Résumé de l'ordonnance du 17 juin 2003

Document Number
8206
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
2003/3
Date of the Document
Document File
Document

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
Site Internet : www.icj-cij.org

Résumé
Document non officiel

Résumé 2003/1

Certaines procédures pénales engagées en France
(République du Congo c. France)

Demande en indication de mesure conservatoire

Résumé de l’ordonnance du 17 juin 2003

Requête et demande en indication de mesure conservatoire (par. 1- 4, 22-24)

Par requête déposée au Greffe de la Cour le 9décembre2002, la République du Congo

(dénommée ci-après le «Congo») a entendu introduire une instance contre la République française
(dénommée ci-après la «France»), au motif que celle-ci aurait, en premier lieu,

«[violé le] principe selon lequel un Etat ne put, au mépris du principe de l’égalité
souveraine entre tous les membres de l’Orga nisation des Nations Unies, proclamé par

l’article2, paragraphe1, de la Charte des NationsUnies, exercer son pouvoir sur le
territoire d’un autre Etat,

en s’attribuant unilatéralement une compétence universelle en matière pénale

et en s’arrogeant le pouvoir de faire poursuivre et juger le ministre de l’intérieur d’un
Etat étranger à raison de prétendues infrac tions qu’il aurait commises à l’occasion de
l’exercice de ses attributions relatives au maintien de l’ordre public dans son pays»,

et, en second lieu, « [violé] l’immunité pénale d’un chef d’Etat étranger ⎯ coutume internationale
reconnue par la jurisprudence de la Cour».

Par cette requête, le Congo priait la Cour

«de dire que la République française devra fa ire annuler les actes d’instruction et de

poursuite accomplis par le procureur de la République près le tribunal de grande
instance de Paris, le procureur de la Répub lique près le tribunal de grande instance de
Meaux et les juges d’instruction de ces tribunaux».

La requête contenait en outre une «demande d’indication d’une mesure conservatoire» visant

à protéger les droits du Congo au titre des deux chefs énoncés ci-dessus et priant la Cour de «faire
ordonner la suspension immédiate de la procédure su ivie par le juge d’instruction du tribunal de
grande instance de Meaux». Dès réception de l’acceptation par la France de la compétence de la
Cour, cette dernière a été convoquée pour statuer d’urgence sur la demande en indication de mesure

conservatoire, et que des audiences publiques ont été tenues les 28 et 29 avril 2003. - 2 -

Contexte factuel (par. 10-19)

L’ordonnance retrace le contexte factuel de l’ espèce, tel que celui-ci a été exposé dans la
requête ou décrit par les Parties lors des audiences.

Une plainte a été déposée le 5décembre2001, au nom de certaines associations de défense

des droits de l’homme, entre les mains du procureu r de la République près le tribunal de grande
instance de Paris, «pour crimes contre l’humanité et tortures prétendument commis au Congo sur
des personnes de nationalité congolaise, visan t nommément S E.xc. onsieurenis
SassouNguesso, président de la République du Congo, S. Exc. le général Pierre Oba, ministre de

l’intérieur, de la sécurité publique et de l’admini stration du territoire, le général NorbertDabira,
inspecteur général des forces armées congolaises, et le général Blaise Adoua, commandant la garde
présidentielle».

Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a transmis cette
plainte au procureur de la République près le tr ibunal de grande instance de Meaux, qui a ordonné
une enquête préliminaire puis décerné, le 23janvier 2002, un réquisitoire à fin d’informer sur les
infractions alléguées, et le juge d’instruction de Meaux a ouvert une information.

Les plaignants soutenaient que les tribunaux français avaient compétence, pour les crimes
contre l’humanité, en vertu d’un principe du dro it international coutumier prévoyant la compétence
universelle à l’égard de tels crimes et, pour le cr ime de torture, au titre des articles 689-1 et 689-2

du code de procédure pénale français.

Le procureur de la République près le tribuna l de grande instance de Meaux a, dans son
réquisitoire du 23janvier2002, demandé l’ouvertur e d’une information judiciaire à la fois pour

crimes contre l’humanité et pour torture, sans mentionner d’autre base de compétence que
l’article 689-1 dudit code.

La plainte a été transmise au parquet près le tribunal de grande instance de Meaux, compte

tenu du fait que le généralNorbert Dabira possédait une résidence dans le ressort territorial de ce
tribunal; l’information judiciaire a cependa nt été ouverte contre personne non dénommée
(«contreX»), et non contre l’une ou l’autr e des personnalités congolaises nommément désignées
dans la plainte.

Le général Dabira a été entendu en premier lieu le 23mai2002 par des officiers de police
judiciaire qui l’avaient placé en garde à vue, puis, le 8juillet2002, par le juge d’instruction en
qualité de témoin assisté (la France a expliqué qu’un «témoin assisté», dans le cadre de la

procédure pénale française, n’est pas un simple témoin mais, dans une certaine mesure, un suspect,
qui bénéficie à ce titre de certains droits procéduraux (assistance d’un avocat, accès au dossier de la
procédure) dont ne jouit pas un témoin ordinaire). Le 16septembre2002, le juge d’instruction a
délivré à l’encontre du général Dabira, rentré entre-temps au Congo, un mandat d’amener, qui

pourrait, d’après les explications données par la France à l’audience, être exécuté si celui-ci
décidait de revenir en France, mais ne saurait l’être en dehors du territoire français.

La requête indique que, alors que le président de la République du Congo, S. Exc. M. Denis

SassouNguesso, «était en visite d’Etat en France, [le juge d’instruction avait] délivr[é] à des
officiers de police judiciaire une commission rogatoire leur ordonnant de l’entendre comme
témoin». Toutefois, aucune commission rogatoire de la sorte n’a été produite et la France a
informé la Cour que le présidentSassouNguesso n’avait fait l’objet d’aucune commission

rogatoire, mais que le juge d’instruction avait demandé à l’entendre en vertu de l’article656 du
code de procédure pénale, qui s’applique lorsque l’audition d’ un «représentant d’une puissance
étrangère» est demandée par la voie diplomatique . Le Congo reconnaît dans sa requête que le
président Sassou Nguesso n’a jamais été «ni mis en examen, ni convoqué comme témoin assisté». - 3 -

L’une et l’autre Parties s’accordent sur le fait que les autres personnalités congolaises
nommées dans la requête (SE . xcl.e général i errOba, ministre de l’intérieur, et le

généralBlaiseAdoua) n’ont fait l’objet, dans le cadre des poursuites pénales engagées en France,
d’aucune mesure d’instruction, et notamment d’aucune demande d’audition comme témoins.

Compétence (par. 20-21)

Rappelant qu’il lui faut une base de compétence prima facie pour indiquer des mesures
conservatoires, la Cour relève que, dans sa requê te, le Congo a entendu fonder la compétence de la
Cour sur un consentement non encore donné par la Fr ance, ainsi que le prévoit le paragraphe 5 de

l’article38 du Règlement de la Cour. Par lettre en date du 8avril2003 du ministre français des
affaires étrangères, la France a accepté expressément la compétence de la Cour pour connaître de la
requête sur la base de ce paragraphe.

Raisonnement de la Cour (par. 22-40)

La Cour prend acte du fait que les circonstances alléguées par le Congo, qui requièrent, selon
lui, l’indication de mesures ex igeant la suspension des procédures engagées en France, sont

énoncées comme suit dans la demande :

«l’information en cause trouble les relations internationales de la République du
Congo par la publicité que reçoivent, au mépris des dispositions de la loi française sur

le secret de l’instruction, les actes accomp lis par le magistrat instructeur, lesquels
portent atteinte à l’honneur et à la consid ération du chef de l’Etat, du ministre de
l’intérieur et de l’inspecteur général de l’ armée et, par là, au crédit international du
Congo. De plus elle altère les relations traditionnelles d’amitié franco-congolaise. Si

cette procédure délétère devait se poursuivre, le dommage deviendrait irréparable».

Elle signale qu’à l’audience, le Congo a sou ligné une nouvelle fois, en reprenant les termes
de la demande, le caractère irréparable du préjudice qui résulterait selon lui de la poursuite des

procédures pénales engagées en France devant le tr ibunal de grande instance de Meaux, et que le
Congo soutient en outre que le préjudice qui résulterait du défaut d’indication de mesure
conservatoire serait la continuation et l’aggrav ation du préjudice qui aurait déjà été causé à
l’honneur et à la considération des plus hautes autorités du Congo, ainsi qu’à la stabilité interne du

Congo, au crédit international de celui-ci et aux relations d’amitié franco-congolaises.

La Cour observe que les droits qui, sel on la requête du Congo, devraient lui être
ultérieurement reconnus dans la présente instance s ont, en premier lieu, le droit à ce qu’un Etat, en

l’occurrence la France, s’abstienne d’exercer une compétence juridictionnelle universelle en
matière pénale de manière contraire au droit international et, en sec ond lieu, le droit au respect par
la France des immunités conférées par le droit in ternational, en particulier au chef de l’Etat
congolais.

La Cour observe en outre que l’objet de tout e mesure conservatoire que la Cour indiquerait
en l’espèce devrait être de préserver les droits ai nsi revendiqués; que le préjudice irréparable dont
se prévaut le Congo, ainsi qu’exposé ci-dessus, ne ser ait pas causé à ces droits en tant que tels. Ce

préjudice pourrait toutefois, dans les circonstances de l’espèce, être tel qu’il affecterait de manière
irréparable les droits énoncés dans la requête. La Cour relève que, en tout état de cause, elle n’a
pas été informée de la manière dont, concrèteme nt, la stabilité interne du Congo, le crédit
international de celui-ci ou les relations fra nco-congolaises avaient pu être affectés depuis

l’ouverture des procédures pénales françaises, et qu’aucun élément tenda nt à prouver l’existence
d’un préjudice ou d’une menace de préjudice grave de cette nature n’a été versé au dossier. - 4 -

La Cour relève que la première question qui se pose à elle au présent stade de l’instance est
de savoir si les procédures pénales actuellement engagées en France risquent de causer un préjudice

irréparable au droit du Congo à ce que la France respecte les immunités dont le
président Sassou Nguesso jouit en sa qualité de chef d’Etat, de sorte que l’indication d’urgence de
mesures conservatoires serait nécessaire.

La Cour prend acte des déclarations faites par les Parties concernant l’applicabilité de
l’article656 du code de procédure pénale françai s (voir plus haut), ainsi que d’un certain nombre
de déclarations faites par la France quant au respect, en droit pénal français, des immunités qui sont
reconnues aux chefs d’Etat. Elle observe ensuite qu’ elle n’est pas tenue, à ce stade, de déterminer

si les procédures pénales engagées jusqu’à présent en France sont compatibles avec les droits dont
se prévaut le Congo, mais seulement si ces procédures risquent de causer auxdits droits un
préjudice irréparable. La Cour déclare, au vu des éléments d’information qui lui ont été soumis,
qu’il n’existe à l’heure actuelle, en ce qui concerne le président SassouNguesso, aucun risque de

préjudice irréparable justifiant l’indication d’urgenc e de mesures conservatoires, et qu’en tout état
de cause, il n’est pas davantage étab li qu’un tel risque existe pour le ministre de l’intérieur du
Congo, le général Oba, pour lequel le Congo fait également valoir des immunités dans sa requête.

La Cour examine, en second lieu, la question de savoir s’il existe un risque de préjudice
irréparable au regard de l’allé gation du Congo selon laquelle le fa it pour un Etat de s’attribuer
unilatéralement une compétence juridictionnelle universelle en matière pénale constitue une
violation d’un principe de droit international. La Cour observe qu’à cet égard, la question qui se

pose à elle est de savoir si la procédure engagée devant le tribunal de grande instance de Meaux fait
peser sur les droits invoqués par le Congo un ri sque de préjudice irréparable qui justifierait
l’indication d’urgence de mesures conservatoires.

La Cour relève qu’en ce qui concerne le président Sassou Nguesso, la demande de déposition
écrite formulée au titre de l’article656 du code de procédure pénale français par le juge
d’instruction n’a pas été transmise à l’intéressé pa r le ministère français des affaires étrangères, et
qu’en ce qui concerne le généralOba et le géné ralAdoua, ils n’ont fait l’objet d’aucun acte de

procédure de la part du juge d’instruction, et enfin que ces trois personnalités ne sont à l’heure
actuelle menacées d’aucun acte de ce type. Elle conclut que, dans ces conditions, des mesures
conservatoires des droits du Congo ne s’imposent pas de façon urgente à cet égard.

En ce qui concerne le général Dabira, la C our note que la France reconnaît que la procédure
pénale engagée devant le tribunal de grande instance de Meaux a eu une incidence sur la situation
juridique de l’intéressé dans la mesure où celui-ci possède une résidence en France, était présent en

France et y a été entendu en qualité de témoin assist é, et, plus particulièrement, où, étant reparti
pour le Congo, il n’a pas déféré à une convocation du juge d’instruction, lequel a alors délivré à son
encontre un mandat d’amener. La Cour sou ligne toutefois que l’indication d’une mesure
conservatoire de la nature de celle demandée aura it comme effet pratique de permettre au général

Dabira de se rendre en France sans craindre de con séquence juridique. De l’avis de la Cour, le
Congo n’a pas démontré qu’il est probable, voire seulement possible, que les actes de procédure
dont le général Dabira a fait l’objet causent un pr éjudice irréparable quelconque aux droits dont se
prévaut le Congo.

Pour finir, la Cour ne voit, dans les circonstances de l’espèce, aucune nécessité d’indiquer
pareilles mesures conservatoires en vue d’empêcher l’aggravation ou l’extension du différend.

* - 5 -

Le texte intégral du dernier paragraphe de l’ordonnance (par. 41) se lit comme suit :

« Par ces motifs,

L A C OUR,

Par quatorze voix contre une,

Dit que les circonstances, telles qu’elles se présentent actuellement à la Cour, ne sont pas de
nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indiquer, en vertu de l’article 41 du Statut, des mesures

conservatoires;

POUR : M. Shi, président ; M. Ranjeva, vice-président ; MMG. uillaume, Koroma,
Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra -Aranguren, Kooijmans, Al-Khasawneh,

Buergenthal, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;

CONTRE : M. de Cara, juge ad hoc.»

___________ Annexe au Résumé 2003/1

Résumé de l’opinion individuelle de MM. les juges Koroma et Vereshchetin

Les juges Koroma et Vereshchetin développent , dans leur opinion individuelle, l’idée que la
Cour doit, lorsqu’elle examine une demande en indication de mesures conservatoires, peser tous les

aspects pertinents de la question dont elle est saisie, y compris l’étendue d’éventuelles
conséquences préjudiciables de la violation du droit invoqué. Aussi nourrissent-ils certaines
réserves quant à la distinction que la Cour a, da ns les circonstances de la présente espèce, établie
entre le préjudice porté aux droits qui pourraient ultérieurement être reconnus au Congo et le

préjudice consécutif à la violation de ces droits (ordonnance, par. 29).

Le préjudice attribuable à la violation des droits invoqués pourrait avoir des conséquences
autrement plus vastes sur les intérêts juridiques et politiques de l’Etat en cause, allant bien au-delà

de son effet négatif sur les droits invoqués en tant que tels. Dans ces circonstances, l’indication de
mesures conservatoires pourrait devenir nécessaire non pas tant au vu de l’imminence d’un
préjudice irréparable susceptible d’être causé a ux droits revendiqués qu’en raison du risque de
conséquences graves qu’emporterait leur violation.

Selon les juges Koroma et Vereshchetin, la Cour n’aurait pas accordé suffisamment de poids
au risque de «préjudice irréparable» qui pou rrait être porté au Congo si les poursuites pénales
devaient continuer.

Opinion dissidente de M. le juge de Cara

Le juge ad hoc , M. de Cara, souligne dans son opinion dissidente la singularité du dossier

soumis à la Cour. Tout d’abord, il s’agit d’une affaire africaine qui met en cause, notamment, le
chef de l’Etat qui est sur ce continent l’incarnati on de la nation. Ensuite, l’état du droit français
contraste avec les actes intempestifs pris ou susceptib les d’être pris par les procureurs et les juges
français. Enfin, il semble qu’il existe dans cette affaire plus que dans d’autres un lien intime entre

la procédure en indication de mesures conservatoires et la procédure au fond; la démarche qui tend
à isoler les droits dont la violation est alléguée et le préjudice indirect qui peut en résulter apparaît
formelle et ne permet pas une vue d’ensemble de l’affaire. L’article 41 du Statut et l’article 75 du
Règlement de la Cour laissent une grande latitude à cette derniè re qui décide en fonction des

circonstances de chaque espèce d’indiquer des mesures conservatoires. En l’espèce, la Cour n’a
pas cru devoir faire droit à la demande de mesure conservatoire et le juge ad hoc regrette de ne
pouvoir s’associer à la décision car il lui semble que l’élément essentiel du dossier a été négligé. Il
ne s’agit pas à ce stade de savoir si en termes abst raits le droit français garantit l’immunité du chef

d’Etat étranger et s’il retient une conception stricte de la compétence universelle, mais de
déterminer dans quelle mesure le réquisitoire du 23janvier2002 échappe à ces règles pour porter
atteinte à l’immunité, à la répartition des compét ences des juridictions pénales, à la dignité du
président du Congo et par conséquent à cet Etat. En effet, le réquisitoire et les plaintes annexées

sur le fondement desquelles il a été adopté, co mmandent l’ensemble de la procédure pénale
française. Acte de poursuite, il porte déjà atteinte à l’immunité du chef de l’Etat étranger, il tend à
substituer indûment la compétence des juridictions françaises à celle des juridictions du Congo déjà

saisies et territorialement compétentes en raison des faits en cause et des personnes incriminées. Il
en résulte bien un préjudice et un risque de préjudice supplémentaire car à tout moment le juge
d’instruction français peut décider toutes me sures d’information, de mise en examen,
d’incarcération à l’encontre des personnalités désign ées mais aussi de tout citoyen congolais. Or,

une menace de mesure coercitive peut constituer un préjudice irréparable, à plus forte raison
lorsqu’elle affecte l’inviolabilité d’un chef d’Etat. De plus, par la publicité qui entoure
inévitablement des poursuites pour crime contre l’ humanité, les procédures pénales déclenchées en
violation des droits du Congo sont susceptibles de porter atteinte non seulement à l’honneur de ce

pays: mais à la stabilité du gouvernement dans un pays marqué par les divisions au terme de
longues guerres civiles. Cela est d’autant plus grav e qu’en Afrique, le chef de l’Etat occupe une - 2 -

position particulière dans des sociétés où la solidarité ethnique prévaut sur une cohésion nationale
défaillante. Le risque de déstabilisation du pays ne saurait être écarté comme constituant un

préjudice distinct de ceux directement liés à la violation des droits dont le Congo sollicite la
protection. Le demandeur a un intérêt juridique di gne d’être sauvegardé et qui tient au respect de
sa souveraineté.

Dans ces conditions, il y a urgence tant que subsiste le réquisitoire car il n’existe aucune
garantie pour les personnes citées dans les plaintes, quel que soit leur statut, et aucun recours ne
leur est ouvert contre le réquisitoire tant qu’elles ne sont pas mises en examen. Faut-il attendre que
le président de la République du Congo soit mis en examen, placé en garde à vue, incarcéré, déféré

à une cour d’assises pour considérer qu’il y a urgence ? Quoi qu’il en soit le fait d’attendre que la
Cour ait statué au fond peut constituer une cau se d’urgence dans la mesure où la réparation d’un
préjudice causé par la poursuite des procédures judiciaires con
tre les personnalités en cause serait
bien illusoire.

La Cour peut indiquer des mesures conservatoires en vue d’empêcher une aggravation du
différend quand les circonstances l’exigent; elle peut ainsi maintenir un statu quo . Or, les

représentants de la République française ont reje té la proposition du Congo de demander à la Cour
de leur «donner acte de la portée qu’ils attribuent au réquisitoire». L’agent de la France s’est borné
à constater l’état du droit français en refusant de formuler toute promesse quant à la situation et aux
personnes en cause. La Cour a pris note de ces déclarations sans préciser leur portée et sans que

ces déclarations apportent une garan tie de nature à compenser le rejet de la demande en indication
de mesures conservatoires. Cette solution n’est pas dénuée d’ambiguïté. Ou bien ces déclarations
de l’agent de la France constituent un constat d’ordre juridique et la Cour pouvait non seulement en
prendre note mais aussi juger que l’indication des mesures conservatoires étai t inutile car elle ne

saurait douter que le Gouvernement français fasse respecter ses propres lois : les déclarations
avaient donc pour effet de «créer des obligations juridiques» au sens de l’arrêt relatif aux Essais
nucléaires (1974). Ou bien ces déclarations étaient une simple pétition de principe destinée à un
effet d’audience, sans portée pratique et la Cour ne pouvait que considérer que la France n’avait

pas l’intention de se lier, en tirant les conséquen ces de cette réticence à formuler toute promesse.
Alors, le refus de l’agent du Gouvernement français de s’engager entretient un risque d’aggravation
du différend tant que subsiste le réquisitoire litigieux. Ce refus ne saurait s’expliquer par des
considérations tenant à la séparation des pouvoirs car dans l’ordre international, le gouvernement

représente l’Etat dans sa plénitude. Il convenait donc de rappeler à la France son devoir de faire
respecter ses propres lois dans la mesure où elles expriment des règles et des principes du droit
international. Les lois internes ne sont pas à l’ abri d’un arrêt de la Cour. A plus forte raison,

l’exécution d’une décision de la Cour peut imposer au gouvernement d’un Etat une mesure
administrative. Dans l’avis consultatif relatif à l’Immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de
la Commission des droits de l’homme la Cour a jugé que les autorités gouvernementales étaient
tenues de communiquer les informations relatives au statut et en particulier à l’immunité de

juridiction de l’agent en cause aux tribunaux na tionaux. De même, il revenait au Gouvernement
français de donner instruction au procureur général de priver d’effet le réquisitoire qui menace
l’immunité du chef de l’Etat et qui empiète sur la compétence des juridictions du Congo. Par
conséquent, à défaut d’engagement spécifique de la France sur la portée accordée à cet acte de

procédure, la suspension des procédures pénales en cours eut été de nature à éviter l’aggravation du
différend en maintenant le statu quo sans altérer l’équilibre des droits respectifs des Parties.

___________

Document file FR
Document
Document Long Title

Résumé de l'ordonnance du 17 juin 2003

Links