Arrêt du 27 juin 1986

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070-19860627-JUD-01-00-EN
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INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTSOF JUDGMENTS.
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING MILITARY AND
PARAMILITARY ACTIVITIESIN AND

AGAINST NICARAGUA

(NICARAGUA v.UNITED STATES OF AMERICA)

MERITS

JUDGMENT OF 27 JUNE 1986

COUR INTERNATIONALEDE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS.
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DES ACTIVITÉSMILITAIRES

ET PARAMILITAIRESAU NICARAGUA
ET CONTRE CELUI-CI

(NICARAGUA c. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)

FOND

ARRÊT DC'27 JUI1986 Official citation :
Militarv and Puramilitary Activities in und aguinst Nicaragua

(Nicaragua v. United States of America). Merits,
Judgment. I.C.J. Reports 1986, p. 14.

Mode officiel de citation :

Activités militaires etparumilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),fond,
urrêr. C.I.J. Recueil 1986, p. 14.

Sales nuniber
No de veiite : 27 JUNE 1986

JUDGMENT

CASE CONCERNING MILITARY AND PARAMILITARY
ACTIVITIES IN AND AGAINST NICARAGUA

(NICARAGUA v.UNITED STATESOF AMERICA)

MERITS

AFFAIRE DES ACTIVITÉSMILITAIRES ET PARAMILITAIRES
AU NICARAGUA ET CONTRE CELUI-CI

FOND

27 JUIN 1986

ARRÊT COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

ANNÉE 1986 1986
27juin
Rôle général
27 juin 1986 no70

AFFAIRE DES ACTIVITÉSMILITAIRES

ET PARAMILITAIRESAU NICARAGUA

ET CONTRE CELUI-CI

(NICARAGUA c. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)

FOND

Non-comparution du défendeur - Article 53 du Statut de la Cour - Egalitédes
parties.
Compétencede la Cour - Effet de l'application de la réserverelative aux traités

multilatérauxfigurant dansla déclaration d'acceptationdelajuridiction faite par les
Etats-Unis conformément à l'article 36, paragraphe 2, du Statut - Etat tiers
((afjecté» par une décisionde la Cour dans un différend résultant d'untraité
multilatéral - Exception d'incompétence n'ayantpas un caractère exclusivement
préliminaire (article79du Règlementde la Cour).

Justiciabilité du différend -« Différend d'ordrejuridique » (article 36, para-
graphe 2,du Statut).
Etablissementdesjàits - Périodepertinente - Pouvoirsdela Cour - Informa-
tions parues dans la presseetfaits de notoriétépublique - Déclarationsde repré-

sentantsd'Etats - Témoignages - Reconnaissancesimplicites - Documentsnon
présentés conformémenatux dispositions du Règlement.
Faits imputables à 1'Etat défendeur - Minage desports - Attaques contre des
installationspétrolières etd'autresobjectif- Survols- Appui à desbandes armées
opposéesau gouvernementde I'Etat demandeur - Encouragement de comporte-

ments contraires aux principes du droit humanitaire - Pressions économiques -
Circonstances excluant la responsabilitéinternationale - Justification éventuelle
desfaits imputés - Comportementdu demandeurau coursdelapériode pertinente.
Droit applicable- Droit international coutumier- Opinio juris etpratique des
Etats - Importance de la concordancede vuesdesParties - Rapport entre droit

international coutumier et droit international conventionnel- Charte desNutions
Unies - Valeur des résolutionsde l'Assembléegénéralede l'organisation des
Nations Unies et de IYssemblée généralede l'Organisation des Etats améri-
cains. Principe prohibant le recours à la menace ou a i'emploide fa force dans les
relations internationales- Droit naturelde légitime défens -e Conditionsd'exer-
cice - Légitime défense individueleletcollectiv- Riposte àuneagressionarmée -

DéclarationdeI'Etatse disant victime d'une agressioa nrméeet mesuresprises dans
l'exercicede la légitimedéfense collective.
Principede non-intervention - Contenuduprincipe - Opinio juris - Pratique
des Etats - Question des contre-mesures collectivesprises en réponse à un com-
portement ne constituant pas une agression armée.
Souveraineté des Etats- Territoire terrest-e Espaceaérien - Eaux intérieures
et territoriales Droit d'accès des navires étrangers.
Principes de droit humanitaire - Conventions de Genèvede 1949 - Règles

minimalesapplicables --Obligation desEtats denepas encouragerlenon-respectdu
droit humanitaire - Notification de ('existenceet de l'emplacementde mines.
Respectdesdroitsdel'homme - DroitdesEtats dechoisirleursystèmepolitique,
leur idéologie et leurs alliances.
Traitéd'amitié,de commerceetde navigationde 1956 - Compétencede laCour
- Obligation en droit international coutumier de s'abstenirde tout acte pouvant
priver un traitédeson butet desonobjet - Examen des dispositionspertinentesdu
traité.

Demande en réparation.
Règlement pacifique des diffërends.

Présents : M. NAGENDRA SINGH, Président ; M. DE LACHARRIÈRE,Vice-
Président ; MM. LACHS, RUDA, ELIAS, ODA, AGO, SETTE-
CAMARA S,CHWEBEL si,r Robert JENNINGSM , M. MBAYEB , EDJAOUI,
NI, EVENSEN, juges ; M. COLLIARDj,uge ad hoc ; M. TORRES
BERNARDEZ G,refier.

En l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci,

entre

la République du Nicaragua,
représentée par

S. Exc. M. Carlos Argüello Gbmez, ambassadeur,
comme agent et conseil,

M. Ian Brownlie, Q.C., F.B.A., professeur de droit international public à
l'université d'Oxford, titulaire de la chaire Chichele, Fellowde l'Al1Souls
College, Oxford,
l'honorable Abram Chayes, professeur à la facultéde droit de Harvard, titu-
laire de la chaire Felix Frankfurter,Fellowde 1'AmericanAcademy of Arts
and Sciences,

M. Alain Pellet,professeur à l'universitéde Pans-Nord et àl'Institut d'études
politiques de Paris, M. Paul S. Reichler, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C., avocat
à la Cour suprême des Etats-Unis, membre du barreau du district de
Columbia,

comme conseils et avocats,
M. Augusto Zamora Rodriguez, conseillerjuridique du ministère desaffaires
étrangèresde la Républiquedu Nicaragua,
Mme Judith C. Appelbaum, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C.,
membre du barreau du district de Columbia et du barreau de 1'Etatde
Californie,

M. David Wippman, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C.,
comme conseils,

les Etats-Unis d'Amérique,

ainsi composée,

rend l'arrêtsuivant:

1. Le9avril 1984l'ambassadeur de la Républiquedu Nicaragua aux Pays-Bas
a déposéau Greffe de la Cour une requêteintroduisant une instance contre les
Etats-Unis d'Amériqueau sujet d'un différendrelatifà la responsabilitéencou-
rue du fait d'activités militaireset paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci.
La requête indiquait, comme fondement de la compétence de la Cour, les
déclarations des Parties acceptant lajuridiction obligatoire de celle-ci en appli-
cation de l'article 36de son Statut.
2. Conformément à l'article 40, paragraphe2,du Statut, la requête a été
immédiatement communiquéeau Couvemement des Etats-Unis d'Amérique et

lesautres Etats admisàesterdevant la Courenontétéinforméscommeprévuau
paragraphe 3 du même article.
3. En même tempsque sa requêtela Républiquedu Nicaragua a déposéune
demande en indication de mesures conservatoires en vertu de l'article 41 du
Statut. Par ordonnance prise le 10 mai 1984 la Cour a rejetéune demande
formuléepar lesEtats-Unis d'Amériqueettendant à ceque l'affairesoit rayéedu
rôle, indiqué certainesmesures conservatoires et décidé que,jusqu'à ce qu'elle
rende son arrêtdéfinitifen l'espèce, elledemeurerait saisie desquestions faisant
l'objet de l'ordonnance.
4. La Cour a décidéen outre par cette mêmeordonnance du 10mai 1984que

lespiècesécritesporteraient d'abord sur laquestion de lacompétencedela Cour
pour connaître du différend et sur celle de la recevabilitéde la requête.Par
ordonnance du 14mai 1984le Présidentde laCoura fixéau 30juin et au 17août
1984, respectivement, les dates d'expiration des délais pour le dépôt d'un
mémoirede la Républiquedu Nicaragua et d'uncontre-mémoiredes Etats-Unis
d'Amérique surlesquestions de compétenceetde recevabilité.Ces piècesont été
dûment déposéesdans les délais prévus.
5. La République du Nicaragua a affirmédans son mémoiresur la compé-
tence et la recevabilité que,en plus de la base de compétence invoquéedansla
requête, un traité d'amitiéd,e commerce et de navigation signéen 1956par lesParties constituait un titre indépendant de compétenceen vertu de I'article 36,
paragraphe 1, du Statut de la Cour.
6. La Cour necomptant pas sur le siègedejuge de nationaliténicaraguayenne,
le Nicaragua, par lettre du 3 août 1984, s'estprévalu dudroit que lui confère
I'article1,paragraphe 2,du Statutde procéder àla désignationd'unjuge ad hoc
pour siéger en l'affaire.La personne ainsi désignée est le professeurClaude-

Albert Colliard.
7. Le 15août 1984,soit deuxjours avant l'expiration du délaiimparti pour la
présentation des piècesde la procédure écrite relatives à la compétenceet à la
recevabilité, laRépublique d'El Salvador a déposéune déclaration d'interven-
tion en I'affairesurla basede I'article63du Statut. Auudesobservations écrites
que les Parties ont présentées au sujetde cette déclaration conformément à
I'article 83du Règlement, laCour,par ordonnance du4octobre 1984,adécidéde
ne pas tenir d'audience sur la déclaration d'intervention et a décidé enoutre que
cette déclaration était irrecevable en ce qu'elle se rapportait à la phase de

l'instance alors en cours.
8. Lorsd'audiencespubliques tenues du 8au 10et du 15au 18octobre 1984les
Parties ont été entendues surles questions de la compétence de la Cour pour
connaître du différend etde la recevabilitéde la requête.
9. Par arrêtdu 26 novembre 1984 la Cour a dit qu'elle a compétence pour
connaître de la requêtesur la base de I'article 36, paragraphes 2 et 5, de son
Statut ;qu'elleacompétencepour connaître de la requêtedans la mesure où elle
se rapporte à un différend concernant l'interprétation ou l'application du traité
d'amitié,de commerce et de navigation entre les Etats-Unis et le Nicaragua du

21janvier 1956,sur la base de I'articleXXIVde ce traité ; qu'elle a compétence
pour connaître de I'affaire, et que la requête est recevable.

10. Par lettre datéedu 18janvier 1985l'agent des Etats-Unis, se référant à
l'arrêtsusmentionné, a fait savoir à la Cour que :

<(les Etats-Unis se voient obligésde conclure que l'arrêtde la Cour était
clairement et manifestement erronéen faitcomme en droit. Pour lesraisons
qu'ils ont indiquées dans leurs exposés écrits et oraux, les Etats-Unis
demeurent fermement convaincus que la Cour n'a pas compétence pour
connaître du différendet que la requêtenicaraguayenne du 9 avril 1984est
irrecevable.Il m'incombe en conséquencede vous informer que les Etats-
Unis n'ont l'intention de participeraucune autre procédurerelative à cette

affaireet réserventleurs droits proposde toute suiteque laCour déciderait
de donner aux demandes du Nicaragua.
11. Par ordonnance prise le22janvier 1985lePrésidentde laCour, aprèsavoir
fait référenceà la lettre de l'agent des Etats-Unis, a fixé au30 avril et au 31mai

1985, respectivement, les dates d'expiration des délais pour le dépôt d'un
mémoiredu Nicaragua et d'un contre-mémoire des Etats-Unisd'Amériquesurle
fond du différend. Le mémoiredu Nicaragua a été déposédansledélai prescrit ;
les Etats-Unis d'Amérique n'ont présenté aucunepièce écriteet n'ont pas
demandéde report. Dans son mémoire,qui a été communiqué aux Etats-Unis
conformément à I'article 43 du Statut, le Nicaragua invoquait I'article 53 du
Statut et demandait à la Cour de statuer en dépit du fait que le défendeur ne
comparaissait pas et ne faisait pas valoir ses moyens. 12. Le 10septembre 1985,alors que la procédureorale étaitsur le point de
commencer. l'agent du Nicaragua a soumis a la Cour une sériede documents
appelés annexes supplémentaires n au mémoiredu Nicaragua. En application
de l'article 56 du Règlement ces documents ont étéconsidérés commedes

documents nouveaux ))et ilen aététransmiscopieaux Etats-Unisd'Amérique,
qui n'ont pas élevéd'objection à leur production.
13. Au cours d'audiences publiques tenues les 12 et 13 ainsi que du 16 au
20 septembre 1985la Cour a entendu,au nom du Nicaragua :S.Exc. M. Carlos
Argüello Gomez, l'honorable Abram Chayes, M. Paul S. Reichler, M. Ian
Brownlie, et M. Alain Pellet ; les Etats-Unis n'étaient pas représentésaux
audiences. Les témoins suivants, citéspar le Nicaragua, ont déposé devantla
Cour : le commandant Luis Carrion, vice-ministre de l'intérieurdu Nicaragua

(interrogépar M. Brownlie) ; M. David MacMichael, ancien agent de la Central
Intelligence Agency (CIA) des Etats-Unis (interrogé par M. Chayes) ;le pro-
fesseur Michael John Glennon (interrogépar M. Reichler) ;le pèreJean Loison
(interrogépar M.Pellet) ;M.William Huper, ministre des finances du Nicaragua
(interrogé par M. Argüello Gomez). Des membres de la Cour ont posé aux
témoins ainsi qu'à l'agentet aux conseils du Nicaragua desquestions auxquelles
il a étérépondu soit oralement à l'audience soit par écritultérieurement. Le
14octobre 1985la Cour apriéleNicaragua de fournircertains renseignements et

documents supplémentaires et un de ses membres lui a poséune question ; le
Greffiera transmisaux Etats-Unis d'Amériquelescomptesrendus d'audience et
les renseignements et documents obtenus a la suite des demandes formulées.

14. Conformément a I'article 53, paragraphe 2, du Règlement, la Cour a
décidéde rendre accessibles au public, à l'ouverture de la procédure orale, les
piècesde procédure et documents annexés.
15. Dans la procédure écrite, les conclusions ci-après ont étéprésentéesau

nom du Gouvernement du Nicaragua :
dans la requête :

<<le Nicaragua, tout en se réservant ledroit de compléter ou de modifier la
présente requêteet sous réservede la présentation a la Courdes preuves et
argumentsjuridiques pertinents, prie la Cour de dire et juger :
a) Que les Etats-Unis, en recrutant, formant,armant,équipant, finançant,

approvisionnant et en encourageant, appuyant, assistant et dirigeant de
toute autre manière desactions militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci,ont violéet violent leursobligations expressesen vertu
de chartes et de traités à l'égarddu Nicaragua, et en particulier leurs
obligations en vertu de :
- I'article 2,paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies ;

- les articles 18et 20 de la charte de l'organisation des Etats améri-
cains ;
- l'article 8 de la convention concernant les droits et devoirs des
Etats ;
- I'article premier, troisièmement, de la convention concernant les
droits et devoirs des Etats en cas de luttes civiles.

b) Que les Etats-Unis, en violation de leurs obligations en vertu du droit
international générae ltcoutumier, ont violéet violent lasouverainetédu
Nicaragua du fait : - d'attaques armées contre le Nicaragua par air, par terre et par
mer ;
- d'incursions dans les eaux territoriales du Nicaragua ;
- de la violation de l'espace aériendu Nicaragua ;

- d'efforts directs et indirects de coercition et d'intimidation du Gou-
vernement du Nicaragua.
c) Que les Etats-Unis, en violation de leurs obligations en vertu du droit
international généralet coutumier, ont utilisé et utilisent la force et la

menace de la force contre le Nicaragua.
d) Que les Etats-Unis, en violation de leurs obligations en vertu du droit
international générae ltcoutumier, sont intervenuset interviennent dans
les affaires intérieuresdu Nicaragua.
e) Que les Etats-Unis, en violation de leurs obligations en vertu du droit
international général etcoutumier, ont enfreint et enfreignent la liberté

des mers et interrompent le commerce maritime pacifique.
f) Que les Etats-Unis, en violation de leurs obligations en vertu du droit
international général etcoutumier, ont tué, blesséet enlevéet tuent,
blessent et enlèvent des citoyens du Nicaragua.
g) Que, VU cesviolations desobligationsjuridiques susvisées,lesEtats-Unis
ont le devoir exprès de mettre fin et de renoncer immédiatement :

à toute utilisation de la force - directeou indirecte,ouverteou cachée -
contre le Nicaragua, et de toutes les menaces de force contre le Nica-
ragua ;

à toutes violations de la souveraineté, de l'intégrité territoriale oude
l'indépendance politique du Nicaragua, y compris toute intervention,
directe ou indirecte, dans les affaires intérieures du Nicaragua ;
à tout appui de quelque nature qu'il soit - y comprisl'entraînement etla
fourniture d'armes, de munitions, de fonds,d'approvisionnements, d'as-

sistance. de direction ou toute autre forme de soutien - à toute nation,
groupe, organisation, mouvement ou individu selivrant ou sedisposant à
selivrer à desactions militaires ouparamilitaires au Nicaragua ou contre
celui-ci ;
à toute tentative visant à restreindre, bloquer ou rendre périlleux l'accès

aux ports du Nicaragua, à l'arrivée ou enpartance de ces ports ;
et à tous meurtres, blessures et enlèvements de citoyens du Nicara-
gua.

h) Que lesEtats-Unis ont l'obligation de payer au Nicaragua, de son propre
droit et commeparenspatriaedes citoyens du Nicaragua,desréparations
pour les dommages subis par les personnes, les biens et l'économiedu
Nicaragua à raison desviolations susviséesdu droit international. dont le
montant sera déterminépar la Cour. Le Nicaragua se réserved'intro-
duire devant la Cour une évaluation précisedes dommages provoqués

par les Etats-Unis ));
dans le mémoiresur le fond :

La République du Nicaragua prie respectueusement la Cour de lui
accorder ce qui suit :

Premièrement :ilest demandé à la Cour de dire etjuger que les Etats-Unis ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 20

ont violéles obligations de droit international indiquéesdans le présent
mémoire, etqu'à certains égardsils continuent à violer ces obligations.

Deuxièmement : il est demandé àla Cour d'énoncer avecclartéI'obliga-
tion qu'ont les Etats-Unis de mettre fin auxdites violations du droit inter-
national.
Troisièmement : il est demandé à la Cour de dire et juger que, en con-
séquencedes violations du droit international indiquéesdans le présent

memoire,une indemnitéestdue au Nicaragua, tant pour son~ompt~propre
que pour lespréjudicessubispar sesressortissants ;il luiest aussi demandé
de recevoir des preuves à cet effet et de déterminer, lors d'une phase
ultérieure de laprésenteinstance, à quel montant doivent êtreévaluésles
dommages-intérêts destinés à indemniser la Républiquedu Nicaragua.
Quatrièmement :sans préjudicede la demande précédente,il est de-
mandé à la Cour d'accorder a la Républiquedu Nicaragua la somme de
370.2 millions de dollars des Etats-Unis, ladite somme constituant I'éva-
luation minimumdu préjudicedirect qui résultedesviolationdsu droit inter-

national indiquéesdans le présent mémoire,non inclus les dommages-
intérêtsdus pour le meurtre de ressortissants du Nicaragua.
Relativement au quatrièmechef de demande, et si la Cour fait droit à la
troisièmedemande de la Républiquedu Nicaragua, celle-ci se réserve le
droit, lors d'une phase ultérieurede l'instance, de présenterdes preuves et
d'exposer ses moyens afin de parvenir à un chiffre plus précisque I'éva-

luation minimum (et donc provisoire) du préjudicedirect et afin, en outre,
dedemander une indemnitépourlemeurtre de ressortissants du Nicaragua
et la perte ainsi subie, conformément aux principes générauxdu droit
international applicables aux violations dudit droitD

16. A la fin des plaidoiries, le Nicaragua a présenté desconclusions finales
identiques dans leur teneur a celles,figurant dans lemémoire surlefond, quisont
reproduites ci-dessus.

17. Les Etats-Unis d'Amériquen'ayant pas déposé de pièceécritesur le fond
et n'ayant pas été non plus représentésà la procédure oralede septembre 1985,
aucune conclusion sur le fond n'a étésoumise en leur nom.

18. Le différend entre le Nicaragua et les Etats-Unis dont la Cour est
saisie concerne les événementsqui se sont déroulésau Nicaragua après la
chute du gouvernement du président Anastasio SomozaDebayle enjuillet

1979 et les activités du Gouvernement des Etats-Unis a l'égarddu Nica-
ragua depuis lors. Après le départ du président Somoza, une junte de
reconstruction nationale et un gouvernement de dix-huit membres furent
mis en place par l'organe qui avait dirigé l'opposition arméeau président
Somoza, le Frente Sandinista de Liberacion Nacional (FSLN). Celui-ci
occupait au départ une position importante dans ce gouvernement, dit de

<(coalition nationale ))mais, à la suite de démissions et de remaniementsultérieurs,il en devint la composante presque exclusive. Certains oppo-
sants au nouveau régime,en premier lieu des partisans de l'ancien gou-
vernement Somoza, et notamment des membres de la garde nationale, se
constituèrent en forces militaires irrégulièreset déclenchèrent une cam-
pagne d'opposition arméed'une ampleur initialement modeste.
19. L'attitude du Gouvernement des Etats-Unis à l'égarddu gouver-
nement de coalition démocratique ))était initialement favorable ;et un
programme d'assistance économique au Nicaragua fut adopté. Dès 1981

cependant la situation changea. L'assistance accordéepar les Etats-Unis
au Nicaragua fut suspendue en janvier 1981et supprimée en avril de la
mêmeannée.Les Etats-Unis disent avoir modifié leurattitude à la suite
d'informations suivant lesquelles le Gouvernement du Nicaragua aurait
accordéun appui logistique etfourni desarmes àla guérilla au Salvador.Il
n'y a pas eu, cependant, rupture des relations diplomatiques, qui restent
établiesjusqu'à cejour. C'est en septembre 1981que fut prise la décision
d'organiser et d'entreprendre certaines activités contre le Nicaragua
d'aprèsdes témoins citéspar celui-ci.
20. L'opposition arméeau nouveau Gouvernement du Nicaragua, qui
comprenait à l'origine diversestendances,futorganiséepar lasuiteen deux

groupes principaux : la Fuerza Democratica Nicaragüense (FDN) et
1'AlianzaRevolucionaria Democratica (ARDE). Le premier se développa
à partir de 1981 et s'organisa en unités combattantes bien entraînées
opérantlelongde lafrontièreavecleHonduras ;lesecond, forméen 1982,
opéraitlelongde lafrontièreavecleCosta Rica. Laquestion de savoirdans
quellemesureetdequellemanière préciseleGouvernement des Etats-Unis
contribua à cette transformation sera examinée plus loin. Après une
période initialeau cours de laquelle lepublic fut tenu dans l'ignorance des
opérations <(clandestines )>d'agents des Etats-Unis et de personnes rétri-
buéespar eux, il devint patent, non seulement dans la presse des Etats-

Unis, mais aussi au Congrès et dans des déclarationsofficiellesdu Prési-
dent et dehauts responsables de ce pays, que le Gouvernement des Etats-
Unis appuyait les contras,terme employépour désigner ceux quiluttent
contre le présentGouvernement nicaraguayen. Des créditsfurent expres-
sément inscrits au budget des Etats-Unis en 1983 pour permettre aux
services de renseignements de ce pays de soutenir directement ou indi-
rectement les opérations militaires ou paramilitaires au Nicaragua )).
D'aprèsle Nicaragua les contrasont causé des dégâtsmatériels considé-
rables et provoqué de nombreuses pertes en vies humaines ;ils auraient
aussi commis des actes tels que l'exécutionde prisonniers, le meurtre de

civils pris au hasard, des tortures, des viols et des enlèvements. Le Nica-
ragua affirme que le Gouvernement des Etats-Unis exerce une autorité
effective sur les contras,qu'il a mis au point leur stratégie et dirigé leur
tactique et que son objectif était, dèsl'origine, le renversement du Gou-
vernement nicaraguayen.
21. Le Nicaragua soutient d'autre part qu'il serait apparu après coup
que certaines opérationsmilitaires ouparamilitaires avaient été effectuées,
non pas par lescontrasqui, à l'époque, enrevendiquèrentla responsabilité,mais par des individus à la solde du Gouvernement des Etats-Unis et
placés souslecommandement direct de ressortissants des Etats-Unis qui,
dans une certaine mesure, participaient aussi aux opérations. Celles-ci
feront ultérieurement l'objet d'un examen plus approfondi, destiné à en
rechercher les conséquences juridiques et à établir les responsabilités
qu'ellesmettent enjeu ;ellescomprennent leminage, au débutde 1984,de
certains ports nicaraguayens, ainsi que des attaques lancéescontre des
ports, desinstallations pétrolières,unebase navale, etc. LeNicaragua s'est
égalementplaint de ce que des aéronefs des Etats-Unis survolaient son
territoire, afin non seulement de recueillir des renseignements et d'ap-

provisionner les contras en campagne mais encore d'effrayer la popu-
lation.
22. Sur leplan économique,leNicaragua déclareque lesEtats-Unis ont
suspendu leur assistance au Nicaragua, réduitradicalement leurs impor-
tations de sucre en provenance du Nicaragua et imposé un embargo
commercial ;ilsauraient en outre uséde leurinfluence auprèsde laBanque
interaméricainede développementet de la Banque internationalepour la
reconstruction et le développementpour bloquer l'ouverture de créditsau
Nicaragua.
23. Sur leplanjuridique leNicaragua soutient entre autres quepar leurs
actions les Etats-Unis violent l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des
Nations Uniesainsi que l'obligation de droit international coutumier de ne

pas recourir à la menace ou à l'emploi de la force ; que les actions des
Etats-Unis constituent une intervention dans les affaires intérieures du
Nicaragua,en violation de lacharte de l'organisation des Etats américains
et des règlesdu droit international coutumier prohibant i'intervention ; et
que les Etats-Unis violent la souverainetédu Nicaragua et diverses autres
obligations reconnues en droit international coutumier général etdans le
systèmeinteraméricain. Le Nicaragua affirme en outre que lesactions des
Etats-Unis sont de nature à priver de son but et de son objet le traité
d'amitié,de commerce et de navigation conclu en 1956entre les Parties, et
à en violer les dispositions.
24. Comme il a étéindiqué précédemment,les Etats-Unis n'ont pas
déposéde pièce écritesur le fond et ne se sont pas fait représenter aux

audiences consacrées àcelui-ci. Ilsont cependant précisé dans leurcontre-
mémoiresur lacompétenceetla recevabilitéque, <en fournissant une aide
proportionnée et appropriée àdes Etats tiers qui la leur ont demandée et
qui ne sontpas parties àl'instance »,ilsusaient du droit naturel de légitime
défense <(garanti ...par l'article 51 de la Charte des Nations Unies )>,
autrement dit du droit de légitimedéfensecollective.
25. Divers aspects du présent différendont étésoumis au Conseil de
sécuritéà plusieurs reprises - notamment par le Nicaragua en avril 1984,
ainsi que la Cour a eu l'occasion de le rappeler dans son ordonnance du
10 mai 1984 et dans son arrêtsur la compétence et la recevabilité du
26 novembre 1984 (C.I.J. Recueil1984, p. 432, par. 91). L'objet du litige

fait en outre partie des problèmes plus larges de l'Amériquecentrale,
examinés à présent à l'échelle régionaledans le cadre de ce qu'on ap-pelle les <consultations de Contadora (C.I.J. Recueil 1984, p. 183-185,
par. 34-36 ;p. 438-441, par. 102-108).

26. L'attitude adoptée par le Gouvernement des Etats-Unis d'Amé-
riqueen la présente phasede la procédure à la suite du prononcéde l'arrêt
de la Cour du 26novembre 1984,telle que cette attitude a été définiedans
la lettre de l'agent desEtats-Unis en datedu 18janvier 1985,a pour résul-
tat de fairejouer l'article 53du Statut, aux termes duquel : <Lorsqu'une

des parties ne se présente pas, ou s'abstient de faire valoir ses moyens,
l'autre partie peut demander à la Cour de lui adjuger ses conclusions. ))
Dans son mémoire eten plaidoirie le Nicaragua a invoqué cetarticle et a
demandé à la Cour de lui adjuger lesconclusions qu'ilprésentait.Un aspect
particulier de la présente affaire est que les Etats-Unis ont attendu, pour
cesser de participer à l'instance, qu'un arrêtcontraire aux thèses qu'ils
défendaient sur la compétenceet la recevabilitéeût été rendu.Qui plus
est, ilsont déclaréà cette occasion que <<l'arrêtde la Cour étaitclairement
et manifestement erronéen fait commeen droit o,a.'ils(<demeurent fer-
mement convaincus ...que la Cour n'a pas compétence pour connaître
du différend )>et que les Etats-Unis <<réservent leursdroits à propos de

toute suite que la Cour décideraitdedonner auxdemandes du Nicaragua o.
27. Lorsqu'un Etat, attrait devant laCour,décide de nepas comparaître
ou de ne pas faire valoir sesmoyens, la Cour manifeste habituellement son
regret d'une telle décision,qui comporte à l'évidencedes conséquences
négativespour une bonne administration de la justice (voir Compétence
en matière depêcheries,C.I.J. Recueil 1973, p. 7, par. 12 ; p. 54,
par. 13 ;C.1.J.Recueil 1974, p. 9,par. 17;p. 181,par. 18 ;Essais nucléaires,
C.I.J. Recueil1974, p. 257,par. 15 ;p. 461, par. 15;Plateaucontinentalde
la mer Egée,C.I.J. Recueil 1978, p. 7, par. 15;Personneldiplomatiqueet
consulairedesEtats-Unis à TéhéranC ,.I.J.Recueil1980, p. 18,par. 33). En
l'espècela Cour regrette d'autant plus profondément la décisionde 1'Etat

défendeurde ne pas participer à la présentephase de la procédure qu'une
telle décision estintervenue après que les Etats-Unis eurent pleinement
participé aux procédures sur les mesures conservatoires et sur la compé-
tenceetla recevabilité.Eneffet, en ayant pris part à l'instance pour plaider
l'incompétencede la Cour, les Etats-Unis reconnaissaient par làà celle-ci
lepouvoir de seprononcer sursa propre compétencepour statuer au fond.
Il n'est pas possible de prétendreque la Cour n'étaitcompétenteque pour
sedéclarerincompétente.La comparution devant unejuridiction implique
normalement l'acceptation de la possibilitéd'être débouté P.ar ailleurs la
Cour sedoit de souligner qu'en aucuncaslanon-participation d'une partie
à la procédure ou àune phase quelconque de celle-ci ne saurait affecter la
validitéde sonarrêt.Cette validiténedépend pasnonplus de l'acceptation

de l'arrêtpar une partie. Le fait pour un Etat de prétendre <<réserverses
droits )à proposd'une décisionfuture de la Cour, une foisque celle-cis'estdéclaréecompétente, est manifestement sans incidence sur la validitéde
ladite décision. En vertudel'article36,paragraphe 6,de son Statut, laCour
est compétente pour déciderde toute contestation relative à sa compé-
tence, et son arrêt sur ce point, comme sur le fond, est définitifet obliga-
toire pour les parties aux termes des articles 59 et 60 du mêmeStatut

(voir Détroitde Corfou, arrêt du 15 décembre 1949,C.I.J. Recueil 1949,
p. 248).
28. Dans les cas où I'article 53 s'applique, la Cour doit s'assurer non
seulement qu'elle a compétenceaux termes des articles 36 et 37, mais que
lesconclusions )de lapartiequi comparaît sont fondéesenfait et endroit.
En la présenteespècela Cour bénéficiedu fait que les deux Parties ont
plaidédevant elledans lespremièresétapesdela procédure,portant sur la
demande en indication de mesures conservatoires et sur les questions de

compétenceet de recevabilité.Par son arrêtdu 26 novembre 1984la Cour
s'estnotamment déclaréecompétentepour connaître de l'affaire. Elledoit
cependant <(s'assurer ))que les conclusions du demandeur sont (fondées
en fait et en droito. La Cour s'étant expriméesur l'application de l'article53
dans plusieurs affaires précédentes,mentionnéesplus haut,il ne lui paraît
pas utile de récapitulerla teneur de ces décisions.Le raisonnement suivi
pour réglerles problèmes de base qui se posaient est resté essentiellement
inchangé, bienque son énoncé aitpu varier quelque peu d'une instance à

l'autre. Certains points de principe peuvent cependant être rappelés ici.
L'Etat qui décidede ne pascomparaître doit accepter lesconséquencesde
sa décision,dont la première est que l'instance se poursuivra sans lui ;il
reste cependant partie au procès et le futur arrêtle lie conformément à
I'article 59 du Statut. Il est néanmoins hors de question que la Cour se
prononce automatiquement en faveur de la partie comparante, puisque,
comme indiqué précédemment,elle a l'obligation de s'assurer ))que les

conclusions de cette partie sont fondées en fait et en droit.

29. L'emploi du mot <s'assurer ))(en anglais <(satisfy itself)))dans le
Statut implique que la Courdoit, tout autantquedans une autre instance,
acquérir la conviction que les conclusions de la partie comparante sont
fondéesendroit et, pour autant que la nature de I'affairelepermette, que
les faits sur lesquels ces conclusionsreposent sont étayéspar des preuves
convaincantes. Le principe jura novitcuriasignifie que, pour décider que

les conclusions sont fondées en droit, la Cour ne doit pas s'appuyer
uniquement sur les exposésdes parties relativement au droit applicable
(voir I'affaire du Lotus,C.P.J.Z.sérieA no10,p. 31),de sorte que l'absence
de l'une d'elles n'a que des conséquences relativement limitées. Ainsi
que la Cour l'a rappelédans les affaires de la Compétenceen matièrede
pêcheries :

<(La Cour, en tant qu'organe judiciaire international, ... est ...

censéeconstater le droit international et, dans une affaire relevant de
I'article 53 du Statut comme dans toute autre, est donc tenue de
prendre en considération de sa propre initiative toutes les règlesde droit international qui seraient pertinentes pour le règlementdu dif-
férend.La Cour ayant pour fonction de déterminer et d'appliquer le
droit dans lescirconstances dechaque espèce,lacharged'établir oude
prouver lesrèglesdedroitinternationalne saurait êtreimposée àI'une
ou l'autre Partie, car le droit ressortit au domaine de la connaissance
judiciaire de la Cour. ))(C.I.J. Recueil 1974, p. 9, par. 17 ; p. 181,

par. 18.)
Il n'en reste pas moins que les vues des parties à une affaire sur le droit
qui s'applique à leur différendimportent au plus haut point, surtout sices

vues concordent, comme on leverra ci-après(paragraphes 184et 185).En
laprésenteespèce,lefardeau imposéa laCour setrouveen outre allégé par
la circonstance que les Etats-Unis ont participé auxpremières phasesde
l'instance,aucours desquellesilsont avancécertains argumentsjuridiques
qui concernent aussi le fond.
30. Quant aux faits de lacause, en principela Cour n'estpas tenue de se
limiter aux élémentsque lui soumettent formellement les parties (voir
Emprunts brésiliensC , .P.J.I.sérieA nos 20 et21, p. 124 ;Essais nucléaires,
C.I.J. Recueil 1974, p. 263 et 264, par. 31 et 32). Néanmoins laCour ne
saurait totalement pallier, par sespropres recherches, lesconséquencesde
I'absencede I'unedesparties qui limite nécessairementl'information de la

Cour dans une affaire soulevant comme celle-cide multiples questions de
fait. De plus on simplifieraitàl'excèsenconcluant que leseulinconvénient
de l'absence d'une partie est que cette partie se prive ainsi de l'occasion
d'apporter des preuves et des arguments à l'appui de sa propre cause. La
procédure devantla Cour exigela vigilancede tous. L'absent perd aussi la
possibilitéde combattre les allégationsde fait de son adversaire. IIappar-
tient assurément à la partie qui comparaît de prouver ce qu'elle avance ;
néanmoins, pour reprendre les termes de la Cour :

(Tout en prescrivant ainsi à la Cour de procéder à un examen des
conclusions de la Partie comparante, l'article 53n'apas pour effet de
lui imposer la tâche d'en vérifier l'exactitudedans tous les détails -

tâchequi, dans certains cas et en raison de l'absencede contradiction,
pourrait s'avérerpratiquement impossible. ))(Détroitde Corfou,C.I.J.
Recueil 1949, p. 248.)

31. Tels sont les principes directeurs, mais il s'y ajoute d'autres élé-
ments, comme en témoigne l'expérience d'affaires antérieuresdans les-
quelles une des parties a pris la décisionde ne pas se présenter. Bien
qu'officiellement absente, souvent la partie en question soumet des lettres
et des documents à la Cour par des voies et moyens non prévuspar le
Règlement.La Cour doit donc rechercher un certain équilibre. D'uncôté
elle a avantage à connaître les vues des deux parties, quelle que soit la
manière dont ces vues s'expriment. De plus, ainsi qu'elle l'a souligné en
1974,en cas d'absence de I'unedes parties (il incombe tout particulière-
ment à la Cour de s'assurer qu'elle est bienen possession de tous les faits

disponibles )(EssaisnucléairesC , .I.J.Recueil1974, p. 263,par. 31 ;p. 468,par. 32). D'un autre côté laCour doit souligner que le principe de l'égalité
des parties au différendreste pour elle fondamental. L'article 53ne vise à
défavoriserni l'uneni l'autre des partiesen cas de non-comparution ;celle
qui s'abstient de comparaître ne saurait doncêtreadmise à tirer profit de
son absence, car cela reviendrait à désavantager la partie qui comparaît.
Les dispositions du Statut et du Règlementsur la présentation des pièces
écrites etdes élémentsdepreuve visent à assurerune bonne administration

de lajustice et àpermettre à chaquepartie de s'exprimer sur les thèsesde
l'adversaire dans des conditions d'égalité et d'équitéL .e traitement que la
Cour accorde aux communications ou documents émanant de la partie
absente dépenddu poids attaché à cesdiverses considérationset ne saurait
faire l'objet d'une définitionrigide en forme de règle générale précise L.a
vigilance que la Cour est à même d'exercer lorsqu'elle bénéficidee la
présencedes deux parties à l'instance a pour corollaire le soin tout parti-
culier qu'elledoitapporter àbien administrer lajustice dans une affaireoù
l'une d'elles seulementparticipe à l'instance.

32. Avant d'aller plus loin, la Cour croit utile de s'arrêtersur une
question préliminaire, liée à ce qu'on pourrait appeler lajusticiabilité du
différend dont le Nicaragua l'a saisie. Dans leur contre-mémoire sur la
compétenceet la recevabilité lesEtats-Unis ont avancéplusieurs raisons
pour lesquelles la demande devait êtrejugée irrecevable : d'après eux,
notamment, un grief relatif à l'usage illicite de la force armée relèvede la
compétenceexclusived'autres organes, etplus particulièrement du Conseil
de sécuritée,n vertu de la ChartedesNations Unieset de la pratique ;et la

Cour ne saurait connaître efficacement d'un conflit armé en cours
comportant l'emploide laforcearméeenviolation de la Chartesans sortir
des limites d'une activitéjudiciaire normale. Dans son arrêt du26 novem-
bre 1984la Cour a examinéet rejeté cesarguments, et les Etats-Unis, qui
n'ont pas participé à la suite de la procédure, n'en ont pas présentéa la
Cour de nouveaux qui iraient dans le même sens. Il apparaît toutefois, au
terme de l'examen du fond auquel la Cour s'est àprésent livrée,que des
circonstances existent qui, pourrait-on soutenir, rendraient non justi-
ciables le litige lui-mêmeou les questions d'emploi de la force et de
légitimedéfensecollective qui en font partie.

33. En premier lieu, il a étésoutenu que leprésentdifférend devrait être
déclaré nonjusticiable parce qu'il n'entre pas dans la catégoriedes << dif-
férendsd'ordrejuridique ))au sens de l'article 36,paragraphe 2,du Statut.
Il est vrai qu'en vertu de cette disposition la compétence de la Cour est
limitée aux «différends d'ordre juridique ))ayant pour objet l'une quel-
conquedes matières énumérées. Lqauestion de savoir siun différendentre
deux Etats est ou n'est pas un <(différendd'ordre juridique r)aux fins de
cette dispositionpeut êtreelle-mêmeen litigeentre cesdeux Etats ;dans cecas il appartient a la Cour de décider,comme leprévoit leparagraphe 6de
l'article 36.En laprésenteespèce,cependant, cepointparticulier ne semble
pas être enlitige entre les Parties. Durant la procédure consacréeaux
questions de compétence et de recevabilité, les Etats-Unis ont avancé
diverses raisonspour que laCour conclue qu'elle n'étaitpas compétenteou
que lademande n'étaitpas recevable.Ilsse sontappuyésnotamment sur la
réservec)de leurpropre déclarationd'acceptation delajurikiiction envertu

de l'article 36,paragraphe 2. sansjamais avancer l'argument plus radical
qui voudrait que la déclaration soit en totalité inapplicable pour la raison
que le différenddont le Nicaragua a saisi la Cour n'est pas un << différend
d'ordre juridique au sens de ce paragraphe. Pour ce qui est de la rece-
vabilité,les Etats-Unis ont élevé uneobjection contre l'application de l'ar-
ticle 36, paragraphe 2, au motif, non pas que le différendn'est pas <j< uri-
dique O,maisque lesquestions sur lesquellesportent lesdemandes du Nica-
ragua relèvent expressément d'organes politiquesen vertu de la Charte
des Nations Unies. et c'est là un argument que la Cour a rejetédans son
arrêtdu 26 novembre 1984(C.I.J. Recueil 1984, p. 431-436).De même,si
les Etats-Unis ont soutenu que la naturede la fonctionjudiciaire empêche

d'examiner au fond les allégationsdu Nicaragua en l'espèce - argument
que la Cour n'apas non plusétéen mesure d'accepter (ibid.,p. 436-438) -,
ilsont néanmoinstenu a souligner qu'ils neconsidéraient pas pour autant
ledroit international comme dénuéde~ertinence ou ina~~iicabAL àun dif-
férendde cette nature. Bref.la Cour ne voit aucune raison de penser que, du
point devuedes Etats-Unis eux-mêmesl,eprésent différend échapperait à la
catégoriedes ((différendsd'ordrejuridique auxquelss'applique l'article36,
paragraphe 2, du Statut. Elle doit donc aborder l'examen des demandes
concrètes du Nicaragua sous l'angle du droit international applicable.
34. II est hors de doute que les problèmes d'emploi de la force et de
Iégitimedéfensecollective soulevésdans la présente instance sont régle-

mentés àla fois par le droit international coutumier et par des traités,en
particulier la Charte des Nations Unies. Il a cependant été affirmé que,
pour une autre raison, les questions de cette nature qui se posent en la
présenteespèce nesont pasjusticiables et ne font pas partie des matières
dont un tribunal puisse connaître. L'invocation de la légitime défense
collective par laquelle les Etats-Unis cherchent à justifier leurs actions
vis-à-vis du Nicaragua obligerait la Cour a déterminer si, leur sécuritése
trouvant en jeu, les Etats-Unis étaient en droit de seproclamer eux-mêmes
dans la nécessité d'employer la forceafin de riposter a une intervention
étrangèreau Salvador. Pour y parvenir, assure-t-on, la Cour devrait se

prononcer sur des aspects politiques et militaires et non sur une question
qui soit par nature de celles auxquelles un tribunal peut utilement s'ef-
forcer de répondre.
35. Comme la Cour l'exposera plus loin, dans les circonstances de la
présente espècec'est l'exercice, allégué par les Etats-Unis, d'un droit de
Iégitimedéfensecollectiveenriposteaune agression arméecontre un autre
Etat qui se trouve en cause. La question de la licéitéd'une réaction à la
menace d'une agression armée qui ne s'est pas encore concrétiséen'a pasété soulevée.La Courdoit donc déterminer d'abordsicette agression s'est
effectivement produite et si, dans l'affirmative, les mesures présentées
comme ayantétéprises souslecouvert de la légitimedéfenseconstituaient
en droit une réactionjustifiée par la Iégitimedéfensecollective. Pour
répondre à la première question, la Cour n'a pas à déterminer si les
Etats-Unis, ou 1'Etatqui aurait étéagressé,étaientacculés àla riposte. Si
elledécidequ'ily a eu agression arméeenl'espèce,et afin de seprononcer
dans cette hypothèse sur des questions afférentesau caractèrecollectif de

la légitimedéfenseet au type de réaction,elle n'aura pas non plus à se
lancer nécessairementdans des appréciations d'ordre militaire. La Cour
peut en conséquenceseborner ici àconclureque, dans lescirconstances de
la présenteespèce,les problèmes de légitimedéfensequi ont étésoulevés
fontpartiede ceuxqui relèventde sacompétenceetqu'elleesten mesure de
régler.

36. Par son arrêtdu 26 novembre 1984 la Cour a dit qu'elle avait
compétencepour connaître de la présente affaire, en premier lieu sur la
base de la déclaration d'acceptation de la juridiction déposéepar les
Etats-Unis le 26 août 1946en vertu de la clause facultative de l'article 36,
paragraphe 2, du Statut, et en second lieu sur celle de l'articleXXIV d'un
traitéd'amitié,de commerce et de navigation entre les Parties, signé à
Managua le21janvier 1956.La Cour note que, depuis l'introduction de la
présente instance,ces deux fondements de sa compétenceont été dénon-

cés.Le ler mai 1985 les Etats-Unis ont donné au Gouvernement du
Nicaragua préavisde leur intentionde mettre fin au traité, conformément
à sonarticle XXV,paragraphe 3 ;lepréavis estexpiréet adonc misfin àla
relation conventionnelle entre les deux Etats le lei mai 1986.Le 7 octobre
1985les Etats-Unis ontdonné au Secrétairegénéraldel'organisation des
Nations Unies préavisde retrait de leur déclaration envertu de la clause
facultative,conformément aux termes de cette déclaration, et cepréavisa
expiréle 7 avril 1986.La Cour n'est pas pour autant privéede sa compé-
tence en vertu de l'article 36, paragraphe 2, du Statut, ni de celle que lui
confère l'article XXIV, paragraphe 2, du traité, pour se prononcer sur

<(tout différend qui pourrait s'éleverentre les Parties quant à l'interpré-
tation ou à l'application))de celui-ci. Ainsi qu'elle l'a soulignédans I'af-
faire Nottebohm :
<(Lorsquelarequêteestdéposé eun moment où ledroit envigueur

entre les parties comporte lajuridiction obligatoire de la Cour ..le
dépôt de la requêten'est que la condition pour que la clause de
juridiction obligatoireproduise effet à l'égardde la demande qui fait
l'objet de la requête.Cette condition remplie, la Cour doit connaître
de la demande ;ellea compétencepour en examiner tous les aspects,
qu'ils touchentà la compétence, à la recevabilitéou au fond. Un fait
extérieurtelque lacaducitéultérieurede ladéclaration [ou,commeen la présenteespèce,du traité renfermant une clause compromissoire]
par échéance du terme ou par dénonciationne saurait retirer à laCour

une compétence déjàétablie. ))(C.I.J. Recueil 1953, p. 123.)

37. Dans l'arrêtdu 26novembre 1984la Cour acependant déclaréaussi
qu'une objection soulevéepar les Etats-Unis, concernant l'exclusion des

<(différends résultant d'un traitémultilatéral ))de leur acceptation de la
juridiction en vertu de la clause facultative, soulevait ((une question qui
touche des points de substance relevant du fond de l'affaire O, et elle a
conclu en ces termes :

<(Cela étant,et puisqu'il n'estplus possible d'ordonner lajonction
des exceptions préliminairesau fond depuis la revision du Règlement
de 1972,la Cour n'a d'autre choix que d'appliquer l'article 79,para-
graphe 7.de son Règlementactuel, et de déclarerque l'objection tirée

de la réserve relative auxtraités multilatéraux figurantdans la décla-
ration d'acceptation des Etats-Unis n'a pas, dans les circonstances
de l'espèce.un caractère exclusivement préliminaire et qu'en consé-
quence rien ne s'oppose à ce que la Cour connaisse de l'instance
introduitepar le Nicaragua dans sa requêtedu 9 avril 1984. ))(C.I.J.
Recueil 1984, p. 425-426, par. 76.)

38. En la présente affaire la Cour a pour la première fois l'occasion
d'exercer le pouvoir, introduit en 1972,de déclarer qu'uneexception pré-

liminaire <(n'a pas dans les circonstances de I'espèceun caractère exclu-
sivement préliminaire )).Aussi pourrait-il êtreopportun de fairecertaines
observations sur la raison d'êtrede cette disposition, compte tenu des
problèmesauxquels letraitement des exceptions préliminairesadonnélieu
dans le passé.Dans l'exercice du pouvoir réglementaire qu'elle tient de
l'article 30 du Statut et, plus généralement,pour s'attaquer aux questions

complexes que peut souleverla détermination de procéduresappropriées à
lasolutiondesdifférends, laCour s'estinspiréede la méthodedéfiniepar la
Cour permanente de Justice internationale. Celle-ci s'était estimée libre
d'adopter

((la règle qu'elle considère comme la plus appropriée à la bonne
administration de la justice, à la procédure devant un tribunal in-
ternational, et la plus conforme aux principes fondamentaux du
droit international (ConcessionsMavrommatis en Palestine, C.P.J.I.

sérieA no2, p. 16).
39. Dans le Règlementremontant à 1936(qui sur cepoint reprenait une
pratique elle-mêmeantérieure), la Cour avait la faculté de joindre une

exception au fond (lorsque les intérêts de la bonne administration de la
justice lui en [faisait] un devoir ))(Chemin de fer Panevezys-Saldutiskis,C. P.J.1.sérieAl B no 75, p. 56)et en particulier lorsque en statuant sur les
exceptions elle risquait soit de trancher des questions qui appartiennent

au fond de l'affaire, soit d'en préjugerla solution (ihid.).Si elle exerçait
cette faculté, il y avait toujours un danger, à savoir que la Cour ne se
prononce en définitiveque sur la base de I'exception préliminaire,et cela
aprèsavoir imposéauxparties un débatexhaustif sur lefond - et c'est bien
ce qui est arrivédans les faits (Barcelona Traction, Light and Power Com-
pan-v,Limited, deuxièmephase,C.I.J. Recueil 1970,p. 3). Pour certains, on
ne faisait ainsi que prolonger inutilement une procédure longue et coû-
teuse.
40. Etant donné les difficultés trèsdiverses que peuvent soulever les
exceptions préliminaires, un choixs'offrait à la Cour :reviserle Règlement
de manière à exclure dorénavant toute jonction au fond, ce qui aurait
obligé à se prononcer sur toutes les exceptions au stade préliminaire, ou
rechercher une solution plussouple. Cellequi consistait à examiner immé-
diatement toutes les exceptions préliminaireset àécarter toute possibilité

de jonction au fond avait de nombreux partisans et présentait bien des
avantages. Dans l'affaire du Chemin defer Panevezys-Saldutiskis, la Cour
permanente a défini I'exceptionpréliminaire comme celle qui est

présentéeafind'exclure l'examenpar la Cour du fond de I'affaire, ...
la Cour pouvant statuer sur ladite exception sans se prononcer en
aucune façon sur le fond de l'affaire O (C.P.J.I. sérieAIB no 76,
p. 22).

Si l'on accepte cette manière de voir, il est évidentque chaque exception
préliminaire doit êtreexaminéeimmédiatement sans aborder le fond, ni
obliger les parties à plaider au fond. Pour déterminer, par exemple, s'il
existeun différendentre lesparties ou sila Cour est compétente,iln'yapas
lieu normalement d'entreprendre une analyse du fond. Cela ne règle
cependant pas tous les problèmes que posent les exceptionspréliminaires
vu qu'ellespeuvent, comme l'expériencel'amontré,serattacherjusqu'à un
certain point au fond. La solution retenue en 1972 et conservéedans le
Règlement de 1978a étépour finir la suivante :la Cour doit décidersi

elle retient I'exception, la rejette ou déclare que cette exception
n'a pas dans les circonstances de l'espèce uncaractère exclusivement
préliminaire.Si la Cour rejette I'exception ou déclarequ'elle n'a pas

un caractère exclusivement préliminaire, elle fixe les délaispour la
suite de la procédure. ))(Art. 79, par. 7.)

41. Il est certes impossible de prévoirtous les problèmes que peuvent
soulever les exceptions, mais la pratique de la Cour montre qu'il existe
certains types d'exceptions préliminairesque la Cour peut réglerrapide-
ment sans avoir àexaminer le fond. Il est clair avant tout que lesquestions
decompétencesont decellesquidoivent êtrerésoluesaustade préliminairede la procédure. La nouvelle disposition décrit ainsi les exceptions envi-

sagées :
Toute exception àla compétencede la Cour ou àla recevabilitéde

la requêteou toute autre exception sur laquelle le défendeur demande
une décision avant que la procédure sur le fond se poursuive ...))
(Art. 79. par. 1.)

Elle présente donc un avantage certain : en qualifiant certaines excep-
tions de préliminaires, elle montre bien que, lorsqu'elles présentent exclu-
sivement ce caractère, lesexceptions doivent êtretranchéessans délai,mais
que, dans le cas contraire, et notamment lorsque ce caractère n'est pas

exclusif puisqu'elles comportent à la fois des aspects préliminaires et des
aspects de fond. elles devront êtrerégléesau stade du fond. Ce procédé
tend d'autre part à décourager toute prolongation inutile de la procédure
au stade de la compétence.

42. La Cour doit donc maintenant statuer sur les conséquences que la
réservedes Etats-Unis relative aux traités multilatéraux doit avoir sur la

décisionqu'elle va rendre. On se rappellera que la déclaration d'accepta-
tion de lajuridictionde la Cour déposéepar les Etats-Unis le 26 août 1946
comporte une clause excluant les

<<différendsrésultantd'un traitémultilatéral, àmoins que 1)toutes les
parties au traité que la décision concerne soient également parties à
l'affaire soumise à la Cour, ou que 2) les Etats-Unis d'Amérique
acceptent expressément la compétence de la Cour o.

Dans son arrêt de 1984, la Cour, tout en se prononçant sur certains
aspects de la réserveen question, a considéréqu'il n'étaitni nécessaire ni

possible, au stade de la compétence, qu'elle prenne position sur tous les
problèmes que ce texte posait.
43. Cela ne lui paraissait pas nécessaireparce que le Nicaragua, dans sa
requête, ne limitait pas ses demandes aux violations de conventions mul-
tilatérales mais invoquait un certain nombre de principes du droit inter-

national général etcoutumier ))en plus du traité bilatéral d'amitié,de
commerce etde navigation de 1956.Ces principes restaient obligatoires en
tant que tels, lors m2me qu'ils étaient également inclus dans des disposi-
tions du droit conventionnel. En conséquence, puisque la Cour n'étaitpas
uniquement saisie sur la base de conventions multilatérales, elle n'avait pas

besoin. pour examiner quant au fond la demande du Nicaragua, de s'être
prononcée sur la portée de la réserveen question : <([cette] réserve... ne
permettrait pas, de toute façon. de rejeter la demande )) (C.I.J. Recueil
1984, p. 425. par. 73). En outre. un examen définitif de la réserve n'apas
paru possible au stade de la compétence. En effet, un jugement sur la

portéede la réservesupposait une interprétation définitivedu terme af-
fected )qui y figurait.A cetégard. la Cour. dans sonarrêtde 1984.a admisque le terme <affected ))s'appliquait non pas aux traités multilatéraux
mais aux parties a ceux-ci. Certes, a ajouté la Cour, si ces parties souhai-
taient ((protégerleurs intérêts, pourautant que l'article 59du Statut ne les
protège pas déjà ))elles auraient le choix entre engager une action ou
intervenir k)lors de la phase relative au fond. Mais, de toute manière, selon

la Cour ((la détermination des Etats ((affectés nepeut êtrelaissée aux
parties ;c'esta la Cour d'en décider (C.I.J. Recueil 1984, p. 425.par. 75).
Or cette opération ne pouvait êtreeffectuée au stade de la procédure
auquel la Cour se trouvait alors : ce n'est, a dit la Cour, qu'à partir du
moment où les grandes lignes de [l']arrêt se dessineraient qu'elle pourrait
déterminer quels Etats seraient (affectés ))(ibid.). C'étaitdonc là. con-
cluait la Cour, <(une question qui touche des points de substance relevant
du fond de l'affaire ))(ihid., par. 76). La Cour se trouvait ainsi amenée à

constater que, <<la question de savoir quels Etats pourraient être«affec-
tés par [sa] décision au fond n'[étant] pas en soi une question de
compétence, elle n'rivait

d'autre choix que d'appliquer l'article 79, paragraphe 7, de son
Règlement actuel, et de déclarer que l'objection tiréede la réserve
relative aux traités multilatéraux ...n'a pas,dans lescirconstances de
l'espèce, uncaractère exclusivement préliminaire (ibid, par. 76).

44. Maintenant que la Cour a examiné la substance du différend, il
devient à la fois nécessaireet possible de statuer sur les points relatifs à la
réserveaméricaine qui n'ont pas étéréglésen 1984. Cela est nécessaire
parce que la compétence de la Cour, comme celle-ci a eu maintes fois
l'occasion de le rappeler, repose sur le consentement des Etats, tel qu'il
peut s'exprimer par divers moyens, et notamment par des déclarations

faites en application de l'article 36, paragraphe 2, du Statut. C'est la
déclaration faitepar les Etats-Unis d'Amérique en vertu de ce paragraphe
qui détermine les catégoriesde litiges à propos desquels les Etats-Unis
consentent a lacompétencede la Cour. Sidonc cettedéclaration. en raison
d'une réserve qu'ellecontient, exclut du nombre des litiges pour lesquels
elle accepte la compétence de la Cour certains d'entre eux résultant de
traités multilatéraux, la Cour doit tenir compte de ce fait. La décision

finale sur ce point, qu'il n'était pas possiblede prendre au stade de la
compétence,peut et doitêtreprise maintenant que la Cour va seprononcer
sur le fond. S'iln'en était pasainsi, la Cour n'aurait décidédu bien ou du
mal-fondéde l'exception niau stade de lacompétence,parcequ'elle n'avait
pas un caractère exclusivement préliminaire, ni au stade du fond, parce
qu'elleavaitpartiellement cecaractère.IIest aprésentpossible de résoudre
la question de l'application de la réserveparce que, au terme de l'examen
completdesfaitsetdu droit auquel la Cour s'estlivrée,lesconséquencesde

l'argument de légitimedéfensecollective soulevépar les Etats-Unisappa-
raissent désormais clairement.
45. La réserve en question ne fait pas obligatoirement obstacle à I'ad-
mission par lesEtats-Unis de la compétencede la Cour dans tous lescasoùun Etat tiers éventuellement affecté ))par ladécision neserait paspartie à

l'instance. Les Etats-Unis peuvent toujours, d'après le texte mêmede la
réserve. passer outre et accepte[r] expressément la compétence de la
Cour o.D'autre part, indépendamment de cette possibilité,il reste, comme
la Cour l'aindiquérécemment, (<qu'un Etat peut renoncer à une exception
d'ordre juridictionnel qu'il aurait étéen droit de soulever (C.I.J. Recueil
1985, p. 216, par. 43). Il est cependant clair que si les Etats-Unis, ayant

refuséde participer au stade du fond, n'ont pas eu l'occasion de reprendre
alors l'argument que, dans la phase de la compétence, ilsavaient tiréde leur
réserve relative aux traités multilatéraux, ce fait ne peut avoir la valeur
d'une renonciation audit argument. A défaut de renonciation expresse la
réservelimite l'étendue de la juridiction volontairement acceptée par les

Etats-Unis et, comme laCour l'adit dans l'affaire du Plateau continentalde
lu mer Egée:
La Cour ne s'acquitterait pas de ses responsabilités en vertu de

l'article 53 du Statut si elle laissait en dehors de son examen une
réservedont l'invocation par le défendeur a été dûment portée à sa
connaissance à un stade antérieur de la procédure. (C.I.J. Recueil
1978, p. 20, par. 47.)

Dans la phase actuelle les Etats-Unis se sont abstenus de soumettre à la
Cour quelque argumentation que ce soit, aussi bien sur le fond à propre-
ment parler que sur la question - non exclusivement préliminaire - de la
réserve relative aux traités multilatéraux. La Cour ne saurait donc pas

considérer que les Etats-Unis ont renoncéà faire valoir leur réserve ouont
cesséde lui donner la portée qu'ils lui attribuaient la dernière fois qu'ils se
sont exprimés à ce sujet devant la Cour. Cette conclusion se dégage avec
une force d'autant plus grande que la non-participation du défendeur
im~ose à la Cour. comme elle l'a dit Dar exem~le dans les affaires de la
Compétenceen matière depêcheries, «une particulière circonspection et ...

une attention toute spéciale (C.I.J.Recueil 1974, p. 10,par. 17,et p. 181,
par. 18).
46. Il a étédit aussi que les Etats-Unis pourraient être considérés
comme ayant renoncé à la réserve relative aux traités multilatéraux en
raison de la manière dont ils ont défendu leur cause dans la phase sur la
compétence ou, plus généralement, de leur invocation de la légitime

défensecollective, conformément à la Charte des Nations Unies, comme
justification de leurs activités à l'égarddu Nicaragua. Sans doute, durant
leur participation à l'instance, les Etats-Unis ont-ils soutenu avec insis-
tance que le droit applicable au différend est consigné dans des traités
multilatéraux, en particulier la Charte des Nations Unies et celle de l'Or-
ganisation des Etats américains ;ils sont même alléjsusqu'à affirmer que

ces traitéssupplantent et résumentledroit coutumier àce sujet.Toutefois,
plaider que ledroit applicable àun différendconcret provient d'une source
précise estune chose ;consentir àla compétence de laCour pour connaître
du litige, et donc lui appliquer le droit en question, en est une autre fort
différente. Toute l'argumentation des Etats-Unis relative à I'applicabilitédes chartes des Nations Unies et de l'organisation des Etats américains
visait àconvaincre laCour que ledifférend sousexamen <(résultaitde ))ces
traitéset étaitdonc exclude lacompétencede la Cour par la réserverelative
aux traités multilatéraux figurantdans leur déclarationd'acceptation de la
juridiction. II n'est pas possible d'interpréter leur attitude comme signi-

fiant qu'ilsconsentaient à l'application par la Cour du droit conventionnel
multilatéral pour résoudreledifférend, alorsque leur thèseétaitque, pour
la raison précisémentque le différend <(résultede )>traités multilatéraux,
ilsn'ontjamais accepté sonrèglementpar la Cour.Quand ellea rendu son
arrêtde 1984la Cour n'ignorait pas que lesEtats-Unis considéraientque le
droit des deux chartes s'appliquait au différend ; elle n'a pas jugéqu'ils
renonqaient par là àleur réserveet nesaurait le faire à présent. LaCour est

donc tenue de vérifiersisacompétenceest limitéepar lejeu de la réserveen
question.
47. Afin de s'acquitter de cette obligation, la Cour est désormais en
mesure de déterminer si des Etats tiers, parties aux conventions multila-
térales que le Nicaragua invoque à l'appui de ses demandes, seraient
<(affectés par l'arrêtsans êtreparties a la procédure se concluant par
celui-ci. Les traités multilatérauxévoqués à cet égard austade de la pro-

cédureportant sur la compétence étaient aunombre dequatre :la Charte
des Nations Unies, la charte de l'organisation des Etats américains, la
convention de Montevideo du 26 décembre 1933concernant les droits et
devoirs des Etats et la convention de La Havane du 20 février 1928
concernant lesdroits et devoirs des Etats en cas de luttes civiles(voir C.I.J.
Recueil 1984, p. 422. par. 68).Toutefois le Nicaragua n'apas spécialement
mis en avant ces deux derniers traités dans la présente phase de la pro-
cédure ; et, en réponse à la question d'un membre de la Cour surcepoint,

l'agent du Nicaragua a déclaré que,sans abandonner ses demandes fon-
dées sur ces instruments, le Nicaragua était d'avis que <(les droits et
obligations établis par ces conventions ont étérepris dans la charte de
l'organisation des Etats américains o.La Cour croit donc suffisant d'exa-
miner la situation par rapport aux deux chartes, sans rechercher si le
différend Deutêtreconsidéré comme <résultant »de l'uneou l'autre de ces
conventions, ou des deux.

48. Au stade de la compétence, les Parties ont surtout consacré leur
argumentation à l'effetde la réserve relativeaux traités multilatérauxsur
lesgriefs du Nicaragua suivant lesquels les Etats-Unis auraient eu recours
à la force en violation de la Charte des Nations Unies et de celle de
l'organisation des Etats américains,et la Cour examinera cet aspect en
premier lieu. Selon les vues présentéespar les Etats-Unis au cours de la
phase sur la compétence, les Etats affectés ))par l'arrêtde la Cour

seraient El Salvador. le Honduras et le Costa Rica. Il est clair que si l'un
seulement de ces Etats est considérécomme <(affecté ))la réserveaméri-
caine exercera son plein effet. La Cour voit des avantages à se pencher sur
le cas d'El Salvador, la situation de cet Etat présentant des traits particu-
liers.C'est essentiellement auprofit d'El Salvador, et pour l'aider à riposter
à une agression arméedont il aurait étévictime de la part du Nicaragua,que les Etats-Unis prétendent exercer un droit de Iégitimedéfensecollec-
tive dans lequel ilsvoient lajustification de leur comportement àl'égarddu

Nicaragua. De plus, El Salvador, corroborant cette affirmation des Etats-
Unis, a fait savoir à la Cour, dans sadéclaration d'intervention du 15 août
1984, qu'il se considérait comme la victime d'une agression armée de la
part du Nicaragua et qu'il avait demandé aux Etats-Unis de faire jouer à
son profit le droit de Iégitimedéfense collective. En conséquence, pour
statuer sur la plainte du Nicaragua contre les Etats-Unis, la Cour doit

prendre position sur l'éventuellejustification que certaines activités de ces
derniers au Nicaragu" et contre celui-ci ~ourraient trouver dans le droit de
Iégitimedéfensecollective. prétendument exercéenriposte àune agression
arméesubie par El Salvador et dont l'auteur serait le Nicaragua. Qui plus
est, et sous réserve pour l'instant de la question du contenu du droit

international coutumier applicable, le droit de Iégitimedéfense est bien
entendu consacrépar la Charte des Nations Unies, et le différend est, dans
cette mesure, un différend <<résultant d'un traité multilatéral ))auquel les
Etats-Unis, le Nicaragua et El Salvador sont parties.
49. Pour cequi est de la charte de l'organisation des Etats américains,la
Cour constate que le Nicaragua fonde deux demandes distinctes sur ce

traitémultilatéral : ilsoutient,tout d'abord, que I'emploide la force par les
Etats-Uniscontre leNicaragua en violation de la Charte des Nations Unies
viole égalementles articles 20 et 21 de la charte de l'organisation des Etats
américains,et ensuite que les actes incriminés constituentune intervention
dans ses affaires intérieures et extérieures en violation de l'article 18de la

mêmecharte. La Cour se référeratout d'abord à l'allégationd'emploi de la
force contraire aux articles 20 et 21. Aux termes de l'article 21 de la charte
de l'organisation des Etats américains :

Les Etats américains s'engagent dans leurs relations internatio-
nales à ne pas recourir à I'emploi de la force, si ce n'est dans le cas de
Iégitimedéfense,conformément aux traitésen vigueur, ou dans le cas
de l'exécutiondesdits traités.

Le Nicaragua fait valoir que les dispositions de la charte de l'organi-
sation des Etats américains qui prohibent I'emploi de la force sont iden-
tiques aux stipulations de la Charte des Nations Unies et qu'en consé-

quence les violations des obligations des Etats-Unis aux termes de cette
dernière constituent de ce seul fait des violations des articles 20 et 21 de la
charte de l'organisation des Etats américains.
50. L'article 51 de la Charte des Nations Uniesainsi que l'article 21 de la
charte de I'Organisation des Etats américains mentionnent la Iégitime
défense comme exception au principe de l'interdiction de I'emploi de la

force. A la différence de la Charte des Nations Unies, celle de I'Organi-
sation des Etats américains n'emploie pas l'expression Iégitimedéfense
collective mais vise la Iégitimedéfense, conformément aux traités en
vigueur, ou dans le cas de l'exécutiondesdits traités ))- l'un de ces traités
étantla Charte des Nations Unies. Il est en outre évidentque. si les actions
des Etats-Unis remplissaient toutes les conditions énoncéespar la Chartedes Nations Unies pour qu'il y ait exercice du droit de Iégitimedéfense
collective.on nesaurait soutenir queces mêmesactionspourraient endépit
de ce fait constituer une violation de l'article 21 de la charte de I'Organi-
sation des Etats américains. Par suite la situation d'El Salvador pource qui
estdu droit de Iégitimedéfensecollectiverevendiquépar les Etats-Unis est

la mêmeen vertu de la charte de l'Organisation des Etats américainset en
vertu de la Charte des Nations Unies.
51. Dans son arrêtdu 26 novembre 1984, la Cour a rappelé que la
requêtedu Nicaragua. selon cet Etat lui-même,ne met pas en cause ledroit
d'El Salvador de recevoir une aide,militaire ou non, des Etats-Unis (C.I.J.
Recueil 1984, p. 430,par. 86).Toutefois celas'entend de I'aidedirecte reçue
sur son territoire par le Gouvernement d'El Salvador pour lutter contre
l'insurrection à laquelle il fait face, et non de I'aide indirecte éventuelle-
ment apportée à cette lutte par certaines activités des Etats-Unis au
Nicaragua et contre lui. La Cour doit se demander quelles seraient les
conséquencesd'un rejet de l'argument des Etats-Unis suivant lequel leurs
actionssont justifiéespar l'exercicedu droit de Iégitimedéfensecollective

au profit d'El Salvador et en conformitéavec la Charte des Nations Unies.
Une décision dans ce sens déclarerait contraire au droit international
conventionnel I'aideindirecte que leGouvernementdesEtats-Unisditêtre
en droit d'apporter au Gouvernement salvadorien par des activités au
Nicaragua et contre lui. La Cour s'abstiendra naturellement de formuler
uneconclusion sur la licéitéd'un recourséventueld'El Salvadoraudroit de
Iégitimedéfenseindividuelle ;El Salvador n'enserait pas moins ((affecté
par la décisionque prendrait la Cour sur la licéitédu recours des Etats-
Unis à la Iégitimedéfense collective. Si la Cour concluait qu'aucune
agression arméene s'estproduite, non seulement lesmesures prises par les
Etats-Unis dans I'exercicesupposédu droit de légitimedéfensecollective
se révéleraientdépourvues de justification, mais il en irait de mêmedes

mesures qu'El Salvador aurait prises ou pourrait prendre en se réclamant
de la Iégitimedéfenseindividuelle.
52. On pourrait faire valoir que la Cour, si elle constatait que la situa-
tion ne permet pas I'exercicedu droit de Iégitimedéfensepar El Salvador,
n'((affecterait pas ce droit lui-même,mais l'application qu'El Salvador
en ferait dans les circonstances de l'espèce. Mais tout d'abord il faut
rappeler que la condition de l'application de la réserve relativeaux traités
multilatérauxn'estpasque le ((droit d'un Etat soit (affecté O, mais bien
1'Etatlui-même, ce qui estun critèreplus large. De plus ilsemblerait que le
point de savoir si les rapports entre le Nicaragua et El Salvador peuvent
être qualifiés derapports entre Etat agresseur, d'une part, et, de l'autre,
Etat agresséexerçant son droit de Iégitimedéfensesoit un point en litige
entre cesdeux Etats. Or El Salvador n'apas soumis ce litige à la Cour ; il a

donc ledroit de voir la Cour s'abstenir de trancher un différendqu'il nelui
apas soumis. Ilest donc indéniableque ce droit d'El Salvador (et donc cet
Etat lui-même) setrouverait affecté par la décisionde la Cour.
53. Ce n'est d'ailleurs pas uniquement dans le cas d'une décisionpar
laquelle la Cour rejetterait la thèse des Etats-Unis suivant laquelle ilsagissent en état de légitimedéfense qu'El Salvador serait « affectéo. La

réserve relative aux traités multilatéraux n'exige pas, comme condition
pour qu'un différend soit exclu de la compétence de la Cour, qu'un Etat
partieau traité soit affecté ))par la décisionencesens qu'il en subirait les
conséquences adverses ))ou préjudiciables )),mêmesi c'étaitlà ce qui
étaitprincipalement envisagé.Dans d'autres circonstances où la situation

d'un Etat absent est examinée par la Cour (Or monétairepris a Rome en
1943, C.I.J. Recueil 1954, p. 32 ; Plateau continental (Jamahiriya arabe
libyenne/Malte), requête à fin d'intervention, arrêt,C.I.J. Recueil 1984,
p. 20, par. 31). il est évidemment impossible de prétendre que cet Etat

pourrait êtretraitéd'une faqon différente si la décisionde la Cour, au lieu
d'êtrenécessairement contraire à ses intérêts, pouvaitleur êtrefavorable.
La réserve relative aux traités multilatéraux exclut toute décision qui
((affecterait )un Etat tiers partie au traitéen cause. Là encore, iln'y a pas

lieu de se demander s'il serait affecté O, défavorablement ou non ; la
condition de la réserveest remplie si 1'Etatdoit êtrenécessairement <(af-
fecté ))d'une façon ou d'une autre.
54. Il peut certes advenir que la Cour, après examen du fond. soit
amenée à conclure qu'aucun Etat tiers ne pourrait être <(affecté ))par sa

décision : tel serait lecas si,par exemple, comme lesouligne l'arrêtde 1984,
la demande était rejetéesur la base des faits (C.I.J. Recueil 1984,p. 425,
par. 75). Dans l'hypothèseoù la Cour conclurait en l'espèceque I'emploide
la force par les Etats-Unis contre le Nicaragua n'est pas suffisamment

établi,la question de lajustification par la légitimedéfensene se poserait
pas, et ilserait exclu qu'El Salvador puisse être <(affecté ))par la décision.
En 1984, la Cour, sur la base des informations dont elle disposait, ne
pouvait exclure la possibilitéqu'elle parvienne à une conclusion semblable
après plus ample examen, et ne pouvait donc déclarer sans plus attendre

qu'El Salvador serait nécessairement affecté par la décision finale.
C'était donc cette possibilité qui empêchait l'objection fondée sur la
réserved'avoir un caractère exclusivement préliminaire.

55. Reste, comme il est indiqué au paragraphe 49 ci-dessus, le grief
formulé par le Nicaragua selon lequel les Etats-Unis seraient intervenus
dans ses affaires intérieures et extérieures en violation de l'article 18de la
charte de l'organisation des Etats américains. Cet article est ainsi conçu :

Aucun Etat ou groupe d'Etats n'a le droit d'intervenir directe-
ment ou indirectement, pour quelque motif que ce soit, dans les

affaires intérieures ou extérieuresd'un autre Etat. Le principe précé-
dent exclut I'emploi, non seulement de la force armée, mais aussi de
toute autre forme d'ingérence ou de tendance attentatoire à la per-
sonnalitéde 1'Etatet aux éléments politiques, économiques et cultu-
rels qui la constituent.

Le lien que ce texte reconnaît, à l'étatde virtualité, entre l'intervention et
l'emploi de la force arméeexiste effectivement en la présente espèce,dans

laquelle les mêmes activitésattribuées aux Etats-Unis sont mises en causeaux deux titres, les Etats-Unis rétorquant dans les deux cas qu'ils ont agi
dans l'exercice de la légitimedéfense.La Cour doit examiner quel effet
aurait,pour les Etats selon les Etats-Unis, risqueraient d'être«affec-
tés )),une décisionpar laquelle la Cour refuserait de se prononcer sur la
violation alléguéede l'article 21 de la charte de l'organisation des Etats
américains,concernant l'emploi de la force, mais se prononcerait sur la
violation alléguée de I'article 18.La Cour n'abordera pas ici laquestion de
savoir si la légitimedéfense peut justifier une intervention comportant

l'usagede la forcearmée,de sorte qu'ilfaudrait la traitercomme ne violant
ni leprincipe du non-emploi de la force ni celuide la non-intervention. Elle
conclut cependant que, dans les circonstances particulières de la présente
espèce.il est impossible de dire qu'une décisionsur la violation que les
Etats-Unis auraient commise de I'article 18de la charte de l'organisation
des Etats américains n'<caffecterait ))pas El Salvador.
56. La Cour constate donc qu'El Salvador, Etat partie à la Charte des
Nations Unies. serait (<affecté par la décisionque la Cour devra prendre

au sujet des griefs du Nicaragua suivant lesquels les Etats-Unis auraient
violé I'article2. paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies et les ar-
ticles 18, 20 et 21 de la charte de l'organisation des Etats américains.
En conséquencela Cour. qui. en vertu de l'article 53du Statut.doit (s'as-
surer )>de sa compétencepour se prononcer sur chacune des conclusions
qu'elle est priéed'adjuger, estime que la compétence que lui confère la
déclaration d'acceptation de sa juridiction formulée par les Etats-Unis
en vertu de I'article 36. paragraphe 2. du Statut ne lui permet pas de con-
naître de ces griefs.Il convient cependant de rappeler que. comme il sera

souligné plus loin, l'effet de la réserve est uniquement d'exclure I'ap-
~licabilitéde la Charte des Nations Unies et celle de I'Oreanis.aion des
Etats amkricains en tant que droit conventionnel multilatéral et n'a pas
d'autre incidence sur les sources du droit international que I'article 38
du Statut prescrit à la Cour d'appliquer.

57. L'une desgrandes difficultésde la présente affairea consistépour la
Cour à déterminer les faits se rapportant au différend. Premièrement les
Parties sont en net désaccord non seulement sur l'interprétation desdits
faits. mais mêmesur l'existence ou la nature de certains d'entre eux au
moins. Deuxièmement I'Etat défendeur n'a pas comparu au cours de la
phase consacrée au fond, ce qui a privé la Cour de la possibilité de
bénéficierde son exposécomplet et argumenté des faits. Cela n'a pas

manquéde rendre plus malaiséela tâche de la Cour et de l'amener a veiller
tout particulièrement, comme elle l'a déclaréci-dessus. a une application
appropriéede I'article53de son Statut. Troisièmement certains aspects du
comportement attribué à l'uneou à l'autre Partie sont enveloppésde secret.
La tâche de la Cour s'en trouve compliquée en ce qui concerne nonseulement l'imputabilité des faits mais aussi leur établissement même.
Parfois aucun problème ne se pose dans la mesure où personne ne paraît

douter aue le fait s'esteffectivement ~roduit. mais les versions des événe-
ments Guvent différer oules preuves faire défautpour savoir qui en est
l'auteur. Le problème, dans ces conditions, n'est pas l'opérationjuridique
consistant à imputer le fait a un Etat déterminéaux fins d'établir sa
responsabilité, mais l'opérationpréalablede recherche des preuves maté-
rielles permettant d'en identifier l'auteur. Le secret peut aussi envelopper
la réalité mêmdeu fait. Dans ce cas la Cour a dû s'efforcer d'abord d'éta-
blir ce qui était effectivement arrivé, avant d'aborder la phase suivante
consistant a rechercher si le fait (une fois prouvé)était imputable ou non
a I'Etat incriminé.
58. Un autre aspect de la présente affaire est qu'elle a trait à une
situation conflictuelle persistante. Pour bien circonscrire les faits de la
cause, la Cour a donc dû déciderde la période a prendre en considération,

et dont lecommencement est constituépar lagenèsedu différend.La Cour
estime que lesprincipes généraux régissanlta procédurejudiciaire exigent
que lesfaits àretenir dans sonarrêtsoient ceuxqui sesontproduits jusqu'à
laclôture de la procédureoralesur lefond. La Cour est certes informéepar
lesnouvelles parues dans la presse internationale desévénementssurvenus
en Amériquecentraledepuis cettedate, mais, ainsi qu'il sera expliqué plus
loin (paragraphes 62 et 63), elle ne peut considérer ces nouvelles comme
des preuves, d'autant qu'aucune desParties n'aprésentéd'observations ni
d'arguments àleur sujet. Ainsi que la Cour l'arappelédans lesaffairesdes
Essais nucléaires, où des faits qui étaient apparemment de nature à
influencer sa décision sontparvenus àsa connaissance aprèsla clôturedes
audiences :

Si la Cour avait estiméque l'intérêd te la justice l'exigeait. elle
aurait certes pu donner aux Parties la possibilitéde lui présenter leurs
observations sur les déclarations postérieures à la clôture de la pro-
cédure orale,par exemple en rouvrant celle-ci. )>(C.I.J.Recueil 1974,
p. 264, par. 33 ;p. 468, par. 34.)

Ni l'uneni l'autre des Parties n'aprié laCour d'agirde la sorteen l'espèce ;
et puisque les nouvelles mentionnées n'indiquent aucune modification
profonde de la situation dont la Cour est saisie, mais plutôt une intensi-
fication à certains égards, la Cour n'a pas vu la nécessitéde rouvrir la
procédure orale.

59. La Cour est liéepar les dispositions pertinentes de son Statut et de

son Règlement relatives au systèmede la preuve, qui ont étéélaboréesen
vue d'assurer une bonne administration de la justice, dans le respect de
l'égalitdes parties. Lorsque lesdeux parties comparaissent,la production
despreuves obéit àdes règlesprécisesportant notamment sur lerespect des délais, la communication des preuves a l'autre partie, la présentation
d'observations a leur sujet par cettepartie, ainsi que sur lesdiverses formes
d'examen contradictoire de ces preuves. L'absence de l'une des parties
limite quelque peu cetteprocédure. Mêmeencas de comparutiondes deux
parties, la Cour veille donner a chacune d'elles les mêmes possibilitée st
les mêmeschances quant a la présentation de leurs preuves ;à plus forte
raison lorsque la situation est compliquéepar une non-comparution croit-
elle indispensabled'assurer entre lesparties une égalité aussiparfaite que
possible. L'article3 du Statut fait donc obligation à la Cour d'employer
tous les moyens et méthodes susceptibles de lui permettre de s'assurer
réellement du bien-fondé en fait et en droit des conclusions de 1'Etat
demandeur et de sauvegarder du mêmecoup lesprincipes essentiels d'une
bonne administration de lajustice.
60. La Cour doit aprésent indiquer comment cesexigencespeuvent être

satisfaites en l'espèceafin qu'elle puisse s'acquitter correctement de sa
mission en vertu de cet article de son Statut. Elle ne perd pas de vue, ce
faisant, que son rôle n'est pas passif et qu'elledispose, dans les limites de
son Statut et de son Règlement, d'une certaine latitude pour apprécier
librement lavaleur desdivers moyens de preuve, étantclair par ailleurs que
les principes générauxde procédurejudiciaire gouvernent nécessairement
la détermination de ce qui peut êtretenu pour établi.
61. Dans ce contexte, la Cour dispose, conformement a l'article 50 de
son Statut, du pouvoir de confier <une enquêteou une expertise a toute
personne, corps. bureau, commission ouorgane de son choix O,ycompris à
un groupe de juges choisis parmi ceux qui siègent en l'affaire. II lui a
toutefois paru douteux qu'une telle enquêtefût praticable ou désirable en
l'espèce,d'autant que. pour s'acquitter convenablement de sa tâche, un
organe de ce genre aurait pu éprouver la nécessitéde se rendre non

seulement sur le territoire de 1'Etatdemandeur, mais aussi sur ceux de
quelques autres pays voisins, voire sur celui de1'Etatdéfendeur, alors que
celui-ci a refuséde comparaître devant la Cour.
62. En tout état decause, dans la présente affaire la Cour est en pos-
session d'informations documentaires de natures et d'origines variées.Les
élémentsdocumentairesconsistant enarticles de presse ont éténombreux ;
d'autres sont contenus dans des ouvrages divers. Qu'ils aient étéproduits
par 1'Etatdemandeur ou par la Partie adverse avant qu'elle ne cesse de
comparaître, la Cour a tenu a les accueillir avec beaucoup de prudence,
mêmequand ils paraissaient répondre a une norme d'objectivité élevée.
Elle les considère non pas comme la preuve des faits, mais comme des
élémentsqui peuvent contribuer, dans certaines conditions, a corroborer
leur existence. a titre d'indices venant s'ajouter à d'autres moyens de
preuve.

63. Cependant, s'il est parfaitement légitime que les informations
parues dans la presse en tant que telles ne soient pas assimilées.à des fins
judiciaires,à des preuves, il reste que la notoriété publiqued'un fait peut
êtreétabliepar de tels élémentset que la Cour peut en tenir compte dans
une certaine mesure. Elle a pu faire état. dans l'affaire du Personneldiplomatique et cortsulairedes Etats-Unis à Téhéran,de la plupart des
faitsO qui sont de notoriétépublique et ontétélargementévoquésdans la
presse mondiale ainsi que dans des émissions de radiodiffusion et de
télévisionde l'Iran et d'ailleur))(C.I.J. Recueil1980, p. 9,par. 12).Sur la
base de cesinformations, ycompris cesarticles et cesémissions.quiétaient
d'une cohérence et d'une concordance totales en ce oui concerne les
principaux faits et circonstances de l'affaire O, la Cour a pu se dire
convaincue que les allégationsde fait étaient fondées(ibid.,p. 10,par. 13).
La Cour doit néanmoins manifester une particulière prudence en ce do-
maine. 11peut apparaître après examen que des nouvelles fort répandues
proviennent d'une sourceunique, de sorte qu'en dépitde leur nombre elles
n'ont pas de force probante plus grande que celle-ci. C'est avec cette
importante réserveque les articles de presse qui ont étésoumis à la Cour
doivent êtreexaminéspour apprécierles faits de l'espèce et enparticulier

pour déterminer si ces faits sont de notoriétépublique.
64. Le dossier soumis à la Cour contient également desdéclarationsde
représentants d'Etats, parfois du plus haut niveau dans la hiérarchiepoli-
tique. Certaines de ces déclarations ont été faitesdevant des organes
officiels de I'Etat ou d'une organisation régionale ou internationale et
figurent dans les comptes rendus officiels de ces institutions. D'autres,
prononcées lorsde conférencesde presse ou d'interviews, ont étérappor-
téespar la presse écritelocaleou internationale. La Cour considèreque des
déclarations de cette nature, émanant de personnalités politiques offi-
cielles de haut rang, parfois mêmedu rang le plus élevép . ossèdent une
valeur ~robante ~articulière lorsau'elles reconnaissent des faits ou des
comportements défavorables à I'Etat que représente celui qui les a for-
mulées. Elless'analysent alors en une sorte d'aveu.

65. 11estcependant tout aussi naturel que laCour traite cesdéclarations
avecprudence,et celaqu'ellesémanentdesautoritésde 1'Etatdéfendeurou
de celles de 1'Etatdemandeur. Ni l'article 53 du Statut. ni aucune autre
base, n'aurait pujustifier une attitude sélective,qui aurait portéatteinte
la cohérencede la démarche et au devoir élémentaire d'assurerl'égalité
entre les Parties. La Cour doit tenir compte de la manière dont ces décla-
rations ont été rendues publiques ; elle ne peut leur accorder de toute
évidencela même valeur selonque le texte de la déclaration officielle
considérée figuredans une publication officielle, nationale ou internatio-
nale, dans un ouvrage ou dans un organe de presse, ou selon qu'il estparu
dans la langue utiliséepar l'auteur ou dans une traduction (voir C.I.J.
Recueil1980,p. 10,par. 13).Un autre élémentpertinent est de savoir side
tellesdéclarationsont pu êtreportées à la connaissance de la Cour par des
communications officielles déposéesen conformité avec les règlesperti-

nentes du Statut et du Règlement. En outre la Cour. inévitablement. a dû
parfois interpréterdes déclarationspour vérifierdans quellemesureexacte
elles reconnaissaient un fait.

66. Durant la procédure orale 1'Etatdemandeur a appelécinq témoins à
la barre et présentéun témoignage écric tonsistant en une déclarationsousserment enregistrée aux Etats-Unis (district de Columbia) dans les formes
usitéeslocalement. Une déclaration analogue, faite sous serment par le
secrétaired'Etat des Etats-Unis, était annexée au contre-mémoirede ce
pays sur les questions de compétenceet de recevabilité. L'undes témoins
cités par I'Etat demandeur était un ressortissant de 1'Etat défendeur,
ancien employé d'un organisme officiel dont l'activitéa un caractère
confidentiel ; son témoignage a été rigoureusement tenu dans certaines
limites. compte tenu du souci évidentdu témoinde ne pas contrevenir àla
législationde son pays d'origine. En outre le mémoiredu Nicaragua sur le
fond comportait en annexe deux <<attestations))en langue anglaise, dans
lesquelles certains faits étaient<certifiés etdéclarés r)les signatures de

leurs auteurs étant certifiéesà part (en espagnol) par un notaire nicara-
guayen. Le Nicaragua avait déjà accompagnésa demande en indication de
mesures conservatoires d'attestations similaires.

67. A propos des témoignages, le fait que 1'Etat défendeur n'a pas
comparu en l'espècelors de I'examen du fond a entraîné deux inconvé-
nients particuliers. D'une part en raison de l'absence des Etats-Unis les
témoins appelés à la barre par I'Etat demandeur n'ont pas été soumis àun
contre-interrogatoire, encore qu'ils aient étélonguement questionnés du
siège. D'autre part le défendeur n'a pas pour son compte présentéde

témoins.Ce deuxièmeinconvénient ne représentequ'un aspect, au surplus
relativement secondaire. de l'inconvénient plus général provoqué par la
non-comparution du défendeur.

68. La Cour n'a pas retenu ce qui, dans les témoignagesreçus, ne cor-
respondait pas à l'énoncé de faits, maisàde simples opinionssur le carac-
tèrevraisemblable ounon de l'existencede cesfaits, dont le témoin n'avait
aucune connaissance directe. De telles déclarations, qui peuvent être
fortement empreintes de subjectivité,ne sauraient tenir lieu de preuves.
Une opinion expriméepar un témoinn'est qu'une appréciation person-
nelle et subjective dont il reste à établir qu'elle correspond à un fait ;

conjuguée à d'autres éléments,elle peut aider la Cour à élucider une
question de fait, mais elle ne constitue pas une preuve en elle-même.De
mêmeun témoignagesur des points dont le témoinn'a pas eu personnel-
lement connaissance directe, mais seulement par «ouï-dire )),n'a pas
grand poids ; ainsi que la Cour l'a constaté à propos d'une déposition
particulière dans l'affaire duDétroitde Corfou :

Quant aux propos attribués par le témoin àdes tiers, la Cour n'en
apas reçu confirmation personnelle et directe et ellenepeut yvoirque
des allégationssans force probante suffisante. )(C.I.J. Recueil 1949,
p. 17.)

69. La Cour s'est vueobligéed'attacher en l'espèceune importance
considérable aux déclarationsdes autorités responsables des Etats inté-
ressés, en raison desdifficultésqu'elle avaità affronter pour la détermi-nation des faits. Néanmoins elle ne pouvait se dispenser de soumettre ces
déclarations à un indispensable examen critique. Un aspect peu courantde
la présente affaire est que deux des témoins du Nicaragua qui ont déposé
devant la Cour faisaientpartie du Ciouvernement nicaraguayenenqualité,
respectivement, de vice-ministre de I'intérieur(le commandant Carrion) et
de ministre des finances (M. Huper). Le vice-ministre de l'intérieurdu
Nicaragua était d'autrepart l'auteur de l'unedes deux attestations jointes
au mémoiredu Nicaragua sur le fond, l'autre étantsignéepar le ministre
des relations extérieures. Pour les Etats-Unis, la Cour dispose d'une
déclaration sous serment du secrétaired'Etat. Ces déclarations faites de
part et d'autre a l'échelon ministérielétaient inconciliables sur certains
faits. De l'avisde la Cour ces témoignagessont,étant donnéleur nature, a
ranger dans une catégorie à part. Dans la pratique généraledes tribunaux,
deux types de dépositions sont considéréescomme ayant à priori une

valeur probatoire élevée : tout d'abord celles de témoinsdésintéressés -
qui ne sont pas parties au litige et n'ont riena y gagner nà y perdre - et
ensuite celles d'un des plaideurs qui vont à l'encontre de ses propres
intérêts.Un conseil du Nicaragua a d'ailleurs insisté sur ce dernier
aspect.
70. Un membre du gouvernement d'un Etat qui est partie non seule-
ment à un procèsinternational mais à une instance concernant un conflit
armé tendra vraisemblablement à s'identifier aux intérêtsde son pays et
s'efforcera en témoignant de ne rien dire qui puisse nuire à sa cause. La
Cour estime en conséquencequ'elle peut certainement retenir. dans les
déclarations faites oralement ou par écritpar des ministres, les éléments
qui peuvent êtreconsidéréscomme contraires aux intérêtsou aux thèses
de 1'Etatdont dépend le témoin ou ceux qui portent sur des points qui
ne sont pas mis en doute. Pour le reste, sans mettre aucunement en cause

l'honneur ou la sincéritédes ministres de l'une ou l'autre Partie qui ont
témoigné,la Cour considère que les circonstances spécialesde la pré-
sente affaire lui imposent de traiter ce genre de témoignage avec beau-
coup de réserve.Selon la Cour, cette attitude est particulièrement jus-
tifiéeétant donnéla nécessitéde respecter l'égalitédes parties dans une
affaire où l'une d'elles necomparaît plus, sans pour autant considérer
que joue en faveur de celle-ci une présomption qui lui serait, à priori,
favorable.
71. Toutefois, avant d'indiquer brièvement les limites de l'effet proba-
toire des déclarations de responsables, la Cour rappelle que ces déclara-
tions peuvent avoir des effetsjuridiques,dont certains ont étédéfinisdans
sajurisprudence (affairesdes Essaist~ucléaire st duPersonneldiplomatique
et consulaire des Etats-Unis à TéhPrun). L'un des effets juridiques qui

peuvent s'attacher à ces déclarationsest qu'elles peuvent êtreconsidérées
comme établissant la matérialité defaits, leur imputabilité aux Etats dont
les autorités ont fait les déclarations et, dans une moindre mesure, la
qualification juridique desdits faits. La Cour envisage ici la portée des
déclarationsofficiellesen tant que preuves de la matérialitéde faits déter-
minés etde leur imputabilité aux Etats en cause. 72. Les déclarationsauxquelles la Cour croit pouvoir se référer nesont
pas seulement celles qui figurent dans les pièces écrites etdans les plai-
doiries présentées auxstades successifs de I'affaire, ni celles qui ont été
faites par lesParties. La Cour peut assurémentfaire étatnon seulement des
pièces et plaidoiries nicaraguayennes, mais aussi de celles que les Etats-
Unis lui ont présentéesavant de se retirer de l'instance. ainsi que de la
déclaration d'intervention d'El Salvador. Il est non moins certain que la
Cour peut tenir compte des déclarationspubliques sur lesquelles l'une ou
l'autre des Parties a spécialementappelél'attention. et dont le texte, ou un
compte rendu y relatif, a étéproduit commepreuvedocumentaire. Mais la
Cour considèreque, pour parvenir à la vérité, ellpeut aussi prendre acte

des propos tenus par lesreprésentantsdes Parties (ou d'autres Etats) dans
des organisations internationales, ainsi que des résolutions adoptées ou
discutéespar ces organisations, dans la mesure où elles se rapportent aux
faits. et cela que cette information lui ait ou non étésignaléepar une
Partie.
73. La Cour a également connaissance de l'existence et de la teneur
d'une publication du département d'Etat des Etats-Unis intitulée (1Revo-
lution Beyond Our Borders », Sandinista Intervention in Centrul America,
qui viseà justifier la politique des Etats-Unis a l'égarddu Nicaragua. Cette
publication est parue en septembre 1985. et elle a étédistribuée le
6 novembre 1985, a la demande des Etats-Unis, commedocument officiel

de l'Assembléegénérale(A/40/858) et du Conseil de sécuritédesNations
Unies (SI 17612) ;le Nicaragua a rendu publiqueen réponsedne lettre au
Secrétairegénéral(A/40/907) à laquelle étaient notamment annexésun
extrait de son mémoiresur le fond en la présente affaireet un extrait des
comptes rendus des audiences (S/ 17639).La publication des Etats-Unis
n'apas été soumise a laCour dans lesformes envisagéespar le Statutet par
le Règlement,bien que. le 13septembre 1985,le bureau d'information des
Etats-Unis à La Haye en ait adressé des copies à un fonctionnaire du
Greffe en le priant de les mettre a la disposition de toute personne. a la
Cour, qui serait intéressée.Les représentants du Nicaragua à l'audience
n'ignoraient pas l'existencede cette publication, puisqu'elle a étéévoquée

dans unequestion poséepar un membre de laCour à l'agentdu Nicaragua.
Ilsn'ont pas voulu en réfuterlecontenu devant la Cour et ont faitobserver
que cegenre de documentation neconstituepas une preuve en l'affaire O,
ajoutant <(que la Cour ne peut en tenir compte D. Cependant la Cour
considère que, compte tenu des réalités trèsparticulières de l'espèce,
elle peut faire usage, dans certaines limites, des élémentsd'information
contenus dans cette publication.

74. Au sujet de la preuve des faits, la Cour note que le Nicaragua s'est
fondésur un aveu qu'auraient fait implicitement les Etats-Unis. Le Nica-

ragua a soulignéque les Etats-Unis invoquent la légitimedéfensecollec-
tive ;ila fait valoià cet égard qu'invoquerla légitimedéfensecollective représentel'aveumajeur d'une implication directe et importantedes Etats-

Unis dans lesopérations militaires et paramilitaires >)contre le Nicaragua.
La Cour observe que l'invocation de la Iégitimedéfense tend normalement
à justifier un comportement qui serait sans cela illicite. Quand elle est
présentée commetelle. et sans que le comportement dont il s'agit soit nié.
elle peut fort bien constituer à la fois une reconnaissance de ce compor-

tement et de son caractère illicite s'il n'est pas justifié par la Iégitime
défense. En raisonnant de cette manière on surmonterait toute difficulté
dans l'établissement des faits. ceux-ci ayant étéglobalement et implicite-
ment reconnus par 1'Etatdéfendeurpour la simple raison qu'il a cherchéà

les justifier par le droit de Iégitime défense. Toutefois en l'espèce les
Etats-Unis n'ont ni énuméréles faits ou décrit les mesures qu'ils disent
avoir prises au titre de la légitimedéfense, ni déclaréassumer la respon-
sabilitéde l'ensemble des activités que le Nicaragua leur reproche en les
justifiant par leur droit de Iégitimedéfense.N'ayant pas agi de la sorte. les

Etats-Unis ne peuvent pas êtreconsidéréscomme ayant reconnu l'en-
semble des activités ou certaines d'entre elles ;l'invocation du droit de
Iégitimedéfensene permet donc pas l'identification certaine et complète
des faits reconnus. Aussi la Cour ne peut-elle pas y voir un aveu géné-
ralisé )>implicite de la part des Etats-Unis, mais à coup sûr une recon-

naissance quant à l'imputabilité de certains des actes incriminés.

75. Avant d'examiner le grief articulé en l'espèce par le Nicaragua
contre les Etats-Unis selon lequel ces derniers portent la responsabilité de
la capacitémilitaire. sinon de l'existence même,desforces contras, la Cour
traiterades événementsqui. d'aprèsle Nicaragua. entraînent de façon plus

directe la responsabilité des Etats-Unis. Ils consistent en la pose de mines
dans des ports ou deseaux du Nicaragua au débutde 1984.et en certaines
attaques lancéesen particulier contre des ports et des installations pétro-
lières du Nicaragua à la fin de 1983 et au début de 1984. La thèse du
Nicaragua est qu'il ne s'agissait pas d'actes commis par des cowtras avec

l'assistance et l'appui de services des Etats-Unis. Les participants directs
étaient, soutient-il. non pas des ressortissants du Nicaragua ou d'autres
membres de la FDN ou de I'ARDE. mais soit des militaires des Etats-Unis.
soit des ressortissants de pays latino-américains non identifiés, rétribués
par les Etats-Unis et agissant sur les instructions directes du personnel

militaire ou des services de renseignement des Etats-Unis. (II semble que
ces personnes étaient appelées dans levocabulaire de la CIA UCLAs -
<<Unilaterally Controlled Latino Assets ))-, et ce sigle sera utiliséci-après,
par simple commodité.) En outre le Nicaragua affirme que, si le personnel
des Etats-Llnis s'est sans doute abstenu de pénétrer sur le territoire du

Nicaragua ou dans leseaux territorialesreconnues comme lui appartenant.
il a cependant dirigéles opérations et apporté un appui très actif dans ledomaine logistique et pratique et dans celui des renseignements. Un autre
grief du Nicaragua qui ne vise pas l'activitédes contras se rapporte au
survol des eaux territorialeset du territoire du Nicaragua par desaéronefs

militaires des Etats-Unis. La Cour va maintenant aborder l'examende ces
allégations.

76. Le 25 février1984deux bateaux de pêchenicaraguayens ont heurté
des mines dans le port nicaraguayen d'El Bluff, sur la côte atlantique. Le
lermars 1984,ledragueur néerlandaisGeoponteet, le7mars 1984,lenavire
panaméen Los Caraibesont étéendommagép sar desmines à Corinto. Ilen
est alléde même,le 20 mars 1984,pour le pétrolier soviétiqueLugansk à
Puerto Sandino. D'autres navires ont étéendommagésou détruitsles 28,
29et 30mars par des mines mouillées à Corinto. L'accèsaux ports a été de
cefait effectivement interrompu ou réduitpendant deux mois environ. Le
Nicaragua préciseque douze navires ou bateaux de pêche autotal ont été
détruitsou endommagéspar l'explosionde mines,qui a fait aussi quatorze
blessésetdeuxmorts.Aucune s ré ci si n onaétédonné elaCourau suietde

l'emplacement exactdes mines - dans les eaux intérieuresdu Nicaragua
ou dans sa mer territoriale ; d'après certains comptes rendus, les mines
poséesdans le port de Corinto avaient étémouilléesnon pas dans les
bassins, mais dans le chenal d'accèsou en rade. De même,on ne dispose
d'aucune information directe sur le type et la puissance des mines utili-
sées ; un témoin,le commandant Carrion, a expliquéque les autorités
nicaraguayennes n'avaient jamais pu repêcherles mines avant qu'elles
n'explosent. Selondesarticles de presse, lesminesétaientposéesaufond et
leur dispositif de mise à feu devait se déclencherpar contact direct, par
ondes sonores ou magnétiquesou par la pression de l'eau ; il s'agissait
de mines de faible dimension, trèsbruyantes mais qui ne pouvaient pro-
bablement pas couler un navire. D'autres articles de presse font état de
mines de dimensions diverses, dont certaines avaient une charge pouvant
atteindre 136kilogrammes. Selon certains journaux, des responsables des
Etats-Unis auraient déclaréque les mines avaient étéfabriquéespar la
CIA, avec l'aide d'un laboratoire de la marine.
77. D'après un article paru dans la Lloyds List and ShippingGazette,

I'ARDE a revendiquéle 2 mars 1984la responsabilitédu minage. Mais
dans une déclaration faite sous serment, M. Edgar Chamorro, ancien
dirigeant politique de la FDN, a indiqué qu'un agent de la CIA l'avait
chargéde faire diffuser par la radio clandestine de la FDN, le 5janvier
1984, un communiqué dans lequel la FDN revendiquait le minage de
plusieurs ports nicaraguayens. M. Chamorro a égalementdéclaréque la
FDN n'avait en faitjoué aucunrôle dans le minage des ports, mais il n'a
pas précisé qui en étaitresponsable. D'aprèsun magazine, les contrasont
annoncéle 8janvier 1984qu'ils minaient tous les ports du Nicaragua et
averti les navires de ne pas y relâche;le même articleindique cependant
que nul n'a prêté attention à cette mise en garde. Il ne semble pas que le Gouvernement des Etats-Unis ait pour sa part adressé un avis ou une
notification aux autresEtats au sujet de l'existenceet de l'emplacement des
mines.
78. Le Sénatdes Etats-Unis a été informé le 10avril 1984que le Select
Committee on Intelligence (commission restreinte du renseignement) du
Sénatavait étéavisépar le directeur de la CIA de l'approbation par le
président Reagan d'un plan de la CIA prévoyant le minage des ports
nicaraguayens. Selon certains articles de presse le plan avait étéapprouvé
en décembre 1983: mais d'après un membrede la commission I'appro-
bation a été donnée en février1984. Le 10avril 1984. le Sénatdes Etats-
Unis a adopté une disposition prévoyant que

(le Congrès considère qu'aucune dépense ...ne sera engagée ou
effectuéeaux fins de mettre au point, de conduire. d'exécuter ou
d'appuyer uneopération de minage des ports ou deseaux territoriales
du Nicaragua o.

Au coursd'un entretien télévisédiffuslé e 28mai 1984et dont leNicaragua
acommuniquéla transcription officielle.leprésidentReagan arépondu en
ces termes à une question relative au minage des ports :«C'étaientdes
minesde fabrication artisanale. ...incapables de couler un navire. Ellesont
été poséesdans lesportspar lesrebellesnicaraguayens. )Selon des articles
de presse citant des sources officielles des Etats-Unis. les mines auraient

étélarguéesde vedettes, non pas par des membres de I'ARDE ou de la
FDN. mais par des UCLAs. L'équipagedes navires servant de base pour
les opérations de minage était,selon les rapports. composé de ressortis-
sants des Etats-Unis ;les navires se seraient tenus au-delà de la limite de
12milles des eaux territoriales du Nicaragua reconnue par les Etats-Unis.
Il semble que d'autres mines plus nidimentaires aient pu êtreposéesdans
des ports et dans le lac de Nicaragua par des contras agissant seuls : selon
la presse. un officier nicaraguayen aurait déclaréque les opérations de
minage avaient été«pour la plupart ))ordonnées par les Etats-Unis.
79. Le Nicaragua a indiqué que les mines avaient endommagé des
navires battant pavillons néerlandais, panaméen, soviétique, libérien et
japonais ainsi qu'un bateau, le Homin, dont le port d'attache n'est pas

précisé ; toutefois leNicaragua dit aussi que les avaries du Homin seraient
dues plutôt au tir des navires mouilleurs de mines. D'autres sources font
état de dommages qu'aurait subis un bâtiment britannique ou cubain.
La Cour ne dispose d'aucune preuve directe de protestation diplomatique
des Etats dont les navires auraient été endommagés ; selon la presse. le
Gouvernement soviétiqueaurait accuséle Gouvernement des Etats-Unis
d'être responsable duminage, et le Gouvernement britannique aurait fait
savoir à ce dernier qu'il déplorait profondément ces faits sur le plan des
principes. Le Nicaragua a également présenté certainsélémentsdont il
résulteque le minage des ports a entraîné l'augmentation des taux d'as-
surance maritime applicables aux chargements à destination ou en pro-

venance du Nicaragua et que certainescompagnies de navigation ont cessé
de desservir les ports nicaraguayens. 80. Vu les faits exposés,la Cour tient pour établiqu'à la finde 1983ou
au début de 1984 le président des Etats-Unis a autorisé un organisme
gouvernemental de ce pays à poser des mines dans des ports nicara-
guayens ;qu'au début de 1984des mines ont étémouilléesdans les ports
d'El Bluff.de Corinto et de Puerto Sandino ou à proximitéde ces ports,
dans leseaux intérieuresdu Nicaragua ou dans sa mer territoriale, ou dans
lesdeux, par despersonnes rétribuéespar cet organismeet agissant sur ses

instructions, sous la supervision et avec l'appui logistique d'agents des
Etats-Unis ;que ni avant. ni aprèsle minage, leGouvernement des Etats-
Unis n'a averti de façon publique et officiellela navigation internationale
de l'existence et de l'emplacement des mines ; et que l'explosion de ces
mines a causé des dommages personnels et matérielset créédes risques
ayant entraîné la hausse des taux d'assurance maritime.

81. En dehors du minage des ports, les opérations que le Nicaragua
attribue à l'action directe du personnel des Etats-Unis ou des UCLAs
seraient les suivantes :

i) 8 septembre 1983 : l'aéroportinternational Sandino à Managua est
attaqué par un avion Cessna, lequel est abattu ;
ii) 13septembre 1983 :un oléoducsous-marinet une partie du terminal
pétrolierde Puerto Sandino sont détruitspar une explosion ;
iii) 2 octobre 1983 : une attaque est déclenchéecontre des dépôts de
pétrole à Benjamin Zeledon sur la côte Atlantique, provoquant la
destruction d'une grande quantité de carburant ;
iv) 10 octobre 1983 : Corinto est attaqué par air et par mer, ce qui

entraîne la destruction de cinq réservoirsde pétrole, laperte de
millions de gallons de carburant et l'évacuationd'une grande partie
de la population locale ;
V) 14 octobre 1983 : l'oléoduc sous-marinde Puerto Sandino saute à
nouveau ;
vi) 4-5 janvier 1984 : la base navale de Potosi est attaquée par des
vedettes rapides et des hélicoptères lance-missiles ;
vii) 24-25février1984 : un incident signalé à El Bluff à cette date semble
correspondre à l'explosion d'une minedéjà mentionnéeau para-
graphe 76 ;

viii) 7mars 1984 : desinstallations pétrolièreset des réservoirssont atta-
qués à San Juan del Sur par des vedettes rapides et des hélicop-
tères;
ix) 28-30mars 1984 :des incidentsseproduisent à Puerto Sandinoentre
des vedettes rapides occupées à mouiller des mines et des patrouil-
leurs nicaraguayens ; un hélicoptèreintervient pour soutenir les
vedettes ;
x) 9 avril 1984 : un hélicoptère,qui aurait décollé d'unnavire de base
croisant dans les eaux internationales, appuie de son tir une attaque
de I'ARDE sur San Juan del Norte. 82. Au moment où ils ont eu lieu, ces incidents ont été considérés

comme étantlefait des contraset ne bénéficiantpas d'un soutien des Etats-
Unis plus importantque lesnombreuses autres activités militaires etpara-
militaires de ces mêmescontras. L'attestation du commandant Carrion
énumèreles incidents cités sous i). ii), iv) et vi) parmi les activitésdes
mercenaires )),sans distinction ;les rubriques iii), v) et vià)x) ne sont
pas mentionnées. D'aprèsun article paru depuis dans le New YorkTimes
du 13octobre 1983,aprèsl'attaque contreCorinto (rubrique iv)ci-dessus)
le Gouvernement nicaraguayen a protesté auprès de l'ambassadeur des
Etats-Unis à Managua au sujet de l'aide apportée par les Etats-Unis aux
conrraset adressé unenote diplomatique dans le mêmesens au secrétaire
d'Etat des Etats-Unis. Le mémoire du Nicaragua ne dit rien de cette

protestation et aucune copie de note n'a été soumise à la Cour.
83. Le 19octobre 1983, c'est-à-dire neuf jours après l'attaque contre
Corinto, une question a étéposée auprésident Reagan lors d'une confé-
rence depresse. LeNicaragua afourni àla Cour unetranscription officielle
qui, dans la partie concernant les faits exposés ici, est ainsi rédigée :

((Question : Monsieur le Président, àpropos des récentesattaques
des rebelles contre un dépôt de pétroledu Nicaragua, est-il normal
que la CIA participe à la préparation d'attaques de ce genre et four-
nisse du matérielpour desraids aériens ? Et le peuple américain a-t-il
le droit de le savoir?
Le President : Je crois que les activités secrètesont toujours fait
partie des activitéset des responsabilités des gouvernements depuis

qu'il existe des gouvernements. Je ne parlerai pas du lien que ces
activités peuvent avoir avec cequi s'est passé,ni avec certaines des
opérations qui ont lieu là-bas.
Maisje crois qu'un pays a ledroit de recourir àdes activitéssecrètes
s'il estime que cela sert ses intérêts; et alors, le peuple a peut-être
le droit de savoir, mais on ne peut pas l'informer sans informer aussi
les gens qui ne doivent pas savoir, ceux qui s'opposent à votre
action.

une sériede
D'après le Nicaragua, ces déclarations s'inscriraient dans
propos reconnaissant que les Etats-Unis apportaient, de façon habituelle
et systématique, une aide aux mercenaires menant des opérations mili-
taires contre le Gouvernement du Nicaragua o. De l'avis de la Cour, le
refus du Présidentde se prononcer sur le lien entre les activités secrètes
et ce qui s'est passé,[et]certaines des opérations qui ont lieu là-bas ))
peut, dans le contexte où il se situait, êtreconsidéré comme revenant a
admettreque lesEtats-Unis ontjouéun rôle dans l'attaque contreCorinto,
mais non pas nécessairement que le personnel des Etats-Unis y ait été
directement mêlé.
84. Les élémentsdont dispose la Cour et qui tendent à démontrer que
lesattaques énuméréep slus haut sesont effectivement produites et ont été

lefaitde personnel desEtats-Unis ou d'UCLAs sont, en dehors desarticlesde presse, les suivants. Le commandant Carrion énumèredans son attes-
tation lesrubriques i),ii),iv)et vi)et,dans sadéposition devant la Cour, ila
fait mention des rubriques ii) et iv). Les rubriques vi) àx) figurent dans ce

quia été présentécommeun mémorandum ourapport interneconfidentiel
de la CIA, dont desextraits ont étépubliésdans le Wall Streer Journal du
6 mars 1985 ;d'après cejournal des employésdes servicesde renseigne-
mentset du Congrès ))auraient confirmél'authenticité dudocument. Pour
autant que la Cour le sache, le Gouvernement des Etats-Unis n'a opposé
aucune dénégationau rapport. Dans sa déclaration sousserment, l'ancien
dirigeant de la FDN Edgar Chamorro indique que les événements des
rubriques ii),iv)et vi)étaientle fait d'UCLAs venus d'un navire - base de
la CIA, bien que celle-ci ait donné pour instruction à la FDN d'en reven-
diquer la responsabilité.On ignore cependant quelle pouvait êtrela source
d'information de M. Chamorro, puisqu'il ne semble pas avoir participé à
l'opération(il indiqueen effet que la FDN n'arien eu à voir avecelle) ;
il est probable que sesdéclarations reposent uniquement sur ce qu'il avait

entendu dire et, àl'époque oùil les a faites, les mêmesallégationsavaient
paru dans la presse. Bienqu'iln'ait quittéla FDN qu'à la fin de 1984,il ne
fait aucune mentiondes attaques énuméréespluh saut quisesont produites
de janvier à avril 1984.
85. La Cour estime ne pas devoir examiner plus avant sous ce chapitre
les faits suivants :

- l'attaque du 8 septembre 1983 contre l'aéroport de Managua (rubri-
que i)) : celle-ci a étérevendiquée par I'ARDE ; selon un article de
presse I'ARDE aurait acheté à la CIA l'appareil utilisé, mais rienn'in-
dique que l'opérationait été préparép ear la CIA, ni que des ressortis-
sants des Etats-Unis ou des UCLAs y aient contribué ;
- l'attaque contre Benjamin Zeledon le 2 octobre 1983(rubrique iii)) :il
n'y a aucune preuve que du personnel des Etats-Unis ou des UCLAs y
aient participé ;
- l'incident des 24-25février1984(rubrique vii)),déjàévoqué à propos du
minage des ports.

86. La Cour considèreen revanche que lesautres incidentsénumérés au
paragraphe 81sont établis. Lescaractéristiquesgénéralesde ces attaques,
d'après les preuves rapportées et suivant des articles de presse citant
commesource leGouvernement desEtats-Unis, lui paraissent avoir été les
suivantes. Un navire servant de base a étéfourni (apparemment affrété)
par la CIA ; on ignore s'ils'agissait d'unbâtiment immatriculé aux Etats-
Unis. Des vedettes rapides, des canons et des munitions ont étéprocurés
par lesservices des Etats-Unis, et les attaques elles-mêmesont étémenées

par lesUCLAs. Des hélicoptères,certains pilotéspar desNicaraguayenset
d'autres par desressortissants des Etats-Unis, sont égalementintervenus à
diverses reprises. D'après uneinformation lespilotes étaientdes civilsdes
Etats-Unis sous contrat de la CIA. Bien qu'il ne soit pas établi que des
militaires des Etats-Unis aient pris une part directe aux opérations, des
agents des Etats-Unis ont participé à la préparation, au commandement,au soutien et àl'exécutionde celles-ci. L'exécutionincombait plutôt aux
UCLAs, alors que les ressortissants des Etats-Unis participaient à la pré-
paration, au commandement et au soutien. Il apparaît donc à la Cour que
l'imputabilitéde ces attaques aux Etats-Unis est établie.

87. Le Nicaragua se plaint de la violation de son espace aérien par des
aéronefsmilitaires des Etats-Unis. En dehors d'un incident mineur sur-
venu le 11janvier 1984et concernant un hélicoptèredont, selon unjournal,
les Etats-Unis ont reconnu qu'il avait pu violer l'espace aériendu
Nicaragua, ce grief se rapporte aux survols effectuéspar des avions évo-
luant à hautealtitude à des fins de reconnaissanceou de renseignement, ou

utiliséspour ravitailler lesontras en campagne, et àd'autres qui auraient
provoqué desbangs supersoniques. Le mémoiredu Nicaragua fait étatde
vols de reconnaissance à basse altitude effectuéspar du personnel des
Etats-Unis en 1983,mais l'article qu'ilcite neprouve en rien que cesvolsle
long de la frontière hondurienne entraînaient une violation de l'espace
aérien. Le Nicaragua s'est plaint en outre des activités,entre le 7 et le
11novembre 1984,d'un appareil SR-71 des Etats-Unis qui aurait survolé
a basse altitude plusieurs villes nicaraguayennes, cproduisant des
bangs supersoniques et faisant voler les vitres en éclats afind'exercer une

pression psychologique sur le Gouvernement et la population du
Nicaragua >).
88. Les élémentsde preuve dont on dispose au sujet de ces survols sont
les suivants. Durant la procédure sur la compétence et la recevabilité,le
Gouvernement des Etats-Unis a déposéauprès de la Cour un << back-
ground paper ))publié enjuillet 1984,où étaient reproduites huit photo-
graphiesaériennesde ports, decamps etd'un terrain d'atterrissage, etc., au
Nicaragua, photographies qui auraient étéprises entre novembre 1981et
juin 1984. D'après unarticle de journal, le Nicaragua aurait adressé une
protestation diplomatique aux Etats-Unis au sujet des survols en mars

1982,mais le texte decette protestation n'a pas étéproduit.Au coursd'un
débat qui s'est dérouléle 25 mars 1982au Conseil de sécurité, larepré-
sentante des Etats-Unis a déclaré :
<(Il est vrai que leGouvernement desEtats-Unis, une fois qu'ila eu

compris les intentions du Nicaragua et connu ses actions, a ordonné
des survols pour la sauvegarde de notre propre sécurité etde celle
d'autres Etats menacéspar le gouvernement sandiniste O,
et la représentante a poursuivi en ces termes :

Ces survols,effectuéspar des avions non porteurs d'armes, volant
à haute altitude, dans le but unique et exprès de vérifier les nouvelles
reçues relatives àdes interventions nicaraguayennes, ne sont pas une
menace àla paix età la stabilitéde la région))(S/PV.2335, p. 48. Les
italiques sont de la Cour.)L'emploidu présentpermetdesupposer quelessurvolssepoursuivaient au
moment du débat.Des articles de presse du 12novembre 1984confirment

que des bangs supersoniques ont étéentendus à cette date et repro-
duisent la déclaration de fonctionnaires du ministère de la défense du
Nicaragua affirmant que l'appareil qui les avait causésétait unSR-71 des
Etats-Unis.
89. L'affirmation que des bangs supersoniques ont étécauséspar des
appareils des Etats-Unis en novembre 1984repose sur les dires de fonc-
tionnaires du ministèrede la défensedu Nicaragua repris par la presse des
Etats-Unis ; la Cour n'a connaissance d'aucune dénégationpréciseque
le Gouvernement des Etats-Unis aurait faite au sujet de ces vols. Le
9 novembre 1984le représentant du Nicaragua au Conseil de sécurité a
affirméqu'un appareil SR-71 des Etats-Unis avait violé l'espace aérien

nicaraguayen les7et 9 novembre 1984 : iln'apas spécialementmentionné
à ce propos les bangs supersoniques (bien que d'après lui un vol an-
térieur d'un appareil similaire, le 31 octobre 1984, s'étaitaccompagné
<<de fortes explosions (S/PV.2562, p. 8-10)). Le représentant des Etats-
Unis au Conseil de sécuritén'a fait aucune observation au sujet des
incidents incriminés par le Nicaragua ; il s'est borné à dire que <les
allégationsavancées ..contre les Etats-Unis ))ne sont (<nullement fon-
dées O (ibid p.28).
90. Quant aux vo1s:destinés à ravitailler lecontras et aux reconnais-
sances effectuées à faible altitude par des aéronefs des Etats-Unis, le
Nicaragua ne semble avoir avancé àce sujet aucune preuve précise ;et il

ressort d'éléments d'information fournis par lui que les servicesdes Etats-
Unis ont mis plusieurs avions à la disposition descontras pour lesbesoins
de leur ravitaillement et des vols de reconnaissance à faible altitude.
D'après lecommandant Carrion, cesappareils ont été fournisaux contrasà
partir de fin 1982; avant cela, lecontras devaient regagner fréquemment
leurscamps de base pour seréapprovisionner,d'où I'onpeut conclure qu'il
n'yavait à l'époqueaucun survol systématiquepar des aéronefsdes Etats-
Unis à des fins de ravitaillement.
91. LaCour conclut que, en cequi concerne lesvolsde reconnaissance à
haute altitude, la déclaration admettant leur existence faiteau Conseil de
sécuriténe concerne que la périodeantérieure à mars 1982.La Cour est

néanmoins fondée à tenir compte non seulement de ce que l'intérêt mani-
festépar les Etats-Unis pour la (vérificationdes rapports sur l'interven-
tion nicaraguayenne r)- justification donnéede ces vols au Conseil de
sécurité - n'a ni cesséni diminuédepuis 1982,mais aussi du fait que les
photographies jointes au << background paper ))de 1984 témoignent de
l'existence de survols au moins sporadiques par la suite. Elle ne voit en
conséquence aucune raison de douter que ces vols se sont poursuivis
comme le soutient le Nicaragua. Elle constate que les incidents relatifs
à des survols ayant causédes bangs supersoniques en novembre 1984
sont de notoriété publique.Quant aux survols d'avions en mission d'ap-
provisionnement, il semble,d'aprèslesdonnéesfourniespar leNicaragua,

qu'ilsétaient généralement,sinonexclusivement, effectuéspar les contraseux-mêmes, à bord, il est vrai, d'appareils misà leur disposition par les
Etats-Unis. Quelles qu'aient pu êtreles autres responsabilités des Etats-
Unis sur ce dernier point, les seules violations de l'espace aériendu Nica-
ragua que la Cour leur impute dans l'étatactuel du dossier sont celles
résultant desvols de reconnaissance àhaute altitude et d'autre part des
vols à basse altitude qui auraient causédes bangs supersoniques du 7 au
11novembre 1984.

92. Un autre type d'activitédirecte des Etats-Unis en relation avec le

Nicaragua doit êtrementionné ici, le Nicaragua y ayant attaché une
certaineimportance. LeNicaragua affirmequ'à diversesreprises lesEtats-
Unis ont effectué, avecleHonduras,des manŒuvresmilitaires enterritoire
hondurien à proximitéde la frontière entre le Honduras et le Nicaragua ;
selon lui une grande partie du matériel militaireacheminépar avion au
Honduras pour ces manŒuvres conjointes a étélivré aux contras à la fin
des manŒuvres, qui s'inscrivaient dans une politique générale et persis-
tante de force destinée à intimider le Gouvernement du Nicaragua pour
qu'il cède aux exigences politiques du Gouvernement des Etats-Unis.

Les manŒuvres en question auraient eu lieu a l'automne de 1982 ; en
février1983 (<(Ahuas Tara 1O); en août 1983 (OAhuas Tara II O),époque
à laquelle des navires de guerre des Etats-Unis auraient patrouillé devant
les côtes nicaraguayennes ;en novembre 1984,avec des mouvements de
troupes au Honduras et un déploiement de navires au large de la côte
atlantique du Nicaragua ;en février1985 (6 Ahuas Tara III )));en mars
1985 (((Universal Trek 85 ))) enjuin 1985,sousforme d'exercices aéro-
portés. Comme preuve de ce que ces manŒuvres ont bien eu lieu, le

Nicaragua a présenté desextraitsdejournaux ; les manŒuvres n'ayant eu
aucun caractère secret, la Cour estime qu'elles peuvent êtreconsidérées
comme étantde notoriété publique,et donc suffisamment établies.

93. La Cour doit à présent s'attarder quelque peu sur la genèse, le
développement et les activitésde la force contra, ainsi que sur le rôle des
Etats-Unis encequilaconcerne,afin de déterminerquelleportéejuridique
revêt lecomportement des Etats-Unis a cet égard.D'après leNicaragua,
les Etats-Unis auraient (conçu, créé et organiséune arméemercenaire, la
force contra )).Il semble bien cependant qu'une certaine opposition armée
au gouvernement existait en 1979-1980,avant mêmetoute ingérenceou

soutien des Etats-Unis. Le Nicaragua fait remonter le début del'activité
des Etats-Unis à peu après le 9 mars 1981,date àlaquelle le président
des Etats-Unis aurait adoptéune conclusion présidentielle ))(presidential
finding) autorisant la CIA à entreprendre des ((activitésclandestines ))
contre leNicaragua. D'après ladépositiondu commandant Carrion, selonlequelles <<activités militairesetparamilitaires organisées ont commencé

en décembre 1981,il yavait eu auparavant des (<forces antigouvernemen-
tales ))formées
<(simplement de quelques petitesbandes fort mal armées,disséminées
le long de la frontière septentrionale du Nicaragua et composées

principalement d'anciens membres de la garde nationale de Somoza.
Elles n'avaient aucune efficacité militaire, et se contentaient essen-
tiellement de volerdu bétail etde tuerquelques civils àproximitéde la
frontière. ))

Ces bandes existaient sousune formeou sousune autre depuis la chute du
gouvernement Somoza :dans sadéclarationsous serment, M. Edgar Cha-
morro mentionne les <anciens de la garde nationale qui se sont enfuis au
Honduras lors de lachute du gouvernement Somozaet qui, depuis,lancent
sporadiquement des raids contre les positions nicaraguayennes sur la
frontière D.D'aprèslemémoiredu Nicaragua,la CIA,audébut, s'estlivrée
à des activités militaireset paramilitaires contre le Nicaragua, peu aprèsla
conclusion présidentielle ))du 9 mars 1981, << par l'intermédiaire des
bandes armées existantes ; les opérationsconsistaient en << raids contre
des agglomérations civiles, des postes avancésde la milice locale et des

patrouilles armées o. Les armes utiliséesétaientcelles des anciens gardes
nationaux. Faute d'information à ce sujet, la Cour n'est pas en mesure
de se prononcer sur l'efficacité militaireque ces bandes pouvaient avoir
à l'époque ;mais le Gouvernement nicaraguayen admet en fait leur exis-
tence.
94. Dans sa déclaration sous serment, M. Chamorro affirme qu'une
opposition politique au Gouvernement nicaraguayenétait en outre active à
l'extérieurdu Nicaragua depuis la fin de 1979et qu'au mois d'août 1981
elle a fusionné avec une force d'opposition armée appeléela légiondu

15 septembre, laquelle avait elle-mêmeabsorbé les bandes d'opposition
arméeauparavant dispersées, ces fusionsayant étéorganiséespar la CIA.
C'est ainsi que la FDN aurait étéconstituée. L'autre grand groupe d'op-
position armée, I'ARDE, a étéfondé en 1982par Alfonso Robe10Callejas,
ancien membre de lajunte de 1979,et EdénPastora Gomez, commandant
militaire sandiniste, chefdu Front révolutionnaire sandiniste(FRS) quifut
ensuite vice-ministre du gouvernement sandiniste. Le Nicaragua n'a pas
prétendu que les Etats-Unis aient joué un rôle dans la formation de
I'ARDE. Mêmeen retenant les indications fournies par le demandeur, la

Cour est donc dans l'impossibilitéde conclure que les Etats-Unis ont créé
de toutes piècesuneoppositionarméeau Nicaragua.Toutefois,d'après des
articles parus dans la presse et citant des sources officielles proches du
Congrès des Etats-Unis, les effectifs de la force contraont spectaculaire-
ment augmentélorsqu'elle a commencé à disposer de l'assistance - finan-
cièreet autre - des Etats-Unis : de 500 hommes au départ, en décembre
1981(plus,d'après certaines informations, 1000indiens Miskito), elle est
passée à 1000en février1982,1500 enaoût 1982,4000en décembre 1982,
5500en février1983,8000 enjuin 1983et 12000 en novembre de la mêmeannée.Au moment où, en septembre 1984, l'aide des Etats-Unis autre
qu'<(humanitaire ))a étésuppriméecommeon le verra plus loin, leseffec-
tifs de la force auraient dépassé10000 hommes.
95. La manièredont les Etats-Unis finançaient l'aide aux contrasétait
tenue secrète à l'origine, maiscefinancement devaitfaireensuite l'objetde
dispositions législativesexpresseset il est finalement devenu l'enjeu d'un
conflit entre les organes législatifset le pouvoir exécutifdes Etats-Unis.

Lespremièresactivitésentreprisesen 198 1 semblentavoir été subvention-
néespar lesfonds de laCIA destinés àl'action <(clandestine ));d'aprèsdes
comptes rendus de presse parus par la suite et cités par le Nicaragua,
19,5millions de dollars leur auraient étéainsi consacrés. Puis,toujours
selonlapresse,un nouveau créditde 19millionsde dollars aété approuvé à
la fin de 1981pour financer le plan de la CIA concernant des opérations
militaires et paramilitaires autorisées au titre de la National SecurityDeci-
sion Directive 17 (décisionno 17). Les modalités budgétairesdu finance-

ment des opérations ultérieures jusqu'àla fin de 1983n'ont pas étépré-
cisées,mais, d'après un article dejournal, leCongrèsdesEtats-Unis aurait
approuvél'ouverture d'uncréditde <(20millions de dollarsenviron ))pour
l'exercicefinancier prenant fin le 30septembre 1983,et, selon un rapport
du Permanent SelectCommittee on Intelligence (commission permanente
restreinte du renseignement) de la Chambre des représentants (ci-aprèsla
<(commission du renseignement ))),il semblerait que le programme d'ac-
tivitésclandestines ait étéfinancéau titre de l'Intelligence Authorization
Act (loi portant ouverture de créditspour les services de renseignements)

ainsi que du DefenseAppropriationsAct (loi sur les créditsde défense)du
même exercice,ce dernier ayant étéamendépar la Chambre des repré-
sentantspour interdire ((l'assistancedestinée à renverser leGouvernement
du Nicaragua o. En mai 1983,la commission a approuvé une proposition
tendant à modifier la loi en question, afin d'interdire toute aidedes Etats-
Unis à des opérations militaires ou paramilitaires au Nicaragua. La pro-
position visait à remplacer ces opérations par une aide à la sécuritéqui
serait ouvertement fournie à tout pays ami d'Amérique centrale, afin

d'empêcherl'acheminement de matériel militaireen provenance de Cuba
ou du Nicaragua ou ayant transitépar ces pays. Cette proposition a été
adoptéepar la Chambre desreprésentantsmais leSénatne l'apasapprou-
vée ; entre-temps, l'exécutifdemandait 45 millions de dollars de crédits
pour lesopérationsauNicaragua durant l'exercicefinancier prenant fin le
30 septembre 1984.A nouveau, le Sénat etla Chambre des représentants
ont décidéen senscontraire et c'est une formule de compromis qui a été
finalement retenue. Ennovembre 1983est adoptéun textedeloi,quidevait
entrer en vigueur le 8 décembre 1983,où l'on trouve la disposition sui-

vante :

<Au cours de l'exercice financier 1984, la Central Intelligence
Agency,ledépartementdeladéfenseettout autre organisme ouentité
des Etats-Unis se livrant à des activitésde renseignements ne pour-
ront engager ou dépenserplusde 24millions de dollars en tout sur les créditsqui leur sont ouverts afin ou à l'effetde soutenir directement
ou indirectement des opérations militaires ou paramilitaires entre-
prises au Nicaragua par une nation, un groupe, une organisation, un
mouvement ou un individu quelconque. (IntelligenceAuthorization
Act de 1984,art. 108.)

96. En mars 1984,il est demandéau Congrèsdes Etats-Unis d'approu-
ver l'ouverture d'un crédit additionnel de 21 millions de dollars devant
permettre à la CIA de poursuivre certaines activitésdont le Présidenta
jugé qu'ellessont essentielles pour la sécuritédesEtats-Unis O,autrement
dit pour continuer à apporter un soutien aux contras. Le Sénatapprouve
l'ouverture de cecrédit additionnel, mais il n'estpas suivipar la Chambre
des représentants. Au Sénat,deux amendements avaient étéproposés et
rejetés :l'un visaià interdired'affecter lescréditsouvertsà un individu ou
à un groupe projetant notoirement de recourir à la violencepour renverser

un gouvernement d'Amériquecentrale ; l'autreà interdire l'utilisation de
cescrédits pourcommettre desactes de terrorisme au Nicaragua ou contre
lui. Enjuin 1984,leSénataborde l'examende lademande présidentiellede
28millionsdedollars,destinés à financer lesactivités menéesau Nicaragua
pendant l'exercicefinancier 1985. Le Sénatet la Chambre des représen-
tants ayant de nouveau adoptédes décisionscontradictoires, le Congrès
retient une formule de compromis reprise à l'article 8066 du Continuing
Appropriations Act (loi sur la reconduction des crédits) de 1985. Bien
qu'interdisant en principe de consacrer, au cours de l'exercice financier
finissant le 30 septembre 1985,les crédits à des activités

ayant pour objet ou pour effet d'appuyer directement ou indirec-
tement des opérationsmilitaires ou paramilitaires menées au Nica-
ragua par un pays, un groupe, une organisation, un mouvement ou un
individu quelconque )),

la loi ne réservaitpas moins à ces activitésun crédit de 14millions de
dollars, à la condition que le Président soumette au Congrès, après le
28 février1985,un rapport enjustifiant la nécessitée ,t les deux chambres
du Congrès ont l'une et l'autre votéen faveur de cette disposition. Le
10avril 1985 un rapport était effectivement présenté ; les objectifs des
Etats-Unis à l'égarddu Nicaragua y étaientexposésdans les termes sui-
vants :

(<La politique des Etats-Unis à l'égarddu Nicaragua depuis l'ar-
rivéeau pouvoir des sandinistes a constamment visé à amener le
Gouvernement nicaraguayen à changer de politique et de comporte-
ment. Nous n'avons pas cherché à renverser le Gouvernement nica-
raguayen ni à imposer au Nicaragua un systèmeparticulier de gou-
vernement. ))

Les changements souhaités étaient définis commesuit :
- qu'il soit mis finà toutes les formes de soutien apporté par le
Nicaragua à l'insurrection ou à la subversion dans les pays voi-
sins ; ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 57

- que soit réduit l'appareil militaireet de sécuritédu Nicaragua,
aujourd'hui élargi,de façon que l'équilibremilitaire soit rétabli
dans la région ;
- que le Nicaragua rompe lesliens établisavec lebloc soviétiqueet

avec Cuba sur le plan militaire et celui de la sécuritéet que
rentrent chez eux les conseillers de ces pays pour les questions
militaires et de sécurité qui sont actuellement au Nicaragua ;
et
- qu'il soit donné suite à l'engagement contracté par les sandi-
nistes devant l'organisation des Etats américains de pratiquer
le pluralisme politique, le respect des droits de l'homme, les élec-
tions libres, le non-alignement ainsi qu'un régime d'économie
mixte. ))

En mêmetemps, le président des Etats-Unis, lors d'une conférence de
presse, faisait étatd'une offre de cessez-le-feu au Nicaragua émanant des
opposants au Gouvernement nicaraguayen et datéedu ler mars 1984 ;il
s'engageait à ce que le créditde 14millions de dollars demandé,s'ilétait

approuvé,ne soit pas utilisépour desarmesou des munitions mais pour
des denrées alimentaires, des vêtements, des médicaments et autres
moyens de survie ))pendant tout le temps que la proposition de cessez-
le-feurestevalable ))Les23et 24avril 1985leSénatavotépour l'ouverture
du crédit de 14 millions de dollars, et la Chambre des représentants,
contre.
97. Enjuin 1985 un créditde 38 millions de dollars a étédemandé au
Congrès des Etats-Unis en vue de financer les activités militaireset para-
militaires contre leNicaragua pendant lesexercicesfinanciersseterminant

les 30 septembre 1985 et 1986. Le Sénat a approuvé cette allocation le
7juin 1985. La Chambre des représentants a en revanche votéen faveur
d'une proposition d'ouverture d'un créditde 27millions de dollars,destiné
uniquement à l'assistance humanitaire aux contras, la gestion des fonds
devant d'autre part êtreretirée à la CIAet audépartement de ladéfense.Le
texte finalement adoptéd'un commun accord par le Sénat etla Chambre
des représentants après examen par un comité conjoint prévoyait :

«27millions dedollarsd'assistance humanitaire à la résistancedémo-
cratique nicaraguayenne. L'assistance sera dispenséepar I'intermé-
diaire detout département ouagence des Etats-Unis que désignera le
Président, à l'exception de la Central Intelligence Agency et du
département de la défense ...
Au sensdes présentesdispositions, l'expression <(assistancehuma-
nitaire ))désignela fourniture de denrées alimentaires, de vêtements,

de médicamentset toute autre aide humanitaire, et exclut la fourni-
ture d'armes, de systèmes d'armes, de munitions ou autres équipe-
ments, véhiculesou matériels susceptiblesd'êtreutiliséspour infliger
des blessures graves ou causer la mort de personnes O.
Selon le communiqué commun du comitéconjoint, la législation adop-

tée : ((écarteeffectivement cesdeux entités[laCIA etle département de la
défense]de l'administration des fonds et leur interdit de fournir une
formation ou des conseils militaires à la résistance démocratique ...
aucune des interdictions de fournir une assistance militaire ou para-
militaire à la résistance démocratique n'empêchede partager des
renseignements avec elle o.

Il a étéprécisédevant la Chambre des représentants que le National
Security Council (Conseil national de sécurité) etla Maison-Blanche
avaient donné l'assurance que :

((ni le fond de réserve[de la CIA] destiné à faire face aux situations
imprévuesni d'autres fondsexistants ne serviront àapporter une aide
matérielle endehors de celle qui a été autorisée ... des fins d'assis-
tance humanitaire à la résistancedémocratique au Nicaragua, sauf
autorisation future du Congrès r).

Ainsi, un financement destiné à soutenir les activités militaires et para-
militaires descontrasaété inscrit au budget desEtats-Unis depuis une date
situéeen 1981etjusqu'au 30septembre 1984 ;et un financement de même
source limité à 1'(assistance humanitaire est disponible depuis cette
dernière date et demeure autoriséjusqu'au 30 septembre 1986.
98. Il semble en outre que, depuis notamment l'imposition de cette

dernière restriction, ce soient des sources privéesdes Etats-Unisqui four-
nissent une aide, en particulierfinancière, au vu et au su du gouvernement
de ce pays. Dans la mesure où elle est destinée à 1'((assistance humani-
taire)>,cette aide est activement encouragéepar le président des Etats-
Unis. D'après des articles parus dans la presse, le département d'Etat
aurait fait savoir en septembre 1984que le gouvernement avait décidéde
G ne pas décourager les ressortissants américains agissant à titre privé,
ainsi que les gouvernementsétrangers, d'apporter leur appui aux contras.
La Cour note que cette prise de position a étéprovoquéepar un incident
témoignantde la fourniture d'une assistance privéede caractère militaire.
99. La Cour constate en tout état de cause que le Gouvernement des

Etats-Unis afinancé, à compterde 198 1etjusqu'au 30septembre 1984,les
activités militaires et paramilitaires descontras au Nicaragua, et leur a
fourni par la suite une assistance humanitaire o. C'est M. David Mac-
Michael, témoincité par le Nicaragua, ancien membre de la CIA et res-
ponsable des évaluations (Senior Estimates Officer) au groupe d'analyse
(Analysis Croup)du conseil national du renseignement (National Intelli-
gence Council), qui, dans sa déposition devant la Cour, a apporté les
indications les plus directes au sujet de l'usage précisauquel ces fonds
étaientdestinés. M. MacMichael a déclaréqu'en 1981 ilavait participé ès
qualités à l'examen d'un plan concernant le Nicaragua, dont des extraits
devaient êtrepubliésultérieurement par le WashingtonPost, et il a con-
firmé qu'à l'exception d'un détail (qui n'est pas repris ici) ces extraits

donnaient une idée exacte du plan, dont l'objectif était décrit en ces
termes : ((Selon les documents du conseil de sécurité nationale,les opéra-
tions secrètes prévuespar la proposition de la CIA doivent :
((Développer,en Amériquecentraleet au Nicaragua, un soutien
populaire pour un front d'opposition nationaliste, anti-Cuba et
anti-Somoza.
Soutenir le front d'opposition en formant et en entraînant des
équipesd'action afin de rassembler des renseignements et d'entre-

prendredesopérations paramilitaireset politiques au Nicaragua et
ailleurs.
Travailler, surtout par l'intermédiairede non-Américains )).
pour atteindre ces objectifs secrets ...

100. M. Chamorro, ancien dirigeant de la FDN a, quant à lui, apporté
dans sa déclaration sous serment des éléments d'information sur lama-
nièredont les fonds ainsi allouésont étéutilisésjusqu'al'automne 1984.
Sa déclaration contient de nombreux détails sur l'assistance fournie à la
FDN. La Cour ne possède pas d'informations directes comparables au
sujet du soutien apporté à I'ARDE, bienque selon la presse un tel soutien
ait pu êtredonné à divers moments. M.Chamorroindique qu'en 1981des
salaires réguliersétaient offertspar laCIA ad'anciens membresde lagarde
nationale en exil, et que les armes (fusils FAL, fusils d'assaut AK-47 et

mortiers), les munitions, le matérielet le ravitaillement provenaient de la
CIA. Lorsqu'il travaillait lui-même à plein temps pour la FDN, un trai-
tement lui étaitversé, ainsi qu'auxautres membres du directoire politique
de la FDN. Ily avait aussi un budget alimentépar lesfonds de laCIApour
les communications et l'aide aux réfugiés nicaraguayens ou aux familles
des combattants de la FDN, en plus d'un budget militaire et logistique,
lequel n'étaitpas considérable, étantdonné quetoutes les armes et muni-
tions et tout le matériel militaire,y compris les uniformes, les bottes et le
matérielradio, étaient achetés et livréspar la CIA.
101. D'aprèsM. Chamorro, l'entraînement étaitassuré à l'origine par
des officiers argentins rétribuéspar la CIA, qui furent remplacés progres-

sivement par des agents de cette dernière. Les troupes suivaient ainsi un
entraînement
pour la guérilla,le sabotage, lesdémolitionset l'utilisation d'armes
diverses, en particulier les fusils d'assaut, les mitrailleuses, les mor-
tiers,leslance-grenades et lesexplosifs,telsque lesmines Claymore ...
[et] aussi pour les communications en campagne, et la CIA nous

enseignait a nous servirde certains codesperfectionnés,que lesforces
du Gouvernement nicaraguayen ne pouvaient déchiffrer o.
La CIA communiquait par ailleurs à la FDN des renseignements, en
particulier sur les mouvements des troupes nicaraguayennes, obtenus par
l'interception des communications radiophoniques et téléphoniques,le
décryptage des codeset aussi grâce aux satellites et aux avions de surveil-

lance. M.Chamorro fait aussi état dela fourniture d'aéronefspar la CIA ;
d'aprèsla presse ilsemble qu'ilsesoit agid'avions assezlégersadaptésà lareconnaissance et dans une certaine mesure au largage de ravitaillement,
mais non à des opérationsoffensives. On a signaléque des hélicoptères à
équipagenicaraguayen avaientpris part àcertaines opérationsdesUCLAs
(voir le paragraphe 86 ci-dessus), mais rien ne permet de dire s'ilsappar-
tenaient aux contrasou s'ils étaientprêtés par des services relevant des
Etats-Unis.
102. Le Nicaragua paraît concéder que,si l'on excepte celles qui sont

énuméréeasu paragraphe 81,lesopérationsen territoire nicaraguayen ont
étémenéespar les seuls contras,tous les instructeurs et les conseillers des
Etats-Unis se tenant de l'autre côté de la frontière ou dans les eaux
internationales. Il affirme cependant que leGouvernement des Etats-Unis
a mis au point la stratégieet dirigé latactique de la forcecontra et lui a
fourni un appui de combat direct dans ses opérations militaires.

103. Pour démontrer que les Etats-Unis ont mis au point la stratégieet
dirigéla tactique descontras,un conseil du Nicaragua a évoquélesétapes
successives (indiquées aux paragraphes 95 à 97 ci-dessus) des mesures

législativesprises auxEtats-Unis pour doter les contras de moyens finan-
ciers, et relevéque chaque offensive contraa étéprécédéd e'une nouvelle
attributiondefondspar lesEtats-Unis. Ilendécoulerait,d'aprèslui,que le
moment de chaque offensive a été choisi par les Etats-Unis. Cela peut être
vrai dans la mesure où, pour lancer une offensive, il fallait disposer de
fonds ; il ne s'ensuit cependant pas, de l'avis de la Cour, que chaque
ouverture de créditdesEtats-Unis était destinéeà déclencherune offensive
particulière ni que les Etats-Unis avaient préparécelle-ci.

104. Les élémentsétayant l'assertion suivant laquelle les Etats-Unis

auraient conçu la stratégieetdirigéla tactique desontras paraissent êtrea
la Cour les suivants. On trouve certes reproduites dans la presse de nom-
breuses déclarationsde cadres de la FDN témoignantd'une participation
des conseillers de la CIAà la planification eàla discussion de la stratégie
ou de la tactique, et ces déclarationssont confirméespar M. Chamorro.
M.Chamorro attribue pratiquement une autoritéde commandement aux
cadres de la CIA : selon lui ceux-ciauraient ordonné )ou <donnépour
instruction 1à la FDN d'entreprendre diversesactions. Lescasprécisdans
lesquelsles agentsdes Etats-Unis auraient eu d'aprèslui une influence sur
la stratégieet la tactique decontras sont les suivants: àla fin de 1982 la

CIA a poussé O la FDN à lancer une offensive en vue de conquérir et
d'occuper une partie du territoire nicaraguayen. Après l'échecde cette
offensive,laCIA a dit àla FDN de ramener seshommes au Nicaragua et de
poursuivre le combat. La CIA a donnéen 1983la directive tactique de ne
pas détruireles exploitations agricoles et les récoltes,et la directive oppo-
séeen 1984.En 1983,la CIA a de nouveau indiquéqu'ellesouhaitaitque la
FDN déclenche une offensivepour s'emparer d'une partie du territoire au
Nicaragua. Il convient, à cet égard, d'appeler aussi l'attention sur la
déclarationde M.Chamorro(paragraphe 101ci-dessus)suivant laquelle la
CIA communiquait à la FDN des renseignements, en particulier sur lesmouvements des troupes nicaraguayennes, et mettait à sa disposition des
avions légersadaptés à la reconnaissance et dans une certaine mesure
au largage de ravitaillement. M. Chamorro, le commandant Carrion et
l'un des conseils du Nicaragua ont insisté sur I'influence qu'avaient les
renseignements fournis et les vols de ravitaillement sur la tactique des
confras.
105. Le Nicaragua a affirméqu'en 1983une nouvelle stratégie))pour
les opérations des contrasau Nicaragua et contre lui avait étéadoptéeau
niveau le plus élevédu Gouvernement des Etats-Unis. Selon la Cour il
paraît ressortir des indications fournies l'appui de cette assertion qu'un
changement de stratégiedescontrasest intervenu à cetteépoque et que le
Gouvernement des Etats-Unis a adopté une nouvelle politique d'appui

plus ostensible aux contras, se traduisant pour finir par l'ouverture de
créditsspéciauxdans le Department of Defense AppropriationsAct, 1984
(art. 775) etl'IntelligenceAuthorization Act pour l'exercicefinancier 1984
(art. 108). La nouvelle stratégiecontra devait consister à attaquer <des
cibles économiquestelles que descentrales électriques etdesdépôts et à
porter le combat dans les agglomérations.
106. Au vu des élémentsd'information dont elle dispose, la Cour n'est
pasconvaincue que l'ensembledesopérationslancéespar la force contra,à
chaque étape du conflit, obéissait à une stratégie età des tactiques qui
auraient toutes étéélaboréespar les Etats-Unis. De l'avisde la Cour il est
cependant établi que l'appui desautorités des Etats-Unis aux activitésdes
contras a pris, au fil des années, diverses formes telles que le soutien

logistique, la fourniture de renseignements sur les positions et les mouve-
ments des troupes sandinistes, l'emploi de moyens de communication
perfectionnés. l'utilisation de réseauxde transmission de campagne, la
couverture radar. Il paraît claià la Cour qu'un certain nombre d'opéra-
tions militaires et paramilitaires de cette force ont étédécidées etplani-
fiées, sinonpar les-conseillers des Etats-Unis, au moins en liaisonetroite
avec eux et sur la base de l'assistance en matière de renseignement et de
logistique que les Etats-Unis étaient en mesure d'offrir, en particulier en
mettant à la disposition des contrasdes avions de ravitaillement.
107. Pour résumer,endépitdu caractèresecretqu'ila revêtu,du moins à
son début,l'appui financier apportépar le Gouvernement des Etats-Unis

auxactivités militaires etparamilitaires desontrasest un faitparfaitement
établi.Lesorganes législatifset exécutifsde I'Etat défendeuront d'ailleurs
ouvertement reconnu, à la suite des polémiquesqui se sont engagéesaux
Etats-Unis, la nature, le volume et la fréquence de cet appui. Ils en
revendiquent mêmeclairement la responsabilité,cette aide gouvernemen-
tale étantdevenueaujourd'hui l'élément majeur de la politique extérieure
des Etats-Unis dans la région. La Cour a pu parvenir à une conclusion
généralesur les modalitésde la transformation de cet appui financier en
assistance pratique.
108. En dépitde la masse de moyens de preuve documentaire et testi-
moniale qu'elle a examinés, laCour n'est cependant pas parvenue à s'as-
surer que 1'Etatdéfendeur a<< créé )la force contraau Nicaragua. Il paraîtcertain que des membres de l'ancienne garde nationale de Somoza ainsi
que des opposants civils au régimesandiniste s'étaient repliéshors du
Nicaragua peu aprèsl'installation de cerégime à Managua et avaient tenté
decontinuer leur luttecontre lui, mêmesic'étaitde façon désorganisée et
avec des moyens limitéset inefficaces, avant que le défendeurne tire parti
de l'existence de ces opposants et n'intègrecette donnée à sa politique à
l'égarddu régimedu demandeur. Lesélémentsfont égalementdéfaut pour
conclure que les Etats-Unis ont fourni <(un appui direct et essentiel sur le

terrain O, du moins si cette expression devait signifier qu'un tel appui
équivalait à une intervention directe des unités combattantes des Etats-
Unis,ou que les opérationsdes contras traduisaient toutes une stratégieet
des tactiques entièrement élaboréespar les Etats-Unis. La Cour tient par
contre pour établi que les autorités des Etats-Unis ont dans une large
mesure financé,entraîné, équipé,arméet organisé la FDN.
109. La Cour doit déterminer si les liens entre lescontras et le Gouver-
nement des Etats-Unis étaient à telpoint marquéspar la dépendanced'une
part et l'autoritéde l'autre qu'il seraitjuridiquement fondéd'assimiler les

contras à un organe du Gouvernement des Etats-Unis ou de lesconsidérer
comme agissant au nom de ce gouvernement. Il y a lieu de noter ici
l'appréciation portéeen mai 1983 par la commission du renseignement
dans le rapport mentionnéau paragraphe 95ci-dessus quant au fait que les
contras constituent une force indépendante et que <(le seul élémentde
contrôle que les Etats-Unispourraient exercer »serait <l'interruption de
I'aideo. Paradoxalement, cette appréciation souligne a contrario les pos-
sibilitésde <contrôle qu'implique nécessairement la dépendance des
contras à l'égardde I'aideétrangére.Pourtant, malgréles subsides impor-

tants et lesautres formes d'assistance que leur fournissent les Etats-Unis, il
n'est pasclairement établi que ceux-ciexercent en fait sur lescontras dans
toutes leurs activités uneautorité telle qu'on puisse considérerles contras
comme agissant en leur nom.
110. Pour ce qui est du moyen de contrôle O que représenterait une
éventuelleinterruption de I'aide militaire des Etats-Unis, il convient de
noter qu'aprèsle leroctobre 1984cetteaide n'aplus été autorisée,bien que
la mise en commun des renseignements et la fournitured'une t(assistance

humanitaire ))au sens de la législation évoquée pluhsaut (paragraphe 97)
demeure possible. Pourtant, d'après le Nicaragua lui-même etd'après la
presse, l'activitédecontras s'est poursuivie.Tout comptefait, leséléments
dont la Cour dispose donnent à penser que lesdiversesformes d'assistance
accordéespar les Etats-Unisaux contras ontétéessentielles pour permettre
à ceux-ci de poursuivre leur activité, mais ne suffisentpaà démontrerleur
totale dépendance par rapport à I'aide des Etats-Unis. En revanche ils
indiqueraient quedans lespremièresannéesde l'assistance des Etats-Unis
une telle dépendance existait. Néanmoins, la question de savoir si. à un

moment quelconque, le Gouvernement des Etats-Unis a mis au point la
stratégie et dirigéles tactiques descontras est fonction de la mesure dans
laquelle les Etats-Unis ont usédes possibilités de contrôle qu'implique
cette dépendance. La Cour a déjà dit qu'elle ne dispose pas de preuvessuffisantes pour parvenir à une conclusion à ce sujet. Il lui est à fortiori
impossible d'assimiler, juridiquement parlant, la force contra aux forces

des Etats-Unis. Cette constatation n'épuise cependant pas la question
de la responsabilité incombant aux Etats-Unis pour leur assistance aux
contras.
111. Selon la Cour ilest établi que la force contra a, au moins à une
certaine période, été tributaire des Etats-Unis au point de ne pouvoir
mener ses activitésmilitaires et paramilitaires lesplus crucialesou les plus

significatives sans l'appui multiforme de ces derniers. Cette conclusion est
fondamentale en l'espèce.Par contre la preuve directe de ce que toutes ses
activités,ou la plupart d'entre elles. aient pu à l'époquebénéficierde cet
appui n'a pas été suffisamment rapportée dans tous les cas et ne pouvait
d'ailleurs vraisemblablement pas l'2tre. Il suffira donc de souligner que la

force contra s'est trouvéeà l'égarddu Gouvernement des Etats-Unis dans
une situation qui implique l'exercice par ce gouvernement du contrôle
décrit ci-dessus.
112. Pour démontrer l'existence de ce contrôle, le demandeur a, entre
autres. soutenu devant la Cour que les dirigeants politiques de la force

contru étaient sélectionnés, installéset rétribuéspar les Etats-Unis : ila
mêmeajouté que c'étaità la fois pour garantir le contrôle des Etats-Unis
sur cette force et susciter une attitude favorable à la politique du gouver-
nement au sein du Congrès et dans le public aux Etats-Unis. D'après la
déclaration sous serment de M. Chamorro - qui a étédirectement mêlé à
ces événements - au moment où la FDN a été constituée <(le nom de

I'organisation, la composition de lajunte politique et celle de l'état-major
avaient étéchoisis ou approuvéspar la CIA ; plus tard la CIA a demandé
qu'une certaine personne soit placéeà la têtedu directorat politique de la
FDN, ce qui fut fait.Toutefois la question de la sélection,de l'installation
et de la rétribution des dirigeants de la force contru n'est qu'un aspect

parmi d'autres du degréde dépendance de cette force. Cette dépendance
partielle à l'égarddes autorités des Etats-Unis, dont la Cour ne saurait
etablir le degré exact. peut certes se déduire notamment (mais non pas
exclusivement) du phénomène de sélection des dirigeants par les Etats-
Unis. Mais elle peut aussi se déduire d'autres éléments,dont certainsont

été examinéspar la Cour, tels que l'organisation, l'entraînement, I'équi-
pement de la force. la planification desopérations, lechoix des objectifs et
le soutien opérationnel fourni.

113. La question du degréde contrôle exercépar le Gouvernement des
Etats-Unis sur les contras se rattache à la thèsedu Nicaragua attribuant à
cegouvernement la responsabilité des activitésdes contras. Les Etats-Unis
auraient violéde ce fait une obligation de droitinternational de ne pas tuer.
blesser ou enlever des citoyens du Nicaragua. Les activités en question

correspondraient selon le Nicaragua àl'application de tactiques consistant
notamment à répandre la terreur et le dangerparmi les non-combattantscomme une fin en soi,sans essayer de respecter des critèreshumanitaires et
sans qu'intervienne la notion de nécessitémilitaire ))A l'appui de ces
affirmations. leNicaragua citede nombreuxcasd'assassinat, de torture, de
viol. d'exécutionde prisonniers et de meurtre de civils sans aucune néces-
sitémilitaire qu'il attribue aux (mercenaires forméspar la CIA ))ou aux
«forces mercenaires )).D'après la déclaration du commandant Carrion

annexée au mémoire les premiers incidents de ce genre remontent à
décembre 1981 et se sont poursuivis jusqu'à la fin de 1984. Deux des
personnes citéespar le Nicaragua, le père Loison et M. Glennon, ont
témoigné d'événemend tse cegenre.A titre d'exemples destinés à apporter
lapreuve directedes tactiquesqu'adoptent les contras sous ladirection et
lecontrôle des Etats-Unis ))leNicaragua cite dans son mémoire lespropos
de M. Edgar Chamorro, ancien dirigeant de la FDN, propos répétéd sans
sa déclaration sous serment et repris par la presse, au sujet des assassinats
commis dans des villages nicaraguayens ;l'existence d'un rapport confi-

dentiel de la Defence Intelligence Agency dejuillet 1982dont a fait étatle
New York Times du 21octobre 1984,où l'onpouvait lire que les contras se
livraientà des assassinats ;etla rédaction par la CIA en 1983d'un manuel
de guerre psychologique. La déclaration sous serment de M. Chamorro a
aussi étéinvoquée à l'audience.
114. A cet égard,la Cour note que, d'après le Nicaragua, les contrasne
seraient que des bandes de mercenaires recrutées, organisées, payées et
commandéespar le Gouvernement des Etats-Unis. Elles n'auraient donc

pas de réelleautonomiepar rapport à ce gouvernement. En conséquence,
les infractions qu'ellesauraient commises seraient imputables au Gouver-
nement des Etats-Unis, comme celles de toutes autres forces placéessous
l'autoritéde ce dernier. D'après le Nicaragua, ((à strictement parler, les
attaques militaires et paramilitaires déclenchées parles Etats-Uniscontre
le Nicaragua ne constituent pas un cas de lutte civile,ce sont essentielle-
ment des actes des Etats-Unis )>.Si une telle imputabilité aux Etats-Unis
devait êtreretenue, alors ne se poserait aucune-question de simple com-
plicitépour ces actes, ni d'incitation à les faire commettre.

115. La Cour a estimé(paragraphe 110ci-dessus) que, mêmeprépon-
dérante ou décisive, laparticipation des Etats-Unis à l'organisation, à la
formation, à l'équipement,au financement et à l'approvisionnement des
contras, àla sélectionde leurs objectifs militaires ou paramilitaires età la
planification de toutes leurs opérations demeure insuffisante en elle-
même,d'après les informations dont la Cour dispose, pour que puissent
êtreattribuésaux Etats-Unis les actes commis par les contras au cours de
leurs opérations militaires ou paramilitaires au Nicaragua. Toutes les

modalités de participation des Etats-Unis qui viennent d'être mention-
nées,et mêmleecontrôle général exercé par euxsurune forceextrêmement
dépendante àleur égard,ne signifieraient pas par eux-mêmes,sans preuve
complémentaire.que les Etats-Unis aient ordonnéou imposéla perpétra-
tion des actes contraires aux droits de l'homme et au droit humanitaire
allégués par 1'Etatdemandeur. Ces actesauraient fort bien pu êtrecommispar des membres de la force contra en dehors du contrôle des Etats-Unis.

Pour que la responsabilitéjuridique de ces derniers soit engagée, ildevrait
en principe êtreétabli qu'ils avaient le contrôle effectif des opérations
militaires ou paramilitaires au cours desquelles lesviolations en question se
seraient produites.
116. La Cour ne considère pas que l'assistance fournie par les Etats-
Unis aux cotitrus l'autorise à conclure que ces forces sont à tel point

soumises aux Etats-Unis que les actes qu'elles pourraient avoir commis
seraient imputables à cet Etat. Elle estime que les contras demeurent
responsables de leurs actes et que les Etats-Unis n'ont pas à répondre de
ceux-ci mais de leur conduite àl'égarddu Nicaragua. ycompris cellequi est
liéeaux actes en question. Ceque la Cour doit examiner, ce ne sont pas les

griefs relatifsauxviolations dudroit humanitairequ'auraient commises les
contras et que le Nicaragua considère comme imputables aux Etats-Unis.
mais plutôt les actes illicites dont ces derniers pourraient êtredirectement
responsables en relation avec lesactivitésdes contras. La licéité ouI'illicéité
de tels actes des Etats-Unis est une question distincte de celle desviolations

du droit humanitaire dont les contras se seraient éventuellement rendus
coupables. Aussi la Cour n'a-t-elle pas à établirs'ilsont en fait commis les
violations du droit humanitaire qui leur sont attribuées. Cependant la
question de savoir si. au moment considéré.le Gouvernement des Etats-
Unis avait ou devait avoir connaissance des allégations de violations du

droit humanitaire formuléescontre les contras intervient dans I'apprécia-
tion de la licéitédu comportement des Etats-Unis. Les faits à retenir àcet
égard sont en premier lieu ceux qui ont trait à la mise en circulation du
manuel d'opérations psychologiques en 1983.

117. Le Nicaragua a en réalitésoumis à la Cour deux publications qui,
selon lui. seraient l'Œuvrede la CIA et auraient étéremises aux contras en
1983. La première s'intitule en espagnol Operacionessicolbgicasen guerra
deguerrillas (<(Opérations psychologiques dans la lutte de guérilla O).dont
l'auteur serait un certain (Tayacan O ;la copie certifiéecommuniquée àla
Cour ne porte ni date ni nom d'éditeur. La préfacede cette publication la

présente comme
(<un manuel pour la préparation des guérilleros aux opérations psy-

chologiques et à son application dans le cas concret de la croisade
chrétienne et démocratique à laquelle se livrent au Nicaragua les
commandos de la liberté D.

La seconde publication est intitulée Manuel du combattant de la libertéet
porte le sous-titre Guide pratique devant permettre de libérer le Nica-
ragua de l'oppression et de la misère en paralysant le complexe militaro-
industriel de 1'Etat marxiste félon, sans équipements spéciaux et au
moindre risque pour le combattant ))Le texte est imprimé en anglais et

en espagnol et est illustrépar des croquis sommaires : il constitue une ini-
tiation aux techniques élémentairesde sabotage. Les seules indications que
possède la Cour au sujet des auteurs de cet ouvrage sontdes articles du New York Times d'aprèslesquels un parlementaire des Etats-Unis et M. Edgar
Chamorro en auraient attribué la paternité à la CIA. N'ayant d'autre
preuve du lien entre le Munueldu cornbattut~rde lu liberté et la CIA que des
articles parus dans la presse, la Cour n'est pas en mesure de retenir sa
publication comme un fait qui serait imputable au Gouvernement des
Etats-Unis aux fins de la présente affaire.
118. LaCour s'attachera donc à l'autre manuel. relatif aux opérations
psychologiques )).11est clair que celui-ciest l'Œuvrede la CIA :un rapport

de la commission du renseignement paru enjanvier 1985le dit expressé-
ment. Il ressort de ce rapport qu'ilyaeu plusieurs éditionsdu manuel ;une
seule a été présentéeet c'est son texte que la Cour prendra en considéra-
tion. Le manuel est consacré aux techniques destinées à se gagner la
population. celle-ci étant définiecomme comprenant les guérilleros, les
troupes ennemies et la population civile. Les passages du manuel relatifs
aux aspects militaires plutôt que politiques ou idéologiquesne sont pas
généralementcontraires au droit humanitaire, mais il existe de notables

exceptions. Une section sur la terreur implicite et explicite ))souligne
certes que lesguérillerosdoivent veiller a ne pas devenir une incarnation
de la terreur. parce qu'il enrésulterait uneperte de soutien populaire et
insiste sur la nécessitéde bien seconduire envers la population, mais elle
contient aussi des instructions sur la manière de détruireles installations
militaires ou de police, d'interrompre les communications, d'enlever des
représentants du gouvernement sandiniste, etc. On y envisage la nécessité
de tirer sur un citadin essayant de quitter la villeD,actequi seraitjustifié
par le fait qu'il risquerait d'informer l'ennemi. Une section sur <<l'emploi

sélectifde la violence a des fins de propagande ))commence en outrepar
ces mots :
<(On peut neutraliser des objectifs soigneusement triés selon un
plan bien préparé,par exemple desjuges des tribunaux, desjuges de

mesta, desfonctionnaires de la police et de la sûreté,des chefsde CDS,
etc. Pour des raisons psychologiques il convient de prendre de très
grandes précautions, et il est indispensable de rassembler la popula-
tion intéresséepour qu'elle soit présente, prenne part à l'action et
formule des accusations contre l'oppresseur. r)

Plus loin. une section sur le contrôle des mouvements de masse et des
réunionspubliques ))renferme en particulier l'avis suivant :

<<Si possible, des criminels professionnels seront recrutés pour se
charger de contrats ))précis.

Des tâches bien définies seront confiées à d'autres. en vue de
donner à lacause sesmartyrs, en faisant s'affronter lesmanifestantset

lesautorités.de manière à provoquer desémeutesou des échangesde
coups de feu, causant ainsi la mort d'une ou de plusieurs personnes,
lesquelles deviendront des martyrs - situation qui doit êtreexploitée
immédiatement contre le régimeafin d'étendreles conflits. )) 119. D'après ladéclaration sous serment de M. Chamorro, quelque
deux mille exemplaires du manuel ont étédistribués aux membres de la
FDN, mais M. Chamorro avait auparavant fait supprimer les pages ou
figuraient les deux derniers passages précitéspour les remplacer par des
pages expurgées.D'aprèscertains articles parus dans la presse, il y aurait
eu un autre tirage àtrois milleexemplaires (encoreque,d'après l'unde ces
articles. M. Chamorro ait affirmé n'avoir connaissance d'aucune autre

édition).dont, cependant, une centaineseulement, accrochés à des ballons,
seraient parvenus nu Nicaragua. Selon un article M. Chamorro aurait
expliquéque le manuel avait servi à former (ides douzaines de chefs de la
guérilla pendant six mois environ, de décembre 1983 à mai 1984,mais
d'aprèsun autre article il aurait dit que l'onn'a paslu le texte et que la
plupart des exemplaires avaient été utilisésdans un cours spécialde guerre
psychologique destinéaux échelonsintermédiaires. Dans sa déclaration

sous serment, M. Chamorro signale que l'attitude de certains comman-
dants d'unités,tranchant sur celle que préconisaitle manuel, étaitque <(le
meilleur moyen de s'assurer la loyautéde la population civile consistait a
l'intimider ))- par des meurtres, des mutilations, etc. - età nous faire
craindre d'elle ».
120. Une desquestions examinéespar la commission du renseignement
était de savoir si la rédaction du manuel contrevenait aux textes légis-
latifs et réglementaires des Etats-Unis ; la commission s'est notamment
demandé si le conseil de <(neutraliser des fonctionnaires locaux était

contraire à 1'Executive Order 12333. Cette ordonnance, qui renouvelait
des directives antérieures, avait étéadoptée par le président Reagan en
décembre 1981 ; il y étaitprévuque

(i2.11. Aucune personne employée par le Gouvernement des
Etats-Unis ou agissant en son nom necommettra d'assassinats ni nese
concertera avec d'autres pour en préparer.
2.12. Aucun service de renseignements ne participera à des activi-
tésinterdites par la présente ordonnance ni ne demandera à qui-
conque de se livrer à de telles activités.))(U.S. Code, Congressional

andAdministrative News, 97th Congress,First Session, 1981,p. B.114.)

Selonlapresse lemanuel étaitl'Œuvred'« un contractuel subalterne de la
CIA ;la commission du renseignement a conclu dans son rapport :

(iLa commission croit que le manuel a étéune cause d'embar-
ras pour les Etats-Unis et qu'il n'aurait jamais dû voir le jour, sous
aucune des diverses formes qui lui ont étédonnées. Les comporte-
ments précis qu'ildécrit sont radicalement contraires aux valeurs
américaines.
A l'origine, cemanuel avaitpour but dedonner à la FDN des règles
deconduite modéréessur le terrain. Mais lacommission estime que la
rédaction,l'édition, ladistribution et l'usagedu manuel n'ont pasfait

l'objet d'un contrôle suffisant. Personne, hormis son auteur, n'y a prêté grande attention.La plupart des fonctionnaires de la CIA ont
appris son existence par les médias.
La commission s'estentendu dire que les fonctionnaires de la CIA
qui auraient dû examiner le manuel en question ne l'avaient pas fait.
De même,tous les fonctionnaires de la CIA auraient dû connaître
l'ordonnance interdisant l'assassinat ... or certains d'entre eux ne la
connaissaient pas. Personne à la CIA ne semblait savoir à qui exac-
tement incombaient les responsabilités liées à la publication et à la

distribution de ce manuel. Aux yeux de la plupart des membres de la
commission, cet incident démontre une fois de plus que la CIA ne
maîtrisait ni ne contrôlait pas suffisamment l'ensemble des activités
secrètes menéesau Nicaragua ...
Lesfonctionnaires de la CIA, quel que soit leur grade, n'ont jamais
lu le manuel et n'avaient pas été informéd se son existence. L'histoire
du manuel est essentiellement un cas de négligence,et non pas une
tentative d'acte illégal.
La commission estime qu'il n'y a pas eu intention délibérée d'en-

freindre I'ordonnance 12333. ))

Quand l'existence du manuel a étéconnue du Congrès des Etats-Unis,
d'après un article de journal <(la CIA a insistéauprès des rebelles pour
qu'ils ne tiennent aucun compte de ce qui y était recommandéet a com-
mencé à essayer de récupérerdes exemplaires du document D.
121. Au moment ou la commission du renseignement a enquêté surla
publication du manuel d'opérations psychologiques, la question du com-

portement des contras au Nicaragua a causé un émoi considérabledans
l'opinion publique aux Etats-Unis et la presse lui aconsacréde nombreux
articles. L'attention s'estainsi portéesurdes allégationsde comportement
terroriste ou d'atrocitésqui auraient été commisescontre des civils et qui
ont fait par la suite l'objet de rapports de diverses commissions d'enquête
dont le Nicaragua a soumis des exemplaires à la Cour. Selon la presse, des
agents de la CIA ont présentéen 1984 à la commission du renseignement
des informations à ce sujet, en précisant que le manuel avait précisément
étérédigépour cette raison et dans le souci de modérerla conduite des

rebelles o.Une confirmation est apportée à ce sujet par la conclusion de la
commission du renseignement suivant laquelle (<à l'origine ce manuel
avait pour but d'enseigner à la FDN des règlesde conduite modéréessur le
terrain ))Au moment où le manuel a étérédigé,ceux qui en avaient la
responsabilité n'ignoraient pas qu'ê toutle moins il étaitalléguéque les
contras se comportaient d'une maniére inconciliable avec le droit huma-
nitaire.
122. La Cour est parvenue a la conclusion qu'en 1983un organisme du
Gouvernement des Etats-Unis a fourni à la FDN un manuel sur les

opérationspsychologiques de guérillaqui, bien que décourageant expres-
sémentla violenceaveuglecontre lescivils,considéraitqu'ilfallaitouvrir le
feu sur ceux qui tenteraient de quitter une agglomérationet conseillait à
des fins de propagande la neutralisation )>dejuges, de fonctionnaires oude notables locaux après un simulacre de procès sedéroulant en présence

de la population. Le texte remis aux contras préconisait aussi le recrute-
ment de professionnels du crime pour exécuter des ((contrats ))non spé-
cifiés et le recours à la provocation dans les manifestations de masse
pour susciter une réaction violente des autorités et créer ainsi des
(1martyrs o.

123. Le Nicaragua s'est plaint devant la Cour de certaines mesures de
caractère économique prises contre lui par le Gouvernement des Etats-
Unis et dont la première est l'interruption de l'aide économique en avril

198 1,qui constituerait selon lui une forme indirected'intervention dans ses
affaires intérieures. Selon les informations publiéespar le Gouvernement
des Etats-Unis, plus de 100millions de dollars d'aide économique avaient
été fournisau Nicaragua entre juillet 1979 et janvier 1981 ; toutefois, les
inquiétudes du Congrès des Etats-Unis devant certaines activités attri-
buees au ouv verne m dueNicaragua le conduisirent à exiger, préalable-

ment à l'octroi d'une assistance au Nicaragua, une attestation du président
des Etats-Unis certifiant que cet Etat n'aidait, n'encourageait ni n'ap-
puyait aucun acte de violence ou de terrorisme dans d'autres pays (Spe-
c.1~C1entral Americun Assistance Act (loi spécialed'assistance àl'Amérique
centrale). 1979. art. 536 g)). Une attestation de ce genre fut délivrée en

septembre 1980 (45 Federul Register 62779) ; il y était certifié,
aprèsétudedesfaits connus, que leGouvernement nicaraguayen n'a

pas coopéré avec des organisations terroristes internationales et
n'abrite pas de telles organisations, etquece gouvernement n'aide pas
et n'appuie pas les actes de violence ou de terrorisme dans d'autres
pays, ni ne s'en fait le complice o.

Un communiqué officiel de la Maison-Blanche du mêmejour soulignait
que :

((cette attestation repose sur un examen et une évaluation approfon-
dis de tous les faits pertinents portés à notre connaissance par les
services de renseignements ainsi quepar les ambassades de notre pays
dans la région...Nos services de renseignements ainsi que nos ambas-

sades au Nicaragua et dans les pays voisins ont étépleinement con-
sultéset les renseignements et avis divers de toutes origines ont été
dûment pris en considération. ))

Le If'avril 1981, cependant, le Gouvernement des Etats-Unis concluait
qu'il nepouvait plus désormais certifier que le Nicaragua ne soutenaitpas
le terrorisme ))à l'étranger,et l'assistance économique, qui avait étésus-
pendue en janvier 1981. fut en conséquence supprimée. Selon le ministre
des finances du Nicaragua. cette annulation portait également sur des

emprunts déjà contractés et son incidence économique a étéde plus de
36 millions de dollars par an. Le Nicaragua affirme aussi que, sur le planmultilatéral,lesEtats-Unis ont cherché às'opposer auxprêtsau Nicaragua
ou à bloquer cesprêts àla Banque internationalepour la reconstruction et

le développement et à la Banque interaméricaine de développement.
124. Le 23 septembre 1983, le président des Etats-Unis a modifiépar
proclamation lesystèmedecontingentement des importations de sucredes
Etats-Unis, cequi aeu pour effet de réduirede 90pour cent lequota alloué
au Nicaragua. Le ministre des finances du Nicaragua a fixél'incidence
économiquede la décision à un chiffre compris entre 15et 18millions de
dollars. étant donnéle prix préférentieldont bénéficiele sucre nicara-
guayen sur le marchédes Etats-Unis.
125. Le lermai 1985le présidentdes Etats-Unis a adoptéun Executive
Order où il concluait que (la politique et les actes du Gouvernement du
Nicaragua constituentune menaceexceptionnelle et extraordinaire pour la

sécurité nationaleet lapolitique étrangèredes Etats-Unis etdéclarait une
urgence nationale )>Aux termes du messagedu Président au Congrès,la
situation d'urgence résultait des activitésagressives du Gouvernement
du Nicaragua en Amérique centrale o. L'ordonnance proclamait un
embargo total sur le commerce avec le Nicaragua, interdisant toutes les
importations en provenance et toutes les exportations à destination de ce
pays. fermant aux navires nicaraguayens l'accèsdesports des Etats-Unis et
excluant lesaéronefs nicaraguayensdu transport aérien à destinationeten
partance des Etats-Unis.

126. Dans leur contre-mémoire surla compétenceet la recevabilité, les
Etats-Unis ont affirméqu'en vertu du droit naturel de légitimedéfense,
individuelle ou collective.et conformément aux dispositionsdu traité inter-
américain d'assistance mutuelle, ils avaient donné suite à des demandes
d'aide présentéespar El Salvador, le Honduras et le Costa Rica en vue
de leur Iégitimedéfensecontre l'agression nicaraguayenne. La Cour doit
donc vérifierdans toute la mesure du possible les faits qui sont ou pour-

raient être à la base de cette assertion, afin de déterminer si la légitime
défensecollective constitue unejustification des activités reprochées aux
Etats-Unis. Ceux-ci affirment d'autre part qu'à la suite de certaines assu-
rances donnéespar la junte du gouvernement de reconstruction natio-
nale ))en 1979.le Gouvernement nicaraguayen est liépar des obligations
internationales dans des domaines qui seraient normalement de sa com-
pétenceinterne exclusive,que cesobligations ont été enfreintes et que cette
infraction pourrait justifier l'action des Etats-Unis. La Cour va donc
examiner aussi les faits sur lesquels se fonde cette seconde affirmation.

127. LeNicaragua prétendquelesallusionsfaites par lesEtats-Unis à la
justification par la légitimedéfensecollective ne sontquedes <prétextes
pour leurs activités. Le vrai motif du comportement des Etats-Unis ne
concernerait en rien l'appui qu'ils accusent le Nicaragua de fournir àl'opposition arméeau Salvador ; bien plutôt les vrais objectifs de la poli-
tique des Etats-Unis seraient d'imposer leurvolontéau Nicaragua et de le

forcer à s'incliner devant leurs exigences. Selon la Cour, cependant, s'il
était établique le Nicaragua a fourni un appui a l'opposition arméeau
Salvador et que ce fait constitue une agression arméecontre ce pays, et si
les autres conditions nécessairesétaient remplies, les Etats-Unis seraient
fondésjuridiquement à invoquer la légitimedéfensecollective, mêmesi
intervenait aussi un autre motif, peut-êtremêmeplus déterminant pour les
Etats-Unis, tiré de l'orientation politique du gouvernement actuel du
Nicaragua. L'existenced'un motif qui s'ajouterait à celui que proclament
officiellement les Etats-Unis ne pourrait alors priver ces derniers du droàt
recourir à la légitime défense collective.La conclusion à tirer est qu'il y a

lieu de faire preuve d'une prudence particulière dans l'examen des alléga-
tions des Etats-Unis au sujet des comportements du Nicaragua suscep-
tibles de fournir à la légitimedéfenseune base suffisante.
128. Dans leur contre-mémoire sur la compétenceet la recevabilité,les
Etats-Unis ont fait valoir que ((le Nicaragua encourage et appuie l'action
violente des guérillerosdans certains pays voisins O,plusparticulièrement
au Salvador, et que le Nicaragua se livre ouvertement a des incursions
militairesà l'intérieurdu territoire de ses voisins, le Honduras et le Costa
Rica. A l'appui de ces assertions, les Etats-Unis ont annexé àleur contre-
mémoire une déclaration sous serment du secrétaire d'Etat, M. George
P. Shultz, où celui-ci affirmait notamment que :

(Les Etats-Unis possèdent de nombreux élémentsde preuve d'où
il résulteque leGouvernement du Nicaragua apporte un soutien actif
aux groupes armés qui se livrent à des activités militaires et para-
militaires au Salvador et contre ce pays, et qu'il abrite sur son ter-
ritoire descentres de communication, decommandement,de surveil-

lance, d'entraînement et d'appui logistique utiliséspar ces groupes.
Le Gouvernement du Nicaragua participe directement avec ces
groupes armés à l'organisation des activités militaires et paramili-
taires au Salvador et contre ce pays. Le Gouvernement du Nicaragua
concourt aussi a l'acquisition et autransit sursonterritoire de grandes
quantités de munitions, d'approvisionnements et d'armes destinés
aux groupes armésqui poursuivent des activités militaires etparami-
litaires au Salvador et contre ce pays.
Outre cette aide aux groupes armés qui opèrent au Salvador et
contre ce pays, le Gouvernement du Nicaragua aide de la même

manière,quoique à une échelleplus réduite, ceuxqui selivrent ou ont
tentéde se livrer à des activités militairesou paramilitaires dans la
Républiquedu Costa Rica, dans la Républiquedu Honduras et dans
la République duGuatemala, et contre ces pays. Les forces militaires
régulièresdu Nicaragua ont lancéplusieurs attaques directes sur le
territoire du Honduras et du Costa Rica, et elles ont fait des victimes
parmi les forces armées et les populations civiles de ces pays. ))

A propos de cette déclaration, la Cour rappelle les observations qu'elle afaites (paragraphes 69 et 70) au sujet de la valeur probatoire des déclara-
tions de ministres d'un Etat en procès au sujet d'un conflit armé.

129. En outre les Etats-Unis citent les déclarations des présidents
Magaiia et Duarte d'El Salvador, divers extraits de presse et des publica-
tions officielles du Gouvernement des Etats-Unis. S'agissant des incur-
sions militaires du Nicaragua dans le territoire de ses voisins, les Etats-
Unis invoquent une déclaration du représentant permanent du Honduras
devant le Conseil de sécuritéet des protestations diplomatiques adressées

au Gouvernement du Nicaragua par les Gouvernements du Honduras et
du Costa Rica. Dans la publication du Gouvernement des Etats-Unis
parue par la suite sous le titre «Revolution Beyond Our Borders »,qui est
évoquéeau paragraphe 73 ci-dessus, ces accusations sont complétéespar
de nouveaux détails. Se fondant sur les archives du Gouvernement
hondurien ))les Etats-Unis affirment dans cette publication que l'armée
populaire sandinistea franchi trente-cinq fois lafrontièredu Honduras en
1981et soixante-huit fois en 1982.
130. Dans la phase portant sur la compétenceles Etats-Unis ont invo-
quélajustification de Iégitimedéfensecollective en liaison avec des atta-

aues aui auraient étélancéescontre El Salvador. le Honduras et le Costa
kca. il est clair cependant, d'après des documents soumis par le Nicara-
uua. an'en dehors de la Cour l'exécutifdes Etats-Unis a surtout mis en
avant l'argument de la fourniture d'armes et des autres formes de soutien
aux opposants au gouvernement en place au Salvador. En 1983,sur pro-
position de la commission du renseignement, les crédits du programme
d'aide aux contras devaient exclusivement viser à empêcherles fourni-
tures d'armes au Salvador ))Lesautres voisins du Nicaragua n'ont pas été

perdus de vue mais l'intérêta continué à êtreaxé sur El Salvador :le
Continuing Appropriations Act (art. 8066 b) 1A) des Etats-Unis pour 1985
prévoitque l'assistance aux activitésmilitaires ou paramilitaires au Nica-
ragua pourra êtrereprise si le Présidentconclut, notamment, que
<(le Gouvernement nicaraguayen apporte un soutien matériel ou

financier aux forces antigouvernementales qui se livrent à des opéra-
tions militaires ou paramilitaires au Salvador ou dans d'autres pays
d'Amériquecentrale o.

131. Dans la phase sur le fond, le Nicaragua s'est surtout attaché à
réfuter l'accusation suivant laquelle il aurait fourni des armes et apporté
d'autres formes d'aide aux opposants au Gouvernement d'El Salvador ; il
n'a pas expressément viséles allégations concernant les attaques qu'il
aurait lancéescontre le Honduras ou le Costa Rica. Le Nicaragua répon-
dait ainsi à ce qui constitue, comme on l'a vu plus haut, l'argument
principal par lequel les Etats-Unis entendent justifier leur conduite. Pour
déterminer si les conditions qui autoriseraient l'exercice, par les Etats-
Unis, du droit de Iégitimedéfensecollective sont réunies, laCour exami-
nera donc en premier lieu les activitésdu Nicaragua en relation avec El

Salvador, telles qu'elles ressortent des informations et documents à sadisposition ;elle examinera ensuite si lecomportement du Nicaragua par
rapport au Honduras ou au Costa Rica pourrait quant à lui justifier
l'exerciced'un tel droit ;pour ce faire ellene prendra enconsidérationque
les allégationsd'attaques transfrontières directes, puisque la déclaration
sous serment de M. Shultz ne vise que le soutien sous forme de fourniture
d'armes et d'approvisionnements pour les activités militaires et paramili-
taires qui serait dans ces pays à une échelleplus réduite qu'au Salva-
dor.
132. Dans sadéclaration d'intervention datéedu 15août 1984,leGou-
vernement d'El Salvador a déclaré : Le fait est que nous sommes les

victimes de l'agressionet des attaques arméesdu Nicaragua, et cela depuis
1980au moins. (Par. IV.) Les faits exposésdans cette déclaration sont
appuyés par une attestation du ministre par intérim des relations exté-
rieures d'El Salvador, analogue dans la forme à celles des ministres du
Nicaragua annexéesauxpiècesde procédurede cepays. Ilest affirmédans
la déclaration d'intervention que les ((terroristes [qui] s'efforcent de ren-
verser legouvernement [d'El ~alvador] ..sont diriges, armés,approvision-
néset entraînés par le Nicaragua O (par. III); que le Nicaragua <(offre
des abris ... des cachettes ..des moyens de communication (par. VI)
et des centresd'entraînement dirigéspar des militaires cubains et nicara-

guayens (par. VII). Au sujet de la fourniture d'armes, la déclaration
indique :
Si les quantités d'armes et d'approvisionnements varient, ainsi
que les itinérairesutilisés,il y a néanmoins un flot constant d'armes,
de munitions, de médicamentset de vêtements venantdu Nicaragua

et aboutissant dans notre pays. (Par. VIII.)
133. Dans ses observations du 10 septembre 1984 sur la déclaration
d'intervention d'El Salvador, le Nicaragua s'est ainsi exprimé :

<La déclaration comporte une sériede paragraphes où sont allé-
guéesdes activitésdu Nicaragua qu'El Salvador qualifie d'<<agres-
sion armée o. A cet égard,il importe que la Cour sache que c'est la
premièrefois qu'El Salvador sedéclarevictime d'une agression armée
de la part du Nicaragua. Aucune de ces allégations, dont l'examen
relèveproprement du fond de l'affaire, nes'appuie surun quelconque
élémentde preuve. Le Nicaragua les conteste toutes, isolément et

collectivement, et confirme I'ajfidavit de son ministre des relations
extérieures,le pèreMiguel d'Escoto Brockmann, où ilest déclaréque
leGouvernement du Nicaragua n'afourni ni armes ni autres matériels
militairesauxgroupes combattant leGouvernement d'El Salvador, et
qu'il n'a fait bénéficier cesgroupes et leurs membres d'aucun appui
financier, entraînement ou accès à des moyens d'entraînement.

134. Il y a lieu de mentionner également la déposition de l'un des
témoins citéspar le Nicaragua. M. David MacMichael (paragraphe 99
ci-dessus) a indiqué à la Cour qu'ilavait étéemployé àplein temps de mars
1981 à avril 1983 par la CIA, où il se consacrait surtout aux affaires ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 74

interaméricaines. Au cours de son interrogatoire par un conseil du Nica-
ragua. ila déclaréce qui suit :

(Que.~tion :/ A votre avis, si le Gouvernement du Nicaragua
avait envoyé des armes aux rebelles d'El Salvador. aurait-il pu le
faire à l'insu des moyens de renseignements des Etats-Unis ?

[Réponse:] De façon importante pendant toute cette période.je
ne le crois pas.
Q. : Et le fait est que ces services n'ont détectéaucune livrais011

pendant la duréede vos fonctions a la Central Intelligeiice Agency ?
R. : Non.

Q. : A votre avis. si de grosses quantités d'armes avaient été en-
voyéesdu territoire du Nicaragua aux rebelles d'El Salvador - que
ce soit ou non au su ou avec l'approbation du gouvernement - ces
livraisons auraient-elles pu passer inaperçues des services de rensei-
gnements des Etats-Unis ?

R. : En quantités importantes et pendant un laps de temps raison-
nable. non. je ne crois pas.

Q. : Et en fait. aucune livraison n'a été détectép eendant que vous
travailliez pour la CIA ?
R. : Non.

Q. : Monsieur MacMichael. nous avons jusqu'ici parlé de la pé-
riode pendant laquelle vous avez étéemployé a la CIA - du 6 mars
1981au 3avril 1983.Maintenant. indépendamment de toute limite de
temps : avez-vous vu à un moment quelconque des preuves quel-
conques de l'envoi d'armes aux rebelles salvadoriens à partir du

Nicaragua ?
R. : Oui. j'en ai vu.
Q. : Quand ?

R. : De fin 1980 au tout début de 198 1.))

M. MacMichael ayant alorsindiqué ses sources. l'interrogatoire s'est ainsi
poursuivi :

(((Question :j Cela prouve-t-il que le Gouvernement du Nicara-
gua ait étéimpliqué pendant cette période?

(Réponse :/ Non. mais je ne pourrais pas l'exclure.

135. Après l'interrogatoire du témoin par le conseil du Nicaragua.
M. MacMichael a été questionnédu siège. et a fait à cette occasion les
déclarations suivantes (entre autres) :

[Question :j Dans ces conditions. si le Gouvernement du Nica-

ragua avait expédiédes armes au Salvador avant mars 198 1.par
exemple en 1980et au début de 1981.afin d'équiper la grande offen- sive dejanvier des insurgésau Salvador, vous ne seriez pas en mesure

de le savoir ; est-ce exact ?
[Rkponse :] Monsieur le Juge, je crois avoir déclaréqu'à cette
époquej'ai examinéla documentation la plus récenterelative aux ren-

seignements pour cette période et j'ai dit aujourd'hui qu'il y avait
des élémentsde preuve sérieux et que, de la faqon dont je vois les
choses. je ne pouvais pas considérer comme exclue une participation
du Gouvernement du Nicaragua pendant cette période.

Q. :Considéreriez-vous une telle participation comme établie?
R. :Je préfèrem'en tenir à ma réponse, à savoir que je ne pou-
vais la considérer comme exclue. Pour vous répondre avec aussi

peu de détours que possible, je serais plutôt porté à la considérer
comme acquise que comme exclue.

Q. : Si je comprends bien, monsieur MacMichael, vous pensez

que l'on peut considérer commeun fait qu'au moins à la fin de 1980
et audébutde 1981leGouvernement nicaraguayen étaitimpliquédans
l'expédition d'armes aux insurgés d'El Salvador. Est-ce làla conclu-
sion que je peux tirer de vos remarques ?

R. :Cela me gênebeaucoup que vous ayez l'air de m'arracher cela
comme un clou d'une poutre mais, en effet, c'est bien mon opi-
nion. 1)

Bref, laCour note que la dépositiond'un témoincitépar leNicaragua pour

réfuter l'allégation des Etats-Unis suivant laquelle le Gouvernement du
Nicaragua livrait desarmes àl'opposition arméeau Salvador n'a contredit
que partiellement cette allégation.

136. Une certaine confirmation de la situation qui existait en 1981 est

fournie par un document interne du Gouvernement du Nicaragua, com-
muniqué B la suite d'une demande de la Cour, et consistant dans le compte
rendu d'un entretien qui a eu lieu à Managua le 12 août 1981 entre le
commandant Ortega, coordonnateur de la junte du Gouvernement du
Nicaragua. et M. Enders, secrétaired'Etat adjoint aux affaires interamé-

ricaines du Gouvernement des Etats-Unis. 11ressort de ce compte rendu
que la question du mouvementcontinu d'o armes, de munitions et d'autres
formes d'aide militaire au Salvador )>a étésoulevéepar M. Enders qui y
voyait l'un des <(principaux problèmes )>(problemas principales). A un
certain moment. M. Enders aurait déclaré:

En ce qui vous concerne, vous pourriez prendre les mesures qui

s'imposent pour que le flux d'armes vers El Salvador s'arrêteà nou-
veau, comme en mars de cette année. Nous ne prétendons pas nous
mêlerde savoir commentet avec qui cet objectif doitêtreréalisém , ais
nous nous réservons de suivre de près les résultats. ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 76

Plus loin, on trouve I'échangesuivant :
[Orfega :]Pourcequiestdu flux d'armes vers ElSalvador, ilfaut
préciserque. dans la mesure où nousenavons euconnaissance par vos
rapports, nous avons tentéde l'arrêter ;j'ajouterai cependant qu'il

existe ici une forte volontéde collaboration avec le peuple salvado-
rien. y compris parmi les membres de nos forces armées,mais que
notre gouvernement etla direction nationaleont décidé de ne pas per-
mettre ce type d'activités.Nous vous demanderons de nous commu-
niquer des rapports sur ce flux d'armes pour nous aider à l'empêcher.
[Enders :]Vous y êtes déjà parvenusdans le passéet je crois que

vous pourrez le faire encore ; nous ne sommes pas à mêmede vous
communiquer des rapports des services de renseignements car nous
compromettrions nos sources et nos relations n'ont pasencoreatteint
un niveau suffisant pour permettre l'échangede tels rapports.

137. A propos de la question, soulevéedans cet échange,de la situation
telle que la dépeignaientles servicesde renseignements des Etats-Unis, on
peut lire ce qui suit dans le rapport de la commission du renseignement
daté du 13 mai 1983(paragraphes 95 et 109ci-dessus) :
La commission a examinérégulièrementune volumineuse docu-

mentation sur l'appui nicaraguayen et cubain aux insurrections gau-
chistes. depuis la victoire des sandinistes au Nicaragua en 1979. ))
La commission poursuivait en ces termes :

<A la date de dépôt du présentrapport, la commission est d'avis
que lesrenseignements dont elledisposeconfirment de façon certaine
lesjugements exprimés ci-après :
Une portion majeure des armes et autres matériels envoyéspar

Cuba et d'autres payscommunistes auxinsurgéssalvadorienstransite
par le Nicaragua avec l'accord et l'assistance des sandinistes.
Les insurgéssalvadoriens disposent de certains emplacements au
Nicaragua, quelques-uns à Managua même, qu'ilspeuvent utiliser
pour leurs besoins de communications, de commandement et de
contrôle, et ilsbénéficientdes moyens logistiques de poursuivre leurs
activitésen matière de finance. de fourniture de matérielet de pro-
pagande.
Le commandement sandiniste autorise et facilite directement tout

cela.
LeNicaragua procure toutes sortes d'autres modalitésde soutien,y
compris le passage en toute sécuritéd'insurgésa destination et en
provenance de Cuba, et I'assistance aux insurgésdans la préparation
de leurs actions au Salvador.
LeNicaragua et Cuba fournissent enoutre - et semblent continuer
à fournir - une formation aux insurgés d'ElSalvador. ))

La Cour n'a connaissance d'aucun rapport analogue d'un organe ayant
accès à la documentation des services de renseignements des Etats-Unis ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 77

qui porterait sur une période plus récente. Elle note cependant que. selon
une résolution adoptée le 29juillet 1985,le Congrès des Etats-Unis atten-

dait du Gouvernement du Nicaragua
<la fin du soutien sandiniste aux insurrections dans d'autres pays de
la région. y compris la cessation des fournitures militaires aux forces

rebelles qui combattent le gouvernement démocratiquement élu d'El
Salvador o.

138. Dans sa déclaration d'intervention, El Salvador assure que les
autorités officielles du Nicaragua ont publiquement admis le rôle direct
que joue leur pays dans la guerre qui nous est livrée )(par. IX). Il affirme
que le ministre des relations extérieures du Nicaragua a reconnu cet appui
lors d'une réunion des ministres des relations extérieures du groupe de

Contadora tenue en juillet 1983. Si l'on rapproche cette affirmation de
l'attestation du mêmeministreannexée au mémoiredu Nicaragua où ilnie
toute implication de son gouvernement dans la fourniture d'armes ou
d'autres approvisionnements a l'opposition salvadorienne, et puisque la
Cour n'a connaissance ni des termes exacts de l'aveu qu'ilaurait fait a la
réunionde 1983,ni de témoignagesd'autres participants à la réunion qui

corroboreraient cet aveu, ilne lui est pas possible de tenir pour probantes
les imputations figurant dans la déclaration d'intervention. De même.les
propos publics attribués par la déclaration d'intervention (par. XIII) au
commandant Ortega, relativement au (maintien du soutien aux guérille-
ros salvadoriens t)ne sauraient, mêmesi lacitation est exacte,constituer la

preuve que ce soutien (qui, sous sa forme politique, est admis par le
Gouvernement nicaraguayen) revêtmatériellement des modalitésprécises,
telles que celle de l'envoi d'armes.
139. La Cour a pris note de quatre projets de traités établis par le
Nicaragua en 1983 et proposés officiellement par lui dans le cadre des

négociations de Contadora,dont le texte a étédéposéà la Cour en même
temps que la requête nicaraguayenne. Ces traités, auxquels devaient sous-
crire <(toutes les nations désireusesde contribuer au règlement pacifique
du conflit arméactuel dans la République d'El Salvador (p. 58), com-
portaient les dispositions suivantes :

Article 1

Les Hautes Parties contractantes s'engagent às'abstenir d'offrir et,
le cas échéant, a suspendre leur assistance militaire, ainsi que toute
activitéd'entraînement et la livraison ou fourniture d'armes, de muni-
tions et de matériel militaire, soit directement aux forces en conflit,
soit indirectement par l'intermédiaire d'Etats tiers.

Article 2
Les Hautes Parties contractantes s'engagent à prendre, sur leurs

territoires respectifs, les mesures èventuellement nécessaires pour
empêchertoute livraison, tout trafic d'armes, de munitions, de maté-
riel militaire et d'assistance militaire et toute activitéd'entraînement
aux forces en conflit dans la République d'El Salvador. (P. 60.)Dans l'introduction de sa proposition le Gouvernement du Nicaragua se
déclarait prêt à conclure immédiatement un accord semblable, fût-ce avec
lesseuls Etats-Unis, (afinque legouvernement de cepays cessedejustifier
sapolitique interventionniste au Salvadoreninvoquant deprétendus actes
du Nicaragua ))(p. 58).
140. En mêmetemps que leur contre-mémoire sur la compétence et la
recevabilitéles Etats-Unis ont déposéau Greffe de la Cour diversespièces,
dont deux intéressentla question examinéeici. La premièreest une publi-

cation du département d'Etat des Etats-Unis datéedu 23 février1981et
intitulée CornrnunistInterference inEl Salvador (a Ingérencescommunistes
au Salvador ))),où sont reproduits divers documents (en espagnol avec
traduction en anglais)qui auraient fait partie de deuxjeux de documents
particulièrement importants ...pris au parti communiste d'El Salvador
(PCS) en novembre 1980et àl'arméerévolutionnairedu peuple (ERP) en
janvier 1981 o. Un résuméde ces documents figure dans une annexe au
rapport de 1983de la commission du renseignement déposépar le Nica-
ragua. La seconde pièce est un (<background paper publiépar le dépar-
tement d'Etat et par ledépartement de la défensedes Etats-Unis enjuillet

1984,sous le titre Nicaragua's Miiitary Buiid-Up and Support for Centrai
Arnerican Subversion ((Le renforcement militaire du Nicaragua et son
soutien à la subversion en Amériquecentrale O).
141. Ilestdifficile de mesurer la portéeexacte des documents reproduits
dans la premièrede cespublications, qui étaient rédigés dans un langage
mystérieux et à l'aide d'abréviations O, sans le concours d'experts des
Etats-Unis qui auraient pu êtrecités comme témoins si les Etats-Unis
avaient comparu. Par exemple il est souvent fait mention de Lagos )>ce
qui,d'après les Etats-Unis, serait le nom de code du Nicaragua ;mais sans

assistance la Cour n'est pas en mesure de dire si cette interprétation est
exacte. Cependant dans un document non datéon trouve aussi quelques
mentions précises - aucun nom de code n'y figurant - de l'aide à I'op-
position armée«qui passerait entièrement par le Nicaragua O,auxquelles
la Cour doit accorder l'attention qu'elles pourraient mériter.
142. La deuxième pièce (le background paper O) s'inspirerait de do-
cuments sandinistes, d'articles de presse et d'interviews avec des guérille-
roscapturésetdesdéserteurs ainsi que d'informations en provenancedes
services de renseignements ; aucun rapport de ces derniers services n'est

cité en raison des conséquencesque pourrait avoir la divulgation des
sources et des méthodesemployées o.Les seulespreuves matériellesqui y
figurent consistent en plusieurs photographies aériennes (déjà mention-
néesauparagraphe 88ci-dessus)et en une carte qui aurait été trouvéedans
un camp de guérillerosauSalvador,et où l'ondistingue certains itinéraires
empruntés pour les transports d'armes ; cette carte ne semble pas, en
elle-même,indiquer que les armes entraient en territoire salvadorien du
territoire nicaraguayen.
143. L'attention de la Cour a aussi étéattirée sur les mentions faites
dans la presse de diverses déclarations de diplomates, de dirigeants de

l'opposition arméeau Salvador. de transfuges de cette opposition, quiconfirmeraient que le Nicaragua étaitmêlé aux fournitures d'armes. Ainsi

que la Cour l'a expliqué,elle ne peut considérer des informations parues
dans la presse comme établissant des faits, mais estime qu'elles peuvent
contribuer dans certains cas a corroborer l'existence d'un fait particulier
(paragraphe 62 ci-dessus). Les informations en question ne seront donc
prises en considération que sous le bénéficede cette remarque.
144. Dans une interview. publiée en anglais dans le New York Times

Muguzine du 28 avril 1985 et en espagnol dans ABC, Madrid, le 12 mai
1985. de Daniel Ortega Saavedra. président de la junte du Nicaragua,
celui-ci se serait exprimé en ces termes, selon le texte espagnol :

((Hemos dicho que estamos dispuestos a sacar a los cubanos,

soviéticos y demas asesores ; a suspender todo transito por nuestro
territorio de u-vudamilitar u otru a los salvadoretïos, hajo verificacibn
internuciot~ul.Hemos dicho que Io unico que pedimos es que no nos
agredan y que Estados Unidos no arme y financie ... a las bandas
que entran a matarnos. a quernar las cosechas, y que nos obligan a
distraer enormes recursos humanos y economicos que nos hacen una

falta angustiosa para el desarrollo. 1)(<(Nous avons dit que nous
sommes disposésa faire partir lesCubains, lesSoviétiqueset les autres
conseillers ; ù suspendre sous c,ontrôleinternutional tout transit par
notre territoired'aidemilituire ouautre destinéeaux Salvadoriens. Nous
avons dit que la seule chose que nous demandions était que l'on ne

nous attaque pas et que les Etats-Unis n'arment pas et ne financent
pas ... les bandes qui entrent chez nous pour nous tuer, pour brûler
les récoltes et qui nous obligent à détourner d'énormes ressources
humaines et économiques dont nous avons le besoin le plus pressant
pour le développement. O)(Les italiques sont de la Cour.)

La Cour doit se demander s'il ressort de cet article que le chef de I'Etat
nicaraguayen aurait reconnu que son gouvernement est en mesure d'arrê-
ter le mouvement d'une assistance militaireet autre traversant le territoire
du Nicaragua àdestination d'El Salvador ; et si l'on peut déduirede cequi
précède(joint à d'autres éléments)que le Gouvernement du Nicaragua est

responsable de la fourniture ou du transit de cette assistance.

145. A l'évidence.des questions se posent au sujet de la signification des
observationsattribuées au président Ortega. dont celle de savoir ce que le
Gouvernement du Nicaragua proposait aujuste de suspendre ?D'aprèsles
élkments fournis par le Nicaragua lui-même, le président Ortega avait

offert. au cours de l'entretien du 12 août 1981. de mettre fin au trafic
d'armes si les Etats-Unis fournissaient les indications nécessaires pour
permettre au Gouvernement nicaraguayen de situer ce trafic. En fait c'est
peut-être à l'entretien du 12 août 1981 que le président Ortega faisait
référencequand il évoquait ce qui avait étédit au Gouvernement des

Etats-Unis. En tout état de cause, le Gouvernement nicaraguayen ayant
fermement niétoute complicité dans les envois d'armes au Salvador, laCour ne saurait considérer despropos de cette nature comme reconnais-
sant que ledit gouvernement se livrait en fait à des activités qu'il avait
officiellement démentiesauparavant et qu'il a continué àdémentirpubli-
quement par la suite.
146. Il a étéfait étatdurant les audiences du témoignagede transfuges
du Nicaragua ou de l'opposition arméeau Salvador : la Cour n'est saisie
d'aucun témoignagedirect de cettenature. Lesseulsélémentsdisponibles à
cet égard sont des articles de presse, dont certains étaient annexésau
contre-mémoire des Etats-Unis sur les questions de compétence et de
recevabilité. LaCour doit. avec les réservesqui conviennent, se demander
quel poids ilconvient d'attribuer à de tels éléments,où figurent des allé-
gations concernant la fourniture d'armes et l'entraînement qui aurait été

dispenséaux Salvadoriens dans une base proche de Managua. Bien qu'elle
ne soit pas disposée à écarter totalement ces informations, la Cour ne les
considère pas commeayant beaucoup de poids en elles-mêmes.Elle peut
encore moins retenir comme preuve les déclarations attribuées par la
presse a des diplomates en poste au Nicaragua, dont l'identitén'est pas
précisée, selon lesquelles leGouvernement du Nicaragua continuait à
apporter une aide a l'opposition salvadorienne.
147. Les élémentsdocumentaires et autres soumis par le Nicaragua a
propos de l'allégation relativeà la fourniture d'armes doivent êtreappré-
ciésen tenant compte du fait que, pour répondre à cette allégation, le
Nicaragua a la charge d'administrer une preuve négative. L'une des
annexes à son mémoire consiste en une attestation du 21 avril 1984 de
Miguel d'Escoto Brockmann, ministre des relations extérieures du Nica-
ragua. La Cour doit rappeler ici les observations au sujet de la valeur pro-

batoire de tels documents(paragraphes 69 et 70) que lui ont inspiréesdes
déclarationsde cegenre. Leministredes relations extérieuresaffirme dans
son attestation que les allégations desEtats-Unis selon lesquelles le Gou-
vernement du Nicaragua enverrait des armes, des munitionset du maté-
riel de transmission ainsi que des fournitures médicalesaux rebelles qui
mènent une guerre civile contre le Gouvernement d'El Salvador sont
dépourvues de fondement. Il poursuit :

((En réalité,mon gouvernement ne participe pas et n'a jamais
participé à la fourniture d'armes ou autres approvisionnements à
l'une quelconque des factions opposéesdans la guerre civile au Sal-
vador ...Depuis que mon gouvernement est arrivé au pouvoir le

19juillet 1979,sa règlede conduite a toujours étéd'empêcherque
notre temtoire soit utilisépour l'acheminement d'armes ouautre ma-
térielmilitaire destinéàd'autres gouvernements ou groupes rebelles.
A de nombreuses reprises. les forces de sécuritéde mon gouverne-
ment ont mêmeintercepté des convois clandestins d'armes. appa-
remment destinés au Salvador, et les ont confisqués. j)

Le ministre explique combien la géographie rend difficile les patrouilles
sur la frontière: La frontière du Nicaragua avec le Honduras. au nord, s'étendsur
530kilomètres. dans des régionsmontagneuses et accidentéesou dans

deszones reculées recouvertes d'une végétation trèsdense. La plupart
des secteurs frontaliers ne sont pas accessibles par véhiculeterrestre
motoriséet ilest impossible d'y organiser des patrouilles. Au sud. la
frontière du Nicaragua avec le Costa Rica est longue de 220 kilo-
mètres,dans des régionsla aussi recouvertes d'une végétationdenseet

repliées sur elles-mêmes, pratiquement interdites aux moyens de
transport terrestre. II ne nous est pas facile, a nous petit pays sous-
développédisposantde trèsfaibles ressources et dépourvude matériel
de détection moderne et perfectionné. de fermer hermétiquement nos
frontières à tout trafic clandestin et illégal.

Le ministre souligne ensuite la complication résultant de la présencedes
coritrasaussi bien à la frontière nord qu'a la frontière sud, et expose les
efforts du Nicaragua pour aboutir a des accords internationaux contrô-
lables qui permettent de mettre fin à tout trafic d'armes dans la région.
148. Avant d'aborder l'examen des élémentsde preuve avancés par le

Nicaragua lors des audiences, la Cour relèveque les mesures prises par le
Gouvernement des Etats-Unis lui-même,sur la base de ses propres ren-
seignements. ne conduisent pas à penser que la fourniture d'armes au
Salvador à partir du territoire du Nicaragua ait étécontinue au cours de la
période comprise entre juillet 1979, date d'accession au pouvoir du nou-

veau régimeà Managua, et les tout premiers mois de l'année 1981. L'at-
testation présidentielle du 12septembre 1980aux fins du Special Centrul
Americun Assistance Act de 1979. qui a étécitée au paragraphe 123 ci-
dessus, avait en effet officiellement certifié que le Gouvernement du
Nicaragua n'aidait pas et n'appuyait pas les actes de violence ou de ter-
rorisme dans d'autres pays, ni ne s'enfaisait lecomplice. et le communiqué

officiel de la Maison-Blanche du même jour insistait sur l'examenet I'éva-
luation approfondis de tous les faits pertinents portés à notre connais-
sance par les services de renseignements ainsi que par les ambassades de
notre pays dans la région qui avaient précédéla délivrance de l'attes-
tation. En revanche le rapport de 1983 de la commission du renseigne-

ment. à propos de son analyse régulièredes renseignements depuis ((la
victoire des sandinistes au Nicaragua en 1979 O,concluait que leséléments
dont elle disposait en mai 1983 confirmaient <<de façon certaine ))que
des armes et autres matérielsenvoyés ...aux insurgés salvadoriens tran-
sitent par le Nicaragua avec l'accord et l'assistance des sandinistes ))(voir
paragraphe 137 ci-dessus).

149. Durant la procédure orale. le Nicaragua a fait comparaître
M. MacMichael, dont la déposition a déjà été étudiéesousun autre angle
(paragraphes 134et 135).Ce témoin.qui étaitbien placépour juger de la
situation d'après les informations dont disposaient les Etats-Unis, a dé-
claréque les services de renseignements des Etats-Unis n'avaient décelé

aucune livraison d'armes du territoire du Nicaragua au Salvador pendant
la duréede ses fonctions (de mars 198 1 à avril 1983).Le témoin aaussi été ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 82

prié d'exprimer son opinion. eu égardàcertaines déclarations officielles et
aux nouvelles parues dans la presse. àpropos de la situation à l'époqueoù.
ayant quittéla CIA, ilavait cesséd'avoir accèsaux renseignements,mais la

Cour ne saurait guère attacher de poids à une telle expression d'opinion
(voir paragraphe 68 ci-dessus).
150. Pour formuler une appréciation sur les élémentsqui viennent
d'êtrerésumés, laCour doit aussi se demander quelle portée doit être
attribuée au contexte ou à l'arrière-plan de certaines déclarations ou de
certaines données. L'arrière-plan. c'est d'abord la similitude idéologique

de deux mouvements. le mouvement sandinisteau Nicaragua et I'opposi-
tion arméeau gouvernement en place au Salvador, ensuite, et par voie de
conséquence. l'intérêtpolitique que le Nicaragua attache à I'affaiblisse-
ment ou à la chute du gouvernement au pouvoir au Salvador, enfin la
sympathie affichée au Nicaragua, y compris dans l'armée,à l'égard de
l'opposition armée au Salvador. Lors de l'entretien du 12 août 1981 (pa-

ragraphe 136ci-dessus), par exemple, le commandant Ortega a déclaréau
représentant des Etats-Unis, M. Enders : <Nous sommes intéressésà ce
quetriomphe la guérillaau Salvador et au Guatemala >)et ilexiste ici une
forte volontéde coopération avec le peuple salvadorien ... Compte tenu
de cet arrière-plan, diverses indications qui, à elles seules, ne sauraient
constituer ni des preuves ni mêmede fortes présomptions quant a l'aide en

provenance du Nicaragua apportée à l'opposition armée au Salvador
demandent pour le moins à êtreexaminées avecsoin en partant de l'idée
qu'elles sont probablement significatives.
151. C'est de ce point de vue, par exemple, qu'un élémentde preuve
indirecteprend uneimportance toute spéciale.D'aprèslecompterendu de
l'entretien du 12 août 1981 à Managua qui a étéévoquéau paragraphe

précédent. ilapparaît que les autorités nicaraguayennes auraient immé-
diatement pris des mesures, à la requêtedes Etats-Unis, pour faire cesser
ou pour prévenir diverses formes de soutien a I'opposition armée au
Salvador. Le représentant des Etats-Unis aurait fait mention des mesures
prises par leGouvernement du Nicaragua en mars 198 1pour arrêterleflux
d'armes vers ElSalvador et cette déclaration n'a pas étécontredite. D'après

un article paru dans le New York Times (le 17 septembre 1985), le com-
mandant Ortega aurait déclaréque vers cette époque des mesures avaient
étéadoptées pour qu'un terrain d'atterrissage situé au Nicaragua ne soit
plus utilisé pour ce genre d'activité. Il y a là, de l'avis de la Cour, une
reconnaissance de certains faits. tels que I'existence d'une piste d'atterris-
sage destinée à accueillir de petits appareils, vraisemblablement pour le
transport d'armes, avec pour destinationprobable El Salvador, mêmesi la

Cour n'apas la preuveconcrète de tels transports. L'empressement mis par
les autorités du Nicaragua à fermer cette voie constitue un indice sérieux
que celle-ci servait effectivement. ou avait servi, à un tel usage.
152. Bref, la Cour conclut que le soutien à l'opposition armée au Sal-
vador à partir du territoire nicaraguayen a effectivement existéjusqu'aux
premiers mois de 1981. Sans avoir confirmation absolue de l'existence de

I'aide,de sa nature exacte, de son iniportance et de sa continuitéjusqu'auxpremiers mois de 1981, la Cour ne peut cependant ignorer un certain
nombre d'indices concordants, dont beaucoup ont étéfournis au surplus

par le Nicaragua lui-même.et dont elle peut raisonnablement inférer la
matérialité d'une certaine aide arrivant du territoire du Nicaragua. La
Cour a déjà précisé(paragraphes 64. 69 et 70) la mesure exacte dans
laquelle elle entendaitprendre encompte. sur leplan de la preuve des faits.
les déclarations de membres du gouvernement des Etats intéressés et
"
notamment du Nicaragua. Elle ne reviendra pas sur ce point.
153. Après les tout premiers mois de 1981. les preuves d'une aide mili-
taire venant du Nicaragua ou transitant par son territoire demeurent fort
minces. et ce malgréla mise en Œuvrepar les Etats-Unis dans la régiondes
moyens techniques considérables de surveillance. de contrôle et d'inter-

ception du trafic aérien, maritime et terrestre décrits par M. MacMichael,
et la mobilisation par eux de sources diverses de renseignements et d'in-
formations. dans un contexte politique où. de surcroît. la surveillance du
Nicaragua avait étédéclaréeet reconnue par eux d'une <<haute priorité o.
La Cour ne peut pas conclure pour autant à l'inexistence de tout trafic

transfrontalier d'armes. encore qu'il ne paraisse pas hautement déraison-
nable de penser qu'un trafic de cette nature. s'ilavait étécontinu et d'une
importance appréciable. eût dû être inévitablementdécelé,en raison de
l'ampleur des moyens déployésà cette fin. La Cour se borne à constater
que les accusations de trafic d'armes ne sont pas solidement établies et ne
lui ont pas permis en tout cas de parvenir à la conviction qu'un flux

permanent et d'une certaine ampleur ait pu exister après les tout premiers
mois de l'année 1981.
154. A cet égard, ila été soutenudans la déclaration d'intervention d'El
Salvador qu'il y avait un flot constant d'armes, de munitions. de médi-
caments et de vêtementsvenant du Nicaragua 1)(par. VIII).et El Salvador

a en outre fait état de ((l'existence de voies d'infiltration terrestres entre
le Nicaragua et El Salvador ))A supposer que des preuves eussent existé,
on ne comprendrait pas qu'El Salvador. pleinement au fait de ces envois
d'armes et de leurs itinéraires. n'ait pu lui-mêmeouavec l'aide des Etats-
UII~Sq . ui ont mis en muvre de puissants moyens, mettre un terme à un tel

trafic.IIne fait aucun douteque les Etats-Unis et El Salvadordéploient des
efforts considérables pour empêchertoute infiltration d'armes et toute
forme de soutien à l'opposition armée au Salvador qui proviendrait du
Nicaragua. A la connaissance de la Cour ils n'ont cependant pas réussi
à décelerni à interrompre ces infiltrations et ces diverses formes de sou-

tien. La Cour ne peut. dès lors, interpréter l'absence de preuve quant
à ce flux d'armes transfrontalier que de l'une des deux manières sui-
vantes :ou bien ce trafic existe mais iln'est ni aussi fréquent ni aussi
considérable que l'affirme 1'Etatdéfendeur ;ou bien cetrafic peut sepour-
suivre à l'insu et contre la volonté d'un gouvernement qui souhaiterait
plutôt l'interrompre. Si cette dernière conclusion est un tant soit peu

valable à l'égardd'El Salvador et des Etats-Unis. elle doit l'être au moins
autant à l'égarddu Nicaragua.
155. En second lieu, à supposer même effectivementétabliel'existenced'une aide militaire à l'opposition armée au Salvador en provenance du
territoire du Nicaragua. ilfaudrait encore prouver que cette aide est
imputable aux autorités de ce dernier pays. L'Etat demandeur n'a en effet

nullement caché que des armes à destination de l'opposition armée au
Salvador ont pu transiter par sonpropre territoire. mais ilnie que ce soit le
résultatd'une politique gouvernementale délibéréede sa part. Ainsi que la
Cour l'a dit en 1949 :

(on ne saurait conclure du seul contrôle exercépar un Etat sur son
territoire terrestre ou sur ses eaux territoriales que cet Etat a néces-
sairement connu ou dû connaître tout fait illicite internationalqui y a
été perpétrénon plus qu'il a nécessairement connu ou dû connaître ses

auteurs. En soi. et indépendamment d'autres circonstances, ce fait ne
justifie ni responsabilitéprima hie ni déplacement dans lefardeau de
la preuve. ))(Détroitde Corfou, C.I.J. Recueil 1949, p. 18.)

II ne faut pas perdre de vue qu'une forte volonté de collaboration et
d'entraide existerait, affirme-t-on, entre d'importants élémentsdespopu-
lations salvadorienne et nicaraguayenne, en particulier parmi certains
membres des forces arméesdu Nicaragua. La Cour voit d'autant moins de
raisons d'écarter ces considérations que tout d'abord El Salvador recon-

naît lui-mkme l'existence de (contrebandiers de tradition (déclaration,
par. VIII. H) opérant dans la régioncôtière, qu'ensuite le Nicaragua est
accusémoins de livrer lui-mêmedesarmes que de laisser transiter celles-ci
par son territoire, et qu'enfin le compte rendu de l'entretien du 12 août
1981 viséau paragraphe 136 ci-dessus apporte la preuve d'une certaine
coopération entre les Etats-Unis et le Nicaragua aux fins d'enrayer ces

transports d'armes. Il ne semble pas avoir dépendu exclusivement du
Gouvernement du Nicaragua qu'une telle coopération se poursuive. En
effet leGouvernement des Etats-Unis, qui a de nouveau fait étaten 1981de
ce trafic auprès de celui du Nicaragua. s'est refusé cette fois-là, et con-
trairement aux fois précédentes,à fournir aux autorités nicaraguayennes

les informations et précisions nécessairesqui leur auraient permis d'y
mettre un terme. Le Gouvernement des Etats-Unis ayant justifié son
refus en invoquant le risque qu'il ferait courir à ses sources d'informa-
tion, la Cour n'est pas en mesure d'apprécier I'existence et la valeur des
moyens de preuve que les Etats-Unis ont déclarédétenir et qu'ils n'ont
pas révélés.

156. La Cour note au passage que, si ces preuves existaient réellement,
on pourrait penser que les Etats-Unis les auraient mises à profit pour
prévenirou enrayer le trafic.constaté ;ils auraientpu par exemple prendre
des dispositions pour que de fortes patrouilles soient déployées au Salva-
dor et au Honduras le long de leurs frontières respectives avec le Nicara-
gua. II est difficile d'accepter l'idée qu'ilsauraient continué de mener des

activités militaires et paramilitaires contre le Nicaragua si celles-ci
n'avaient. comme ils le soutiennent, d'autre objet que de riposter en
exerçant le droit de légitimedéfensecollective. Si au contraire ces preuves
n'existent pas, cela signifie, comme l'a relevéla Cour. que le traficd'armes ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 85

est assez insignifiantet occasionnel pour échapper aux moyens techniques
perfectionnés mis en Œuvre pour sa détection, et qu'a fortiori il pourrait
s'êtreeffectué aussi à l'insu du <;ouvernement du Nicaragua. comme
celui-ci le maintient. Ces deux conclusions se soutiennent mutuelle-

ment.
157. La Cour aurait alors. dans cedernier cas. un autre motif de prendre
en considération l'affirmation du Nicaragua. IIest en effet clair que si le
flux d'armes aboutit effectivement nu Salvadorsans que ni le Honduras, ni
El Salvador. ni les Etats-Unis ne parviennent à l'empêcher, ilparaîtrait
déraisonnable d'exiger du Gouvernement du Nicaragua une diligence

supérieure i celles. conjuguées. des trois autres Etats. En particulier le
reproche fait au Nicaragua de laisser transiter des transports d'armes
équivautpour El Salvador àreconnaîtreson incapacitéàenrayer ce flux, ce
qui est rcvélateur de la difficultéqii'éprouverait tout gouvernement. celui
du Nicaragua compris. confronté àce trafic d'armes :sa volontéd'ymettre
un terme n'aurait guèrede chances de succès. Plus encore, la mêmeaccu-

sation articulée contre le Nicaragua signifierait aussi. dans la mesure où
cette aide réussirait à transiter cette fois par le Honduras, que ce dernier
pays. qui n'est pas suspect de vouloir aider l'opposition arméeau Salvador,
administre involontairement la preuve qu'il n'est nullement certain que le
Nicaragua puisse, mieux que le Honduras, s'opposer à ce transport clan-
destin. Les moyens des gouvernements de la région étant sensiblement

comparables. les difficultésdues à la géographie et les particularités pro-
pres à tout traficclandestin d'armes montrent tout simplement que celui-ci
peut se poursuivre sans que les autorités gouvernementales en soient
complices et alors mêmequ'elles cherchent à I'arrêter.Enfin, s'il est vrai
que l'ampleur exceptionnelle des moyens mis en Œuvre par les Etats-Unis
n'a nullement empêchéce trafic d'alimenter la guérillasalvadorienne. cela

implique encore plus nettement I'irnpuissance dans laquelle se trouverait
le Nicaragua, qui dispose de moyens bien plus faibles pour maîtriser ce
trafic si celui-ci emprunte son territoire et que les autorités essaient de
l'arrêter.
158. En s'entenant uniquement aux Etats de la régionqui sont concer-
nés.la Cour considère en conséquence qu'il est malaiséde tenir le Nica-

ragua pour automatiquement responsable d'un trafic d'armes qui se
déroulerait sur son territoire en partant de l'hypothèse inverse à propos
d'un trafic semblable dans lecas de sesvoisins. Eu égardaux circonstances
qui caractérisent cette partie de 1'.4mériquecentrale, la Cour considère
plus réalisteet conforme à la vraisemblance d'admettre qu'une activitéde
cette nature. pour autant qu'elle soit d'une ampleur limitée.peut parfai-

tement se dérouler à l'insu du gouvernement territorial.
159. 11peut êtreobjectéà cela que les autorités du Nicaragua auraient.
dans diversesdéclarations, affirmé que l'aide militaire àl'opposition armée
au Salvador faisait partie de leur politique gouvernementale. La Cour a
déjà indiqué qu'elle ne peut pas en généralaccueillir des allégations de
cette nature qui ne sont pas étayées par des preuves suffisantes. Dans le

compte rendu des entretiensdiplomatiques du 12 août 1981à Managua. lecommandant Ortega n'anullement promis de cesser letraficd'armes, mais
au contraire iladéclaréd'une partque le Nicaragua avait pris des mesures
immédiatespour y mettre fin dès lors que des informations préciseslui
avaient étécommuniquées, et exprimé d'autre part son incapacité à
prendre des mesures analogues si des informations appropriées pour
situer ce trafic n'étaientpas fournies au Nicaragua. La Cour constate
en outre qu'en soumettant en 1983quatre projets de traités (citésau para-
graphe 139 ci-dessus) dans le cadre des consultations de Contadora le
Nicaragua n'a pas admis avoir aidéI'opposition arméeau Salvador ; les
traités en question disposent seulement pour l'avenir dans le contexte
du système interaméricain, oùl'aide d'un Etat à I'opposition armée d'un

autre est interdite.
160. Vu les considérations qui précèdent,la Cour tient pour établi
qu'entre juillet 1979,date de la chute du régimede Somoza, et les tout
premiers mois de 1981, un flux intermittent d'armes destinées àI'opposi-
tion arméeauSalvadortraversait leterritoire du Nicaragua. Par contre elle
ne dispose pas d'élémentssuffisants pour pouvoir conclure avec certitude
que,depuis les premiers mois de 1981,I'opposition arméeau Salvador ait
continué à recevoir,du territoire du Nicaragua, une assistanceappréciable.
ou mêmeque leGouvernement du Nicaragua soit, pour l'uneou l'autre de
ces périodes, responsable des envois d'armes.

161. La Couren vient donc à l'accusation suivant laquelle le Nicaragua
aurait étéresponsable d'attaques militaires transfrontières contre le Hon-

duras et le Costa Rica. Les Etats-Unis ont joint leur contre-mémoire sur
la compétenceentre autres un document intitulé Résumé des agressions
sandinistes en territoire hondurien en 1982o.rendu public le23août 1982
par le service de presse et d'information du ministère des relations exté-
rieures du Honduras. Ce document énumère trente-cinq incidents qui se
seraient accompagnés de violations du territoire, des eaux territoriales ou
de l'espace aériendu Honduras, ainsi que diverses attaques et actes de
harcèlement de la population ou de patrouilles honduriennes, dans la
période du30janvier au 21 août 1982.On trouve également en annexeau
contre-mémoiredes copies de notes diplomatiques adresséespar le Hon-
duras auNicaraguapour protester contre d'autres incidentsqui seseraient
produits enjuin-juillet 1983et enjuillet 1984.La Cour ignore si leNica-
ragua a répondu à ces communications et, dans l'affirmative, en quels
termes.
162. Dans le cas du Costa Rica, les Etats-Unis ont produit le texte de

notes diplomatiques de protestation adresséespar le Costa Rica au Nica-
ragua au sujet d'incidents survenusen septembre 1983,février1984et avril
1984,ainsi que celui d'une note du Costa Rica aux ministres des relations
extérieuresde Colombie, du Mexique, du Panama et du Venezuela.relative
à un incident du 29 avril 1984 et sollicitant l'envoi d'une mission d'ob-servateurs. Là encore, la Cour ne dispose d'aucune information sur la
manière dont, à l'époque,le Nicaragua a réagià ces allégations ; ilsem-
blerait, d'après desinformations parues dans la presse, que la question ait
étérégléeà l'amiable par la suite.

163. Ainsi que la Cour l'a déjà signalé (paragraphes 130 et 131 ci-
dessus), les deux Parties ont surtout traité de la question de l'aide fournie
par le Gouvernement du Nicaragua à I'opposition arméeau Salvador, celle
de l'agression contre le Honduras et leCosta Rica restant quelque peu dans
l'ombre. Mais la thèsesuivantlaquelle cette agressionjustifierait I'exercice.
par les Etats-Unis, du droit de Iégitimedéfensecollective, n'en reste pas

moins un élémentdu dossier ; et la Cour doit constater que durant
l'instance leNicaragua n'apas saisil'occasion qui lui étaitofferte de réfuter
expressément les accusations relatives aux attaques militaires transfron-
tières auxquelles il se serait livrécontre le territoire de ces deux Etats. A
l'ouverture des audiences de 1984 sur les questions de compétence et de
recevabilité. l'agent du Nicaragua avait évoquéles <prétendues attaques

arméesdu Nicaragua contre ses voisins ))pour réitérerses dénégations
devant ces accusations dont, de toute manière, ilserait traité amplement
dans la phase de l'instance consacrée au fond o. Or, la déclaration du
ministre des relationsextérieures du Nicaragua annexée au mémoiresur le
fond déposé le 30 avril 1985, si elle rejette l'accusation de soutien à
I'opposition armée au Salvador, ne fait aucune mention des incidents

frontaliers qui se seraient produits avec le Honduras et le Costa Rica.
164. Cela étant,et bien qu'elle ne soit pas aussi parfaitement informéeà
ce sujet qu'elle pourrait le désirer, la Cour tient donc pour établi que
certaines incursions militaires transfrontières dans le territoire du Hon-
duras et du Costa Rica sont en fait imputables au Gouvernement du
Nicaragua. La Cour n'ignore pas que la FDN opèresur la frontière entre le

Nicaragua et le Honduras, et I'ARDE sur la frontière costa-ricienne.

165. Les Etats-Unis affirmant avoir agi dans l'exercice du droit de
Iégitimedéfense collective pour protéger El Salvador, le Honduras et le

Costa Rica, la Cour doit aussi examiner les éléments quipermettraient
d'établirsices Etats,ou l'un d'entre eux. ont sollicitécette protection. Dans
leur contre-mémoire sur la compétenceet la recevabilité,les Etats-Unis ont
informé la Cour de ce que

El Salvador, le Honduras et le Costa Rica ont chacun fait appel à
l'aide extérieure.principalement des Etats-Unis, au titre de la Iégitime
défensecontre l'agression nicaraguayenne. En vertu du droit naturel
de Iégitimedéfense, individuelle ou collective, et conformément aux
dispositions du traitéinteraméricain d'assistance mutuelle, les Etats-

Unis ont donné suite à ces demandes.
Aucune indication n'est cependant donnée quant aux dates auxquelles ces
demandes d'aide auraient étéformulées.Dans la déclaration sous sermentde M. Shultz, secrétaire d'Etat, datée du 14 août 1984 et annexée au
contre-mémoire sur la compétence et la recevabilité, il est dit que les

Etats-Unis agissent conformément aux dispositions de la Charte des
Nations Unies dans l'exercice du droit naturel de légitime défense, mais
aucune mention n'est faite d'une demande d'assistance des trois Etats
cités.Dans sadéclarationd'intervention en laprésente instance,en date du
15 août 1984, El Salvador s'exprime ainsi :

placés devant [l']agression [nicaraguayenne]. nous nous sommes
trouvés obligésde nous défendre, mais, nos moyens économiqueset
militaires n'étant pas suffisants pour faire face à un appareil inter-
national qui dispose de ressources illimitées,nous avons cherché un
appui et une assistance à l'étranger. L'article51 de la Charte des
Nations Unies nous donne le droit naturel et inhérent deprendre des
mesures individuelles et collectives de légitime défense. C'esten son-
geant à cela que le président Duarte, pendant sa récente visite aux
Etats-Unis et lorsde sesentretiens avecdesmembres du Congrèsdece
pays, a réaffirmél'importance, pour notre défense,de l'assistance des

Etats-Unis et des nations démocratiques. ))(Par. XII.)
Là encore. aucune date n'est mentionnée. mais ladéclaration~oursuit en
ces termes : Cela avait égalementété affirmé par lajunte go;vernemen-
tale révolutionnaireet par le gouvernement du président Magaiïa O,c'est-
à-dire entre octobre 1979 et décembre 1980 et entre avril 1982 et juin

1984.
166. La Cour relèvecependant que, d'aprèsle compte rendu fourni par
l'agent du Nicaragua de l'entretien du 12 août 1981 entre le président
Ortega du Nicaragua et M. Enders, ce dernier aurait évoquéles mesures
que pourraient prendre les Etats-Unis

(([si]lacourse aux armements enAmériquecentrale sedéveloppe àun
point tel que certains des pays de la région [c'est-à-diredes pays
voisins du Nicaragua] nous invitent à les protéger au titre du traité
interaméricain [d'assistance mutuelle] )>,

ce qui pourrait laisser entendre qu'aucune demande de cet ordre n'avait
encore été présentée.Certes lecompte rendu a été établi unilatéralement et
l'onne saurait présumerqu'ilsoit exact et opposable aux Etats-Unis. Mais
en l'absence de preuves directes d'une demande d'assistance formelle que
l'undes trois Etats aurait adressée àces derniers, la Cour considèreque ce
document n'est pas entièrement dénuéd'importance.

167. Certains faits survenus au moment de la chute du régimedu pré-

sident Somoza doivent êtreensuite rappelés,car ils ont étéinvoquéspour
démontrer que l'actuel Gouvernement du Nicaragua viole certaines assu-
rances données en 1979par son prédécesseurimmédiat,le gouvernementde reconstruction nationale. D'après les documents que le Nicaragua a
communiqués a la Cour àla demande de celle-ci, le déroulement paraît en
avoirétélesuivant. Le 23 juin 1979ladix-septièmeréunion de consultation
des ministres des relations extérieures de l'organisation des Etats améri-

cains a adopté à la majorité. le représentant du gouvernement Somoza.
entre autres. se prononqant contre. une résolution sur la question du
Nicaragua, où elle déclarait <(qu'il appartient exclusivement au peuple
nicaraguayen de résoudre ce grave problème et :

<(Qu'à son avis cette solution doit reposer sur les bases suivantes :

1. Remplacement immédiat et définitif du régimede Somoza ;
2. Installation au Nicaragua d'un gouvernement démocratique

dont la composition comprenne les principaux groupes représentatifs
de l'opposition au régimede Somoza, et[qui] soit librement choisi par
le peuple nicaraguayen ;
3. Garantie du respect des droits de I'homme de tous les Nicara-

guayens sans exception ;
4. Organisation dans les plus brefs délaisd'élections librescondui-
sant à l'installation d'un gouvernement authentiquement démocra-
tique qui garantisse la paix. la liberté et la justice.

Le 12juillet 1979 les cinq membres de la cjunte gouvernementale de
reconstruction nationale du Nicaragua )) ont envoyé du Costa Rica au

secrétaire généralde l'organisation des Etats américains un télégramme
par lequel ils lui communiquaient le plan pour la paix de la junte gou-
vernementale de reconstruction nationale du Nicaragua 1)Ils précisaient
que le plan procédait de la résolution de la dix-septième réunion de

consultation et qu'ils entendaient, ii cette occasion. <(ratifieri>(rutificur)
certains des objectifs qui avaient inspiré leur gouvernement D. Il s'agis-
sait tout d'abord de

<notre ferme intention de faire pleinement respecter les droits de
l'homme dans notre pays, conformément à la déclaration universelle
des droits de I'homme des Nations Unies et à la charte des droits de

l'homme de l'organisation des Etats américains 1).
La commission interaméricaine desdroits de I'homme étaitinvitéeà visi-

ter notre pays dèsque nous serions installéssur le territoire national o.Un
autre objectif était constitué par

cun plan en vue d'organiser les premières élections libres dans notre
pays depuis le début de ce siècle, de façon que les Nicaraguayens
puissent élire leurs représentants aux conseils municipaux et à l'as-
semblée constituante et. plus tard, les autorités suprêmes du

pays o.Le plan pour la paix prévoyait que. dès son installation, le gouverne-

ment de reconstruction nationale promulguerait une loi fondamentale,
adopterait une loi organique et mettrait en Œuvre le programme du gou-
vernement de reconstruction nationale. Le texte des projets correspon-
dants était joint au plan ;ils ont été promulguésles 20 juillet et 21 août
1979.

168. A ce propos la Cour note que. depuis qu'il annonçait en ces termes
ses objectifs en 1979, le Gouvernement du Nicaragua a en fait ratifié
plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de I'homme. La
commission interaméricaine desdroits de I'homme a visité le Nicaragua à
l'invitation de son gouvernement et rédigédeux rapports (OEA/Ser.L/

V/ 11.53 et 62). L'étatd'urgence a étédéclarépar le Gouvernement du
Nicaragua (et notifiéau Secrétairegénéralde l'organisation des Nations
Unies) en juillet 1979, et redéclaré ou prorogéà diverses reprises par la
suite. Le 4 novembre 1984.des élections présidentielles et législativesont
eu lieu enprésenced'observateurs étrangers ;sept partis politiques ont pris
part a ces élections ; trois autres, mécontents des conditions dans les-

quelles elles se déroulaient, se sont abstenus de le faire.
169. Les vues des Etats-Unis sur l'effet juridique des événementsqui
viennent d'être rappelés sont expriméespar exemple dans un rapport
présentéau Congrès par le président Reagan le 10avril 1985, au sujet du
financement des contras. Il étaitdit dans ce rapport que l'un des change-

ments que les Etats-Unis cherchaient à obtenir du Gouvernement du
Nicaragua était que celui-ci

<(donne suite à l'engagement contracté par les sandinistes devant
l'organisation des Etats américains au sujet du pluralisme politique,
du respect des droits de I'homme, d'élections libres, du non-aligne-
ment et d'un régimed'économie mixte o.

Un exposépluscomplet de cesvues figure dansune conclusion officielle du
Congrès, datée du 29 juillet 1985, dont on trouvera la traduction ci-

après :

A) le gouvernement de reconstruction nationale du Nicaragua a
accepté formellement la résolution du 23juin 1979pour élaborer sur
sa base son plan pour la paix )) destiné à résoudre le conflit au
Nicaragua. plan qu'il a transmis àl'organisation desEtats américains
le 12juillet 1979 ;
B) le remplacement du régimede Somoza et l'installation du gou-

vernement de reconstruction nationale du Nicaragua découlaient
formellement de la résolution du 23juin 1979 et de son acceptation
par le gouvernement de reconstruction nationale du Nicaragua ;
C) le gouvernement de reconstruction nationale, appelé au-
jourd'hui Gouvernement du Nicaragua et contrôlé par le front san-
diniste (FSLN), a agi en violation flagrante des dispositions de la

résolution du 23juin 1979,des droits du peuple nicaraguayen et de la
sécuritédes pays de la région, dans la mesure où : i) ila écartéde la vie politique les membres démocrates du gou-
-
vernement de reconstruction nationale ;
ii) ce n'est pas un gouvernement élulibrement, dans de>conditions
garantissant la libertéde la presse, de réunion et d'organisation,
et sesvoisins - le Costa Rica, le Honduras et El Salvador - ne le
considèrent pas comme tel ;

iii) il a pris des mesures significatives en vue de mettre en place une
dictature communiste totalitaire, en particulier en créant des
comités de vigilance du FSLN dans les quartiers et en promul-
guant des lois qui violent les droits de l'homme et étendent
abusivement les pouvoirs de l'exécutif ;

iv) ila commis contre ses citoyens des atrocitésdont témoignent des
rapports de la commissioninteraméricaine des droits del'homme
de l'organisation des Etats américains ;
v) il s'est alignésur l'Union soviétique et ses alliés,notamment la
République démocratique allemande, la Bulgarie, la Libye et

l'organisation de libération de la Palestine ;
vi) ils'est livrépar la subversion armée a une agression contre ses
voisins, à laquelle ilrefuse de mettre fin, en violation de la Charte
des Nations Unies. de la charte de l'organisation des Etats amé-

ricains, du traité interaméricain d'assistance mutuelle et de la
déclaration sur l'inadmissibilitéde l'intervention dans lesaffaires
intérieures des Etats et la protection de leur indépendance et de
leur souveraineté, adoptée par l'Assembléegénéraledes Nations
Unies en 1965 ; et

vii) ils'est doté d'une armée dépassant de beaucoup les nécessités
immédiates de la légitime défense en sacrifiant les besoins du
peuple nicaraguayen - ce qui inspire de vives inquiétudes aux
pays de la région. ))

170. Le Congrès relèveensuite dans sa conclusion que le Costa Rica, El
Salvador et le Honduras se sont déclarés convaincus que

<<leur paix et leur liberté ne seront pas assurées aussilongtemps que le

Gouvernement du Nicaragua tiendra à l'écartdu pouvoir la plupart
des dirigeants politiques du Nicaragua et qu'il serasoumisau contrôle
d'un petit parti sectaire, au méprisde la volonté de la majorité des
Nicaraguayens O,

et ajoute

les Etats-Unis. vu le rôlequ'ils ontjoué dans l'installation de l'actuel
gouvernement du Nicaragua, ont une responsabilité particulière en ce
qui concerne le respect des engagements que ce gouvernement a pris

en 1979, notamment envers ceux qui ont combattu Somoza pour
instaurer la démocratie au Nicaragua avec l'appui des Etats-Unis o.

Au sujet du <règlement du conflit D, il est précisénotamment que le
Congrès ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 92

appuie la résistance démocratique nicaraguayenne dans ses efforts
pour réglerle conflit nicaraguayen par des moyens pacifiques et pour
obtenir du Gouvernement du Nicaragua qu'il honore sesengagements
solennels envers le peuple nicaraguayen. les Etats-Unis et l'organi-

sation des Etats américains D.
D'aprèsles transcriptions de discours et de conférencesde presse remises à

la Cour par le Nicaragua. il est évident que la résolution du Congrès
exprime des vues partagées par le président des Etats-Unis. qui est cons-
titutionnellement responsable de la politique étrangèrede cet Etat.
171. La question de savoir si leGouvernement des Etats-Unis invoque

les violations. énumérées au paragraphe 169.de la résolution de 1979 de
l'organisation des Etats américains qu'aurait commises le Gouvernement
du Nicaragua commedes justificationsjuridiques de son comportement à
l'égard de ce dernier ou comme de simples arguments politiques sera
examinée plus loin. Ilfaut cependant noter que le texte de la résolution

établit un lien très net entre le soutien apporté aux contras et ce que les
Etats-Unis considèrent comme la violation d'~engagements solennels
du Gouvernement du Nicaragua.

172. La Cour doit maintenant aborder la question du droit applicable
au présent différend. En prenant position sur la valeur de la réserve
américaine relative aux traités multilatéraux, la Cour a été amenéeà

conclure qu'elle devait s'abstenir d'appliquer les conventions multilaté-
rales invoquées par le Nicaragua à l'appui de ses demandes. sans préju-
dice, soit d'autres traités, soit des autres sources de droit mentionnées à
l'article 38 du Statut. Afin de préciser le droit effectivement applicable
au différend. elle doit en premier lieu déterminer les conséquences que

l'exclusion de I'applicabilité des conventions multilatérales comporte
quant à la définition du contenu du droit international coutumier
demeurant applicable.
173. Selon les Etats-Unis. ces conséquences sont très vastes. Ils ont fait

valoir ce qui suit :
((Il n'est pas possible de statuersur les demandes que le Nicaragua

prétend fonder sur le <droit international général etcoutumier ))sans
recourir à la Charte des Nations Unies, source principale de ce droit
[et] il n'est pas non plus possible de statuer sur ces demandes sans
considérer le droit international particulier ))établi par les conven-

tions multilatérales en vigueur entre les Parties. ))
Selon les Etats-Unis, iln'existerait pas d'autre droit international général

et coutumiersur lequel le Nicaragua puisse fonder ses demandes que celui
de la Charte des Nations Unies. En particulier, pour se prononcer sur le
caractère licite ou non d'un recours à la force arméequi serait allégué. laCour seraitd'après eux contrainte de sereporter àla <(principale source du
droit international applicable O, à savoir l'article 2, paragraphe 4, de la

Charte. Bref, d'une manière plus générale, <(les dispositions de la Charte
des Nations Unies pertinentes en l'espèce résument et supplantent les
principes du droit international général etcoutumier en la matière o.Les
Etats-Unis en concluent que, ((comme la réserverelative aux traités mul-

tilatéraux interdit de statuer sur des demandes fondéessur de tels traités,
elle exclut en totalité les demandes du Nicaragua >).Ainsi la réserveen
question n'aurait pas seulement pour effet d'empêcherla Cour de statuer
sur les demandes du Nicaragua en application des traités multilatéraux en

question mais encore celui de l'empêcherd'appliquer toute règledu droit
international coutumier dont le contenu serait également visépar une
disposition de ces traités.
174. Dans son arrêtdu 26 novembre 1984,la Cour s'est déjà exprimée

brièvement sur cette argumentation. Contrairement aux vues soutenues
par les Etats-Unis. elle a affirmé ne pouvoir

<{rejeter les demandes nicaraguayennes fondées sur les principes du
droit international général etcoutumier au seul motif que ces prin-
cipes sont repris dans les textes des conventions invoquées par le
Nicaragua. Le fait [a ajoutéla Cour] que les principes susmentionnés.

et reconnus comme tels, sont codifiés ou incorporés dans des con-
ventions multilatérales ne veut pas dire qu'ils cessent d'exister et de
s'appliquer en tant que principes du droit coutumier, mêmeà l'égard
de pays qui sont parties auxdites conventions. Des principes comme

ceux du non-recours à la force. de la non-intervention. du respect de
l'indépendance et de l'intégritéterritoriale desEtats et de la libertéde
navigation conservent un caractère obligatoire en tant qu'éléments
du droit international coutumier, bien que les dispositions du droit

conventionnel auxquels ils ont étéincorporés soient applicables. ))
(C.I.J. Recueil 1984, p. 424-425. par. 73.)

La Cour, étant maintenant parvenue au stade de la décision sur le fond.
doit développeret préciserces premières remarques. La Cour observe que.
selon l'argumentation des Etats-Unis, elle devrait s'abstenir d'appliquer
les règles du droit international coutumier parce que ces règles seraient

(<résumées ))et <(supplantées )par celles du droit conventionnel et notam-
ment celles de la Charte desNations Unies. Les Etats-Unis paraissent ainsi
considérerque l'énonciationde principes dans la Charte des Nations Unies
interdit d'admettre que des règlessemblablespuissent avoir une existence

autonome dans le droit international coutumier, soit qu'elles aient été
incorporées dans la Charte. soit que les dispositions de la Charte aient
influencél'adoption ultérieure de règlescoutumières d'un contenu corres-
pondant.

175. La Cour ne considère pas que, dans les domaines juridiques inté-
ressant leprésent différend,il soit possible de soutenir que toutes les règles
coutumières susceptibles d'être invoquées ont un contenu exactementidentique à celui des règlesfigurant dans les conventions dont lejeu de la
réservedes Etats-Unis interdit l'applicabilité. Sur plusieurs points, les
domaines réglementéspar les deux-sources de droit ne se recouvrent pas
exactement et les règles substantielles qui les expriment n'ont pas un
contenu identique. Mais de plus, lors mêmequ'une norme conventionnelle
et une norme coutumière intéressant le ré sentlitL,e auraient exactement
le mêmecontenu, la Cour ne verrait pas là une raison de considérerque
l'intervention du processus conventionnel doive nécessairement faire

perdre à la norme coutumière son applicabilité distincte. Et la réserve
relative aux traités multilatéraux ne peut pas non plus êtreinterprétée
comme signifiant que, si elle s'applique à un différend déterminé,elle
exclut la prise en considération de toute règlecoutumière d'un contenu
identique ou analogue à celui de la règleconventionnelle dont l'applica-
tion a fait jouer la réserve.
176. A propos de l'identitésupposée des domaines recouverts par les
deux sources de droit, la Cour observe que, s'agissant de la Charte des

Nations Unies, sur laquelle les Etats-Unis fondent principalement leur
argumentation, bien loin de couvrir la totalité du domaine de la régle-
mentation de l'usagede la force dans les relations internationales ce traité
renvoie lui-même,sur un point essentiel, au droit coutumier préexistant ;
cerappel du droit international coutumier estexprimépar letexte mêmede
l'article 51 mentionnant le <(droit naturel (en anglais <(the inherent
right D)de légitime défense, individuelle ou collective,auquel aucune
disposition de la ..Charte ne porteatteinte ))et quijoue en cas d'agression

armée.La Cour constate donc que l'article 51de la Charte n'a de sens que
s'ilexiste un droit de légitimedéfense naturel H ou <(inhérent ))dont on
voit mal comment il ne serait pas de nature coutumière, mêmesi son
contenu est désormaisconfirmépar la Charte et influencépar elle.De plus,
ayant reconnu elle-mêmel'existencede ce droit, la Charte n'en réglemente
pas directement la substance sous tous ses aspects. Par exemple, elle ne
comporte pas la règlespécifique - pourtant bien établie endroit interna-
tionalcoutumier - selon laquelle la légitimedéfensenejustifierait que des

mesures proportionnées à l'agression armée subie, et nécessairespour y
riposter. D'autre part la définition de 1'~agression armée dont la cons-
tatation autorise la mise en Œuvredu <droitnaturel >de légitimedéfense
n'estpas énoncée par la Charte et nefait pas partie du droit conventionnel.
Il n'est donc pas possible de soutenir que l'article 51soit une disposition
qui <<résumeetsupplante >ledroit international coutumier. Plutôt atteste-
t-elleque, dans le domaine considéré,dont il n'est pas besoin de souligner
l'importance pour leprésent différend,ledroit coutumier continue d'exis-

ter à côtédu droit conventionnel. Les domaines réglementéspar l'une et
par l'autre source de droit ne se recouvrent donc pas exactement et les
règles n'ont pas le mêmecontenu. La démonstration pourrait être faite
également à propos d'autres matières et en particulier du principe de
non-intervention.
177. Mais, comme il a été indiqué plushaut (paragraphe 175),quand
bien même lanorme coutumière et la norme conventionnelle auraientexactement le mêmecontenu, la Cour n'y verrait pas une raison de consi-
dérerque l'incorporation de la norme coutumière au droit conventionnel
doive lui faire perdre son applicabilité distincte. L'existence de règles
identiques en droit international conventionnel et coutumier a étéclaire-
ment admise par la Cour dans les affairesdu Plateaucontinentalde la mer
duNord.Dans une largemesure,ces affairesportaient mêmesur lepoint de
savoir si une règleénoncéedans une convention existait aussi en tant que

règlecoutumière, soit parce que la convention n'aurait fait que codifier la
coutume ou l'aurait (<cristallisé)),soit parce qu'elle aurait influencéson
adoption ultérieure.La Cour a déclaréque cette identitéde contenu entre
le droit conventionnel et le droit international coutumier n'existait pas
dans lecas de larègleinvoquée,figurant dans un seul articledu traité, mais
elle n'a nullement prétendu qu'elle fût exclue par principe. Bien au con-
traire, il lui est apparu clairement que certains autres articles du traité en
question étaient <<considéréscommeconsacrant ou cristallisant des règles
de droit international coutumier relatives au plateau continental, règles
établies ou du moins en voie de formation ))(C.I.J. Recueil 1969, p. 39,

par. 63). Plus généralement,on ne voit aucune raison de penser que,
lorsque le droit international coutumier est constituéde règlesidentiques
à celles du droit conventionnel, il se trouve ((supplanté ))par celui-ci au
point de n'avoir plus d'existence propre.
178. De nombreusesraisonsconduisent à considérerque,mêmesideux
normes provenant des deux sources du droit international apparaissent
identiques par leur contenu, et mêmesilesEtats considéréssont liéspar les
règles en question sur les deux plans conventionnel et coutumier, ces
normesconservent uneexistencedistincte. Ilenest ainsi du pointde vuede

leur applicabilité.Dans un différendjuridique intéressant deux Etats, I'un
d'eux peut faire valoir que l'applicabilité àsa propre conduite d'une règle
conventionnelle dépend de la conduite de l'autre Etat à propos de I'ap-
plication d'autres règlesportant sur des matièresdifférentesmais incluses
dans la mêmeconvention. Par exemple, si un Etat exerce son droit de
suspendre l'exécution d'untraitéou d'ymettre fin parce que l'autre partiea
violé(aux termes de l'article 60, paragraphe 3 h), de la convention de
Vienne sur le droit des traités) (<une disposition essentielle pour la réali-
sation de l'objet ou du but du traité O,il est dispenséd'appliquer une règle

conventionnelle par rapport à l'autre Etat en raison du manquement a une
règleconventionnelledifférentecommis par celui-ci.Mais silesdeux règles
en question existent aussi en droit international coutumier, le fait que I'un
des Etats n'en a pas appliqué une ne justifie pas l'autre Etat à refuser
d'appliquer la seconde. Par ailleurs, des règles identiquesen droit conven-
tionnel et en droit international coutumier sedistinguent aussi du point de
vue des méthodesemployéespour leur interprétation et leur application.
Un Etat peut accepter une règlecontenue dans une convention non pas
simplement parce qu'il estfavorable a l'application de la règleelle-même,
mais parce qu'en outre lesinstitutions ou mécanismesprévuspour assurer

lerespect des règlesdecetteconvention luiparaissent opportuns. Silarègle
dont il s'agit correspond a une règlecoutumière, deux règles de mêmecontenu sont traitées différemment,pour ce qui est des organes chargés
d'en contrôler la mise en Œuvre, selon qu'elles sont l'une coutumière et
l'autre conventionnelle. Le présent différend illustrece point.
179. Il est donc clair que les règlesdu droit international coutumier
conservent une existence et une applicabilité autonomes par rapport a
celles du droit international conventionnel lors mêmeque les deux caté-
gories dedroit ont un contenu identique. En conséquence,endéterminant
le contenu du droit international coutumier applicable au présentdiffé-
rend, la Cour devra s'assurer que les Parties sont liéespar les règles
coutumièresenquestion ; mais rien ne l'obligera à ne retenir ces règlesque
pour autant qu'elles seraient différentesdesrèglesconventionnelles que la
réserveaméricaine l'empêched'appliquer dans le présent différend.

180. Durant la phase consacrée aux questions de compétence et de
recevabilité, les Etats-Unis ont cependant présentéun autre argument
a l'appui de leur thèse suivant laquelle la réserve relative aux traités
multilatéraux ne permet pas à la Cour de connaîtredesdemandes nicara-
guayennes fondées sur le droit international coutumier. Les Etats-Unis
ont soulignéque les traités multilatéraux en cause renferment des normes
juridiques que les Parties ont expressément acceptéescomme régissant
leurs droits et obligations réciproques,et que, en vertu du principe pacta
sunt servanda, le comportement des Parties continuera d'êtreréglé par ces
traités,quoique la Cour puisse déciderrelativement au droit coutumier. Il
en résulte, d'après lesEtats-Unis, que la Cour ne peut se prononcer vala-
blement sur lesdroits etobligations réciproquesdes deux Etats quand ilne
lui est pas possible de faire référencea leurs droits et obligations conven-

tionnels ;en effet, elle appliquerait alors des normes différentes de celles
que les Parties sont convenues de suivre dans leurs relations internatio-
nales telles qu'elles existent.
181. La question soulevéepar cet argument est donc de savoir si les
dispositionsdestraités multilatéraux en cause, et en particulier cellesde la
Charte des Nations Unies, diffèrent des règlescoutumièrespertinentes au
point qu'un arrêtpar lequel la Cour statuerait sur lesdroits et obligations
des parties au titre du droit international coutumier sans tenir compte du
contenu destraités multilatéraux lesliant réciproquement aurait un carac-
tèretotalement académique et ne serait pas (<susceptibled'application ou
d'exécution ))(Camerounseptentrional, C.I.J. Recueil 1963, p. 37).La Cour
n'est pas d'avis qu'il en soitainsi. Comme il a étérappelé à propos de

l'emploide la force, les Etats-Unis eux-mêmessoutiennent qu'il y a iden-
titétotaleentre lesrèglespertinentes du droit international coutumier et les
dispositions de la Charte. La Cour n'a pas fait sienne une thèse aussi
extrême, puisqu'ellea conclu (paragraphe 174)que sur plusieurs points les
domaines réglementéspar les deux sources de droit ne se recouvrent pas
exactement et que les règlessubstantiellesqui les expriment n'ont pas un
contenu identique. Toutefois, fort loin d'avoir pris ses distances avec un
droit international coutumier qui subsisterait tel quel, la Chartea, dans ce
domaine, consacré des principes qui se trouvaient déjà dans le droit
international coutumier, et celui-ci s'est développédans les quaranteannéessuivantessousl'influence de la Charte, au point que bien des règles
énoncéesdans la Charte ont maintenant acquis un statut indépendant de
celle-ci. La considération essentielle est que la Charte et le droit interna-
tional coutumierprocèdent tous deux d'un principe fondamental commun
bannissant l'emploide la force des relationsinternationales. De l'avisde la

Cour, les différences éventuellesentre leurs contenuspropres ne sont pas
telles qu'un arrêtlimitéau domaine du droit international coutumier se
révélerait inefficace ouinadapté,ou encore insusceptibled'application ou
d'exécution.
182. La Cour conclut qu'il lui appartient d'exercer lacompétenceque
lui confèreladéclaration d'acceptation faite par les Etats-Unis en vertu de
l'article 36,paragraphe 2,du Statut, afin de seprononcer sur lesdemandes
du Nicaragua fondéessur ledroit international coutumier, et celabien que
les différends <résultant des chartes des Nations Unies et de I'Organi-
sation des Etats américains échappent à sajuridiction.

183. Etant donnécette conclusion, la Cour doit maintenant identifier
les règlesdu droit international coutumier applicables au présent diffé-

rend. Pour cela, elle doit examiner la pratique et I'opiniojuris des Etats.
Ainsi qu'elle l'a dit récemment :
11 est bien évidentque la substance du droit international cou-
tumier doit êtrerecherchéeen premier lieu dans la pratique effective
et l'opiniojuris des Etats, mêmesi les conventions multilatérales
peuvent avoir un rôle important àjouer en enregistrant et définissant
les règles dérivéesde la coutume ou même en lesdéveloppant.
(Plateau continental(Jamahiriya arabe libyenne/Malte), C.I.J. Recueil

1985, p. 29-30, par. 27.)
Acet égardla Cour ne doit pas perdre de vue la Charte des Nations Unies
nicelledel'organisation des Etats américains,endépitde l'entréeenjeu de
la réserve relative auxtraités multilatéraux.Bien que la Cour ne soit pas
compétente pour décider si le comportement des Etats-Unis viole ces
conventions, ellepeut et doit en prendre en considération le contenu dans
lecadre de l'identification du droit international coutumier que les Etats-

Unis auraient égalementenfreint.
184. La Cour note qu'en fait les Parties semblent êtrelargement d'ac-
cord, comme on le verra plus loin, sur la teneur du droit international
coutumier relatif au non-emploi de la force et à la non-intervention. Cet
accord des Parties ne dispense cependant pas la Cour de toute recherche
des règles applicablesde ce droit. La Cour ne saurait considérer des règles
comme faisant partie du droit international coutumier et applicables en
tant que telles à des Etats simplement parce que ceux-ci affirment les
reconnaître. La Cour, àlaquelle l'article 38du Statut prescrit entreautres
d'appliquer la coutume internationale <(comme preuve d'une pratiquegénéraleacceptéecomme étantle droit D, ne peut ignorer le rôle essentiel
d'une pratique générale.Lorsque deux Etats conviennent d'incorporer

dans un traitéune règleparticulière, leur accord suffitpour qu'elle fasseloi
entre eux ; mais dans le domaine du droit international coutumier il ne
suffit pas que lesparties soient du même avissur le contenu de ce qu'elles
considèrent commeune règle.La Cour doit s'assurer que l'existencede la
règledans l'opiniojuris des Etats est confirméepar la pratique.

185. Dans le présent différendla Cour, tout en n'exerçant sa compé-
tence qu'à propos de l'application des règles coutumières relatives au
non-recours àla forceetà la non-intervention, ne saurait ignorer lefait que
les Parties sont liéespar ces règlesaussi bien sur le plan conventionnel que
sur le plan coutumier. En outre, aux engagements conventionnels des
Parties concernant les règlesen question s'ajoutent en l'espèce plusieurs
reconnaissances de leur validitéen droit international coutumier, qu'elles

ont expriméespar d'autres moyens.C'estdonc à lalumièrede cet élément
subjectif - selon l'expression employéepar la Cour en son arrêtde 1969
dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord (C.I.J. Recueil
1969, p. 44) - que la Cour doit évaluer lapratique pertinente.
186. Ilne faut pass'attendreà ceque l'application des règlesenquestion
soit parfaite dans la pratique étatique, en ce sens que les Etats s'abstien-
draient, avec une entière constance, de recourir àla force ou à l'interven-
tion dans les affaires intérieures d'autres Etats. La Cour ne pense pas que,
pour qu'une règlesoit coutumièrement établie, la pratiquecorrespondante
doive êtrerigoureusement conforme à cette règle.Il lui paraît suffisant,
pour déduirel'existencede règlescoutumières,que les Etats yconforment
leur conduite d'une manière généraleet au'ils traitent eux-mêmesles
comportements non conformes "àla règleenquestion comme desviolations

decelle-ciet non pas comme desmanifestations de lareconnaissance d'une
règle nouvelle.Si un Etat agit d'une manière apparemment inconciliable
avecune règle reconnue, mais défend saconduite en invoquant des excep-
tions oujustifications contenues dans la règleelle-même,il en résulte une
confirmation plutôt qu'un affaiblissement de la règle,et celaque l'attitude
de cet Etat puisse ou non sejustifier en fait sur cette base.

187. La Cour doitdonc déterminertout d'abord la substance des règles
coutumièresrelatives àl'usagede la force dans lesrelations internationales
applicables au différend qui lui est soumis. Les Etats-Unis ont soutenu
que, s'agissant de la question essentielle de la licde l'emploide la force

entre les Etats, il existe une véritable identitéentre les règles du droit
international généralet coutumier et les règles correspondantes de la
Charte des Nations Unies. Pour eux, cette identité est mêmesi complète
que, comme il a étédit plus haut (paragraphe 173), elle constitue un
argument tendant à interdireà la Cour d'appliquer ce droit coutumier
parce que rien nele distingue du droit conventionnelmultilatéral qu'elle nedoit pas appliquer. Dans leur contre-mémoire sur la compétence et la

recevabilitélesEtats-Unis affirment que :<(L'article 2,paragraphe 4,de la
Charte est le droit international général etcoutumier. Ils citent avec
approbation une observation de la Commission du droit international
d'après laquelle

<(la grande majorité des spécialistesdu droit international soutien-
nent aujourd'hui, sans aucune hésitation, que le paragraphe 4 de
I'article2, ainsi que d'autres dispositions de la Charte énoncentavec
toute l'autorité voulue ledroit coutumier moderne concernant la
menace ou l'emploi de la force (Annuaire de la Commissiondu droit
international, 1966,vol. II, p. 269).

Les Etats-Unis notent que le Nicaragua a repris ces idées à son compte,
puisqu'un de ses conseils a affirméqu'a en fait les publicistes considèrent
généralementque I'article 2,paragraphe 4,de la ChartedesNations Unies
reprend à cet égardles principes générauxexistants du droit internatio-
nal o. Et les Etats-Unis concluent en ces termes :

{(En résumél,esdispositions de l'article2,paragraphe 4, relatives à
la légitimitéde l'usagede la force sont ledroit coutumier moderne
(Commission du droit international, loc.cit.) et reprennent <(lesprin-

cipes générauxexistants du droit international (conseil du Nicara-
gua, audience du 25 avril 1984,matin, /oc.cit.). Il n'existe pas d'autre
<(droit international général etcoutumier ))sur lequel le Nicaragua
puisse fonder sa demande. u
<(En conséquence,il est inconcevable que la Cour puisse examiner

le caractère licite d'un prétendu recours à la force armée sans se
reporter à la principale source du droit international pertinent, I'ar-
ticle 2. paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies.
Quant au Nicaragua, tout au plus peut-on noter que, pour lui,

dans certains cas il peut y avoir quelques différencesde contenu et
d'application entre la règlededroit coutumier et la règleconvention-
nelle )).

188. La Cour constate donc que les Parties sont d'accord pour consi-
dérerque les principes relatifs à l'emploi de la force qui figurent dans la
Charte des Nations Unies correspondent, pour l'essentiel, à ceux qui se
retrouvent dans le droit international coutumier. Les Parties sont donc
d'avis, l'une et l'autre, que le principe fondamental en cette matière s'ex-
prime par lestermes mêmesutilisés àI'article2,paragraphe 4,de la Charte.

Elles acceptent par conséquent une obligation conventionnelle de s'abs-
tenir, dans leurs relations internationales, de lamenace ou de l'emploide la
force,soit contre l'intégritéterritoriale ou l'indépendance politiquede tout
Etat, soit de toute autre matière incompatible avec les buts des Nations
Unies. La Cour doit néanmoins s'assurer de l'existence, dans le droit
international coutumier, d'une opiniojuris relative à la valeur obligatoired'une telle abstention. Cette opinio juris peut se déduire entre autres,
quoique aveclaprudence nécessaire,de l'attitude des Parties et des Etatsà
l'égardde certaines résolutions de l'Assemblée générale n,otamment la
résolution2625 (XXV) intitulée Déclarationrelative aux principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération entre

les Etats conformément à la Charte des Nations Unies ))L'effet d'un
consentement au texte de telles résolutions ne peutêtreinterprété comme
celui d'un simple rappel ou d'une simple spécificationde l'engagement
conventionnelpris dans laCharte. Ilpeut au contraire s'interpréter comme
une adhésion à la valeur de la règleoude la sériede règlesdéclaréepsar la
résolutionet prises en elles-mêmesL . eprincipe du non-emploi de la force,
par exemple, peut ainsi êtreconsidérécomme un principe de droit inter-
national coutumier non conditionné par les dispositions relatives à la
sécuritécollective ou aux facilités etcontingents à fournir en vertu de
l'article43 de la Charte. La prise de position mentionnée peut en d'autres
termesapparaître comme l'expressiond'uneopiniojurisal'égardde larègle
(OU de la sériede règles)en question, considéréeindépendamment désor-
mais des dispositions, notamment institutionnelles, auxquelles elle est
soumise sur le plan conventionnel de la Charte.

189. En ce qui concerne les Etats-Unis en particulier, on peut attribuer
semblable valeur d'opiniojurisà l'appuidonnépar eux à la résolutionde la
sixièmeconférence interaméricaine(18 février1928)condamnant l'agres-
sion et àla ratification de la convention de Montevideo sur les droits et
devoirs desEtats (26décembre1933),dont l'article 11impose l'obligation
de ne pas reconnaître les acquisitions de territoires ou d'avantages spé-
ciaux obtenuspar la force. Non moins significativeest leur acceptation du
principe de prohibition de la force contenu dans la déclaration sur les
principes régissantles relations mutuelles des Etats participantsà la con-
férencesur lasécurité et lacoopérationenEurope(Helsinki, leraoût 1975),
en vertu de laquelle les Etats participants «s'abstiennent dans leurs rela-
tions mutuelles, ainsi que dansleurs relations internationales engénéral
(les italiques sont de la Cour), de recouràrla menace ou à l'emploide la

force. L'acceptation d'une telle formuleconfirme l'existence chezlesEtats
participants d'une opiniojuris prohibant l'emploi de la force dans les
relations internationales.
190. La validité endroit coutumier du principe de la prohibition de
l'emploi de la force exprimé à l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des
Nations Unies trouve une autre confirmation dans le fait que les repré-
sentantsdesEtats lementionnent souvent comme étantnon seulement un
principe de droit international coutumier, mais encore un principe fon-
damental ou essentieldecedroit.Dans sestravaux de codificationdu droit
des traitésla Commission du droit international a exprimé l'opinion que
le droit de la Charte concernant l'interdiction de l'emploi de la force
constitueen soiun exemplefrappant d'une règlede droit international qui
relèvedujus cogens )(paragraphe 1du commentaire de la Commission sur

l'article 50 de ses projets d'articles sur le droit des traités,Annuaire de la
Commission, 1966-11,p. 270).Dans lemémoiresur lefond qu'ila présenté ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 101

en l'espècele Nicaragua déclare que le principe de l'interdiction de I'em-
ploi de la force consacrépar l'article 2, paragraphe 4. de la Charte des

Nations Unies est maintenant admis comme faisant partie du jus
cogens o. Dans leur contre-mémoiresur lacompétenceetla recevabilité.les
Etats-Unis quant à eux ont cru devoir citer lescommentateurs pour qui ce
principe constitue une norme universelle O.une règlede ((droit interna-
tional universel )),un ((principe de droit international universellement
reconnu et un «principe dejus cogens o.
191. S'agissant de certains aspects particuliers du principe en question,
ily aura lieu de distinguer entre lesformes lesplus graves de l'emploide la
force (celles qui constituent une agression armée)et d'autres modalités
moins brutales. Pour déterminerla règlejuridique s'appliquant à celles-ci,
la Cour peut à nouveau faire appel aux mentions incluses dans la décla-

ration relative aux principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopération entre Etats conformément à la Charte des
Nations Unies (résolution 2625(XXV)de l'Assemblée généraldeéjàmen-
tionnée).Comme il a étésouligné,le fait que les Etats ont adopté ce texte
fournit une indication de leur opiniojuris sur le droit international cou-
tumier en question. La déclaration comporte, à côtéde certaines formu-
lations qui peuvent s'appliquer àl'agression,d'autres qui ne visent quedes
modalités moins graves d'emploi de la force. On y trouve notamment les
passages suivants :

«Tout Etat a le devoir de s'abstenir de recourir à la menace ou à
I'emploidelaforce pour violer lesfrontièresinternationalesexistantes
d'un autre Etat ou comme moyen de règlementdes différends inter-
nationaux, y compris les différends territoriaux et les questions rela-
tives aux frontières des Etats.

Les Etats ont le devoir de s'abstenir d'actes de représailles impli-
quant l'emploi de la force.

Tout Etat a le devoir de s'abstenir de recourir à toute mesure de
coercition qui priverait de leur droitl'autodétermination, à la liberté

et à l'indépendance les peuples mentionnés dans la formulation du
principe de l'égalitéde droits et de leur droit de disposer d'eux-
mêmes.
Chaque Etat a le devoir de s'abstenir d'organiser ou d'encourager
l'organisation de forces irrégulièresou debandes armées,notamment
de bandes de mercenaires, en vue d'incursions sur le territoire d'un
autre Etat.
Chaque Etat a le devoir de s'abstenir d'organiser et d'encourager
des actes de guerre civile ou des actes de terrorisme sur le territoire
d'un autre Etat, d'y aider ou d'y participer, ou de tolérer surson
territoire des activités organisées envue de perpétrer de tels actes,

lorsque les actes mentionnés dans le présentparagraphe impliquent
une menace ou l'emploi de la force. 192. D'autre part, dans le passage de cette mêmedéclaration qui con-

cerne le principe de non-intervention dans les affaires relevant de la
compétence nationale d'un Etat, on trouve une règletrès semblable :
((Tous les Etats doivent aussi s'abstenir d'organiser, d'aider, de

fomenter, de financer,d'encourager ou de tolérerdes activitésarmées
subversivesou terroristes destinées à changer par laviolencelerégime
d'un autre Etat ainsi que d'intervenir dans les luttes intestines d'un
autre Etat. ))

Dans le contexte du systèmeinteraméricain, cette approche remonte au
moins à 1928(conventionconcernant les droits et les devoirs des Etats en
cas de luttes civiles,art. 1,par. 1) ;elleest confirméepar le dispositif de la
résolution78 que l'Assemblée générald ee l'organisation des Etats amé-
ricains a adoptée le 21 avril 1972,par laquelle elle décidait :

((1. De rappeler solennellement aux Etats membres de I'Organi-
sation des Etats américains qu'ils doivent observer strictement les
principes de non-intervention et d'autodétermination despeuples en
tant que moyen d'assurer entre euxune coexistencepacifique, et de les
inviter à s'abstenir de tout acte qui, directement ou indirectement,
pourrait constituer une violation de ces principes.
2. De réaffirmer l'obligation qu'ont lesdits Etats de s'abstenir
d'appliquer des mesures économiques, politiques ou de toute autre
nature que ce soit pour exercer une coercition sur un autre Etat et

obtenir de lui des avantages de quelque ordre que ce soit.
3. De réaffirmer également I'obligationde ces Etats de s'abstenir
d'organiser, d'appuyer, d'encourager, de financer, de susciter ou de
tolérerdes activités subversives,terroristesou arméescontre un autre
Etat, et d'intervenir dans uneguerre civiled'un autre Etat ou dans ses
luttes intérieures. ))

193. La règle généraled'interdiction de la force comporte certaines
exceptions. Etant donnél'argumentation avancéepar les Etats-Unis pour
justifier les faits qui leur sont reprochéspar le Nicaragua, la Cour doit
s'exprimer sur lecontenu du droitde Iégitimedéfense,et plus précisément
du droit de Iégitime défense collective.A l'égard,tout d'abord, de l'exis-

tence decedroit elleconstate que, selonlelibelléde l'article51de la Charte
des Nations Unies, le droit naturel (ou ((droit inhérent O)que tout Etat
possède dans l'éventualité d'une agression armées'entend de la légitime
défense, aussi bien collective qu'individuelle. Ainsi la Charte elle-même
atteste l'existencedu droit de légitime défense collectiveen droit interna-
tional coutumier. En outre, de mêmeque les mentions de certaines décla-
rations de l'Assemblée générale adoptées par les Etats attestent leur
reconnaissance du principe de prohibition de la force sur le plan propre-
ment coutumier, certaines mentions de ces mêmesdéclarationsjouent le
même rôle à l'égarddu droit de légitime défense (collective aussi bienqu'individuelle). Ainsi, dans la déclaration déjàcitée relative aux prin-
cipes du droit international touchant les relations amicales entre les Etats
conformément à la Charte, les mentions relatives à la prohibition de la
force sont suivies d'un paragraphe aux termes duquel :

Aucune disposition des paragraphes qui précèdentne sera inter-
prétéecomme élargissant ou diminuant de quelque manière que ce
soit la portée des dispositions de la Charte concernant les cas dans
lesquels l'emploi de la force est licit))

Cette résolutiondémontreque les Etats représentés à l'Assemblée générale
considèrent l'exception à l'interdiction de la forceque constitue ledroit de
Iégitimedéfenseindividuelle ou collectivecomme déjàétabliepar le droit
international coutumier.
194. Pour cequi estdescaractéristiquesdelaréglementationdu droit de
Iégitimedéfense,les Parties, tenant l'existencede ce droitpour démontrée
sir le plan coutumier, se sont concentrées sur les modalités qui en con-
ditionnent l'exercice. En raison des circonstances dans lesquelles est né
leur différend,ellesnefontétatquedu droitde Iégitimedéfensedans lecas
d'une agression armée déjà survenueetne se posent pas la question de la
licéitéd'une réaction àla menace imminente d'une agression armée. La

Cour ne se prononcera donc pas sur ce sujet. Les Parties sont en outre
d'accord pour admettre que la licéité de la riposteà l'agression dépenddu
respect des critèresde necessitéet de proportionnalité des mesures prises
au nom de la Iégitimedéfense. L'existencedu droit de Iégitime défense
collective étant établie en droit international coutumier, la Cour doit
définirlesconditionsparticulières auxquelles sa miseenŒuvrepeut avoir à
répondre en sus des conditions de nécessité etde proportionnalité rappe-
léespar les Parties.
195. Dans lecas de la Iégitimedéfense individuelle, cedroit ne peut être
exercéque si 1'Etatintéresséa étévictime d'une agression armée.L'invo-
cation de la Iégitimedéfense collectivene change évidemment rien à cette
situation. L'accord paraît aujourd'hui généralsur la nature des actes

pouvant êtreconsidéréscomme constitutifs d'une agression armée. En
particulier, on peut considérer comme admis que, par agression armée,il
fautentendre non seulement l'action des forces arméesrégulières à travers
une frontière internationale mais encore l'envoi par un Etat ou en son
nom de bandes ou de groupes armés,de forces irrégulièresou de merce-
naires qui se livrentàdes actes de force arméecontre un autre Etat d'une
gravité telle qu'ils équivalent))(entre autres) à une véritable agression
arméeaccomplie par des forces régulières, <(ou [au]fait de s'engager d'une
manièresubstantielle dans une telleaction ».Cette description, qui figurà
l'article 3, alinég), de la définition de l'agression annexée à la résolu-
tion 3314 (XXIX) de l'Assemblée générale p,eut êtreconsidérée comme
l'expression du droit international coutumier. La Cour ne voit pas de
raison de refuser d'admettre qu'en droit international coutumier la pro-

hibition de l'agression arméepuisse s'appliquer à l'envoi par un Etat de
bandes arméessur le territoire d'un autre Etat si cette opération est telle,par ses dimensions et ses effets, qu'elle aurait étéqualifiée d'agression
arméeet non de simpleincident de frontièresielleavait été lefaitde forces

arméesrégulières. Mais laCour ne pense pas que la notion d'<(agression
armée puisse recouvrir non seulement l'action de bandes arméesdans le
casou cette action revêu t neampleur particulière, maisaussiuneassistance
à des rebelles prenant la forme defourniture d'armements ou d'assistance
logistique ou autre. On peut voir dans une telle assistanceune menace ou
un emploi de la force, ou l'équivalentd'une intervention dans les affaires
intérieuresouextérieuresd'autres Etats. Il est clair que c'estI'Etat victime
d'une agression arméequidoit en fairelaconstatation. Il n'existe,en droit
international coutumier, aucune règle qui permettrait à un autre Etat
d'user du droit de légitimedéfensecollectivecontre le prétenduagresseur
en s'enremettant à sa propre appréciationde la situation. En cas d'invo-

cation de la légitimedéfensecollective, il faut s'attendre à ce que 1'Etat
au profit duquel ce droit va jouer se déclare victime d'une agression
armée.
196. Reste à déterminer si la licéitéde la mise en jeu de la Iégitime
défensecollective par 1'Etattiers au profit de 1'Etatagressédépendéga-
lement d'une demande que celui-ci lui aurait faite. Une disposition de la
charte de l'Organisation des Etats américainspeut êtrecitéeici. La Cour,
certes, n'a pas compétence pour considérercet instrument comme appli-
cable au différend,mais elle peut l'examiner aux fins de déterminer s'il
éclaire lecontenu du droit international coutumier. La Cour constate que
lacharte de l'organisation des Etats américainscomporte un article 3fl qui

énoncenotamment leprincipe que : (l'agressioncontre un Etat américain
constitue une agression contre tous les autres Etats américains et un
article 27 en vertu duquel :

((toute agression exercéepar un Etat contre l'intégritéou l'inviola-
bilitédu territoire ou contre la souveraineté ou l'indépendance poli-
tique d'un Etat américain sera considéréc eomme un acte d'agression
contre les autres Etats américains.

197. La Cour note d'autre part qu'aux termes de l'article 3, para-
graphe 1, du traité interaméricaind'assistance mutuelle signé à Rio de
Janeiro le 2 septembre 1947 les Hautes Parties contractantes

((conviennent qu'une attaque armée provenant de quelque Etat
contre un Etat américainsera considéréecomme une attaque contre
tous les Etats américains ;en conséquence,chacune desdites parties
contractantes s'engage à aider à faire faceà l'attaque, en exercicedu
droit immanent de Iégitime défense individuelleou collective, que
reconnaît l'article 51de la Charte des Nations Unies r).

Selon le paragraphe 2 du mêmearticle :
(A la demande de 1'Etat ou des Etats directement attaqués, et
jusqu'à la décisionde l'organe de consultation du systèmeinteramé-

ricain, chaque partie contractante pourra déterminer les mesures immédiates qu'elle adoptera individuellement, en accomplissement
de l'obligation dont fait mention le paragraphe précédent et confor-

mémentau principe de solidarité continentale.

(Le traitéde Rio de 1947a été modifiépar leprotocole de San José,Costa
Rica, de 1975,mais celui-ci n'est pas encore en vigueur.)
198. La Cour constate qu'aux termes du traité de Rio de Janeiro les
mesures de Iégitimedéfense collectiveque va prendre chaque Etat sont
arrêtées Ala demandede 1'Etatou des Etatsdirectement attaqués o. Ilest
significatif que cette exigence d'une demande de la part de 1'Etatagressé
figure dans la convention spécialement consacrée à ces questions d'assis-
tance mutuelle ; elle ne se retrouve pas dans le texte le plus général(la
chartedel'organisation des Etats américains).Cependant l'article 28de la
charte de l'organisation des Etats américains prévoit l'application des
mesureset desprocéduresprévuespar les << traitésspéciauxqui régissentla
matière )).
199. Quoi qu'il en soit, la Cour note qu'en droit international coutu-
mier, qu'il soit généraolu particulier au systèmejuridique interaméricain,

aucune règle nepermet la mise enjeu de la Iégitimedéfensecollective sans
la demande de 1'Etatsejugeant victime d'une agression armée. La Cour
conclut que l'exigence d'une demande de 1'Etat victime de l'agression
alléguée s'ajouteà celled'une déclarationpar laquelle cet Etat seproclame
agressé.
200. Acepoint de son arrêt,laCour peut sedemander s'ilexisteen droit
international coutumier une exigencesemblable àcelleque prévoitledroit
conventionnel de la Charte des Nations Unies et qui impose à 1'Etat se
prévalant du droit de Iégitime défense individuelle ou collectivede faire
rapport àun organeinternational habilité à seprononcer surlaconformité
au droit international des mesures nationale; que cet Etat entend par là
justifier. Ainsi l'article5 laChartedesNations Unies prescrit aux Etats
prenant des mesures dans I'exercicede ce droit de Iégitimedéfensede les
((porter immédiatement r) à la connaissance du Conseil de sécurité.
Comme la Cour l'a déjà relevé(paragraphes 178 et 188), un principe

consacrépar un traitémais existant dans le droit international coutumier
peut fort bien, dans celui-ci, êtreaffranchi des conditions et modalités
dont il est entourédans le traité. Quelque influence que la Charte, en ces
matières,ait pu avoir sur le droit coutumier, il est clair que, sur le plan de
ce droit, la licéitéde l'exercice de la Iégitimedéfense n'est pas condi-
tionnéepar le respect d'une procédureaussi étroitement dépendante du
contenu d'un engagement conventionnel et des institutions qu'il établit.
En revanche, si un Etat invoquait la Iégitimedéfense pour justifier des
mesures qui normalement enfreindraient aussi bien le principe du droit
international coutumier que celui de la Charte, on s'attendrait à ce que
les conditions énoncéespar la Charte fussent observées. Parconséquent,
dans l'examen effectuéau titre du droit coutumier, l'absence de rapport
au Conseil de sécuritépeut êtreun des élémentsindiquant si 1'Etatinté-
resséétaitconvaincu d'agir dans le cadre de la légitime défense. 201. Pour iustifier certaines activités comDortant l'utilisation de la

force, les Etats-Unis se sont prévalusuniquement de l'exercice de leur
droit delégitimedéfensecollective.LaCour,cependant,compte tenu notam-
ment de la non-participation des Etats-Unis à la phase relative au fond,
croit devoir examiner siledroit international coutumier applicable au pré-
sent différend comporte d'autres règlessusceptibles de faire disparaître
I'illicéitde tellesactivités. Ellene voitpas de raison, toutefois, de rouvrir
la question desconditions réglementant l'exercicedu droit de Iégitimedé-
fense individuelle, qu'elle a déjà étudiées à propos de la légitimedéfense
collective. En revanche, elle doit s'interroger sur I'existence d'une éven-
tuellejustification des activités en question quise rattacherait non pas au
droit de légitimedéfensecollective contre une agression arméemais au
droit de prendre des contre-mesures en riposte a un comportement du
Nicaragua dont il ne serait pas allégué qu'ilest constitutif d'une agression

armée.Elleprocédera à cet examen en liaison avecl'analysedu principe de
non-intervention en droit international coutumier.

202. Le principe de non-intervention met en jeu le droit de tout Etat
souverain de conduire ses affaires sans ingérenceextérieure ;bien que les
exemplesd'atteinteau principe ne soientpas rares, la Cour estimequ'ilfait
partie intégrante du droit international coutumier. Comme la Cour a eu
l'occasion de le dire :((Entre Etats indépendants, le respect de la souve-
raineté territorialeest l'une des bases essentielles desrapports internatio-
naux ))(C.I.J. Recueil 1949, p. 35), et le droit international exige aussi le
respect de l'intégrité politique. Il n'est pas difficile de trouver de nom-

breuses expressions d'une opiniojuris sur l'existencedu principe de non-
intervention en droit international coutumier. Sans doute les diverses
formules par lesquellesles Etats reconnaissent lesprincipes dedroit inter-
national énoncéspar la Charte desNations Unies ne peuvent s'interpréter
en toute rigueur commes'appliquant au principe de non-intervention d'un
Etat dans les affaires intérieures et extérieures d'un autre Etat puisque
celui-cin'estpas à proprement parler énoncépar la Charte. Mais la Charte
n'a nullement entendu confirmer sous forme écrite tous les principes
essentiels du droit international en vigueur. L'existence du principe de
non-intervention dans I'opiniojuris des Etats est étayéepar une pratique
importante etbien établie.On a pu d'ailleursprésenterceprincipe comme
un corollaire du principe d'égalité souveraine des Etats. 11l'a été notam-
ment dans la résolution2625 (XXV)de l'Assemblée générale, c'est-à-dire

la déclaration relative aux principes du droit international touchant les
relations amicales et la coopération entre les Etats. Dans l'affaire du
Détroitde Corfou, où un Etat prétendait avoir le droit d'intervenir pour
recueillir,dans leterritoire d'un autreEtat, deséléments de preuvedestinés
à une juridiction internationale (C.I.J. Recueil 1949, p. 34), la Cour a
observe que : ((Le prétendu droit d'intervention ne peut êtreenvisagé ..que
comme la manifestation d'une politique de force,politique qui, dans
lepassé,adonnélieu aux abus lesplus graves et qui ne saurait, quelles
que soient les déficiencesprésentesde l'organisation internationale,
trouver aucune place dans le droit international. L'intervention est
peut-être moins acceptable encore dans la forme particulière qu'elle
présenterait ici, puisque, réservéepar la nature des choses aux Etats
les plus puissants, elle pourrait aisémentconduire à fausser l'admi-
nistration de la justice internationale elle-même. (C.I.J. Recueil

1949, p. 35.)

203. Le principe a étérepris depuis lors dans de très nombreuses
déclarations adoptéespar diverses organisations et par des conférences
internationales auxquelles participaient les Etats-Unis et le Nicaragua,
dont la résolution2131 (XX) de l'Assemblée générale, ld aéclaration sur
l'inadmissibilitéde l'intervention dans les affaires intérieures des Etats et
laprotection de leur indépendanceet de leur souveraineté. Ilest vraique, si
lesEtats-Unis ont votéenfaveur delarésolution2131(XX)de l'Assemblée
générale, ilsont précisélors de son adoption par la Première Commission
qu'ils la considéraient comme ((une déclaration d'intention politique et
non une élaboration dudroit (Documentsofficielsdel'Assemblég eénérale,

vingtième session,Première Commission,A/C. 1/SR. 1423,p. 458). Toute-
fois, l'essentiel de la résolution 2131 (XX) est repris dans la déclaration
approuvée par la résolution 2625 (XXV), qui énonce des principes que
l'Assemblée générala e qualifiés de principes fondamentaux du droit
international O,et àpropos de laquelle le représentant des Etats-Unis n'a
pas fait de déclaration analogue à celle qui vient d'être citée.
204. Pour ce qui est des relations interaméricaines,il convient de signa-
ler par exemple la réserve à la convention de Montevideo sur les droits
et les devoirs des Etats (26 décembre 1933),par laquelle les Etats-Unis
se déclaraient opposés <a toute ingérencedans la liberté, la souverai-

netéou autres affaires internes ou aux procéduresdes gouvernementsdes
autres Nations )),ou la ratification par les Etats-Unis du protocole addi-
tionnel relatif à la non-intervention (23 décembre 1936). Entre autres
exemples plus récents on peut mentionner les résolutions AG/RES.78
et AG/RES. 128de l'Assemblée générald eel'organisation des Etats amé-
ricains. Dans un contexte différent les Etats-Unis ont expressément ac-
ceptéles principes énoncésdans la déclaration, déjà évoquée plus haut,
de l'acte final de la conférence d'Helsinki (ler août 1975) sur la sécu-
rité et la coopération en Europe, y compris un exposédétaillédu prin-
cipe de la non-intervention ;ces principes ont étéassurément présentés
comme s'appliquant aux relations mutuelles entre les Etats participants,
mais on peut considérer que leur texte témoignede l'existence, et de l'ac-

ceptation par les Etats-Unis, d'un principe coutumier universellement
applicable.
205. Malgré la multiplicitédesdéclarationsdes Etats acceptant leprin-
cipe de non-intervention, deux problèmes subsistent : premièrement celuidu contenu exact du principe ainsi accepté et, deuxièmement, celui de la
démonstration que la pratique lui est suffisamment conforme pour qu'on
puisse faire étatd'une règlede droit international coutumier. En ce qui

concerne le premier problème - celui du contenu du principe de non-
intervention - la Cour se bornera à définirles élémentsconstitutifs de ce
principe qui paraissent pertinents pour la solution du litige. A cet égard,
ellenote que, d'après lesformulations généralement acceptées, cp erincipe
interdità tout Etat ou groupe d'Etats d'intervenir directement ou indirec-
tement dans les affaires intérieuresou extérieuresd'un autre Etat. L'in-
tervention interditedoit donc porter sur desmatières àpropos desquelles le
principe de souveraineté des Etats permet àchacun d'entre eux de se dé-
cider librement. Il en est ainsi du choix du systèmepolitique, économique,
social et culturel et de la formulation des relations extérieures. L'inter-
vention est illicite lorsqueà propos de ces choix, qui doivent demeurer
libres, elle utilise des moyens de contrainte. Cet élémentde contrainte,

constitutif de l'intervention prohibée et formant son essence même, est
particulièrement évidentdans le cas d'une intervention utilisant la force,
soit sous la formedirected'une action militaire soitsous celle,indirecte, du
soutien à des activités armées subversivesou terroristes à l'intérieurd'un
autre Etat. Ainsi qu'il a éténoté(au paragraphe 191),la résolution2625
(XXV)de l'Assembléegénéralaessinule une telleassistance à l'emploide la
force par 1'Etatqui la fournit quand les actes commis sur le territoire de
l'autre Etat impliquent une menace ou l'emploide la force ))Ces formes
d'action sont alors illicitesaussi bieà l'égarddu principe de non-emploi
de la force que de celui de la non-intervention. Compte tenu de la nature
des griefs du Nicaragua contre les Etats-Uniset de ceux que les Etats-Unis
font valoir relativement à la conduite du Nicaragua envers El Salvador,
c'est essentiellement d'actes d'intervention semblables que la Cour est

amenée à se préoccuper en la présente espèce.
206. Toutefois, avant de parvenir à une conclusion sur la nature de
l'intervention prohibée, la Cour doit s'assurer que la pratique des Etats
justifie cette conclusion. Or un certain nombre d'exemples d'interventions
étrangèresdans un Etat au bénéficede forces d'opposition au gouverne-
ment de celui-ci ont pu êtrerelevésau coursdesdernièresannées.La Cour
ne songepas iciau processus de décolonisation.Cette question n'estpas en
cause en la présente affaire. La Cour doit examiners'iln'existerait pas des
signes d'une pratique dénotant la croyance en une sorte de droit général
qui autoriserait les Etatsà intervenir, directement ou non, avec ou sans
force armée, pour appuyer l'opposition interne d'un autre Etat, dont la
cause paraîtrait particulièrement digneen raison des valeurs politiques et

morales avec lesquelles elle s'identifierait. L'apparition d'un tel droit
généralsupposerait une modification fondamentale du droit international
coutumier relatif au principe de non-intervention.
207. Au sujet des comportements qui viennent d'être évoquélsa, Cour
doit néanmoinssouligner que, comme elle l'a rappelédans les affaires du
Plateaucontinentalde la mer du Nord, pour qu'une nouvelle règlecoutu-
mièrefassesonapparition, lesactes correspondants doiventnon seulement ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (AR~T) 109

(représenter une pratique constante ))mais en outre se rattacher à une
opiniojuris sivenecessitatis. Ou bien les Etats agissant de la sorte ou bien
d'autres Etats en mesure de réagirdoivent s'être comportésd'une façonqui

témoigne

(de la conviction que cette pratique est rendue obligatoire par l'exis-
tence d'une règlede droit. La nécessitéde pareille conviction, c'est-
à-dire l'existence d'un élément subjectife,st implicite dans la notion
mêmed'opiniojuris sive necessitatis. (C.I.J. Recueil 1969, p. 44,
par. 77.)

La Cour n'a pas reçu compétence pour statuer sur la conformité avec le
droit international de comportements d'Etats qui ne sont pas parties au

présent différend ou de comportements des Parties sans lien avec ce
dernier ;rien non plus ne l'autorisà prêterà des Etats des vuesjuridiques
qu'eux-mêmes neformulent pas. La signification pour la Cour de com-
portements étatiques à première vue inconciliables avec le principe de
non-intervention résidedans la nature du motif invoquécommejustifica-
tion. L'invocation par un Etatd'un droit nouveau ou d'une exception sans
précédentau principe pourrait, si elle était partagéepar d'autres Etats,
tendre à modifier le droit international coutumier. En réalité la Cour
constatecependant que lesEtats n'ont pasjustifié leurconduite en prenant
argument d'un droit nouveau d'intervention ou d'une exception nouvelle
au principe interdisant celle-ci. A diverses occasions les autorités des

Etats-Unis ont clairement exposéles motifs qu'elles avaient d'intervenir
dans les affaires d'un Etat étranger et qui tenaient par exemple à la
politiqueintérieure decepays, à sonidéologie,au niveau de sesarmements
ou à l'orientation de sapolitique extérieure. Maisil s'agissait làde l'exposé
de considérationsde politiqueinternationale et nullement de l'affirmation
de règlesdu droit international actuel.
208. En particulier, à propos de leur conduite à l'égarddu Nicaragua
quiest miseen causeen l'espèce,lesEtats-Unis n'ont pas prétenduque leur
intervention, ainsi justifiée surle plan politique, l'était aussisur le plan
juridique, au motif qu'ilsmettraient de la sorteenŒuvreun nouveau droit
d'intervention qui, d'après eux, existerait actuellement en pareilles cir-

constances. Comme il a étérappeléci-dessus, les Etats-Unis ont expres-
sémentetexclusivementjustifié leurintervention, sur leplanjuridique, en
faisant appel à des règles classiques O, à savoir la légitimedéfensecol-
lective contre une agression armée.Le Nicaragua, de son côté, a souvent
exprimésa solidarité et sa sympathie à l'égardd'opposants dans divers
Etats et notamment au Salvador. Mais il n'apas affirménon plus que cela
justifiait juridiquement une intervention, surtout une intervention com-
portant l'usage de la force.
209. La Cour constate par conséquent que le droit international con-
temporain ne prévoit aucun droit générald'intervention de ce genre en

faveur de l'opposition existant dans un autre Etat. Sa conclusion sera que
lesactes constituant une violation du principe coutumier de non-interven- ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 110

tion qui impliquent, sous une forme directe ou indirecte. l'emploi de la
force dans les relations internationales. constitueront aussi une violation
du principe interdisant celui-ci.

210. Lorsqu'elle aanalysélecontenu de la règleprohibant l'emploi de la
force. la Cour a examiné l'exception à cette règle que représente. en cas
d'agression armée. l'exercice du droit de Iégitimedéfense collective. De
mêmedoit-elle maintenant se poser la question suivante : si un Etat

manque au principe de non-intervention à l'égard d'unautre Etat. est-il
licite qu'un troisième Etat prenne, envers le premier, des contre-mesures
qui constitueraient normalement une intervention dans ses affaires inté-
rieures ?Le droit d'agir ainsi en cas d'intervention serait analogue au droit
de Iégitimedéfensecollective en cas d'agression armée. mais ilse situerait

en principe à un niveau inférieur de gravitéde I'acte déclenchant la réac-
tion et de cette réactionelle-même.La Cour s'occupant ici d'un différend
dans lequel un emploi illicite de la force est allégué.elle doit avant tout se
demander si un Etat possède un droit de riposter à l'intervention par
l'intervention qui iraitjusqu'à justifier l'usage de la force en réactionàdes

mesures qui. sans constituer une agression armée, pourraient nkanmoins
impliquer l'emploi de la force. La question en elle-mêmeest incontesta-
blement pertinente d'un point de vue théorique. Mais la Cour. n'ayant àse
prononcer quesur lespoints de droit nécessairesau règlement du différend
qui lui est soumis, n'a pas àdéciderdes réactions directes auxquelles peut

licitement se livrer un Etat sejugeant victime, de la part d'un autre, d'actes
d'intervention comportant éventuellement l'usage de la force. Elle n'a
donc pas àdéterminer si, dans l'éventualitéoù le Nicaragua aurait commis
de tels actes à l'égardd'El Salvador, celui-ci pouvait licitement prendre des
contre-mesures particulières. On pourrait cependant fairevaloir que, dans

une telle hypothèse, les Etats-Unis auraient pu intervenir au Nicaragua
dans l'exercice d'un droit analogue au droit de Iégitimedéfensecollective
et qui jouerait en cas d'intervention se situant en deçà de l'agression
armée.
211. La Cour a rappeléplus haut(paragraphes 193à 195)que l'usage de
la force par un premier Etat contre un second, parce que celui-ci aurait

commis une action de force illicite contre un troisième, est tenu à titre
exceptionnel pour Iégitime, mais seulement quand I'acte illicite provo-
quant la riposte consiste en une agression armée. Ainsi, la légitimitéde
l'utilisation de laforce par un Etaten réponseàun fait illicite dont iln'apas
étévictime n'est pas admise quand le fait illicite en question n'est pas une

agression armée.De l'avisde la Cour. dans ledroit international en vigueur
aujourd'hui - qu'il s'agissedu droitinternationalcoutumierou du système
des Nations Unies - les Etats n'ont. aucun droit de riposte armée col-
lective ))à des actes ne constituant pas une « agression armée ))La Cour
rappelle au surplus que les Etats-Unis se prévalent du droit naturel de

légitimedéfense ))(paragraphe 126ci-dessus) ; ils ne semblent nullementprétendre qu'existe un droit qui jouerait pour l'intervention le rôle que le
droit de légitimedéfensecollectivejoue àl'égardde l'agression armée.Pour
s'acquitter des obligations que lui impose l'article 53 du Statut, la Cour a
dû néanmoins s'interroger sur l'existence d'un tel droit ; elle peut cepen-
dant constater que les Etats-Unis n'ont avancéaucun argument dans ce
sens qui constituerait l'indication d'une opini ouris.

212. La Cour doit maintenant traiter du principe du respect de la
souverainetédes Etats, qui en droit international est étroitement liéàcelui
de la prohibition de l'emploi de la force et à celui de non-intervention. Le
concept juridique fondamental de la souveraineté desEtats en droit inter-

national coutumier. consacré notamment par l'article 2.paragraphe 1, de
la Charte des Nations Unies, s'étend auxeaux intérieures et à la mer
territoriale de tout Etat, ainsi qu'à I'espace aérienau-dessus de son terri-
toire. Pour ce qui est de I'espace aérien surjacent la convention de Chicago
de 1944relative à l'aviation civile internationale (article premier) reprend
le principe établi de la souveraineté complète et exclusive d'un Etat sur

I'espace atmosphérique au-dessus de son territoire. Cette convention, se
conjuguant avec la convention de Genève de 1958 sur la mer territoriale,
préciseque la souverainetéde 1'Etatriverain s'étendà la mer territoriale et
àI'espaceaérienau-dessus de celle-ci. comme lefait aussi la convention sur
le droit de la mer adoptée le 10décembre 1982. 11est hors de doute pour
la Cour que ces prescriptions du droit conventionnel ne font que corres-
pondre ùdes convictions qui, depuis longtemps, sont bien établiesen droit

international coutumier.
213. L'obligation de tout Etat de respecter la souveraineté territoriale
des autres intervient dans le jugement à porter sur les faits relatifs aux
minages effectuésàproximitédes côtes du Nicaragua. Les règlesjuridiques
par rapport auxquelles doivent s'apprécier ces faits de minage dépendent
de la localisation de ceux-ci. La pose des mines dans les ports d'un autre

Etat est régie par le droit relatif aux eaux intérieures, lesquelles sont
soumises à la souveraineté de I'Etat côtier. La situation est analogue pour
les mines placées dans la mer territoriale. C'est donc la souveraineté de
1'Etatcôtier qui se trouve atteinte en pareil cas. C'est aussi en vertu de sa
souveraineté que I'Etat côtier peut réglementer l'accèsà ses ports.
214. En revanche ilest vrai que. afin de pouvoir accéderaux ports, les
navires étrangers disposent du droit coutumier de passage inoffensif dans

la mer territoriale pour entrer dans leseauxintérieuresou pour les quitter ;
l'article 18.paragraphe 1h),de la convention desNations Uniessur ledroit
de la mer en date du 10 décembre 1982 ne fait que codifier le droit
international coutumier sur ce point. Comme la libertéde navigation est
assurée,d'abord dans les zoneséconomiques exclusives existant éventuel-
lement en borduredes eaux territoriales(article 58 de la convention), puis,
au-delà, en haute mer (art. 87). ils'ensuit que tout Etat dont les navires

bénéficientd'un droit d'accès auxports jouit du mêmecoup de toute la ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 112

liberté nécessaire à la navigation maritime. On peut donc dire que, si ce
droit d'accèsaux ports est entravéparce qu'un autre Etat a posédes mines,

il est porté atteinte à la liberté des communications et du commerce
maritime. IIest en tout cas certain que les entraves apportées à la navi-
gation affectent la souveraineté de 1'Etat côtier sur ses eaux intérieures,
ainsi que le droit de libre accès dont peuvent bénéficier les naviresétran-
gers.

215. La Cour a relevé plus haut (paragraphe 77 infine) que les Etats-
Unis n'ont pas émis d'avertissement ni notifié la présence des mines
mouilléesdans les ports du Nicaragua ou à leurs abords. Pourtant, même

pour le temps de guerre, la convention du 18 octobre 1907relative àla pose
de mines sous-marines de contact (convention noVI11de La Haye) stipule
que <toutes les précautions doivent êtreprises pour la sécuritéde la
navigation pacifique ))et que les belligérants sont tenus de

<signaler les régionsdangereuses aussitôt que lesexigences militaires
le permettront, par un avis a la navigation, qui devra être aussi
communiqué aux gouvernements par la voie diplomatique

(art. 3).
Les puissances neutres qui posent des mines devant leur propre côte

doivent en donner préavisdans des conditions analogues (art. 4). Il a déjà
étépréciséplus haut que le fait, pour un Etat, de mouiller des mines dans
leseaux intérieures ou territoriales d'un autre Etatconstitue un fait illicite ;
sien outre un Etat mouille des mines dans deseaux - quelles qu'elles soient

- où les navires d'un autre Etat peuvent avoir un droit d'accès ou de
passage, sans avertissement ni notification, au mépris de la sécuritéde la
navigation pacifique, cet Etat viole les principes du droit humanitaire sur
lesquels reposent les dispositions spécifiquesde la convention no VI11de
1907,et que la Cour a exprimésen ces termes dans l'affaire du Détroitde

Corfou :
(certains principes généraux et bien reconnus, tels que des considé-

rations élémentairesd'humanité, plus absolues encore en temps de
paix qu'en temps de guerre >)(C.I.J. Recueil 1949, p. 22).

216. L'observation qui précèdeamène la Cour à l'examen du droit
international humanitaire applicable au différend. Il est clair que dans
certaines circonstances l'emploi de la force peut soulever des questions
intéressant cette branchedu droit. En la présenteinstance le Nicaragua n'a

pas invoqué expressémentles dispositions du droit international humani-
taire en tant que telles, quand bien même, ainsi qu'ila été rappelé(para- ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 113

graphe 113), ils'est plaint d'actes commis sur son territoire qui semble-
raient le violer. Dans les conclusions de sa requête, ila formuléexpressé-

ment l'accusation suivant laquelle

<les Etats-Unis. en violation de leurs obligations en vertu du droit
international général etcoutumier, ont tué,blessé etenlevéet tuent,
blessent et enlèvent des citoyens du Nicaragua (requête,26 f)).

La Cour a déjà indiqué(paragraphe 115)que les élémentsde preuve dont
elle dispose ne permettent pas d'attribuer aux Etats-Unis les agissements
des contras ;la conclusion rappelée ci-dessus doit donc êtrerejetée.Reste
cependant la question du droit applicable aux actes des Etats-Unis en

relation avec les activités des contras, et notamment la production et la
diffusion du manuel sur les opérations psychologiques évoqué auxpara-
graphes 117 à 122 ci-dessus ; ainsi qu'il a été expliqué(paragraphe 116).
cette question est distincte de celle des violations du droit humanitaire
dont les contras pourraient s'êtrerendus coupables.

217. La Cour observe que le Nicaragua, qui a invoqué diverses conven-
tions multilatérales, s'est abstenu de faire étatdes quatre conventions de
Genève du 12 août 1949 auxquelles le Nicaragua et les Etats-Unis sont

parties. Par suite, au moment où le Nicaragua l'a porté devant la Cour. le
différend ne résultait pas, pour reprendre les termes de la réservedes
Etats-Unis relative aux traités multilatéraux, de I'une quelconque de ces
conventions de Genève. La Cour n'a donc pas eu à rechercher si la réserve
pouvait faire obstacle àce que la Cour considère comme applicables leurs

dispositions pertinentes. Néanmoins, si la Cour devait, de sa propre ini-
tiative, juger approprié d'appliquer ces conventions, en tant que telles, au
règlement du différend, on pourrait soutenir qu'elle en ferait un différend
résultant de ces instruments ; dans ces conditions elle devrait se
demander si quelque autre Etat partie à ces conventions pourrait être

<(affecté au sens de la réservedes Etats-Unis relative aux traités multi-
latéraux.
218. La Cour ne voit cependant pas la nécessitéde prendre position sur
ce point. attendu que selon elle le comportement des Etats-Unis peut être
apprécié en fonction des principes générauxde base du droit humanitaire

dont, àson avis, les conventions de Genèveconstituent acertains égardsle
développement et qu'à d'autres égards elles ne font qu'exprimer. II est
significatif àcepropos que, aux termes des conventions, la dénonciation de
l'une d'elles :

n'aura aucun effet sur les obligations que les Parties au conflit
demeureront tenues de remplir en vertu des principes du droit des
gens tels qu'ils résultentdes usages établisentre nations civilisées,des
lois de l'humanitéet des exigences de la conscience publique ))(con- vention 1,art. 63 ; convention II, art. 62 ;convention III. art. 142 ;
convention IV. art. 158).

L'article 3 commun aux quatre conventions de Genève du 12 août 1949
énoncecertaines règlesdevant être appliquéesdans les conflits armésne
présentant pas un caractère international. II ne fait pas de doute que ces

règlesconstituent aussi, en cas de conflits armésinternationaux, un mini-
mum indépendamment de celles, plus élaborées, qui viennents'yajouter
pour de tels conflits ;il s'agit de règlesqui, de l'avis de la Cour, corres-
pondent a ce qu'elle a appeléen 1949des <considérations élémentaires
d'humanité (Dktroit de Corfou, fond, C. I.J.Recueil 1949, p. 22 ; para-
graphe 215 ci-dessus). La Cour peut donc les tenir pour applicables au
présent différend sans avoirde ce fait à se prononcer sur le rôle que la
réserve américaine relative aux traités multilatéraux pourrait jouer à
d'autres égardsa propos des conventions en question.

219. Le conflit entre les forces contras et celles du Gouvernement du
Nicaragua est un conflit armé ne présentant pas un caractère interna-
tional )>.[,es actes des contras a l'égarddu Gouvernement du Nicaragua
relèventdudroit applicable àde telsconflits, cependant que lesactionsdes
Etats-Unis au Nicaragua et contre lui relèventdes règlesjuridiques inté-
ressant les conflits internationaux. Or l'identité des règles minimales
applicables aux conflits internationaux et aux conflits n'ayant pas ce
caractère rend sans intérêtde décider si les actes en question doivent

s'apprécierdans le cadre de règles valables pour I'une ou pour l'autre
catégorie. Les principes pertinents doivent êtrerecherchés à l'article 3,
identiquement rédigéd . es quatre conventions du 12août 1949,qui visent
expressément les conflits ne présentant pas un caractère international.

220. La Cour considère que les Etats-Unis ont I'obligation, selon les
termes de l'article premier des quatre conventions de Genève, de res-
pecter et mêmede faire respecter ces conventions <(en toute circons-
tance D.car une telle obligation ne découlepas seulement des conventions

elles-mêmes, maisdes principes générauxdu droit humanitaire dont les
conventions ne sont que l'expression concrète. En particulier les Etats-
Unis ont l'obligation de ne pas encourager des personnes ou des groupes
prenant part au conflit au Nicaragua a agir en violation de dispositions
comme cellesde l'article 3commun aux quatre conventions de 1949,qui est
ainsi rédigé :

<(En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère inter-
national et surgissant sur le territoire de I'une des Hautes Parties
contractantes. chacune des parties au conflit sera tenue d'appliquer
au moins les dispositions suivantes :

1) Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y
compris les membres de forcesarmées quiont déposéles armes et
les personnes qui ont étémises hors de combat par maladie. bles-
sure. détention ou pour toute autre cause, seront, en toutes cir- constances, traitées avec humanité, sans aucune distinction de
caractère défavorablebasée sur la race,lacouleur,la religion ou la
croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère
analogue.
A cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps et en tout
lieu,à l'égarddes personnes mentionnées ci-dessus :

a) les atteintes portées à la vie et à l'intégritécorporelle, notam-
ment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les
traitements cruels, tortures et supplices ;
h) les prises d'otages ;
c) les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traite-
ments humiliants et dégradants ;
d) lescondamnations prononcéesetlesexécutions effectuéessans
un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement
constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme

indispensables par les peuples civilisés.
2) Les blessés et malades seront recueillis et soignés ...
Les parties au conflit s'efforceront, d'autre part, de mettre en
vigueur par voie d'accords spéciauxtout ou partie des autres dispo-
sitions de la présente convention ...)>

221. Dans sonarrêtdu 26novembre 1984,la Cour a conclu que, dans la
mesure où les demandes formuléesdans la requêtedu Nicaragua révèlent
l'existenced'un différend sur l'interprétation ou l'application des articles
du traité d'amitié,de commerce et de navigation de 1956entre les Parties
mentionnés au paragraphe 82 dudit arrêt(c'est-à-dire les articles XIX,
XIV, XVII, XX et premier), elle avait compétence pour en connaître en

vertu de l'article XXIV, paragraphe 2, de ce traité. Ayant ainsi établi sa
compétence pour connaître du différend entre les Parties à l'égardde
l'interprétation et de I'application du traité en question, la Cour doit
prendre position sur le sens des diverses dispositions pertinentes pour
son arrêt.Acet égard,laCourdoit notamment déterminer laportéedeI'ar-
ticle XXI. paragraphe 1,alinéas c) et d), du traité.Selon cette disposition

((le présent traiténe fera pas obstacle à l'application de mesures :

c) concernant la production ou le commerce des armes, des muni-
tions et du matérielde guerre, ou le commerce d'autres produits
lorsqu'il a pour but direct ou indirect d'approvisionner des unités
militaires ; d) nécessaires à I'exécutiondes obligations de I'uneou l'autre partie
relatives au maintien ou au rétablissement de la ~aix et de la
sécuritéinternationales ou à la protection des intérêtsvitaux de
cette partie en ce qui concerne sa sécurité )).

Le texte citéest celui de la traduction établiepar le Secrétariat de l'Or-

ganisation des Nations Unies et publiée dans le Recueil des traités,
volume 367. 1960.On notera que ledernier membre de phrase de l'alinéad)
est exprimé respectivement. dans les textes anglais et espagnol du traité,
qui font également foi. par : necessary to protect its essential security
interests et ((necesarias para proteger sus intereses esenciales y seguri-
dad )).
222. Cet article ne peut pas s'interpréter comme faisant échapper à la
compétencede la Cour leprésent différendsur la portéedu traité.En effet

cette disposition, étant I'une de celles qui constituent le traité. est régie
par l'article XXIV aux termes duquel tout différend sur 1'~interpréta-
tion et I'application du traité ))est de la compétence de la Cour. L'ar-
ticle XXI définit les cas dans lesquels le traité prévoit lui-mêmedes
exceptions au caractère généralde ses autres dispositions, mais il ne tend
nullement à faire échapperl'interprétation et l'application de ses propres
termes à la compétence de la Cour prévue par l'article XXIV. Que la
Cour soit compétente pour déterminer si des mesures prises par I'une
des Parties relève d'une exception ressort également a contrario de ce

que le texte de l'article XXI du traitén'a pas repris le libelléantérieur de
l'articleXXI de l'Accord généralsur les tarifs douaniers et le commerce.
Cette disposition du GATT, prévoyant des exceptions au jeu normal
de l'Accord général, précise que celui-ci ne sera pas interprétécomme
empêchant unepartie contractante de prendre toutes mesures qu'elle
estimera nécessaires à la protection des intérêtsessentiels de sa sécu-
ritéO, dans des domaines comme la fission nucléaire, les armements,
etc. Le traité de 1956 fait simplement état au contraire des mesures
((nécessaires )) et non pas de celles considérées commetelles par une

partie.
223. La Cour prendra donc position sur la substance de ces deux caté-
gories de mesures prévuespar cet article et auxquelles le traiténe fait pas
obstacle. L'alinéa 1 c) de l'article XXI n'appelle pour le moment aucun
commentaire. Pour ce qui est de l'alinéa 1d),il est clair que. pa((mesures
nécessaires à l'exécutiondes obligations de I'une oul'autre partie relatives
au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécuritéinternatio-
nales O,ilfaut entendre des mesures que I'Etaten question doit prendre en

exécutiond'un engagement international auquel il ne pourrait se dérober
qu'en le violant. Un tel engagement est accepté par les membres des
Nations Unies à l'égard desdécisionsdu Conseil de sécuritéprises sur le
fondement du chapitre VI1de la Charte des Nations Unies (art. 25) ou,
pour les membres de l'organisation des Etats américains, à l'égarddes
décisionsque l'organe de consultation du système interaméricain a pu
prendre en vertu des articles 3 et 20 du traitéinteraméricain d'assistancemutuelle (Rio de Janeiro, 1947).La Cour ne pensepas que la disposition du
traitéde 1956 puisse s'appliquer à la mise en Œuvre du droit de légitime
défense individuelle ou collective.
224. En revanche, des mesures de légitime défense, individuelle ou
collective, peuvent êtreconsidérées commeentrant dans la catégorie plus
vaste des mesures qualifiées à l'article XXI de (nécessairesàla protection

des intérêtsvitaux j)d'une partie <<en ce qui concerne sa sécurité D.Dans
leur contre-mémoire sur la compétenceet la recevabilitéles Etats-Unis ont
soutenu que : <Tout doute possible quant à l'inapplicabilité du traité de
1956 aux demandes du Nicaragua est écarté par l'article XXI, para-
graphe 1 ))Après avoir citéle paragraphe 1d) (dont le texte est reproduit
au paragraphe 221 ci-dessus), le contre-mémoire poursuit en ces termes :

Cet article XXI était décrit,dans un rapport de la commission des
affaires étrangèresdu Sénat des Etats-Unis. comme contenant « les

exceptions habituelles relatives ..au commerced'armes, de munitions
et de matériel de guerre. ainsi qu'aux mesures de légitime défense.
collective ou individuelle.

Il est difficile de contester que la légitime défense contre une agression
armée correspond à des mesures nécessaires à la protection d'intérêts
vitaux dans le domaine de la sécurité.Toutefois la notion d'intérêtsvitaux
en matière de sécuritédébordecertainement la notion d'agression arméeet
a requ dans l'histoire des interprétations fort extensives. La Cour doit donc
seprononcer sur lecaractèreraisonnabledu péril encouru par ces intérêts

vitaux en ce qui concerne la sécurité » et ensuite sur le caractère non
seulement utile mais nécessaire des mesures présentées comme desti-
néesà en assurer la protection.
225. Les Parties s'étant réservéchacune par l'article XXI du traité de
1956 la faculté de déroger aux autres dispositions de cet instrument, la

possibilité d'invoquer les clauses de cet article doit êtreexaminée dès lors
qu'une contradiction apparaît entre certaines conduitesdes Etats-Unis et
les dispositions pertinentes du traité. L'appréciation des conduites des
Etats-Unis au regard de ces dispositions pertinentes du traitérelevant de
l'application du droit plus que de son interprétation, la Cour y procédera
dans le cadre de son évaluation généraledes faits constatés par rapport au

droit applicable.

226. La Cour, ayant exposé dans leurs grandes lignes les faits de la
cause, tels qu'ils ont pu êtreétablis d'après les preuves à sa disposition,
ainsi que les règlesgénéralesdu droitinternational que ces faitsparaissent
mettre enjeu. et rappeléledroit conventionnel applicable, doitmaintenant
apprécierlesdits faits àla lumièredesrèglesjuridiques applicables. Dans la
mesureoù lesactes du défendeurpeuvent paraîtreconstituer des violationsdes règlesde droit pertinentes, la Cour devra déterminer s'il existe des
circonstances qui en excluraient I'illicéité ou si les actes en question peu-
vent êtrejustifiés pour toute autre raison.

227. La Cour va donc apprécier tout d'abord les faits sous l'angle du
principe du non-emploi de la force étudiéaux paragraphes 187 à 200
ci-dessus. L'illicite, selon ce principe, est le recours soàtla menace soit à
l'emploi de la force contre l'intégritéterritoriale ou l'indépendance poli-
tique d'un Etat. Les griefs du Nicaragua visent surtout l'usagede la force
auquel les Etats-Unis seseraienten fait livréscontre lui.Parmi lesactes que
la Cour a jugé imputables au Gouvernement des Etats-Unis, sont ici
pertinents :

- la pose de mines dans leseaux intérieures outerritoriales du Nicaragua
au début de l'année1984(paragraphe 80 ci-dessus) ;
- certaines attaques contre les ports, les installations pétrolières et une
base navale du Nicaragua (paragraphes 81 et 86 ci-dessus).

Ces activitésconstituent des manquements au principe de prohibition de
l'emploi de la force, défini plushaut, à moins qu'elles ne soient justifiées
par des circonstances qui en excluraient l'illicéité - point restant à exa-
miner. La Cour a égalementconstaté (paragraphe 92) que les Etats-Unis
avaient effectuédes manŒuvresmilitaires aux frontièresdu Nicaragua ;et
le Nicaragua a laisséentendre qu'il y avait là une (1menace d'emploi de la
force »qu'interdirait aussi le principe du non-usage de la force. La Cour
n'estcependant pas convaincue que. dans lescirconstancesoù ellesont eu

lieu,lesmanŒuvresincriminéesconstituaient de la part desEtats-Unis et à
l'encontre du Nicaragua une violation du principe interdisant le recours à
la menace ou à l'emploi de la force.
228. Le Nicaragua a d'autre part soutenu que les Etats-Unis ont
enfreint l'article 2, paragraphe 4, de la Charte et employé la force en
violation de leur obligation résultant du droit international coutumier
en

(1recrutant, formant, armant, équipant, finançant, approvisionnant
et en encourageant, appuyant, assistant et dirigeant de toute autre
manièredesactions militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (requête, par.26 a) et c)).

Dans la mesure où ces accusations visent des infractions à la Charte, elles
sont exclues de la compétencede la Cour par la réserve relativeaux traités
multilatéraux.Quant à l'affirmation suivant laquelle lesactivitésdesEtats-
Unis en relation avec les contrasconstitueraient une violation du principe
de non-emploi de la force en droit international coutumier, la Cour
constateque, sousréservede la question de savoir sileurs actes sejustifient
par l'exercicedu droit de légitime défense,les Etats-Unis, par leur assis- tance aux contras au Nicaragua, ont commisprimafacie une violation de ce
principe en ((organisant ou encourageant l'organisation de forces irrégu-

lièresou de bandes armées...en vue d'incursions sur leterritoire d'un autre
Etat et en participant à desactes de guerre civile ...sur le territoire d'un
autre Etat D, selon les termes de la résolution 2625 (XXV) de I'Assem-
bléegénérale.D'après cette résolution. une semblable participation est
contraire au principe interdisant l'emploi de la force quand les actes de
guerre civile enquestion <<impliquent une menaceou I'emploide la force )).

Selon la Cour. si le fait d'armer et d'entraîner les contras peut assurément
être considéré comme impliquant l'emploi de la force contre le Nicara-
gua. iln'en va pas forcément de mêmepour toutes les formes d'assis-
tance du Gouvernement des Etats-Unis. La Cour considère en particulier
que le simple envoi de fonds aux contras. s'il constitue acoup sûr un acte
d'intervention dans les affaires intérieures du Nicaragua. comme il sera

expliqué plus loin. ne représente pas en lui-mêmeun emploi de la force.
229. La Cour doit ainsi rechercher si, conformément aux affirmations
du défendeur. ces actes des Etats-Unis sont iustifiésDar I'exercicede leur
droit de Iégitimedéfensecollective contre une agression armée o. Pour
cela elle doit établir si les circonstances nécessaireal'exercice de ce droit
de Iégitimedéfensese trouvent réunies et.dans l'affirmative. si les mesures

prises par les Etats-Unis correspondent bien à ce qu'exige le droit inter-
national. Pour que la Cour parvienne a la conclusion que les Etats-Unis
exerçaient dans des conditions licites leur droit de Iégitimedéfense col-
lective, elle devrait, en premier lieu, constater que le Nicaragua s'étaitlivré
a une agression armée contre El Salvador. le Honduras ou le Costa
Rica.

230. En ce qui concerne El Salvador, la Cour a tenu pour établi (para-
graphe 160ci-dessus)qu'entre juillet 1979et les premiers mois de 1981un
flux intermittent d'armes destinées a l'opposition armée de ce pays tra-
versait le territoire du Nicaragua. sans pour autant avoir la certitude qu'il
étaitimputable au gouvernement de cet Etat. La Cour n'a cependant pas
été a mêmede conclure qu'une assistance appréciable soit parvenue à

l'opposition arméeau Salvador depuis les premiers mois de 1981.ni que le
Gouvernement du Nicaragua ait étéresponsable du flux d'armes pendant
l'une ou l'autre période. A supposer mêmeque la fourniture d'armes à
l'opposition au Salvador puisse être considéréecomme imputable au
Gouvernement du Nicaragua. elle ne pourrait justifier l'invocation du
droitcoutumier de Iégitimedéfensecollective que si on pouvait l'assimiler

a une agression arméedu Nicaragua contre El Salvador. Comme indiqué
ci-dessus, la Cour ne peut souscrire à l'idéequ'en droit ip.ternational
coutumier la fourniture d'armes a I'opposition dans un autre Etat équi-
vaudrait à une agression arméecontre celui-ci. Mêmeà l'époque oùle flux
d'armes était à son maximum. et à suDDoser. encore une fois. aue le
Gouvernement nicaraguayen en eût étéresponsable. cela ne constituerait

pas une agression armée.
231. Pour en venir au Honduras et au Costa Rica. la Cour a dit aussi
(paragraphe 164 ci-dessus) qu'il serait nécessaire d'établirque certainesincursions transfrontières à l'intérieur du territoire de ces deux Etats.
survenues en 1982, 1983et 1984,étaient imputables au Gouvernement du
Nicaragua. La Cour a cependant très peu d'informations sur les circons-
tances de ces incursionsou les motifs qui ont pu les inspirer, de sorte qu'il

est difficile de décidersi. a des finsjuridiques, elles peuvent êtreconsidé-
rées soit ensemble soit isolément comme une ((agression armée » du
Nicaragua contre I'undesdeux Etats ou contre lesdeux. La Cour note que,
durant le débat qui s'est dérouléau Conseil de sécuritéenmars-avril 1984,
le représentant du Costa Rica n'a pas porté d'accusation concernant une
attaque armée ; ils'estcontentéde souligner la neutralitéde sonpays et son

soutien pour les négociations de Contadora (SPV.2529, p. 13-23) ;le
représentant du Honduras a cependant déclaré:

Mon pays fait l'objet d'une agression qui se manifeste sous la
forme de divers incidents qui affectent notre intégrité territoriale et
notre population civile et dont le Nicaragua est responsable (ihid.,
p. 37).

D'autres élémentscependant autorisent la Cour à conclure que ni ces
incursions, ni lefait quedesarmesauraient étéfournies a l'opposition d'El
Salvador ne peuvent servir dejustification a l'exercice du droit de Iégitime
défensecollective.
232. L'exercice du droit de Iégitime défense collective suppose tout

d'abord qu'une agression armée aeu lieu ;ilest évidentque I'Etat agressé,
étant le plus directement conscient de la situation, attirera vraisemblable-
ment l'attention de tous sur celle-ci. Ilest non moins évident que, si 1'Etat
agressésouhaite qu'un autre Etat lui vienne en aide dans l'exercice du droit
de Iégitimedéfense, dans des conditions normales il le lui demandera

expressément. Ainsi, dans la présente espèce, pour apprécier si les Etats-
Unis étaient justifiés, comme ils l'affirment, à exercer la légitime défense
collective. la Cour est fondée à se demander si le comportement d'El
Salvador, du Honduras et du Costa Rica, au moment considéré,indique
effectivement que I'un ou l'autre de ces pays croyait êtrevictime d'une
agression armée de la part du Nicaragua et avait fait appel à l'aide des

Etats-Unis dans l'exercice de la Iégitimedéfensecollective.
233. La Cour n'a aucune preuve de ce que lecomportement de ces Etats
ait correspondu à cette situation,que ce soit au moment où les Etats-Unis
déclenchaient pour la première fois leurs activités, prétendument justifiées
par la Iégitimedéfense,ou mêmepar la suite pendant une longue période.
Dans le cas d'El Salvador, ilapparaît à la Cour que cet Etat s'est bien

déclaréofficiellement victime d'une agression armée et a bien demandé
que les Etats-Unis fassent jouer leur droit de Iégitimedéfensecollective ;
mais cela ne s'est produit qu'a unedate trèspostérieure au déclenchement
des activités américaines supposéesjustifiées par cettedemande. La Cour
note que le 3 avril 1984le représentant d'El Salvador devant le Conseil de

sécurhédesNations Unies, tout en se plaignant de ((l'intervention étran-
gère ouverte du Nicaragua dans nos affaires intérieures ))(SPV.2528,
p. 58). n'a pas dit qu'El Salvador avait fait l'objet d'une agression arméeet ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 121

n'a fait aucune mention du droit de Iégitimedéfensecollective qu'il aurait
censémentdemandé aux Etats-Unis de mettre en Œuvre. Il en est de même
lorsque El Salvador adresse une lettre à la Cour en avril 1984, en liaison

avec la plainte du Nicaragua contre les Etats-Unis. Ce n'est que dans sa
déclaration d'intervention déposéele 15août 1984qu'El Salvador fait état
de demandes adressées à des dates diverses aux Etats-Unis pour qu'ils
exercentleur droit de Iégitimedéfensecollective (par. XII) et qu'il s'affirme
à cette occasion victime d'une agression de la part du Nicaragua ((depuis

1980au moins o.Dans cette déclaration El Salvador indique(par. III) qu'à
l'origine ils'était((abstenu de formuler quelque accusation ou allégation
que ce soit [contre le Nicaragua] devant les diversesjuridictions auxquelles
nous avons le droit de nous adresser ))car ilrecherchait une solution
empreinte de coopération et de respect mutuel o.

234. Quant au Honduras et au Costa Rica, l'introduction de la présente
instance les a aussi incités à adresser des communications a la Cour ;
aucune de ces communications ne vise l'agression armée ni la Iégitime
défense collective. Ainsi que la Cour l'a déjà rappelé (paragraphe 231
ci-dessus), le Honduras a affirmédevant le Conseil de sécuritéen1984que

le Nicaragua se livrait à une agression contre lui, mais il n'a pas indiqué
qu'une demande d'assistance au titre de la Iégitimedéfensecollective avait
été adressée en conséquence aux Etats-Unis.Au contraire. le représentant
du Honduras a souligné que la question soumise au Conseil de sécurité
correspond à <(un problème [qui] affecte toute l'Amérique centrale, et la

solution recherchéedoit porter sur l'ensemble de la région ))(SPV.2529,
p. 38). autrement dit doit êtrerégléepar le processus de Contadora. Le
représentant du Costa Rica n'a rien dit non plus de la Iégitimedéfense
collective. Et. ilconvient de lenoter, le représentant desEtats-Unis n'apas

davantage affirméau cours du débat que son pays avait agi en réponse à
des demandes d'assistance rentrant dans cette catégorie."
235. Il est un autre aspect du comportementdes Etats-Unis que la Cour
est fondéeà prendre en considération comme étant révélateurde la posi-
tion de cet Etat sur la question de l'existence d'une agression armée. Le

Gouvernement des Etats-Unis n'a à aucun moment adresséjusqu'ici au
Conseil de sécurité,a propos des questions sur lesquelles porte la présente
espèce, le rapport exigépar l'article 51 de la Charte des Nations Unies à
l'égarddes mesures qu'un Etat croit devoir prendre quand il exerce ledroit
de Iégitimedéfenseindividuelle ou collective. La Cour, qui entend statuer

sur la base du droit international coutumier. a déjà noté que n'existe pas,
dans le cadre de ce droit, l'obligation de rapport qu'exprime l'article 5 1
de la Charte. Elle ne traite donc pas l'absence de rapport de la part
des Etats-Unis comme la violation d'un engagement faisant partie du
droit international coutumier applicable au présent litige. Mais elle est en

droit de relever que ce comportement des Etats-Unis correspond fort
mal à la conviction affichée par eux d'agir dans le cadre de la Iégitime
défensecollective telle qu'elle est consacrée par I'article 51 de la Charte.
Ce fait est d'autant plus remarquable qu'au Conseil de sécuritéle repré-
sentant des Etats-Unis a lui-mêmeconsidéré enune certaine occasionque le non-respect de l'exigence de rapport contredisait la thèse d'un
Etat qui prétendait agir dans l'exercice de la légitime défense collec-

tive (S/PV.2187).
236. De même,si aucune conclusion juridique ne peut êtretirée à
strictement parler de la dateà laquelle El Salvador s'estproclamévictime
d'une agression armée et de celle où il a demandé officiellement aux
Etats-Unis d'exercer la légitimedéfensecollective, ces dates fournissent
une indication de la manièredont réagissaitEl Salvador. La déclarationet
la demande de cet Etat, rendues publiques pour la première fois en août
1984,n'étayentpas l'affirmation qu'en 1981ily avait une agression armée
pouvant servir de ba.sejuridique à des activitésdes Etats-Unis débutant
dans la secondemoitiéde cette année-là.Les Etats concernésnesesontpas
comportéscomme si une agression arméeétaiten cours au moment où les
activitésattribuéesau Nicaragua par les Etats-Unis, sansconstituer vrai-
ment une agression armée, avaientcependant le caractèrele plus marqué ;

ilsn'ont eucecomportement que lorsque cesfaits s'éloignaient leplusdece
qui serait nécessairepour que la Cour puisse constater l'existence d'une
agression arméedu Nicaragua contre El Salvador.
-237. La Cour ayant conclu que la condition sine quu non requise pour
l'exercice du droit di: légitimedéfensecollective par les Etats-Unis ne se
trouve pas remplie en l'espèce, l'évaluatiodesactivitésdesEtats-Unis par
rapport aux critères de nécessité etde proportionnalité change de signi-
fication. Du fait de cette conclusion de la Cour, mêmesi les activités des
Etats-Unis avaient respectéstrictement les exigences de nécessité etde
proportionnalité, ellesn'enseraient pas devenues licitespour autant. Sipar
contre tel n'étaitpas le cas, il pourrait y avoir la un motif supplémentaire
d'illicéité. Au sujetlela nécessité, laCour observe que les mesures prises
par les Etats-Unis en décembre 1981 (ou au plus tôt en mars de cette
année-là - paragraphe 93 ci-dessus) ne peuvent pas êtreconsidérées

comme correspondaint à une (1nécessitéO propre à justifier leur action
en réplique à I'assistance que le Nicaragua aurait apportée à l'opposition
arméeau Salvador. D'une part ces mesures n'ont étéadoptées et n'ont
commencé àproduire leurs effets que plusieurs mois aprèsque la grande
offensive de l'opposiitionarméeau Salvador contre le gouvernement de ce
pays eut été totalement repoussée(janvier 1981) et que son action se fut
trouvée très considérablement affaiblieen conséquence. Le périlmajeur
pour le Gouvernement salvadorien a ainsi pu êtreécarté sans que les
Etats-Unis aient déclenché leurs activités au Nicaraguaet contre lui. Il
n'estdonc pas possible de considérercelles-cicomme ayant été entreprises
sous l'empirede la nécessitéQ. ue I'assistanceauxcontras satisfasse ou non
au critérede proportionnalité, la Cour ne saurait considérerles activités
des Etats-Unis résumées auxparagraphes 80, 81 et 86, c'est-à-dire celles

qui ont trait au minage des ports nicaraguayens et aux attaques des ports,
installations pétrolières, etc., comme répondant à ce critère. En effet,
quelles que soient les incertitudes existantes au sujet de l'importance
exacte de I'assistanceque l'opposition arméeau Salvador a pu recevoir du
Nicaragua. il est clair que ces dernières activitésdes Etats-Unis sont sansproportion aveccettirassistance. Pour en terminer sur ce point, laCour au
surplus se doit de noter que la réaction des Etats-Unis, dans le cadre de ce
que ce pays considèrecomme l'exerciced'une Iégitimedéfensecollective,
s'estpoursuivielongtemps aprèsla périodedurant laquelle toute agression
arméesupposéede la part du Nicaragua pourrait raisonnablement être
envisagée.
238. La Cour conclut en conséquence que l'argument de la légitime
défensecollective destinée à riposter à une agression armée contre El
Salvador, le Honduras et le Costa-Rica avancépar les Etats-Unis pour

justifier leurconduilteenvers le Nicaragua ne peut être retenu ;il s'ensuit
que les Etats-Unisont violéleprincipe interdisant de recourir à la menace
ou à l'emploi de la force en raison des actes énumérés auparagraphe 227
ci-dessus et de l'assistance qu'ilsont donnéeaux contras, dans la mesure où
celle-ci <implique une menace ou l'emploi de la force (paragraphe 228
ci-dessus).

239. La Cour examinera maintenant l'application en l'espècedu prin-
cipe de non-intervention dans les affaires intérieures des Etats. Le Nica-
ragua maintient que les activités militaires et paramilitaires dirigées
contre le Gouvernement et le peuple du Nicaragua ont deux objec-
tifs:

((a) renverser legouvernement légalactuel du Nicaragua et le rem-
placer par un gouvernement acceptable pour les Etats-Unis ;

6)affaiblir substantiellement l'activitééconomique et le régime
politique afin de contraindre le Gouvernement du Nicaragua à

accepter les principes d'action et les exigences politiques des
Etats-Unis o.
Le Nicaragua soutient aussi que les divers actes de caractère économique
rksumésaux paragraphes 123 à 125 ci-dessus représentent une forme

d'intervention ((indirecte dans ses affaires intérieures.
240. Le Nicaragua abeaucoup insistésur lesintentionsqui,d'après lui,
inspireraient leGouvernement des Etats-Unis dans son aide et son soutien
aux contras. IIaffirimeque le but de la politique et des actions des Etats-
Unis contre le Nicaragua a étédès l'originede renverser le gouvernement
de ce pays. Pour le démontrer, il invoque les nombreuses déclarationspar
lesquelles de hauts responsables du Gouvernement des Etats-Unis, en
particulier le présidentReagan. expriment leur solidaritéet leur appui aux
contrus, qualifiésparfoisde <(combattantsde la liberté O,et indiquent que

cet appui pourrait se poursuivre jusqu'à ce que le Gouvernement nicara-
guayen adopte certaines mesures souhaitées par le Gouvernement des
Etats-Unis et qui reviendraient à céder à ses exigences. Le rapport officiel
adressépar le président des Etats-Unis au Congrès le 10 avril 1985 -rapport qui est cité auparagraphe 96 ci-dessus - préciseque : ((Nous
n'avons pas cherché à renverser le Gouvernement nicaraguayen ni à
imposer au Nicaragua un système particulier de gouvernement. )>Mais il
indique aussi trèscllairement que la politique des Etats-Unis envers le
Nicaragua O - comprenant le soutien aux activitésmilitaires et paramili-
taires des contras,que le rapport voudrait voir poursuivre - <(a constam-
ment étéde provoquer des changements de la politique et du comporte-
ment du Gouvernernent nicaraguayen )>.

241. La Cour n'estime cependant pas nécessairede chercher àétablirsi
l'intention des Etats-Unis - obtenir un changement des politiques gou-
vernementales au Nicaragua - était telle qu'on puisse l'assimiler à un
effort tendant à renverser le Gouvernement du Nicaragua. Il paraît clai-
rement établiselon IlaCour, tout d'abord que le Gouvernement des Etats-
Unis, par son soutien aux contras,entendait exercer une pression sur le
Nicaragua dans desdomaines où chaqueEtatjouit d'une entièrelibertéde
décision en vertu du principe de souveraineté (voir le paragraphe 205
ci-dessus) ; et ensuite que le dessein des contras eux-mêmesétaitde ren-

verser le gouvernement actuel du Nicaragua. Le rapport de 1983 de la
commission du renseignement fait état du but avoué des contras de
renverser lessandinistes o.Mêmesi l'onadmet, aux fins du raisonnement.
que le seul but de l'assistance des Etats-Unis aux contras étaitd'empêcher
l'approvisionnement en armes de l'opposition arméeau Salvador, on a
peine à croire que l'objectif d'une entitéforméeen opposition armée au
Gouvernement du Nicaragua et s'intitulant Force démociatique nica-
raguayenne )>était uniquement de contrecarrer les ingérences nicara-

guayennes au Salva~dor,plutôt quede parvenir par la violence à un chan-
gement de gouvernl-ment au Nicaragua. La Cour considère qu'en droit
international si un Etat, en vue de faire pression sur un autre Etat, appuie
et assiste, dans le territoire de celui-ci, des bandes arméesdont l'action
tend à renverser son gouvernement, cela équivaut à intervenir dans ses
affaires intérieures, et cela que l'objectif politique de 1'Etat qui fournit
appui et assistance aille ou non aussi loin. La Cour n'a donc pris en consi-
dération les intentions du Gouvernement des Etats-Unis que dans la

mesure où elles intkressent la question de la légitimedéfense.
242. La Cour conclut en conséquenceque l'appui fourni par les Etats-
Unis,jusqu'à fin septembre 1984,aux activitésmilitaires et paramilitaires
des contras au Nicaragua, sous forme de soutienfinancier. d'entraînement,
de fournitures d'arrnes, de renseignements et de soutien logistique, cons-
titue une violation indubitable du principe de non-intervention. La Cour a
cependant noté qu'à compter du début de l'exercice financier 1985 aux
Etats-Unis, soit le ler octobre 1984, le Congrès des Etats-Unis a limité

l'affectation des crkdits ouverts pour l'assistance aux contras à 1'0assis-
tance humanitaire )(paragraphe 97ci-dessus). IIn'est pas douteux que la
fourniture d'une aide strictement humanitaire à des personnes ou à des
forces se trouvant dans un autre pays, quels que soient leurs affiliations
politiques ou leurs objectifs, ne saurait êtreconsidéréecomme une inter-
vention illiciteouà i.outautre point de vuecontraire au droit international. ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 125

Les caractéristiques d'une telle aide sont indiquéesdans le premier et le
second des principes fondamentaux proclaméspar lavingtièmeconférence
internationale de la Croix-Rouge. aux termes desquels :

<(Néedu souicide porter secours sans discrimination aux blessés
des champs de I.)ataille,la Croix-Rouge. sous sonaspect international
et national, s'efforce de prévenir etd'allégeren toutes circonstances
lessouffrances des hommes. Elletend à protégerla vieet la santéainsi

qu'à faire respecter la personne humaine. Elle favorise la compréhen-
sion mutuelle, l'amitié.la coopération et une paix durable entre tous
les peuples O,

et
Ellene fait aucune distinction de nationalité,de race, de religion.

de condition slociale ou d'appartenance politique. Elle s'applique
seulement à secourir les individus ala mesure de leur souffrance et à
subvenir par priorité aux détressesles plus urgentes. ))

243. La législationdes Etats-Unis par laquelle l'aide aux contrus a été
limitée à l'assistance humanitaire a en outre définicomment s'entendait
cette assistance. à savoir qu'elle consiste en

<(lafourniture de denréesalimentaires.de vêtements,de médicaments
et toute autre aide humanitaire, et exclut la fourniture d'armes, de
systèmesd'armes, de munitions ou autres équipements,véhiculesou
matérielssusceptiblesd'êtreutiliséspour infliger des blessures graves
ou causer la mort de personnes (paragraphe 97 ci-dessus).

11convient de noter aussi que le Congrès des Etats-Unis a décidéque la
CIA et le département de la défensene devaient géreraucun des crédits
alloués.mais que des renseignements pouvaient être <partagés ))avec les

contras. La Cour n'ayant aucune indication sur l'interprétation donnéeen
faità ladécisiondu Congres, ni sur lepoint de savoir sidesrenseignements
continuent à être transmis aux contras, elle se bornera à dire quelle est
l'application du droit à cet égard. Un élémene tssentiel de I'aidehumani-
taire est qu'elle doit êtreassurée <<sans discrimination ))aucune. Selon la
Cour,pour ne pas avoir lecaractèred'une intervention condamnable dans

lesaffairesintérieuresd'un autre Etat, non seulement I'<(ssistancehuma-
nitaire ))doit se limiter aux fins consacrées par la pratique de la Croix-
Rouge, à savoir <(prévenir et allégerles souffrances des hommes )) et
<(protégerla vieet la santé[et]faire respecter la personne humaine )>:elle
doit aussi, et surtout, être prodiguéesans discrimination à toute personne
dans le besoin au Nicaragua, et pas seulement aux contrus et à leurs
proches.

244. Comme la Cour l'a déjà indiqué,le Nicaragua a en outre affirmé
que les Etats-Unis sont responsables d'une forme d'intervention <(indi- ACTIVITE MSILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 126

recte dans ses affaires intérieures, consistantrendre à son détriment
certaines mesures de.caractère économique. L'attention de la Cour a été

appelée en particulier sur l'interruption de l'aide économique en avril
1981 ;sur la réduction de 90 pour cent en avril 1981 du quota de sucre
importé aux Etats-Unis en provenance du Nicaragua ;et sur l'embargo
commercial décrété le ler mai 1985.Tout en admettant qu'en elles-mêmes
certaines de cesmesures nesont pas illicites,un des conseils duNicaragua a
soutenu que tous ce!;faits pris ensemble représentent une atteinte systé-
matique au principe de la non-intervention.
245. La Cour n'a pas àconnaître d'éventuelles violationsd'instruments
économiques interna~tionauxcomme l'Accord général sur lestarifs doua-
niers et le commerci:, qui ont étéévoquées enpassant par le conseil du
Nicaragua ; toute violation de cette nature paraît échapperà la compé-
tence de la Cour, à cause en particulier de la réserve relative auxtraités

multilatéraux,et le Nicaragua n'a saisilaCour d'aucun grief a ce sujet. La
question de lacompatibilitédesmesuresincriminées avecletraitéd'amitié,
de commerce et de navigation de 1956sera examinéeplus loin, lorsque la
Cour prendra en considération les dispositions de ce traité. Pour le
moment. il suffira d'indiquer que la Cour ne peut considérer les mesures
économiquesmises en causecomme des violations du principe coutumier
de la non-intervention.

246. Ayant conclu que lesactivitésdes Etats-Unis en relation aveccelles
auxquelles selivraient lesontras au Nicaragua constituent primafacie des
actesd'intervention, la Courdoit examiner s'ilexiste des motifsjuridiques

qui puissent les légitimer. Comme la Cour l'a indiqué, le principe de
non-intervention relèvedu droit international coutumier. Or il perdrait
assurément toute signification réelle comme principe de droit si I'inter-
vention pouvait êtreJustifiéepar une simple demande d'assistance formu-
léepar un groupe d'opposants dans un autre Etat, en l'occurrence des op-
posants au régime di1Nicaragua, àsupposer qu'en l'espècecette demande
ait étréellement formulée.On voit mal en effet cequi resterait du principe
de non-intervention en droit international si l'intervention, qui peut déjà
êtrejustifiéepar lademande d'un gouvernement, devait aussi êtreadmise à
la demande de l'opposition à celui-ci. Tout Etat serait ainsi en mesure
d'intervenirà tout coup dans les affaires intérieuresd'un autre Etat,àla
requête,tantôt de sclngouvernement, tantôt de son opposition. Une telle
situation ne correspond pas, de l'avis de la Cour,à l'état actueldu droit

international.
247. La Cour a déjà indiqué(paragraphe 238) quelle était sa conclu-
sion, à savoir que 1e:scomportements des Etats-Unis à l'égarddu Nica-
ragua ne trouvent pas de justification dans le droit de légitime défense
collective en réponseà une agression arméequi se serait produite contre
l'un des voisins du Nicaragua. Pour ce qui est des allégationsconcernant
les armes que leNic,aragua aurait fourniesà l'opposition arméeau Salva-dor, la Cour a dit que, si la notion d'agression arméeenglobe l'envoi de
bandes armées par un Etat sur le territoire d'un autre Etat, la fourniture
d'armes et le soutieinapporté à ces bandes ne sauraient êtreassimilés à
l'agression armée.Néanmoinsde telles activités peuvent fort bien consti-
tuer un manquement au principe du non-emploi de la force ainsi qu'une
intervention dans les affaires intérieures d'un Etat, c'est-à-dire un com-
portement certes illicite, maisd'une gravitémoindreque I'agressionarmée.

La Cour doit donc se demander à présentsi les activités desEtats-Unis à
l'encontre du Nicaragua peuvent trouver unejustification dans le fait que
celui-ciserait interve:nudans lesaffairesintérieuresd'un autre Etat d'Amé-
rique centrale.
248. Les Etats-Unis reconnaissent qu'ils apportent leur soutien aux
contras opérant au Nicaragua, mais ils invoquent commejustification la
conduite similaire que celui-ci observerait, selon eux, en aidant lui-même
l'opposition armée au Salvador et, dans une moindre mesure, celles exis-
tant au Honduras el.au Costa Rica, et en se livrant a des attaques trans-
frontières contre ces deux Etats. Les Etats-Unis présentent cette justifi-

cation dans l'optique de la légitimedéfense ;l'ayant rejetée à ce titre, la
Cour doit se demander si elle peut êtrevalable sous forme de contre-
mesures en riposte à1une intervention. La Cour doit cependant constater
qu'une telle justification ne cadre pas avec le droit applicable.
249. Sur le plan du droit, la Cour ne saurait considérerla riposte à une
intervention du Nilraragua comme une telle justification. L'agression
arméeouvrirait un droit à la légitimedéfensecollective, mais un recours à
la force d'une moindre graviténe saurait, comme la Cour l'adéjà indiqué
(paragraphe 21 1ci-dessus), autoriser des contre-mesures collectives impli-

quant l'emploi de la.force. Les faits reprochés au Nicaragua, à supposer
même qu'ilsaient étéétabliset qu'ils luisoient imputables, n'auraient pu
justifier des contre-mesures proportionnées que de la part de 1'Etatqui en
aurait étévictime, c'est-à-dire El Salvador, le Honduras ou le Costa Rica.
Ils ne sauraient justifier des contre-mesures prises par un Etat tiers, les
Etats-Unis. et en particulier une intervention impliquant l'usage de la
force.

250. Dans la requête,le Nicaragua affirme en outre

«Que les Etats-Unis,en violation de leurs obligations en vertu du
droit international général etcoutumier. ont violé et violent la sou-
verainetédu Nicaragua du fait :
- d'attaques arméescontre le Nicaragua par air, par terre et par
mer ;
- d'incursions dans les eaux intérieures du Nicaragua ;

- de la violation de l'espace aériendu Nicaragua ;
- d'efforts directs et indirects de coercition et d'intimidation du
Gouverneme:nt du Nicaragua. »(Par. 26 b).) Le mémoiredu Nicaragua n'énumèrecependant au titre des violations de
souverainetéque les attaquescontre le territoire du Nicaragua, les incur-
sions dans sa mer territoriale et lessurvols. L'accusationd'efforts directs
et indirects de coercition et d'intimidation du Gouvernement du Nicara-
gua >)de la part des Etats-Unis. a étéprésentéedans le mémoiresous le
chapitre de la menace ou de l'emploi de la force, déjà traité plus haut
(paragraphe 227). F.nconséquence. cet aspectdes griefs du Nicaragua ne
sera pas examinéplus avant.
251. Les effets diuprincipe de respect de la souverainetéterritoriale et
ceux des principes {del'interdiction de l'emploi de la force et de la non-
intervention se recouvrent inévitablement jusqu'a un certain point. C'est
ainsi que les mesures d'assistance aux contras, de mêmeque les attaques
directes contre les ports. les installations pétrolières. etc.,du Nicaragua
viséesaux paragraphes 81 à 86 ci-dessus n'équivalentpas seulement à un
emploi illicite de la force : elles enfreignent aussi la souveraineté territo-

riale du Nicaragua et constituent des incursions dans seseaux territoriales
et intérieures. De la mêmemanière les opérations de minage des ports
nicaraguayens, outre qu'ellesenfreignent le principe du non-emploi de la
force, mettent en cause la souverainetédu Nicaragua sur certaines éten-
dues maritimes. En effet la Cour a constaté que ces opérations ont été
menéesdans les eaux territoriales ou dans les eaux intérieuresdu Nica-
ragua. ou dans les deux à la fois (paragraphe 80),et constituent donc une
violation de sa souveraineté. Leprincipe du respect de la souveraineté
territoriale est en outre directement enfreint par le survol non autorisédu
territoire d'un Etat par des appareils appartenant au gouvernement d'un
autre Etat ou placéssous lecontrôle de celui-ci. Or la Cour a constatéplus
haut que de tels siirvols ont bien étéeffectués(paragraphe 91 ci-des-
sus).
252. Ces violations ne peuvent êtrejustifiéesni par la légitime défense
collective. puisque, comme la Cour l'a reconnu, les circonstances néces-

saires à sa mise enjeu ne sont pas réunies, nipar un droit qu'auraient les
Etats-Unis de prendre des contre-mesuresimpliquant l'usagede la forceen
riposte a une éventuelle intervention du Nicaragua au Salvador, un tel
droit étantinconnu du droit international applicable. Desfaitssemblables
ne sauraient êtrejustifiés par des activitésse déroulant au Salvador qui
seraient attribuées au Gouvernement du Nicaragua. Ces activités,pour
autant qu'elles aienit bien eu lieu, ne créent au bénéfice des Etats-Unis
aucun droit qui justifierait les mesures en question. Ces mesures consti-
tuent donc bien de!;violations de la souverainetédu Nicaragua selon le
droit international coutumier.

253. Il y aura avantage à évoquer ici un autre aspect des incidences
juridiques du minagedes ports du Nicaragua. Ainsi que la Cour l'aindiqué
au paragraphe 214 ci-dessus, lorsque les navires d'un Etat ont un droit

d'accès aux ports d'un autre Etat. si ce droit d'accès estgênépar le ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 129

inouillage de mines, il en résulteune atteinte à la libertédes communica-
tions et du commerce maritime. Tel est de toute évidencelecas en l'espèce.
La Cour n'a pas à se prononcer sur les droits des Etats qui ne sont pas

parties à l'instance ;ilest cependant clair que les entraves au droit de libre
accès aux ports du Nicaragua sont de nature à affecter l'économiede ce
pays et ses relations de commerce avec tout Etat dont les navires ont un
droit d'accks àses ports. La Cour conclut en conséquence,dans lecontexte

de la présente instance entre le Nicaragua et les Etats-Unis, que la pose de
mines dans lesports du Nicaraguaou àproximitéde ces ports constitue. au
détriment du Nicaragua, une atteinte àla libertédescommunications et du
commerce maritime:.

254. La Couren vient maintenant àla question de l'application du droit
humanitaire aux activités des Etats-Unis mises en cause en la présente

espèce. Mention a dléjàétéfaite (paragraphe 215 ci-dessus) des violations
du droit international coutumier consistant à ne pas émettre de mise en
garde à l'occasion du minage desports nicaraguayens, dont la Cour ajugé
les Etats-Unis directement responsables. Sauf pour cequi est des mines, le
Nicaragua n'a cependant attribué au personnel des Etats-Unis ou aux

UCLAs, par opposition aux contras, aucune violation du droit humani-
taire. Le demandeur a affirmé que les actes perpétréspar les contras
constituent des violations des normes fondamentales qui protègent les
droits de I'homme ));iln'apas soulevéla question du droit applicable dans

un conflit de la nature de celui qui oppose les contras au gouvernement
établi. En fait le Nicaragua accuse les contras d'avoir violé aussi bien les
droits de l'homme que le droit humanitaire, et attribue la responsabilité de
ces faits aux Etats-Unis. La Cour a cependant jugé (paragraphes 115 et
2 16)que cette conclusion du Nicaragua ne pouvait êtreretenue ; mais elle a

aussi jugéque les Etats-Unis sont responsables de la publication et de la
diffusion du manuel sur les Opérations psychologiques dans la lutte de
guérilla ))mentionné aux paragraphes 118 à 122 ci-dessus.
255. La Cour a dit aussi (paragraphes 219 et 220 ci-dessus) que les

principes générauxdu droit humanitaire incluent une interdiction parti-
culièreacceptéepar les Etats pour lesactivitéssedéroulant dans lecadre de
conflits armés. aI'ils soient ou non de caractèreinternational. En vertu de
ces principes généraux,les Etats-Unis ont l'obligation de ne pas encoura-
ger des personnes ou des groupes prenant part au conflit au Nicaragua à

violer l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève du 12 août
1949.Bien entendu il ne s'agit pas ici descirconstances dans lesquelles un
Etat peut êtretenu pour responsable des actes d'un autre Etat. et qui ne
recouvrent probablement pas la possibilité d'une incitation. La Cour re-
lèveà cet égard que:le manuel sur les opérations psychologiques conseille

de <(neutraliser certaines cibles soigneusement triéeset préparées )>,y
comprisdes juges. des fonctionnaires de la police ou de la sûretéde l'Etat,
etc.. aprèsavoir rassemblé lapopulation locale pour qu'elle prenne part à ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 130

l'événementet formule des accusations contre l'oppresseur ))Selon la
Cour, de tels actes ne peuvent êtreque contraires à l'article 3 des conven-
tions de Genève qui interdit, dans le cas des non-combattants :

les condamnations prononcéeset les exécutions effectuéessans un
jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrementconstitué,
assorti des garantiesjudiciaires reconnues comme indispensables par
les peuples civilisés

et probablement aussi à l'interdiction des(<atteintes portées à la vie età
l'intégrité corporellen. otamment le meurtre sous toutes ses formes ..O
256. Il convient aussi de rappeler dans quelles conditions le manuel sur
lesopérationspsyc'hologiquesa étémis en circulation. Pour déterminersi
la publication d'un manuel encourageant àcommettredes actes contraires
aux principes générauxdu droit humanitaire est illicite en tant que telle, il
importe de se dem.ander si cet encouragement a étédonné dans des cir-
constances telles qui'ilétaitprobable ou prévisibleque de tels actesseraient
effectivement commis. La Cour a néanmoins constaté (paragraphe 121)
qu'à l'ipoque pertinente ceux quiont pris la responsabilitéde distribuer le

manuel devaient à tout le moins avoir connaissance d'allégations selon
lesquelleslecomportementdes contras encampagne n'étaitpas conciliable
avec le droit humanitaire ; la CIA a mêmeaffirméque le manuel devait
servirà (<modérer :ce comportement. La publication et la diffusion d'un
manuel donnant en fait les conseils susmentionnés doivent donc être
considéréescomme un encouragement, qui avait des chances d'être suivi
d'effet,à commettre des actes contraires aux principes générauxdu droit
humanitaire international repris par les traités.

257. La Cour a kvoquéplus haut(paragraphes 169et 170)l'attitude des
Etats-Unis, expriméepar la conclusion du Congrèsdu 29juillet 1985,qui
établitun lien entre le soutien des Etats-Unis aux contras et le fait que le
Gouvernement du 'Nicaraguaauraitmanquéases engagementssolennels
envers le peuple nicaraguayen, les Etats-Uniset l'organisation des Etats
américains».Cesmanquements auraient mis enjeu desquestions comme
la composition du gouvernement, son idéologie etson alignement poli-
tiques. son caractère totalitaire, les droits de l'homme, lamilitarisation et

l'agression.Pour ce:quiest de 1'<a(gression sousforme de subversion armée
contre ses voisins )),la Cour a déjà traité de la justification tiréede la
légitimedéfensecollective en riposte à une agression armée et ne se pro-
pose pas d'yrevenir. Ellea égalementréglé la question du droit supposéde
répliquer à l'intervention arméepardes contre-mesures collectives. Ils'agit
de rechercher maintenant s'ilexiste. dans les comportements du Nicara-
gua, un élémentqui autoriserait en droit des contre-mesures des Etats-
Unis.
258. Lesdomaines dans lesquels leGouvernement du Nicaraguaaurait ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 131

souscrit un engagement relèvent de la politique intérieure de ce gouver-

nement. Normalement, la Cour ne croirait pas devoir vérifier des asser-
tions s'yrapportant, à supposer qu'elle en ait le pouvoir. Les orientations
politiques internes d'un Etat relèvent de la compétence exclusive de celui-
cipour autant, bien entendu, qu'elles ne violent aucune obligation de droit
international. Chaque Etat possède le droit fondamental de choisir et de
mettre en Œuvre comme il l'entend son système politique, économique et
social. Dès lors, ilne serait pas nécessairenormalement de se livrer à une

recherche, qui n'est pas de la compétence de la Cour,pour savoir dans quel
sens et suivant quelle orientation le Nicaragua a effectivement exercéson
droit.
259. Cependant l'affirmation qu'un engagement a été pris soulève la
question de savoir s'ilest possible pour un Etat de se lier par voie d'accord
sur une question de politique intérieure, telle que celle relative à la tenue

d'élections libressur son territoire. La Cour n'aperçoit, dans tout l'éventail
des matières sur le:squelles peut porter un accord international. aucun
obstacle ni aucune disposition empêchant un Etat de prendre un engage-
ment de cette nature. L'Etat, qui est libre de décider du principe et des
modalités d'une consultation populaire dans son ordre interne, est souve-
rain pour accepter en ce domaine une limitation de sa souveraineté. Une

telle limitation est concevable dans le cas d'un Etat lié par des liens
institutionnels àune confédérationd'Etats. voire a une orean-sation inter-
nationale. Le Nicaragua et les Etats-Unis sont tous deux membres de
l'organisation des Etats américains ; or la charte de cette organisation,
en fait de limitation concertée de souveraineté, dispose seulement a I'ar-
ticle3 d) que :

La solidarité des Etats américains et les buts élevés qu'ilspour-
suivent exigent de ces Etats une organisation politique basée sur le

fonctionnement effectif de la démocratie représentative ;
d'un autre côtéellt: prévoit le droit pour chaque Etat de s'organiser le
mieux qu'il l'entend (art. 12) et de(<développer librement et spontané-

ment sa vie culturt:lle, politique et économique ))(art. 16).
260. La Cour a récapitulé plus haut les faits relatifs aux événementsde
1979, y compris la résolution de la dix-septième réunion de consultation
des ministres des relations extérieures de l'organisation des Etats améri-
cains, et la commiunication. en date du 12juillet 1979, de la junte du
gouvernement de reconstruction nationale du Nicaragua au secrétaire
généralde l'organisation, accompagnée d'un plan de paix ))où étaient

précisés,entre autres, les objectifs de la junte nicaraguayenne et plus
spécialement la volonté de celle-ci d'installer le nouveau régime par une
transition pacifique et sans désordre et de respecter les droits de l'homme
sous le contrôle de la commission interaméricaine des droits de l'homme.
que la junte invitait à se rendre au Nicaragua dès que nous serions
installéso. Avant donc d'être en place à Managua, le nouveau régime

donnait ainsi les apaisements recherchés et exprimait son intention de
gouverner démocratiquement le pays. 261. La Cour ne itrouvecependant rien dans ces documents, résolution
et communication transmettant le plan de paix O,qui permette de con-
clure à l'intention di: faire naître un engagement juridique. Lajunte avait
d'ailleurs bien rappelédans l'unde cesdocuments que l'invitation adressée
par elle à I'organi~a~tiondes Etats américainspour qu'elle contrôle la vie
politique du Nicaragua nedevait pas faireperdre de vueque ladéfinitionet
la conduite de la politique intérieure du pays dépendait bien évidemment
de la volonté desNicaraguayens eux-mêmes. Larésolutiondu 23juin 1979

déclare elle aussi qu'il appartient <exclusivement )>au peuple nicara-
guayen de résoudreses problèmes, mêmesi elle indique que leur solution
(devrait reposer ('deberfainspirarse) sur certaines bases, qu'elle ne fait
que recommander au futur gouvernement. Cette partie de la résolution
n'est qu'une simple déclaration ne comportant pas d'offre formelle pou-
vant constituer, par son acceptation, une promesse en droit et donc une
obligation juridique. La Cour ne peut pas davantage souscrire à l'idéeque
le Nicaragua avait concrètement pris l'engagement d'organiser des élec-
tions libres et quecet engagement revêtaitun caractèrejuridique. Lajunte
nicaraguayenne de reconstruction nationale avait prévu dans son pro-

gramme politique de gouvernement la tenue d'élections libres, comme
l'avait recommandéla dix-septième réunionde consultation des ministres
des relations extérieures de l'organisation des Etats américains. Il s'était
agi d'une promesse essentiellement politique, faite non seulement à I'or-
ganisation mais ausisiau peuple du Nicaragua qui devait en êtrelepremier
bénéficiaire. Mais la Cour ne découvreaucuninstrument ayant une valeur
juridique, unilatéral ou synallagmatique, par lequel le Nicaragua se serait
engagéquant au principe et aux modalitésde la tenue d'élections. Men-
tion a déjà été faitede la charte de l'organisation des Etats américainset

du respect dont elle témoignepour l'indépendance politique des Etats
membres ;dans le domaine de la politique intérieure, elle se borne à
énumérerles normes sociales à l'application desquelles les Etats membres
conviennent de consacrer tous leurs efforts O, y compris :

L'incorporation et la participation progressive des secteurs mar-
ginaux de la population. tant rurale qu'urbaine, à la vie économique,
sociale,civique:.culturelle et politique de la nation, afin d'aboutirla
pleine intégrationde la communauténationale, d'accélérer le proces-
sus de mobilité sociale et de consolider le régimedémocratique.
(Art. 43 f).)

II est évident quedes dispositions de cette nature sont fort loin de cons-
tituer l'engagement.d'avoir recours à des mécanismes politiques parti-
culiers.
262. Qui plus est, à supposer mêmequecette promesse politiqueait eu
valeur d'engagement juridique, elle n'aurait nullement pu permettre aux
Etats-Unis de réclaimerla miseen Œuvred'un tel engagement,pris non pas
envers eux directemientmais àl'égardde l'organisation, seulehabilitée à en
vérifier l'exécution. LaCour ne découvre aucune base juridique à la
<responsabilité particulièreen cequi concerne le respect desengagements ACTIVI.~ÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES(ARRÊT) 133

pris ))par le Gouvernement du Nicaragua que les Etats-Unis estiment
avoir assumée en raison du ((rôle qu'ils ont joué dans l'installation du
gouvernement actuel du Nicaragua u(voir paragraphe 170ci-dessus). Par
ailleurs.àsupposer mêmeque les Etats-Uniseussentétéfondés à agir aux
lieu etplace de l'organisation, ilsnepouvaient de toutefaçon utilisàcette
fin des moyens auxcluelsl'organisation nepouvait elle-mêmerecouriret en
particulier êtreautorisésà user de la force en cette circonstance. Un tel
engagement est. par sa nature. de ceuxdont la violation ne saurait justifier
l'emploi de la force contre un Etat souverain.
263. Le Congrès des Etats-Unis a aussi, dans sa conclusion. exprimé
l'opinion que le G~x~vernementdu Nicaragua avait pris des «mesures
révélant l'intentiond'établir une dictaturecommuniste totalitaireo.Quel-
que définitionqu'ondonnedu régimedu Nicaragua, l'adhésiond'un Etat à

une doctrine particulière ne constitue pas une violation du droit interna-
tional coutun~ier; conclure autrement reviendrait à priver de son sens le
principe fondament.al de la souveraineté desEtatssur lequel repose tout le
droit international, et la libertéqu'un Etat a de choisir son systèmepoli-
tique, social, économiqueet culturel. En conséquence,leschoix politiques
internes du Nicaragua, à supposer mêmequ'ils répondent àla description
qui en est donnéedans laconclusion du Congrès,ne peuvent pas légitimer.
sur le planjuridique, lesdiverses conduites reprochéesau défendeur àson
égard. LaCourne saurait concevoirla créationd'une règlenouvelle faisant
droità une intervention d'un Etat contreun autrepour lemotif que celui-ci
aurait optépour une idéologieou un systèmepolitique particulier.
264. La Cour a par ailleurs soulignél'importance que revêt à d'autres
égardsuntexte comme l'actefinal d'Helsinki ou, à un tout autre niveau, la
résolution 2625 (XXV) de l'Assembléegénéralequi, comme son nom

l'indique. est uned'éclarationrelative aux principes du droit internatio-
nal touchant aux relations amicales et à la coopération entre les Etats
conformément à la Charte des Nations Unies o. Des textes de cette
nature, dont la Cour a dit que certaines de leursdispositions, telles que les
principes de non-emploi de la force et de non-intervention, avaient un
caractère coutumier, envisagent les relations entre les Etats à systèmes
politiques, économiques et sociaux différents sur la base de la coexis-
tence entre les diverses idéologiesqui les animent, et les Etats-Unis non
seulement n'ont pas objecté à leur adoption mais ils ont pris une part
active à leur élaboration.
265. Les mêmesconsidérations s'appliquent aux critiques exprimées
par les Etats-Unis à propos de la politique extérieure et des alliances du
Nicaragua. Quel que puisse êtrel'effet des alliances sur les équilibres

politico-militaires régionaux ou mondiaux, la Cour n'a compétencepour
appréhender ces questions que sous l'angle du droit international. De ce
point de vue, il suffit de constater que la souverainetéd'un Etat s'étend
l'évidenceau domaine de sa politique extérieureet qu'il n'existe pas de
règlede droit interinational coutumier empêchantun Etat de choisir et de
conduire une politique extérieure coordonnée avec celle d'un autre
Etat. 266. La Cour note d'ailleurs que cesjustifications, qui ont étéavancées
uniquement sur le terrain politique. lequel échappe naturellement à son
appréciation, n'ont pas étéinvoquées en tant qu'arguments juridiques.

L'Etat défendeur s'est toujours borné à utiliser le moyen classique de la
légitimedéfenseet n'a nullement fait valoir un moyen de droit tiréd'une
prétendue règled'o intervention idéologique O, qui aurait étéd'une nou-
veautéfrappante. L.aCour rappelle que l'une des accusations des Etats-
Unis contre le Nicaragua concerne la violation de la déclaration sur l'in-
tervention adoptée par l'Assemblée générale en1965 (paragraphe 169
ci-dessus) du fait de son soutienà l'opposition arméeau Salvador. A la
connaissance de la Cour les Etats-Unis n'ont pas officiellement renoncéà
invoquer ce principfeen lui substituant un principe nouveau d'o interven-
tion idéologique dont la définitionserait discrétionnaire.Comme elle l'a
rappelé plushaut (paragraphe 29), la Cour ne doit pas fonder sa décision
exclusivement sur lesexposésdes parties relativement audroit applicable :
elleest tenue deprendre en considération de sa propre initiative toutes les
règlesde droit international qui seraient pertinentes poule règlementdu
différend,mêmesi ces règlesn'ont pas étéinvoquéespar une partie. Rien
n'autorise cependant la Cour à prêter à des Etats des vues juridiques

qu'eux-mêmes neformulent pas.
267. La Cour relevepar ailleurs que leNicaragua est accuséde violer les
droitsde l'homme, selon la conclusion tiréepar le Congrèsdes Etats-Unis
en 1985.Ce point particulier doit être approfondi, indépendamment de
l'existence d'un engagement juridique pris par le Nicaragua envers
l'organisation des Etats américainsde respecter ces droits. L'inexistence
d'un tel engagemenit ne signifierait pas que le Nicaragua puisse violer
impunémentles droiitsde I'homme.Toutefois, quand lesdroitsde I'homme
sont protégéspar des conventions internationales, cette protection se
traduit par des dispositions prévuesdans le texte des conventions elles-
mêmes etqui sont destinées à vérifierouà assurer le respect de ces droits.
La promesse politiclue avait étéfaite par le Nicaragua dans le cadre de
l'organisation des Etats américains, de sorte que les organes de cette
organisation se trouvent compétents pour en vérifier lerespect. La Cour a
relevé(paragraphe 168)que, depuis 1979,le Gouvernement du Nicaragua

a ratifié plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de
l'homme, dont la convention américaine portant sur ce sujet (pacte de
San José,Costa Rica). Ces mécanismesont fonctionné.Ainsi, la commis-
sion interaméricaine des droits de I'homme a pris des mesures et éla-
boré deux rapports (OEA/Ser.L/V/II.53 et 62) après s'êtrerendue au
Nicaragua à l'invitation de son gouvernement. L'Organisation des Etats
américains était donc à même,si elle le souhaitait, de statuer sur la
base de ces constatations.
268. De toute manière, si les Etats-Unis peuvent certes porter leur
propre appréciation sur la situation des droits de I'homme au Nicaragua,
l'emploi de la force ne saurait êtrela méthodeappropriée pour vérifier et
assurer lerespect decesdroits. Quant aux mesures qui ont étéprises en fait,
la protection des dr,oitsde I'homme, vuson caractère strictement huma- ACTIVI;~ÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 135

nitaire, n'est en aucune façon compatible avec le minage de ports, la
destruction d'installations pétrolières, ou encore l'entraînement, I'arme-
ment et I'équipemeritdes contras. La Cour conclut que le motif tiréde la

préservation des droits de l'homme au Nicaragua ne peut justifier juridi-
quement la conduite: des Etats-Unis et ne s'harmonise pas, en tout étatde
cause, avec la stratégiejudiciaire de 1'Etatdéfendeur fondéesur le droit de
légitimedéfense collective.
269. La Cour en vient à un autre facteur touchant à la fois la politique
intérieure et la politiique extérieur; il s'agit de la militarisation du Nica-

ragua, jugée par les Etats-Unis excessive et propre à prouver ses visées
agressives, et dans laquelle ilstrouvent un autre élémentjustificatif de leurs
activitésàsonégard. Il est sanspertinence et inutile, de l'avisde la Cour, de
prendre position sur cette allégationdes Etats-Unis,dès lors qu'il n'existe
pas en droit international de règles. autres que celles que 1'Etat intéressé
peut accepter, par traité ou autrement, imposant la limitation du niveau

d'armement d'un Etat souverain, ce principe étant valable pour tous les
Etats sans distinction.

270. Etant ainsi parvenue au terme de son examen des demandes du

Nicaragua fondées sur le droit international coutumier, la Cour doit
maintenantaborder lrellesqui reposent sur le traitéd'amitié,de commerce
et de navigation entre les Parties, signéà Managua le 21janvier 1956 ; en
vertu de l'articleXXIV, paragraphe 2, de ce traité, la Cour a compétence
pour connaître de tout différend qui pourrait s'éleverentre les parties
quant à son interprétation ou à son application. Le premier grief que le

Nicaragua articule en relation avec le traitén'est pas, au demeurant,fondé
directement sur une tiisposition précisede celui-ci. Le Nicaragua soutient
que les Etats-Unis, par la façon dont ils se sont comportés envers lui, ont
privéletraitéde 1956de sonobjet et de sonbut et l'ont vidéde sa substance
même.Le Nicaragua a invoqué,àcet effet, l'obligation juridique qu'ont les
Etats de s'abstenir dr: tout acte de nature à empêcherl'exécutionsatisfai-

sante desconventions conclues par eux. Toutefois si un Etat a l'obligation
de ne pas entraver leibonne exécution d'un traité auquel il est partie, ce
n'est pas là une obligation qui découle du traité lui-même.Le Nicaragua
lui-mêmeparaît soutenir qu'elle relèvedu droit international indépendam-
ment du traité et que cela ressort implicitement de la règlepacta sunt
servanda. Dès lors, la demande ne peut êtreprésentéeau titre d'une

éventuelle violation des dispositions du traitéde 1956par les Etats-Unis,
bien qu'elle puisse rnettre en cause son interprétation ou son applica-
tion.
271. La Cour ayant conclu, dans son arrêtde 1984,qu'elle est compé-
tente aussi bien sur la base du traitéd'amitié,de commerce et de navigation
de 1956 que sur celle de l'acceptation de juridiction consentie par les

Etats-Unis en vertu idel'article 36, paragraphe 2, du Statut, aucun pro- blèmede compétence nese pose en l'occurrence. II faut cependant souli-

gner que la Cour n'est pas d'avis qu'une clause compromissoire comme
celle de l'article XXW, paragraphe 2, du traité d'amitié,de commerce et
de navigation de 1956,prévoyant sa compétenceen cas de différendsur
l'interprétation ou l'application du traité, l'autoriseonnaître d'une de-
mande reposant sur l'assertionque celui-ciaurait étéprivéde son but et de
son objet. C'est uniquement parce que la Cour s'est déclaréecompétente
en l'espèce,indépendamment de l'article XXIV,pour connaître de tout
différendjuridique entre les Parties portant sur l'une des matières énu-
mérées à l'article-36,paragraphe 2,du statut, qu'ellepeut aborder l'examen
de ce grief du Nicaragua. Toutefois, comme il a étéindiqué au para-
graphe 221 ci-dessus, la Cour doit établir tout d'abord si les actes repro-

chésaux Etats-Unis en tant que violations du traité d'amitié,de com-
merce et de navigation de 1956sont àconsidérercommedes mesures ...
nécessaires à la pra~tection des intérêtsvitaux )) des Etats-Unis en ce
qui concerne leur sécurité (sus intereses esencialesy seguridad),puisque
l'article XXI du traitéstipule que le <(traiténe fera pas obstacle à I'ap-
plication ))de telles mesures. La question se pose donc de savoir si I'ar-
ticle XXI peut être invoquédans l'hypothèse où, une demande étant
présentéeen vertu du droit international coutumier à raison d'un com-
portement quiseraitcensépriverletraitédeson but et de son objet, ilserait
possible de démontrer que ce comportement consiste en <<mesures ...
nécessaires à la protlection des intérêtsvitaux de sécurité.

272. Selon la Coulr, on ne peut prétendre qu'un acte est de nature à
priver un traité de son but et de son objet ou à en empêcherla bonne
exécutionsi la possibilitéd'un tel acte étaitprévuedans le traitélui-même,
et s'ila étéstipulé quele traitén'y<<fera pas obstacle ))de telle sorte qu'il
ne violera pas les termes exprès du traité. En conséquence. la Cour ne
saurait retenir, ni la thèsedu Nicaragua alléguant un comportement qui
priverait le traitéde:sonbut et de son objet, ni celle qui voudrait que des
articles précis dutraitéeussent étéviolés,à moins de s'êtred'abord assurée
que lecomportement incriminéne consistepas en <<mesures ...nécessaires
à la protection )des intérêtvsitaux des Etats-Unisen ce qui concerne leur
sécuritéL. a Cour examinera d'abord silesthèsesdu Nicaragua concernant

letraitéparaissent fondées,puis ellese demandera si ellessont néanmoins
justifiables par référence à l'article XXI.
273. La portée de l'argument suivant lequel les Etats-Unis auraient
privéle traitéde son but et de son objet n'estpas facile a apprécier, maisil
semble que, si elle devait suivre le Nicaragua, la Cour pourrait, pour ce
motif. condamner lei5Etats-Unis pour l'ensemble des griefs articulésen
détailpar le Nicaragua. D'aprèscelui-ci,le traitéest indubitablement un
traitéd'amitiéqui impose aux Etats signataires l'obligation d'entretenir
entre eux des relations amicales O ; aussi, <quelle que soit la définition
exacte de l'amitiéen tant que normejuridique, la violation de celle-ci par
les Etats-Unis ne fait aucun doute en I'espèce )).En d'autres termes, la

Cour est priéededirequ'un Etatqui aconclu un traitéd'amitiés'obligepar
celui-ci, aussi longtemps qu'il reste en vigueur, à s'abstenir de tout acte ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 137

envers l'autre partie qui puisse êtreconsidérécomme inamical. mêmes'il
ne viole pasen lui-meme une obligation internationale. Un tel engagement
pourrait. bien entendu. êtreexpressément stipulédans un traitéou même
paraître découler nécessairementde son texte :mais. dans lecadre du droit
international coutun~ier, iln'est pas évident que la pratique effective des

Etats témoignede l'existence d'une règled'une aussi vaste portke. Même
lorsqu'un traité d'amitiéest en cause, il doit nécessairement exister une
distinction entre la grande catégorie des actes inamicaux et la catégorie
plus étroited'actes tendant àfaire échouerlebut et l'objet du traité.Ce but

etcet objetsont de manifester une amititi effective dans lesdomaines précis
prévuspar le traité. et non une amitié en un sens vague et général.
274. La Cour doit relever à cet égardque le traité lui-même disposeen
son article XXIV. paragraphe 1. que :

Chacune desdeuxparties examinera avec bienveillance les repré-
sentations que l'autre partie pourra faire au sujet de toute question

concernant l'application du présent traité et prendra des mesures
adéquates pour permettre des consultations à ce propos. ))

Le Nicaragua prétend que le comportement des Etats-Unis est tel qu'il
entrave l'exécution ))du traité de manière radicale ; mais. pour autant
que la Cour le sache. aucune représentation n'aétéfaite sur ce point précis.
La Cour doit donc tout d'abord s'assurer qu'une demande fondée sur le

traitéd'amitié.de commerce et de navigation de 1956est recevable lorsque
aucun effort n'a étéfait pour recourir au mécanisme de l'article XXIV,
paragraphe 1,en vue de résoudrele différend. D'une manière générale,les
règlesconventionnelles ayant lecaractère de /exspecialis, ilneconviendrait

pas qu'un Etat présente unedemande fondéesur une règlede droit inter-
national coutumier sii,par traité,il a déjà prévudes moyens de réglerune
telle demande. Toutefois. en la présente espèce, l'application de I'ar-
ticle XXIV. paragraphe 1.si elle avait étéinvoquée.eût ététotalementarti-
ficielle. Le Nicaragua affirme. certes, que certaines activités des Etats-

Unis enfreignent le traité d'amitié,de commerce et de navigation de 1956 :
il maintient aussi. et la Cour a conclu, qu'elles constituent des violations
du droit international coutumier. De l'avisde la Cour, il serait donc exces-
sivement formaliste d'exiger du Nicaragua qu'il épuisela procédure pré-
vue à l'article XXIV, paragraphe 1, avant de la saisir de la question. Dans

son arrêt de 1984 la Cour a déjà traitéde l'argument tiré du fait que
l'article XXIV, paragraphe 2, du traité exige que le différend ne puisse
êtrerégléd'une manière satisfaisante par la voie diplomatique )); or il
ne pouvait pas l'être.f,aute de négociations entre les Parties. La Cour a
estiméque :

(parce qu'un Eitat ne s'est pas expressément référéd .ans des négo-

ciations avec un autre Etat, à un traitéparticulier qui aurait étéviolé
par la conduite de celui-ci, il n'en découlepas nécessairement que le
premierne serait pasadmis àinvoquer laclausecompromissoire dudit
traité (C.I.J. R'ecueil1984, p. 428). Le problème à l'examen estdifférent, puisque l'argument que le compor-
tement des Etats-Unis empêche d'appliquerle traitén'est pas invoquéen
vertu de la clause co~mpromissoire.La Cour considère néanmoinsque ni
l'un ni l'autre des deux paragraphes de l'article XXIV ne fait obstacle à
l'examen des demandes du Nicaragua.
275. Quant à la ]thèsequi voudrait que les activités des Etats-Unis
eussent été de natureà priver de son but et de sonobjet letraitéd'amitié.de
commerce et de navigation de 1956,la Cour doit faire une distinction. Elle
ne saurait considérerque tous lesactesincriminésavaient un tel effet;elle
n'en estime pas moins que certaines activitésdes Etats-Unis sont telles
qu'ellescontredisent l'esprit mêmed'un accord bilatéral visant à favoriser
l'amitiéentre les deux Etats qui y sont parties. Ce sont : les attaques
directes contre les ports, lesinstallations pétrolières,etc., viséesaux para-

graphes 81et 86ci-dessus,et leminage desports nicaraguayens, mentionné
au paragraphe 80. Il serait en effet difficile d'imaginer des actes moins
propres à resserrer les liens de paix et d'amitiéqui unissent tradition-
nellement >)les partites, pour citer le préambule du traité.
276. Silesactes de pression économiquerésumés aux paragraphes 123 à
125ci-dessus contredisent de façon moins évidentelebut du traitéla Cour
arrive néanmoins à une conclusion analogue au sujet de quelques-uns
d'entre eux. Bienentendu un Etat n'estpas tenu de poursuivre des relations
commercialesparticulièresplus longtemps qu'il nelejuge utile, siun traité
ou une autre obligation juridique spécifiquene l'yoblige pas ;mais en cas
d'obligation comme celle qui résulteimplicitement d'un traitéd'amitié et
de commerce, des actesd'interruption brutaledes relations commerciales,
comme l'embargo sur le commerce du ler mai 1985,constitueront norma-

lement des violations du devoir de ne pas faireéchouerle but et l'objet du
traité.Au contraire laréductionde 90pour cent duquota d'importation du
sucre, décidéele 23 septembre 1983,ne semble pas, selon la Cour, aller
jusqu'à constituer un acte de nature àpriver le traitéde son but et de son
objet. La suspension de l'aide économique,qui présente uncaractère plus
unilatéralet volontaire, ne pourrait êtreconsidéréecomme une violation
quedansdes circonsti~ncesexceptionnelles. La Cour doit aussi relever que,
d'après les termes mi!mes de la législationautorisant cette forme d'aide
(Special Central Amer*icanAssistance Act, 1979),que le Gouvernement du
Nicaragua devait connaître, la poursuite de I'aideétaitsubordonnée à une
appréciation du comportement du Nicaragua par le président des Etats-
Unis. Quani à l'oppositionà l'octroi de crédits d'institutions internatio-
nales. la Cour ne peut la considérer comme suffisamment liéeau traité

d'amitié,de commerce et de navigation de 1956pour pouvoir constituer un
acte visant à faire écl~ouerle but et l'objet de celui-ci.

277. Le Nicaragua soutient que les Etats-Unis ont agi en violation de
l'articlepremier du traitéd'amitié,de commerce et de navigation de 1956,qui dispose que chacune des deux parties accordera un traitement équi-
table aux ressortissants de l'autre partie. Il affirme que, quel que soit le
sens donné à 1'expre:ssion traitement équitable ))celle-ci :

<interdit nécessairement au Gouvernement des Etats-Unis de tuer,

blesser ou enlever des nationaux du Nicaragua et, de manière plus
générale,de menacer les nationaux du Nicaragua dans l'intégritéde
leur personne ou la sécuritéde leurs biens )>.

Le Nicaragua prétend que le traitement infligéaux ressortissants nicara-
guayens qu'il met en cause est le fait des Etats-Unis ou de forces agissant

sous leur égide.La C'ourn'est cependant pas convaincue par les informa-
tions dont elle dispose que les contras étaient (<contrôlés ))pas les Etats-
Unis au moment où ces actes étaient commis. Ainsi qu'elle l'a indiqué
(paragraphe 1IO),la mesure exacte du <(contrôle »résultant de la dépen-

dance financière de!; contras à l'égard des autorités des Etats-Unis est
difficile à établir ;et la Cour n'a pas pu aboutir à la conclusion que les
contras étaient à tel point subordonnés aux Etats-Unis que tout acte
commis par eux serait imputable aux Etats-Unis (paragraphe 115 ci-
dessus). Mêmesi la disposition du traité relative au (traitement équi-

table )> est interprétée comme emportant l'obligation de ne pas tuer,
blesser ou enlever au Nicaragua les ressortissants de ce pays - point sur
lequel la Cour ne prend pas position - ces actesaccomplis par les contras
dans leurs activités nnilitaires et paramilitaires au Nicaragua ne sont pas
des comportements attribuables aux Etats-Unis.

278. Le Nicaragua soutient ensuite que les Etats-Unis ont violé les
dispositions du traitérelatives à la libertéde communication et à la liberté
de commerce. Pour les raisons indiquées au paragraphe 253 ci-dessus. la
Cour doit accepter la thèsenicaraguayennesuivant laquelle le minage des

ports nicaraguayens par les ~tat~-~nis constitue unemesure en contra-
diction manifeste avec l'article XIX, paragraphe 1,du traité de 1956 qui
garantit la libertéde navigation et la libertéde commerce. Reste àsavoir si
l'articleXXI pourrait justifier cette action (voir paragraphes 280 à 282
ci-après). Dans lecontexte commercial du traité.la demande du Nicaragua

est justifiée non seulement par les dommages matériels subis par ses
navires, mais aussi par les pertes économiques qui en sont résultéespour
son commerce. Le Nicaragua a cependantprétendu en outre que toutes les
activitésdes Etats-Unis au Nicaragua et contre celui-ci constituent «une

violation du traite de 1956 :

Le mot (<commerce »,qui figure dans le traité de 1956, devant
être entendu dans son sens le plus large, toutes les activités par
lesquelles les Etats-Unis ont délibérémentinfligéau Nicaragua des
dommages matérielsou des pertes économiquesde toute sorte violent
le principe de libertédu commerce que ce traité établiten termes très

généraux.

Il est clair que les actiaonsdes contrasont infligéau Nicaragua despertes et ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 140

des préjudices écoinomiquesconsidérables : outre l'effet économique
d'actes directement attribuables aux Etats-Unis. tels aue la ~erte des
bateaux de pêchequi ont sautésur des mines, le ministre des finances du
Nicaragua a estimé àquelque 300millions de dollars lespertes de produc-
tion subies de 1981ii 1984du fait de l'impossibilitéde rentrer les récoltes,
etc. Toutefois, et ainsi qu'on l'a déjàvu (paragraphe 277 ci-dessus), la
Cour n'a pas considléré comme établi que les liens entre les contras et le
Gouvernement des Etats-Unis étaient tels que les Etats-Unis seraient
responsables de tous les actes des contras.

279. L'embargo commercial déclaréle ler mai 1985par le Gouverne-
ment des Etats-Unis a déjà été évoqué à propos des assertions nicara-
guayennes relatives aux actes de nature àfaireéchouerle but et l'objet du
traitéd'amitié,de commerce et de navigation de 1956.La question sepose
aussi de sacompatibilitéaveclalettreet l'espritde I'article XIXdecetraité.
Aux termes du paragraphe 1de cet article ilyaura libertéde commerceet
de navigation entre les territoires des deux parties et, aux termes du
paragraphe 3 :

Les navires de l'unedes deux parties pourront librement, dans les
mêmesconditions que lesnavires de l'autrepartie et lesnavires de tout
pays tiers,sereridreavecleur cargaison dans tous lesports, mouillages
et eaux de cette autre partie qui sont ouverts au commerce interna-
tional et à la navigation internationale. ))

Par Executive Order du ler mai 1985.le président des Etats-Unis a fait la
déclaration suivante : J'interdis par la présenteordonnance l'entréedes
navires immatriculé:;au Nicaragua dans lesportsdes Etats-Unis, et toutes
opérationsy relatives. )La Cour relèved'autre part que, le même jour. les

Etats-Unis ont informé le Nicaragua de leur intention de mettre fin au
traitéen application de son article XXV, paragraphe 3 ;cette disposition
prévoitcependant un préavis d'unan ))La liberté des navires nicara-
guayens <de se rendre )),conformément à I'article XIX, paragraphe 3,
du traité, avec leur cargaison dans tous les ports, mouillages et eaux
des Etats-Unis ne pouvait donc être entravéedurant le préavis,et encore
moins interrompue brutalement par la déclaration d'un embargo. La
Cour en conclut que l'embargo constituait une mesure en contradiction
avec I'article XIX du traité d'amitié,de commerce et de navigation de

1956.
280. La Cour a par conséquentjugéque les Etats-Unis enfreignent une
obligation de ne pas priver le traitéd'amitié,de commerceet de navigation
de 1956desonbut et de sonobjetet qu'ilsont commisdesactes qui sont en
contradiction aveclestermes de cetraité,pour autant que lesexceptions de
I'article XXI, paragraphe 1 c) et d), concernant respectivement le «com-
merce des armes et les<(mesures nécessaires à l'exécutiondes obliga-
tions ... relatives au maintien ou au rétablissement de la paix et de la
sécurité internationales ou à la protection des intérêtsvitaux d'une
partie en ce qui coi~cerne sa sécuriténe puissent êtreinvoquées pourjustifier les actes incriminés. Dans leur contre-mémoire sur la compétence
et la recevabilité, lei<Etats-Unis se sont fondés sur le paragraphe 1 c)
dont il résultait selon eux que le traité de 1956 ne pouvait s'appliquer
aux demandes du Nicaragua. Cet alinéa ne paraît cependant avoir de

pertinence qu'à propos du grief de fourniture d'armes aux contras et, la
Cour ne considérant pas la fourniture d'armes comme une violation du
traité,ni comme un acte de nature a le priver de son but et de son objet, le
paragraphe 1c) n'a pas a êtreexaminé plus avant. Reste la question du
rapport entre l'article XXI, paragraphe 1 d), et les attaques directes

contre les ports, les installations pétrolières, etc; le minage des ports du
Nicaragua : et l'embargo généralsur le commerce imposé le lermai 1985
(paragraphes 275 et 276 ci-dessus).
28 1. En abordant cette question, la Cour doitd'abord tenir compte de la
chronologie des événements. Pourque les activitésdes Etats-Unis entrent
dans le cadre de l'article XXI du traité. elles auraient dû consister, au

moment où elles ont étéprises, en mesures nécessaires a la protection de
leurs intérêtsvitaux de sécurité. Parconséquent la conclusion du président
des Etats-Unis, datéedu mai 1985.suivant laquelle lespolitiques et les
actions du (;ouvernement du Nicaragua représentent une menace excep-
tionnelle et extraordinaire pour la sécuriténationale et la politique étran-

gèredesEtats-Unis », mêmeconsidéréecomme prouvant àsuffisance qu'il
en était bieri ainsi, ne justifierait aucune mesure prise par les Etats-Unis
avant cette date.
282. En second lie:u,la Cour souligne l'importance de l'épithète né-
cessaires ))figurant à l'articlXXI : les mesures ne doivent pas simplement
tendre àprotégerles intérêts vitaux de sécuritéde la partie qui les adopte ;

elles doivent être <(nécessaires ))a cette fin. Si l'on prend dans son en-
semble la situation des Etats-Unis par rapport à l'Amérique centrale,
dans la mesure où la Cour en est informée (et a supposer même que lajus-
tification de la légitimedéfense, que la Cour a rejetée sur le plan juri-
dique. ait une certaine validité politique), la Cour considère que le

minage de ports nicaraguayens et les attaques directes contre des ports
et des dépôts de pétrole ne sauraient en aucun cas être justifiés par la
nécessitéde protéger les intérêtsvitaux de sécurité des Etats-Unis. Quant
à l'embargo commercial, la Cour doit prendre note de la justification
expresse qu'en donne la conclusion présidentiellecitée au paragraphe 125
ci-dessus et du fait que la mesure, ayant un caractère économique, s'inscrit

dans le cadre relationnel envisagé par le traité. Mais, d'après les termes
du traité lui-même,Ilaquestion de savoir si une mesure est nécessaire
à la protection des ini.érêtvsitaux de sécuritéd'une partie ne relèvepas de
l'appréciation subjective de la partie intéressée,ainsi que la Courel'a déjà
souligné(paragraphe 222 ci-dessus) ;le texte ne vise pas ce que la partie
estime nécessaire o.Faute du moindre élément d'information indiquant

comment les politiq~ues suivies par le Nicaragua seraient devenues
en fait une menace pour les intérêtsvitaux de sécurité en mai 1985,
alors qu'elles étaient constantes et constamment critiquées par les Etats-
Unis depuis quatre ans, la Cour n'est pas en mesure de conclure que l'embargo était <(nkcessaire à la protection de ces intérêts.Dans ces
conditions, les Eta1.s-Unis ne peuvent invoquer l'article XXI comme
moyen de défenseau sujet de l'un quelconque des actes considérés ici.

283. Aux termes de la troisième conclusion présentée par le Nicaragua

dans sonmémoiresur lefond,reproduite au paragraphe 15ci-dessus,laCour
est priéede dire et juger qu'une indemnité estdue au Nicaragua et
<de recevoir despreuves àcet effet et de déterminer, lorsd'unephase

ultérieurede laprésenteinstance, à quel montant doivent êtreévalués
les dommages-intérêtsdestinés à indemniser la République du Nica-
ragua )\.
Dans la quatrième conclusion il est demandé à la Cour d'accorder au

Nicaragua la somme de 370,2millions de dollars des Etats-Unis, <(ladite
somme constituant l'évaluation minimumdu préjudice direct )>que le
Nicaragua dit avoir subi. Pour se prononcer sur ces conclusions, la Cour
doit s'assurer qu'elle possède lacompétencenécessaire.En règle générale la
compétencepourstatuer au fondemporte celled'accorder réparation.Plus
particulièrement la C'ournote que, par leur déclaration d'acceptationde la
juridiction faite en vertu de la clause facultative le 26 août 1946, les

Etats-Unis ont expre:ssémentaccepté la compétencede la Cour pour les
différendsayant pour objet <(la nature et l'étenduede la réparation due
pour la rupture d'un engagement international i)La déclaration corres-
pondante par laquellirle Nicaragua a acceptéla compétencede la Cour ne
stipule aucune restriction des pouvoirs que la Cour tient de l'article 36,
paragraphe 2 d), de !<onStatut ;le Nicaragua a ainsi acceptéla ((même
obligation u.En vertii du traité d'amitiéd, e commerce et de navigation de
1956,laCour a compktence pour seprononcer sur (<tout différendentre les

parties quant à l'iriterprétation ou l'application du présent traité i)
(art. XXIV, par. 2) eit,comme la Cour permanente de Justice internatio-
nale l'a dit dans l'affaire de l'Usinede Chorzow :

((Les divergences relatives à des réparations,éventuellementdues
pour manquement àl'application d'uneconvention, sont,partant, des
divergences relatives àl'application. i)(Compétence,arrêtno 8, 1927,
C.P.J.I. série A no 9, p. 21.)

284. La Courjuge appropriéela requêtedu Nicaragua tendant àce que
la nature et le montant de la réparation qui lui est due soient déterminés
dans une phase ultérieurede la procédure.S'ilest vrai que certains élé-
ments de preuve onit étéfournis, par exemple dans le témoignagedu
ministre des finances du Nicaragua, quant aux préjudices pécuniaires
subis, ces éléments étaientfondés sur desthèses, relativement àla respon-
sabilitédes Etats-Unis, qui allaientplus loinque lesconclusions auxquelles

la Cour a pu parvenir. L'occasion devrait être donnée auNicaragua dedémontrer et d'établir l'étendueexacte du préjudice subi à raison de

chaque acte des Etats-Unis que la Cour aura jugé contraire au droit
international. Il ne Fautpas non plus perdre de vue que, si les Etats-Unis
ont choisi de ne pas se présenter pour participer à la phase actuelle de
l'instance, l'article53 du Statut ne les empêchepas de comparaître pour
conclure s'ilsle désirent sur la question de la réparation. Au contraire le
principe de l'égalitédesparties exigeque l'occasion leuren soit offerte. Il
va cependant sans dire que, dans la phase de la procédure consacrée àla
réparation, ni l'une ni l'autre des Parties ne pourra remettre en cause les
conclusions du présent arrêt qui serontpasséesen force de chose jugée.
285. Reste la demande du Nicaragua (paragraphe 15ci-dessus) tendant
à ceque lui soit accolrdéeen laprésente phasede laprocédure la sommede

370,2 millions de dollars représentant << l'évaluationminimum (et donc
provisoire) du préjudicedirect )).Rien dans le Statut n'autorise expressé-
ment la Cour à prendre une mesure provisionnelle de cette nature ni,
d'ailleurs, ne lui interdit de le faire. Vu le caractère définitif etobligatoire
des arrêtsde la Cour, résultantdes articles 59 et 60 du Statut, il ne serait
cependant approprici:deprendre une telledécision, à supposer que la Cour
enait lepouvoir, quedans descirconstances exceptionnelles, et àcondition
que ledroit de 1'Etatqui formulela demande soit déjàétabliaveccertitude
et précision.Au surplus, dans une affaireou 1'Etatdéfendeurne comparaît
pas, de sorte que la Cour ignore sa position sur un tel point, la Cour doit
s'abstenir de tout acte qui risquerait de faire inutilement obstacle à un

règlement négocié. 1i1convient de répéterici que

(<le règlementjudiciaire des conflits internationaux, en vue duquel
la Cour est instituée,n'est qu'un succédanéau règlement direct et
amiable de ces conflits entre les parties ;que, dès lors, il appar-

tient à la Cour de faciliter, dans toute la mesure compatible avec
son Statut, pareil règlement direct et amiable ... (Zones franches
de la Haute-Savoieet du Pays de Gex, ordonnancedu 19 août 1929,
C.P.J.1. sérieA no22, p. 13).
En conséquence, la Cour considèrequ'elle ne peut accéder à ce stadeà la

requête formuléepa.rle Nicaragua dans sa quatrième conclusion.

286. Par son ordonnance du 10mai 1984la Cour a indiqué,en vertu de

l'article41du Statut., lesmesures conservatoires du droit de chacun qui
à son avis devaient (<êtreprises à titre provisoire))en attendant l'arrêt
définitifen l'espèce.A propos de la première de ces mesures, à savoir :

<(Que les Et,ats-Unis mettent immédiatement fin à toute action
ayant pour effet de restreindre, de bloquer ou de rendre périlleuse

l'entréeou lasortie desports nicaraguayens, enparticulier par la pose
de mines, et s',abstiennent désormaisde toute action semblable O, ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 144

laCournote qu'aucun griefrelatif à de nouvellesactions decette nature n'a
étéformulé.
287. Le25juin 19134l,eGouvernement du Nicaragua aadressé à laCour
une communication par laquelle, renvoyant à l'ordonnance en indication
de mesures conservatoires, il faisait savoirà la Cour que, selon lui, les
Etats-Unis n'[avaient] pas exécutél'ordonnance ))et demandait I'indica-
tion de nouvellesmesures. Ilétait reprochéauxEtats-Unis de continuer << à
fomenter et à poursuivre des activités militaireset paramilitaires au Nica-
ragua et contre lui))Par lettre du 16juillet 1984,le Présidentde la Cour a
informél'agent du Nicaragua que la Cour considéraitque cette requête

devrait attendre l'issiuede la procédure surla compétence,alorspendante
devant la Cour. Le (;ouvernement du Nicaragua n'est pas revenu sur la
question.

288. La Cour cr0i.tdevoir soulignerà nouveau, eu égard à sesprésentes
conclusions, ce qu'elle avait indiqué dans l'ordonnance du 10 mai
1984 :

<(Que le droii:à la souverainetéet à l'indépendance politiqueque
possède la République du Nicaragua, comme tout autre Etat de la
régionet du monde, soit pleinement respecté et ne soit compromis
d'aucune manièrepar desactivités militaireset paramilitaires quisont
interdites par les principes du droit international,notamment par le
principe que les Etats s'abstiennent, dans leurs relations internatio-

nales, de recourirà la menace ou à l'emploi de la force contre l'inté-
gritéterritoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, et par le
principe relatif au devoirde nepasintervenir dans lesaffaires relevant
de la compétencenationale d'un Etat, consacréspar la Charte des
Nations Unies et la charte de l'organisation des Etats américains. ))

289. La Cour appelle d'autre part l'attention sur les autres mesures
indiquéesdans son ordonnance, tendant à ce que les Parties <(veillent
l'un[e]et l'autreà ce qu'aucune mesure d'aucune sorte ne soit prise qui
puisse aggraver ou étendrele différendsoumis à la Cour et

<(veillent l'un[e] et l'autàece qu'aucune mesure ne soit prise qui
puisseporter atteinte au droitdel'autre Partie touchant l'exécutionde
toute décisionque la Cour rendrait en l'affaire o.
Lorsquela Cour conclut que la situation exigel'adoption de mesures de ce

genre, ilincombe à chaquepartie deprendre sérieusementenconsidération
les indications ainsi données etde ne pas fonder sa conduite uniquement
sur ce qu'ellecroit êtises droits. Il en va particulièrement ainsi dans une
situation de conflit armé où aucune réparationne peut effacer les consé-
quences d'un comportement que la Cour jugerait avoir été contraire au
droit international. 290. La Cour a constaté dans le présentarrêtque, par ses activités à
l'égarddu demandeur, le défendeur a violéplusieurs principes du droit

international couturnier. Elledoit cependant aussi rappeler un autre prin-
cipe du droit international - complémentaire desprincipes d'interdiction
examinés plushaut --et qu'il estindispensable de respecter dans lemonde
d'aujourd'hui :celui qui veut que les partiesàun différend, et en particu-
lier a un différenddont la persistance risquerait de mettre en danger le
maintien de la paix et de la sécurité internationales,s'efforcent d'y trou-
ver une solution par des moyens pacifiques. Consacrépar l'article 33 de
la Charte des Nations Unies, qui indique d'autre part plusieurs moyens
pacifiques auxquels il est possible de faire appel, ce principe a également
le caractère d'une regle de droit international coutumier. En la présente
affaire, la Cour a déjàpris acte, dans son ordonnance en indication de

mesures conservatoires et dans son arrêtsur la compétence etla recevabi-
lité(C.I.J. Recueil 1984, p. 183-184,par. 34 et suiv., p. 438-441, par. 102
et suiv.), des négociationsdiplomatiques, dites négociationsde Conta-
dora, qui lui paraissent s'inspirer de très près du principe qu'elle vient
de raAonler.
291. Dans son ordonnance en indication de mesures conservatoires, la
Cour a fait mention des négociationsde Contadora et du fait qu'ellesont
étéappuyéep sar leConseil de sécuritéetl'Assemblée générad leesNations
Unies (C.I.J. Recueil1984, p. 183-184, par. 34). Durant la phase relative
aux mesures conservatoires comme dans celle sur la compétence et la
recevabilité,leNicaragua et les Etats-Unis ont exprimé toutleur soutien a

ces négociationset ont fait l'élogedesrésultatsobtenus jusqu'ici. LaCour
ne peut donc que prendre acte de cet effort très respectable et digne de
considérationen tarit que contribution exceptionnelle au règlementde la
situation difficile que connaît la région. LaCour sait que des progrès
considérablesont été réalisésen ce qui concerne l'objectif principal des
négociations,qui est de s'entendre sur des textes relatifs au contrôle àtla
réduction des armements, a l'exclusion des bases militaires ou des ingé-
rences militaires étrangères,au retrait des conseillers étrangers,a la pré-
vention du trafic d'armes, àl'arrêtdu soutien aux groupes qui cherchent à
déstabiliserl'un quelconque des gouvernements concernés, à la garantie
desdroits de l'hommeet àl'application desprocessus démocratiques,ainsi

que sur la coopération pour créer un mécanismedestiné à contrôler la
bonne application 'desaccords. Les travaux du groupe de Contadora
peuvent faciliter les négociations délicateet ardues, s'inspirant de l'esprit
et de la lettre de la Charte des Nations Unies, qui sont à présentnéces-
saires. LaCour rappelleaux deux Parties à laprésenteinstancelanécessité
de coopéreravec les efforts de Contadora pour rechercher une paix défi-
nitiveet durable en Amériquecentrale,conformémentau principe de droit
international couturnier qui prescrit le règlementpacifique des différends
internationaux. 292. Par ces motifs,

1) Par onze voix contre quatre,
Décide que, pour statuer sur le différenddont la Républiquedu Nica-
ragua l'asaisiepar s;arequêtedu 9avril 1984,la Cour est tenued'appliquer
la réserve relative auxtraités multilatéraux»constituant la réserve c) de
la déclaration d'acccrptationdejuridiction faite par le Gouvernement des
Etats-Unis d'Amérique conformément a l'article 36, paragraphe 2, du

Statut. et déposéepar lui le 26 août 1946 :
POUR : M. NagenclraSingh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Oda, Ago, Schwebel,sir Robert Jennings, MM. Mbaye,
Bedjaouiet Evensen, juges ; M. Colliard, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Ruda, Elias,sette-~am&a et Ni, juges.

2) Par douze voix contre trois,

Rejette la justification de légitimedéfensecollective avancéepar les
Etats-Unis d'Amérique relativementaux activités militaires et paramili-
taires au Nicaragua et contre celui-ci qui font l'objet de la présente
instance ;
POUR :M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ;M. Colliard,juge ad hoc ;

CONTRE : MM. Oda, Schwebelet sir Robert Jennings, juges.
3) Par douze voix contre trois,

Décide que les Etats-Unis d'Amérique,enentraînant, armant, équipant,
finançant et approvisionnant les forces contras, et en encourageant,
appuyant et assistant de toute autre manière des activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci. ont, à l'encontre de la
Républiquedu Nicaragua, violél'obligationque leur impose le droit inter-

national coutumier tle ne pas intervenir dans les affaires d'un autre Etat ;
POUR :M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ;M. Colliard, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Oda, Schwebel etsir Robert Jennings, juges.

4) Par douze voix contre trois,

Décide que lesEtaits-Unisd'Amérique,par certaines attaques effectuées
en territoire nicaraguayen en 1983-1984,contre PuertoSandino les 13sep-
tembre et 14octobre 1983,contreCorint0 le 10octobre 1983,contrela base
navale de Potosi les 4-5janvier 1984,contre San Juan del Sur le 7 mars
1984,contre des navires de patrouille à Puerto Sandino les 28 et 30 mars
1984et contre San .luan del Norte le 9 avril 1984,ainsi que par les actes
d'intervention impliquant l'emploi de la force visésau sous-paragraphe 3
ci-dessus, ont, à l'encontre de la Républiquedu Nicaragua, violél'obliga-tion que leurimpose ledroit internationalcoutumier de nepas recourir àla
force contre un autre Etat ;
POUR :M. Nagend~raSingh, Président ; M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Rulda,Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ; ILIColliard, juge ad hoc ;

CONTRE : MM. Oda, Schwebel etsir Robert Jennings, juges.
5) Par douze voix contre trois,

Décide que les Etats-Unis d'Amérique,en ordonnant ouenautorisant le
survol du territoire nicaraguayen, ainsi que par les actes qui leur sont
imputables et qui sont visésau sous-paragraphe 4 ci-dessus, ont, à l'en-
contre de la Républiquedu Nicaragua, violél'obligationque leurimpose le

droit international coutumier de ne pas porter atteinte à la souveraineté
d'un autre Etat ;
POUR :M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ; !M.Colliard,juge ad hoc ;

CONTRE : MM.Oda, Schwebelet sir Robert Jennings, juges.
6) Par douze voir; contre trois,

Décide que, en posant desmines dans leseauxintérieuresou territoriales
de la Républiquedu Nicaragua au cours des premiers mois de 1984,les
Etats-Unis d'Amériqueont, à l'encontre de la Républiquedu Nicaragua,
violélesobligations 'queleur impose ledroit internationalcoutumier de ne

pas recourir à la forirecontre un autre Etat, de ne pas intervenir dans ses
affaires, de nepas porter atteinte asasouverainetéet de nepas interrompre
le commerce maritime pacifique ;
POUR :M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ; M. Colliard,juge ad hoc ;

CONTRE : MM. Odi~,Schwebel etsir Robert Jennings, juges.
7) Par quatorze voix contre une,

Décide que, par lesactes visésau sous-paragraphe 6 ci-dessus, les Etats-
Unis d'Amérique ont, à l'encontre de la Républiquedu Nicaragua, violé
leurs obligations découlant de l'article XIX du traité d'amitié,de com-
merce et de navigation entre la Républiquedu Nicaraguaet les Etats-Unis

d'Amériquesigné à Managua le 21 janvier 1956 ;
POUR :M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Oda, Ago, Sette-Camara,sir Robert Jennings,
MM. Mbaye, Bedjaoui,Ni et Evensen, juges ;M. Colliard, juge ad hoc ;
CONTRE : M. Schwirbel juge.

8) Par quatorze voix contre une,

Décide que les Etats-Unis d'Amérique,en ne signalant pas l'existence
et l'emplacement des mines poséespar eux comme indiqué au sous-para-graphe 6 ci-dessus, ont violé lesobligations que le droit international
coutumier leur impose à ce sujet ;
POUR :M. Nagendra Singh, Président ; M. de Lacharrière, Vice-Présiden t
MM. Lachs, R.uda, Elias, Ago, Sette-Camara, Schwebel, sir Robert
Jennings, MM. Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen, juges ; M. Colliard,
juge ad hoc ;

CONTRE : M. Oda, juge.

9) Par quatorze .voixcontre une,
Dit que les Etats.-Unis d'Amérique,en produisant en 1983un manuel
intitulé Operacione>isicolbgicas en guerra de guerrillas et en le répandant

parmi les forces contras, ont encouragé celles-ci à commettre des actes
contraires aux pnniripes générauxdu droit humanitaire ; mais ne trouve
pas d'éléments quliui permettent de conclure que les actes de cette nature
qui ont pu être comimisseraient imputablesauxEtats-Unis d'Amériqueen
tant que faits de ces derniers ;

POUR :M. Nagendra Singh, Président ; M. de Lacharrière, Vice-Présiden t
MM. Lachs, R.uda, Elias, Ago, Sette-Camara, Schwebel, sir Robert
Jennings, MM. Mbaye, Bedjaoui,Ni et Evensen, juges ; M. Colliard,
juge ad hoc ;
CONTRE : M. Oda, juge.

10) Par douze voix contre trois,

Décide que les Etats-Unis d'Amérique,par les attaques contre le terri-
toire du Nicaragua viséesau sous-paragraphe 4 ci-dessus et par l'embargo
généralsur le commerce avec le Nicaragua qu'ils ont imposéle ler mai
1985,ont commisdes actes denature à priver de son but et de son objet le

traité d'amitié,de commerce et de navigation entre les Parties signé à
Managua le 21janvier 1956 ;
POUR :M. Nagentira Singh, Président ; M. de Lacharrière, Vice-Présiden t
MM. Lachs,Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ; M. Colliard, juge ad hoc ;

CONTRE : MM. Ocla,Schwebelet sir Robert Jennings, juges.

11) Par douze voix contre trois,
Décide que les Etats-Unis d'Amérique,par les attaquescontre le tern-
toire du Nicaragua viséesau sous-paragraphe 4ci-dessus et par l'embargo

généralsur le comrnerce avec le Nicaragua qu'ils ont imposéle ler mai
1985, ont violé leurs obligations découlant de l'article XIX du traité
d'amitié,decommerce et de navigation entre lesParties signé à Managuale
21janvier 1956 ;
POUR :M. Nagentira Singh, Président ;M. de Lacharnère, Vice-Présiden t

MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ; M. Colliard, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Ocla,Schwebelet sir Robert Jennings, juges. 12) Par douze voix contre trois,

Décide que les Et.ats-Unis d'Amériqueont l'obligation de mettre immé-
diatement fin et d,e renoncer à tout acte constituant ilne violation des
obligationsjuridiques susmentionnées ;

POUR : M. Nagen(draSingh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui, Ni et
Evensen, juges ; M. Colliard,juge ad hoc ;

CONTRE : MM. Otla, Schwebelet sir Robert Jennings,juges.

13) Par douze voix contre trois,

Décide que les Etats-Unis d'Amérique sont tenus envers la République
du Nicaragua de l'obligation de réparertout préjudicecauséà celle-ci par
la violation des obligations imposées par le droit international coutumier
qui sont énumérées ci-dessus ;

POUR : M. Nagen,draSingh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui, Niet

Evensen, juges ; M. Colliard,juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Otla, Schwebelet sir Robert Jennings,juges.

14) Par quatorze voix contre une,

Décide que les E.tats-Unis d'Amériquesont tenus envers la République

du Nicaragua de l'obligation de réparer tout préjudicecauséàcelle-ci par
les violations du traité d'amitié,de commerce et de navigation entre les
Parties signé à Managua le 21 janvier 1956 ;

POUR : M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Riida, Elias,Oda, Ago, Sette-Camara, sir Robert Jennings,
MM. Mbaye, Bedjaoui,Ni et Evensen,juges ; M. Colliard,juge ad hoc ;

CONTRE : M. Schwebel,juge.

15) Par quatorze voix contre une,

Décide que les formes et le montant de cetteréparation seront réglés par
la Cour, au cas où les Parties ne pourraient se mettre d'accord àce sujet, et
réserveà cet effet la suite de la procédure ;

POUR : M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Riida, Elias, Oda, Ago, Sette-Carnara, sir Robert Jennings,

MM. Mbaye, Bedjaoui, Niet Evensen,juges ; M. Colliard,juge ad hoc ;
CONTRE : M. Schwebel,juge.

16) A l'unanimité,

Rappelle aux deux Parties l'obligation qui leur incombe de rechercher

une solution de leursdifférends par des moyens pacifiques conformément
au droit international. ACTIV~~ÉSMILITAIRES ET PARAMILITAIR(ARR~~T) 150

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au palais de la
Paix, a La Haye, le vingt-septjuin mil neuf cent quatre-vingt-six, en trois
exemplaires, dont l'un restera déposéaux archives de la Cour et dont les
autres seront transmusrespectivement au Gouvernement de la République
du Nicaragua et au Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique.

Le Président,
(Signé)NAGENDRA SINGH.

Le Greffier,
(Signé)Santiago TORRES BERNARDEZ.

M. NAGENDRS AINGH,Président, etMM. LACHS,RUDA,ELIAS,AGO,
SETTE-CAMAR etANI, juges, joignent l'arrêtl'exposéde leur opinion
individuelle.

MM. ODAet SCH~WEBe Etsir Robert JENNINGSj,ges,joignenà l'arrêt
l'exposéde leur opinion dissidente.

(Paraphé)N.S.

(Paraphé)S.T.B.

Bilingual Content

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTSOF JUDGMENTS.
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING MILITARY AND
PARAMILITARY ACTIVITIESIN AND

AGAINST NICARAGUA

(NICARAGUA v.UNITED STATES OF AMERICA)

MERITS

JUDGMENT OF 27 JUNE 1986

COUR INTERNATIONALEDE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS.
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DES ACTIVITÉSMILITAIRES

ET PARAMILITAIRESAU NICARAGUA
ET CONTRE CELUI-CI

(NICARAGUA c. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)

FOND

ARRÊT DC'27 JUI1986 Official citation :
Militarv and Puramilitary Activities in und aguinst Nicaragua

(Nicaragua v. United States of America). Merits,
Judgment. I.C.J. Reports 1986, p. 14.

Mode officiel de citation :

Activités militaires etparumilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),fond,
urrêr. C.I.J. Recueil 1986, p. 14.

Sales nuniber
No de veiite : 27 JUNE 1986

JUDGMENT

CASE CONCERNING MILITARY AND PARAMILITARY
ACTIVITIES IN AND AGAINST NICARAGUA

(NICARAGUA v.UNITED STATESOF AMERICA)

MERITS

AFFAIRE DES ACTIVITÉSMILITAIRES ET PARAMILITAIRES
AU NICARAGUA ET CONTRE CELUI-CI

FOND

27 JUIN 1986

ARRÊT INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

1986 YEAR 1986
27 June
General List
No. 70 27June 1986

CASE CONCERNING MILITARY AND

PARAMILITARY ACTIVITIESIN AND AGAINST

NICARAGUA

(NICARAGUA v. UNITED STATESOF AMERICA)

MERITS

Failureof Respondent to appear - Statute of the Court,Article 53 - Equality of
theparties.

Jurisdiction of the Court - Effect of applicationofmultilateraltreaty reservation
to United States declarationof acceptanceofjurisdiction underStatute, Article 36,
paragraph 2 - Third State "affected" by decision of the Court on dispute arising
under a multilateral treaty - Character of objection tojurisdiction notexclusively
preliminary - Rules of Court,Article 79.

Jwticiability of the dispute - "Legal dispute" (Statute, Article 36 paragraph 2).

Establishment offacts - Relevantperiod - Powersof the Court - Pressinforma-
tion and matters ofpublic knowledge - Statements by representativesof States -
Evidenceof witnesses - Implicit admissions - Material notpresented inaccordance

with Rules of Court.
Acts imputable to respondent Srate - Mining ofports - Attacks on oil installa-
tionsand other objectives - Overflights - Support ofarmed bands opposedto Gov-
ernment of applicant State - Encouragement of conduct contrary toprinciples of
humanitarian law - Economicpressure - Circumstancesprecluding international
responsibility - Possiblejustification ofimputedacts - ConductofApplicant during

relevantperiod.
Applicable law - Customary internationallaw - Opiniojuris and Statepractice
- Significance of concordant viewsof Parties - Relationship hetweencustomary
internationallawand treaty law - UnitedNations Charter - Significunce of Reso-
lutions of United Nations GeneralAssembly and Organization of American States
GeneralAssembly. COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

ANNÉE 1986 1986
27juin
Rôle général
27 juin 1986 no70

AFFAIRE DES ACTIVITÉSMILITAIRES

ET PARAMILITAIRESAU NICARAGUA

ET CONTRE CELUI-CI

(NICARAGUA c. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)

FOND

Non-comparution du défendeur - Article 53 du Statut de la Cour - Egalitédes
parties.
Compétencede la Cour - Effet de l'application de la réserverelative aux traités

multilatérauxfigurant dansla déclaration d'acceptationdelajuridiction faite par les
Etats-Unis conformément à l'article 36, paragraphe 2, du Statut - Etat tiers
((afjecté» par une décisionde la Cour dans un différend résultant d'untraité
multilatéral - Exception d'incompétence n'ayantpas un caractère exclusivement
préliminaire (article79du Règlementde la Cour).

Justiciabilité du différend -« Différend d'ordrejuridique » (article 36, para-
graphe 2,du Statut).
Etablissementdesjàits - Périodepertinente - Pouvoirsdela Cour - Informa-
tions parues dans la presseetfaits de notoriétépublique - Déclarationsde repré-

sentantsd'Etats - Témoignages - Reconnaissancesimplicites - Documentsnon
présentés conformémenatux dispositions du Règlement.
Faits imputables à 1'Etat défendeur - Minage desports - Attaques contre des
installationspétrolières etd'autresobjectif- Survols- Appui à desbandes armées
opposéesau gouvernementde I'Etat demandeur - Encouragement de comporte-

ments contraires aux principes du droit humanitaire - Pressions économiques -
Circonstances excluant la responsabilitéinternationale - Justification éventuelle
desfaits imputés - Comportementdu demandeurau coursdelapériode pertinente.
Droit applicable- Droit international coutumier- Opinio juris etpratique des
Etats - Importance de la concordancede vuesdesParties - Rapport entre droit

international coutumier et droit international conventionnel- Charte desNutions
Unies - Valeur des résolutionsde l'Assembléegénéralede l'organisation des
Nations Unies et de IYssemblée généralede l'Organisation des Etats améri-
cains. Principleprohibitingrecourseto the threat or useof force in international rela-
tions - Inherent right of self-defence- Conditionsfor exercise - Individual and
collectiveseif-defence- Responsetoarmedattack - Declarntionofhavingbeenthe
object of armed attack and requestfor measuresin the exercise of collectiveself-
defence.
Principleof non-intewention - Content of theprinciple - Opinio juris -+State

practice - Question of collective counter-measuresin response to conduct not
&ounting toarmed atÏack.
State sovereignty - Territory - Airspace - Interna1and territorialwaters -
Right of accessofforeign vessels.
Principlesof humanitarian law - 1949GenevaConventions - Minimum rules
applicable - Duty of States not to encouragedisrespectfor humanitarian law -
Notificationof existence and locationof mines.
Respectfor human rights - Right of States to choosepoliticalsystem, ideology

and alliances.
1956TreatyofFrienhhip, CommerceandNavigation - JurisdictionoftheCourt -
Obligationundercustomaryinternationallawnottocommit actscalculatedtodefeat
objectandpurpose of a treaty- Reviewofrelevanttreatyprovisions.

Claimfor reparation.
Peacefulsettlementof disputes.

JUDGMENT

Present : President NAGENDRASINGH ; Vice-President DE LACHARRIÈR ;E

Judges LACHS,RUDA,ELIAS,ODA,AGO,SETTE-CAMARS AC,HWEBEL,
Sir Robert JENNINGS, MBAYEB , EDJAOUN I,I, EVENSEN ;Judge ad hoc
COLLIARD ; Registrar TORRES BERNARDEZ.

In the case concerning military and paramilitary activities in and against
Nicaragua,

between
the Republic of Nicaragua,

represented by
H.E. Mr. Carlos Argüello Gomez,Ambassador,

as Agent and Counsel,
Mr. Ian Brownlie, Q.C., F.B.A., Chichele Professor of Public International
Law in the University of Oxford ;Fellow of Ail Souls College, Oxford,

Hon. Abram Chayes, Felix Frankfurter Professor of Law, Harvard Law
School ;Fellow,American Academy of Arts and Sciences,

Mr. Alain Pellet, Professor at the University of Paris-Nord and the Institut
d'étudespolitiquesde Paris, Principe prohibant le recours à la menace ou a i'emploide fa force dans les
relations internationales- Droit naturelde légitime défens -e Conditionsd'exer-
cice - Légitime défense individueleletcollectiv- Riposte àuneagressionarmée -

DéclarationdeI'Etatse disant victime d'une agressioa nrméeet mesuresprises dans
l'exercicede la légitimedéfense collective.
Principede non-intervention - Contenuduprincipe - Opinio juris - Pratique
des Etats - Question des contre-mesures collectivesprises en réponse à un com-
portement ne constituant pas une agression armée.
Souveraineté des Etats- Territoire terrest-e Espaceaérien - Eaux intérieures
et territoriales Droit d'accès des navires étrangers.
Principes de droit humanitaire - Conventions de Genèvede 1949 - Règles

minimalesapplicables --Obligation desEtats denepas encouragerlenon-respectdu
droit humanitaire - Notification de ('existenceet de l'emplacementde mines.
Respectdesdroitsdel'homme - DroitdesEtats dechoisirleursystèmepolitique,
leur idéologie et leurs alliances.
Traitéd'amitié,de commerceetde navigationde 1956 - Compétencede laCour
- Obligation en droit international coutumier de s'abstenirde tout acte pouvant
priver un traitédeson butet desonobjet - Examen des dispositionspertinentesdu
traité.

Demande en réparation.
Règlement pacifique des diffërends.

Présents : M. NAGENDRA SINGH, Président ; M. DE LACHARRIÈRE,Vice-
Président ; MM. LACHS, RUDA, ELIAS, ODA, AGO, SETTE-
CAMARA S,CHWEBEL si,r Robert JENNINGSM , M. MBAYEB , EDJAOUI,
NI, EVENSEN, juges ; M. COLLIARDj,uge ad hoc ; M. TORRES
BERNARDEZ G,refier.

En l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci,

entre

la République du Nicaragua,
représentée par

S. Exc. M. Carlos Argüello Gbmez, ambassadeur,
comme agent et conseil,

M. Ian Brownlie, Q.C., F.B.A., professeur de droit international public à
l'université d'Oxford, titulaire de la chaire Chichele, Fellowde l'Al1Souls
College, Oxford,
l'honorable Abram Chayes, professeur à la facultéde droit de Harvard, titu-
laire de la chaire Felix Frankfurter,Fellowde 1'AmericanAcademy of Arts
and Sciences,

M. Alain Pellet,professeur à l'universitéde Pans-Nord et àl'Institut d'études
politiques de Paris, 16 MILITARY AND PARAMILlTARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

Mr. Paul S. Reichler, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C. ;Member
of the Bar of the United States SupremeCourt ;Member of the Bar of the
District of Columbia,
as Counsel and Advocates,

Mr.Augusto Zamora Rodriguez, Legal Adviser to the Foreign Ministry of the
Republic of Nicaragua,
Miss Judith C. Appelbaum, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C. ;
Member of the Bars of the District of Columbia and the State of Califor-
nia,
Mr. David Wippman, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C.,

as Counsel,
and

the United States of America,

composed as above,

deliversthefollowingJudgment :

1. On 9 Apnl 1984 the Ambassador of the Republic of Nicaragua to the
Netherlands filed in the Registry of the Court an Application instituting pro-
ceedings against the United States of America in respect of a disputeconcerning
responsibility for military and paramilitary activities in and against Nicaragua.
In order to found thejurisdiction of the Court the Application relied on declara-
tions made by the Parties accepting the compulsoryjurisdiction of the Court

under Article 36of the Statute.
2. Pursuant to Article 40, paragraph 2, of the Statute, the Application was at
once communicated to the Government of the United States of America. In
accordance with paragraph 3 of that Article, al1other States entitled to appear
before the Court were notified of the Application.
3. At the same time as the Application was filed, the Republic of Nicaragua
also fileda request for the indication of provisional measuresunder Article 41of
the Statute. Byan Order dated 10May 1984,the Court rejected a request made
by the United Statesfor removal of thecasefrom the list, indicated,pending its
finaldecision in theproceedings, certain provisional measures, and decided that,
until the Court delivers its finaljudgment in the case, it would keep the matters
covered by the Order continuously under review.

4. By the said Order of 10 May 1984, the Court further decided that the
wntten proceedings in the caseshould first be addressed to the questions of the
jurisdiction of the Court to entertain the dispute and of the admissibility of the
Application. Byan Order dated 14May 1984,the President of the Court fixed
30June 1984as time-limit for the filing of a Memorial by the Republic of Nica-
ragua and 17August 1984as time-limit for the filing of a Counter-Memonal by
the United States of America on the questions ofjurisdiction and admissibility
and these pleadings wereduly filed within the time-limits fixed.
5. In its Memorial onjurisdiction and admissibility, the Republic of Nicara-
guacontended that, in addition to the basis ofjurisdiction relied on in the Appli-
cation, a Treaty of Friendship, Commerce and Navigation signed by the Parties M. Paul S. Reichler, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C., avocat
à la Cour suprême des Etats-Unis, membre du barreau du district de
Columbia,

comme conseils et avocats,
M. Augusto Zamora Rodriguez, conseillerjuridique du ministère desaffaires
étrangèresde la Républiquedu Nicaragua,
Mme Judith C. Appelbaum, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C.,
membre du barreau du district de Columbia et du barreau de 1'Etatde
Californie,

M. David Wippman, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C.,
comme conseils,

les Etats-Unis d'Amérique,

ainsi composée,

rend l'arrêtsuivant:

1. Le9avril 1984l'ambassadeur de la Républiquedu Nicaragua aux Pays-Bas
a déposéau Greffe de la Cour une requêteintroduisant une instance contre les
Etats-Unis d'Amériqueau sujet d'un différendrelatifà la responsabilitéencou-
rue du fait d'activités militaireset paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci.
La requête indiquait, comme fondement de la compétence de la Cour, les
déclarations des Parties acceptant lajuridiction obligatoire de celle-ci en appli-
cation de l'article 36de son Statut.
2. Conformément à l'article 40, paragraphe2,du Statut, la requête a été
immédiatement communiquéeau Couvemement des Etats-Unis d'Amérique et

lesautres Etats admisàesterdevant la Courenontétéinforméscommeprévuau
paragraphe 3 du même article.
3. En même tempsque sa requêtela Républiquedu Nicaragua a déposéune
demande en indication de mesures conservatoires en vertu de l'article 41 du
Statut. Par ordonnance prise le 10 mai 1984 la Cour a rejetéune demande
formuléepar lesEtats-Unis d'Amériqueettendant à ceque l'affairesoit rayéedu
rôle, indiqué certainesmesures conservatoires et décidé que,jusqu'à ce qu'elle
rende son arrêtdéfinitifen l'espèce, elledemeurerait saisie desquestions faisant
l'objet de l'ordonnance.
4. La Cour a décidéen outre par cette mêmeordonnance du 10mai 1984que

lespiècesécritesporteraient d'abord sur laquestion de lacompétencedela Cour
pour connaître du différend et sur celle de la recevabilitéde la requête.Par
ordonnance du 14mai 1984le Présidentde laCoura fixéau 30juin et au 17août
1984, respectivement, les dates d'expiration des délais pour le dépôt d'un
mémoirede la Républiquedu Nicaragua et d'uncontre-mémoiredes Etats-Unis
d'Amérique surlesquestions de compétenceetde recevabilité.Ces piècesont été
dûment déposéesdans les délais prévus.
5. La République du Nicaragua a affirmédans son mémoiresur la compé-
tence et la recevabilité que,en plus de la base de compétence invoquéedansla
requête, un traité d'amitiéd,e commerce et de navigation signéen 1956par lesin 1956provides an independent basis for jurisdiction under Article 36, para-
graph 1,of the Statute of the Court.
6. Since the Court did not include upon the bench a judge of Nicaraguan
nationality, Nicaragua, by a letter dated 3 August 1984,exercised its right under
Article 31,paragraph 2,of the Statute of theCourt to choose ajudge adhocto sit
in the case.The person so designated was Professor Claude-AlbertColliard.

7. On 15August 1984,two days before the closure of the written proceedings
on the questions ofjurisdiction and adrnissibility, the Republic of El Salvador
filed a Declaration of Intervention in the case under Article 63 of the Statute.
Having been supplied with the written observations of the Parties on the Decla-
ration pursuant to Article 83of the Rules of Court, the Court, by an Order dated

4October 1984,decided not tohold ahearing on the Declaration of Intervention,
and decided that that Declaration wasinadmissible inasrnuch as it related to the
phase of the proceedings then current.

8. On 8-10October and 15-18October 1984the Court held public hearings at
which it heard the argument of the Parties on thequestions of thejurisdiction of
the Court to entertain the dispute and the adrnissibility of the Application.
9. Bya Judgrnent dated 26Novernber 1984,the Court found that it hadjuris-
diction to entertain the Application on the basis of Article 36, paragraphs 2
and 5,of the Statute of the Court ;that it hadjurisdiction toentertain the Appli-
cation in sofar as it relates to a dispute concerningthe interpretation or applica-

tion of theTreaty of Friendship, Commerce and Navigation between the United
States and Nicaragua of 21 January 1956,on the basis of Article XXIV of that
Treaty ;that it hadjunsdiction to entertain the case ;and that the Application
was admissible.
10. Bya letter dated 18January 1985the Agent of the United States referred
to the Court's Judgrnent of 26 Novernber 1984and inforrned the Court as fol-
lows :

"the United States isconstrained toconcludethatthejudgment of the Court
was clearly and manifestly erroneous as to both fact and law. The United
States rernainsfirrnlyof the view,for the reasons giveninits written and oral
pleadings that the Court iswithoutjurisdiction to entertain the dispute, and
that the Nicaraguan application of 9 April 1984 is inadmissible. Accord-
ingly, it is my duty to inforrn you that the United States intends not to par-
ticipatein any further proceedings inconnection with this case,and reserves
its rights in respect of any decision by the Court regarding Nicaragua's
clairns."

11. By an Order dated 22 January 1985 the President of the Court, after
referring to the letter from the United States Agent, fixed 30 April 1985 as
tirne-limit for a Mernorial of Nicaragua and 31 May 1985as tirne-limit for a
Counter-Mernorial of the United States of Arnerica on the rneritsof the dispute.
The Mernonal ofNicaragua wasfiledwithin the tirne-limitsofixed ; nopleading
was filed by the United States of America, nor did it make any request for
extension of the tirne-lirnit.In its Mernorial, cornrnunicated to the United States
pursuant to Article 43of the Statute of the Court, Nicaragua invoked Article 53

of the Statute and called upon the Court to decide the case despite the failure of
the Respondent toappear and defend.Parties constituait un titre indépendant de compétenceen vertu de I'article 36,
paragraphe 1, du Statut de la Cour.
6. La Cour necomptant pas sur le siègedejuge de nationaliténicaraguayenne,
le Nicaragua, par lettre du 3 août 1984, s'estprévalu dudroit que lui confère
I'article1,paragraphe 2,du Statutde procéder àla désignationd'unjuge ad hoc
pour siéger en l'affaire.La personne ainsi désignée est le professeurClaude-

Albert Colliard.
7. Le 15août 1984,soit deuxjours avant l'expiration du délaiimparti pour la
présentation des piècesde la procédure écrite relatives à la compétenceet à la
recevabilité, laRépublique d'El Salvador a déposéune déclaration d'interven-
tion en I'affairesurla basede I'article63du Statut. Auudesobservations écrites
que les Parties ont présentées au sujetde cette déclaration conformément à
I'article 83du Règlement, laCour,par ordonnance du4octobre 1984,adécidéde
ne pas tenir d'audience sur la déclaration d'intervention et a décidé enoutre que
cette déclaration était irrecevable en ce qu'elle se rapportait à la phase de

l'instance alors en cours.
8. Lorsd'audiencespubliques tenues du 8au 10et du 15au 18octobre 1984les
Parties ont été entendues surles questions de la compétence de la Cour pour
connaître du différend etde la recevabilitéde la requête.
9. Par arrêtdu 26 novembre 1984 la Cour a dit qu'elle a compétence pour
connaître de la requêtesur la base de I'article 36, paragraphes 2 et 5, de son
Statut ;qu'elleacompétencepour connaître de la requêtedans la mesure où elle
se rapporte à un différend concernant l'interprétation ou l'application du traité
d'amitié,de commerce et de navigation entre les Etats-Unis et le Nicaragua du

21janvier 1956,sur la base de I'articleXXIVde ce traité ; qu'elle a compétence
pour connaître de I'affaire, et que la requête est recevable.

10. Par lettre datéedu 18janvier 1985l'agent des Etats-Unis, se référant à
l'arrêtsusmentionné, a fait savoir à la Cour que :

<(les Etats-Unis se voient obligésde conclure que l'arrêtde la Cour était
clairement et manifestement erronéen faitcomme en droit. Pour lesraisons
qu'ils ont indiquées dans leurs exposés écrits et oraux, les Etats-Unis
demeurent fermement convaincus que la Cour n'a pas compétence pour
connaître du différendet que la requêtenicaraguayenne du 9 avril 1984est
irrecevable.Il m'incombe en conséquencede vous informer que les Etats-
Unis n'ont l'intention de participeraucune autre procédurerelative à cette

affaireet réserventleurs droits proposde toute suiteque laCour déciderait
de donner aux demandes du Nicaragua.
11. Par ordonnance prise le22janvier 1985lePrésidentde laCour, aprèsavoir
fait référenceà la lettre de l'agent des Etats-Unis, a fixé au30 avril et au 31mai

1985, respectivement, les dates d'expiration des délais pour le dépôt d'un
mémoiredu Nicaragua et d'un contre-mémoire des Etats-Unisd'Amériquesurle
fond du différend. Le mémoiredu Nicaragua a été déposédansledélai prescrit ;
les Etats-Unis d'Amérique n'ont présenté aucunepièce écriteet n'ont pas
demandéde report. Dans son mémoire,qui a été communiqué aux Etats-Unis
conformément à I'article 43 du Statut, le Nicaragua invoquait I'article 53 du
Statut et demandait à la Cour de statuer en dépit du fait que le défendeur ne
comparaissait pas et ne faisait pas valoir ses moyens. 12. On 10September 1985,immediately prior to the opening of the oral pro-
ceedings, the Agent of Nicaraguasubmitted to the Court a number of documents
referred to as "Supplemental Annexes" to the Memorial of Nicaragua. In appli-
cation of Article 56 of the Rules of Court, these documents were treated as "new
documents" and copies were transmitted to theUnited States of America, which
did not lodge any objection to their production.
13. On 12-13and 16-20September 1985 the Court held public hearings at
which it was addressed by the following representatives of Nicaragua :
H.E. Mr. Carlos Argüello Gomez, Hon. Abram Chayes, Mr. Paul S. Reichler,

Mr. Ian Brownlie,and Mr.Alain Pellet.The United States wasnot represented at
the hearing. The following witnesses were called by Nicaragua and gave evi-
dence : Commander Luis Carrion, Vice-Minister of the Interior of Nicaragua
(examined by Mr. Brownlie) ; Dr. David MacMichael, a former officer of the
United States Central Intelligence Agency (CIA) (examined by Mr. Chayes) ;
Professor Michael JohnGlennon (examined by Mr. Reichler) ;Father Jean Loi-
son (examined by Mr. Pellet) ;Mr. William Huper, Minister of Finance of Nica-
ragua (examined by Mr. Argüello Gomez). Questions were put by Members of
the Court to the witnesses, as wellasto theAgent and counsel of Nicaragua, and

replies were given either orally at the heanng or subsequently in writing. On
14October 1985the Court requested Nicaragua to make available certain fur-
ther information and documents, andone Member of the Courtput aquestion to
Nicaragua. The verbatim records of the hearings and the information and docu-
mentssupplied in response to these requests were transmitted by the Registrar to
the United States of America.
14. Pursuant to Article 53, paragraph 2, of the Rules of Court, the pleadings
and annexeddocuments weremade accessible to thepublic by the Court as from
the date of opening of the oral proceedings.

15. In the course of the written proceedings, the following submissions were
presented on behalf of the Government of Nicaragua :
in the Application

"Nicaragua, reserving the right to supplement or to amend this Appli-
cation and subject to thepresentation to the Court of the relevant evidence
and legal argument, requests the Court to adjudge and declare as follows :
(a) That the United States, in recruiting, training, arming, equipping,

financing, supplying and otherwise encouraging, supporting, aiding,
and directing military and paramilitary actions in and against Nicara-
gua, has violated and is violating its express charter and treaty obliga-
tions to Nicaragua, and in particular, itscharter and treaty obligations
under :
- Article 2 (4) of the United Nations Charter ;
- Articles 18 and 20 of the Charter of the Organization of American
States ;

- Article 8 of the Convention on Rights and Duties of States ;

- Article 1,Third, of the Convention concerning the Duties and Rights
of States in the Event of Civil Strife.
(b) That the United States, in breach of its obligation under general and
customary international law, has violated and is violating the sover-
eignty of Nicaragua by : 12. Le 10septembre 1985,alors que la procédureorale étaitsur le point de
commencer. l'agent du Nicaragua a soumis a la Cour une sériede documents
appelés annexes supplémentaires n au mémoiredu Nicaragua. En application
de l'article 56 du Règlement ces documents ont étéconsidérés commedes

documents nouveaux ))et ilen aététransmiscopieaux Etats-Unisd'Amérique,
qui n'ont pas élevéd'objection à leur production.
13. Au cours d'audiences publiques tenues les 12 et 13 ainsi que du 16 au
20 septembre 1985la Cour a entendu,au nom du Nicaragua :S.Exc. M. Carlos
Argüello Gomez, l'honorable Abram Chayes, M. Paul S. Reichler, M. Ian
Brownlie, et M. Alain Pellet ; les Etats-Unis n'étaient pas représentésaux
audiences. Les témoins suivants, citéspar le Nicaragua, ont déposé devantla
Cour : le commandant Luis Carrion, vice-ministre de l'intérieurdu Nicaragua

(interrogépar M. Brownlie) ; M. David MacMichael, ancien agent de la Central
Intelligence Agency (CIA) des Etats-Unis (interrogé par M. Chayes) ;le pro-
fesseur Michael John Glennon (interrogépar M. Reichler) ;le pèreJean Loison
(interrogépar M.Pellet) ;M.William Huper, ministre des finances du Nicaragua
(interrogé par M. Argüello Gomez). Des membres de la Cour ont posé aux
témoins ainsi qu'à l'agentet aux conseils du Nicaragua desquestions auxquelles
il a étérépondu soit oralement à l'audience soit par écritultérieurement. Le
14octobre 1985la Cour apriéleNicaragua de fournircertains renseignements et

documents supplémentaires et un de ses membres lui a poséune question ; le
Greffiera transmisaux Etats-Unis d'Amériquelescomptesrendus d'audience et
les renseignements et documents obtenus a la suite des demandes formulées.

14. Conformément a I'article 53, paragraphe 2, du Règlement, la Cour a
décidéde rendre accessibles au public, à l'ouverture de la procédure orale, les
piècesde procédure et documents annexés.
15. Dans la procédure écrite, les conclusions ci-après ont étéprésentéesau

nom du Gouvernement du Nicaragua :
dans la requête :

<<le Nicaragua, tout en se réservant ledroit de compléter ou de modifier la
présente requêteet sous réservede la présentation a la Courdes preuves et
argumentsjuridiques pertinents, prie la Cour de dire et juger :
a) Que les Etats-Unis, en recrutant, formant,armant,équipant, finançant,

approvisionnant et en encourageant, appuyant, assistant et dirigeant de
toute autre manière desactions militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci,ont violéet violent leursobligations expressesen vertu
de chartes et de traités à l'égarddu Nicaragua, et en particulier leurs
obligations en vertu de :
- I'article 2,paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies ;

- les articles 18et 20 de la charte de l'organisation des Etats améri-
cains ;
- l'article 8 de la convention concernant les droits et devoirs des
Etats ;
- I'article premier, troisièmement, de la convention concernant les
droits et devoirs des Etats en cas de luttes civiles.

b) Que les Etats-Unis, en violation de leurs obligations en vertu du droit
international générae ltcoutumier, ont violéet violent lasouverainetédu
Nicaragua du fait : 19 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

- armed attacks against Nicaragua by air, land and sea ;

- incursions into Nicaraguan territorial waters ;
- aerial trespass into Nicaraguan airspace ;
- efforts by direct and indirect means to coerce and intimidate the
Government of Nicaragua.

(c) That the United States, in breach of its obligation under general and
customary international law, has used and is using force and the threat
of force against Nicaragua.
(d) That the United States, in breach of its obligation under general and
customary international law, has intervened and is intervening in the
internal affairs of Nicaragua.
(e) That the United States, in breach of its obligation under general and

customaryinternational law,has infringed and isinfringing the freedom
of the high seas and interrupting peaceful maritime commerce.
lf T)hat the United States, in breach of its obligation under general and
customary international law,has killed, wounded and kidnapped and is
killing, wounding and kidnapping citizens of Nicaragua.
(g) That, in view of its breaches of the foregoing legal obligations, the
United States is under a particular duty to ceaseand desistimmediately :

from al1use of force - whether direct or indirect, overt or covert -
against Nicaragua, and from al1threats of force against Nicaragua ;

from al1violations of the sovereignty, territorial integrity or political
independence of Nicaragua, including al1 intervention, direct or in-
direct, in the internal affairs of Nicaragua ;

from al1support of any kind - including the provision of training, arms,
ammunition. finances. .su~,.ies.,ssistance. direction or anv other form
of support - to any nation, group, organization, movement or indivi-
dual engaged or planning to engage in military or pararnilitary actions
in or against Nicaragua ;

from al1 efforts to restrict, block or endanger access to or from
Nicaraguan ports ;
and from al1killings, woundings and kidnappings of Nicaraguan citi-
zens.

(h) That the United States has an obligation to pay Nicaragua, in its own
right and asparenspatriae for the citizens of Nicaragua, reparations for
damages to person, property and the Nicaraguan economy caused by
the foregoing violations of international law in a sum to be determined
by the Court. Nicaragua reserves the right to introduce to the Court a
precise evaluation of the damages caused by the United States" ;

in the Memorial on the merits :

"The Republic of Nicaragua respectfully requests the Court to grant the
following relief :
First: the Court is requested to adjudge and declare that the United - d'attaques armées contre le Nicaragua par air, par terre et par
mer ;
- d'incursions dans les eaux territoriales du Nicaragua ;
- de la violation de l'espace aériendu Nicaragua ;

- d'efforts directs et indirects de coercition et d'intimidation du Gou-
vernement du Nicaragua.
c) Que les Etats-Unis, en violation de leurs obligations en vertu du droit
international généralet coutumier, ont utilisé et utilisent la force et la

menace de la force contre le Nicaragua.
d) Que les Etats-Unis, en violation de leurs obligations en vertu du droit
international générae ltcoutumier, sont intervenuset interviennent dans
les affaires intérieuresdu Nicaragua.
e) Que les Etats-Unis, en violation de leurs obligations en vertu du droit
international général etcoutumier, ont enfreint et enfreignent la liberté

des mers et interrompent le commerce maritime pacifique.
f) Que les Etats-Unis, en violation de leurs obligations en vertu du droit
international général etcoutumier, ont tué, blesséet enlevéet tuent,
blessent et enlèvent des citoyens du Nicaragua.
g) Que, VU cesviolations desobligationsjuridiques susvisées,lesEtats-Unis
ont le devoir exprès de mettre fin et de renoncer immédiatement :

à toute utilisation de la force - directeou indirecte,ouverteou cachée -
contre le Nicaragua, et de toutes les menaces de force contre le Nica-
ragua ;

à toutes violations de la souveraineté, de l'intégrité territoriale oude
l'indépendance politique du Nicaragua, y compris toute intervention,
directe ou indirecte, dans les affaires intérieures du Nicaragua ;
à tout appui de quelque nature qu'il soit - y comprisl'entraînement etla
fourniture d'armes, de munitions, de fonds,d'approvisionnements, d'as-

sistance. de direction ou toute autre forme de soutien - à toute nation,
groupe, organisation, mouvement ou individu selivrant ou sedisposant à
selivrer à desactions militaires ouparamilitaires au Nicaragua ou contre
celui-ci ;
à toute tentative visant à restreindre, bloquer ou rendre périlleux l'accès

aux ports du Nicaragua, à l'arrivée ou enpartance de ces ports ;
et à tous meurtres, blessures et enlèvements de citoyens du Nicara-
gua.

h) Que lesEtats-Unis ont l'obligation de payer au Nicaragua, de son propre
droit et commeparenspatriaedes citoyens du Nicaragua,desréparations
pour les dommages subis par les personnes, les biens et l'économiedu
Nicaragua à raison desviolations susviséesdu droit international. dont le
montant sera déterminépar la Cour. Le Nicaragua se réserved'intro-
duire devant la Cour une évaluation précisedes dommages provoqués

par les Etats-Unis ));
dans le mémoiresur le fond :

La République du Nicaragua prie respectueusement la Cour de lui
accorder ce qui suit :

Premièrement :ilest demandé à la Cour de dire etjuger que les Etats-Unis States has violated the obligations of international law indicated in this
Memorial, and that in particular respects the United States isin continuing
violation of those obligations.
Second :theCourt isrequested to statein cleartermsthe obligation which

the United Statesbears to bring toan end the aforesaid breachesof interna-
tional law.
Third :theCourt isrequested to adjudge and declarethat, inconsequence
of the violations of international lawindicatedin this Memorial, compensa-
tion is due to Nicaragua, both on its own behalf and in respect of wrongs
inflicted upon its nationals; and the Court is requested further to receive
evidence and to determine, in a subsequent phase of the present proceed-
ings,the quantum of damages to be assessedas thecompensation dueto the
Republic of Nicaragua.
Fourth :without prejudiceto theforegoingrequest,the Court isrequested
to award to theRepublic ofNicaragua the sumof 370,200,000United States
dollars, which sum constitutes the minimum valuation of the direct dam-

ages, with the exception of damages for killing nationals of Nicaragua,
resulting from the violationsof international lawindicated in the substance
of this Memorial.
With reference to the fourth request, the Republic of Nicaragua reserves
the right to present evidenceand argument, with the purpose ofelaborating
the minimum (and in that sense provisional) valuation of direct damages
and, further, with the purpose of claiming compensation for the killing of

nationals of Nicaragua and consequential lossin accordance with theprin-
ciples of international law in respect of the violations of international law
generally,inasubsequentphase of thepresent proceedingsincasetheCourt
accedes to the third request of the Republic of Nicaragua."
16. At theconclusionof the last statement made on behalf ofNicaragua at the
hearing, the final submissionsof Nicaragua werepresented, which submissions

were identical to those contained in the Memorial on the merits and set out
above.
17. No pleadings on the merits having been filed by the United States of
America, which was also not represented at the oral proceedings of Septem-
ber 1985,no submissionson the merits werepresented on itsbehalf.

18. The dispute before the Court between Nicaragua and the United
Statesconcerns events in Nicaragua subsequent to the fa11of the Govern-

ment of President Anastasio Somoza Debayle in Nicaragua in July 1979,
and activities of theGovernment of the UnitedStates inrelation to Nicara-
gua since that time. Following the departure of President Somoza, a Junta
of National Reconstruction and an 18-membergovernment was installed
by thebody which had led thearmed opposition to President Somoza, the
Frente Sandinista de Liberacibn Nacional (FSLN). That body had initially

an extensive share in the new government, described as a "democratic
coalition", and as a result of later resignations and reshuffles, became ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 20

ont violéles obligations de droit international indiquéesdans le présent
mémoire, etqu'à certains égardsils continuent à violer ces obligations.

Deuxièmement : il est demandé àla Cour d'énoncer avecclartéI'obliga-
tion qu'ont les Etats-Unis de mettre fin auxdites violations du droit inter-
national.
Troisièmement : il est demandé à la Cour de dire et juger que, en con-
séquencedes violations du droit international indiquéesdans le présent

memoire,une indemnitéestdue au Nicaragua, tant pour son~ompt~propre
que pour lespréjudicessubispar sesressortissants ;il luiest aussi demandé
de recevoir des preuves à cet effet et de déterminer, lors d'une phase
ultérieure de laprésenteinstance, à quel montant doivent êtreévaluésles
dommages-intérêts destinés à indemniser la Républiquedu Nicaragua.
Quatrièmement :sans préjudicede la demande précédente,il est de-
mandé à la Cour d'accorder a la Républiquedu Nicaragua la somme de
370.2 millions de dollars des Etats-Unis, ladite somme constituant I'éva-
luation minimumdu préjudicedirect qui résultedesviolationdsu droit inter-

national indiquéesdans le présent mémoire,non inclus les dommages-
intérêtsdus pour le meurtre de ressortissants du Nicaragua.
Relativement au quatrièmechef de demande, et si la Cour fait droit à la
troisièmedemande de la Républiquedu Nicaragua, celle-ci se réserve le
droit, lors d'une phase ultérieurede l'instance, de présenterdes preuves et
d'exposer ses moyens afin de parvenir à un chiffre plus précisque I'éva-

luation minimum (et donc provisoire) du préjudicedirect et afin, en outre,
dedemander une indemnitépourlemeurtre de ressortissants du Nicaragua
et la perte ainsi subie, conformément aux principes générauxdu droit
international applicables aux violations dudit droitD

16. A la fin des plaidoiries, le Nicaragua a présenté desconclusions finales
identiques dans leur teneur a celles,figurant dans lemémoire surlefond, quisont
reproduites ci-dessus.

17. Les Etats-Unis d'Amériquen'ayant pas déposé de pièceécritesur le fond
et n'ayant pas été non plus représentésà la procédure oralede septembre 1985,
aucune conclusion sur le fond n'a étésoumise en leur nom.

18. Le différend entre le Nicaragua et les Etats-Unis dont la Cour est
saisie concerne les événementsqui se sont déroulésau Nicaragua après la
chute du gouvernement du président Anastasio SomozaDebayle enjuillet

1979 et les activités du Gouvernement des Etats-Unis a l'égarddu Nica-
ragua depuis lors. Après le départ du président Somoza, une junte de
reconstruction nationale et un gouvernement de dix-huit membres furent
mis en place par l'organe qui avait dirigé l'opposition arméeau président
Somoza, le Frente Sandinista de Liberacion Nacional (FSLN). Celui-ci
occupait au départ une position importante dans ce gouvernement, dit de

<(coalition nationale ))mais, à la suite de démissions et de remaniementsalmost its sole component. Certain opponents of the new Government,
primarily supporters of the former Somoza Government and in particular
ex-members of the National Guard, formed themselves into irregular
military forces, and commenced a policy of armed opposition, though
initially on a limited scale.

19. The attitude of the United States Government to the "democratic
coalition government" was at first favourable ; and a programme of eco-
nomic aid to Nicaragua was adopted. However by 1981this attitude had
changed. United States aid to Nicaragua was suspended in January 1981
and terminated in April 1981.According to the United States, the reason
for this change of attitude was reports of involvement of the Government
of Nicaragua in logistical support, including provision of arms, for guer-
rillas in El Salvador. There was however no interruption in diplomatic
relations, which have continued to be maintained up to the present time.
In September 1981,according to testimony called by Nicaragua, it was
decided to plan and undertake activities directed against Nicaragua.

20. The armed opposition to the new Government in Nicaragua, which
originally ~om~risedvarious movements, subsequently became organized
into two main groups :the Fuerza Democratica Nicaragüense (FDN) and
the Alianza Revolucionaria Democratica (ARDE).The first of these grew
from 1981 onwards into a trained fighting force, operating along the

borders with Honduras ; the second, formed in 1982,operated along the
borders with Costa Rica. The precise extent to which, and manner in
which, the United StatesGovernment contributed to bringing about these
developments will be studied more closely later in the present Judgment.
However,after an initial period in whichthe "covert" operations of United
States personnel and persons in their pay werekept from becoming public
knowledge, it was made clear, not only in the United States press, but also
in Congress and in official statements by the President and high United
States officiais,that the United States Government had been giving sup-
port to the contras,a term employed to describe those fighting against the
present Nicaraguan Government. In 1983budgetary legislationenacted by
the United States Congress made specificprovision for funds to be used by
United States intelligence agencies for supporting "directly or indirectly.
military or paramilitary operations in Nicaragua". According to Nicara-
gua, the contras have caused it considerable material damage and wide-
spread loss of life, and have also committed such acts as killing of pris-
oners, indiscriminate killingofcivilians,torture, rapeand kidnapping. It is
contended by Nicaragua that the United StatesGovernment is effectively

in control of the contras,that it devised their strategy and directed their
tactics, and that the purpose of that Government was,from the beginning,
to overthrow the Government of Nicaragua.

21. Nicaragua claims furthermore that certain military or paramilitary
operations against it were carried out, not by the contras,who at the time
claimed responsibility, but by persons in the pay of the United Statesultérieurs,il en devint la composante presque exclusive. Certains oppo-
sants au nouveau régime,en premier lieu des partisans de l'ancien gou-
vernement Somoza, et notamment des membres de la garde nationale, se
constituèrent en forces militaires irrégulièreset déclenchèrent une cam-
pagne d'opposition arméed'une ampleur initialement modeste.
19. L'attitude du Gouvernement des Etats-Unis à l'égarddu gouver-
nement de coalition démocratique ))était initialement favorable ;et un
programme d'assistance économique au Nicaragua fut adopté. Dès 1981

cependant la situation changea. L'assistance accordéepar les Etats-Unis
au Nicaragua fut suspendue en janvier 1981et supprimée en avril de la
mêmeannée.Les Etats-Unis disent avoir modifié leurattitude à la suite
d'informations suivant lesquelles le Gouvernement du Nicaragua aurait
accordéun appui logistique etfourni desarmes àla guérilla au Salvador.Il
n'y a pas eu, cependant, rupture des relations diplomatiques, qui restent
établiesjusqu'à cejour. C'est en septembre 1981que fut prise la décision
d'organiser et d'entreprendre certaines activités contre le Nicaragua
d'aprèsdes témoins citéspar celui-ci.
20. L'opposition arméeau nouveau Gouvernement du Nicaragua, qui
comprenait à l'origine diversestendances,futorganiséepar lasuiteen deux

groupes principaux : la Fuerza Democratica Nicaragüense (FDN) et
1'AlianzaRevolucionaria Democratica (ARDE). Le premier se développa
à partir de 1981 et s'organisa en unités combattantes bien entraînées
opérantlelongde lafrontièreavecleHonduras ;lesecond, forméen 1982,
opéraitlelongde lafrontièreavecleCosta Rica. Laquestion de savoirdans
quellemesureetdequellemanière préciseleGouvernement des Etats-Unis
contribua à cette transformation sera examinée plus loin. Après une
période initialeau cours de laquelle lepublic fut tenu dans l'ignorance des
opérations <(clandestines )>d'agents des Etats-Unis et de personnes rétri-
buéespar eux, il devint patent, non seulement dans la presse des Etats-

Unis, mais aussi au Congrès et dans des déclarationsofficiellesdu Prési-
dent et dehauts responsables de ce pays, que le Gouvernement des Etats-
Unis appuyait les contras,terme employépour désigner ceux quiluttent
contre le présentGouvernement nicaraguayen. Des créditsfurent expres-
sément inscrits au budget des Etats-Unis en 1983 pour permettre aux
services de renseignements de ce pays de soutenir directement ou indi-
rectement les opérations militaires ou paramilitaires au Nicaragua )).
D'aprèsle Nicaragua les contrasont causé des dégâtsmatériels considé-
rables et provoqué de nombreuses pertes en vies humaines ;ils auraient
aussi commis des actes tels que l'exécutionde prisonniers, le meurtre de

civils pris au hasard, des tortures, des viols et des enlèvements. Le Nica-
ragua affirme que le Gouvernement des Etats-Unis exerce une autorité
effective sur les contras,qu'il a mis au point leur stratégie et dirigé leur
tactique et que son objectif était, dèsl'origine, le renversement du Gou-
vernement nicaraguayen.
21. Le Nicaragua soutient d'autre part qu'il serait apparu après coup
que certaines opérationsmilitaires ouparamilitaires avaient été effectuées,
non pas par lescontrasqui, à l'époque, enrevendiquèrentla responsabilité,22 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

Government, and under the direct command of United States personnel,
who also participated to some extent in the operations. These operations
will alsobe more closelyexamined below in order to determine their legal
significance and the responsibility for them ; they include the mining of
certain Nicaraguan ports in early 1984,and attackson ports, oil installa-
tions, a naval base,etc. Nicaragua hasalsocomplained of overflights of its

territory by United States aircraft, not only for purposes of intelligence-
gathering and supply to the contras in the field, but also in order to
intimidate the population.

22. In the economic field, Nicaragua claims that the United States has
withdrawn its own aid to Nicaragua, drastically reduced the quota for
imports of sugar from Nicaragua to the United States, and imposed atrade
embargo ; it has also used its influence in the Inter-American Develop-
ment Bank and the International Bank for Reconstruction and Develop-
ment to block the provision of loans to Nicaragua.

23. As a matter of law, Nicaragua claims, inter alia,that the United
States has acted in violation of Article 2, paragraph 4, of the United
Nations Charter, and of a customary international law obligation to
refrain from the threat or use of force ; that its actions amount to inter-
vention in the interna1affairs of Nicaragua, in breach of the Charter of the

Organization of American States and of rules of customary international
law forbidding intervention ; and that the United States has acted in
violation of the sovereignty of Nicaragua, and in violation of a number of
otherobligations established ingeneral customaryinternational lawand in
the inter-American system. The actions of the United States are also
claimed by Nicaragua to be such as to defeat the object and purpose of a
Treaty of Friendship, Commerce and Navigation concluded between the
Parties in 1956,and to be in breach of provisions of that Treaty.
24. Asalready noted. the UnitedStateshasnot filedany pleading on the
merits of the case, and wasnot represented at the hearings devotedthereto.
It did however make clear in its Counter-Memorial on the questions of
jurisdiction and admissibility that "by providing, upon request, propor-
tionate and appropriate assistance to third States not before the Court"
it claims to be acting in reliance on the inherent right of self-defence
"guaranteed ...by Article 51of the Charter" of the United Nations, that is
to say the right of collective self-defence.
25. Various elements of the present dispute have been brought before

the United Nations Security Council by Nicaragua, in April 1984(as the
Court had occasion to note in its Order of 10 May 1984, and in its
Judgment on jurisdiction and admissibility of 26 November 1984,I.C.J.
Reports 1984, p. 432, para. 91), and on a number of other occasions. The
subject-matter of the dispute also forms part of wider issues affecting
Central America at present being dealt with on a regional basis in themais par des individus à la solde du Gouvernement des Etats-Unis et
placés souslecommandement direct de ressortissants des Etats-Unis qui,
dans une certaine mesure, participaient aussi aux opérations. Celles-ci
feront ultérieurement l'objet d'un examen plus approfondi, destiné à en
rechercher les conséquences juridiques et à établir les responsabilités
qu'ellesmettent enjeu ;ellescomprennent leminage, au débutde 1984,de
certains ports nicaraguayens, ainsi que des attaques lancéescontre des
ports, desinstallations pétrolières,unebase navale, etc. LeNicaragua s'est
égalementplaint de ce que des aéronefs des Etats-Unis survolaient son
territoire, afin non seulement de recueillir des renseignements et d'ap-

provisionner les contras en campagne mais encore d'effrayer la popu-
lation.
22. Sur leplan économique,leNicaragua déclareque lesEtats-Unis ont
suspendu leur assistance au Nicaragua, réduitradicalement leurs impor-
tations de sucre en provenance du Nicaragua et imposé un embargo
commercial ;ilsauraient en outre uséde leurinfluence auprèsde laBanque
interaméricainede développementet de la Banque internationalepour la
reconstruction et le développementpour bloquer l'ouverture de créditsau
Nicaragua.
23. Sur leplanjuridique leNicaragua soutient entre autres quepar leurs
actions les Etats-Unis violent l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des
Nations Uniesainsi que l'obligation de droit international coutumier de ne

pas recourir à la menace ou à l'emploi de la force ; que les actions des
Etats-Unis constituent une intervention dans les affaires intérieures du
Nicaragua,en violation de lacharte de l'organisation des Etats américains
et des règlesdu droit international coutumier prohibant i'intervention ; et
que les Etats-Unis violent la souverainetédu Nicaragua et diverses autres
obligations reconnues en droit international coutumier général etdans le
systèmeinteraméricain. Le Nicaragua affirme en outre que lesactions des
Etats-Unis sont de nature à priver de son but et de son objet le traité
d'amitié,de commerce et de navigation conclu en 1956entre les Parties, et
à en violer les dispositions.
24. Comme il a étéindiqué précédemment,les Etats-Unis n'ont pas
déposéde pièce écritesur le fond et ne se sont pas fait représenter aux

audiences consacrées àcelui-ci. Ilsont cependant précisé dans leurcontre-
mémoiresur lacompétenceetla recevabilitéque, <en fournissant une aide
proportionnée et appropriée àdes Etats tiers qui la leur ont demandée et
qui ne sontpas parties àl'instance »,ilsusaient du droit naturel de légitime
défense <(garanti ...par l'article 51 de la Charte des Nations Unies )>,
autrement dit du droit de légitimedéfensecollective.
25. Divers aspects du présent différendont étésoumis au Conseil de
sécuritéà plusieurs reprises - notamment par le Nicaragua en avril 1984,
ainsi que la Cour a eu l'occasion de le rappeler dans son ordonnance du
10 mai 1984 et dans son arrêtsur la compétence et la recevabilité du
26 novembre 1984 (C.I.J. Recueil1984, p. 432, par. 91). L'objet du litige

fait en outre partie des problèmes plus larges de l'Amériquecentrale,
examinés à présent à l'échelle régionaledans le cadre de ce qu'on ap- context of what isknown as the "Contadora Process" (I.C.J.Reports 1984,
pp. 183-185,paras. 34-36 ;pp. 438-441, paras. 102-108).

26. The position taken up by the Government of the United States of
America in the present proceedings, since the delivery of the Court's
Judgment of 26 November 1984,as defined in the letter from the United
StatesAgent dated 18January 1985,brings into operation Article 53of the
Statute of the Court, which provides that "Whenever one of the parties
does not appear before the Court, or fails to defend its case,the otherparty
may cal1upon theCourt to decidein favourofitsclaim". Nicaragua, has. in
its Memorial and oral argument, invoked Article 53 and asked for a
decision in favour of its claim. A special feature of the present case is that
the United States only ceased to take part in the proceedings after a
Judgment had been given adverse to its contentions on jurisdiction and
admissibility.Furthermore, it stated when doing so "that thejudgment of
the Court was clearly and manifestly erroneous as to both fact and law",
that it "remains firmly of the view ...that the Court iswithoutjurisdiction
to entertain the dispute" and that the United States "reserves its rights in
respect of any decision by the Court regarding Nicaragua's claims".

27. When a State named as party to proceedings before the Court
decides not to appear in the proceedings, or not to defend its case, the
Court usually expresses regret, because such a decision obviously has a
negative impact on the sound administration ofjustice (cf. FisheriesJuris-
diction,I.C.J.Reports 1973,p. 7, para. 12 ; p. 54, para. 13 ;I.C.J.Reports
1974,p. 9, para. 17 ;p. 181,para. 18 ; Nuclear Tests,I.C.J. Reports 1974,
p. 257, para. 15 ; p. 461, para. 15 ;Aegean Sea ContinentalShelf, I.C.J.
Reports1978, p. 7,para. 15 ; UnitedStatesDiplornaticandConsularStaffin
Tehran,I.C.J.Reports1980,p. 18,para. 33). In the present case, the Court
regrets even more deeply the decision of the respondent State not to
participate in the present phase of the proceedings, because this decision
wasmade after the United States had participated fullyin the proceedings
on the request for provisional measures, and the proceedings onjurisdic-
tion and admissibility. Having taken part in the proceedings to argue that
theCourt lackedjurisdiction, the United States thereby acknowledgedthat
the Court had the power to make a finding on its ownjurisdiction to rule

upon the merits. It is not possible to argue that theCourt hadjurisdiction
only to declare that it lackedjurisdiction. In the normal course of events,
for a party to appear before a court entails acceptance of the possibility of
the court's finding against that party. Furthermore the Court is bound to
emphasize that the non-participation of a party in the proceedings at any
stage of the case cannot, in any circumstances, affect the validity of its
judgment. Nor does such validity depend upon the acceptance of that
judgment byoneparty. The fact that a State purports to "reserve itsrights"pelle les <consultations de Contadora (C.I.J. Recueil 1984, p. 183-185,
par. 34-36 ;p. 438-441, par. 102-108).

26. L'attitude adoptée par le Gouvernement des Etats-Unis d'Amé-
riqueen la présente phasede la procédure à la suite du prononcéde l'arrêt
de la Cour du 26novembre 1984,telle que cette attitude a été définiedans
la lettre de l'agent desEtats-Unis en datedu 18janvier 1985,a pour résul-
tat de fairejouer l'article 53du Statut, aux termes duquel : <Lorsqu'une

des parties ne se présente pas, ou s'abstient de faire valoir ses moyens,
l'autre partie peut demander à la Cour de lui adjuger ses conclusions. ))
Dans son mémoire eten plaidoirie le Nicaragua a invoqué cetarticle et a
demandé à la Cour de lui adjuger lesconclusions qu'ilprésentait.Un aspect
particulier de la présente affaire est que les Etats-Unis ont attendu, pour
cesser de participer à l'instance, qu'un arrêtcontraire aux thèses qu'ils
défendaient sur la compétenceet la recevabilitéeût été rendu.Qui plus
est, ilsont déclaréà cette occasion que <<l'arrêtde la Cour étaitclairement
et manifestement erronéen fait commeen droit o,a.'ils(<demeurent fer-
mement convaincus ...que la Cour n'a pas compétence pour connaître
du différend )>et que les Etats-Unis <<réservent leursdroits à propos de

toute suite que la Cour décideraitdedonner auxdemandes du Nicaragua o.
27. Lorsqu'un Etat, attrait devant laCour,décide de nepas comparaître
ou de ne pas faire valoir sesmoyens, la Cour manifeste habituellement son
regret d'une telle décision,qui comporte à l'évidencedes conséquences
négativespour une bonne administration de la justice (voir Compétence
en matière depêcheries,C.I.J. Recueil 1973, p. 7, par. 12 ; p. 54,
par. 13 ;C.1.J.Recueil 1974, p. 9,par. 17;p. 181,par. 18 ;Essais nucléaires,
C.I.J. Recueil1974, p. 257,par. 15 ;p. 461, par. 15;Plateaucontinentalde
la mer Egée,C.I.J. Recueil 1978, p. 7, par. 15;Personneldiplomatiqueet
consulairedesEtats-Unis à TéhéranC ,.I.J.Recueil1980, p. 18,par. 33). En
l'espècela Cour regrette d'autant plus profondément la décisionde 1'Etat

défendeurde ne pas participer à la présentephase de la procédure qu'une
telle décision estintervenue après que les Etats-Unis eurent pleinement
participé aux procédures sur les mesures conservatoires et sur la compé-
tenceetla recevabilité.Eneffet, en ayant pris part à l'instance pour plaider
l'incompétencede la Cour, les Etats-Unis reconnaissaient par làà celle-ci
lepouvoir de seprononcer sursa propre compétencepour statuer au fond.
Il n'est pas possible de prétendreque la Cour n'étaitcompétenteque pour
sedéclarerincompétente.La comparution devant unejuridiction implique
normalement l'acceptation de la possibilitéd'être débouté P.ar ailleurs la
Cour sedoit de souligner qu'en aucuncaslanon-participation d'une partie
à la procédure ou àune phase quelconque de celle-ci ne saurait affecter la
validitéde sonarrêt.Cette validiténedépend pasnonplus de l'acceptation

de l'arrêtpar une partie. Le fait pour un Etat de prétendre <<réserverses
droits )à proposd'une décisionfuture de la Cour, une foisque celle-cis'estin respect of a future decision of the Court, after the Courthas determined
that ithasjurisdiction, isclearlyofno effecton the validityof that decision.
Under Article 36,paragraph 6,of its Statute, the Court hasjurisdiction to
determine anydispute asto its ownjurisdiction, and itsjudgment on that
matter, as on the ments, isfinal and binding on theparties under Articles59
and 60 of the Statute (cf. CorfuChannel,Judgmentof 15 December 1949,
I.C.J. Reports 1949,p. 248).
28. When Article 53 of the Statute applies, the Court is bound to
"satisfy itself, not only that it hasjurisdiction in accordance with Articles
36and 37,but alsothat the claim" of theparty appearing iswell foundedin
fact and law. In the present case, the Court has had the benefit of both

Parties pleading before it at the earlier stages of the procedure, those
concerning the request for the indication of provisional measures and to
the questions ofjurisdiction and admissibility. By its Judgment of 26No-
vember 1984,the Court found, inter alia,that it hadjurisdiction to enter-
tain the case ;it must however take steps to "satisfy itself" that the claims
of the Applicant are "well founded in fact and law". The question of the
application of Article 53 has been dealt with by the Court in a number of
previous cases, referred to above, and the Court does not therefore find it
necessary to recapitulate the content of these decisions. The reasoning
adopted to dispose of the basic problems arising was essentially the same,
although the words used may have differed slightly from case to case.
Certain points of principle may however be restated here. A State which
decidesnot to appear must accept theconsequences of itsdecision,the first
of which is that the case will continue without its participation ;the State
whichhas chosen not to appear remainsaparty to thecase,and isbound by
theeventualjudgment in accordance withArticle 59of the Statute. There is
however no question of ajudgment automatically in favour of the party
appearing, since the Court is required, as mentioned above, to "satisfy
itself" that that party's claim is well founded in fact and law.
29. The use of the term "satisfy itself" in the English text of the Statute
(and in the French text the term "s'assurer") implies that the Court must

attain the samedegreeof certainty as in anyothercasethat theclaimof the
party appearing is sound in law, and, so far as the nature of the case
permits, that the facts on which it is based are supported by convincing
evidence. For the purpose of deciding whether the claimiswellfounded in
law, the principle jura novit curia signifies that the Court is not solely
dependent on the argument of the parties before it with respect to the
applicable law (cf. "Lotus",P.C.I.J., SeriesA, No. 10, p. 31), so that the
absence ofone party has lessimpact. As the Court observed in the Fisheries
Jurisdictioncases :

"The Court ...,asan international judicial organ, isdeemed to take
judicial notice of internationallaw,and is therefore required in acase
falling under Article 53of the Statute, asin any other case,to consider
on its own initiative al1 rules of international law which may bedéclaréecompétente, est manifestement sans incidence sur la validitéde
ladite décision. En vertudel'article36,paragraphe 6,de son Statut, laCour
est compétente pour déciderde toute contestation relative à sa compé-
tence, et son arrêt sur ce point, comme sur le fond, est définitifet obliga-
toire pour les parties aux termes des articles 59 et 60 du mêmeStatut

(voir Détroitde Corfou, arrêt du 15 décembre 1949,C.I.J. Recueil 1949,
p. 248).
28. Dans les cas où I'article 53 s'applique, la Cour doit s'assurer non
seulement qu'elle a compétenceaux termes des articles 36 et 37, mais que
lesconclusions )de lapartiequi comparaît sont fondéesenfait et endroit.
En la présenteespècela Cour bénéficiedu fait que les deux Parties ont
plaidédevant elledans lespremièresétapesdela procédure,portant sur la
demande en indication de mesures conservatoires et sur les questions de

compétenceet de recevabilité.Par son arrêtdu 26 novembre 1984la Cour
s'estnotamment déclaréecompétentepour connaître de l'affaire. Elledoit
cependant <(s'assurer ))que les conclusions du demandeur sont (fondées
en fait et en droito. La Cour s'étant expriméesur l'application de l'article53
dans plusieurs affaires précédentes,mentionnéesplus haut,il ne lui paraît
pas utile de récapitulerla teneur de ces décisions.Le raisonnement suivi
pour réglerles problèmes de base qui se posaient est resté essentiellement
inchangé, bienque son énoncé aitpu varier quelque peu d'une instance à

l'autre. Certains points de principe peuvent cependant être rappelés ici.
L'Etat qui décidede ne pascomparaître doit accepter lesconséquencesde
sa décision,dont la première est que l'instance se poursuivra sans lui ;il
reste cependant partie au procès et le futur arrêtle lie conformément à
I'article 59 du Statut. Il est néanmoins hors de question que la Cour se
prononce automatiquement en faveur de la partie comparante, puisque,
comme indiqué précédemment,elle a l'obligation de s'assurer ))que les

conclusions de cette partie sont fondées en fait et en droit.

29. L'emploi du mot <s'assurer ))(en anglais <(satisfy itself)))dans le
Statut implique que la Courdoit, tout autantquedans une autre instance,
acquérir la conviction que les conclusions de la partie comparante sont
fondéesendroit et, pour autant que la nature de I'affairelepermette, que
les faits sur lesquels ces conclusionsreposent sont étayéspar des preuves
convaincantes. Le principe jura novitcuriasignifie que, pour décider que

les conclusions sont fondées en droit, la Cour ne doit pas s'appuyer
uniquement sur les exposésdes parties relativement au droit applicable
(voir I'affaire du Lotus,C.P.J.Z.sérieA no10,p. 31),de sorte que l'absence
de l'une d'elles n'a que des conséquences relativement limitées. Ainsi
que la Cour l'a rappelédans les affaires de la Compétenceen matièrede
pêcheries :

<(La Cour, en tant qu'organe judiciaire international, ... est ...

censéeconstater le droit international et, dans une affaire relevant de
I'article 53 du Statut comme dans toute autre, est donc tenue de
prendre en considération de sa propre initiative toutes les règlesde25 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

relevant to thesettlement of thedispute. It being the duty of the Court
itself to ascertain and apply the relevant law in the given circum-
stances of the case, the burden of establishing or proving rules of
international law cannot be imposed upon any of the parties, for the
law lies within thejudicial knowledge of the Court." (I.C.J. Reports

1974, p. 9, para. 17 ;p. 181,para. 18.)

Nevertheless the viewsof the parties to a case as to the law applicable to
their dispute are very material, particularly, as will be explained below
(paragraphs 184and 185),when those viewsareconcordant. In the present
case, the burden laid upon the Court is therefore somewhat lightened by

the fact that the United Statesparticipated in theearlier phases of thecase,
when it submitted certain arguments on the lawwhich have a bearing also
on the merits.
30. As to the facts of the case, in principle the Court is not bound to
confine its consideration to the material formally submitted to it by the
parties (cf. Brazilian Loans,P.C.I.J., SeriesA, No. 20/21, p. 124 ;Nuciear
Tests, I.C.J. Reports 1974, pp. 263-264, paras. 31, 32). Nevertheless, the
Courtcannot by its own enquiries entirely make up for the absence of one
of the Parties ;that absence, in a case of this kind involving extensive
questions of fact, must necessarily limit the extent to which the Court is
informed of the facts. It would furthermore be an over-simplification to
conclude that the onlydetrimental consequence of the absence of aparty is
the lack of opportunity to submit argument and evidencein support of its
own case. Proceedingsbefore the Court cal1forvigilanceby all.The absent
party also forfeits the opportunity to counter the factual allegations of its
opponent. It is of course forthe party appearing to prove the allegations it

makes, yet as the Court has held :
"While Article 53 thus obliges the Court to consider the submis-
sions of the Party which appears, it does not compel the Court to
examine their accuracy in al1their details ; for this rnight in certain
unopposed casesprove impossiblein practice." (CorfuChannel,1.C..'f.

Reports 1949,p. 248.)

31. While these are the guiding principles, the experience of previous
cases in which one party has decided not to appear shows that something

more is involved.Though formally absent from the proceedings, theparty
in question frequentlysubmits to the Court letters and documents, in ways
and by means not contemplated by the Rules.The Court has thus to strike
abalance. On theonehand, itisvaluable for the Court toknow theviewsof
both parties in whatever form those views may have been expressed.
Further, as the Court noted in 1974,where oneparty isnot appearing "it is
especiallyincumbent upon the Court to satisfyitself that it isin possession
of al1 the available facts" (Nuclear Tests, I.C.J. Reports 1974, p. 263,
para. 31 ; p. 468,para. 32).On the other hand, the Court has to emphasize droit international qui seraient pertinentes pour le règlementdu dif-
férend.La Cour ayant pour fonction de déterminer et d'appliquer le
droit dans lescirconstances dechaque espèce,lacharged'établir oude
prouver lesrèglesdedroitinternationalne saurait êtreimposée àI'une
ou l'autre Partie, car le droit ressortit au domaine de la connaissance
judiciaire de la Cour. ))(C.I.J. Recueil 1974, p. 9, par. 17 ; p. 181,

par. 18.)
Il n'en reste pas moins que les vues des parties à une affaire sur le droit
qui s'applique à leur différendimportent au plus haut point, surtout sices

vues concordent, comme on leverra ci-après(paragraphes 184et 185).En
laprésenteespèce,lefardeau imposéa laCour setrouveen outre allégé par
la circonstance que les Etats-Unis ont participé auxpremières phasesde
l'instance,aucours desquellesilsont avancécertains argumentsjuridiques
qui concernent aussi le fond.
30. Quant aux faits de lacause, en principela Cour n'estpas tenue de se
limiter aux élémentsque lui soumettent formellement les parties (voir
Emprunts brésiliensC , .P.J.I.sérieA nos 20 et21, p. 124 ;Essais nucléaires,
C.I.J. Recueil 1974, p. 263 et 264, par. 31 et 32). Néanmoins laCour ne
saurait totalement pallier, par sespropres recherches, lesconséquencesde
I'absencede I'unedesparties qui limite nécessairementl'information de la

Cour dans une affaire soulevant comme celle-cide multiples questions de
fait. De plus on simplifieraitàl'excèsenconcluant que leseulinconvénient
de l'absence d'une partie est que cette partie se prive ainsi de l'occasion
d'apporter des preuves et des arguments à l'appui de sa propre cause. La
procédure devantla Cour exigela vigilancede tous. L'absent perd aussi la
possibilitéde combattre les allégationsde fait de son adversaire. IIappar-
tient assurément à la partie qui comparaît de prouver ce qu'elle avance ;
néanmoins, pour reprendre les termes de la Cour :

(Tout en prescrivant ainsi à la Cour de procéder à un examen des
conclusions de la Partie comparante, l'article 53n'apas pour effet de
lui imposer la tâche d'en vérifier l'exactitudedans tous les détails -

tâchequi, dans certains cas et en raison de l'absencede contradiction,
pourrait s'avérerpratiquement impossible. ))(Détroitde Corfou,C.I.J.
Recueil 1949, p. 248.)

31. Tels sont les principes directeurs, mais il s'y ajoute d'autres élé-
ments, comme en témoigne l'expérience d'affaires antérieuresdans les-
quelles une des parties a pris la décisionde ne pas se présenter. Bien
qu'officiellement absente, souvent la partie en question soumet des lettres
et des documents à la Cour par des voies et moyens non prévuspar le
Règlement.La Cour doit donc rechercher un certain équilibre. D'uncôté
elle a avantage à connaître les vues des deux parties, quelle que soit la
manière dont ces vues s'expriment. De plus, ainsi qu'elle l'a souligné en
1974,en cas d'absence de I'unedes parties (il incombe tout particulière-
ment à la Cour de s'assurer qu'elle est bienen possession de tous les faits

disponibles )(EssaisnucléairesC , .I.J.Recueil1974, p. 263,par. 31 ;p. 468, that the equality of the parties to the dispute must remain the basic

principle for the Court. The intention of Article 53 was that in a case of
non-appearance neither party should be placed at a disadvantage ; there-
forethe party whichdeclines to appearcannot be permitted to profit from
its absence, since this would amount to placing the party appearing at a
disadvantage. The provisions of the Statute and Rules of Court concerning
thepresentation of pleadings and evidenceare designed to secure aproper
administration ofjustice, and a fair and equal opportunity for each party
to comment on its opponent's contentions. The treatment to be given by
theCourt to communications or material emanating from theabsent party
must be determined by the weight to be given to these different consid-
erations, and is not susceptible of rigid definition in the form of a precise
general rule.The vigilancewhich the Court can exercisewhen aided by the
presence of both parties to the proceedings has a counterpart in the special
care it has to devote to the proper administration of justice in a case in
which only one party is present.

32. Before proceeding further, the Court considers it appropriate to
deal with a preliminary question, relating to what may be referred to as the
justiciability of the dispute submitted to it by Nicaragua. In its Counter-
Memorial onjurisdiction and admissibility the United States advanced a
number of arguments why the claim should be treated as inadmissible :
interal iga,in according to the United States, that aclaimof unlawful use
of armed force is a matter committed by the United Nations Charter and
by practice to the exclusivecornpetence of other organs, in particular the
Security Council ; and that an "ongoing armed conflict" involvingthe use
of armed force contrary to the Charter is one with which a court cannot
deal effectivelywithout oversteppingproperjudicial bounds. These argu-
ments were examined by the Court in its Judgment of 26November 1984,
and rejected. No further arguments of this nature have been submitted to
the Court by the United States, which has not participated in the subse-

quent proceedings. However the examination of the merits which the
Courthas now carried out showsthe existenceof circumstances asa result
of which, it might be argued, the dispute, or that part of it which relates to
the questions of use of force and collective self-defence, would be non-
justiciable.
33. In the first place, it has been suggested that the present dispute
should be declared non-justiciable, because it does not fall into the cate-
gory of "legal disputes" within the meaning of Article 36,paragraph 2, of
the Statute. It istrue that thejurisdiction of the Court under that provision
is limited to "legal disputes" concerningany of the matters enumerated in
the text. The question whether a given dispute between two States is or is
not a "legal dispute" for the purposes of this provision may itself be a
matter in dispute between those two States ;and if so, that dispute is to bepar. 32). D'un autre côté laCour doit souligner que le principe de l'égalité
des parties au différendreste pour elle fondamental. L'article 53ne vise à
défavoriserni l'uneni l'autre des partiesen cas de non-comparution ;celle
qui s'abstient de comparaître ne saurait doncêtreadmise à tirer profit de
son absence, car cela reviendrait à désavantager la partie qui comparaît.
Les dispositions du Statut et du Règlementsur la présentation des pièces
écrites etdes élémentsdepreuve visent à assurerune bonne administration

de lajustice et àpermettre à chaquepartie de s'exprimer sur les thèsesde
l'adversaire dans des conditions d'égalité et d'équitéL .e traitement que la
Cour accorde aux communications ou documents émanant de la partie
absente dépenddu poids attaché à cesdiverses considérationset ne saurait
faire l'objet d'une définitionrigide en forme de règle générale précise L.a
vigilance que la Cour est à même d'exercer lorsqu'elle bénéficidee la
présencedes deux parties à l'instance a pour corollaire le soin tout parti-
culier qu'elledoitapporter àbien administrer lajustice dans une affaireoù
l'une d'elles seulementparticipe à l'instance.

32. Avant d'aller plus loin, la Cour croit utile de s'arrêtersur une
question préliminaire, liée à ce qu'on pourrait appeler lajusticiabilité du
différend dont le Nicaragua l'a saisie. Dans leur contre-mémoire sur la
compétenceet la recevabilité lesEtats-Unis ont avancéplusieurs raisons
pour lesquelles la demande devait êtrejugée irrecevable : d'après eux,
notamment, un grief relatif à l'usage illicite de la force armée relèvede la
compétenceexclusived'autres organes, etplus particulièrement du Conseil
de sécuritée,n vertu de la ChartedesNations Unieset de la pratique ;et la

Cour ne saurait connaître efficacement d'un conflit armé en cours
comportant l'emploide laforcearméeenviolation de la Chartesans sortir
des limites d'une activitéjudiciaire normale. Dans son arrêt du26 novem-
bre 1984la Cour a examinéet rejeté cesarguments, et les Etats-Unis, qui
n'ont pas participé à la suite de la procédure, n'en ont pas présentéa la
Cour de nouveaux qui iraient dans le même sens. Il apparaît toutefois, au
terme de l'examen du fond auquel la Cour s'est àprésent livrée,que des
circonstances existent qui, pourrait-on soutenir, rendraient non justi-
ciables le litige lui-mêmeou les questions d'emploi de la force et de
légitimedéfensecollective qui en font partie.

33. En premier lieu, il a étésoutenu que leprésentdifférend devrait être
déclaré nonjusticiable parce qu'il n'entre pas dans la catégoriedes << dif-
férendsd'ordrejuridique ))au sens de l'article 36,paragraphe 2,du Statut.
Il est vrai qu'en vertu de cette disposition la compétence de la Cour est
limitée aux «différends d'ordre juridique ))ayant pour objet l'une quel-
conquedes matières énumérées. Lqauestion de savoir siun différendentre
deux Etats est ou n'est pas un <(différendd'ordre juridique r)aux fins de
cette dispositionpeut êtreelle-mêmeen litigeentre cesdeux Etats ;dans cesettled by the decision of the Court in accordance with paragraph 6 of
Article 36. In the present case, however, this particular point does not

appear to be in dispute between the Parties. The United States, during the
proceedings devoted to questions of jurisdiction and admissibility, ad-
vanced a number of grounds why the Court should find that it had no
jurisdiction, or that the claim was not admissible. It relied inter aliaon
proviso (c) to its own declaration of acceptance of jurisdiction under
Article 36,paragraph 2,without everadvancingthe more radical argument
that the whole declaration was inapplicable because the dispute brought
before the Court by Nicaragua was not a "legal dispute" within the
meaning of that paragraph. As a matter of admissibility, the United States
objected to the application of Article 36, paragraph 2, not because the
dispute was not a "legal dispute", but because of the express allocation of
such matters as the subject of Nicaragua's claims to the political organs
under the United Nations Charter, anargument rejected by theCourt inits
Judgment of 26 November 1984(I.C.J. Reports 1984,pp. 431-436). Simi-

larly, while the United States contended that the nature of the judicial
function precludes its application to the substance of Nicaragua's allega-
tions in this case - an argument which the Court was again unable to
uphold (ibid.,pp. 436-438) -, it was careful to emphasize that this did not
mean that it was arguing that international law was not relevant or con-
trolling in a dispute of this kind. In short, the Court can see no indication
whatsoever that, even in the viewof the United States, the present dispute
falls outside the category of "legal disputes" to which Article 36, para-
graph 2, of the Statute applies. It must therefore proceed to examine the
specific claims of Nicaragua in the light of the international law appli-
cable.
34. There can be no doubt that the issues of the use of force and
collective self-defence raised in the present proceedings are issues which
are regulated both by customary international law and by treaties, in
particular the United Nations Charter. Yet itis also suggested that, for
another reason, the questions of this kind which arise in the present case

arenotjusticiable, that they fa11outside the limits of the kind of questionsa
court can deal with. It is suggested that the plea of collective self-defence
which has been advanced by the United States as a justification for its
actions with regard to Nicaragua requires the Court to determine whether
the United States was legallyjustified in adjudging itself under a necessity,
because itsown security was injeopardy, to useforcein response to foreign
intervention in El Salvador. Such a determination, it is said, involves a
pronouncement on political and military matters, not aquestion of a kind
that a court can usefully attempt to answer.

35. As will be further explained below, in the circumstances of the
dispute now before the Court, what is in issue is the purported exercise by
the United States of a right of collective self-defence in response to an
armedattack onanother State. The possible lawfulness of aresponse to the
imminent threat of an armed attack which has not yet taken place has notcas il appartient a la Cour de décider,comme leprévoit leparagraphe 6de
l'article 36.En laprésenteespèce,cependant, cepointparticulier ne semble
pas être enlitige entre les Parties. Durant la procédure consacréeaux
questions de compétence et de recevabilité, les Etats-Unis ont avancé
diverses raisonspour que laCour conclue qu'elle n'étaitpas compétenteou
que lademande n'étaitpas recevable.Ilsse sontappuyésnotamment sur la
réservec)de leurpropre déclarationd'acceptation delajurikiiction envertu

de l'article 36,paragraphe 2. sansjamais avancer l'argument plus radical
qui voudrait que la déclaration soit en totalité inapplicable pour la raison
que le différenddont le Nicaragua a saisi la Cour n'est pas un << différend
d'ordre juridique au sens de ce paragraphe. Pour ce qui est de la rece-
vabilité,les Etats-Unis ont élevé uneobjection contre l'application de l'ar-
ticle 36, paragraphe 2, au motif, non pas que le différendn'est pas <j< uri-
dique O,maisque lesquestions sur lesquellesportent lesdemandes du Nica-
ragua relèvent expressément d'organes politiquesen vertu de la Charte
des Nations Unies. et c'est là un argument que la Cour a rejetédans son
arrêtdu 26 novembre 1984(C.I.J. Recueil 1984, p. 431-436).De même,si
les Etats-Unis ont soutenu que la naturede la fonctionjudiciaire empêche

d'examiner au fond les allégationsdu Nicaragua en l'espèce - argument
que la Cour n'apas non plusétéen mesure d'accepter (ibid.,p. 436-438) -,
ilsont néanmoinstenu a souligner qu'ils neconsidéraient pas pour autant
ledroit international comme dénuéde~ertinence ou ina~~iicabAL àun dif-
férendde cette nature. Bref.la Cour ne voit aucune raison de penser que, du
point devuedes Etats-Unis eux-mêmesl,eprésent différend échapperait à la
catégoriedes ((différendsd'ordrejuridique auxquelss'applique l'article36,
paragraphe 2, du Statut. Elle doit donc aborder l'examen des demandes
concrètes du Nicaragua sous l'angle du droit international applicable.
34. II est hors de doute que les problèmes d'emploi de la force et de
Iégitimedéfensecollective soulevésdans la présente instance sont régle-

mentés àla fois par le droit international coutumier et par des traités,en
particulier la Charte des Nations Unies. Il a cependant été affirmé que,
pour une autre raison, les questions de cette nature qui se posent en la
présenteespèce nesont pasjusticiables et ne font pas partie des matières
dont un tribunal puisse connaître. L'invocation de la légitime défense
collective par laquelle les Etats-Unis cherchent à justifier leurs actions
vis-à-vis du Nicaragua obligerait la Cour a déterminer si, leur sécuritése
trouvant en jeu, les Etats-Unis étaient en droit de seproclamer eux-mêmes
dans la nécessité d'employer la forceafin de riposter a une intervention
étrangèreau Salvador. Pour y parvenir, assure-t-on, la Cour devrait se

prononcer sur des aspects politiques et militaires et non sur une question
qui soit par nature de celles auxquelles un tribunal peut utilement s'ef-
forcer de répondre.
35. Comme la Cour l'exposera plus loin, dans les circonstances de la
présente espècec'est l'exercice, allégué par les Etats-Unis, d'un droit de
Iégitimedéfensecollectiveenriposteaune agression arméecontre un autre
Etat qui se trouve en cause. La question de la licéitéd'une réaction à la
menace d'une agression armée qui ne s'est pas encore concrétiséen'a pasbeen raised. TheCourthas therefore to determinefirst whether suchattack
has occurred, and if so whether the measures allegedly taken in self-

defence were a legally appropriate reaction as a matter of collective self-
defence. To resolve the first of these questions, the Court does not have to
determine whether the United States, or the State which may have been
under attack, was faced with a necessity of reacting. Nor does its exami-
nation, if it determines thatan armed attack did occur. ofissuesrelating to
the collective character of the self-defence and the kind of reaction, ne-
cessarily involve it in any evaluation of rnilitary considerations. Accord-
ingly the Court can at this stage confine itself to a finding that, in the
circumstances of the present case, the issues raised of collective self-
defence are issueswhich it has competence, and isequipped, to determine.

36. Byits Judgment of 26November 1984,the Court found that it had
jurisdiction to entertain the present case, first on the basis of the United
Statesdeclaration of acceptance ofjurisdiction, under the optional clause
ofArticle 36,paragraph 2,of the Statute, deposited on 26August 1946and
secondly on the basis of Article XXIV of a Treaty of Friendship, Com-
merce and Navigation between the Parties, signed at Managua on 21 Jan-
uary 1956.The Court notes that since the institution of the present pro-
ceedings, both bases ofjurisdiction have been terminated. On 1May 1985
the United States gavewritten notice to the Government of Nicaragua to
terminate theTreaty, in accordance with Article XXV,paragraph 3,there-
of ; that notice expired, and thus terminated the treaty relationship, on
1May 1986. On 7 October 1985 the United States deposited with the
Secretary-General of the United Nations a notice terminating the decla-
ration under the optional clause, in accordance with the terms of that
declaration, and that notice expired on 7 April 1986.These circumstances
do not however affect the jurisdiction of the Court under Article 36,
paragraph 2, of the Statute, or itsjurisdiction under Article XXIV, para-

graph 2,of the Treaty to determine "any dispute between the Parties as to
the interpretation or application" of the Treaty. As the Court pointed out
in the Nottebohmcase :

"When an Application is filed at a time when the law in force
between theparties entails the compulsoryjurisdiction of the Court. ..
the filingof theApplication ismerelythecondition required to enable
the clause of compulsoryjurisdiction to produce its effects in respect

of the claim advanced in the Application. Once this condition has
been satisfied, the Court must deal with the claim ;it hasjurisdiction
to deal with al1 its aspects, whether they relate to jurisdiction, to
admissibility or to the merits. An extrinsicfact suchas the subsequentété soulevée.La Courdoit donc déterminer d'abordsicette agression s'est
effectivement produite et si, dans l'affirmative, les mesures présentées
comme ayantétéprises souslecouvert de la légitimedéfenseconstituaient
en droit une réactionjustifiée par la Iégitimedéfensecollective. Pour
répondre à la première question, la Cour n'a pas à déterminer si les
Etats-Unis, ou 1'Etatqui aurait étéagressé,étaientacculés àla riposte. Si
elledécidequ'ily a eu agression arméeenl'espèce,et afin de seprononcer
dans cette hypothèse sur des questions afférentesau caractèrecollectif de

la légitimedéfenseet au type de réaction,elle n'aura pas non plus à se
lancer nécessairementdans des appréciations d'ordre militaire. La Cour
peut en conséquenceseborner ici àconclureque, dans lescirconstances de
la présenteespèce,les problèmes de légitimedéfensequi ont étésoulevés
fontpartiede ceuxqui relèventde sacompétenceetqu'elleesten mesure de
régler.

36. Par son arrêtdu 26 novembre 1984 la Cour a dit qu'elle avait
compétencepour connaître de la présente affaire, en premier lieu sur la
base de la déclaration d'acceptation de la juridiction déposéepar les
Etats-Unis le 26 août 1946en vertu de la clause facultative de l'article 36,
paragraphe 2, du Statut, et en second lieu sur celle de l'articleXXIV d'un
traitéd'amitié,de commerce et de navigation entre les Parties, signé à
Managua le21janvier 1956.La Cour note que, depuis l'introduction de la
présente instance,ces deux fondements de sa compétenceont été dénon-

cés.Le ler mai 1985 les Etats-Unis ont donné au Gouvernement du
Nicaragua préavisde leur intentionde mettre fin au traité, conformément
à sonarticle XXV,paragraphe 3 ;lepréavis estexpiréet adonc misfin àla
relation conventionnelle entre les deux Etats le lei mai 1986.Le 7 octobre
1985les Etats-Unis ontdonné au Secrétairegénéraldel'organisation des
Nations Unies préavisde retrait de leur déclaration envertu de la clause
facultative,conformément aux termes de cette déclaration, et cepréavisa
expiréle 7 avril 1986.La Cour n'est pas pour autant privéede sa compé-
tence en vertu de l'article 36, paragraphe 2, du Statut, ni de celle que lui
confère l'article XXIV, paragraphe 2, du traité, pour se prononcer sur

<(tout différend qui pourrait s'éleverentre les Parties quant à l'interpré-
tation ou à l'application))de celui-ci. Ainsi qu'elle l'a soulignédans I'af-
faire Nottebohm :
<(Lorsquelarequêteestdéposé eun moment où ledroit envigueur

entre les parties comporte lajuridiction obligatoire de la Cour ..le
dépôt de la requêten'est que la condition pour que la clause de
juridiction obligatoireproduise effet à l'égardde la demande qui fait
l'objet de la requête.Cette condition remplie, la Cour doit connaître
de la demande ;ellea compétencepour en examiner tous les aspects,
qu'ils touchentà la compétence, à la recevabilitéou au fond. Un fait
extérieurtelque lacaducitéultérieurede ladéclaration [ou,commeen lapse of the Declaration [or, as in the present case also, the Treaty
containing a compromissory clause], by reason of the expiry of the
period or by denunciation, cannot deprive the Court of thejurisdic-
tion already established." (I.C.J. Reports 1953, p. 123.)

37. In the Judgment of 26 November 1984 the Court however also
declared that one objection advanced by the United States, that concer-
ning the exclusionfrom the United Statesacceptance ofjurisdiction under
the optional clause of "disputes arising under amultilateral treaty", raised
"a question concerning matters of substance relating to the merits of the
case", and concluded :
"That being so, and since the procedural technique formerly avail-
able ofjoinder of preliminary objections to the merits has been done

awaywith sincethe 1972revision of the Rules of Court, the Courthas
no choice but to avail itself of Article 79,paragraph 7, of the present
Rules of Court, and declare that the objection based on the multila-
teral treaty reservation of the United States Declaration of Accep-
tance does not possess,in the circumstances of the case,an exclusively
preliminary character, and that consequently it does not constitute an
obstacle for the Court to entertain the proceedings instituted by
Nicaragua under the Application of 9 April 1984." (I.C.J. Reports
1984, pp. 425-426, para. 76.)
38. The present case is the first in which the Court has had occasion to

exercisethe power first provided for in the 1972Rules of Court to declare
that a preliminary objection "does not possess,in the circumstances of the
case, an exclusively preliminary character". It may therefore be appro-
priate to take this opportunity to comment briefly on the rationale of this
provision of the Rules,in the lightof theproblems to which the handling of
preliminary objections has given rise. In exercising its rule-making power
under Article 30of the Statute, and generally in approaching the complex
issueswhichmay beraised by thedetermination ofappropriate procedures
for the settlement of disputes, the Court has kept in view an approach
defined by the Permanent Court of International Justice. That Court
found that it was at liberty to adopt

"the principle which it considers best calculated to ensure the admi-
nistration ofjustice, most suited to procedure before an international
tribunal and most in conformity with the fundamental principles of
international law" (Mavrommatis Palestine Concessions,P.C.I.J.,
Series A, No. 2, p. 16).
39. Under the Rules of Court dating back to 1936(which on this point
reflected stillearlier practice), the Courthad the power tojoinan objection
to the merits "whenever the interests of the good administration ofjustice
require it" (Panevezys-SaldutiskisRailway, P.C.I.J., Series A /B, No. 75, la présenteespèce,du traité renfermant une clause compromissoire]
par échéance du terme ou par dénonciationne saurait retirer à laCour

une compétence déjàétablie. ))(C.I.J. Recueil 1953, p. 123.)

37. Dans l'arrêtdu 26novembre 1984la Cour acependant déclaréaussi
qu'une objection soulevéepar les Etats-Unis, concernant l'exclusion des

<(différends résultant d'un traitémultilatéral ))de leur acceptation de la
juridiction en vertu de la clause facultative, soulevait ((une question qui
touche des points de substance relevant du fond de l'affaire O, et elle a
conclu en ces termes :

<(Cela étant,et puisqu'il n'estplus possible d'ordonner lajonction
des exceptions préliminairesau fond depuis la revision du Règlement
de 1972,la Cour n'a d'autre choix que d'appliquer l'article 79,para-
graphe 7.de son Règlementactuel, et de déclarerque l'objection tirée

de la réserve relative auxtraités multilatéraux figurantdans la décla-
ration d'acceptation des Etats-Unis n'a pas, dans les circonstances
de l'espèce.un caractère exclusivement préliminaire et qu'en consé-
quence rien ne s'oppose à ce que la Cour connaisse de l'instance
introduitepar le Nicaragua dans sa requêtedu 9 avril 1984. ))(C.I.J.
Recueil 1984, p. 425-426, par. 76.)

38. En la présente affaire la Cour a pour la première fois l'occasion
d'exercer le pouvoir, introduit en 1972,de déclarer qu'uneexception pré-

liminaire <(n'a pas dans les circonstances de I'espèceun caractère exclu-
sivement préliminaire )).Aussi pourrait-il êtreopportun de fairecertaines
observations sur la raison d'êtrede cette disposition, compte tenu des
problèmesauxquels letraitement des exceptions préliminairesadonnélieu
dans le passé.Dans l'exercice du pouvoir réglementaire qu'elle tient de
l'article 30 du Statut et, plus généralement,pour s'attaquer aux questions

complexes que peut souleverla détermination de procéduresappropriées à
lasolutiondesdifférends, laCour s'estinspiréede la méthodedéfiniepar la
Cour permanente de Justice internationale. Celle-ci s'était estimée libre
d'adopter

((la règle qu'elle considère comme la plus appropriée à la bonne
administration de la justice, à la procédure devant un tribunal in-
ternational, et la plus conforme aux principes fondamentaux du
droit international (ConcessionsMavrommatis en Palestine, C.P.J.I.

sérieA no2, p. 16).
39. Dans le Règlementremontant à 1936(qui sur cepoint reprenait une
pratique elle-mêmeantérieure), la Cour avait la faculté de joindre une

exception au fond (lorsque les intérêts de la bonne administration de la
justice lui en [faisait] un devoir ))(Chemin de fer Panevezys-Saldutiskis,30 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

p. 56), and in particular where the Court, if it were to decide on the
objection, "would run the risk of adjudicating on questions which apper-
tain to the merits of the case or of prejudging their solution" (ibid.).If this

power wasexercised,there was alwaysa risk,namely that the Court would
ultimately decide the case on the preliminary objection, after requiring the
parties fully to plead the merits, - and this did in fact occur (Barcelona
Traction,Light and Power Company,LimitedS ,econdPhase,1.C.J.Reports
1970, p. 3). The result was regarded in some quarters as an unnecessary
prolongation of an expensive and time-consuming procedure.

40. Taking into account the wide range of issues which might be pre-
sented as preliminary objections, the question which the Court faced was
whether to revise theRules soas to excludefor the future the possibility of
joinder to the merits, so that everyobjection would have to be resolved at
the preliminary stage, or to seek a solution which would be more flexible.
The solution of considering al1preliminary objections immediately and
rejecting al1possibility of ajoinder to the merits had many advocates and
presented many advantages. In the Panevezys-SaldutiskisRailwaycase,the
Permanent Court defined a preliminary objection as one

"submitted for the purpose of excluding an examination by the Court
of themerits of thecase,and beingone upon which the Court can give
a decisionwithout inanywayadjudicatingupon the merits" (P.C.I.J.,
Series A/B, No. 76,p. 22).

If this viewis accepted then of course every preliminary objection should
be dealt with immediately without touching the merits, or involvingparties
in argument of the merits of the case. To find out, for instance, whether
there isadispute between theparties or whether the Court hasjurisdiction,

does not normally require an analysis of the merits of the case. However
that does not solveal1questions of preliminary objections, which may, as
experience has shown, be to some extent bound up with the merits. The
final solution adopted in 1972,and maintained in the 1978 Rules, con-
cerning preliminary objections is the following : the Court is to give its
decision

"by whichit shall either uphold the objection, reject it, or declare that
the objection does not possess, in the circumstances of the case, an
exclusivelypreliminarycharacter. If theCourt rejectstheobjection,or
declares that it does not possess an exclusivelypreliminary character,
it shall fix time-limits for the further proceedings." (Art. 79,
para. 7.)

41. While the variety of issues raised by preliminary objections cannot
possibly be foreseen, practice has shown that there are certain kinds of
preliminary objections which can be disposed of by the Court at an early
stage without examination of the merits. Above all, it is clear that a
question ofjurisdiction is one which requires decision at the preliminaryC. P.J.1.sérieAl B no 75, p. 56)et en particulier lorsque en statuant sur les
exceptions elle risquait soit de trancher des questions qui appartiennent

au fond de l'affaire, soit d'en préjugerla solution (ihid.).Si elle exerçait
cette faculté, il y avait toujours un danger, à savoir que la Cour ne se
prononce en définitiveque sur la base de I'exception préliminaire,et cela
aprèsavoir imposéauxparties un débatexhaustif sur lefond - et c'est bien
ce qui est arrivédans les faits (Barcelona Traction, Light and Power Com-
pan-v,Limited, deuxièmephase,C.I.J. Recueil 1970,p. 3). Pour certains, on
ne faisait ainsi que prolonger inutilement une procédure longue et coû-
teuse.
40. Etant donné les difficultés trèsdiverses que peuvent soulever les
exceptions préliminaires, un choixs'offrait à la Cour :reviserle Règlement
de manière à exclure dorénavant toute jonction au fond, ce qui aurait
obligé à se prononcer sur toutes les exceptions au stade préliminaire, ou
rechercher une solution plussouple. Cellequi consistait à examiner immé-
diatement toutes les exceptions préliminaireset àécarter toute possibilité

de jonction au fond avait de nombreux partisans et présentait bien des
avantages. Dans l'affaire du Chemin defer Panevezys-Saldutiskis, la Cour
permanente a défini I'exceptionpréliminaire comme celle qui est

présentéeafind'exclure l'examenpar la Cour du fond de I'affaire, ...
la Cour pouvant statuer sur ladite exception sans se prononcer en
aucune façon sur le fond de l'affaire O (C.P.J.I. sérieAIB no 76,
p. 22).

Si l'on accepte cette manière de voir, il est évidentque chaque exception
préliminaire doit êtreexaminéeimmédiatement sans aborder le fond, ni
obliger les parties à plaider au fond. Pour déterminer, par exemple, s'il
existeun différendentre lesparties ou sila Cour est compétente,iln'yapas
lieu normalement d'entreprendre une analyse du fond. Cela ne règle
cependant pas tous les problèmes que posent les exceptionspréliminaires
vu qu'ellespeuvent, comme l'expériencel'amontré,serattacherjusqu'à un
certain point au fond. La solution retenue en 1972 et conservéedans le
Règlement de 1978a étépour finir la suivante :la Cour doit décidersi

elle retient I'exception, la rejette ou déclare que cette exception
n'a pas dans les circonstances de l'espèce uncaractère exclusivement
préliminaire.Si la Cour rejette I'exception ou déclarequ'elle n'a pas

un caractère exclusivement préliminaire, elle fixe les délaispour la
suite de la procédure. ))(Art. 79, par. 7.)

41. Il est certes impossible de prévoirtous les problèmes que peuvent
soulever les exceptions, mais la pratique de la Cour montre qu'il existe
certains types d'exceptions préliminairesque la Cour peut réglerrapide-
ment sans avoir àexaminer le fond. Il est clair avant tout que lesquestions
decompétencesont decellesquidoivent êtrerésoluesaustade préliminaire 31 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

stage of the proceedings. The new rule enumerates the objections contem-
plated as follows :

"Any objection by therespondent tothejurisdiction of the Court or
to the admissibility of the application, or other objection the decision
upon which is requested before any further proceedings on the
merits .. ." (Art. 79, para. 1.)

It thus presents one clear advantage : that it qualifies certain objections as
preliminary, making it quite clear that when they are exclusively of that
character they will have to be decided upon immediately, but if they are
not. especially when the character of the objections is not exclusively

preliminary because they contain both preliminary aspects and other
aspects relating to the merits. they will have to be dealt with at the stage of
the merits. This approach also tends to discourage the unnecessary pro-
longation of proceedings at thejurisdictional stage.

42. TheCourt must thus now rule upon the consequences of the United
Statesmultilateral treaty reservation for the decision which it hasto give. It
will be recalled that the United States acceptance ofjurisdiction deposited
on 26 August 1946 contains a proviso excluding from its application :

"disputes arising under a multilateral treaty, unless (1) al1parties to
the treaty affected by the decision are also parties to the case before

the Court, or (2) the United States of America specially agrees to
jurisdiction".
The 1984 Judgment included pronouncements on certain aspects of that

reservation. but the Court then took the view that it was neither necessary
nor possible, at thejurisdictional stage of the proceedings, for it to take a
position on al1the problems posed by the reservation.
43. It regarded this as not necessary because, in its Application, Nica-
ragua had not confined its claims to breaches of multilateral treaties but
had also invoked a number of principles of "general and customary inter-

national law", as wellas the bilateral Treaty of Friendship, Commerce and
Navigation of 1956.These principles remained binding as such, although
they were also enshrined in treaty law provisions. Consequently, since the
case had not been referred to the Court solely on the basis of multilateral
treaties, it was not necessary for the Court, in order to consider the merits
of Nicaragua's claim, to decide the scope of the reservation in question :

"the claim. .. would not in any event be barred by the multilateral treaty
reservation" (I.C.J. Reports 1984, p. 425, para. 73). Moreover, it was not
found possible for the reservation to be definitively dealt with at the
jurisdictional stage of the proceedings. To make ajudgment on thescope of
the reservation would have meant giving a definitive interpretation of the
term "affected" in that reservation. In its 1984Judgment, the Court heldde la procédure. La nouvelle disposition décrit ainsi les exceptions envi-

sagées :
Toute exception àla compétencede la Cour ou àla recevabilitéde

la requêteou toute autre exception sur laquelle le défendeur demande
une décision avant que la procédure sur le fond se poursuive ...))
(Art. 79. par. 1.)

Elle présente donc un avantage certain : en qualifiant certaines excep-
tions de préliminaires, elle montre bien que, lorsqu'elles présentent exclu-
sivement ce caractère, lesexceptions doivent êtretranchéessans délai,mais
que, dans le cas contraire, et notamment lorsque ce caractère n'est pas

exclusif puisqu'elles comportent à la fois des aspects préliminaires et des
aspects de fond. elles devront êtrerégléesau stade du fond. Ce procédé
tend d'autre part à décourager toute prolongation inutile de la procédure
au stade de la compétence.

42. La Cour doit donc maintenant statuer sur les conséquences que la
réservedes Etats-Unis relative aux traités multilatéraux doit avoir sur la

décisionqu'elle va rendre. On se rappellera que la déclaration d'accepta-
tion de lajuridictionde la Cour déposéepar les Etats-Unis le 26 août 1946
comporte une clause excluant les

<<différendsrésultantd'un traitémultilatéral, àmoins que 1)toutes les
parties au traité que la décision concerne soient également parties à
l'affaire soumise à la Cour, ou que 2) les Etats-Unis d'Amérique
acceptent expressément la compétence de la Cour o.

Dans son arrêt de 1984, la Cour, tout en se prononçant sur certains
aspects de la réserveen question, a considéréqu'il n'étaitni nécessaire ni

possible, au stade de la compétence, qu'elle prenne position sur tous les
problèmes que ce texte posait.
43. Cela ne lui paraissait pas nécessaireparce que le Nicaragua, dans sa
requête, ne limitait pas ses demandes aux violations de conventions mul-
tilatérales mais invoquait un certain nombre de principes du droit inter-

national général etcoutumier ))en plus du traité bilatéral d'amitié,de
commerce etde navigation de 1956.Ces principes restaient obligatoires en
tant que tels, lors m2me qu'ils étaient également inclus dans des disposi-
tions du droit conventionnel. En conséquence, puisque la Cour n'étaitpas
uniquement saisie sur la base de conventions multilatérales, elle n'avait pas

besoin. pour examiner quant au fond la demande du Nicaragua, de s'être
prononcée sur la portée de la réserveen question : <([cette] réserve... ne
permettrait pas, de toute façon. de rejeter la demande )) (C.I.J. Recueil
1984, p. 425. par. 73). En outre. un examen définitif de la réserve n'apas
paru possible au stade de la compétence. En effet, un jugement sur la

portéede la réservesupposait une interprétation définitivedu terme af-
fected )qui y figurait.A cetégard. la Cour. dans sonarrêtde 1984.a admis 32 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

that the term "affected" applied not to multilateral treaties, but to the
parties tosuch treaties. The Court added that if those parties wished to
protect their interests "in so far as these are not already protected by
Article 59of the Statute", they "would have the choice of eitherinstituting
proceedings or intervening" during the merits phase. But at al1events,
according to the Court, "the determination of the States 'affected' could
not be left to the parties but must be made by the Court" (I.C.J. Reports
1984,p. 425,para. 75).This process could howevernot becarried out at the
stage of the proceedings in which the Court then found itself ;"it is only
when the general lines of the judgment to be given become clear", the
Court said, "that the States 'affected' could be identified" (ibid.). The
Court thus concluded that this was "a question concerning matters of
substance relating to the merits of the case" (ibid., para.76).Since "the

question of what States may be 'affected' by the decision on the merits is
not in itself ajurisdictional problem", the Court found that it

"has no choice but to avail itself of Article 79, paragraph 7, of the
present Rules of Court, and declare that the objection based on the
multilateral treaty reservation . . .does not possess, in the circum-
stances of the case, an exclusively preliminary character" (ibid.,
para. 76).

44. Now that the Court has considered the substance of the dispute, it
becomes both possible and necessary for it to rule upon the points related
to the United States reservation which were not settled in 1984. It is
necessary because the Court'sjurisdiction, as it has frequently recalled, is
based on the consent of States, expressed in a variety of ways including
declarations made under Article 36, paragraph 2, of the Statute. It is the
declaration made by the United States under that Articlewhich defines the
categories of dispute for which the United States consents to the Court's
jurisdiction. If therefore that declaration, because of a reservation con-
tained in it, excludes from the disputes for which it accepts the Court's
jurisdiction certain disputes arising under multilateral treaties, the Court
must take that fact into account. The final decision on this point, which it

was not possible to take at thejurisdictional stage, can and must be taken
bv the Court now whencoming toits decision on the merits. If thiswerenot
so, the Court would not havevdecided whether or not the objection was
well-founded, either at thejurisdictional stage, because it did not possess
an exclusivelypreliminary character, orat the merits stage, because itdid
to some degree have such a character. It is now possible to resolve the
question of the application of the reservation because, in the light of the
Court's full examination of the facts of the case and the law, the impli-
cations of the argument of collective self-defence raised by the United
States have become clear.

45. The reservation in question is not necessarily a bar to the United
Statesaccepting the Court'sjurisdiction whenever a third State whichmayque le terme <affected ))s'appliquait non pas aux traités multilatéraux
mais aux parties a ceux-ci. Certes, a ajouté la Cour, si ces parties souhai-
taient ((protégerleurs intérêts, pourautant que l'article 59du Statut ne les
protège pas déjà ))elles auraient le choix entre engager une action ou
intervenir k)lors de la phase relative au fond. Mais, de toute manière, selon

la Cour ((la détermination des Etats ((affectés nepeut êtrelaissée aux
parties ;c'esta la Cour d'en décider (C.I.J. Recueil 1984, p. 425.par. 75).
Or cette opération ne pouvait êtreeffectuée au stade de la procédure
auquel la Cour se trouvait alors : ce n'est, a dit la Cour, qu'à partir du
moment où les grandes lignes de [l']arrêt se dessineraient qu'elle pourrait
déterminer quels Etats seraient (affectés ))(ibid.). C'étaitdonc là. con-
cluait la Cour, <(une question qui touche des points de substance relevant
du fond de l'affaire ))(ihid., par. 76). La Cour se trouvait ainsi amenée à

constater que, <<la question de savoir quels Etats pourraient être«affec-
tés par [sa] décision au fond n'[étant] pas en soi une question de
compétence, elle n'rivait

d'autre choix que d'appliquer l'article 79, paragraphe 7, de son
Règlement actuel, et de déclarer que l'objection tiréede la réserve
relative aux traités multilatéraux ...n'a pas,dans lescirconstances de
l'espèce, uncaractère exclusivement préliminaire (ibid, par. 76).

44. Maintenant que la Cour a examiné la substance du différend, il
devient à la fois nécessaireet possible de statuer sur les points relatifs à la
réserveaméricaine qui n'ont pas étéréglésen 1984. Cela est nécessaire
parce que la compétence de la Cour, comme celle-ci a eu maintes fois
l'occasion de le rappeler, repose sur le consentement des Etats, tel qu'il
peut s'exprimer par divers moyens, et notamment par des déclarations

faites en application de l'article 36, paragraphe 2, du Statut. C'est la
déclaration faitepar les Etats-Unis d'Amérique en vertu de ce paragraphe
qui détermine les catégoriesde litiges à propos desquels les Etats-Unis
consentent a lacompétencede la Cour. Sidonc cettedéclaration. en raison
d'une réserve qu'ellecontient, exclut du nombre des litiges pour lesquels
elle accepte la compétence de la Cour certains d'entre eux résultant de
traités multilatéraux, la Cour doit tenir compte de ce fait. La décision

finale sur ce point, qu'il n'était pas possiblede prendre au stade de la
compétence,peut et doitêtreprise maintenant que la Cour va seprononcer
sur le fond. S'iln'en était pasainsi, la Cour n'aurait décidédu bien ou du
mal-fondéde l'exception niau stade de lacompétence,parcequ'elle n'avait
pas un caractère exclusivement préliminaire, ni au stade du fond, parce
qu'elleavaitpartiellement cecaractère.IIest aprésentpossible de résoudre
la question de l'application de la réserveparce que, au terme de l'examen
completdesfaitsetdu droit auquel la Cour s'estlivrée,lesconséquencesde

l'argument de légitimedéfensecollective soulevépar les Etats-Unisappa-
raissent désormais clairement.
45. La réserve en question ne fait pas obligatoirement obstacle à I'ad-
mission par lesEtats-Unis de la compétencede la Cour dans tous lescasoùbe affected by the decision is not a party to the proceedings. According to
the actual text of the reservation, the United States can always disregard
this fact if it "specially agrees to jurisdiction". Besides, apart from this
possibility, as the Court recently observed : "in principle a State may
validly waive an objection to jurisdiction which it might otherwise have

been entitled to raise" (I.C.J.Reports 1985,p. 216, para. 43). But it is clear
that the fact that the United States, having refused to participate at the
merits stage, did not have an opportunity to press again at that stage the
argument which, in the jurisdictional phase, it founded on its multilateral
treaty reservation cannot be tantamount to a waiver of the argument
drawn from the reservation. Unless unequivocally waived, the reservation

constitutes a limitation on the extent of the jurisdiction voluntarily ac-
cepted by the United States ;and, as the Court observed in the Aegean Sea
Continental Shelf case,

"It would not discharge its duty under Article 53 of the Statute if it
were to leave out of its consideration a reservation, the invocation of
which by the Respondent was properly brought to its notice earlier in
the proceedings." (I.C.J. Reports 1978, p. 20, para. 47.)

The United States has not in the present phase submitted to the Court any
arguments whatever, either on the merits proper or on the question - not
exclusivelypreliminary - of the multilateral treaty reservation. TheCourt
cannot therefore consider that the United States has waived the reserva-
tion or no longer ascribes toit the scope which the United States attributed

to it when last stating its position on this matter before the Court. This
conclusion is the more decisive inasmuch as a respondent's non-partici-
pation requires the Court, asstated for example in the FisheriesJurisdicfion
cases, to exercise "particular circumspection and . .. special care" (1.C.J.
Reports 1974, p. 10, para. 17, and p. 181, para. 18).

46. It has also been suggested that the United States may have waived
the multilateral treaty reservation by its conduct of its case at the juris-
dictional stage, or more generally by asserting collective self-defence in
accordance with the United Nations Charter asjustification for its activi-
ties vis-à-vis Nicaragua. There is no doubt that the United States, during
its participation in the proceedings, insisted that the law applicable to the

dispute was to be found in multilateral treaties, particularly the United
Nations Charter and the Charter of the Organization of American States ;
indeed, it went so far as to contend that such treaties supervene and
subsumecustomary law on the subject. It is however one thing for a State
to advance a contention that the law applicable to a given dispute derives
from a specified source ; it is quite another for that State to consent to the
Court's havingjurisdiction to entertain that dispute, and thus toapply that

law to the dispute. The whole purpose of the United Statesargument as to
the applicability of the United Nations and Organization of Americanun Etat tiers éventuellement affecté ))par ladécision neserait paspartie à

l'instance. Les Etats-Unis peuvent toujours, d'après le texte mêmede la
réserve. passer outre et accepte[r] expressément la compétence de la
Cour o.D'autre part, indépendamment de cette possibilité,il reste, comme
la Cour l'aindiquérécemment, (<qu'un Etat peut renoncer à une exception
d'ordre juridictionnel qu'il aurait étéen droit de soulever (C.I.J. Recueil
1985, p. 216, par. 43). Il est cependant clair que si les Etats-Unis, ayant

refuséde participer au stade du fond, n'ont pas eu l'occasion de reprendre
alors l'argument que, dans la phase de la compétence, ilsavaient tiréde leur
réserve relative aux traités multilatéraux, ce fait ne peut avoir la valeur
d'une renonciation audit argument. A défaut de renonciation expresse la
réservelimite l'étendue de la juridiction volontairement acceptée par les

Etats-Unis et, comme laCour l'adit dans l'affaire du Plateau continentalde
lu mer Egée:
La Cour ne s'acquitterait pas de ses responsabilités en vertu de

l'article 53 du Statut si elle laissait en dehors de son examen une
réservedont l'invocation par le défendeur a été dûment portée à sa
connaissance à un stade antérieur de la procédure. (C.I.J. Recueil
1978, p. 20, par. 47.)

Dans la phase actuelle les Etats-Unis se sont abstenus de soumettre à la
Cour quelque argumentation que ce soit, aussi bien sur le fond à propre-
ment parler que sur la question - non exclusivement préliminaire - de la
réserve relative aux traités multilatéraux. La Cour ne saurait donc pas

considérer que les Etats-Unis ont renoncéà faire valoir leur réserve ouont
cesséde lui donner la portée qu'ils lui attribuaient la dernière fois qu'ils se
sont exprimés à ce sujet devant la Cour. Cette conclusion se dégage avec
une force d'autant plus grande que la non-participation du défendeur
im~ose à la Cour. comme elle l'a dit Dar exem~le dans les affaires de la
Compétenceen matière depêcheries, «une particulière circonspection et ...

une attention toute spéciale (C.I.J.Recueil 1974, p. 10,par. 17,et p. 181,
par. 18).
46. Il a étédit aussi que les Etats-Unis pourraient être considérés
comme ayant renoncé à la réserve relative aux traités multilatéraux en
raison de la manière dont ils ont défendu leur cause dans la phase sur la
compétence ou, plus généralement, de leur invocation de la légitime

défensecollective, conformément à la Charte des Nations Unies, comme
justification de leurs activités à l'égarddu Nicaragua. Sans doute, durant
leur participation à l'instance, les Etats-Unis ont-ils soutenu avec insis-
tance que le droit applicable au différend est consigné dans des traités
multilatéraux, en particulier la Charte des Nations Unies et celle de l'Or-
ganisation des Etats américains ;ils sont même alléjsusqu'à affirmer que

ces traitéssupplantent et résumentledroit coutumier àce sujet.Toutefois,
plaider que ledroit applicable àun différendconcret provient d'une source
précise estune chose ;consentir àla compétence de laCour pour connaître
du litige, et donc lui appliquer le droit en question, en est une autre fort
différente. Toute l'argumentation des Etats-Unis relative à I'applicabilité States Charters was to convince the Court that the present dispute is one
"arising under" those treaties, and hence one which is excluded from
jurisdiction by the multilateral treaty reservation in the United States

declaration of acceptance ofjurisdiction. It is impossible to interpret the
attitude of the United States as consenting to the Court's applying mul-
tilateral treaty law to resolve the dispute, when what the United States was
arguing was that, for the very reason that the dispute "arises under"
multilateral treaties, no consent to itsdetermination by the Court has ever
been given. The Court was fully aware, when it gave its 1984Judgment,
that the United States regarded the lawof the two Charters as applicable to
the dispute ;it did not then regard that approach asa waiver, nor can it do
so now.The Court isthereforebound to ascertainwhether itsjurisdiction is
limited by virtue of the reservation in question.

47. In order to fulfil this obligation, the Court is now in a position to
ascertain whether any third States, parties to multilateral treaties invoked
by Nicaragua in support of its claims, would be "affected" by the Judg-
ment, and are not parties to the proceedings leading up to it. The multi-
lateral treaties discussed in this connection at the stage of the proceedings
devoted to jurisdiction were four in number : the Charter of the United

Nations, the Charter of the Organization of American States, the Monte-
video Convention on the Rights and Duties of States of 26 December 1933,
and the Havana Convention on the Rights and Duties of States in the
Event of Civil Strife of 20 February 1928 (cf. I.C.J. Reports1984, p. 422,
para. 68). However, Nicaragua has not placed any particular reliance on
thelatter two treaties in the present proceedings ;and in reply to aquestion
by a Member of the Court on the point, the Nicaraguan Agent stated that
while Nicaragua had not abandoned its claims under these two conven-
tions, itbelieved "that the duties and obligations established by these
conventions have been subsumed in the Organization of American States
Charter". TheCourt therefore considers that it will be sufficient to exam-
ine the position under the two Charters. leaving aside the possibility that
thedispute might be regarded as "arising" under either or both of the other
two conventions.
48. The argument of the Parties at thejurisdictional stage wasaddressed
primarily to the impact of the multilateral treaty reservation on Nicara-
gua's claimthat the United Stateshas used forceagainst it in breach of the

United Nations Charter and of the Charter of the Organization of Ameri-
can States, and the Court will first examine this aspect of the matter.
According to the views presented by the United States during the juris-
dictional phase. the States which would be "affected" by the Court's
judgment were El Salvador. Honduras and Costa Rica. Clearly, even if
only one of these States is found to be "affected", the United States
reservation takes full effect. The Court will for convenience first take the
case of El Salvador, as there are certain special features in the position of
this State. Itis primarily for the benefit of ElSalvador, and to help itto
respond to an alleged armed attack by Nicaragua, that the United Statesdes chartes des Nations Unies et de l'organisation des Etats américains
visait àconvaincre laCour que ledifférend sousexamen <(résultaitde ))ces
traitéset étaitdonc exclude lacompétencede la Cour par la réserverelative
aux traités multilatéraux figurantdans leur déclarationd'acceptation de la
juridiction. II n'est pas possible d'interpréter leur attitude comme signi-

fiant qu'ilsconsentaient à l'application par la Cour du droit conventionnel
multilatéral pour résoudreledifférend, alorsque leur thèseétaitque, pour
la raison précisémentque le différend <(résultede )>traités multilatéraux,
ilsn'ontjamais accepté sonrèglementpar la Cour.Quand ellea rendu son
arrêtde 1984la Cour n'ignorait pas que lesEtats-Unis considéraientque le
droit des deux chartes s'appliquait au différend ; elle n'a pas jugéqu'ils
renonqaient par là àleur réserveet nesaurait le faire à présent. LaCour est

donc tenue de vérifiersisacompétenceest limitéepar lejeu de la réserveen
question.
47. Afin de s'acquitter de cette obligation, la Cour est désormais en
mesure de déterminer si des Etats tiers, parties aux conventions multila-
térales que le Nicaragua invoque à l'appui de ses demandes, seraient
<(affectés par l'arrêtsans êtreparties a la procédure se concluant par
celui-ci. Les traités multilatérauxévoqués à cet égard austade de la pro-

cédureportant sur la compétence étaient aunombre dequatre :la Charte
des Nations Unies, la charte de l'organisation des Etats américains, la
convention de Montevideo du 26 décembre 1933concernant les droits et
devoirs des Etats et la convention de La Havane du 20 février 1928
concernant lesdroits et devoirs des Etats en cas de luttes civiles(voir C.I.J.
Recueil 1984, p. 422. par. 68).Toutefois le Nicaragua n'apas spécialement
mis en avant ces deux derniers traités dans la présente phase de la pro-
cédure ; et, en réponse à la question d'un membre de la Cour surcepoint,

l'agent du Nicaragua a déclaré que,sans abandonner ses demandes fon-
dées sur ces instruments, le Nicaragua était d'avis que <(les droits et
obligations établis par ces conventions ont étérepris dans la charte de
l'organisation des Etats américains o.La Cour croit donc suffisant d'exa-
miner la situation par rapport aux deux chartes, sans rechercher si le
différend Deutêtreconsidéré comme <résultant »de l'uneou l'autre de ces
conventions, ou des deux.

48. Au stade de la compétence, les Parties ont surtout consacré leur
argumentation à l'effetde la réserve relativeaux traités multilatérauxsur
lesgriefs du Nicaragua suivant lesquels les Etats-Unis auraient eu recours
à la force en violation de la Charte des Nations Unies et de celle de
l'organisation des Etats américains,et la Cour examinera cet aspect en
premier lieu. Selon les vues présentéespar les Etats-Unis au cours de la
phase sur la compétence, les Etats affectés ))par l'arrêtde la Cour

seraient El Salvador. le Honduras et le Costa Rica. Il est clair que si l'un
seulement de ces Etats est considérécomme <(affecté ))la réserveaméri-
caine exercera son plein effet. La Cour voit des avantages à se pencher sur
le cas d'El Salvador, la situation de cet Etat présentant des traits particu-
liers.C'est essentiellement auprofit d'El Salvador, et pour l'aider à riposter
à une agression arméedont il aurait étévictime de la part du Nicaragua,35 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

claims to be exercisinga right of collectiveself-defence,which it regards as
ajustification of its own conduct towards Nicaragua. Moreover, El Sal-
vador,confirming this assertion by the United States, told the Court in the
Declaration of Intervention which it submitted on 15 August 1984that it
considered itself the victim of an armed attack by Nicaragua, and that it
had asked the United States to exercisefor itsbenefit the right of collective
self-defence. Consequently, in order to rule upon Nicaragua's complaint
against the United States, the Court would have to decide whether any
justification for certain United States activities in and against Nicaragua
can befound in the right of collectiveself-defencewhich may, it isalleged,
be exercised in response toan armed attack by Nicaragua on El Salvador.

Furthermore, reserving for the present the question of the content of the
applicable customary international law, the right of self-defence is of
course enshrined in the United Nations Charter, so that the dispute is. to
this extent, a dispute "arising under a multilateral treaty" to which the
United States. Nicaragua and El Salvador are parties.

49. As regards the Charter of the Organization of American States.the
Court notesthat Nicaragua bases twodistinctclaims upon this multilateral
treaty : it is contended. first, that the use of force by the United States
against Nicaragua in violation of the United Nations Charter isequally a
violation of Articles 20 and 21 of the Organization of American States
Charter, and secondly that the actions itcomplains of constitute interven-
tion in the interna1and external affairs of Nicaragua in violation of Article
18 of the Organization of American States Charter. The Court will first
refer to the claim of use of force alleged to be contrary to Articles 20 and
21. Article 21 of the Organization of American StatesCharter provides :

"The American States bind themselves in their international rela-
tions not to have recourse to the use of force, except in the case of
self-defense in accordance with existing treaties or in fulfillment
thereof ."

Nicaragua argues that the provisions of the Organization of American
States Charter prohibiting the use of force are "coterminous with the
stipulations of the United Nations Charter", and that therefore the vio-
lations by the United States of its obligations under the United Nations
Charter also, and without more, constitute violations of Articles 20and 21
of the Organization of American States Charter.
50. Both Article 51of the United Nations Charter and Article 21 of the
Organization of American States Charter refer to self-defence asan excep-
tion to the principle of the prohibition of the use of force. Unlike the
United Nations Charter, the Organization of American States Charter
does not use the expression "collective self-defence", but refers to thecase
of "self-defence in accordance with existing treaties or in fulfillment
thereof", one such treaty being the United Nations Charter. Furthermore
it is evident that if actions of the United States complied with al1 re-
quirements of the United Nations Charter so as to constitute the exer-que les Etats-Unis prétendent exercer un droit de Iégitimedéfensecollec-
tive dans lequel ilsvoient lajustification de leur comportement àl'égarddu

Nicaragua. De plus, El Salvador, corroborant cette affirmation des Etats-
Unis, a fait savoir à la Cour, dans sadéclaration d'intervention du 15 août
1984, qu'il se considérait comme la victime d'une agression armée de la
part du Nicaragua et qu'il avait demandé aux Etats-Unis de faire jouer à
son profit le droit de Iégitimedéfense collective. En conséquence, pour
statuer sur la plainte du Nicaragua contre les Etats-Unis, la Cour doit

prendre position sur l'éventuellejustification que certaines activités de ces
derniers au Nicaragu" et contre celui-ci ~ourraient trouver dans le droit de
Iégitimedéfensecollective. prétendument exercéenriposte àune agression
arméesubie par El Salvador et dont l'auteur serait le Nicaragua. Qui plus
est, et sous réserve pour l'instant de la question du contenu du droit

international coutumier applicable, le droit de Iégitimedéfense est bien
entendu consacrépar la Charte des Nations Unies, et le différend est, dans
cette mesure, un différend <<résultant d'un traité multilatéral ))auquel les
Etats-Unis, le Nicaragua et El Salvador sont parties.
49. Pour cequi est de la charte de l'organisation des Etats américains,la
Cour constate que le Nicaragua fonde deux demandes distinctes sur ce

traitémultilatéral : ilsoutient,tout d'abord, que I'emploide la force par les
Etats-Uniscontre leNicaragua en violation de la Charte des Nations Unies
viole égalementles articles 20 et 21 de la charte de l'organisation des Etats
américains,et ensuite que les actes incriminés constituentune intervention
dans ses affaires intérieures et extérieures en violation de l'article 18de la

mêmecharte. La Cour se référeratout d'abord à l'allégationd'emploi de la
force contraire aux articles 20 et 21. Aux termes de l'article 21 de la charte
de l'organisation des Etats américains :

Les Etats américains s'engagent dans leurs relations internatio-
nales à ne pas recourir à I'emploi de la force, si ce n'est dans le cas de
Iégitimedéfense,conformément aux traitésen vigueur, ou dans le cas
de l'exécutiondesdits traités.

Le Nicaragua fait valoir que les dispositions de la charte de l'organi-
sation des Etats américains qui prohibent I'emploi de la force sont iden-
tiques aux stipulations de la Charte des Nations Unies et qu'en consé-

quence les violations des obligations des Etats-Unis aux termes de cette
dernière constituent de ce seul fait des violations des articles 20 et 21 de la
charte de l'organisation des Etats américains.
50. L'article 51 de la Charte des Nations Uniesainsi que l'article 21 de la
charte de I'Organisation des Etats américains mentionnent la Iégitime
défense comme exception au principe de l'interdiction de I'emploi de la

force. A la différence de la Charte des Nations Unies, celle de I'Organi-
sation des Etats américains n'emploie pas l'expression Iégitimedéfense
collective mais vise la Iégitimedéfense, conformément aux traités en
vigueur, ou dans le cas de l'exécutiondesdits traités ))- l'un de ces traités
étantla Charte des Nations Unies. Il est en outre évidentque. si les actions
des Etats-Unis remplissaient toutes les conditions énoncéespar la Chartecise of the right of collective self-defence, it could not be argued that they
could nevertheless constitute a violation of Article 21 of the Organization
of American States Charter. It therefore follows that the situation of El
Salvador with regard to the assertion by the United States of the right of
collective self-defence is the same under the Organization of American
States Charter as it is under the United Nations Charter.

51. In its Judgment of 26 November 1984, the Court recalled that
Nicaragua's Application, according to that State, does not cast doubt on El
Salvador's right to receive aid. military or otherwise, from the United
States (I.C.J. Reports 1984, p. 430, para. 86). However, this refers to the
direct aid provided to the Government of ElSalvador on its territory in
order to help it combat the insurrection with which it is faced, not to any
indirect aid which might be contributed to this combat by certain United
States activities in and against Nicaragua. The Court has to consider the
consequences of a rejection of the United Statesjustification of its actions
as the exercise of the right of collective self-defence for the sake of El
Salvador, in accordance with the United Nations Charter. Ajudgment to
that effect would declare contrary to treaty-law the indirect aid which the
United StatesGovernment considers itselfentitled togivethe Government
of ElSalvador in the forrnofactivitiesin and againstNicaragua. The Court
would of course refrain from any finding on whether El Salvador could
lawfully exercise the right of individual self-defence ; but El Salvador
would still be affected by the Court's decision on the lawfulness of resort

by the United States to collective self-defence. If the Court found that no
armed attack had occurred. then not only would action by the United
States in purported exercise of the right of collective self-defence prove to
be unjustified, but so also would any action which El Salvador rnight take
or might have taken on the asserted ground of individual self-defence.

52. It could be argued that theCourt, if it found that the situation does
notpermit the exerciseby ElSalvador of itsright of self-defence,would not
be "affecting" that right itself but theapplication of itby ElSalvador in the
circumstances of the-present case. ~owever, it should be recalled that the
condition of the application of the multilateral treaty reservation is not
that the "rightWofa State beaffected, but thattheState itself be "affected"
- a broader criterion. Furthermore whether the relations between Nica-
ragua and El Salvador can be qualified as relations between an attacker
Stateand a victim State which is exercising its right of self-defence,would
appear to be a question in dispute between those two States. But El

Salvador has not submitted this dispute to the Court ;it therefore has a
right to have the Court refrain from ruling upon a dispute which ithasnot
submittedto il.Thus, the decision of theCourt in thiscase would affect this
right of El Salvador and consequently this State itself.
53. Nor is itonly in the case of a decision of the Court rejecting the
United States claim to be acting in self-defence that El Salvador would bedes Nations Unies pour qu'il y ait exercice du droit de Iégitimedéfense
collective.on nesaurait soutenir queces mêmesactionspourraient endépit
de ce fait constituer une violation de l'article 21 de la charte de I'Organi-
sation des Etats américains. Par suite la situation d'El Salvador pource qui
estdu droit de Iégitimedéfensecollectiverevendiquépar les Etats-Unis est

la mêmeen vertu de la charte de l'Organisation des Etats américainset en
vertu de la Charte des Nations Unies.
51. Dans son arrêtdu 26 novembre 1984, la Cour a rappelé que la
requêtedu Nicaragua. selon cet Etat lui-même,ne met pas en cause ledroit
d'El Salvador de recevoir une aide,militaire ou non, des Etats-Unis (C.I.J.
Recueil 1984, p. 430,par. 86).Toutefois celas'entend de I'aidedirecte reçue
sur son territoire par le Gouvernement d'El Salvador pour lutter contre
l'insurrection à laquelle il fait face, et non de I'aide indirecte éventuelle-
ment apportée à cette lutte par certaines activités des Etats-Unis au
Nicaragua et contre lui. La Cour doit se demander quelles seraient les
conséquencesd'un rejet de l'argument des Etats-Unis suivant lequel leurs
actionssont justifiéespar l'exercicedu droit de Iégitimedéfensecollective

au profit d'El Salvador et en conformitéavec la Charte des Nations Unies.
Une décision dans ce sens déclarerait contraire au droit international
conventionnel I'aideindirecte que leGouvernementdesEtats-Unisditêtre
en droit d'apporter au Gouvernement salvadorien par des activités au
Nicaragua et contre lui. La Cour s'abstiendra naturellement de formuler
uneconclusion sur la licéitéd'un recourséventueld'El Salvadoraudroit de
Iégitimedéfenseindividuelle ;El Salvador n'enserait pas moins ((affecté
par la décisionque prendrait la Cour sur la licéitédu recours des Etats-
Unis à la Iégitimedéfense collective. Si la Cour concluait qu'aucune
agression arméene s'estproduite, non seulement lesmesures prises par les
Etats-Unis dans I'exercicesupposédu droit de légitimedéfensecollective
se révéleraientdépourvues de justification, mais il en irait de mêmedes

mesures qu'El Salvador aurait prises ou pourrait prendre en se réclamant
de la Iégitimedéfenseindividuelle.
52. On pourrait faire valoir que la Cour, si elle constatait que la situa-
tion ne permet pas I'exercicedu droit de Iégitimedéfensepar El Salvador,
n'((affecterait pas ce droit lui-même,mais l'application qu'El Salvador
en ferait dans les circonstances de l'espèce. Mais tout d'abord il faut
rappeler que la condition de l'application de la réserve relativeaux traités
multilatérauxn'estpasque le ((droit d'un Etat soit (affecté O, mais bien
1'Etatlui-même, ce qui estun critèreplus large. De plus ilsemblerait que le
point de savoir si les rapports entre le Nicaragua et El Salvador peuvent
être qualifiés derapports entre Etat agresseur, d'une part, et, de l'autre,
Etat agresséexerçant son droit de Iégitimedéfensesoit un point en litige
entre cesdeux Etats. Or El Salvador n'apas soumis ce litige à la Cour ; il a

donc ledroit de voir la Cour s'abstenir de trancher un différendqu'il nelui
apas soumis. Ilest donc indéniableque ce droit d'El Salvador (et donc cet
Etat lui-même) setrouverait affecté par la décisionde la Cour.
53. Ce n'est d'ailleurs pas uniquement dans le cas d'une décisionpar
laquelle la Cour rejetterait la thèse des Etats-Unis suivant laquelle ils"affected" by the decision. The multilateral treaty reservation does not
require, as a conditionfor the exclusion of a dispute from thejurisdiction
of the Court, that a State party to the relevant treaty be "adversely" or
"prejudicially" affected by thedecision, even though this isclearly thecase
primarily in view. In other situations in which the position of a State not
before the Court is under consideration (cf. Monetary GoldRemovedfrom
Rome in 1943, 1.C.J. Reports 1954,p. 32 ; Continental Shelf (Lihyan Arah
JamahiriyalMalta), Application to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports
1984,p. 20,para. 31)it isclearly impossible to argue that that State maybe
differentlytreated if the Court's decision willnot necessarily be adverse to

the interests of theabsent State, but could be favourable to those interests.
The multilateral treaty reservation barsany decision that would "affect" a
third State party to the relevant treaty. Here also, it is not necessary to
determine whether the decision will "affect" that State unfavourably or
otherwise ; the condition of the reservation is met ifthe State will neces-
sarily be "affected", in one way or the other.

54. There may of course be circumstances in which the Court, having
examined the merits of the case, concludes that no third State could be
"affected" by the decision : for example, as pointed out in the 1984
Judgment, if the relevant claim isrejected on thefacts (1.C.J. Reports 1984,
p. 425, para. 75). If the Court were to conclude in the present case, for
example, that the evidence was not sufficient for a finding that the United
States had used force against Nicaragua, the question ofjustification on
the grounds of self-defence would not arise, and there would be no pos-
sibility of El Salvador being "affected" by the decision. In 1984the Court
could not, on the material available to it, exclude the possibility of such a
finding being reached after fuller study of the case, and could not therefore
conclude at once that El Salvador would necessarily be "affected" by the
eventual decision. It was thus this possibility which prevented the objec-
tion based on the reservation from having an exclusively preliminary

character.
55. As indicated in paragraph 49 above, there remains the claim of
Nicaragua that the United States has intervened in the internal and
external affairs of Nicaragua in violation of Article 18of the Organization
of American States Charter. That Article provides :
"No State or group of States has the right to intervene, directly or
indirectly, for any reason whatever, in the internal or external affairs
of any other State. The foregoingprinciple prohibits not only armed
force but also any other form of interference or attempted threat
against the personality of the State or against its political, economic,
and cultural elements."

The potential link, recognized by this text, between intervention and the
use of armed force, is actual in the present case, where the same activities
attributed to the United States areccmplained of under both counts, andagissent en état de légitimedéfense qu'El Salvador serait « affectéo. La

réserve relative aux traités multilatéraux n'exige pas, comme condition
pour qu'un différend soit exclu de la compétence de la Cour, qu'un Etat
partieau traité soit affecté ))par la décisionencesens qu'il en subirait les
conséquences adverses ))ou préjudiciables )),mêmesi c'étaitlà ce qui
étaitprincipalement envisagé.Dans d'autres circonstances où la situation

d'un Etat absent est examinée par la Cour (Or monétairepris a Rome en
1943, C.I.J. Recueil 1954, p. 32 ; Plateau continental (Jamahiriya arabe
libyenne/Malte), requête à fin d'intervention, arrêt,C.I.J. Recueil 1984,
p. 20, par. 31). il est évidemment impossible de prétendre que cet Etat

pourrait êtretraitéd'une faqon différente si la décisionde la Cour, au lieu
d'êtrenécessairement contraire à ses intérêts, pouvaitleur êtrefavorable.
La réserve relative aux traités multilatéraux exclut toute décision qui
((affecterait )un Etat tiers partie au traitéen cause. Là encore, iln'y a pas

lieu de se demander s'il serait affecté O, défavorablement ou non ; la
condition de la réserveest remplie si 1'Etatdoit êtrenécessairement <(af-
fecté ))d'une façon ou d'une autre.
54. Il peut certes advenir que la Cour, après examen du fond. soit
amenée à conclure qu'aucun Etat tiers ne pourrait être <(affecté ))par sa

décision : tel serait lecas si,par exemple, comme lesouligne l'arrêtde 1984,
la demande était rejetéesur la base des faits (C.I.J. Recueil 1984,p. 425,
par. 75). Dans l'hypothèseoù la Cour conclurait en l'espèceque I'emploide
la force par les Etats-Unis contre le Nicaragua n'est pas suffisamment

établi,la question de lajustification par la légitimedéfensene se poserait
pas, et ilserait exclu qu'El Salvador puisse être <(affecté ))par la décision.
En 1984, la Cour, sur la base des informations dont elle disposait, ne
pouvait exclure la possibilitéqu'elle parvienne à une conclusion semblable
après plus ample examen, et ne pouvait donc déclarer sans plus attendre

qu'El Salvador serait nécessairement affecté par la décision finale.
C'était donc cette possibilité qui empêchait l'objection fondée sur la
réserved'avoir un caractère exclusivement préliminaire.

55. Reste, comme il est indiqué au paragraphe 49 ci-dessus, le grief
formulé par le Nicaragua selon lequel les Etats-Unis seraient intervenus
dans ses affaires intérieures et extérieures en violation de l'article 18de la
charte de l'organisation des Etats américains. Cet article est ainsi conçu :

Aucun Etat ou groupe d'Etats n'a le droit d'intervenir directe-
ment ou indirectement, pour quelque motif que ce soit, dans les

affaires intérieures ou extérieuresd'un autre Etat. Le principe précé-
dent exclut I'emploi, non seulement de la force armée, mais aussi de
toute autre forme d'ingérence ou de tendance attentatoire à la per-
sonnalitéde 1'Etatet aux éléments politiques, économiques et cultu-
rels qui la constituent.

Le lien que ce texte reconnaît, à l'étatde virtualité, entre l'intervention et
l'emploi de la force arméeexiste effectivement en la présente espèce,dans

laquelle les mêmes activitésattribuées aux Etats-Unis sont mises en cause38 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

the response of the United States isthe same toeach complaint - that it has
acted in self-defence. The Court has to consider what would be the impact,
for the States identified by the United Statesas likely to be "affected", of a
decision whereby the Court would decline to rule on the alleged violation
of Article 2 1of the Organization of American States Charter, concerning
the use of force, but passedjudgment on the allegedviolation ofArticle 18.
The Court will not here enter into the question whether self-defence may

justify an intervention involving armed force, sothat ithas to be treated as
not constituting a breach either of the principle of non-use of force or of
that of non-intervention. At the same time, it concludes that in the par-
ticular circumstances of thiscase,it isimpossible to Saythat a ruling on the
alleged breach by the United States of Article 18of the Organization of
American States Charter would not "affect" El Salvador.

56. The Court therefore finds that El Salvador, a party to the United
Nations Charter and to the Charter of the Organization of American
States, is a State which would be "affected" by the decision which the
Court would have to take on the claims by Nicaragua that the United
States has violated Article 2, paragraph 4, of the United Nations Charter
and Articles 18,20and 21of the Organization of American States Charter.
Accordingly, the Court, which under Article 53 of the Statute has to be
"satisfied" that it hasjurisdiction todecide each of the claims it isasked to
uphold, concludes that thejurisdiction conferred upon it by the United

States declaration of acceptance of jurisdiction under Article 36, para-
graph 2,of the Statute does not permit the Court to entertain these claihs.
It should however be recalled that, as will be explained further below, the
effect of the reservation in question isconfined to barring the applicability
of the United Nations Charter and Organization of American States
Charter as multilateral treaty law,and has no further impact on the sources
of international law which Article 38 of the Statute requires the Court to
~PP~Y.

57. One of the Court's chief difficulties in the present casehas been the
determination of the facts relevant to the dispute. First of all, there is
marked disagreement between the Partiesnot only on the interpretation of
the facts, but even on the existence or nature of at least some of them.

Secondly, the respondent State has not appeared during thepresent merits
phase of the proceedings, thus depriving the Court of the benefit of its
complete and fully argued statement regarding the facts. The Court's task
was therefore necessarily more difficult, and it has had to pay particular
heed, as said above, to the proper application of Article 53 of its Statute.
Thirdly,there isthe secrecyin which some of theconduct attributed to one
or other of the Parties has been carried on. This makes it more difficult for
the Court not only to decide on the imputability of the facts, but also toaux deux titres, les Etats-Unis rétorquant dans les deux cas qu'ils ont agi
dans l'exercice de la légitimedéfense.La Cour doit examiner quel effet
aurait,pour les Etats selon les Etats-Unis, risqueraient d'être«affec-
tés )),une décisionpar laquelle la Cour refuserait de se prononcer sur la
violation alléguéede l'article 21 de la charte de l'organisation des Etats
américains,concernant l'emploi de la force, mais se prononcerait sur la
violation alléguée de I'article 18.La Cour n'abordera pas ici laquestion de
savoir si la légitimedéfense peut justifier une intervention comportant

l'usagede la forcearmée,de sorte qu'ilfaudrait la traitercomme ne violant
ni leprincipe du non-emploi de la force ni celuide la non-intervention. Elle
conclut cependant que, dans les circonstances particulières de la présente
espèce.il est impossible de dire qu'une décisionsur la violation que les
Etats-Unis auraient commise de I'article 18de la charte de l'organisation
des Etats américains n'<caffecterait ))pas El Salvador.
56. La Cour constate donc qu'El Salvador, Etat partie à la Charte des
Nations Unies. serait (<affecté par la décisionque la Cour devra prendre

au sujet des griefs du Nicaragua suivant lesquels les Etats-Unis auraient
violé I'article2. paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies et les ar-
ticles 18, 20 et 21 de la charte de l'organisation des Etats américains.
En conséquencela Cour. qui. en vertu de l'article 53du Statut.doit (s'as-
surer )>de sa compétencepour se prononcer sur chacune des conclusions
qu'elle est priéed'adjuger, estime que la compétence que lui confère la
déclaration d'acceptation de sa juridiction formulée par les Etats-Unis
en vertu de I'article 36. paragraphe 2. du Statut ne lui permet pas de con-
naître de ces griefs.Il convient cependant de rappeler que. comme il sera

souligné plus loin, l'effet de la réserve est uniquement d'exclure I'ap-
~licabilitéde la Charte des Nations Unies et celle de I'Oreanis.aion des
Etats amkricains en tant que droit conventionnel multilatéral et n'a pas
d'autre incidence sur les sources du droit international que I'article 38
du Statut prescrit à la Cour d'appliquer.

57. L'une desgrandes difficultésde la présente affairea consistépour la
Cour à déterminer les faits se rapportant au différend. Premièrement les
Parties sont en net désaccord non seulement sur l'interprétation desdits
faits. mais mêmesur l'existence ou la nature de certains d'entre eux au
moins. Deuxièmement I'Etat défendeur n'a pas comparu au cours de la
phase consacrée au fond, ce qui a privé la Cour de la possibilité de
bénéficierde son exposécomplet et argumenté des faits. Cela n'a pas

manquéde rendre plus malaiséela tâche de la Cour et de l'amener a veiller
tout particulièrement, comme elle l'a déclaréci-dessus. a une application
appropriéede I'article53de son Statut. Troisièmement certains aspects du
comportement attribué à l'uneou à l'autre Partie sont enveloppésde secret.
La tâche de la Cour s'en trouve compliquée en ce qui concerne nonestablish what are the facts. Sometimes there is no question, in the sense
that it does not appear to be disputed, that an act was done, but there are
conflicting reports, or a lack of evidence, as to who did it. The problem is
then not the legal process of imputing the act to a particular State for the
purpose of establishing responsibility, but the prior process of tracing
material proof of the identity of the perpetrator. The occurrence of the act
itself may however have been shrouded in secrecy. In the latter case. the

Court has had to endeavour first to establish what actually happened,
before entering on the next stage of considering whether theact (if proven)
was imputable to the State to which it has been attributed.

58. Afurther aspect of thiscase isthat theconflict towhich it relates has
continued and is continuing. It has therefore been necessary for the Court
to decide, for the purpose of its definition of the factual situation, what
period of time, beginning from the genesis of the dispute, should be taken
into consideration. The Court holds that general principles as to the
judicial process require that the facts on which its Judgment is based
should be those occurring up to the close of the oral proceedings on the
merits of the case. While the Court is of course very well aware, from
reports in the international press, of the developments in Central America
since that date, it cannot, as explained below (paragraphs 62 and 63),treat
such reports as evidence, nor has it had the benefit of the comments or
argument of either of the Parties on such reports. As the Court recalled

in the Nuclear Testscases, where facts, apparently of such a nature as
materially to affect its decision, came to its attention after the close of
the hearings :
"It would no doubt have been possible for the Court, had it con-
sidered that the interests ofjustice so required, to have afforded the
Parties the opportunity, e.g., by reopening the oral proceedings, of
addressing to the Court comments on the statements made since the
close of those proceedings." (I.C.J.Reports 1974, p. 264, para. 33 ;
p. 468, para. 34.)

Neither Party has requested such action by the Court ; and since the
reports to which reference has been made do not suggest any profound
modification of the situation of which the Court is seised, but rather its
intensification incertain respects, the Court has seen noneed to reopen the
hearings.

59. The Court is bound by the relevant provisions of its Statute and its
Rules relating to the system of evidence, provisions devised to guarantee
the sound administration of justice, whle respecting the equality of the
parties. The presentation of evidence isgoverned by specific rules relating
to, for instance, the observance of time-limits, the communication ofseulement l'imputabilité des faits mais aussi leur établissement même.
Parfois aucun problème ne se pose dans la mesure où personne ne paraît

douter aue le fait s'esteffectivement ~roduit. mais les versions des événe-
ments Guvent différer oules preuves faire défautpour savoir qui en est
l'auteur. Le problème, dans ces conditions, n'est pas l'opérationjuridique
consistant à imputer le fait a un Etat déterminéaux fins d'établir sa
responsabilité, mais l'opérationpréalablede recherche des preuves maté-
rielles permettant d'en identifier l'auteur. Le secret peut aussi envelopper
la réalité mêmdeu fait. Dans ce cas la Cour a dû s'efforcer d'abord d'éta-
blir ce qui était effectivement arrivé, avant d'aborder la phase suivante
consistant a rechercher si le fait (une fois prouvé)était imputable ou non
a I'Etat incriminé.
58. Un autre aspect de la présente affaire est qu'elle a trait à une
situation conflictuelle persistante. Pour bien circonscrire les faits de la
cause, la Cour a donc dû déciderde la période a prendre en considération,

et dont lecommencement est constituépar lagenèsedu différend.La Cour
estime que lesprincipes généraux régissanlta procédurejudiciaire exigent
que lesfaits àretenir dans sonarrêtsoient ceuxqui sesontproduits jusqu'à
laclôture de la procédureoralesur lefond. La Cour est certes informéepar
lesnouvelles parues dans la presse internationale desévénementssurvenus
en Amériquecentraledepuis cettedate, mais, ainsi qu'il sera expliqué plus
loin (paragraphes 62 et 63), elle ne peut considérer ces nouvelles comme
des preuves, d'autant qu'aucune desParties n'aprésentéd'observations ni
d'arguments àleur sujet. Ainsi que la Cour l'arappelédans lesaffairesdes
Essais nucléaires, où des faits qui étaient apparemment de nature à
influencer sa décision sontparvenus àsa connaissance aprèsla clôturedes
audiences :

Si la Cour avait estiméque l'intérêd te la justice l'exigeait. elle
aurait certes pu donner aux Parties la possibilitéde lui présenter leurs
observations sur les déclarations postérieures à la clôture de la pro-
cédure orale,par exemple en rouvrant celle-ci. )>(C.I.J.Recueil 1974,
p. 264, par. 33 ;p. 468, par. 34.)

Ni l'uneni l'autre des Parties n'aprié laCour d'agirde la sorteen l'espèce ;
et puisque les nouvelles mentionnées n'indiquent aucune modification
profonde de la situation dont la Cour est saisie, mais plutôt une intensi-
fication à certains égards, la Cour n'a pas vu la nécessitéde rouvrir la
procédure orale.

59. La Cour est liéepar les dispositions pertinentes de son Statut et de

son Règlement relatives au systèmede la preuve, qui ont étéélaboréesen
vue d'assurer une bonne administration de la justice, dans le respect de
l'égalitdes parties. Lorsque lesdeux parties comparaissent,la production
despreuves obéit àdes règlesprécisesportant notamment sur lerespect des40 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

evidence to the other party, the submission of observations on it by that

party, and the various forms of challenge by each party of the other's
evidence. The absence of one of the partiesrestricts this procedure to some
extent. TheCourt iscareful, evenwhere both parties appear, to giveeach of
them the same opportunitiesand chancesto produce their evidence ;when
the situation iscomplicated by the non-appearance of one of them, then a
fortio rhe Court regards it as essential to guarantee as perfect equality as
possible between the parties. Article 53of the Statute therefore obliges the
Court to employ whatever means and resources may enable it to satisfy
itself whether the submissions of the applicant State are well-founded in
fact and law, and simultaneously to safeguard the essential principles of
the sound administration of justice.

60. The Court should now indicate how these requirements have to be
met in this case so that it can properly fulfil its task under that Article of its

Statute. In sodoing, it isnot unaware that its role is not a passive on; and
that, within the limits of itstatute and Rules, it has freedom in estimating
the value of thevarious elements of evidence, though itisclear that general
principles of judicial procedure necessarily govern the determination of
what can be regarded as proved.

61. In this context, the Court has the power, under Article 50 of its
Statute, to entrust "any individual, body, bureau, commission or other
organization that it may select,with the task of carrying out an enquiry or
giving an expert opinion", and such a body could be a group of judges
selected from among those sitting in the case. In the present case,however,
the Court felt itwas unlikely that an enquiry of this kind would bepractical
or desirable,particularly sincesuch abody, ifitwasproperly to perform its
task, might have found it necessary to go not only to the applicant State,

but also to several other neighbouring countries, and even to the respon-
dent State, which had refused to appear before the Court.
62. At al1events, in the present case the Court has before it documen-
tary material of various kjnds from various sources. A large number of
documents has been supplied in the form of reports in press articles, and
some also in the form of extracts from books. Whether these were pro-
duced by the applicant state, or by the absent Party before it ceased to
appear in the proceedings, the Court has been careful to treat them with
great caution ;even ifthey seem to meet high standards of objectivity, the
Court regards them not as evidence capable of proving facts, but as
material which can nevertheless contribute, in some circumstances, to
corroborating the existence of a fact,Le.,as illustrative material additional
to other sources of evidence.
63. However, although it is perfectly proper that press information
should not be treated in itself as evidence for judicial purposes, public
knowledge of a fact may nevertheless be established by means of these

sources of information, and the Court can attach a certain amount of
weight to such public knowledge. In the case of United States Diplontatic délais, la communication des preuves a l'autre partie, la présentation
d'observations a leur sujet par cettepartie, ainsi que sur lesdiverses formes
d'examen contradictoire de ces preuves. L'absence de l'une des parties
limite quelque peu cetteprocédure. Mêmeencas de comparutiondes deux
parties, la Cour veille donner a chacune d'elles les mêmes possibilitée st
les mêmeschances quant a la présentation de leurs preuves ;à plus forte
raison lorsque la situation est compliquéepar une non-comparution croit-
elle indispensabled'assurer entre lesparties une égalité aussiparfaite que
possible. L'article3 du Statut fait donc obligation à la Cour d'employer
tous les moyens et méthodes susceptibles de lui permettre de s'assurer
réellement du bien-fondé en fait et en droit des conclusions de 1'Etat
demandeur et de sauvegarder du mêmecoup lesprincipes essentiels d'une
bonne administration de lajustice.
60. La Cour doit aprésent indiquer comment cesexigencespeuvent être

satisfaites en l'espèceafin qu'elle puisse s'acquitter correctement de sa
mission en vertu de cet article de son Statut. Elle ne perd pas de vue, ce
faisant, que son rôle n'est pas passif et qu'elledispose, dans les limites de
son Statut et de son Règlement, d'une certaine latitude pour apprécier
librement lavaleur desdivers moyens de preuve, étantclair par ailleurs que
les principes générauxde procédurejudiciaire gouvernent nécessairement
la détermination de ce qui peut êtretenu pour établi.
61. Dans ce contexte, la Cour dispose, conformement a l'article 50 de
son Statut, du pouvoir de confier <une enquêteou une expertise a toute
personne, corps. bureau, commission ouorgane de son choix O,ycompris à
un groupe de juges choisis parmi ceux qui siègent en l'affaire. II lui a
toutefois paru douteux qu'une telle enquêtefût praticable ou désirable en
l'espèce,d'autant que. pour s'acquitter convenablement de sa tâche, un
organe de ce genre aurait pu éprouver la nécessitéde se rendre non

seulement sur le territoire de 1'Etatdemandeur, mais aussi sur ceux de
quelques autres pays voisins, voire sur celui de1'Etatdéfendeur, alors que
celui-ci a refuséde comparaître devant la Cour.
62. En tout état decause, dans la présente affaire la Cour est en pos-
session d'informations documentaires de natures et d'origines variées.Les
élémentsdocumentairesconsistant enarticles de presse ont éténombreux ;
d'autres sont contenus dans des ouvrages divers. Qu'ils aient étéproduits
par 1'Etatdemandeur ou par la Partie adverse avant qu'elle ne cesse de
comparaître, la Cour a tenu a les accueillir avec beaucoup de prudence,
mêmequand ils paraissaient répondre a une norme d'objectivité élevée.
Elle les considère non pas comme la preuve des faits, mais comme des
élémentsqui peuvent contribuer, dans certaines conditions, a corroborer
leur existence. a titre d'indices venant s'ajouter à d'autres moyens de
preuve.

63. Cependant, s'il est parfaitement légitime que les informations
parues dans la presse en tant que telles ne soient pas assimilées.à des fins
judiciaires,à des preuves, il reste que la notoriété publiqued'un fait peut
êtreétabliepar de tels élémentset que la Cour peut en tenir compte dans
une certaine mesure. Elle a pu faire état. dans l'affaire du Personneland ConsularStaff in Tehran,theCourt referred to facts which "are, for the
most part, matters of public knowledge which have received extensive
coverage in the world press and in radio and television broadcasts from
Iran and other countries" (I.C.J. Reports 1980,p. 9,para. 12).On the basis
of information, includingpress and broadcast material, whichwas "wholly
consistent and concordant as to the main facts and circumstances of the
case", the Court wasable to declare that it wassatisfied thatthe allegations
of fact werewell-founded (ibid.,p. 10,para. 13).The Courthas however to
show particular caution in this area. Widespread reports of a fact may
prove on closer examination to derive from a single source, and such
reports. however numerous, will in such case have no greater value as
evidence than the originalsource. It iswith this important reservation that
the newspaper reports supplied to theCourt should be examined in order
to assess the facts of the case, and in particular to ascertain whether such
facts were matters of public knowledge.
64. The material before the Court also includes statements by repre-
sentatives of States,sometimes at the highest political level.Someof these
statements were made before officia1organs of the State or of an inter-
national or regional organization, and appear in the official records of

those bodies. Others, made during press conferences or interviews, were
reported by the local or international press. TheCourt takes the viewthat
statements of this kind, emanating from high-ranking official political
figures. sometimes indeed of the highest rank, are of particular probative
value when they acknowledge facts or conduct unfavourable to the State
represented by the person who made them. Theymay then be construed as
a form of admission.

65. However, it is natural also that the Court should treat such state-
ments with caution, whether the officiai statement was made by an
authority of the Respondent or of theApplicant. Neither Article 53of the
Statute, nor any other ground, couldjustify a selective approach, which
would have undermined the consistency of the Court's methods and its
elementary duty to ensure equality between the Parties. The Court must
take account of the manner in which the statements were made public ;
evidently, it cannot treat them as having the same value irrespective of
whether the text is to be found in an officiai national or international
publication, or in a book or newspaper. It must alsotake note whetherthe
text of the officia1statement in question appeared in the language used by

the author or on the basis of a translation (cf. I.C.J.Reports 1980, p. 10,
para. 13). It may also be relevant whether or not such a statement was
brought to the Court's knowledge by officia1 communications filed in
conformity with the relevant requirements of the Statute and Rules of
Court. Furthermore, the Court has inevitably had sometimes to interpret
the statements, to ascertain precisely to what degree they constituted
acknowledgments of a fact.
66. At the hearings in this case, theapplicant State called fivewitnesses
to giveoral evidence, and the evidence of a further witness was offered indiplomatique et cortsulairedes Etats-Unis à Téhéran,de la plupart des
faitsO qui sont de notoriétépublique et ontétélargementévoquésdans la
presse mondiale ainsi que dans des émissions de radiodiffusion et de
télévisionde l'Iran et d'ailleur))(C.I.J. Recueil1980, p. 9,par. 12).Sur la
base de cesinformations, ycompris cesarticles et cesémissions.quiétaient
d'une cohérence et d'une concordance totales en ce oui concerne les
principaux faits et circonstances de l'affaire O, la Cour a pu se dire
convaincue que les allégationsde fait étaient fondées(ibid.,p. 10,par. 13).
La Cour doit néanmoins manifester une particulière prudence en ce do-
maine. 11peut apparaître après examen que des nouvelles fort répandues
proviennent d'une sourceunique, de sorte qu'en dépitde leur nombre elles
n'ont pas de force probante plus grande que celle-ci. C'est avec cette
importante réserveque les articles de presse qui ont étésoumis à la Cour
doivent êtreexaminéspour apprécierles faits de l'espèce et enparticulier

pour déterminer si ces faits sont de notoriétépublique.
64. Le dossier soumis à la Cour contient également desdéclarationsde
représentants d'Etats, parfois du plus haut niveau dans la hiérarchiepoli-
tique. Certaines de ces déclarations ont été faitesdevant des organes
officiels de I'Etat ou d'une organisation régionale ou internationale et
figurent dans les comptes rendus officiels de ces institutions. D'autres,
prononcées lorsde conférencesde presse ou d'interviews, ont étérappor-
téespar la presse écritelocaleou internationale. La Cour considèreque des
déclarations de cette nature, émanant de personnalités politiques offi-
cielles de haut rang, parfois mêmedu rang le plus élevép . ossèdent une
valeur ~robante ~articulière lorsau'elles reconnaissent des faits ou des
comportements défavorables à I'Etat que représente celui qui les a for-
mulées. Elless'analysent alors en une sorte d'aveu.

65. 11estcependant tout aussi naturel que laCour traite cesdéclarations
avecprudence,et celaqu'ellesémanentdesautoritésde 1'Etatdéfendeurou
de celles de 1'Etatdemandeur. Ni l'article 53 du Statut. ni aucune autre
base, n'aurait pujustifier une attitude sélective,qui aurait portéatteinte
la cohérencede la démarche et au devoir élémentaire d'assurerl'égalité
entre les Parties. La Cour doit tenir compte de la manière dont ces décla-
rations ont été rendues publiques ; elle ne peut leur accorder de toute
évidencela même valeur selonque le texte de la déclaration officielle
considérée figuredans une publication officielle, nationale ou internatio-
nale, dans un ouvrage ou dans un organe de presse, ou selon qu'il estparu
dans la langue utiliséepar l'auteur ou dans une traduction (voir C.I.J.
Recueil1980,p. 10,par. 13).Un autre élémentpertinent est de savoir side
tellesdéclarationsont pu êtreportées à la connaissance de la Cour par des
communications officielles déposéesen conformité avec les règlesperti-

nentes du Statut et du Règlement. En outre la Cour. inévitablement. a dû
parfois interpréterdes déclarationspour vérifierdans quellemesureexacte
elles reconnaissaient un fait.

66. Durant la procédure orale 1'Etatdemandeur a appelécinq témoins à
la barre et présentéun témoignage écric tonsistant en une déclarationsousthe form of an affidavit "subscribed and sworn" in the United States,
District of Columbia,accordingtothe forma1requirements in force in that
place. A similar affidavit, sworn by the United States Secretary of State,
was annexed to the Counter-Memorial of the United States on the ques-
tions ofjurisdiction and admissibility. One of the witnesses presented by
the applicant State was a national of the respondent State, formerly in the
employ of a government agency the activity of which is of a confidential
iund, and his testimony was kept strictly within certain limits ;the witness
was evidently concerned not tocontravene the legislation of his country of
origin. In addition, annexed to the Nicaraguan Memorial on the merits
were two declarations, entitled "affidavits", in the English language, by
which the authors "certify and declare" certain facts, each with a notarial
certificate in Spanish appended, whereby a Nicaraguan notary authenti-
cates the signature to the document. Similar declarations had been filed by
Nicaragua along with its earlier request for the indication of provisional
measures.
67. As regards the evidence of witnesses, the failure of the respondent
State to appear in themeritsphase of these proceedings has resulted in two

particular disadvantages. First. the absence of the United States meant
that the evidence of the witnesses presented by the Applicant at the
hearings was not tested by cross-examination ;however, those witnesses
were subjected to extensive questioning from the bench. Secondly, the
Respondent did not itself present any witnesses of its own. This latter
disadvantage merely represents one aspect, and a relatively secondaryone,
of the more general disadvantage caused by the non-appearance of the
Respondent .
68. The Court has not treated as evidence any part of the testimony
given which was not a statement of fact, but a mere expression of opinion
astotheprobability or otherwise of the existence of such facts,not directly
known to the witness. Testimony of ths kind, which may be highly sub-
jective, cannot take the place of evidence. An opinion expressed by a
witness is a mere persona1and subjective evaluation of apossibility. which
has yet to be shown to correspond to a fact ; it may, in conjunction with
other material, assist the Court in determininga question of fact,but isnot
proof in itself. Nor is testimony of matters not within the direct knowledge
of the witness, but known to him only from hearsay, of much weight ; as

the Court observed in relation to aparticular witness in the CorfuChannel
case :

"The statements attributed by the witness .. .to third parties, of
which the Court has receivedno personal and directconfirmation, can
be regarded only as allegations falling short of conclusive evidence."
(I.C.J. Reports 1949, pp. 16-17.)

69. The Court has had to attach considerable significance to the decla-
rations made by the responsible authorities of the States concerned in
view of the difficulties which it has had to face in determining the facts.serment enregistrée aux Etats-Unis (district de Columbia) dans les formes
usitéeslocalement. Une déclaration analogue, faite sous serment par le
secrétaired'Etat des Etats-Unis, était annexée au contre-mémoirede ce
pays sur les questions de compétenceet de recevabilité. L'undes témoins
cités par I'Etat demandeur était un ressortissant de 1'Etat défendeur,
ancien employé d'un organisme officiel dont l'activitéa un caractère
confidentiel ; son témoignage a été rigoureusement tenu dans certaines
limites. compte tenu du souci évidentdu témoinde ne pas contrevenir àla
législationde son pays d'origine. En outre le mémoiredu Nicaragua sur le
fond comportait en annexe deux <<attestations))en langue anglaise, dans
lesquelles certains faits étaient<certifiés etdéclarés r)les signatures de

leurs auteurs étant certifiéesà part (en espagnol) par un notaire nicara-
guayen. Le Nicaragua avait déjà accompagnésa demande en indication de
mesures conservatoires d'attestations similaires.

67. A propos des témoignages, le fait que 1'Etat défendeur n'a pas
comparu en l'espècelors de I'examen du fond a entraîné deux inconvé-
nients particuliers. D'une part en raison de l'absence des Etats-Unis les
témoins appelés à la barre par I'Etat demandeur n'ont pas été soumis àun
contre-interrogatoire, encore qu'ils aient étélonguement questionnés du
siège. D'autre part le défendeur n'a pas pour son compte présentéde

témoins.Ce deuxièmeinconvénient ne représentequ'un aspect, au surplus
relativement secondaire. de l'inconvénient plus général provoqué par la
non-comparution du défendeur.

68. La Cour n'a pas retenu ce qui, dans les témoignagesreçus, ne cor-
respondait pas à l'énoncé de faits, maisàde simples opinionssur le carac-
tèrevraisemblable ounon de l'existencede cesfaits, dont le témoin n'avait
aucune connaissance directe. De telles déclarations, qui peuvent être
fortement empreintes de subjectivité,ne sauraient tenir lieu de preuves.
Une opinion expriméepar un témoinn'est qu'une appréciation person-
nelle et subjective dont il reste à établir qu'elle correspond à un fait ;

conjuguée à d'autres éléments,elle peut aider la Cour à élucider une
question de fait, mais elle ne constitue pas une preuve en elle-même.De
mêmeun témoignagesur des points dont le témoinn'a pas eu personnel-
lement connaissance directe, mais seulement par «ouï-dire )),n'a pas
grand poids ; ainsi que la Cour l'a constaté à propos d'une déposition
particulière dans l'affaire duDétroitde Corfou :

Quant aux propos attribués par le témoin àdes tiers, la Cour n'en
apas reçu confirmation personnelle et directe et ellenepeut yvoirque
des allégationssans force probante suffisante. )(C.I.J. Recueil 1949,
p. 17.)

69. La Cour s'est vueobligéed'attacher en l'espèceune importance
considérable aux déclarationsdes autorités responsables des Etats inté-
ressés, en raison desdifficultésqu'elle avaità affronter pour la détermi-43 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

Nevertheless, the Court was still bound to subject these declarations to the

necessarycritical scrutiny. Adistinctive feature of thepresentcase wasthat
two of the witnesses called to give oral evidence on behalf of Nicaragua
were members of the ~icara~uan Government, the Vice-Minister of the
Interior (Commander Carrion), and the Minister of Finance(Mr. Huper).
The Vice-Minister of the Interior was also the author of one of the two
declarations annexed to the Nicaraguan Memorial on the merits, the
author of theother being the Minister for Foreign Affairs. On the United
States side. an affidavit was filed sworn by the Secretary of State. These
declarations at ministerial levelon each side wereirreconcilable as to their
statement of certain facts. In the viewof theCourt. this evidence isof such
a nature as to be placed in a special category. In the general practice of
courts, two forms of testimony which are regarded as prima facie of
superior credibility are, first the evidence of a disinterested witness- one
who is not a party to the proceedings and stands to gain or lose nothing

from its outcome - and secondly so much of the evidence of a party as is
against itsown interest. Indeed the latter approach wasinvoked in this case
by counsel for Nicaragua.

70. A member of the government of a State engaged, not merely in
international litigation, but in litigation relating to armed conflict, will
probably tend to identify himself with the interests of his country, and to
be anxious when givingevidence to say nothing which couldprove adverse
to its cause. The Court thus considers that it can certainlyretain such parts
of theevidence given by Ministers, orally or in writing, as may be regarded
as contrary to theinterests or contentions of the State to which the witness
owes allegiance, or as relating to matters not controverted. For the rest.
whilein no wayimpugning the honour or veracity of the Ministers ofeither

Party who have given evidence, the Court considers that the special cir-
cumstances of this caserequireit to treat such evidence with great reserve.
The Court believes this approach to be the more justified in viewof the
need to respect the equality of the parties in a case where one of them isno
longer appearing ; but this should not be taken to mean that the non-
appearing party enjoys a priori a presumption in its favour.

71. However, before outlining the limits of the probative effect of
declarations by the authorities of the States concerned, the Court would
recall that such declarations may involvelegaleffects, some of which ithas
defined in previous decisions (Nuclear Tests, UnitedSures Diplornuticand
Consular Staff in Tehran cases). Among the legal effects which such
declarations may haveis that they may be regarded as evidenceof the truth

of facts, as evidence that such facts are attributable to the States the
authorities of which are the authors of these declarations and, to a lesser
degree, as evidence for the legal qualification of these facts. The Court is
hereconcernedwith thesignificance of the official declarations asevidence
of specific facts and of their imputability to the States in question.nation des faits. Néanmoins elle ne pouvait se dispenser de soumettre ces
déclarations à un indispensable examen critique. Un aspect peu courantde
la présente affaire est que deux des témoins du Nicaragua qui ont déposé
devant la Cour faisaientpartie du Ciouvernement nicaraguayenenqualité,
respectivement, de vice-ministre de I'intérieur(le commandant Carrion) et
de ministre des finances (M. Huper). Le vice-ministre de l'intérieurdu
Nicaragua était d'autrepart l'auteur de l'unedes deux attestations jointes
au mémoiredu Nicaragua sur le fond, l'autre étantsignéepar le ministre
des relations extérieures. Pour les Etats-Unis, la Cour dispose d'une
déclaration sous serment du secrétaired'Etat. Ces déclarations faites de
part et d'autre a l'échelon ministérielétaient inconciliables sur certains
faits. De l'avisde la Cour ces témoignagessont,étant donnéleur nature, a
ranger dans une catégorie à part. Dans la pratique généraledes tribunaux,
deux types de dépositions sont considéréescomme ayant à priori une

valeur probatoire élevée : tout d'abord celles de témoinsdésintéressés -
qui ne sont pas parties au litige et n'ont riena y gagner nà y perdre - et
ensuite celles d'un des plaideurs qui vont à l'encontre de ses propres
intérêts.Un conseil du Nicaragua a d'ailleurs insisté sur ce dernier
aspect.
70. Un membre du gouvernement d'un Etat qui est partie non seule-
ment à un procèsinternational mais à une instance concernant un conflit
armé tendra vraisemblablement à s'identifier aux intérêtsde son pays et
s'efforcera en témoignant de ne rien dire qui puisse nuire à sa cause. La
Cour estime en conséquencequ'elle peut certainement retenir. dans les
déclarations faites oralement ou par écritpar des ministres, les éléments
qui peuvent êtreconsidéréscomme contraires aux intérêtsou aux thèses
de 1'Etatdont dépend le témoin ou ceux qui portent sur des points qui
ne sont pas mis en doute. Pour le reste, sans mettre aucunement en cause

l'honneur ou la sincéritédes ministres de l'une ou l'autre Partie qui ont
témoigné,la Cour considère que les circonstances spécialesde la pré-
sente affaire lui imposent de traiter ce genre de témoignage avec beau-
coup de réserve.Selon la Cour, cette attitude est particulièrement jus-
tifiéeétant donnéla nécessitéde respecter l'égalitédes parties dans une
affaire où l'une d'elles necomparaît plus, sans pour autant considérer
que joue en faveur de celle-ci une présomption qui lui serait, à priori,
favorable.
71. Toutefois, avant d'indiquer brièvement les limites de l'effet proba-
toire des déclarations de responsables, la Cour rappelle que ces déclara-
tions peuvent avoir des effetsjuridiques,dont certains ont étédéfinisdans
sajurisprudence (affairesdes Essaist~ucléaire st duPersonneldiplomatique
et consulaire des Etats-Unis à TéhPrun). L'un des effets juridiques qui

peuvent s'attacher à ces déclarationsest qu'elles peuvent êtreconsidérées
comme établissant la matérialité defaits, leur imputabilité aux Etats dont
les autorités ont fait les déclarations et, dans une moindre mesure, la
qualification juridique desdits faits. La Cour envisage ici la portée des
déclarationsofficiellesen tant que preuves de la matérialitéde faits déter-
minés etde leur imputabilité aux Etats en cause.44 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

72. The declarations to which the Court considers it may refer are not
limited to those made in the pleadings and theoral argument addressed to
it in the successive stages of the case, nor are they limited to statements
made by the Parties. Clearly the Court is entitled to refer, not only to the
Nicaraguan pleadings and oral argument, but to the pleadings and oral
argument submitted to it by the United States before it withdrew from
participation in the proceedings, and to the Declaration of Intervention of
El Salvador in the proceedings. It is equally clear that the Court may take
account of public declarations to which either Party has specifically drawn
attention, and the text, or a report, of which has been filed asdocumentary
evidence. But the Court considers that, in itsquest forthetruth, it may also
takenote of statements of representatives of the Parties (or of other States)
in international organizations, as well as the resolutions adopted or dis-
cussed by such organizations, in sofar as factually relevant, whether or not
such material has been drawn to its attention by a Party.

73. In addition, the Court isaware of the existence and thecontents of a
publication of the United States State Department entitled "Revolution

BeyondOurBorders", SandjnistaInterventionin CentralAmericaintended
tojustify the policy of the United States towards Nicaragua. This publi-
cation was issued in September 1985, and on 6 November 1985 was
circulated as an official document of the United Nations General As-
sembly and the Security Council, at the request of the United States
(A/40/858 ; S/ 17612) ; Nicaragua had circulated in reply a letter to the
Secretary-General, annexing inter allaan extract from itsMemorial on the
Merits and an extract from theverbatim records of the hearings in the case
(A/40/907 ; S/ 17639).The United States publication was not submitted
to the Court in any formal manner contemplated by the Statute and Rules
of Court, though on 13 September 1985 the United States Information
Office in The Hague sent copies to an official of the Registry to be made
available to anyone at the Court interested in the subject. The represen-
tatives of Nicaragua before theCourt during thehearings wereaware of the
existenceof this publication, since itwas referred to inaquestion put to the
Agent of Nicaragua by a Member of the Court. They did not attempt to
refute before the Court what was said in that publication, pointing out that
materials of this kind "do not constitute evidence in this case", and going

on to suggest that it "cannot properly be considered by the Court". The
Court however considers that, in view ofthe special circumstances of this
case, it may, within limits, make use of information in such a publica-
tion.

74. In connection with the question of proof of facts, the Court notes
that Nicaragua has relied on an alleged implied admission by the United
States. Ithas drawnattentionto theinvocation ofcollectiveself-defenceby
the United States, and contended that "the use of the justification of 72. Les déclarationsauxquelles la Cour croit pouvoir se référer nesont
pas seulement celles qui figurent dans les pièces écrites etdans les plai-
doiries présentées auxstades successifs de I'affaire, ni celles qui ont été
faites par lesParties. La Cour peut assurémentfaire étatnon seulement des
pièces et plaidoiries nicaraguayennes, mais aussi de celles que les Etats-
Unis lui ont présentéesavant de se retirer de l'instance. ainsi que de la
déclaration d'intervention d'El Salvador. Il est non moins certain que la
Cour peut tenir compte des déclarationspubliques sur lesquelles l'une ou
l'autre des Parties a spécialementappelél'attention. et dont le texte, ou un
compte rendu y relatif, a étéproduit commepreuvedocumentaire. Mais la
Cour considèreque, pour parvenir à la vérité, ellpeut aussi prendre acte

des propos tenus par lesreprésentantsdes Parties (ou d'autres Etats) dans
des organisations internationales, ainsi que des résolutions adoptées ou
discutéespar ces organisations, dans la mesure où elles se rapportent aux
faits. et cela que cette information lui ait ou non étésignaléepar une
Partie.
73. La Cour a également connaissance de l'existence et de la teneur
d'une publication du département d'Etat des Etats-Unis intitulée (1Revo-
lution Beyond Our Borders », Sandinista Intervention in Centrul America,
qui viseà justifier la politique des Etats-Unis a l'égarddu Nicaragua. Cette
publication est parue en septembre 1985. et elle a étédistribuée le
6 novembre 1985, a la demande des Etats-Unis, commedocument officiel

de l'Assembléegénérale(A/40/858) et du Conseil de sécuritédesNations
Unies (SI 17612) ;le Nicaragua a rendu publiqueen réponsedne lettre au
Secrétairegénéral(A/40/907) à laquelle étaient notamment annexésun
extrait de son mémoiresur le fond en la présente affaireet un extrait des
comptes rendus des audiences (S/ 17639).La publication des Etats-Unis
n'apas été soumise a laCour dans lesformes envisagéespar le Statutet par
le Règlement,bien que. le 13septembre 1985,le bureau d'information des
Etats-Unis à La Haye en ait adressé des copies à un fonctionnaire du
Greffe en le priant de les mettre a la disposition de toute personne. a la
Cour, qui serait intéressée.Les représentants du Nicaragua à l'audience
n'ignoraient pas l'existencede cette publication, puisqu'elle a étéévoquée

dans unequestion poséepar un membre de laCour à l'agentdu Nicaragua.
Ilsn'ont pas voulu en réfuterlecontenu devant la Cour et ont faitobserver
que cegenre de documentation neconstituepas une preuve en l'affaire O,
ajoutant <(que la Cour ne peut en tenir compte D. Cependant la Cour
considère que, compte tenu des réalités trèsparticulières de l'espèce,
elle peut faire usage, dans certaines limites, des élémentsd'information
contenus dans cette publication.

74. Au sujet de la preuve des faits, la Cour note que le Nicaragua s'est
fondésur un aveu qu'auraient fait implicitement les Etats-Unis. Le Nica-

ragua a soulignéque les Etats-Unis invoquent la légitimedéfensecollec-
tive ;ila fait valoià cet égard qu'invoquerla légitimedéfensecollectivecollective self-defence constitutes a major admission of direct and sub-
stantial United States involvement in the military and paramilitary oper-
ations" directed against Nicaragua. The Court would observe that the
normal purpose of an invocation of self-defenceistojustify conduct which
would otherwise be wrongful. If advanced as ajustification in itself, not
coupled with a denial of the conduct alleged, it may well imply both an
admission of that conduct, and of the wrongfulness of that conduct in the
absence of thejustification of self-defence. This reasoning would do away
with any difficulty in establishing the facts, which would have been the
subject of an implicit overall admission by the United States, simply
through its attempt tojustify them by the right of self-defence.However,in
thepresent case the United Stateshasnot listed the facts or described the
measureswhich it claims tohave taken in self-defence ;nor has it taken the
standthat it isresponsible for al1the activities of which Nicaragua accuses
it but such activities werejustified by the right of self-defence. Sinceit has

not done this. the United States cannot be taken to have admitted al1the
activities, or any of them ; the recourse to the right of self-defence thus
does not make possible a firm and complete definition of admitted facts.
The Court thus cannot consider reliance on self-defence to be an implicit
general admission on the part of the United States ; but it is certainly a
recognition as to the imputability of some of the activities complained
of.

75. Before examining the complaint of Nicaragua against the United
States thatthe United States is responsible for the military capacity, if not
the very existence, of the contra forces, theCourt willfirst deal with events

which. in the submission of Nicaragua, involve the responsibility of the
UnitedStates in amore direct manner. These are the mining ofNicaraguan
ports or waters in early 1984 ; and certain attacks on, in particular, Nica-
raguan port and oil installations in late 1983 and early 1984. It is the
contention of Nicaragua that these were not acts cornmitted by members
of the contras with the assistance and support of United States agencies.
Those directly concerned in the acts were, it is claimed. not Nicaraguan
nationals or other members of the FDN or ARDE, but either UnitedStates
military personnel or persons of the nationality of unidentified Latin
American countries, paid by, and acting on the direct instructions of,
United States rnilitary or intelligence personnel. (These persons were
apparently referred to in the vocabulary of the CIA as "UCLAs" -
"Unilaterally Controlled Latino Assets", and this acronym will be used,
purely for convenience. in what follows.) Furthermore. Nicaragua con-
tends that such United States personnel, while they may have refrained
from thernselves entering Nicaraguan territory or recognized territorial

waters, directed the operations and gave very close logistic, intelligence
and practical support. A further complaint by Nicaragua which does not représentel'aveumajeur d'une implication directe et importantedes Etats-

Unis dans lesopérations militaires et paramilitaires >)contre le Nicaragua.
La Cour observe que l'invocation de la Iégitimedéfense tend normalement
à justifier un comportement qui serait sans cela illicite. Quand elle est
présentée commetelle. et sans que le comportement dont il s'agit soit nié.
elle peut fort bien constituer à la fois une reconnaissance de ce compor-

tement et de son caractère illicite s'il n'est pas justifié par la Iégitime
défense. En raisonnant de cette manière on surmonterait toute difficulté
dans l'établissement des faits. ceux-ci ayant étéglobalement et implicite-
ment reconnus par 1'Etatdéfendeurpour la simple raison qu'il a cherchéà

les justifier par le droit de Iégitime défense. Toutefois en l'espèce les
Etats-Unis n'ont ni énuméréles faits ou décrit les mesures qu'ils disent
avoir prises au titre de la légitimedéfense, ni déclaréassumer la respon-
sabilitéde l'ensemble des activités que le Nicaragua leur reproche en les
justifiant par leur droit de Iégitimedéfense.N'ayant pas agi de la sorte. les

Etats-Unis ne peuvent pas êtreconsidéréscomme ayant reconnu l'en-
semble des activités ou certaines d'entre elles ;l'invocation du droit de
Iégitimedéfensene permet donc pas l'identification certaine et complète
des faits reconnus. Aussi la Cour ne peut-elle pas y voir un aveu géné-
ralisé )>implicite de la part des Etats-Unis, mais à coup sûr une recon-

naissance quant à l'imputabilité de certains des actes incriminés.

75. Avant d'examiner le grief articulé en l'espèce par le Nicaragua
contre les Etats-Unis selon lequel ces derniers portent la responsabilité de
la capacitémilitaire. sinon de l'existence même,desforces contras, la Cour
traiterades événementsqui. d'aprèsle Nicaragua. entraînent de façon plus

directe la responsabilité des Etats-Unis. Ils consistent en la pose de mines
dans des ports ou deseaux du Nicaragua au débutde 1984.et en certaines
attaques lancéesen particulier contre des ports et des installations pétro-
lières du Nicaragua à la fin de 1983 et au début de 1984. La thèse du
Nicaragua est qu'il ne s'agissait pas d'actes commis par des cowtras avec

l'assistance et l'appui de services des Etats-Unis. Les participants directs
étaient, soutient-il. non pas des ressortissants du Nicaragua ou d'autres
membres de la FDN ou de I'ARDE. mais soit des militaires des Etats-Unis.
soit des ressortissants de pays latino-américains non identifiés, rétribués
par les Etats-Unis et agissant sur les instructions directes du personnel

militaire ou des services de renseignement des Etats-Unis. (II semble que
ces personnes étaient appelées dans levocabulaire de la CIA UCLAs -
<<Unilaterally Controlled Latino Assets ))-, et ce sigle sera utiliséci-après,
par simple commodité.) En outre le Nicaragua affirme que, si le personnel
des Etats-Llnis s'est sans doute abstenu de pénétrer sur le territoire du

Nicaragua ou dans leseaux territorialesreconnues comme lui appartenant.
il a cependant dirigéles opérations et apporté un appui très actif dans ledomaine logistique et pratique et dans celui des renseignements. Un autre
grief du Nicaragua qui ne vise pas l'activitédes contras se rapporte au
survol des eaux territorialeset du territoire du Nicaragua par desaéronefs

militaires des Etats-Unis. La Cour va maintenant aborder l'examende ces
allégations.

76. Le 25 février1984deux bateaux de pêchenicaraguayens ont heurté
des mines dans le port nicaraguayen d'El Bluff, sur la côte atlantique. Le
lermars 1984,ledragueur néerlandaisGeoponteet, le7mars 1984,lenavire
panaméen Los Caraibesont étéendommagép sar desmines à Corinto. Ilen
est alléde même,le 20 mars 1984,pour le pétrolier soviétiqueLugansk à
Puerto Sandino. D'autres navires ont étéendommagésou détruitsles 28,
29et 30mars par des mines mouillées à Corinto. L'accèsaux ports a été de
cefait effectivement interrompu ou réduitpendant deux mois environ. Le
Nicaragua préciseque douze navires ou bateaux de pêche autotal ont été
détruitsou endommagéspar l'explosionde mines,qui a fait aussi quatorze
blessésetdeuxmorts.Aucune s ré ci si n onaétédonné elaCourau suietde

l'emplacement exactdes mines - dans les eaux intérieuresdu Nicaragua
ou dans sa mer territoriale ; d'après certains comptes rendus, les mines
poséesdans le port de Corinto avaient étémouilléesnon pas dans les
bassins, mais dans le chenal d'accèsou en rade. De même,on ne dispose
d'aucune information directe sur le type et la puissance des mines utili-
sées ; un témoin,le commandant Carrion, a expliquéque les autorités
nicaraguayennes n'avaient jamais pu repêcherles mines avant qu'elles
n'explosent. Selondesarticles de presse, lesminesétaientposéesaufond et
leur dispositif de mise à feu devait se déclencherpar contact direct, par
ondes sonores ou magnétiquesou par la pression de l'eau ; il s'agissait
de mines de faible dimension, trèsbruyantes mais qui ne pouvaient pro-
bablement pas couler un navire. D'autres articles de presse font état de
mines de dimensions diverses, dont certaines avaient une charge pouvant
atteindre 136kilogrammes. Selon certains journaux, des responsables des
Etats-Unis auraient déclaréque les mines avaient étéfabriquéespar la
CIA, avec l'aide d'un laboratoire de la marine.
77. D'après un article paru dans la Lloyds List and ShippingGazette,

I'ARDE a revendiquéle 2 mars 1984la responsabilitédu minage. Mais
dans une déclaration faite sous serment, M. Edgar Chamorro, ancien
dirigeant politique de la FDN, a indiqué qu'un agent de la CIA l'avait
chargéde faire diffuser par la radio clandestine de la FDN, le 5janvier
1984, un communiqué dans lequel la FDN revendiquait le minage de
plusieurs ports nicaraguayens. M. Chamorro a égalementdéclaréque la
FDN n'avait en faitjoué aucunrôle dans le minage des ports, mais il n'a
pas précisé qui en étaitresponsable. D'aprèsun magazine, les contrasont
annoncéle 8janvier 1984qu'ils minaient tous les ports du Nicaragua et
averti les navires de ne pas y relâche;le même articleindique cependant
que nul n'a prêté attention à cette mise en garde. Il ne semble pas que lewarning or notification to other States of the existence and location of
the mines.

78. It was announced in the United States Senate on 10April 1984that
the Director of the CIA had informed the Senate Select Committee on
Intelligence that President Reagan had approved a CIA plan for the
mining of Nicaraguan ports ; press reports state that the plan was
approved in December 1983,but according to a member of that Commit-
tee, such approval was given in February 1984. On 10 April 1984,the
United States Senate voted that

"it is the senseof the Congress that no funds ...shall be obligated or
expended for the purpose of planning, directing, executing or sup-
porting the mining of the ports or territorial waters of Nicaragua".

During a televised interview on 28 May 1984,of which the officia1trans-
cript has been produced by Nicaragua, President Reagan, when ques-
tioned about the mining of ports, said "Those were homemade mines . ..
that couldn't sink a ship. They were planted in those harbors .. .by the
Nicaraguan rebels." According to press reports quoting sources in the
United Statesadministration, the layingof mines waseffected from speed
boats, not by members of the ARDE or FDN, but by the "UCLAs". The
mother ships used for the operation were operated, it is said, by United
States nationals ; they are reported to have remained outside the 12-mile
limit of Nicaraguan territorial waters recognized by the United States.
Other lesssophisticated mines may. it appears, have been laid in ports and
in Lake Nicaragua by contras operating separately ;aNicaraguan military
officia1wasquoted in thepressasstatingthat "most" of the mining activity
was directed by the United States.

79. According to Nicaragua, vessels of Dutch, Panamanian, Soviet,
Liberian and Japanese registry, and one (Homin) of unidentified regis-
try, were damaged by mines, though the damage to the Homin has also
been attributed by Nicaragua rather to gunfire from minelaying vessels.
Other sources mention damage to a British or a Cuban vessel. No direct
evidence is available to the Court of any diplomatic protests by a State

whose vessel had been damaged ; according to press reports, the Soviet
Government accused the United States of being responsible for the min-
ing, and the British Government indicated to the United States that it
deeply deplored the mining, as a matter of principle. Nicaragua has also
submitted evidence to show that the mining of the ports caused a rise in
marine insurance rates for cargo to and from Nicaragua, and that some
shipping companies stopped sending vessels to Nicaraguan ports. Gouvernement des Etats-Unis ait pour sa part adressé un avis ou une
notification aux autresEtats au sujet de l'existenceet de l'emplacement des
mines.
78. Le Sénatdes Etats-Unis a été informé le 10avril 1984que le Select
Committee on Intelligence (commission restreinte du renseignement) du
Sénatavait étéavisépar le directeur de la CIA de l'approbation par le
président Reagan d'un plan de la CIA prévoyant le minage des ports
nicaraguayens. Selon certains articles de presse le plan avait étéapprouvé
en décembre 1983: mais d'après un membrede la commission I'appro-
bation a été donnée en février1984. Le 10avril 1984. le Sénatdes Etats-
Unis a adopté une disposition prévoyant que

(le Congrès considère qu'aucune dépense ...ne sera engagée ou
effectuéeaux fins de mettre au point, de conduire. d'exécuter ou
d'appuyer uneopération de minage des ports ou deseaux territoriales
du Nicaragua o.

Au coursd'un entretien télévisédiffuslé e 28mai 1984et dont leNicaragua
acommuniquéla transcription officielle.leprésidentReagan arépondu en
ces termes à une question relative au minage des ports :«C'étaientdes
minesde fabrication artisanale. ...incapables de couler un navire. Ellesont
été poséesdans lesportspar lesrebellesnicaraguayens. )Selon des articles
de presse citant des sources officielles des Etats-Unis. les mines auraient

étélarguéesde vedettes, non pas par des membres de I'ARDE ou de la
FDN. mais par des UCLAs. L'équipagedes navires servant de base pour
les opérations de minage était,selon les rapports. composé de ressortis-
sants des Etats-Unis ;les navires se seraient tenus au-delà de la limite de
12milles des eaux territoriales du Nicaragua reconnue par les Etats-Unis.
Il semble que d'autres mines plus nidimentaires aient pu êtreposéesdans
des ports et dans le lac de Nicaragua par des contras agissant seuls : selon
la presse. un officier nicaraguayen aurait déclaréque les opérations de
minage avaient été«pour la plupart ))ordonnées par les Etats-Unis.
79. Le Nicaragua a indiqué que les mines avaient endommagé des
navires battant pavillons néerlandais, panaméen, soviétique, libérien et
japonais ainsi qu'un bateau, le Homin, dont le port d'attache n'est pas

précisé ; toutefois leNicaragua dit aussi que les avaries du Homin seraient
dues plutôt au tir des navires mouilleurs de mines. D'autres sources font
état de dommages qu'aurait subis un bâtiment britannique ou cubain.
La Cour ne dispose d'aucune preuve directe de protestation diplomatique
des Etats dont les navires auraient été endommagés ; selon la presse. le
Gouvernement soviétiqueaurait accuséle Gouvernement des Etats-Unis
d'être responsable duminage, et le Gouvernement britannique aurait fait
savoir à ce dernier qu'il déplorait profondément ces faits sur le plan des
principes. Le Nicaragua a également présenté certainsélémentsdont il
résulteque le minage des ports a entraîné l'augmentation des taux d'as-
surance maritime applicables aux chargements à destination ou en pro-

venance du Nicaragua et que certainescompagnies de navigation ont cessé
de desservir les ports nicaraguayens. 80. On this basis, the Court finds it established that, on a date in late
1983or early 1984,the President of the United Statesauthorized a United

States government agency to lay mines in Nicaraguan ports ;that in early
1984mineswerelaidin or closeto the ports of ElBluff, Corinto and Puerto
Sandino, either in Nicaraguan interna1 waters or in its territorial sea or
both, by persons in the pay and acting on the instructions of that agency,
under the supervision and with the logistic support of United States
agents ; that neither before the laying of the mines, nor subsequently,did
the United States Government issue any public and officia1warning to
international shipping of the existenceand location of the mines ;and that
personal and material injury was caused by the explosion of the mines,
which also created risks causing a rise in marine insurance rates.

81. The operations which Nicaragua attributes to the direct action of
United States personnel or "UCLAs", in addition to the mining of ports,
are apparently the following :

(i) 8 September 1983 : an attack was made on Sandino international
airport in Managua by a Cessna aircraft, which was shot down ;
(ii) 13September 1983 : an underwater oil pipeline and part of the oil
terminal at Puerto Sandino were blown up ;
(iii) 2 October 1983 : an attack was made on oil storage facilities at
Benjamin Zeledon on the Atlantic Coast,causing the loss of a large
quantity of fuel ;
(iv) 10October 1983 : an attack was made by air and sea on the port of
Corinto, involvingthedestruction offiveoilstoragetanks,the lossof
millionsofgallonsof fuel,and theevacuation of largenumbers of the

local population ;
(v) 14October 1983 :the underwater oilpipeline at PuertoSandino was
again blown up ;
(vi) 4/5 January 1984 : an attack was made by speedboats and helicop-
ters using rockets against the Potosi Naval Base ;
(vii) 24/25 February 1984 :an incident at El Bluff listed under this date
appears to be the mine explosion already mentioned in para-
graph 76 ;
(viii) 7 March 1984 :an attack was made on oil and storage facility at San
Juan del Sur by speedboats and helicopters ;

(ix) 28/30 March 1984 : clashes occurred at Puerto Sandino between
speedboats, in the course of minelaying operations, and Nicaraguan
patrol boats ; intervention by a helicopter in support of the speed-
boats ;

(x) 9 April 1984 :a helicopter allegedlylaunched from a mother ship in
international waters provided fire support for an ARDE attack on
San Juan del Norte. 80. Vu les faits exposés,la Cour tient pour établiqu'à la finde 1983ou
au début de 1984 le président des Etats-Unis a autorisé un organisme
gouvernemental de ce pays à poser des mines dans des ports nicara-
guayens ;qu'au début de 1984des mines ont étémouilléesdans les ports
d'El Bluff.de Corinto et de Puerto Sandino ou à proximitéde ces ports,
dans leseaux intérieuresdu Nicaragua ou dans sa mer territoriale, ou dans
lesdeux, par despersonnes rétribuéespar cet organismeet agissant sur ses

instructions, sous la supervision et avec l'appui logistique d'agents des
Etats-Unis ;que ni avant. ni aprèsle minage, leGouvernement des Etats-
Unis n'a averti de façon publique et officiellela navigation internationale
de l'existence et de l'emplacement des mines ; et que l'explosion de ces
mines a causé des dommages personnels et matérielset créédes risques
ayant entraîné la hausse des taux d'assurance maritime.

81. En dehors du minage des ports, les opérations que le Nicaragua
attribue à l'action directe du personnel des Etats-Unis ou des UCLAs
seraient les suivantes :

i) 8 septembre 1983 : l'aéroportinternational Sandino à Managua est
attaqué par un avion Cessna, lequel est abattu ;
ii) 13septembre 1983 :un oléoducsous-marinet une partie du terminal
pétrolierde Puerto Sandino sont détruitspar une explosion ;
iii) 2 octobre 1983 : une attaque est déclenchéecontre des dépôts de
pétrole à Benjamin Zeledon sur la côte Atlantique, provoquant la
destruction d'une grande quantité de carburant ;
iv) 10 octobre 1983 : Corinto est attaqué par air et par mer, ce qui

entraîne la destruction de cinq réservoirsde pétrole, laperte de
millions de gallons de carburant et l'évacuationd'une grande partie
de la population locale ;
V) 14 octobre 1983 : l'oléoduc sous-marinde Puerto Sandino saute à
nouveau ;
vi) 4-5 janvier 1984 : la base navale de Potosi est attaquée par des
vedettes rapides et des hélicoptères lance-missiles ;
vii) 24-25février1984 : un incident signalé à El Bluff à cette date semble
correspondre à l'explosion d'une minedéjà mentionnéeau para-
graphe 76 ;

viii) 7mars 1984 : desinstallations pétrolièreset des réservoirssont atta-
qués à San Juan del Sur par des vedettes rapides et des hélicop-
tères;
ix) 28-30mars 1984 :des incidentsseproduisent à Puerto Sandinoentre
des vedettes rapides occupées à mouiller des mines et des patrouil-
leurs nicaraguayens ; un hélicoptèreintervient pour soutenir les
vedettes ;
x) 9 avril 1984 : un hélicoptère,qui aurait décollé d'unnavire de base
croisant dans les eaux internationales, appuie de son tir une attaque
de I'ARDE sur San Juan del Norte. 82. At the time theseincidentsoccurred, theywereconsidered tobe acts
of the contras,with no greater degree of United States support than the
many other military and paramilitary activities of the contras.The decla-

ration of Commander Carrion liststheincidentsnumbered (i),(ii),(iv)and
(vi) above in the catalogue of activities of "mercenanes", without distin-
guishing these items from the rest ;it does not mention items (iii),(v) and
(vii)to (x).According to areport in theNew YorkTimes(13October 1983),
theNicaraguan Government, after the attack on Corinto (item (iv)above)
protested to the United StatesAmbassador in Managua at theaid givenby
the United States to the contras,and addressed a diplornatic note in the
same sense to the United States Secretary of State. The Nicaraguan
Memorial does not mention such a protest, and the Court has not been
supplied with the text of any such note.
83. On 19October 1983,thus nine days after the attack on Corinto, a
question wasput to President Reagan at apressconference. Nicaragua has
supplied the Court with the officia1transcript which, so far as relevant,
reads as follows :

"Question : Mr. President, regarding the recent rebel attacks on a
Nicaraguan oil depot, .is it proper for the CIA to be involved in
planning such attacksand supplyingequipment for airraids ?And do
the American people have a right to be informed about any CIA
role ?
ThePresident : 1think covert actions have been a part of govern-
ment and a part of government's responsibilitiesfor as long as there
has been a government. I'm not going to comment on what, if any,

connection such activities might have had with what has been going
on, or with some of the specific operations down there.
But 1 do believe in the right of a country when it believes that its
interests are best served to practice covert activity and then, while
your people may have a right to know, you can't let your people know
without letting the wrongpeople know, those that are in opposition to
what you're doing."

Nicaragua presents this as one of a series of admissions "that the United
States washabitually and systematically givingaid to mercenaries carrying
out military operations against the Government ofNicaragua". In the view
of the Court, the President's refusal to comment on the connection
betweencovert activities and "what has been going on, or with someof the
specific operations down there" can, in its context, be treated as an

admission that the United States had something to do with the Corinto
attack, but not necessarily that United States personnel were directly
involved.

84. The evidence available to the Court to show that the attacks listed
above occurred, and that they werethe work of United States personnel or
"UCLAsY',other than press reports, is as follows. In his declaration, 82. Au moment où ils ont eu lieu, ces incidents ont été considérés

comme étantlefait des contraset ne bénéficiantpas d'un soutien des Etats-
Unis plus importantque lesnombreuses autres activités militaires etpara-
militaires de ces mêmescontras. L'attestation du commandant Carrion
énumèreles incidents cités sous i). ii), iv) et vi) parmi les activitésdes
mercenaires )),sans distinction ;les rubriques iii), v) et vià)x) ne sont
pas mentionnées. D'aprèsun article paru depuis dans le New YorkTimes
du 13octobre 1983,aprèsl'attaque contreCorinto (rubrique iv)ci-dessus)
le Gouvernement nicaraguayen a protesté auprès de l'ambassadeur des
Etats-Unis à Managua au sujet de l'aide apportée par les Etats-Unis aux
conrraset adressé unenote diplomatique dans le mêmesens au secrétaire
d'Etat des Etats-Unis. Le mémoire du Nicaragua ne dit rien de cette

protestation et aucune copie de note n'a été soumise à la Cour.
83. Le 19octobre 1983, c'est-à-dire neuf jours après l'attaque contre
Corinto, une question a étéposée auprésident Reagan lors d'une confé-
rence depresse. LeNicaragua afourni àla Cour unetranscription officielle
qui, dans la partie concernant les faits exposés ici, est ainsi rédigée :

((Question : Monsieur le Président, àpropos des récentesattaques
des rebelles contre un dépôt de pétroledu Nicaragua, est-il normal
que la CIA participe à la préparation d'attaques de ce genre et four-
nisse du matérielpour desraids aériens ? Et le peuple américain a-t-il
le droit de le savoir?
Le President : Je crois que les activités secrètesont toujours fait
partie des activitéset des responsabilités des gouvernements depuis

qu'il existe des gouvernements. Je ne parlerai pas du lien que ces
activités peuvent avoir avec cequi s'est passé,ni avec certaines des
opérations qui ont lieu là-bas.
Maisje crois qu'un pays a ledroit de recourir àdes activitéssecrètes
s'il estime que cela sert ses intérêts; et alors, le peuple a peut-être
le droit de savoir, mais on ne peut pas l'informer sans informer aussi
les gens qui ne doivent pas savoir, ceux qui s'opposent à votre
action.

une sériede
D'après le Nicaragua, ces déclarations s'inscriraient dans
propos reconnaissant que les Etats-Unis apportaient, de façon habituelle
et systématique, une aide aux mercenaires menant des opérations mili-
taires contre le Gouvernement du Nicaragua o. De l'avis de la Cour, le
refus du Présidentde se prononcer sur le lien entre les activités secrètes
et ce qui s'est passé,[et]certaines des opérations qui ont lieu là-bas ))
peut, dans le contexte où il se situait, êtreconsidéré comme revenant a
admettreque lesEtats-Unis ontjouéun rôle dans l'attaque contreCorinto,
mais non pas nécessairement que le personnel des Etats-Unis y ait été
directement mêlé.
84. Les élémentsdont dispose la Cour et qui tendent à démontrer que
lesattaques énuméréep slus haut sesont effectivement produites et ont été

lefaitde personnel desEtats-Unis ou d'UCLAs sont, en dehors desarticlesCornmander Carrion lists items (i), (ii), (iv) and (vi), and in his oral
evidencebefore the Court he mentioned items (ii)and (iv).Items (vi)to (x)
werelisted in what wassaid to beaclassifiedCIA interna] memorandum or

report, excerpts from which were published in the WallStreet Journalon
6 March 1985 ; according to the newspaper, "intelligence and congres-
sional officials" had confirmed the authenticity of thedocument. So faras
the Court is aware, no denial of the report was made by the United States
administration. The affidavit of the former FDN leader Edgar Chamorro
states that items(ii),(iv)and (vi)weretheworkof UCLAsdespatched from
a CIA "mother ship", though the FDN was told by the CIA to claim
responsibility. It is not however clear what the source of Mr. Chamorro's
information was ;since there is no suggestion that he participated in the
operation (hestates that the FDN "had nothing whatsoever to do" with it),
hisevidenceisprobably strictly hearsay, and at the date of hisaffidavit, the
same allegations had been published in the press. Although he did not
leave the FDN until the end of 1984,he makes no mention of the attacks

listed above of January to April 1984.

85. The Court considers that it should elirninate from further con-
sideration under this heading the following items :

- the attack of 8 September 1983on Managua airport (item (i)) : this was
claimed by the ARDE ;a press report is to the effect that the ARDE
purchased the aircraft from the CIA, but there is no evidence of CIA
planning, or the involvement of any United States personnel or
UCLAs ;
- the attack on Benjamin Zeledon on 2 October 1983(item (iii)) : there is
no evidence of the involvement of United States personnel or
UCLAs ;
- the incident of 24-25February 1984(item vii),alreadydealt with under
the heading of the mining of ports.

86. On the otherhand the Court finds the remaining incidents listed in
paragraph 81 to be established. The general pattern followed by these
attacks appears to the Court, on the basis of that evidence and of press
reports quoting United States administration sources, to have been as
follows. A "mother ship" was supplied (apparently leased) by the CIA ;
whether it wasof United States registry does not appear. Speedboats, guns
and ammunition were supplied by the United States administration, and
the actual attacks were carried out by "UCLAs". Helicopters piloted by
Nicaraguans and others piloted by United States nationals were also
involved on some occasions. According to one report the pilots were
United States civilians under contract tothe CIA. Although it isnot proved

that any United States military personnel took a direct part in the oper-
ations, agents of the United Statesparticipated in theplanning, direction,
supportand execution of the operations. The execution wasthe task ratherde presse, les suivants. Le commandant Carrion énumèredans son attes-
tation lesrubriques i),ii),iv)et vi)et,dans sadéposition devant la Cour, ila
fait mention des rubriques ii) et iv). Les rubriques vi) àx) figurent dans ce

quia été présentécommeun mémorandum ourapport interneconfidentiel
de la CIA, dont desextraits ont étépubliésdans le Wall Streer Journal du
6 mars 1985 ;d'après cejournal des employésdes servicesde renseigne-
mentset du Congrès ))auraient confirmél'authenticité dudocument. Pour
autant que la Cour le sache, le Gouvernement des Etats-Unis n'a opposé
aucune dénégationau rapport. Dans sa déclaration sousserment, l'ancien
dirigeant de la FDN Edgar Chamorro indique que les événements des
rubriques ii),iv)et vi)étaientle fait d'UCLAs venus d'un navire - base de
la CIA, bien que celle-ci ait donné pour instruction à la FDN d'en reven-
diquer la responsabilité.On ignore cependant quelle pouvait êtrela source
d'information de M. Chamorro, puisqu'il ne semble pas avoir participé à
l'opération(il indiqueen effet que la FDN n'arien eu à voir avecelle) ;
il est probable que sesdéclarations reposent uniquement sur ce qu'il avait

entendu dire et, àl'époque oùil les a faites, les mêmesallégationsavaient
paru dans la presse. Bienqu'iln'ait quittéla FDN qu'à la fin de 1984,il ne
fait aucune mentiondes attaques énuméréespluh saut quisesont produites
de janvier à avril 1984.
85. La Cour estime ne pas devoir examiner plus avant sous ce chapitre
les faits suivants :

- l'attaque du 8 septembre 1983 contre l'aéroport de Managua (rubri-
que i)) : celle-ci a étérevendiquée par I'ARDE ; selon un article de
presse I'ARDE aurait acheté à la CIA l'appareil utilisé, mais rienn'in-
dique que l'opérationait été préparép ear la CIA, ni que des ressortis-
sants des Etats-Unis ou des UCLAs y aient contribué ;
- l'attaque contre Benjamin Zeledon le 2 octobre 1983(rubrique iii)) :il
n'y a aucune preuve que du personnel des Etats-Unis ou des UCLAs y
aient participé ;
- l'incident des 24-25février1984(rubrique vii)),déjàévoqué à propos du
minage des ports.

86. La Cour considèreen revanche que lesautres incidentsénumérés au
paragraphe 81sont établis. Lescaractéristiquesgénéralesde ces attaques,
d'après les preuves rapportées et suivant des articles de presse citant
commesource leGouvernement desEtats-Unis, lui paraissent avoir été les
suivantes. Un navire servant de base a étéfourni (apparemment affrété)
par la CIA ; on ignore s'ils'agissait d'unbâtiment immatriculé aux Etats-
Unis. Des vedettes rapides, des canons et des munitions ont étéprocurés
par lesservices des Etats-Unis, et les attaques elles-mêmesont étémenées

par lesUCLAs. Des hélicoptères,certains pilotéspar desNicaraguayenset
d'autres par desressortissants des Etats-Unis, sont égalementintervenus à
diverses reprises. D'après uneinformation lespilotes étaientdes civilsdes
Etats-Unis sous contrat de la CIA. Bien qu'il ne soit pas établi que des
militaires des Etats-Unis aient pris une part directe aux opérations, des
agents des Etats-Unis ont participé à la préparation, au commandement,51 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITlES (JUDGMENT)

of the "UCLAs", while United States nationals participated in the plan-
ning, direction and support.The imputability to the United States of these
attacks appears therefore to the Court to be established.

87. Nicaragua complains of infringement of its airspace by United
States military aircraft. Apart from a minor incident on 11January 1984
involving a helicopter, as to which, according to a press report, it was
conceded by the United States that itwaspossible that the aircraft violated
Nicaraguan airspace, this claim refers to overflights by aircraft at high
altitude for intelligence reconnaissance purposes, or aircraft for supply
purposes to the contras in the field,and aircraft producing "sonic booms".
The Nicaraguan Mernorial also mentions low-levelreconnaissance flights
by aircraft piloted by United States personnel in 1983,but the press report
cited affords no evidence that these flights, along the Honduran border,
involved any invasion of airspace. In addition Nicaragua has made a
particular cornplaint of the activities of a United States SR-71 plane
between 7 and 11November 1984,which is said to have flown low over
several Nicaraguan cities "producing loud sonic booms and shattering
glass windows, to exert psychological pressure on the Nicaraguan Gov-
ernment and population".

88. The evidence available of these overflights is as follows.During the
proceedings onjurisdiction and admissibility, the United States Govern-
ment deposited with the Court a "Background Paper" published in July
1984,incorporating eight aerial photographs of ports, camps, an airfield,
etc., in Nicaragua, said to have been taken between November 1981and
June 1984. According to a press report, Nicaragua made a diplomatic
protest to the United States in March 1982regarding overflights, but the
text of such protest has not been produced. In the course of a Security
Council debate on 25 March 1982,the United States representative said
that

"It is true that once we became aware of Nicaragua's intentions
and actions, the United States Government undertook overflights
to safeguard our own security and that of other States which are
threatened by the Sandinista Government",
and continued

"These overflights, conducted by unarmed, high-flying planes, for
the express and sole purpose of verifying reports of Nicaraguan
intervention, areno threat to regional peace and stability ;quite the
contrary." (9PV.2335, p. 48, emphasis added.)au soutien et àl'exécutionde celles-ci. L'exécutionincombait plutôt aux
UCLAs, alors que les ressortissants des Etats-Unis participaient à la pré-
paration, au commandement et au soutien. Il apparaît donc à la Cour que
l'imputabilitéde ces attaques aux Etats-Unis est établie.

87. Le Nicaragua se plaint de la violation de son espace aérien par des
aéronefsmilitaires des Etats-Unis. En dehors d'un incident mineur sur-
venu le 11janvier 1984et concernant un hélicoptèredont, selon unjournal,
les Etats-Unis ont reconnu qu'il avait pu violer l'espace aériendu
Nicaragua, ce grief se rapporte aux survols effectuéspar des avions évo-
luant à hautealtitude à des fins de reconnaissanceou de renseignement, ou

utiliséspour ravitailler lesontras en campagne, et àd'autres qui auraient
provoqué desbangs supersoniques. Le mémoiredu Nicaragua fait étatde
vols de reconnaissance à basse altitude effectuéspar du personnel des
Etats-Unis en 1983,mais l'article qu'ilcite neprouve en rien que cesvolsle
long de la frontière hondurienne entraînaient une violation de l'espace
aérien. Le Nicaragua s'est plaint en outre des activités,entre le 7 et le
11novembre 1984,d'un appareil SR-71 des Etats-Unis qui aurait survolé
a basse altitude plusieurs villes nicaraguayennes, cproduisant des
bangs supersoniques et faisant voler les vitres en éclats afind'exercer une

pression psychologique sur le Gouvernement et la population du
Nicaragua >).
88. Les élémentsde preuve dont on dispose au sujet de ces survols sont
les suivants. Durant la procédure sur la compétence et la recevabilité,le
Gouvernement des Etats-Unis a déposéauprès de la Cour un << back-
ground paper ))publié enjuillet 1984,où étaient reproduites huit photo-
graphiesaériennesde ports, decamps etd'un terrain d'atterrissage, etc., au
Nicaragua, photographies qui auraient étéprises entre novembre 1981et
juin 1984. D'après unarticle de journal, le Nicaragua aurait adressé une
protestation diplomatique aux Etats-Unis au sujet des survols en mars

1982,mais le texte decette protestation n'a pas étéproduit.Au coursd'un
débat qui s'est dérouléle 25 mars 1982au Conseil de sécurité, larepré-
sentante des Etats-Unis a déclaré :
<(Il est vrai que leGouvernement desEtats-Unis, une fois qu'ila eu

compris les intentions du Nicaragua et connu ses actions, a ordonné
des survols pour la sauvegarde de notre propre sécurité etde celle
d'autres Etats menacéspar le gouvernement sandiniste O,
et la représentante a poursuivi en ces termes :

Ces survols,effectuéspar des avions non porteurs d'armes, volant
à haute altitude, dans le but unique et exprès de vérifier les nouvelles
reçues relatives àdes interventions nicaraguayennes, ne sont pas une
menace àla paix età la stabilitéde la région))(S/PV.2335, p. 48. Les
italiques sont de la Cour.)The useofthe present tensemay be taken to imply that theoverflightswere
continuing at the time of the debate. Press reports of 12November 1984
confirm the occurrence of sonic booms at that period, and report the

statement of Nicaraguan Defence Ministry officiaisthat the plane respon-
sible was a United States SR-71.

89. The claim that sonicbooms werecaused by United Statesaircraft in
November 1984rests on assertions by Nicaraguan Defence Ministry offi-
cials, reported in the United Statespress ; the Court is not however aware
ofany specific denial of theseflightsby the United StatesGovernment. On
9 Novernber 1984the representative of Nicaragua in the Security Council
asserted that United States SR-71aircraft violated Nicaraguan airspace on
7 and 9 November 1984 ; he did not specifically mention sonicbooms in
this respect (though he did refer to an earlier flight by a similar aircraft, on
3 1October 1984,as having been "accompanied by loud explosions"(S/PV.
2562,pp. 8-10)).The United States representative in the Security Council
did not comment on the specificincidents complained ofbyNicaragua but

simply said that "the allegation whichisbeingadvanced against theUnited
States" was "without foundation" (ibid.,p. 28).

90. As to low-levelreconnaissance flights by United States aircraft, or
flights to supplythe contras in the field,Nicaragua does not appear to have
offered any more specific evidence of these ; and it has supplied evidence
that United States agencies made a number of planes available to the
contras themselves for use for supply and low-levelreconnaissance pur-
poses. According to Commander Carrion, theseplanes weresupplied after
late 1982,and prior to the contras receivingthe aircraft, they had to return
at frequent intervals to their basecampsfor supplies, from which it may be
inferred that there were at that time no systematic overflights by United

States planes for supply purposes.

91. The Court concludes that, as regards the high-altitude overflights
for reconnaissance purposes, the statement admitting them made in the
Security Council is limited to the period up to March 1982.However, not
only isit entitled to take into account that the interest of the United States
in "verifying reports of Nicaraguan intervention" - the justification
offered in the Security Council for these flights - has not ceased or
diminished since 1982,but the photographs attached to the 1984 Back-
ground Paper are evidenceof at least sporadic overflights subsequently. It
sees no reason therefore to doubt the assertion of Nicaragua that such
flights have continued. The Court finds that the incidents of overflights
causing "sonic booms" in November 1984are to some extent a matter of
public knowledge. As to overflights of aircraft for supply purposes, it

appearsfrom Nicaragua's evidencethat thesewerecarried out generally,if
not exclusively,by the contras themselves,though usingaircraft supplied to
them by theUnited States. Whatever other responsibility the United StatesL'emploidu présentpermetdesupposer quelessurvolssepoursuivaient au
moment du débat.Des articles de presse du 12novembre 1984confirment

que des bangs supersoniques ont étéentendus à cette date et repro-
duisent la déclaration de fonctionnaires du ministère de la défense du
Nicaragua affirmant que l'appareil qui les avait causésétait unSR-71 des
Etats-Unis.
89. L'affirmation que des bangs supersoniques ont étécauséspar des
appareils des Etats-Unis en novembre 1984repose sur les dires de fonc-
tionnaires du ministèrede la défensedu Nicaragua repris par la presse des
Etats-Unis ; la Cour n'a connaissance d'aucune dénégationpréciseque
le Gouvernement des Etats-Unis aurait faite au sujet de ces vols. Le
9 novembre 1984le représentant du Nicaragua au Conseil de sécurité a
affirméqu'un appareil SR-71 des Etats-Unis avait violé l'espace aérien

nicaraguayen les7et 9 novembre 1984 : iln'apas spécialementmentionné
à ce propos les bangs supersoniques (bien que d'après lui un vol an-
térieur d'un appareil similaire, le 31 octobre 1984, s'étaitaccompagné
<<de fortes explosions (S/PV.2562, p. 8-10)). Le représentant des Etats-
Unis au Conseil de sécuritén'a fait aucune observation au sujet des
incidents incriminés par le Nicaragua ; il s'est borné à dire que <les
allégationsavancées ..contre les Etats-Unis ))ne sont (<nullement fon-
dées O (ibid p.28).
90. Quant aux vo1s:destinés à ravitailler lecontras et aux reconnais-
sances effectuées à faible altitude par des aéronefs des Etats-Unis, le
Nicaragua ne semble avoir avancé àce sujet aucune preuve précise ;et il

ressort d'éléments d'information fournis par lui que les servicesdes Etats-
Unis ont mis plusieurs avions à la disposition descontras pour lesbesoins
de leur ravitaillement et des vols de reconnaissance à faible altitude.
D'après lecommandant Carrion, cesappareils ont été fournisaux contrasà
partir de fin 1982; avant cela, lecontras devaient regagner fréquemment
leurscamps de base pour seréapprovisionner,d'où I'onpeut conclure qu'il
n'yavait à l'époqueaucun survol systématiquepar des aéronefsdes Etats-
Unis à des fins de ravitaillement.
91. LaCour conclut que, en cequi concerne lesvolsde reconnaissance à
haute altitude, la déclaration admettant leur existence faiteau Conseil de
sécuriténe concerne que la périodeantérieure à mars 1982.La Cour est

néanmoins fondée à tenir compte non seulement de ce que l'intérêt mani-
festépar les Etats-Unis pour la (vérificationdes rapports sur l'interven-
tion nicaraguayenne r)- justification donnéede ces vols au Conseil de
sécurité - n'a ni cesséni diminuédepuis 1982,mais aussi du fait que les
photographies jointes au << background paper ))de 1984 témoignent de
l'existence de survols au moins sporadiques par la suite. Elle ne voit en
conséquence aucune raison de douter que ces vols se sont poursuivis
comme le soutient le Nicaragua. Elle constate que les incidents relatifs
à des survols ayant causédes bangs supersoniques en novembre 1984
sont de notoriété publique.Quant aux survols d'avions en mission d'ap-
provisionnement, il semble,d'aprèslesdonnéesfourniespar leNicaragua,

qu'ilsétaient généralement,sinonexclusivement, effectuéspar les contrasmay have incurred in this latter respect, the only violations of Nicaraguan
airspace which the Court findsimputable to the United States on the basis
of the evidence before it are first of all, the high-altitude reconnaissance
flights, and secondly the low-altitude flights of 7 to 11November 1984,
complained of as causing "sonic booms".

92. One other aspect of activitydirectly carried out by the United States
in relation to Nicaragua has to be mentioned here, since Nicaragua has
attached a certain significance to it. Nicaragua claims that the United
States has on a number of occasions carried out military manoeuvres
jointly with Honduras on Honduran territory near the Honduras/Nica-
ragua frontier ;it alleges that much of the military equipment flown in to

Honduras for thejoint manoeuvres was turned overto the contras when the
manoeuvres ended, and that the manoeuvres themselvesformed part of a
general and sustained policy of force intended to intimidate the Govern-
ment of Nicaragua into accepting the political demands of the United
States Government. The manoeuvres in question are stated to have been
carried out in autumn 1982 ; February 1983("Ahuas Tara 1") ;August
1983("Ahuas Tara II"), during which American warships were, it is said,
sent to patrol the waters off both Nicaragua's coasts ;November 1984,
when there were troop movements in Honduras and deployment of war-
ships off the Atlantic Coastof Nicaragua ; February 1985("Ahuas Tara
III") ; March 1985("Universal Trek '85") ;June 1985,paratrooper exer-
cises.As evidence of these manoeuvres having taken place, Nicaragua has
offered newspaper reports ;sincetherewasnosecrecyabout theholding of
the manoeuvres, the Court considers that it may treat the matter as one of
public knowledge, and as such, sufficiently established.

93. The Court must now examine in more detail the genesis, develop-
ment and activities of the contra force, and the role of the United States in
relation to it, inrder to determine the legalsignificanceof the conduct of
the United States in this respect. According to Nicaragua, the United
States "conceived, created and organized a mercenary army, the contra
force". However, there is evidence to show that somearmed opposition to
the Government of Nicaragua existed in 1979-1980, even before any

interference or support by the United States. Nicaragua dates the begin-
ning of the activity of the United States to "shortly after" 9 March 1981,
when, it was said, the President of the United States made a forma1
presidential finding authorizing the CIA to undertake "covert activities"
directed against Nicaragua. According to the testimony of Commandereux-mêmes, à bord, il est vrai, d'appareils misà leur disposition par les
Etats-Unis. Quelles qu'aient pu êtreles autres responsabilités des Etats-
Unis sur ce dernier point, les seules violations de l'espace aériendu Nica-
ragua que la Cour leur impute dans l'étatactuel du dossier sont celles
résultant desvols de reconnaissance àhaute altitude et d'autre part des
vols à basse altitude qui auraient causédes bangs supersoniques du 7 au
11novembre 1984.

92. Un autre type d'activitédirecte des Etats-Unis en relation avec le

Nicaragua doit êtrementionné ici, le Nicaragua y ayant attaché une
certaineimportance. LeNicaragua affirmequ'à diversesreprises lesEtats-
Unis ont effectué, avecleHonduras,des manŒuvresmilitaires enterritoire
hondurien à proximitéde la frontière entre le Honduras et le Nicaragua ;
selon lui une grande partie du matériel militaireacheminépar avion au
Honduras pour ces manŒuvres conjointes a étélivré aux contras à la fin
des manŒuvres, qui s'inscrivaient dans une politique générale et persis-
tante de force destinée à intimider le Gouvernement du Nicaragua pour
qu'il cède aux exigences politiques du Gouvernement des Etats-Unis.

Les manŒuvres en question auraient eu lieu a l'automne de 1982 ; en
février1983 (<(Ahuas Tara 1O); en août 1983 (OAhuas Tara II O),époque
à laquelle des navires de guerre des Etats-Unis auraient patrouillé devant
les côtes nicaraguayennes ;en novembre 1984,avec des mouvements de
troupes au Honduras et un déploiement de navires au large de la côte
atlantique du Nicaragua ;en février1985 (6 Ahuas Tara III )));en mars
1985 (((Universal Trek 85 ))) enjuin 1985,sousforme d'exercices aéro-
portés. Comme preuve de ce que ces manŒuvres ont bien eu lieu, le

Nicaragua a présenté desextraitsdejournaux ; les manŒuvres n'ayant eu
aucun caractère secret, la Cour estime qu'elles peuvent êtreconsidérées
comme étantde notoriété publique,et donc suffisamment établies.

93. La Cour doit à présent s'attarder quelque peu sur la genèse, le
développement et les activitésde la force contra, ainsi que sur le rôle des
Etats-Unis encequilaconcerne,afin de déterminerquelleportéejuridique
revêt lecomportement des Etats-Unis a cet égard.D'après leNicaragua,
les Etats-Unis auraient (conçu, créé et organiséune arméemercenaire, la
force contra )).Il semble bien cependant qu'une certaine opposition armée
au gouvernement existait en 1979-1980,avant mêmetoute ingérenceou

soutien des Etats-Unis. Le Nicaragua fait remonter le début del'activité
des Etats-Unis à peu après le 9 mars 1981,date àlaquelle le président
des Etats-Unis aurait adoptéune conclusion présidentielle ))(presidential
finding) autorisant la CIA à entreprendre des ((activitésclandestines ))
contre leNicaragua. D'après ladépositiondu commandant Carrion, selonCarrion, who stated that the "organized military and paramilitary activi-
ties" began in December 1981,there were Nicaraguan "anti-government
forces" prier to that date, consisting of

"just a few small bands very poorly armed, scattered along the
northern border of Nicaragua and . . .composed mainly of ex-
members of the Somoza's National Guard. They did not have any
military effectiveness and what they mainly did was rustling cattle
and killing some civilians near the borderlines."

Thesebands had existedinoneformor another sincethe fallof the Somoza
government : the affidavit of Mr. Edgar Chamorro refers to "the ex-
National Guardsmen who had fled to Honduras when the Somoza gov-

ernment fell and had been conducting sporadic raids on Nicaraguan
border positions ever since". According to the Nicaraguan Memorial, the
CIA initially conducted rnilitary and paramilitary activities against Nica-
ragua soon after the presidential finding of 9 March 1981,"through the
existing armed bands" ; these activities consisted of "raids on civilian
settlements, local militia outposts and army patrols". The weapons used
were those of the former National Guard. In the absence of evidence,
the Court is unable to assess the military effectiveness of these bands at
that time : but their existence is in effect admitted by the Nicaraguan
Government.

94. According to the affidavit of Mr. Chamorro, there was also a poli-
tical opposition to the Nicaraguan Government, established outside Nica-
ragua, from the end of 1979onward, and in August 1981this grouping
merged with an armed opposition force called the 15th of September
Legion, which had itself incorporated the previously disparate armed
opposition bands, through mergers arranged by the CIA. It was thus that
the FDN is said to have come into being. The other major armed oppo-
sitiongroup, theARDE, wasformed in 1982by Alfonso Robe10Callejas,a
former member of the original 1979Junta and EdénPastora Gomez, a

Sandinista military commander, leader of the FRS (Sandino Revolution-
ary Front) and later Vice-Minister in the Sandinista government.Nicara-
gua hasnot alleged that the United States wasinvolved in the formation of
this body. Even on the face of the evidence offered by the Applicant,
therefore, the Court is unable to find that the United States created an
armedopposition inNicaragua. However,accordingto press articlesciting
official sources close to the United States Congress, the sizeof the contra
force increased dramatically once United States financial and other assis-
tance became available :from an initial body of 500men (plus,according
to somereports, 1,000Miskito Indians) in December 1981,the force grew
to 1,000in February 1982,1,500in August 1982,4,000in December 1982,
5,500 inFebruary 1983,8,000in June 1983and 12,000in November 1983.
When (as explained below) United States aid other than "humanitarianlequelles <<activités militairesetparamilitaires organisées ont commencé

en décembre 1981,il yavait eu auparavant des (<forces antigouvernemen-
tales ))formées
<(simplement de quelques petitesbandes fort mal armées,disséminées
le long de la frontière septentrionale du Nicaragua et composées

principalement d'anciens membres de la garde nationale de Somoza.
Elles n'avaient aucune efficacité militaire, et se contentaient essen-
tiellement de volerdu bétail etde tuerquelques civils àproximitéde la
frontière. ))

Ces bandes existaient sousune formeou sousune autre depuis la chute du
gouvernement Somoza :dans sadéclarationsous serment, M. Edgar Cha-
morro mentionne les <anciens de la garde nationale qui se sont enfuis au
Honduras lors de lachute du gouvernement Somozaet qui, depuis,lancent
sporadiquement des raids contre les positions nicaraguayennes sur la
frontière D.D'aprèslemémoiredu Nicaragua,la CIA,audébut, s'estlivrée
à des activités militaireset paramilitaires contre le Nicaragua, peu aprèsla
conclusion présidentielle ))du 9 mars 1981, << par l'intermédiaire des
bandes armées existantes ; les opérationsconsistaient en << raids contre
des agglomérations civiles, des postes avancésde la milice locale et des

patrouilles armées o. Les armes utiliséesétaientcelles des anciens gardes
nationaux. Faute d'information à ce sujet, la Cour n'est pas en mesure
de se prononcer sur l'efficacité militaireque ces bandes pouvaient avoir
à l'époque ;mais le Gouvernement nicaraguayen admet en fait leur exis-
tence.
94. Dans sa déclaration sous serment, M. Chamorro affirme qu'une
opposition politique au Gouvernement nicaraguayenétait en outre active à
l'extérieurdu Nicaragua depuis la fin de 1979et qu'au mois d'août 1981
elle a fusionné avec une force d'opposition armée appeléela légiondu

15 septembre, laquelle avait elle-mêmeabsorbé les bandes d'opposition
arméeauparavant dispersées, ces fusionsayant étéorganiséespar la CIA.
C'est ainsi que la FDN aurait étéconstituée. L'autre grand groupe d'op-
position armée, I'ARDE, a étéfondé en 1982par Alfonso Robe10Callejas,
ancien membre de lajunte de 1979,et EdénPastora Gomez, commandant
militaire sandiniste, chefdu Front révolutionnaire sandiniste(FRS) quifut
ensuite vice-ministre du gouvernement sandiniste. Le Nicaragua n'a pas
prétendu que les Etats-Unis aient joué un rôle dans la formation de
I'ARDE. Mêmeen retenant les indications fournies par le demandeur, la

Cour est donc dans l'impossibilitéde conclure que les Etats-Unis ont créé
de toutes piècesuneoppositionarméeau Nicaragua.Toutefois,d'après des
articles parus dans la presse et citant des sources officielles proches du
Congrès des Etats-Unis, les effectifs de la force contraont spectaculaire-
ment augmentélorsqu'elle a commencé à disposer de l'assistance - finan-
cièreet autre - des Etats-Unis : de 500 hommes au départ, en décembre
1981(plus,d'après certaines informations, 1000indiens Miskito), elle est
passée à 1000en février1982,1500 enaoût 1982,4000en décembre 1982,
5500en février1983,8000 enjuin 1983et 12000 en novembre de la même55 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

assistance" was cut off in September 1984, the size of the force was
reported to be over 10,000men.

95. The financing by the United States of the aid to the contraswas
initially undisclosed, but subsequently became the subject of specific leg-
islative provisions and ultimately the stake in a conflict between the
legislative and executive organs of the United States. Initial activities in

198 1seem to have been financed out of the funds available to the CIA for
"covert" action ;according to subsequent press reports quoted by Nica-
ragua, $19.5 million was allocated to these activities. Subsequently, again
accordingto press sources,a further $19million wasapproved in late 1981
for the purpose of the CIA plan for military and paramilitary operations
authorized by National Security Decision Directive 17. The budgetary
arrangements for funding subsequent operations up to the end of 1983
have not been made clear, though a press report refers to the United States
Congress as having approved "about $20 million" for the fiscal year to
30 September 1983,and fromaReport of the Permanent SelectCommittee
on Intelligence of the House of Representatives (hereinafter called the
"Intelligence Committee") it appears that the covert programme was
funded by the Intelligence Authorization Act relating to that fiscal year,
and by the Defense Appropriations Act, which had been amended by the
House of Representatives so as to prohibit "assistance for the purpose of
overthrowing the Government of Nicaragua". In May 1983,this Commit-
tee approved a proposa1 to amend the Act in question so as to prohibit
United States support for military or paramilitary operations in Nicara-

gua. The proposa1 was designed to have substituted for these operations
the provision of open security assistance to any friendlyCentral American
country soastoprevent thetransfer of military equipmentfrom or through
Cuba or Nicaragua. This proposa1 was adopted by the House of Repre-
sentatives, but the Senate did not concur ; the executivein the meantime
presented a request for $45million for the operations in Nicaragua for the
fiscal year to 30 September 1984. Again conflicting decisions emerged
from the Senate and House of Representatives, but ultimately a compro-
misewasreached. InNovember 1983,legislationwasadopted, cominginto
force on 8 December 1983,containing the following provision :

"During fiscal year 1984,not more than $24,000,000of the funds
available to the Central Intelligence Agency, the Department of
Defense,or anyother agencyor entity of the United States involvedin
intelligenceactivities maybeobligated orexpendedfor the purpose or

45année.Au moment où, en septembre 1984, l'aide des Etats-Unis autre
qu'<(humanitaire ))a étésuppriméecommeon le verra plus loin, leseffec-
tifs de la force auraient dépassé10000 hommes.
95. La manièredont les Etats-Unis finançaient l'aide aux contrasétait
tenue secrète à l'origine, maiscefinancement devaitfaireensuite l'objetde
dispositions législativesexpresseset il est finalement devenu l'enjeu d'un
conflit entre les organes législatifset le pouvoir exécutifdes Etats-Unis.

Lespremièresactivitésentreprisesen 198 1 semblentavoir été subvention-
néespar lesfonds de laCIA destinés àl'action <(clandestine ));d'aprèsdes
comptes rendus de presse parus par la suite et cités par le Nicaragua,
19,5millions de dollars leur auraient étéainsi consacrés. Puis,toujours
selonlapresse,un nouveau créditde 19millionsde dollars aété approuvé à
la fin de 1981pour financer le plan de la CIA concernant des opérations
militaires et paramilitaires autorisées au titre de la National SecurityDeci-
sion Directive 17 (décisionno 17). Les modalités budgétairesdu finance-

ment des opérations ultérieures jusqu'àla fin de 1983n'ont pas étépré-
cisées,mais, d'après un article dejournal, leCongrèsdesEtats-Unis aurait
approuvél'ouverture d'uncréditde <(20millions de dollarsenviron ))pour
l'exercicefinancier prenant fin le 30septembre 1983,et, selon un rapport
du Permanent SelectCommittee on Intelligence (commission permanente
restreinte du renseignement) de la Chambre des représentants (ci-aprèsla
<(commission du renseignement ))),il semblerait que le programme d'ac-
tivitésclandestines ait étéfinancéau titre de l'Intelligence Authorization
Act (loi portant ouverture de créditspour les services de renseignements)

ainsi que du DefenseAppropriationsAct (loi sur les créditsde défense)du
même exercice,ce dernier ayant étéamendépar la Chambre des repré-
sentantspour interdire ((l'assistancedestinée à renverser leGouvernement
du Nicaragua o. En mai 1983,la commission a approuvé une proposition
tendant à modifier la loi en question, afin d'interdire toute aidedes Etats-
Unis à des opérations militaires ou paramilitaires au Nicaragua. La pro-
position visait à remplacer ces opérations par une aide à la sécuritéqui
serait ouvertement fournie à tout pays ami d'Amérique centrale, afin

d'empêcherl'acheminement de matériel militaireen provenance de Cuba
ou du Nicaragua ou ayant transitépar ces pays. Cette proposition a été
adoptéepar la Chambre desreprésentantsmais leSénatne l'apasapprou-
vée ; entre-temps, l'exécutifdemandait 45 millions de dollars de crédits
pour lesopérationsauNicaragua durant l'exercicefinancier prenant fin le
30 septembre 1984.A nouveau, le Sénat etla Chambre des représentants
ont décidéen senscontraire et c'est une formule de compromis qui a été
finalement retenue. Ennovembre 1983est adoptéun textedeloi,quidevait
entrer en vigueur le 8 décembre 1983,où l'on trouve la disposition sui-

vante :

<Au cours de l'exercice financier 1984, la Central Intelligence
Agency,ledépartementdeladéfenseettout autre organisme ouentité
des Etats-Unis se livrant à des activitésde renseignements ne pour-
ront engager ou dépenserplusde 24millions de dollars en tout sur les56 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITlES (JUDGMENT)

which would have the effect of supporting, directly or indirectly,
military or paramilitary operations in Nicaragua by any nation,

group, organization, movement, or individual." (Intelligence Autho-
rization Act 1984,Section 108.)

96. In March 1984,the United States Congress was asked for a sup-
plemental appropriation of $21 million "to continue certain activities of
the Central Intelligence Agency which the President has determined are
important to the national security of the United States", Le., for further
support for thecontras.The Senate approved the supplemental appropria-

tion, but the House of Representatives did not. In the Senate, two amend-
ments which wereproposed but not accepted were :to prohibit the funds
appropriated from being provided to any individual or group known to
have asone of itsintentions theviolent overthrow of any Central American
government ; and to prohibit the funds being used for acts of terrorism in
oragainstNicaragua. In June 1984,the Senate took upconsideration of the
executive's request for $28 million for the activities in Nicaragua for the
fiscalyear 1985.When the Senate and the House of Representatives again
reached conflicting decisions, acompromise provision wasincluded in the
Continuing Appropriations Act 1985(Section 8066). While in principle
prohibiting the use of funds during the fiscal year to 30 September
1985

"for the purpose or which would have the effect of supporting,
directly or indirectly, military or paramilitary operations in Nicara-
gua by any nation, group, organization, movement or individual",

the Act provided $14 million for that purpose if the President submitted a

report to Congress after 28 February 1985justifying such an appropria-
tion, and both Chambers of Congress voted affirmatively to approve it.
Such a report was submitted on 10April 1985 ;it defined United States
objectives toward Nicaragua in the following terms :

"United States policy toward Nicaragua since the Sandinistas'
ascent to power has consistently sought to achieve changes in Nica-
raguan government policy and behavior. We have not sought to
overthrow the Nicaraguan Government nor to force on Nicaragua a

specific system of government."

The changes sought were stated to be :
"- termination of al1formsof Nicaraguan support for insurgenciesor

subversion in neighboring countries ; créditsqui leur sont ouverts afin ou à l'effetde soutenir directement
ou indirectement des opérations militaires ou paramilitaires entre-
prises au Nicaragua par une nation, un groupe, une organisation, un
mouvement ou un individu quelconque. (IntelligenceAuthorization
Act de 1984,art. 108.)

96. En mars 1984,il est demandéau Congrèsdes Etats-Unis d'approu-
ver l'ouverture d'un crédit additionnel de 21 millions de dollars devant
permettre à la CIA de poursuivre certaines activitésdont le Présidenta
jugé qu'ellessont essentielles pour la sécuritédesEtats-Unis O,autrement
dit pour continuer à apporter un soutien aux contras. Le Sénatapprouve
l'ouverture de cecrédit additionnel, mais il n'estpas suivipar la Chambre
des représentants. Au Sénat,deux amendements avaient étéproposés et
rejetés :l'un visaià interdired'affecter lescréditsouvertsà un individu ou
à un groupe projetant notoirement de recourir à la violencepour renverser

un gouvernement d'Amériquecentrale ; l'autreà interdire l'utilisation de
cescrédits pourcommettre desactes de terrorisme au Nicaragua ou contre
lui. Enjuin 1984,leSénataborde l'examende lademande présidentiellede
28millionsdedollars,destinés à financer lesactivités menéesau Nicaragua
pendant l'exercicefinancier 1985. Le Sénatet la Chambre des représen-
tants ayant de nouveau adoptédes décisionscontradictoires, le Congrès
retient une formule de compromis reprise à l'article 8066 du Continuing
Appropriations Act (loi sur la reconduction des crédits) de 1985. Bien
qu'interdisant en principe de consacrer, au cours de l'exercice financier
finissant le 30 septembre 1985,les crédits à des activités

ayant pour objet ou pour effet d'appuyer directement ou indirec-
tement des opérationsmilitaires ou paramilitaires menées au Nica-
ragua par un pays, un groupe, une organisation, un mouvement ou un
individu quelconque )),

la loi ne réservaitpas moins à ces activitésun crédit de 14millions de
dollars, à la condition que le Président soumette au Congrès, après le
28 février1985,un rapport enjustifiant la nécessitée ,t les deux chambres
du Congrès ont l'une et l'autre votéen faveur de cette disposition. Le
10avril 1985 un rapport était effectivement présenté ; les objectifs des
Etats-Unis à l'égarddu Nicaragua y étaientexposésdans les termes sui-
vants :

(<La politique des Etats-Unis à l'égarddu Nicaragua depuis l'ar-
rivéeau pouvoir des sandinistes a constamment visé à amener le
Gouvernement nicaraguayen à changer de politique et de comporte-
ment. Nous n'avons pas cherché à renverser le Gouvernement nica-
raguayen ni à imposer au Nicaragua un systèmeparticulier de gou-
vernement. ))

Les changements souhaités étaient définis commesuit :
- qu'il soit mis finà toutes les formes de soutien apporté par le
Nicaragua à l'insurrection ou à la subversion dans les pays voi-
sins ; - reduction ofNicaragua's expanded military/security apparatus to
restore military balance in the region ;

- severance of Nicaragua's military and secunty ties to the Soviet
Blocand Cuba and the return to those countries of their military

and security advisers now in Nicaragua ; and

- implementation of Sandinistacommitment to theOrganization of
American States to political pluralism, human rights, free elec-
tions, non-alignment, and a mixed economy."

At the same time the President of the United States, in apress conference,
referred toan offer of a cease-firein Nicaragua made by the opponents of
the Nicaraguan Government on 1 March 1984, and pledged that the
$14 million appropriation, if approved, would not be used for arms or
munitions, but for "food, clothing and medicine and other support for
survival" during the period "while the cease-fireoffer is on the table". On
23 and 24 April 1985,the Senate voted for, and the House of Represen-
tatives against, the $14 million appropriation.

97. In June 1985,the United States Congress was asked to approve the
appropriation of $38 million to fund military or paramilitary activities
against Nicaragua dunng the fiscal years 1985and 1986(ending 30 Sep-
tember 1986).This appropriation was approved by the Senate on 7 June
1985.The House of Representatives, however, adopted a proposa1for an
appropriation of $27million, but solelyfor humanitarian assistance to the
contras, and administration of thefunds wasto be taken out of the hands of

the CIA and the Department of Defense. The relevant legislation, as
ultimately agreed by the Senate and House of Representatives after sub-
mission to a Conference Committee, provided
"_27,000,000for humanitarian assistanceto the Nicaraguan demo-
cratic resistance. Such assistance shall be provided in such depart-
ment or agency of the United States as the President shall designate,
except the Central Intelligence Agency or the Department of De-
fense .. .
As used in this subsection, the term 'humanitarian assistance'
means the provision of food, clothing, medicine, and other humani-
tarian assistance, and it does not include the provision of weapons,

weapons systems,ammunition, or other equipment, vehicles,or mate-
rial which can be used to inflict serious bodily harm or death."

The Joint Explanatory Statement of the Conference Committeenoted that
while the legislation adopted ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 57

- que soit réduit l'appareil militaireet de sécuritédu Nicaragua,
aujourd'hui élargi,de façon que l'équilibremilitaire soit rétabli
dans la région ;
- que le Nicaragua rompe lesliens établisavec lebloc soviétiqueet

avec Cuba sur le plan militaire et celui de la sécuritéet que
rentrent chez eux les conseillers de ces pays pour les questions
militaires et de sécurité qui sont actuellement au Nicaragua ;
et
- qu'il soit donné suite à l'engagement contracté par les sandi-
nistes devant l'organisation des Etats américains de pratiquer
le pluralisme politique, le respect des droits de l'homme, les élec-
tions libres, le non-alignement ainsi qu'un régime d'économie
mixte. ))

En mêmetemps, le président des Etats-Unis, lors d'une conférence de
presse, faisait étatd'une offre de cessez-le-feu au Nicaragua émanant des
opposants au Gouvernement nicaraguayen et datéedu ler mars 1984 ;il
s'engageait à ce que le créditde 14millions de dollars demandé,s'ilétait

approuvé,ne soit pas utilisépour desarmesou des munitions mais pour
des denrées alimentaires, des vêtements, des médicaments et autres
moyens de survie ))pendant tout le temps que la proposition de cessez-
le-feurestevalable ))Les23et 24avril 1985leSénatavotépour l'ouverture
du crédit de 14 millions de dollars, et la Chambre des représentants,
contre.
97. Enjuin 1985 un créditde 38 millions de dollars a étédemandé au
Congrès des Etats-Unis en vue de financer les activités militaireset para-
militaires contre leNicaragua pendant lesexercicesfinanciersseterminant

les 30 septembre 1985 et 1986. Le Sénat a approuvé cette allocation le
7juin 1985. La Chambre des représentants a en revanche votéen faveur
d'une proposition d'ouverture d'un créditde 27millions de dollars,destiné
uniquement à l'assistance humanitaire aux contras, la gestion des fonds
devant d'autre part êtreretirée à la CIAet audépartement de ladéfense.Le
texte finalement adoptéd'un commun accord par le Sénat etla Chambre
des représentants après examen par un comité conjoint prévoyait :

«27millions dedollarsd'assistance humanitaire à la résistancedémo-
cratique nicaraguayenne. L'assistance sera dispenséepar I'intermé-
diaire detout département ouagence des Etats-Unis que désignera le
Président, à l'exception de la Central Intelligence Agency et du
département de la défense ...
Au sensdes présentesdispositions, l'expression <(assistancehuma-
nitaire ))désignela fourniture de denrées alimentaires, de vêtements,

de médicamentset toute autre aide humanitaire, et exclut la fourni-
ture d'armes, de systèmes d'armes, de munitions ou autres équipe-
ments, véhiculesou matériels susceptiblesd'êtreutiliséspour infliger
des blessures graves ou causer la mort de personnes O.
Selon le communiqué commun du comitéconjoint, la législation adop-

tée : "does proscribe these two agencies [CIA and DOD] from adminis-
tering the fundsand fromprovidingany military training or advice to
thedemocratic resistance ...none of theprohibitions on theprovision
of military or paramilitary assistance to the democratic resistance
prevents the sharing of intelligence information with the democratic

resistance".
In the House of Representatives,it was stated that an assurance had been
given by the National Security Council and the White House that

"neither the [CIA] reserve for contingencies nor any other funds
available [would]be used for any material assistance other than that
authorized ...for humanitarian assistance for the Nicaraguan demo-
cratic resistance, unless authorized by a future act of Congress".

Finance for supporting the military and paramilitary activities of the
contras was thus available from the budget of the United States Govern-
ment from some time in 1981 until 30 September 1984 ; and finance
limited to "humanitarian assistance" has been available since that date
from the same source and remains authorized until 30 September 1986.
98. It further appears, particularlysince the restriction just mentioned
was imposed, that financial and other assistance has been supplied from
private sources in the United States, with the knowledge of the Govern-
ment. So far as this was earmarked for "humanitarian assistance", it was
actively encouraged by the United States President. According to press
reports, the StateDepartment made it known in September 1984that the

administration had decided "not to discourage" private American citizens
and foreign governments from supporting the contras. The Court notes
that thisstatement wasprompted byan incident whichindicated that some
private assistance of a rnilitary nature was being provided.

99. The Court finds at al1events that from 1981until30 September 1984
the United States Government was providing funds for military and
paramilitary activities by the contras in Nicaragua, and thereafter for
"humanitarian assistance". The most direct evidence of the specific pur-
poses to which it was intended that these funds should be put was Gven
by the oral testimony of a witness called by Nicaragua : Mr. David
MacMichael, formerly in theemployment of the CIA asaSenior Estimates
Officer with the Analytic Group of the National Intelligence Council. He
informed the Court that in 1981he participated in that capacity in dis-
cussion of a plan relating to Nicaragua, excerpts from which were subse-
quently published in the WashingtonPost, and he confirmed that, with the
exception of a detail (here omitted), these excerpts gave an accurate
account of the plan, the purposes of which they described as follows : ((écarteeffectivement cesdeux entités[laCIA etle département de la
défense]de l'administration des fonds et leur interdit de fournir une
formation ou des conseils militaires à la résistance démocratique ...
aucune des interdictions de fournir une assistance militaire ou para-
militaire à la résistance démocratique n'empêchede partager des
renseignements avec elle o.

Il a étéprécisédevant la Chambre des représentants que le National
Security Council (Conseil national de sécurité) etla Maison-Blanche
avaient donné l'assurance que :

((ni le fond de réserve[de la CIA] destiné à faire face aux situations
imprévuesni d'autres fondsexistants ne serviront àapporter une aide
matérielle endehors de celle qui a été autorisée ... des fins d'assis-
tance humanitaire à la résistancedémocratique au Nicaragua, sauf
autorisation future du Congrès r).

Ainsi, un financement destiné à soutenir les activités militaires et para-
militaires descontrasaété inscrit au budget desEtats-Unis depuis une date
situéeen 1981etjusqu'au 30septembre 1984 ;et un financement de même
source limité à 1'(assistance humanitaire est disponible depuis cette
dernière date et demeure autoriséjusqu'au 30 septembre 1986.
98. Il semble en outre que, depuis notamment l'imposition de cette

dernière restriction, ce soient des sources privéesdes Etats-Unisqui four-
nissent une aide, en particulierfinancière, au vu et au su du gouvernement
de ce pays. Dans la mesure où elle est destinée à 1'((assistance humani-
taire)>,cette aide est activement encouragéepar le président des Etats-
Unis. D'après des articles parus dans la presse, le département d'Etat
aurait fait savoir en septembre 1984que le gouvernement avait décidéde
G ne pas décourager les ressortissants américains agissant à titre privé,
ainsi que les gouvernementsétrangers, d'apporter leur appui aux contras.
La Cour note que cette prise de position a étéprovoquéepar un incident
témoignantde la fourniture d'une assistance privéede caractère militaire.
99. La Cour constate en tout état de cause que le Gouvernement des

Etats-Unis afinancé, à compterde 198 1etjusqu'au 30septembre 1984,les
activités militaires et paramilitaires descontras au Nicaragua, et leur a
fourni par la suite une assistance humanitaire o. C'est M. David Mac-
Michael, témoincité par le Nicaragua, ancien membre de la CIA et res-
ponsable des évaluations (Senior Estimates Officer) au groupe d'analyse
(Analysis Croup)du conseil national du renseignement (National Intelli-
gence Council), qui, dans sa déposition devant la Cour, a apporté les
indications les plus directes au sujet de l'usage précisauquel ces fonds
étaientdestinés. M. MacMichael a déclaréqu'en 1981 ilavait participé ès
qualités à l'examen d'un plan concernant le Nicaragua, dont des extraits
devaient êtrepubliésultérieurement par le WashingtonPost, et il a con-
firmé qu'à l'exception d'un détail (qui n'est pas repris ici) ces extraits

donnaient une idée exacte du plan, dont l'objectif était décrit en ces
termes : ((Selon les documents du conseil de sécurité nationale,les opéra-
tions secrètes prévuespar la proposition de la CIA doivent :
((Développer,en Amériquecentraleet au Nicaragua, un soutien
populaire pour un front d'opposition nationaliste, anti-Cuba et
anti-Somoza.
Soutenir le front d'opposition en formant et en entraînant des
équipesd'action afin de rassembler des renseignements et d'entre-

prendredesopérations paramilitaireset politiques au Nicaragua et
ailleurs.
Travailler, surtout par l'intermédiairede non-Américains )).
pour atteindre ces objectifs secrets ...

100. M. Chamorro, ancien dirigeant de la FDN a, quant à lui, apporté
dans sa déclaration sous serment des éléments d'information sur lama-
nièredont les fonds ainsi allouésont étéutilisésjusqu'al'automne 1984.
Sa déclaration contient de nombreux détails sur l'assistance fournie à la
FDN. La Cour ne possède pas d'informations directes comparables au
sujet du soutien apporté à I'ARDE, bienque selon la presse un tel soutien
ait pu êtredonné à divers moments. M.Chamorroindique qu'en 1981des
salaires réguliersétaient offertspar laCIA ad'anciens membresde lagarde
nationale en exil, et que les armes (fusils FAL, fusils d'assaut AK-47 et

mortiers), les munitions, le matérielet le ravitaillement provenaient de la
CIA. Lorsqu'il travaillait lui-même à plein temps pour la FDN, un trai-
tement lui étaitversé, ainsi qu'auxautres membres du directoire politique
de la FDN. Ily avait aussi un budget alimentépar lesfonds de laCIApour
les communications et l'aide aux réfugiés nicaraguayens ou aux familles
des combattants de la FDN, en plus d'un budget militaire et logistique,
lequel n'étaitpas considérable, étantdonné quetoutes les armes et muni-
tions et tout le matériel militaire,y compris les uniformes, les bottes et le
matérielradio, étaient achetés et livréspar la CIA.
101. D'aprèsM. Chamorro, l'entraînement étaitassuré à l'origine par
des officiers argentins rétribuéspar la CIA, qui furent remplacés progres-

sivement par des agents de cette dernière. Les troupes suivaient ainsi un
entraînement
pour la guérilla,le sabotage, lesdémolitionset l'utilisation d'armes
diverses, en particulier les fusils d'assaut, les mitrailleuses, les mor-
tiers,leslance-grenades et lesexplosifs,telsque lesmines Claymore ...
[et] aussi pour les communications en campagne, et la CIA nous

enseignait a nous servirde certains codesperfectionnés,que lesforces
du Gouvernement nicaraguayen ne pouvaient déchiffrer o.
La CIA communiquait par ailleurs à la FDN des renseignements, en
particulier sur les mouvements des troupes nicaraguayennes, obtenus par
l'interception des communications radiophoniques et téléphoniques,le
décryptage des codeset aussi grâce aux satellites et aux avions de surveil-

lance. M.Chamorro fait aussi état dela fourniture d'aéronefspar la CIA ;
d'aprèsla presse ilsemble qu'ilsesoit agid'avions assezlégersadaptésà laoperations. Helicopters with Nicaraguan crewsare reported to have taken
part in certain operations of the "UCLAs" (seeparagraph 86 above), but
there isnothing to showwhether thesebelonged to theconirasor werelent

by United States agencies.

102. It appears to be recognized by Nicaragua that, with the exception
of some of the operations listed in paragraph 81 above, operations on
Nicaraguan territory were carried out by the contras alone, al1 United
States trainers or advisers remaining on the other sideof the frontier, or in
international waters. It is however claimed byNicaragua that the United
StatesGovernment has devisedthe strategy and directed the tactics of the
contra force, and provided direct combat support for its military opera-
tions.
103. In support of the claim that the United States devised the strategy
and directedthe tacticsof thecontras,counselforNicaragua referred to the
successivestagesof the United States legislativeauthorization for funding
the contras (outlined in paragraphs 95 to 97 above), and observed that
every offensive by the contraswas preceded by a new infusion of funds
from the United States. From this,it is argued, the conclusion followsthat
the timingofeachof thoseoffensiveswasdeterrnined bytheUnited States.

In the sense that an offensivecould not be launched until the funds were
available, that may wellbe so ;but, in the Court'sview,it does not follow
that each provision of funds by the United States was made in order to set
in motion aparticular offensive,and that that offensivewas planned bythe
United States.
104. The evidence in support of the assertion that the United States
devised the strategy and directed the tactics of the contrasappears to the
Court to be as follows. There is considerable matenal in press reports of
statements by FDN officials indicating participation of CIA advisers in
planning and the discussion of strategy or tactics, confirmed by the affi-
davit of Mr. Chamorro. Mr. Chamorro attributes virtually a power of
command to the CIAoperatives :he refersto them ashaving "ordered" or
"instructed" the FDN to take various action. The specific instances of
influence of United States agents on strategy or tactics which he givesare
as follows :the CIA, he says, wasat the end of 1982"urging" the FDN to
launch an offensive designedto take and hold Nicaraguan territory. After
the failure of that offensive,the CIA told the FDN to moveits men back
into Nicaragua and keep fighting.The CIA in 1983gavea tactical directive
not to destroy farmsand crops, and in 1984gavea directiveto theopposite

effect. In 1983, the CIA again indicated that they wanted the FDN to
launch an offensive to seizeand hold Nicaraguan territory. In this respect,
attention should also be drawn to the statement of Mr. Chamorro (para-
graph 101above) that the CIA supplied the FDN with intelligence,par-
ticularlyasto Nicaraguan troop movements,and smallaircraft suitablefor
reconnaissance and a certain amount of supply-dropping. Emphasis has
been placed, by Mr. Chamorro, by Commander Carrion, and by counselreconnaissance et dans une certaine mesure au largage de ravitaillement,
mais non à des opérationsoffensives. On a signaléque des hélicoptères à
équipagenicaraguayen avaientpris part àcertaines opérationsdesUCLAs
(voir le paragraphe 86 ci-dessus), mais rien ne permet de dire s'ilsappar-
tenaient aux contrasou s'ils étaientprêtés par des services relevant des
Etats-Unis.
102. Le Nicaragua paraît concéder que,si l'on excepte celles qui sont

énuméréeasu paragraphe 81,lesopérationsen territoire nicaraguayen ont
étémenéespar les seuls contras,tous les instructeurs et les conseillers des
Etats-Unis se tenant de l'autre côté de la frontière ou dans les eaux
internationales. Il affirme cependant que leGouvernement des Etats-Unis
a mis au point la stratégieet dirigé latactique de la forcecontra et lui a
fourni un appui de combat direct dans ses opérations militaires.

103. Pour démontrer que les Etats-Unis ont mis au point la stratégieet
dirigéla tactique descontras,un conseil du Nicaragua a évoquélesétapes
successives (indiquées aux paragraphes 95 à 97 ci-dessus) des mesures

législativesprises auxEtats-Unis pour doter les contras de moyens finan-
ciers, et relevéque chaque offensive contraa étéprécédéd e'une nouvelle
attributiondefondspar lesEtats-Unis. Ilendécoulerait,d'aprèslui,que le
moment de chaque offensive a été choisi par les Etats-Unis. Cela peut être
vrai dans la mesure où, pour lancer une offensive, il fallait disposer de
fonds ; il ne s'ensuit cependant pas, de l'avis de la Cour, que chaque
ouverture de créditdesEtats-Unis était destinéeà déclencherune offensive
particulière ni que les Etats-Unis avaient préparécelle-ci.

104. Les élémentsétayant l'assertion suivant laquelle les Etats-Unis

auraient conçu la stratégieetdirigéla tactique desontras paraissent êtrea
la Cour les suivants. On trouve certes reproduites dans la presse de nom-
breuses déclarationsde cadres de la FDN témoignantd'une participation
des conseillers de la CIAà la planification eàla discussion de la stratégie
ou de la tactique, et ces déclarationssont confirméespar M. Chamorro.
M.Chamorro attribue pratiquement une autoritéde commandement aux
cadres de la CIA : selon lui ceux-ciauraient ordonné )ou <donnépour
instruction 1à la FDN d'entreprendre diversesactions. Lescasprécisdans
lesquelsles agentsdes Etats-Unis auraient eu d'aprèslui une influence sur
la stratégieet la tactique decontras sont les suivants: àla fin de 1982 la

CIA a poussé O la FDN à lancer une offensive en vue de conquérir et
d'occuper une partie du territoire nicaraguayen. Après l'échecde cette
offensive,laCIA a dit àla FDN de ramener seshommes au Nicaragua et de
poursuivre le combat. La CIA a donnéen 1983la directive tactique de ne
pas détruireles exploitations agricoles et les récoltes,et la directive oppo-
séeen 1984.En 1983,la CIA a de nouveau indiquéqu'ellesouhaitaitque la
FDN déclenche une offensivepour s'emparer d'une partie du territoire au
Nicaragua. Il convient, à cet égard, d'appeler aussi l'attention sur la
déclarationde M.Chamorro(paragraphe 101ci-dessus)suivant laquelle la
CIA communiquait à la FDN des renseignements, en particulier sur lesfor Nicaragua, on the impact on contra tactics of the availability of intel-

ligence assistance and, still more important, supply aircraft.

105. It has been contended by Nicaragua that in 1983a "new strategy"
for contra operations in and againstNicaragua was adopted at the highest
level of the United States Government. From the evidence offered in
support of this, it appears to the Court howeverthat there was,around this
time, a change in contra strategy, and a new policy by the United States
administration of more overt support for the contras, culrninating in the
express legislative authorization in the Department of Defense Appro-
priations Act, 1984,section 775,andthe IntelligenceAuthorization Act for
Fiscal Year 1984,section 108.The new contra strategy was said to be to
attack "economic targets like electrical plants and storage facilities" and
fighting in the cities.

106. In the light of the evidenceand material available to it, the Court is

not satisfied that al1the operations launched by the contra force, at every
stage of the conflict, reflected strategy and tactics wholly devised by the
United States. However, it is in the Court's view established that the
support of the United States authorities for the activities of the contras
took various forms over the years, such as logistic support, the supply of
information on the location and movements of the Sandinista troops, the
use of sophisticated methods of communication, the deployment of field
broadcasting networks, radar coverage,etc. TheCourt finds it clear that a
number of rnilitary and paramilitary operations by this force weredecided
and planned, ifnot actually by United States advisers, then at least inclose
collaboration with them, and on the basis of the intelligence and logistic
support which the United States was able to offer, particularly the supply
aircraft provided to the contras by the United States.

107. To sum up, despite the secrecy which surrounded it, at least ini-
tially, the financial support givenby the Government of the United States
to the military and paramilitary activities of the contras in Nicaragua is a

fully established fact. The legislative and executive bodies of the respon-
dent State have moreover, subsequent to the controversy which has been
sparked off in the United States,openly admitted the nature, volume and
frequency of this support. Indeed, they clearly take responsibility for it,
this government aid having now become the major element of United
States foreign policy in the region. As to the ways in which such financial
support has been translated into practical assistance, the Court has been
able to reach a general finding.
108. Despite the large quantity of documentary evidenceand testimony
which it has examined, the Court hasnot been able to satisfy itself that the
respondent State "created" the contra force in Nicaragua. It seemscertainmouvements des troupes nicaraguayennes, et mettait à sa disposition des
avions légersadaptés à la reconnaissance et dans une certaine mesure
au largage de ravitaillement. M. Chamorro, le commandant Carrion et
l'un des conseils du Nicaragua ont insisté sur I'influence qu'avaient les
renseignements fournis et les vols de ravitaillement sur la tactique des
confras.
105. Le Nicaragua a affirméqu'en 1983une nouvelle stratégie))pour
les opérations des contrasau Nicaragua et contre lui avait étéadoptéeau
niveau le plus élevédu Gouvernement des Etats-Unis. Selon la Cour il
paraît ressortir des indications fournies l'appui de cette assertion qu'un
changement de stratégiedescontrasest intervenu à cetteépoque et que le
Gouvernement des Etats-Unis a adopté une nouvelle politique d'appui

plus ostensible aux contras, se traduisant pour finir par l'ouverture de
créditsspéciauxdans le Department of Defense AppropriationsAct, 1984
(art. 775) etl'IntelligenceAuthorization Act pour l'exercicefinancier 1984
(art. 108). La nouvelle stratégiecontra devait consister à attaquer <des
cibles économiquestelles que descentrales électriques etdesdépôts et à
porter le combat dans les agglomérations.
106. Au vu des élémentsd'information dont elle dispose, la Cour n'est
pasconvaincue que l'ensembledesopérationslancéespar la force contra,à
chaque étape du conflit, obéissait à une stratégie età des tactiques qui
auraient toutes étéélaboréespar les Etats-Unis. De l'avisde la Cour il est
cependant établi que l'appui desautorités des Etats-Unis aux activitésdes
contras a pris, au fil des années, diverses formes telles que le soutien

logistique, la fourniture de renseignements sur les positions et les mouve-
ments des troupes sandinistes, l'emploi de moyens de communication
perfectionnés. l'utilisation de réseauxde transmission de campagne, la
couverture radar. Il paraît claià la Cour qu'un certain nombre d'opéra-
tions militaires et paramilitaires de cette force ont étédécidées etplani-
fiées, sinonpar les-conseillers des Etats-Unis, au moins en liaisonetroite
avec eux et sur la base de l'assistance en matière de renseignement et de
logistique que les Etats-Unis étaient en mesure d'offrir, en particulier en
mettant à la disposition des contrasdes avions de ravitaillement.
107. Pour résumer,endépitdu caractèresecretqu'ila revêtu,du moins à
son début,l'appui financier apportépar le Gouvernement des Etats-Unis

auxactivités militaires etparamilitaires desontrasest un faitparfaitement
établi.Lesorganes législatifset exécutifsde I'Etat défendeuront d'ailleurs
ouvertement reconnu, à la suite des polémiquesqui se sont engagéesaux
Etats-Unis, la nature, le volume et la fréquence de cet appui. Ils en
revendiquent mêmeclairement la responsabilité,cette aide gouvernemen-
tale étantdevenueaujourd'hui l'élément majeur de la politique extérieure
des Etats-Unis dans la région. La Cour a pu parvenir à une conclusion
généralesur les modalitésde la transformation de cet appui financier en
assistance pratique.
108. En dépitde la masse de moyens de preuve documentaire et testi-
moniale qu'elle a examinés, laCour n'est cependant pas parvenue à s'as-
surer que 1'Etatdéfendeur a<< créé )la force contraau Nicaragua. Il paraît62 MILITARY AND PARAMILlTARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

that members of theformer SomozaNational Guard, together withcivilian
opponents to the Sandinista régime,withdrewfrom Nicaragua soon after
that régimewas installed in Managua, and sought to continue their strug-

gleagainstit, evenif inadisorganized wayand with limited and ineffectual
resources, before the Respondent took advantage of the existence of these
opponentsand incorporated this factinto itspoliciesvis-à-visthe régimeof
the Applicant. Nor does the evidence warrant a finding that the United
States gave "direct and critical combat support", at least if that form of
words is taken to mean that this support was tantamount to direct inter-
vention by the United Statescombat forces, or that al1 contra operations
reflected strategy and tactics wholly devised by the United States. On the
other hand, the Court holds it established that the United States autho-
rities largely financed, trained, equipped, armed and organized the
FDN.
109. What the Court has to determine at thispoint iswhether or not the
relationship of the contras to the United States Government was so much
one ofdependence on the onesideand control on theother that itwould be

right to equate thecontras, for legalpurposes, with an organ of the United
States Government, oras acting on behalf of that Govemment. Here it is
relevant to note that in May 1983 the assessment of the Intelligence
Committee, in the Report referred to in paragraph 95 above, was that the
contras "constitute[d] an independent force" and that the "only element of
control that could be exercised by the United States" was "cessation of
aid". Paradoxically this assessment serves to underline, a contrario,the
potential for control inherent in the degree of the contras'dependence on
aid. Yet despite the heavysubsidies and other support provided to them by
the United States, there is no clear evidence of the United States having
actually exercisedsuch a degree of control in al1fields as tojustify treating
the contras as acting on its behalf.

110. So far as the potential control constituted by the possibility of

cessation of United States rnilitary aid is concerned, it may be noted that
after 1October 1984such aid wasno longerauthorized, though thesharing
of intelligence, and the provision of "humanitarian assistance" asdefined
in the above-cited legislation (paragraph 97)may continue. Yet, according
to Nicaragua's own case,and according to press reports, contra activity has
continued. In sum, the evidence available to the Court indicates that the
various forms of assistance provided to the contras by the United States
have been crucial to the pursuit of their activities, but is insufficient to
demonstrate their completedependence on United States aid.On theother
hand. it indicates that in the initial years of United States assistance the
contra force was sodependent. However, whether the United States Gov-
ernment at any stage devised the strategy and directed the tactics of the
contras depends on the extent to which the United States made use of the
potential for control inherent in that dependence. The Court already
indicated that ithas insufficient evidenceto reach afinding on thispoint. It
isafortiori unable to determine that the contra force may be equated forcertain que des membres de l'ancienne garde nationale de Somoza ainsi
que des opposants civils au régimesandiniste s'étaient repliéshors du
Nicaragua peu aprèsl'installation de cerégime à Managua et avaient tenté
decontinuer leur luttecontre lui, mêmesic'étaitde façon désorganisée et
avec des moyens limitéset inefficaces, avant que le défendeurne tire parti
de l'existence de ces opposants et n'intègrecette donnée à sa politique à
l'égarddu régimedu demandeur. Lesélémentsfont égalementdéfaut pour
conclure que les Etats-Unis ont fourni <(un appui direct et essentiel sur le

terrain O, du moins si cette expression devait signifier qu'un tel appui
équivalait à une intervention directe des unités combattantes des Etats-
Unis,ou que les opérationsdes contras traduisaient toutes une stratégieet
des tactiques entièrement élaboréespar les Etats-Unis. La Cour tient par
contre pour établi que les autorités des Etats-Unis ont dans une large
mesure financé,entraîné, équipé,arméet organisé la FDN.
109. La Cour doit déterminer si les liens entre lescontras et le Gouver-
nement des Etats-Unis étaient à telpoint marquéspar la dépendanced'une
part et l'autoritéde l'autre qu'il seraitjuridiquement fondéd'assimiler les

contras à un organe du Gouvernement des Etats-Unis ou de lesconsidérer
comme agissant au nom de ce gouvernement. Il y a lieu de noter ici
l'appréciation portéeen mai 1983 par la commission du renseignement
dans le rapport mentionnéau paragraphe 95ci-dessus quant au fait que les
contras constituent une force indépendante et que <(le seul élémentde
contrôle que les Etats-Unispourraient exercer »serait <l'interruption de
I'aideo. Paradoxalement, cette appréciation souligne a contrario les pos-
sibilitésde <contrôle qu'implique nécessairement la dépendance des
contras à l'égardde I'aideétrangére.Pourtant, malgréles subsides impor-

tants et lesautres formes d'assistance que leur fournissent les Etats-Unis, il
n'est pasclairement établi que ceux-ciexercent en fait sur lescontras dans
toutes leurs activités uneautorité telle qu'on puisse considérerles contras
comme agissant en leur nom.
110. Pour ce qui est du moyen de contrôle O que représenterait une
éventuelleinterruption de I'aide militaire des Etats-Unis, il convient de
noter qu'aprèsle leroctobre 1984cetteaide n'aplus été autorisée,bien que
la mise en commun des renseignements et la fournitured'une t(assistance

humanitaire ))au sens de la législation évoquée pluhsaut (paragraphe 97)
demeure possible. Pourtant, d'après le Nicaragua lui-même etd'après la
presse, l'activitédecontras s'est poursuivie.Tout comptefait, leséléments
dont la Cour dispose donnent à penser que lesdiversesformes d'assistance
accordéespar les Etats-Unisaux contras ontétéessentielles pour permettre
à ceux-ci de poursuivre leur activité, mais ne suffisentpaà démontrerleur
totale dépendance par rapport à I'aide des Etats-Unis. En revanche ils
indiqueraient quedans lespremièresannéesde l'assistance des Etats-Unis
une telle dépendance existait. Néanmoins, la question de savoir si. à un

moment quelconque, le Gouvernement des Etats-Unis a mis au point la
stratégie et dirigéles tactiques descontras est fonction de la mesure dans
laquelle les Etats-Unis ont usédes possibilités de contrôle qu'implique
cette dépendance. La Cour a déjà dit qu'elle ne dispose pas de preuves63 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

legal purposes with the forces of the United States. This conclusion,
however, does not of course suffice to resolve the entire question of the
responsibility incurred by the United States through its assistance to the
contras.

111. In the viewof the Court it isestablished that the contra forcehas, at
least at one period. been so dependent on the United States that it could
not conduct its crucial or rnost significant military and paramilitary activ-
itieswithout themulti-faceted support of the United States. Thisfinding is
fundarnental in the present case. Nevertheless, adequate direct proof that
al1or thegreat rnajority of contra activities during that period received this
supporthas not been, and indeed probably could not be, advanced inevery
respect. It will suffice the Court to stress that a degree of control by the
United StatesGovernment,as described above. is inherent in the position
in which the contra force finds itself in relation to that Government.

112. To show the existence of this control, the Applicant argued before

the Court that the political leaders of the contra force had been selected,
installed and paid by the United States ; italso argued that the purpose
herein was both to guarantee United Statescontrol over this force. and to
excite sympathyfor the Government's policy within Congress and among
the public in the United States. According to the affidavit of Mr. Cha-
morro. who wasdirectly concerned, when the FDN wasformed "the name
of theorganization, themembers of the politicaljunta, and themembers of
the general staff were al1chosen or approved by the CIA" ;later the CIA
asked that a particular person be made head of the political directorate of
the FDN, and this was done. However, the question of the selection,
installation and payment of the leaders of the contra force is merely one
aspect amongothers of the degreeof dependency of that force.Thispartial

dependency on the United Statesauthorities, theexact extent of which the
Court cannot establish, may certainly be inferred inter aliafrom the fact
that the leaders were selected by the United States. But it may also be
inferred from other factors, some of which have been examined by the
Court, such as the organization, training and equipping of the force, the
planning of operations, thechoosing of targets and theoperational support
provided.

113. The question of the degree of control of the contras by the United
States Government is relevant to the claim of Nicaragua attributing

responsibility to the United Statesfor activities of the contraswhereby the
United States has. it is alleged, violated an obligation of international law
not to kill, wound or kidnap citizens of Nicaragua. The activities in
question are said to represent a tactic which includes "the spreading of
terror and danger tonon-combatants asan end in itself with no attempt tosuffisantes pour parvenir à une conclusion à ce sujet. Il lui est à fortiori
impossible d'assimiler, juridiquement parlant, la force contra aux forces

des Etats-Unis. Cette constatation n'épuise cependant pas la question
de la responsabilité incombant aux Etats-Unis pour leur assistance aux
contras.
111. Selon la Cour ilest établi que la force contra a, au moins à une
certaine période, été tributaire des Etats-Unis au point de ne pouvoir
mener ses activitésmilitaires et paramilitaires lesplus crucialesou les plus

significatives sans l'appui multiforme de ces derniers. Cette conclusion est
fondamentale en l'espèce.Par contre la preuve directe de ce que toutes ses
activités,ou la plupart d'entre elles. aient pu à l'époquebénéficierde cet
appui n'a pas été suffisamment rapportée dans tous les cas et ne pouvait
d'ailleurs vraisemblablement pas l'2tre. Il suffira donc de souligner que la

force contra s'est trouvéeà l'égarddu Gouvernement des Etats-Unis dans
une situation qui implique l'exercice par ce gouvernement du contrôle
décrit ci-dessus.
112. Pour démontrer l'existence de ce contrôle, le demandeur a, entre
autres. soutenu devant la Cour que les dirigeants politiques de la force

contru étaient sélectionnés, installéset rétribuéspar les Etats-Unis : ila
mêmeajouté que c'étaità la fois pour garantir le contrôle des Etats-Unis
sur cette force et susciter une attitude favorable à la politique du gouver-
nement au sein du Congrès et dans le public aux Etats-Unis. D'après la
déclaration sous serment de M. Chamorro - qui a étédirectement mêlé à
ces événements - au moment où la FDN a été constituée <(le nom de

I'organisation, la composition de lajunte politique et celle de l'état-major
avaient étéchoisis ou approuvéspar la CIA ; plus tard la CIA a demandé
qu'une certaine personne soit placéeà la têtedu directorat politique de la
FDN, ce qui fut fait.Toutefois la question de la sélection,de l'installation
et de la rétribution des dirigeants de la force contru n'est qu'un aspect

parmi d'autres du degréde dépendance de cette force. Cette dépendance
partielle à l'égarddes autorités des Etats-Unis, dont la Cour ne saurait
etablir le degré exact. peut certes se déduire notamment (mais non pas
exclusivement) du phénomène de sélection des dirigeants par les Etats-
Unis. Mais elle peut aussi se déduire d'autres éléments,dont certainsont

été examinéspar la Cour, tels que l'organisation, l'entraînement, I'équi-
pement de la force. la planification desopérations, lechoix des objectifs et
le soutien opérationnel fourni.

113. La question du degréde contrôle exercépar le Gouvernement des
Etats-Unis sur les contras se rattache à la thèsedu Nicaragua attribuant à
cegouvernement la responsabilité des activitésdes contras. Les Etats-Unis
auraient violéde ce fait une obligation de droitinternational de ne pas tuer.
blesser ou enlever des citoyens du Nicaragua. Les activités en question

correspondraient selon le Nicaragua àl'application de tactiques consistant
notamment à répandre la terreur et le dangerparmi les non-combattantsobserve humanitarian standards and no reference to the concept of mili-
tary necessity". In support of this, Nicaragua has catalogued numerous
incidents, attributed to "CIA-trained mercenaries" or "mercenary forces",
of kidnapping, assassination,torture, rape, killingof prisoners, and killing
of civilians not dictated by military necessity. The declaration of Com-
mander Carrion annexed to the Memorial lists the first such incident in
December 1981,and continues up to the end of 1984.Twoof the witnesses
called by Nicaragua (Father Loison and Mr. Glennon) gaveoral evidence
as to events of this kind. Bywayof examples of evidenceto provide "direct

proof of the tactics adopted by the contras under United States guidance
and control", the Memorial of Nicaragua offers a statement, reported in
the press, by the ex-FDN leader Mr. Edgar Chamorro, repeated in the
latter's affidavit, of assassinations in Nicaraguan villages ; the alleged
existence of a classified Defence Intelligence Agency report of July 1982,
reported in the New York Times on 21 October 1984,disclosing that the
contras were carrying out assassinations ;and the preparation by the CIA
in 1983of a manual ofpsychological warfare. At the hearings, reliance was
also placed on the affidavit of Mr. Chamorro.

114. In this respect, the Court notes that according to Nicaragua, the
contras are no more than bands of mercenaries which have been recruited,
organized,paid and commanded by the Government of the United States.
This would mean that they have no real autonomy in relation to that
Government. Consequently, any offences which they have committed
would be imputable to the Government of the United States, like those of
any other forces placed under the latter's command. In the view of Nica-

ragua, "strictosensu, the military and paramilitary attacks launched by the
United States against Nicaragua do not constitute a case of civil strife.
They are essentially the acts of the United States." If such a finding of the
imputability of theacts of thecontras to the United States wereto be made,
no question would arise of mere complicity in those acts, or of incitement
of the contras to commit them.
115. The Court has taken the view(paragraph 110above) that United
States participation, even if preponderant or decisive, in the financing,
organizing, training, supplying and equipping of the contras, the selection
of its military or paramilitary targets, and the planning of the whole of its
operation, is still insufficient in itself, on the basis of the evidence in the
possession of the Court, forthe purpose of attributing to the United States
the acts committed by the contras in the course of their military or
paramilitary operations in Nicaragua. Al1 the forms of United States
participation mentioned above, and even the general control by the res-
pondent State over a force with a high degree of dependency on it, would
not in themselves mean, without further evidence, that the United States
directed or enforced the perpetration of the actscontrary to human rights
and humanitarian law alleged by the applicant State. Such acts could well

becommitted by members of the contras without thecontrol of the Unitedcomme une fin en soi,sans essayer de respecter des critèreshumanitaires et
sans qu'intervienne la notion de nécessitémilitaire ))A l'appui de ces
affirmations. leNicaragua citede nombreuxcasd'assassinat, de torture, de
viol. d'exécutionde prisonniers et de meurtre de civils sans aucune néces-
sitémilitaire qu'il attribue aux (mercenaires forméspar la CIA ))ou aux
«forces mercenaires )).D'après la déclaration du commandant Carrion

annexée au mémoire les premiers incidents de ce genre remontent à
décembre 1981 et se sont poursuivis jusqu'à la fin de 1984. Deux des
personnes citéespar le Nicaragua, le père Loison et M. Glennon, ont
témoigné d'événemend tse cegenre.A titre d'exemples destinés à apporter
lapreuve directedes tactiquesqu'adoptent les contras sous ladirection et
lecontrôle des Etats-Unis ))leNicaragua cite dans son mémoire lespropos
de M. Edgar Chamorro, ancien dirigeant de la FDN, propos répétéd sans
sa déclaration sous serment et repris par la presse, au sujet des assassinats
commis dans des villages nicaraguayens ;l'existence d'un rapport confi-

dentiel de la Defence Intelligence Agency dejuillet 1982dont a fait étatle
New York Times du 21octobre 1984,où l'onpouvait lire que les contras se
livraientà des assassinats ;etla rédaction par la CIA en 1983d'un manuel
de guerre psychologique. La déclaration sous serment de M. Chamorro a
aussi étéinvoquée à l'audience.
114. A cet égard,la Cour note que, d'après le Nicaragua, les contrasne
seraient que des bandes de mercenaires recrutées, organisées, payées et
commandéespar le Gouvernement des Etats-Unis. Elles n'auraient donc

pas de réelleautonomiepar rapport à ce gouvernement. En conséquence,
les infractions qu'ellesauraient commises seraient imputables au Gouver-
nement des Etats-Unis, comme celles de toutes autres forces placéessous
l'autoritéde ce dernier. D'après le Nicaragua, ((à strictement parler, les
attaques militaires et paramilitaires déclenchées parles Etats-Uniscontre
le Nicaragua ne constituent pas un cas de lutte civile,ce sont essentielle-
ment des actes des Etats-Unis )>.Si une telle imputabilité aux Etats-Unis
devait êtreretenue, alors ne se poserait aucune-question de simple com-
plicitépour ces actes, ni d'incitation à les faire commettre.

115. La Cour a estimé(paragraphe 110ci-dessus) que, mêmeprépon-
dérante ou décisive, laparticipation des Etats-Unis à l'organisation, à la
formation, à l'équipement,au financement et à l'approvisionnement des
contras, àla sélectionde leurs objectifs militaires ou paramilitaires età la
planification de toutes leurs opérations demeure insuffisante en elle-
même,d'après les informations dont la Cour dispose, pour que puissent
êtreattribuésaux Etats-Unis les actes commis par les contras au cours de
leurs opérations militaires ou paramilitaires au Nicaragua. Toutes les

modalités de participation des Etats-Unis qui viennent d'être mention-
nées,et mêmleecontrôle général exercé par euxsurune forceextrêmement
dépendante àleur égard,ne signifieraient pas par eux-mêmes,sans preuve
complémentaire.que les Etats-Unis aient ordonnéou imposéla perpétra-
tion des actes contraires aux droits de l'homme et au droit humanitaire
allégués par 1'Etatdemandeur. Ces actesauraient fort bien pu êtrecommisStates. For this conduct to give rise to legal responsibility of the United
States, it would in principle have to be proved that that State had effective

control of the military or paramilitary operations in thecourse ofwhich the
alleged violations were committed.

116. The Court does not consider that the assistance given by the
United States to the contras warrants the conclusion that these forces are
subject to the United States to such an extent that any acts they have
committed are imputable to that State. It takes the view that the contras
remain responsible for their acts, and that the United States is not respon-
siblefor the acts of thcontras, but for its own conduct vis-à-visNicaragua,
including conduct related to the acts of the contras.What the Court has to
investigate is not the cornplaints relating to alleged violations of humani-
tarian law by the contras, regarded by Nicaragua as imputable to the
United States, but rather unlawful actsfor which the United States may be
responsible directly in connection with the activities of the contras. The
lawfulness or otherwise of such acts of the United States is a question

differentfrom the violations of humanitarian lawof which the contras may
or may not have been guilty. Itis for this reason that the Court does not
have todetermine whether the violations of humanitarian lawattributed to
the contras were in fact committed by them. At the same tirne, thequestion
whether the United States Government was, or must have been, aware at
the relevant time that allegations of breaches of humanitarian law were
being made against the contras is relevant to an assessment of the lawful-
nessof theaction of the United States.In this respect, the material factsare
primarily those connected with the issue in 1983of a manual of psycho-
logical operations.
117. Nicaragua has in fact produced in evidence before the Court two
publications which it claims were prepared by the CIA and supplied to the
contras in 1983. The first of these, in Spanish, is entitled "Operaciones
sicolbgicas enguerra de guerrillas" (Psychological Operations in Guerrilla

Warfare), by 'Tayacan" ; thecertifiedcopy supplied to the Court carries no
publisher's name or date. In its Preface, the publication is described as

"a manual for the training of guerrillas in psychological operations,
and its application to the concrete case of the Christian and demo-
cratic crusade being waged in Nicaragua by the Freedom Com-
mandos".

The second is entitled the Freedom Fighter's Manual, with the subtitle
"Practical guide to liberating Nicaragua frorn oppression and misery by
paralyzing the military-industrial complex of the traitorous marxist state
without having to use special tools and with minimal risk for the comba-
tant". The text is printed in English and Spanish, and illustrated with
simple drawings : itconsists of guidance for elementary sabotage tech-
niques. The only indications available to the Court of its authorship are

reports in theNew York Times, quoting a United States Congressman andpar des membres de la force contra en dehors du contrôle des Etats-Unis.

Pour que la responsabilitéjuridique de ces derniers soit engagée, ildevrait
en principe êtreétabli qu'ils avaient le contrôle effectif des opérations
militaires ou paramilitaires au cours desquelles lesviolations en question se
seraient produites.
116. La Cour ne considère pas que l'assistance fournie par les Etats-
Unis aux cotitrus l'autorise à conclure que ces forces sont à tel point

soumises aux Etats-Unis que les actes qu'elles pourraient avoir commis
seraient imputables à cet Etat. Elle estime que les contras demeurent
responsables de leurs actes et que les Etats-Unis n'ont pas à répondre de
ceux-ci mais de leur conduite àl'égarddu Nicaragua. ycompris cellequi est
liéeaux actes en question. Ceque la Cour doit examiner, ce ne sont pas les

griefs relatifsauxviolations dudroit humanitairequ'auraient commises les
contras et que le Nicaragua considère comme imputables aux Etats-Unis.
mais plutôt les actes illicites dont ces derniers pourraient êtredirectement
responsables en relation avec lesactivitésdes contras. La licéité ouI'illicéité
de tels actes des Etats-Unis est une question distincte de celle desviolations

du droit humanitaire dont les contras se seraient éventuellement rendus
coupables. Aussi la Cour n'a-t-elle pas à établirs'ilsont en fait commis les
violations du droit humanitaire qui leur sont attribuées. Cependant la
question de savoir si. au moment considéré.le Gouvernement des Etats-
Unis avait ou devait avoir connaissance des allégations de violations du

droit humanitaire formuléescontre les contras intervient dans I'apprécia-
tion de la licéitédu comportement des Etats-Unis. Les faits à retenir àcet
égard sont en premier lieu ceux qui ont trait à la mise en circulation du
manuel d'opérations psychologiques en 1983.

117. Le Nicaragua a en réalitésoumis à la Cour deux publications qui,
selon lui. seraient l'Œuvrede la CIA et auraient étéremises aux contras en
1983. La première s'intitule en espagnol Operacionessicolbgicasen guerra
deguerrillas (<(Opérations psychologiques dans la lutte de guérilla O).dont
l'auteur serait un certain (Tayacan O ;la copie certifiéecommuniquée àla
Cour ne porte ni date ni nom d'éditeur. La préfacede cette publication la

présente comme
(<un manuel pour la préparation des guérilleros aux opérations psy-

chologiques et à son application dans le cas concret de la croisade
chrétienne et démocratique à laquelle se livrent au Nicaragua les
commandos de la liberté D.

La seconde publication est intitulée Manuel du combattant de la libertéet
porte le sous-titre Guide pratique devant permettre de libérer le Nica-
ragua de l'oppression et de la misère en paralysant le complexe militaro-
industriel de 1'Etat marxiste félon, sans équipements spéciaux et au
moindre risque pour le combattant ))Le texte est imprimé en anglais et

en espagnol et est illustrépar des croquis sommaires : il constitue une ini-
tiation aux techniques élémentairesde sabotage. Les seules indications que
possède la Cour au sujet des auteurs de cet ouvrage sontdes articles du New66 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

Mr. Edgar Chamorro as attributing the book to the CIA. Since the evi-
dznce linking the FreedomFighter'sManual to the CIA is no more than
newspaper reports the Court willnot treat its publication as an act impu-
table to the United States Government for the purposes of the present

case.

118. The Court will therefore concentrate its attention on the other
manual, that on "Psychological Operations". That this latter manual was
prepared by the CIA appears to be clearly established : a report published
in January 1985by the Intelligence Committee contains a specific state-
ment to that effect. It appearsfrom thisreport that the manual wasprinted
in several editions ; only one has been produced and it is of that text that
the Court will take account. The manual is devoted to techniques for
winning the minds of the population, defined as including the guerrilla
troops, theenemy troops and the civilianpopulation. Ingeneral, suchparts
of the manual as are devoted to military rather than political and ideo-
logicalmattersare not in conflict withgeneralhumanitarian law ;but there
are marked exceptions. A section on "Implicit and Explicit Terror", while
emphasizing that "the guerrillas should be careful not to become an
explicit terror, because this would result in a lossof popular support", and
stressing the need for good conduct toward the population, also includes
directions to destroy military or police installations, cut lines of commu-

nication, kidnap officials of the Sandinista government, etc. Reference is
made to the possibility that "it should be necessary ... to fire on a citizen
who was trying to leave the town", to be justified by the risk of his
informing theenemy. Furthermore, asectionon "SelectiveUseof Violence
for Propagandistic Effects" begins with the words :
"It is possible to neutralize carefully selected and planned targets,
such as courtjudges, mestajudges, police and State Security officials,
CDS chiefs, etc. For psychological purposes it is necessary to take
extremeprecautions, and itis absolutely necessary togather together

the population affected, so that they will be present, take part in the
act, and formulate accusations against the oppressor."

In a later section on "Control of mass concentrations and meetings", the
following guidance is given (inter alia):

"If possible, professional criminals will be hired to carry out spe-
cific selective 'jobs'.

Specifictasks willbe assigned to others, in order tocreatea'martyr'
for the cause, taking the demonstrators to a confrontation with the
authorities, in order to bring about uprisings or shootings, whichwill
cause the death of one or more persons, who would become the
martyrs, a situation that should be made use of immediately against
the régime, inorder to create greater conflicts." York Times d'aprèslesquels un parlementaire des Etats-Unis et M. Edgar
Chamorro en auraient attribué la paternité à la CIA. N'ayant d'autre
preuve du lien entre le Munueldu cornbattut~rde lu liberté et la CIA que des
articles parus dans la presse, la Cour n'est pas en mesure de retenir sa
publication comme un fait qui serait imputable au Gouvernement des
Etats-Unis aux fins de la présente affaire.
118. LaCour s'attachera donc à l'autre manuel. relatif aux opérations
psychologiques )).11est clair que celui-ciest l'Œuvrede la CIA :un rapport

de la commission du renseignement paru enjanvier 1985le dit expressé-
ment. Il ressort de ce rapport qu'ilyaeu plusieurs éditionsdu manuel ;une
seule a été présentéeet c'est son texte que la Cour prendra en considéra-
tion. Le manuel est consacré aux techniques destinées à se gagner la
population. celle-ci étant définiecomme comprenant les guérilleros, les
troupes ennemies et la population civile. Les passages du manuel relatifs
aux aspects militaires plutôt que politiques ou idéologiquesne sont pas
généralementcontraires au droit humanitaire, mais il existe de notables

exceptions. Une section sur la terreur implicite et explicite ))souligne
certes que lesguérillerosdoivent veiller a ne pas devenir une incarnation
de la terreur. parce qu'il enrésulterait uneperte de soutien populaire et
insiste sur la nécessitéde bien seconduire envers la population, mais elle
contient aussi des instructions sur la manière de détruireles installations
militaires ou de police, d'interrompre les communications, d'enlever des
représentants du gouvernement sandiniste, etc. On y envisage la nécessité
de tirer sur un citadin essayant de quitter la villeD,actequi seraitjustifié
par le fait qu'il risquerait d'informer l'ennemi. Une section sur <<l'emploi

sélectifde la violence a des fins de propagande ))commence en outrepar
ces mots :
<(On peut neutraliser des objectifs soigneusement triés selon un
plan bien préparé,par exemple desjuges des tribunaux, desjuges de

mesta, desfonctionnaires de la police et de la sûreté,des chefsde CDS,
etc. Pour des raisons psychologiques il convient de prendre de très
grandes précautions, et il est indispensable de rassembler la popula-
tion intéresséepour qu'elle soit présente, prenne part à l'action et
formule des accusations contre l'oppresseur. r)

Plus loin. une section sur le contrôle des mouvements de masse et des
réunionspubliques ))renferme en particulier l'avis suivant :

<<Si possible, des criminels professionnels seront recrutés pour se
charger de contrats ))précis.

Des tâches bien définies seront confiées à d'autres. en vue de
donner à lacause sesmartyrs, en faisant s'affronter lesmanifestantset

lesautorités.de manière à provoquer desémeutesou des échangesde
coups de feu, causant ainsi la mort d'une ou de plusieurs personnes,
lesquelles deviendront des martyrs - situation qui doit êtreexploitée
immédiatement contre le régimeafin d'étendreles conflits. )) 119. According to the affidavit of Mr.Chamorro, about 2,000copies of
the manual were distributed to members of the FDN, but in those copies
Mr. Chamorro had arrangedforthe pages containing the last two passages
quoted above tobe torn outand replaced by expurgated pages. According
to some press reports, another edition of 3,000copies was printed (though

according to one report Mr. Chamorro said that he knew of no other
edition), of which however only some 100are said to have reached Nica-
ragua,attached to balloons. He was quoted in a press report as saying that
the manual was used to train "dozens of guerrilla leaders" for some six
months from December 1983to May 1984.In another report he is quoted
as saying that "people did not read it" and that most of the copies were
used in a special course on psychological warfare for middle-level com-
mander~. In his affidavit, Mr. Chamorro reports that the attitude of some
unit commanders, incontrast to that recommended in the manual, was that
"the best way towin the loyalty of the civilian population was to intirnidate
it" - by murders, mutilations, etc. - "and make it fearful of us".

120. A question examined by the Intelligence Committee was whether
the preparation of the manual was a contravention of United States legis-
lation and executive orders ; inter aliit examined whether the advice on
"neutralizing" local officials contravened Executive Order 12333. This
Executive Order, re-enacting earlier directives, was issued by President
Reagan in December 1981 ;it provides that

"2.11. No person employed by or acting on behalf of the United
States Government shall engage in or conspire to engage in, assassi-
nation.
2.12. No agency of the Intelligence Community shall participate in
or request any person to undertake activities forbidden by this
Order." (US Code, Congressionaland Administrative News, 97th Con-
gress, First Session, 1981, p. B.114.)

The manual was written, according to press reports, by "a low-levelcon-
tract employee" of the CIA ; the Report of the Intelligence Committee
concluded :

"The Committee believes that the manual has caused embarrass-
ment to the United States and should never have been released in any
of its various forms. Specific actions it describes are repugnant to
American values.

The original purpose of the manual was to provide training to
moderate FDN behavior in the field. Yet, the Committee believes
that the manual was written, edited, distributed and used without
adequate supervision. No one but its author paid much attention 119. D'après ladéclaration sous serment de M. Chamorro, quelque
deux mille exemplaires du manuel ont étédistribués aux membres de la
FDN, mais M. Chamorro avait auparavant fait supprimer les pages ou
figuraient les deux derniers passages précitéspour les remplacer par des
pages expurgées.D'aprèscertains articles parus dans la presse, il y aurait
eu un autre tirage àtrois milleexemplaires (encoreque,d'après l'unde ces
articles. M. Chamorro ait affirmé n'avoir connaissance d'aucune autre

édition).dont, cependant, une centaineseulement, accrochés à des ballons,
seraient parvenus nu Nicaragua. Selon un article M. Chamorro aurait
expliquéque le manuel avait servi à former (ides douzaines de chefs de la
guérilla pendant six mois environ, de décembre 1983 à mai 1984,mais
d'aprèsun autre article il aurait dit que l'onn'a paslu le texte et que la
plupart des exemplaires avaient été utilisésdans un cours spécialde guerre
psychologique destinéaux échelonsintermédiaires. Dans sa déclaration

sous serment, M. Chamorro signale que l'attitude de certains comman-
dants d'unités,tranchant sur celle que préconisaitle manuel, étaitque <(le
meilleur moyen de s'assurer la loyautéde la population civile consistait a
l'intimider ))- par des meurtres, des mutilations, etc. - età nous faire
craindre d'elle ».
120. Une desquestions examinéespar la commission du renseignement
était de savoir si la rédaction du manuel contrevenait aux textes légis-
latifs et réglementaires des Etats-Unis ; la commission s'est notamment
demandé si le conseil de <(neutraliser des fonctionnaires locaux était

contraire à 1'Executive Order 12333. Cette ordonnance, qui renouvelait
des directives antérieures, avait étéadoptée par le président Reagan en
décembre 1981 ; il y étaitprévuque

(i2.11. Aucune personne employée par le Gouvernement des
Etats-Unis ou agissant en son nom necommettra d'assassinats ni nese
concertera avec d'autres pour en préparer.
2.12. Aucun service de renseignements ne participera à des activi-
tésinterdites par la présente ordonnance ni ne demandera à qui-
conque de se livrer à de telles activités.))(U.S. Code, Congressional

andAdministrative News, 97th Congress,First Session, 1981,p. B.114.)

Selonlapresse lemanuel étaitl'Œuvred'« un contractuel subalterne de la
CIA ;la commission du renseignement a conclu dans son rapport :

(iLa commission croit que le manuel a étéune cause d'embar-
ras pour les Etats-Unis et qu'il n'aurait jamais dû voir le jour, sous
aucune des diverses formes qui lui ont étédonnées. Les comporte-
ments précis qu'ildécrit sont radicalement contraires aux valeurs
américaines.
A l'origine, cemanuel avaitpour but dedonner à la FDN des règles
deconduite modéréessur le terrain. Mais lacommission estime que la
rédaction,l'édition, ladistribution et l'usagedu manuel n'ont pasfait

l'objet d'un contrôle suffisant. Personne, hormis son auteur, n'y a68 MILITARY AND PARAMILlTARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

to the manual. Most CIA officials learned about it from news ac-
counts.
The Committee wastold that CIA officersshouldhave reviewedthe
manual and did not. The Committee was told that al1CIA officers
should have known about the Executive Order's ban on assassination
... but some did not. The entire publication and distribution of the
manual was marked within the Agency by confusion about who had
authority and responsibility for the manual. The incident of the
manual illustrates once again to a majority of the Committeethat the
CIA did not have adequate command and control of the entire

Nicaraguan covert action .. .

CIA officials up the chain of command either never read the man-
ual or were never made aware of it. Negligence, not intent to violate
the law, marked the manual's history.

The Committee concluded that there was no intentional violation
of Executive Order 12333."

When the existence of the manual became known at the levelof theUnited
States Congress, according to one press report, "the CIA urged rebels to
ignore al1its recommendations and began trying to recall copies of the
document".
121. When the Intelligence Committee investigated the publication of
the psychological operations manual, the question of the behaviour of the
contras in Nicaragua became of considerablepublic interest in the United
States, and the subject of numerous press reports. Attention was thus
drawn to allegations of terrorist behaviour or atrocities said to have been
committed against civilians, which were Iater the subject of reports by

various investigating teams, copies of which have been supplied to the
Court byNicaragua. According tothe press, CIA officials presented to the
Intelligence Committee in 1984evidence of such activity, and stated that
this was the reason why the manual was prepared, it being intended to
"moderate the rebels'behaviour". This report is confirmed by the finding
of the Intelligence Committee that "The original purpose of the manual
was to provide training to moderate FDN behaviour in the field". At the
time the manual was prepared, those responsible were aware of, at the
least. allegations of behaviour by the contras inconsistent with humani-
tarian law.

122. The Court concludes that in 1983an agency of the United States
Government supplied to the FDN a manual on psychological guerrilla
warfare which, while expressly discouraging indiscriminate violence
against civilians, considered the possible necessity of shooting civilians
whowereattemptingto leavea town ;and advised the "neutralization" for
propaganda purposes of localjudges, officials or notables after the sem- prêté grande attention.La plupart des fonctionnaires de la CIA ont
appris son existence par les médias.
La commission s'estentendu dire que les fonctionnaires de la CIA
qui auraient dû examiner le manuel en question ne l'avaient pas fait.
De même,tous les fonctionnaires de la CIA auraient dû connaître
l'ordonnance interdisant l'assassinat ... or certains d'entre eux ne la
connaissaient pas. Personne à la CIA ne semblait savoir à qui exac-
tement incombaient les responsabilités liées à la publication et à la

distribution de ce manuel. Aux yeux de la plupart des membres de la
commission, cet incident démontre une fois de plus que la CIA ne
maîtrisait ni ne contrôlait pas suffisamment l'ensemble des activités
secrètes menéesau Nicaragua ...
Lesfonctionnaires de la CIA, quel que soit leur grade, n'ont jamais
lu le manuel et n'avaient pas été informéd se son existence. L'histoire
du manuel est essentiellement un cas de négligence,et non pas une
tentative d'acte illégal.
La commission estime qu'il n'y a pas eu intention délibérée d'en-

freindre I'ordonnance 12333. ))

Quand l'existence du manuel a étéconnue du Congrès des Etats-Unis,
d'après un article de journal <(la CIA a insistéauprès des rebelles pour
qu'ils ne tiennent aucun compte de ce qui y était recommandéet a com-
mencé à essayer de récupérerdes exemplaires du document D.
121. Au moment ou la commission du renseignement a enquêté surla
publication du manuel d'opérations psychologiques, la question du com-

portement des contras au Nicaragua a causé un émoi considérabledans
l'opinion publique aux Etats-Unis et la presse lui aconsacréde nombreux
articles. L'attention s'estainsi portéesurdes allégationsde comportement
terroriste ou d'atrocitésqui auraient été commisescontre des civils et qui
ont fait par la suite l'objet de rapports de diverses commissions d'enquête
dont le Nicaragua a soumis des exemplaires à la Cour. Selon la presse, des
agents de la CIA ont présentéen 1984 à la commission du renseignement
des informations à ce sujet, en précisant que le manuel avait précisément
étérédigépour cette raison et dans le souci de modérerla conduite des

rebelles o.Une confirmation est apportée à ce sujet par la conclusion de la
commission du renseignement suivant laquelle (<à l'origine ce manuel
avait pour but d'enseigner à la FDN des règlesde conduite modéréessur le
terrain ))Au moment où le manuel a étérédigé,ceux qui en avaient la
responsabilité n'ignoraient pas qu'ê toutle moins il étaitalléguéque les
contras se comportaient d'une maniére inconciliable avec le droit huma-
nitaire.
122. La Cour est parvenue a la conclusion qu'en 1983un organisme du
Gouvernement des Etats-Unis a fourni à la FDN un manuel sur les

opérationspsychologiques de guérillaqui, bien que décourageant expres-
sémentla violenceaveuglecontre lescivils,considéraitqu'ilfallaitouvrir le
feu sur ceux qui tenteraient de quitter une agglomérationet conseillait à
des fins de propagande la neutralisation )>dejuges, de fonctionnaires oublance of trial in the presence of the population. The text supplied to the
contras also advised the use of professional criminals to perform unspeci-
fied "jobs", and the use of provocation at mass demonstrations to produce
violence on the part of the authorities so as to make "martyrs".

123. Nicaragua has complained to the Court of certain measures of an
economic nature taken against it by the Government of the United States,

beginning with the cessation of economic aid in April 1981, which it
regards as an indirectform ofintervention inits interna] affairs. According
to information published by the United States Government, it provided
more than $100 million in economic aid to Nicaragua between July 1979
and January 198 1 ;however,concern in the United States Congress about
certain activities attributed to the Nicaraguan Government led to a
requirement that, before disbursing assistance to Nicaragua, the President
certify that Nicaragua was not "aiding, abetting or supporting acts of
violence or terrorism in other countries" (Special Central American Assis-
tance Act, 1979,Sec. 536(g)).Such a certification was given in September
1980(45 Federal Register 62779), to the effect that

"on the basis of an evaluation of the available evidence, that the
Government of Nicaragua 'has not CO-operatedwith or harbors any
international terrorist organization or is aiding, abetting or support-
ing acts of violence or terrorism in other countries' ".

An official White House press release of the same date stated that

"The certification is based upon a careful consideration and eval-
uation of al1the relevant evidence provided by the intelligence com-
munity and by our Embassies in the field. ..Our intelligenceagencies
aswell asour Embassies inNicaragua and neighboring countries were
fully consulted, and the diverse information and opinions from al1
sources were carefully weighed."

On 1April 1981however a determination was made to the effect that the
United States could no longer certify that Nicaragua was not engaged in
support for "terronsm" abroad,and econornicassistance, which had been
suspended in January 1981, was thereby terminated. According to the
Nicaraguan Minister of Finance, this also affected loans previously con-
tracted, and its economic impact was more than $36 million per annum.
Nicaragua also claims that, at the multilateral level, the United States hasde notables locaux après un simulacre de procès sedéroulant en présence

de la population. Le texte remis aux contras préconisait aussi le recrute-
ment de professionnels du crime pour exécuter des ((contrats ))non spé-
cifiés et le recours à la provocation dans les manifestations de masse
pour susciter une réaction violente des autorités et créer ainsi des
(1martyrs o.

123. Le Nicaragua s'est plaint devant la Cour de certaines mesures de
caractère économique prises contre lui par le Gouvernement des Etats-
Unis et dont la première est l'interruption de l'aide économique en avril

198 1,qui constituerait selon lui une forme indirected'intervention dans ses
affaires intérieures. Selon les informations publiéespar le Gouvernement
des Etats-Unis, plus de 100millions de dollars d'aide économique avaient
été fournisau Nicaragua entre juillet 1979 et janvier 1981 ; toutefois, les
inquiétudes du Congrès des Etats-Unis devant certaines activités attri-
buees au ouv verne m dueNicaragua le conduisirent à exiger, préalable-

ment à l'octroi d'une assistance au Nicaragua, une attestation du président
des Etats-Unis certifiant que cet Etat n'aidait, n'encourageait ni n'ap-
puyait aucun acte de violence ou de terrorisme dans d'autres pays (Spe-
c.1~C1entral Americun Assistance Act (loi spécialed'assistance àl'Amérique
centrale). 1979. art. 536 g)). Une attestation de ce genre fut délivrée en

septembre 1980 (45 Federul Register 62779) ; il y était certifié,
aprèsétudedesfaits connus, que leGouvernement nicaraguayen n'a

pas coopéré avec des organisations terroristes internationales et
n'abrite pas de telles organisations, etquece gouvernement n'aide pas
et n'appuie pas les actes de violence ou de terrorisme dans d'autres
pays, ni ne s'en fait le complice o.

Un communiqué officiel de la Maison-Blanche du mêmejour soulignait
que :

((cette attestation repose sur un examen et une évaluation approfon-
dis de tous les faits pertinents portés à notre connaissance par les
services de renseignements ainsi quepar les ambassades de notre pays
dans la région...Nos services de renseignements ainsi que nos ambas-

sades au Nicaragua et dans les pays voisins ont étépleinement con-
sultéset les renseignements et avis divers de toutes origines ont été
dûment pris en considération. ))

Le If'avril 1981, cependant, le Gouvernement des Etats-Unis concluait
qu'il nepouvait plus désormais certifier que le Nicaragua ne soutenaitpas
le terrorisme ))à l'étranger,et l'assistance économique, qui avait étésus-
pendue en janvier 1981. fut en conséquence supprimée. Selon le ministre
des finances du Nicaragua. cette annulation portait également sur des

emprunts déjà contractés et son incidence économique a étéde plus de
36 millions de dollars par an. Le Nicaragua affirme aussi que, sur le planacted in the Bank for International Reconstruction and Development
and the Inter-American Development Bank to oppose or block loans to
Nicaragua.
124. On 23 September 1983.the President of the United States made a
proclamation modifying the systemofquotas for United Statesimports of
sugar, the effect of which wasto reduce the quota attributed to Nicaragua
by 90 per cent. The Nicaraguan Finance Minister assessed the economic
impact of the measure at between $15 and $18 million, due to the prefer-
ential system of prices that sugar has in the market of the United
States.
125. On 1 May 1985, the President of the United States made an
Executive Order, which contained a findingthat "the policies and actions

of the Government of Nicaragua constitute an unusual and extraordinary
threat to the national security and foreign policyof the United States" and
declared a "national emergency". According to the President's messageto
Congress, this emergency situation had been created by "the Nicaraguan
Government's aggressive activities in Central America". The Executive
Order declared a total trade embargo on Nicaragua, prohibiting al1
importsfromand exports to that country, barring Nicaraguan vesselsfrom
United Statesports and excluding Nicaraguan aircraft from air transpor-
tation to and from the United States.

126. The Court has before it, in the Counter-Memorial on jurisdiction
and admissibility filed by the United States, the assertion that the United
States, pursuant to the inherent right of individual and collective self-
defence, and in accordance with the Inter-American Treaty of Reciprocal
Assistance, has responded to requests from El Salvador, Honduras and
Costa Rica, for assistance in their self-defence against aggression by
Nicaragua. The Court has therefore to ascertain, so far as possible, the
facts on which this claimisor may be based, in order to determine whether
collective self-defence constitutes a justification of the activities of the
United States herecomplained of. Furthermore, it has been suggestedthat,

as a result of certain assurances given by the Nicaraguan "Junta of the
Government of National Reconstruction" in 1979, the Government of
Nicaragua is bound by international obligations as regards matters which
would otherwise bematters ofpurely domestic policy, that it isinbreach of
those obligations, and that such breach rnight justify the action of the
United States. The Court will therefore examine the facts underlying this
suggestion also.
127. Nicaragua claims that the references made by the United States to
the justification of collective self-defence are merely "pretexts" for the
activities of the United States. It has alleged that the true motive for the
conduct of the United States is unrelated to the support which it accusesmultilatéral,lesEtats-Unis ont cherché às'opposer auxprêtsau Nicaragua
ou à bloquer cesprêts àla Banque internationalepour la reconstruction et

le développement et à la Banque interaméricaine de développement.
124. Le 23 septembre 1983, le président des Etats-Unis a modifiépar
proclamation lesystèmedecontingentement des importations de sucredes
Etats-Unis, cequi aeu pour effet de réduirede 90pour cent lequota alloué
au Nicaragua. Le ministre des finances du Nicaragua a fixél'incidence
économiquede la décision à un chiffre compris entre 15et 18millions de
dollars. étant donnéle prix préférentieldont bénéficiele sucre nicara-
guayen sur le marchédes Etats-Unis.
125. Le lermai 1985le présidentdes Etats-Unis a adoptéun Executive
Order où il concluait que (la politique et les actes du Gouvernement du
Nicaragua constituentune menaceexceptionnelle et extraordinaire pour la

sécurité nationaleet lapolitique étrangèredes Etats-Unis etdéclarait une
urgence nationale )>Aux termes du messagedu Président au Congrès,la
situation d'urgence résultait des activitésagressives du Gouvernement
du Nicaragua en Amérique centrale o. L'ordonnance proclamait un
embargo total sur le commerce avec le Nicaragua, interdisant toutes les
importations en provenance et toutes les exportations à destination de ce
pays. fermant aux navires nicaraguayens l'accèsdesports des Etats-Unis et
excluant lesaéronefs nicaraguayensdu transport aérien à destinationeten
partance des Etats-Unis.

126. Dans leur contre-mémoire surla compétenceet la recevabilité, les
Etats-Unis ont affirméqu'en vertu du droit naturel de légitimedéfense,
individuelle ou collective.et conformément aux dispositionsdu traité inter-
américain d'assistance mutuelle, ils avaient donné suite à des demandes
d'aide présentéespar El Salvador, le Honduras et le Costa Rica en vue
de leur Iégitimedéfensecontre l'agression nicaraguayenne. La Cour doit
donc vérifierdans toute la mesure du possible les faits qui sont ou pour-

raient être à la base de cette assertion, afin de déterminer si la légitime
défensecollective constitue unejustification des activités reprochées aux
Etats-Unis. Ceux-ci affirment d'autre part qu'à la suite de certaines assu-
rances donnéespar la junte du gouvernement de reconstruction natio-
nale ))en 1979.le Gouvernement nicaraguayen est liépar des obligations
internationales dans des domaines qui seraient normalement de sa com-
pétenceinterne exclusive,que cesobligations ont été enfreintes et que cette
infraction pourrait justifier l'action des Etats-Unis. La Cour va donc
examiner aussi les faits sur lesquels se fonde cette seconde affirmation.

127. LeNicaragua prétendquelesallusionsfaites par lesEtats-Unis à la
justification par la légitimedéfensecollective ne sontquedes <prétextes
pour leurs activités. Le vrai motif du comportement des Etats-Unis ne
concernerait en rien l'appui qu'ils accusent le Nicaragua de fournir à71 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVlTIES (JUDGMENT)

Nicaragua of giving to the armed opposition in El Salvador, and that the
real objectives of United States policy are to impose its will upon Nica-
ragua and force it to comply with United States demands. In the Court's
view, however, if Nicaragua has been giving support to the armed oppo-
sition in ElSalvador, and ifthisconstitutes an armedattack on ElSalvador
and the other appropriate conditions are met, collective self-defence could
be legally invoked by the United States, even though there may be the
possibility of an additional motive, one perhaps even more decisivefor the
United States, drawn from the political orientation of the present Nica-
raguan Government. The existence of an additional motive, other than
that officially proclaimed by the United States,could not deprive the latter
of its right to resort tocollectiveself-defence.The conclusion to bedrawnis
that special caution is called for in considering the allegations of the

United States concerning conduct by Nicaragua which may provide a
sufficient basis for self-defence.
128. In its Counter-Memorial on jurisdiction and admissibility, the
IJnited States claims that Nicaragua has "promoted and supported guer-
rilla violence in neighboring countries", particularly in El Salvador ;and
has openly conducted cross-border military attacks on its neighbours,
Honduras and Costa Rica. In support of this, it annexed to the Counter-
Memorial an affidavit by Secretary of State George P. Shultz. In his
affidavit,Mr. Shultz declares, inter aliathat:

"The United States has abundant evidence that the Government ot
Nicaragua has actively supported armed groups engaged in military
and paramilitary activities in and against El Salvador,providing such
groups with sites in Nicaragua for communications facilities, com-
mand and control headquarters, training and logistics support. The
Government of Nicaragua is directly engaged with these armed
groups in planning ongoing military and paramilitary activities con-
ducted in and against ElSalvador. The Government of Nicaragua also
participates directly in the procurement, and transshipment through
Nicaraguan territory, of large quantities of ammunition, supplies and
weapons for the armed groups conducting military and paramilitary
activities in and against El Salvador.

In addition to this support for armed groups operating in and
against El Salvador, the Government of Nicaragua has engaged in
similar support, albeit on a smaller scale, for armed groups engaged,
or which have sought to engage, in military or paramilitary activities
in and against the Republic of Costa Rica, the Republic of Honduras,

and the Republic of Guatemala. The regular military forces of Nica-
ragua have engaged in several direct attacks on Honduran and Costa
Rican territory, causing casualties among the armed forces and
civilian populations of those States."
In connection with this declaration. the Court would recall the observa-l'opposition arméeau Salvador ; bien plutôt les vrais objectifs de la poli-
tique des Etats-Unis seraient d'imposer leurvolontéau Nicaragua et de le

forcer à s'incliner devant leurs exigences. Selon la Cour, cependant, s'il
était établique le Nicaragua a fourni un appui a l'opposition arméeau
Salvador et que ce fait constitue une agression arméecontre ce pays, et si
les autres conditions nécessairesétaient remplies, les Etats-Unis seraient
fondésjuridiquement à invoquer la légitimedéfensecollective, mêmesi
intervenait aussi un autre motif, peut-êtremêmeplus déterminant pour les
Etats-Unis, tiré de l'orientation politique du gouvernement actuel du
Nicaragua. L'existenced'un motif qui s'ajouterait à celui que proclament
officiellement les Etats-Unis ne pourrait alors priver ces derniers du droàt
recourir à la légitime défense collective.La conclusion à tirer est qu'il y a

lieu de faire preuve d'une prudence particulière dans l'examen des alléga-
tions des Etats-Unis au sujet des comportements du Nicaragua suscep-
tibles de fournir à la légitimedéfenseune base suffisante.
128. Dans leur contre-mémoire sur la compétenceet la recevabilité,les
Etats-Unis ont fait valoir que ((le Nicaragua encourage et appuie l'action
violente des guérillerosdans certains pays voisins O,plusparticulièrement
au Salvador, et que le Nicaragua se livre ouvertement a des incursions
militairesà l'intérieurdu territoire de ses voisins, le Honduras et le Costa
Rica. A l'appui de ces assertions, les Etats-Unis ont annexé àleur contre-
mémoire une déclaration sous serment du secrétaire d'Etat, M. George
P. Shultz, où celui-ci affirmait notamment que :

(Les Etats-Unis possèdent de nombreux élémentsde preuve d'où
il résulteque leGouvernement du Nicaragua apporte un soutien actif
aux groupes armés qui se livrent à des activités militaires et para-
militaires au Salvador et contre ce pays, et qu'il abrite sur son ter-
ritoire descentres de communication, decommandement,de surveil-

lance, d'entraînement et d'appui logistique utiliséspar ces groupes.
Le Gouvernement du Nicaragua participe directement avec ces
groupes armés à l'organisation des activités militaires et paramili-
taires au Salvador et contre ce pays. Le Gouvernement du Nicaragua
concourt aussi a l'acquisition et autransit sursonterritoire de grandes
quantités de munitions, d'approvisionnements et d'armes destinés
aux groupes armésqui poursuivent des activités militaires etparami-
litaires au Salvador et contre ce pays.
Outre cette aide aux groupes armés qui opèrent au Salvador et
contre ce pays, le Gouvernement du Nicaragua aide de la même

manière,quoique à une échelleplus réduite, ceuxqui selivrent ou ont
tentéde se livrer à des activités militairesou paramilitaires dans la
Républiquedu Costa Rica, dans la Républiquedu Honduras et dans
la République duGuatemala, et contre ces pays. Les forces militaires
régulièresdu Nicaragua ont lancéplusieurs attaques directes sur le
territoire du Honduras et du Costa Rica, et elles ont fait des victimes
parmi les forces armées et les populations civiles de ces pays. ))

A propos de cette déclaration, la Cour rappelle les observations qu'elle ations it has already made(paragraphs69and 70)as to theevidential value
of declarations by rninisters of the government of a State engaged in
litigation concerning an armed conflict.
129. In addition, the United States hasquoted Presidents Magaiia and
Duarte of El Salvador, press reports, and United States Government
publications. With reference to the claim as to cross-border military
attacks,the United States has quoted a statement of the Permanent Rep-
resentative of Honduras to the Security Council, and diplomatic protests
by the Governments of Honduras and Costa Rica to the Government of
Nicaragua. In the subsequent United States Government publication
"Revolurion Beyond Our Borders", referred to in paragraph 73above. these
claims are brought up to date with further descriptive detail. Quoting

"Honduran government records", this publication asserts that there were
35 border incursions by the Sandinista People'sArmy in 1981and 68 in
1982.

130. Initspleading at thejurisdictional stage,theUnited States asserted
thejustification of collective self-defence in relation to alleged attacks on
El Salvador, Honduras and Costa Rica. It is clear from the material laid
before the Court by Nicaragua that, outside the context of the present
judicial proceedings, the United States administration has laid thegreatest
stress on the question of arms supply and other forms of support to
opponents of the Government in El Salvador. In 1983,on the proposal of
the Intelligence Cornmittee, the covert programme of assistance to the
conrrus "was to bedirectedonly at theinterdiction of armsto ElSalvador".
Nicaragua's other neighbours have not been lost sightof, but theemphasis
hascontinuedto be on El Salvador :the United States ContinuingAppro-
priations Act 1985, Section 8066 (b) (1) (A), provides for aid for the
military or paramilitary activities in Nicaragua to be resumed if the
President reports inter aliathat

"the Government of Nicaragua is providing material or monetary
support to anti-government forces engagedin military or paramilitary
operations in El Salvador or other Central American countries".

131. In the proceedings on the merits, Nicaragua has addressed itself
primarily to refuting the claim that it has been supplying arms and other
assistance to the opponents of theGovernment of El Salvador ;it has not
specifically referred to the allegations of attacks on Honduras or Costa
Rica. In this it is responding to what is, as noted above, the principal
justification announced by the United Statesfor its conduct. In ascertain-
ingwhether theconditions for the exerciseby the United States of the right
of collective self-defence are satisfied, the Court will accordingly first
consider the activities of Nicaragua in relation to El Salvador, as estab-
lished by the evidence and material available to the Court. It will then
consider whether Nicaragua's conduct in relation to Honduras or Costafaites (paragraphes 69 et 70) au sujet de la valeur probatoire des déclara-
tions de ministres d'un Etat en procès au sujet d'un conflit armé.

129. En outre les Etats-Unis citent les déclarations des présidents
Magaiia et Duarte d'El Salvador, divers extraits de presse et des publica-
tions officielles du Gouvernement des Etats-Unis. S'agissant des incur-
sions militaires du Nicaragua dans le territoire de ses voisins, les Etats-
Unis invoquent une déclaration du représentant permanent du Honduras
devant le Conseil de sécuritéet des protestations diplomatiques adressées

au Gouvernement du Nicaragua par les Gouvernements du Honduras et
du Costa Rica. Dans la publication du Gouvernement des Etats-Unis
parue par la suite sous le titre «Revolution Beyond Our Borders »,qui est
évoquéeau paragraphe 73 ci-dessus, ces accusations sont complétéespar
de nouveaux détails. Se fondant sur les archives du Gouvernement
hondurien ))les Etats-Unis affirment dans cette publication que l'armée
populaire sandinistea franchi trente-cinq fois lafrontièredu Honduras en
1981et soixante-huit fois en 1982.
130. Dans la phase portant sur la compétenceles Etats-Unis ont invo-
quélajustification de Iégitimedéfensecollective en liaison avec des atta-

aues aui auraient étélancéescontre El Salvador. le Honduras et le Costa
kca. il est clair cependant, d'après des documents soumis par le Nicara-
uua. an'en dehors de la Cour l'exécutifdes Etats-Unis a surtout mis en
avant l'argument de la fourniture d'armes et des autres formes de soutien
aux opposants au gouvernement en place au Salvador. En 1983,sur pro-
position de la commission du renseignement, les crédits du programme
d'aide aux contras devaient exclusivement viser à empêcherles fourni-
tures d'armes au Salvador ))Lesautres voisins du Nicaragua n'ont pas été

perdus de vue mais l'intérêta continué à êtreaxé sur El Salvador :le
Continuing Appropriations Act (art. 8066 b) 1A) des Etats-Unis pour 1985
prévoitque l'assistance aux activitésmilitaires ou paramilitaires au Nica-
ragua pourra êtrereprise si le Présidentconclut, notamment, que
<(le Gouvernement nicaraguayen apporte un soutien matériel ou

financier aux forces antigouvernementales qui se livrent à des opéra-
tions militaires ou paramilitaires au Salvador ou dans d'autres pays
d'Amériquecentrale o.

131. Dans la phase sur le fond, le Nicaragua s'est surtout attaché à
réfuter l'accusation suivant laquelle il aurait fourni des armes et apporté
d'autres formes d'aide aux opposants au Gouvernement d'El Salvador ; il
n'a pas expressément viséles allégations concernant les attaques qu'il
aurait lancéescontre le Honduras ou le Costa Rica. Le Nicaragua répon-
dait ainsi à ce qui constitue, comme on l'a vu plus haut, l'argument
principal par lequel les Etats-Unis entendent justifier leur conduite. Pour
déterminer si les conditions qui autoriseraient l'exercice, par les Etats-
Unis, du droit de Iégitimedéfensecollective sont réunies, laCour exami-
nera donc en premier lieu les activitésdu Nicaragua en relation avec El

Salvador, telles qu'elles ressortent des informations et documents à sa73 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

Rica mayjustify the exercise of that right ; in that respect it will examine
only the allegations of direct cross-border attacks, since the affidavit of
Mr. Shultz claims only that there was support by the provision of armsand
supplies for military and paramilitary activities "on a smaller scale" in
those countries than in El Salvador.

132. In its Declaration of Intervention dated 15August 1984,the GOV-
ernment of ElSalvadorstated that :"The realityis that weare the victimsof
aggression and armed attack from Nicaragua and have been since at least
1980."(Para. IV.)The statements of fact in that Declaration are backed by
a declaration by the Acting Minister for Foreign Affairs of El Salvador,
similar in form to thedeclarations by Nicaraguan Ministers annexed to its
pleadings. The Declaration of Intervention asserts that "terrorists" seeking
the overthrow of the Government of El Salvador were "directed, armed,
supplied and trained by Nicaragua" (para. III) ;that Nicaragua provided
"houses, hideouts and communication facilities" (para. VI), and training
centres managed byCubanand Nicaraguan militarypersonnel (para. VII).
On the question of arms supply, the Declaration States that

"Although the quantities of armsand supplies, and the routes used,
Vary,there has been a continuing flow of arms, ammunition, medi-
cines, and clothing from Nicaragua to our country." (Para. VIII.)

133. In its observations, dated 10September 1984,on the Declaration
of Intervention of El Salvador, Nicaragua stated as follows :

"The Declaration includes a seriesof paragraphs alleging activities
by Nicaragua that El Salvador terms an 'armed attack'. The Court
should know that this is the first time El Salvador has asserted it is
under armed attackfrom Nicaragua. None of theseallegations, which
are properly addressed to the meritsphase of the case, issupported by
proof or evidenceof any kind. Nicaragua denies each and everyone of
them, and stands behind the affidavit of its Foreign Minister, Father
Miguel d'Escoto Brockmann, in which the Foreign Minister affirms
that the Government of Nicaragua has not supplied arms or other
materials of war to groups fighting against the Government of El
Salvador or provided financial support, training or training facilities
to such groups or their members."

134. Reference has also to be made to the testimony of one of the
witnesses called by Nicaragua. Mr. David MacMichael (paragraph 99
above) said in evidence that hewas in the full time employment of the CIA
from March 1981 to April 1983, working for the most part on Inter-disposition ;elle examinera ensuite si lecomportement du Nicaragua par
rapport au Honduras ou au Costa Rica pourrait quant à lui justifier
l'exerciced'un tel droit ;pour ce faire ellene prendra enconsidérationque
les allégationsd'attaques transfrontières directes, puisque la déclaration
sous serment de M. Shultz ne vise que le soutien sous forme de fourniture
d'armes et d'approvisionnements pour les activités militaires et paramili-
taires qui serait dans ces pays à une échelleplus réduite qu'au Salva-
dor.
132. Dans sadéclaration d'intervention datéedu 15août 1984,leGou-
vernement d'El Salvador a déclaré : Le fait est que nous sommes les

victimes de l'agressionet des attaques arméesdu Nicaragua, et cela depuis
1980au moins. (Par. IV.) Les faits exposésdans cette déclaration sont
appuyés par une attestation du ministre par intérim des relations exté-
rieures d'El Salvador, analogue dans la forme à celles des ministres du
Nicaragua annexéesauxpiècesde procédurede cepays. Ilest affirmédans
la déclaration d'intervention que les ((terroristes [qui] s'efforcent de ren-
verser legouvernement [d'El ~alvador] ..sont diriges, armés,approvision-
néset entraînés par le Nicaragua O (par. III); que le Nicaragua <(offre
des abris ... des cachettes ..des moyens de communication (par. VI)
et des centresd'entraînement dirigéspar des militaires cubains et nicara-

guayens (par. VII). Au sujet de la fourniture d'armes, la déclaration
indique :
Si les quantités d'armes et d'approvisionnements varient, ainsi
que les itinérairesutilisés,il y a néanmoins un flot constant d'armes,
de munitions, de médicamentset de vêtements venantdu Nicaragua

et aboutissant dans notre pays. (Par. VIII.)
133. Dans ses observations du 10 septembre 1984 sur la déclaration
d'intervention d'El Salvador, le Nicaragua s'est ainsi exprimé :

<La déclaration comporte une sériede paragraphes où sont allé-
guéesdes activitésdu Nicaragua qu'El Salvador qualifie d'<<agres-
sion armée o. A cet égard,il importe que la Cour sache que c'est la
premièrefois qu'El Salvador sedéclarevictime d'une agression armée
de la part du Nicaragua. Aucune de ces allégations, dont l'examen
relèveproprement du fond de l'affaire, nes'appuie surun quelconque
élémentde preuve. Le Nicaragua les conteste toutes, isolément et

collectivement, et confirme I'ajfidavit de son ministre des relations
extérieures,le pèreMiguel d'Escoto Brockmann, où ilest déclaréque
leGouvernement du Nicaragua n'afourni ni armes ni autres matériels
militairesauxgroupes combattant leGouvernement d'El Salvador, et
qu'il n'a fait bénéficier cesgroupes et leurs membres d'aucun appui
financier, entraînement ou accès à des moyens d'entraînement.

134. Il y a lieu de mentionner également la déposition de l'un des
témoins citéspar le Nicaragua. M. David MacMichael (paragraphe 99
ci-dessus) a indiqué à la Cour qu'ilavait étéemployé àplein temps de mars
1981 à avril 1983 par la CIA, où il se consacrait surtout aux affairesAmerican affairs. During his examination by counsel for Nicaragua. he
stated as follows :

"[Question :] In youropinion, if the Government of Nicaragua was
sending arms to rebels in El Salvador,could it do sowithout detection
by United States intelligence-gatheringcapabilities ?

[Answer :] Inany significant manner over thislongperiod of time 1
do not believe they could have done so.
Q. : And there was in fact no such detection during the period that
you served in the Central Intelligence Agency ?
A. : No.

Q. : In your opinion, if arms in significant quantities were being
sent from Nicaraguan territory to the rebels in ElSalvador - with or
without the Government's knowledge or consent - could these ship-
ments have been accomplished without detection by United States
intelligence capabilities ?

A. :If you say in significant quantities over any reasonable period
of time, no 1do not believe so.
Q. : And there was in fact no such detection during your period of
service with the Agency ?

A. : No.
Q. : Mr. MacMichael. up to this point we have been talking about
the period when you were employed by the CIA - 6 March 1981to
3 April 1983.Now let me ask you without limit of time :did you see
any evidence of arms going to the Salvadorian rebels from Nicaragua
at any time ?

A. :Yes, 1 did.
Q. : When was that ?

A. : Late 1980to very early 1981 ."
Mr. MacMichael indicated the sources of the evidence he was referring to,

and his examination continued :
"[Question :] Does the evidence establish that the Government of

Nicaragua was involved during this period ?
[Answer :] No. it does not establish it. but 1 could not rule it
out."

135. After counsel for Nicaragua had completed his examination of the
witness. Mr. MacMichael was questioned from the bench. and in this
context he stated (inter dia) as follows :

"[Question :J Thus if the Government of Nicaragua had shipped
arms to ElSalvadorbefore March 1981.for example in 1980and early
1981,in order toarm the big January offensive of the insurgents in El ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 74

interaméricaines. Au cours de son interrogatoire par un conseil du Nica-
ragua. ila déclaréce qui suit :

(Que.~tion :/ A votre avis, si le Gouvernement du Nicaragua
avait envoyé des armes aux rebelles d'El Salvador. aurait-il pu le
faire à l'insu des moyens de renseignements des Etats-Unis ?

[Réponse:] De façon importante pendant toute cette période.je
ne le crois pas.
Q. : Et le fait est que ces services n'ont détectéaucune livrais011

pendant la duréede vos fonctions a la Central Intelligeiice Agency ?
R. : Non.

Q. : A votre avis. si de grosses quantités d'armes avaient été en-
voyéesdu territoire du Nicaragua aux rebelles d'El Salvador - que
ce soit ou non au su ou avec l'approbation du gouvernement - ces
livraisons auraient-elles pu passer inaperçues des services de rensei-
gnements des Etats-Unis ?

R. : En quantités importantes et pendant un laps de temps raison-
nable. non. je ne crois pas.

Q. : Et en fait. aucune livraison n'a été détectép eendant que vous
travailliez pour la CIA ?
R. : Non.

Q. : Monsieur MacMichael. nous avons jusqu'ici parlé de la pé-
riode pendant laquelle vous avez étéemployé a la CIA - du 6 mars
1981au 3avril 1983.Maintenant. indépendamment de toute limite de
temps : avez-vous vu à un moment quelconque des preuves quel-
conques de l'envoi d'armes aux rebelles salvadoriens à partir du

Nicaragua ?
R. : Oui. j'en ai vu.
Q. : Quand ?

R. : De fin 1980 au tout début de 198 1.))

M. MacMichael ayant alorsindiqué ses sources. l'interrogatoire s'est ainsi
poursuivi :

(((Question :j Cela prouve-t-il que le Gouvernement du Nicara-
gua ait étéimpliqué pendant cette période?

(Réponse :/ Non. mais je ne pourrais pas l'exclure.

135. Après l'interrogatoire du témoin par le conseil du Nicaragua.
M. MacMichael a été questionnédu siège. et a fait à cette occasion les
déclarations suivantes (entre autres) :

[Question :j Dans ces conditions. si le Gouvernement du Nica-

ragua avait expédiédes armes au Salvador avant mars 198 1.par
exemple en 1980et au début de 1981.afin d'équiper la grande offen-75 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES(JUDGMENT)

Salvador. you would not be in a position to know that ; is that
correct ?
[Answer :/ 1think 1have testified, your honour, that1 reviewed the
immediatepast intelligence material at that time, that dealt with that
period, and 1 have stated today that there was credible evidence and

that on the basis of my reading of it 1could not rule out a finding
that the Nicaraguan Government had been involved during that
period.
Q. : Would you rule it 'in' ?

A. : 1prefer to stay with myanswer that 1could not rule itout,but to
answer you as directly as1 can my inclination would be moretowards
ruling 'in' than ruling 'out'.

Q. : 1 understand you to be saying, Mr. MacMichael, that you
believe thatit could be taken as a fact that at least in late 1980/early
1981theNicaraguan Government was involved in thesupply of arms
to the Salvadorian insurgency. 1sthat the conclusion 1 can draw from
your remarks ?

A. : 1hate to have it appear thatyou are drawing this from me likea
nail out of a block of wood but, yes, that is my opinion."

In short, the Court notes that the evidence of a witness called by Nica-
ragua in order to negate the allegation of the United States that the Gov-
ernment of Nicaragua had been engaged in the supply of arms to the
armed opposition in El Salvador only partly contradicted that allega-
tion.
136. Some confirmation of the situation in 1981 is afforded by an

interna1 Nicaraguan Government report, made available by the Govern-
ment of Nicaragua in response to a request by theCourt, of a meeting held
in Managua on 12August 1981between Commander Ortega, Co-ordina-
tor of the Junta of the Government of Nicaragua and Mr. Enders, Assis-
tant Secretary of State for Inter-American Affairs of the United States.
According to this report,the question of the flowof "arms, munitions and
other forms of military aid" to El Salvador, was raised by Mr. Enders as
one of the "major problems" (problemusprincipales). At one point he is
reported to have said :

"On yourpart, you could take the necessary steps to ensure that the
flowof armsto ElSalvador isagain halted as in March of thisyear. We
do not seek to involve ourselves in deciding how and with whom this

object should be achieved, but we may well monitor the results." sive dejanvier des insurgésau Salvador, vous ne seriez pas en mesure

de le savoir ; est-ce exact ?
[Rkponse :] Monsieur le Juge, je crois avoir déclaréqu'à cette
époquej'ai examinéla documentation la plus récenterelative aux ren-

seignements pour cette période et j'ai dit aujourd'hui qu'il y avait
des élémentsde preuve sérieux et que, de la faqon dont je vois les
choses. je ne pouvais pas considérer comme exclue une participation
du Gouvernement du Nicaragua pendant cette période.

Q. :Considéreriez-vous une telle participation comme établie?
R. :Je préfèrem'en tenir à ma réponse, à savoir que je ne pou-
vais la considérer comme exclue. Pour vous répondre avec aussi

peu de détours que possible, je serais plutôt porté à la considérer
comme acquise que comme exclue.

Q. : Si je comprends bien, monsieur MacMichael, vous pensez

que l'on peut considérer commeun fait qu'au moins à la fin de 1980
et audébutde 1981leGouvernement nicaraguayen étaitimpliquédans
l'expédition d'armes aux insurgés d'El Salvador. Est-ce làla conclu-
sion que je peux tirer de vos remarques ?

R. :Cela me gênebeaucoup que vous ayez l'air de m'arracher cela
comme un clou d'une poutre mais, en effet, c'est bien mon opi-
nion. 1)

Bref, laCour note que la dépositiond'un témoincitépar leNicaragua pour

réfuter l'allégation des Etats-Unis suivant laquelle le Gouvernement du
Nicaragua livrait desarmes àl'opposition arméeau Salvador n'a contredit
que partiellement cette allégation.

136. Une certaine confirmation de la situation qui existait en 1981 est

fournie par un document interne du Gouvernement du Nicaragua, com-
muniqué B la suite d'une demande de la Cour, et consistant dans le compte
rendu d'un entretien qui a eu lieu à Managua le 12 août 1981 entre le
commandant Ortega, coordonnateur de la junte du Gouvernement du
Nicaragua. et M. Enders, secrétaired'Etat adjoint aux affaires interamé-

ricaines du Gouvernement des Etats-Unis. 11ressort de ce compte rendu
que la question du mouvementcontinu d'o armes, de munitions et d'autres
formes d'aide militaire au Salvador )>a étésoulevéepar M. Enders qui y
voyait l'un des <(principaux problèmes )>(problemas principales). A un
certain moment. M. Enders aurait déclaré:

En ce qui vous concerne, vous pourriez prendre les mesures qui

s'imposent pour que le flux d'armes vers El Salvador s'arrêteà nou-
veau, comme en mars de cette année. Nous ne prétendons pas nous
mêlerde savoir commentet avec qui cet objectif doitêtreréalisém , ais
nous nous réservons de suivre de près les résultats.76 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

Later in the course of the discussion, the followingexchange is recorded :

"[Ortega :/ As for the flow of arms to El Salvador, what must be
stated isthatas far aswehavebeen informed byyou,efforts havebeen
made to stop it ;however, 1 want to make clear that there is a great
desire here to collaborate with the Salvadorian people, also among
members of our armed forces, although our Junta and the National
Directorate have a decision that activities of this kind should not be
permitted. Wewould askyou togive usreportsaboutthat flowto help
us control it.

[Enders :/ You have succeeded in doing so in thepast and 1believe
you can do so now. We are not in a position to supply you with
intelligence reports. We would compromise our sources, and our
nations have not yet reached the necessary level to exchange intelli-
gence reports."

137. As regards the question, raised in this discussion, of the picture
given byUnited States intelligence sources, further evidence isafforded by
the 1983Report of the Intelligence Committee(paragraphs 95, 109 above).
In that Report, dated 13 May 1983.it was stated that

"The Committee has regularly reviewed voluminous intelligence
material on Nicaraguan and Cuban support for leftist insurgencies
since the 1979Sandinista victory in Nicaragua."
The Committee continued :

"At the time of the filingof this report, the Committee believesthat
the intelligence available to it continues to support the following
judgments with certainty :
A major portion of the arms and other material sent by Cuba and
other communist countries to the Salvadorian insurgents transits
Nicaragua with the permission and assistance of the Sandinistas.

The Salvadorian insurgents rely on the use of sites in Nicaragua.
some of which are located in Managua itself, for communications,
command-and-control, and for the logisticstoconduct their financial,
material and propaganda activities.

The Sandinista leadership sanctions and directly facilitates al1of
the above functions.
Nicaragua provides a range of other support activities, including
secure transit of insurgents to and from Cuba, and assistance to the
insurgents in planning their activities in El Salvador.

In addition, Nicaragua and Cuba have provided - and appear to

continue providing - training to the Salvadorian insurgents."
TheCourt is not aware of the contents of any analogous report of a body
with access to United States intelligence material covering a more recent ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 76

Plus loin, on trouve I'échangesuivant :
[Orfega :]Pourcequiestdu flux d'armes vers ElSalvador, ilfaut
préciserque. dans la mesure où nousenavons euconnaissance par vos
rapports, nous avons tentéde l'arrêter ;j'ajouterai cependant qu'il

existe ici une forte volontéde collaboration avec le peuple salvado-
rien. y compris parmi les membres de nos forces armées,mais que
notre gouvernement etla direction nationaleont décidé de ne pas per-
mettre ce type d'activités.Nous vous demanderons de nous commu-
niquer des rapports sur ce flux d'armes pour nous aider à l'empêcher.
[Enders :]Vous y êtes déjà parvenusdans le passéet je crois que

vous pourrez le faire encore ; nous ne sommes pas à mêmede vous
communiquer des rapports des services de renseignements car nous
compromettrions nos sources et nos relations n'ont pasencoreatteint
un niveau suffisant pour permettre l'échangede tels rapports.

137. A propos de la question, soulevéedans cet échange,de la situation
telle que la dépeignaientles servicesde renseignements des Etats-Unis, on
peut lire ce qui suit dans le rapport de la commission du renseignement
daté du 13 mai 1983(paragraphes 95 et 109ci-dessus) :
La commission a examinérégulièrementune volumineuse docu-

mentation sur l'appui nicaraguayen et cubain aux insurrections gau-
chistes. depuis la victoire des sandinistes au Nicaragua en 1979. ))
La commission poursuivait en ces termes :

<A la date de dépôt du présentrapport, la commission est d'avis
que lesrenseignements dont elledisposeconfirment de façon certaine
lesjugements exprimés ci-après :
Une portion majeure des armes et autres matériels envoyéspar

Cuba et d'autres payscommunistes auxinsurgéssalvadorienstransite
par le Nicaragua avec l'accord et l'assistance des sandinistes.
Les insurgéssalvadoriens disposent de certains emplacements au
Nicaragua, quelques-uns à Managua même, qu'ilspeuvent utiliser
pour leurs besoins de communications, de commandement et de
contrôle, et ilsbénéficientdes moyens logistiques de poursuivre leurs
activitésen matière de finance. de fourniture de matérielet de pro-
pagande.
Le commandement sandiniste autorise et facilite directement tout

cela.
LeNicaragua procure toutes sortes d'autres modalitésde soutien,y
compris le passage en toute sécuritéd'insurgésa destination et en
provenance de Cuba, et I'assistance aux insurgésdans la préparation
de leurs actions au Salvador.
LeNicaragua et Cuba fournissent enoutre - et semblent continuer
à fournir - une formation aux insurgés d'ElSalvador. ))

La Cour n'a connaissance d'aucun rapport analogue d'un organe ayant
accès à la documentation des services de renseignements des Etats-Unisperiod. It notes however that the Resolution adopted by the United States
Congress on 29 July 1985 recorded the expectation of Congress from the
Government of Nicaragua of :

"the end to Sandinista support for insurgencies in other countries in
the region, including the cessation of military supplies to the rebel
forces fighting the democratically elected government in El Salva-
dor".

138. In its Declaration of Intervention, El Salvador alleges that "Nica-
raguan officiaishave publicly admitted their direct involvement in waging
war on us" (para. IX). It asserts that the Foreign Minister of Nicaragua

admitted such support at a meeting of the Foreign Ministers of the Con-
tadora Group in July 1983. Setting this against the declaration by the
Nicaraguan Foreign Minister annexed to the Nicaraguan Mernorial, deny-
ing any involvement of the Nicaraguan Government in the provision of
arms or other supplies to the opposition in El Salvador, and in view of the
fact that theCourt has not been informed of the exactwords of the alleged
admission, or with any corroborative testimony from others present at the

meeting, the Court cannot regard as conclusive the assertion in the Decla-
ration of Intervention. Similarly, the public statement attributed by the
Declaration of Intervention (para. XIII) to Commander Ortega, referring
to "the fact of continuing support to the Salvadorian guerrillas" cannot,
even assuming it to be accurately quoted, be relied on as proof that that
support (which. in the form of political support, is openly admitted by the
Nicaraguan Government) takes any specific material form, such as the

supply of arms.

139. The Court has taken note of four draft treaties prepared by Nica-
ragua in 1983.and submitted as an official proposal within the framework
of the Contadora process, the text of which was supplied to the Court with
the Nicaraguan Application. These treaties, intended to be "subscribed to

by al1 nations that desire to contribute to the peaceful solution of the
present armed conflict in the Republic of ElSalvador" (p. 58). contained
the following provisions :
"Article One

The High Contracting Parties promise to not offer and, should such
be the case, to suspend military assistance and training and thesupply
and trafficking of arms, munitions and military equipment that may
be made directly to the contending forces or indirectly through third
States.

Article Two
The High Contracting Parties promise to adopt in their respective

territories whatever measures may be necessary to impede al1supply
and trafficking of arms, munitions and military equipment and
military assistance to and training of the contending forces in the
Republic of ElSalvador." (P. 60.) ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 77

qui porterait sur une période plus récente. Elle note cependant que. selon
une résolution adoptée le 29juillet 1985,le Congrès des Etats-Unis atten-

dait du Gouvernement du Nicaragua
<la fin du soutien sandiniste aux insurrections dans d'autres pays de
la région. y compris la cessation des fournitures militaires aux forces

rebelles qui combattent le gouvernement démocratiquement élu d'El
Salvador o.

138. Dans sa déclaration d'intervention, El Salvador assure que les
autorités officielles du Nicaragua ont publiquement admis le rôle direct
que joue leur pays dans la guerre qui nous est livrée )(par. IX). Il affirme
que le ministre des relations extérieures du Nicaragua a reconnu cet appui
lors d'une réunion des ministres des relations extérieures du groupe de

Contadora tenue en juillet 1983. Si l'on rapproche cette affirmation de
l'attestation du mêmeministreannexée au mémoiredu Nicaragua où ilnie
toute implication de son gouvernement dans la fourniture d'armes ou
d'autres approvisionnements a l'opposition salvadorienne, et puisque la
Cour n'a connaissance ni des termes exacts de l'aveu qu'ilaurait fait a la
réunionde 1983,ni de témoignagesd'autres participants à la réunion qui

corroboreraient cet aveu, ilne lui est pas possible de tenir pour probantes
les imputations figurant dans la déclaration d'intervention. De même.les
propos publics attribués par la déclaration d'intervention (par. XIII) au
commandant Ortega, relativement au (maintien du soutien aux guérille-
ros salvadoriens t)ne sauraient, mêmesi lacitation est exacte,constituer la

preuve que ce soutien (qui, sous sa forme politique, est admis par le
Gouvernement nicaraguayen) revêtmatériellement des modalitésprécises,
telles que celle de l'envoi d'armes.
139. La Cour a pris note de quatre projets de traités établis par le
Nicaragua en 1983 et proposés officiellement par lui dans le cadre des

négociations de Contadora,dont le texte a étédéposéà la Cour en même
temps que la requête nicaraguayenne. Ces traités, auxquels devaient sous-
crire <(toutes les nations désireusesde contribuer au règlement pacifique
du conflit arméactuel dans la République d'El Salvador (p. 58), com-
portaient les dispositions suivantes :

Article 1

Les Hautes Parties contractantes s'engagent às'abstenir d'offrir et,
le cas échéant, a suspendre leur assistance militaire, ainsi que toute
activitéd'entraînement et la livraison ou fourniture d'armes, de muni-
tions et de matériel militaire, soit directement aux forces en conflit,
soit indirectement par l'intermédiaire d'Etats tiers.

Article 2
Les Hautes Parties contractantes s'engagent à prendre, sur leurs

territoires respectifs, les mesures èventuellement nécessaires pour
empêchertoute livraison, tout trafic d'armes, de munitions, de maté-
riel militaire et d'assistance militaire et toute activitéd'entraînement
aux forces en conflit dans la République d'El Salvador. (P. 60.)In the Introduction toits proposal the Nicaraguan Government stated that
itwas ready to enter into an agreement of this kind immediately, even if
only with the United States, "in order that the Government of that country
cease justifying its interventionist policy in El Salvador on the basis of

supposed actions by Nicaragua" (p. 58).
140. When filing its Counter-Memorial on the questions of jurisdiction
and admissibility, the United States deposited a number of documents in
the Registry of the Court, two of which are relevant to the questions here
under examination. The first is a publication of the United States Depart-
ment of Statedated 23 February 1981,entitled Communist Interference in
El Salvador, reproducing a number of documents (inSpanish with English
translation) stated to have been among documents in "two particularly
important document caches.. .recovered from the Communist Party of El
Salvador (PCS) in November 1980and the People's Revolutionary Army
(ERP) in January 1981".A summary of the documents is also to be found
inan attachment to the 1983Report of the IntelligenceCommittee, filedby
Nicaragua. The second is a "Background Paper" published by the United
States Department of State and Department of Defense in July 1984,
entitled Nicaragua's Military Build-Up and Support for Central American
Subversion.

141. The full significance of the documents reproduced in the first of
these publications, which are "written using cryptic language and abbre-
viations", is not readily apparent, without further assistance from United
States experts, who might have been called as witnesses had the United
States appeared in the proceedings. For example, there are frequent ref-
erences to "Lagos" which, according to the United States, is a code-name
for Nicaragua ; but without such assistance the Court cannot judge
whether this interpretation is correct. There is also however some speci-
fic reference in an undated document to aid to the armed opposition
"which al1would pass through Nicaragua" - nocode-name beinghere em-
ployed - which the Court must take into account for what it is worth.
142. The second document, the Background Paper, isstated to be based
on "Sandinista documents, press reports, and interviews with captured
guerrillas and defectors" as well as information from "intelligence
sources" ;specificintelligence reports are not cited "because of the poten-

tial consequences of revealing sources and methods". The only material
evidenceincluded isanumber of aerial photographs (already referred to in
paragraph 88 above), and a map said to have been captured in a guerrilla
camp in El Salvador, showing arms transport routes ;this map does not
appear of itself to indicate that arms enter El Salvador from Nicaraguan
territory.

143. The Court's attentionhas also been drawn to various press reports
of statements by diplomats, by leaders of the armed opposition in El
Salvador, or defectors from it, supporting the view that Nicaragua wasDans l'introduction de sa proposition le Gouvernement du Nicaragua se
déclarait prêt à conclure immédiatement un accord semblable, fût-ce avec
lesseuls Etats-Unis, (afinque legouvernement de cepays cessedejustifier
sapolitique interventionniste au Salvadoreninvoquant deprétendus actes
du Nicaragua ))(p. 58).
140. En mêmetemps que leur contre-mémoire sur la compétence et la
recevabilitéles Etats-Unis ont déposéau Greffe de la Cour diversespièces,
dont deux intéressentla question examinéeici. La premièreest une publi-

cation du département d'Etat des Etats-Unis datéedu 23 février1981et
intitulée CornrnunistInterference inEl Salvador (a Ingérencescommunistes
au Salvador ))),où sont reproduits divers documents (en espagnol avec
traduction en anglais)qui auraient fait partie de deuxjeux de documents
particulièrement importants ...pris au parti communiste d'El Salvador
(PCS) en novembre 1980et àl'arméerévolutionnairedu peuple (ERP) en
janvier 1981 o. Un résuméde ces documents figure dans une annexe au
rapport de 1983de la commission du renseignement déposépar le Nica-
ragua. La seconde pièce est un (<background paper publiépar le dépar-
tement d'Etat et par ledépartement de la défensedes Etats-Unis enjuillet

1984,sous le titre Nicaragua's Miiitary Buiid-Up and Support for Centrai
Arnerican Subversion ((Le renforcement militaire du Nicaragua et son
soutien à la subversion en Amériquecentrale O).
141. Ilestdifficile de mesurer la portéeexacte des documents reproduits
dans la premièrede cespublications, qui étaient rédigés dans un langage
mystérieux et à l'aide d'abréviations O, sans le concours d'experts des
Etats-Unis qui auraient pu êtrecités comme témoins si les Etats-Unis
avaient comparu. Par exemple il est souvent fait mention de Lagos )>ce
qui,d'après les Etats-Unis, serait le nom de code du Nicaragua ;mais sans

assistance la Cour n'est pas en mesure de dire si cette interprétation est
exacte. Cependant dans un document non datéon trouve aussi quelques
mentions précises - aucun nom de code n'y figurant - de l'aide à I'op-
position armée«qui passerait entièrement par le Nicaragua O,auxquelles
la Cour doit accorder l'attention qu'elles pourraient mériter.
142. La deuxième pièce (le background paper O) s'inspirerait de do-
cuments sandinistes, d'articles de presse et d'interviews avec des guérille-
roscapturésetdesdéserteurs ainsi que d'informations en provenancedes
services de renseignements ; aucun rapport de ces derniers services n'est

cité en raison des conséquencesque pourrait avoir la divulgation des
sources et des méthodesemployées o.Les seulespreuves matériellesqui y
figurent consistent en plusieurs photographies aériennes (déjà mention-
néesauparagraphe 88ci-dessus)et en une carte qui aurait été trouvéedans
un camp de guérillerosauSalvador,et où l'ondistingue certains itinéraires
empruntés pour les transports d'armes ; cette carte ne semble pas, en
elle-même,indiquer que les armes entraient en territoire salvadorien du
territoire nicaraguayen.
143. L'attention de la Cour a aussi étéattirée sur les mentions faites
dans la presse de diverses déclarations de diplomates, de dirigeants de

l'opposition arméeau Salvador. de transfuges de cette opposition, quiinvolved in the arms supply.As the Court hasalready explained. it regards
press reports not as evidence capable of proving facts, but considers that
they can nevertheless contribute, in some circumstances. to corroborating
the existence of a particular fact (paragraph 62 above). The press reports
here referred to will therefore be taken into account only to that
extent.

144. In an interview published in English in the New York Times
Magazine on 28 April 1985, and in Spanish in ABC, Madrid. on 12 May
1985 given by Daniel Ortega Saavedra. President of the Junta of Nicara-
gua, he is reported to have said :

"We've said that we're willingto send home the Cubans, the Rus-

sians, the rest of the advisers. We're willing to stop the movement of
milituy uid, orany other kind of aid, through Nicuraguu to El Salvador,
and we're willingto accept international verification. In return, we're
asking for one thing : that they don't attack us. that the United States
stop arming and financing ... thegangs that kill our people, burnour
crops and force us to divert enormous human and economic resources
into war when we desperately need them for development." ("Hemos

dicho que estamos dispuestos a sacar a los cubanos, soviéticos y
demris asesores ; u suspender todo transito por nuestro territorio de
uyudu militur u otra a los sulvadoretios,hajo verificacibninternucional.
Hemosdicho que Io unico que pedimos es que no nos agredan y que
Estados Unidos no arme y financie . . .a las bandas que entran a
matarnos, a quemar lascosechas, yque nos obligan a distraer enormes
recursos humanos y economicos que nos hacen una falta angustiosa

para el desarrollo.")

The Court has to consider whether this press report can be treated as
evidence of an admission by the Nicaraguan Head of State that the
Nicaraguan Government is in a position to stop the movement of military

or other aid through Nicaraguan territory to El Salvador ; and whether it
can be deduced from this (in conjunction with other material) that the
Nicaraguan Government is responsible for the supply or transit of such
aid.
145. Clearly the remarksattributed to President Ortega raise questions
as to his meaning, namely as to what exactly theNicaraguan Government
was offering to stop. According to Nicaragua's own evidence, President

Ortega had offered during the meeting of 12August 1981to stop the arms
flow if theUnited States would supplythe necessary information to enable
the Nicaraguan Government to track it down ;it may in fact be the
interview of 12August 1981that President Ortega wasreferring to when he
spoke of what had been said to the United States Government. At al1
events, against the background of the firm denial by the Nicaraguan

Government of complicity in an arms flow to El Salvador, the Court
cannot regard remarks of this kind as an admission that that Governmentconfirmeraient que le Nicaragua étaitmêlé aux fournitures d'armes. Ainsi

que la Cour l'a expliqué,elle ne peut considérer des informations parues
dans la presse comme établissant des faits, mais estime qu'elles peuvent
contribuer dans certains cas a corroborer l'existence d'un fait particulier
(paragraphe 62 ci-dessus). Les informations en question ne seront donc
prises en considération que sous le bénéficede cette remarque.
144. Dans une interview. publiée en anglais dans le New York Times

Muguzine du 28 avril 1985 et en espagnol dans ABC, Madrid, le 12 mai
1985. de Daniel Ortega Saavedra. président de la junte du Nicaragua,
celui-ci se serait exprimé en ces termes, selon le texte espagnol :

((Hemos dicho que estamos dispuestos a sacar a los cubanos,

soviéticos y demas asesores ; a suspender todo transito por nuestro
territorio de u-vudamilitar u otru a los salvadoretïos, hajo verificacibn
internuciot~ul.Hemos dicho que Io unico que pedimos es que no nos
agredan y que Estados Unidos no arme y financie ... a las bandas
que entran a matarnos. a quernar las cosechas, y que nos obligan a
distraer enormes recursos humanos y economicos que nos hacen una

falta angustiosa para el desarrollo. 1)(<(Nous avons dit que nous
sommes disposésa faire partir lesCubains, lesSoviétiqueset les autres
conseillers ; ù suspendre sous c,ontrôleinternutional tout transit par
notre territoired'aidemilituire ouautre destinéeaux Salvadoriens. Nous
avons dit que la seule chose que nous demandions était que l'on ne

nous attaque pas et que les Etats-Unis n'arment pas et ne financent
pas ... les bandes qui entrent chez nous pour nous tuer, pour brûler
les récoltes et qui nous obligent à détourner d'énormes ressources
humaines et économiques dont nous avons le besoin le plus pressant
pour le développement. O)(Les italiques sont de la Cour.)

La Cour doit se demander s'il ressort de cet article que le chef de I'Etat
nicaraguayen aurait reconnu que son gouvernement est en mesure d'arrê-
ter le mouvement d'une assistance militaireet autre traversant le territoire
du Nicaragua àdestination d'El Salvador ; et si l'on peut déduirede cequi
précède(joint à d'autres éléments)que le Gouvernement du Nicaragua est

responsable de la fourniture ou du transit de cette assistance.

145. A l'évidence.des questions se posent au sujet de la signification des
observationsattribuées au président Ortega. dont celle de savoir ce que le
Gouvernement du Nicaragua proposait aujuste de suspendre ?D'aprèsles
élkments fournis par le Nicaragua lui-même, le président Ortega avait

offert. au cours de l'entretien du 12 août 1981. de mettre fin au trafic
d'armes si les Etats-Unis fournissaient les indications nécessaires pour
permettre au Gouvernement nicaraguayen de situer ce trafic. En fait c'est
peut-être à l'entretien du 12 août 1981 que le président Ortega faisait
référencequand il évoquait ce qui avait étédit au Gouvernement des

Etats-Unis. En tout état de cause, le Gouvernement nicaraguayen ayant
fermement niétoute complicité dans les envois d'armes au Salvador, lawas in fact doing what it had already officially denied and continued
subsequently to deny publicly.

146. Reference was made during the hearings to the testimony of
defectors from Nicaragua or from the armed opposition in El Salvador ;
the Court has no such direct testimony before it. The only material avail-
able in this respect is press reports, some of which were annexed to the

United States Counter-Memorial on the questions of jurisdiction and
admissibility. With appropriate reservations, the Court has to consider
what the weight is of such material, which includes allegations of arms
supply and of the training of Salvadoreans at a base near Managua. While
the Court is not prepared totally to discount this material, it cannot find
that it isof anygreat weight in itself. Still lessn statements attributed in
the press to unidentified diplomats stationed in Managua be regarded as
evidence that the Nicaraguan Government wascontinuing to supply aid to
the opposition in El Salvador.

147. The evidence or material offered by Nicaragua in connection with
the allegation of arms supply has to be assessed bearing in mind the fact
that, in responding to that allegation, Nicaragua has to prove a negative.
Annexed to the Memorial was adeclaration dated 21April 1984of Miguel
d'Escoto Brockmann, the Foreign Minister of Nicaragua. In this respect
the Court has, as in the case of the affidavit of the United States Secretary
of State, to recall the observations it has already made (paragraphs 69and
70) as to the evidential value of such declarations. In the declaration, the
Foreign Minister Statesthat the allegationsmade by the United States, that

the Nicaraguan Government "is sending arms, ammunition, communica-
tions equipment and medical supplies to rebels conducting a civil war
against the Government of El Salvador, are false". He continues :

"In truth, my government is not engaged, and has not been
engaged, in the provision of arms or other supplies to either of the
factions engaged in the civil war in El Salvador . ..Since my gov-
ernment came to power on July 19, 1979,its policy and practice has
been to prevent our national territoryfrom being used asaconduit for
arms or other military supplies intended for other governments or
rebel groups.In fact, on numerous occasions the security forces of my
government have intercepted clandestine arms shipments,apparently
destined for El Salvador, and confiscated them."

The Foreign Minister explains the geographical difficulty of patrolling
Nicaragua's frontiers :Cour ne saurait considérer despropos de cette nature comme reconnais-
sant que ledit gouvernement se livrait en fait à des activités qu'il avait
officiellement démentiesauparavant et qu'il a continué àdémentirpubli-
quement par la suite.
146. Il a étéfait étatdurant les audiences du témoignagede transfuges
du Nicaragua ou de l'opposition arméeau Salvador : la Cour n'est saisie
d'aucun témoignagedirect de cettenature. Lesseulsélémentsdisponibles à
cet égard sont des articles de presse, dont certains étaient annexésau
contre-mémoire des Etats-Unis sur les questions de compétence et de
recevabilité. LaCour doit. avec les réservesqui conviennent, se demander
quel poids ilconvient d'attribuer à de tels éléments,où figurent des allé-
gations concernant la fourniture d'armes et l'entraînement qui aurait été

dispenséaux Salvadoriens dans une base proche de Managua. Bien qu'elle
ne soit pas disposée à écarter totalement ces informations, la Cour ne les
considère pas commeayant beaucoup de poids en elles-mêmes.Elle peut
encore moins retenir comme preuve les déclarations attribuées par la
presse a des diplomates en poste au Nicaragua, dont l'identitén'est pas
précisée, selon lesquelles leGouvernement du Nicaragua continuait à
apporter une aide a l'opposition salvadorienne.
147. Les élémentsdocumentaires et autres soumis par le Nicaragua a
propos de l'allégation relativeà la fourniture d'armes doivent êtreappré-
ciésen tenant compte du fait que, pour répondre à cette allégation, le
Nicaragua a la charge d'administrer une preuve négative. L'une des
annexes à son mémoire consiste en une attestation du 21 avril 1984 de
Miguel d'Escoto Brockmann, ministre des relations extérieures du Nica-
ragua. La Cour doit rappeler ici les observations au sujet de la valeur pro-

batoire de tels documents(paragraphes 69 et 70) que lui ont inspiréesdes
déclarationsde cegenre. Leministredes relations extérieuresaffirme dans
son attestation que les allégations desEtats-Unis selon lesquelles le Gou-
vernement du Nicaragua enverrait des armes, des munitionset du maté-
riel de transmission ainsi que des fournitures médicalesaux rebelles qui
mènent une guerre civile contre le Gouvernement d'El Salvador sont
dépourvues de fondement. Il poursuit :

((En réalité,mon gouvernement ne participe pas et n'a jamais
participé à la fourniture d'armes ou autres approvisionnements à
l'une quelconque des factions opposéesdans la guerre civile au Sal-
vador ...Depuis que mon gouvernement est arrivé au pouvoir le

19juillet 1979,sa règlede conduite a toujours étéd'empêcherque
notre temtoire soit utilisépour l'acheminement d'armes ouautre ma-
térielmilitaire destinéàd'autres gouvernements ou groupes rebelles.
A de nombreuses reprises. les forces de sécuritéde mon gouverne-
ment ont mêmeintercepté des convois clandestins d'armes. appa-
remment destinés au Salvador, et les ont confisqués. j)

Le ministre explique combien la géographie rend difficile les patrouilles
sur la frontière:8 1 MILITARY AND PARAMlLITARY ACTlVITlES(JUDGMENT)

"Nicaragua's frontier with Honduras. to the north, is 530 kilo-
meters long. Most of it is characterized by rugged mountains. or
remote and dense jungles. Most of this border area is inaccessible by

motorized land transport and simply impossible to patrol. To the
south, Nicaragua's border with Costa Rica extends for 220kilometers.
This area is alsocharacterized by dense and remotejungles and is also
virtually inaccessible by land transport. As a small underdeveloped
country with extremely limited resources. and with no modern or
sophisticated detection equipment, it is not easy for us to seal off our

borders to al1unwanted and illegal traffic."

He then points out thecomplication of thepresence of the contrasalong the

northern and southern borders, and describes efforts by Nicaragua to
obtain verifiable international agreements for halting al1armstraffic in the
region.
148. Before turning to the evidence offered by Nicaragua at the hear-
ings. the Court would note that the action of the United States Govern-
ment itself. on the basis of its own intelligence reports. does not suggest

that arms supply to El Salvador from the territory of Nicaragua was
continuous from July 1979,when the new régimetook power in Managua.
and the early months of 1981.The presidential Determination of 12 Sep-
tember 1980,for the purposes of the Special Central American Assistance
Act 1979. quoted in paragraph 123 above, officially certified that the

Government of Nicaragua was not aiding, abetting or supporting acts of
violence or terrorism in other countries, and the press release of the same
date emphasized the "careful consideration and evaluation of al1the rele-
vant evidence provided by the intelligence community and by our Embas-
siesin the field" forthe purposes of the Determination. The 1983Report of
the Intelligence Committee, on the other hand, referring to its regular

review of intelligence since "the 1979 Sandinista victory in Nicaragua",
found that the intelligence available to it in May 1983 supported "with
certainty" the judgment that arms and material supplied to "the Salva-
dorian insurgents transits Nicaragua with the permission and assistance of
the Sandinistas" (see paragraph 137 above).

149. During the oral proceedings Nicaragua offered the testimony of
Mr. MacMichael, already reviewed above (paragraphs 134and 135)from a

different aspect. The witness, who was well placed tojudge the situation
from United States intelligence, stated that there was no detection by
United States intelligence capabilities of arms traffic from Nicaraguan
territory to El Salvador during the period of his service (March 1981 to
April 1983).He wasquestioned also asto his opinion, in the light of official La frontière du Nicaragua avec le Honduras. au nord, s'étendsur
530kilomètres. dans des régionsmontagneuses et accidentéesou dans

deszones reculées recouvertes d'une végétation trèsdense. La plupart
des secteurs frontaliers ne sont pas accessibles par véhiculeterrestre
motoriséet ilest impossible d'y organiser des patrouilles. Au sud. la
frontière du Nicaragua avec le Costa Rica est longue de 220 kilo-
mètres,dans des régionsla aussi recouvertes d'une végétationdenseet

repliées sur elles-mêmes, pratiquement interdites aux moyens de
transport terrestre. II ne nous est pas facile, a nous petit pays sous-
développédisposantde trèsfaibles ressources et dépourvude matériel
de détection moderne et perfectionné. de fermer hermétiquement nos
frontières à tout trafic clandestin et illégal.

Le ministre souligne ensuite la complication résultant de la présencedes
coritrasaussi bien à la frontière nord qu'a la frontière sud, et expose les
efforts du Nicaragua pour aboutir a des accords internationaux contrô-
lables qui permettent de mettre fin à tout trafic d'armes dans la région.
148. Avant d'aborder l'examen des élémentsde preuve avancés par le

Nicaragua lors des audiences, la Cour relèveque les mesures prises par le
Gouvernement des Etats-Unis lui-même,sur la base de ses propres ren-
seignements. ne conduisent pas à penser que la fourniture d'armes au
Salvador à partir du territoire du Nicaragua ait étécontinue au cours de la
période comprise entre juillet 1979, date d'accession au pouvoir du nou-

veau régimeà Managua, et les tout premiers mois de l'année 1981. L'at-
testation présidentielle du 12septembre 1980aux fins du Special Centrul
Americun Assistance Act de 1979. qui a étécitée au paragraphe 123 ci-
dessus, avait en effet officiellement certifié que le Gouvernement du
Nicaragua n'aidait pas et n'appuyait pas les actes de violence ou de ter-
rorisme dans d'autres pays, ni ne s'enfaisait lecomplice. et le communiqué

officiel de la Maison-Blanche du même jour insistait sur l'examenet I'éva-
luation approfondis de tous les faits pertinents portés à notre connais-
sance par les services de renseignements ainsi que par les ambassades de
notre pays dans la région qui avaient précédéla délivrance de l'attes-
tation. En revanche le rapport de 1983 de la commission du renseigne-

ment. à propos de son analyse régulièredes renseignements depuis ((la
victoire des sandinistes au Nicaragua en 1979 O,concluait que leséléments
dont elle disposait en mai 1983 confirmaient <<de façon certaine ))que
des armes et autres matérielsenvoyés ...aux insurgés salvadoriens tran-
sitent par le Nicaragua avec l'accord et l'assistance des sandinistes ))(voir
paragraphe 137 ci-dessus).

149. Durant la procédure orale. le Nicaragua a fait comparaître
M. MacMichael, dont la déposition a déjà été étudiéesousun autre angle
(paragraphes 134et 135).Ce témoin.qui étaitbien placépour juger de la
situation d'après les informations dont disposaient les Etats-Unis, a dé-
claréque les services de renseignements des Etats-Unis n'avaient décelé

aucune livraison d'armes du territoire du Nicaragua au Salvador pendant
la duréede ses fonctions (de mars 198 1 à avril 1983).Le témoin aaussi étéstatements and press reports, on the situation after he left the CIA and
ceased to have access to intelligence material, but the Court considers it
can attach little weight to statements of opinion of this kind (cf. para-
graph 68 above).

150. In weighingup the evidence summarized above, the Court has to
determine also the significance of thecontext of.or background to, certain
statements or indications. That background includes. first. the ideological
similarity between two movements, the Sandinista movement in Nicara-
gua and the armed opposition to the present government in El Salvador ;

secondly the consequent political interest of Nicaragua in the weakening
or overthrow of the government in power in El Salvador ; and finally, the
sympathy displayed in Nicaragua, including among members of thearmy,
towards thearmed opposition in El Salvador.At the meeting of 12August
1981 (paragraph 136 above), for example, Commander Ortega told the
United States representative,Mr. Enders, that "we are interested in seeing
the guerrillas in El Salvador andGuatemala triumph . ..",and that "there
is a great desire here to collaborate with the Salvadorian people . ..".
Against this background, various indications which, taken alone, cannot
constitute either evidence or even a strong presumption of aid being given
by Nicaragua tothearmed opposition in El Salvador, do at least require to
be examined meticulously on the basis that it is probable that they are
significant.

151. It is in this light, for example, that one indirect piece of evidence
acquires particular importance. From the record of the meeting of 12Au-
gust 1981in Managua, mentioned in the preceding paragraph, it emerges
that the Nicaraguan authorities may have immediately taken steps, at the
request of the United States, to bring to a halt or prevent various forms of
support to the armed opposition in El Salvador. The United States rep-

resentative is there reported to have referred to steps taken by the Gov-
ernment of Nicaragua in March 1981 to halt the flow of arms to El
Salvador, and his statement tothat effect was not contradicted.According
to a New York Times report (17 September 1985) Commander Ortega
statedthat around this time measures were taken to prevent an airstrip in
Nicaragua from continuing to be used for these types of activities.This,in
the Court's opinion, is an admission of certain facts, such as the existence
of an airstrip designed to handle small aircraft,probably for the transport
of weapons, the likely destination being El Salvador,even if theCourt has
not received concrete proof of such transport.Thepromptness with which
the Nicaraguan authorities closed off this channel is a strong indication
that it was in fact being used, or had been used for such a purpose.

152. TheCourt finds, in short,that support for the armed opposition in
ElSalvadorfrom Nicaraguan territorywas a fact up to theearly months of
1981.While the Court does not possess full proof that there was aid, or as
to its exact nature, its scale and its continuance until the early months of ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 82

prié d'exprimer son opinion. eu égardàcertaines déclarations officielles et
aux nouvelles parues dans la presse. àpropos de la situation à l'époqueoù.
ayant quittéla CIA, ilavait cesséd'avoir accèsaux renseignements,mais la

Cour ne saurait guère attacher de poids à une telle expression d'opinion
(voir paragraphe 68 ci-dessus).
150. Pour formuler une appréciation sur les élémentsqui viennent
d'êtrerésumés, laCour doit aussi se demander quelle portée doit être
attribuée au contexte ou à l'arrière-plan de certaines déclarations ou de
certaines données. L'arrière-plan. c'est d'abord la similitude idéologique

de deux mouvements. le mouvement sandinisteau Nicaragua et I'opposi-
tion arméeau gouvernement en place au Salvador, ensuite, et par voie de
conséquence. l'intérêtpolitique que le Nicaragua attache à I'affaiblisse-
ment ou à la chute du gouvernement au pouvoir au Salvador, enfin la
sympathie affichée au Nicaragua, y compris dans l'armée,à l'égard de
l'opposition armée au Salvador. Lors de l'entretien du 12 août 1981 (pa-

ragraphe 136ci-dessus), par exemple, le commandant Ortega a déclaréau
représentant des Etats-Unis, M. Enders : <Nous sommes intéressésà ce
quetriomphe la guérillaau Salvador et au Guatemala >)et ilexiste ici une
forte volontéde coopération avec le peuple salvadorien ... Compte tenu
de cet arrière-plan, diverses indications qui, à elles seules, ne sauraient
constituer ni des preuves ni mêmede fortes présomptions quant a l'aide en

provenance du Nicaragua apportée à l'opposition armée au Salvador
demandent pour le moins à êtreexaminées avecsoin en partant de l'idée
qu'elles sont probablement significatives.
151. C'est de ce point de vue, par exemple, qu'un élémentde preuve
indirecteprend uneimportance toute spéciale.D'aprèslecompterendu de
l'entretien du 12 août 1981 à Managua qui a étéévoquéau paragraphe

précédent. ilapparaît que les autorités nicaraguayennes auraient immé-
diatement pris des mesures, à la requêtedes Etats-Unis, pour faire cesser
ou pour prévenir diverses formes de soutien a I'opposition armée au
Salvador. Le représentant des Etats-Unis aurait fait mention des mesures
prises par leGouvernement du Nicaragua en mars 198 1pour arrêterleflux
d'armes vers ElSalvador et cette déclaration n'a pas étécontredite. D'après

un article paru dans le New York Times (le 17 septembre 1985), le com-
mandant Ortega aurait déclaréque vers cette époque des mesures avaient
étéadoptées pour qu'un terrain d'atterrissage situé au Nicaragua ne soit
plus utilisé pour ce genre d'activité. Il y a là, de l'avis de la Cour, une
reconnaissance de certains faits. tels que I'existence d'une piste d'atterris-
sage destinée à accueillir de petits appareils, vraisemblablement pour le
transport d'armes, avec pour destinationprobable El Salvador, mêmesi la

Cour n'apas la preuveconcrète de tels transports. L'empressement mis par
les autorités du Nicaragua à fermer cette voie constitue un indice sérieux
que celle-ci servait effectivement. ou avait servi, à un tel usage.
152. Bref, la Cour conclut que le soutien à l'opposition armée au Sal-
vador à partir du territoire nicaraguayen a effectivement existéjusqu'aux
premiers mois de 1981. Sans avoir confirmation absolue de l'existence de

I'aide,de sa nature exacte, de son iniportance et de sa continuitéjusqu'aux83 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVlTIES (JUDGMENT)

1981, it cannot overlook a number of concordant indications, many of
which were provided moreover by Nicaragua itself, from which it can
reasonably infer the provision of a certain amount of aidfrom Nicaraguan
territory. The Court has already explained (paragraphs 64,69 and 70) the

precise degree to which it intended to take account. as regards factual
evidence, of statements by members of the governments of the States
concerned, including those of Nicaragua. It will not return to this
point.
153. After the early months of 1981, evidence of military aid from or

through Nicaragua remains very weak. This is so despite the deployment
by the United States in the region of extensive technical resources for
tracking. monitoring and intercepting air. sea and land traffic, described in
evidence by Mr. MacMichael and its use of a range of intelligence and
information sources in a political context where, moreover, the Govern-
ment had declared and recognized surveillance of Nicaragua as a "high

priority". The Court cannot of course conclude from this that no trans-
border traffic in arms existed, although it does not seem particularly
unreasonable to believe that traffic of this kind. had it been persistent and
on a significant scale, must inevitably have been discovered. in viewof the
magnitude of the resources used forthat purpose. The Court merely takes

note that the allegations of arms-trafficking are not solidly established ; it
has not. in any event,been able to satisfy itself that any continuing flow on
a significant scale took place after the early months of 1981.

154. In this connection, it v:as claimed in the Declaration of Interven-

tion by El Salvadorthat there was a "continuing flowof arms. ammunition.
medicines. and clothing from Nicaragua toour country" (para. VIII). and
El Salvador also affirmed theexistence of "land infiltration routes between
Nicaragua and El Salvador". Had evidence of this become available, it is
not apparent why El Salvador, given full knowledge of an arms-flow and

the routes used, could not have put an end to the traffic, either by itself or
with the assistance of the United States. which has deployed such powerful
resources. There is no doubt that the United States and El Salvador are
making considerable effort to prevent any infiltration of weapons and any
form of support to the armed opposition in El Salvadorfrom thedirection
of Nicaragua. So far as the Court has been informed, however, they have

not succeeded in tracing and intercepting thisinfiltration and these various
forms of support. Consequently. it can only interpret the lack of evidence
of the transborder arms-flow in one of the following twoways : either this
flow exists, but is neither as frequent nor as considerable as alleged by the
respondent State ; or it is being carried on without the knowledge. and
against the will, of a government which would rather put a stop toit. If this

latter conclusion is at al1valid with regard to El Salvador and the United
States it must therefore be at least equally valid with regard to Nicara-
gua.
155. Secondly, even supposing it well established that military aid ispremiers mois de 1981, la Cour ne peut cependant ignorer un certain
nombre d'indices concordants, dont beaucoup ont étéfournis au surplus

par le Nicaragua lui-même.et dont elle peut raisonnablement inférer la
matérialité d'une certaine aide arrivant du territoire du Nicaragua. La
Cour a déjà précisé(paragraphes 64. 69 et 70) la mesure exacte dans
laquelle elle entendaitprendre encompte. sur leplan de la preuve des faits.
les déclarations de membres du gouvernement des Etats intéressés et
"
notamment du Nicaragua. Elle ne reviendra pas sur ce point.
153. Après les tout premiers mois de 1981. les preuves d'une aide mili-
taire venant du Nicaragua ou transitant par son territoire demeurent fort
minces. et ce malgréla mise en Œuvrepar les Etats-Unis dans la régiondes
moyens techniques considérables de surveillance. de contrôle et d'inter-

ception du trafic aérien, maritime et terrestre décrits par M. MacMichael,
et la mobilisation par eux de sources diverses de renseignements et d'in-
formations. dans un contexte politique où. de surcroît. la surveillance du
Nicaragua avait étédéclaréeet reconnue par eux d'une <<haute priorité o.
La Cour ne peut pas conclure pour autant à l'inexistence de tout trafic

transfrontalier d'armes. encore qu'il ne paraisse pas hautement déraison-
nable de penser qu'un trafic de cette nature. s'ilavait étécontinu et d'une
importance appréciable. eût dû être inévitablementdécelé,en raison de
l'ampleur des moyens déployésà cette fin. La Cour se borne à constater
que les accusations de trafic d'armes ne sont pas solidement établies et ne
lui ont pas permis en tout cas de parvenir à la conviction qu'un flux

permanent et d'une certaine ampleur ait pu exister après les tout premiers
mois de l'année 1981.
154. A cet égard, ila été soutenudans la déclaration d'intervention d'El
Salvador qu'il y avait un flot constant d'armes, de munitions. de médi-
caments et de vêtementsvenant du Nicaragua 1)(par. VIII).et El Salvador

a en outre fait état de ((l'existence de voies d'infiltration terrestres entre
le Nicaragua et El Salvador ))A supposer que des preuves eussent existé,
on ne comprendrait pas qu'El Salvador. pleinement au fait de ces envois
d'armes et de leurs itinéraires. n'ait pu lui-mêmeouavec l'aide des Etats-
UII~Sq . ui ont mis en muvre de puissants moyens, mettre un terme à un tel

trafic.IIne fait aucun douteque les Etats-Unis et El Salvadordéploient des
efforts considérables pour empêchertoute infiltration d'armes et toute
forme de soutien à l'opposition armée au Salvador qui proviendrait du
Nicaragua. A la connaissance de la Cour ils n'ont cependant pas réussi
à décelerni à interrompre ces infiltrations et ces diverses formes de sou-

tien. La Cour ne peut. dès lors, interpréter l'absence de preuve quant
à ce flux d'armes transfrontalier que de l'une des deux manières sui-
vantes :ou bien ce trafic existe mais iln'est ni aussi fréquent ni aussi
considérable que l'affirme 1'Etatdéfendeur ;ou bien cetrafic peut sepour-
suivre à l'insu et contre la volonté d'un gouvernement qui souhaiterait
plutôt l'interrompre. Si cette dernière conclusion est un tant soit peu

valable à l'égardd'El Salvador et des Etats-Unis. elle doit l'être au moins
autant à l'égarddu Nicaragua.
155. En second lieu, à supposer même effectivementétabliel'existencereaching the armed opposition in El Salvador from the territory of Nica-
ragua. it still remains to be proved that this aid is imputable to the
authorities of the latter country. Indeed, the applicant Statehas in no way
sought to conceal the possibility of weapons en route to the armed oppo-
sition in El Salvador crossing its territory but it denies that this is the result
of any deliberate officia1 policy on its part. As the Court observed in

1949 :
"it cannot beconcluded from the mere fact of thecontrol exercised by

a State over itsterritory and waters that that State necessarilyknew, or
oughtto have known, of any unlawful act perpetrated therein, nor yet
that it necessarily knew, or should have known, the authors. This fact,
by itself and apart from other circumstances, neither involvesprima
facie responsibility nor shifts the burden of proof." (Corfu Channel,
1.C.J. Reports 1949, p. 18.)

Here it is relevant to bear in mind that there is reportedly a strong will for
collaboration and mutual support between important elements of the
populations of both El Salvador and Nicaragua, not least among certain
members of the armed forces in Nicaragua. The Court sees no reason to

dismiss these considerations, especially since El Salvador itself recognizes
the existence in Nicaraguan coastal areas of "traditional smugglers" (Dec-
laration, para. VIII, H), because Nicaragua is accused not so much of
delivering weapons itself as of allowing them to transit through its terri-
tory ; and finally because evidence has been provided, in the report of the
meeting of 12August 1981referred to in paragraph 136above, of a degree

of co-operation between the United States and Nicaragua for the purpose
of putting a stop to these arms deliveries. The continuation of this co-
operation does not seem to have depended solely on the Government of
Nicaragua, for the Government of the United States, which in 1981again
raised with it the question of this traffic, this time refused to provide the
Nicaraguan authorities, as it had on previous occasions, with the specific
information and details that would have enabled them to cal1a halt to it.

Since the Government of the United States has justified its refusal by
claiming that any disclosure would jeopardize its sources of information.
the Court has no means of assessing the reality or cogency of the undi-
vulged evidence which the United States claimed to possess.

156. In passing, the Court would remark that, ifthis evidence really
existed, the United States could be expected to have taken advantage of it

in order to forestall or disruptthetraffic observed ; it could presumably for
example arrangefor the deployment of a strong patrol force in El Salvador
and Honduras, along the frontiers of these States with Nicaragua. It is
difficult to accept that it should have continued to carry out military and
paramilitary activities against Nicaragua if their only purpose was, as
alleged, to serve as a riposte in the exercise of the right of collective
self-defence. If, on the other hand, this evidence does not exist, that,as the

Court has pointed out, implies that the arms traffic is so insignificant andd'une aide militaire à l'opposition armée au Salvador en provenance du
territoire du Nicaragua. ilfaudrait encore prouver que cette aide est
imputable aux autorités de ce dernier pays. L'Etat demandeur n'a en effet

nullement caché que des armes à destination de l'opposition armée au
Salvador ont pu transiter par sonpropre territoire. mais ilnie que ce soit le
résultatd'une politique gouvernementale délibéréede sa part. Ainsi que la
Cour l'a dit en 1949 :

(on ne saurait conclure du seul contrôle exercépar un Etat sur son
territoire terrestre ou sur ses eaux territoriales que cet Etat a néces-
sairement connu ou dû connaître tout fait illicite internationalqui y a
été perpétrénon plus qu'il a nécessairement connu ou dû connaître ses

auteurs. En soi. et indépendamment d'autres circonstances, ce fait ne
justifie ni responsabilitéprima hie ni déplacement dans lefardeau de
la preuve. ))(Détroitde Corfou, C.I.J. Recueil 1949, p. 18.)

II ne faut pas perdre de vue qu'une forte volonté de collaboration et
d'entraide existerait, affirme-t-on, entre d'importants élémentsdespopu-
lations salvadorienne et nicaraguayenne, en particulier parmi certains
membres des forces arméesdu Nicaragua. La Cour voit d'autant moins de
raisons d'écarter ces considérations que tout d'abord El Salvador recon-

naît lui-mkme l'existence de (contrebandiers de tradition (déclaration,
par. VIII. H) opérant dans la régioncôtière, qu'ensuite le Nicaragua est
accusémoins de livrer lui-mêmedesarmes que de laisser transiter celles-ci
par son territoire, et qu'enfin le compte rendu de l'entretien du 12 août
1981 viséau paragraphe 136 ci-dessus apporte la preuve d'une certaine
coopération entre les Etats-Unis et le Nicaragua aux fins d'enrayer ces

transports d'armes. Il ne semble pas avoir dépendu exclusivement du
Gouvernement du Nicaragua qu'une telle coopération se poursuive. En
effet leGouvernement des Etats-Unis, qui a de nouveau fait étaten 1981de
ce trafic auprès de celui du Nicaragua. s'est refusé cette fois-là, et con-
trairement aux fois précédentes,à fournir aux autorités nicaraguayennes

les informations et précisions nécessairesqui leur auraient permis d'y
mettre un terme. Le Gouvernement des Etats-Unis ayant justifié son
refus en invoquant le risque qu'il ferait courir à ses sources d'informa-
tion, la Cour n'est pas en mesure d'apprécier I'existence et la valeur des
moyens de preuve que les Etats-Unis ont déclarédétenir et qu'ils n'ont
pas révélés.

156. La Cour note au passage que, si ces preuves existaient réellement,
on pourrait penser que les Etats-Unis les auraient mises à profit pour
prévenirou enrayer le trafic.constaté ;ils auraientpu par exemple prendre
des dispositions pour que de fortes patrouilles soient déployées au Salva-
dor et au Honduras le long de leurs frontières respectives avec le Nicara-
gua. II est difficile d'accepter l'idée qu'ilsauraient continué de mener des

activités militaires et paramilitaires contre le Nicaragua si celles-ci
n'avaient. comme ils le soutiennent, d'autre objet que de riposter en
exerçant le droit de légitimedéfensecollective. Si au contraire ces preuves
n'existent pas, cela signifie, comme l'a relevéla Cour. que le traficd'armescasual that it escapes detection even by the sophisticated techniques
employed for the purpose, and that, a fortiori,it could also have been
carried on unbeknown to the Government of Nicaragua, as that Govern-
ment claims. These two conclusions mutually support each other.

157. This second hypothesis would provide the Court with a further

reason for taking Nicaragua's affirmation into consideration, in that. if the
flow of arms is in fact reaching El Salvadorwithout either Honduras or El
Salvador or the United States succeeding in preventing it, it would clearly
be unreasonable to demand of the Government of Nicaragua a higher
degree of diligence than is achieved by even the combined efforts of the
other three States. In particular, when Nicaragua is blamed for allowing

consignments of arms to cross its territory, this is tantamount, where El
Salvador is concerned, to an admission of its inability to stem the flow.
This is revealing as to the predicament of any government, including that
of Nicaragua, faced with this arms traffic : its determination to put a stop
to it would be likely to fail. More especially, to the extent that some of this
aid is said to be successfully routed through Honduras, this accusation
against Nicaragua would also signify that Honduras, which is not sus-

pected of seeking to assist the armed opposition in El Salvador, is pro-
viding involuntary proof that it is by no means certain that Nicaragua can
combat this clandestine traffic any better than Honduras.As the means at
the disposal of the governments in the region are roughly comparable, the
geographical obstacles, and theintrinsiccharacter of any clandestine arms
traffic, simply show that this traffic may be carried on successfully without
any complicity from governmental authorities, and even when they seek to

put a stop to it. Finally, if it is true that the exceptionally extensive
resources deployed by the United States have been powerless to prevent
this traffic from keeping the Salvadorian armed opposition supplied, this
suggests even more clearly how powerless Nicaragua must be with the
much smaller resources at its disposal for subduing this traffic if it takes
place on its territory and the authorities endeavour to put a stop to it.

158. Confining itself to the regional Statesconcerned,the Court accord-
ingly considers that it isscarcelypossible forNicaragua's responsibility for
an arms traffic taking place on its territory to be automatically assumed
while the opposite assumption is adopted with regard to its neighbours in
respect of similar traffic. Having regard to the circumstances character-
izing this part of Central America. the Court considers it more realistic,
and consistent with the probabilities, to recognize that an activity of that

nature, ifon a limited scale, may very well be pursued unbeknown to the
territorial government.
159. It may be objected that the Nicaraguan authorities are alleged to
have declared on various occasions that military assistance to the armed
opposition in El Salvador was part of their official policy. The Court has
already indicated that it is unable to give weight to alleged statements to
that effect of which there is insufficient evidence. In the report of the

diplomatie talks held on 12 August 1981at Managua, Commander Ortega ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 85

est assez insignifiantet occasionnel pour échapper aux moyens techniques
perfectionnés mis en Œuvre pour sa détection, et qu'a fortiori il pourrait
s'êtreeffectué aussi à l'insu du <;ouvernement du Nicaragua. comme
celui-ci le maintient. Ces deux conclusions se soutiennent mutuelle-

ment.
157. La Cour aurait alors. dans cedernier cas. un autre motif de prendre
en considération l'affirmation du Nicaragua. IIest en effet clair que si le
flux d'armes aboutit effectivement nu Salvadorsans que ni le Honduras, ni
El Salvador. ni les Etats-Unis ne parviennent à l'empêcher, ilparaîtrait
déraisonnable d'exiger du Gouvernement du Nicaragua une diligence

supérieure i celles. conjuguées. des trois autres Etats. En particulier le
reproche fait au Nicaragua de laisser transiter des transports d'armes
équivautpour El Salvador àreconnaîtreson incapacitéàenrayer ce flux, ce
qui est rcvélateur de la difficultéqii'éprouverait tout gouvernement. celui
du Nicaragua compris. confronté àce trafic d'armes :sa volontéd'ymettre
un terme n'aurait guèrede chances de succès. Plus encore, la mêmeaccu-

sation articulée contre le Nicaragua signifierait aussi. dans la mesure où
cette aide réussirait à transiter cette fois par le Honduras, que ce dernier
pays. qui n'est pas suspect de vouloir aider l'opposition arméeau Salvador,
administre involontairement la preuve qu'il n'est nullement certain que le
Nicaragua puisse, mieux que le Honduras, s'opposer à ce transport clan-
destin. Les moyens des gouvernements de la région étant sensiblement

comparables. les difficultésdues à la géographie et les particularités pro-
pres à tout traficclandestin d'armes montrent tout simplement que celui-ci
peut se poursuivre sans que les autorités gouvernementales en soient
complices et alors mêmequ'elles cherchent à I'arrêter.Enfin, s'il est vrai
que l'ampleur exceptionnelle des moyens mis en Œuvre par les Etats-Unis
n'a nullement empêchéce trafic d'alimenter la guérillasalvadorienne. cela

implique encore plus nettement I'irnpuissance dans laquelle se trouverait
le Nicaragua, qui dispose de moyens bien plus faibles pour maîtriser ce
trafic si celui-ci emprunte son territoire et que les autorités essaient de
l'arrêter.
158. En s'entenant uniquement aux Etats de la régionqui sont concer-
nés.la Cour considère en conséquence qu'il est malaiséde tenir le Nica-

ragua pour automatiquement responsable d'un trafic d'armes qui se
déroulerait sur son territoire en partant de l'hypothèse inverse à propos
d'un trafic semblable dans lecas de sesvoisins. Eu égardaux circonstances
qui caractérisent cette partie de 1'.4mériquecentrale, la Cour considère
plus réalisteet conforme à la vraisemblance d'admettre qu'une activitéde
cette nature. pour autant qu'elle soit d'une ampleur limitée.peut parfai-

tement se dérouler à l'insu du gouvernement territorial.
159. 11peut êtreobjectéà cela que les autorités du Nicaragua auraient.
dans diversesdéclarations, affirmé que l'aide militaire àl'opposition armée
au Salvador faisait partie de leur politique gouvernementale. La Cour a
déjà indiqué qu'elle ne peut pas en généralaccueillir des allégations de
cette nature qui ne sont pas étayées par des preuves suffisantes. Dans le

compte rendu des entretiensdiplomatiques du 12 août 1981à Managua. ledid not in any sense promise to cease sending arms, but, on the contrary,
said on the one hand that Nicaragua had taken immediate steps to put a
stop to it once precise information had been given and, on theother hand,
expressed inability to take such steps where Nicaragua was not provided
with information enabling that traffic to be located. The Court would
further observe that the four draft treaties submitted by Nicaragua within
the Contadora process in 1983(quoted in paragraph 139 above) do not
constitute an admission by Nicaragua of the supply of assistance to the
armed opposition in ElSalvador, but simply make provision for the future
in thecontext of the inter-American system, in which a State isprohibited
from assisting the armed opposition within another State.

160. On the basis of the foregoing, the Court is satisfied that, between
July 1979,the date of the faIl of the Somoza régimein Nicaragua, and the

early months of 1981, an intermittent flow of arms was routed via the
territory of Nicaragua to thearmed opposition in ElSalvador. On theother
hand, the evidence is insufficient to satisfy the Court that, since the early
months of 1981,assistance hascontinued to reach the Salvadorian armed
opposition from theterritory of Nicaragua onany significant scale, or that
the Government of Nicaragua was responsible for any flow of arms at
either period.

161. The Court therefore turns to the claim that Nicaragua has been
responsibleforcross-bordermilitary attackson Honduras and Costa Rica.
The United States annexed to its Counter-Memorial onjurisdiction, inter
alia,a document entitled "Resuméof Sandinista Aggression in Honduran
Territory in 1982" issued by the Press and Information Officer of the
Honduran Ministry of Foreign Relations on 23 August 1982.That docu-
ment listed 35 incidents said to involve violations of Honduran territory,
territorial waters or airspace, attacks on and harassment of the Honduran

population or Honduran patrols, between 30January 1982and 21 August
1982.Also attached to the Counter-Memorial were copies of diplomatic
Notes from Honduras to Nicaragua protesting at other incidents stated to
have occurred in June/July 1983and July 1984.The Court has no infor-
mation as to whetherNicaragua replied to thesecommunications, and if so
in what terms.

162. With regard toCosta Rica, the United States has supplied the text
of diplomatic Notes of protest from Costa Rica to Nicaragua concerning
incidents in September 1983,February 1984and April 1984,and a Note
from Costa Rica to the Foreign Ministers of Colombia, Mexico, Panama
and Venezuela,referring toan incident of29April 1984,and requestingthe
sending of a mission of observers. Again, the Court has no information ascommandant Ortega n'anullement promis de cesser letraficd'armes, mais
au contraire iladéclaréd'une partque le Nicaragua avait pris des mesures
immédiatespour y mettre fin dès lors que des informations préciseslui
avaient étécommuniquées, et exprimé d'autre part son incapacité à
prendre des mesures analogues si des informations appropriées pour
situer ce trafic n'étaientpas fournies au Nicaragua. La Cour constate
en outre qu'en soumettant en 1983quatre projets de traités (citésau para-
graphe 139 ci-dessus) dans le cadre des consultations de Contadora le
Nicaragua n'a pas admis avoir aidéI'opposition arméeau Salvador ; les
traités en question disposent seulement pour l'avenir dans le contexte
du système interaméricain, oùl'aide d'un Etat à I'opposition armée d'un

autre est interdite.
160. Vu les considérations qui précèdent,la Cour tient pour établi
qu'entre juillet 1979,date de la chute du régimede Somoza, et les tout
premiers mois de 1981, un flux intermittent d'armes destinées àI'opposi-
tion arméeauSalvadortraversait leterritoire du Nicaragua. Par contre elle
ne dispose pas d'élémentssuffisants pour pouvoir conclure avec certitude
que,depuis les premiers mois de 1981,I'opposition arméeau Salvador ait
continué à recevoir,du territoire du Nicaragua, une assistanceappréciable.
ou mêmeque leGouvernement du Nicaragua soit, pour l'uneou l'autre de
ces périodes, responsable des envois d'armes.

161. La Couren vient donc à l'accusation suivant laquelle le Nicaragua
aurait étéresponsable d'attaques militaires transfrontières contre le Hon-

duras et le Costa Rica. Les Etats-Unis ont joint leur contre-mémoire sur
la compétenceentre autres un document intitulé Résumé des agressions
sandinistes en territoire hondurien en 1982o.rendu public le23août 1982
par le service de presse et d'information du ministère des relations exté-
rieures du Honduras. Ce document énumère trente-cinq incidents qui se
seraient accompagnés de violations du territoire, des eaux territoriales ou
de l'espace aériendu Honduras, ainsi que diverses attaques et actes de
harcèlement de la population ou de patrouilles honduriennes, dans la
période du30janvier au 21 août 1982.On trouve également en annexeau
contre-mémoiredes copies de notes diplomatiques adresséespar le Hon-
duras auNicaraguapour protester contre d'autres incidentsqui seseraient
produits enjuin-juillet 1983et enjuillet 1984.La Cour ignore si leNica-
ragua a répondu à ces communications et, dans l'affirmative, en quels
termes.
162. Dans le cas du Costa Rica, les Etats-Unis ont produit le texte de

notes diplomatiques de protestation adresséespar le Costa Rica au Nica-
ragua au sujet d'incidents survenusen septembre 1983,février1984et avril
1984,ainsi que celui d'une note du Costa Rica aux ministres des relations
extérieuresde Colombie, du Mexique, du Panama et du Venezuela.relative
à un incident du 29 avril 1984 et sollicitant l'envoi d'une mission d'ob-to the contemporary reaction of Nicaragua to these allegations ;from
press reports it appears that the matter was later amicably settled.

163. As theCourt has already observed (paragraphs 130to 131above),
both thePartieshaveaddressed themselvesprimarily to the question of aid
by the Government of Nicaragua to thearmed opposition in El Salvador,
and the question of aggression directed against Honduras and Costa Rica
has fallen somewhat into the background. Nevertheless the allegation that
such aggression affords a basis for the exercise by the United States of the
right ofcollectiveself-defence remains on the record ;and the Courthasto
note that Nicaragua has not taken the opportunity during the proceedings
of expressly refuting the assertion that it has made cross-border military
attacks on the territory ofthose two States.At the opening of the hearings
in 1984 on the questions of jurisdiction and admissibility, the Agent of
Nicaragua referred to the "supposed armed attacks of Nicaragua against

itsneighbours", and proceeded to "reiterate our denial of these accusations
which in any case we will amply address in the merits phase of these
proceedings". However, the declaration of the Nicaraguan Foreign Mini-
ster annexed to the Memorial on the merits filed on 30 April 1985,while
repudiating the accusation of support for the armed opposition in El
Salvador, did not refer at al1to the allegation of border incidents involving
Honduras and Costa Rica.
164. The Court, while not as fully informed on the question as it would
wish to be. therefore considers as established the fact that certain trans-
border military incursions into the territory of Honduras and Costa Rica
areimputabletotheGovernment of Nicaragua. TheCourt isalsoaware of
the fact that the FDN operates along the Nicaraguan border with Hon-
duras, and the ARDE operates along the border with Costa Rica.

165. In view of the assertion by the United States that it has acted in
exercise of the right of collective self-defence for the protection of El
Salvador, Honduras and Costa Rica, the Court has also to consider the
evidence available on the question whether those States, or any of them,
made a request for such protection. In its Counter-Memorial on jurisdic-
tion and admissibility, the United States informed the Court that

"ElSalvador, Honduras. and Costa Rica have each sought outside
assistance, principally from the United States. in their self-defense
against Nicaragua's aggression. Pursuant to the inherent right of
individual and collective self-defense. and in accordance with the
terms of the Inter-American Treaty of Reciprocal Assistance, the
United States has responded to these requests."

No indication has however been givenof the dates on which such requests
for assistance were made. The affidavit of Mr. Shultz, Secretary of State,servateurs. Là encore, la Cour ne dispose d'aucune information sur la
manière dont, à l'époque,le Nicaragua a réagià ces allégations ; ilsem-
blerait, d'après desinformations parues dans la presse, que la question ait
étérégléeà l'amiable par la suite.

163. Ainsi que la Cour l'a déjà signalé (paragraphes 130 et 131 ci-
dessus), les deux Parties ont surtout traité de la question de l'aide fournie
par le Gouvernement du Nicaragua à I'opposition arméeau Salvador, celle
de l'agression contre le Honduras et leCosta Rica restant quelque peu dans
l'ombre. Mais la thèsesuivantlaquelle cette agressionjustifierait I'exercice.
par les Etats-Unis, du droit de Iégitimedéfensecollective, n'en reste pas

moins un élémentdu dossier ; et la Cour doit constater que durant
l'instance leNicaragua n'apas saisil'occasion qui lui étaitofferte de réfuter
expressément les accusations relatives aux attaques militaires transfron-
tières auxquelles il se serait livrécontre le territoire de ces deux Etats. A
l'ouverture des audiences de 1984 sur les questions de compétence et de
recevabilité. l'agent du Nicaragua avait évoquéles <prétendues attaques

arméesdu Nicaragua contre ses voisins ))pour réitérerses dénégations
devant ces accusations dont, de toute manière, ilserait traité amplement
dans la phase de l'instance consacrée au fond o. Or, la déclaration du
ministre des relationsextérieures du Nicaragua annexée au mémoiresur le
fond déposé le 30 avril 1985, si elle rejette l'accusation de soutien à
I'opposition armée au Salvador, ne fait aucune mention des incidents

frontaliers qui se seraient produits avec le Honduras et le Costa Rica.
164. Cela étant,et bien qu'elle ne soit pas aussi parfaitement informéeà
ce sujet qu'elle pourrait le désirer, la Cour tient donc pour établi que
certaines incursions militaires transfrontières dans le territoire du Hon-
duras et du Costa Rica sont en fait imputables au Gouvernement du
Nicaragua. La Cour n'ignore pas que la FDN opèresur la frontière entre le

Nicaragua et le Honduras, et I'ARDE sur la frontière costa-ricienne.

165. Les Etats-Unis affirmant avoir agi dans l'exercice du droit de
Iégitimedéfense collective pour protéger El Salvador, le Honduras et le

Costa Rica, la Cour doit aussi examiner les éléments quipermettraient
d'établirsices Etats,ou l'un d'entre eux. ont sollicitécette protection. Dans
leur contre-mémoire sur la compétenceet la recevabilité,les Etats-Unis ont
informé la Cour de ce que

El Salvador, le Honduras et le Costa Rica ont chacun fait appel à
l'aide extérieure.principalement des Etats-Unis, au titre de la Iégitime
défensecontre l'agression nicaraguayenne. En vertu du droit naturel
de Iégitimedéfense, individuelle ou collective, et conformément aux
dispositions du traitéinteraméricain d'assistance mutuelle, les Etats-

Unis ont donné suite à ces demandes.
Aucune indication n'est cependant donnée quant aux dates auxquelles ces
demandes d'aide auraient étéformulées.Dans la déclaration sous sermentdated 14 August 1984 and annexed to the United States Counter-
Memorial onjurisdiction and admissibility, whileasserting that the United
States is acting in accord with the provisions of the United Nations Char-
ter,and pursuant to theinherent rightof selfdefence,makesno express men-
tion of any request for assistance by the three States named. El Salvador,
in its Declaration of Intervention in the present proceedings of 15August
1984,stated that, faced with Nicaraguan aggression,

"we have been called upon to defend ourselves, but our own economic
and military capability is not sufficient to face any international
apparatus that has unlimited resources at its disposal, and we have,
therefore, requested support and assistance from abroad. It is our
natural, inherent right under Article 51 of the Charter of the United
Nations to have recourse to individual and collective acts of self-
defence. It was with this in mind that President Duarte, during a
recent visit to the United States and in discussions with United States
congressmen, reiterated the importance of this assistance for our
defence from the United States and the democratic nations of the
world." (Para. XII.)

Again, no dates are given, but the Declaration continues "This was also
done by the Revolutionary Junta of Government and the Government of
President Magafia", i.e., between October 1979and December 1980,and
between April 1982 and June 1984.

166. The Court however notes that according to the report, supplied by
the Agent of Nicaragua, of the meeting on 12 August 1981 between
President Ortega of Nicaragua and Mr. Enders, the latter is reported to
have referred to action which the United States might take

"ifthe arms race in Central America is built up to such a point that
some of your [SC.Nicaragua's] neighbours in Central America seek
protection from us under the Inter-American Treaty [of Reciprocal
Assistance]".

This remark might be thought to carry theimplication that no such request
had yet been made. Admittedly, the report of the meeting is a unilateral
one, and its accuracy cannot be assumed as against the United States. In
conjunction with the lack of direct evidence of a forma1request for assis-
tance from any of the three States concerned to the United States, the
Court considers that this report is not entirely without significance.

167. Certain events which occurred at the time of the fa11of the régime
of President Somoza have next to be mentioned, since reliance has been
placed on them to support a contention that the present Government of
Nicaragua is in violation of certain alleged assurances given by its imrne-de M. Shultz, secrétaire d'Etat, datée du 14 août 1984 et annexée au
contre-mémoire sur la compétence et la recevabilité, il est dit que les

Etats-Unis agissent conformément aux dispositions de la Charte des
Nations Unies dans l'exercice du droit naturel de légitime défense, mais
aucune mention n'est faite d'une demande d'assistance des trois Etats
cités.Dans sadéclarationd'intervention en laprésente instance,en date du
15 août 1984, El Salvador s'exprime ainsi :

placés devant [l']agression [nicaraguayenne]. nous nous sommes
trouvés obligésde nous défendre, mais, nos moyens économiqueset
militaires n'étant pas suffisants pour faire face à un appareil inter-
national qui dispose de ressources illimitées,nous avons cherché un
appui et une assistance à l'étranger. L'article51 de la Charte des
Nations Unies nous donne le droit naturel et inhérent deprendre des
mesures individuelles et collectives de légitime défense. C'esten son-
geant à cela que le président Duarte, pendant sa récente visite aux
Etats-Unis et lorsde sesentretiens avecdesmembres du Congrèsdece
pays, a réaffirmél'importance, pour notre défense,de l'assistance des

Etats-Unis et des nations démocratiques. ))(Par. XII.)
Là encore. aucune date n'est mentionnée. mais ladéclaration~oursuit en
ces termes : Cela avait égalementété affirmé par lajunte go;vernemen-
tale révolutionnaireet par le gouvernement du président Magaiïa O,c'est-
à-dire entre octobre 1979 et décembre 1980 et entre avril 1982 et juin

1984.
166. La Cour relèvecependant que, d'aprèsle compte rendu fourni par
l'agent du Nicaragua de l'entretien du 12 août 1981 entre le président
Ortega du Nicaragua et M. Enders, ce dernier aurait évoquéles mesures
que pourraient prendre les Etats-Unis

(([si]lacourse aux armements enAmériquecentrale sedéveloppe àun
point tel que certains des pays de la région [c'est-à-diredes pays
voisins du Nicaragua] nous invitent à les protéger au titre du traité
interaméricain [d'assistance mutuelle] )>,

ce qui pourrait laisser entendre qu'aucune demande de cet ordre n'avait
encore été présentée.Certes lecompte rendu a été établi unilatéralement et
l'onne saurait présumerqu'ilsoit exact et opposable aux Etats-Unis. Mais
en l'absence de preuves directes d'une demande d'assistance formelle que
l'undes trois Etats aurait adressée àces derniers, la Cour considèreque ce
document n'est pas entièrement dénuéd'importance.

167. Certains faits survenus au moment de la chute du régimedu pré-

sident Somoza doivent êtreensuite rappelés,car ils ont étéinvoquéspour
démontrer que l'actuel Gouvernement du Nicaragua viole certaines assu-
rances données en 1979par son prédécesseurimmédiat,le gouvernementdiate predecessor, the Government of National Reconstruction, in 1979.
From the documents made available to the Court, at its request, by
Nicaragua, it appearsthat what occurred was as follows.On 23June 1979,
the Seventeenth Meeting of Consultation of Ministers of Foreign Affairs
of the Organization of American States adopted by majority, over the
negative vote of, inter alios, the representative of the Somoza government
of Nicaragua, a resolution on the subject of Nicaragua. Bythat resolution

after declaring that "the solution of the serious problem is exclusively
within thejurisdiction of the people of Nicaragua", the Meeting of Con-
sultation declared
"That in the view of the Seventeenth Meeting of Consultation of
Ministers of Foreign Affairs this solution should be arrived at on the
basis of the following :

1. Immediate and definitive replacement of the Somoza régime.
2. Installation in Nicaraguan territory of a democraticgovernment,
the composition of which should include the principal representative
groups which oppose the Somoza régimeand which reflects the free
will of the people of Nicaragua.
3. Guarantee of the respect for human rights of al1Nicaraguans
without exception.
4.The holding of free elections as soon as possible, that willlead to
the establishment of a truly democratic government that guarantees
peace, freedom, and justice."

On 12 July 1979. the five members of the Nicaraguan "Junta of the
Government ofNational Reconstruction" sent fromCosta Rica a telegram
to the Secretary-General of the Organization of American States, com-
municating the "Plan of the Government of National Reconstruction to
Secure Peace". The telegram explained that the plan had been developed
on the basis of the Resolution of the Seventeenth Meeting of Consulta-
tion ; in connection with that plan, the Junta members stated that they
wished to "ratify" (ratificar) some of the "goals that have inspired their
government". These included. first

"our firmintention to establish fullobservance of human rights in our
country in accordance with the United Nations Universal Declara-
tion of the Rights of Man [sic] and the Charter on Human Rights of
the Organization of American States" ;

the Inter-American Commission on Human Rights was invited "to visit
ourcountry as soon asweare installed in our national territory". A further
goal was
"the plan to cal1the first freeelections ourcountryhas known in this
century. sothatNicaraguans can elect their representatives to thecity
councils and to a constituent assembly, and later elect the country's
highest authorities".de reconstruction nationale. D'après les documents que le Nicaragua a
communiqués a la Cour àla demande de celle-ci, le déroulement paraît en
avoirétélesuivant. Le 23 juin 1979ladix-septièmeréunion de consultation
des ministres des relations extérieures de l'organisation des Etats améri-

cains a adopté à la majorité. le représentant du gouvernement Somoza.
entre autres. se prononqant contre. une résolution sur la question du
Nicaragua, où elle déclarait <(qu'il appartient exclusivement au peuple
nicaraguayen de résoudre ce grave problème et :

<(Qu'à son avis cette solution doit reposer sur les bases suivantes :

1. Remplacement immédiat et définitif du régimede Somoza ;
2. Installation au Nicaragua d'un gouvernement démocratique

dont la composition comprenne les principaux groupes représentatifs
de l'opposition au régimede Somoza, et[qui] soit librement choisi par
le peuple nicaraguayen ;
3. Garantie du respect des droits de I'homme de tous les Nicara-

guayens sans exception ;
4. Organisation dans les plus brefs délaisd'élections librescondui-
sant à l'installation d'un gouvernement authentiquement démocra-
tique qui garantisse la paix. la liberté et la justice.

Le 12juillet 1979 les cinq membres de la cjunte gouvernementale de
reconstruction nationale du Nicaragua )) ont envoyé du Costa Rica au

secrétaire généralde l'organisation des Etats américains un télégramme
par lequel ils lui communiquaient le plan pour la paix de la junte gou-
vernementale de reconstruction nationale du Nicaragua 1)Ils précisaient
que le plan procédait de la résolution de la dix-septième réunion de

consultation et qu'ils entendaient, ii cette occasion. <(ratifieri>(rutificur)
certains des objectifs qui avaient inspiré leur gouvernement D. Il s'agis-
sait tout d'abord de

<notre ferme intention de faire pleinement respecter les droits de
l'homme dans notre pays, conformément à la déclaration universelle
des droits de I'homme des Nations Unies et à la charte des droits de

l'homme de l'organisation des Etats américains 1).
La commission interaméricaine desdroits de I'homme étaitinvitéeà visi-

ter notre pays dèsque nous serions installéssur le territoire national o.Un
autre objectif était constitué par

cun plan en vue d'organiser les premières élections libres dans notre
pays depuis le début de ce siècle, de façon que les Nicaraguayens
puissent élire leurs représentants aux conseils municipaux et à l'as-
semblée constituante et. plus tard, les autorités suprêmes du

pays o.The Plan to Secure Peace provided for the Government of National
Reconstruction, as soon as established. to decree a Fundamental Statute

and an Organic Law. and implement the Program of the Government of
National Reconstruction. Draftsof these textswere appendedto the Plan :
they were enacted into law on 20 July 1979and 21 August 1979.

168. In this connection. the Court notes that.since thus announcing its
objectives in 1979, the Nicaraguan Government has in fact ratified a
number of international instruments on human rights. At the invitation of
the Government of Nicaragua, the Inter-American Commission on Hu-
man Rights visited Nicaragua and compiled two reports (OEA/Ser.L/
V/ 11.53and 62). A state of emergency was declared by the Nicaraguan
Government (and notified to the United Nations Secretary-General) in
July 1979,and was re-declared or extended on a number of subsequent
occasions. On 4November 1984,presidential and legislativeelections were
held. in the presence of foreign observers :sevenpolitical parties took part
in the election, while three parties abstained from taking part on the
ground that the conditions were unsatisfactory.

169. The viewof the United States asto the legaleffectof theseevents is
reflected in, for example, a Report submitted to Congress by President
Reagan on 10 April 1985inconnection with finance for the contras. It was
there stated that one of the changes which the United States was seeking
from the Nicaraguan Government was :

"implementation of Sandinista commitment to the Organization of
American States to political pluralism. human rights, free elections,
non-alignment, and a mixed economy".

A fuller statement of those views is contained in a forma1 finding by
Congress on 29 July 1985,to the following effect :

"(A) the Government of National Reconstruction of Nicaragua

formallyaccepted the June 23, 1979.resolution as abasis for resolving
the Nicaraguan conflict in its 'Plan to Achieve Peace' which was
submitted to the Organization of American States on July 12,
1979:
(B) the June 23, 1979,resolution and its acceptance by the Gov-
ernment of National Reconstruction of Nicaragua was the formal
basis for the removal of the Somoza régimeand the installation of the
Government of National Reconstruction ;
(C) the Government of National Reconstruction, nowknown asthe
Government of Nicaragua and controlled by the Frente Sandinista
(the FSLN), has flagrantly violated the provisions of the June 23,
1979,resolution. the rights of the Nicaraguan people, and the security
of the nations in the region, in that it-Le plan pour la paix prévoyait que. dès son installation, le gouverne-

ment de reconstruction nationale promulguerait une loi fondamentale,
adopterait une loi organique et mettrait en Œuvre le programme du gou-
vernement de reconstruction nationale. Le texte des projets correspon-
dants était joint au plan ;ils ont été promulguésles 20 juillet et 21 août
1979.

168. A ce propos la Cour note que. depuis qu'il annonçait en ces termes
ses objectifs en 1979, le Gouvernement du Nicaragua a en fait ratifié
plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de I'homme. La
commission interaméricaine desdroits de I'homme a visité le Nicaragua à
l'invitation de son gouvernement et rédigédeux rapports (OEA/Ser.L/

V/ 11.53 et 62). L'étatd'urgence a étédéclarépar le Gouvernement du
Nicaragua (et notifiéau Secrétairegénéralde l'organisation des Nations
Unies) en juillet 1979, et redéclaré ou prorogéà diverses reprises par la
suite. Le 4 novembre 1984.des élections présidentielles et législativesont
eu lieu enprésenced'observateurs étrangers ;sept partis politiques ont pris
part a ces élections ; trois autres, mécontents des conditions dans les-

quelles elles se déroulaient, se sont abstenus de le faire.
169. Les vues des Etats-Unis sur l'effet juridique des événementsqui
viennent d'être rappelés sont expriméespar exemple dans un rapport
présentéau Congrès par le président Reagan le 10avril 1985, au sujet du
financement des contras. Il étaitdit dans ce rapport que l'un des change-

ments que les Etats-Unis cherchaient à obtenir du Gouvernement du
Nicaragua était que celui-ci

<(donne suite à l'engagement contracté par les sandinistes devant
l'organisation des Etats américains au sujet du pluralisme politique,
du respect des droits de I'homme, d'élections libres, du non-aligne-
ment et d'un régimed'économie mixte o.

Un exposépluscomplet de cesvues figure dansune conclusion officielle du
Congrès, datée du 29 juillet 1985, dont on trouvera la traduction ci-

après :

A) le gouvernement de reconstruction nationale du Nicaragua a
accepté formellement la résolution du 23juin 1979pour élaborer sur
sa base son plan pour la paix )) destiné à résoudre le conflit au
Nicaragua. plan qu'il a transmis àl'organisation desEtats américains
le 12juillet 1979 ;
B) le remplacement du régimede Somoza et l'installation du gou-

vernement de reconstruction nationale du Nicaragua découlaient
formellement de la résolution du 23juin 1979 et de son acceptation
par le gouvernement de reconstruction nationale du Nicaragua ;
C) le gouvernement de reconstruction nationale, appelé au-
jourd'hui Gouvernement du Nicaragua et contrôlé par le front san-
diniste (FSLN), a agi en violation flagrante des dispositions de la

résolution du 23juin 1979,des droits du peuple nicaraguayen et de la
sécuritédes pays de la région, dans la mesure où : (i) no longer includes the democratic members of the Government
of National Reconstruction in the political process ;
(ii) is not a government freely elected under conditions of freedom
of thepress, assembly, and organization, and isnot recognized as
freely elected by its neighbors. Costa Rica, Honduras, and El
Salvador ;
(iii) has taken significant steps towards establishing a totalitarian
Cornmunist dictatorship, including the formation of FSLN
neighborhood watch committees and the enactment of lawsthat
violate human rights and grant undue executive power ;

(iv) has committed atrocities against its citizens as documented in
reports by the Inter-AmericanCommission on Human Rights of
the Organization of Arnerican States ;

(v) has aligned itself with the Soviet Union and Soviet allies. in-
cluding the German Democratic Republic, Bulgaria, Libya.
and the Palestine Liberation Organization ;
(vi) has committed and refuses to cease aggression in the form of
armed subversion against its neighbors in violation of the Char-
ter of the United Nations, the Charter of the Organization of
American States. the Inter-American Treaty of Reciprocal
Assistance, and the 1965 United Nations General Assembly
Declaration on Intervention ;and

(vii) has built up an army beyond the needs of immediate self-
defense. at the expense of the needs of the Nicaraguan people

and about which the nations of the region have expressed deep-
est concern."
170. The resolution goes on to note the belief expressed by Costa Rica,
El Salvador and Honduras that

"their peace and freedom is not safe so long as the Government of
Nicaragua excludes from power rnost of Nicaragua's political lead-
ership and is controlled by a small sectarian Party, without regard to
the will of the rnajority of Nicaraguans"

and adds that

"the United States, given its role in the installation of the current
Government of Nicaragua, has a special responsibility regarding the
implementation of the commitments made by that Government in
1979.especially to those who fought against Somoza to bring demo-
cracy to Nicaragua with United States support".

Among thefindings as to the "Resolution of the Conflict" is the statement
that the Congress i) ila écartéde la vie politique les membres démocrates du gou-
-
vernement de reconstruction nationale ;
ii) ce n'est pas un gouvernement élulibrement, dans de>conditions
garantissant la libertéde la presse, de réunion et d'organisation,
et sesvoisins - le Costa Rica, le Honduras et El Salvador - ne le
considèrent pas comme tel ;

iii) il a pris des mesures significatives en vue de mettre en place une
dictature communiste totalitaire, en particulier en créant des
comités de vigilance du FSLN dans les quartiers et en promul-
guant des lois qui violent les droits de l'homme et étendent
abusivement les pouvoirs de l'exécutif ;

iv) ila commis contre ses citoyens des atrocitésdont témoignent des
rapports de la commissioninteraméricaine des droits del'homme
de l'organisation des Etats américains ;
v) il s'est alignésur l'Union soviétique et ses alliés,notamment la
République démocratique allemande, la Bulgarie, la Libye et

l'organisation de libération de la Palestine ;
vi) ils'est livrépar la subversion armée a une agression contre ses
voisins, à laquelle ilrefuse de mettre fin, en violation de la Charte
des Nations Unies. de la charte de l'organisation des Etats amé-

ricains, du traité interaméricain d'assistance mutuelle et de la
déclaration sur l'inadmissibilitéde l'intervention dans lesaffaires
intérieures des Etats et la protection de leur indépendance et de
leur souveraineté, adoptée par l'Assembléegénéraledes Nations
Unies en 1965 ; et

vii) ils'est doté d'une armée dépassant de beaucoup les nécessités
immédiates de la légitime défense en sacrifiant les besoins du
peuple nicaraguayen - ce qui inspire de vives inquiétudes aux
pays de la région. ))

170. Le Congrès relèveensuite dans sa conclusion que le Costa Rica, El
Salvador et le Honduras se sont déclarés convaincus que

<<leur paix et leur liberté ne seront pas assurées aussilongtemps que le

Gouvernement du Nicaragua tiendra à l'écartdu pouvoir la plupart
des dirigeants politiques du Nicaragua et qu'il serasoumisau contrôle
d'un petit parti sectaire, au méprisde la volonté de la majorité des
Nicaraguayens O,

et ajoute

les Etats-Unis. vu le rôlequ'ils ontjoué dans l'installation de l'actuel
gouvernement du Nicaragua, ont une responsabilité particulière en ce
qui concerne le respect des engagements que ce gouvernement a pris

en 1979, notamment envers ceux qui ont combattu Somoza pour
instaurer la démocratie au Nicaragua avec l'appui des Etats-Unis o.

Au sujet du <règlement du conflit D, il est précisénotamment que le
Congrès "supports the Nicaraguan democratic resistance in its efforts to
peacefully resolve the Nicaraguan conflict and to achieve the fulfill-
ment of the Government of Nicaragua's solemn commitments to the
Nicaraguan people, the United States, and the Organization of
American States".

From the transcripts of speeches and press conferences supplied to the
Court by Nicaragua, it is clear that the resolution of Congress expresses a
view shared by the President of the United States, who is constitutionally

responsible for the foreign policy of the United States.
171. The question whether the alleged violations by the Nicaraguan
Government of the 1979 Resolution of the Organization of American
States Meeting of Consultation, listed in paragraph 169, are relied on by
the United States Government as legaljustifications of its conduct towards
Nicaragua, or merely as political arguments, will be examined later in the
present Judgment. It may however be observed that the resolution clearly

links United States support for the contras to the breaches of what the
United States regardsasthe "solemn commitments" of the Government of
Nicaragua.

172. The Court has now to turn its attention to the question of the law
applicable to the present dispute. In formulating its view on the signifi-

cance of the United States multilateral treaty reservation, the Court has
reached the conclusion that it must refrain from applying the multilateral
treaties invoked by Nicaragua in support of its claims, without prejudice
either to other treaties or to the other sources of law enumerated in Article
38 of the Statute. The first stage in its determination of the law actually to
be applied to this dispute is to ascertain theconsequences of the exclusion
of the applicability of the multilateral treaties for the definition of the

content of the customary international law which remains applicable.

173. According to the United States, these consequences are extremely
wide-ranging. The United States has argued that :

"Just as Nicaragua's claims allegedly based on 'customary and
general international law' cannot be determined without recourse to
the United Nations Charter as the principal source of that law, they
also cannot be determined without reference to the 'particular inter-
national law' established by multilateral conventions in force among
the parties."

The United States contends that the only general and customary interna-
tional law on which Nicaragua can baseitsclaims is that of the Charter : in
particular, the Court could not, it is said, consider the lawfulness of an

alleged use of armed force without referring to the "principal source of the ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 92

appuie la résistance démocratique nicaraguayenne dans ses efforts
pour réglerle conflit nicaraguayen par des moyens pacifiques et pour
obtenir du Gouvernement du Nicaragua qu'il honore sesengagements
solennels envers le peuple nicaraguayen. les Etats-Unis et l'organi-

sation des Etats américains D.
D'aprèsles transcriptions de discours et de conférencesde presse remises à

la Cour par le Nicaragua. il est évident que la résolution du Congrès
exprime des vues partagées par le président des Etats-Unis. qui est cons-
titutionnellement responsable de la politique étrangèrede cet Etat.
171. La question de savoir si leGouvernement des Etats-Unis invoque

les violations. énumérées au paragraphe 169.de la résolution de 1979 de
l'organisation des Etats américains qu'aurait commises le Gouvernement
du Nicaragua commedes justificationsjuridiques de son comportement à
l'égard de ce dernier ou comme de simples arguments politiques sera
examinée plus loin. Ilfaut cependant noter que le texte de la résolution

établit un lien très net entre le soutien apporté aux contras et ce que les
Etats-Unis considèrent comme la violation d'~engagements solennels
du Gouvernement du Nicaragua.

172. La Cour doit maintenant aborder la question du droit applicable
au présent différend. En prenant position sur la valeur de la réserve
américaine relative aux traités multilatéraux, la Cour a été amenéeà

conclure qu'elle devait s'abstenir d'appliquer les conventions multilaté-
rales invoquées par le Nicaragua à l'appui de ses demandes. sans préju-
dice, soit d'autres traités, soit des autres sources de droit mentionnées à
l'article 38 du Statut. Afin de préciser le droit effectivement applicable
au différend. elle doit en premier lieu déterminer les conséquences que

l'exclusion de I'applicabilité des conventions multilatérales comporte
quant à la définition du contenu du droit international coutumier
demeurant applicable.
173. Selon les Etats-Unis. ces conséquences sont très vastes. Ils ont fait

valoir ce qui suit :
((Il n'est pas possible de statuersur les demandes que le Nicaragua

prétend fonder sur le <droit international général etcoutumier ))sans
recourir à la Charte des Nations Unies, source principale de ce droit
[et] il n'est pas non plus possible de statuer sur ces demandes sans
considérer le droit international particulier ))établi par les conven-

tions multilatérales en vigueur entre les Parties. ))
Selon les Etats-Unis, iln'existerait pas d'autre droit international général

et coutumiersur lequel le Nicaragua puisse fonder ses demandes que celui
de la Charte des Nations Unies. En particulier, pour se prononcer sur le
caractère licite ou non d'un recours à la force arméequi serait allégué. larelevant international law", namely, Article 2, paragraph 4, of the United
Nations Charter. In brief, in a more general sense "the provisions of the
United Nations Charter relevant here subsume and supervene related
principles of customary and general international law". The United States
concludes that "since the multilateral treaty reservation bars adjudication
of claims based on those treaties, it bars al1of Nicaragua's clairns". Thus
the effect of the reservation in question is not, it is said, merely to prevent
the Court from deciding upon Nicaragua's claims by applying the multi-
lateral treaties in question ; it further prevents it frorn applying in its
decision any rule of customary international law the content of which is

also the subject of a provision in those multilateral treaties.

174. In its Judgment of 26 November 1984, the Court has already
commented briefly on this line of argument. Contrary to the views
advanced by the United States, it affirmed that it

"cannot dismiss the claims of Nicaragua under principles of custo-
mary and general international law, simply because such principles
have been enshrined in the texts of the conventions relied upon by
Nicaragua. The fact that the above-mentioned principles, recognized
as such, have been codified or embodied in multilateral conventions
does not mean that they cease to exist and to apply as principles of
customary law, even as regards countries that are parties to such
conventions. Principles such as those of the non-use of force, non-
intervention, respect for the independence and territorial integrity of
States, and the freedom of navigation, continueto be binding aspart
of customaryinternational law, despite the operation of provisions of
conventional law in which they have been incorporated." (I.C.J.

Reports 1984, p. 424, para. 73.)

Now that the Court has reached the stage of a decision on the merits, it
must develop and refine upon these initial remarks. The Court would
observe that, according to the United States argument, it should refrain
from applying the rules of customary international law because they have
been "subsumed" and "supervened" by those of international treaty iaw,
and especially those of theUnitedNationsCharter. Thus theUnited States
apparently takes the view that the existence of principles in the United
Nations Charter precludes the possibility that similar rules might exist
independently in customary international law, either because existing
customary rules had been incorporated into the Charter, or because the
Charter influenced the later adoption of customary rules with a corre-
sponding content.
175. The Court does not consider that, in the areas of lawrelevant to the
present dispute, it can beclaimed that al1thecustomary ruleswhich maybe
invoked have a content exactly identical to that of the rules contained inCour seraitd'après eux contrainte de sereporter àla <(principale source du
droit international applicable O, à savoir l'article 2, paragraphe 4, de la

Charte. Bref, d'une manière plus générale, <(les dispositions de la Charte
des Nations Unies pertinentes en l'espèce résument et supplantent les
principes du droit international général etcoutumier en la matière o.Les
Etats-Unis en concluent que, ((comme la réserverelative aux traités mul-

tilatéraux interdit de statuer sur des demandes fondéessur de tels traités,
elle exclut en totalité les demandes du Nicaragua >).Ainsi la réserveen
question n'aurait pas seulement pour effet d'empêcherla Cour de statuer
sur les demandes du Nicaragua en application des traités multilatéraux en

question mais encore celui de l'empêcherd'appliquer toute règledu droit
international coutumier dont le contenu serait également visépar une
disposition de ces traités.
174. Dans son arrêtdu 26 novembre 1984,la Cour s'est déjà exprimée

brièvement sur cette argumentation. Contrairement aux vues soutenues
par les Etats-Unis. elle a affirmé ne pouvoir

<{rejeter les demandes nicaraguayennes fondées sur les principes du
droit international général etcoutumier au seul motif que ces prin-
cipes sont repris dans les textes des conventions invoquées par le
Nicaragua. Le fait [a ajoutéla Cour] que les principes susmentionnés.

et reconnus comme tels, sont codifiés ou incorporés dans des con-
ventions multilatérales ne veut pas dire qu'ils cessent d'exister et de
s'appliquer en tant que principes du droit coutumier, mêmeà l'égard
de pays qui sont parties auxdites conventions. Des principes comme

ceux du non-recours à la force. de la non-intervention. du respect de
l'indépendance et de l'intégritéterritoriale desEtats et de la libertéde
navigation conservent un caractère obligatoire en tant qu'éléments
du droit international coutumier, bien que les dispositions du droit

conventionnel auxquels ils ont étéincorporés soient applicables. ))
(C.I.J. Recueil 1984, p. 424-425. par. 73.)

La Cour, étant maintenant parvenue au stade de la décision sur le fond.
doit développeret préciserces premières remarques. La Cour observe que.
selon l'argumentation des Etats-Unis, elle devrait s'abstenir d'appliquer
les règles du droit international coutumier parce que ces règles seraient

(<résumées ))et <(supplantées )par celles du droit conventionnel et notam-
ment celles de la Charte desNations Unies. Les Etats-Unis paraissent ainsi
considérerque l'énonciationde principes dans la Charte des Nations Unies
interdit d'admettre que des règlessemblablespuissent avoir une existence

autonome dans le droit international coutumier, soit qu'elles aient été
incorporées dans la Charte. soit que les dispositions de la Charte aient
influencél'adoption ultérieure de règlescoutumières d'un contenu corres-
pondant.

175. La Cour ne considère pas que, dans les domaines juridiques inté-
ressant leprésent différend,il soit possible de soutenir que toutes les règles
coutumières susceptibles d'être invoquées ont un contenu exactementthe treaties which cannot be applied by virtue of the United States reser-
vation. On a nurnber of points, the areas governed by the two sources of
law do not exactly overlap, and the substantive rules in which they are
frarned are not identical in content. But in addition, even if a treaty norrn
and a custornary norrn relevant to the present dispute were to have exactly
the same content, thiswould notbe a reason for the Court to take the view
that the operation of the treaty process rnust necessarily deprive the cus-
tornary norm of its separate applicability. Nor can the multilateral treaty
reservation be interpreted as rneaning that, once applicable to a given
dispute, it would exclude the application of any rule of custornary inter-
national law thecontent of whichwas the sarneas, or analogous to, that of
the treaty-law rule which had caused the reservation to become effec-

tive.

176. As regards the suggestion that the areas cover'edbythe twosources
of law are identical, the Court observes that the United Nations Charter,
theconvention to which most of the UnitedStatesargument isdirected, by
no rneans covers the whole area of the regulation of the use of force in
international relations. On one essential point, this treaty itself refers to
pre-existingcustornary international law ;this reference to custornary law
iscontained in the actual text of Article 51,which mentions the "inherent
right" (in the French text the "droit naturel") of individual or collective
self-defence, which "nothing in the present Charter shall impair" and
which applies in the event of an arrned attack. The Court therefore finds
that Article 51of the Charter isonly rneaningful on the basis that there isa
"natural" or "inherent" right of self-defence, and it is hard to seehow this
can be other than of a custornary nature, even if its present content has
been confirmed and influenced by the Charter. Moreover the Charter,
having itself recognized the existence of this right, does not go on to
regulate directly al1aspects of itscontent. For exarnple, it does not contain
any specific rulewhereby self-defencewould warrantonly rneasures which
are proportional to the arrned attack and necessary to respond to it, a rule

well established in custornary international law. Moreover, a definition of
the "armed attack" which, if found to exist, authorizes the exerciseof the
"inherent right" of self-defence, is not provided in the Charter, and is not
part of treaty law. Itcannot therefore be held that Article 51 isa provision
which "subsumes and supervenes" custornary international law. It rather
dernonstrates that in the field in question, theimportance of which forthe
present dispute need hardly be stressed.custornary international law con-
tinues to exist alongsidetreaty law.The areas governed by the two sources
of law thus do not overlap exactly, and the rules do not have the sarne
content. This could also be dernonstrated for other subjects, in particular
for the principle of non-intervention.

177. But as observed above (paragraph 175), even if the custornary
norrn and the treaty norrn were to have exactly the sarne content, thisidentique à celui des règlesfigurant dans les conventions dont lejeu de la
réservedes Etats-Unis interdit l'applicabilité. Sur plusieurs points, les
domaines réglementéspar les deux-sources de droit ne se recouvrent pas
exactement et les règles substantielles qui les expriment n'ont pas un
contenu identique. Mais de plus, lors mêmequ'une norme conventionnelle
et une norme coutumière intéressant le ré sentlitL,e auraient exactement
le mêmecontenu, la Cour ne verrait pas là une raison de considérerque
l'intervention du processus conventionnel doive nécessairement faire

perdre à la norme coutumière son applicabilité distincte. Et la réserve
relative aux traités multilatéraux ne peut pas non plus êtreinterprétée
comme signifiant que, si elle s'applique à un différend déterminé,elle
exclut la prise en considération de toute règlecoutumière d'un contenu
identique ou analogue à celui de la règleconventionnelle dont l'applica-
tion a fait jouer la réserve.
176. A propos de l'identitésupposée des domaines recouverts par les
deux sources de droit, la Cour observe que, s'agissant de la Charte des

Nations Unies, sur laquelle les Etats-Unis fondent principalement leur
argumentation, bien loin de couvrir la totalité du domaine de la régle-
mentation de l'usagede la force dans les relations internationales ce traité
renvoie lui-même,sur un point essentiel, au droit coutumier préexistant ;
cerappel du droit international coutumier estexprimépar letexte mêmede
l'article 51 mentionnant le <(droit naturel (en anglais <(the inherent
right D)de légitime défense, individuelle ou collective,auquel aucune
disposition de la ..Charte ne porteatteinte ))et quijoue en cas d'agression

armée.La Cour constate donc que l'article 51de la Charte n'a de sens que
s'ilexiste un droit de légitimedéfense naturel H ou <(inhérent ))dont on
voit mal comment il ne serait pas de nature coutumière, mêmesi son
contenu est désormaisconfirmépar la Charte et influencépar elle.De plus,
ayant reconnu elle-mêmel'existencede ce droit, la Charte n'en réglemente
pas directement la substance sous tous ses aspects. Par exemple, elle ne
comporte pas la règlespécifique - pourtant bien établie endroit interna-
tionalcoutumier - selon laquelle la légitimedéfensenejustifierait que des

mesures proportionnées à l'agression armée subie, et nécessairespour y
riposter. D'autre part la définition de 1'~agression armée dont la cons-
tatation autorise la mise en Œuvredu <droitnaturel >de légitimedéfense
n'estpas énoncée par la Charte et nefait pas partie du droit conventionnel.
Il n'est donc pas possible de soutenir que l'article 51soit une disposition
qui <<résumeetsupplante >ledroit international coutumier. Plutôt atteste-
t-elleque, dans le domaine considéré,dont il n'est pas besoin de souligner
l'importance pour leprésent différend,ledroit coutumier continue d'exis-

ter à côtédu droit conventionnel. Les domaines réglementéspar l'une et
par l'autre source de droit ne se recouvrent donc pas exactement et les
règles n'ont pas le mêmecontenu. La démonstration pourrait être faite
également à propos d'autres matières et en particulier du principe de
non-intervention.
177. Mais, comme il a été indiqué plushaut (paragraphe 175),quand
bien même lanorme coutumière et la norme conventionnelle auraientwould not be a reason for the Court to hold that the incorporation of the
customary norm into treaty-law must deprive the customary norm of its
applicability as distinct from that of the treaty norm. The existence of
identical rules in international treaty law and customary law has been
clearlyrecognized by the Court in the North Sea ContinentalShelfcases. To
a large extent, those cases turned on the question whether a rule enshrined
in a treaty also existed as a customary rule, either because the treaty had
merely codified the custom, or caused it to "crystallize", or because it had
influenced its subsequent adoption. The Court found that this identity of
content in treaty lawand incustomary international lawdid not existin the
caseof the rule invoked, whichappeared in one article of the treaty, but did
not suggest that suchidentity wasdebarredas a matter ofprinciple :on the
contrary, it considered it to be clear that certain other articles of the treaty
in question "were .. regarded as reflecting, or as crystallizing, receivedor
at least emergent rules of customary international law" (I.C.J. Reports

1969, p. 39,para. 63).More generally, there areno groundsfor holding that
when customary international law is comprised of rules identical to those
of treaty law, the latter "supervenes" the former, so that the customary
international law has no further existence of its own.

178. There are a number of reasons for considering that, even if two
norms belonging to two sources of international law appear identical in
content, and even iftheStates in question arebound by these rules both on
the level of treaty-law and on that of customary international law, these
norms retain a separate existence. This is so from the standpoint of their
applicability. In alegal dispute affecting two States, one of them may argue
that the applicability of a treaty rule to its own conduct depends on the
other State's conduct in respect of the application of other rules, on other
subjects,alsoincluded in the same treaty. For example, if a State exercises
its right to terminate or suspend the operation of a treaty on the ground of
the violation by the other party of a "provision essential to the accom-
plishment of the object or purpose of the treaty" (in the words of Art. 60,
para. 3 (b), of the Vienna Convention on the Law of Treaties), it is
exempted, vis-à-visthe other State. from a rule of treaty-law because of the
breach by that other State of a different rule of treaty-law. But if the two

rules in question also exist as rules of customary international law, the
failure of theoneStateto apply the one rule does notjustify the other State
in declining toapply the other rule. Rules which are identical in treaty law
and in customary international laware alsodistinguishable by reference to
the methods of interpretation and application. A State may accept a rule
contained in a treaty not simply because it favours the application of the
rule itself, but also because the treaty establisheswhat that State regards as
desirable institutions or mechanisms to ensure implementation of the rule.
Thus, if that rule parallels a rule of customary international law, two rules
of the same content are subject to separate treatment as regards the organs
competent to verify their implementation, depending on whether they areexactement le mêmecontenu, la Cour n'y verrait pas une raison de consi-
dérerque l'incorporation de la norme coutumière au droit conventionnel
doive lui faire perdre son applicabilité distincte. L'existence de règles
identiques en droit international conventionnel et coutumier a étéclaire-
ment admise par la Cour dans les affairesdu Plateaucontinentalde la mer
duNord.Dans une largemesure,ces affairesportaient mêmesur lepoint de
savoir si une règleénoncéedans une convention existait aussi en tant que

règlecoutumière, soit parce que la convention n'aurait fait que codifier la
coutume ou l'aurait (<cristallisé)),soit parce qu'elle aurait influencéson
adoption ultérieure.La Cour a déclaréque cette identitéde contenu entre
le droit conventionnel et le droit international coutumier n'existait pas
dans lecas de larègleinvoquée,figurant dans un seul articledu traité, mais
elle n'a nullement prétendu qu'elle fût exclue par principe. Bien au con-
traire, il lui est apparu clairement que certains autres articles du traité en
question étaient <<considéréscommeconsacrant ou cristallisant des règles
de droit international coutumier relatives au plateau continental, règles
établies ou du moins en voie de formation ))(C.I.J. Recueil 1969, p. 39,

par. 63). Plus généralement,on ne voit aucune raison de penser que,
lorsque le droit international coutumier est constituéde règlesidentiques
à celles du droit conventionnel, il se trouve ((supplanté ))par celui-ci au
point de n'avoir plus d'existence propre.
178. De nombreusesraisonsconduisent à considérerque,mêmesideux
normes provenant des deux sources du droit international apparaissent
identiques par leur contenu, et mêmesilesEtats considéréssont liéspar les
règles en question sur les deux plans conventionnel et coutumier, ces
normesconservent uneexistencedistincte. Ilenest ainsi du pointde vuede

leur applicabilité.Dans un différendjuridique intéressant deux Etats, I'un
d'eux peut faire valoir que l'applicabilité àsa propre conduite d'une règle
conventionnelle dépend de la conduite de l'autre Etat à propos de I'ap-
plication d'autres règlesportant sur des matièresdifférentesmais incluses
dans la mêmeconvention. Par exemple, si un Etat exerce son droit de
suspendre l'exécution d'untraitéou d'ymettre fin parce que l'autre partiea
violé(aux termes de l'article 60, paragraphe 3 h), de la convention de
Vienne sur le droit des traités) (<une disposition essentielle pour la réali-
sation de l'objet ou du but du traité O,il est dispenséd'appliquer une règle

conventionnelle par rapport à l'autre Etat en raison du manquement a une
règleconventionnelledifférentecommis par celui-ci.Mais silesdeux règles
en question existent aussi en droit international coutumier, le fait que I'un
des Etats n'en a pas appliqué une ne justifie pas l'autre Etat à refuser
d'appliquer la seconde. Par ailleurs, des règles identiquesen droit conven-
tionnel et en droit international coutumier sedistinguent aussi du point de
vue des méthodesemployéespour leur interprétation et leur application.
Un Etat peut accepter une règlecontenue dans une convention non pas
simplement parce qu'il estfavorable a l'application de la règleelle-même,
mais parce qu'en outre lesinstitutions ou mécanismesprévuspour assurer

lerespect des règlesdecetteconvention luiparaissent opportuns. Silarègle
dont il s'agit correspond a une règlecoutumière, deux règles de mêmecustomary rules or treaty rules. The present dispute illustrates this
point.

179. It will therefore be clear that customary international law con-
tinues to exist and to apply, separately from international treaty law, even
where the twocategoriesof lawhave an identical content. Consequently, in
ascertaining the content of the customary international law applicable to

the present dispute, the Court must satisfy itself that the Parties are bound
by the customary rules in question ; but the Court is in no way bound to
uphold theserulesonlyin sofar as theydiffer from the treaty ruleswhichit
isprevented by the United States reservation from applying in thepresent
dispute.
180. The United States however presented a further argument, during
the proceedings devoted to the question ofjurisdiction and admissibility,
in support of its contention that the multilateral treaty reservation debars
the Court from considering the Nicaraguan claims based on customary
international law.The United States observed that themultilateral treaties
in question contain legalstandards specificallyagreed between the Parties
to govern their mutual rights and obligations, and that the conduct of the
Parties will continue to be governed by these treaties, irrespective of what
the Court may decide on the customary lawissue,because of theprinciple
ofpacta suntservanda.Accordingly, in thecontention of the United States,
the Court cannot properly adjudicate the mutual rights and obligations of
the two States when reference to their treaty rights and obligations is
barred ;the Court would be adjudicating those rights and obligations by
standards other than those to which the Parties have agreed to conduct
themselves in their actual international relations.

181. The question raised by this argument is whether the provisions of
themultilateral treaties in question,particularly the United Nations Char-
ter, diverge from the relevant rules of customary international law to such
an extent that ajudgrnent of the Court as to the rights and obligations of
the parties under customary law, disregarding the content of the multila-
teral treaties binding on the parties, would be a wholly academic exercise,
and not "susceptible of any compliance or execution whatever" (Northern
Cameroons,I.C.J. Reports 1963,p. 37).The Court does not consider that
this is the case. As already noted, on the question of the use of force, the
United States itself argues for a complete identity of the relevant rules of
customary international lawwith the provisions of the Charter. The Court
has not accepted this extremecontention, having found that on a number
of points the areas governed by the two sources of law do not exactly
overlap, and the substantive rules in which they are framed are not iden-
tical in content (paragraph 174 above). However, so far from having
constituted a marked departure from acustomaryinternational lawwhich
still exists unmodified, the Charter gave expression in this field to prin-
ciples already present in customary international law, and that law has in
the subsequent four decades developed under the influence of the Charter,contenu sont traitées différemment,pour ce qui est des organes chargés
d'en contrôler la mise en Œuvre, selon qu'elles sont l'une coutumière et
l'autre conventionnelle. Le présent différend illustrece point.
179. Il est donc clair que les règlesdu droit international coutumier
conservent une existence et une applicabilité autonomes par rapport a
celles du droit international conventionnel lors mêmeque les deux caté-
gories dedroit ont un contenu identique. En conséquence,endéterminant
le contenu du droit international coutumier applicable au présentdiffé-
rend, la Cour devra s'assurer que les Parties sont liéespar les règles
coutumièresenquestion ; mais rien ne l'obligera à ne retenir ces règlesque
pour autant qu'elles seraient différentesdesrèglesconventionnelles que la
réserveaméricaine l'empêched'appliquer dans le présent différend.

180. Durant la phase consacrée aux questions de compétence et de
recevabilité, les Etats-Unis ont cependant présentéun autre argument
a l'appui de leur thèse suivant laquelle la réserve relative aux traités
multilatéraux ne permet pas à la Cour de connaîtredesdemandes nicara-
guayennes fondées sur le droit international coutumier. Les Etats-Unis
ont soulignéque les traités multilatéraux en cause renferment des normes
juridiques que les Parties ont expressément acceptéescomme régissant
leurs droits et obligations réciproques,et que, en vertu du principe pacta
sunt servanda, le comportement des Parties continuera d'êtreréglé par ces
traités,quoique la Cour puisse déciderrelativement au droit coutumier. Il
en résulte, d'après lesEtats-Unis, que la Cour ne peut se prononcer vala-
blement sur lesdroits etobligations réciproquesdes deux Etats quand ilne
lui est pas possible de faire référencea leurs droits et obligations conven-

tionnels ;en effet, elle appliquerait alors des normes différentes de celles
que les Parties sont convenues de suivre dans leurs relations internatio-
nales telles qu'elles existent.
181. La question soulevéepar cet argument est donc de savoir si les
dispositionsdestraités multilatéraux en cause, et en particulier cellesde la
Charte des Nations Unies, diffèrent des règlescoutumièrespertinentes au
point qu'un arrêtpar lequel la Cour statuerait sur lesdroits et obligations
des parties au titre du droit international coutumier sans tenir compte du
contenu destraités multilatéraux lesliant réciproquement aurait un carac-
tèretotalement académique et ne serait pas (<susceptibled'application ou
d'exécution ))(Camerounseptentrional, C.I.J. Recueil 1963, p. 37).La Cour
n'est pas d'avis qu'il en soitainsi. Comme il a étérappelé à propos de

l'emploide la force, les Etats-Unis eux-mêmessoutiennent qu'il y a iden-
titétotaleentre lesrèglespertinentes du droit international coutumier et les
dispositions de la Charte. La Cour n'a pas fait sienne une thèse aussi
extrême, puisqu'ellea conclu (paragraphe 174)que sur plusieurs points les
domaines réglementéspar les deux sources de droit ne se recouvrent pas
exactement et que les règlessubstantiellesqui les expriment n'ont pas un
contenu identique. Toutefois, fort loin d'avoir pris ses distances avec un
droit international coutumier qui subsisterait tel quel, la Chartea, dans ce
domaine, consacré des principes qui se trouvaient déjà dans le droit
international coutumier, et celui-ci s'est développédans les quaranteto such an extent that a number of rules contained in the Charter have
acquireda status independent ofit.The essential consideration isthat both
the Charter and the customary international law flow from a common
fundamental principleoutlawingthe useofforceininternational relations.

The differences which may exist between the specific content of each are
not, in the Court'sview, suchasto causeajudgment confined to thefieldof
customary international law to be ineffective or inappropriate, or a judg-
ment not susceptible of compliance or execution.

182. The Court concludes that it should exercise thejurisdiction con-
ferred upon it by the United Statesdeclaration of acceptance under Article
36,paragraph 2,of the Statute, to determinethe claimsof Nicaragua based
upon customary international law notwithstanding the exclusion from its
jurisdiction of disputes "arising under" the United Nations and Organi-
zation of American States Charters.

183. In viewof this conclusion,the Court has next to consider what are

the rules of customary international law applicable to the present dispute.
For this purpose, ithas to direct itsattention to thepractice and opiniojuris
of States ; as the Court recently observed,
"It is of course axiomatic that the material of customary interna-
tional lawistobe looked forprimarily inthe actual practice and opinio
juris of States, even though multilateral conventions may have an
important role to play in recording and defining rules deriving from

custom, or indeed in developing them." (Continental Shelf (Libyan
Arab Jarnahiriyu/Malta), IC.J. Reports 1985, pp. 29-30, para. 27.)

In this respect the Court must not lose sight of the Charter of the United
Nations and that of the Organization of American States, notwithstanding
theoperation of themultilateraltreaty reservation. Although the Court has
no jurisdiction to determine whether the conduct of the United States
constitutes a breach of those conventions, it can and must take them into

account in ascertaining the content of the customary international law
which the United States is also alleged to have infringed.
184. The Court notes that there is in fact evidence, to be examined
below,of a considerable degree of agreement between the Parties as to the
content of the customaryinternational lawrelating to the non-use of force
and non-intervention. This concurrence of their views does not however
dispense the Court from having itself to ascertainwhat rules of custornary
international law are applicable. The mere fact that States declare their
recognition of certain rules is not sufficient for the Court to consider these
as being part of customary international law, and as applicable as such to
those States. Bound as it is by Article 38 of its Statute to apply,inter alia,annéessuivantessousl'influence de la Charte, au point que bien des règles
énoncéesdans la Charte ont maintenant acquis un statut indépendant de
celle-ci. La considération essentielle est que la Charte et le droit interna-
tional coutumierprocèdent tous deux d'un principe fondamental commun
bannissant l'emploide la force des relationsinternationales. De l'avisde la

Cour, les différences éventuellesentre leurs contenuspropres ne sont pas
telles qu'un arrêtlimitéau domaine du droit international coutumier se
révélerait inefficace ouinadapté,ou encore insusceptibled'application ou
d'exécution.
182. La Cour conclut qu'il lui appartient d'exercer lacompétenceque
lui confèreladéclaration d'acceptation faite par les Etats-Unis en vertu de
l'article 36,paragraphe 2,du Statut, afin de seprononcer sur lesdemandes
du Nicaragua fondéessur ledroit international coutumier, et celabien que
les différends <résultant des chartes des Nations Unies et de I'Organi-
sation des Etats américains échappent à sajuridiction.

183. Etant donnécette conclusion, la Cour doit maintenant identifier
les règlesdu droit international coutumier applicables au présent diffé-

rend. Pour cela, elle doit examiner la pratique et I'opiniojuris des Etats.
Ainsi qu'elle l'a dit récemment :
11 est bien évidentque la substance du droit international cou-
tumier doit êtrerecherchéeen premier lieu dans la pratique effective
et l'opiniojuris des Etats, mêmesi les conventions multilatérales
peuvent avoir un rôle important àjouer en enregistrant et définissant
les règles dérivéesde la coutume ou même en lesdéveloppant.
(Plateau continental(Jamahiriya arabe libyenne/Malte), C.I.J. Recueil

1985, p. 29-30, par. 27.)
Acet égardla Cour ne doit pas perdre de vue la Charte des Nations Unies
nicelledel'organisation des Etats américains,endépitde l'entréeenjeu de
la réserve relative auxtraités multilatéraux.Bien que la Cour ne soit pas
compétente pour décider si le comportement des Etats-Unis viole ces
conventions, ellepeut et doit en prendre en considération le contenu dans
lecadre de l'identification du droit international coutumier que les Etats-

Unis auraient égalementenfreint.
184. La Cour note qu'en fait les Parties semblent êtrelargement d'ac-
cord, comme on le verra plus loin, sur la teneur du droit international
coutumier relatif au non-emploi de la force et à la non-intervention. Cet
accord des Parties ne dispense cependant pas la Cour de toute recherche
des règles applicablesde ce droit. La Cour ne saurait considérer des règles
comme faisant partie du droit international coutumier et applicables en
tant que telles à des Etats simplement parce que ceux-ci affirment les
reconnaître. La Cour, àlaquelle l'article 38du Statut prescrit entreautres
d'appliquer la coutume internationale <(comme preuve d'une pratiqueinternational custom "as evidence of a general practice accepted as law",
tne Court may not disregard the essential role played by general practice.
Where two States agree to incorporate a particular rule in a treaty, their
agreement suffices to make that rule a legal one, binding upon them ;but
inthe fieldof customaryinternational law,theshared viewof the Parties as
to the content ofwhat they regard asthe rule isnot enough.The Court must
satisfy itself that the existence of the rule in the opiniojuris of States is
confirmed by practice.
185. In the present dispute, the Court, while exercising itsjurisdiction
only inrespect of the application of thecustomary rulesof non-use offorce
and non-intervention, cannot disregard the fact that the Parties arebound

by these rules asa matter of treaty lawand of customaryinternational law.
Furthermore, in the present case, apart from the treaty comrnitments
binding the Parties to the rules in question, there are various instances of
their having expressed recognition of the validity thereof as customary
international law in other ways. It is therefore in the light of this "sub-
jective element" - theexpression usedby theCourt in its 1969Judgment in
theNorth Sea ContinentalSheifcases (1.C.J. Reports1969,p. 44) - that the
Court has to appraise the relevant practice.
186. It isnot to be expected that in thepractice of States the application
of the rules in question should have been perfect, in the sense that States
should have refrained, with complete consistency, from the useof force or
from intervention in each other's interna1 affairs. The Court does not
consider that, for a rule to be established ascustomary, the corresponding
practice must be in absolutely rigorous conformity with the rule. In order
to deduce the existence of customary rules, the Court deems it sufficient
that the conduct of Statesshould, in general, beconsistent with such rules,
and that instances of State conduct inconsistent with a given rule should
generally have been treated as breaches of that rule, not as indications of
the recognition of a new rule. If a State acts in a way prima facie incom-
patible with a recognized rule, but defends its conduct by appealing to
exceptions orjustifications contained within the rule itself,then whether or

not the State'sconduct isin factjustifiable on that basis,the significanceof
that attitude is to confirm rather than to weaken the rule.

187. The Court must therefore determine, first, the substance of the
customary rules relating to the use of force in international relations,
applicable to the dispute submitted to it. The United States has argued
that, on this crucial question of the lawfulness of the use of force in
inter-State relations, the rules of general and customaryinternational law,
and those of the United Nations Charter, are in fact identical. In its view
this identity is so complete that, as explained above (paragraph 173),it
constitutes an argument to prevent the Court from applying this custo-
mary law, because it is indistinguishable from the multilateral treaty law
which it may not apply. In its Counter-Memorial on jurisdiction andgénéraleacceptéecomme étantle droit D, ne peut ignorer le rôle essentiel
d'une pratique générale.Lorsque deux Etats conviennent d'incorporer

dans un traitéune règleparticulière, leur accord suffitpour qu'elle fasseloi
entre eux ; mais dans le domaine du droit international coutumier il ne
suffit pas que lesparties soient du même avissur le contenu de ce qu'elles
considèrent commeune règle.La Cour doit s'assurer que l'existencede la
règledans l'opiniojuris des Etats est confirméepar la pratique.

185. Dans le présent différendla Cour, tout en n'exerçant sa compé-
tence qu'à propos de l'application des règles coutumières relatives au
non-recours àla forceetà la non-intervention, ne saurait ignorer lefait que
les Parties sont liéespar ces règlesaussi bien sur le plan conventionnel que
sur le plan coutumier. En outre, aux engagements conventionnels des
Parties concernant les règlesen question s'ajoutent en l'espèce plusieurs
reconnaissances de leur validitéen droit international coutumier, qu'elles

ont expriméespar d'autres moyens.C'estdonc à lalumièrede cet élément
subjectif - selon l'expression employéepar la Cour en son arrêtde 1969
dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord (C.I.J. Recueil
1969, p. 44) - que la Cour doit évaluer lapratique pertinente.
186. Ilne faut pass'attendreà ceque l'application des règlesenquestion
soit parfaite dans la pratique étatique, en ce sens que les Etats s'abstien-
draient, avec une entière constance, de recourir àla force ou à l'interven-
tion dans les affaires intérieures d'autres Etats. La Cour ne pense pas que,
pour qu'une règlesoit coutumièrement établie, la pratiquecorrespondante
doive êtrerigoureusement conforme à cette règle.Il lui paraît suffisant,
pour déduirel'existencede règlescoutumières,que les Etats yconforment
leur conduite d'une manière généraleet au'ils traitent eux-mêmesles
comportements non conformes "àla règleenquestion comme desviolations

decelle-ciet non pas comme desmanifestations de lareconnaissance d'une
règle nouvelle.Si un Etat agit d'une manière apparemment inconciliable
avecune règle reconnue, mais défend saconduite en invoquant des excep-
tions oujustifications contenues dans la règleelle-même,il en résulte une
confirmation plutôt qu'un affaiblissement de la règle,et celaque l'attitude
de cet Etat puisse ou non sejustifier en fait sur cette base.

187. La Cour doitdonc déterminertout d'abord la substance des règles
coutumièresrelatives àl'usagede la force dans lesrelations internationales
applicables au différend qui lui est soumis. Les Etats-Unis ont soutenu
que, s'agissant de la question essentielle de la licde l'emploide la force

entre les Etats, il existe une véritable identitéentre les règles du droit
international généralet coutumier et les règles correspondantes de la
Charte des Nations Unies. Pour eux, cette identité est mêmesi complète
que, comme il a étédit plus haut (paragraphe 173), elle constitue un
argument tendant à interdireà la Cour d'appliquer ce droit coutumier
parce que rien nele distingue du droit conventionnelmultilatéral qu'elle neadmissibilitythe United States asserts that "Article 2 (4)of the Charter is
customary and general international law". It quotes with approval an
observation by the International Law Commission to the effect that

"thegreat majority of international lawyerstoday unhesitatingly hold
that Article 2, paragraph 4, together with other provisions of the
Charter, authoritatively declaresthemoderncustomary lawregarding
the threat or use of force" (ILC Yearbook, 1966,Vol. II, p. 247).

The United Statespoints out that Nicaragua has endorsed this view, since
one of its counsel asserted that "indeed it is generally considered by

publicists that Article 2. paragraph 4, of the United Nations Charter is in
this respect an embodiment of existing general principles of international
law". And the United States concludes :
"In sum. the provisions of Article 2 (4) with respect to the lawful-
ness of the use of force are 'modern customary law' (International
Law Commission. toc.cit.)and the'embodiment of general principles
of international law' (counsel for Nicaragua, Hearing of 25 April
1984,morning, loc. cit.). There is no other 'customary and general
international law'on which Nicaragua can rest its claims."

"It is, in short, inconceivable that this Court could consider the
lawfulness of an alleged use of armed force without referring to the
principal source of the relevant international law - Article 2(4)of the
United Nations Charter."
Asfor Nicaragua, theonlynoteworthy shadeofdifference initsview liesin
Nicaragua's belief that

"in certain cases the rule of customary law will not necessarily be
identical in content and mode of application to the conventional
rule".

188. The Court thus finds that both Parties take the view that the
principles as to the useof forceincorporated inthe United NationsCharter
correspond,in essentials, to those found in customary international law.
The Parties thus both take the viewthat thefundamental principle in this
area is expressed in the terms employed in Article 2, paragraph 4, of the
United Nations Charter. They therefore accept a treaty-law obligation to
refrain in their international relations from the threat or use of force
against the territorial integrity or political independence of any State, or in
any other manner inconsistent with the purposes of the United Nations.
The Court has however to be satisfied that there exists in customary
international law an opinio juris as to the binding character of such
abstention.This opiniojuris may, though with al1due caution, be deduceddoit pas appliquer. Dans leur contre-mémoire sur la compétence et la

recevabilitélesEtats-Unis affirment que :<(L'article 2,paragraphe 4,de la
Charte est le droit international général etcoutumier. Ils citent avec
approbation une observation de la Commission du droit international
d'après laquelle

<(la grande majorité des spécialistesdu droit international soutien-
nent aujourd'hui, sans aucune hésitation, que le paragraphe 4 de
I'article2, ainsi que d'autres dispositions de la Charte énoncentavec
toute l'autorité voulue ledroit coutumier moderne concernant la
menace ou l'emploi de la force (Annuaire de la Commissiondu droit
international, 1966,vol. II, p. 269).

Les Etats-Unis notent que le Nicaragua a repris ces idées à son compte,
puisqu'un de ses conseils a affirméqu'a en fait les publicistes considèrent
généralementque I'article 2,paragraphe 4,de la ChartedesNations Unies
reprend à cet égardles principes générauxexistants du droit internatio-
nal o. Et les Etats-Unis concluent en ces termes :

{(En résumél,esdispositions de l'article2,paragraphe 4, relatives à
la légitimitéde l'usagede la force sont ledroit coutumier moderne
(Commission du droit international, loc.cit.) et reprennent <(lesprin-

cipes générauxexistants du droit international (conseil du Nicara-
gua, audience du 25 avril 1984,matin, /oc.cit.). Il n'existe pas d'autre
<(droit international général etcoutumier ))sur lequel le Nicaragua
puisse fonder sa demande. u
<(En conséquence,il est inconcevable que la Cour puisse examiner

le caractère licite d'un prétendu recours à la force armée sans se
reporter à la principale source du droit international pertinent, I'ar-
ticle 2. paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies.
Quant au Nicaragua, tout au plus peut-on noter que, pour lui,

dans certains cas il peut y avoir quelques différencesde contenu et
d'application entre la règlededroit coutumier et la règleconvention-
nelle )).

188. La Cour constate donc que les Parties sont d'accord pour consi-
dérerque les principes relatifs à l'emploi de la force qui figurent dans la
Charte des Nations Unies correspondent, pour l'essentiel, à ceux qui se
retrouvent dans le droit international coutumier. Les Parties sont donc
d'avis, l'une et l'autre, que le principe fondamental en cette matière s'ex-
prime par lestermes mêmesutilisés àI'article2,paragraphe 4,de la Charte.

Elles acceptent par conséquent une obligation conventionnelle de s'abs-
tenir, dans leurs relations internationales, de lamenace ou de l'emploide la
force,soit contre l'intégritéterritoriale ou l'indépendance politiquede tout
Etat, soit de toute autre matière incompatible avec les buts des Nations
Unies. La Cour doit néanmoins s'assurer de l'existence, dans le droit
international coutumier, d'une opiniojuris relative à la valeur obligatoire from, inter alia, the attitude of the Parties and the attitude of States
towards certain General Assemblyresolutions, and particularly resolution
2625 (XXV) entitled "Declaration on Principles of International Law
concerning Friendly Relations and Co-operation among States in accor-
dance with the Charter of the United Nations". The effect ofconsent to the
text ofsuch resolutions cannot be understood as merely that of a "reiter-
ation orelucidation" of the treatycommitment undertaken in the Charter.
On the contrary, it may be understood as an acceptance of the validity of
the rule or set of rules declared by the resolution by themselves. The
principle of non-use of force, for example, may thus be regarded as a
principle of customary international law, not as such conditioned by
provisions relating to collective security, or to the facilities or armed
contingents to be provided under Article 43 of the Charter. It would
therefore seem apparent that the attitude referred to expresses an opinio
juris respecting such rule (or set of rules), to be thenceforth treated sep-
arately from the provisions, especially those of an institutional kind, to

which it is subject on the treaty-law plane of the Charter.

189. Asregardsthe United States in particular, the weight of an expres-
sion of opiniojuris can similarlybe attached to its support of the resolution
of the Sixth International Conference of American States condemning
aggression (18 February 1928)and ratification of the Montevideo Con-
vention on Rights and Duties of States (26 December 1933).Article 11of
which imposes the obligation not to recognize territorial acquisitions or
special advantages which have been obtained by force. Also significant is
United States acceptance of the principle of the prohibition of the use of
force which is contained in the declaration on principles governing the
mutual relations of Statesparticipating in the Conference on Security and
Co-operation in Europe (Helsinki, 1 August 1975),whereby the partici-
pating States undertake to "refrain in their mutual relations, as wellas in
theirinternationalrelations ingeneral,"(emphasis added)from the threat or
use of force. Acceptance of a text in these terms confirms the existence of
an opiniojuris of the participating States prohibiting the use of force in
international relations.
190. A further confirmation of the validity as customary international

law of the principle of the prohibition of the use of force expressed in
Article 2,paragraph 4,of the Charter of the United Nations may befound
in the fact that it is frequently referred to in statements by State repre-
sentativesas being not only aprinciple of customary international lawbut
also a fundamental or cardinal principle of such law. The International
LawCommission, in the course of its work on the codification of the lawof
treaties, expressed the view that "the law of the Charter concerning the
prohibition of the use of force in itself constitutea conspicuous example
ofa rule in international lawhaving the character of juscogens9'(paragraph
(1)of the commentary of the Commission to Article 50 of its draft Articles
on the Law of Treaties, ILC Yearbook, 1966-11,p. 247). Nicaragua in itsd'une telle abstention. Cette opinio juris peut se déduire entre autres,
quoique aveclaprudence nécessaire,de l'attitude des Parties et des Etatsà
l'égardde certaines résolutions de l'Assemblée générale n,otamment la
résolution2625 (XXV) intitulée Déclarationrelative aux principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération entre

les Etats conformément à la Charte des Nations Unies ))L'effet d'un
consentement au texte de telles résolutions ne peutêtreinterprété comme
celui d'un simple rappel ou d'une simple spécificationde l'engagement
conventionnelpris dans laCharte. Ilpeut au contraire s'interpréter comme
une adhésion à la valeur de la règleoude la sériede règlesdéclaréepsar la
résolutionet prises en elles-mêmesL . eprincipe du non-emploi de la force,
par exemple, peut ainsi êtreconsidérécomme un principe de droit inter-
national coutumier non conditionné par les dispositions relatives à la
sécuritécollective ou aux facilités etcontingents à fournir en vertu de
l'article43 de la Charte. La prise de position mentionnée peut en d'autres
termesapparaître comme l'expressiond'uneopiniojurisal'égardde larègle
(OU de la sériede règles)en question, considéréeindépendamment désor-
mais des dispositions, notamment institutionnelles, auxquelles elle est
soumise sur le plan conventionnel de la Charte.

189. En ce qui concerne les Etats-Unis en particulier, on peut attribuer
semblable valeur d'opiniojurisà l'appuidonnépar eux à la résolutionde la
sixièmeconférence interaméricaine(18 février1928)condamnant l'agres-
sion et àla ratification de la convention de Montevideo sur les droits et
devoirs desEtats (26décembre1933),dont l'article 11impose l'obligation
de ne pas reconnaître les acquisitions de territoires ou d'avantages spé-
ciaux obtenuspar la force. Non moins significativeest leur acceptation du
principe de prohibition de la force contenu dans la déclaration sur les
principes régissantles relations mutuelles des Etats participantsà la con-
férencesur lasécurité et lacoopérationenEurope(Helsinki, leraoût 1975),
en vertu de laquelle les Etats participants «s'abstiennent dans leurs rela-
tions mutuelles, ainsi que dansleurs relations internationales engénéral
(les italiques sont de la Cour), de recouràrla menace ou à l'emploide la

force. L'acceptation d'une telle formuleconfirme l'existence chezlesEtats
participants d'une opiniojuris prohibant l'emploi de la force dans les
relations internationales.
190. La validité endroit coutumier du principe de la prohibition de
l'emploi de la force exprimé à l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des
Nations Unies trouve une autre confirmation dans le fait que les repré-
sentantsdesEtats lementionnent souvent comme étantnon seulement un
principe de droit international coutumier, mais encore un principe fon-
damental ou essentieldecedroit.Dans sestravaux de codificationdu droit
des traitésla Commission du droit international a exprimé l'opinion que
le droit de la Charte concernant l'interdiction de l'emploi de la force
constitueen soiun exemplefrappant d'une règlede droit international qui
relèvedujus cogens )(paragraphe 1du commentaire de la Commission sur

l'article 50 de ses projets d'articles sur le droit des traités,Annuaire de la
Commission, 1966-11,p. 270).Dans lemémoiresur lefond qu'ila présentéMemorial on the Merits submitted in the present case States that the
principle prohibiting the useofforceembodied inArticle 2,paragraph 4,of
the Charter of the United Nations "has come to be recognized as jus
cogens". The United States, in its Counter-Memorial on the questions of
jurisdiction and admissibility, found it material to quote the views of
scholars that this principle is a "universal norm", a "universal interna-
tional law", a "universally recognized principle of international law", and
a "principle ofjus cogens".
191. Asregardscertain particular aspects of the principle in question, it
will be necessary to distinguish the most grave forms of the use of force
(those constituting an armed attack) from other less grave forms. In
determiningthe legalrule whichapplies to theselatter forms,theCourt can
again draw on the formulations contained in the Declaration on Principles
of International Law concerning Friendly Relations and Co-operation
among States in accordance with the Charter of the United Nations

(General Assembly resolution 2625(XXV),referred to above). As already
observed, the adoption by States of this text affords an indication of their
opiniojuris as to customary international law on the question. Alongside
certaindescriptions which mayrefer to aggression,this text includes others
which refer only to less grave forms of the use of force. In particular,
according to this resolution :

"Every State has the duty to refrain from thethreator useof force to
violate the existing international boundaries of another State or as a
means of solving international disputes, including territorial disputes
and problems concerning frontiers of States.

States have a duty to refrain from acts of reprisa1involving the use
of force.

Every State has the duty to refrain from any forcible action which
deprives peoples referred to in the elaboration of the principle of
equal rights and self-determination of that right toself-determination

and freedom and independence.

Every State has the duty to refrain from organizing or encouraging
the organization of irregular forces or armed bands, including mer-
cenaries, for incursion into the territory of another State.

Every State has the duty to refrain from organizing, instigating,
assisting or participating in acts of civil strife or terrorist acts in
anotherState or acquiescing inorganized activitieswithin its territory
directed towards the commission of such acts, when the acts referred
to in the present paragraph involve a threat or use of force." ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 101

en l'espècele Nicaragua déclare que le principe de l'interdiction de I'em-
ploi de la force consacrépar l'article 2, paragraphe 4. de la Charte des

Nations Unies est maintenant admis comme faisant partie du jus
cogens o. Dans leur contre-mémoiresur lacompétenceetla recevabilité.les
Etats-Unis quant à eux ont cru devoir citer lescommentateurs pour qui ce
principe constitue une norme universelle O.une règlede ((droit interna-
tional universel )),un ((principe de droit international universellement
reconnu et un «principe dejus cogens o.
191. S'agissant de certains aspects particuliers du principe en question,
ily aura lieu de distinguer entre lesformes lesplus graves de l'emploide la
force (celles qui constituent une agression armée)et d'autres modalités
moins brutales. Pour déterminerla règlejuridique s'appliquant à celles-ci,
la Cour peut à nouveau faire appel aux mentions incluses dans la décla-

ration relative aux principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopération entre Etats conformément à la Charte des
Nations Unies (résolution 2625(XXV)de l'Assemblée généraldeéjàmen-
tionnée).Comme il a étésouligné,le fait que les Etats ont adopté ce texte
fournit une indication de leur opiniojuris sur le droit international cou-
tumier en question. La déclaration comporte, à côtéde certaines formu-
lations qui peuvent s'appliquer àl'agression,d'autres qui ne visent quedes
modalités moins graves d'emploi de la force. On y trouve notamment les
passages suivants :

«Tout Etat a le devoir de s'abstenir de recourir à la menace ou à
I'emploidelaforce pour violer lesfrontièresinternationalesexistantes
d'un autre Etat ou comme moyen de règlementdes différends inter-
nationaux, y compris les différends territoriaux et les questions rela-
tives aux frontières des Etats.

Les Etats ont le devoir de s'abstenir d'actes de représailles impli-
quant l'emploi de la force.

Tout Etat a le devoir de s'abstenir de recourir à toute mesure de
coercition qui priverait de leur droitl'autodétermination, à la liberté

et à l'indépendance les peuples mentionnés dans la formulation du
principe de l'égalitéde droits et de leur droit de disposer d'eux-
mêmes.
Chaque Etat a le devoir de s'abstenir d'organiser ou d'encourager
l'organisation de forces irrégulièresou debandes armées,notamment
de bandes de mercenaires, en vue d'incursions sur le territoire d'un
autre Etat.
Chaque Etat a le devoir de s'abstenir d'organiser et d'encourager
des actes de guerre civile ou des actes de terrorisme sur le territoire
d'un autre Etat, d'y aider ou d'y participer, ou de tolérer surson
territoire des activités organisées envue de perpétrer de tels actes,

lorsque les actes mentionnés dans le présentparagraphe impliquent
une menace ou l'emploi de la force. 192. Moreover, in the part of this same resolution devoted to the prin-
ciple of non-intervention in matters within the national jurisdiction of
States, a very similar rule is found :

"Also, no State shall organize, assist, foment, finance, incite or
tolerate subversive, terrorist or armed activities directed towards the
violent overthrow of the régimeof another State, or interfere in civil
strife in another State."

In the context of the inter-American system, this approach can be traced
back at least to 1928(Convention on the Rights and Duties of States in the
Event of CivilStrife,Art. 1(1)) ; it wasconfirmed by resolution 78adopted
by the General Assembly of the Organization of American States on
21 April 1972.The operative part of this resolution reads as follows :

"TheGeneral AssemblyResolves
1. To reiterate solemnly the need for the member states of the
Organization to observe strictly the principles of nonintervention and

self-determination of peoples as a means of ensuring peaceful coex-
istence among them and to refrain from committing any direct or
indirect act that might constitute a violation of those principles.

2.To reaffirm theobligation of those states to refrain from applying
economic, political, or any other type of measures to coerce another
state and obtain from it advantages of any kind.

3.Similarly,to reaffirm theobligation of thesestatesto refrain from
organizing, supporting, promoting, financing, instigating, or tolera-
ting subversive,terrorist, or armed activitiesagainst anotherstateand
from intervening in a civil war in another state or in its interna1
struggles."

193. The general rule prohibiting force allowsforcertain exceptions. In
viewof the arguments advanced by the United States tojustify the acts of
which it is accused by Nicaragua, the Court must express a view on the
content of the right of self-defence, and more particularly the right of
collective self-defence. First, with regard to the existence of this right, it
notes that in the language of Article 51of the United Nations Charter, the
inherent right (or "droit naturel") whichanyState possessesin the event of
an armed attack, covers both collectiveand individual self-defence.Thus,
the Charter itself testifies to the existence of the rieht of collective self-
.2
defence in customary international law. Moreover,just as the wording of
certain General Assembly declarations adopted by States demonstrates
their recognition of the principle of the prohibition of force as definitely a
matter of customary international law, some of the wording in those
declarations operates similarlyin respect of the right of self-defence(both
collective and individual). Thus, in the declaration quoted above on the 192. D'autre part, dans le passage de cette mêmedéclaration qui con-

cerne le principe de non-intervention dans les affaires relevant de la
compétence nationale d'un Etat, on trouve une règletrès semblable :
((Tous les Etats doivent aussi s'abstenir d'organiser, d'aider, de

fomenter, de financer,d'encourager ou de tolérerdes activitésarmées
subversivesou terroristes destinées à changer par laviolencelerégime
d'un autre Etat ainsi que d'intervenir dans les luttes intestines d'un
autre Etat. ))

Dans le contexte du systèmeinteraméricain, cette approche remonte au
moins à 1928(conventionconcernant les droits et les devoirs des Etats en
cas de luttes civiles,art. 1,par. 1) ;elleest confirméepar le dispositif de la
résolution78 que l'Assemblée générald ee l'organisation des Etats amé-
ricains a adoptée le 21 avril 1972,par laquelle elle décidait :

((1. De rappeler solennellement aux Etats membres de I'Organi-
sation des Etats américains qu'ils doivent observer strictement les
principes de non-intervention et d'autodétermination despeuples en
tant que moyen d'assurer entre euxune coexistencepacifique, et de les
inviter à s'abstenir de tout acte qui, directement ou indirectement,
pourrait constituer une violation de ces principes.
2. De réaffirmer l'obligation qu'ont lesdits Etats de s'abstenir
d'appliquer des mesures économiques, politiques ou de toute autre
nature que ce soit pour exercer une coercition sur un autre Etat et

obtenir de lui des avantages de quelque ordre que ce soit.
3. De réaffirmer également I'obligationde ces Etats de s'abstenir
d'organiser, d'appuyer, d'encourager, de financer, de susciter ou de
tolérerdes activités subversives,terroristesou arméescontre un autre
Etat, et d'intervenir dans uneguerre civiled'un autre Etat ou dans ses
luttes intérieures. ))

193. La règle généraled'interdiction de la force comporte certaines
exceptions. Etant donnél'argumentation avancéepar les Etats-Unis pour
justifier les faits qui leur sont reprochéspar le Nicaragua, la Cour doit
s'exprimer sur lecontenu du droitde Iégitimedéfense,et plus précisément
du droit de Iégitime défense collective.A l'égard,tout d'abord, de l'exis-

tence decedroit elleconstate que, selonlelibelléde l'article51de la Charte
des Nations Unies, le droit naturel (ou ((droit inhérent O)que tout Etat
possède dans l'éventualité d'une agression armées'entend de la légitime
défense, aussi bien collective qu'individuelle. Ainsi la Charte elle-même
atteste l'existencedu droit de légitime défense collectiveen droit interna-
tional coutumier. En outre, de mêmeque les mentions de certaines décla-
rations de l'Assemblée générale adoptées par les Etats attestent leur
reconnaissance du principe de prohibition de la force sur le plan propre-
ment coutumier, certaines mentions de ces mêmesdéclarationsjouent le
même rôle à l'égarddu droit de légitime défense (collective aussi bien103 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

Principles of International Law concerning Friendly Relations and Co-
operation among States in accordance with the Charter of the United
Nations, the reference to the prohibition of force is followed by a para-
graph stating that :

"nothing in the foregoing paragraphs shall be construed as enlarging
or diminishing in any way the scope of the provisions of the Charter
concerning cases in which the use of force is lawful".

This resolution demonstrates that the States represented in the General
Assembly regard the exception to the prohibition of force constituted by
the right of individual or collective self-defence as already a matter of
customary international law.
194. With regard to the characteristics governing the right of self-
defence, since the Parties consider the existence of this right to be estab-
lished as a matter of customary international law, they have concentrated
on the conditions governing its use. In viewof the circumstances in which
the dispute has arisen, reliance isplaced by the Parties only on the right of
self-defencein thecaseof an armedattack whichhas already occurred, and
the issue of the lawfulness of a response to the imminent threat of armed
attack has not been raised. Accordingly the Court expresses no view on
that issue. The Parties also agree in holding that whether the response to
the attack is lawful depends on observance of the criteria of the necessity

and the proportionality of the measures taken in self-defence. Since the
existence of the right of collectiveself-defenceis established in customary
international law, theCourt must define the specificconditions whichmay
have tobe met foritsexercise,in addition totheconditions of necessityand
proportionality to which the Parties have referred.
195. In the case of individual self-defence, the exercise of this right is
subject to the State concerned having been the victim of an armed attack.
Reliance on collectiveself-defenceof course does not remove the need for
this. There appears now to be general agreement on the nature of the acts
whichcan be treated asconstituting armedattacks. Inparticular, itmay be
considered to be agreed that an armed attack must be understood as
including not merely action by regular armed forces across an interna-
tional border, but also "the sending by or on behalf of a State of armed
bands, groups, irregulars or mercenaries, which carry out acts of armed
force against another State of such gravity asto amount to" (inter alia)an
actual armed attack conducted by regular forces, "or its substantial

involvement therein". This description, contained in Article 3, paragraph
(g),of the Definition of Aggression annexed to General Assembly reso-
lution 3314(XXIX), may be taken to reflect customary international law.
TheCourt seesno reason todeny that, incustomary law,theprohibition of
armed attacks may apply to the sending by a State of armed bands to the
territory of another State, if such an operation, because of its scale and
effects,would havebeen classifiedasan armedattack rather than asa mere
frontier incident had it been carried out by regular armed forces. But thequ'individuelle). Ainsi, dans la déclaration déjàcitée relative aux prin-
cipes du droit international touchant les relations amicales entre les Etats
conformément à la Charte, les mentions relatives à la prohibition de la
force sont suivies d'un paragraphe aux termes duquel :

Aucune disposition des paragraphes qui précèdentne sera inter-
prétéecomme élargissant ou diminuant de quelque manière que ce
soit la portée des dispositions de la Charte concernant les cas dans
lesquels l'emploi de la force est licit))

Cette résolutiondémontreque les Etats représentés à l'Assemblée générale
considèrent l'exception à l'interdiction de la forceque constitue ledroit de
Iégitimedéfenseindividuelle ou collectivecomme déjàétabliepar le droit
international coutumier.
194. Pour cequi estdescaractéristiquesdelaréglementationdu droit de
Iégitimedéfense,les Parties, tenant l'existencede ce droitpour démontrée
sir le plan coutumier, se sont concentrées sur les modalités qui en con-
ditionnent l'exercice. En raison des circonstances dans lesquelles est né
leur différend,ellesnefontétatquedu droitde Iégitimedéfensedans lecas
d'une agression armée déjà survenueetne se posent pas la question de la
licéitéd'une réaction àla menace imminente d'une agression armée. La

Cour ne se prononcera donc pas sur ce sujet. Les Parties sont en outre
d'accord pour admettre que la licéité de la riposteà l'agression dépenddu
respect des critèresde necessitéet de proportionnalité des mesures prises
au nom de la Iégitimedéfense. L'existencedu droit de Iégitime défense
collective étant établie en droit international coutumier, la Cour doit
définirlesconditionsparticulières auxquelles sa miseenŒuvrepeut avoir à
répondre en sus des conditions de nécessité etde proportionnalité rappe-
léespar les Parties.
195. Dans lecas de la Iégitimedéfense individuelle, cedroit ne peut être
exercéque si 1'Etatintéresséa étévictime d'une agression armée.L'invo-
cation de la Iégitimedéfense collectivene change évidemment rien à cette
situation. L'accord paraît aujourd'hui généralsur la nature des actes

pouvant êtreconsidéréscomme constitutifs d'une agression armée. En
particulier, on peut considérer comme admis que, par agression armée,il
fautentendre non seulement l'action des forces arméesrégulières à travers
une frontière internationale mais encore l'envoi par un Etat ou en son
nom de bandes ou de groupes armés,de forces irrégulièresou de merce-
naires qui se livrentàdes actes de force arméecontre un autre Etat d'une
gravité telle qu'ils équivalent))(entre autres) à une véritable agression
arméeaccomplie par des forces régulières, <(ou [au]fait de s'engager d'une
manièresubstantielle dans une telleaction ».Cette description, qui figurà
l'article 3, alinég), de la définition de l'agression annexée à la résolu-
tion 3314 (XXIX) de l'Assemblée générale p,eut êtreconsidérée comme
l'expression du droit international coutumier. La Cour ne voit pas de
raison de refuser d'admettre qu'en droit international coutumier la pro-

hibition de l'agression arméepuisse s'appliquer à l'envoi par un Etat de
bandes arméessur le territoire d'un autre Etat si cette opération est telle,104
MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

Court does not believe that the concept of "armed attack" includes not
only acts by armed bands where such acts occur on a significant scale but
also assistance to rebels in the form of the provision of weapons or lo-
gisticalorother support. Suchassistance maybe regarded asathreat or use
of force, or amount to intervention in the interna1 or external affairs of
other States. It is also clear that it is the State which is the victim of an
armed attack which must form and declare the view that it has been so
attacked. There is no rule in customary international law permitting
anotherState to exercisethe right of collectiveself-defenceon the basis of
its own assessment of the situation. Where collective self-defence is
invoked, it is to be expected that the State for whose benefit this right is
used will have declared itself to be the victim of an armed attack.

196. The question remains whether the lawfulness of the use of collec-
tiveself-defenceby the third State for the benefit of the attackedState also

depends on a request addressed by that State to the third State.A provision
of the Charter of the Organization ofAmerican States ishere in point :and
while the Court has nojurisdiction to consider that instrument as appli-
cable to the dispute, it may examineit to ascertain what light it throws on
the content of customary international law. The Court notes that the
Organization of American States Charter includes, in Article 3 (f) t,e
principle that :"an act of aggression against one American State is an act
of aggression against al1the other American States" and a provision in
Article 27 that :

"Every act of aggression by a State against the territorial integrity
or the inviolability of the territory or against the sovereignty or
political independence of an American State shall be considered an
act of aggression against the other American States."
197. Furthermore, by Article 3, paragraph 1, of the Inter-American
Treaty of Reciprocal Assistance, signed at Rio de Janeiro on 2 September

1947,the High-Contracting Parties
"agree that an armed attack by any State against an American State
shall be considered as an attack against al1the American States and,
consequently, each one of the said Contracting Parties undertakes to
assist in meeting the attack in the exercise of the inherent right of
individual or collective self-defence recognized by Article 5 1 of the
Charter of the United Nations" ;

and under paragraph 2 of that Article,

"On the request of the State orStates directly attacked and until the
decision of the Organ of Consultation of the Inter-American System,
each one of the Contracting Parties may determine the immediatepar ses dimensions et ses effets, qu'elle aurait étéqualifiée d'agression
arméeet non de simpleincident de frontièresielleavait été lefaitde forces

arméesrégulières. Mais laCour ne pense pas que la notion d'<(agression
armée puisse recouvrir non seulement l'action de bandes arméesdans le
casou cette action revêu t neampleur particulière, maisaussiuneassistance
à des rebelles prenant la forme defourniture d'armements ou d'assistance
logistique ou autre. On peut voir dans une telle assistanceune menace ou
un emploi de la force, ou l'équivalentd'une intervention dans les affaires
intérieuresouextérieuresd'autres Etats. Il est clair que c'estI'Etat victime
d'une agression arméequidoit en fairelaconstatation. Il n'existe,en droit
international coutumier, aucune règle qui permettrait à un autre Etat
d'user du droit de légitimedéfensecollectivecontre le prétenduagresseur
en s'enremettant à sa propre appréciationde la situation. En cas d'invo-

cation de la légitimedéfensecollective, il faut s'attendre à ce que 1'Etat
au profit duquel ce droit va jouer se déclare victime d'une agression
armée.
196. Reste à déterminer si la licéitéde la mise en jeu de la Iégitime
défensecollective par 1'Etattiers au profit de 1'Etatagressédépendéga-
lement d'une demande que celui-ci lui aurait faite. Une disposition de la
charte de l'Organisation des Etats américainspeut êtrecitéeici. La Cour,
certes, n'a pas compétence pour considérercet instrument comme appli-
cable au différend,mais elle peut l'examiner aux fins de déterminer s'il
éclaire lecontenu du droit international coutumier. La Cour constate que
lacharte de l'organisation des Etats américainscomporte un article 3fl qui

énoncenotamment leprincipe que : (l'agressioncontre un Etat américain
constitue une agression contre tous les autres Etats américains et un
article 27 en vertu duquel :

((toute agression exercéepar un Etat contre l'intégritéou l'inviola-
bilitédu territoire ou contre la souveraineté ou l'indépendance poli-
tique d'un Etat américain sera considéréc eomme un acte d'agression
contre les autres Etats américains.

197. La Cour note d'autre part qu'aux termes de l'article 3, para-
graphe 1, du traité interaméricaind'assistance mutuelle signé à Rio de
Janeiro le 2 septembre 1947 les Hautes Parties contractantes

((conviennent qu'une attaque armée provenant de quelque Etat
contre un Etat américainsera considéréecomme une attaque contre
tous les Etats américains ;en conséquence,chacune desdites parties
contractantes s'engage à aider à faire faceà l'attaque, en exercicedu
droit immanent de Iégitime défense individuelleou collective, que
reconnaît l'article 51de la Charte des Nations Unies r).

Selon le paragraphe 2 du mêmearticle :
(A la demande de 1'Etat ou des Etats directement attaqués, et
jusqu'à la décisionde l'organe de consultation du systèmeinteramé-

ricain, chaque partie contractante pourra déterminer les mesures measures whch it may individually take in fulfilment of the obliga-
tion contained in the preceding paragraphand in accordance with the
principle of continental solidarity."

(The 1947RioTreaty wasmodified by the 1975Protocol of SanJosé,Costa
Rica, but that Protocol is not yet in force.)
198. The Court observes that theTreaty of Rio de Janeiro provides that
measures ofcollectiveself-defence taken by each State are decided "on the
request of the State or States directly attacked". It is significant that this
requirement of a request on the part of the attacked State appears in the
treaty particularly devoted to thesematters of mutual assistance ;it is not
found in the more general text (the Charter of the Organization of Ameri-
can States), but Article 28 of that Charter provides for the application of

the measures and procedures laid down in "the special treaties on the
subject".

199. At al1events, the Court finds that in customary international law,
whether of a general kind or that particular to the inter-American legal
system, there is no rule permitting the exerciseof collectiveself-defencein
the absence of a request by the State whichregards itself as the victimof an
armed attack.TheCourt concludes that therequirement ofa request by the
State whch is the victim of the alleged attack is additional to the require-
ment that such a State should have declared itself to have been attacked.
200. At thispoint, the Court may consider whether in customary inter-
national law there is any requirement corresponding to that found in the
treaty law of the United Nations Charter, by which the State claiming to
use the right of individual or collective self-defence must report to an
international body, empowered to determine the conformity with inter-
national law of the measures which the State is seeking tojustify on that
basis. Thus Article 51 of the United Nations Charter requires that mea-
sures taken by States in exercise of this right of self-defence must be
"immediately reported" to the SecurityCouncil. AstheCourt hasobserved
above (paragraphs 178 and 188), a principle enshrined in a treaty, if
reflected in customary international law, may well be so unencumbered
with the conditions and modalities surrounding it in the treaty. Whatever

influence the Charter may have had on customary international law in
these matters, it is clear that in customary international law it is not a
condition of the lawfulness of the use of force in self-defence that a
procedureso closelydependent on thecontent of a treaty commitment and
of the institutions established by it, should have been followed. On the
other hand, ifself-defenceisadvanced asajustification formeasureswhich
would otherwise be in breach both of the principle of customary interna-
tional lawand of that contained in the Charter, it is to be expected that the
conditions of the Charter should be respected. Thus for the purpose of
enquiry into the customary law position, the absence of a report may be
one of the factors indicating whether the State in question was itself
convinced that it was acting in self-defence. immédiates qu'elle adoptera individuellement, en accomplissement
de l'obligation dont fait mention le paragraphe précédent et confor-

mémentau principe de solidarité continentale.

(Le traitéde Rio de 1947a été modifiépar leprotocole de San José,Costa
Rica, de 1975,mais celui-ci n'est pas encore en vigueur.)
198. La Cour constate qu'aux termes du traité de Rio de Janeiro les
mesures de Iégitimedéfense collectiveque va prendre chaque Etat sont
arrêtées Ala demandede 1'Etatou des Etatsdirectement attaqués o. Ilest
significatif que cette exigence d'une demande de la part de 1'Etatagressé
figure dans la convention spécialement consacrée à ces questions d'assis-
tance mutuelle ; elle ne se retrouve pas dans le texte le plus général(la
chartedel'organisation des Etats américains).Cependant l'article 28de la
charte de l'organisation des Etats américains prévoit l'application des
mesureset desprocéduresprévuespar les << traitésspéciauxqui régissentla
matière )).
199. Quoi qu'il en soit, la Cour note qu'en droit international coutu-
mier, qu'il soit généraolu particulier au systèmejuridique interaméricain,

aucune règle nepermet la mise enjeu de la Iégitimedéfensecollective sans
la demande de 1'Etatsejugeant victime d'une agression armée. La Cour
conclut que l'exigence d'une demande de 1'Etat victime de l'agression
alléguée s'ajouteà celled'une déclarationpar laquelle cet Etat seproclame
agressé.
200. Acepoint de son arrêt,laCour peut sedemander s'ilexisteen droit
international coutumier une exigencesemblable àcelleque prévoitledroit
conventionnel de la Charte des Nations Unies et qui impose à 1'Etat se
prévalant du droit de Iégitime défense individuelle ou collectivede faire
rapport àun organeinternational habilité à seprononcer surlaconformité
au droit international des mesures nationale; que cet Etat entend par là
justifier. Ainsi l'article5 laChartedesNations Unies prescrit aux Etats
prenant des mesures dans I'exercicede ce droit de Iégitimedéfensede les
((porter immédiatement r) à la connaissance du Conseil de sécurité.
Comme la Cour l'a déjà relevé(paragraphes 178 et 188), un principe

consacrépar un traitémais existant dans le droit international coutumier
peut fort bien, dans celui-ci, êtreaffranchi des conditions et modalités
dont il est entourédans le traité. Quelque influence que la Charte, en ces
matières,ait pu avoir sur le droit coutumier, il est clair que, sur le plan de
ce droit, la licéitéde l'exercice de la Iégitimedéfense n'est pas condi-
tionnéepar le respect d'une procédureaussi étroitement dépendante du
contenu d'un engagement conventionnel et des institutions qu'il établit.
En revanche, si un Etat invoquait la Iégitimedéfense pour justifier des
mesures qui normalement enfreindraient aussi bien le principe du droit
international coutumier que celui de la Charte, on s'attendrait à ce que
les conditions énoncéespar la Charte fussent observées. Parconséquent,
dans l'examen effectuéau titre du droit coutumier, l'absence de rapport
au Conseil de sécuritépeut êtreun des élémentsindiquant si 1'Etatinté-
resséétaitconvaincu d'agir dans le cadre de la légitime défense. 201. Tojustify certain activities involving the use of force, the United
Stateshas relied solelyon the exerciseof its right of collectiveself-defence.
However the Court, having regard particularly to the non-participation of

the United States in the merits phase, considers that it should enquire
whether customary international law, applicable to the present dispute,
may contain other rules which may exclude the unlawfulness of such
activities. It does not, however,seeany need to reopen the question of the
conditions governing the exercise of the right of individual self-defence,
which have already been examined in connection with collective self-
defence. On the other hand, the Court must enquire whether there is any
justification for the activities in question, to be found not in the right of
collective self-defence against an armed attack, but in the right to take
counter-measures in response to conduct ofNicaragua which isnot alleged
to constitute an armed attack. It willexamine thispoint in connection with
an analysis of the principle of non-intervention in customaryinternational
Iaw.

202. The principle of non-intervention involves the right of every sov-
ereign State to conduct its affairs without outside interference ;though
examples of trespass against this principle are not infrequent, the Court
considers that it is part and parce1of customary international law. As the
Court has observed :"Between independent States, respect for territorial
sovereignty is an essential foundation of international relations" (I.C.J.
Reports 1949, p. 35),and international law requires political integrity also
to be respected. Expressionsof an opiniojurisregarding the existenceof the
principle of non-intervention incustomaryinternational laware numerous
and not difficult to find. Of course, statements whereby States avow their
recognition of the principles of international law set forth in the United
NationsChartercannot strictly be interpreted as applying to the principle
of non-intervention by States in the interna1and external affairs of other
States,sincethisprincipleis not, assuch,speltout in thecharter. Butitwas
never intended that the Charter should embody written confirmation of

everyessential principle of international law in force. The existence in the
opinio juris of States of the principle of non-intervention is backed by
established and substantial practice. It has moreover been presented as a
corollary of the principle of the sovereign equality of States. A particular
instance of this is General Assembly resolution 2625 (XXV), the Decla-
ration on the Principles of International Law concerning Friendly Rela-
tions and Co-operation among States. In the Corfu Channel case, when a
State claimed a right of intervention in order to secure evidence in the
territory of another State for submission to an international tribunal
(I.C.J. Reports 1949, p. 34), the Court observed that : 201. Pour iustifier certaines activités comDortant l'utilisation de la

force, les Etats-Unis se sont prévalusuniquement de l'exercice de leur
droit delégitimedéfensecollective.LaCour,cependant,compte tenu notam-
ment de la non-participation des Etats-Unis à la phase relative au fond,
croit devoir examiner siledroit international coutumier applicable au pré-
sent différend comporte d'autres règlessusceptibles de faire disparaître
I'illicéitde tellesactivités. Ellene voitpas de raison, toutefois, de rouvrir
la question desconditions réglementant l'exercicedu droit de Iégitimedé-
fense individuelle, qu'elle a déjà étudiées à propos de la légitimedéfense
collective. En revanche, elle doit s'interroger sur I'existence d'une éven-
tuellejustification des activités en question quise rattacherait non pas au
droit de légitimedéfensecollective contre une agression arméemais au
droit de prendre des contre-mesures en riposte a un comportement du
Nicaragua dont il ne serait pas allégué qu'ilest constitutif d'une agression

armée.Elleprocédera à cet examen en liaison avecl'analysedu principe de
non-intervention en droit international coutumier.

202. Le principe de non-intervention met en jeu le droit de tout Etat
souverain de conduire ses affaires sans ingérenceextérieure ;bien que les
exemplesd'atteinteau principe ne soientpas rares, la Cour estimequ'ilfait
partie intégrante du droit international coutumier. Comme la Cour a eu
l'occasion de le dire :((Entre Etats indépendants, le respect de la souve-
raineté territorialeest l'une des bases essentielles desrapports internatio-
naux ))(C.I.J. Recueil 1949, p. 35), et le droit international exige aussi le
respect de l'intégrité politique. Il n'est pas difficile de trouver de nom-

breuses expressions d'une opiniojuris sur l'existencedu principe de non-
intervention en droit international coutumier. Sans doute les diverses
formules par lesquellesles Etats reconnaissent lesprincipes dedroit inter-
national énoncéspar la Charte desNations Unies ne peuvent s'interpréter
en toute rigueur commes'appliquant au principe de non-intervention d'un
Etat dans les affaires intérieures et extérieures d'un autre Etat puisque
celui-cin'estpas à proprement parler énoncépar la Charte. Mais la Charte
n'a nullement entendu confirmer sous forme écrite tous les principes
essentiels du droit international en vigueur. L'existence du principe de
non-intervention dans I'opiniojuris des Etats est étayéepar une pratique
importante etbien établie.On a pu d'ailleursprésenterceprincipe comme
un corollaire du principe d'égalité souveraine des Etats. 11l'a été notam-
ment dans la résolution2625 (XXV)de l'Assemblée générale, c'est-à-dire

la déclaration relative aux principes du droit international touchant les
relations amicales et la coopération entre les Etats. Dans l'affaire du
Détroitde Corfou, où un Etat prétendait avoir le droit d'intervenir pour
recueillir,dans leterritoire d'un autreEtat, deséléments de preuvedestinés
à une juridiction internationale (C.I.J. Recueil 1949, p. 34), la Cour a
observe que :107 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVlTIES (JUDGMENT)

"the alleged right of intervention as the manifestation of a policy of
force, such as has, in the past, given rise to most serious abuses and
such as cannot, whatever be the present defects in international
organization, find aplacein international law. Intervention isperhaps
still less admissible in the particular form it would take here ;for,

from the nature of things, itwould be reserved for the most powerful
States, and might easily lead to perverting the administration of
international justice itself." (I.C.J. Reports 1949, p. 35.)

203. The principle has since been reflected in numerous declarations
adopted by international organizations and conferences in which the
United States and Nicaragua have participated, e.g., General Assembly
resolution 2131(XX), the Declaration on the Inadmissibility of Interven-
tion in the Domestic Affairs of States and the Protection of their Inde-
pendence and Sovereignty. It is true that the United States, while it voted
in favour of General Assembly resolution 2131(XX), also declared at the
time of its adoption in the First Committee that it considered the decla-
ration in that resolution to be "only a statement of political intention and
not a formulation of law" (Official Records of the General Assembly,
Twentieth Session, First Committee, A/C. 1/SR. 1423, p. 436). However,

the essentials of resolution 2131 (XX) are repeated in the Declaration
approved by resolution 2625 (XXV), which set out principles which the
General Assembly declared to be "basic principles" of international law,
and on the adoption of which no analogous statement was made by the
United States representative.
204. As regards inter-American relations, attention may be drawn to,
for example, the United States reservation to the Montevideo Convention
on Rights and Duties of States (26 December 1933),declaring the oppo-
sition of the United StatesGovernment to "interference with the freedom,
the sovereignty or other interna1affairs, or processes of the Governments
of other nations" ; or the ratification by the United States of the Addi-
tional Protocol relative to Non-Intervention (23 December 1936).Among
more recent texts, mention may be made of resolutions AG/RES.78 and
AG/RES. 128of the General Assembly of the Organization of American
States. In a different context, the United States expressly accepted the
principles set forth in the declaration, to which reference has already been
made, appearing in the Final Act of the Conference on Security and

Co-operation in Europe(Helsinki, 1 August 1975),including an elaborate
statement of theprinciple of non-intervention ;while theseprinciples were
presented as applying to the mutual relations among the participating
States, itcan be inferred that the text testifies to the existence, and the
acceptance by the United States, of a customary principle which has
universal application.
205. Notwithstanding the multiplicity of declarations by States accept-
ing the principle of non-intervention, there remain two questions :first, ((Le prétendu droit d'intervention ne peut êtreenvisagé ..que
comme la manifestation d'une politique de force,politique qui, dans
lepassé,adonnélieu aux abus lesplus graves et qui ne saurait, quelles
que soient les déficiencesprésentesde l'organisation internationale,
trouver aucune place dans le droit international. L'intervention est
peut-être moins acceptable encore dans la forme particulière qu'elle
présenterait ici, puisque, réservéepar la nature des choses aux Etats
les plus puissants, elle pourrait aisémentconduire à fausser l'admi-
nistration de la justice internationale elle-même. (C.I.J. Recueil

1949, p. 35.)

203. Le principe a étérepris depuis lors dans de très nombreuses
déclarations adoptéespar diverses organisations et par des conférences
internationales auxquelles participaient les Etats-Unis et le Nicaragua,
dont la résolution2131 (XX) de l'Assemblée générale, ld aéclaration sur
l'inadmissibilitéde l'intervention dans les affaires intérieures des Etats et
laprotection de leur indépendanceet de leur souveraineté. Ilest vraique, si
lesEtats-Unis ont votéenfaveur delarésolution2131(XX)de l'Assemblée
générale, ilsont précisélors de son adoption par la Première Commission
qu'ils la considéraient comme ((une déclaration d'intention politique et
non une élaboration dudroit (Documentsofficielsdel'Assemblég eénérale,

vingtième session,Première Commission,A/C. 1/SR. 1423,p. 458). Toute-
fois, l'essentiel de la résolution 2131 (XX) est repris dans la déclaration
approuvée par la résolution 2625 (XXV), qui énonce des principes que
l'Assemblée générala e qualifiés de principes fondamentaux du droit
international O,et àpropos de laquelle le représentant des Etats-Unis n'a
pas fait de déclaration analogue à celle qui vient d'être citée.
204. Pour ce qui est des relations interaméricaines,il convient de signa-
ler par exemple la réserve à la convention de Montevideo sur les droits
et les devoirs des Etats (26 décembre 1933),par laquelle les Etats-Unis
se déclaraient opposés <a toute ingérencedans la liberté, la souverai-

netéou autres affaires internes ou aux procéduresdes gouvernementsdes
autres Nations )),ou la ratification par les Etats-Unis du protocole addi-
tionnel relatif à la non-intervention (23 décembre 1936). Entre autres
exemples plus récents on peut mentionner les résolutions AG/RES.78
et AG/RES. 128de l'Assemblée générald eel'organisation des Etats amé-
ricains. Dans un contexte différent les Etats-Unis ont expressément ac-
ceptéles principes énoncésdans la déclaration, déjà évoquée plus haut,
de l'acte final de la conférence d'Helsinki (ler août 1975) sur la sécu-
rité et la coopération en Europe, y compris un exposédétaillédu prin-
cipe de la non-intervention ;ces principes ont étéassurément présentés
comme s'appliquant aux relations mutuelles entre les Etats participants,
mais on peut considérer que leur texte témoignede l'existence, et de l'ac-

ceptation par les Etats-Unis, d'un principe coutumier universellement
applicable.
205. Malgré la multiplicitédesdéclarationsdes Etats acceptant leprin-
cipe de non-intervention, deux problèmes subsistent : premièrement celui 108 MILITARY AND PARAMILITARY ACTlVITIES (JUDGMENT)

what is the exact content of the principle soaccepted, and secondly, is the
practice sufficiently in conformity with it for this to be aule of customary
international law ?As regards the first problem - that of thecontent of the
principle of non-intervention - the Court willdefine only those aspects of
theprinciple whichappear tobe relevant to the resolution of thedispute. In
this respect it notes that, inviewof thegenerallyaccepted formulations, the
principle forbids al1States or groups of States to intervene directly or

indirectly in internal or external affairs of other States. A prohibited
intervention must accordingly be one bearing on matters in which each
State is permitted, by the principle of State sovereignty. to decide freely.
One of these is the choice of a political, economic, social and cultural
system, and the formulation of foreign policy. Intervention is wrongful
when it uses methods of coercion in regard to such choices, which must
remain free ones. The element of coercion, which defines, and indeed
forms the very essenceof, prohibited intervention, is particularly obvious
in the case of an intervention which usesforce, either in the direct form of
military action, or in theindirect form of support forsubversiveorterrorist
armed activities within another State. As noted above (paragraph 191).
General Assembly resolution 2625 (XXV)equates assistance of this kind
with the use of force by the assisting State when the acts committed in
another State "involve a threat or useof force". These forms of action are
therefore wrongful in the light of both the principle of non-use of force,
and that of non-intervention. In view of the nature of Nicaragua's com-
plaints against the United States, and those expressed by the United States
in regard to Nicaragua's conduct towards El Salvador, it is primarily acts
of intervention of this kind with which the Court is concerned in the
present case.

206. However,before reaching aconclusion on the nature of prohibited
intervention, the Court must be satisfied that State practice justifies it.
There have been in recent years a number of instances of foreign inter-
vention for the benefit of forces opposed to the government of another
State. TheCourt isnot here concerned with theprocess of decolonization ;
this question is not in issue in the present case. It has to consider whether
there might be indications of a practice illustrative of belief in a kind of
general right for States to intervene, directly or indirectly, with or without
armed force, in support of an internal opposition in another State, whose
cause appeared particularly worthy by reason of the political and moral
values with which it was identified. For such a general right to come into
existencewould involvea fundamental modification of the customary law
principle of non-intervention.

207. In considering the instances of the conduct above described, the
Courthas to emphasize that, as was observed in the North Sea Continental
Shelfcases, for a new customary rule to be formed,not only must the acts
concerned "amount to a settled practice", but they must be accompanieddu contenu exact du principe ainsi accepté et, deuxièmement, celui de la
démonstration que la pratique lui est suffisamment conforme pour qu'on
puisse faire étatd'une règlede droit international coutumier. En ce qui

concerne le premier problème - celui du contenu du principe de non-
intervention - la Cour se bornera à définirles élémentsconstitutifs de ce
principe qui paraissent pertinents pour la solution du litige. A cet égard,
ellenote que, d'après lesformulations généralement acceptées, cp erincipe
interdità tout Etat ou groupe d'Etats d'intervenir directement ou indirec-
tement dans les affaires intérieuresou extérieuresd'un autre Etat. L'in-
tervention interditedoit donc porter sur desmatières àpropos desquelles le
principe de souveraineté des Etats permet àchacun d'entre eux de se dé-
cider librement. Il en est ainsi du choix du systèmepolitique, économique,
social et culturel et de la formulation des relations extérieures. L'inter-
vention est illicite lorsqueà propos de ces choix, qui doivent demeurer
libres, elle utilise des moyens de contrainte. Cet élémentde contrainte,

constitutif de l'intervention prohibée et formant son essence même, est
particulièrement évidentdans le cas d'une intervention utilisant la force,
soit sous la formedirected'une action militaire soitsous celle,indirecte, du
soutien à des activités armées subversivesou terroristes à l'intérieurd'un
autre Etat. Ainsi qu'il a éténoté(au paragraphe 191),la résolution2625
(XXV)de l'Assembléegénéralaessinule une telleassistance à l'emploide la
force par 1'Etatqui la fournit quand les actes commis sur le territoire de
l'autre Etat impliquent une menace ou l'emploide la force ))Ces formes
d'action sont alors illicitesaussi bieà l'égarddu principe de non-emploi
de la force que de celui de la non-intervention. Compte tenu de la nature
des griefs du Nicaragua contre les Etats-Uniset de ceux que les Etats-Unis
font valoir relativement à la conduite du Nicaragua envers El Salvador,
c'est essentiellement d'actes d'intervention semblables que la Cour est

amenée à se préoccuper en la présente espèce.
206. Toutefois, avant de parvenir à une conclusion sur la nature de
l'intervention prohibée, la Cour doit s'assurer que la pratique des Etats
justifie cette conclusion. Or un certain nombre d'exemples d'interventions
étrangèresdans un Etat au bénéficede forces d'opposition au gouverne-
ment de celui-ci ont pu êtrerelevésau coursdesdernièresannées.La Cour
ne songepas iciau processus de décolonisation.Cette question n'estpas en
cause en la présente affaire. La Cour doit examiners'iln'existerait pas des
signes d'une pratique dénotant la croyance en une sorte de droit général
qui autoriserait les Etatsà intervenir, directement ou non, avec ou sans
force armée, pour appuyer l'opposition interne d'un autre Etat, dont la
cause paraîtrait particulièrement digneen raison des valeurs politiques et

morales avec lesquelles elle s'identifierait. L'apparition d'un tel droit
généralsupposerait une modification fondamentale du droit international
coutumier relatif au principe de non-intervention.
207. Au sujet des comportements qui viennent d'être évoquélsa, Cour
doit néanmoinssouligner que, comme elle l'a rappelédans les affaires du
Plateaucontinentalde la mer du Nord, pour qu'une nouvelle règlecoutu-
mièrefassesonapparition, lesactes correspondants doiventnon seulement by the opiniojuris sive necessitatisEither the States taking such action or
other States in a position to react to it, must have behaved so that their
conduct is

"evidence of a belief that this practice is rendered obligatory by the
existence of a rule of law requiring it. The need for such a belief. i.e.,
the existence of a subjective element, is implicit in the very notion
of the opinio juris sive necessitatis." (I.C.J. Reports 1969, p. 44,
para. 77.)

The Court has no jurisdiction to rule upon the conformity with interna-
tional lawof any conduct of Statesnot parties to the present dispute, or of
conduct of the Parties unconnected with the dispute ;nor has it authority

to ascribe to States legalviewswhich they do not themselves advance. The
significance for the Court of cases of State conduct prima facie inconsis-
tent with the principle of non-intervention lies in the nature of the ground
offered asjustification. Reliance by a State on a novel right or an unpre-
cedented exception to the principle rnight, if shared in principle by other
States, tend towards a modification of customaryinternational law.Infact
however the Court finds that States have not justified their conduct by
reference to a newright of intervention or a newexception to theprinciple
of its prohibition. The United States authorities have on some occasions
clearly stated their grounds for intervening in the affairs of a foreign State
for reasons connected with, for example, the domestic policies of that
country, its ideology, the level of its arrnaments, or the direction of its
foreign policy. But these were statements of international policy, and not
an assertion of rules of existing international law.

208. In particular, as regards the conduct towards Nicaragua which is
the subject of the present case, the United States has not claimed that its
intervention, which itjustified in this way on the political level, was also
justified on the legal level, alleging the exercise of a new right of inter-
vention regarded by theUnited States asexistingin suchcircumstances. As
mentioned above, the United States has, on the legal plane, justified its

intervention expressly and solely by reference to the "classic" rules
involved, namely, collective self-defence against an armed attack. Nica-
ragua, for its part, hasoften expressed its solidarity and sympathy with the
opposition in various States, especially in ElSalvador. But Nicaragua too
has not argued that this was a legal basis for an intervention, let alone an
intervention involving the use of force.

209. The Court therefore finds that no such general right of interven-
tion, in support of an opposition within another State, exists in contem-
porary international law. The Court concludes that acts constituting a
breach of the customary principle of non-intervention will also, if they ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (AR~T) 109

(représenter une pratique constante ))mais en outre se rattacher à une
opiniojuris sivenecessitatis. Ou bien les Etats agissant de la sorte ou bien
d'autres Etats en mesure de réagirdoivent s'être comportésd'une façonqui

témoigne

(de la conviction que cette pratique est rendue obligatoire par l'exis-
tence d'une règlede droit. La nécessitéde pareille conviction, c'est-
à-dire l'existence d'un élément subjectife,st implicite dans la notion
mêmed'opiniojuris sive necessitatis. (C.I.J. Recueil 1969, p. 44,
par. 77.)

La Cour n'a pas reçu compétence pour statuer sur la conformité avec le
droit international de comportements d'Etats qui ne sont pas parties au

présent différend ou de comportements des Parties sans lien avec ce
dernier ;rien non plus ne l'autorisà prêterà des Etats des vuesjuridiques
qu'eux-mêmes neformulent pas. La signification pour la Cour de com-
portements étatiques à première vue inconciliables avec le principe de
non-intervention résidedans la nature du motif invoquécommejustifica-
tion. L'invocation par un Etatd'un droit nouveau ou d'une exception sans
précédentau principe pourrait, si elle était partagéepar d'autres Etats,
tendre à modifier le droit international coutumier. En réalité la Cour
constatecependant que lesEtats n'ont pasjustifié leurconduite en prenant
argument d'un droit nouveau d'intervention ou d'une exception nouvelle
au principe interdisant celle-ci. A diverses occasions les autorités des

Etats-Unis ont clairement exposéles motifs qu'elles avaient d'intervenir
dans les affaires d'un Etat étranger et qui tenaient par exemple à la
politiqueintérieure decepays, à sonidéologie,au niveau de sesarmements
ou à l'orientation de sapolitique extérieure. Maisil s'agissait làde l'exposé
de considérationsde politiqueinternationale et nullement de l'affirmation
de règlesdu droit international actuel.
208. En particulier, à propos de leur conduite à l'égarddu Nicaragua
quiest miseen causeen l'espèce,lesEtats-Unis n'ont pas prétenduque leur
intervention, ainsi justifiée surle plan politique, l'était aussisur le plan
juridique, au motif qu'ilsmettraient de la sorteenŒuvreun nouveau droit
d'intervention qui, d'après eux, existerait actuellement en pareilles cir-

constances. Comme il a étérappeléci-dessus, les Etats-Unis ont expres-
sémentetexclusivementjustifié leurintervention, sur leplanjuridique, en
faisant appel à des règles classiques O, à savoir la légitimedéfensecol-
lective contre une agression armée.Le Nicaragua, de son côté, a souvent
exprimésa solidarité et sa sympathie à l'égardd'opposants dans divers
Etats et notamment au Salvador. Mais il n'apas affirménon plus que cela
justifiait juridiquement une intervention, surtout une intervention com-
portant l'usage de la force.
209. La Cour constate par conséquent que le droit international con-
temporain ne prévoit aucun droit générald'intervention de ce genre en

faveur de l'opposition existant dans un autre Etat. Sa conclusion sera que
lesactes constituant une violation du principe coutumier de non-interven-110 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

directly or indirectlyinvolve the use of force, constitute a breach of the
principle of non-use of force in international relations.

210. When dealing with the rule of the prohibition of the use of force,
the Court considered the exception to it constituted by the exercise of the
right of collective self-defence in the event of armed attack. Similarly, it
must now consider the following question : if one State acts towards

another State in breach of the principle of non-intervention, may a third
State lawfully take such actionby way of counter-measures against the first
State as would otherwise constitute an intervention in its interna1 affairs ?
A right to act in this way in the case of intervention would be analogous to
the right of collective self-defence in the case of an armed attack, but both

the act which gives rise to the reaction, and that reaction itself, would in
principle be less grave. Since the Court is here dealing with a dispute in
which a wrongful use of force is alleged, it has primarily to consider
whether a State has a right to respond to intervention with intervention
going so far as tojustify a use of forcein reaction to measures which do not
constitute an armedattackbut may nevertheless involve a use of force. The

question is itself undeniably relevant from the theoretical viewpoint.
However, since the Court isbound to confine its decision to those pointsof
lawwhich are essential to the settlement of thedispute before it, it isnot for
the Court here to determine what direct reactions are lawfully open to a
State which considers itself the victim of another State's acts of interven-

tion, possibly involving the use of force. Hence it has not to determine
whether, in the event of Nicaragua's having committed any such acts
against El Salvador, the latterwas lawfullyentitled to take any particular
counter-measure. It might however be suggested that, in such a situation,
the United States might have been permitted to intervene in Nicaragua in
the exercise of some right analogous to the right of collective self-defence,

one which might be resorted to in a case of intervention short of armed
attack.
211. The Courthas recalled above (paragraphs 193to 195)that for one
State to use force against another, on the ground that that State has
committed a wrongful act of force against a third State, is regarded as

lawful, by way of exception, only when the wrongful act provoking the
response was an armed attack. Thus the lawfulness of the use of force by a
State in response to a wrongful act of which it has not itself been the victim
is not admitted when this wrongful act is not an armed attack. In the view
of theCourt, under international law in force today - whethercustomary
international law or that of the United Nations system - States do not

have a right of "collective" armed response to acts which do not constitute
an "armed attack". Furthermore. the Court has to recall that the United
States itself is relying on the "inherent right of self-defence" (para-
graph 126above), but apparently does not claim thatany such right exists ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 110

tion qui impliquent, sous une forme directe ou indirecte. l'emploi de la
force dans les relations internationales. constitueront aussi une violation
du principe interdisant celui-ci.

210. Lorsqu'elle aanalysélecontenu de la règleprohibant l'emploi de la
force. la Cour a examiné l'exception à cette règle que représente. en cas
d'agression armée. l'exercice du droit de Iégitimedéfense collective. De
mêmedoit-elle maintenant se poser la question suivante : si un Etat

manque au principe de non-intervention à l'égard d'unautre Etat. est-il
licite qu'un troisième Etat prenne, envers le premier, des contre-mesures
qui constitueraient normalement une intervention dans ses affaires inté-
rieures ?Le droit d'agir ainsi en cas d'intervention serait analogue au droit
de Iégitimedéfensecollective en cas d'agression armée. mais ilse situerait

en principe à un niveau inférieur de gravitéde I'acte déclenchant la réac-
tion et de cette réactionelle-même.La Cour s'occupant ici d'un différend
dans lequel un emploi illicite de la force est allégué.elle doit avant tout se
demander si un Etat possède un droit de riposter à l'intervention par
l'intervention qui iraitjusqu'à justifier l'usage de la force en réactionàdes

mesures qui. sans constituer une agression armée, pourraient nkanmoins
impliquer l'emploi de la force. La question en elle-mêmeest incontesta-
blement pertinente d'un point de vue théorique. Mais la Cour. n'ayant àse
prononcer quesur lespoints de droit nécessairesau règlement du différend
qui lui est soumis, n'a pas àdéciderdes réactions directes auxquelles peut

licitement se livrer un Etat sejugeant victime, de la part d'un autre, d'actes
d'intervention comportant éventuellement l'usage de la force. Elle n'a
donc pas àdéterminer si, dans l'éventualitéoù le Nicaragua aurait commis
de tels actes à l'égardd'El Salvador, celui-ci pouvait licitement prendre des
contre-mesures particulières. On pourrait cependant fairevaloir que, dans

une telle hypothèse, les Etats-Unis auraient pu intervenir au Nicaragua
dans l'exercice d'un droit analogue au droit de Iégitimedéfensecollective
et qui jouerait en cas d'intervention se situant en deçà de l'agression
armée.
211. La Cour a rappeléplus haut(paragraphes 193à 195)que l'usage de
la force par un premier Etat contre un second, parce que celui-ci aurait

commis une action de force illicite contre un troisième, est tenu à titre
exceptionnel pour Iégitime, mais seulement quand I'acte illicite provo-
quant la riposte consiste en une agression armée. Ainsi, la légitimitéde
l'utilisation de laforce par un Etaten réponseàun fait illicite dont iln'apas
étévictime n'est pas admise quand le fait illicite en question n'est pas une

agression armée.De l'avisde la Cour. dans ledroit international en vigueur
aujourd'hui - qu'il s'agissedu droitinternationalcoutumierou du système
des Nations Unies - les Etats n'ont. aucun droit de riposte armée col-
lective ))à des actes ne constituant pas une « agression armée ))La Cour
rappelle au surplus que les Etats-Unis se prévalent du droit naturel de

légitimedéfense ))(paragraphe 126ci-dessus) ; ils ne semblent nullement111 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

as would, in respect of intervention, operate in the same way as the right of

collective self-defence in respect of an armedattack. In the discharge of its
duty under Article 53 of the Statute, the Court has nevertheless had to
consider whether such a right might exist ;but in doingso it may take note
of the absence of any such claim by the United States as an indication of
opiniojuris.

212. The Court should now mention the principle of respect for State
sovereignty, which in international law is of course closely linked with the
principles of the prohibition of the use of force and of non-intervention.

The basic legal concept of State sovereignty in customary international
law, expressed in, inter alia, Article 2. paragraph 1,of the United Nations
Charter, extends to theinternal waters and territorial sea of every State and
to the air space above its territory. As to superjacent air space, the 1944
Chicago Convention on International Civil Aviation (Art. 1) reproduces

the established principle of the complete and exclusive sovereignty of a
State over the air space above its territory. That convention, in con-
junction with the 1958Geneva Convention on the Territorial Sea,further
specifies that the sovereignty of the coastal State extends to the territorial
sea and to the air space above it, as does the United Nations Convention

on the Law of the Sea adopted on 10 December 1982.The Court has no
doubt that these prescriptions of treaty-law merely respond to firmly
established and longstanding tenets of customary international law.

213. The duty of every State to respect the territorial sovereignty of
others is to be considered for the appraisal to be made of the facts relating

to the mining which occurred along Nicaragua's coasts. The legal rules in
the light of which these acts of mining should be judged depend upon
where they took place. The laying of mines within the ports of another
State isgoverned by the law relating to internal waters, which are subject to
the sovereignty of the coastal State. The position issimilar as regards mines
placed in the territorial sea. It is therefore the sovereignty of the coastal

State which is affected in such cases. It is also by virtue of its sovereignty
that the coastal State may regulate access to its ports.
214. On the other hand, it is true that in order to enjoy access to ports,
foreign vessels possess a customary right of innocent passage in territorial
waters for the purposes of entering or leaving internal waters ; Article 18,
paragraph I (b), of the United Nations Convention on the Law of the Sea

of 10 December 1982,does no more than codify customary international
law on this point. Since freedom of navigation is guaranteed, first in the
exclusive economic zones which may exist beyond territorial waters
(Art. 58 of the Convention), and secondly, beyond territorial waters and
on the high seas (Art. 87), it follows that any State which enjoys a right of
access to ports for its ships also enjoys al1 the freedom necessary forprétendre qu'existe un droit qui jouerait pour l'intervention le rôle que le
droit de légitimedéfensecollectivejoue àl'égardde l'agression armée.Pour
s'acquitter des obligations que lui impose l'article 53 du Statut, la Cour a
dû néanmoins s'interroger sur l'existence d'un tel droit ; elle peut cepen-
dant constater que les Etats-Unis n'ont avancéaucun argument dans ce
sens qui constituerait l'indication d'une opini ouris.

212. La Cour doit maintenant traiter du principe du respect de la
souverainetédes Etats, qui en droit international est étroitement liéàcelui
de la prohibition de l'emploi de la force et à celui de non-intervention. Le
concept juridique fondamental de la souveraineté desEtats en droit inter-

national coutumier. consacré notamment par l'article 2.paragraphe 1, de
la Charte des Nations Unies, s'étend auxeaux intérieures et à la mer
territoriale de tout Etat, ainsi qu'à I'espace aérienau-dessus de son terri-
toire. Pour ce qui est de I'espace aérien surjacent la convention de Chicago
de 1944relative à l'aviation civile internationale (article premier) reprend
le principe établi de la souveraineté complète et exclusive d'un Etat sur

I'espace atmosphérique au-dessus de son territoire. Cette convention, se
conjuguant avec la convention de Genève de 1958 sur la mer territoriale,
préciseque la souverainetéde 1'Etatriverain s'étendà la mer territoriale et
àI'espaceaérienau-dessus de celle-ci. comme lefait aussi la convention sur
le droit de la mer adoptée le 10décembre 1982. 11est hors de doute pour
la Cour que ces prescriptions du droit conventionnel ne font que corres-
pondre ùdes convictions qui, depuis longtemps, sont bien établiesen droit

international coutumier.
213. L'obligation de tout Etat de respecter la souveraineté territoriale
des autres intervient dans le jugement à porter sur les faits relatifs aux
minages effectuésàproximitédes côtes du Nicaragua. Les règlesjuridiques
par rapport auxquelles doivent s'apprécier ces faits de minage dépendent
de la localisation de ceux-ci. La pose des mines dans les ports d'un autre

Etat est régie par le droit relatif aux eaux intérieures, lesquelles sont
soumises à la souveraineté de I'Etat côtier. La situation est analogue pour
les mines placées dans la mer territoriale. C'est donc la souveraineté de
1'Etatcôtier qui se trouve atteinte en pareil cas. C'est aussi en vertu de sa
souveraineté que I'Etat côtier peut réglementer l'accèsà ses ports.
214. En revanche ilest vrai que. afin de pouvoir accéderaux ports, les
navires étrangers disposent du droit coutumier de passage inoffensif dans

la mer territoriale pour entrer dans leseauxintérieuresou pour les quitter ;
l'article 18.paragraphe 1h),de la convention desNations Uniessur ledroit
de la mer en date du 10 décembre 1982 ne fait que codifier le droit
international coutumier sur ce point. Comme la libertéde navigation est
assurée,d'abord dans les zoneséconomiques exclusives existant éventuel-
lement en borduredes eaux territoriales(article 58 de la convention), puis,
au-delà, en haute mer (art. 87). ils'ensuit que tout Etat dont les navires

bénéficientd'un droit d'accès auxports jouit du mêmecoup de toute la112 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

maritime navigation. It may thereforebe said that, if this right of access to
the port is hindered by the laying of mines by another State, what is
infringed isthefreedom ofcommunications and of maritimecommerce.At
al1 events. it is certain that interference with navigation in these areas
prejudices both the sovereignty of thecoastal State over itsinternal waters,
and the right of free access enjoyed by foreign ships.

215. The Court has noted above (paragraph 77 infine) that the United
States did not issue any warning or notification of the presence of the
mines which had been laid in or near the ports of Nicaragua. Yet even in
time of war, the Convention relative to the laying of automaticsubmarine

contact mines of 18October 1907(the Hague Convention No. VIII) pro-
vides that "every possible precaution must be taken for the security of
peaceful shipping" and belligerents are bound
"to notify the danger zones as soon as military exigenciespermit, by a
noticeaddressed toship owners,which must also becommunicated to
the Governments through the diplomatic channel" (Art. 3).

Neutral Powers which lay mines off their own coasts must issue a sirnilar
notification, in advance (Art. 4). Ithas already been made clear above that
in peacetime for one State to lay mines in the internal or territorial waters
of another is an unlawful act ;but in addition, if a State lays mines in any
waters whatever in which the vesselsof another State have rights of access
or passage, and fails to give any warning or notification whatsoever, in

disregard of the security of peaceful shipping, it commits a breach of the
principles of humanitarian law underlying the specific provisions of Con-
vention No. VI11of 1907.Those principles were expressed by the Court in
the Corfu Channelcase as follows :

"certain general and well recognized principles, namely : elementary
considerations of humanity, even more exacting in peace than in war"
(I.C.J. Reports 1949, p. 22).

216. This last consideration leads the Court on to examination of the
international humanitarian law applicable to the dispute. Clearly, use of
force may in some circumstances raise questions of such law. Nicaragua
has in the present proceedings not expressly invoked the provisions of
international humanitarian law as such, even though, as noted above
(paragraph 113), ithascomplained of actscommitted on itsterritory which ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 112

liberté nécessaire à la navigation maritime. On peut donc dire que, si ce
droit d'accèsaux ports est entravéparce qu'un autre Etat a posédes mines,

il est porté atteinte à la liberté des communications et du commerce
maritime. IIest en tout cas certain que les entraves apportées à la navi-
gation affectent la souveraineté de 1'Etat côtier sur ses eaux intérieures,
ainsi que le droit de libre accès dont peuvent bénéficier les naviresétran-
gers.

215. La Cour a relevé plus haut (paragraphe 77 infine) que les Etats-
Unis n'ont pas émis d'avertissement ni notifié la présence des mines
mouilléesdans les ports du Nicaragua ou à leurs abords. Pourtant, même

pour le temps de guerre, la convention du 18 octobre 1907relative àla pose
de mines sous-marines de contact (convention noVI11de La Haye) stipule
que <toutes les précautions doivent êtreprises pour la sécuritéde la
navigation pacifique ))et que les belligérants sont tenus de

<signaler les régionsdangereuses aussitôt que lesexigences militaires
le permettront, par un avis a la navigation, qui devra être aussi
communiqué aux gouvernements par la voie diplomatique

(art. 3).
Les puissances neutres qui posent des mines devant leur propre côte

doivent en donner préavisdans des conditions analogues (art. 4). Il a déjà
étépréciséplus haut que le fait, pour un Etat, de mouiller des mines dans
leseaux intérieures ou territoriales d'un autre Etatconstitue un fait illicite ;
sien outre un Etat mouille des mines dans deseaux - quelles qu'elles soient

- où les navires d'un autre Etat peuvent avoir un droit d'accès ou de
passage, sans avertissement ni notification, au mépris de la sécuritéde la
navigation pacifique, cet Etat viole les principes du droit humanitaire sur
lesquels reposent les dispositions spécifiquesde la convention no VI11de
1907,et que la Cour a exprimésen ces termes dans l'affaire du Détroitde

Corfou :
(certains principes généraux et bien reconnus, tels que des considé-

rations élémentairesd'humanité, plus absolues encore en temps de
paix qu'en temps de guerre >)(C.I.J. Recueil 1949, p. 22).

216. L'observation qui précèdeamène la Cour à l'examen du droit
international humanitaire applicable au différend. Il est clair que dans
certaines circonstances l'emploi de la force peut soulever des questions
intéressant cette branchedu droit. En la présenteinstance le Nicaragua n'a

pas invoqué expressémentles dispositions du droit international humani-
taire en tant que telles, quand bien même, ainsi qu'ila été rappelé(para-would appear to be breaches of the provisions of such law. In the sub-
missions in its Application it has expressly charged

"That the United States, in breach of its obligation under general
and customaryinternational law,has killed, wounded and kidnapped
and is killing. wounding and kidnapping citizens of Nicaragua."
(Application, 26 (f).)

The Court has already indicated (paragraph 115)that the evidence avail-
able is insufficient for the purpose of attributing to the United States

the acts committed by the contras in the course of their military or
paramilitary operations in Nicaragua ; accordingly, this submission has to
be rejected. The question however remains of the law applicable to the
acts of the United States in relation to the activities of the contras, in
particular the production and dissemination of the manual on psycholo-
gical operations described in paragraphs 117 to 122 above ; as already
explained (paragraph 116), this is a different question from that of
the violations of humanitarian law of which the contras may or may not
have been guilty.
217. The Court observes that Nicaragua, which has invoked a number
of multilateral treaties, has refrained from making reference to the four
Geneva Conventions of 12August 1949,to which both Nicaragua and the
United States areparties. Thus at thetime when the Court wasseisedof the
dispute, that dispute could beconsidered not to "arise", to use the wording
of the United States multilateral treaty reservation, under any of these
Geneva Conventions. The Court did not therefore have to consider

whether that reservation might be a bar to the Court treating the relevant
provisions of these Conventions as applicable. However, if the Court were
on its own initiative to find it appropriate to apply these Conventions, as
such, for the settlement of the dispute, it could be argued that the Court
would be treating it as a dispute "arising" under them ;on that basis, it
would have to consider whether any State party to those Conventions
would be "affected" by the decision. for the purposes of the United States
multilateral treaty reservation.
218. TheCourt however sees no need to take a position on that matter,
since in its viewthe conduct of the United Statesmay bejudged according
to the fundamental general principles of humanitarian law ;in itsview,the
Geneva Conventions are in some respects a development, and in other
respects no more than the expression, of such principles. It issignifiant in
this respect that, according to the terms of the Conventions, the denun-
ciation of one of them

"shall in no way impair the obligations which the Parties to the

conflict shall remain bound to fulfil by virtue of the principles of the
law of nations, as they result from the usages established among
civilized peoples, from the laws of humanity and the dictates of the ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 113

graphe 113), ils'est plaint d'actes commis sur son territoire qui semble-
raient le violer. Dans les conclusions de sa requête, ila formuléexpressé-

ment l'accusation suivant laquelle

<les Etats-Unis. en violation de leurs obligations en vertu du droit
international général etcoutumier, ont tué,blessé etenlevéet tuent,
blessent et enlèvent des citoyens du Nicaragua (requête,26 f)).

La Cour a déjà indiqué(paragraphe 115)que les élémentsde preuve dont
elle dispose ne permettent pas d'attribuer aux Etats-Unis les agissements
des contras ;la conclusion rappelée ci-dessus doit donc êtrerejetée.Reste
cependant la question du droit applicable aux actes des Etats-Unis en

relation avec les activités des contras, et notamment la production et la
diffusion du manuel sur les opérations psychologiques évoqué auxpara-
graphes 117 à 122 ci-dessus ; ainsi qu'il a été expliqué(paragraphe 116).
cette question est distincte de celle des violations du droit humanitaire
dont les contras pourraient s'êtrerendus coupables.

217. La Cour observe que le Nicaragua, qui a invoqué diverses conven-
tions multilatérales, s'est abstenu de faire étatdes quatre conventions de
Genève du 12 août 1949 auxquelles le Nicaragua et les Etats-Unis sont

parties. Par suite, au moment où le Nicaragua l'a porté devant la Cour. le
différend ne résultait pas, pour reprendre les termes de la réservedes
Etats-Unis relative aux traités multilatéraux, de I'une quelconque de ces
conventions de Genève. La Cour n'a donc pas eu à rechercher si la réserve
pouvait faire obstacle àce que la Cour considère comme applicables leurs

dispositions pertinentes. Néanmoins, si la Cour devait, de sa propre ini-
tiative, juger approprié d'appliquer ces conventions, en tant que telles, au
règlement du différend, on pourrait soutenir qu'elle en ferait un différend
résultant de ces instruments ; dans ces conditions elle devrait se
demander si quelque autre Etat partie à ces conventions pourrait être

<(affecté au sens de la réservedes Etats-Unis relative aux traités multi-
latéraux.
218. La Cour ne voit cependant pas la nécessitéde prendre position sur
ce point. attendu que selon elle le comportement des Etats-Unis peut être
apprécié en fonction des principes générauxde base du droit humanitaire

dont, àson avis, les conventions de Genèveconstituent acertains égardsle
développement et qu'à d'autres égards elles ne font qu'exprimer. II est
significatif àcepropos que, aux termes des conventions, la dénonciation de
l'une d'elles :

n'aura aucun effet sur les obligations que les Parties au conflit
demeureront tenues de remplir en vertu des principes du droit des
gens tels qu'ils résultentdes usages établisentre nations civilisées,des
lois de l'humanitéet des exigences de la conscience publique ))(con- public conscience" (Convention 1,Art. 63 ;Convention II,Art. 62 ;
Convention III, Art. 142 ;Convention IV, Art. 158).

Article 3 which is common to al1four Geneva Conventions of 12August
1949defines certain rules to be applied in the armed conflicts of a non-
international character. There is no doubt that, in the event of interna-
tional armed conflicts, these rules also constitute a minimum yardstick, in
addition to the more elaborate rules which are also to apply to interna-
tional conflicts ;and they are rules wkch, in the Court's opinion, reflect
what the Court in 1949called "elementary considerations of humanity"
(Corfu Channel, Merits, 1C.J. Reports 1949, p. 22 ;paragraph 215above).
TheCourt may therefore find them applicable to the present dispute, and
is thus not required to decide what role the United States multilateral
treaty reservation rnight otherwise play in regard to the treaties in ques-

tion.
219. The conflict between the contras' forces and those of the Govern-
ment of Nicaragua is an armed conflict which is "not of an international
character". The acts of the contras towards the Nicaraguan Government
are therefore governed by the lawapplicable to conflicts of that character ;
whereas the actions of the United States in and against Nicaragua fall
under the legal rules relating to international conflicts. Because the mini-
mum rules applicable to international and to non-international conflicts
are identical,there isno need toaddress thequestionwhether those actions
mustbe looked at inthecontext of the ruleswhichoperate for theone or for
the other category of conflict. The relevant principles are to be looked for
in theprovisions of Article 3of each of the four Conventions of 12August
1949,the text of which, identical in each Convention, expressly refers to
conflicts not having an international character.
220. The Court considers that there is an obligation on the United

States Government, in the terms ofArticle 1ofthe GenevaConventions, to
"respect" the Conventions and even "to ensure respect" for them "in al1
circumstances", since such an obligation does not derive only from the
Conventions themselves, but from the general principles of humanitarian
law to which the Conventions merely give specificexpression. The United
States is thus under an obligation not to encourage persons or groups
engaged in the conflict in Nicaragua toact in violation of the provisions of
Article 3 common to the four 1949Geneva Conventions, which reads as
follows :

"In the case of armed conflict not of an international character
occurring in the territory of one of the High Contracting Parties, each
Party to the conflict shall be bound to apply, as a minimum, the
following provisions :

(1) Persons taking no activepart in the hostilities, includingmembers
of armed forces who have laid down their arms and those placed
horsdecombatby sickness,wounds, detention, or anyother cause,
shall in al1 circumstances be treated humanely, without any vention 1,art. 63 ; convention II, art. 62 ;convention III. art. 142 ;
convention IV. art. 158).

L'article 3 commun aux quatre conventions de Genève du 12 août 1949
énoncecertaines règlesdevant être appliquéesdans les conflits armésne
présentant pas un caractère international. II ne fait pas de doute que ces

règlesconstituent aussi, en cas de conflits armésinternationaux, un mini-
mum indépendamment de celles, plus élaborées, qui viennents'yajouter
pour de tels conflits ;il s'agit de règlesqui, de l'avis de la Cour, corres-
pondent a ce qu'elle a appeléen 1949des <considérations élémentaires
d'humanité (Dktroit de Corfou, fond, C. I.J.Recueil 1949, p. 22 ; para-
graphe 215 ci-dessus). La Cour peut donc les tenir pour applicables au
présent différend sans avoirde ce fait à se prononcer sur le rôle que la
réserve américaine relative aux traités multilatéraux pourrait jouer à
d'autres égardsa propos des conventions en question.

219. Le conflit entre les forces contras et celles du Gouvernement du
Nicaragua est un conflit armé ne présentant pas un caractère interna-
tional )>.[,es actes des contras a l'égarddu Gouvernement du Nicaragua
relèventdudroit applicable àde telsconflits, cependant que lesactionsdes
Etats-Unis au Nicaragua et contre lui relèventdes règlesjuridiques inté-
ressant les conflits internationaux. Or l'identité des règles minimales
applicables aux conflits internationaux et aux conflits n'ayant pas ce
caractère rend sans intérêtde décider si les actes en question doivent

s'apprécierdans le cadre de règles valables pour I'une ou pour l'autre
catégorie. Les principes pertinents doivent êtrerecherchés à l'article 3,
identiquement rédigéd . es quatre conventions du 12août 1949,qui visent
expressément les conflits ne présentant pas un caractère international.

220. La Cour considère que les Etats-Unis ont I'obligation, selon les
termes de l'article premier des quatre conventions de Genève, de res-
pecter et mêmede faire respecter ces conventions <(en toute circons-
tance D.car une telle obligation ne découlepas seulement des conventions

elles-mêmes, maisdes principes générauxdu droit humanitaire dont les
conventions ne sont que l'expression concrète. En particulier les Etats-
Unis ont l'obligation de ne pas encourager des personnes ou des groupes
prenant part au conflit au Nicaragua a agir en violation de dispositions
comme cellesde l'article 3commun aux quatre conventions de 1949,qui est
ainsi rédigé :

<(En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère inter-
national et surgissant sur le territoire de I'une des Hautes Parties
contractantes. chacune des parties au conflit sera tenue d'appliquer
au moins les dispositions suivantes :

1) Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y
compris les membres de forcesarmées quiont déposéles armes et
les personnes qui ont étémises hors de combat par maladie. bles-
sure. détention ou pour toute autre cause, seront, en toutes cir-115 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

adversedistinction founded on race, colour. religion or faith. sex,
birth or wealth, or any other similar criteria.

To this end, the following acts are and shall rernain prohibited
at any time and in any place whatsoever with respect to the
above-rnentioned persons :
(a) violence to life and person, in particular murder of al1kinds.
mutilation, cruel treatment and torture :

(h) taking of hostages ;
(c) outrages upon personal dignity, in particular, humiliating and
degrading treatment ;
(d) the passing of sentences and the carrying out of executions
without previous judgment pronounced by a regularly con-
stituted court affording al1thejudicial guarantees which are

recognized as indispensable by civilized peoples.
(2) The wounded and sick shall be collected and cared for .. .

The Parties to the conflict should further endeavour to bring into
force. by means of special agreements, al1or part of the other provi-
sions of the present Convention . .."

221. In itsJudgrnent of 26 Novernber 1984,theCourt concluded that, in
so far as the claims presented in Nicaragua's Application revealed the
existence of a disputeasto the interpretation or application of the Articles
of the 1956Treaty of Friendship. Commerce and Navigation between the
Parties mentioned in paragraph 82 of that Judgrnent (that is. Arts. XIX,
XIV. XVII, XX, 1). it had jurisdiction to deal with them under Article

XXIV, paragraph 2, of that Treaty. Having thus established itsjurisdiction
to entertain thedispute between the Parties in respect of the interpretation
and application of the Treaty in question, the Court must determine the
meaning of the various provisions which are relevant for its judgment. In
this connection, the Court has in particular to ascertain the scope of
Article XXI, paragraphs 1(c) and 1Id), of the Treaty. According to that
clause

"the present Treaty shall not preclude the application of meas-
ures :

(c) regulating the production of or traffic in arms, arnmunition and
implements of war, or traffic inother materialscarried on directly
or indirectly for the purpose of supplying a rnilitary establish-

ment : constances, traitées avec humanité, sans aucune distinction de
caractère défavorablebasée sur la race,lacouleur,la religion ou la
croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère
analogue.
A cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps et en tout
lieu,à l'égarddes personnes mentionnées ci-dessus :

a) les atteintes portées à la vie et à l'intégritécorporelle, notam-
ment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les
traitements cruels, tortures et supplices ;
h) les prises d'otages ;
c) les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traite-
ments humiliants et dégradants ;
d) lescondamnations prononcéesetlesexécutions effectuéessans
un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement
constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme

indispensables par les peuples civilisés.
2) Les blessés et malades seront recueillis et soignés ...
Les parties au conflit s'efforceront, d'autre part, de mettre en
vigueur par voie d'accords spéciauxtout ou partie des autres dispo-
sitions de la présente convention ...)>

221. Dans sonarrêtdu 26novembre 1984,la Cour a conclu que, dans la
mesure où les demandes formuléesdans la requêtedu Nicaragua révèlent
l'existenced'un différend sur l'interprétation ou l'application des articles
du traité d'amitié,de commerce et de navigation de 1956entre les Parties
mentionnés au paragraphe 82 dudit arrêt(c'est-à-dire les articles XIX,
XIV, XVII, XX et premier), elle avait compétence pour en connaître en

vertu de l'article XXIV, paragraphe 2, de ce traité. Ayant ainsi établi sa
compétence pour connaître du différend entre les Parties à l'égardde
l'interprétation et de I'application du traité en question, la Cour doit
prendre position sur le sens des diverses dispositions pertinentes pour
son arrêt.Acet égard,laCourdoit notamment déterminer laportéedeI'ar-
ticle XXI. paragraphe 1,alinéas c) et d), du traité.Selon cette disposition

((le présent traiténe fera pas obstacle à l'application de mesures :

c) concernant la production ou le commerce des armes, des muni-
tions et du matérielde guerre, ou le commerce d'autres produits
lorsqu'il a pour but direct ou indirect d'approvisionner des unités
militaires ; 116 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JuDGMENT)

(dl necessary to fulfill the obligations of a Party for the maintenance
or restoration of international peace and security, or necessary to
protect its essential security interests".

In the Spanish text of theTreaty (equally authentic with the English text)
the last phrase is rendered as "sus intereses esenciales y seguridad".

222. This article cannot be interpreted as removing the present dispute
as to the scope of theTreaty from the Court's jurisdiction. Being itself an
articleof theTreaty, it iscoveredby the provision in ArticleXXIV that any

disputeabout the "interpretation or application" of theTreaty lies within
the Court's jurisdiction. Article XXI defines the instances in which the
Treaty itself provides for exceptions to the generality of its other provi-
sions, but it by no means removes the interpretation and application of
that article from the jurisdiction of the Court as contemplated in Article
XXIV. That the Court has jurisdiction to determine whether measures
taken by one of the Parties fall within such an exception, is also clear a

contrurio from the fact that the text of Article XXI of the Treaty does not
employ the wording which was already to be found in Article XXI of the
General Agreement on Tariffs and Trade. This provision of GATT, con-
templating exceptions to the normal implementation of the General
Agreement, stipulates that the Agreement is not to beconstrued toprevent
any contracting party from taking any action which it "considers necessary

for the protection of its essential security interests", in such fields as
nuclear fission,arms, etc. The 1956~reat~,~onthe contrary. speaks simply
of "necessary" measures. not of those considered by a party to be

223. The Court will therefore determine the substantial nature of the
twocategories of measures contemplated by this Article and which are not

barred by the Treaty. No comment is required at this stage on subpara-
graph 1(c)of Article XXI. As to subparagraph 1(d), clearly "measures ...
necessary to fulfill the obligations of a Party for the maintenance or
restoration of international peace and security" must signify measures
which the State in question must take in performance of an international
commitment of which any evasion constitutes a breach. A commitment of

this kind is accepted by Members of the United Nations in respect of
Security Council decisions taken on the basis of Chapter VI1of the United
Nations Charter (Art. 25). or, for members of the Organization of Ameri-
can States, in respect of decisions taken by the Organ of Consultation of
the Inter-American system, under Articles 3 and 20 of the Inter-American
Treaty of ReciprocalAssistance (Rio de Janeiro, 1947).TheCourt does not d) nécessaires à I'exécutiondes obligations de I'uneou l'autre partie
relatives au maintien ou au rétablissement de la ~aix et de la
sécuritéinternationales ou à la protection des intérêtsvitaux de
cette partie en ce qui concerne sa sécurité )).

Le texte citéest celui de la traduction établiepar le Secrétariat de l'Or-

ganisation des Nations Unies et publiée dans le Recueil des traités,
volume 367. 1960.On notera que ledernier membre de phrase de l'alinéad)
est exprimé respectivement. dans les textes anglais et espagnol du traité,
qui font également foi. par : necessary to protect its essential security
interests et ((necesarias para proteger sus intereses esenciales y seguri-
dad )).
222. Cet article ne peut pas s'interpréter comme faisant échapper à la
compétencede la Cour leprésent différendsur la portéedu traité.En effet

cette disposition, étant I'une de celles qui constituent le traité. est régie
par l'article XXIV aux termes duquel tout différend sur 1'~interpréta-
tion et I'application du traité ))est de la compétence de la Cour. L'ar-
ticle XXI définit les cas dans lesquels le traité prévoit lui-mêmedes
exceptions au caractère généralde ses autres dispositions, mais il ne tend
nullement à faire échapperl'interprétation et l'application de ses propres
termes à la compétence de la Cour prévue par l'article XXIV. Que la
Cour soit compétente pour déterminer si des mesures prises par I'une
des Parties relève d'une exception ressort également a contrario de ce

que le texte de l'article XXI du traitén'a pas repris le libelléantérieur de
l'articleXXI de l'Accord généralsur les tarifs douaniers et le commerce.
Cette disposition du GATT, prévoyant des exceptions au jeu normal
de l'Accord général, précise que celui-ci ne sera pas interprétécomme
empêchant unepartie contractante de prendre toutes mesures qu'elle
estimera nécessaires à la protection des intérêtsessentiels de sa sécu-
ritéO, dans des domaines comme la fission nucléaire, les armements,
etc. Le traité de 1956 fait simplement état au contraire des mesures
((nécessaires )) et non pas de celles considérées commetelles par une

partie.
223. La Cour prendra donc position sur la substance de ces deux caté-
gories de mesures prévuespar cet article et auxquelles le traiténe fait pas
obstacle. L'alinéa 1 c) de l'article XXI n'appelle pour le moment aucun
commentaire. Pour ce qui est de l'alinéa 1d),il est clair que. pa((mesures
nécessaires à l'exécutiondes obligations de I'une oul'autre partie relatives
au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécuritéinternatio-
nales O,ilfaut entendre des mesures que I'Etaten question doit prendre en

exécutiond'un engagement international auquel il ne pourrait se dérober
qu'en le violant. Un tel engagement est accepté par les membres des
Nations Unies à l'égard desdécisionsdu Conseil de sécuritéprises sur le
fondement du chapitre VI1de la Charte des Nations Unies (art. 25) ou,
pour les membres de l'organisation des Etats américains, à l'égarddes
décisionsque l'organe de consultation du système interaméricain a pu
prendre en vertu des articles 3 et 20 du traitéinteraméricain d'assistancebelieve that this provision of the 1956Treaty can apply to the eventuality
of the exercise of the right of individual or collective self-defence.

224. On the other hand. action taken in self-defence. individual or
collective, might be considered as part of the wider category of measures
qualified in Article XXI as "necessary to protect" the "essential security
interests" of a Party. In its Counter-Memorial on jurisdiction and admis-
sibility, the United Statescontended that : "Any possible doubtsas to the
applicability of the FCN Treaty to Nicaragua's claims is dispelled by

Article XXI of the Treaty .. ." After quoting paragraph 1(d) (set out in
paragraph 221 above), the Counter-Memorial continues :

"Article XXI has been described by the Senate Foreign Relations
Committee as containing 'the usual exceptionsrelating .. .to traffic in
arms. ammunition and implements of war and to measures for col-
lective or individual self-defense'."

It isdifficult to deny that self-defence against an armed attackcorresponds
to measures necessary to protect essential security interests. But the con-
cept of essential securityinterests certainly extends beyond the concept of

an armed attack, and has been subject to very broad interpretations in the
past. The Court has therefore to assess whether the risk run by these
"essential security interests" is reasonable. and secondly. whether the
measures presented as being designed to protect these interests are not
merely useful but "necessary".

225. Since Article XXI of the 1956Treaty contains a power for each of
the parties to derogate from the other provisions of the Treaty, the pos-
sibility of invoking the clauses ofthat Article must be considered once it is
apparent that certain forms of conduct by the United States would other-
wise be in conflict with the relevant provisions of theTreaty. The appraisal
of the conduct of the United States in the light of these relevant provisions

of the Treaty pertains to the application of the law rather than to its
interpretation, and the Court will therefore undertake this in thecontext of
its general evaluation of the facts established in relation to the applicable
law.

226. The Court, having outlined both the facts of the case as proved by
the evidence before it, and the general rules of international law which
appear to it to be in issue as a result of these facts. and the applicable
treaty-law, has now to appraise the facts in relation to the legal rules
applicable. In so far as acts of the Respondent may appear to constitute
violations of the relevant rules of law. the Court will then have todeterminemutuelle (Rio de Janeiro, 1947).La Cour ne pensepas que la disposition du
traitéde 1956 puisse s'appliquer à la mise en Œuvre du droit de légitime
défense individuelle ou collective.
224. En revanche, des mesures de légitime défense, individuelle ou
collective, peuvent êtreconsidérées commeentrant dans la catégorie plus
vaste des mesures qualifiées à l'article XXI de (nécessairesàla protection

des intérêtsvitaux j)d'une partie <<en ce qui concerne sa sécurité D.Dans
leur contre-mémoire sur la compétenceet la recevabilitéles Etats-Unis ont
soutenu que : <Tout doute possible quant à l'inapplicabilité du traité de
1956 aux demandes du Nicaragua est écarté par l'article XXI, para-
graphe 1 ))Après avoir citéle paragraphe 1d) (dont le texte est reproduit
au paragraphe 221 ci-dessus), le contre-mémoire poursuit en ces termes :

Cet article XXI était décrit,dans un rapport de la commission des
affaires étrangèresdu Sénat des Etats-Unis. comme contenant « les

exceptions habituelles relatives ..au commerced'armes, de munitions
et de matériel de guerre. ainsi qu'aux mesures de légitime défense.
collective ou individuelle.

Il est difficile de contester que la légitime défense contre une agression
armée correspond à des mesures nécessaires à la protection d'intérêts
vitaux dans le domaine de la sécurité.Toutefois la notion d'intérêtsvitaux
en matière de sécuritédébordecertainement la notion d'agression arméeet
a requ dans l'histoire des interprétations fort extensives. La Cour doit donc
seprononcer sur lecaractèreraisonnabledu péril encouru par ces intérêts

vitaux en ce qui concerne la sécurité » et ensuite sur le caractère non
seulement utile mais nécessaire des mesures présentées comme desti-
néesà en assurer la protection.
225. Les Parties s'étant réservéchacune par l'article XXI du traité de
1956 la faculté de déroger aux autres dispositions de cet instrument, la

possibilité d'invoquer les clauses de cet article doit êtreexaminée dès lors
qu'une contradiction apparaît entre certaines conduitesdes Etats-Unis et
les dispositions pertinentes du traité. L'appréciation des conduites des
Etats-Unis au regard de ces dispositions pertinentes du traitérelevant de
l'application du droit plus que de son interprétation, la Cour y procédera
dans le cadre de son évaluation généraledes faits constatés par rapport au

droit applicable.

226. La Cour, ayant exposé dans leurs grandes lignes les faits de la
cause, tels qu'ils ont pu êtreétablis d'après les preuves à sa disposition,
ainsi que les règlesgénéralesdu droitinternational que ces faitsparaissent
mettre enjeu. et rappeléledroit conventionnel applicable, doitmaintenant
apprécierlesdits faits àla lumièredesrèglesjuridiques applicables. Dans la
mesureoù lesactes du défendeurpeuvent paraîtreconstituer des violationswhether there are present any circumstances excluding unlawfulness. or
whether such acts may be justified upon any other ground.

227. TheCourt willfirst appraise the facts inthe light of the principle of
the non-use of force, examined in paragraphs 187to 200 above. What is
unlawful, in accordance with that principle, isrecourse to either the threat
or the useof forceagainst the territorial integrity or political independence
of any State. For the most part, the complaints by Nicaragua are of the

actual use of force against it by the United States. Of the acts which the
Court has found imputable to the Government of the United States. the
following are relevant in this respect :
- the laying of mines in Nicaraguan interna1 or territorial waters in early
1984(paragraph 80 above) ;
- certain attacks on Nicaraguan ports, oil installations and a naval base
(paragraphs 81 and 86 above).

These activities constitute infringements of theprinciple of the prohibition
of the use of force, defined earlier, unless they are justified by circum-
stances which exclude their unlawfulness, a question now to be examined.
The Court has also found (paragraph 92) the existence of miiitary
manoeuvres held by the United States near the Nicaraguan borders ; and
Nicaragua has made some suggestion that this constituted a "threat of

force", whichisequally forbidden by the principle of non-use of force. The
Court is however not satisfied that the manoeuvres complained of, in the
circumstances in which they were held, constituted on the part of the
United States a breach, as against Nicaragua, of the principle forbidding
recourse to the threat or use of force.
228. Nicaragua has also claimed that the United States has violated
Article 2, paragraph 4, of the Charter, and has used force against Nica-
ragua in breach of its obligation under customary international law in as
much as it has engaged in

"recruiting, training, arming, equipping, financing, supplying and
otherwise encouraging. supporting, aiding, and directingmilitary and
paramilitary actions in and againstNicaragua" (Application,para. 26
(a) and (c)).

So far as the claim concerns breach of the Charter, it isexcluded from the
Court'sjurisdiction by the multilateral treaty reservation. As to the claim
that United States activitiesin relation to the contras constitute abreach of
the customary international law principle of the non-use of force. the
Court finds that, subject to the question whether the action of the United
States might bejustified as an exercise of the right of self-defence, the
UnitedStateshas committed a prima facieviolation of that principle by itsdes règlesde droit pertinentes, la Cour devra déterminer s'il existe des
circonstances qui en excluraient I'illicéité ou si les actes en question peu-
vent êtrejustifiés pour toute autre raison.

227. La Cour va donc apprécier tout d'abord les faits sous l'angle du
principe du non-emploi de la force étudiéaux paragraphes 187 à 200
ci-dessus. L'illicite, selon ce principe, est le recours soàtla menace soit à
l'emploi de la force contre l'intégritéterritoriale ou l'indépendance poli-
tique d'un Etat. Les griefs du Nicaragua visent surtout l'usagede la force
auquel les Etats-Unis seseraienten fait livréscontre lui.Parmi lesactes que
la Cour a jugé imputables au Gouvernement des Etats-Unis, sont ici
pertinents :

- la pose de mines dans leseaux intérieures outerritoriales du Nicaragua
au début de l'année1984(paragraphe 80 ci-dessus) ;
- certaines attaques contre les ports, les installations pétrolières et une
base navale du Nicaragua (paragraphes 81 et 86 ci-dessus).

Ces activitésconstituent des manquements au principe de prohibition de
l'emploi de la force, défini plushaut, à moins qu'elles ne soient justifiées
par des circonstances qui en excluraient l'illicéité - point restant à exa-
miner. La Cour a égalementconstaté (paragraphe 92) que les Etats-Unis
avaient effectuédes manŒuvresmilitaires aux frontièresdu Nicaragua ;et
le Nicaragua a laisséentendre qu'il y avait là une (1menace d'emploi de la
force »qu'interdirait aussi le principe du non-usage de la force. La Cour
n'estcependant pas convaincue que. dans lescirconstancesoù ellesont eu

lieu,lesmanŒuvresincriminéesconstituaient de la part desEtats-Unis et à
l'encontre du Nicaragua une violation du principe interdisant le recours à
la menace ou à l'emploi de la force.
228. Le Nicaragua a d'autre part soutenu que les Etats-Unis ont
enfreint l'article 2, paragraphe 4, de la Charte et employé la force en
violation de leur obligation résultant du droit international coutumier
en

(1recrutant, formant, armant, équipant, finançant, approvisionnant
et en encourageant, appuyant, assistant et dirigeant de toute autre
manièredesactions militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (requête, par.26 a) et c)).

Dans la mesure où ces accusations visent des infractions à la Charte, elles
sont exclues de la compétencede la Cour par la réserve relativeaux traités
multilatéraux.Quant à l'affirmation suivant laquelle lesactivitésdesEtats-
Unis en relation avec les contrasconstitueraient une violation du principe
de non-emploi de la force en droit international coutumier, la Cour
constateque, sousréservede la question de savoir sileurs actes sejustifient
par l'exercicedu droit de légitime défense,les Etats-Unis, par leur assis-assistance to the contras in Nicaragua. by "organizing or encouraging the

organization of irregular forces or armed bands. .. for incursion into the
territory of another State". and "participating in acts of civil strife . . in
another State", in the terms of General Assembly resolution 2625 (XXV).
According to that resolution, participation of this kind is contrary to the
principle of the prohibition of the use of force when the acts of civil strife
referred to "involve a threator use of force". In the viewof the Court, while
the arming and training of the contras can certainly be said to involve the

threat or use of forceagainst Nicaragua, this is not necessarily so in respect
of al1the assistance given by the United StatesGovernment. In particular,
the Court considers that the mere supply of funds to the contras, while
undoubtedly an act of intervention in the interna1 affairs of Nicaragua, as
will be explained below, does not in itself amount to a use of force.

229. The Court must thus consider whether. as the Respondent claims,
theacts in question of the United Statesarejustified by the exercise of its
right of collective self-defence against an armed attack. The Court must
therefore establish whether the circumstances required for the exercise of
this right of self-defence are present and, if so, whether thesteps taken by
the United States actually correspond to the requirements of international
law. For the Court to conclude that the United States was lawfully exer-

cising its right of collective self-defence. it must first find that Nicaragua
engaged in an armed attack against El Salvador, Honduras or Costa
Rica.

230. Asregards El Salvador,the Court hasfound (paragraph 160above)
that it is satisfied that between July 1979and the early months of 1981,an
intermittent flow of arms was routed via the territory of Nicaragua to the

armed opposition in that country. The Court was not however satisfied
that assistance has reached the Salvadorianarmedopposition, on a scale of
any significance. since the early monthsof 1981.or that the Government of
Nicaragua was responsible for any flow of arms at either period. Even
assuming that the supply of armsto theopposition in El Salvador could be
treated as imputabletothe Government of Nicaragua. tojustify invocation
of the right of collective self-defence in customary international law, it

would have to be equated with an armed attack by Nicaragua on El
Salvador. As stated above, the Court is unable to consider that. in cus-
tomary international law, the provision of arms to the opposition in
another State constitutes an armed attack on that State. Even at a time
when the arms flowwas at its peak, and again assumingtheparticipation of
the Nicaraguan Government, that would not constitute such armed
attack.

231. Turning to Honduras and Costa Rica, the Court has also stated
(paragraph 164 above) that it should find established that certain trans- tance aux contras au Nicaragua, ont commisprimafacie une violation de ce
principe en ((organisant ou encourageant l'organisation de forces irrégu-

lièresou de bandes armées...en vue d'incursions sur leterritoire d'un autre
Etat et en participant à desactes de guerre civile ...sur le territoire d'un
autre Etat D, selon les termes de la résolution 2625 (XXV) de I'Assem-
bléegénérale.D'après cette résolution. une semblable participation est
contraire au principe interdisant l'emploi de la force quand les actes de
guerre civile enquestion <<impliquent une menaceou I'emploide la force )).

Selon la Cour. si le fait d'armer et d'entraîner les contras peut assurément
être considéré comme impliquant l'emploi de la force contre le Nicara-
gua. iln'en va pas forcément de mêmepour toutes les formes d'assis-
tance du Gouvernement des Etats-Unis. La Cour considère en particulier
que le simple envoi de fonds aux contras. s'il constitue acoup sûr un acte
d'intervention dans les affaires intérieures du Nicaragua. comme il sera

expliqué plus loin. ne représente pas en lui-mêmeun emploi de la force.
229. La Cour doit ainsi rechercher si, conformément aux affirmations
du défendeur. ces actes des Etats-Unis sont iustifiésDar I'exercicede leur
droit de Iégitimedéfensecollective contre une agression armée o. Pour
cela elle doit établir si les circonstances nécessaireal'exercice de ce droit
de Iégitimedéfensese trouvent réunies et.dans l'affirmative. si les mesures

prises par les Etats-Unis correspondent bien à ce qu'exige le droit inter-
national. Pour que la Cour parvienne a la conclusion que les Etats-Unis
exerçaient dans des conditions licites leur droit de Iégitimedéfense col-
lective, elle devrait, en premier lieu, constater que le Nicaragua s'étaitlivré
a une agression armée contre El Salvador. le Honduras ou le Costa
Rica.

230. En ce qui concerne El Salvador, la Cour a tenu pour établi (para-
graphe 160ci-dessus)qu'entre juillet 1979et les premiers mois de 1981un
flux intermittent d'armes destinées a l'opposition armée de ce pays tra-
versait le territoire du Nicaragua. sans pour autant avoir la certitude qu'il
étaitimputable au gouvernement de cet Etat. La Cour n'a cependant pas
été a mêmede conclure qu'une assistance appréciable soit parvenue à

l'opposition arméeau Salvador depuis les premiers mois de 1981.ni que le
Gouvernement du Nicaragua ait étéresponsable du flux d'armes pendant
l'une ou l'autre période. A supposer mêmeque la fourniture d'armes à
l'opposition au Salvador puisse être considéréecomme imputable au
Gouvernement du Nicaragua. elle ne pourrait justifier l'invocation du
droitcoutumier de Iégitimedéfensecollective que si on pouvait l'assimiler

a une agression arméedu Nicaragua contre El Salvador. Comme indiqué
ci-dessus, la Cour ne peut souscrire à l'idéequ'en droit ip.ternational
coutumier la fourniture d'armes a I'opposition dans un autre Etat équi-
vaudrait à une agression arméecontre celui-ci. Mêmeà l'époque oùle flux
d'armes était à son maximum. et à suDDoser. encore une fois. aue le
Gouvernement nicaraguayen en eût étéresponsable. cela ne constituerait

pas une agression armée.
231. Pour en venir au Honduras et au Costa Rica. la Cour a dit aussi
(paragraphe 164 ci-dessus) qu'il serait nécessaire d'établirque certaines120 MlLITARY AND PARAMILITARY ACTIVITlES (JUDGMENT)

border incursions into the territory of those two States, in 1982, 1983and
1984,were imputable to the Government of Nicaragua. Very little infor-

mation is however available to the Court as to the circumstances of these
incursions or their possible motivations, whichrenders it difficult to decide
whether they may be treated for legal purposes as amounting, singly or
collectively, toan "armed attack" by Nicaragua on either or both States.
The Court notes that during the Security Council debate in March/April
1984,the representative of Costa Rica made no accusation of an armed
attack, emphasizing merely his country's neutrality and support for the
Contadora process (S/PV.2529, pp. 13-23) ;the representative of Hon-
duras however stated that

"my country is the object of agression made manifest through a
number of incidents by Nicaragua against our territorialintegrity and
civilian population" (ibid p. 37).

There are however other considerations whichjustify the Court in finding
that neither these incursions, nor the alleged supply of arms to the oppo-

sition in El Salvador, maybe relied on asjustifyingthe exerciseof the right
of collective self-defence.
232. The exerciseof the right of collectiveself-defencepresupposes that
an armed attack has occurred ;and it is evident that it is the victim State,
being the most directly aware of that fact, which is likelyto draw general
attention to its plight. It is also evident that if the victim State wishes
another State to come to its help in the exercise of the right of collective
self-defence,it willnormally make anexpress request tothat effect.Thus in
the present instance, the Court is entitled to take account. injudging the
asserted justification of the exercise of collective self-defence by the
United States, of the actual conduct of El Salvador, Honduras and Costa
Rica at the relevant time, as indicative of a belief bythe State in question
that itwas the victimof an armed attack by Nicaragua, and of the making
of a request by the victim State to the United States for help in the exer-
cise of collective self-defence.
233. The Court has seen no evidence that the conduct of those States

was consistent with such a situation, either at the time when the United
States first embarked on the activities which were allegedlyjustified by
self-defence, or indeed for a long period subsequently. So far as El Sal-
vador is concerned, it appears to the Court that while El Salvador did in
fact officiallydeclare itself the victim of an armed attack, and did ask for
the United States to exercise its right of collective self-defence, this
occurred only on a date much later than thecommencement of the United
States activities which were allegedlyjustified by this request. The Court
notes that on 3 April 1984, the representative of ElSalvador before the
United Nations Security Council, whilecomplaining of the "open foreign
intervention practised by Nicaragua in our interna1 affairs" (9PV.2528,
p. 58),refrained from statingthat ElSalvadorhad been subjected toarmedincursions transfrontières à l'intérieur du territoire de ces deux Etats.
survenues en 1982, 1983et 1984,étaient imputables au Gouvernement du
Nicaragua. La Cour a cependant très peu d'informations sur les circons-
tances de ces incursionsou les motifs qui ont pu les inspirer, de sorte qu'il

est difficile de décidersi. a des finsjuridiques, elles peuvent êtreconsidé-
rées soit ensemble soit isolément comme une ((agression armée » du
Nicaragua contre I'undesdeux Etats ou contre lesdeux. La Cour note que,
durant le débat qui s'est dérouléau Conseil de sécuritéenmars-avril 1984,
le représentant du Costa Rica n'a pas porté d'accusation concernant une
attaque armée ; ils'estcontentéde souligner la neutralitéde sonpays et son

soutien pour les négociations de Contadora (SPV.2529, p. 13-23) ;le
représentant du Honduras a cependant déclaré:

Mon pays fait l'objet d'une agression qui se manifeste sous la
forme de divers incidents qui affectent notre intégrité territoriale et
notre population civile et dont le Nicaragua est responsable (ihid.,
p. 37).

D'autres élémentscependant autorisent la Cour à conclure que ni ces
incursions, ni lefait quedesarmesauraient étéfournies a l'opposition d'El
Salvador ne peuvent servir dejustification a l'exercice du droit de Iégitime
défensecollective.
232. L'exercice du droit de Iégitime défense collective suppose tout

d'abord qu'une agression armée aeu lieu ;ilest évidentque I'Etat agressé,
étant le plus directement conscient de la situation, attirera vraisemblable-
ment l'attention de tous sur celle-ci. Ilest non moins évident que, si 1'Etat
agressésouhaite qu'un autre Etat lui vienne en aide dans l'exercice du droit
de Iégitimedéfense, dans des conditions normales il le lui demandera

expressément. Ainsi, dans la présente espèce, pour apprécier si les Etats-
Unis étaient justifiés, comme ils l'affirment, à exercer la légitime défense
collective. la Cour est fondée à se demander si le comportement d'El
Salvador, du Honduras et du Costa Rica, au moment considéré,indique
effectivement que I'un ou l'autre de ces pays croyait êtrevictime d'une
agression armée de la part du Nicaragua et avait fait appel à l'aide des

Etats-Unis dans l'exercice de la Iégitimedéfensecollective.
233. La Cour n'a aucune preuve de ce que lecomportement de ces Etats
ait correspondu à cette situation,que ce soit au moment où les Etats-Unis
déclenchaient pour la première fois leurs activités, prétendument justifiées
par la Iégitimedéfense,ou mêmepar la suite pendant une longue période.
Dans le cas d'El Salvador, ilapparaît à la Cour que cet Etat s'est bien

déclaréofficiellement victime d'une agression armée et a bien demandé
que les Etats-Unis fassent jouer leur droit de Iégitimedéfensecollective ;
mais cela ne s'est produit qu'a unedate trèspostérieure au déclenchement
des activités américaines supposéesjustifiées par cettedemande. La Cour
note que le 3 avril 1984le représentant d'El Salvador devant le Conseil de

sécurhédesNations Unies, tout en se plaignant de ((l'intervention étran-
gère ouverte du Nicaragua dans nos affaires intérieures ))(SPV.2528,
p. 58). n'a pas dit qu'El Salvador avait fait l'objet d'une agression arméeet121 MILITARY AND PARAMILlTARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

attack, and made no mention of the right of collectiveself-defence which it
had supposedly asked the United States to exercise. Nor was this men-
tioned when El Salvador addressed a letter to the Court in April 1984,in
connection with Nicaragua's complaint against the United States. It was
only in its Declaration of Intervention filed on 15 August 1984, that El

Salvador referred to requests addressed at various dates to the United
States for the latter to exercise its right of collective self-defence
(para. XII), asserting on this occasion that it had been the victim of
aggression from Nicaragua "since at least 1980". In that Declaration, El
Salvador affirmed that initially it had "not wanted to present any accu-
sation or allegation [against Nicaragua] toany of thejurisdictions to which
we have a right to apply", since it sought "a solution of understanding and

mutual respect" (para. III).
234. As to Honduras and Costa Rica, they also were prompted by the
institution of proceedings in this case to address communications to the
Court ;in neither of these is there mention of armed attack or collective
self-defence. As has already been noted (paragraph 231 above), Honduras
in the Security Council in 1984 asserted that Nicaragua had engaged in

aggression against it, but did not mention that a request had consequently
been made to the United States for assistance by way of collective self-
defence. On the contrary. the representative of Honduras emphasized that
the matter before the Security Council "is a Central American problem,
without exception, and it must be solved regionally" (9PV.2529, p. 38),
Le.,through the Contadora process. The representative of Costa Rica also

made no reference to collective self-defence. Nor, it may be noted, did the
representative of the United States assert during that debate that it had
acted in response to requests for assistance in that context.

235. There is also an aspect of the conduct of the United States which
the Court is entitled to take into account as indicative of the view of that

State on the question of the existence of an armed attack. At no time. up to
the present. has the United States Government addressed to the Security
Council, in connection with the matters the subject of the present case. the
report which is required by Article 51 of the United Nations Charter in
respect of measures which a State believes itself bound to take when it
exercises the right of individual or collective self-defence. The Court,

whose decision hasto be made on the basis of customary international law.
has already observed that in the context of that law. the reporting obli-
gation enshrined in Article 5 1 of the Charter of the United Nations does
not exist. It does not therefore treat the absence of a report on the part of
the United States as the breach of an undertaking forming part of the
customary international law applicable to the present dispute. But the
Court isjustified in observing that this conduct of the United Stateshardly

conforms with the latter's avowed conviction that it was acting in the
context of collective self-defence as consecrated by Article 51 of the
Charter. This fact is al1 the more noteworthy because, in the Security ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 121

n'a fait aucune mention du droit de Iégitimedéfensecollective qu'il aurait
censémentdemandé aux Etats-Unis de mettre en Œuvre. Il en est de même
lorsque El Salvador adresse une lettre à la Cour en avril 1984, en liaison

avec la plainte du Nicaragua contre les Etats-Unis. Ce n'est que dans sa
déclaration d'intervention déposéele 15août 1984qu'El Salvador fait état
de demandes adressées à des dates diverses aux Etats-Unis pour qu'ils
exercentleur droit de Iégitimedéfensecollective (par. XII) et qu'il s'affirme
à cette occasion victime d'une agression de la part du Nicaragua ((depuis

1980au moins o.Dans cette déclaration El Salvador indique(par. III) qu'à
l'origine ils'était((abstenu de formuler quelque accusation ou allégation
que ce soit [contre le Nicaragua] devant les diversesjuridictions auxquelles
nous avons le droit de nous adresser ))car ilrecherchait une solution
empreinte de coopération et de respect mutuel o.

234. Quant au Honduras et au Costa Rica, l'introduction de la présente
instance les a aussi incités à adresser des communications a la Cour ;
aucune de ces communications ne vise l'agression armée ni la Iégitime
défense collective. Ainsi que la Cour l'a déjà rappelé (paragraphe 231
ci-dessus), le Honduras a affirmédevant le Conseil de sécuritéen1984que

le Nicaragua se livrait à une agression contre lui, mais il n'a pas indiqué
qu'une demande d'assistance au titre de la Iégitimedéfensecollective avait
été adressée en conséquence aux Etats-Unis.Au contraire. le représentant
du Honduras a souligné que la question soumise au Conseil de sécurité
correspond à <(un problème [qui] affecte toute l'Amérique centrale, et la

solution recherchéedoit porter sur l'ensemble de la région ))(SPV.2529,
p. 38). autrement dit doit êtrerégléepar le processus de Contadora. Le
représentant du Costa Rica n'a rien dit non plus de la Iégitimedéfense
collective. Et. ilconvient de lenoter, le représentant desEtats-Unis n'apas

davantage affirméau cours du débat que son pays avait agi en réponse à
des demandes d'assistance rentrant dans cette catégorie."
235. Il est un autre aspect du comportementdes Etats-Unis que la Cour
est fondéeà prendre en considération comme étant révélateurde la posi-
tion de cet Etat sur la question de l'existence d'une agression armée. Le

Gouvernement des Etats-Unis n'a à aucun moment adresséjusqu'ici au
Conseil de sécurité,a propos des questions sur lesquelles porte la présente
espèce, le rapport exigépar l'article 51 de la Charte des Nations Unies à
l'égarddes mesures qu'un Etat croit devoir prendre quand il exerce ledroit
de Iégitimedéfenseindividuelle ou collective. La Cour, qui entend statuer

sur la base du droit international coutumier. a déjà noté que n'existe pas,
dans le cadre de ce droit, l'obligation de rapport qu'exprime l'article 5 1
de la Charte. Elle ne traite donc pas l'absence de rapport de la part
des Etats-Unis comme la violation d'un engagement faisant partie du
droit international coutumier applicable au présent litige. Mais elle est en

droit de relever que ce comportement des Etats-Unis correspond fort
mal à la conviction affichée par eux d'agir dans le cadre de la Iégitime
défensecollective telle qu'elle est consacrée par I'article 51 de la Charte.
Ce fait est d'autant plus remarquable qu'au Conseil de sécuritéle repré-
sentant des Etats-Unis a lui-mêmeconsidéré enune certaine occasion122 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

Council, the United States has itself taken the view that failure to observe
the requirement to make a report contradicted a State's claim to be acting
on the basis of collective self-defence (SPV.2187).
236. Similarly, while no strict legal conclusion may be drawn from the
date of El Salvador's announcement that it was the victim of an armed
attack. and the date of its official request addressed to the United States
concerning the exercise of collective self-defence, those dates have a sig-
nificance asevidenceof ElSalvador'sviewof thesituation. The declaration

and the request of El Salvador. made publicly for the first time in August
1984,do notsupport thecontentionthat in 1981there wasan armed attack
capable of serving as a legal foundation for United States activities which
began in the second half of that year. The States concerned did not behave
as though there were an armed attack at the time when the activities
attributed by theUnited States to Nicaragua, without actually constituting
such an attack. were nevertheless the most accentuated ; they did so
behave only at a time when these facts fell furthest short of what would be
required for the Court to take the viewthat an armed attack existed on the
part of Nicaragua against El Salvador.
237. Since the Court has found that thecondition sine qua non required
forthe exerciseof the right ofcollectiveself-defenceby theUnited States is
not fulfilled in this case, the appraisal of the United States activities in
relation to thecriteria of necessity and proportionality takes on a different

significance. As a result of thisconclusion of theCourt, even if the United
States activities in question had been carried on in strictcompliance with
the canons of necessity and proportionality, they would not thereby
become lawful. Ifhowever they werenot, this mayconstitute an additional
ground of wrongfulness. On the question of necessity, the Court observes
that theUnited States measures taken in December 1981(or, at theearliest,
March of that year - paragraph 93 above) cannotbe said to correspond to
a "necessity" justifying the United States action against Nicaragua on the
basis of assistance given by Nicaragua to the armed opposition in El
Salvador. First, these measures were only taken, and began to produce
their effects. several months after the major offensive of the armed oppo-
sition against the Government of El Salvador had been completely
repulsed (January 1981).and the actions of the opposition considerably
reduced inconsequence. Thus it waspossible to eliminate the maindanger

to the Salvadorian Government without the United Statesembarking on
activities in and against Nicaragua. Accordingly, it cannot be held that
these activities were undertaken in the light of necessity. Whether or not
theassistance to the contrasmight meet thecriterion ofproportionality,the
Court cannot regard the United States activities summarized in para-
graphs 80, 81and 86, Le., those relating to the mining of the Nicaraguan
ports and the attacks on ports, oil installations, etc., as satisfying that
criterion. Whatever uncertainty may exist as to the exact scale of the aid
received by the Salvadorian armed opposition from Nicaragua, it is clear
that these latter United States activities in question could not have been
proportionate to that aid. Finally on this point, the Court must alsoque le non-respect de l'exigence de rapport contredisait la thèse d'un
Etat qui prétendait agir dans l'exercice de la légitime défense collec-

tive (S/PV.2187).
236. De même,si aucune conclusion juridique ne peut êtretirée à
strictement parler de la dateà laquelle El Salvador s'estproclamévictime
d'une agression armée et de celle où il a demandé officiellement aux
Etats-Unis d'exercer la légitimedéfensecollective, ces dates fournissent
une indication de la manièredont réagissaitEl Salvador. La déclarationet
la demande de cet Etat, rendues publiques pour la première fois en août
1984,n'étayentpas l'affirmation qu'en 1981ily avait une agression armée
pouvant servir de ba.sejuridique à des activitésdes Etats-Unis débutant
dans la secondemoitiéde cette année-là.Les Etats concernésnesesontpas
comportéscomme si une agression arméeétaiten cours au moment où les
activitésattribuéesau Nicaragua par les Etats-Unis, sansconstituer vrai-
ment une agression armée, avaientcependant le caractèrele plus marqué ;

ilsn'ont eucecomportement que lorsque cesfaits s'éloignaient leplusdece
qui serait nécessairepour que la Cour puisse constater l'existence d'une
agression arméedu Nicaragua contre El Salvador.
-237. La Cour ayant conclu que la condition sine quu non requise pour
l'exercice du droit di: légitimedéfensecollective par les Etats-Unis ne se
trouve pas remplie en l'espèce, l'évaluatiodesactivitésdesEtats-Unis par
rapport aux critères de nécessité etde proportionnalité change de signi-
fication. Du fait de cette conclusion de la Cour, mêmesi les activités des
Etats-Unis avaient respectéstrictement les exigences de nécessité etde
proportionnalité, ellesn'enseraient pas devenues licitespour autant. Sipar
contre tel n'étaitpas le cas, il pourrait y avoir la un motif supplémentaire
d'illicéité. Au sujetlela nécessité, laCour observe que les mesures prises
par les Etats-Unis en décembre 1981 (ou au plus tôt en mars de cette
année-là - paragraphe 93 ci-dessus) ne peuvent pas êtreconsidérées

comme correspondaint à une (1nécessitéO propre à justifier leur action
en réplique à I'assistance que le Nicaragua aurait apportée à l'opposition
arméeau Salvador. D'une part ces mesures n'ont étéadoptées et n'ont
commencé àproduire leurs effets que plusieurs mois aprèsque la grande
offensive de l'opposiitionarméeau Salvador contre le gouvernement de ce
pays eut été totalement repoussée(janvier 1981) et que son action se fut
trouvée très considérablement affaiblieen conséquence. Le périlmajeur
pour le Gouvernement salvadorien a ainsi pu êtreécarté sans que les
Etats-Unis aient déclenché leurs activités au Nicaraguaet contre lui. Il
n'estdonc pas possible de considérercelles-cicomme ayant été entreprises
sous l'empirede la nécessitéQ. ue I'assistanceauxcontras satisfasse ou non
au critérede proportionnalité, la Cour ne saurait considérerles activités
des Etats-Unis résumées auxparagraphes 80, 81 et 86, c'est-à-dire celles

qui ont trait au minage des ports nicaraguayens et aux attaques des ports,
installations pétrolières, etc., comme répondant à ce critère. En effet,
quelles que soient les incertitudes existantes au sujet de l'importance
exacte de I'assistanceque l'opposition arméeau Salvador a pu recevoir du
Nicaragua. il est clair que ces dernières activitésdes Etats-Unis sont sansobserve that the reaction of the United States in the context of what it
regarded as self-defence was continued long after the period in which any
presumed armed attack by Nicaragua could reasonably be contem-
plated.

238. Accordingly, the Court concludes that the plea of collective self-
defence against an alleged armed attack on El Salvador. Honduras or
Costa Rica, advanced by the United States tojustify its conduct toward
Nicaragua. cannot be upheld ;and accordingly that the United States has
violated the principle prohibiting recourse to the threat or use of force by
the acts listed in paragraph 227 above. and by its assistance to the contras
to the extent that this assistance "involve[s] a threat or use of force"
(paragraph 228 above).

239. The Court comesnow to theapplication in thiscaseof theprinciple
of non-intervention in the internal affairs of States. It is argued by Nica-

ragua that the "military and paramilitary activities aimed at the govern-
ment and people of Nicaragua" have two purposes :

"(CI)The actual overthrow of the existing lawful government of
Nicaragua and its replacement by a government acceptable
to the United States ;and
(h) The substantial damaging of the economy, and the weakening of
the political system, in order to coerce the government of Nica-

ragua into the acceptance of United States policies and political
demands."
Nicaragua also contends that the various acts of an economic nature.
summarized in paragraphs 123 to 125 above, constitute a form of "in-
direct" intervention in Nicaragua's internal affairs.
240. Nicaragua has laid much emphasis on theintentions it attributesto
the Government of the United States in giving aid and support to the
contras.It contends that the purpose of the policy of the United States and

its actions against Nicaragua in pursuance of this policy was. from the
beginning, to overthrow the Government of Nicaragua. In order to
demonstrate this, it has drawn attention to numerous statements by high
officiais of the United States Government, in particular by President
Reagan, expressing solidarity and support for the contras, described on
occasion as "freedom fighters", and indicating that support for the contras
would continue until the Nicaraguan Government took certain action,
desired by the United States Government. amounting in effect to a sur-
renderto the demands of the latter Government.The official Report of theproportion aveccettirassistance. Pour en terminer sur ce point, laCour au
surplus se doit de noter que la réaction des Etats-Unis, dans le cadre de ce
que ce pays considèrecomme l'exerciced'une Iégitimedéfensecollective,
s'estpoursuivielongtemps aprèsla périodedurant laquelle toute agression
arméesupposéede la part du Nicaragua pourrait raisonnablement être
envisagée.
238. La Cour conclut en conséquence que l'argument de la légitime
défensecollective destinée à riposter à une agression armée contre El
Salvador, le Honduras et le Costa-Rica avancépar les Etats-Unis pour

justifier leurconduilteenvers le Nicaragua ne peut être retenu ;il s'ensuit
que les Etats-Unisont violéleprincipe interdisant de recourir à la menace
ou à l'emploi de la force en raison des actes énumérés auparagraphe 227
ci-dessus et de l'assistance qu'ilsont donnéeaux contras, dans la mesure où
celle-ci <implique une menace ou l'emploi de la force (paragraphe 228
ci-dessus).

239. La Cour examinera maintenant l'application en l'espècedu prin-
cipe de non-intervention dans les affaires intérieures des Etats. Le Nica-
ragua maintient que les activités militaires et paramilitaires dirigées
contre le Gouvernement et le peuple du Nicaragua ont deux objec-
tifs:

((a) renverser legouvernement légalactuel du Nicaragua et le rem-
placer par un gouvernement acceptable pour les Etats-Unis ;

6)affaiblir substantiellement l'activitééconomique et le régime
politique afin de contraindre le Gouvernement du Nicaragua à

accepter les principes d'action et les exigences politiques des
Etats-Unis o.
Le Nicaragua soutient aussi que les divers actes de caractère économique
rksumésaux paragraphes 123 à 125 ci-dessus représentent une forme

d'intervention ((indirecte dans ses affaires intérieures.
240. Le Nicaragua abeaucoup insistésur lesintentionsqui,d'après lui,
inspireraient leGouvernement des Etats-Unis dans son aide et son soutien
aux contras. IIaffirimeque le but de la politique et des actions des Etats-
Unis contre le Nicaragua a étédès l'originede renverser le gouvernement
de ce pays. Pour le démontrer, il invoque les nombreuses déclarationspar
lesquelles de hauts responsables du Gouvernement des Etats-Unis, en
particulier le présidentReagan. expriment leur solidaritéet leur appui aux
contrus, qualifiésparfoisde <(combattantsde la liberté O,et indiquent que

cet appui pourrait se poursuivre jusqu'à ce que le Gouvernement nicara-
guayen adopte certaines mesures souhaitées par le Gouvernement des
Etats-Unis et qui reviendraient à céder à ses exigences. Le rapport officiel
adressépar le président des Etats-Unis au Congrès le 10 avril 1985 -President of the United States to Congress of 10 April 1985,quoted in
paragraph 96 above. states that :"We have not sought to overthrow the
Nicaraguan Government nor to force on Nicaragua a specific system of
government." But it indicates also quite openly that "United States policy
toward Nicaragua" - which includes the support for the military and

paramilitary activities of thecontrus which itwasthe purpose of the Report
to continue - "has consistently sought to achieve changes in Nicaraguan
government policy and behavior".
241. The Court however does not consider it necessary to seek to
establish whether the intention of the United States to secure a change of
governmental policies in Nicaragua went so far as to be equated with an
endeavour to overthrow the Nicaraguan Government. It appears to the
Court to be clearly established first, that the United States intended, by its
support of the contrus, tocoerce theGovernment of Nicaragua inrespect of
matters in which each State is permitted, by the principle of State sover-
eignty, to decide freely (see paragraph 205 above) ;and secondly that the
intention of the contras themselves was to overthrow the present Govern-
ment of Nicaragua. The 1983Report of the Intelligence Committee refers

to the contras' "openly acknowledged goal of overthrowing the Sandinis-
tas". Even if itbe accepted, for the sake of argument,that the objective of
the United States in assisting the contras was solely to interdict the supply
of arms to the armedopposition in El Salvador, it strains belief to suppose
that a body formed in armed opposition to the Government of Nicaragua,
and calling itself the "Nicaraguan Democratic Force", intended only to
check Nicaraguan interference in ElSalvador and did not intend to achieve
violent change of government in Nicaragua. The Court considers that in
international law, ifone State, with a viewto the coercion of another State,
supports and assists armed bands in that State whose purpose is to over-
throwthegovernment of that State,that amounts to an intervention by the
one State in the interna1 affairs of the other, whether or not the political
objective of the State giving such support and assistance is equally far-

reaching. It is for this reason that the Court has only examined the
intentions of the United States Government so far as they bear on the
question of self-defence.
242. The Court therefore finds that the support given by the United
States, up to the end of September 1984,to the military and paramilitary
activities of thcontras in Nicaragua, by financial support, training,supply
of weapons, intelligence and Iogisticsupport, constitutes a clear breach of
the principle of non-intervention. TheCourt has however taken note that,
with effect fromthe beginning of theUnitedStates governmentalfinancial
year 1985,namely 1October 1984,the United States Congresshas restric-
ted the use of the funds appropriated for assistance to the contrus to
"humanitarian assistance" (paragraph 97 above). There can be no doubt
that the provision of strictly humanitarian aid to persons or forces in

another country, whatever their political affiliations or objectives, cannot
be regarded as unlawful intervention, or as in any other way contrary to
international law.The characteristics of such aid wereindicated in the firstrapport qui est cité auparagraphe 96 ci-dessus - préciseque : ((Nous
n'avons pas cherché à renverser le Gouvernement nicaraguayen ni à
imposer au Nicaragua un système particulier de gouvernement. )>Mais il
indique aussi trèscllairement que la politique des Etats-Unis envers le
Nicaragua O - comprenant le soutien aux activitésmilitaires et paramili-
taires des contras,que le rapport voudrait voir poursuivre - <(a constam-
ment étéde provoquer des changements de la politique et du comporte-
ment du Gouvernernent nicaraguayen )>.

241. La Cour n'estime cependant pas nécessairede chercher àétablirsi
l'intention des Etats-Unis - obtenir un changement des politiques gou-
vernementales au Nicaragua - était telle qu'on puisse l'assimiler à un
effort tendant à renverser le Gouvernement du Nicaragua. Il paraît clai-
rement établiselon IlaCour, tout d'abord que le Gouvernement des Etats-
Unis, par son soutien aux contras,entendait exercer une pression sur le
Nicaragua dans desdomaines où chaqueEtatjouit d'une entièrelibertéde
décision en vertu du principe de souveraineté (voir le paragraphe 205
ci-dessus) ; et ensuite que le dessein des contras eux-mêmesétaitde ren-

verser le gouvernement actuel du Nicaragua. Le rapport de 1983 de la
commission du renseignement fait état du but avoué des contras de
renverser lessandinistes o.Mêmesi l'onadmet, aux fins du raisonnement.
que le seul but de l'assistance des Etats-Unis aux contras étaitd'empêcher
l'approvisionnement en armes de l'opposition arméeau Salvador, on a
peine à croire que l'objectif d'une entitéforméeen opposition armée au
Gouvernement du Nicaragua et s'intitulant Force démociatique nica-
raguayenne )>était uniquement de contrecarrer les ingérences nicara-

guayennes au Salva~dor,plutôt quede parvenir par la violence à un chan-
gement de gouvernl-ment au Nicaragua. La Cour considère qu'en droit
international si un Etat, en vue de faire pression sur un autre Etat, appuie
et assiste, dans le territoire de celui-ci, des bandes arméesdont l'action
tend à renverser son gouvernement, cela équivaut à intervenir dans ses
affaires intérieures, et cela que l'objectif politique de 1'Etat qui fournit
appui et assistance aille ou non aussi loin. La Cour n'a donc pris en consi-
dération les intentions du Gouvernement des Etats-Unis que dans la

mesure où elles intkressent la question de la légitimedéfense.
242. La Cour conclut en conséquenceque l'appui fourni par les Etats-
Unis,jusqu'à fin septembre 1984,aux activitésmilitaires et paramilitaires
des contras au Nicaragua, sous forme de soutienfinancier. d'entraînement,
de fournitures d'arrnes, de renseignements et de soutien logistique, cons-
titue une violation indubitable du principe de non-intervention. La Cour a
cependant noté qu'à compter du début de l'exercice financier 1985 aux
Etats-Unis, soit le ler octobre 1984, le Congrès des Etats-Unis a limité

l'affectation des crkdits ouverts pour l'assistance aux contras à 1'0assis-
tance humanitaire )(paragraphe 97ci-dessus). IIn'est pas douteux que la
fourniture d'une aide strictement humanitaire à des personnes ou à des
forces se trouvant dans un autre pays, quels que soient leurs affiliations
politiques ou leurs objectifs, ne saurait êtreconsidéréecomme une inter-
vention illiciteouà i.outautre point de vuecontraire au droit international. 125 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

and second of the fundamental principles declared by the Twentieth
International Conference of the Red Cross, that

"The Red Cross. born of a desire to bring assistance without dis-
crimination to the wounded on the battlefield, endeavours - in its
international and national capacity - to prevent and alleviate human

suffering wherever it may be found. Its purpose is to protect life and
health and to ensure respect for the human being. It promotes mutual
understanding, friendship, co-operation and lasting peace amongst
al1peoples"

and that

"It makes no discrimination as to nationality. race. religious beliefs,
class or political opinions. It endeavours only to relieve suffering,
giving priority to the most urgent cases of distress."

243. The United States legislation which limited aid to the contras to
humanitarian assistance however also defined what was meant by such

assistance, namely :
"the provision of food, clothing, medicine, and other humanitarian

assistance, and it does not include the provision of weapons,weapons
systems. ammunition, or otherequipment, vehicles, or material which
can be used to inflict serious bodily harm or death" (paragraph 97
above).

It is also to be noted that. while the United States Congress has directed
that the CIA and Department of Defense are not to administer any of the
funds voted, it was understood that intelligence information might be

"shared" with the contrus. Since the Court has no information as to the
interpretation in fact given to the Congress decision, or as to whether
intelligence information is in fact still being supplied to the contras, it will
limit itself to a declaration as to how the law applies in this respect. An
essential feature of truly humanitarian aid is that it is given "without

discrimination" of any kind. In the view of the Court, if the provision of
"humanitarian assistance" is to escape condemnationas an intervention in
the internal affairs of Nicaragua, not only must it be limited to the pur-
poses hallowed in the practice of the Red Cross, namely "to prevent and
alleviate human suffering". and "to protect life and health and to ensure
respect for the human being" ;it must also, and above all. be given without

discrimination to al1in need in Nicaragua, not merely to the contras and
their dependents.

244. As already noted, Nicaragua has also asserted that the United
States is responsible for an "indirect" form of intervention in its internal ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 125

Les caractéristiques d'une telle aide sont indiquéesdans le premier et le
second des principes fondamentaux proclaméspar lavingtièmeconférence
internationale de la Croix-Rouge. aux termes desquels :

<(Néedu souicide porter secours sans discrimination aux blessés
des champs de I.)ataille,la Croix-Rouge. sous sonaspect international
et national, s'efforce de prévenir etd'allégeren toutes circonstances
lessouffrances des hommes. Elletend à protégerla vieet la santéainsi

qu'à faire respecter la personne humaine. Elle favorise la compréhen-
sion mutuelle, l'amitié.la coopération et une paix durable entre tous
les peuples O,

et
Ellene fait aucune distinction de nationalité,de race, de religion.

de condition slociale ou d'appartenance politique. Elle s'applique
seulement à secourir les individus ala mesure de leur souffrance et à
subvenir par priorité aux détressesles plus urgentes. ))

243. La législationdes Etats-Unis par laquelle l'aide aux contrus a été
limitée à l'assistance humanitaire a en outre définicomment s'entendait
cette assistance. à savoir qu'elle consiste en

<(lafourniture de denréesalimentaires.de vêtements,de médicaments
et toute autre aide humanitaire, et exclut la fourniture d'armes, de
systèmesd'armes, de munitions ou autres équipements,véhiculesou
matérielssusceptiblesd'êtreutiliséspour infliger des blessures graves
ou causer la mort de personnes (paragraphe 97 ci-dessus).

11convient de noter aussi que le Congrès des Etats-Unis a décidéque la
CIA et le département de la défensene devaient géreraucun des crédits
alloués.mais que des renseignements pouvaient être <partagés ))avec les

contras. La Cour n'ayant aucune indication sur l'interprétation donnéeen
faità ladécisiondu Congres, ni sur lepoint de savoir sidesrenseignements
continuent à être transmis aux contras, elle se bornera à dire quelle est
l'application du droit à cet égard. Un élémene tssentiel de I'aidehumani-
taire est qu'elle doit êtreassurée <<sans discrimination ))aucune. Selon la
Cour,pour ne pas avoir lecaractèred'une intervention condamnable dans

lesaffairesintérieuresd'un autre Etat, non seulement I'<(ssistancehuma-
nitaire ))doit se limiter aux fins consacrées par la pratique de la Croix-
Rouge, à savoir <(prévenir et allégerles souffrances des hommes )) et
<(protégerla vieet la santé[et]faire respecter la personne humaine )>:elle
doit aussi, et surtout, être prodiguéesans discrimination à toute personne
dans le besoin au Nicaragua, et pas seulement aux contrus et à leurs
proches.

244. Comme la Cour l'a déjà indiqué,le Nicaragua a en outre affirmé
que les Etats-Unis sont responsables d'une forme d'intervention <(indi-affairs inasmuch as ithas taken. to Nicaragua's disadvantage. certain
action of an economic nature. The Court's attention has been drawn in
particular to the cessation of economic aid in April 1981 ;the 90 per cent
reduction in the sugar quota for United States imports from Nicaragua in
April 1981: and the trade embargo adopted on 1 May 1985. While
admitting in principle that some of these actions were not unlawful in
themselves,counsel for Nicaragua argued that these measures ofeconomic
constraint add up to a systematic violation of the principle of non-inter-
vention.
245. The Court does not here have to concern itself with possible
breaches of such international economic instruments as the General
Agreement on Tariffs and Trade. referred to in passing by counsel for
Nicaragua : any such breaches would appear to fall outside the Court's
jurisdiction. particularly in view of the effect of the multilateral treaty
reservation, nor hasNicaragua seised the Court of any complaint of such
breaches. The question of the compatibility of the actions complained of
with the 1956 Treaty of Friendship. Commerce and Navigation will be
examined below. in the context of the Court's examination of the provi-

sions of that Treaty. At this point. the Court has merely to say that it is
unable to regard such action on the economic planeas is here complained
of as a breach of the customary-law principle of non-intervention.

246. Having concluded that the activities of the United States in rela-
tion to the activities of the contrasin Nicaragua constitute prima facie acts
of intervention, the Court must next consider whether they may neverthe-
lessbejustified on somelegalground. Asthe Courthasstated, theprinciple
of non-intervention derives from customary international law. Itwould
certainly lose its effectiveness as a principle of law if intervention were to
bejustified by a mere request for assistance made by an opposition group
in another State - supposing such arequest to have actually been made by
an opposition to the régime inNicaragua in this instance. Indeed. it is
difficult to see what would remain of the principle of non-intervention in
international law if intervention. which is already allowable at the request
of the government of a State, were also to be allowed at the request of the
opposition. This would permit anyStateto intervene atany moment in the
interna1affairs of another State, whether at the request of the government

or at the request of itsopposition. Such a situation does not in the Court's
view correspond to the present state of international law.

247. The Court has already indicated (paragraph 238) its conclusion
that the conduct of the United States towards Nicaragua cannot bejus-
tified by the right of collectiveself-defence in response to an alleged armed
attack on one or other of Nicaragua's neighbours. So far as regards the
allegations of supply of arms by Nicaragua to the armed opposition in El
Salvador. the Court has indicated that while the concept of an armed ACTIVITE MSILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 126

recte dans ses affaires intérieures, consistantrendre à son détriment
certaines mesures de.caractère économique. L'attention de la Cour a été

appelée en particulier sur l'interruption de l'aide économique en avril
1981 ;sur la réduction de 90 pour cent en avril 1981 du quota de sucre
importé aux Etats-Unis en provenance du Nicaragua ;et sur l'embargo
commercial décrété le ler mai 1985.Tout en admettant qu'en elles-mêmes
certaines de cesmesures nesont pas illicites,un des conseils duNicaragua a
soutenu que tous ce!;faits pris ensemble représentent une atteinte systé-
matique au principe de la non-intervention.
245. La Cour n'a pas àconnaître d'éventuelles violationsd'instruments
économiques interna~tionauxcomme l'Accord général sur lestarifs doua-
niers et le commerci:, qui ont étéévoquées enpassant par le conseil du
Nicaragua ; toute violation de cette nature paraît échapperà la compé-
tence de la Cour, à cause en particulier de la réserve relative auxtraités

multilatéraux,et le Nicaragua n'a saisilaCour d'aucun grief a ce sujet. La
question de lacompatibilitédesmesuresincriminées avecletraitéd'amitié,
de commerce et de navigation de 1956sera examinéeplus loin, lorsque la
Cour prendra en considération les dispositions de ce traité. Pour le
moment. il suffira d'indiquer que la Cour ne peut considérer les mesures
économiquesmises en causecomme des violations du principe coutumier
de la non-intervention.

246. Ayant conclu que lesactivitésdes Etats-Unis en relation aveccelles
auxquelles selivraient lesontras au Nicaragua constituent primafacie des
actesd'intervention, la Courdoit examiner s'ilexiste des motifsjuridiques

qui puissent les légitimer. Comme la Cour l'a indiqué, le principe de
non-intervention relèvedu droit international coutumier. Or il perdrait
assurément toute signification réelle comme principe de droit si I'inter-
vention pouvait êtreJustifiéepar une simple demande d'assistance formu-
léepar un groupe d'opposants dans un autre Etat, en l'occurrence des op-
posants au régime di1Nicaragua, àsupposer qu'en l'espècecette demande
ait étréellement formulée.On voit mal en effet cequi resterait du principe
de non-intervention en droit international si l'intervention, qui peut déjà
êtrejustifiéepar lademande d'un gouvernement, devait aussi êtreadmise à
la demande de l'opposition à celui-ci. Tout Etat serait ainsi en mesure
d'intervenirà tout coup dans les affaires intérieuresd'un autre Etat,àla
requête,tantôt de sclngouvernement, tantôt de son opposition. Une telle
situation ne correspond pas, de l'avis de la Cour,à l'état actueldu droit

international.
247. La Cour a déjà indiqué(paragraphe 238) quelle était sa conclu-
sion, à savoir que 1e:scomportements des Etats-Unis à l'égarddu Nica-
ragua ne trouvent pas de justification dans le droit de légitime défense
collective en réponseà une agression arméequi se serait produite contre
l'un des voisins du Nicaragua. Pour ce qui est des allégationsconcernant
les armes que leNic,aragua aurait fourniesà l'opposition arméeau Salva- 127 MILlTARY AND PARAMILITARY ACTIVITlES (JUDGMENT)

attack includes the despatch by one State of armed bandsinto the territory
of another State. the supply of arms and other support to such bands

cannot be equated with armed attack. Nevertheless, such activities may
well constitute a breach of the principle of the non-use of force and an
intervention in the internal affairs of a State, that is, a form of conduct
which is certainly wrongful. but is of lesser gravity than an armed attack.

The Court must therefore enquire now whether the activities of the United
States towards Nicaragua might be justified as a response to an interven-
tion by that State in the internal affairs of another State in Central
America.

248. The United States admits that it is giving its support to the contras
in Nicaragua, but justifies this by claiming that that State is adopting
similar conduct by itself assistingthe armedopposition in El Salvador. and
to a lesser extent in Honduras and Costa Rica. and has committed trans-

border attacks on those two States. The United States raises thisjustifi-
cation as one of self-defence ; having rejected it on those terms, the Court
has nevertheless to consider whether it may be valid as action by way of
counter-measures in response to intervention. The Court has however to

find that the applicable law does not warrant such a justification.

249. On the legal level the Court cannot regard response to an inter-
vention by Nicaragua as such ajustification. While an armedattack would
give rise to an entitlement to collective self-defence, a use of force of a

lesser degree of gravity cannot. as the Court has already observed (para-
graph 21 1 above). produce any entitlement to take collective counter-
measures involving the use of force. The acts of which Nicaragua is
accused, even assuming them to have been established and imputable to

that State, could only have justified proportionate counter-measures on
the part of the State which had been the victim of these acts, namely El
Salvador, Honduras or Costa Rica. They could not justify counter-mea-
sures taken by a third State, the United States, and particularly could not
justify intervention involving the use of force.

250. In the Application, Nicaragua further claims :
"That the United States, in breach of its obligation under general

and customary international law, has violated and is violating the
sovereignty of Nicaragua by :
- armed attacks against Nicaragua by air, land and sea ;

- incursions into Nicaraguan territorial waters ;
- aerial trespass into Nicaraguan airspace ;
- efforts by direct and indirect means to coerce and intimidate the
Government of Nicaragua." (Para. 26 (h).)dor, la Cour a dit que, si la notion d'agression arméeenglobe l'envoi de
bandes armées par un Etat sur le territoire d'un autre Etat, la fourniture
d'armes et le soutieinapporté à ces bandes ne sauraient êtreassimilés à
l'agression armée.Néanmoinsde telles activités peuvent fort bien consti-
tuer un manquement au principe du non-emploi de la force ainsi qu'une
intervention dans les affaires intérieures d'un Etat, c'est-à-dire un com-
portement certes illicite, maisd'une gravitémoindreque I'agressionarmée.

La Cour doit donc se demander à présentsi les activités desEtats-Unis à
l'encontre du Nicaragua peuvent trouver unejustification dans le fait que
celui-ciserait interve:nudans lesaffairesintérieuresd'un autre Etat d'Amé-
rique centrale.
248. Les Etats-Unis reconnaissent qu'ils apportent leur soutien aux
contras opérant au Nicaragua, mais ils invoquent commejustification la
conduite similaire que celui-ci observerait, selon eux, en aidant lui-même
l'opposition armée au Salvador et, dans une moindre mesure, celles exis-
tant au Honduras el.au Costa Rica, et en se livrant a des attaques trans-
frontières contre ces deux Etats. Les Etats-Unis présentent cette justifi-

cation dans l'optique de la légitimedéfense ;l'ayant rejetée à ce titre, la
Cour doit se demander si elle peut êtrevalable sous forme de contre-
mesures en riposte à1une intervention. La Cour doit cependant constater
qu'une telle justification ne cadre pas avec le droit applicable.
249. Sur le plan du droit, la Cour ne saurait considérerla riposte à une
intervention du Nilraragua comme une telle justification. L'agression
arméeouvrirait un droit à la légitimedéfensecollective, mais un recours à
la force d'une moindre graviténe saurait, comme la Cour l'adéjà indiqué
(paragraphe 21 1ci-dessus), autoriser des contre-mesures collectives impli-

quant l'emploi de la.force. Les faits reprochés au Nicaragua, à supposer
même qu'ilsaient étéétabliset qu'ils luisoient imputables, n'auraient pu
justifier des contre-mesures proportionnées que de la part de 1'Etatqui en
aurait étévictime, c'est-à-dire El Salvador, le Honduras ou le Costa Rica.
Ils ne sauraient justifier des contre-mesures prises par un Etat tiers, les
Etats-Unis. et en particulier une intervention impliquant l'usage de la
force.

250. Dans la requête,le Nicaragua affirme en outre

«Que les Etats-Unis,en violation de leurs obligations en vertu du
droit international général etcoutumier. ont violé et violent la sou-
verainetédu Nicaragua du fait :
- d'attaques arméescontre le Nicaragua par air, par terre et par
mer ;
- d'incursions dans les eaux intérieures du Nicaragua ;

- de la violation de l'espace aériendu Nicaragua ;
- d'efforts directs et indirects de coercition et d'intimidation du
Gouverneme:nt du Nicaragua. »(Par. 26 b).) 128 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

The Nicaraguan Memorial, however, enumerates under the heading of
violations of sovereignty only attacks on Nicaraguan territory, incursions
into its territorial sea, and overflights. The claim as to United States
"efforts by direct and indirect means to coerce and intimidate the Gov-
ernment of Nicaragua" was presented in the Memorial under the heading
of the threat or use of force, which has already been dealt with above
(paragraph 227).Accordingly, that ~ispectof Nicaragua's claim willnot be
pursued further.
251. The effects of the principle of respect for territorial sovereignty
inevitably overlap with those of the principles of theprohibition of the use

of force and of non-intervention. Thus theassistance to the contras, aswell
asthe direct attacks on Nicaraguan ports. oil installations,etc., referred to
in paragraphs 81to 86 above, not only amount to an unlawful useof force,
but also constitute infringements of the territorial sovereignty of Nicara-
gua, and incursions into its territorial and internal waters. Similarly, the
mining operations in the Nicaraguan portsnot only constitute breaches of
the principle of the non-use of force, but also affect Nicaragua's sover-
eignty over certain maritime expanses. The Court has in fact found that
these operations were carried on in Nicaragua's territorial or internal
waters or both(paragraph 80).and accordingly they constitute a violation
of Nicaragua's sovereignty. The principle of respect for territorial sover-
eignty is also directly infringed by the unauthorized overflight of a State's
territory by aircraft belonging to ornder the control of thegovernment of
another State. The Court has found above that suchoverflights werein fact
made (paragraph 91 above).

252. These violations cannot be justified either by collective self-

defence, for which, as the Court has recognized, the necessary circum-
stances are lacking, nor by any right of the United States to take counter-
measures involving the use of force in the event of intervention by Nica-
ragua in El Salvador, since no such right exists under the applicable
international law. They cannot bejustified by the activities in El Salvador
attributed to the Government of Nicaragua. The latter activities, assuming
that they did in fact occur, do not bring into effect any right belonging to
the United States which wouldjustify the actions in question. Accordingly,
such actions constitute violations of Nicaragua's sovereignty under cus-
tomary international law.

253. At thispoint it willbe convenient to refer to another aspect of the
legal implications of the mining of Nicaragua's ports. As the Court has
indicated in paragraph 214 above, where the vessels of one State enjoy a
right of accesstoportsof another State, ifthat right of accessishindered by Le mémoiredu Nicaragua n'énumèrecependant au titre des violations de
souverainetéque les attaquescontre le territoire du Nicaragua, les incur-
sions dans sa mer territoriale et lessurvols. L'accusationd'efforts directs
et indirects de coercition et d'intimidation du Gouvernement du Nicara-
gua >)de la part des Etats-Unis. a étéprésentéedans le mémoiresous le
chapitre de la menace ou de l'emploi de la force, déjà traité plus haut
(paragraphe 227). F.nconséquence. cet aspectdes griefs du Nicaragua ne
sera pas examinéplus avant.
251. Les effets diuprincipe de respect de la souverainetéterritoriale et
ceux des principes {del'interdiction de l'emploi de la force et de la non-
intervention se recouvrent inévitablement jusqu'a un certain point. C'est
ainsi que les mesures d'assistance aux contras, de mêmeque les attaques
directes contre les ports. les installations pétrolières. etc.,du Nicaragua
viséesaux paragraphes 81 à 86 ci-dessus n'équivalentpas seulement à un
emploi illicite de la force : elles enfreignent aussi la souveraineté territo-

riale du Nicaragua et constituent des incursions dans seseaux territoriales
et intérieures. De la mêmemanière les opérations de minage des ports
nicaraguayens, outre qu'ellesenfreignent le principe du non-emploi de la
force, mettent en cause la souverainetédu Nicaragua sur certaines éten-
dues maritimes. En effet la Cour a constaté que ces opérations ont été
menéesdans les eaux territoriales ou dans les eaux intérieuresdu Nica-
ragua. ou dans les deux à la fois (paragraphe 80),et constituent donc une
violation de sa souveraineté. Leprincipe du respect de la souveraineté
territoriale est en outre directement enfreint par le survol non autorisédu
territoire d'un Etat par des appareils appartenant au gouvernement d'un
autre Etat ou placéssous lecontrôle de celui-ci. Or la Cour a constatéplus
haut que de tels siirvols ont bien étéeffectués(paragraphe 91 ci-des-
sus).
252. Ces violations ne peuvent êtrejustifiéesni par la légitime défense
collective. puisque, comme la Cour l'a reconnu, les circonstances néces-

saires à sa mise enjeu ne sont pas réunies, nipar un droit qu'auraient les
Etats-Unis de prendre des contre-mesuresimpliquant l'usagede la forceen
riposte a une éventuelle intervention du Nicaragua au Salvador, un tel
droit étantinconnu du droit international applicable. Desfaitssemblables
ne sauraient êtrejustifiés par des activitésse déroulant au Salvador qui
seraient attribuées au Gouvernement du Nicaragua. Ces activités,pour
autant qu'elles aienit bien eu lieu, ne créent au bénéfice des Etats-Unis
aucun droit qui justifierait les mesures en question. Ces mesures consti-
tuent donc bien de!;violations de la souverainetédu Nicaragua selon le
droit international coutumier.

253. Il y aura avantage à évoquer ici un autre aspect des incidences
juridiques du minagedes ports du Nicaragua. Ainsi que la Cour l'aindiqué
au paragraphe 214 ci-dessus, lorsque les navires d'un Etat ont un droit

d'accès aux ports d'un autre Etat. si ce droit d'accès estgênépar lethe laying of mines, this constitutes an infringement of the freedom of
communications and of maritime commerce. This is clearly the case here.
It isnot for the Court topass upon the rights of States whichare not parties
to the casebeforeit ;but it isclear that interference with a right of accessto
the ports of Nicaragua is likely to have an adverse effect on Nicaragua's
economy and its trading relations with any State whose vessels enjoy the
right of access to its ports. Accordingly, the Court finds, in the context of
thepresent proceedings between Nicaragua and the United States, that the
laying ofmines inor near Nicaraguan ports constituted an infringement, to

Nicaragua's detriment, of thefreedom ofcommunications and of maritime
commerce.

254. The Court now turns to the question of the application of humani-
tarian law to the activities of the United Statescomplained of in this case.
Mention has already been made (paragraph 215 above) of theviolations of
customary international law by reason of the failure to give notice of the
mining of the Nicaraguan ports, for which the Court has found the United
Statesdirectly responsible. Except as regardsthe mines, Nicaragua has not
however attributed any breach of humanitarian lawtoeither United States
personnel or the "UCLAs", as distinct from the contrus. The Applicant has
claimed that acts perpetrated by the contrus constitute breaches of the
"fundamental norms protecting human rights" ; it has not raised the
question of the law applicable in the event of conflict such asthat between
the contrus and the established Government. In effect, Nicaragua isaccus-
ing the contrus of violations both of the law of human rights and humani-
tarian law, and is attributing responsibility for these acts to the United

States. The Court has however found (paragraphs 115, 216) that this
submission of Nicaragua cannot be upheld ; but it has also found the
United States responsible for the publication and dissemination of the
manual on "Psychological Operations in Guerrilla Warfare" referred to in
paragraphs 118 to 122 above.
255. The Court has also found (paragraphs 219 and 220 above) that
general principles of humanitarian law include a particular prohibition,
accepted by States, and extendingto activities which occur in the context
of armed conflicts, whether international in character or not. Byvirtue of
such general principles, the United States is bound to refrain from en-
couragement of persons or groups engaged in the conflict in Nicaragua to
commit violations of Article 3 which is common to al1four Geneva Con-
ventions of 12August 1949.The question here does not of course relate to
the definition of the circumstances in which one State may be regarded as
responsible for acts carried out by another State, which probably do not
include the possibility of incitement. The Court takes note of the advice
given in the manual on psychological operations to "neutralize" certain
"carefully selected and planned targets", includingjudges, police officers,
State Security officials, etc., after the local population have been gathered ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 129

inouillage de mines, il en résulteune atteinte à la libertédes communica-
tions et du commerce maritime. Tel est de toute évidencelecas en l'espèce.
La Cour n'a pas à se prononcer sur les droits des Etats qui ne sont pas

parties à l'instance ;ilest cependant clair que les entraves au droit de libre
accès aux ports du Nicaragua sont de nature à affecter l'économiede ce
pays et ses relations de commerce avec tout Etat dont les navires ont un
droit d'accks àses ports. La Cour conclut en conséquence,dans lecontexte

de la présente instance entre le Nicaragua et les Etats-Unis, que la pose de
mines dans lesports du Nicaraguaou àproximitéde ces ports constitue. au
détriment du Nicaragua, une atteinte àla libertédescommunications et du
commerce maritime:.

254. La Couren vient maintenant àla question de l'application du droit
humanitaire aux activités des Etats-Unis mises en cause en la présente

espèce. Mention a dléjàétéfaite (paragraphe 215 ci-dessus) des violations
du droit international coutumier consistant à ne pas émettre de mise en
garde à l'occasion du minage desports nicaraguayens, dont la Cour ajugé
les Etats-Unis directement responsables. Sauf pour cequi est des mines, le
Nicaragua n'a cependant attribué au personnel des Etats-Unis ou aux

UCLAs, par opposition aux contras, aucune violation du droit humani-
taire. Le demandeur a affirmé que les actes perpétréspar les contras
constituent des violations des normes fondamentales qui protègent les
droits de I'homme ));iln'apas soulevéla question du droit applicable dans

un conflit de la nature de celui qui oppose les contras au gouvernement
établi. En fait le Nicaragua accuse les contras d'avoir violé aussi bien les
droits de l'homme que le droit humanitaire, et attribue la responsabilité de
ces faits aux Etats-Unis. La Cour a cependant jugé (paragraphes 115 et
2 16)que cette conclusion du Nicaragua ne pouvait êtreretenue ; mais elle a

aussi jugéque les Etats-Unis sont responsables de la publication et de la
diffusion du manuel sur les Opérations psychologiques dans la lutte de
guérilla ))mentionné aux paragraphes 118 à 122 ci-dessus.
255. La Cour a dit aussi (paragraphes 219 et 220 ci-dessus) que les

principes générauxdu droit humanitaire incluent une interdiction parti-
culièreacceptéepar les Etats pour lesactivitéssedéroulant dans lecadre de
conflits armés. aI'ils soient ou non de caractèreinternational. En vertu de
ces principes généraux,les Etats-Unis ont l'obligation de ne pas encoura-
ger des personnes ou des groupes prenant part au conflit au Nicaragua à

violer l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève du 12 août
1949.Bien entendu il ne s'agit pas ici descirconstances dans lesquelles un
Etat peut êtretenu pour responsable des actes d'un autre Etat. et qui ne
recouvrent probablement pas la possibilité d'une incitation. La Cour re-
lèveà cet égard que:le manuel sur les opérations psychologiques conseille

de <(neutraliser certaines cibles soigneusement triéeset préparées )>,y
comprisdes juges. des fonctionnaires de la police ou de la sûretéde l'Etat,
etc.. aprèsavoir rassemblé lapopulation locale pour qu'elle prenne part àin order to "take part in the act and formulate accusations against the
oppressor". In the viewof the Court, this must be regarded ascontrary to
the prohibition in Article 3 of the Geneva Conventions, with respect to
non-combatants, of

"the passing of sentences and the carrying out of executionswithout
previous judgment pronounced by a regularly constituted court,
affording al1thejudicial guarantees which are recognized as indis-
pensable by civilized peoples"

and probably also of the prohibition of "violence to life and person, in
particular murder to al1kinds, . . .".
256. It is also appropriate to recall the circumstances in which the
manual ofpsychological operations wasissued.Whenconsidering whether
the publication of such a manual, encouraging the commission of acts
contrary to general principles of humanitarian law, is unlawful, it is
material to consider whether that encouragement wasoffered to persons in
circumstances where thecommission of such acts waslikelyor foreseeable.
The Court has however found (paragraph 121) that at the relevant time
those responsible for the issue of the manual were aware of, at the least,
allegations that the behaviour of the contrasin the field was not consistent
with humanitarian law ;it was in fact even claimed by the CIA that the
purpose of the manual was to "moderate" such behaviour. The publication
and dissemination of a manual in fact containing the advice quoted above
must therefore be regarded as an encouragement, which was likely to be
effective, to commit acts contrary to general principles of international
humanitarian law reflected in treaties.

257. TheCourt has noted above (paragraphs 169and 170)the attitude
of the United States, as expressed in the finding of theCongress of 29July
1985, linking United States support to the contras with alleged breaches by
the Government of Nicaragua of its "solemn commitments to the Nica-
raguan people, the United States, and the Organization of American
States". Those breaches were stated to involve questions such as the
composition of the government, its political ideology and alignment,
totalitarianism, human rights, militarization and aggression. So far as the
question of "aggression in the form of armed subversionagainst its neigh-
bours" is concerned, the Court has already dealt with the claimed justi-
fication of collective self-defence in response toarmed attack, and willnot
return to that matter. It has also disposed of the suggestion of a right to
collective counter-measures in face of an armed intervention. What isnow
in question iswhether there isanything in the conduct of Nicaragua which
might legally warrant counter-measures by the United States.

258. The questions asto which the Nicaraguan Government is said to ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 130

l'événementet formule des accusations contre l'oppresseur ))Selon la
Cour, de tels actes ne peuvent êtreque contraires à l'article 3 des conven-
tions de Genève qui interdit, dans le cas des non-combattants :

les condamnations prononcéeset les exécutions effectuéessans un
jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrementconstitué,
assorti des garantiesjudiciaires reconnues comme indispensables par
les peuples civilisés

et probablement aussi à l'interdiction des(<atteintes portées à la vie età
l'intégrité corporellen. otamment le meurtre sous toutes ses formes ..O
256. Il convient aussi de rappeler dans quelles conditions le manuel sur
lesopérationspsyc'hologiquesa étémis en circulation. Pour déterminersi
la publication d'un manuel encourageant àcommettredes actes contraires
aux principes générauxdu droit humanitaire est illicite en tant que telle, il
importe de se dem.ander si cet encouragement a étédonné dans des cir-
constances telles qui'ilétaitprobable ou prévisibleque de tels actesseraient
effectivement commis. La Cour a néanmoins constaté (paragraphe 121)
qu'à l'ipoque pertinente ceux quiont pris la responsabilitéde distribuer le

manuel devaient à tout le moins avoir connaissance d'allégations selon
lesquelleslecomportementdes contras encampagne n'étaitpas conciliable
avec le droit humanitaire ; la CIA a mêmeaffirméque le manuel devait
servirà (<modérer :ce comportement. La publication et la diffusion d'un
manuel donnant en fait les conseils susmentionnés doivent donc être
considéréescomme un encouragement, qui avait des chances d'être suivi
d'effet,à commettre des actes contraires aux principes générauxdu droit
humanitaire international repris par les traités.

257. La Cour a kvoquéplus haut(paragraphes 169et 170)l'attitude des
Etats-Unis, expriméepar la conclusion du Congrèsdu 29juillet 1985,qui
établitun lien entre le soutien des Etats-Unis aux contras et le fait que le
Gouvernement du 'Nicaraguaauraitmanquéases engagementssolennels
envers le peuple nicaraguayen, les Etats-Uniset l'organisation des Etats
américains».Cesmanquements auraient mis enjeu desquestions comme
la composition du gouvernement, son idéologie etson alignement poli-
tiques. son caractère totalitaire, les droits de l'homme, lamilitarisation et

l'agression.Pour ce:quiest de 1'<a(gression sousforme de subversion armée
contre ses voisins )),la Cour a déjà traité de la justification tiréede la
légitimedéfensecollective en riposte à une agression armée et ne se pro-
pose pas d'yrevenir. Ellea égalementréglé la question du droit supposéde
répliquer à l'intervention arméepardes contre-mesures collectives. Ils'agit
de rechercher maintenant s'ilexiste. dans les comportements du Nicara-
gua, un élémentqui autoriserait en droit des contre-mesures des Etats-
Unis.
258. Lesdomaines dans lesquels leGouvernement du Nicaraguaaurait 131 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

have entered into a commitment are questions of domestic policy. The
Court would not therefore normally consider it appropriate to engage in a
verification of thetruth of assertions of thiskind, even assuming that it was
in a position to do so. A State's domestic policy falls within its exclusive
jurisdiction, provided of course that it does not violate any obligation of

international law. Every State possesses a fundamental right to choose and
implement its own political, economic and social systems. Consequently,
there would normally be no need to make any enquiries,in a matter outside
the Court's jurisdiction, to ascertain in what sense and along what lines
Nicaragua has actually exercised its right.

259. However, the assertion of a commitment raises the question of the
possibility of a Statebinding itself by agreement inrelation to a question of
domestic policy, such as that relating to the holding of free elections on its
territory. TheCourt cannot discover,within the range of subjects open to
international agreement, any obstacle or provision to hinder a State from
making a commitment of this kind. A State, which is free to decide upon

the principle and methods of popular consultation within its domestic
order, is sovereign for the purpose of accepting a limitation of its sover-
eignty in this field. This is a conceivable situation for a State which is
bound by institutional links to a confederation of States, or indeed to an
international organization. Both Nicaragua and the United States are
members of the Organization of American States. The Charter of that
Organization however goes no further in the direction of an agreed limi-

tation on sovereignty of this kind than the provision in Article 3 (d)
that

"The solidarity of theAmerican States and the high aims which are
sought through it require the political organization of those States on
the basis of the effective exercise of representative democracy" ;

on the other hand, it provides forthe right of every State "to organize itself
as it sees fit" (Art. 12),and to "develop its cultural, political and economic
life freely and naturally" (Art. 16).
260. The Court has set out above the facts as to the events of 1979,
including the resolution of the XVIIth Meeting of Consultation of Mini-
sters for Foreign Affairs of the Organization of American States, and the

communications of 12 July 1979 from the Junta of the Government of
National Reconstruction of Nicaragua to the Secretary-General of the
Organization, accompanied by a "Plan to secure peace". The letter con-
tained inter uliu a list of the objectives of the Nicaraguan Junta and stated
in particular its intention of installing the new régime by a peaceful,
orderly transition and of respecting human rights under the supervision of

the Inter-American Commission on Human Rights, which the Junta
invited to visit Nicaragua "as soon as we are installed". In this way, before
its installation in Managua, the new régime soothed apprehensions as
desired and expressed its intention of governing the country democrati-
cally. ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 131

souscrit un engagement relèvent de la politique intérieure de ce gouver-

nement. Normalement, la Cour ne croirait pas devoir vérifier des asser-
tions s'yrapportant, à supposer qu'elle en ait le pouvoir. Les orientations
politiques internes d'un Etat relèvent de la compétence exclusive de celui-
cipour autant, bien entendu, qu'elles ne violent aucune obligation de droit
international. Chaque Etat possède le droit fondamental de choisir et de
mettre en Œuvre comme il l'entend son système politique, économique et
social. Dès lors, ilne serait pas nécessairenormalement de se livrer à une

recherche, qui n'est pas de la compétence de la Cour,pour savoir dans quel
sens et suivant quelle orientation le Nicaragua a effectivement exercéson
droit.
259. Cependant l'affirmation qu'un engagement a été pris soulève la
question de savoir s'ilest possible pour un Etat de se lier par voie d'accord
sur une question de politique intérieure, telle que celle relative à la tenue

d'élections libressur son territoire. La Cour n'aperçoit, dans tout l'éventail
des matières sur le:squelles peut porter un accord international. aucun
obstacle ni aucune disposition empêchant un Etat de prendre un engage-
ment de cette nature. L'Etat, qui est libre de décider du principe et des
modalités d'une consultation populaire dans son ordre interne, est souve-
rain pour accepter en ce domaine une limitation de sa souveraineté. Une

telle limitation est concevable dans le cas d'un Etat lié par des liens
institutionnels àune confédérationd'Etats. voire a une orean-sation inter-
nationale. Le Nicaragua et les Etats-Unis sont tous deux membres de
l'organisation des Etats américains ; or la charte de cette organisation,
en fait de limitation concertée de souveraineté, dispose seulement a I'ar-
ticle3 d) que :

La solidarité des Etats américains et les buts élevés qu'ilspour-
suivent exigent de ces Etats une organisation politique basée sur le

fonctionnement effectif de la démocratie représentative ;
d'un autre côtéellt: prévoit le droit pour chaque Etat de s'organiser le
mieux qu'il l'entend (art. 12) et de(<développer librement et spontané-

ment sa vie culturt:lle, politique et économique ))(art. 16).
260. La Cour a récapitulé plus haut les faits relatifs aux événementsde
1979, y compris la résolution de la dix-septième réunion de consultation
des ministres des relations extérieures de l'organisation des Etats améri-
cains, et la commiunication. en date du 12juillet 1979, de la junte du
gouvernement de reconstruction nationale du Nicaragua au secrétaire
généralde l'organisation, accompagnée d'un plan de paix ))où étaient

précisés,entre autres, les objectifs de la junte nicaraguayenne et plus
spécialement la volonté de celle-ci d'installer le nouveau régime par une
transition pacifique et sans désordre et de respecter les droits de l'homme
sous le contrôle de la commission interaméricaine des droits de l'homme.
que la junte invitait à se rendre au Nicaragua dès que nous serions
installéso. Avant donc d'être en place à Managua, le nouveau régime

donnait ainsi les apaisements recherchés et exprimait son intention de
gouverner démocratiquement le pays.132 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

261. However, the Court isunable to find anything in these documents,
whether the resolution or thecommunication accompanied by the "Plan to
securepeace", from which it can beinferred thatany legalundertaking was
intended to exist. Moreover, the Junta made it plain in one of these
documents that its invitation to the Organization of American States to
supervise Nicaragua's political life should not be allowed to obscure the
fact that itwas the Nicaraguans themselves who were to decide upon and
conduct the country's domestic policy. The resolution of 23June 1979also

declares that thesolution of their problems isamatter "exclusively" for the
Nicaraguan people, while stating that that solution was to be based (in
Spanish. deberiainspirarse)on certain foundations which wereput forward
merely as recommendations to the future government. This part of the
resolution is a mere statement which does not comprise any formal offer
which if accepted would constitute a promise in law, and hence a legal
obligation. Nor can the Court take the view that Nicaragua actually
undertook a commitment to organize free elections, and that this com-
mitment was of a legal nature. The Nicaraguan Junta of National Recon-
struction planned the holding of free elections as part of its political
programme of government. following the recommendation of the XVIIth
Meeting of Consultation of Foreign Ministers of the Organization of
American States. This was an essentially political pledge, madenot only to
the Organization, but also to the people of Nicaragua. intended to be its
first beneficiaries. But the Court cannot find an instrument with legal

force. whether unilateral or synallagmatic, whereby Nicaragua has com-
mitted itself inrespect of the principle or methods of holding elections. The
Organization of American States Charter has already been mentioned,
with its respect for the political independence of themember States ; in the
field ofdomestic policy, it goes no further than to list the social standards
to the application of which the Members "agree to dedicate every effort",
including :

"The incorporation and increasing participation of the marginal
sectors of the population, in both rural and urban areas, in the eco-
nomic, social.civic,cultural, and political lifeof the nation, in order to
achieve the full integration of the national community, acceleration of
theprocess of socialmobility, and theconsolidation of thedemocratic
system." (Art. 43 (f).)
It isevident that provisions of thiskind are far from being acommitmentas

to the use of particular political mechanisms.

262. Moreover, even supposingthat such a political pledge had had the
force of a legal commitment, it could not havejustified the United States
insisting on the fulfilment of a commitmentmade not directly towards the
United States, but towards the Organization. the latter being alone
empowered to monitor its implementation. Tlie Court can see no legal
basis for the "special responsibility regarding the implementation of the 261. La Cour ne itrouvecependant rien dans ces documents, résolution
et communication transmettant le plan de paix O,qui permette de con-
clure à l'intention di: faire naître un engagement juridique. Lajunte avait
d'ailleurs bien rappelédans l'unde cesdocuments que l'invitation adressée
par elle à I'organi~a~tiondes Etats américainspour qu'elle contrôle la vie
politique du Nicaragua nedevait pas faireperdre de vueque ladéfinitionet
la conduite de la politique intérieure du pays dépendait bien évidemment
de la volonté desNicaraguayens eux-mêmes. Larésolutiondu 23juin 1979

déclare elle aussi qu'il appartient <exclusivement )>au peuple nicara-
guayen de résoudreses problèmes, mêmesi elle indique que leur solution
(devrait reposer ('deberfainspirarse) sur certaines bases, qu'elle ne fait
que recommander au futur gouvernement. Cette partie de la résolution
n'est qu'une simple déclaration ne comportant pas d'offre formelle pou-
vant constituer, par son acceptation, une promesse en droit et donc une
obligation juridique. La Cour ne peut pas davantage souscrire à l'idéeque
le Nicaragua avait concrètement pris l'engagement d'organiser des élec-
tions libres et quecet engagement revêtaitun caractèrejuridique. Lajunte
nicaraguayenne de reconstruction nationale avait prévu dans son pro-

gramme politique de gouvernement la tenue d'élections libres, comme
l'avait recommandéla dix-septième réunionde consultation des ministres
des relations extérieures de l'organisation des Etats américains. Il s'était
agi d'une promesse essentiellement politique, faite non seulement à I'or-
ganisation mais ausisiau peuple du Nicaragua qui devait en êtrelepremier
bénéficiaire. Mais la Cour ne découvreaucuninstrument ayant une valeur
juridique, unilatéral ou synallagmatique, par lequel le Nicaragua se serait
engagéquant au principe et aux modalitésde la tenue d'élections. Men-
tion a déjà été faitede la charte de l'organisation des Etats américainset

du respect dont elle témoignepour l'indépendance politique des Etats
membres ;dans le domaine de la politique intérieure, elle se borne à
énumérerles normes sociales à l'application desquelles les Etats membres
conviennent de consacrer tous leurs efforts O, y compris :

L'incorporation et la participation progressive des secteurs mar-
ginaux de la population. tant rurale qu'urbaine, à la vie économique,
sociale,civique:.culturelle et politique de la nation, afin d'aboutirla
pleine intégrationde la communauténationale, d'accélérer le proces-
sus de mobilité sociale et de consolider le régimedémocratique.
(Art. 43 f).)

II est évident quedes dispositions de cette nature sont fort loin de cons-
tituer l'engagement.d'avoir recours à des mécanismes politiques parti-
culiers.
262. Qui plus est, à supposer mêmequecette promesse politiqueait eu
valeur d'engagement juridique, elle n'aurait nullement pu permettre aux
Etats-Unis de réclaimerla miseen Œuvred'un tel engagement,pris non pas
envers eux directemientmais àl'égardde l'organisation, seulehabilitée à en
vérifier l'exécution. LaCour ne découvre aucune base juridique à la
<responsabilité particulièreen cequi concerne le respect desengagements133 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

commitments made" by the Nicaraguan Government which the United
Statesconsiders itself to have assumed in viewof "its role in theinstallation

of the current Government of Nicaragua" (see paragraph 170 above).
Moreover, even supposing that theUnited States were entitled to act in lieu
of the Organization, it could hardly make use for the purpose of methods
which the Organization could not use itself ;in particular, it could not be
authorized to use force in that event. Of its nature, a commitment like this
isone of acategory which, ifviolated, cannotjustify the use of force against
a sovereign State.

263. The finding of the United States Congress also expressed the view
that the Nicaraguan Government had taken "significant steps towards
establishing a totalitarianCommunist dictatorship". However the régime
in Nicaragua be defined, adherence by a State to any particular doctrine
does not constitute a violation of customary international law ; to hold
otherwise would make nonsense of the fundamental principle of State

sovereignty. on which the whole of international law rests, and the freedom
of choice of the political, social, economic and cultural system of a State.
Consequently, Nicaragua's domestic policy options, even assuming that
they correspond to the description given of them by the Congress finding,
cannot justify on the legal plane the various actions of the Respondent
complained of. The Court cannot contemplate the creation of a new rule

opening up a right of intervention by one State against another on the
ground that the latter has opted for some particular ideology or political
system.
264. The Court has also emphasized the importance to be attached, in
other respects, to a text such asthe Helsinki Final Act,or, on another level,
to General Assembly resolution 2625 (XXV) which, as its name indicates,

is a declaration on "Principles of International Law concerning Friendly
Relations and Co-operationamong States in accordance with the Charter
of the United Nations". Texts like these, in relation to which theCourt has
pointed to the customary content of certain provisions such as the prin-
ciples of the non-use of force and non-intervention. envisage the relations
among States having different political, economic and social systems on

the basis of coexistence among their various ideologies ;the United States
not only voiced no objection to their adoption, but took an active part in
bringing it about.

265. Similar considerations apply to the criticisms expressed by the
United States of theexternal policies and alliances of Nicaragua. Whatever
the impact of individual alliances on regional or international political-

military balances, the Court is only competent to consider such questions
from the standpoint of international law. From that aspect, it is sufficient
to say that State sovereignty evidently extends to the area of its foreign
policy, and that there is no rule of customary international law to prevent a
State from choosing and conducting a foreign policy in co-ordination with
that of another State. ACTIVI.~ÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES(ARRÊT) 133

pris ))par le Gouvernement du Nicaragua que les Etats-Unis estiment
avoir assumée en raison du ((rôle qu'ils ont joué dans l'installation du
gouvernement actuel du Nicaragua u(voir paragraphe 170ci-dessus). Par
ailleurs.àsupposer mêmeque les Etats-Uniseussentétéfondés à agir aux
lieu etplace de l'organisation, ilsnepouvaient de toutefaçon utilisàcette
fin des moyens auxcluelsl'organisation nepouvait elle-mêmerecouriret en
particulier êtreautorisésà user de la force en cette circonstance. Un tel
engagement est. par sa nature. de ceuxdont la violation ne saurait justifier
l'emploi de la force contre un Etat souverain.
263. Le Congrès des Etats-Unis a aussi, dans sa conclusion. exprimé
l'opinion que le G~x~vernementdu Nicaragua avait pris des «mesures
révélant l'intentiond'établir une dictaturecommuniste totalitaireo.Quel-
que définitionqu'ondonnedu régimedu Nicaragua, l'adhésiond'un Etat à

une doctrine particulière ne constitue pas une violation du droit interna-
tional coutun~ier; conclure autrement reviendrait à priver de son sens le
principe fondament.al de la souveraineté desEtatssur lequel repose tout le
droit international, et la libertéqu'un Etat a de choisir son systèmepoli-
tique, social, économiqueet culturel. En conséquence,leschoix politiques
internes du Nicaragua, à supposer mêmequ'ils répondent àla description
qui en est donnéedans laconclusion du Congrès,ne peuvent pas légitimer.
sur le planjuridique, lesdiverses conduites reprochéesau défendeur àson
égard. LaCourne saurait concevoirla créationd'une règlenouvelle faisant
droità une intervention d'un Etat contreun autrepour lemotif que celui-ci
aurait optépour une idéologieou un systèmepolitique particulier.
264. La Cour a par ailleurs soulignél'importance que revêt à d'autres
égardsuntexte comme l'actefinal d'Helsinki ou, à un tout autre niveau, la
résolution 2625 (XXV) de l'Assembléegénéralequi, comme son nom

l'indique. est uned'éclarationrelative aux principes du droit internatio-
nal touchant aux relations amicales et à la coopération entre les Etats
conformément à la Charte des Nations Unies o. Des textes de cette
nature, dont la Cour a dit que certaines de leursdispositions, telles que les
principes de non-emploi de la force et de non-intervention, avaient un
caractère coutumier, envisagent les relations entre les Etats à systèmes
politiques, économiques et sociaux différents sur la base de la coexis-
tence entre les diverses idéologiesqui les animent, et les Etats-Unis non
seulement n'ont pas objecté à leur adoption mais ils ont pris une part
active à leur élaboration.
265. Les mêmesconsidérations s'appliquent aux critiques exprimées
par les Etats-Unis à propos de la politique extérieure et des alliances du
Nicaragua. Quel que puisse êtrel'effet des alliances sur les équilibres

politico-militaires régionaux ou mondiaux, la Cour n'a compétencepour
appréhender ces questions que sous l'angle du droit international. De ce
point de vue, il suffit de constater que la souverainetéd'un Etat s'étend
l'évidenceau domaine de sa politique extérieureet qu'il n'existe pas de
règlede droit interinational coutumier empêchantun Etat de choisir et de
conduire une politique extérieure coordonnée avec celle d'un autre
Etat. 266. TheCourt also notes that thesejustifications, advanced solelyin a
political context which itis naturally not for the Court to appraise, were
not advanced as legal arguments. The respondent State has always con-
fined itself to the classic argument of self-defence, and has not attempted
to introduce a legalargument derived from a supposed rule of "ideological
intervention". which would have been a striking innovation. The Court
would recall that one of the accusations of the United States against
Nicaragua is violation of "the 1965 General Assembly Declaration on
Intervention" (paragraph 169 above), by its support for the armed oppo-

sition to the Government in El Salvador. It is not aware of the United
States having officially abandoned reliance on this principle, substituting
for ita newprinciple "of ideological intervention". thedefinition of which
would be discretionary. As stated above (paragraph 29), the Court is not
solely dependent for its decision on the argument of the Parties before it
with respect to the applicable law :it is required to consider on its own
initiative al1rules of international law which may be relevant to the set-
tlement of the dispute even if these rules have not been invoked by a Party.
The Court is however not entitled to ascribe to States legal views which
they do not thernselves formulate.

267. The Court alsonotesthat Nicaragua isaccused by the 1985finding
of the United States Congress of violating human rights. This particular
point requires to be studied independently of the question of the existence
of a "legal commitment" by Nicaragua towards the Organization of
American States to respect these rights; the absence of such acommitment
would not mean that Nicaragua could with impunity violate human rights.
However, where human rights are protected by international conventions,
that protection takes the form of such arrangements for monitoring or
ensuring respect for human rights as are provided for in the conventions

themselves. The political pledge by Nicaragua was made in the context of
the Organization of American States, the organs of which were conse-
quently entitled to monitor its observance. The Court has noted above
(paragraph 168)that theNicaraguan Governmenthas since 1979ratifieda
number of international instruments on human rights, and one of these
was the American Convention on Human Fùghts (the Pact of San José,
Costa Rica). The mechanisms provided for therein have functioned. The
Inter-American Commission on Human Rights in fact took action and
compiled two reports (OEA/Ser.L/V/ 11.53and 62)followingvisits bythe
Commission to Nicaragua at the Government's invitation. Consequently,
theOrganization wasin aposition, ifit so wished, to take a decision on the
basis of these reports.

268. In any event, while the United States might form itsown appraisal
of the situation as to respect for human rights inNicaragua, the useofforce
could not be the appropriate method to monitor or ensure such respect.
With regard to the steps actually taken, the protection of human rights, a
strictly humanitarian objective, cannot be compatible with the mining of 266. La Cour note d'ailleurs que cesjustifications, qui ont étéavancées
uniquement sur le terrain politique. lequel échappe naturellement à son
appréciation, n'ont pas étéinvoquées en tant qu'arguments juridiques.

L'Etat défendeur s'est toujours borné à utiliser le moyen classique de la
légitimedéfenseet n'a nullement fait valoir un moyen de droit tiréd'une
prétendue règled'o intervention idéologique O, qui aurait étéd'une nou-
veautéfrappante. L.aCour rappelle que l'une des accusations des Etats-
Unis contre le Nicaragua concerne la violation de la déclaration sur l'in-
tervention adoptée par l'Assemblée générale en1965 (paragraphe 169
ci-dessus) du fait de son soutienà l'opposition arméeau Salvador. A la
connaissance de la Cour les Etats-Unis n'ont pas officiellement renoncéà
invoquer ce principfeen lui substituant un principe nouveau d'o interven-
tion idéologique dont la définitionserait discrétionnaire.Comme elle l'a
rappelé plushaut (paragraphe 29), la Cour ne doit pas fonder sa décision
exclusivement sur lesexposésdes parties relativement audroit applicable :
elleest tenue deprendre en considération de sa propre initiative toutes les
règlesde droit international qui seraient pertinentes poule règlementdu
différend,mêmesi ces règlesn'ont pas étéinvoquéespar une partie. Rien
n'autorise cependant la Cour à prêter à des Etats des vues juridiques

qu'eux-mêmes neformulent pas.
267. La Cour relevepar ailleurs que leNicaragua est accuséde violer les
droitsde l'homme, selon la conclusion tiréepar le Congrèsdes Etats-Unis
en 1985.Ce point particulier doit être approfondi, indépendamment de
l'existence d'un engagement juridique pris par le Nicaragua envers
l'organisation des Etats américainsde respecter ces droits. L'inexistence
d'un tel engagemenit ne signifierait pas que le Nicaragua puisse violer
impunémentles droiitsde I'homme.Toutefois, quand lesdroitsde I'homme
sont protégéspar des conventions internationales, cette protection se
traduit par des dispositions prévuesdans le texte des conventions elles-
mêmes etqui sont destinées à vérifierouà assurer le respect de ces droits.
La promesse politiclue avait étéfaite par le Nicaragua dans le cadre de
l'organisation des Etats américains, de sorte que les organes de cette
organisation se trouvent compétents pour en vérifier lerespect. La Cour a
relevé(paragraphe 168)que, depuis 1979,le Gouvernement du Nicaragua

a ratifié plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de
l'homme, dont la convention américaine portant sur ce sujet (pacte de
San José,Costa Rica). Ces mécanismesont fonctionné.Ainsi, la commis-
sion interaméricaine des droits de I'homme a pris des mesures et éla-
boré deux rapports (OEA/Ser.L/V/II.53 et 62) après s'êtrerendue au
Nicaragua à l'invitation de son gouvernement. L'Organisation des Etats
américains était donc à même,si elle le souhaitait, de statuer sur la
base de ces constatations.
268. De toute manière, si les Etats-Unis peuvent certes porter leur
propre appréciation sur la situation des droits de I'homme au Nicaragua,
l'emploi de la force ne saurait êtrela méthodeappropriée pour vérifier et
assurer lerespect decesdroits. Quant aux mesures qui ont étéprises en fait,
la protection des dr,oitsde I'homme, vuson caractère strictement huma-ports, thedestruction of oil installations, or again with the training. arming
and equipping of the contras. The Court concludes that the argument
derived from thepreservation of human rights in Nicaragua cannot afford

a legaljustification for the conduct of the United States, and cannot in any
event be reconciled with the legal strategy of the respondent State, which is
based on the right of collective self-defence.
269. The Court now turns to another factor which bears hoth upon
domestic policy and foreign policy. This is the militarization of Nicaragua,
which the United Statesdeems excessive and such asto prove its aggressive
intent. and in which it findsanother argument tojustify its activities with

regard to Nicaragua. It is irrelevant and inappropriate, in the Court's
opinion. to pass upon this allegation of the United States. since in inter-
national law there areno rules. other than such rules as may be accepted by
the State concerned, by treaty or otherwise. whereby the level of arma-
ments of a sovereign State can be limited, and this principle is valid for al1
States without exception.

270. Having thus concluded its examination of the claims of Nicaragua
based on customary international law. the Court must now consider its
claims based on the Treaty of Friendship, Commerce and Navigation

between the Parties. signed at Managua on 21 January 1956 ; Article
XXIV. paragraph 2. of that Treaty provides for the jurisdiction of the
Court for any dispute between the Parties as to its interpretation or
application. The first claim which Nicaragua makes in relation to the
Treaty is however one not based directly on a specific provision thereof.
Nicaragua has argued that the United States, by its conduct in relation to
Nicaragua, has deprived the Treaty of its object and purpose, and emptied

it of real content. For this purpose, Nicaragua has relied on the existence of
a legal obligation of States to refrain fromacts which would impede the due
performance of any treaties entered into by them. However. ifthere is a
dutyof a State not to impedethe due performance of a treaty to which it isa
Party. that is not a duty imposed by the treaty itself. Nicaragua itself
apparently contends that this is a duty arising under customary interna-

tional law independently of the treaty, that it is implicit in the rule pactu
sunt servunda. This claim therefore does not in fact fall under the heading
of possible breach by the United States of the provisions of the 1956
Treaty. though it may involve the interpretation or application thereof.

271. In view of the Court's finding in its 1984Judgment that the Court
hasjurisdiction both under the 1956 FCN Treaty and on the basis of the

United States acceptance of jurisdiction under the Optional Clause of
Article 36.paragraph 2,this poses no problem ofjurisdiction in thepresent ACTIVI;~ÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 135

nitaire, n'est en aucune façon compatible avec le minage de ports, la
destruction d'installations pétrolières, ou encore l'entraînement, I'arme-
ment et I'équipemeritdes contras. La Cour conclut que le motif tiréde la

préservation des droits de l'homme au Nicaragua ne peut justifier juridi-
quement la conduite: des Etats-Unis et ne s'harmonise pas, en tout étatde
cause, avec la stratégiejudiciaire de 1'Etatdéfendeur fondéesur le droit de
légitimedéfense collective.
269. La Cour en vient à un autre facteur touchant à la fois la politique
intérieure et la politiique extérieur; il s'agit de la militarisation du Nica-

ragua, jugée par les Etats-Unis excessive et propre à prouver ses visées
agressives, et dans laquelle ilstrouvent un autre élémentjustificatif de leurs
activitésàsonégard. Il est sanspertinence et inutile, de l'avisde la Cour, de
prendre position sur cette allégationdes Etats-Unis,dès lors qu'il n'existe
pas en droit international de règles. autres que celles que 1'Etat intéressé
peut accepter, par traité ou autrement, imposant la limitation du niveau

d'armement d'un Etat souverain, ce principe étant valable pour tous les
Etats sans distinction.

270. Etant ainsi parvenue au terme de son examen des demandes du

Nicaragua fondées sur le droit international coutumier, la Cour doit
maintenantaborder lrellesqui reposent sur le traitéd'amitié,de commerce
et de navigation entre les Parties, signéà Managua le 21janvier 1956 ; en
vertu de l'articleXXIV, paragraphe 2, de ce traité, la Cour a compétence
pour connaître de tout différend qui pourrait s'éleverentre les parties
quant à son interprétation ou à son application. Le premier grief que le

Nicaragua articule en relation avec le traitén'est pas, au demeurant,fondé
directement sur une tiisposition précisede celui-ci. Le Nicaragua soutient
que les Etats-Unis, par la façon dont ils se sont comportés envers lui, ont
privéletraitéde 1956de sonobjet et de sonbut et l'ont vidéde sa substance
même.Le Nicaragua a invoqué,àcet effet, l'obligation juridique qu'ont les
Etats de s'abstenir dr: tout acte de nature à empêcherl'exécutionsatisfai-

sante desconventions conclues par eux. Toutefois si un Etat a l'obligation
de ne pas entraver leibonne exécution d'un traité auquel il est partie, ce
n'est pas là une obligation qui découle du traité lui-même.Le Nicaragua
lui-mêmeparaît soutenir qu'elle relèvedu droit international indépendam-
ment du traité et que cela ressort implicitement de la règlepacta sunt
servanda. Dès lors, la demande ne peut êtreprésentéeau titre d'une

éventuelle violation des dispositions du traitéde 1956par les Etats-Unis,
bien qu'elle puisse rnettre en cause son interprétation ou son applica-
tion.
271. La Cour ayant conclu, dans son arrêtde 1984,qu'elle est compé-
tente aussi bien sur la base du traitéd'amitié,de commerce et de navigation
de 1956 que sur celle de l'acceptation de juridiction consentie par les

Etats-Unis en vertu idel'article 36, paragraphe 2, du Statut, aucun pro-case. It should however be emphasized that the Court does not consider
that a compromissory clause of the kind included in Article XXIV, para-
graph 2, of the 1956FCN Treaty, providing forjurisdiction over disputes
asto itsinterpretation or application. would enable theCourt toentertain a
claim alleging conduct depriving the treaty of its object and purpose. It is
only because in the present case the Court has found that it hasjurisdic-
tion. apart from Article XXIV, over any legal dispute between the Parties
concerningany of the matters enumerated inArticle 36.paragraph 2,of the

Statute, that it can proceed toexamine Nicaragua's claim under this head.
However, as indicated in paragraph 221 above, the Court has first to
determine whether the actions of the United States complained of as
breaches of the 1956 FCN Treaty have to be regarded as "measures . ..
necessary to protect itsessential securityinterests [sus interesesesencia1es.y
seguridad]", since Article XXI of the Treaty provides that "the present
Treaty shall not preclude the application of" such measures. The question
thus arises whether Article XXI similarly affords a defence to a claim
under customary international law based on allegation of conduct de-
priving the Treaty of itsobject and purpose if such conduct can be shown
to be "measures . . necessary to protect" essential security interests.

272. In the viewof the Court, an act cannot be said to be one calculated
to deprive a treaty of its object and purpose, or to impede its due perfor-
mance. if the possibility of that act has been foreseen in the treaty itself,
and it has been expresslyagreed thatthe treaty "shall not preclude" the act,
so that it will not constitute a breach of the express terms of the treaty.
Accordingly, the Court cannot entertain either the claim of Nicaragua
allegingconduct deprivingthetreaty of itsobject and purpose, or itsclaims

of breach of specific articles of the treaty,nless it isfirst satisfied that the
conduct complained of is not "measures . ..necessary to protect" the
essential security interests of the United States. The Court will first pro-
ceed to examine whether the claims of Nicaragua in relation to the Treaty
appear to be well founded, and then deterrnine whether they are neverthe-
lessjustifiable by reference to Article XXI.
273. The argumentthat the United States has deprived theTreaty of its
object and purpose has a scope which is not very clearly defined, but it
appears that in Nicaragua's contention the Court could on this ground
make a blanket condemnation of the United States for al1the activities of
which Nicaragua complains on more specific grounds. For Nicaragua, the
Treaty is "without doubt a treaty of friendship which imposes on the
Parties the obligation toconduct arnicable relations with each other", and
"Whatever theexactdimensions of the legalnorm of 'friendship' therecan
be no doubt of a United States violation in this case". In other words, the
Court is asked to rule that a State which enters into a treaty of friendship
binds itself, for so long as the Treaty is in force, to abstain from any act blèmede compétence nese pose en l'occurrence. II faut cependant souli-

gner que la Cour n'est pas d'avis qu'une clause compromissoire comme
celle de l'article XXW, paragraphe 2, du traité d'amitié,de commerce et
de navigation de 1956,prévoyant sa compétenceen cas de différendsur
l'interprétation ou l'application du traité, l'autoriseonnaître d'une de-
mande reposant sur l'assertionque celui-ciaurait étéprivéde son but et de
son objet. C'est uniquement parce que la Cour s'est déclaréecompétente
en l'espèce,indépendamment de l'article XXIV,pour connaître de tout
différendjuridique entre les Parties portant sur l'une des matières énu-
mérées à l'article-36,paragraphe 2,du statut, qu'ellepeut aborder l'examen
de ce grief du Nicaragua. Toutefois, comme il a étéindiqué au para-
graphe 221 ci-dessus, la Cour doit établir tout d'abord si les actes repro-

chésaux Etats-Unis en tant que violations du traité d'amitié,de com-
merce et de navigation de 1956sont àconsidérercommedes mesures ...
nécessaires à la pra~tection des intérêtsvitaux )) des Etats-Unis en ce
qui concerne leur sécurité (sus intereses esencialesy seguridad),puisque
l'article XXI du traitéstipule que le <(traiténe fera pas obstacle à I'ap-
plication ))de telles mesures. La question se pose donc de savoir si I'ar-
ticle XXI peut être invoquédans l'hypothèse où, une demande étant
présentéeen vertu du droit international coutumier à raison d'un com-
portement quiseraitcensépriverletraitédeson but et de son objet, ilserait
possible de démontrer que ce comportement consiste en <<mesures ...
nécessaires à la protlection des intérêtsvitaux de sécurité.

272. Selon la Coulr, on ne peut prétendre qu'un acte est de nature à
priver un traité de son but et de son objet ou à en empêcherla bonne
exécutionsi la possibilitéd'un tel acte étaitprévuedans le traitélui-même,
et s'ila étéstipulé quele traitén'y<<fera pas obstacle ))de telle sorte qu'il
ne violera pas les termes exprès du traité. En conséquence. la Cour ne
saurait retenir, ni la thèsedu Nicaragua alléguant un comportement qui
priverait le traitéde:sonbut et de son objet, ni celle qui voudrait que des
articles précis dutraitéeussent étéviolés,à moins de s'êtred'abord assurée
que lecomportement incriminéne consistepas en <<mesures ...nécessaires
à la protection )des intérêtvsitaux des Etats-Unisen ce qui concerne leur
sécuritéL. a Cour examinera d'abord silesthèsesdu Nicaragua concernant

letraitéparaissent fondées,puis ellese demandera si ellessont néanmoins
justifiables par référence à l'article XXI.
273. La portée de l'argument suivant lequel les Etats-Unis auraient
privéle traitéde son but et de son objet n'estpas facile a apprécier, maisil
semble que, si elle devait suivre le Nicaragua, la Cour pourrait, pour ce
motif. condamner lei5Etats-Unis pour l'ensemble des griefs articulésen
détailpar le Nicaragua. D'aprèscelui-ci,le traitéest indubitablement un
traitéd'amitiéqui impose aux Etats signataires l'obligation d'entretenir
entre eux des relations amicales O ; aussi, <quelle que soit la définition
exacte de l'amitiéen tant que normejuridique, la violation de celle-ci par
les Etats-Unis ne fait aucun doute en I'espèce )).En d'autres termes, la

Cour est priéededirequ'un Etatqui aconclu un traitéd'amitiés'obligepar
celui-ci, aussi longtemps qu'il reste en vigueur, à s'abstenir de tout actetoward theotherparty which could be classified as an unfriendly act, even
ifsuch act is not in itself the breach of an international obligation. Such a
duty might of course be expressly stipulated in a treaty, or might even

emerge as a necessary implication from the text ; but as a matter of
customary international law. it is not clear that the existence of such a
far-reaching rule is evidenced in the practice of States. There must be a
distinction, even in the case of a treaty of friendship, between the broad
category of unfriendly acts. and the narrower category of acts tending to
defeat the object and purpose of theTreaty. That object and purpose is the
effectiveimplementation of friendship in the specific fieldsprovided for in

the Treaty, not friendship in a vague general sense.
274. The Court has in this respect to note that theTreaty itself provides
in Article XXIV, paragraph 1. as follows :

"Each Party shall accord sympathetic consideration to, and shall
afford adequateopportunity for consultation regarding, such repre-
sentations as the other Party may make with respect to any matter
affecting the operation of the present Treaty."

Nicaragua claims that the conduct of the United States is such as drasti-
cally to "affect the operation" of the Treaty ;but so far as the Court is
informed, no representations on the specific question have been made. The

Court has therefore first to be satisfied that a claimbased on the 1956FCN
Treaty is admissible even though no attempt has been made to use the
machinery of ArticleXXIV. paragraph 1.to resolve the dispute. In general,
treaty rules being lex specialis, it would not be appropriate that a State
should bring a claim based on a customary-law rule if it has by treaty
already provided means for settlement of such a claim. However. in the

present case, the operation of Article XXIV, paragraph 1.if it had been
invoked, would have been wholly artificial. While Nicaragua does allege
that certain activities of the United States were in breach of the 1956FCN
Treaty, it has also claimed. and the Court has Sound, that they were
violations of customary international law. In the Court's view, it would
therefore be excessively formalistic to require Nicaragua first to exhaust
the procedure of ArticleXXIV, paragraph 1,before bringing the matter to

the Court. In its 1984 Judgment the Court has already dealt with the
argument that Article XXIV, paragraph 2, of theTreaty required that the
dispute be "one not satisfactorily adjusted by diplomacy", and that this
was not the case in viewof the absence of negotiations between the Parties.
The Court held that :

"it does not necessarily follow that, because a State has not expressly

referred in negotiations with another State to a particular treaty as
having been violated by conduct of that other State, it is debarred
from invoking a compromissory clause in that treaty" (1.C.J. Reports
1984, p. 428). ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 137

envers l'autre partie qui puisse êtreconsidérécomme inamical. mêmes'il
ne viole pasen lui-meme une obligation internationale. Un tel engagement
pourrait. bien entendu. êtreexpressément stipulédans un traitéou même
paraître découler nécessairementde son texte :mais. dans lecadre du droit
international coutun~ier, iln'est pas évident que la pratique effective des

Etats témoignede l'existence d'une règled'une aussi vaste portke. Même
lorsqu'un traité d'amitiéest en cause, il doit nécessairement exister une
distinction entre la grande catégorie des actes inamicaux et la catégorie
plus étroited'actes tendant àfaire échouerlebut et l'objet du traité.Ce but

etcet objetsont de manifester une amititi effective dans lesdomaines précis
prévuspar le traité. et non une amitié en un sens vague et général.
274. La Cour doit relever à cet égardque le traité lui-même disposeen
son article XXIV. paragraphe 1. que :

Chacune desdeuxparties examinera avec bienveillance les repré-
sentations que l'autre partie pourra faire au sujet de toute question

concernant l'application du présent traité et prendra des mesures
adéquates pour permettre des consultations à ce propos. ))

Le Nicaragua prétend que le comportement des Etats-Unis est tel qu'il
entrave l'exécution ))du traité de manière radicale ; mais. pour autant
que la Cour le sache. aucune représentation n'aétéfaite sur ce point précis.
La Cour doit donc tout d'abord s'assurer qu'une demande fondée sur le

traitéd'amitié.de commerce et de navigation de 1956est recevable lorsque
aucun effort n'a étéfait pour recourir au mécanisme de l'article XXIV,
paragraphe 1,en vue de résoudrele différend. D'une manière générale,les
règlesconventionnelles ayant lecaractère de /exspecialis, ilneconviendrait

pas qu'un Etat présente unedemande fondéesur une règlede droit inter-
national coutumier sii,par traité,il a déjà prévudes moyens de réglerune
telle demande. Toutefois. en la présente espèce, l'application de I'ar-
ticle XXIV. paragraphe 1.si elle avait étéinvoquée.eût ététotalementarti-
ficielle. Le Nicaragua affirme. certes, que certaines activités des Etats-

Unis enfreignent le traité d'amitié,de commerce et de navigation de 1956 :
il maintient aussi. et la Cour a conclu, qu'elles constituent des violations
du droit international coutumier. De l'avisde la Cour, il serait donc exces-
sivement formaliste d'exiger du Nicaragua qu'il épuisela procédure pré-
vue à l'article XXIV, paragraphe 1, avant de la saisir de la question. Dans

son arrêt de 1984 la Cour a déjà traitéde l'argument tiré du fait que
l'article XXIV, paragraphe 2, du traité exige que le différend ne puisse
êtrerégléd'une manière satisfaisante par la voie diplomatique )); or il
ne pouvait pas l'être.f,aute de négociations entre les Parties. La Cour a
estiméque :

(parce qu'un Eitat ne s'est pas expressément référéd .ans des négo-

ciations avec un autre Etat, à un traitéparticulier qui aurait étéviolé
par la conduite de celui-ci, il n'en découlepas nécessairement que le
premierne serait pasadmis àinvoquer laclausecompromissoire dudit
traité (C.I.J. R'ecueil1984, p. 428).The point now at issueisdifferent, since the claim ofconduct impedingthe

operation of the Treaty is not advanced on the basis of thecompromissory
clause in the Treaty. The Court nevertheless considers that neither para-
graph of Article XXIV constitutes a bar to examination of Nicaragua's
claims.
275. In respect of the claim that the United States activities have been
such as to deprive the 1956 FCN Treaty of its object and purpose, the
Court has to make a distinction. It is unable to regard al1the acts com-
plained of in that light;but it does consider that there are certain activities
of the United States which are such as to undermine the whole spirit of a
bilateral agreement directed to sponsoring friendship between the two
States parties to it. These are:thedirect attacks on ports, oil installations,
etc., referred to in paragraphs 81 to 86 above ; and the mining of Nica-
raguan ports, mentioned in paragraph 80above. Any action lesscalculated
to serve the purpose of "strengthening the bonds of peace and friendship
traditionally existing between" the Parties, stated in the Preamble of the
Treaty, could hardly be imagined.

276. While the acts ofeconomicpressuresummarized inparagraphs 123
to 125 above are less flagrantly in contradiction with the purpose of the
Treaty, the Court reaches a similar conclusion in respect of some of them.
A State is not bound to continue particular trade relations longer than it
sees fit to do so, in the absence of a treaty commitment or other specific
legal obligation ; but where there exists such a commitment, of the kind
implied in a treaty of friendship and commerce, such an abrupt act of
termination of commercial intercourse as the general trade embargo of
1May 1985will normally constitute a violation of the obligation not to
defeat the object and purpose of the treaty. The 90per cent cut in the sugar
import quota of 23September 1983 does not on the otherhand seem to the
Court togosofar as toconstitute an act calculated to defeat theobject and
purpose of the Treaty. The cessation ofeconomic aid, thegivingofwhich is
more of a unilateral and voluntary nature, could be regarded as such a
violation only in exceptional circumstances. The Court has also to note
that, by the very terms of the legislation authorizing such aid (the Special

Central American Assistance Act, 1979), of which the Government of
Nicaragua must have been aware,the continuance of aid was made subject
to theappreciation of Nicaragua's conduct by the President of the United
States. As to the opposition to the grant of loans from international
institutions, the Court cannot regard this as sufficiently linked with the
1956FCN Treaty to constitute an act directed to defeating its object and
purpose.

277. Nicaragua claims that the United States is in breach of Article 1of
the 1956FCN Treaty, which provides that each Party is to accord "equi- Le problème à l'examen estdifférent, puisque l'argument que le compor-
tement des Etats-Unis empêche d'appliquerle traitén'est pas invoquéen
vertu de la clause co~mpromissoire.La Cour considère néanmoinsque ni
l'un ni l'autre des deux paragraphes de l'article XXIV ne fait obstacle à
l'examen des demandes du Nicaragua.
275. Quant à la ]thèsequi voudrait que les activités des Etats-Unis
eussent été de natureà priver de son but et de sonobjet letraitéd'amitié.de
commerce et de navigation de 1956,la Cour doit faire une distinction. Elle
ne saurait considérerque tous lesactesincriminésavaient un tel effet;elle
n'en estime pas moins que certaines activitésdes Etats-Unis sont telles
qu'ellescontredisent l'esprit mêmed'un accord bilatéral visant à favoriser
l'amitiéentre les deux Etats qui y sont parties. Ce sont : les attaques
directes contre les ports, lesinstallations pétrolières,etc., viséesaux para-

graphes 81et 86ci-dessus,et leminage desports nicaraguayens, mentionné
au paragraphe 80. Il serait en effet difficile d'imaginer des actes moins
propres à resserrer les liens de paix et d'amitiéqui unissent tradition-
nellement >)les partites, pour citer le préambule du traité.
276. Silesactes de pression économiquerésumés aux paragraphes 123 à
125ci-dessus contredisent de façon moins évidentelebut du traitéla Cour
arrive néanmoins à une conclusion analogue au sujet de quelques-uns
d'entre eux. Bienentendu un Etat n'estpas tenu de poursuivre des relations
commercialesparticulièresplus longtemps qu'il nelejuge utile, siun traité
ou une autre obligation juridique spécifiquene l'yoblige pas ;mais en cas
d'obligation comme celle qui résulteimplicitement d'un traitéd'amitié et
de commerce, des actesd'interruption brutaledes relations commerciales,
comme l'embargo sur le commerce du ler mai 1985,constitueront norma-

lement des violations du devoir de ne pas faireéchouerle but et l'objet du
traité.Au contraire laréductionde 90pour cent duquota d'importation du
sucre, décidéele 23 septembre 1983,ne semble pas, selon la Cour, aller
jusqu'à constituer un acte de nature àpriver le traitéde son but et de son
objet. La suspension de l'aide économique,qui présente uncaractère plus
unilatéralet volontaire, ne pourrait êtreconsidéréecomme une violation
quedansdes circonsti~ncesexceptionnelles. La Cour doit aussi relever que,
d'après les termes mi!mes de la législationautorisant cette forme d'aide
(Special Central Amer*icanAssistance Act, 1979),que le Gouvernement du
Nicaragua devait connaître, la poursuite de I'aideétaitsubordonnée à une
appréciation du comportement du Nicaragua par le président des Etats-
Unis. Quani à l'oppositionà l'octroi de crédits d'institutions internatio-
nales. la Cour ne peut la considérer comme suffisamment liéeau traité

d'amitié,de commerce et de navigation de 1956pour pouvoir constituer un
acte visant à faire écl~ouerle but et l'objet de celui-ci.

277. Le Nicaragua soutient que les Etats-Unis ont agi en violation de
l'articlepremier du traitéd'amitié,de commerce et de navigation de 1956,table treatment" to the nationals of the other. Nicaragua suggests that

whatever meaning given to the expression "equitable treatment"

"it necessarily precludes the Government of the United States
from ... killing. wounding or kidnapping citizens of Nicaragua. and.
more generally from threatening Nicaraguan citizens in the integrity
of their persons or the safety of their property".

It is Nicaragua's claim that the treatment of Nicaraguan citizens com-

plained of was inflicted by the United States or by forces controlled by the
United States. The Court is however not satisfied that the evidence avail-
able demonstrates that the contras were "controlled" by the United States
when committing such acts. As the Court has indicated (paragraph 110
above), the exact extent of thecontrol resulting from the financial depen-
dence of the contras on the United States authorities cannot be estab-

lished :and it has not been able to conclude that the contras are subject to
the United States to such an extent that any acts they have committed are
imputable to that State (paragraph 115 above). Even if the provision for
"equitable treatment" in the Treaty is read as involving an obligation not
to kill, wound or kidnap Nicaraguan citizens in Nicaragua - as to which
the Court expresses no opinion - those acts of the contrasperformed in the

course of their military or paramilitary activities in Nicaragua are not
conduct attributable to the United States.

278. Secondly, Nicaragua claims that theUnited States has violated the
provisions of the Treaty relating to freedom of communication and com-

merce. For the reasons indicated in paragraph 253 above, the Court must
uphold the contention that the mining of the Nicaraguan ports by the
United States is in manifest contradiction with the freedom of navigation
and commerce guaranteed by Article XIX. paragraph 1, of the 1956
Treaty ;there remains the question whether such action can be justified
under Article XXI (see paragraphs 280 to 282 below). In the commercial

context of the Treaty, Nicaragua's claim is justified not only as to the
physical damage to its vessels, but also the consequential damage to its
trade and commerce. Nicaragua however also contended that al1 the
activities of the United States in and against Nicaragua are "violative of
the 1956 Treaty" :

"Since the word 'commerce'in the 1956Treaty must be understood

in its broadest sense, al1of the activities by which the United States
has deliberately inflicted on Nicaragua physical damage and eco-
nomic losses of al1 types. violate the principle of freedom of com-
merce which the Treaty establishes in very general terms."

It is clear that considerableeconomic loss and damage has been inflictedqui dispose que chacune des deux parties accordera un traitement équi-
table aux ressortissants de l'autre partie. Il affirme que, quel que soit le
sens donné à 1'expre:ssion traitement équitable ))celle-ci :

<interdit nécessairement au Gouvernement des Etats-Unis de tuer,

blesser ou enlever des nationaux du Nicaragua et, de manière plus
générale,de menacer les nationaux du Nicaragua dans l'intégritéde
leur personne ou la sécuritéde leurs biens )>.

Le Nicaragua prétend que le traitement infligéaux ressortissants nicara-
guayens qu'il met en cause est le fait des Etats-Unis ou de forces agissant

sous leur égide.La C'ourn'est cependant pas convaincue par les informa-
tions dont elle dispose que les contras étaient (<contrôlés ))pas les Etats-
Unis au moment où ces actes étaient commis. Ainsi qu'elle l'a indiqué
(paragraphe 1IO),la mesure exacte du <(contrôle »résultant de la dépen-

dance financière de!; contras à l'égard des autorités des Etats-Unis est
difficile à établir ;et la Cour n'a pas pu aboutir à la conclusion que les
contras étaient à tel point subordonnés aux Etats-Unis que tout acte
commis par eux serait imputable aux Etats-Unis (paragraphe 115 ci-
dessus). Mêmesi la disposition du traité relative au (traitement équi-

table )> est interprétée comme emportant l'obligation de ne pas tuer,
blesser ou enlever au Nicaragua les ressortissants de ce pays - point sur
lequel la Cour ne prend pas position - ces actesaccomplis par les contras
dans leurs activités nnilitaires et paramilitaires au Nicaragua ne sont pas
des comportements attribuables aux Etats-Unis.

278. Le Nicaragua soutient ensuite que les Etats-Unis ont violé les
dispositions du traitérelatives à la libertéde communication et à la liberté
de commerce. Pour les raisons indiquées au paragraphe 253 ci-dessus. la
Cour doit accepter la thèsenicaraguayennesuivant laquelle le minage des

ports nicaraguayens par les ~tat~-~nis constitue unemesure en contra-
diction manifeste avec l'article XIX, paragraphe 1,du traité de 1956 qui
garantit la libertéde navigation et la libertéde commerce. Reste àsavoir si
l'articleXXI pourrait justifier cette action (voir paragraphes 280 à 282
ci-après). Dans lecontexte commercial du traité.la demande du Nicaragua

est justifiée non seulement par les dommages matériels subis par ses
navires, mais aussi par les pertes économiques qui en sont résultéespour
son commerce. Le Nicaragua a cependantprétendu en outre que toutes les
activitésdes Etats-Unis au Nicaragua et contre celui-ci constituent «une

violation du traite de 1956 :

Le mot (<commerce »,qui figure dans le traité de 1956, devant
être entendu dans son sens le plus large, toutes les activités par
lesquelles les Etats-Unis ont délibérémentinfligéau Nicaragua des
dommages matérielsou des pertes économiquesde toute sorte violent
le principe de libertédu commerce que ce traité établiten termes très

généraux.

Il est clair que les actiaonsdes contrasont infligéau Nicaragua despertes eton Nicaragua by the actions of the contras : apart from the economic
impact of acts directly attributable to the United States,such as the lossof
fishing boats blown up by mines. the Nicaraguan Minister of Finance
estimated lossof production in 1981-1984due to inability to collect crops,
etc., at some US$ 300 million. However.as already noted (paragraph 277
above) the Court has not found the relationship between the contras and
the United States Government to have been proved to be such that the
United States is responsible for al1acts of the contras.

279. The tradeembargo declared by the United States Government on
1 May 1985 has already been referred to in the context of Nicaragua's
contentions as to acts tending to defeat the object and purpose of the 1956
FCN Treaty. The question also arises of its compatibility with the letter
and the spirit of Article XIX of the Treaty. That Article provides that
"Between the territories of the two Parties there shall be freedom of
commerce and navigation" (para. 1)and continues

"3. Vesselsof either Party shall have liberty, on equal terms with
vesselsof the other Party and on equal terms with vesselsof any third
country, tocome with their cargoes to al1ports, places and waters of
such other Party open to foreign commerce and navigation . . ."

By the Executive Order dated 1 May 1985 the President of the United
States declared "1 hereby prohibit vessels of Nicaraguan registry from
entering into United States ports, and transactions relating thereto". The
Court notes that on the same day the United States gave notice to Nica-
ragua to terminate the Treaty under Article XXV, paragraph 3, thereof ;
but that Articlerequires "one year'swritten notice" for the termination to
take effect. The freedom of Nicaraguan vessels, under Article XIX, para-
graph 3, "to come with their cargoes to al1ports, places and waters" of the
United States could not therefore be interfered with during that period of
notice, letalone terminated abruptly by the declaration of an embargo.

The Court accordingly finds that the embargo constituted a measure in
contradiction with Article XIX of the 1956 FCN Treaty.

280. The Court has thus found that the United States is in breach of a
duty not to deprive the 1956FCN Treaty of itsobject and purpose, and has
committed acts which are in contradiction with the terms of the Treaty,
subject to the question whether the exceptions in Article XXI, para-
graphs 1 (c) and 1 (d), concerning respectively "traffic in arms" and
"measures ... necessary to fulfill" obligations "for the maintenance or
restoration of international peace and security" or necessary to protect the
"essential security interests" of a Party, may be invoked tojustify the acts
complained of. In itsCounter-Memorial onjurisdiction and admissibility, ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 140

des préjudices écoinomiquesconsidérables : outre l'effet économique
d'actes directement attribuables aux Etats-Unis. tels aue la ~erte des
bateaux de pêchequi ont sautésur des mines, le ministre des finances du
Nicaragua a estimé àquelque 300millions de dollars lespertes de produc-
tion subies de 1981ii 1984du fait de l'impossibilitéde rentrer les récoltes,
etc. Toutefois, et ainsi qu'on l'a déjàvu (paragraphe 277 ci-dessus), la
Cour n'a pas considléré comme établi que les liens entre les contras et le
Gouvernement des Etats-Unis étaient tels que les Etats-Unis seraient
responsables de tous les actes des contras.

279. L'embargo commercial déclaréle ler mai 1985par le Gouverne-
ment des Etats-Unis a déjà été évoqué à propos des assertions nicara-
guayennes relatives aux actes de nature àfaireéchouerle but et l'objet du
traitéd'amitié,de commerce et de navigation de 1956.La question sepose
aussi de sacompatibilitéaveclalettreet l'espritde I'article XIXdecetraité.
Aux termes du paragraphe 1de cet article ilyaura libertéde commerceet
de navigation entre les territoires des deux parties et, aux termes du
paragraphe 3 :

Les navires de l'unedes deux parties pourront librement, dans les
mêmesconditions que lesnavires de l'autrepartie et lesnavires de tout
pays tiers,sereridreavecleur cargaison dans tous lesports, mouillages
et eaux de cette autre partie qui sont ouverts au commerce interna-
tional et à la navigation internationale. ))

Par Executive Order du ler mai 1985.le président des Etats-Unis a fait la
déclaration suivante : J'interdis par la présenteordonnance l'entréedes
navires immatriculé:;au Nicaragua dans lesportsdes Etats-Unis, et toutes
opérationsy relatives. )La Cour relèved'autre part que, le même jour. les

Etats-Unis ont informé le Nicaragua de leur intention de mettre fin au
traitéen application de son article XXV, paragraphe 3 ;cette disposition
prévoitcependant un préavis d'unan ))La liberté des navires nicara-
guayens <de se rendre )),conformément à I'article XIX, paragraphe 3,
du traité, avec leur cargaison dans tous les ports, mouillages et eaux
des Etats-Unis ne pouvait donc être entravéedurant le préavis,et encore
moins interrompue brutalement par la déclaration d'un embargo. La
Cour en conclut que l'embargo constituait une mesure en contradiction
avec I'article XIX du traité d'amitié,de commerce et de navigation de

1956.
280. La Cour a par conséquentjugéque les Etats-Unis enfreignent une
obligation de ne pas priver le traitéd'amitié,de commerceet de navigation
de 1956desonbut et de sonobjetet qu'ilsont commisdesactes qui sont en
contradiction aveclestermes de cetraité,pour autant que lesexceptions de
I'article XXI, paragraphe 1 c) et d), concernant respectivement le «com-
merce des armes et les<(mesures nécessaires à l'exécutiondes obliga-
tions ... relatives au maintien ou au rétablissement de la paix et de la
sécurité internationales ou à la protection des intérêtsvitaux d'une
partie en ce qui coi~cerne sa sécuriténe puissent êtreinvoquées pourthe United States relied on paragraph 1(c)as showing the inapplicability
of the 1956 FCN Treaty to Nicaragua's claims. This paragraph appears
however to be relevant only in respect of the complaint of supply of arms to
the contras, and since the Court does not find that arms supply to be a
breach of the Treaty, or an act calculated to deprive it of its object and

purpose, paragraph 1 (c)does not need to be considered further. There
remains the question of the relationship of Article XXI.paragraph 1(d), to
the direct attacksonports, oil installations,etc.;the mining of Nicaraguan
ports : and the general trade embargo of 1 May 1985 (paragraphs 275 to
276 above).

281. In approaching this question, the Court has first to bear in mind
the chronological sequence of events. If the activities of the United States
are to becovered by Article XXI of the Treaty. they must havebeen, at the
time they were taken, measures necessary to protect its essential security
interests. Thus the finding of the President of the United States on 1 May
1985 that "the policies and actions of the Government of Nicaragua
constitute an unusual and extraordinary threat to thenational security and

foreign policy of the United States", even if it be taken as sufficient
evidence that that was so, does not justify action by the United States
previous to that date.

282. Secondly, the Court emphasizes the importance of the word "ne-
cessary" in Article XXI : the measures taken must not merely be such as

tend to protect the essential securityinterests of theparty taking them, but
must be "necessary" for that purpose. Taking into account the whole
situation of the United States in relation to Central America, so far as the
Court is informed of it (and even assuming that the justification of self-
defence, which the Courthas rejected on the legal level, had some validity
on the political level), the Court considers that the mining of Nicaraguan
ports, and the direct attacks on ports and oil installations, cannot possibly

be justified as "necessary" to protect the essential security interests of
the United States. As to the trade embargo, the Court has to note the
expressjustification for it given in the Presidential finding quoted in para-
graph 125 above, and that the measure was one of an economic nature,
thus one which fell within the sphere of relations contemplated by the
Treaty. But by the terms of the Treaty itself, whether a measure is neces-
sary to protect the essential security interests of a party is not, as the

Court has emphasized (paragraph 222 above), purely a question for the
subjective judgment of the party ; the text does not refer to what the
party "considers necessary" for that purpose. Since no evidence at al1is
available to show how Nicaraguan policies had in fact become a threat
to "essential security interests" in May 1985, when those policies had
been consistent, and consistently criticized by the United States, for
four years previously, the Court is unable to find that the embargo was

"necessary" to protect those interests. Accordingly, Article XXI affordsjustifier les actes incriminés. Dans leur contre-mémoire sur la compétence
et la recevabilité, lei<Etats-Unis se sont fondés sur le paragraphe 1 c)
dont il résultait selon eux que le traité de 1956 ne pouvait s'appliquer
aux demandes du Nicaragua. Cet alinéa ne paraît cependant avoir de

pertinence qu'à propos du grief de fourniture d'armes aux contras et, la
Cour ne considérant pas la fourniture d'armes comme une violation du
traité,ni comme un acte de nature a le priver de son but et de son objet, le
paragraphe 1c) n'a pas a êtreexaminé plus avant. Reste la question du
rapport entre l'article XXI, paragraphe 1 d), et les attaques directes

contre les ports, les installations pétrolières, etc; le minage des ports du
Nicaragua : et l'embargo généralsur le commerce imposé le lermai 1985
(paragraphes 275 et 276 ci-dessus).
28 1. En abordant cette question, la Cour doitd'abord tenir compte de la
chronologie des événements. Pourque les activitésdes Etats-Unis entrent
dans le cadre de l'article XXI du traité. elles auraient dû consister, au

moment où elles ont étéprises, en mesures nécessaires a la protection de
leurs intérêtsvitaux de sécurité. Parconséquent la conclusion du président
des Etats-Unis, datéedu mai 1985.suivant laquelle lespolitiques et les
actions du (;ouvernement du Nicaragua représentent une menace excep-
tionnelle et extraordinaire pour la sécuriténationale et la politique étran-

gèredesEtats-Unis », mêmeconsidéréecomme prouvant àsuffisance qu'il
en était bieri ainsi, ne justifierait aucune mesure prise par les Etats-Unis
avant cette date.
282. En second lie:u,la Cour souligne l'importance de l'épithète né-
cessaires ))figurant à l'articlXXI : les mesures ne doivent pas simplement
tendre àprotégerles intérêts vitaux de sécuritéde la partie qui les adopte ;

elles doivent être <(nécessaires ))a cette fin. Si l'on prend dans son en-
semble la situation des Etats-Unis par rapport à l'Amérique centrale,
dans la mesure où la Cour en est informée (et a supposer même que lajus-
tification de la légitimedéfense, que la Cour a rejetée sur le plan juri-
dique. ait une certaine validité politique), la Cour considère que le

minage de ports nicaraguayens et les attaques directes contre des ports
et des dépôts de pétrole ne sauraient en aucun cas être justifiés par la
nécessitéde protéger les intérêtsvitaux de sécurité des Etats-Unis. Quant
à l'embargo commercial, la Cour doit prendre note de la justification
expresse qu'en donne la conclusion présidentiellecitée au paragraphe 125
ci-dessus et du fait que la mesure, ayant un caractère économique, s'inscrit

dans le cadre relationnel envisagé par le traité. Mais, d'après les termes
du traité lui-même,Ilaquestion de savoir si une mesure est nécessaire
à la protection des ini.érêtvsitaux de sécuritéd'une partie ne relèvepas de
l'appréciation subjective de la partie intéressée,ainsi que la Courel'a déjà
souligné(paragraphe 222 ci-dessus) ;le texte ne vise pas ce que la partie
estime nécessaire o.Faute du moindre élément d'information indiquant

comment les politiq~ues suivies par le Nicaragua seraient devenues
en fait une menace pour les intérêtsvitaux de sécurité en mai 1985,
alors qu'elles étaient constantes et constamment critiquées par les Etats-
Unis depuis quatre ans, la Cour n'est pas en mesure de conclure que142 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

no defence for the United States in respect of any of the actions here
under consideration.

283. The third submission of Nicaragua in its Memorial on the merits.
set out in paragraph 15above, requests the Court to adjudge and declare

that compensation is due to Nicaragua and
"to receive evidence and to determine, in a subsequent phase of the
present proceedings, the quantum of damages to be assessed as the
compensation due to the Republic of Nicaragua".

The fourth submission requests the Court toaward to Nicaragua the sum
of 370,200,000 United Statesdollars, "which sumconstitutes theminimum
valuation of thedirect damages" claimed by Nicaragua. In order to decide
on these submissions, the Court must satisfy itself that it possessesjuris-
diction to do so. In general,jurisdiction todetermine themerits of adispute
entails jurisdiction to determine reparation. More specifically, the Court
notes that in its declaration of acceptance of jurisdiction under the
Optional Clause of 26 August 1946,the United States expressly accepted
the Court's jurisdiction in respect of disputes concerning "the nature or
extent of the reparation to be made for the breach of an international

obligation". The corresponding declaration by which Nicaragua accepted
the Court's jurisdiction contains no restriction of the powers of the Court
under Article 36. paragraph 2 (d), of its Statute ; Nicaragua has thus
accepted the "same obligation". Under the 1956 FCN Treaty. the Court
hasjurisdiction to determine "any dispute between the Parties as to the
interpretation or application of thepresent Treaty" (Art. XXJV,para. 2) ;
and as the Permanent Court of International Justice stated in the case
concerning the Fuctory ut Chorzb~:

"Differences relating to reparations. which maybe due by reason of
failure to apply aconvention, are consequently differencesrelating to
its application." (Jurisdiction,dgrnenrNo. 8, 1927,P.C.I.J., SeriesA,
No. 9.p. 21.)
284. The Court considers appropriate the request of Nicaragua for the
nature and amount of the reparation due to it to be determined in a

subsequent phase of the proceedings. While a certain amount of evidence
has been provided, for example, in the testimony of the Nicaraguan Mini-
ster of Finance, of pecuniary loss sustained, this was based upon conten-
tions as to the responsibility of the United States which were more far-
reaching than the conclusions at which the Court has been able to arrive.
The opportunity should be afforded Nicaragua to demonstrate and prove l'embargo était <(nkcessaire à la protection de ces intérêts.Dans ces
conditions, les Eta1.s-Unis ne peuvent invoquer l'article XXI comme
moyen de défenseau sujet de l'un quelconque des actes considérés ici.

283. Aux termes de la troisième conclusion présentée par le Nicaragua

dans sonmémoiresur lefond,reproduite au paragraphe 15ci-dessus,laCour
est priéede dire et juger qu'une indemnité estdue au Nicaragua et
<de recevoir despreuves àcet effet et de déterminer, lorsd'unephase

ultérieurede laprésenteinstance, à quel montant doivent êtreévalués
les dommages-intérêtsdestinés à indemniser la République du Nica-
ragua )\.
Dans la quatrième conclusion il est demandé à la Cour d'accorder au

Nicaragua la somme de 370,2millions de dollars des Etats-Unis, <(ladite
somme constituant l'évaluation minimumdu préjudice direct )>que le
Nicaragua dit avoir subi. Pour se prononcer sur ces conclusions, la Cour
doit s'assurer qu'elle possède lacompétencenécessaire.En règle générale la
compétencepourstatuer au fondemporte celled'accorder réparation.Plus
particulièrement la C'ournote que, par leur déclaration d'acceptationde la
juridiction faite en vertu de la clause facultative le 26 août 1946, les

Etats-Unis ont expre:ssémentaccepté la compétencede la Cour pour les
différendsayant pour objet <(la nature et l'étenduede la réparation due
pour la rupture d'un engagement international i)La déclaration corres-
pondante par laquellirle Nicaragua a acceptéla compétencede la Cour ne
stipule aucune restriction des pouvoirs que la Cour tient de l'article 36,
paragraphe 2 d), de !<onStatut ;le Nicaragua a ainsi acceptéla ((même
obligation u.En vertii du traité d'amitiéd, e commerce et de navigation de
1956,laCour a compktence pour seprononcer sur (<tout différendentre les

parties quant à l'iriterprétation ou l'application du présent traité i)
(art. XXIV, par. 2) eit,comme la Cour permanente de Justice internatio-
nale l'a dit dans l'affaire de l'Usinede Chorzow :

((Les divergences relatives à des réparations,éventuellementdues
pour manquement àl'application d'uneconvention, sont,partant, des
divergences relatives àl'application. i)(Compétence,arrêtno 8, 1927,
C.P.J.I. série A no 9, p. 21.)

284. La Courjuge appropriéela requêtedu Nicaragua tendant àce que
la nature et le montant de la réparation qui lui est due soient déterminés
dans une phase ultérieurede la procédure.S'ilest vrai que certains élé-
ments de preuve onit étéfournis, par exemple dans le témoignagedu
ministre des finances du Nicaragua, quant aux préjudices pécuniaires
subis, ces éléments étaientfondés sur desthèses, relativement àla respon-
sabilitédes Etats-Unis, qui allaientplus loinque lesconclusions auxquelles

la Cour a pu parvenir. L'occasion devrait être donnée auNicaragua deexactly what injury was suffered as a result of each action of the United
States which the Courthas foundcontrary to international law.Nor should
it be overlooked that, while the United States has chosen not to appear or
participate in thepresent phase of the proceedings, Article53 of the Statute
does not debar it from appearing to present its arguments on the question
of reparation ifit sowishes.Onthecontrary, the principle of the equality of
the Parties requires that it be given that opportunity. It goes without
saying, however, that in the phase of the proceedings devoted to repara-
tion, neither Party may cal1 in question such findings in the present
Judgment as have become resjud~cata.
285. There remains the request of Nicaragua (paragraph 15above) for
an award, at the present stage of the proceedings, of $370,200,000as the
"minimum (and in that sense provisional) valuation of direct damages".
There is no provision in the Statute of the Court either specifically em-
powering the Court to make an interim award of this kind, or indeed
debarring it from doing so. In viewof thefinal and bindingcharacter of the
Court's judgments, under Articles 59 and 60 of the Statute, it would
howeveronly be appropriate tomake an award of thiskind, assuming that
the Court possesses the power to do so, in exceptional circumstances, and
where the entitlement of the State making the claim was already estab-
lished with certainty and precision. Furthermore, in a case in which the

respondent State is not appearing, so that its viewson the matter are not
known to the Court, the Court should refrain from any unnecessary act
which might prove an obstacle to a negotiated settlement. It bears repeat-
ing that
"thejudicial settlement of international disputes, witha viewtowhich
the Court has been established, is simply an alternative to the direct
and friendly settlement of such disputes between the Parties ; as
consequently it is for the Court to facilitate, so far as is compatible
with itsStatute, such direct and friendly settlement. .."(FreeZones of
UpperSavoy and the Districrof Gex, Orderof19 August 1929,P.C.I.J.,
Series A, No. 22, p. 13).

Accordingly, the Court does not consider that it can accede at this stageto
the request made in the Fourth Submission of Nicaragua.

286. By its Order of 10 May 1984, the Court indicated, pursuant to
Article 41of the Statute of the Court, the provisional measures which inits
view "ought to be taken to preserve the respective rights of either party",
pending the final decision in the present case. In connection with the first
such measure, namely that
"The United States of America should immediately cease and
refrain from any action restricting, blocking or endangering access to
or from Nicaraguan ports, and, in particular, the laying of mines",démontrer et d'établir l'étendueexacte du préjudice subi à raison de

chaque acte des Etats-Unis que la Cour aura jugé contraire au droit
international. Il ne Fautpas non plus perdre de vue que, si les Etats-Unis
ont choisi de ne pas se présenter pour participer à la phase actuelle de
l'instance, l'article53 du Statut ne les empêchepas de comparaître pour
conclure s'ilsle désirent sur la question de la réparation. Au contraire le
principe de l'égalitédesparties exigeque l'occasion leuren soit offerte. Il
va cependant sans dire que, dans la phase de la procédure consacrée àla
réparation, ni l'une ni l'autre des Parties ne pourra remettre en cause les
conclusions du présent arrêt qui serontpasséesen force de chose jugée.
285. Reste la demande du Nicaragua (paragraphe 15ci-dessus) tendant
à ceque lui soit accolrdéeen laprésente phasede laprocédure la sommede

370,2 millions de dollars représentant << l'évaluationminimum (et donc
provisoire) du préjudicedirect )).Rien dans le Statut n'autorise expressé-
ment la Cour à prendre une mesure provisionnelle de cette nature ni,
d'ailleurs, ne lui interdit de le faire. Vu le caractère définitif etobligatoire
des arrêtsde la Cour, résultantdes articles 59 et 60 du Statut, il ne serait
cependant approprici:deprendre une telledécision, à supposer que la Cour
enait lepouvoir, quedans descirconstances exceptionnelles, et àcondition
que ledroit de 1'Etatqui formulela demande soit déjàétabliaveccertitude
et précision.Au surplus, dans une affaireou 1'Etatdéfendeurne comparaît
pas, de sorte que la Cour ignore sa position sur un tel point, la Cour doit
s'abstenir de tout acte qui risquerait de faire inutilement obstacle à un

règlement négocié. 1i1convient de répéterici que

(<le règlementjudiciaire des conflits internationaux, en vue duquel
la Cour est instituée,n'est qu'un succédanéau règlement direct et
amiable de ces conflits entre les parties ;que, dès lors, il appar-

tient à la Cour de faciliter, dans toute la mesure compatible avec
son Statut, pareil règlement direct et amiable ... (Zones franches
de la Haute-Savoieet du Pays de Gex, ordonnancedu 19 août 1929,
C.P.J.1. sérieA no22, p. 13).
En conséquence, la Cour considèrequ'elle ne peut accéder à ce stadeà la

requête formuléepa.rle Nicaragua dans sa quatrième conclusion.

286. Par son ordonnance du 10mai 1984la Cour a indiqué,en vertu de

l'article41du Statut., lesmesures conservatoires du droit de chacun qui
à son avis devaient (<êtreprises à titre provisoire))en attendant l'arrêt
définitifen l'espèce.A propos de la première de ces mesures, à savoir :

<(Que les Et,ats-Unis mettent immédiatement fin à toute action
ayant pour effet de restreindre, de bloquer ou de rendre périlleuse

l'entréeou lasortie desports nicaraguayens, enparticulier par la pose
de mines, et s',abstiennent désormaisde toute action semblable O, 144 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

the Court notesthat nocomplaint has been made that anyfurther action of
this kind has been taken.
287. On 25 June 1984. the Government of Nicaragua addressed a
communication to the Court referring to the Order indicating provisional
measures, informing the Court of what Nicaragua regarded as "the failure
of the United States to comply with that Order", and requesting the
indication of further measures. The action by the United States com-
plained of consisted in the fact that the United States was continuing "to

sponsor and carry out military and paramilitary activities in and against
Nicaragua". By a letter of 16 July 1984, the President of the Court
informed the Agent of Nicaragua that the Court considered that that
request should await the outcome of the proceedings onjurisdiction which
were then pending before the Court. The Government of Nicaragua has
not reverted to the question.
288. TheCourt considers that it should re-emphasize, in the light of its
present findings, what was indicated in the Order of 10 May 1984 :

"The right to sovereignty and to political independence possessed
by the Republic of Nicaragua, like any other State of the region or of
the world, should be fully respected and should not in any way be
jeopardized by any military and paramilitary activities which are
prohibited by the principles of international law, in particular the
principle that States should refrain in their international relations
from the threat or use of forceagainst the territorial integrity or the
political independence of any State, and the principle concerning the
duty not to intervene in matters within the domesticjurisdiction of a
State, principles embodied in the United Nations Charter and the
Charter of the Organization of American States."

289. Furthermore, the Court would draw attention to the further mea-
suresindicated in its Order, namely that the Parties "should each of them
ensure that no action of any kind istaken which might aggravate or extend
the dispute submitted to the Court" and

"should each of them ensure that no action is taken which might
prejudice the rights of the other Party in respect of thecarrying out of
whatever decision the Court may render in the case".
When the Court finds that the situation requires that measures of thiskind
should be taken, it is incumbent on each party to take the Court's indi-
cations seriously into account, and not to direct its conduct solely by
reference to what it believes to be its rights. Particularly is this so in a
situation of armed conflict where no reparation can efface the results of

conduct which the Court may rule to have been contrary to international
law. ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (ARRÊT) 144

laCournote qu'aucun griefrelatif à de nouvellesactions decette nature n'a
étéformulé.
287. Le25juin 19134l,eGouvernement du Nicaragua aadressé à laCour
une communication par laquelle, renvoyant à l'ordonnance en indication
de mesures conservatoires, il faisait savoirà la Cour que, selon lui, les
Etats-Unis n'[avaient] pas exécutél'ordonnance ))et demandait I'indica-
tion de nouvellesmesures. Ilétait reprochéauxEtats-Unis de continuer << à
fomenter et à poursuivre des activités militaireset paramilitaires au Nica-
ragua et contre lui))Par lettre du 16juillet 1984,le Présidentde la Cour a
informél'agent du Nicaragua que la Cour considéraitque cette requête

devrait attendre l'issiuede la procédure surla compétence,alorspendante
devant la Cour. Le (;ouvernement du Nicaragua n'est pas revenu sur la
question.

288. La Cour cr0i.tdevoir soulignerà nouveau, eu égard à sesprésentes
conclusions, ce qu'elle avait indiqué dans l'ordonnance du 10 mai
1984 :

<(Que le droii:à la souverainetéet à l'indépendance politiqueque
possède la République du Nicaragua, comme tout autre Etat de la
régionet du monde, soit pleinement respecté et ne soit compromis
d'aucune manièrepar desactivités militaireset paramilitaires quisont
interdites par les principes du droit international,notamment par le
principe que les Etats s'abstiennent, dans leurs relations internatio-

nales, de recourirà la menace ou à l'emploi de la force contre l'inté-
gritéterritoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, et par le
principe relatif au devoirde nepasintervenir dans lesaffaires relevant
de la compétencenationale d'un Etat, consacréspar la Charte des
Nations Unies et la charte de l'organisation des Etats américains. ))

289. La Cour appelle d'autre part l'attention sur les autres mesures
indiquéesdans son ordonnance, tendant à ce que les Parties <(veillent
l'un[e]et l'autreà ce qu'aucune mesure d'aucune sorte ne soit prise qui
puisse aggraver ou étendrele différendsoumis à la Cour et

<(veillent l'un[e] et l'autàece qu'aucune mesure ne soit prise qui
puisseporter atteinte au droitdel'autre Partie touchant l'exécutionde
toute décisionque la Cour rendrait en l'affaire o.
Lorsquela Cour conclut que la situation exigel'adoption de mesures de ce

genre, ilincombe à chaquepartie deprendre sérieusementenconsidération
les indications ainsi données etde ne pas fonder sa conduite uniquement
sur ce qu'ellecroit êtises droits. Il en va particulièrement ainsi dans une
situation de conflit armé où aucune réparationne peut effacer les consé-
quences d'un comportement que la Cour jugerait avoir été contraire au
droit international. 145 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

290. In the presentJudgment, the Court has found that the Respondent
has, by its activities in relation to the Applicant, violated a number of
principles of customary international law. TheCourt has however also to
recalla further principle of international law,one whichiscomplementary
to the principles of a prohibitive nature examined above, and respect for
which is essential in the world of today :the principle that the parties to
any dispute, particularly any dispute the continuance of which is likelyto
endanger themaintenance of international peace and security,should seek
a solution by peaceful means. Enshrined in Article 33 of the United

Nations Charter, which also indicates a number of peaceful means which
are available, this priqciple has also the status of customary law. In the
present case, the Court has already taken note, in its Order indicating
provisional measures and in itsJudgment onjurisdiction and admissibility
(I.C.J. Reports 1984, pp. 183-184,paras. 34ff., pp. 438-441,paras. 102ff.)
of the diplomatic negotiation known as the Contadora Process, which
appears to the Court to correspond closely to the spirit of the principle
which the Court has here recalled.

291. In its Order indicating provisional measures, the Court took note
of theContadora Process, and of the fact that it had been endorsed by the
United Nations Security Council and General Assembly (I.C.J. Reports
1984, pp. 183-184, para. 34). During that phase of the proceedings as
during thephasedevoted tojurisdiction and admissibility, both Nicaragua
and the United States have expressed full support for the Contadora
Process,and praised the results achievedsofar.Therefore,theCourt could
not but take cognizance of this effort, which merits full respect and con-

sideration asaunique contribution to thesolution of the difficult situation
in the region. The Court is aware that considerable progress has been
achieved on the main objective of the process, namely agreement on texts
relating to arms control and reduction, exclusion of foreign military bases
or military interference and withdrawal of foreign advisers, prevention of
arms traffic, stopping the support of groups aiming at the destabilization
of any of the Governments concerned, guarantee of human rights and
enforcement of democratic processes, as well as on CO-operationfor the
creation of a mechanism for the verification of the agreementsconcerned.
The work of the Contadora Group may facilitate the delicate and difficult
negotiations, in accord with the letter and spirit of the United Nations
Charter, that are now required. The Court recalls to both Parties to the
present casethe need toCO-operatewith the Contadora efforts in seekinga
definitive and lasting peace in Central America, in accordance with the
principle of customary international law that prescribes the peaceful set-
tlement of international disputes. 290. La Cour a constaté dans le présentarrêtque, par ses activités à
l'égarddu demandeur, le défendeur a violéplusieurs principes du droit

international couturnier. Elledoit cependant aussi rappeler un autre prin-
cipe du droit international - complémentaire desprincipes d'interdiction
examinés plushaut --et qu'il estindispensable de respecter dans lemonde
d'aujourd'hui :celui qui veut que les partiesàun différend, et en particu-
lier a un différenddont la persistance risquerait de mettre en danger le
maintien de la paix et de la sécurité internationales,s'efforcent d'y trou-
ver une solution par des moyens pacifiques. Consacrépar l'article 33 de
la Charte des Nations Unies, qui indique d'autre part plusieurs moyens
pacifiques auxquels il est possible de faire appel, ce principe a également
le caractère d'une regle de droit international coutumier. En la présente
affaire, la Cour a déjàpris acte, dans son ordonnance en indication de

mesures conservatoires et dans son arrêtsur la compétence etla recevabi-
lité(C.I.J. Recueil 1984, p. 183-184,par. 34 et suiv., p. 438-441, par. 102
et suiv.), des négociationsdiplomatiques, dites négociationsde Conta-
dora, qui lui paraissent s'inspirer de très près du principe qu'elle vient
de raAonler.
291. Dans son ordonnance en indication de mesures conservatoires, la
Cour a fait mention des négociationsde Contadora et du fait qu'ellesont
étéappuyéep sar leConseil de sécuritéetl'Assemblée générad leesNations
Unies (C.I.J. Recueil1984, p. 183-184, par. 34). Durant la phase relative
aux mesures conservatoires comme dans celle sur la compétence et la
recevabilité,leNicaragua et les Etats-Unis ont exprimé toutleur soutien a

ces négociationset ont fait l'élogedesrésultatsobtenus jusqu'ici. LaCour
ne peut donc que prendre acte de cet effort très respectable et digne de
considérationen tarit que contribution exceptionnelle au règlementde la
situation difficile que connaît la région. LaCour sait que des progrès
considérablesont été réalisésen ce qui concerne l'objectif principal des
négociations,qui est de s'entendre sur des textes relatifs au contrôle àtla
réduction des armements, a l'exclusion des bases militaires ou des ingé-
rences militaires étrangères,au retrait des conseillers étrangers,a la pré-
vention du trafic d'armes, àl'arrêtdu soutien aux groupes qui cherchent à
déstabiliserl'un quelconque des gouvernements concernés, à la garantie
desdroits de l'hommeet àl'application desprocessus démocratiques,ainsi

que sur la coopération pour créer un mécanismedestiné à contrôler la
bonne application 'desaccords. Les travaux du groupe de Contadora
peuvent faciliter les négociations délicateet ardues, s'inspirant de l'esprit
et de la lettre de la Charte des Nations Unies, qui sont à présentnéces-
saires. LaCour rappelleaux deux Parties à laprésenteinstancelanécessité
de coopéreravec les efforts de Contadora pour rechercher une paix défi-
nitiveet durable en Amériquecentrale,conformémentau principe de droit
international couturnier qui prescrit le règlementpacifique des différends
internationaux.146 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

292. For these reasons,

(1) By eleven votes to four,

Decides that in adjudicatingthe dispute brought before it by the Appli-
cation filed by the Republic of Nicaragua on 9 April 1984,the Court is
required to apply the"multilateral treaty reservation" contained inproviso
(c)to the declaration of acceptance ofjurisdiction made under Article 36,
paragraph 2, of the Statute of the Court by the Government of the United
States of America deposited on 26 August 1946 ;

IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-President de Lacharrière ;
Judges Lachs,Oda,Ago,Schwebel,SirRobert Jennings,Mbaye, Bedjaoui
and Evensen ;Judge ad hoc Colliard ;
AGAINST :Judges Ruda, Elias,Sette-Camara and Ni.

(2) By twelve votes to three,
Rejects the justification of collective self-defence maintained by the

United States of America inconnection with the military and paramilitary
activities in and against Nicaragua the subject of this case ;

IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-President de Lacharrière ;
Judges Lachs,Ruda, Elias,Ago,Sette-Camara,Mbaye, Bedjaoui,Ni and
Evensen ;Judge ad hoc Colliard ;

AGAINST : Judges Oda, Schwebeland Sir Robert Jennings.
(3) By twelve votes to three,

Decides that the United States of America, by training, arming, equip-
ping, financing and supplying the contra forces or otherwiseencouraging,
supporting and aiding military and paramilitary activities in and against
Nicaragua, has acted, against the Republic of Nicaragua, in breach of its

obligation under customary international lawnot to intervene in the affairs
of another State ;
IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-President de Lacharrière ;
Judges Lachs,Ruda, Elias, Ago,Sette-Camara,Mbaye, Bedjaoui,Ni and
Evensen ;Judge ad hoc Colliard ;
AGAINST :Judges Oda, Schwebeland Sir Robert Jennings.

(4) By twelve votes to three,

Decides that the United States of America, by certain attacks on Nica-
raguan territory in 1983-1984, namely attacks on Puerto Sandino on
13Septemberand 14October 1983 ; an attack on Corinto on 10October
1983 ;an attack on Potosi Naval Baseon 4/5 January 1984 ; an attack on
San Juan del Sur on 7 March 1984 ; attacks on patrol boats at Puerto
Sandino on 28and 30March 1984 ;and an attack on SanJuan delNorteon

9 April 1984 ; and further by those acts of intervention referred to in
subparagraph (3) hereof which involve the use of force, has acted, against 292. Par ces motifs,

1) Par onze voix contre quatre,
Décide que, pour statuer sur le différenddont la Républiquedu Nica-
ragua l'asaisiepar s;arequêtedu 9avril 1984,la Cour est tenued'appliquer
la réserve relative auxtraités multilatéraux»constituant la réserve c) de
la déclaration d'acccrptationdejuridiction faite par le Gouvernement des
Etats-Unis d'Amérique conformément a l'article 36, paragraphe 2, du

Statut. et déposéepar lui le 26 août 1946 :
POUR : M. NagenclraSingh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Oda, Ago, Schwebel,sir Robert Jennings, MM. Mbaye,
Bedjaouiet Evensen, juges ; M. Colliard, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Ruda, Elias,sette-~am&a et Ni, juges.

2) Par douze voix contre trois,

Rejette la justification de légitimedéfensecollective avancéepar les
Etats-Unis d'Amérique relativementaux activités militaires et paramili-
taires au Nicaragua et contre celui-ci qui font l'objet de la présente
instance ;
POUR :M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ;M. Colliard,juge ad hoc ;

CONTRE : MM. Oda, Schwebelet sir Robert Jennings, juges.
3) Par douze voix contre trois,

Décide que les Etats-Unis d'Amérique,enentraînant, armant, équipant,
finançant et approvisionnant les forces contras, et en encourageant,
appuyant et assistant de toute autre manière des activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci. ont, à l'encontre de la
Républiquedu Nicaragua, violél'obligationque leur impose le droit inter-

national coutumier tle ne pas intervenir dans les affaires d'un autre Etat ;
POUR :M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ;M. Colliard, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Oda, Schwebel etsir Robert Jennings, juges.

4) Par douze voix contre trois,

Décide que lesEtaits-Unisd'Amérique,par certaines attaques effectuées
en territoire nicaraguayen en 1983-1984,contre PuertoSandino les 13sep-
tembre et 14octobre 1983,contreCorint0 le 10octobre 1983,contrela base
navale de Potosi les 4-5janvier 1984,contre San Juan del Sur le 7 mars
1984,contre des navires de patrouille à Puerto Sandino les 28 et 30 mars
1984et contre San .luan del Norte le 9 avril 1984,ainsi que par les actes
d'intervention impliquant l'emploi de la force visésau sous-paragraphe 3
ci-dessus, ont, à l'encontre de la Républiquedu Nicaragua, violél'obliga-the Republic of Nicaragua, in breach of its obligation under customary

international law not to use force against another State ;
IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-President de Lacharrière ;
Judges Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Carnara,Mbaye, Bedjaoui,Ni and

Evensen ;Judge ad hoc Colliard ;
AGAINST :Judges Oda, Schwebeland Sir Robert Jennings.

(5) By twelve votes to three,

Decides that the United States of America, by directing or authorizing
overflights of Nicaraguan territory, and by the acts imputable to the
United States referred to in subparagraph (4) hereof, has acted, against the
Republic of Nicaragua, in breach of its obligation under customary inter-
national law not to violate the sovereignty of another State ;

IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-President de Lacharrière ;
Judges Lachs, Ruda, Elias,Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni and
Evensen ;Judge ad hoc Colliard ;

AGAINST :Judges Oda, Schwebeland Sir Robert Jennings.

(6) By twelve votes to three,

Decides that, by laying mines in the interna1 or territorial waters of the
Republic of Nicaragua during the first months of 1984,the United States
of America has acted, against the Republic of Nicaragua, in breach of its
obligations under customary international law not to use force against
another State, not to intervene in its affairs, not to violate its sovereignty

and not to interrupt peaceful maritime commerce ;

IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-President de Lacharrière ;

Judges Lachs, Ruda, Elias,Ago, Sette-Carnara, Mbaye, Bedjaoui,Ni and
Evensen ;Judge ad hoc Colliard ;
AGAINST :Judges Oda, Schwebeland Sir Robert Jennings.

(7) By fourteen votes to one,

Decides that, by the acts referred to in subparagraph (6) hereof, the
United States of America has acted, against the Republic of Nicaragua, in
breach of its obligations under Article XIX of the Treaty of Friendship,
Commerce and Navigation between the United States of America and the

Republic of Nicaragua signed at Managua on 21 January 1956 ;
IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-President de Lacharrière ;
Judges Lachs, Ruda, Elias,Oda, Ago, Sette-Carnara,Sir Robert Jennings,
Mbaye, Bedjaoui,Ni and Evensen ;Judge ad hoc Colliard ;

AGAINST : Judge Schwebel.

(8) By fourteen votes to one,
Decides that the United States of America, by failing to make known the

existence and location of the mines laid by it, referred to in subparagraphtion que leurimpose ledroit internationalcoutumier de nepas recourir àla
force contre un autre Etat ;
POUR :M. Nagend~raSingh, Président ; M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Rulda,Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ; ILIColliard, juge ad hoc ;

CONTRE : MM. Oda, Schwebel etsir Robert Jennings, juges.
5) Par douze voix contre trois,

Décide que les Etats-Unis d'Amérique,en ordonnant ouenautorisant le
survol du territoire nicaraguayen, ainsi que par les actes qui leur sont
imputables et qui sont visésau sous-paragraphe 4 ci-dessus, ont, à l'en-
contre de la Républiquedu Nicaragua, violél'obligationque leurimpose le

droit international coutumier de ne pas porter atteinte à la souveraineté
d'un autre Etat ;
POUR :M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ; !M.Colliard,juge ad hoc ;

CONTRE : MM.Oda, Schwebelet sir Robert Jennings, juges.
6) Par douze voir; contre trois,

Décide que, en posant desmines dans leseauxintérieuresou territoriales
de la Républiquedu Nicaragua au cours des premiers mois de 1984,les
Etats-Unis d'Amériqueont, à l'encontre de la Républiquedu Nicaragua,
violélesobligations 'queleur impose ledroit internationalcoutumier de ne

pas recourir à la forirecontre un autre Etat, de ne pas intervenir dans ses
affaires, de nepas porter atteinte asasouverainetéet de nepas interrompre
le commerce maritime pacifique ;
POUR :M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ; M. Colliard,juge ad hoc ;

CONTRE : MM. Odi~,Schwebel etsir Robert Jennings, juges.
7) Par quatorze voix contre une,

Décide que, par lesactes visésau sous-paragraphe 6 ci-dessus, les Etats-
Unis d'Amérique ont, à l'encontre de la Républiquedu Nicaragua, violé
leurs obligations découlant de l'article XIX du traité d'amitié,de com-
merce et de navigation entre la Républiquedu Nicaraguaet les Etats-Unis

d'Amériquesigné à Managua le 21 janvier 1956 ;
POUR :M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Oda, Ago, Sette-Camara,sir Robert Jennings,
MM. Mbaye, Bedjaoui,Ni et Evensen, juges ;M. Colliard, juge ad hoc ;
CONTRE : M. Schwirbel juge.

8) Par quatorze voix contre une,

Décide que les Etats-Unis d'Amérique,en ne signalant pas l'existence
et l'emplacement des mines poséespar eux comme indiqué au sous-para-(6) hereof, has acted in breach of its obligations under customary inter-
national law in this respect ;
IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-President de Lacharrière ;
Judges Lachs,Ruda, Elias,Ago,Sette-Camara,Schwebel, SirRobert Jen-
nings,Mbaye, Bedjaoui,Ni and Evensen ;Judge ad hoc Colliard ;

AGAINST :Judge Oda.

(9) By fourteen votes to one,
Finds that the United States of America, byproducing in 1983a manual

entitled Operaciones sicolbgicas en guerra de guerrillas, and dissemi-
nating it to contra forces, has encouraged the commission by them of acts
contrary to general principles of humanitarian law ; but does not find a
basis for concluding that any such acts which may have been committed
are imputable to the United States of America as acts of the United States
of America ;

IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-President de Lachamère ;
Judges Lachs,Ruda, Elias,Ago,Sette-Camara,Schwebel,SirRobert Jen-
nings, Mbaye, Bedjaoui,Ni and Evensen ;Judge ad hoc Colliard ;

AGAINST :Judge Oda.

(10) By twelve votes to three,
Decides that the United States of America, by theattacks on Nicaraguan
territory referred to in subparagraph(4) hereof, and by declaringa general

embargo on trade with Nicaragua on 1 May 1985, has committed acts
calculated to deprive of its object and purpose the Treaty of Friendship,
Commerce and Navigation between the Parties signed at Managua on
2 1January 1956 ;

IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-President de Lacharrière ;
Judges Lachs,Ruda, Elias,Ago,Sette-Camara,Mbaye, Bedjaoui,Ni and
Evensen ;Judge ad hoc Colliard ;
AGAINST :Judges Oda, Schwebeland Sir Robert Jennings.

(11) By twelve votes to three,

Decides that the United States of America, by theattacks on Nicaraguan
territory referred to in subparagraph (4) hereof, and by declaringa general
embargo on trade with Nicaragua on 1May 1985,hasacted inbreach of its
obligations under Article XIX of the Treaty of Friendship, Commerce and
Navigation between the Parties signed at Managua on 21 January
1956 ;

IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-President de Lacharrière ;
Judges Lachs,Ruda, Elias,Ago,Sette-Camara,Mbaye, Bedjaoui,Ni and
Evensen ;Judge ad hoc Colliard ;
AGAINST :Judges Oda, Schwebeland Sir Robert Jennings.graphe 6 ci-dessus, ont violé lesobligations que le droit international
coutumier leur impose à ce sujet ;
POUR :M. Nagendra Singh, Président ; M. de Lacharrière, Vice-Présiden t
MM. Lachs, R.uda, Elias, Ago, Sette-Camara, Schwebel, sir Robert
Jennings, MM. Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen, juges ; M. Colliard,
juge ad hoc ;

CONTRE : M. Oda, juge.

9) Par quatorze .voixcontre une,
Dit que les Etats.-Unis d'Amérique,en produisant en 1983un manuel
intitulé Operacione>isicolbgicas en guerra de guerrillas et en le répandant

parmi les forces contras, ont encouragé celles-ci à commettre des actes
contraires aux pnniripes générauxdu droit humanitaire ; mais ne trouve
pas d'éléments quliui permettent de conclure que les actes de cette nature
qui ont pu être comimisseraient imputablesauxEtats-Unis d'Amériqueen
tant que faits de ces derniers ;

POUR :M. Nagendra Singh, Président ; M. de Lacharrière, Vice-Présiden t
MM. Lachs, R.uda, Elias, Ago, Sette-Camara, Schwebel, sir Robert
Jennings, MM. Mbaye, Bedjaoui,Ni et Evensen, juges ; M. Colliard,
juge ad hoc ;
CONTRE : M. Oda, juge.

10) Par douze voix contre trois,

Décide que les Etats-Unis d'Amérique,par les attaques contre le terri-
toire du Nicaragua viséesau sous-paragraphe 4 ci-dessus et par l'embargo
généralsur le commerce avec le Nicaragua qu'ils ont imposéle ler mai
1985,ont commisdes actes denature à priver de son but et de son objet le

traité d'amitié,de commerce et de navigation entre les Parties signé à
Managua le 21janvier 1956 ;
POUR :M. Nagentira Singh, Président ; M. de Lacharrière, Vice-Présiden t
MM. Lachs,Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ; M. Colliard, juge ad hoc ;

CONTRE : MM. Ocla,Schwebelet sir Robert Jennings, juges.

11) Par douze voix contre trois,
Décide que les Etats-Unis d'Amérique,par les attaquescontre le tern-
toire du Nicaragua viséesau sous-paragraphe 4ci-dessus et par l'embargo

généralsur le comrnerce avec le Nicaragua qu'ils ont imposéle ler mai
1985, ont violé leurs obligations découlant de l'article XIX du traité
d'amitié,decommerce et de navigation entre lesParties signé à Managuale
21janvier 1956 ;
POUR :M. Nagentira Singh, Président ;M. de Lacharnère, Vice-Présiden t

MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni et
Evensen, juges ; M. Colliard, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Ocla,Schwebelet sir Robert Jennings, juges. (12) By twelve votes to three,

Decides thattheUnited States of America isunder a duty immediately to
cease and to refrain from al1such acts as may constitute breaches of the

foregoing legal obligations ;
IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-Presidentde Lacharrière;

JudgesLachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni and
Evensen ;Judgead hoc Colliard ;
AGAINST : JudgesOda, Schwebeland Sir Robert Jennings.

(13) By twelve votes to three,
Decides thattheUnitedStates of America isunder an obligation to make

reparation to the Republic of Nicaragua for al1injury caused to Nicaragua
by the breaches of obligations under customary international law enumer-
ated above ;

IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-Presidentde Lacharrière;
JudgesLachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui,Ni and
Evensen ;Judgead hoc Colliard ;

AGAINST : JudgesOda, Schwebeland Sir Robert Jennings.

(14) By fourteen votes to one,

Decides thatthe United States of America isunder an obligation to make
reparation to the Republic of Nicaragua for al1injury caused to Nicaragua
by the breaches of the Treaty of Friendship, Commerce and Navigation

between the Parties signed at Managua on 21 January 1956 ;
IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-Presidentde Lacharnère;

JudgesLachs, Ruda, Elias,Oda, Ago, Sette-Camara,Sir Robert Jennings,
Mbaye, Bedjaoui,Ni and Evensen ; Judgead hoc Colliard ;
AGAINST : JudgeSchwebel.

(15) By fourteen votes to one,
Decides that theform and amount of such reparation, failing agreement

between the Parties, will be settled by the Court, and reserves for this
purpose the subsequent procedure in the case ;

IN FAVOUR : President Nagendra Singh ; Vice-Presidentde Lacharrière ;
JudgesLachs, Ruda, Elias,Oda, Ago, Sette-Camara,Sir Robert Jennings,
Mbaye, Bedjaoui,Ni and Evensen ; Judgead hoc Colliard ;

AGAINST : JudgeSchwebel.

(16) Unanimously,

Recallsto both Partiestheirobligation to seek a solution to theirdisputes
by peaceful means in accordance with international law. 12) Par douze voix contre trois,

Décide que les Et.ats-Unis d'Amériqueont l'obligation de mettre immé-
diatement fin et d,e renoncer à tout acte constituant ilne violation des
obligationsjuridiques susmentionnées ;

POUR : M. Nagen(draSingh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui, Ni et
Evensen, juges ; M. Colliard,juge ad hoc ;

CONTRE : MM. Otla, Schwebelet sir Robert Jennings,juges.

13) Par douze voix contre trois,

Décide que les Etats-Unis d'Amérique sont tenus envers la République
du Nicaragua de l'obligation de réparertout préjudicecauséà celle-ci par
la violation des obligations imposées par le droit international coutumier
qui sont énumérées ci-dessus ;

POUR : M. Nagen,draSingh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui, Niet

Evensen, juges ; M. Colliard,juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Otla, Schwebelet sir Robert Jennings,juges.

14) Par quatorze voix contre une,

Décide que les E.tats-Unis d'Amériquesont tenus envers la République

du Nicaragua de l'obligation de réparer tout préjudicecauséàcelle-ci par
les violations du traité d'amitié,de commerce et de navigation entre les
Parties signé à Managua le 21 janvier 1956 ;

POUR : M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Riida, Elias,Oda, Ago, Sette-Camara, sir Robert Jennings,
MM. Mbaye, Bedjaoui,Ni et Evensen,juges ; M. Colliard,juge ad hoc ;

CONTRE : M. Schwebel,juge.

15) Par quatorze voix contre une,

Décide que les formes et le montant de cetteréparation seront réglés par
la Cour, au cas où les Parties ne pourraient se mettre d'accord àce sujet, et
réserveà cet effet la suite de la procédure ;

POUR : M. Nagendra Singh, Président ;M. de Lacharrière, Vice-Président ;
MM. Lachs, Riida, Elias, Oda, Ago, Sette-Carnara, sir Robert Jennings,

MM. Mbaye, Bedjaoui, Niet Evensen,juges ; M. Colliard,juge ad hoc ;
CONTRE : M. Schwebel,juge.

16) A l'unanimité,

Rappelle aux deux Parties l'obligation qui leur incombe de rechercher

une solution de leursdifférends par des moyens pacifiques conformément
au droit international. Done in English and in French, the English text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this twenty-seventh day of June, one thou-
sand nine hundred and eighty-six, in three copies, one of which will be
placed in the archivesof the Courtand the others willbe transrnitted to the
Government of the Republic of Nicaragua and to the Government of the
United States of America, respectively.

(Signed)NAGENDRA SINGH,
President.

(Signed) Santiago TORRESBERNARDEZ,
Registrar.

President NAGENDRA SINGH,Judges LACHSR , UDA,ELIASA , GO,SETTE-
CAMARA and NI append separate opinions to the Judgment of the
Court.

Judges ODA,SCHWEBEaL nd Sir Robert JENNINGS append dissenting
opinions to the Judgment of the Court.

(Initialled)N.S.
(Initialled)S.T.B. ACTIV~~ÉSMILITAIRES ET PARAMILITAIR(ARR~~T) 150

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au palais de la
Paix, a La Haye, le vingt-septjuin mil neuf cent quatre-vingt-six, en trois
exemplaires, dont l'un restera déposéaux archives de la Cour et dont les
autres seront transmusrespectivement au Gouvernement de la République
du Nicaragua et au Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique.

Le Président,
(Signé)NAGENDRA SINGH.

Le Greffier,
(Signé)Santiago TORRES BERNARDEZ.

M. NAGENDRS AINGH,Président, etMM. LACHS,RUDA,ELIAS,AGO,
SETTE-CAMAR etANI, juges, joignent l'arrêtl'exposéde leur opinion
individuelle.

MM. ODAet SCH~WEBe Etsir Robert JENNINGSj,ges,joignenà l'arrêt
l'exposéde leur opinion dissidente.

(Paraphé)N.S.

(Paraphé)S.T.B.

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Arrêt du 27 juin 1986

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