Résumé de l'arrêt du 27 février 1998

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7131
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Number (Press Release, Order, etc)
1998/2
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

AFFAIRE RELATIVE À DES QUESTIONS D’INTERPRÉTATION
ET D’APPLICATION DE LACONVEN TION DE MONTRÉALDE 1971
RÉSULTANT DE L’INCIDENT AÉRIEN DE LOCKERBIE

(JAMAHIRIYAARABE LIBYENNE c. ROYAUME-UNI)
(EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES)

Arrêt du 27 février 1998

Dans son arrêt sur les exceptions préliminaires CONTRE: M.Schwebel, Président de la Cour;
présentées par le Royaume-Uni dans l’affaire relative à M. Oda, juge; Sir Robert Jennings, juge ad hoc;

des Questions d’interprétation et d’application de la 2) a) par douze voix contre quatre, rejette
Convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident l’exception d’irr ecevabilité tirée par le Royaume-Uni
aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne des résolutions 748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de
c. Royaume-Uni), la Cour s’est déclarée compétente pour sécurité;
examiner sur le fond l’affaire introduite par la Libye contrePOUMWR.eeramantry, Vice-Président, faisant
le Royaume-Uni au sujet de l’ incident aérien de Lockerbie.
Elle a également jugé les demandes libyennes recevables. fonction de président en l’affaire; . edjaoui,
Guillaume, Ranjeva, Shi, Fleischhauer, Koroma,
La Cour était composée co mme suit : M. Weeramantry, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek,
Vice-Président, faisant fonction de président; M.Schwebel, juges; M. El-Kosheri, juge ad hoc;
Président; MMO. da, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, CONTRE: M.Schwebel, Président de la Cour;
Herczegh, Shi, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Parra- MM. Oda, Herczegh, juges; Sir Robert Jennings, juge ad
Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges; SirRobert Jennings,
M. El-Kosheri, juges ad hoc; M. Valencia-Ospina, Greffier. hoc;
b) par douze voix contre quatre,dit que la requête
* déposée par la Libye le 3 mars 1992 est recevable;
POUMWR.eeramantry, Vice-Président, faisant
* *
fonction de président en l’affaire; . edjaoui,
Le texte du dispositif se lit comme suit : Guillaume, Ranjeva, Shi, Fleischhauer, Koroma,
« 53. Par ces motifs, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek,
LA COUR, juges; M. El-Kosheri, juge ad hoc;
CONTRE: M.Schwebel, Président de la Cour;
1) a) par treize voix contre trois, rejette MM. Oda, Herczegh, juges; Sir Robert Jennings, juge ad
l’exception d’incompétence tirée par le Royaume-Uni de
l’absence alléguée de diff érend entre les Parties hoc;
concernant l’interprétation ou l’application de la 3) par dix voix contre six,déclare que l’exception
Convention de Montréal du 23 septembre 1971; du Royaume-Uni, selon laquelle les résolutions 748
POUMWR.eeramantry, Vice-Président, faisant (1992) et 883 (1993) du Conseil de sécurité auraient
privé les demandes de la Libye de tout objet, n’a pas,
fonction de président en l’affaire; . edjaoui, dans les circonstances de l’espèce, un caractère
Guillaume, Ranjeva, Herczegh, Shi, Fleischhauer,
Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, exclusivement préliminaire.
Rezek, juges; M. El-Kosheri, juge ad hoc; POUMWR.eeramantry, Vice-Président, faisant
CONTRE: M.Schwebel, Président de la Cour; fonction de président en l’affaire; . edjaoui,
M. Oda, juge; Sir Robert Jennings, juge ad hoc; Ranjeva, Shi, Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren,
Kooijmans, Rezek, juges; M. El-Kosheri, juge ad hoc;
b)par treize voix contre trois, dit qu’elle a
compétence, sur la base du paragraphe 1 de l’article 14 CONTRE: M.Schwebel, Président de la Cour;
de la Convention de Montréal du 23 septembre 1971, MM.Oda, Guillaume, Herczegh, Fleischhauer, juges;
pour connaître des différends qui opposent la Libye au Sir Robert Jennings, juge ad hoc. »
Royaume-Uni en ce qui concerne l’interprétation ou
l’application des dispositions de cette convention; *
* *
POUMWR.eeramantry, Vice-Président, faisant
fonction de président en l’affaire; . edjaoui, MM.Bedjaoui, Guillaume et Ranjeva, juges, ont joint
Guillaume, Ranjeva, Herczegh, Shi, Fleischhauer, une déclaration commune à l’arrêt de la Cour;
Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, MM.Bedjaoui, Ranjeva et Koroma, juges, ont joint une
Rezek, juges; M. El-Kosheri, juge ad hoc; déclaration commune; MM.Guillaume et Fleischhauer,

juges, ont joint une déclaration commune; M.Herczegh,
15juge, a joint une déclaratio n. MM.Kooijmans et Rezek, l’intégrité territoriale, de l’égalité souveraine des États et
juges, ont joint à l’arrêt les exposés de leur opinion de leur indépendance politique ».

individuelle. M.Schwebel, Président, M.Oda, juge, et Dans le délai fixé pour le dépôt de son contre-mémoire,
SirRobert Jennings, juge ad hoc, ont joint les exposés de le Royaume-Uni a déposé des exceptions préliminaires à la
leur opinion dissidente. compétence de la Cour et à la recevabilité de la requête. La
Libye pour sa part, a présenté, dans le délai prescrit par la
* Cour à cet effet, un exposé éc rit contenant ses observations
* *
et conclusions sur les excep tions préliminaires. Des
audiences publiques ont été tenues entre le 13 et le
Rappel de la procédure et exposé des demandes 22 octobre 1997.
(par. 1 à 16) À l’audience, le Royaume-Uni a présenté les
conclusions finales suivantes :
La Cour commence par rappel er que le 3 mars 1992, la
Libye a déposé au Greffe de la Cour une requête « La Cour est priée de dire et juger :
introductive d’instance contre le Royaume-Uni au sujet d’un qu’elle n’a pas compétence pour se prononcer sur les
«différend entre la Libye et le Royaume-Uni concernant demandes présentées par la Jamahiriya arabe libyenne à
l’interprétation ou l’application de la Convention de l’encontre du Royaume-Uni
Montréal » du 23 septembre 1971 pour la répression d’actes
et/ou
illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile que ces demandes ne sont pas recevables;
(dénommée ci-après la «Convention de Montréal»). Dans en conséquence la Cour doit rejeter la requête de la
la requête, il était fait référence à la destruction le 21
décembre 1988, au-dessus de Lockerbie (Écosse), de Libye. »
l’appareil qui assurait le vol 103 de la Pan Am, ainsi qu’aux Les conclusions finales de la Libye se lisent comme
accusations prononcées en novembre 1991 par le Lord suit :
Advocate d’Écosse contre deux ressortissants libyens «La Jamahiriya arabe libyenne prie la Cour de bien
vouloir dire et juger :
soupçonnés d’avoir fait placer à bord de l’appareil une
bombe qui, en explosant, l’aurait détruit. La requête – que les exceptions préliminaires présentées par le
invoquait comme base de compétence le paragraphe1 de Royaume-Uni ... doivent êt re rejetées et qu’en
l’article 14 de la Convention de Montréal. conséquence :
Le 3 mars 1992, dès après le dépôt de sa requête, la a) la Cour est compétente pour statuer sur la requête
Libye a présenté une demande en indication de mesures
libyenne;
conservatoires en vertu de l’Article 41 du Statut. Par b ) cette requête est recevable;
ordonnance en date du 14 avril 1992, la Cour, après avoir – que la procédure doit être poursuivie quant au fond
entendu les Parties, a dit que les circonstances de l’espèce du différend. »
n’étaient pas de nature à exiger l’exercice de son pouvoir
d’indiquer des mesures conservatoires.
Compétence de la Cour
La Libye a déposé un mémoire sur le fond dans le délai (par. 17 à 39)
prescrit à cet effet. Aux termes de son mémoire, la Libye
prie la Cour de dire et juger : La Cour examine en premie r lieu l’exception soulevée
« a) que la Convention de Montréal s’applique au par le Royaume-Uni concernant sa compétence.
présent litige; La Libye soutient que la Cour est compétente sur la base

b) que la Libye a pleinement satisfait à toutes ses du paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention de
obligations au regard de la Convention de Montréal et Montréal, qui dispose que :
est fondée à exercer la compétence pénale prévue par «Tout différend entre des États contractants
cette convention; concernant l’interprétation ou l’application de la
c) que le Royaume-Uni a violé, et continue de présente convention qui ne peut pas être réglé par voie
de négociation est soumis à l’arbitrage, à la demande de
violer, ses obligations juridiques envers la Libye
stipulées à l’article 5, paragraphes 2 et 3, à l’article 7, à l’un d’entre eux. Si, dans les six mois qui suivent la date
l’article 8, paragraphe 3, et à l’article 11 de la de la demande d’arbitrage, les Parties ne parviennent pas
Convention de Montréal; à se mettre d’accord sur l’or ganisation de l’arbitrage,
d) que le Royaume-Uni est juridiquement tenu de l’une quelconque d’entre elles peut soumettre le
différend à la Cour internationale de Justice, en déposant
respecter le droit de la Libye à ce que cette convention une requête conformément au Statut de la Cour. »
ne soit pas écartée par des moyens qui seraient au
demeurant en contradiction avec les principes de la Les Parties conviennent que la Convention de Montréal
Charte des Nations Unies et du droit international est en vigueur entre elles et qu’elle l’était déjà, aussi bien
général de caractère impératif qui prohibent l’utilisation lors de la destruction de l’appareil de la Pan Am au-dessus
de la force et la violation de la souveraineté, de de Lockerbie, le 21 décembre 1988, qu’au moment du dépôt
de la requête, le 3 mars 1992. Toutefois, le défendeur

16conteste la compétence de la Cour au motif que, selon lui, il régime juridique applicable à cet événement. Un tel
n’a pas été satisfait, en l’es pèce, à toutes les exigences différend concerne, de l’avis de la Cour, l’interprétation et

énoncées au paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention l’application de la Convention de Montréal, et,
de Montréal. conformément au paragraphe 1 de l’article 14 de la
Le défendeur a expressément affirmé qu’il ne souhaitait Convention, il appartient à la Cour de le trancher.
pas contester la compétence de la Cour sur la base de tous
les motifs qu’il avait invoqués lors de la phase de la Existence d’un différend spécifique concernant

procédure relative aux mesures conservatoires et il s’est l’article 7 de la Convention
borné à alléguer que la Libye n’avait pas établi, (par. 26 à 29)
premièrement, qu’il existait un différend juridique entre les La Cour constate qu’au vu des positions des Parties
Parties et, deuxièmement, qu’un tel différend concernerait
l’interprétation ou l’application de la Convention de quant aux droits et obligations qui, en l’espèce,
Montréal et entrerait par suite dans les prévisions du découleraient pour elles des articles 1, 5, 6, 7 et 8 de la
paragraphe 1 de l’article 14 de cette convention. Le Convention de Montréal, il existe entre celles-ci non
seulement un différend de nature générale tel que défini ci-
Royaume-Uni n’a donc pas repris, lors de la présente phase dessus, mais aussi un différend spécifique qui concerne
de la procédure, les argu ments qu’il avait précédemment l’interprétation et l’application de l’articelu
avancés sur le point de savoir si le différend qui, d’après la
Libye, existerait entre les Parties ne pouvait se régler par conjointement avec l’article 1, l’article 5, l’ article 6 et
voie de négociation, si la Libye avait présenté une demande l’article8 de la Convention; conformément au
d’arbitrage en bonne et due forme et si elle avait respecté le paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention, il appartient à
délai de six mois prescrit par le paragraphe 1 de l’article 14 la Cour de trancher ce différend.
L’article 7 est libellé dans les termes suivants :
de la Convention.
La Cour n’estime pas mo ins nécessaire d’examiner « Article 7
brièvement ces arguments. Après avoir procédé à cet L’État contractant sur le territoire duquel l’auteur
examen la Cour parvient à la conclusion que le différend qui présumé de l’une des infractions est découvert, s’il
existerait entre les Parties ne pouvait ni être réglé par voie n’extrade pas ce dernier, soumet l’affaire, sans aucune
exception et que l’infraction ait ou non été commise sur
de négociation ni être soumis à l’arbitrage en application de
la Convention de Montréal, et que le refus du défendeur de son territoire, à ses autorités compétentes pour l’exercice
prendre part à un arbitrage pour régler ce différend exonérait de l’action pénale. Ces autorités prennent leur décision
la Libye de toute obligation, aux termes du paragraphe 1 de dans les mêmes conditions que pour toute infraction de
l’article 14 de la Convention, d’observer un délai de six droit commun de caractère grave conformément aux lois
mois à compter de la demande d’arbitrage avant de saisir la de cet État. »
Cour.

Existence d’un différend spécifique concernant
Existence d’un différend juridique de nature générale l’article 11de la Convention
concernant la Convention (par. 30 à 33)
(par. 22 à 25)
Par ailleurs, considérant les positions des Parties quant
Dans sa requête et son mémoire, la Libye a soutenu que aux obligations imposées par l’article 11 de la Convention
la Convention de Montréal est le seul instrument applicable de Montréal, la Cour conclut qu’il existe ég alement entre
à la destruction de l’appareil de la Pan Am au-dessus de elles un différend qui concerne l’interprétation et
Lockerbie. l’application de cette disposition; conformément au
paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention, il appartient à
Le Royaume-Uni ne nie pas que, comme tels, les faits de
la cause puissent entrer dans les prévisions de la Convention la Cour de trancher ce différend.
de Montréal. Toutefois, il sou ligne qu’en l’espèce, dès que L’article 11 est ainsi libellé :
la Libye a invoqué la Convention de Montréal, il a fait « Article 11
valoir que celle-ci n’était pas en jeu car la question à
1.Les États contractants s’accordent l’entraide
résoudre avait trait à «la réaction de la communauté judiciaire la plus large possible dans toute procédure
internationale devant la situation découlant de l’absence de pénale relative aux infractions. Dans tous les cas, la loi
réponse effective de la Libye aux accusations très graves de applicable pour l’exécution d’une demande d’entraide
participation étatique à des actes de terrorisme ». est celle de l’État requis.
La Cour constate qu’ainsi, les Parties s’opposent sur la
question de savoir si la destruction de l’appareil de la Pan 2. Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 du
présent article n’affectent pas les obligations découlant
Am au-dessus de Lockerbie est régie par la Convention de des dispositions de tout autre traité de caractère bilatéral
Montréal. Il existe donc un différend entre les Parties sur le ou multilatéral qui régit ou régira, en tout ou en partie, le
domaine de l’entraide judiciaire en matière pénale. »

17Licéité des actions du défendeur La recevabilité de la requête libyenne
(par. 34 à 36) (par. 40 à 45)

Concernant la dernière demande de la Libye (voir ci- La Cour passe ensuite à l’examen de l’exception du
dessus, conclusion d) du mémoire), le Royaume-Uni Royaume-Uni selon laquelle la requête libyenne n’est pas
soutient qu’il n’appartient pas à la Cour, sur la base du recevable.

paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention de Montréal, Le principal argument présenté par le Royaume-Uni
de se prononcer sur la licéité des actions, au demeurant dans ce contexte est le suivant :
conformes au droit international, engagées par le défendeur «ce que la Libye affirme être la ou les questions en
en vue d’obtenir la livraison des deux auteurs présumés de litige entre elle-même et le Royaume-Uni est maintenant
l’infraction. Il en déduit qu e la Cour n’a pas compétence
pour connaître des conclusions présentées sur ce point par la réglé par les décisions que le Conseil de sécurité a prises
en application du Chapitre VII de la Charte des Nations
Libye. Unies et qui lient les deux Parties, et ... les résolutions
La Cour indique qu’e lle ne saurait accueillir adoptées priment, conformément à l’Article 103 de la
l’argumentation ainsi formulée. Il lui appartient en effet de Charte, en cas de conflit entre ce qu’elles exigent et les
juger, sur la base du paragraphe 1 de l’article 14 de la droits ou obligations qui découleraient de la Convention
Convention de Montréal, de la licéité des actions critiquées
par la Libye, dans la mesure où ces actions seraient de Montréal ».
Le Royaume-Uni précise à cet égard que
contraires aux dispositions de la Convention de Montréal. les résolutions 748 et 883 sont juridiquement
obligatoires et créent pour la Libye et le Royaume-Uni
Effet des résolutions du Conseil de sécurité des obligations juridiques qui sont déterminantes pour
(par. 37 et 38)
tout différend sur lequel la Cour pourrait avoir
Dans l’instance, le Royaume-Uni a cependant affirmé compétence ».
que, quand bien même la Convention de Montréal Selon le Royaume-Uni, lesdites résolutions prescrivent
conférerait à la Libye les dro its qu’elle revendique, ceux-ci la livraison par la Libye des deux suspects au Royaume-Uni
ne pourraient être exercés en l’espèce, au motif qu’ils ou aux États-Unis, afin d’y être jugés, et cette décision du

auraient été supplantés par les résolutions 748 (1992) et 883 Conseil de sécurité est obligatoire pour la Libye,
(1993) du Conseil de sécurité qui, en vertu des Articles 25 et indépendamment de tout droit que celle-ci pourrait tirer de
103 de la Charte des Nations Unies, prévalent sur tous droits la Convention de Montréal. Sur cette base, le Royaume-Uni
et obligations créés par la Convention de Montréal. Le soutient que la Libye ne pourrait
défendeur a aussi avancé que, du fait de l’adoption de ces « obtenir les mesures qu’elle sollicite de la Cour au titre
résolutions, le seul différend qui existerait désormais
de la Convention de Montréal et que la Cour devrait dès
opposerait la Libye au Conseil de sécurité; or il s’agirait là, lors exercer son pouvoir de déclarer irrecevable la
à l’évidence, d’un différend qui n’entrerait pas dans les requête libyenne ».
prévisions du paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention La Libye soutient pour sa part qu’il ressort des termes
de Montréal et dont la Cour ne pourrait dès lors connaître. mêmes des résolutions 731 (1992), 748 (1992) et 883 (1993)
La Cour indique qu’elle ne saurait accueillir cette que le Conseil de sécurité n’a jamais exigé qu’elle livre ses
argumentation. Les résolutions 748 (1992) et 883 (1993) du
nationaux au Royaume-Uni ou aux États-Unis; à l’audience,
Conseil de sécurité ont en effet été adoptées après le dépôt elle a indiqué que telle était bien toujours «la thèse
de la requête, le 3 mars 1992. Or, conformément à une principale de la Libye». Elle ajoute qu’il convient pour la
jurisprudence constante, si la Cour était compétente à cette Cour d’interpréter lesdites résolutions «en conformité avec
date, elle l’est demeurée; l’intervention ultérieure des la Charte, qui détermine leur validité» et que la Charte
résolutions susvisées ne saurait affecter une compétence interdit au Conseil d’obliger la Libye à livrer ses nationaux
déjà établie. au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Et la Libye de conclure

* que sa requête est recevable «en ce que la Cour peut
utilement se prononcer sur l’interprétation et l’application
Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que l’exception de la Convention de Montréal ... indépendamment des effets
d’incompétence tirée par le Royaume-Uni de l’absence juridiques des résolutions 748 (1992) et 883 (1993)». La
Libye appelle en outre l’attention de la Cour sur le principe
alléguée de différend entre les Parties concernant selon lequel «[l]a date critique à retenir pour déterminer la
l’interprétation ou l’application de la Convention de
Montréal doit être rejetée, et qu’elle a compétence pour recevabilité d’une requête est celle de son dépôt ».
connaître des différends qui opposent la Libye au Royaume- De l’avis de la Cour, il y a lieu de retenir cette dernière
Uni en ce qui concerne l’interprétation ou l’application des conclusion de la Libye. La date du 3 mars 1992 à laquelle la
dispositions de cette convention. Libye a déposé sa requête est en effet la seule date

18pertinente aux fins d’apprécier la recevabilité de celle-ci. La Libye ne conteste aucun de ces points. Ce que la
Les résolutions 748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de Libye soutient, c’est que ladite exception relève de la

sécurité ne sauraient être prises en considération à cet égard catégorie de celles que le paragraphe 7 de l’article 79 du
dès lors qu’elles ont été adoptées à une date ultérieure. Règlement qualifie d’exceptions «n’a[yant] pas dans les
Quant à la résolution 731 (1992) du Conseil de sécurité, circonstances de l’espèce un caractère exclusivement
adoptée avant le dépôt de la requête, elle ne saurait préliminaire ».
constituer un obstacle juridiqu e à la recevabilité de celle-ci Le Royaume-Uni considère au contraire que l’exception
car il s’agissait d’une simple recommandation sans effet
contraignant, comme le reconnaît d’ailleurs le Royaume-Uni en cause possède unc« aractère exclusivement
préliminaire» au sens de cette même disposition; et, à
lui-même. La Cour estime que la requête libyenne ne saurait l’audience, son agent a insisté su r la nécessité pour la Cour
par suite être déclarée irrecevable pour ces motifs. d’éviter toute procédure sur le fond, qui, à son sens,
Au vu de ce qui précède, la Cour conclut qu’il y a lieu risquerait non seulement « d’être longue et coûteuse », mais
de rejeter l’exception d’irrecevabilité tirée par le Royaume- aussi, en raison des difficultés liées au «maniement de
Uni des résolutions 748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de documents probatoires en l’espèce ... de poser de graves

sécurité, et que la requête de la Libye est recevable. problèmes ».
La Cour constate que c’est donc sur la question du
Exception de non-lieu caractère exclusivemen» t ou non exclusivemen» t
(par. 46 à 51) préliminaire de l’exception ici envisagée que les Parties
s’opposent; et elle en déduit qu’elle doit rechercher en
En traitant de la recevab ilité, l’agent du Royaume-Uni a
aussi exposé que son gouvernement «pri[ait] la Cour de l’espèce si l’exception que le Royaume-Uni tire des
déclarer que les résolutions prises dans l’intervalle par le décisions du Conseil de sécurité comporte ou non « à la fois
Conseil de sécurité ont privé de tout objet les demandes de des aspects préliminaires et des aspects de fond ».
La Cour expose que cette exception s’attache à de
la Libye ». multiples aspects du litige. En soutenant que les résolutions
La Cour fait remarquer qu’elle a déjà reconnu à 748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de sécurité ont privé
plusieurs reprises par le passé que des événements
postérieurs à l’introduction d’une requête peuvent « [priver] les demandes de la Libye de tout objet, le Royaume-Uni
ensuite la requête de son objet » et « qu’il n’y a dès lors pas tente d’obtenir de la Cour une décision de non-lieu qui
mettrait immédiatement fin à l’instance. Or, en sollicitant
lieu à statuer ». En l’espèce, le Royaume-Uni développe une une telle décision, le Royaume-Uni en sollicite, en réalité,
exception qui tend à obtenir de la Cour le prononcé d’un au moins deux autres, que le prononcé d’un non-lieu
non-lieu et doit être examinée dans le cadre de cette postulerait nécessairemen:t d’une part une décision
jurisprudence. établissant que les droits revendiqués par la Libye aux
La Cour doit s’assurer qu’une telle exception entre bien
dans les prévisions de l’article 79 du Règlement, invoqué termes de la Convention de Montréal sont incompatibles
avec les obligations découlant pour elle des résolutions du
par le défendeur. Cet article vise, en son paragraphe 1, Conseil de sécurité; et d’autre part une décision faisant
«[t]oute exception à la compétence de la Cour ou à la prévaloir ces obligations sur ces droits par le jeu des
recevabilité de la requête ou toute autre exception » (c’est la Articles 25 et 103 de la Charte.
Cour qui souligne); son champ d’application ratione
materiae n’est donc pas limité aux seules exceptions Il ne fait dès lors pas de doute pour la Cour que les droits
d’incompétence ou d’irrecevabilité. Mais, pour être couverte de la Libye au fond seraient non seulement touchés par une
par l’article 79, une exception doit en outre revêtir un décision de non-lieu rendue à ce stade de la procédure, mais
constitueraient, à maints égards, l’objet même de cette
caractère « préliminaire ». Le paragraphe 1 de l’article 79 du décision. L’exception soulevée par le Royaume-Uni sur ce
Règlement qualifie de «préliminaire» une exception «sur point a le caractère d’une défense au fond.
laquelle le défendeur demande une décision avant que la
procédure sur le fond se poursuive». La Cour considère à La Cour relève que le Royaume-Uni a d’ailleurs lui-
cet égard que, dans la mesu re où l’exception de non-lieu même abordé de nombreux problèmes de fond dans ses
soulevée par le Royaume-Uni a effectivement pour objet écritures et ses plaidoiries à ce stade, et qu’il a souligné que
ces problèmes avaient fait l’objet de débats exhaustifs
d’empêcher in limine tout examen de l’affaire au fond, où devant elle; ce gouvernement a ainsi implicitement reconnu
son « effet, si elle était retenue par la Cour, serait de mettre l’existence entre l’exception soulevée et le fond du litige
fin à la procédure» et où «il conviendrait, par conséquent,
pour la Cour de s’[en] occuper avant d’aborder le fond», d’une « connexité ... intime ».
cette exception possède un caract ère préliminaire et entre La Cour constate que si elle devait statuer sur cette
bien dans les prévisions de l’article 79 du Règlement. Elle exception, elle statuerait don c immanquablement sur le
relève par ailleurs que ladite exception a été dûment fond; or, en invoquant le bénéfice des dispositions de
l’article 79 du Règlement, le défendeur a mis en Œuvre une
présentée selon les modalités prescrites à l’article 79.

19procédure qui vise précisément à empêcher la Cour de ce l’exception avait un caractère exclusivement préliminaire et
faire. que la Cour aurait pu et dû en décider dès maintenant. Ils

La Cour conclut de ce qu i précède que l’ exception du regrettent que l’exception ait été réservée et soulignent que
Royaume-Uni selon laquelle les demandes libyennes la solution à laquelle la Cour est parvenue va à l’encontre
auraient été privées de tout objet n’a pas un «caractère des objectifs poursuivis lors de la révision en 1972 de
exclusivement préliminaire » au sens de cet article. l’article 79 du Règlement de la Cour, à savoir la
simplification des procédures et la bonne administration de
Ayant établi sa compétence et conclu à la recevabilité de la justice.
la requête, la Cour pourra co nnaître de cette exception dans
le cadre de son examen de l’affaire au fond.
La Cour précise enfin que, conformément au paragraphe Déclaration de M. Herczegh
7 de l’article 79 de son rapport, elle fixera ultérieurement les
Dans sa déclaration, le juge Herczegh résume les
délais pour la suite de la procédure. considérations pour lesquelles il a voté contre le paragraphe
2, lettres a) et b), et contre le paragraphe 3 du dispositif.
Déclaration commune de MM. Bedjaoui, Selon lui, les demandes libyennes sont régies par les
Guillaume et Ranjeva résolutions obligatoires du Conseil de sécurité, qui ont privé
la requête de la Libye de son objet. L’exception soulevée
Dans une déclaration commune, MMB .edjaoui,
Guillaume et Ranjeva se sont demandé si le Royaume-Uni par le défendeur à cet égard a un caractère exclusivement
était en l’espèce en droit de dé signer un juge ad hoc en vue préliminaire. L’exception aurait dû être retenue et la requête
de remplacer M me Higgins qui s’était déportée. de la Libye rejetée.

Les auteurs de la déclaration ont relevé que les États- Opinion individuelle de M. Kooijmans
Unis et le Royaume-Uni avaient, dans cette phase de la
procédure, présenté les mêmes conclusions. Ils en ont déduit Dans son opinion individuelle, M.Kooijmans dit qu’il
que ces deux États faisaient cause commune. Ils ont relevé souscrit aux conclusions de la Cour. Cela étant, il tient à ce
que la Cour a d’ailleurs statué par deux arrêts quasi qu’il soit pris acte de ses vues en ce qui concerne un certain
identiques. Se fondant alors sur l’article 37 du Règlement de
nombre d’arguments que les Parties ont fait valoir. Selon
la Cour qui traite de la question de la «cause commune», lui, les motifs que le demandeur peut avoir eus lorsqu’il a
les auteurs de la déclaration ont estimé en conséquence que déposé sa requête ne sont pas pertinents, de l’avis de la
le Royaume-Uni n’était pas en droit de désigner un juge ad Cour, dont l’unique fonction est de déterminer s’il existe un
hoc dans la présente phase de la procédure. Ils se sont sur ce différend sur lequel statuer. Le fait qu’une situation ait été
point dissociés de la décision prise par la Cour. portée à l’attention du Conseil de sécurité et que le Conseil
ait pris des mesures concernant cette situation ne peut en

Déclaration commune de MM. Bedjaoui, rien priver la Cour de sa propre compétence et de la
Ranjeva et Koroma responsabilité qui est la sienne de déterminer objectivement
l’existence ou non d’un différend.
Laqualificatiode non exclusivement préliminaire En ce qui concerne l’exception selon laquelle les
attribuée à l’exception du Roya ume-Uni, selon laquelle les demandes de la Libye ont été privées d’objet ou rendues
résolutions du Conseil de sécurité auraient privé les «moot» par les résolutions 748 (1992) et 883 (1993) du
demandes de la Libye de tout objet, et le renvoi de son
examen au fond, sign ifient, de l’avis de MM.M.Bedjaoui, Conseil de sécurité, M.Kooijmans estime avec la Cour que
R. Ranjeva et A. G. Koroma, qu’il ne suffit pas d’invoquer cette exception n’a pas un caractère exclusivement
préliminaire.
les dispositions du Chapitre VII de la Charte pour mettre fin Toutefois il est aussi d’avis que ces résolutions, bien que
de manière automatique et immédiate à tout débat judiciaire faisant autorité, n’ont pas de caractère final et définitif, et ne
au sujet des décisions du Conseil de sécurité.
peuvent par conséquent rendre l’affaire sans objet dans cette
Déclaration commune de MM. Guillaume phase préliminaire.

et Fleischhauer Opinion individuelle de M. Rezek
Dans une déclaration commune, MM.Guillaume et
Fleischhauer ont exposé leur point de vue en ce qui M.Rezek estime que l’arrêt rendrait plus complètement
compte de l’argumentation des Parties s’il consacrait
concerne la manière dont la Cour aurait dû traiter de quelques lignes au thème de la compétence de la Cour par
l’exception du Royaume-Uni selon laquelle « les résolutions rapport à celle des organes politiques de l’Organisation.
748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de sécurité auraient
privé les demandes de la Libye de tout objet ». Il est de l’opinion que la Cour jouit d’une pleine
MM.Guillaume et Fleischhauer estiment que la Cour compétence pour l’interprétation et l’application du droit
aurait pu statuer sur cette exception sans se prononcer au dans une affaire contentieuse, même quand l’exercice de
cette compétence peut entraîner l’examen critique d’une
fond sur les droits et obligations des Parties sous l’empire de décision d’un autre organe des Nations Unies. Elle ne
la Convention de Montréal. Ils arrivent à la conclusion que
représente pas directement les États Membres de
20l’Organisation, mais c’est justement son imperméabilité à Selon M.Schwebel, la Co ur n’a pas ce pouvoir de
l’injonction politique qui fait de la Cour l’interprète par manière générale et elle n’a pas en particulier le pouvoir

excellence du droit et le for naturel de la révision, au nom d’infirmer les décisions du Conseil de sécurité, ni d’en
du droit, des actes des organes politiques, tel qu’il est de réduire la portée, lorsque celui -ci détermine s’il existe une
rigueur dans les régimes démocratiques. menace pour la paix et quelles mesures doivent être prises
pour répondre à cette menace. La Cour a plus d’une fois
Opinion dissidente du Président Schwebel décliné un pouvoir de contrôle judiciaire.

De l’avis de M.Schwebel, l’arrêt de la Cour ne Le texte de la Charte n’offre pas l’ombre d’un
démontre pas (il conclut, ce qui est différent) que le fondement à un tel pouvoir. En fait, il a le sens contraire
défendeur aurait enfreint les di spositions de la Convention puisque, si la Cour pouvait l’emporter sur le Conseil, ce
serait elle et non le Conseil qui exercerait l’autorité
de Montréal; sauf peut-être pour l’article11 de la déterminante et par conséquent principale dans un domaine
Convention, la Cour ne montre pas qu’il existe un différend dans lequel la Charte confèr e l’autorité principale au
entre les Parties au sujet de telles prétendues infractions. Il y Conseil.
a bien une controverse sur la signification, la licéité et l’effet
des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Mais Le texte et l’historique de la rédaction de la Charte
cette controverse ne peut être assimilée à un différend démontrent que le Conseil de sécurité est assujetti à l’état de
droit et qu’il a simultanément le pouvoir de déroger au droit
relevant de la Convention, seule base de la compétence de la international si le maintien de la paix internationale l’exige.
Cour en l’espèce. Il ne découle pas de cette sujétion du Conseil, et de ce que la
Le fait que les résolutions 748 (1992) et 883 (1993) du
Conseil de sécurité ont été adoptées après l’introduction de Cour est l’organe judiciaire principal des Nations Unies, que
la requête de la Libye n’est pas déterminant. Si la la Cour soit autorisée à s’a ssurer que les décisions du
compétence se détermine normalement en fonction de la Conseil sont conformes au droit. Dans de nombreux
systèmes de droit, le fait que les actes d’un organe doivent
date de la requête, ce n’est pas nécessairement toujours le être conformes au droit ne si gnifie absolument pas que la
cas. Les affaires qu’invoque la Cour ne sont pas pertinentes. légalité de ses actes soit sujette à un contrôle judiciaire. Il
La Cour rejette l’argument du défendeur selon lequel la ressort des débats de San Francisco que les auteurs de la
requête de la Libye est irrecevable au seul motif que la date
critique à retenir pour déte rminer la r ecevabilité d’une Charte n’entendaient pas accorde r à la Cour un pouvoir de
contrôle judiciaire.
requête est celle de son dépôt. Mais la seule affaire sur Greffer un pouvoir de contrô le judiciaire sur le régime
laquelle se fonde la Cour présente des différences avec de la Charte constituerait pour celle-ci non pas une
celle-ci. En outre, cette affaire-là, comme d’autres, reconnaît évolution mais une dérogation que ne justifient ni les termes
que des événements postérieurs à l’introduction d’une de la Charte, ni le droit international coutumier, ni les
requête peuvent priver cette dernière de son objet.
En la présente espèce, les résolutions 748 (1992) et 883 principes généraux du droit. Cela conduirait la Cour à
prononcer un jugement par contumace, en l’absence du
(1993) du Conseil de sécur ité priment sur les droits Conseil de sécurité, contrairement aux principes judiciaires
qu’aurait pu avoir la Libye en vertu de la Convention de fondamentaux. Dès lors pourrait se poser la question de
Montréal et par conséquent rendent inutile et sans objet une savoir si une décision de la Cour disant que le Conseil a
argumentation qui se fonde su r celle-ci. Conformément à outrepassé ses pouvoirs ne constitue pas elle-même un excès
l’Article 103 de la Charte des Nations Unies, les décisions
du Conseil de sécurité l’emportent sur tous les droits et de pouvoir?
obligations que la Libye et le défendeur pourraient tirer de
Opinion dissidente de M. Oda
la Convention de Montréal.
La Cour estime ne pouvoir retenir l’argument du défaut Dans son opinion dissidente, M.Oda commence par
d’objet parce qu’il n’a pas un caractère exclusivement déclarer que le cŒur de l’affaire soumise à la Cour
préliminaire conformément au Règlement de la Cour. Mais internationale de Justice est simplement la divergence des
comme la compétence, en la présente affaire, découle positions adoptées par les deux Parties au sujet de la remise
des deux Libyens, actuellement en Libye, qui sont accusés
seulement de la Convention de Montréal, une exception
d’irrecevabilité qui se fonde sur les résolutions du Conseil d’avoir détruit le vol 103 de Pan Am au-dessus de
de sécurité pour écarter l’application de cette Convention Lockerbie, sur le territoire du Royaume-Uni.
revêt un caractère exclusivement préliminaire. Ce qui s’est passé, en fait, entre le Royaume-Uni et la
L’arrêt de la Cour peut être considéré comme Libye, c’est simplement que le Royaume-Uni a exigé que
les suspects se trouvant en Libye lui soient livrés, et que la
préjudiciable aux efforts du Conseil de sécurité pour Libye a refusé de satisfaire à cette demande. Il n’existait
combattre le terrorisme et peut paraître offrir aux États
récalcitrants un moyen de tourner et de contrecarrer les aucun différend entre la Libye et le Royaume-Uni
décisions de celui-ci par un appel à la Cour. Cela pose la «concernant l’interprétation ou l’application de la ...
question de savoir si la Cour possède un pouvoir de contrôle Convention [de Montréal] » au sujet de la demande de livrer
judiciaire sur les décisions du Conseil. les suspects et le refus d’accéder à cette demande – le
problème principal en l’espèce. Selon M.Oda, la requête

21par laquelle la Libye a introduit une instance contre le estdevenue sans objet après l’adoption de ces résolutions ne
Ro yaume-Uni en vertu de l’article 14, paragraphe 1, de la se pose guère.

Convention de Montréal devrait être rejetée pour ce seul
motif. Opinion dissidente de Sir Robert Jennings
Si la Cour décline sa compétence, comme M. Oda
considère qu’elle devrait le faire, la question de la Sir Robert Jennings, juge ad hoc, estime que la Cour
recevabilité de la requête ne se pose pas. Il estime vain de auraitdû dire qu’elle n’avait pas compétence en l’espèce; et
que, même si elle avait compétence, elle aurait dû rejeter
traiterde la question de la recevabilité. Toutefois, s’étant comme irrecevables les demandes de la Libye.
déclarée compétente, la Cour examine ensuite la question de
la recevabilité en rejetant l’exception que le Royaume-Uni La compétence dépend du point de savoir si la Libye
tire des résolutions 748 et 883 du Conseil de sécurité. pouvait saisir la Cour sur la base du paragraphe 1 de l’article
M. Oda commente alors l’incidence de ces résolutions du 14 de la Convention de Montréal. L’examen des demandes
Conseil de sécurité sur la présente affaire. À son avis, si de la Libye montre qu’il n’existait pas de véritable différend
l’adoption des résolutions 748 et 883 du Conseil de sécurité à propos de la Convention. Le différend véritable se situe
entrela Libye et le Conseil de sécurité.
doit être examinée dans le cadre de la question de la
recevabilité de la requête, elle devrait l’être au stade Ayant dit qu’elle a compétence, la Cour aurait alors dû
(préliminaire) actuel, que cette question possède ou non un déclarer irrecevables les prétentions de la Libye puisque le
caractère exclusivement préliminaire. Le point de savoir si la différend entre la Libye et le Royaume-Uni est régi par les
requête introduite le 3 mars 1992 par la Libye est devenue décisions prises par le Conseil de sécurité dans le cadre du
sans objet après l’adoption de ces deux résolutions du Chapitre VII de la Charte, qui s’imposent, à ce titre, aux
Conseil de sécurité manque totalement de pertinence à la deux Parties. La Cour a cependant rejeté l’exception
d’« irrecevabilité » invoquée par le Royaume-Uni au motif
présente espèce. Le Conseil de sécurité a manifestement
adopté ces résolutions parce qu’il considérait que le refus de que les résolutions obligatoires du Conseil de sécurité ont
la Libye de livrer les accusés constituait « une menace été adoptées à une date postérieure à celle du dépôt de la
contre la paix » ou « une rupture de la paix ». M. Oda a requête de la Libye auprès de la Cour; quant à l’exception
exprimé l’avis que ces résolutions du Conseil de sécurité, subsidiaire que le Royaume-Uni a fait valoir, à savoir que
ayant une connotation politique, n’ont aucun rapport avec la les demandes de la Libye, de par les décisions du Conseil de
présente espèce, puisque celle-ci doit porter seulement sur sécurité, avaient été rendues « sans objet », la Cour l’a

des questions juridiques qui opposaient le Royaume-Uni et rejetée au motif qu’il ne s’agissait pas d’une exception ayant
laLibye avant l’adoption des résolutions. « un caractère exclusivement préliminaire » au sens du
Si différend il y a à ce sujet, il pourrait opposer la Libye paragraphe 7 de l’article 79 du Règlement de la Cour. Sir
et le Conseil de sécurité, ou la Libye et les Nations Unies, Robert Jennings se demande si la Cour a suffisamment
ou les deux, mais non pas la Libye et le Royaume-Uni. apprécié la gravité qui s’attache à traiter d’une façon aussi
technique, pour ne pas dire légaliste, une question qui met
L’effet des résolutions du Conseil de sécurité sur les États en cause des décisions obligatoires prises par le Conseil de
membres est une question qui n’entre absolument pas dans
le cadre de cette affaire et la question de savoir si la requête sécurité dans le domaine du maintien de la paix.

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Résumé de l'arrêt du 27 février 1998

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