette note était ainsi conçue:
« Dans le strict respect de la continuité de la personnalité internationale de la Yougoslavie, la
République fédérale de Yougoslavie continuera à exercer tous les droits conférés à la
République fédérative socialiste de Yougoslavie et à s'acquitter de toutes les obligations
assumées par cette dernière dans les relations internationales, y compris en ce qui concerne
son appartenance à toutes les organisations internationales et sa participation à tous les traités
internationaux que la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré. » (Voir A/46/915,
annexe I, 7 mai 1992.)
La Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a donc exprimé son intention de se considérer liée
sans réserve par les dispositions de la convention sur le génocide.
99. Dans une lettre datée du 29 septembre 1992 adressée aux représentants permanents de
Bosnie-Herzégovine et de Croatie auprès des Nations Unies par le Secrétaire général adjoint
aux affaires juridiques, conseiller juridique, ce dernier tentait d'expliquer les «conséquences
pratiques» de la résolution 47/1 de l'Assemblée générale, du 22 septembre 1992. Dans la
partie pertinente de cette lettre, il était dit:
« D'un autre côté, la résolution ne met pas fin à l'appartenance de la Yougoslavie à
l'Organisation et ne la suspend pas... La résolution n'enlève pas à la Yougoslavie le droit de
participer aux travaux des organes autres que ceux de l'Assemblée... » (Voir A/47/485,
annexe, 30 septembre 1992.)100. Compte tenu des faits exposés ci-dessus, qui seront explicités dans l'ampliation des
conclusions de la Bosnie-Herzégovine dans la présente affaire, il est évident qu'il existe entre
la République de Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) un différend,
au sens de l'article IX de la convention sur le génocide,
«relatif à l'interprétation, l'application ou l'exécution de la présente convention [sur le
génocide], y compris un différend relatif à la responsabilité d'un Etat en matière de génocide
ou de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article III».
101. En conséquence, la Bosnie-Herzégovine estime que la Cour est compétente pour
connaître de ses revendications contre la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) sur la base de la
convention sur le génocide.
III. LES REVENDICATIONS DE LA BOSNIE-HERZÉGOVINE
102. En soumettant le présent différend à la Cour, la Bosnie-Herzégovine soutient ce qui suit:
103. L'article premier de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide dispose que les parties contractantes confirment que le génocide, qu'il soit commis
en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu'elles s'engagent à
prévenir et à punir. La Bosnie-Herzégovine affirme que la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) a violé les obligations qu'elle a solennellement assumées en vertu de l'article
premier. Le défendeur a planifié, préparé, comploté, favorisé, encouragé, et commis un
génocide contre le peuple et l'Etat de Bosnie-Herzégovine, s'est entendu pour le commettre et
il en a été le premier complice. Le défendeur a refuse d'empêcher que de tels actes soient
commis et de punir les responsables. En se livrant à des activités illégales et criminelles de ce
genre, la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) en est devenue juridiquement responsable sur le
plan international et a l'obligation de mettre immédiatement fin à de telles activités et d'y
renoncer et de verser à la Bosnie-Herzégovine des réparations pour les dommages et préjudice
qu'elle a subis.
104. L'article II de la convention sur le génocide définit le crime international de « génocide »
de la façon suivante:
«Article II
Dans la présente convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après,
commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, comme tel:
a. meurtre de membres du groupe;
b. atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c. soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa
destruction physique totale ou partielle;
d. mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe:
e. transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. »
Pour les raisons indiquées dans l'« Exposé des faits », et comme elle le démontrera dans
l'ampliation de ses conclusions dans la présente affaire, la Bosnie-Herzégovine soutient que la
Yougoslavie (Serbie et Monténégro), ses fonctionnaires, agents et auxiliaires ontexpressément violé, et violent actuellement, et menacent de continuer à violer les paragraphes
a), b) c) et d) de l'article II de la convention sur le génocide à l'encontre du peuple et de l'Etat
de Bosnie-Herzégovine.
105. L'article III de la convention sur le génocide dispose que seront punis les actes suivants:
a) le génocide, b) l'entente en vue de commettre le génocide; c) l'incitation directe et publique
à commettre le génocide; d) la tentative de génocide; e) la complicité dans le génocide.
Comme il est indiqué ci-dessus dans l'« Exposé des faits » et comme il sera démontré dans
l'ampliation de ses conclusions, la Bosnie-Herzégovine soutient que la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro), ses fonctionnaires, agents et auxiliaires ont violé à maintes reprises et de façon
flagrante et systématique les dispositions des paragraphes a), b), c), d) et e) de l'article III de
la convention sur le génocide à l'encontre du peuple et de l'Etat de Bosnie-Herzégovine.
106. Conformément à l'article IV de la convention sur le génocide, les personnes ayant
commis le génocide ou l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article III seront punies,
qu'elles soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des particuliers. Comme il est indiqué
ci-dessus dans l'« Exposé des faits » et comme il sera démontré dans l'ampliation de ses
conclusions, la Bosnie-Herzégovine soutient que « des gouvernants » et « des fonctionnaires »
de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ont personnellement violé les dispositions des
paragraphes a), b), c), d) et e) des articles II et III de la convention sur le génocide, et ce, à
titre individuel et aussi par l'intermédiaire d'agents et d'auxiliaires agissant sous leur
responsabilité directe ou avec leur coopération, appui, encouragement ou approbation.
Cependant, jusqu'ici, la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a refusé de les punir en violation
des obligations qu'elle a assumées aux termes des dispositions des articles III et IV.
107. En outre, la Bosnie-Herzégovine affirme que certains «particuliers» agissant sous la
responsabilité de « gouvernants » ou de « fonctionnaires » de la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) ou en collaboration avec eux ont violé les dispositions des paragraphes a), b), c),
d, et e) de l'article III de la convention sur le génocide. En droit international, les
comportements et agissements de ce genre mettent en jeu leur responsabilité individuelle de
même que la responsabilité de l'Etat de Yougoslavie (Serbie et Monténégro). Néanmoins, la
Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a refusé jusqu'ici de punir ces «particuliers », violant
ainsi les obligations qu'elle a assumées aux termes des dispositions des articles III et IV de la
convention sur le génocide.
108. Aux termes de l'article V de la convention sur le génocide, les parties contractantes
s'engagent à prendre, conformément à leurs constitutions respectives, les mesures législatives
nécessaires pour assurer l'application des dispositions de la convention et, notamment, prévoir
des sanctions pénales efficaces frappant les personnes coupables de génocide ou de l'un
quelconque des autres actes énumérés à l'article III. Jusqu'ici, la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) n'a pas prévu de sanctions pénales efficaces à l'encontre des personnes
coupables de génocide ou de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article III de la
convention sur le génocide, violant ainsi les obligations qu'elle a assumées aux termes de
l'article V.
109. L'article VIII de la convention sur le génocide dispose que toute partie contractante peut
saisir les organes compétents des Nations Unies afin que ceux-ci prennent, conformément à la
Charte des Nations Unies, les mesures qu'ils jugent appropriées pour la prévention et la
répression des actes de génocide ou de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article
III. La convention sur le génocide confère expressément à tous les organes de l'Organisationdes Nations Unies, et en particulier à la Cour internationale de Justice, une compétence
juridique internationale afin qu'ils prennent les mesures qu'ils jugent appropriées pour la
prévention et la répression de tous les actes de génocide et de tous les autres actes énumérés à
l'article III qui ont été perpétrés contre le peuple et l'Etat de Bosnie-Herzégovine par la
Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et ses agents et auxiliaires. Le requérant soutient très
respectueusement que la Cour doit prendre, conformément aux dispositions de l'article VIII de
la convention sur le génocide, des mesures immédiates et efficaces pour assurer, autant que
possible, la prévention et la répression de tous les actes de génocide et de tous les autres actes
assimilables énumérés à l'article III qui ont été perpétrés contre le peuple et l'Etat de Bosnie-
Herzégovine par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et ses agents et auxiliaires. En
particulier, la Bosnie-Herzégovine soutient très respectueusement que la Cour doit,
conformément aux dispositions de l'article VIII de la convention sur le génocide, faire droit à
sa demande en indication de mesures conservatoires, en date de ce jour, dans les conditions
qui y sont spécifiées.
110. La Bosnie-Herzégovine estime également -tutelle a le droit naturel, en vertu des
dispositions de la convention sur le génocide, de se défendre et de défendre son peuple contre
les actes de génocide et les autres actes assimilables énumérés à l'article III qui sont
actuellement perpétrés contre elle et son peuple, en Bosnie et ailleurs, par la Yougoslavie
(Serbie et Monténégro) et ses agents et auxiliaires. Ce droit de légitime défense contre le
génocide englobe le droit de demander et de recevoir l'appui d'autres parties contractantes à la
convention sur le génocide. En conséquence la Bosnie-Herzégovine a le droit fondamental, en
vertu des dispositions de la convention sur le génocide, de demander et de recevoir
immédiatement des armes, des matériels et des fournitures militaires, des troupes et des fonds
d'autres parties contractantes, afin de se défendre et de défendre son peuple contre les actes de
génocide et les autres actes assimilables qui sont actuellement perpétrés contre elle et son
peuple par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et ses agents et auxiliaires.
111. Il ressort très clairement de l'article premier de la convention sur le génocide que tous les
Etats qui sont parties contractantes à cette convention sont juridiquement tenus sur le plan
international de « prévenir » la perpétration d'actes de génocide par la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) et ses agents et auxiliaires contre le peuple et l'Etat de Bosnie-Herzégovine.
Cette obligation comprend l'obligation pour les autres parties contractantes de fournir à la
Bosnie-Herzégovine un appui, y compris des armes, des matériels et des fournitures
militaires, des troupes et des fonds dans les conditions indiquées. Cet appui permettra à la
Bosnie-Herzégovine de se défendre et de défendre son peuple légalement contre les actes de
génocide et les autres actes assimilables qui sont actuellement perpétrés contre elle et son
peuple par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et ses agents et auxiliaires.
112. La Bosnie-Herzégovine soutient également, en tant que partie à la convention sur le
génocide, membre de l'Organisation des Nations Unies et partie à sa Charte, -tutelle a le droit
naturel de légitime défense, tant individuelle que collective, lequel est reconnu à l'article 51 de
la Charte des Nations Unies, afin de se défendre et de défendre son peuple contre les attaques
armées, les agressions armées et les actes de génocide qui ont été et sont actuellement
perpétrés contre elle et son peuple par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et ses agents et
auxiliaires. L'article 51 de la Charte des Nations Unies, dans sa partie pertinente, dispose que:
« Article 51Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime
défense, individuelle ou collective dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet
d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires
pour maintenir la paix et la sécurité internationales... »
Conformément aux dispositions de l'article 51 de la Charte des Nations Unies, la Bosnie-
Herzégovine a le droit de demander et de recevoir l'appui des autres cent soixante-dix-neuf
Etats Membres de l'Organisation des Nations Unies et notamment le droit de demander et de
recevoir des armes, des matériels et des fournitures militaires, des troupes et des fonds afin de
se défendre et de défendre son peuple contre les attaques armées, les agressions armées et les
actes de génocide actuellement commis contre elle et son peuple par la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) et ses agents et auxiliaires en violation flagrante de la convention sur le
génocide et des obligations solennelles énumérées aux paragraphes 2, 3 et 4 de l'article 2 et au
paragraphe 1 de l'article 33 de la Charte des Nations Unies.
113. La Bosnie-Herzégovine soutient en outre que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro),
elle-même et par l'intermédiaire de ses agents et auxiliaires, en Bosnie et ailleurs, a violé sans
motif les dispositions des paragraphes 1, 2, 3 et 4 de l'article 2 ainsi que celles du paragraphe
1 de l'article 33 de la Charte des Nations Unies. Ces articles disposent que:
« Article 2
L'Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans la poursuite des buts énoncés à
l'article 1, doivent agir conformément aux principes suivants:
1. L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres.
2. Les Membres de l'Organisation, afin d'assurer à tous la jouissance des droits et avantages
résultant de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les obligations qu'ils ont
assumées aux termes de la présente Charte.
3. Les Membres de l'Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens
pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne
soient pas mises en danger.
4. Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de
recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts
des Nations Unies.
Article 33
1. Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptib
le de menacer le maintien de
la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie
de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire,
de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur
choix »
114. La Bosnie-Herzégovine fait valoir également que jusqu'ici le Conseil de sécurité et ses
membres n'ont pas encore pris de mesures efficaces pour prévenir ou sanctionner et réprimercomme il est prévu à l'article premier et à l'article VIII de la convention sur le génocide, les
actes de génocide commis par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) contre le peuple et l'Etat
de Bosnie-Herzégovine. La Bosnie-Herzégovine a donc, en vertu de la convention sur le
génocide, le droit de demander et de recevoir l'appui des Etats Membres de l'Organisation des
Nations Unies, y compris des armes, des matériels et des fournitures militaires, des troupes et
des fonds afin de se défendre et de défendre son peuple contre les actes de génocide qui sont
actuellement commis contre elle et son peuple par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et
ses agents et auxiliaires.
115. La Bosnie-Herzégovine affirme en outre que jusqu'ici le Conseil de sécurité des Nations
Unies n'a pas encore pris les mesures efficaces nécessaires pour assurer, au sens des
dispositions de l'article 51 de la Charte des Nations Unies, le maintien de la paix et de la
sécurité internationales pour elle même et son peuple. Par conséquent, le droit naturel de
légitime défense, individuelle et collective, de la Bosnie-Herzégovine, contre les attaques
armées et les agressions armées commises contre elle et son peuple par la Yougoslavie
(Serbie et Monténégro) et ses agents et auxiliaires. demeure intact. La Bosnie Herzégovine a
donc, en vertu des dispositions de l'article 51,1e droit fondamental de demander et de recevoir
l'appui de tous les autres Etats Membres des Nations Unies, y compris des armes, des
matériels et des fournitures militaires des troupes et des fonds pour se défendre et défendre
son peuple contre les attaques armées, les agressions armées et les actes de génocide
actuellement commis contre elle et son peuple par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et
ses agents et auxiliaires.
116. Dans ce contexte, le 25 septembre 1991, le Conseil de sécurité a adopté à la demande
expresse et avec l'autorisation du représentant de l'ex-Yougoslavie, la résolution 713 (1991)
(voir document des Nations Unies S/PV.3009, p.17 (25 septembre 1991)). En conséquence,
agissant conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés en vertu des dispositions du
chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité a décidé d'imposer un embargo sur les
livraisons d'armes à l'ex-Yougoslavie, dans les termes suivants:
«6. Décide, en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies que tous les Etats
mettront immédiatement en Œuvre, aux fins de l'établissement de la paix et de la stabilité en
Yougoslavie, un embargo général et complet sur toutes les livraisons d'armements et
d'équipements militaires à la Yougoslavie, et ce, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité en
décide autrement, après que le Secrétaire général aura eu des consultations avec le
Gouvernement yougoslave... »
De fait il ressort clairement du préambule de la résolution 713 (1991) que le Conseil de
sécurité avait adopté cette résolution sur la base du consentement exprès de L'ex-Yougoslavie:
« Le Conseil de sécurité,
Conscient du fait que la Yougoslavie a salué la tenue d'une réunion du Conseil de sécurité par
une lettre remise au président du Conseil de sécurité par le représentant permanent de la
Yougoslavie (S/23069).
... »
A cet égard:« La lettre de la Yougoslavie dans laquelle il était officiellement indiqué que la présidence de
la République fédérale de Yougoslavie approuvait la réunion, n'a été obtenue des autorités
centrales de Belgrade qu'à la toute dernière minute, lorsqu'il est apparu que certains membres
du Conseil auraient, dans le cas contraire, soulevé des objections au titre du paragraphe 7 de
l'article 2. » (Voir Weller, « The International Response to the Dissolution of the Socialist
Federal Republic of Yugoslavia», American Journal of International Law, vol. 86, p. 577-578
(juillet 1992).)
117. Lors du débat sur l'adoption de la résolution 713 (1991), des membres du Conseil de
sécurité ont précisé que la validité juridique de la résolution dépendait de l'acceptation par
l'ex-Yougoslavie de ltembargo sur les livraisons d'armes
« Le représentant de la Belgique a pris ensuite la parole pour présenter le projet de résolution
commun et pour situer nettement dans le cadre du chapitre VIII de la Charte les efforts
déployés par la Communauté européenne et les Etats participant à la CSCE pour assurer le
maintien de la paix... Le Zimbabwe a confirmé qu'en l'absence d'une demande de la
Yougoslavie, il aurait été «très préoccupé» par la perspective d'une réunion du Conseil et d'un
examen du projet de résolution. La délégation du Zimbabwe a néanmoins demandé
instamment au Conseil de faire preuve de prudence « quelles que soient les mesures qu'il doit
prendre, ces mesures doivent être adoptées dans les conditions requises et conformément aux
dispositions de la Charte et à la pratique de cet organe » [Document des Nations Unies
S/PV.3009, p. 32 (1991).]
L'Inde a été davantage explicite en exprimant le point de vue selon lequel
« une demande officielle de l'Etat intéressé constitue un préalable essentiel dans une telle
situation avant que le Conseil puisse se saisir de la question. Nous ne devons cependant pas
oublier le paragraphe 7 de l'article 2 de la Charte des Nations Unies, document qui a passé
l'épreuve du temps... Notons donc ici en termes non équivoques que l'examen par le Conseil
de la question ne se rapporte pas à la situation intérieure de la Yougoslavie en tant que telle,
mais aux incidences qu'elle peut avoir sur la paix et la sécurité dans la région [Ibid., p. 46.] »
La Chine, elle aussi, a réservé sa position étant entendu que « cet examen de la situation se
déroule dans des circonstances particulières en raison de l'accord donné expressément par le
Gouvernement yougoslave ». Le représentant de la Chine a réaffirmé et souligné que « pour le
Gouvernement chinois, les affaires intérieures d'un pays doivent être réglées par le peuple de
ce pays [Ibid., p. 59-60].» (Voir Weller, op. cif., American Journal of International Law, vol.
86, p. 569, 579 (1992).)
118. Il convient de noter que l'embargo sur les livraisons d'armes, imposé par le Conseil de
sécurité, ne vise que l'ex-Yougoslavie et ce à sa demande expresse et avec son accord. Et,
comme il est indiqué ci-dessus, la République de Bosnie-Herzégovine, avant le 6 mars 1992,
n'était pas encore devenue un Etat indépendant. Par conséquent, l'embargo imposé par le
Conseil de sécurité sur les livraisons d'armes à l'ex-Yougoslavie ne s'appliquait pas et ne
pouvait pas s'appliquer, tel que prescrit, à la République de Bosnie-Herzégovine. En outre, la
Bosnie-Herzégovine n'a jamais consenti ni acquiescé à ce que cet embargo sur les livraisons
d'armes lui soit aussi appliqué. Au contraire, la République de Bosnie-Herzégovine soutient
qu'en lui appliquant l'embargo imposé à l'ex-Yougoslavie on violerait son droit naturel de
légitime défense, individuelle et collective, qui est reconnu par le droit international
coutumier et par l'article 51 de la Charte des Nations Unies.119. Au paragraphe 5 de sa résolution 724 (1991), du 15 décembre 1991, le Conseil de
sécurité a réaffirmé cet embargo sur les livraisons d'armes à l'ex-Yougoslavie. Mais, pour des
raisons analogues, il a continué de s'appliquer uniquement à l'ex-Yougoslavie. Telle qu'elle
était rédigée, et pour des raisons qui ont déjà été exposées plus haut, la résolution 724 (1991)
ne s'appliquait pas et ne pouvait pas s'appliquer à la République de Bosnie-Herzégovine.
120. Au paragraphe 6 de sa résolution 727 (1992), du 8 janvier 1992, le Conseil de sécurité a
réaffirmé l'embargo sur les livraisons d'armes à l'ex-Yougoslavie. Or, pour les raisons
exposées plus haut, cet embargo ne s'appliquait pas et ne pouvait pas s'appliquer à la
République de Bosnie-Herzégovine, qui n'est devenue un Etat indépendant que le 6 mars
1992.
121. Le 22 mai 1992, par sa résolution 46/237, l'Assemblée générale des Nations Unies a
décidé d'admettre la République de Bosnie-Herzégovine comme Membre de l'Organisation
des Nations Unies. A partir de ce moment, la République de Bosnie-Herzégovine a exercé les
responsabilités, privilèges, devoirs et droits des Etats Membres que prévoit la Charte des
Nations Unies, notamment son article 51:
« Article 51
«Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime
défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet
d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires
pour maintenir la paix et la sécurité internationales... »
A compter de la date de son indépendance en tant qu'Etat souverain le 6 mars 1992 et, de
toute manière, certainement pas plus tard que le 22 mai 1992, la République de Bosnie-
Herzégovine possédait, et possède encore, le droit naturel de légitime défense, individuelle ou
collective, en vertu du droit international coutumier et tel que ce droit est défini à l'article 51
de la Charte des Nations Unies.
122. Par conséquent, toutes les résolutions ultérieures du Conseil de sécurité qui ont
régulièrement réaffirmé ltembargo sur les livraisons d'armes imposé à L'ex-Yougoslavie par
le paragraphe 6 de la résolution 713 (1991), le paragraphe 5 de la résolution 724 (1991) et le
paragraphe 6 de la résolution 727 (1992) ne peuvent pas légitimement être interprétées
comme s'appliquant à la République de Bosnie-Herzégovine. Toutes ces résolutions du
Conseil de sécurité doivent plutôt être interprétées conformément aux dispositions de l'article
51 de la Charte des Nations Unies. Aux termes de celles-ci, la République de Bosnie-
Herzégovine possède et possède encore le droit naturel de légitime défense, individuelle et
collective, y compris le droit de demander et de recevoir immédiatement d'autres Etats les
armes, les matériels et fournitures militaires, les troupes et les fonds nécessaires pour sa
défense et celle de son peuple contre les attaques armées, les agressions armées et les actes de
génocide qui ont été et continuent d'être perpétrés contre elle par la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) et ses agents et auxiliaires.
123. Il s'ensuit qu'aucune de ces nombreuses résolutions du Conseil de sécurité imposant ou
réaffirmant régulièrement un embargo sur la livraison d'armes à l'ex-Yougoslavie en vertu du
chapitre VII de la Charte ne peut légitimement être interprétée comme s'appliquant à la
République de Bosnie-Herzégovine. Dans le cas contraire, ce serait porter « atteinte au droit
naturel de légitime défense, individuelle ou collective » de la République de Bosnie-Herzégovine, et donc enfreindre les dispositions de l'article 51 de la Charte des Nations Unies,
et de plus rendre ces résolutions du Conseil de sécurité ultra vires: « Aucune disposition de la
présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou
collective...» (Les italiques sont de nous.)
124. En outre, le paragraphe 2 de l'article 24 de la Charte des Nations Unies dispose que:
«2. Dans l'accomplissement de ces devoirs [maintien de la paix et de la sécurité
internationales], le Conseil de sécurité agit conformément aux buts et principes des Nations
Unies. Les pouvoirs spécifiques accordés au Conseil de sécurité pour lui permettre
d'accomplir lesdits devoirs sont définis aux chapitres VI. VII. VIII et XII. »
Par conséquent, même quand il agit en vertu du chapitre VII de la Charte. le Conseil de
sécurité doit agir « conformément aux buts et principes des Nations Unies » tels qu'ils sont
définis aux articles I et 2 de la Charte.
125. La Bosnie-Herzégovine soutient que l'embargo sur les livraisons d'armes imposé à l'ex-
Yougoslavie par le Conseil de sécurité dans sa résolution 713 (1991) et les résolutions
adoptées ultérieurement n'était pas juridiquement applicable à la Bosnie-Herzégovine et ne
pouvait lui être appliqué à aucun moment. S'il en était autrement, le Conseil de sécurité
n'agirait pas « conformément aux buts et principes des Nations Unies » et enfreindrait ainsi
les dispositions du paragraphe 2 de l'article 24 de la Charte. Cette interprétation erronée de la
résolution 713 (1991) et des résolutions adoptées ultérieurement rendrait la résolution 713
(1991) du Conseil de sécurité ultra vires au regard à la fois du paragraphe 2 de l'article 24 et
de l'article 51 de la Charte.
126. Pour éviter d'en arriver là, la Bosnie-Herzégovine soutient que la Cour doit interpréter la
résolution 713 (1991) du Conseil de sécurité et les résolutions qu'il a adoptées ultérieurement
comme signifiant qu'il n'existe pas, qu'il n'a jamais existé, et qu'il n'existe encore pas
aujourd'hui, d'embargo obligatoire sur les livraisons d'armes applicable à la Bosnie-
Herzégovine au titre du chapitre VII de la Charte. Il s'agit là directement d'une question
d'interprétation de la Charte qui relève manifestement des pouvoirs, de la compétence et de la
juridiction de la Cour. La Cour est assurément le seul organe des Nations Unies qui puisse
élucider cette question et ainsi confirmer le « droit naturel » de la Bosnie-Herzégovine en
vertu de l'article 51. Aux termes de l'article 92 de la Charte, c'est la Cour—et non le Conseil
de sécurité ou l'Assemblée générale—qui « constitue l'organe judiciaire principal des Nations
Unies ».
127. Pour autant et aussi longtemps que cette Cour n'aura pas statué définitivement dans un
sens défavorable à ses demandes, la Bosnie-Herzégovine demeure libre en vertu de l'article 51
de la Charte et du droit international coutumier de se défendre elle-même, nonobstant les
termes de toutes les résolutions du Conseil de sécurité qui ont pu être adoptées jusqu'ici. La
Bosnie-Herzégovine possède donc le droit fondamental en droit international de demander et
d'obtenir immédiatement d'autres Etats des armes, des matériels et fournitures militaires, des
troupes et des fonds pour se défendre contre les attaques armées, les agressions armées et les
actes de génocide qui sont actuellement perpétrés contre elle par la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) et ses agents et auxiliaires, d'une manière continuelle depuis la date de son
indépendance en tant qu'Etat souverain le 6 mars 1992 jusqu'à ce jour et au-delà.128. En outre, en vertu du droit de légitime défense collective reconnu par l'article 51 de la
Charte des Nations Unies et conformément à l'arrêt rendu par cette Cour dans l'affaire des
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique), fond (C.I.J. Recueil 1986, p. 14), la République de Bosnie-Herzégovine a le
droit de demander à d'autres Etats de se porter à sa défense contre les attaques armées, les
agressions armées et les actes de génocide actuellement perpétrés contre elle et contre son
peuple par la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ainsi que ses agents et auxiliaires. Une
conclusion identique peut être tirée de l'article premier de la convention sur le génocide:
« Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu'il soit commis en temps de paix ou
en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu'elles s "engagent à prévenir et à punir.
» (Les italiques sont de nous.)
Toutes les parties à la convention sur le génocide sont ainsi tenues de prévenir les actes de
génocide et d'agression armée du défendeur, au besoin en intervenant militairement à la
demande de la Bosnie-Herzégovine, comme il a été indiqué. Cette intervention militaire
d'autres Etats à la demande de la Bosnie-Herzégovine serait autorisée par l'article 51 de la
Charte des Nations Unies et la convention sur le génocide, et elle n'est pas et n'a jamais été
expressément prohibée par les termes d'aucune résolution du Conseil de sécurité.
129. Cette affirmation, également, relève directement d'une interprétation de la Charte pour
laquelle la Cour possède manifestement les pouvoirs, la compétence et le mandat nécessaires
en tant qu'« organe judiciaire principal des Nations Unies », ainsi que le prévoit l'article 92 de
la Charte. La Bosnie-Herzégovine demande respectueusement à la Cour de confirmer et de
préciser son droit de légitime défense individuelle et collective en vertu de l'article 51 de la
Charte, du droit international coutumier et du jus cogens, dans les circonstances
exceptionnelles de la présente affaire caractérisée par des attaques armées, une agression
armée et des actes de génocide perpétrés contre la Bosnie-Herzégovine et son peuple par la
Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ainsi que ses agents et auxiliaires. Le temps est un
élément essentiel pour le peuple et l'Etat de Bosnie-Herzégovine!
130. En outre, nombre des actes de génocide décrits ci-dessus constituent ou englobent en
eux-mêmes des actes qui sont des crimes de guerre au regard du droit de la guerre et du droit
international humanitaire. La Bosnie-Herzégovine soutient que la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) ainsi que ses agents et auxiliaires ont commis de nombreuses violations graves
des dispositions des quatre conventions de Genève du 12 août 1949 et de leur protocole
additionnel I du 8 juin 1977, des règles du droit international coutumier de la guerre et
notamment du règlement de La Haye de 1907 concernant la guerre sur terre, ainsi que de
règles et de principes fondamentaux du droit international humanitaire.
131. A cet égard, dans une lettre datée du 29 décembre 1992, M. Muhamed Sacirbey a
transmis, au nom de la République de Bosnie-Herzégovine, une notification de succession
concernant les quatre conventions de Genève de 1949 et leurs deux protocoles additionnels de
1977 signée par M. Haris Silajdzic, ministre des affaires étrangères de Bosnie, le 17 décembre
1992, sans aucune réserve et avec effet au 6 mars 1992, date de l'indépendance de la Bosnie-
Herzégovine, à M. Johannes J. Manz, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la
mission permanente d'observation de la Suisse auprès de l'Organisation des Nations Unies. La
Suisse est dépositaire des conventions et des protocoles de Genève. Par une lettre datée du 19
janvier 1993, M. Paul Seger, chargé d'affaires de la mission permanente de la Suisse auprès de
l'Organisation des Nations Unies, a informé M. Zlatko Batistich de la mission permanente dela Bosnie-Herzégovine auprès de l'Organisation des Nations Unies que l'instrument de
succession de la Bosnie aux quatre conventions de Genève de 1949 et aux deux protocoles
additionnels de 1977 avait été déposé auprès du Gouvernement suisse le 31 décembre 1992, la
date d'effet de la succession étant le 6 mars 1992, date de l'indépendance de la Bosnie. Par
conséquent, pour les raisons qui ont été exposées plus haut, la Bosnie-Herzégovine ainsi que
la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ont continuellement été parties aux quatre conventions
de Genève et à leurs deux protocoles additionnels pendant toute la période visée dans la
présente instance.
132. Enfin, nombre des actes de génocide et des actes assimilables décrits en détail plus haut
constituent des violations graves de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10
décembre 1948. La Bosnie-Herzégovine soutient que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro)
ainsi que ses agents et auxiliaires ont commis et continuent de commettre des violations
constantes, flagrantes et systématiques des droits de l'homme les plus fondamentaux à
l'encontre des citoyens bosniaques. Il serait inutile de citer ici les trente articles de la
Déclaration universelle des droits de l'homme dont le défendeur a fait comme s'ils n'existaient
pas vis-à-vis des citoyens de la Bosnie-Herzégovine. Le requérant désire cependant appeler
spécialement l'attention de la Cour sur les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26 et 28 de la déclaration. La Bosnie-Herzégovine soutient
que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ainsi que ses agents et auxiliaires ont voulu
éluder, nier, annuler et anéantir la totalité de la Déclaration universelle des droits de l'homme
vis-à-vis des citoyens bosniaques. Pourtant, ces droits de l'homme fondamentaux que protège
la Déclaration universelle sont considérés comme des droits dont le respect s'impose à tous les
Etats de la communauté internationale, en tant que partie du droit coutumier et du jus cogens,
et conformément au paragraphe 3 de l'article I et aux articles 55 et 56 de la Charte des Nations
Unies. La Yougoslavie (Serbie et Monténégro) est-elle insensible à la honte ?
133. La Bosnie-Herzégovine soutient également que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro)
ainsi que ses agents et auxiliaires en Bosnie ou ailleurs, y compris ses fonctionnaires et ses
citoyens, sont tenus par la convention sur le génocide de mettre fin et de renoncer
immédiatement à tous les actes de génocide et autres actes prohibés spécifiés aux articles II et
III de la convention sur le génocide, qu'ils commettent contre le peuple et l'Etat de Bosnie-
Herzégovine. La Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ainsi que ses agents et auxiliaires sont
tenus de mettre fin et de renoncer immédiatement à toute attaque armée, toute agression
armée ou tout autre acte d'agression, tels qu'ils sont décrits dans la définition de l'agression
adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, contre le peuple et l'Etat de Bosnie-
Herzégovine. La Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ainsi que ses agents et auxiliaires en
Bosnie ou ailleurs sont également tenus de mettre fin et de renoncer immédiatement à toute
violation des quatre conventions de Genève de 1949, de leur protocole additionnel I de 1977,
du règlement de La Haye de 1907 concernant la guerre sur terre, de la Déclaration universelle
des droits de l'homme de 1948, des articles 1, 2, 33, 55 et 56, entre autres, de la Charte des
Nations Unies, ainsi que de nombreux autres traités et accords internationaux ou principes
fondamentaux du droit international coutumier, des lois de la guerre, du droit international
humanitaire, du droit pénal international, et des principes du jus cogens, qui sont trop
nombreux pour qu'ils puissent être énumérés dans la présente requête mais qui seront décrits
plus en détail dans l'ampliation de ses conclusions que présentera la Bosnie-Herzégovine.
134. Enfin, la Bosnie-Herzégovine soutient que des réparations doivent être payées par la
Yougoslavie (Serbie et Monténégro) au requérant pour la totalité des morts et des
destructions, des préjudices matériels et moraux, des dommages matériels et des atteintes àl'environnement qui lui ont été infligés ainsi qu'à son peuple par le défendeur et ses agents et
auxiliaires, en violation de toutes les sources de droit international indiquées ci-dessus, et en
particulier pour les violations graves de la convention sur le génocide, de la Charte des
Nations Unies, des quatre conventions de Genève de 1949 et de leur protocole additionnel I
de 1977, du Règlement de La Haye de 1907 concernant la guerre sur terre, de la Déclaration
universelle des droits de l'homme de 1948, et de nombreux autres traités et accords
internationaux ou principes du droit international coutumier, des lois de la guerre, du droit
international humanitaire, du droit pénal international et du jus cogens, qui seront décrits plus
en détail dans l'ampliation de ses conclusions que présentera la Bosnie-Herzégovine.
IV. DÉCISION DEMANDÉE
135. En conséquence, tout en se réservant le droit de reviser, compléter ou modifier la
présente requête, et sous réserve de la présentation à la Cour des preuves et arguments
juridiques pertinents, la Bosnie-Herzégovine prie la Cour de dire et juger:
a. Que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé, et continue de violer, ses
obligations juridiques à l'égard du peuple et de l'Etat de Bosnie-Herzégovine en vertu
des articles premier, II a), II b), II c), II d), III a), III b), III c), III d), III e), IV et V de
la convention sur le génocide;
b. que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé et continue de violer ses
obligations juridiques à l'égard du peuple et de l'Etat de Bosnie-Herzégovine en vertu
des quatre conventions de Genève de 1949, de leur protocole additionnel I de 1977, du
droit international coutumier de la guerre et notamment du règlement de La Haye de
1907 concernant la guerre sur terre, et d'autres principes fondamentaux du droit
international humanitaire;
c. que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a violé et continue de violer les
dispositions des articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 25, 26 et 28 de la Déclaration universelle des droits de l'homme vis-à-vis
des citoyens de la Bosnie-Herzégovine;
d. que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en violation de ses obligations en vertu du
droit international général et coutumier, a tué, assassiné, blessé, violé, volé, torturé,
enlevé, détenu illégalement et exterminé des citoyens de la Bosnie-Herzégovine, et
continue de le faire;
e. qu'en traitant ainsi les citoyens de la Bosnie-Herzégovine, la Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) a violé et continue de violer les obligations qu'elle a solennellement
assumées en vertu du paragraphe 3 de l'article 1 et des articles 55 et 56 de la Charte
des Nations Unies;
f. que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a employé et continue d'employer la force
et de recourir à la menace la force contre la Bosnie-Herzégovine en violation des
paragraphes 1, 2, 3 et 4 de l'article 2 et du paragraphe I de l'article 33 de la Charte des
Nations Unies;
g. que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en violation de ses obligations en vertu du
droit international général et coutumier, a utilisé et utilise la force et la menace de la
force contre la Bosnie-Herzégovine;
h. que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en violation de ses obligations en vertu du
droit international général et coutumier, a violé et viole la souveraineté de la Bosnie-
Herzégovine du fait:
• d'attaques armées contre la Bosnie-Herzégovine par air et par terre;• de la violation de l'espace aérien de la Bosnie-Herzégovine;
• d'actes directs et indirects de coercition et d'intimidation à l'encontre du Gouvernement
de la Bosnie-Herzégovine.
a. que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en violation des obligations que lui
impose le droit international général et coutumier, est intervenue et
b. intervient dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine; j) que la Yougoslavie
(Serbie et Monténégro), en recrutant, entraînant, armant, équipant, finançant,
approvisionnant et en encourageant, appuyant, aidant et dirigeant des actions militaires
et paramilitaires en Bosnie-Herzégovine ou contre celle-ci par le moyen de ses agents
et de ses auxiliaires, a violé et viole ses obligations fondamentales et conventionnelles
expresses à l'égard de la Bosnie-Herzégovine et, en particulier, ses obligations
fondamentales et conventionnelles expresses en vertu du paragraphe 4 de l'article 2 de
la Charte des Nations Unies, de même que ses obligations en vertu du droit
international général et coutumier;
c. k) que vu les circonstances exposées ci-dessus, la Bosnie-Herzégovine possède le droit
souverain de se défendre et de défendre son peuple en vertu de l'article 51 de la Charte
des Nations Unies et du droit international coutumier, y compris en se procurant
immédiatement auprès d'autres Etats des armes, des matériels et fournitures militaires
ainsi que des troupes;
d. que vu les circonstances exposées ci-dessus, la Bosnie-Herzégovine possède le droit
souverain en vertu de l'article 51 de la Charte des Nations Unies et du droit
international coutumier de demander à tout Etat de l'assister immédiatement en se
portant à son secours, y compris par des moyens militaires (armes, matériels et
fournitures militaires, troupes, etc.);
e. que la résolution 713 (1991) du Conseil de sécurité imposant un embargo sur les
livraisons d'armes à L'ex-Yougoslavie doit être interprétée d'une manière telle qu'elle
ne porte pas atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, de
la Bosnie-Herzégovine en vertu de l'article 51 de la Charte des Nations Unies et des
règles du droit international coutumier
f. que toutes les résolutions ultérieures du Conseil de sécurité qui se réfèrent à la
résolution 713 (1991) ou la réaffirment doivent être interprétées d'une manière telle
qu'elles ne portent pas atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou
collective, de la Bosnie-Herzégovine en vertu de l'article 51 de la Charte des Nations
Unies et des règles du droit international coutumier
g. que la résolution 713 (1991) du Conseil de sécurité et toutes les résolutions ultérieures
du Conseil de sécurité qui s'y référent ou la réaffirment ne doivent pas être interprétées
comme imposant un embargo sur les livraisons d'armes à la Bosnie-Herzégovine,
conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 24 et de l'article 51 de la
Charte des Nations Unies et au principe coutumier d'ultra vires;
h. qu'en vertu du droit de légitime défense collective reconnu par l'article 51 de la Charte
des Nations Unies tous les autres Etats parties à la Charte ont le droit de se porter
immédiatement au secours de la Bosnie-Herzégovine — à sa demande — y compris
en lui fournissant immédiatement des armes, des matériels et des fournitures
militaires, et des forces armées (soldats, marins, aviateurs, etc.);
i. que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro), et ses agents et auxiliaires, sont tenus de
mettre fin et de renoncer immédiatement à leurs violations susmentionnées de leurs
obligations juridiques, et ont le devoir exprès de mettre fin et de renoncer
immédiatement: • à leur pratique systématique de la « purification ethnique » des citoyens et du territoire
souverain de la Bosnie-Herzégovine;
• à l'assassinat, à l'exécution sommaire, à la torture, au viol, à l'enlèvement, à la
mutilation, aux blessures, aux sévices physiques et psychologiques et à la détention
des citoyens de la Bosnie-Herzégovine;
• à la dévastation sauvage et aveugle de villages, de villes, de districts, d'agglomérations
et d'institutions religieuses en Bosnie-Herzégovine;
• au bombardement de centres de population civile en Bosnie-Herzégovine, et
spécialement de sa capitale, Sarajevo:
• à la poursuite du siège de centres de population civile de Bosnie-Herzégovine, et
spécialement de sa capitale Sarajevo;
• à la privation de nourriture de la population civile de Bosnie-Herzégovine;
• aux actes ayant pour effet d'interrompre, d'entraver ou de gêner l'acheminement des
secours humanitaires envoyés par la communauté internationale aux citoyens de
Bosnie-Herzégovine;
• à toute utilisation de la force — directe ou indirecte, manifeste ou occulte —contre la
Bosnie-Herzégovine, et à toutes les menaces d'utilisation de la force contre la Bosnie-
Herzégovine;
• à toutes les violations de la souveraineté, de l'intégrité territoriale ou de l'indépendance
politique de la Bosnie-Herzégovine, y compris toute intervention, directe ou indirecte,
dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine;
• à tout appui de quelque nature qu'il soit — y compris l'entraînement et la fourniture
d'armes, de munitions, de fonds, de matériels, d'assistance, d'instruction ou toute autre
forme de soutien — à toute nation, groupe, organisation, mouvement ou individu se
livrant ou se disposant à se livrer à des actions militaires ou paramilitaires en Bosnie-
Herzégovine ou contre celle-ci.
a. que la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) est tenue de payer à la Bosnie-
Herzégovine, en son propre nom et en tant que parens patriae de ses citoyens, des
réparations pour les dommages subis par les personnes et les biens ainsi que par
l'économie et l'environnement de la Bosnie à raison des violations susvisées du droit
international, dont le montant sera déterminé par la Cour. La Bosnie-Herzégovine se
réserve le droit de présenter à la Cour une évaluation précise des dommages causés par
la Yougoslavie (Serbie et Monténégro).
V. CONCLUSIONS
136. LES PEUPLES ET LES ÉTATS DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE NE
DOIVENT PAS DÉTOURNER LEURS YEUX AVEC HONTE DE LA BOSNIE-
HERZÉGOVINE AU MOMENT OU L'HUMANITÉ SE RAPPROCHE DU PROCHAIN
MILLÉNAIRE DE SA PRÉCAIRE EXISTENCE. LE SORT DE LA BOSNIE EST
INDISSOCIABLE DE CELUI DU MONDE TOUT ENTTER!
137. En raison de l'importance et de l'urgence des questions soulevées dans la présente
requête, et afin d'éviter de nouvelles pertes en vies humaines, ainsi que de nouvelles
souffrances physiques et morales à des centaines de milliers de citoyens bosniaques, et afin de
prévenir une catastrophe humaine d'une ampleur sans précédent depuis la seconde guerre
mondiale de 1939 à 1945, et en attendant qu'il soit définitivement statué sur ses réclamations,
la Bosnie-Herzégovine demande à la Cour d'indiquer des mesures conservatoires, qui fontl'objet d'une demande distincte présentée concurremment avec la présente requête en date de
ce jour.
138. Le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine a désigné le soussigné en tant qu'agent aux
fins de la présente instance.
Respectueusement
(Signé) Francis A. BOYLE
professeur de droit international
agent de la République de Bosnie-Herzégovine.
Requête introductive d'instance