Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Mahiou

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103-20120619-JUD-01-04-EN
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103-20120619-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AD HOC MAHIOU

Principes régissant la réparation d’un préjudice résultan▯t d’un acte illicite d’un
Etat — Réparation du préjudice immatériel ou moral, du préjudice a▯ux biens per ‑
sonnels et d’autres préjudices matériels (revenus professionne▯ls et pertes de
gains) — Fixation du montant des indemnités dues par la RDC à la Guinée▯ au
profit de M. Diallo — Délai pour le paiement assorti d’un taux d’intérêt en ca▯s de
non‑paiement — Frais de procédure.

1. A la suite de l’arrêt du 30 novembre 2010, la Cour avait demandé
aux Parties de négocier un accord sur le montant de l’indemnisatiogn, en
fixant un délai de six mois à compter du prononcé de l’arrêgt pour y par -
venir. Apparemment, il n’y a pas eu réellement de négociations, sans

doute en raison de divergences trop grandes entre les deux Parties sur lge
montant de l’indemnisation. Elles se renvoient mutuellement la respon -
sabilité de cet échec, comme cela ressort de leurs mémoires resgpectifs.
Devant cet échec, il revient donc à la Cour de se prononcer sur le
bien-fondé des positions en présence en vue de déterminer le montantg de

l’indemnisation due par la République démocratique du Congo (cgi-après
la «RDC») à la République de Guinée (ci-après la « Guinée»).
2. Notons que la Cour a rarement eu l’occasion de se prononcer sur la
question des indemnisations et notamment sur la fixation de leur

montant. Certes, elle avait déjà dégagé les principes devant régirg la répa -
ration d’un dommage résultant d’un acte illicite d’un Etat dgans la célèbre
affaire de l’Usine de Chorzów, mais elle n’a eu à les mettre en œuvre effec -
tivement que dans une seule affaire, celle de l’affaire du Détroit de Corfou,
en vue de fixer le montant de l’indemnisation due par l’Albanie pougr

les dommages matériels et humains causés par des mines à la marine
britannique.
3. Les principes gouvernant l’indemnisation pour les dommages résul -
tant d’actes internationaux illicites sont, pour la plupart d’entre eux, assez
bien établis en droit international, en raison des règles découglant tant des

conventions internationales que de la jurisprudence de différents tgribu -
naux internationaux (Cour permanente de Justice internationale et Cour g
internationale de Justice, tribunaux arbitraux et surtout cours régiognales
des droits de l’homme), ainsi que du projet d’articles de la Commgis -

sion du droit international (la « CDI») sur la responsabilité des Etats,
des travaux de la Commission internationale des droits de l’homme et,
enfin, des travaux doctrinaux. Le point qui doit nous préoccuper est de
savoir dans quelle mesure ces principes sont susceptibles de s’appliqguer
dans l’affaire soumise à notre examen et sur quelles bases déterminer

l’indemnisation.

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6 CIJ1032.indb 148 26/11/13 09:37 397 ahmadou sadio diallo (ogp. ind. mahiou)

4. En fait, le contenu des délibérations sur l’indemnisation étgait déjà

très largement prédéterminé par l’arrêt précité du 30 novembre 2010 par
lequel la Cour avait décidé que, pour avoir violé certaines dispositions du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Charte afri -
caine des droits de l’homme et des peuples et de la convention sur legs
relations consulaires, la RDC était tenue de réparer les préjudgices qui en

découlaient. Notons d’emblée que la Cour a exclu la réparatigon en nature
qui est logiquement le principe de base pour la réparation du préjgudice,
depuis le célèbre dictum énoncé par la Cour permanente de Justice inter -
nationale dans l’affaire relative à l’Usine de Chorzów :

«la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conség -
quences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblable -

ment existé sioledit acte n’avait pas été comois » (Usine de Chorzów,
fond, arrêt n 13, 1928, C.P.J.I. série A n 17, p. 47).

5. Etant donné que la Guinée ne demande pas la restitution en nature
et que, au demeurant et en l’espèce, celle-ci n’est plus possible, le présent
arrêt a pour objet de se prononcer sur le paiement d’une somme corres -
pondant à la valeur qu’aurait la restitution en nature en se basangt sur

les conditions également énoncées dans la même affaire de l’gUsine
de Chorzów, c’est-à-dire en envisageant l’« allocation, s’il y a lieu, de
dommages‑intérêts pour les pertes subies et qui ne seraient pas co▯uvertes par
la restitution en nature ou le paiement qui en prend la place» (ibid.) puisque
«tels sont les principes desquels doit s’inspirer la détermination ▯du montant

de l’indemnité due à cause d’un fait contraire au droit inte▯rnational » (ibid.)
(les italiques sont de moi). Cette solution qui fait partie du droit ignter-
national général a été reprise au premier paragraphe de l’article 36 des
articles de la CDI de 2001, aux termes duquel « [l]’Etat responsable du
fait internationalement illicite est tenu d’indemniser le dommage cau▯sé par

ce fait dans la mesure où ce dommage n’est pas réparé par la▯ restitution »
(les italiques sont de moi). On sait également que, dans le contextge plus
précis de la violation des droits de l’homme, les textes et la pragtique font
peser sur l’Etat fautif l’obligation d’indemniser intégralemgent la personne
lésée.

6. Comment faire en sorte que l’indemnisation aboutisse à la réparga -
tion intégrale? La Cour a tenu compte des informations et de la pratique
des différentes juridictions précitées ou d’autres organesg qui se sont pen -
chés sur le problème. Deux juridictions ont joué un rôle particulièrement
important pour préciser les contours de l’indemnisation : la Cour euro -

péenne des droits de l’homme et la Cour interaméricaine des droits de
l’homme. Leur jurisprudence a fourni une grille de lecture et une source
d’inspiration pour la Cour, même si naturellement celle-ci n’est pas liée
par les décisions de ces deux cours régionales et que par ailleursg le contexte
de la protection diplomatique confère un caractère particulier àg la pré -

sente affaire. Il n’est pas inutile de rappeler que, selon le princgipe 20 de la

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6 CIJ1032.indb 150 26/11/13 09:37 398 ahmadou sadio diallo (ogp. ind. mahiou)

résolution 60/147 adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le
16 décembre 2005 sur les principes fondamentaux et directives concernant

le droit à réparation des victimes de violations flagrantes du dgroit interna -
tional des droits de l’homme,

«une indemnisation devrait être accordée pour tout dommage résul -
tant de violations flagrantes du droit international des droits de
l’homme … qui se prête à une évaluation économique, selon qu’il
convient et de manière proportionnée à la gravité de la violgation et
aux circonstances de chaque cas ».

7. Il ressort de la pratique internationale que l’on établit un plancgher et
un plafond entre lesquels doit se situer l’indemnité, de façon gà créer un

équilibre entre deux considérations :
— d’une part, garantir que l’indemnité efface toutes les conségquences de

l’acte internationalement illicite ;
— d’autre part, éviter que l’indemnité ne soit excessive ou neg comporte
un caractère punitif.

8. Encore faut-il savoir quels sont exactement les dommages à indem -
niser et quel montant de l’indemnisation est de nature à réparegr intégrale -
ment le préjudice subi. C’est sur ce point que l’arrêt se prgononce, en
retenant, à mon avis, une interprétation particulièrement restrgictive des

dommages indemnisables qui ne me permet pas d’adhérer pleinement àg la
solution retenue. Il convient, d’abord, de distinguer entre les dommagges
subis par l’Etat guinéen et ceux subis par son ressortissant, M. Diallo.
Comme l’affaire concerne les droits de l’homme et plus précisgément les
droits individuels de la victime, je commencerai naturellement par les

dommages subis par M. Diallo puisque celui-ci est au cœur du problème
dans cette affaire de protection diplomatique. Dans cette perspective, la
Cour distingue deux types de préjudice en vue de se prononcer sur leugr
indemnisation: le préjudice immatériel, ou dommage moral, et le préju -
dice matériel, qu’elle décompose en un certain nombre de chefs gd’indem-

nisation en fonction des demandes de la Guinée.

I. L’indemnisation du dgommage immatériel
ou préjudice moral

9. La Cour a dûment constaté un certain nombre de faits, notamment

une première détention arbitraire en 1988 qu’elle n’a pas regtenue pour
invocation tardive par la Guinée, et surtout une détention arbitragire de
près de deux mois et demi sans aucune information sur les raisons de g
celle-ci, sans aucune communication possible avec les autorités guinéennges
et sans savoir ce que réservait la suite de la procédure. Il est égvident

que, outre le désagrément d’être soumis à des conditions de dégtention
aussi désobligeantes que pénibles et désagréables, une telle situation

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6 CIJ1032.indb 152 26/11/13 09:37 399 ahmadou sadio diallo (ogp. ind. mahiou)

engendre une situation d’inquiétude ou d’angoisse d’autant plus intense
et stressante pour le détenu qu’il est dans l’incertitude la plus gtotale

sur son sort.
10. Dans le cas d’espèce, le dommage moral découle du comportement g
des autorités congolaises, qui ont harcelé M. Diallo à partir du moment
où il a tenté de recouvrer les créances que lui devaient un certain ngombre
d’organismes publics ou d’entreprises publiques. Non seulement il ga été

détenu, mais on a cherché à le disqualifier et à le déstabgiliser en tant
qu’homme d’affaires, en s’efforçant par divers moyens deg porter atteinte à
sa réputation et à son honneur, notamment en l’accusant d’avgoir soudoyé
des agents de l’Etat et des juges, et sans lui permettre de se défgendre
contre de telles allégations dépourvues de tout élément de pgreuve. Au
demeurant, les juges congolais eux-mêmes n’ont pas donné suite à ces

accusations, mais leur formulation et la publicité dont elles ont égté l’objet
ont eu des conséquences très gravement préjudiciables sur les agctivités de
l’accusé et sur l’avenir de sa présence au Zaïre (actuelglement République
démocratique du Congo).
11. Il convient de rappeler ici le contexte de l’époque de ces faits ogù il

y avait un régime autoritaire de parti unique, avec une presse entièrement
contrôlée par l’Etat qui pouvait lancer ou colporter toutes sorgtes d’accu -
sations, sans que la personne mise en cause soit en mesure d’avoir qugelque
moyen de défense afin de répondre pour démentir ou contester lesg faits
qui lui étaient reprochés. Cela avait pour objectif de discrédigter M. Diallo

auprès de personnes influentes nationales et internationales, parceg que
l’intéressé avait progressivement tissé un important résegau de relations en
vue de faire fructifier les activités des deux sociétés qu’il dirigeait. On sait
que, de manière générale, les relations personnelles jouent un rôle consi -
dérable pour mener à bien une activité commerciale et la maintegnir, et
cela est a fortiori encore plus vrai en Afrique et dans l’ex-Zaïre, compte

tenu de l’importance des rapports humains dans la société africgaine
et des caractéristiques du système politique prévalant alors dans ce
pays.
12. Les démêlés avec les autorités congolaises ont créé unge situation
préjudiciable qui doit donner lieu à une indemnisation adéquateg. Certes,

il n’est pas toujours aisé d’en déterminer le montant, dans gla mesure où
l’on est en présence d’une situation où les éléments sgubjectifs prédominent
sur les critères objectifs. Bien que la pratique internationale et notamment
jurisprudentielle fournisse des bases de comparaison avec des variationsg
importantes, c’est à juste titre que la Cour se réfère essentiellement à

l’équité afin de parvenir à une indemnisation juste et raisongnable.

13. Non seulement les actes illicites des autorités congolaises ont étgé
une source de souffrances physiques et psychologiques, de contrariété,
d’humiliation et de déshonneur pendant les périodes de détengtion, mais
ces souffrances se sont prolongées bien au-delà et elles perdurent encore

plus de dix-sept ans après les événements qui les ont déclenchées. En fait,
c’est toute une vie qui a été ruinée par les conséquences des deux incarcé -

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6 CIJ1032.indb 154 26/11/13 09:37 400 ahmadou sadio diallo (ogp. ind. mahiou)

rations arbitraires suivies d’une expulsion brutale d’un pays oùg la victime
a résidé pendant trente-deux ans, au point que M. Diallo l’a considéré

comme sa seconde patrie. Sur ce point, je souscris à la démarche dge la
Cour tout en estimant par ailleurs que, même si les sommes d’argengt ne
parviennent qu’imparfaitement à réparer des préjudices moraugx, il aurait
sans doute été plus équitable de fixer un montant plus élevé que celui de
85 000 dollars des Etats-Unis. Cependant, cette réticence ne m’empêche

pas d’être en accord avec la décision finale de la Cour.

II. L’indemnisation concegrnant les biens persongnels

14. Pour l’indemnisation concernant les biens personnels, la Cour s’esgt

trouvée embarrassée pour se prononcer sur l’ampleur et la régalité du pré -
judice subi par M. Diallo parce que les éléments de preuve fournis par la
Partie demanderesse sont bien loin d’être concluants pour ce qui cgoncerne
l’ameublement de l’appartement, et sont même absents pour ce qugi
concerne la liste d’objets de grande valeur et le contenu des comptesg en

banque.
15. S’agissant du mobilier de l’appartement, il y a certes un inventaigre,
mais il est approximatif et surtout il est difficile de savoir ce qui ag pu se
passer entre l’arrestation de M. Diallo et le moment où l’inventaire a été
établi, car des biens pourraient avoir été subtilisés pendangt cette période.

Il ne s’agit pas là simplement de pures spéculations, puisque Mg. Diallo
avait un standing de vie très élevé et entretenait des relationgs avec beau -
coup de personnalités du monde politique et des affaires, ce qui pegrmet de
conclure qu’il habitait un appartement confortable et bien meublé.g De ce
fait, lorsque le paragraphe 36 de l’arrêt fixe à 10000 dollars des Etats-Unis
le montant forfaitaire de l’indemnisation pour le préjudice concergnant

l’ameublement, il est permis de penser qu’il y a une sous-estimation du
montant du préjudice et que son évaluation en équité permettgait d’aller
au-delà de cette somme retenue par la Cour. Mais, là encore, je me sugis
finalement rallié à l’argumentation et à la décision de lag Cour
16. S’agissant des objets de grande valeur pour lesquels une indemnisa -

tion est réclamée, la Partie demanderesse n’a produit devant lag Cour
qu’une simple liste sans aucun élément de preuve pouvant étagyer leur
existence effective et leur évaluation. Cela ne signifie pas pour augtant que
ces objets n’ont pas existé parce que, comme indiqué précégdemment,
M. Diallo avait un standing de vie très élevé avant de connaîtrge les tour -

ments ayant entraîné non seulement la ruine de ses sociétés,g mais aussi et
surtout sa ruine personnelle ; il n’aurait donc pas été déraisonnable de
donner crédit à l’affirmation de la possession des biens mentigonnés dans
la liste. Aussi, tout en comprenant que, devant l’absence de toute prgeuve,
la Cour ne puisse se fonder sur la seule et simple affirmation de la Pagrtie
demanderesse, elle aurait pu ne pas rejeter purement et simplement la

demande; en effet, dans la mesure où sa décision est basée sur l’équité,
elle aurait pu allouer à titre symbolique une somme forfaitaire d’gun mon -

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6 CIJ1032.indb 156 26/11/13 09:37 401 ahmadou sadio diallo (ogp. ind. mahiou)

tant adéquat. La Cour n’a pas estimé devoir le faire et, tout egn exprimant
ma réserve, je n’ai pas voté contre la solution retenue.

III. Les pertes de revenusg professionnels
et de potentiel de gaigns

17. A propos de ce chef de réclamation, il est permis de regretter que lag
demande de la Guinée soit non seulement disproportionnée et manifeste -
ment excessive, mais, en outre, donne une interprétation de l’arrêgt de la
Cour de 2010 qui va au-delà de ce qu’il énonce en voulant réintégrer
des dommages concernant les pertes subies par les deux sociétés dirigéges
par M. Diallo alors que la Cour n’a pas retenu ces dommages et qu’elle a g

rejeté, par voie de conséquence, leur éventuelle indemnisation.g La Cour
ne peut alors, naturellement et logiquement, que tirer les conclusions
de son précédent arrêt en rejetant la demande d’indemnisation pgour tout
ce qui concerne les éventuels dommages concernant les sociétés gelles-
mêmes.

18. Il reste que, si les préjudices subis par les deux sociétés sont hors du
champ du présent débat, M. Diallo tirait des revenus professionnels au
titre d’employé de ces sociétés dont il était le gérangt. Or, le fait de l’avoir
détenu à deux reprises plus de deux mois pour l’expulser ensuitge l’a privé
de l’exercice de ses fonctions de gérant et des revenus auxquels igl avait

droit à ce titre. Il me semble qu’il aurait été logique et égquitable de prendre
en considération cette perte de revenus pour l’indemniser. En effget, un
gérant qui est en même temps associé est considéré comme gun travailleur
non salarié et, à ce titre, il perçoit une rémunération dgès lors qu’il exerce
effectivement ses fonctions. Cette solution prévaut même si l’associé est
majoritaire ou s’il est associé unique, comme dans le cas d’espgèce, car le

droit maintient la fiction d’une société privée à responsagbilité limitée
(SPRL), qui est le statut des deux sociétés gérées par M. Diallo. Bien que
la Guinée n’apporte pas de preuve sur le montant de la rémunération qui
s’attache aux fonctions de gérant des deux sociétés, il est possible de
déduire en équité un montant raisonnable au lieu de rejeter purgement et

simplement la demande comme le fait la Cour, et je ne peux donc adhérger
à une solution aussi tranchée pour une raison logique et de bon segns. En
effet, alors même que M. Diallo était détenu, il devait nécessairement
bénéficier de certains revenus, à un titre ou à un autre, ne gserait-ce que
pour pourvoir à diverses dépenses objectives comme le loyer de l’gapparte -

ment dont il disposait, les honoraires d’avocats plaidant sa cause, les frais
courants de la vie quotidienne, y compris son alimentation en prison
puisque les détenus n’étaient pas nourris, etc. Même si le montant de l’in -
demnisation réclamée par la Guinée est très manifestement digspropor -
tionné et s’il est malaisé d’évaluer le montant de ces regvenus, il était
loisible pour la Cour de prendre en compte les circonstances particuliègres

de l’espèce pour accorder une indemnisation appropriée, et il m’est donc
difficile de comprendre la solution radicale de rejet retenue dans le pgara -

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6 CIJ1032.indb 158 26/11/13 09:37 402 ahmadou sadio diallo (ogp. ind. mahiou)

graphe 46 de l’arrêt : c’est pourquoi, à mon grand regret, je ne puis sous -

crire à ce rejet pur et simple.

IV. Les frais de procédureg

19. Enfin, s’agissant des frais encourus pour l’assistance en justice, g
notons d’abord qu’avec ce chef d’indemnisation on quitte la sitguation
personnelle de M. Diallo pour passer à une autre situation impliquant
l’Etat guinéen. En effet, avec la mise en œuvre de la protectgion diploma -
tique, c’est l’Etat guinéen qui est demandeur dans la présengte affaire et

qui a engagé les frais adéquats pour défendre les droits et intgérêts de son
ressortissant.
20. Dans cette affaire, la Guinée a obtenu partiellement gain de cause g
sur la recevabilité de la requête avec l’arrêt du 24 mai 2007, qui a rejeté
l’exception d’irrecevabilité pour la protection des droits propres de

M. Diallo et accepté ladite exception pour la protection des droits des
sociétés dont il était le propriétaire et le responsable. Lag Guinée a égale -
ment et partiellement obtenu gain de cause sur les violations des droits
propres de M. Diallo avec l’arrêt du 30 novembre 2010. Elle a enfin
obtenu gain de cause, entièrement, sur le principe de l’indemnisatgion du

dommage moral et, partiellement, sur le principe de l’indemnisation dge
certains dommages matériels. Dans ces circonstances, pour une questiogn
à la fois de principe et d’équité, il me semble qu’il aurgait été raisonnable
d’accorder le remboursement d’un montant modeste des frais exposégs
dans cette troisième et dernière phase d’une procédure dont gla durée

totale avoisine quatorze années, puisqu’elle a commencé en décem -
bre 1998 pour s’achever en juin 2012. C’est donc pour cette raison de
principe et d’équité que je n’ai pas voté en faveur du digspositif de la Cour
sur ce point.

(Signé) Ahmed Mahiou.

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6 CIJ1032.indb 160 26/11/13 09:37

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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AD HOC MAHIOU

Principes régissant la réparation d’un préjudice résultan▯t d’un acte illicite d’un
Etat — Réparation du préjudice immatériel ou moral, du préjudice a▯ux biens per ‑
sonnels et d’autres préjudices matériels (revenus professionne▯ls et pertes de
gains) — Fixation du montant des indemnités dues par la RDC à la Guinée▯ au
profit de M. Diallo — Délai pour le paiement assorti d’un taux d’intérêt en ca▯s de
non‑paiement — Frais de procédure.

1. A la suite de l’arrêt du 30 novembre 2010, la Cour avait demandé
aux Parties de négocier un accord sur le montant de l’indemnisatiogn, en
fixant un délai de six mois à compter du prononcé de l’arrêgt pour y par -
venir. Apparemment, il n’y a pas eu réellement de négociations, sans

doute en raison de divergences trop grandes entre les deux Parties sur lge
montant de l’indemnisation. Elles se renvoient mutuellement la respon -
sabilité de cet échec, comme cela ressort de leurs mémoires resgpectifs.
Devant cet échec, il revient donc à la Cour de se prononcer sur le
bien-fondé des positions en présence en vue de déterminer le montantg de

l’indemnisation due par la République démocratique du Congo (cgi-après
la «RDC») à la République de Guinée (ci-après la « Guinée»).
2. Notons que la Cour a rarement eu l’occasion de se prononcer sur la
question des indemnisations et notamment sur la fixation de leur

montant. Certes, elle avait déjà dégagé les principes devant régirg la répa -
ration d’un dommage résultant d’un acte illicite d’un Etat dgans la célèbre
affaire de l’Usine de Chorzów, mais elle n’a eu à les mettre en œuvre effec -
tivement que dans une seule affaire, celle de l’affaire du Détroit de Corfou,
en vue de fixer le montant de l’indemnisation due par l’Albanie pougr

les dommages matériels et humains causés par des mines à la marine
britannique.
3. Les principes gouvernant l’indemnisation pour les dommages résul -
tant d’actes internationaux illicites sont, pour la plupart d’entre eux, assez
bien établis en droit international, en raison des règles découglant tant des

conventions internationales que de la jurisprudence de différents tgribu -
naux internationaux (Cour permanente de Justice internationale et Cour g
internationale de Justice, tribunaux arbitraux et surtout cours régiognales
des droits de l’homme), ainsi que du projet d’articles de la Commgis -

sion du droit international (la « CDI») sur la responsabilité des Etats,
des travaux de la Commission internationale des droits de l’homme et,
enfin, des travaux doctrinaux. Le point qui doit nous préoccuper est de
savoir dans quelle mesure ces principes sont susceptibles de s’appliqguer
dans l’affaire soumise à notre examen et sur quelles bases déterminer

l’indemnisation.

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6 CIJ1032.indb 148 26/11/13 09:37 396

SEPARATE OPINION OF JUDGE AD HOC MAHIOU

[Translation]

Principles governing reparation of an injury resulting from a wrongful a▯ct of a
State — Reparation for the non‑material or moral injury, the loss of personal pro ‑
perty and other material injury (professional remuneration and loss of ▯earnings) —
Determination of the amount of compensation due from the DRC to Guinea o▯n
behalf of Mr. Diallo — Time‑limit for payment and rate of interest payable in case

of non‑payment — Procedural costs

1. Following the Judgment of 30 November 2010, the Court asked the
Parties to negotiate an agreement on the amount of compensation, setting
a deadline of six months from the date of the Judgment for them to do so.

It would seem that there were no real negotiations, doubtless because thge
differences between the two Parties on the amount of the compensation g
were too great. They blame one another for this failure, as can be seen
from their written submissions. In light of this failure, it is thus forg the

Court to rule on the Parties’ claims in order to determine the amountg of
compensation owed by the Democratic Republic of the Congo (“the
DRC”) to the Republic of Guinea (“Guinea”).

2. It should be noted that the Court has seldom had occasion to rule
on the issue of compensation, and in particular to determine its amount.g
While it had already identified the principles which should govern reparag -
tion of an injury resulting from an illegal act of a State in the celebrgated

case of the Factory at Chorzów, it has only ever applied them in practice
in a single case, the Corfu Channel, where it determined the amount of
compensation due from Albania on account of the material and personal
injury caused by mines to vessels of the British Royal Navy.

3. The principles governing compensation for injury resulting from
internationally wrongful acts are, for the most part, quite firmly estab -
lished in international law, under the rules derived both from interna -
tional conventions and from the jurisprudence of various international

courts and tribunals (Permanent Court of International Justice and Integr -
national Court of Justice, arbitral tribunals and, above all, regional
human rights courts), as well as from the Draft Articles of the Internag -
tional Law Commission (“ILC”) on the Responsibility of States, tghe work

of the International Human Rights Commission and, finally, the work of
legal commentators. The issue which we must address is the extent to
which those principles can be applied to the present case and on what
bases compensation should be determined.

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6 CIJ1032.indb 149 26/11/13 09:37 397 ahmadou sadio diallo (ogp. ind. mahiou)

4. En fait, le contenu des délibérations sur l’indemnisation étgait déjà

très largement prédéterminé par l’arrêt précité du 30 novembre 2010 par
lequel la Cour avait décidé que, pour avoir violé certaines dispositions du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Charte afri -
caine des droits de l’homme et des peuples et de la convention sur legs
relations consulaires, la RDC était tenue de réparer les préjudgices qui en

découlaient. Notons d’emblée que la Cour a exclu la réparatigon en nature
qui est logiquement le principe de base pour la réparation du préjgudice,
depuis le célèbre dictum énoncé par la Cour permanente de Justice inter -
nationale dans l’affaire relative à l’Usine de Chorzów :

«la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conség -
quences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblable -

ment existé sioledit acte n’avait pas été comois » (Usine de Chorzów,
fond, arrêt n 13, 1928, C.P.J.I. série A n 17, p. 47).

5. Etant donné que la Guinée ne demande pas la restitution en nature
et que, au demeurant et en l’espèce, celle-ci n’est plus possible, le présent
arrêt a pour objet de se prononcer sur le paiement d’une somme corres -
pondant à la valeur qu’aurait la restitution en nature en se basangt sur

les conditions également énoncées dans la même affaire de l’gUsine
de Chorzów, c’est-à-dire en envisageant l’« allocation, s’il y a lieu, de
dommages‑intérêts pour les pertes subies et qui ne seraient pas co▯uvertes par
la restitution en nature ou le paiement qui en prend la place» (ibid.) puisque
«tels sont les principes desquels doit s’inspirer la détermination ▯du montant

de l’indemnité due à cause d’un fait contraire au droit inte▯rnational » (ibid.)
(les italiques sont de moi). Cette solution qui fait partie du droit ignter-
national général a été reprise au premier paragraphe de l’article 36 des
articles de la CDI de 2001, aux termes duquel « [l]’Etat responsable du
fait internationalement illicite est tenu d’indemniser le dommage cau▯sé par

ce fait dans la mesure où ce dommage n’est pas réparé par la▯ restitution »
(les italiques sont de moi). On sait également que, dans le contextge plus
précis de la violation des droits de l’homme, les textes et la pragtique font
peser sur l’Etat fautif l’obligation d’indemniser intégralemgent la personne
lésée.

6. Comment faire en sorte que l’indemnisation aboutisse à la réparga -
tion intégrale? La Cour a tenu compte des informations et de la pratique
des différentes juridictions précitées ou d’autres organesg qui se sont pen -
chés sur le problème. Deux juridictions ont joué un rôle particulièrement
important pour préciser les contours de l’indemnisation : la Cour euro -

péenne des droits de l’homme et la Cour interaméricaine des droits de
l’homme. Leur jurisprudence a fourni une grille de lecture et une source
d’inspiration pour la Cour, même si naturellement celle-ci n’est pas liée
par les décisions de ces deux cours régionales et que par ailleursg le contexte
de la protection diplomatique confère un caractère particulier àg la pré -

sente affaire. Il n’est pas inutile de rappeler que, selon le princgipe 20 de la

77

6 CIJ1032.indb 150 26/11/13 09:37 ahmadou sadio diallo (sgep. op. mahiou) 397

4. In fact, the substance of the deliberations on compensation was very
largely predetermined by the above-mentioned Judgment of 30 Novem -

ber 2010, where the Court had decided that, on account of the violation
of certain provisions of the International Covenant of Civil and Politicgal
Rights, of the African Charter on Human and People’s Rights and the
Convention on Consular Relations, the DRC was obliged to make repa -
ration for the resultant loss and injury. It should be noted at the outset

that the Court precluded reparation in kind, which has logically been the
basic principle for the reparation of injury, since the celebrated dictugm of
the Permanent Court of International Justice in the case concerning the
Factory at Chorzów :

“reparation must, as far as possible, wipe out all the consequences ogf
the illegal act and re-establish the situation which would, in all prob -
ability, have existed if that act had not been committed” (Factory at
Chorzów, Merits, Judgment No. 13, 1928, P.C.I.J., Series A, No. 17,

p. 47).
5. Given that Guinea is not requesting restitution in kind and that,

moreover, in this case that is no longer possible, the aim of the presengt
Judgment is to rule on payment of a sum corresponding to the value
which a restitution in kind would bear, on the basis of the conditions
likewise set out in Factory at Chorzów, namely by envisaging “the award,
if need be, of damages for loss sustained which would not be covered by ▯

restitution in kind or payment in place of it” (ibid.), these being “the prin ‑
ciples which should serve to determine the amount of compensation due fo▯r
an act contrary to international law” (ibid.) (emphasis added). This solu -
tion, which forms part of general international law, was taken up in Artg- i
cle 36, paragraph 1, of the 2001 ILC Draft Articles, according to which
“[t]he State responsible for an internationally wrongful act is under▯ an

obligation to compensate for the damage caused thereby, insofar as such ▯
damage is not made good by restitution” (emphasis added). As we also
know, in the more precise context of human rights violations, the relevagnt
texts and practice require the culpable State to compensate the injured
person in full.

6. How can we ensure that compensation results in full reparation ?
The Court has based itself on information and practice regarding the
various courts and tribunals mentioned above, or other organs which

have addressed the issue. Two courts have played a particularly impor -
tant role in defining the parameters of compensation: the European Court
of Human Rights and the Inter-American Court of Human Rights. Their
decisions have provided a reference scale and been a source of inspiratigon
for the Court, even though, of course, the latter is not bound by the degci -
sions of these two regional courts and, moreover, the context of diplo -

matic protection gives the present case a special character. It may be
helpful to recall that, according to Principle 20 of resolution 60/147

77

6 CIJ1032.indb 151 26/11/13 09:37 398 ahmadou sadio diallo (ogp. ind. mahiou)

résolution 60/147 adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le
16 décembre 2005 sur les principes fondamentaux et directives concernant

le droit à réparation des victimes de violations flagrantes du dgroit interna -
tional des droits de l’homme,

«une indemnisation devrait être accordée pour tout dommage résul -
tant de violations flagrantes du droit international des droits de
l’homme … qui se prête à une évaluation économique, selon qu’il
convient et de manière proportionnée à la gravité de la violgation et
aux circonstances de chaque cas ».

7. Il ressort de la pratique internationale que l’on établit un plancgher et
un plafond entre lesquels doit se situer l’indemnité, de façon gà créer un

équilibre entre deux considérations :
— d’une part, garantir que l’indemnité efface toutes les conségquences de

l’acte internationalement illicite ;
— d’autre part, éviter que l’indemnité ne soit excessive ou neg comporte
un caractère punitif.

8. Encore faut-il savoir quels sont exactement les dommages à indem -
niser et quel montant de l’indemnisation est de nature à réparegr intégrale -
ment le préjudice subi. C’est sur ce point que l’arrêt se prgononce, en
retenant, à mon avis, une interprétation particulièrement restrgictive des

dommages indemnisables qui ne me permet pas d’adhérer pleinement àg la
solution retenue. Il convient, d’abord, de distinguer entre les dommagges
subis par l’Etat guinéen et ceux subis par son ressortissant, M. Diallo.
Comme l’affaire concerne les droits de l’homme et plus précisgément les
droits individuels de la victime, je commencerai naturellement par les

dommages subis par M. Diallo puisque celui-ci est au cœur du problème
dans cette affaire de protection diplomatique. Dans cette perspective, la
Cour distingue deux types de préjudice en vue de se prononcer sur leugr
indemnisation: le préjudice immatériel, ou dommage moral, et le préju -
dice matériel, qu’elle décompose en un certain nombre de chefs gd’indem-

nisation en fonction des demandes de la Guinée.

I. L’indemnisation du dgommage immatériel
ou préjudice moral

9. La Cour a dûment constaté un certain nombre de faits, notamment

une première détention arbitraire en 1988 qu’elle n’a pas regtenue pour
invocation tardive par la Guinée, et surtout une détention arbitragire de
près de deux mois et demi sans aucune information sur les raisons de g
celle-ci, sans aucune communication possible avec les autorités guinéennges
et sans savoir ce que réservait la suite de la procédure. Il est égvident

que, outre le désagrément d’être soumis à des conditions de dégtention
aussi désobligeantes que pénibles et désagréables, une telle situation

78

6 CIJ1032.indb 152 26/11/13 09:37 ahmadou sadio diallo (sgep. op. mahiou) 398

adopted by the United Nations General Assembly on 16 December 2005
on the Basic Principles and Guidelines on the Right to a Remedy and

Reparation for Victims of Gross Violations of International Human
Rights Law,

“compensation should be provided for any economically assessable
damage, as appropriate and proportional to the gravity of the viola -
tion and the circumstances of each case, resulting from gross viola -
tions of international human rights law . . .”.

7. It is apparent from international practice that a floor and a ceiling g
have to be established, between which the indemnity must lie, so as to

create a balance between two considerations :
— on the one hand, to ensure effective compensation for all the conse -

quences of the internationally wrongful act ;
— on the other hand, to avoid making compensation excessive, or giving
it a punitive character.

8. We still have to ascertain what exactly are the injuries in respect of
which compensation is to be made and what is the amount of compensa -
tion that would fully make good the damage suffered. It is on this issgue
that in my view the Judgment adopts a particularly restrictive view of tghe

compensable injuries, as a result of which I am unable to subscribe fullgy
to the solution reached. First, we have to distinguish between the injurgies
suffered by the Guinean State and those suffered by its national,
Mr. Diallo. Since this case concerns human rights, and in particular the
individual rights of the victim, I will naturally begin with the injuriegs suf-

fered by Mr. Diallo, since he is at the heart of the case in these diplomatic
protection proceedings. In this regard, the Court distinguishes two typegs
of injury for purposes of ruling on their compensation : non-material or
moral injury, and material injury, which it breaks down into a certain
number of heads of compensation according to Guinea’s claims.

I. Compensation for Non-Mategrial
or Moral Injury

9. The Court duly found a certain number of facts, including an initial

period of arbitrary detention in 1988, which was disallowed because
Guinea pleaded it too late, and above all an arbitrary detention of almogst
two and half months, with no information as to the grounds for this, no g
possibility of communicating with the Guinean authorities and no means
of knowing what the ultimate outcome might be. It is clear that, quite

apart from the unpleasantness of being subjected to conditions of deten -
tion as disagreeable as they were painful and distressing, such a situatgion

78

6 CIJ1032.indb 153 26/11/13 09:37 399 ahmadou sadio diallo (ogp. ind. mahiou)

engendre une situation d’inquiétude ou d’angoisse d’autant plus intense
et stressante pour le détenu qu’il est dans l’incertitude la plus gtotale

sur son sort.
10. Dans le cas d’espèce, le dommage moral découle du comportement g
des autorités congolaises, qui ont harcelé M. Diallo à partir du moment
où il a tenté de recouvrer les créances que lui devaient un certain ngombre
d’organismes publics ou d’entreprises publiques. Non seulement il ga été

détenu, mais on a cherché à le disqualifier et à le déstabgiliser en tant
qu’homme d’affaires, en s’efforçant par divers moyens deg porter atteinte à
sa réputation et à son honneur, notamment en l’accusant d’avgoir soudoyé
des agents de l’Etat et des juges, et sans lui permettre de se défgendre
contre de telles allégations dépourvues de tout élément de pgreuve. Au
demeurant, les juges congolais eux-mêmes n’ont pas donné suite à ces

accusations, mais leur formulation et la publicité dont elles ont égté l’objet
ont eu des conséquences très gravement préjudiciables sur les agctivités de
l’accusé et sur l’avenir de sa présence au Zaïre (actuelglement République
démocratique du Congo).
11. Il convient de rappeler ici le contexte de l’époque de ces faits ogù il

y avait un régime autoritaire de parti unique, avec une presse entièrement
contrôlée par l’Etat qui pouvait lancer ou colporter toutes sorgtes d’accu -
sations, sans que la personne mise en cause soit en mesure d’avoir qugelque
moyen de défense afin de répondre pour démentir ou contester lesg faits
qui lui étaient reprochés. Cela avait pour objectif de discrédigter M. Diallo

auprès de personnes influentes nationales et internationales, parceg que
l’intéressé avait progressivement tissé un important résegau de relations en
vue de faire fructifier les activités des deux sociétés qu’il dirigeait. On sait
que, de manière générale, les relations personnelles jouent un rôle consi -
dérable pour mener à bien une activité commerciale et la maintegnir, et
cela est a fortiori encore plus vrai en Afrique et dans l’ex-Zaïre, compte

tenu de l’importance des rapports humains dans la société africgaine
et des caractéristiques du système politique prévalant alors dans ce
pays.
12. Les démêlés avec les autorités congolaises ont créé unge situation
préjudiciable qui doit donner lieu à une indemnisation adéquateg. Certes,

il n’est pas toujours aisé d’en déterminer le montant, dans gla mesure où
l’on est en présence d’une situation où les éléments sgubjectifs prédominent
sur les critères objectifs. Bien que la pratique internationale et notamment
jurisprudentielle fournisse des bases de comparaison avec des variationsg
importantes, c’est à juste titre que la Cour se réfère essentiellement à

l’équité afin de parvenir à une indemnisation juste et raisongnable.

13. Non seulement les actes illicites des autorités congolaises ont étgé
une source de souffrances physiques et psychologiques, de contrariété,
d’humiliation et de déshonneur pendant les périodes de détengtion, mais
ces souffrances se sont prolongées bien au-delà et elles perdurent encore

plus de dix-sept ans après les événements qui les ont déclenchées. En fait,
c’est toute une vie qui a été ruinée par les conséquences des deux incarcé -

79

6 CIJ1032.indb 154 26/11/13 09:37 ahmadou sadio diallo (sgep. op. mahiou) 399

engenders a sense of anxiety or anguish which is particularly intense angd
stressful for the detained individual, in that he is in a state of totalg uncer-

tainty in regard to his future fate.
10. In the present case, the mental harm resulted from the conduct of
the Congolese authorities, who began harassing Mr. Diallo as soon as he
attempted to recover debts owed to him by certain public bodies or
undertakings. Not only was he detained, but it was sought by various

means to discredit and undermine him professionally, by besmirching his g
reputation and his honour, in particular by accusing him of having bribegd
government officials and judges, without allowing him to defend himselfg
against such allegations, which were not supported by the slightest evi -
dence. As it happened, the Congolese judges themselves did not act on
these accusations, but the fact that they had been made and the publicitgy

surrounding them had extremely damaging consequences for the activi -
ties of the accused individual, and for his future presence in Zaïre (now
the Democratic Republic of the Congo).

11. It is appropriate to recall here the context of the period during

which these events took place, when there was an authoritarian, single-
party régime, with a press entirely controlled by the State, which coguld
launch or spread all kinds of accusations, without the individual under g
attack being able to avail himself of any means of defence in order to
deny or dispute the acts of which he was accused. The aim was to dis -

credit Mr. Diallo with influential persons at national and international
level, because he had gradually built up an important network of relatiogn -
ships in order to reap the profits from the activities of the two companiges
which he managed. We know that, in general, personal relations play a
substantial role in running and maintaining a successful business, and
that is a fortiori all the more true in Africa and in the former Zaïre, given

the importance of human relationships in African society and the charac -
teristics of the political system then obtaining in that country.

12. Mr. Diallo’s problems with the Congolese authorities created a
prejudicial situation in respect of which he must be paid adequate com -

pensation. It is true that the amount of such compensation is not alto -
gether easy to determine, given that this is a situation where the subjegctive
elements predominate over objective criteria. While international prac -
tice, and in particular the practice of courts and tribunals, can providge
bases of comparison, albeit with important variations, the Court quite

correctly relies essentially on equity in order to arrive at a fair and greason -
able amount of compensation.
13. The wrongful acts of the Congolese authorities were a source of
physical and psychological suffering, of frustration, humiliation and gdis -
honour, not only during the periods of detention, for those sufferingsg
have continued for long afterwards and still continue today, more than

17 years after the events which triggered them. Indeed, an entire life has g
been ruined as a result of the two spells of arbitrary imprisonment fol -

79

6 CIJ1032.indb 155 26/11/13 09:37 400 ahmadou sadio diallo (ogp. ind. mahiou)

rations arbitraires suivies d’une expulsion brutale d’un pays oùg la victime
a résidé pendant trente-deux ans, au point que M. Diallo l’a considéré

comme sa seconde patrie. Sur ce point, je souscris à la démarche dge la
Cour tout en estimant par ailleurs que, même si les sommes d’argengt ne
parviennent qu’imparfaitement à réparer des préjudices moraugx, il aurait
sans doute été plus équitable de fixer un montant plus élevé que celui de
85 000 dollars des Etats-Unis. Cependant, cette réticence ne m’empêche

pas d’être en accord avec la décision finale de la Cour.

II. L’indemnisation concegrnant les biens persongnels

14. Pour l’indemnisation concernant les biens personnels, la Cour s’esgt

trouvée embarrassée pour se prononcer sur l’ampleur et la régalité du pré -
judice subi par M. Diallo parce que les éléments de preuve fournis par la
Partie demanderesse sont bien loin d’être concluants pour ce qui cgoncerne
l’ameublement de l’appartement, et sont même absents pour ce qugi
concerne la liste d’objets de grande valeur et le contenu des comptesg en

banque.
15. S’agissant du mobilier de l’appartement, il y a certes un inventaigre,
mais il est approximatif et surtout il est difficile de savoir ce qui ag pu se
passer entre l’arrestation de M. Diallo et le moment où l’inventaire a été
établi, car des biens pourraient avoir été subtilisés pendangt cette période.

Il ne s’agit pas là simplement de pures spéculations, puisque Mg. Diallo
avait un standing de vie très élevé et entretenait des relationgs avec beau -
coup de personnalités du monde politique et des affaires, ce qui pegrmet de
conclure qu’il habitait un appartement confortable et bien meublé.g De ce
fait, lorsque le paragraphe 36 de l’arrêt fixe à 10000 dollars des Etats-Unis
le montant forfaitaire de l’indemnisation pour le préjudice concergnant

l’ameublement, il est permis de penser qu’il y a une sous-estimation du
montant du préjudice et que son évaluation en équité permettgait d’aller
au-delà de cette somme retenue par la Cour. Mais, là encore, je me sugis
finalement rallié à l’argumentation et à la décision de lag Cour
16. S’agissant des objets de grande valeur pour lesquels une indemnisa -

tion est réclamée, la Partie demanderesse n’a produit devant lag Cour
qu’une simple liste sans aucun élément de preuve pouvant étagyer leur
existence effective et leur évaluation. Cela ne signifie pas pour augtant que
ces objets n’ont pas existé parce que, comme indiqué précégdemment,
M. Diallo avait un standing de vie très élevé avant de connaîtrge les tour -

ments ayant entraîné non seulement la ruine de ses sociétés,g mais aussi et
surtout sa ruine personnelle ; il n’aurait donc pas été déraisonnable de
donner crédit à l’affirmation de la possession des biens mentigonnés dans
la liste. Aussi, tout en comprenant que, devant l’absence de toute prgeuve,
la Cour ne puisse se fonder sur la seule et simple affirmation de la Pagrtie
demanderesse, elle aurait pu ne pas rejeter purement et simplement la

demande; en effet, dans la mesure où sa décision est basée sur l’équité,
elle aurait pu allouer à titre symbolique une somme forfaitaire d’gun mon -

80

6 CIJ1032.indb 156 26/11/13 09:37 ahmadou sadio diallo (sgep. op. mahiou) 400

lowed by a brutal expulsion from a country where the victim had lived fogr
32 years, to the point where Mr. Diallo looked upon it as a second home-

land. On this issue, I agree with the Court’s approach, while taking gthe
view that, even if no sum of money can truly make full reparation for
mental harm, it would certainly have been fairer to award a sum greater g
than US$85,000. However, notwithstanding these misgivings, I am in
agreement with the Court’s final decision.

II. Compensation in respecgt of Personal Property

14. In regard to compensation for personal property, the Court has

found itself in some difficulty in ruling on the extent and reality of gthe loss
suffered by Mr. Diallo, because the evidence provided by the Applicant is
far from conclusive in respect of the contents of the apartment, and
indeed totally lacking in relation to the list of valuable items and theg
contents of the bank accounts.

15. For the contents of the apartment, there is admittedly an inven -
tory, but it is very approximate and, in particular, it is difficult tog deter -
mine what could have happened between Mr. Diallo’s arrest and the time
when it was drawn up, since items could have been removed during that

period. This is not simply pure speculation, for Mr. Diallo enjoyed a very
high standard of living and had contacts with many personalities in the g
political and business world, which would lead one to believe that he was
living in a comfortable, well-furnished apartment. For that reason, while
paragraph 36 specifies a lump sum of $10,000 as compensation for the
loss concerning the contents, it may be felt that this is an underestimagte

of the amount of the loss and that, in equity, it could be valued at an g
amount higher than that decided on by the Court. However, here again,
I have finally accepted the Court’s reasoning and decision.

16. In regard to the particularly valuable items in respect of which

compensation is claimed, all that the Applicant has produced to the Courgt
is a simple list, without any evidence to confirm the items’ actual exgistence
and value. That does not necessarily mean that those items did not exist,
since, as previously stated, Mr. Diallo enjoyed a very high standard of
living before encountering the troubles which led not only to the ruin ogf

his companies, but also to his own personal ruin. It thus would not haveg
been unreasonable to give credit to his claim to possession of the propegrty
mentioned in the list. Indeed, while it is understandable that, in the
absence of any evidence, the Court could not base itself purely and simply
on the Applicant’s affirmation, it would have been possible for it ngot
to dismiss the claim outright ; given that its decision is based on equity,

the Court could have made a symbolic award of an appropriate lump-
sum amount. The Court did not consider that it should do so and,

80

6 CIJ1032.indb 157 26/11/13 09:37 401 ahmadou sadio diallo (ogp. ind. mahiou)

tant adéquat. La Cour n’a pas estimé devoir le faire et, tout egn exprimant
ma réserve, je n’ai pas voté contre la solution retenue.

III. Les pertes de revenusg professionnels
et de potentiel de gaigns

17. A propos de ce chef de réclamation, il est permis de regretter que lag
demande de la Guinée soit non seulement disproportionnée et manifeste -
ment excessive, mais, en outre, donne une interprétation de l’arrêgt de la
Cour de 2010 qui va au-delà de ce qu’il énonce en voulant réintégrer
des dommages concernant les pertes subies par les deux sociétés dirigéges
par M. Diallo alors que la Cour n’a pas retenu ces dommages et qu’elle a g

rejeté, par voie de conséquence, leur éventuelle indemnisation.g La Cour
ne peut alors, naturellement et logiquement, que tirer les conclusions
de son précédent arrêt en rejetant la demande d’indemnisation pgour tout
ce qui concerne les éventuels dommages concernant les sociétés gelles-
mêmes.

18. Il reste que, si les préjudices subis par les deux sociétés sont hors du
champ du présent débat, M. Diallo tirait des revenus professionnels au
titre d’employé de ces sociétés dont il était le gérangt. Or, le fait de l’avoir
détenu à deux reprises plus de deux mois pour l’expulser ensuitge l’a privé
de l’exercice de ses fonctions de gérant et des revenus auxquels igl avait

droit à ce titre. Il me semble qu’il aurait été logique et égquitable de prendre
en considération cette perte de revenus pour l’indemniser. En effget, un
gérant qui est en même temps associé est considéré comme gun travailleur
non salarié et, à ce titre, il perçoit une rémunération dgès lors qu’il exerce
effectivement ses fonctions. Cette solution prévaut même si l’associé est
majoritaire ou s’il est associé unique, comme dans le cas d’espgèce, car le

droit maintient la fiction d’une société privée à responsagbilité limitée
(SPRL), qui est le statut des deux sociétés gérées par M. Diallo. Bien que
la Guinée n’apporte pas de preuve sur le montant de la rémunération qui
s’attache aux fonctions de gérant des deux sociétés, il est possible de
déduire en équité un montant raisonnable au lieu de rejeter purgement et

simplement la demande comme le fait la Cour, et je ne peux donc adhérger
à une solution aussi tranchée pour une raison logique et de bon segns. En
effet, alors même que M. Diallo était détenu, il devait nécessairement
bénéficier de certains revenus, à un titre ou à un autre, ne gserait-ce que
pour pourvoir à diverses dépenses objectives comme le loyer de l’gapparte -

ment dont il disposait, les honoraires d’avocats plaidant sa cause, les frais
courants de la vie quotidienne, y compris son alimentation en prison
puisque les détenus n’étaient pas nourris, etc. Même si le montant de l’in -
demnisation réclamée par la Guinée est très manifestement digspropor -
tionné et s’il est malaisé d’évaluer le montant de ces regvenus, il était
loisible pour la Cour de prendre en compte les circonstances particuliègres

de l’espèce pour accorder une indemnisation appropriée, et il m’est donc
difficile de comprendre la solution radicale de rejet retenue dans le pgara -

81

6 CIJ1032.indb 158 26/11/13 09:37 ahmadou sadio diallo (sgep. op. mahiou) 401

while expressing my misgivings, I have not voted against the solution
adopted.

III. The Loss of Professional Rgemuneration
and Potential Earningsg

17. In regard to this head of damage, it may be regretted that Guinea’s
claim is not only disproportionate and manifestly excessive, but, furthegr -
more, that it interprets the Court’s Judgment of 2010 in a way that ggoes
beyond what it states, in seeking to include losses suffered by the cogmpa -
nies managed by Mr. Diallo, whereas the Court excluded such losses and
consequently rejected the possibility of any compensation therefor. It fgol -

lows that the Court is bound, naturally and logically, to act in accordagnce
with its previous Judgment and to dismiss the claim for compensation in g
respect of all items relating to any losses of the companies themselves.g

18. The fact remains that, while the losses suffered by the two compa -
nies are excluded from the scope of the present discussion, Mr. Diallo was
receiving remuneration as an employee of those companies, of which he
was the gérant. The fact that he was twice detained for over two months
and then expelled meant that he was unable to exercise his functions as g

gérant and deprived him of the income to which he was entitled as such.
It seems to me that it would have been logical and fair to allow for that
loss of income and to compensate him on that account. A gérant who is
at the same time an associé is regarded as working on a self-employed
basis, and on that basis he receives remuneration as long as he is effgec -
tively carrying out his duties. That is the case even where the associé is the

majority or sole shareholder, as in the present case, for the law maintagins
the fiction of a private limited company (société privée à responsabilité
limitée (SPRL)), which was the status of the two companies managed by
Mr. Diallo. Although Guinea provides no evidence on the amount of the
remuneration attaching to the duties of gérant of the two companies, it is

possible to calculate a reasonable amount in equity, rather than dismiss -
ing the claim outright, as the Court does, and, for reasons of logic andg
common sense, I therefore cannot subscribe to such a clear-cut solution.
Thus, even while in detention, Mr. Diallo was necessarily entitled to a
certain income, on some basis or other, whether in order to pay various

unavoidable expenses, such as the rent for his apartment, the fees of thge
lawyers acting on his behalf, everyday living expenses, including his fogod
in prison, since detainees were not provided with food, and so on. Whileg
the amount of compensation claimed by Guinea is quite clearly dispro -
portionate, and it is not easy to put a figure on the amount of such
income, it was open to the Court to take account of the particular circugm -

stances of the case and award an appropriate amount of compensation ; it
is thus difficult to understand the radical solution adopted in paragragph 46

81

6 CIJ1032.indb 159 26/11/13 09:37 402 ahmadou sadio diallo (ogp. ind. mahiou)

graphe 46 de l’arrêt : c’est pourquoi, à mon grand regret, je ne puis sous -

crire à ce rejet pur et simple.

IV. Les frais de procédureg

19. Enfin, s’agissant des frais encourus pour l’assistance en justice, g
notons d’abord qu’avec ce chef d’indemnisation on quitte la sitguation
personnelle de M. Diallo pour passer à une autre situation impliquant
l’Etat guinéen. En effet, avec la mise en œuvre de la protectgion diploma -
tique, c’est l’Etat guinéen qui est demandeur dans la présengte affaire et

qui a engagé les frais adéquats pour défendre les droits et intgérêts de son
ressortissant.
20. Dans cette affaire, la Guinée a obtenu partiellement gain de cause g
sur la recevabilité de la requête avec l’arrêt du 24 mai 2007, qui a rejeté
l’exception d’irrecevabilité pour la protection des droits propres de

M. Diallo et accepté ladite exception pour la protection des droits des
sociétés dont il était le propriétaire et le responsable. Lag Guinée a égale -
ment et partiellement obtenu gain de cause sur les violations des droits
propres de M. Diallo avec l’arrêt du 30 novembre 2010. Elle a enfin
obtenu gain de cause, entièrement, sur le principe de l’indemnisatgion du

dommage moral et, partiellement, sur le principe de l’indemnisation dge
certains dommages matériels. Dans ces circonstances, pour une questiogn
à la fois de principe et d’équité, il me semble qu’il aurgait été raisonnable
d’accorder le remboursement d’un montant modeste des frais exposégs
dans cette troisième et dernière phase d’une procédure dont gla durée

totale avoisine quatorze années, puisqu’elle a commencé en décem -
bre 1998 pour s’achever en juin 2012. C’est donc pour cette raison de
principe et d’équité que je n’ai pas voté en faveur du digspositif de la Cour
sur ce point.

(Signé) Ahmed Mahiou.

82

6 CIJ1032.indb 160 26/11/13 09:37 ahmadou sadio diallo (sgep. op. mahiou) 402

of the Court’s Judgment, and that is the reason why, to my great regrget,

I cannot accept that the claim should be dismissed outright in this way.g

IV. The Procedural Costs

19. Finally, regarding the costs incurred in respect of legal representa -
tion, it should first be noted that, under this head of compensation, we g
pass from Mr. Diallo’s personal situation to that involving the Guinean
State. Thus it is the Guinean State, acting on the basis of diplomatic pgro -
tection, which is the Applicant in the present case and which has incurred

the costs required in order to defend the rights and interests of its nagtional.

20. In this case, Guinea was partially successful in regard to the
admissibility of the Application, in that the Judgment of 24 May 2007
dismissed the objection to admissibility in relation to the protection ogf

Mr. Diallo’s personal rights, and upheld it in relation to the protectiong of
the rights of the companies owned and managed by him. The Judgment
of 30 November 2010 was also partially favourable to Guinea in regard
to the violations of Mr. Diallo’s personal rights. Finally, Guinea was
totally successful on the principle of compensation for the non-material

injury, and partially successful on the principle of compensation for cegr -
tain of the material injuries. In these circumstances, it seems to me thgat,
both in principle and in equity, it would have been reasonable to allow g
the reimbursement of a modest proportion of the costs incurred in this
third and final phase of proceedings which have lasted for a total periodg

of close to 14 years, having commenced in December 1998 and termi -
nated in June 2012. It is thus for this reason of principle and equity that
I have not voted in favour of the Court’s operative clause on this pogint.

(Signed) Ahmed Mahiou.

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6 CIJ1032.indb 161 26/11/13 09:37

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Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Mahiou

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