COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
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Résumé
Document non officiel
Résumé 2011/1
Le 8 mars 2011
Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua)
Demande en indication de mesures conservatoires
Résumé de l’ordonnance du 8 mars 2011
Requête et demande en indication de mesures conservatoires (par. 1 à 48 de l’ordonnance)
1. Requête introductive d’instance (par. 1 à 10)
La Cour commence par rappeler que, par une requête déposée au Greffe de la Cour le
18novembre2010, la République du CostaRica (ci-après le «CostaRica») a introduit une
instance contre la République du Nicaragua (c i-après le «Nicaragua») concernant les
quatre allégations suivantes : «l’incursion en territoire costa-ricien de l’armée nicaraguayenne,
l’occupation et l’utilisation d’unepartie de celui-ci, ainsi que es violations par le Nicaragua
d’obligations lui incombant envers le CostaRica » en vertu de plusieurs instruments de droit
international.
Le Costa Rica précise que les violations a lléguées concernent «une partie du territoire
costa-ricien d’une superficie initiale de quelqutroiskilomètrescarrés, à l’extrémité nord-est du
Costa Rica, du côté de la mer des Caraïbes», située à l’embouchure du fleuve frontalier San Juan, et
plus précisément sur la lagune de losPortillos (é galement connue sous le nom de «lagune de
Harbor Head»), sur la façade maritime d’Isla Portillos.
Le demandeur se réfère, pour fonder la comp étence de la Cour, à l’articleXXXI du traité
américain de règlement pacifique des différends signé à Bogotá le 30 avril 1948 (ci-après le «pacte
de Bogotá») et aux déclarations faites, en application du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la
Cour, par le CostaRica le 20février1973, et par le Nicaragua le 24septembre1929 (déclaration
telle que modifiée le 23 octobre 2001).
Dans sa requête, le Costa Rica affirme que,
«[e]n envoyant des contingents de ses formes ar mées en territoire costa-ricien et en y
faisant établir des campements militaires, le Nicaragua agit en violation flagrante non
seulement du régime frontalier établi entre les deux Etats, mais aussi des grands
principes fondateurs des Nations Unies, à savoir le principe de l’intégrité territoriale et - 2 -
l’interdiction du recours à la menace ou à l’em ploi de la force contre tout Etat, tels
qu’affirmés au paragraphe4 de l’article2 de la Charte, et auxquels les Parties ont
réaffirmé leur adhésion aux articles premier, 19 et29 de la charte de l’Organisation
des Etats américains».
Le Costa Rica accuse le Nicaragua d’avoir, à l’occasion de deux incidents distincts, occupé
son territoire dans le cadre de la constructi on d’un canal (ci-après également désigné sous
l’appellation de caño) à travers le territoire costa-ricien, entre le fleuve SanJuan et la lagune de
los Portillos (également connue sous le nom de «lag on de Harbor Head»), et de certaines activités
connexes de dragage menées dans le San Juan.
Le Costa Rica déclare que les
«travaux de dragage actuels et prévus, ains i que la construction du canal, altéreront
gravement le débit des eaux alimentant le Colorado, fleuve costa-ricien, et causeront
d’autres dommages à son territoire, notamment aux zones humides et aux réserves
nationales de flore et de faune sauvages de la région».
Le Costa Rica prie en conséquence la Cour
«de dire et juger que le Nicaragua viole ses obligations internationales … à raison de
son incursion en territoire costa-ricien et de l’occupation d’une partie de celui-ci, des
graves dommages causés à ses forêts pl uviales et zones humides protégées, des
dommages qu’il entend causer au Colorado, à ses zones humides et à ses écosystèmes
protégés, ainsi que des activités de dragage et de percement d’un canal qu’il mène
actuellement dans le SanJuan. En particulie r, le CostaRica prie la Cour de dire et
juger que, par son comportement, le Nicaragua a violé :
a) le territoire de la République du Costa Ri ca, tel qu’il a été convenu et délimité par
le traité de limites de1858, la senten ce Cleveland ainsi que les première et
deuxième sentences Alexander ;
b) les principes fondamentaux de l’intégrité territoriale et de l’interdiction de l’emploi
de la force consacrés par la Charte des Nations Unies et la charte de l’Organisation
des Etats américains ;
c) l’obligation faite au Nicaragua en vertu de l’article IX du traité de limites de 1858
de ne pas utiliser le San Juan pour perpétrer des actes hostiles ;
d) l’obligation de ne pas causer de dommages au territoire costa-ricien ;
e) l’obligation de ne pas dévier artificielleme nt le San Juan de son cours naturel sans
le consentement du Costa Rica ;
f) l’obligation de ne pas interdire la naviga tion de ressortissants costa-riciens sur le
San Juan ;
g) l’obligation de ne pas mener d’opérations de dragage dans le SanJuan si ces
activités ont un effet dommageable pour le territoire costa-ricien (y compris le
Colorado), conformément à la sentence Cleveland de 1888 ;
h) les obligations découlant de la convention de Ramsar sur les zones humides ;
i) l’obligation de ne pas aggraver ou étendre le différend, que ce soit
par des actes
visant le CostaRica, et consistant nota mment à étendre la portion de territoire
costa-ricien envahie et occupée, ou par l’adoption de toute autre mesure ou la
conduite d’activités qui porteraient atteinte à l’intégrité territoriale du CostaRica
en violation du droit international.» - 3 -
La Cour est également priée, au terme de la requête, de déterminer les réparations dues par le
Nicaragua à raison, en particulier, de toute mesure du type de celles qui sont mentionnées au
paragraphe ci-dessus.
2. Demande en indication de mesures conservatoires (par. 11 à 48)
La Cour rappelle que, le 18 novembre2010, après avoir déposé sa requête, le CostaRica a
présenté une demande en indication de mesures conservatoires en application de l’article41 du
Statut de la Cour et des articles 73 à 75 de son Règlement.
La demande en indication de mesures conservatoires du CostaRica vise deux activités
distinctes du Nicaragua, à savoir :
1. le percement d’un canal artificiel (le caño) à travers Isla Portillos, su r l’entièreté de laquelle le
Costa Rica estime être souverain ;
2. les opérations de dragage du fleuve San Juan, sur lequel le Nicaragua est souverain.
S’agissant, d’une part, des travaux allégués de percement du caño, le CostaRica soutient
dans sa demande en indication de mesures conservatoires que,
«dans l’intention de faciliter la construction d’un canal sur le territoire costa-ricien en
vue de faire dévier le cours historique na turel du fleuve SanJuan vers la lagune de
losPortillos (ou lagune de Harbor Head), le Nicaragua détruit actuellement une zone
de forêts pluviales primaires ainsi que des zones humides fragiles situées en territoire
costa-ricien (et inscrites sur la liste dela convention de Ramsar des zones humides
d’importance internationale)».
S’agissant, d’autre part, des travaux de dragage du fleuve San Juan, le CostaRica indique
avoir régulièrement protesté auprès du Nicaragua et lui avoir demandé de s’ab stenir de tels travaux
«jusqu’à ce qu’il puisse être établi que ses opérations de dragage ne causeront aucun dommage au
fleuve Colorado ou à d’autres parties du territoire co sta-ricien». Le Costa Rica se plaint de ce que
le Nicaragua a néanmoins poursuivi ses activités de dragage du fleuve San Juan et qu’il «a même
annoncé, le 8novembre2010, qu’il déploierait deux dragues supplémentaires sur le fleuve», dont
l’une serait encore en cours de construction.
Dans sa demande en indication de mesures conservatoires, le CostaRica estime que les
déclarations du Nicaragua démontrent que «le Colorado, fleuve costa-ricien, ainsi que les lagunes,
rivières, prairies marécageuses et zones boisées du CostaRica risquent de subir des dommages»,
l’opération de dragage représentant plus précisé ment «une menace à l’encontre des réserves
naturelles de LagunaMaquenque, Barra del Colorado et Corredor Fronterizo et du parc national
Tortuguero». Le CostaRica fait également état de l’adoption, le 12novembre2010, d’une
résolution du conseil permanent de l’Organisati on des Etats américains (CP/RES.978 (1777/10))
accueillant et faisant siennes les recommandations du secrétaire général de ladite organisation
contenues dans son rapport du 9 novembre2010 (CP/doc.4521/10). Il indique que le conseil
permanent a appelé les Parties à adopter ces reco mmandations, parmi lesquelles celle consistant à
«éviter la présence de forces armées ou de sécurité dans la zone où une telle présence pourrait créer
des tensions». Le Costa Rica affirme que le Nicaragua «a répondu immédiatement à la résolution
du conseil permanent de l’OEA en faisant part de son intention de ne pas la respecter» et qu’il a
«systématiquement rejeté toutes les demandes visant au retrait de ses forces armées du territoire
costa-ricien de l’île de Portillos». - 4 -
Le Costa Rica expose également que «ses droits à la souverainet é et à l’intégrité territoriale
forment l’objet de sa demande en indication de mesures conservatoires» (par. 18 de l’ordonnance).
Au terme de sa demande écrite en indication de mesures conservatoires, le Costa Rica prie la
Cour,
«dans l’attente de la décision qu’elle rendra sur le fond de l’affaire, d’ordonner
d’urgence les mesures conservatoires suivan tes, de sorte à remédier à l’atteinte
actuellement portée à son intégrité territo riale et à empêcher que de nouveaux
dommages irréparables ne soient causés à son territoire :
1) retrait immédiat et inconditionnel de to utes les forces nicaraguayennes des parties
du territoire costa-ricien envahies et occupées de manière illicite ;
2) cessation immédiate du percement d’un canal en territoire costa-ricien ;
3) cessation immédiate de l’abattage d’arbr es, de l’enlèvement de végétation et des
travaux d’excavation en territoire costa-ricien, notamment dans les zones humides
et les forêts ;
4) cessation immédiate du déversement de sédiments en territoire costa-ricien ;
5) suspension, par le Nicaragua, du progra mme de dragage en cours, mis en Œuvre
par celui-ci en vue d’occuper et d’inonder le territoire costa-ricien et de causer des
dommages à celui-ci ainsi qu’en vue de porter un lourd préjudice à la navigation
sur le fleuve Colorado ou de la pert urber gravement, suspension requise pour
donner plein effet à la sentence Cleveland da ns l’attente de la décision sur le fond
du présent différend ;
6) obligation faite au Nicaragua de s’abstenir de toute autre action qui soit de nature à
porter préjudice aux droits du CostaRica ou à aggraver ou étendre le différend
porté devant la Cour».
*
Lors des audiences publiques tenues les11, 12 et 13janvier2011 sur la demande en
indication de mesures conservatoires, des observa tions orales ont été présentées par les agents et
conseils des Gouvernements du Costa Rica et du Nicaragua.
Au cours de ces audiences, le CostaRica a réitéré l’argumentation développée dans sa
requête et sa demande en indication de mesures conservatoires, et a avancé que les conditions
requises pour que la Cour indique les mesures sollicitées étaient remplies.
Le demandeur a réaffirmé que,
«sans son consentement, le Nicaragua a creusé un canal artificiel à travers une partie
du territoire costa-ricien illégalement occupé par ses forces armées ; que le Nicaragua
a, à cette fin, illégalement déboisé des zones de forêts primaires internationalement
protégées; et que, selon [lui], les actions du Nicaragua ont entraîné des dommages
importants à un écosystème fragile et ont pour objectif d’établir un fait accompli
modifiant unilatéralement la frontière en tre les deux Parties par une tentative de
déviation du cours du fleuve SanJuan, al ors que l’Etat défendeur a, de manière
«constante, dépourvue d’ambiguïté [et] irréfragable», reconnu la souveraineté de l’Etat
demandeur sur IslaPortillos, que ledit canal couperait désormais» (par.31 de
l’ordonnance). - 5 -
Au cours de ses plaidoiries, le Costa Rica a déclaré
«ne pas s’opposer à ce que le Nicaragua en treprenne des travaux de nettoyage du
fleuve SanJuan, pour autant que ces travaux n’affectent pas son territoire, y compris
le fleuve Colorado, son droit de navigation su r le fleuve San Juan, ni ses droits sur la
baie de San Juan del Norte» (par. 32 de l’ordonnance).
Le demandeur a également
«fait valoir que les travaux de dragage du fleuve SanJuan entrepris par le Nicaragua
n’ont pas respecté ces conditions car, pr emièrement, le Nicaragua a déversé
d’importantes quantités de sédiments retirés du fleuve sur le territoire costa-ricien
qu’il occupe et a, à certains endroits , procédé à des actions de déboisement,
deuxièmement, ces travaux, ainsi que ceux re latifs au creusement du canal litigieux,
ont pour conséquence de détourner de manière significative les eaux du fleuve
Colorado, lequel se trouve entièrement en territoire costa-ricien, et, troisièmement, ces
travaux de dragage altéreront des parties du littoral nord du Costa Rica sur la mer des
Caraïbes» (par. 32 de l’ordonnance).
Au terme de son second tour de plaidoiries, le CostaRica a présenté les conclusions
suivantes :
«Le CostaRica demande à la Cour d’ordonner les mesures conservatoires
suivantes :
A. En attendant la décision finale sur le fo nd, et dans la zone comprenant l’entièreté
de Isla Portillos, c’est-à-dire la rive droite du fleuve San Juan et entre les rives de
la lagune LosPortillos (LagonHarborHead ) et de la rivière Taura («la zone
pertinente»), le Nicaragua doit s’abstenir de :
1) stationner ses troupes armées ou autres agents ;
2) construire ou élargir un canal ;
3) procéder à l’abattage d’arbres ou à l’enlèvement de végétation ou de terre ;
4)déverseressédiments.
B. En attendant la décision finale sur le fond, le Nicaragua doit suspendre son
programme de dragage du fleuve San Juan dans la zone adjacente à la zone
pertinente.
C. En attendant la décision finale sur le fond, le Nicaragua doit s’abstenir de toute
autre action pouvant porter préjudice aux droits du CostaRica, ou pouvant
aggraver ou étendre le différend porté devant la Cour».
*
De son côté, lors de son premier tour d’obser vations orales, le Nicaragua a soutenu que les
activités que le CostaRica lui reproche se sont déroulées sur le territoire nicaraguayenet qu’elles
n’ont causé, ni ne risquaient de causer, aucun préjudice irréparable à l’autre Partie. - 6 -
Se référant à la première sentence du géné ral Alexander en date du 30septembre1897, le
Nicaragua a affirmé que, dans la région en cause, sa frontière avec le CostaRica longe la côte
orientale de la lagune de Harbor Head avant de re joindre le fleuve San Juan par le premier chenal
naturel en direction du sud-ouest puis du sud. Selon le Nicaragua, ce premier chenal est le caño. Le
Nicaragua a ajouté que son titre de souveraineté sur la partie septentrionale de Isla Portillos
délimitée par ledit caño est confirmé par l’exercice de différentes prérogatives sou
veraines.
Le défendeur a indiqué que le caño était à ses yeux un «chenal naturel [qui] s’éta[i]t obstrué
au fil des ans, et [qu’]il avait entrepris de le rendre à nouveau praticable pour des embarcations
légères», ajoutant que «les travaux dénoncés par le CostaRica n’avaient donc aucunement pour
objet le creusement d’un canal artificiel et que le nettoyage et le débroussaillage du chenal avaient
été effectués manuellement en territoire nicaraguaye n, la rive droite dudit chenal constituant la
frontière entre les Parties» (par. 38 de l’ordonnance).
Le Nicaragua a encore fait valoir que «le déboisement auquel il a procédé était d’une
ampleur limitée et qu’il a entrepris de replanter les zones concernées, toutes situées sur la rive
gauche dudit chenal», c’est-à-dire, selon lui, en territoire nicaraguayen, «à raison de dix arbres pour
chaque arbre abattu», et il a affirmé que «les tr avaux de nettoyage du chenal [étaie]nt achevés et
[avaie]nt pris fin» (par. 39 de l’ordonnance).
En outre, «le Nicaragua a contesté que des éléments de ses forces armées aient occupé une
partie du territoire costa-ricien» (par.42 de l’ordonnance). Et s’il a bien indiqué avoir affecté
certains éléments de ses forces armées à la prot ection du personnel engagé dans les opérations de
nettoyage du chenal et de dragage du fleuve, il a en revanche affirmé que «ces troupes étaient
demeurées en territoire nicaraguayen et qu’elles n’ étaient plus présentes dans la région frontalière
où ces activités avaient eu lieu».
Lors du second tour d’observations orales, le Nicaragua a de nouveau
«fait valoir que, contrairement à ce que le CostaRica a[vait] affirmé, le caño existait
avant l’opération de nettoyage dont il avait fait l’objet; que ce fait était attesté par
différentes cartes, des photos satellites, l’ évaluation de l’impact environnemental
conduite par le Nicaragua et des témoignag es, tous ces éléments de preuve étant
antérieurs aux travaux litigieux; et que la frontière entre les Parties dans la zone
litigieuse pass[ait] bien par ce caño, compte tenu des caractéristiques hydrologiques
particulières de cette région» (par. 46 de l’ordonnance).
Le défendeur a par ailleurs «affirmé avoir le droit de procéder au dragage du San Juan sans
devoir attendre le consentement du Costa Rica à cette fin» avant de confirmer que
«cette opération, d’ampleur limitée, de même que celle relative au nettoyage et au
dégagement du caño, n’avaient causé aucun dommage au CostaRica et ne risquaient
pas d’en engendrer, aucun élément de preuve ne venant, selon le Nicaragua, confirmer
les affirmations du demandeur» (par. 47 de l’ordonnance).
Le Nicaragua a conclu que rien ne justifiait l’indication par la Cour des mesures
conservatoires sollicitées par le CostaRica et a de mandé à la Cour «de rejeter la demande en
indication de mesures conservatoires introduite par la République du Costa Rica». - 7 -
Raisonnement de la Cour
1. Compétence prima facie (par. 49-52)
La Cour commence par noter qu’en présence d’une demande en indication de mesures
conservatoires, elle n’a pas besoin, avant de d écider d’indiquer ou non de telles mesures, de
s’assurer de manière définitive qu’elle a compétence quant au fond de l’affaire, mais qu’il lui suffit
de s’assurer que les dispositions invoquées par le demandeur semblent prima facie constituer une
base sur laquelle sa compétence pourrait être fondée.
La Cour relève que le CostaRica en tend fonder sa compétence, d’une part, sur
l’article XXXI du pacte de Bogotá et, d’autre part, sur les déclarations faites par les deux Etats en
application du paragraphe2 de l’article36 du Statut. Le Costa Rica se réfère en outre à une
communication que le ministre des affaires étra ngères du Nicaragua a adressée à son homologue
costa-ricien en date du 30novembre2010, dans la quelle la Cour est présentée comme «l’organe
judiciaire des Nations Unies compétent pour trancher» les questions posées par le présent différend.
La Cour note que, dans la présente procédure, le Nicaragua n’a pas contesté sa compétence
pour connaître du différend.
La Cour conclut de ce qui précède que les instruments invoqués par le Costa Rica semblent,
prima facie, constituer une base sur laquelle elle pourrait fonder sa compétence pour se prononcer
sur le fond, lui permettant, si elle estime que les circonstances l’exigent, d’indiquer des mesures
conservatoires. Elle considère dès lors qu’elle n’est pas tenue, à ce stade de la procédure, de
déterminer avec plus de précision, parmi les instruments invoqués par le CostaRica, lequel ou
lesquels d’entre eux fondent sa compétence pour connaître des différentes demandes qui lui sont
présentées.
2. Caractère plausible des droits dont la protection est recherchée et lien entre ces droits et les
mesures demandées (par. 53-62)
La Cour rappelle que le pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires qu’elle tient de
l’article41 de son Statut a pour objet de sauvegarder le droit de chacune des parties en attendant
qu’elle rende sa décision. La Cour ne peut, pa r conséquent, exercer ce pouvoir que si, d’une part,
les droits allégués par une partie apparaissent au moins plausibles et, d’autre part, il existe un lien
entre les droits qui font l’objet de l’instance penda nte devant elle sur le fond de l’affaire et les
mesures conservatoires sollicitées.
⎯ Caractère plausible des droits dont la protection est recherchée (par. 55-59)
La Cour relève que, tandis que le CostaRica allègue que les droits qu’il revendique et qui
font l’objet de l’affaire au fond sont, d’une pa rt, son droit au respect de sa souveraineté sur
l’entièreté de IslaPortillos et sur le fleuve Colorado et, d’autre part, son droit à la protection de
l’environnement sur les espaces sur lesquels il est souverain, le Nicaragua soutient, quant à lui,
détenir le titre de souveraineté sur la partie septentrionale de IslaPortillo s, soit la zone humide
d’environ troiskilomètrescarrés comprise entre la rive droite du caño litigieux, la rive droite du
fleuve SanJuan lui-même jusqu’à son embouchure dans la mer des Caraïbes et la lagune de
HarborHead (ci-après le «territoire litigieux»), et fait valoir que ses opérations de dragage du
fleuve San Juan, sur lequel il a la souveraineté, n’ont qu’un impact tout à fait mineur sur le débit du
fleuve Colorado, sur lequel le Costa Rica est souverain. - 8 -
S’agissant du droit au respect de la souveraineté sur le territoire litigieux, la Cour indique
qu’elle n’a pas, au stade actuel, à départager les prétentions concurrentes des Parties et à établir de
façon définitive l’existence des droits revendiqu és par chacune d’elles; il lui suffit, pour les
besoins de l’examen de la demande en indication de mesures conservatoires, de décider si les droits
revendiqués par le demandeur sur le fond, et dont il sollicite la protection, sont plausibles.
Après un examen attentif des éléments de pre uve et des arguments présentés par les Parties,
la Cour conclut que le titre de souveraineté revendiqué par le CostaRica sur l’entièreté de
Isla Portillos est plausible. Elle ajoute qu’elle n’a pas à se prononcer sur la plausibilité du titre de
souveraineté sur le territoire litigieux avancé par le Nicaragua. La Cour précise aussi, d’une part,
que les mesures conservatoires qu’elle pourrait indi quer ne préjugeraient d’aucun titre et, d’autre
part, que les revendications contradictoires d es Parties ne sauraient constituer un obstacle à
l’exercice du pouvoir que la Cour tient de son Statut d’indiquer de telles mesures.
Quant au droit à la protection de l’environneme nt, la Cour estime également plausible, à ce
stade de la procédure, le droit revendiqué par le CostaRica de demander la suspension des
opérations de dragage du fleuve San Juan si celles- ci risquent de perturber gravement la navigation
sur le fleuve Colorado ou de porter préjudice à son territoire.
⎯ Lien entre les droits dont la protection est recherchée et les mesures demandées (par. 60-62)
Estimant que la poursuite ou la reprise des activités litigieuses du Nicaragua sur Isla Portillos
seraient susceptibles d’affecter les droits de souveraineté que le CostaRica pourrait se voir
reconnaître au fond, la Cour est d’avis qu’il existe un lien entre ces droits et la première mesure
conservatoire sollicitée, qui tend à garantir que le Nicaragua s’abstiendra de toute activité «dans la
zone comprenant l’entièreté de Isla Portillos».
La Cour est également d’avis qu’étant donné que les droits que le Costa Rica pourrait se voir
reconnaître au fond seraient susceptibles d’être atteints s’il était établi que la poursuite des
opérations nicaraguayennes de dragage du fleuve SanJuan risquait de gravement perturber la
navigation sur le fleuve Colorado ou de causer d es dommages au territoire du Costa Rica, il existe
un lien entre ces droits et la deuxième mesure cons ervatoire sollicitée, qui concerne la suspension
du programme nicaraguayen «de dragage du fleuve Sa n Juan dans la zone adjacente à la zone
pertinente».
La Cour considère enfin que la dernière m esure conservatoire sollicitée par le CostaRica,
qui tend à garantir que le Nicaragua s’abstienne «de toute autre action pouvant porter préjudice aux
droits du Costa Rica, ou pouvant aggraver ou étendre le différend porté devant la Cour» jusqu’à la
«décision finale sur le fond», étant formulée en des termes très larges, présente un lien avec les
droits qui font l’objet de l’instance pendante deva nt la Cour sur le fond en ce qu’elle vient en
complément de mesures plus spécifiques de protection de ces mêmes droits.
3. Risque de préjudice irréparable et urgence (par. 63-72)
La Cour rappelle qu’elle a le pouvoir d’ indiquer des mesures conservatoires lorsqu’un
préjudice irréparable risque d’être causé aux droits en litige et que ce pouvoir ne sera exercé que
s’il y a urgence, c’est-à-dire s’il existe un risque réel et imminent qu’un tel préjudice soit causé à
ces mêmes droits.
Elle observe que le Costa Rica soutient i) que les «forces armées nicaraguayennes continuent
d’être présentes sur l’île de Portillos, en violati on des droits souverains du CostaRica», ii)que le
Nicaragua «continue de causer des dommages au te rritoire costa-ricien, faisant peser une grave
menace sur les zones humides et forêts de ce territoire qui jouissent d’une protection
internationale» et iii)que «le Nicaragua[, qui] tent e de modifier unilatéralement, à son profit, le - 9 -
cours d’un fleuve dont la rive droite constitue une frontière convenue, valide et licite … , ne saurait
être autorisé à continuer de faire dévier ainsi le fl euve San Juan en territoire costa-ricien, en vue de
mettre le Costa Rica et la Cour devant un fait accompli».
La Cour note que le Costa Rica, en attendant s on arrêt sur le fond, souhaite le rétablissement
du statu quo ante et souligne que les droits suivants, qu’ il estime être les siens, sont menacés de
préjudice irréparable du fait des activités du Nicaragua : le droit à la souveraineté et à l’intégrité
territoriale, le droit à la non-occupation, le dr oit à ce que son territoire ne soit pas déboisé par une
force étrangère, le droit à ce que son territoire ne soit pas utilisé pour le déversement de sédiments
provenant d’un dragage ou le creusement non au torisé d’un canal, et les différents droits
correspondant à l’obligation qui incombe au Nicaragua de ne pas draguer le fleuve San Juan si cela
affecte ou endommage le territoire du CostaRica, s on environnement ou l’intégrité et le débit du
Colorado.
Elle relève que le Costa Rica ajoute que les travaux entrepris par le Nicaragua dans la zone
litigieuse auront pour effet de pr ovoquer des inondations et des dégâts sur le territoire costa-ricien,
ainsi que des modifications géomorphologiques, et qu e le dragage du fleuve San Juan entrepris par
le Nicaragua emportera des effets comparables, en plus de réduire significativement le débit du
fleuve Colorado.
Elle observe également que le CostaRica, d’ une part, justifie l’urgence de sa demande en
indication de mesures conservatoires par la nécessité d’empêcher que la poursuite des actes
préjudiciables à ses droits ne modifie sensiblement la situation sur le terrain avant que la Cour ne se
prononce sur le fond de l’affaire et, d’autre part, fait valoir que le maintien de la présence de forces
armées nicaraguayennes sur son territoire contribue à créer une situation politique marquée par une
hostilité et une tension extrêmes susceptibles de contribuer à l’aggravation ou à l’extension du
différend.
La Cour relève par ailleurs qu’après avoir soutenu que les activités menées sur son territoire,
et dont l’impact environnemental avait dûment et préalablement été étudié, n’étaient pas
susceptibles de causer de préjudices imminents au CostaRica, le Nicaragua a affirmé que les
opérations de nettoyage et de dégagement du caño étaient achevées et avaient pris fin, et qu’aucun
élément de ses forces armées n’était stationné sur Isla Portillos et qu’il n’avait nullement l’intention
d’envoyer des troupes ou d’autres agents dans la zone litigieuse, ni d’y établir de poste militaire à
l’avenir.
La Cour note cependant que le Nicaragua a précisé, d’une part, que dans le cadre de la
replantation d’arbres en cours, son ministère de l’environnement «enverra[it] périodiquement des
inspecteurs sur place afin de surveiller le processu s de reboisement, ainsi que les changements qui
pourraient se produire dans la région, y compris la lagune d’Harbor Head» et, d’autre part, que
«[l]e caño n’[étant] plus obstrué», «[i]l [était] possi ble de patrouiller dans la zone des eaux du
fleuve comme cela a[vait] toujours été le cas, afin de faire respecter la loi, de lutter contre le trafic
de drogue et le crime organisé et pour la protection de l’environnement».
4. Examen des mesures conservatoires demandées pa r le Costa Rica et décision de la Cour
(par. 73-85)
La Cour déclare que c’est à la lumière de ces précisions qu’il y a lieu d’examiner la première
mesure conservatoire demandée par le Costa Rica dans ses conclusions présentées au terme de son
second tour d’observations orales, à savoir qu’«[e]n attendant la décision finale sur le fond, et dans
la zone comprenant l’entièreté de Isla Portillos, c’ est-à-dire la rive droite du fleuve SanJuan et
entre les rives de la lagune Los Portillos (Lagon Harbor Head) et de la rivière Taura («la zone
pertinente»), le Nicaragua doit s’abstenir de: 1)stationner ses troupes armées ou autres agents; - 10 -
2) construire ou élargir un canal ; 3) procéder à l’abattage d’arbres ou à l’enlèvement de végétation
ou de terre ; 4) déverser des sédiments».
Prenant acte des affirmations du Nicaragua re latives à la fin des travaux dans la zone du
caño, la Cour conclut qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances actuelles de l’espèce, d’indiquer
les mesures 2), 3) et 4) que le Costa Rica a sollic itées dans ses conclusions présentées au terme de
son second tour d’observations orales (voir paragraphe ci-dessus).
Compte tenu de ce que le Nicaragua entend, fût-ce ponctuellement, mener certaines activités
sur le territoire litigieux, la Cour estime qu’il y a lieu d’indiquer des mesures conservatoires, dans
la mesure où cette situation, d’une part, crée un risque imminent de préjudice irréparable au titre de
souveraineté revendiqué par le Costa Rica sur ledit territoire ainsi qu’aux droits qui en découlent et,
d’autre part, fait naître un risque réel et actuel d’incidents susceptibles d’entraîner une atteinte
irrémédiable à l’intégrité physique de personnes ou à leur vie.
La Cour juge dès lors nécessaire que les Par ties s’abstiennent d’envoyer ou de maintenir sur
le territoire litigieux, y compris le caño, des agents civils, de police ou de sécurité, aussi longtemps
qu’elles ne se seront pas entendues à cet égard ou que le différend n’aura pas été tranché sur le
fond. La Cour estime par ailleurs qu’il incombe à chacune des Parties de surveiller le territoire
litigieux à partir des territoires sur lesquels e lles sont respectivement et incontestablement
souveraines et qu’il appartient à leurs forces de po lice ou de sécurité de coopérer entre elles, dans
un esprit de bon voisinage, pour lutter notamment c ontre la criminalité qui pourrait se développer
sur ledit territoire.
Après avoir constaté que, dans la région front alière en cause, le CostaRica et le Nicaragua
ont, en application de la convention de Ramsar, respectivement désigné «Humedal Caribe Noreste»
et «Refugio de Vida Silvestre Río San Juan» comme zones humides d’importance internationale, la
Cour est d’avis que, dans l’attente de l’arrêt sur le fond, «le Costa Rica doit être en mesure d’éviter
qu’un préjudice irréparable soit causé» à la partie de la zone humide «Humedal Caribe Noreste» où
est situé le territoire litigieux. La Cour estime qu’à cette fin, «le Costa Rica doit pouvoir envoyer
sur ledit territoire, y compris le caño, des agents civils chargés de la protection de l’environnement
dans la stricte mesure où un tel envoi sera it nécessaire pour éviter la survenance d’un tel
préjudice». Elle ajoute que «le CostaRica devra consulter le Secrétaria t de la convention de
Ramsar au sujet de ces activités, informer préalablement le Nicaragua de celles-ci et faire de son
mieux pour rechercher avec ce dernier des solutions communes à cet égard».
*
S’agissant de la deuxième mesure conservatoire demandée par le CostaRica, tendant à la
suspension du programme nicaraguayen de dragage du fleuve San Juan dans la zone adjacente à la
zone pertinente, la Cour estime que les éléments de preuve produits par les Parties ne permettent
pas de conclure à ce stade que les opérations de dragage du fleuve SanJuan font peser sur
l’environnement du CostaRica ou sur le débit du fleuve Colorado un risque de préjudice
irréparable, et qu’il n’a pas été davantage démontré que, quand bien même il existerait un tel risque
de préjudice aux droits allégués par le Costa Rica en l’espèce, celui-ci serait imminent. La Cour
conclut de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances actuelles de l’espèce,
d’indiquer la deuxième mesure conservatoire demandée par le Costa Rica.
* - 11 -
Ayant rappelé, d’une part, qu’elle tient de son Statut le pouvoir d’indiquer des mesures
totalement ou partiellement différentes de celle s sollicitées, ou des mesures qui s’adressent à la
Partie même dont émane la demande et, d’autr e part, que les mesures qu’elle ordonne ont un
caractère obligatoire et créent des obligations juri diques internationales que les deux Parties sont
tenues de respecter, la Cour estime qu’il y a lieu, eu égard aux circonstances, d’indiquer en outre, à
charge des deux Parties, des mesures complémentaires tendant à ce qu’elles s’abstiennent de tout
acte de nature à aggraver ou étendre le différend ou à en rendre la solution plus difficile.
La Cour ajoute que la décision rendue en la présente procédure ne préjuge en rien la question
de sa compétence pour connaître du fond de l’affaire, ni aucune question relative à la recevabilité
de la requête ou au fond lui-même, et qu’elle laisse intact le droit des Gouvernements du
Costa Rica et du Nicaragua de faire valoir leurs moyens en ces matières.
Dispositif (par. 86)
Le texte intégral du dernier paragraphe de l’ordonnance se lit comme suit :
«Par ces motifs,
L A C OUR ,
Indique à titre provisoire les mesures conservatoires suivantes :
«1) A l’unanimité,
Chaque Partie s’abstiendra d’envoyer ou de maintenir sur le territoire litigieux, y compris le
caño, des agents, qu’ils soient civils, de police ou de sécurité ;
2) Par treize voix contre quatre,
Nonobstant le point1) ci-dessus, le CostaRi ca pourra envoyer sur le territoire litigieux, y
compris le caño, des agents civils chargés de la protec tion de l’environnement dans la stricte
mesure où un tel envoi serait néce ssairepour éviter qu’un préjudice irréparable soit causé à la
partie de la zone humide où ce territoire est situé ; le Costa Rica devra consulter le Secrétariat de la
convention de Ramsar au sujet de ces activités, info rmer préalablement le Nicaragua de celles-ci et
faire de son mieux pour rechercher avec ce dernier des solutions communes à cet égard ;
POUR : M. Owada, président ; M.Tomka, vice-président ; MM.Koroma, Al-Khasawneh,
Simma, Abraham, Keith, Bennouna, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood,
Mme Donoghue, juges ; M. Dugard, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Sepúlveda-Amor, Skotnikov, Mme Xue, juges ; M. Guillaume, juge ad hoc ;
3) A l’unanimité,
Chaque Partie s’abstiendra de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend
dont la Cour est saisie ou d’en rendre la solution plus difficile ; - 12 -
4) A l’unanimité,
Chaque Partie informera la Cour de la ma nière dont elle assure l’exécution des mesures
conservatoires ci-dessus indiquées.»
MM. les juges Koroma et Sepúlveda-Amor ont joint à l’ordonnance les exposés de leur
opinion individuelle; MM. les juges Skotnikov, Greenwood et Mme le juge Xue ont joint des
déclarations à l’ordonnance ; M. le juge ad hoc Guillaume a joint une déclaration à l’ordonnance ;
M. le juge ad hoc Dugard a joint à l’ordonnance l’exposé de son opinion individuelle.
Le résumé de ces opinions individuelles et déclarations est annexé au présent résumé.
___________ Annexe au résumé 2011/1
Opinion individuelle de M. le juge Koroma
Dans son opinion individuelle, le juge Koroma, bien qu’ayant voté en faveur de
l’ordonnance, exprime des réserves quant à la décision de la Cour de fonder l’indication de mesures
conservatoires sur le critère de «plausibilité». Il relève que la faculté qu’a la Cour d’indiquer des
mesures conservatoires en vertu de l’article 41 de son Statut est capitale pour garantir la sauvegarde
des droits des parties en attendant l’arrêt sur le fond. S’il souscrit tant à la décision rendue qu’à
l’essentiel du raisonnement qui la motive, il a tenu à joindre à l’ordonnance une opinion
individuelle sur la question de la «plausibilité» qui s’y trouve soulevée.
Le juge Koroma rappelle que ce «critère de plausibilité» a été énoncé pour la première fois
dans l’affaire relative à des Questions concernant l’obligati on de poursuivre ou d’extrader
(Belgique c.Sénégal) , où il semble être apparu ex nihilo, sans l’appui d’aucune référence ou
explication. Il lui paraît en outre en contradiction avec la jurisprudence constante de la Cour, qui
impose au demandeur de démontrer la nécessité de protéger un droit existant.
Le critère de plausibilité inquiète à double titre le juge Koroma : d’une part, en raison de son
ambiguïté, d’autre part en raison de la difficulté à savoir s’il porte sur les droits, les allégations
factuelles, ou sur les deux. S’agissant de son pr emier motif d’inquiétude, le jugeKoroma relève
que le mot «plausible» peut, en anglais, avoir plusieurs sens. Il a souvent une connotation négative
⎯ l’implication, dans le cas d’une allégation, que si celle-ci donne globalement l’impression d’être
fidèle à la vérité, elle est en réalité trompe use, spécieuse, vraie en partie seulement, voire
totalement fausse. Le juge Koroma estime qu’on ne saurait dès lors s’appuyer sur une telle notion
pour définir le critère juridique requis aux fins de l’indica tion par la Cour de mesures
conservatoires. Par ailleurs, l’utilisation que fait la Cour du critère de plausibilité donne selon lui
l’impression que le seuil pour indiquer des mesures conservatoires a été abaissé. Le juge Koroma
relève toutefois que le mot «plausible» semble ne pas avoir, en français, la même connotation
négative et qu’il pourrait dès lors avoir mieux rendu compte de l’intention de la Cour lorsqu’il a été
initialement utilisé dans l’affaire Belgique c. Sénégal.
S’agissant de son deuxième motif d’inquiétude, le juge Koroma soutient que la Cour n’a pas
précisé si ce critère obligeait le demandeur à démontrer la plausibilité de ses prétentions juridiques
ou de ses allégations factuelles. Il fait remarquer que la Cour a appliqué ce critère aux unes et aux
autres. Dans l’affaire Belgique c. Sénégal, la Cour, après avoir énoncé le critère de plausibilité, a
déclaré que «[les] droits [revendiqués par la Belg ique], en tant que fondés sur une interprétation
possible de la convention contre la torture, appara iss[aient] … plausibles», ce dont le juge Koroma
déduit que la Cour s’est cantonnée à une analyse juridique. Toutefois, dans la présente ordonnance,
la Cour évalue la plausibilité d’ allégations factuelles du CostaRica. Le juge Koroma estime que
les droits effectivement en cause, y compris ceux du CostaRica à la souveraineté et à l’intégrité
territoriale, vont de soi, mais que , dans son ordonnance, la Cour examine en réalité si «le titre de
souveraineté revendiqué par le Costa Rica sur l’entièreté de Isla Portillos est plausible» (par. 58).
Le jugeKoroma estime qu’il aurait été intéressant d’énoncer un critère clair permettant
d’évaluer, prima facie, la légitimité des prétentions d’un demandeur au stade des mesures
conservatoires. Il relève qu’ un tel critère serait semblable à l’exigence actuelle de l’existence
d’une compétence prima facie de la Cour et qu’il contribuerait à garantir que les Parties n’aient pas
abusivement recours à la procédure de la dema nde en indication de mesures conservatoires en
devançant des prétentions manifestement dénuées de tout fondement. Il ajoute que la Cour,
lorsqu’elle s’est prononcée sur l’indication de me sures conservatoires, a parfois été amenée à
évaluer de manière informelle la légitimité des prétentions d’une pa rtie, souvent dans le cadre de
son analyse des questions relatives à la compétence ou au préjudice irréparable. Pour le
jugeKoroma, la question la plus difficile est de savoir en quoi devrait précisément consister ce
critère. Il pourrait être fait obligation à la partie intéressée d’établir,prima facie, qu’elle jouit de - 2 -
certains droits. Il pourrait aussi être exigé que les droits qu’elle allègue soient fondés sur une
interprétation raisonnable du droit ou des faits.
Le jugeKoroma conclut que, si la Cour déci de effectivement d’adopter un nouveau critère,
elle devrait le faire de manière transparente, en en expliquant la raison d’être. Rendre une
ordonnance en indication de mesures conservatoir es sur le fondement de la plausibilité pourrait,
insiste-t-il, se révéler une erreur.
Opinion individuelle de M. le juge Sepúlveda-Amor
Dans son opinion individuelle, le juge Sepúlveda-Amor convient que la Cour devait indiquer
des mesures conservatoires en l’espèce. Il rappelle que la Cour a le pouvoir d’indiquer quelles
mesures conservatoires du droit de chacun elle estime devoir être prises à titre provisoire, ces
mesures pouvant être totalement ou partiellement différentes de celles initialement demandées. Il
juge utile de réaffirmer que, une ordonnance en indication de mesures conservatoires ayant un
caractère obligatoire, les Parties à l’instance sont tenues de respecter toute obligation internationale
en découlant.
Selon le juge Sepúlveda-Amor, la Cour ré pond à une préoccupation importante: le risque
d’activités criminelles sur le territoire litigieux. La Cour ayant décidé, à juste titre, de confier à
chacune des Parties la responsabilité de mainte nir l’ordre dans la région sur laquelle sa
souveraineté est incontestable, il est à espérer que la collaboration bilatérale requise sera
suffisamment efficace pour empêcher la criminalité organisée de sévir dans ce no-man’s land
transitoire.
Dans un autre ordre d’idées, le juge Sepúlveda-Amor estime que la Cour aurait dû saisir
l’occasion qui lui était offerte de préciser le «critère de plausibilité» requis aux fins de l’article 41
du Statut. L’imprécision de la notion de pl ausibilité dans l’ordonnance pourrait se révéler
problématique lors de prochaines demandes en indi cation de mesures conservatoires, ainsi qu’il le
montre dans son opinion.
Bien qu’il convienne de la nécessité qu’il y avait d’indiquer des mesures conservatoires en la
présente espèce, le juge Sepúlveda-Amor ne s ouscrit pas au deuxième point du dispositif de
l’ordonnance, ni ne peut s’associer à certaines de s raisons avancées pour fonder la décision de la
Cour à cet égard. Selon lui, la manière dont cette dernière, dans son ordonn ance, traite le risque
imminent de préjudice irréparable aux droits éventuels du CostaRica laisse à désirer, les mesures
conservatoires indiquées étant très en-deçà de ce qui serait nécessaire pour préserver et protéger
comme il se doit le «HumedalCaribeNoreste» . Le juge Sepúlveda-Amor tient à rappeler
l’interconnexion qui existe entre celui-ci, d’une part, et le «Refugio de Vida Silvestre Corredor
Fronterizo» et le «Refugio de Vida Silvestre Rio SanJuan», d’autre part, ce dernier étant un site
Ramsar. Du fait de cette interconnexion, une colla boration bilatérale plus étendue et la pleine
assistance du Secrétariat de la convention de Ra msar sont nécessaires pour assurer la sécurité
environnementale de ces zones humides.
Déclaration de M. le juge Skotnikov
Le juge Skotnikov souscrit pleinement à la décision de la Cour prescrivant aux deux Parties
de «s’absten[ir] d’envoyer ou de maintenir sur le territoire litigieux, y compris le caño, des agents,
qu’ils soient civils, de police ou de sécurité». Il ne peut cependant souscrire à la deuxième mesure
conservatoire indiquée par la Cour.
Selon le jugeSkotnikov, deux conditions à l’indication de mesures conservatoires, bien
établies par la jurisprudence de la Cour, à savoir l’existence d’un risque de dommage irréparable - 3 -
aux droits en litige et l’urgence, n’étaient pas remplies en la présente affaire. Il considère
également que la majorité qui a voté en faveur de la deuxième mesure conservatoire ne s’est pas
suffisamment attachée au devoir qu’a la Cour de ne pas préjuger de l’issue de la procédure au fond.
Cette mesure conservatoire peut en outre, estime-t- il, être de nature à aggraver ou à étendre le
différend.
La deuxième mesure conservatoire — qui autorise le Costa Rica à envoyer des agents civils
chargés de la protection de l’ environnement sur le territoire litigieux— a été indiquée pour la
raison suivante :
«le territoire litigieux [étant] situé dans la zone humide «Humedal CaribeNoreste»
parrapport à laquelle le CostaRica a des obligations au titre de la convention de
Ramsar [, celui-ci doit], en attendant l’a rrêt sur le fond,…être en mesure d’éviter
qu’un préjudice irréparable soit causé à la pa rtie de cette zone humide où ce territoire
est situé».
Le jugeSkotnikov convient que la conven tion de Ramsar impose des obligations au
Costa Rica en ce qui concerne la zone humide «Humedal Caribe Noreste». Il estime toutefois que
la question de savoir si ces obliga tions s’étendent au territoire litigieux ne peut être tranchée qu’au
stade du fond.
La Cour a jugé que le Nicaragua devait cess er de replanter des arbres sur le territoire
litigieux et s’abstenir d’y envoyer des inspecteu rs chargés de surveiller périodiquement le
processus de reboisement ainsi que les changements qui pourraient se produire dans la région, au
motif que «cette situation crée un risque imminent de préjudice irréparable au titre de souveraineté
revendiqué par le CostaRica sur ledit territoire ai nsi qu’aux droits qui en découlent». Or, la
présence sur le territoire litigieux d’agents co sta-riciens chargés de la protection de
l’environnement ne peut qu’être tout aussi préjudi ciable au titre de souveraineté revendiqué par le
Nicaragua sur ce territoire.
Les activités que le CostaRica est autorisé à mener en vertu de la deuxième mesure
conservatoire vont potentiellement bien au-delà de la reforestation et du contrôle envisagés par le
Nicaragua, ce qui risque malheure usement d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est
saisie, et d’en rendre le règlement plus difficile.
La Cour estime que les activités menées par le Nicaragua sur le territoire litigieux font naître
«un risque réel et actuel d’incidents susceptibles d’entraîner une atteinte irrémédiable à l’intégrité
physique de personnes ou à leur vie». Or, les activités du CostaRica que la Cour autorise sur le
même territoire en indiquant la deuxième mesure conservatoire peuvent faire naître le même type
de risque.
Le juge Skotnikov relève que la nécessité de la pr ésence d’agents de l’une ou l’autre Partie
sur un territoire aussi réduit afin d’éviter que ne soit causé un préjudice irréparable à la partie de la
zone humide où il est situé n’a pas été démontrée. Il ressort clairement du dossier de l’affaire
qu’aucun agent n’était présent sur le territoire litigieux avant que le Nicar agua n’entreprenne ses
activités dans le caño en octobre 2010.
Le Costa Rica lui-même n’a pas demandé à la Cour de prescrire une mesure l’autorisant à
envoyer des agents sur le territoire litigieux. La deuxième mesure conservatoire est indiquée à la
seule initiative de la Cour. - 4 -
Le jugeSkotnikov estime que la Cour aura it dû traiter la question de la protection de
l’environnement exactement comme elle a traité cel le de la prévention des activités criminelles sur
le territoire litigieux, c’est-à-dire en invitant les Parties à coopérer dans un esprit de bon voisinage
dans la zone protégée au titre de la conven tion de Ramsar, nonobstant leurs prétentions
concurrentes à la souveraineté sur le territoire litigieux.
Déclaration de M. le juge Greenwood
Le jugeGreenwood examine les critères devant être appliqués lorsque la Cour est priée
d’indiquer des mesures conservatoires et conclu t que celle-ci doit s’assurer que les droits invoqués
par une partie sont plausibles, c’est-à-dire que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il soit
établi, lors de l’examen au fond, que ces droits existent et sont pertinents en l’espèce. La Cour doit
également s’assurer qu’il existe un risque réel que soit causé un préjudice irréparable à ces droits
avant toute décision au fond. Selon le juge Greenwood, si, par ses demandes, le CostaRica
satisfait à la première exigence, il ne satisfait à la deuxième qu’en ce qui concerne les droits qu’il
pourrait se voir reconnaître sur IslaPortillos. Le juge Greenwood aurait préféré que le deuxième
point du dispositif de l’ordonnance invite de mani ère plus explicite les deux Parties à adopter une
approche concertée afin d’empêcher que ne soit causé un dommage environnemental à
Isla Portillos et à la lagune de Harbor Head, conformément à la convention de Ramsar.
Déclaration de Mme le juge Xue
Le juge Xue déclare avoir voté contre le deuxième point du dispositif de l’ordonnance parce
qu’elle estime que la présente affaire concerne essentiellement un différend territorial portant sur la
zone en question ; or, sauf disposition contraire, c’ est la souveraineté territoriale des Etats parties à
un traité qui conditionne l’application territoriale de celui-ci. Le fait de permettre à une Partie
d’envoyer dans la zone litigieu se du personnel, même civil et même dans le but de protéger
l’environnement, amènera très probablement certains lecteurs à interpréter, à tort, l’ordonnance
comme préjugeant l’affaire au fond et, plus gr ave encore, pourrait contribuer à envenimer la
situation sur le terrain. Or, selon l’article41 du Statut de la Cour et d’après la jurisprudence de
celle-ci, la procédure relative à une demande en indication de mesures conservatoires ne saurait
aboutir à ce que soit préjugée une quelconque question touchant au fond de l’affaire portée devant
la Cour et doit laisser intacts les droits des Parties à cet égard.
Le jugeXue est d’avis que la Cour aurait pu, en attendant l’arrêt définitif sur le fond,
prescrire la mesure indiquée au deuxième point aux deux Parties, tout en précisant que le
Secrétariat de la convention de Ramsar les assister ait si des dispositions de vaient être prises pour
éviter que des dommages irréparables ne soient cau sés à l’environnement. Elle a souhaité, par son
vote, rappeler aux Parties que le deuxième point du dispositif ne saurait en aucun cas être interprété
comme ayant une incidence sur le fond de l’affaire.
Déclaration de M. le juge ad hoc Guillaume
1. Dans sa déclaration, le juge ad hoc Gilbert Guillaume rappelle en premier lieu que, selon
l’arrêt rendu par la Cour le 13juillet2009, le Nicaragua peut exécuter à ses frais les travaux
nécessaires pour améliorer la navigation sur le fleuve SanJuan qu’il estime convenables, à
condition que ces travaux ne perturbent pas grav ement la navigation sur le fleuve et sur les
affluents du SanJuan appartenant au CostaRica. Il ajoute que si, lors de tels travaux, des
dommages sont causés au territoire du CostaRica, ce dernier est en droit non pas d’empêcher la
poursuite des travaux sur le territoire du Nicaragua, mais d’obtenir réparation des dommages subis.
Puis il observe que, sans prendre parti au fond, la Cour a jugé que le dragage envisagé par le
Nicaragua ne faisait pas «peser sur l’environnement du CostaRica ou sur le débit du fleuve - 5 -
Colorado un risque de préjudice irréparable». Sou scrivant à cette appréciation, il approuve la
décision par laquelle la Cour a rejeté la demande de mesures conservatoires présentée sur ce point
par le Costa Rica.
2. Passant au différend concernant les activités menées par le Nicaragua sur le territoire de
quelque troiskilomètres carrés reve ndiqué par les deux Etats, le juge ad hoc Guillaume souscrit
également à la décision par laquelle la Cour a prescrit à chacune des Parties de s’abstenir d’envoyer
ou de maintenir sur ce territoire des agents civils, de police ou de sécurité. Il estime en effet que
cette solution préserve clairement les droits à la souveraineté avancés tant par le Nicaragua que par
le Costa Rica, tout en contribuant à la sauvegarde de la paix dans la région.
3. Reste l’impact sur l’environnement des travaux effectués dans ce secteur par le Nicaragua.
A cet égard, le juge ad hoc Guillaume prend note, comme la Cour, de la déclaration par laquelle le
Nicaragua a précisé que les travaux avaient pris fin et en déduit, comme elle, qu’il n’y a pas lieu
d’inviter le Nicaragua à ne pas poursuivre ces travaux. Il constate, également avec la Cour, que
l’existence du caño litigieux ne crée aucun risque imminent de préjudice irréparable à
l’environnement.
4. En revanche le juge ad hoc Guillaume s’est séparé de la Cour en ce qui concerne le point 2
du dispositif de l’ordonnance. Dans ce point la Cour a envisagé l’hypothèse peu vraisemblable
dans laquelle un risque de préj udice irréparable aux zones humides protégées par la convention de
Ramsar apparaîtrait dans l’avenir du fait des travaux contestés. Elle a donné au CostaRica et au
CostaRica seul le droit d’envoyer en pareil cas su r le territoire litigieux des agents civils chargés
de la protection de l’environnement en vue de rechercher si des mesures doivent être prises.
Le CostaRica, avant d’agir de la sorte, doit certes consulter le Secrétariat de la convention
de Ramsar et chercher un accord avec le Nicaragua, mais c’est à lui qu’en cas d’échec de la
négociation, appartient la décision finale. Le juge ad hoc Guillaume le regrette, car il estime que la
protection de l’environnement sur le territoire litigieux ne saurait être dissociée de celle de
l’environnement sur les territoires voisins relevant de la souveraineté incontestée de l’un ou l’autre
Etat. Par voie de conséquence il eût été préfér able de confier cette protection aux deux Etats
agissant conjointement. Une telle solution eût en outre permis d’éviter de donner l’impression que
la Cour entendait privilégier les droits du Costa Ri ca sur le territoire litigieux, ce qui à l’évidence
n’est pas le cas, puisque l’ordonnance, selon ses termes mêmes, ne préjuge aucune question relative
au fond de l’affaire et notamment pas la souveraineté sur le territoire en cause .
Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Dugard
juLee ad hoc Dugard a voté en faveur du dispositif dans son ensemble. Dans son opinion,
il exprime néanmoins des doutes quant au premier point du dispositif, qui impose aux deux Parties
de maintenir leurs agents civils, de police ou de sécurité hors du territoire litigieux.
Après avoir examiné la nécessité, pour le dema ndeur, de démontrer l’existence d’un «droit
plausible» s’il veut obtenir l’indication de mesures conservatoires, le juge ad hoc Dugard montre
que la Cour ne saurait établir l’existence d’un tel droit sans se pencher dans une certaine mesure sur
le fond de l’affaire. Le traité de limites de 1858, la première sentenceAlexander de1897 et un
certain nombre de cartes prouvent le caractère plau sible du droit à la souveraineté et à l’intégrité
territoriale du Costa Rica.
Le respect de l’intégrité territoriale d’un Etat par les autres Etats ⎯norme qui relève du
jus cogens ⎯, ainsi que le principe de la stabilité des frontières exigent de la Cour qu’elle rende - 6 -
une ordonnance en indication de mesures conserva toires confirmant le droit à la souveraineté
territoriale de l’Etat envahi, en l’espèce le Costa Ri ca. La nature de la zone en question ne saurait
conduire la Cour à une conclusion différente, un Etat étant pleinement souverain sur toutes les
parties de son territoire, qu’elles soient hab itées ou non. L’ordonnance qu’il convient de rendre
dans une affaire comme celle-ci est une ordonnance rétablissant le statu quo ante.
juge ad hoc Dugard craint que la mesure indiqu ée au premier point du dispositif —qui
prescrit aux Parties de s’abstenir d’envoyer ou de maintenir sur le territoire litigieux des agents,
qu’ils soient civils, de police ou de sécurité—, en ce qu’elle est également adressée à l’une et à
l’autre Partie, ne prête une crédibilité et une lé gitimité excessives à la revendication du défendeur
sur ce territoire, et crée un dangereux précédent.
juge ad hoc Dugard estime que le point suivan t du dispositif répond dans une certaine
mesure à ses craintes puisque, en autorisant le demandeur à pr endre des mesures pour protéger
l’environnement du territoire litigieux, il reconnaît que le CostaRica a une prétention territoriale
plus solide. Aussi s’est-il senti autorisé à voter en faveur du dispositif dans son ensemble.
___________
Résumé de l'ordonnance du 8 mars 2011