Opinion individuelle de M. le juge Simma

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140-20110401-JUD-01-05-EN
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188

OpINION INdIvIdUELLE dE m. LE JUgE SImmA

[Traduction]

La Cour a tort de conclure que le « différend » entre la Géorgie et la Fédération

de Russie ne s’est fait jour qu’entre les 912 août 2008, ayant rejeté l’ensemble
des éléments de preuve documentaires datant de 1992 jusqu’au mo▯is d’août 2008,
immédiatement avant le dépôt de la requête — La manière dont la Cour a analysé
les éléments de preuve documentaires produits devant elle est cont▯estable sur le
plan méthodologique — La valeur juridique de ces documents aurait dû être
appréciée par rapport aux différents degrés de force probant▯e que la Cour a

reconnus depuis longtemps dans sa jurisprudence — Les prétendues déficiences
pour cause d’absence de mention formelle ou de désignation de l’▯auteur, d’inaction
des pouvoirs exécutifs, de défaut d’attribution ou de notificat▯ion n’ont jamais été
reconnues dans la jurisprudence de la Cour en tant que facteurs entamant▯ la valeur
juridique ou la force probante des éléments de preuve documentaire▯s — Les

prétendues déficiences identifiées par la Cour dans le cadre de▯ son examen des
éléments de preuve documentaires posent problème en tant qu’elles compromettent
la capacité future des parties de contrôler et de choisir leurs mo▯yens de preuve,
ainsi que sa propre capacité d’exercer à l’avenir le pouvoir▯ d’établir les faits qu’elle
tient de son Statut — Si la Cour avait apprécié les éléments de preuve docume▯ntaires
produits par la Géorgie à leur juste valeur, elle aurait dû rejeter non seulement la

première mais également la deuxième des exceptions prélimina▯ires de la Russie.

*
table des matières

Paragraphes

A. Le rejet de la premièrep exception préliminaipre de la Russi:e

le bon résultat obtenup au moyen d’un raisonpnement erroné 1-22

1. Les prétendues déficiences formelles 9
2. Les prétendues déficiences concernant l’identité de l’autpeur 10-12
3. Les prétendues déficiences pour cause d’inaction 13-17

4. Les prétendues déficiences en matière d’attribution 18
5. Les prétendues déficiences en matière de notification 19-22

B. Les éléments de preuvep démontrant l’existepnce d’un différend
lié à la CIEdR et une volonté de négpocier bien avant 2008 23-57

1. Les échanges bilatéraux entre la géorgie et la Fédération de

Russie 25-33
2. Les déclarations faites par la géorgie devant des organisations
internationales dont la Fédération de Russie est membre 34-45

3. Les déclarations publiques faites par la géorgie à d’autres
occasions 46-57

C. Observations finales 58

122 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 189

A. Le rejet de la premièrep exception préliminaipre de la Russi:e
le bon résultat obtenup
au moyen d’un raisonnpement erroné

1. Je souscris à la conclusion énoncée au paragraphe 113 de l’arrêt,
selon laquelle la première exception préliminaire de la Fédépration de Rus -

sie doit être rejetée. Toutefois, je ne puis adhérer au raisonnpement exposé
à l’appui de cette conclusion, en particulier aux paragraphes 64, 105
et 113 de l’arrêt, à savoir que le « différend» juridique, au sens de l’ar -
ticle 22 de la convention internationale sur l’élimination de toutes lesp
formes de discrimination raciale (CIEdR), qui oppose la géorgie et la
Fédération de Russie n’aurait pas vu le jour avant le 9 août 2008,

c’est-à-dire juste avant que la géorgie ne dépose sa requête.
2. de mon point de vue, le différend en question couvait déjà biepn
avant que les parties ne prennent les armes en août 2008. Il a vu le jour
dès 1992, soit des années avant l’entrée en vigueur de la CIpEdR entre les
parties, et concernait des questions qui, déjà à l’époque, pouvaient relever

de la Convention. A partir de 1999, il s’est poursuivi mais relevait alors
bel et bien de la CIEdR, puisqu’il opposait deux parties à la Convention,
même si la géorgie n’a expressément rattaché ses griefs à la CIEdR qu’au
tout dernier moment — une circonstance qui ne peut rien changer au fait
que le différend était lié à la CIEdR depuis longtemps déjà. Tel est le cas
parce que, en l’occurrence, le critère décisif est non pas l’pinvocation eo

nomine de la Convention en tant que base de compétence, mais l’objet du
différend dont il est fait état.
3. L’arrêt expose une conclusion différente — c’est-à-dire celle préférée
par la majorité —, qui découle d’une façon très singulière d’analysper les
éléments de preuve documentaires produits par le demandeur: la Cour n’a
accordé aucune pertinence à un très grand nombre des élémpents soumis

par la géorgie, et n’a attribué de valeur juridique qu’à deux échanges entre
la géorgie et la Fédération de Russie, d’où la conclusion selpon laquelle le
différend n’a vu le jour qu’entre le 9 et le 12 août 2008. Ces documents
sont, tout d’abord, les déclarations des deux parties, à savoir celles que
le représentant permanent de la géorgie auprès de l’Organisation des
Nations Unies et son homologue russe ont faites devant le Conseil de sécu -

rité au cours des débats du 10 août 2008 et, ensuite, la déclaration faite le
11 août 2008 par le président de la géorgie, mikhaïl Saakachvili, dans un
entretien accordé à CNN et la réponse faite le 12 août 2008 par le ministre
des affaires étrangères de la Fédération de Russie, Serguepï Lavrov, à l’oc -
casion d’une conférence de presse conjointe avec le ministre finlapndais des

affaires étrangères en sa qualité de président en exercicep de l’OSCE.
4. La totalité des éléments de preuve documentaires antérieurs pà la
période du 9 au 12 août 2008 est considérée dans l’arrêt comme étant sans
«valeur juridique» aux fins de démontrer l’existence d’un différend. La
Cour parvient à cette conclusion en décelant certains vices ou cerptaines défi-
ciences dans chaque élément de preuve documentaire, qui se trouve ensuite

rejeté. Ces vices ou déficiences peuvent être regroupés de lpa manière sui -

123 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 190

vante: 1) les déficiences d’ordre formel, par exemple lorsque les documents
ne font pas expressément mention de la «discrimination raciale», du « net-
toyage ethnique» ou d’obligations de la Fédération de Russie expressémenpt
prévues par la CIEdR, voire, dans certains cas, lorsqu’ils ont été distribués
à l’Organisation des Nations Unies au titre de points de l’ordre du
jour autres que la «discrimination raciale» (cf. par. 53, 55-56, 59-60, 62, 65-

66, 67-68, 70, 75-76, 78, 80-82, 84-87, 89, 91-103, 108) ; 2) les déficiences
concernant l’identité de l’auteur, par exemple lorsqu’il ne ressort pas claire -
ment du document que le pouvoir exécutif géorgien en est l’autepur, ou qu’il
l’a entériné ou approuvé (cf. par. 54-55, 71-73, 76, 80-81); 3) les déficiences
pour cause d’inaction, lorsque la Cour estime que l’exécutif géorgien n’a pas
donné suite aux griefs formulés contre le comportement et le manqupe d’im -

partialité des soldats russes chargés du maintien de la paix (et,p plus préci- sé
ment, qu’il n’a pas ordonné le retrait de la force russe de maipntien de la paix
du territoire géorgien, ou qu’il n’a pas opposé son refus oup réagi aux résolu -
tions adoptées à l’époque par le Conseil de sécurité dpans lesquelles l’action
des soldats russes était saluée) (cf. par. 55, 74, 77, 79, 83-84, 91) ; 4) les

défauts d’attribution, par exemple lorsque les violations ne sont pas attri -
buées de manière catégorique à la Fédération de Russie, les documents
contenant simplement des allégations incidentes ou de vagues réféprences
concernant un soutien accordé aux séparatistes d’Abkhazie et d’pOssétie du
Sud (cf. par. 51-53, 57-61, 81) ; et 5) les défauts de notification, ou lorsque
rien ne démontre que la Russie s’est vu, a pu se voir ou aurait pup se voir

communiquer certains documents ou être informée des allégationsp qu’ils
contenaient (cf. par. 61, 104). de cette manière, la Cour n’attribue tout sim -
plement aucun degré de force probante, et par conséquent aucune «p valeur
juridique», à l’intégralité des éléments de preuve documentapires antérieurs
au 9 août 2008.
5. Si une telle opération, sans précédent dans la pratique de la Cpour,

s’est révélée nécessaire alors même que la premièrep exception préliminaire
de la Russie a été rejetée, c’est parce que la deuxième epxception prélimi -
naire du défendeur a été accueillie : en excluant tout le dossier factuel que
la géorgie avait soumis pour démontrer qu’un différend lié pà la CIEdR
existait bien avant le mois d’août 2008 et en ne s’attachant qu’à un petit
nombre de communications qui furent échangées entre les parties au cours

de quelques journées chaotiques du mois d’août et qui bien entendu se
limitaient à des préoccupations urgentes découlant du conflitp armé qui fai -
saient rage, la majorité de la Cour parvient à la conclusion que cpes com -
munications, échangées pour ainsi dire dans le tumulte du combat, pne
constituaient pas de la part de la géorgie une tentative de négocier avec la

Russie au sujet d’un différend touchant à des questions liépes à la CIEdR.
Comme je le démontrerai dans la partie B de la présente opinion, si la
Cour avait considéré que les faits antérieurs au mois d’aoûpt 2008 étaient
pertinents (également) pour statuer sur la deuxième exception préliminaire
de la Russie, elle n’aurait pu accueillir cette dernière. Ces faitps antérieurs
au mois d’août 2008 prouvent clairement qu’un différend concernant des

questions liées à la CIEdR s’était fait jour depuis fort longtemps.

124 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 191

6. Je partage pleinement le point de vue exprimé par le président Owada
et par les juges Abraham et donoghue dans leurs opinions individuelles
quant au seuil juridique utilisé par la Cour pour déterminer l’pexistence
d’un différend, tel qu’établi dans les arrêts rendus dans les affaires
Mavrommatis, du Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria
c. Afrique du Sud), des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua

et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), des Plates-formes
pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), du
Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni) et de la Frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigé -
ria) — et c’est d’ailleurs ce point de vue qui sous-tend mon approche
plus empirique de la problématique soulevée par la première exception

préliminaire de la Russie. Toutefois, j’estime également nécpessaire d’exa -
miner la manière dont la Cour a déterminé la « valeur juridique» des élé-
ments de preuve documentaires dans le présent arrêt et, ce faisantp, de
procéder à un examen critique de la méthode d’établissemepnt des faits
qu’elle a utilisée pour reconnaître ou nier la force probante dpes docu -

ments qui lui étaient soumis. La Cour semble en quelque sorte ne s’pêtre
intéressée qu’au sommet de l’iceberg face à la masse de documents pro -
duite par la géorgie, en ne sélectionnant que quelques exemples pour les
écarter ensuite comme étant « dépourvus de pertinence» selon des critères
qui sont extrêmement problématiques, pour dire le moins. Je note qpue,
dans une récente étude publiée par le British Institute of International

and Comparative Law consacrée à l’administration des élémpents de
preuve à la Cour internationale de Justice, il est indiqué que celple-ci « ne
précise pas toujours expressément dans ses arrêts quels élépments elle a
écartés en raison de leur valeur probante insuffisante » (A. Riddell et
B. plant, Evidence before the International Court of Justice, 2009, p. 190).
dans la présente affaire, par suite de l’évaluation que la Coupr a faite

des éléments de preuve versés au dossier, la plupart de ces dernierps ont
été écartés du processus par lequel ont été tranchées les excpeptions à la
compétence.
7. Je crains, comme mes collègues, que l’approche formaliste adoptée
dans le présent arrêt ne constitue un carcan pour les affaires àp venir, du fait
des conditions très strictes qui se trouvent désormais imposées pour établir

l’existence d’un différend et la tenue de négociations suffipsantes pour pou -
voir saisir la Cour. Je suis également préoccupé par l’usagep que la Cour a
fait du pouvoir d’établissement des faits que lui confère son Sptatut. dans
son arrêt, elle n’a pas éclairci la notion de « valeur juridique», pas plus
qu’elle n’a fait la moindre nuance entre les différents degréps de pertinence

ou de valeur probante (selon qu’il s’agit de preuves directes, dep preuves
indirectes, de preuves concordantes, de preuves cumulatives ou de preuveps
supplémentaires) qui peuvent s’attacher aux éléments de prepuve documen -
taires. Son analyse des éléments de preuve ne rend donc pas compte des
degrés variables de valeur probante que divers documents peuvent présen -
ter — certains éléments de preuve documentaires peuvent effectivepment

constituer la meilleure preuve, la preuve première et une preuve direpcte,

125 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 192

tandis que d’autres peuvent toujours être pris en considérationp en tant que
preuves secondaires, indirectes, concordantes ou supplémentaires —, autant
de nuances que la Cour a reconnues depuis longtemps en appréciant le
poids des éléments de preuve (Détroit de Corfou (Royaume-Uni c.Albanie),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 18 ; Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Ser -

bie-et-Monténégro), arrêt,C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 128-137, par. 204-230;
Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras;
Nicaragua (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 455, par. 153, et
p. 550, par. 316 ; Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali),
arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 583, par. 56). Ainsi, dans l’affaire Nicaragua,
la Cour n’avait même pas rejeté des articles de presse, leur repconnaissant

une valeur limitée en tant qu’éléments concordants:
«Elle les considère non pas comme la preuve des faits, mais comme

des éléments qui peuvent contribuer, dans certaines conditions, à
corroborer leur existence, à titre d’indices venant s’ajouter àp d’autres
moyens de preuve. » (Activités militaires et paramilitaires au Nicara -
gua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond,
arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 40, par. 62.)

Et la Cour de conclure : «il reste que la notoriété publique d’un fait peut
être établie par de tels éléments et que la Cour peut en tenpir compte dans
une certaine mesure » (ibid., par. 63). de même, dans l’affaire des Otages

à Téhéran, la Cour avait reconnu aux informations relayées par les médias
une certaine valeur en tant qu’éléments corroborant des faits de notoriété
publique, d’autant plus que le défendeur n’avait pas participép à l’instance
(Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis
d’Amérique c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 10, par. 12-13). Or,
tranchant avec cette différenciation méthodique du poids des divers

éléments de preuve, la Cour rejette ici en bloc des années de ppreuves
documentaires accumulées jusqu’au 9-12 août 2008, au motif que
celles-ci seraient complètement dépourvues de force probante — et
n’auraient donc « aucune valeur juridique » pour établir l’existence d’un
différend.
8. Surtout, les critères sur lesquels la Cour fait fond pour conclure àp l’ab

sence de «valeur juridique» de la totalité des documents antérieurs au mois
d’août 2008 ne trouvent aucun appui dans le droit. Comme je l’exposerai plusp
amplement dans la partie B de la présente opinion, leur application n’était
pas non plus justifiée compte tenu du contenu réel des documents eux-mêmes,
qu’ils soient lus isolément ou à la lumière d’autres épléments de preuve docu -

mentaires versés au dossier.dans l’arrêt qui nous occupe, la présence d’une
seule prétendue déficience — que celle-ci ait trait à l’absence de mention
formelle, à l’identité de l’auteur, à l’inaction du popuvoir exécutif, à l’attri-
bution ou à la notification — semble suffire à la Cour pour n’accorder
aucune espèce de valeur juridique à tout un ensemble de preuves documen -
taires qui existait déjà bien avant le 9 août 2008 et le dépôt de la présente

requête.

126 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 193

1. Les prétendues déficiences formelles

9. Il n’est pas nécessaire de se livrer à un long exercice d’expplication ou
de réfutation en ce qui concerne les déficiences formelles prétpendues de
divers éléments de preuve documentaires, par exemple lorsque le dopcu -
ment ne fait pas expressément référence à la « discrimination raciale », au
«nettoyage ethnique » ou aux obligations spécifiques que la Fédération de

Russie tient de la CIEdR, voire, dans certaines circonstances, lorsque le
document a été distribué à l’Organisation des Nations Unies au titre de
points de l’ordre du jour autres que la « discrimination raciale ». Je ne
m’étendrai pas davantage sur cet aspect, si ce n’est pour répaffirmer,
comme dans l’opinion dissidente commune, que, pour déterminer si upn
différend existe dans la présente affaire, il suffit que son pobjet soit suscep-

tible d’entrer dans les prévisions de la CIEdR, sans qu’il soit besoin d’in -
voquer eo nomine la Convention ou l’une quelconque de ses dispositions
particulières. Ainsi qu’exposé dans la partie B de la présente opinion, les
éléments de preuve documentaires examinés dans l’arrêt copntenaient bel
et bien des références très claires à des questions pouvant prelever de la
CIEdR, telles que : les allégations selon lesquelles la force russe de main -

tien de la paix a appuyé, facilité ou toléré un nettoyage etphnique perpétré
à l’encontre des civils géorgiens dans les zones de géorgie qui étaient pla -
cées sous sa responsabilité ; le comportement de la Russie à l’égard du
droit au retour en territoire géorgien des réfugiés et des persponnes dépla -
cées ; et le fait que la force russe de maintien de la paix n’a pas empêché

les violations des droits de l’homme commises contre des civils géporgiens.
Cependant, pour les raisons exposées plus haut, la Cour ne s’est ipntéressée
qu’à une infime partie de ces éléments pertinents.

2. Les prétendues déficiences concernant l’identité de l’aut▯eur

10. En particulier, la Cour a nié toute valeur juridique à des documenpts
comme des résolutions et des déclarations du parlement de la géorgie, ou
des déclarations du représentant permanent de la géorgie auprès de l’Or -
ganisation des Nations Unies, lorsqu’il n’en ressortait pas clairement que
l’exécutif géorgien en était l’auteur ou qu’il les avapit entérinés ou approu -

vés. La Cour n’avait jamais exigé de manière si stricte que pdes résolutions
parlementaires aient été approuvées, adoptées ou entérinépes par le pou -
voir exécutif. Certes, dans l’affaire du Génocide, elle avait reconnu que la
«valeur » de documents officiels (tels que les comptes rendus d’organes
parlementaires) qui semblaient avoir été produits « [pour] qu’il [fût] pos -

sible d’en invoquer le contenu » pouvait, de ce fait, être mise « en cause »,
mais la Cour n’avait pas pour autant rejeté lesdits documents sansp autre
forme de procès du simple fait de leur provenance ou de la désignaption de
leur auteur (Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 134, par. 225). Au contraire, la Cour avait pris

soin de souligner que

127 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 194

«[d]ans certains cas, le contenu de ces propos représente ce que l’pau-
teur sait lui-même du fait devant être déterminé ou évalué. dans
d’autres cas, il peut refléter l’opinion ou l’appréciation a posteriori du
narrateur quant aux événements ; parfois, il peut ne pas être fondé
sur un témoignage direct, mais sur des ouï-dire. En fait, si les parties
n’ont que rarement été en désaccord sur l’authenticitép des preuves,

elles se sont en revanche opposées sur la question de savoir si celleps-ci
étaient présentées de manière fidèle … et quel poids ou valeur leur
accorder. » (C.I.J. Recueil 2007(I), p. 135, par. 226.)

11. Les déclarations du parlement de la géorgie et du représentant
permanent de cet Etat auraient pu être admises en tant qu’« indications
des intentions d’un Etat en litige » (A. Riddell et B. plant, Evidence before
the International Court of Justice, op. cit., p. 251). dans l’affaire de

l’Anglo-Iranian Oil Co., le Royaume-Uni contestait l’admissibilité d’une
loi iranienne au motif que celle-ci était «un texte purement interne, inconnu
des autres gouvernements» (Anglo-Iranian Oil Co. (Royaume-Uni c. Iran),
exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1952, p. 107). La Cour avait
rejeté ce point de vue, indiquant que :

«La Cour ne voit pas pour quelle raison elle serait empêchée de
retenir pareil élément de preuve. La loi a été publiée dapns le recueil

des lois iraniennes votées et ratifiées du 15 janvier 1931 au 15 jan -
vier 1933. Elle a donc été accessible à l’examen des autres gouveprne-
ments pendant environ vingt ans. Cette loi n’est pas invoquée, et ne
pouvait pas être invoquée, comme offrant une base pour la compé -
tence de la Cour. Elle a été produite simplement pour apporter la p

lumière sur un point de fait contesté, à savoir: l’intention du gouver -
nement de l’Iran lorsqu’il a signé la déclaration [d’acceptation de la
clause facultative]. »(Ibid.)

12. En tout état de cause, comme je le montrerai dans la partie B de
la présente opinion, le représentant permanent de la géorgie a transmis
officiellement au Conseil de sécurité ou à l’Assemblée gpénérale des
Nations Unies les résolutions, décrets et déclarations du parlement de la
géorgie. Il ne peut être simplement présumé avoir commis un apbus de

pouvoir ou agi sans que l’exécutif géorgien en fût informé. Le dopssier
soumis à la Cour ne permettant pas de conclure que le représentant per -
manent de la géorgie a excédé ses pouvoirs ou qu’il a contrevenu à une
quelconque directive de l’exécutif géorgien, on ne saurait inféprer que son
initiative de transmettre officiellement les résolutions et décrepts du parle -

ment géorgien au Conseil de sécurité ou à l’Assemblée pgénérale n’est pas
attribuable à la géorgie.

3. Les prétendues déficiences pour cause d’inaction

13. La Cour nie toute valeur juridique à certains éléments de preuvpe

documentaires au motif que l’exécutif géorgien n’a pas donnép suite aux

128 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 195

documents parlementaires concernés ou aux griefs qui y étaient forpmulés.
En particulier, elle déclare que certains documents (par exemple desp réso-
lutions, décrets et déclarations du parlement géorgien, des déclarations
du représentant permanent de la géorgie et des déclarations faites à la
presse par le ministère géorgien des affaires étrangères)p n’ont aucune
valeur juridique parce que l’exécutif géorgien n’a pas vépritablement

ordonné le retrait de la force russe de maintien de la paix du territpoire
géorgien en dépit de sa mauvaise conduite alléguée. de même, la Cour
conclut au défaut de valeur juridique parce que l’exécutif géporgien n’a pas
demandé le rejet ou contesté l’adoption de résolutions du Conseil de sécu-
rité qui contenaient des dispositions types saluant l’action des spoldats de

la paix russes ou reconnaissant le rôle de la Russie en tant que faciplitateur
ou garant de la sécurité dans le cadre des conflits armés en pgéorgie.
14. Ces conjectures formulées dans l’arrêt touchent directement au p
fond du différend. En outre, les prétendues déficiences pour pcause d’inac-
tion ne peuvent être considérées comme des « présomptions de fait » au

sens exposé par la Cour dans l’arrêt relatif au Détroit de Corfou, dans
lequel celle-ci a déclaré que : « La preuve pourra résulter de présomptions
de fait à condition que celles-ci ne laissent place à aucun doute rai-
sonnable » (Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 1949, p. 18). dans le présent arrêt, ce doute raisonnable
semble effectivement avoir sa place. Ainsi qu’indiqué dans la paprtie B de

la présente opinion, il semble d’après leur libellé que certpains des docu -
ments contestés et rejetés, comme les résolutions adoptées ppar le parle -
ment géorgien en 2005 et en 2006, laissaient envisager un processus de
négociation sur le comportement des soldats russes chargés du mainptien
de la paix, et non le retrait automatique de ceux-ci. Quoi qu’il en soit, les

circonstances qui ont entouré le vote du Conseil de sécurité enp ce qui
concerne les résolutions identifiées dans l’arrêt ne ressortpent pas claire -
ment du dossier à ce stade de l’instance.
15. A mes yeux, le fait de rejeter pour ce motif des éléments de preuve
documentaires alors que les questions factuelles en jeu relèvent du fpond

de l’affaire ne permet pas raisonnablement de nier toute valeur jurpidique
aux éléments en question à un stade où il s’agit simplemepnt d’établir
l’existence d’un différend. Ces conjectures privent chaque partie de la pos-
sibilité de répondre aux questions de fait et conduisent la Cour àp faire
fond sur des déductions quelque peu fragiles.
16. La prétendue inaction de l’exécutif géorgien ne peut pas davpantage

s’analyser comme un aveu implicite de la part de personnalités offipcielles
de haut rang, ainsi qu’envisagé par la Cour dans l’arrêt Nicaragua. dans
le présent arrêt, il n’y a pas d’acte concret de reconnaissapnce qui serait
susceptible de constituer un tel aveu :

«[d]es déclarations de cette nature, émanant de personnalités poli-
tiques officielles de haut rang, parfois même du rang le plus élepvé,
possèdent une valeur probante particulière lorsqu’elles reconnaissent

des faits ou des comportements défavorables à l’Etat que reprépsente

129 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 196

celui qui les a formulées. Elles s’analysent alors en une sorte d’paveu» .
(Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),fond, arrêt,C.I.J. Recueil 1986,
p. 41, par. 64 ; les italiques sont de moi.)

17. En l’absence d’un acte concret, le silence pur et simple ou la prépten -
due inaction de l’exécutif géorgien sont équivoques en eux-mêmes. Il
n’appartient pas à la Cour de les interpréter d’une manièpre qui prive les
éléments de preuve documentaires de toute valeur juridique.

4. Les prétendues déficiences en matière d’attribution

18. Sur ce chapitre, la Cour conclut dans son arrêt que certains élép -
ments de preuve documentaires n’attribuent aucune violation à la Fpédéra -
tion de Russie de manière catégorique, mais contiennent simplementp des
allégations incidentes ou de vagues références concernant un soutien prêté
aux séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. dans la partie B ci-après,

je montrerai que les documents en question permettent d’attribuer les vio-
lations incriminées à la Fédération de Russie par l’interpmédiaire du com-
portement de la force russe de maintien de la paix. Celle-ci n’était pas une
force mise à la disposition d’une organisation internationale (copmme la
force de maintien de la paix de l’Organisation des Nations Unies), dont le
comportement aurait ensuite été attribuable à cette organisation. dans la

présente affaire, aucune organisation internationale n’était pintervenue
dans le déploiement des troupes russes sur le sol géorgien, puisqupe celles-ci
agissaient dans le cadre de la force commune de maintien de la paix
(FCmp) et de la force de maintien de l’ordre public, sur la base d’un p
accord conclu par la géorgie et la Fédération de Russie en 1992. Le com -

portement de ces troupes — et, en particulier, le fait qu’elles ont manqué
d’empêcher, voire ont appuyé, toléré ou facilité le nepttoyage ethnique et
d’autres graves violations des droits de l’homme commises contre dpes
civils géorgiens — constitue à n’en pas douter le comportement d’un
organe étatique de la Fédération de Russie (voir Activités armées sur le
territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),

arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 242, par. 213).

5. Les prétendues déficiences en matière de notification

19. Je me réfère ici à la prétendue absence d’éléments démontrant que
la Russie s’est vu, a pu se voir ou aurait pu se voir communiquer cerptains
documents, ou être informée des allégations qu’ils contenaiepnt. Je ne

m’attarderai pas sur ce point puisque la question de la notification pest
déjà traitée assez abondamment dans notre opinion dissidente copmmune,
fût-ce sous l’angle de la deuxième exception préliminaire. Aux fins de
déterminer l’existence d’un différend, toutefois, qu’ilp me soit permis de
souligner que la Cour n’a jamais exigé de manière stricte qu’pune notifica-
tion soit concrètement adressée par l’Etat défendeur en parepilles circons-

tances. dans l’affaire du Cameroun septentrional, il était clair qu’aucune

130 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 197

discussion bilatérale n’avait eu lieu entre les parties. pourtant, et bien que
le Royaume-Uni eût soutenu avec insistance que la République du Came-
roun avait un différend non pas avec lui mais avec l’Assemblépe générale,
la Cour s’était fondée sur des déclarations unilatérales pfaites par ces deux
Etats au sein d’organes multilatéraux, tels que le Conseil de tutelle des
Nations Unies, et avait conclu à l’existence d’un « différend » (Cameroun

septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1963, p. 32-34 ; voir également Frontière terrestre et mari -
time entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 315, par. 89).
20. Je crains que, par son utilisation approximative de la notion de

«valeur juridique » dans le présent arrêt, la Cour ne s’écarte de sa propre
jurisprudence établie quant à l’appréciation des preuves. dans l’affaire
des Activités armées sur le territoire du Congo, elle avait déclaré que, en
examinant les faits « qui se rapport[ai]ent aux divers éléments constitutifs
des demandes formulées par les parties[…,] elle répertoriera[it] les docu -

ments invoqués et se prononcera[it] clairement sur le poids, la fiabiplité et
la valeur qu’elle juge[rait] devoir leur être reconnus » (voir Activités armées
sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 200, par. 59). dans la même affaire, la Cour
avait dit qu’elle « accordera[it] également du poids à des éléments de
preuve dont l’exactitude n’a[vait] pas, même avant le présenpt différend,

été contestée par des sources impartiales » (ibid., p. 201, par. 61). En l’es -
pèce, aucune source impartiale ne semble avoir contesté l’exactpitude de
l’un ou l’autre des éléments de preuve documentaires datant pde 1992 à la
veille du 9 août 2008. Il n’existe pas non plus la moindre indication qui
porterait à penser que ce volumineux dossier d’éléments de ppreuve docu-

mentaires a été établi sciemment en prévision du dépôtp de la présente
requête. En rejetant de manière si expéditive la totalité deps documents
antérieurs au mois d’août 2008, la Cour fait mentir la réputation de
rigueur qui lui est attribuée dans la récente étude sur l’adpministration des
éléments de preuve publiée par le British Institute of International and

Comparative Law, qui fait la synthèse des facteurs que la Cour a de
longue date explicités en examinant la pertinence et la force probante des
éléments de preuve documentaires, à savoir :

«Sources : la Cour considérera le nombre de sources disponibles, leur
caractère partisan ou indépendant, et cherchera à savoir si elles sont
corroborées par d’autres éléments de preuve.
Intérêt: la Cour détermine si la source de l’élément de preuve a un
intérêt dans le déroulement de la procédure, ou si elle est pneutre et

indifférente, avant de vérifier si l’élément considépré renferme une éve-
tuelle déclaration contraire aux intérêts de la partie dont ellpe émane.
Rapport aux événements : la Cour cherche à savoir si l’élément de
preuve traduit une observation directe ou reprend des ouï-dire.
Méthode : la Cour examine attentivement les moyens et la méthode

utilisés pour recueillir les informations présentées.

131 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 198

Vérification : les éléments de preuve se verront accorder davantage de
poids s’ils ont fait l’objet d’un examen contradictoire soit aup moment
où ils ont été rassemblés soit par la suite. Là encore, lpa Cour cherche
à savoir si l’élément de preuve est corroboré par d’auptres sources.
Contemporanéité : l’appréciation de la Cour est influencée par la date
de l’élaboration d’un document ou d’une déclaration. d’une manière

générale, la Cour attache moins d’importance aux éléments de preuve
qui n’ont pas été établis ou fournis à une époque procphe des faits
qu’ils sont censés démontrer. de même, elle considère avec circons -
pection les documents qui ont été établis spécialement aux fipns de
l’instance portée devant elle.

Procédure : la Cour détermine si l’élément de preuve a été produipt
conformément aux exigences procédurales formulées dans le Règle -
ment.» (A. Riddell et B. plant, Evidence before the International
Court of Justice, op. cit., p. 192.)

21. Si j’analyse la manière dont la Cour a traité la notion de «p valeur
juridique», ce n’est certainement pas pour me faire l’écho de divergences
purement stériles pouvant exister entre la majorité et les juges dpissidents

quant à la façon d’appliquer les faits et d’apprécier les éléments de preuve.
A mes yeux, la manière dont la Cour a appréhendé ces élémpents dans le
présent arrêt aura de lourdes conséquences pratiques. En effept, la Cour a
expressément introduit des considérations ou des raisons liées pà la forme,
à l’identité de l’auteur, à l’inaction, à l’attrpibution et à la notification qui
pourront être invoquées dans de futures affaires en vue de nier ptoute

valeur juridique ou force probante à des éléments de preuve documen -
taires. Les Etats risquent également à l’avenir de se trouver epntravés dans
le choix des éléments de preuve à faire valoir dès le tout dpébut de l’ins -
tance, d’où un risque d’autocensure. pire encore, les déductions factuelles
tirées dans le présent arrêt desservent la Cour, qui a pour respponsabilité

de s’acquitter de sa fonction judiciaire de façon minutieuse en fapisant plei -
nement usage des pouvoirs que lui confèrent les articles 49 à 51 de son
Statut pour établir les faits et, ainsi, éviter d’emblée d’pavoir à faire fond
sur de telles déductions. Comme la Cour l’a fait observer à raipson dans
l’affaire Nicaragua, le Statut

«[lui] fait … obligation … d’employer tous les moyens et méthodes
susceptibles de lui permettre de s’assurer réellement du bien-fondé en
fait et en droit des conclusions de l’Etat demandeur et de sauvegar -

der du même coup les principes essentiels d’une bonne administra -
tion de la justice » (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 1986, p. 40, par. 59).

22. pour en venir à présent à la deuxième partie de mon opinion (par -
tie B), j’exposerai les faits que j’estime pertinents, et suffisants, pour
démontrer que les conditions préalables à la saisine de la Cour en vertu de

l’article 22 de la CIEdR, à savoir à la fois l’existence d’un différend et lesp

132 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 199

tentatives de négociation de la géorgie, étaient remplies bien avant le
mois d’août 2008. La plupart des éléments de preuve documentaires que
je vais présenter ici soit ont été totalement négligés, spoit n’ont été utilisés
que d’une manière extrêmement superficielle ou sélective danps l’arrêt. Je
saisirai cette occasion pour entrecouper de temps à autre mon analysep de
citations plus longues ou de passages complémentaires des documents

mêmes que la Cour a rejetés pour leur prétendu défaut de « valeur juri -
dique ».

B. Les éléments de preuvep démontrant l’existepnce

d’un différend lié à pla CIEdR
et une volonté de négopcier bien avant 2008

23. Afin de structurer ma présentation, je rangerai dans trois catégories

les éléments de preuve documentaires qui attestent l’existence pd’un diffé -
rend sur des questions relevant de la CIEdR et les tentatives de parvenir
à un règlement négocié avant le 9 août 2008, à savoir : 1) les échanges
bilatéraux entre la géorgie et la Fédération de Russie ; 2) les déclarations
faites par la géorgie devant des organisations internationales dont la

Fédération de Russie est membre ; et 3) les déclarations publiques faites
par la géorgie à d’autres occasions.
24. mon intention n’est pas de recenser les éléments de preuve docu -
mentaires de la même manière que dans l’arrêt, mais de laissper le texte de
ces documents parler de lui-même. Ces éléments de preuve documen -
taires, qu’ils soient pris individuellement ou dans leur ensemble, mep

semblent suffisants pour qu’une certaine force probante soit accordée
(que ce soit en tant que preuve directe, première, indirecte, secondpaire, ou
que preuve concordante) à l’argument de la géorgie selon lequel il existait
déjà, bien avant la période du 9 au 12 août 2008, un différend entre la
Russie et elle sur des questions liées à la CIEdR, la géorgie accusant en

particulier la force russe de maintien de la paix d’avoir appuyé opu facilité
le nettoyage ethnique ou manqué de prévenir de tels actes ; mettant en
cause le comportement de la Russie à l’égard du droit au retourp des réfu -
giés et des personnes déplacées ; et reprochant aux soldats de la paix
russes de n’avoir pas empêché les violations des droits de l’phomme com -

mises contre des civils géorgiens dans les zones qui étaient placées sous
leur responsabilité. Au stade actuel de la procédure, consacré pà la compé -
tence, la Cour n’a pas besoin d’établir avec une certitude absoplue si les
violations dont la géorgie tire grief ont réellement eu lieu.

1. Les échanges bilatéraux entre la Géorgie et la Fédération▯ de Russie

25. Au paragraphe 78 de l’arrêt, la Cour n’attribue aucune valeur juri -
dique à l’échange de lettres de juillet-août 2004 entre le président de la
géorgie, mikhaïl Saakachvili, et son homologue russe, vladimir poutine,

au motif qu’« [i]l n’était pas question dans ces lettres du retour des réfu -

133 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 200

giés et des personnes déplacées ». pourtant, lorsqu’on les met en regard,
les passages pertinents de ces lettres montrent que les deux présidenpts
avaient effectivement évoqué les griefs formulés contre le copmportement
des soldats de la paix russes face aux attaques commises contre des civipls
géorgiens. Ainsi, dans sa lettre du 26 juillet 2004, le président Saakachvili
indiquait notamment :

«Je souhaiterais attirer votre aimable attention, monsieur le pré -
sident, sur le fait que récemment, depuis le début de l’aggravaption de
la situation dans la région, toutes les attaques armées ont été perpé -

trées par les unités illégales de la partie sud-ossète contre des villages
habités par des Géorgiens. A la suite de ces attaques criminelles, sept
policiers géorgiens ont été blessés. Ni les observateurs intpernationaux
ni la force russe de maintien de la paix n’ont signalé d’attaqu▯e contre
les villages ou les zones densément peuplées d’habitants ossè▯tes. Nous
sommes résolus à ne subir aucune provocation pour éviter que leps

tensions dans la région ne s’exacerbent et que la crise ne dégépnère en
conflit armé.
Je souhaiterais vous faire part des commentaires formulés par le
commandant de la FCmp, le général Nabzdorov, à de nombreux
journalistes: «Il n’existe aucune frontière russe et géorgienne dans le

tunnel de Roki » et « la géorgie demandera très prochainement à
rejoindre la Fédération de Russie ». Il n’est pas difficile après de telles
déclarations d’apprécier l’impartialité de la force russe▯ de maintien de
la paix qui conduit la mission dans la région. » (mémoire de la géor -
gie, vol. v, annexe 309 ; les italiques sont de moi.)

dans sa lettre du 14 août 2004, le président poutine répondait :

«La propagande lancée par Tbilissi, dont la principale cible était p
d’abord la force russe de maintien de la paix et ensuite la Russie
elle-même, est regrettable. En février de cette année, nous avons dipt
que, pour surmonter la crise prolongée que connaissent nos relations p
bilatérales et normaliser progressivement ces dernières, il étapit indis -

pensable de faire preuve de retenue mutuelle dans nos déclarations
publiques.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Nous estimons que les mesures ci-après doivent être prises pour
stabiliser la situation et créer des conditions propices à la reprpise du
dialogue politique :

Premièrement: obtenir un cessez-le-feu immédiat.
Deuxièmement: engager sans délai la mise en œuvre des accords sur

le retrait des groupes armés illégaux de la zone de conflit, conpvenus
dans le cadre de la Commission de contrôle conjointe en juin-juillet
de cette année et lors de la réunion des ministres géorgien et prusse de
la défense à moscou les 10 et 11 août derniers. En résumé, toutes les
mesures nécessaires doivent être prises pour empêcher que la siptua -

tion actuelle ne dégénère en conflit armé généralisép.

134 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 201

Troisièmement: respecter strictement les accords existants sur les
principes de résolution du conflit ; former et mettre en place la force
commune de maintien de la paix ; contraindre les parties à ne pas
appliquer des mesures de pression pour résoudre tout nouveau pro -
blème; permettre un acheminement sans entrave de l’aide humani -
taire à la population de la région. La mise en œuvre de la propposition

relative à la tenue de réunions de haut niveau au cours des sessiopns
de la Commission de contrôle conjointe aurait un effet positif sur pla
situation actuelle.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Je souhaite souligner que le plus important dans la résolution du
conflit osséto-géorgien doit être de veiller à la protection des droits et

des intérêts de la population sud-ossète, composée en majorité de
citoyens russes. C’est sur cette base que nous poursuivrons sans
relâche notre travail de médiation pour parvenir à un règlempent paci -
fique du conflit. » (mémoire de la géorgie, vol. v, annexe 310 ; les
italiques sont de moi.)

26. deux ans après cet échange, le 24 juillet 2006, le représentant per -
manent de la géorgie auprès de l’Organisation des Nations Unies écrivit

au Secrétaire général pour lui demander de distribuer à l’pAssemblée géné -
rale une résolution du 18 juillet 2006 adoptée par le parlement géorgien
(arrêt, par. 86). Cette résolution indiquait :

«Au lieu d’être démilitarisées, ces forces armées, subordopnnées de
fait aux autorités d’Abkhazie et de l’ancien district autonome pd’Os -
sétie du Sud, ont augmenté considérablement leur potentiel militaire,

les activités terroristes et subversives se sont considérablement pinten -
sifiées, les garanties de sécurité pour la population [pacifiqupe] ont
totalement disparu, on constate des tentatives permanentes de cher -
cher à légaliser les résultats du nettoyage ethnique reconnu co▯mme tel
à plusieurs reprises par la communauté internationale, et on assis▯te à
des violations massives des droits de l’homme fondamentaux et à l’▯ap -

parition d’une menace criminelle internationale de plus en plus impor▯ -
tante, caractéristique des territoires qui échappent à tout con▯trôle. Tel
est le résultat des opérations de maintien de la paix.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Au vu de ce qui précède, il est clair que les actions engagées par les
forces armées de la Fédération de Russie en Abkhazie et dans l’▯ancien

district autonome d’Ossétie du Sud constituent l’un des princip▯aux obs -
tacles au règlement pacifique de ces conflits et sont le résultat d’une
absence de volonté politique de la part de la Fédération de Ruspsie en
faveur d’un règlement desdits conflits et d’une modification du statu
quo actuel.» (Observations écrites de la géorgie, vol. III, annexe 82 ;
les italiques sont de moi.)

27. La Fédération de Russie avait réagi à la résolution du 18p juil -

let 2006 du parlement géorgien avant même que le représentant perma -

135 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 202

nent de la géorgie n’en demande la distribution (arrêt, par. 87). dans une
lettre en date du 19 juillet 2006 adressée au Conseil de sécurité de l’Orga -
nisation des Nations Unies, le représentant permanent de la Fédération
de Russie avait déclaré ce qui suit :

«Le 18 juillet 2006, le Parlement géorgien a pris une décision concer-
nant les forces de maintien de la paix dans les zones de conflit, qui

charge le gouvernement de lancer les procédures visant à mettre fin au
plus vite aux opérations de maintien de la paix en Abkhazie et en Oss▯é-
tie du Sud, à dénoncer les accords et dispositions correspondants ▯et à
exiger le retrait immédiat des contingents de paix russes déployé▯s en
Géorgie conformément aux accords internationaux en vigueur. Il
recommande qu’une autre formule soit envisagée pour le maintien de▯ la

paix et que des contingents de police internationaux soient déployé▯s en
Abkhazie et en Ossétie du Sud.
durant l’examen du projet de décision, certains députés ont dpéclaré
que, dans le cas où les mesures susmentionnées ne seraient pas suip -
vies d’effets, les contingents de paix russes devraient être dépclarés

hors la loi et considérés comme des troupes d’occupation. Le tepxte de
la décision affirme à tort que les activités de ces contingents en
Abkhazie et en Ossétie du Sud constituent l’un des principaux obstpa-
cles au règlement pacifique des conflits.
La Fédération de Russie considère cette décision comme une p▯rovo -
cation, qui vise à exacerber la tension, à éliminer les cadres ▯de la négo -

ciation et à saper la base juridique du règlement pacifique des co▯nflits
entre la Géorgie, d’une part, et l’Abkhazie et l’Ossétie ▯du Sud, d’autre
part. Les accusations qu’elle comporte à l’encontre de la Russi▯e tra -
duisent une manœuvre indigne ayant pour but de rejeter la faute sur
autrui.

Nous estimons que les ultimatums adressés par la géorgie aux
contingents de paix russes sont contre-productifs. On ne peut recourir
à des décisions unilatérales pour annuler des accords internatiponaux
existants. Notre position demeure inchangée, à savoir que la dépcision
du parlement géorgien d’exiger le retrait des contingents de paix
russes ne peut aboutir qu’à une nouvelle crise et à une catastrpophe

humanitaire. Ces dernières années, avec le concours de ses partenapires
étrangers et des organisations internationales, la Russie s’est effporcée
de maintenir un fragile équilibre face à la rhétorique belliquepuse des
politiciens géorgiens et à leurs tentatives de recourir aux provocpations
et à la force pour résoudre les problèmes en Abkhazie et en Osspétie du
Sud. En tout état de cause, seuls les mécanismes de maintien de lap

paix actuellement en place ont permis de maîtriser la situation.
Il ne faut pas oublier que les cadres de négociation auxquels parti -
cipent, outre la Russie, l’Organisation des Nations Unies, l’organisa -
tion pour la sécurité et la coopération en Europe, la Communautpé
d’Etats indépendants et les pays membres du groupe des amis du

Secrétaire général ont été établis avec l’accord de toutes les parties

136 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 203

aux conflits. Les agissements irresponsables de Tbilissi risquent de por-
ter irrémédiablement atteinte au règlement pacifique des diffé▯rends. »
(Observations écrites de la géorgie, vol. III, annexe 81 ; les italiques
sont de moi.)

28. En particulier, dans cette lettre du 19 juillet 2006, la Fédération de
Russie reconnaissait que, dans sa résolution adoptée le 18 juillet 2006, le
parlement géorgien demandait «qu’une autre formule soit envisagée pour
le maintien de la paix » et non, contrairement à ce qui est dit dans l’arrêt,

que des mesures soient prises pour « suspendre immédiatement les … opé -
rations de maintien de la paix et assurer le retrait des forces arméeps de la
Fédération de Russie » (arrêt, par. 86). Comme je le démontrerai par la
suite, dans ses résolutions de 2005 et de 2006, le parlement prescrivait à
l’exécutif géorgien d’engager des négociations avec la Fépdération de Rus -

sie au sujet du comportement et des responsabilités de la force russep de
maintien de la paix, et non pas nécessairement d’ordonner sa suspepnsion
immédiate, et encore moins son retrait pur et simple.
29. Enfin, en 2008, le président Saakachvili et le nouveau président de
la Fédération de Russie, dmitri Anatolievitch medvedev, poursuivirent

ces échanges sur le comportement des soldats de la paix russes ainsi pque
sur la question du retour des personnes déplacées et des réfugipés en
Abkhazie (ibid., par. 100). dans sa lettre du 24 juin 2008, le président Saa -
kachvili déclarait :

«Nous formulons essentiellement les propositions suivantes :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ▯ . . . . . . . . . . . . . .
L’opération de maintien de la paix menée sous l’égide de pla CEI

sera poursuivie avec le mandat révisé. La force russe de maintien pde
la paix se retirera de ses positions actuelles et stationnera le long dep
la rivière Kodori.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Je propose de rédiger, de signer et d’appliquer les accords qui

reprennent les propositions susmentionnées. Avec la Fédération pde
Russie, d’autres parties intéressées pourraient également sep porter
garantes de la mise en œuvre de ces accords.
En conséquence, les parties au conflit pourraient également
conclure un accord distinct sur le non-recours à la force et le retour
des personnes déplacées et des réfugiés dans tout le territo▯ire de l’Ab -

khazie (Géorgie). » (mémoire de la géorgie, vol. v, annexe 308 ; les
italiques sont de moi.)

voici ce que le président medvedev répondit dans sa lettre datée du
1 juillet 2008 (arrêt, par. 101) :

«dans un tel contexte, il est en toute franchise difficile d’imaginer,p
par exemple, la création d’administrations ou de forces de l’ordre
conjointes géorgiennes et abkhazes dans un district abkhaze. De plus,
il semble inopportun de poser la question du retour des réfugiés d▯e
manière aussi catégorique. Eu égard aux vives tensions actuelles, les

137 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 204

Abkhazes y voient une menace à leur survie nationale et nous devons
les comprendre ». (mémoire de la géorgie, vol. v, annexe 311 ; les
italiques sont de moi.)

30. Les échanges relatés ci-dessus ne sont pas coupés de tout contexte
historique, mais doivent aussi être resitués dans le cadre des épchanges inte-
gouvernementaux qui étaient alors en cours entre la géorgie et la Fédéra-
tion de Russie sur la question du retour des réfugiés et des persopnnes
déplacées. Une série de réunions tenues depuis 1997 sur le retour des géor -

giens de souche dans leurs foyers avait abouti, le 7 juin 2002, à l’annonce
d’un accord entre les deux Etats intitulé «programme interétatique de re-
tour, d’installation, d’intégration et de réintégration dpes réfugiés, personnes
déplacées et autres personnes ayant souffert du conflit ossépto-géorgien »
(observations écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 149). Si, à ce stade, la
Fédération de Russie n’était pas directement accusée de fpaire activement

obstacle au retour des géorgiens de souche, il importe de relever qu’elle
était traitée comme partie prenante au règlement de la questionp.
31. En outre, depuis quelque temps déjà, la géorgie et la Fédération de
Russie débattaient en tant que parties de la question du retour des rpéfu -
giés. Lors d’une réunion tenue en 1992 à moscou, le président de la Fédé -

ration de Russie, Boris Eltsine, et le président du Conseil d’Etat de la
géorgie, Edouard Chevardnadze, s’étaient entendus sur les « conditions
propres à assurer le retour des réfugiés sur leur lieu de répsidence perma -
nente» (mémoire de la géorgie, vol. III, annexe 102 ; arrêt, par. 40), et, en
octobre 1993, la Fédération de Russie avait expressément « condamné les

actes de génocide, qui constituent une violation grossière des dropits de
l’homme … dans la zone du conflit entre la géorgie et l’Abkhazie »
(mémoire de la géorgie, vol. III, annexe 107). Ce processus se poursuivit
avec un protocole de négociations de 1993 (ibid., vol. III, annexe 105),
aboutissant à la conclusion de l’accord quadripartite de 1994 sur le rapa -
triement librement consenti des réfugiés et des personnes déplapcées, qui

fut signé par la Fédération de Russie, la géorgie, l’Ossétie du Sud et
l’Abkhazie en tant que parties (ibid., vol. III, annexe 110 ; arrêt, par. 46).
32. La déclaration finale publiée à l’issue des réunions des p6
et 7 mars 2003 entre le président de la Fédération de Russie, vladi -
mir poutine, et son homologue géorgien, Edouard Chevardnadze, fut

relatée dans un article du journal Svobodnaïa Grouzia, qui indique que,
«[a]u cours des négociations, les présidents des deux pays ont aborpdé les
questions … du règlement complet du conflit en Abkhazie, géorgie »
(mémoire de la géorgie, vol. III, annexe 136). de plus, les deux Etats ont
souligné « l’importance des initiatives concrètes qu’il conv[enait] de

prendre pour résoudre le problème extrêmement préoccupant dup retour
dans la dignité et la sécurité des réfugiés et des personpnes déplacées à leur
lieu d’origine et de la reconstruction économique de la zone de copnflit »
(ibid.). Un représentant abkhaze était présent à ces réunions, mpais il res-
sort clairement du texte que les « parties» à un éventuel accord seraient la

géorgie et la Fédération de Russie.

138 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 205

33. La géorgie continua de traiter la Fédération de Russie comme une
partie aux négociations sur la question du retour des réfugiés pet des per -
sonnes déplacées. Les 20-23 janvier 2003, par exemple, la présidente du
parlement géorgien, m me N. Bourjanadze, s’exprima devant la douma de
la Fédération de Russie et évoqua « la situation difficile des réfugiés et des

déplacés» (observations écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 153; arrêt,
par. 76). Au sujet de la force russe de maintien de la paix, la partie gépor -
gienne nota qu’«une certaine méfiance a[vait] également été observée, duep
la plupart du temps aux actions des « Casques bleus » présents dans la

zone de conflit » (ibid.). par la suite, une réunion qui devait avoir lieu les
30 et 31 octobre 2003 sur la question du retour des réfugiés et des per -
sonnes déplacées dut être annulée faute d’accord entre leps parties quant
aux modalités des négociations. La géorgie s’obstinait à vouloir trouver
tout d’abord un accord avec la Fédération de Russie, la partie pabkhaze ne

pouvant intervenir qu’après, tandis que la Fédération de Ruspsie insistait
pour que l’Abkhazie fût présente dès le tout début, étpant donné que la
solution au problème du retour des personnes déplacées et des rpéfugiés
devait être basée sur les conditions présentées par la partipe abkhaze
(observations écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 155).

2. Les déclarations faites par la Géorgie devant des organisations
internationales dont la Fédération de Russie est membre

34. Les échanges examinés ci-dessus entre la géorgie et la Fédération
de Russie doivent être rattachés aux déclarations faites par la géorgie

au sein d’organisations internationales dont la Fédération de Russpie est
membre. Ainsi, le 26 janvier 2005, le représentant permanent de la
géorgie adressa une lettre au président du Conseil de sécuritép de l’Orga-
nisation des Nations Unies (arrêt, par. 79), dans laquelle il déclarait,

notamment :
«J’ai l’honneur de vous écrire et, par votre entremise, d’apppeler

l’attention du Conseil de sécurité sur l’évolution récpente du processus
de résolution du conflit en Abkhazie (géorgie).
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Je voudrais encore rappeler qu’il y a une catégorie de personnes àp
laquelle nous devons tous penser. Ce sont les réfugiés et les déplacés —

victimes du nettoyage ethnique — qui, depuis déjà plus d’une décennie,
attendent qu’un droit fondamental leur soit reconnu: celui de vivre chez
eux. Ils continuent de vivre dans des conditions très difficiles, ▯ la
moindre sécurité. Les événements qui ont eu lieu dans la région de gali
ce mois-ci ont bien montré qu’ils ont une fois de plus à faire face àp un

état de non-droit. Je pense que les membres du Conseil de sécurité sont
au courant des enlèvements qui ont eu lieu le jour des «élections». En
fait, ces actes ont été commis devant les soldats de la paix de la CEI, qui,
une fois de plus, n’ont rien fait pour protéger la population civil▯ e paci -
fique. En fait, après le cessez-le-feu de 1994, plus de deux mille Géor -

139 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 206

giens ont été tués dans la zone de sécurité de Gali, qu▯ st du ressort de
la force de maintien de la paix de la CEI. Je dois dire une fois de plus▯ que
celle-ci est loin d’être impartiale et soutient souvent les structure▯ ra-
militaires séparatistes abkhazes. Je pense qu’il est grand temps de com -
mencer à penser à une nouvelle forme d’opération de maintien de la
paix, car les activités du contingent militaire russe — ce à quoi se réduit

en fait la force de maintien de la paix de la CEI — peuvent difficilement
être considérées comme telle ». (Observations écrites de la géorgie,
vol. III, annexe 71; les italiques sont de moi.)
35. Le 27 octobre 2005, le représentant permanent de la géorgie

adressa au président du Conseil de sécurité une nouvelle lettrep (arrêt,
par. 81) rédigée en ces termes :
«On ne sait trop comment qualifier le comportement du facilita -

teur — la Fédération de Russie —, en particulier quand on constate
plusieurs tendances alarmantes en Abkhazie (géorgie) :
— La Fédération de Russie continue à entretenir illégalement spa
base militaire à goudaouta, sans le consentement de la géorgie

et contre les engagements internationaux pris par la Russie ;
— Les postes de l’appareil administratif séparatiste sont pourvus
par des fonctionnaires détachés directement de postes qu’ils
occupent en Fédération de Russie, parfois même en Sibérie ;
— des personnes morales de la Fédération de Russie acquièrent des p
biens et des terres dans les régions qui font sécession ;

— du personnel militaire des séparatistes reçoit une formation dans
les écoles militaires russes, et on n’hésite pas, même, àp prévoir
ouvertement des quotas ;
— La citoyenneté russe est accordée à 80% de la population actuelle
de ces régions, comme le prétendent leurs dirigeants, qui veulent p
également délivrer en quelques mois des passeports à tous les

habitants.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Ces forces militaires russes sont toujours désignées comme forces p
de maintien de la paix ou «Casques bleus», et le processus général de
règlement du conflit dans la région est conçu comme un procespsus de

paix mené par les Nations Unies.
En fait, le rapport indique que le nombre des personnes déplacées
venant d’Abkhazie a diminué, de deux cent cinquante mille à envpiron
un peu plus de deux cent mille. Cette diminution s’est produite, pour
l’essentiel, en raison des décès courants. Faut-il voir là une tendance

positive, ou attendre que tous aient disparu avant que le retour des
réfugiés commence ?
A quelle sorte de maintien de la paix l’Organisation des Nations
Unies contribue-t-elle? de qui l’Organisation protège-t-elle les droits?
de n’importe qui, mais sûrement pas des réfugiés et déplacpés géorgiens.
A ce sujet, je tiens à informer le Conseil de sécurité de la résolution ▯

adoptée par le Parlement géorgien, le 11 octobre 2005, concernant les

140 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 207

forces de maintien de la paix russes en Géorgie, aussi bien dans la
région de Tskhinvali qu’en ex-Ossétie du Sud et en Abkhazie. Le
parlement géorgien appelle de ses vœux une amélioration du fonc -
tionnement du processus de paix et pose une date limite pour la réép-
valuation de son fonctionnement, le 1 erjuillet 2006 dans le cas de

l’Abkhazie. La résolution envisage également que, en cas de conpclu -
sion négative, la géorgie s’oppose à l’opération de maintien de la
paix et se retire des accords et organes correspondants.
Cette résolution du Parlement géorgien appelle en fait les dirigea▯nts
russes à réexaminer leur démarche. Malheureusement, la répon▯se du

ministère russe des affaires étrangères, qui considère la ré▯solution du
Parlement géorgien comme « une provocation » et comme « contre-
productive», montre assez qu’il n’existe aucune volonté politique de
débloquer le processus de règlement du conflit. Il semble que l’opéra -
tion de maintien de la paix dirigée par la Russie ait atteint ses limpites

et que le seul moyen de régler le problème soit une opération dpe
maintien de la paix à grande échelle, réellement internationalep, mais
dirigée par l’Organisation des Nations Unies. » (Observations écrites
de la géorgie, vol. III, annexe 75 ; les italiques sont de moi.)

J’ai reproduit un aussi long passage de ce document parce que, au
paragraphe 81 de l’arrêt, la Cour ne cite pas le texte intégral de cette
communication du représentant permanent de la géorgie avant de
conclure qu’«[elle] ne peut discerner dans cette lettre aucune accusation …

contre la Fédération de Russie ».
36. Le même problème se retrouve au paragraphe 82 de l’arrêt, qui,
cette fois, ne renvoie pas au texte même du document analysé. Je sponge ici
à la lettre datée du 9 novembre 2005, dans laquelle le représentant perma -
nent de la géorgie priait le Secrétaire général de l’Organisation desp

Nations Unies de transmettre et de distribuer à l’Assemblée générale une
résolution adoptée par le parlement géorgien le 11 octobre 2005. dans
cette résolution, le parlement géorgien exposait notamment les prémisses
factuelles et demandait les mesures suivantes :

«depuis que ces gouvernements criminels, aux mains de clans,
règnent sur ces régions, on assiste à des enlèvements en maspse — y
compris d’enfants — ainsi qu’à des assassinats et, d’autre part, des

bandes criminelles donnent libre cours à leurs activités, la populpation
civile est victime d’attaques et de vols, des groupes terroristes et psub -
versifs se constituent avec l’appui de ces gouvernements et reçoivent
l’aide des services spéciaux russes. d’autres pratiques sont courantes,
telles que la fabrication de fausse monnaie, le transit des drogues, le p
trafic d’armes et la traite d’êtres humains, la contrebande, l’appro -

priation de biens qui appartenaient à des réfugiés, ou encore l▯e refus
d’honorer le droit à l’éducation dans la langue maternelle d▯ans les
écoles et le droit des personnes déplacées et des réfugié▯s de rentrer chez
eux. Et encore cet inventaire des répercussions des activités menépes
par ces régimes est-il incomplet.

141 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 208

En outre, les régimes séparatistes poursuivent leurs tentatives de légi-
timer les résultats du nettoyage ethnique dénoncé lors des sommets de
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ptenus à
Budapest, à Lisbonne et à Istanbul — dont la dernière illustration est
l’appropriation en série de maisons de géorgiens contraints de s’exiler.
de toute évidence, les actes susmentionnés n’ont rien de commun

avec la protection des droits des groupes ethniques qui résident
aujourd’hui dans les territoires de l’Abkhazie et de l’anciennep région
autonome d’Ossétie du Sud. Les dictatures criminelles actuellementp en
place constituent une menace pour tout un chacun, y compris pour ceux
qu’elles prétendent essayer de protéger. A cet égard, il suffipt de mentio-

ner la politique répressive menée par les gouvernements séparatpistes à
l’encontre des citoyens abkhazes et ossètes qui ont essayé de pplaider la
cause de la diplomatie publique et celle des mesures de confianc :eparmi
les personnes punies et arrêtées figurent en effet des enfants dont le seul
«crime» a été de faire la connaissance d’enfants géorgiens.
En raison de l’absence totale d’information, de la répression ept de

la propagande anti-géorgienne, la population locale de ces deux
régions n’a aucune possibilité d’obtenir des renseignements quant
aux initiatives de paix récemment proposées par le gouvernement
central de la géorgie, ni de se forger une opinion à leur sujet.
dans les territoires de l’Abkhazie et de l’ancienne région auto -

nome d’Ossétie du Sud, les droits et libertés fondamentaux des
personnes déplacées sont violés, tout comme ceux du reste de lap
population. Les gouvernements séparatistes, qui manipulent les
questions touchant à l’appartenance ethnique, tentent d’asservipr le
processus de règlement du conflit à leurs propres intérêtsp claniques,
au mépris des intérêts fondamentaux de leurs populations.

La question se pose alors de savoir de quels soutiens bénéficient les
régimes séparatistes pour être en mesure de ne tenir aucun compte de
la position exprimée par des organisations internationales respectées et
d’enfreindre les normes et principes fondamentaux du droit internatio▯ -
nal.

malheureusement, la réponse à cette question est sans ambiguïté :
c’est la Fédération de Russie qui est l’instigatrice de ces conflits et qui
les entretient, indépendamment du fait que ce pays est officiellement
investi de la lourde responsabilité de faciliter leur règlement.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

Au vu de ce qui précède, le parlement géorgien décide de :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

2. demander au gouvernement géorgien d’intensifier les négocia -
tions avec la Fédération de Russie, les organisations internationales
et les pays intéressés en ce qui concerne le respect des obligatiopns
auxquelles ont souscrit les forces de maintien de la paix sur le terri -
toire de l’ancienne région autonome d’Ossétie du Sud et de rpendre

compte de la situation au parlement d’ici au 10 février 2006 ;

142 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 209

3. Demander au Gouvernement géorgien d’intensifier les négocia -
tions avec la Fédération de Russie, les organisations internationales et
les pays intéressés en ce qui concerne le respect des obligations aux -
quelles ont souscrit les forces de maintien de la paix sur le territoire de
l’Abkhazie et de rendre compte de la situation au parlement d’ici au
er
1 juillet 2006. » (Observations écrites de la géorgie, vol. III,
annexe 76; les italiques sont de moi.)

37. Le 27 octobre 2005, se référant à cette même résolution, le repré -
sentant permanent de la géorgie auprès de l’Organisation des Nations
Unies écrivit encore au président du Conseil de sécurité (aprrêt, par. 81),
confirmant la réponse et la réaction de la Fédération de Ruspsie à cet acte
du parlement géorgien :

«A ce sujet, je tiens à informer le Conseil de sécurité de la répsolu -
tion adoptée par le parlement géorgien, le 11 octobre 2005, concer -
nant les forces de maintien de la paix russes en géorgie, aussi bien

dans la région de Tskhinvali qu’en ex-Ossétie du Sud et en Abkhazie.
Le parlement géorgien appelle de ses vœux une amélioration du
fonctionnement du processus de paix et pose une date limite pour la
réévaluation de son fonctionnement, le 1 er juillet 2006 dans le cas de
l’Abkhazie.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Cette résolution du parlement géorgien appelle en fait les diri -
geants russes à réexaminer leur démarche. Malheureusement, la
réponse du ministère russe des affaires étrangères, qui considère la

résolution du Parlement géorgien comme « une provocation» et comme
«contre-productive», montre assez qu’il n’existe aucune volonté poli -
tique de débloquer le processus de règlement du conflit. » (Observa -
tions écrites de la géorgie, vol. III, annexe 75 ; les italiques sont de
moi.)

38. Le 26 janvier 2006, le représentant spécial du président de la géor -
gie auprès du Conseil de sécurité, se référant lui aussi pà la résolution
adoptée le 11 octobre 2005 par le parlement géorgien (arrêt, par. 84),

exposa plus avant les préoccupations de la géorgie quant au comporte -
ment des soldats de la paix russes, qui cautionnaient le nettoyage eth -
nique et fermaient les yeux face au meurtre de géorgiens de souche dans
la zone placée sous leur responsabilité :

«Aujourd’hui, nous faisons face à une évolution plutôt inattepndue
et inquiétante de cette question éminemment importante. L’un deps
membres du Conseil de sécurité, membre du groupe des amis du
Secrétaire général et facilitateur du processus de paix — à savoir la

Fédération de Russie —, a soudainement décidé de cesser de soutenir
le principe fondamental — celui de l’intégrité territoriale de la géor -
gie à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues. Ce
désengagement concerne aussi ce qu’il est convenu d’appeler le pdocu -
ment de Boden, intitulé «principes fondamentaux de la répartition

143 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 210

des compétences entre Tbilissi et Soukhoumi» — qui est le document
essentiel pour le règlement politique de tout le processus de paix.
C’est la raison pour laquelle, pour la première fois dans l’hisptoire des
délibérations du Conseil de sécurité, nous n’avons pas dep projet de
résolution préparé par le groupe d’amis.

monsieur le président,
Ce changement de position de l’un des plus éminents membres du P5
n’a rien d’un simple infléchissement ou d’une réorientati▯on mineure.

Renoncer au principe de la détermination du statut de l’Abkhazie au
sein de la Géorgie équivaut bel et bien à soutenir le sécessionnisme, à
cautionner le nettoyage ethnique de plus de trois cent mille citoyens
géorgiens et à remettre en cause le principe fondamental de l’archi -
tecture du monde moderne, à savoir celui de l’intégrité terrpitoriale et

de l’inviolabilité des frontières internationalement reconnues.p
monsieur le président,

Je représente les populations qui ont été expulsées de forcep et ne
sont pas autorisées à retourner chez elles. Je représente les ppopula -
tions qui comptent chaque jour passé en exil et placent tant d’esppoir
dans le travail et les résolutions de ce conseil. Je représente lap com -
munauté qui suit de très près chaque évolution du processus pde paix

en Abkhazie, géorgie.
Comment puis-je expliquer à mes concitoyens que le facilitateur
du processus de paix, l’organisateur des opérations de paix sur lep
terrain, campe sur sa position très dangereuse ?
J’aimerais ajouter à cet égard quelques mots sur l’opératpion de
maintien de la paix — appelée opération de maintien de la paix de la

CEI —, qui est en réalité menée exclusivement par la Fédérpation de
Russie. En octobre 2005, le parlement géorgien a fait une déclaration
spéciale qui évaluait assez négativement — d’ailleurs à juste titre —
l’efficacité de la force russe de maintien de la paix de la CEI. pOui,
c’est une charge pour la Fédération de Russie et pour ses trouppes.

mais toute médaille a son revers : près de deux mille géorgiens ont
été tués dans la zone sous le contrôle de la force russe de pmaintien de
la paix de la CEI depuis son déploiement en 1994.
La population géorgienne est de plus en plus méfiante à l’épgard de la
force de maintien de la paix, en particulier dans la région pour laqupelle

cette dernière a été mandatée. La population touchée par ple conflit ne
considère pas cette force comme une force internationale impartiale,
mais plutôt comme un mur séparant les deux communauté» s.(Observa -
tions écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 16;les italiques sont de moi.)

39. La mission permanente de la géorgie auprès de l’Organisation des
Nations Unies exprima des vues similaires sur le comportement et l’inac -
tion des soldats de la paix russes, dans des lettres identiques en date pdu
11 août 2006 adressées au Secrétaire général et au président du Cponseil de

sécurité (arrêt, par. 90) :

144 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 211

«de nouvelles troupes armées, déployées par la partie abkhaze
dans les villages de la partie inférieure du district de gali, ont forcé
les habitants géorgiens à creuser des tranchées pour des formations
armées séparatistes, sur instruction de l’administration abkhaze du
district de gali.

Il s’agit là d’un cas manifeste de travail forcé, totalementp interdit
par l’ensemble des documents internationaux relatifs aux droits de
l’homme, y compris l’article 8 du pacte relatif aux droits civils et
politiques, la convention n o 105 de l’Organisation internationale du
Travail et l’article 4 de la convention sur la protection des droits de

l’homme et des libertés fondamentales.
Tous ces accords internationaux font partie intégrante de la légisplation
géorgienne et ont force contraignante sur l’ensemble du territoirep de la
géorgie, y compris l’Abkhazie. En outre, le protocole visé au para -
graphe 4 de l’accord de moscou du 14 mai 1994 prévoit que les forces

de maintien de la paix de la CEI sont tenues dans le cadre de leurs foncp -
tions de respecter la législation et la réglementation internes géporgiennes.
Toutefois, les soldats russes chargés du maintien de la paix conti -
nuent de ne pas respecter leurs obligations et d’ignorer les violatio▯ns
flagrantes de la législation et des droits de l’homme qui se produ▯isent
en leur présence.

Nous demandons aux forces de maintien de la paix de la CEI et à
leurs responsables d’employer tous les moyens à leur disposition
pour mettre immédiatement fin au travail forcé sur le territoire dpe
l’Abkhazie (géorgie). » (Observations écrites de la géorgie, vol. III,
annexe 83; les italiques sont de moi.)

40. Le représentant permanent de la géorgie fit le même constat au
sujet de la force russe de maintien de la paix dans une déclaration du

3 octobre 2006 (arrêt, par. 92) :
«Il est tout à fait clair que la force russe de maintien de la paix n’est

ni impartiale, ni internationale. Elle s’est montrée incapable de ▯mener
à bien les principales tâches définies dans son mandat — créer des
conditions de sécurité favorables au retour de centaines de millie▯rs de
ressortissants géorgiens victimes du nettoyage ethnique. Elle est deve -
nue la force qui s’emploie à dresser artificiellement les parties ples unes

contre les autres. » (Observations écrites de la géorgie, vol. Iv,
annexe 171; les italiques sont de moi.)
41. dans son troisième rapport périodique du 7 novembre 2006 pré -

senté au Comité des droits de l’homme quant à la mise en œpuvre du pacte
international relatif aux droits civils et politiques, la géorgie déplora la
poursuite des actes de torture et d’autres violations graves des droipts de
l’homme dans des parties de son territoire sur lesquelles la Fédépration de
Russie exerçait un contrôle effectif :

« 22. Les violations les plus flagrantes des droits de l’homme per -
sistent dans le territoire d’Abkhazie et dans la région de Tskhinv▯ali/

145 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 212

Ossétie du Sud en Géorgie, qui sont de facto hors du contrôle du
Gouvernement géorgien et sous le contrôle effectif de la Fédé▯ration de
Russie. Beaucoup de citoyens géorgiens qui y vivent sont soumis à ▯la
torture et à d’autres mauvais traitements, et ils sont victimes d’▯autres
violations nombreuses et graves des droits de l’homme. Le gouverne -

ment géorgien fait de son mieux pour garantir leurs droits, mais il
apparaît que la géorgie a besoin d’une assistance urgente et impor -
tante de la communauté internationale pour que ces droits soient
protégés. On trouvera dans le présent rapport, au regard des dipspo-
sitions correspondantes du pacte, des informations plus larges à ce

sujet.» (Observations écrites de la géorgie, vol. III, annexe 85 ; les
italiques sont de moi.)

A la lumière de cet extrait, je peine à comprendre comment la Courp peut
dire, au paragraphe 68 de son arrêt, que le document en question « n’a
pas non plus formulé à son encontre [de la Fédération de Ruspsie s’entend]
de critique concernant la discrimination raciale ».
42. Lorsque le président Saakachvili prit la parole devant l’Assemblée

générale des Nations Unies le 26 septembre 2007 (arrêt, par. 94), il criti -
qua également le comportement et l’inaction des soldats de la paixp de la
Fédération de Russie :

«Et même si notre relation avec nos voisins de la Fédération de Rus-
sie demeure on ne peut plus délicate, mon gouvernement est résolu à
régler cette question par des voies diplomatiques, en partenariat avepc

la communauté internationale. Je peux le dire en toute confiance, carp
la géorgie est une nation qui se nourrit de justice, de primauté du
droit et de démocratie. C’est un choix irréversible fait par mopn
peuple. pour en avoir la preuve, il suffit de voir comment la Géorgie
a répondu aux nombreuses provocations auxquelles elle a dû faire f▯ace

l’an dernier, des attaques de missiles aux embargos à grande échelle,
en passant même par des pogroms destructeurs.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

Aujourd’hui, j’ai le regret de dire que les signes d’espoir sonpt rares
et lointains. L’histoire de l’Abkhazie, où plus de cinq cent miplle
hommes, femmes et enfants ont été contraints de fuir dans les
années 1990, est particulièrement frappante, en cela qu’elle constitue
l’un des nettoyages ethniques les plus terrifiants du xx e siècle, et

pourtant oublié. Depuis que les soldats de la paix russes y ont été
déployés, plus de deux mille Géorgiens ont péri, et c’est un climat de
peur qui y règne.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

L’ignorance persistante du nettoyage ethnique perpétré en Abkha▯zie
(Géorgie) est une tache sur le Cv moral de la communauté interna -
tionale. Les différends ne relèvent plus de griefs ethniques, mapis de la
manipulation de l’avidité par une petite minorité d’activistpes, de mili -
tants, de milices et leurs soutiens étrangers, aux dépens de la popula -

146 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 213

tion locale, des personnes déplacées et de celles qui sont privépes de
leurs biens et de leurs droits fondamentaux — et même celui de s’ex -
primer et d’étudier dans leur propre langue.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

Au moment même où je m’exprime, des éléments russes s’▯activent à
construire, en toute illégalité, une nouvelle base militaire impor▯tante
dans la petite ville de Java, en Ossétie du Sud, dans le centre de lap
géorgie, de l’autre côté de la chaîne caucasienne, trèsp loin du terri -

toire russe, dans l’espoir que les armes et la violence l’emporterpont
sur la volonté du peuple. Or, cette dangereuse escalade a lieu au nezp
et à la barbe des contrôleurs internationaux, dont le travail consiste
justement à démilitariser le territoire. » (Observations écrites de la
géorgie, vol. III, annexe 88 ; les italiques sont de moi.)

Il est intéressant de noter que, bien que la Cour cite ce document aup
paragraphe 94 de son arrêt, elle ne le fait que d’une façon manifestement p

sélective. dans ce paragraphe, elle se garde de dire quoi que ce soit sur la
valeur juridique dudit document.
43. dans une lettre datée du 3 octobre 2007 au président du Conseil de
sécurité (arrêt, par. 95), le représentant permanent de la géorgie déclarait
ceci :

«Suite à l’attaque perpétrée par des militants séparatisteps abkhazes
contre une unité de police du ministère géorgien des affairesp inté -

rieures le 6 septembre 2007, nous souhaitons vous informer de ce qui
suit.
Les services de police géorgiens ont obtenu des renseignements
crédibles sur l’identité d’un des militants tués. Le lieuptenant-colonel
Igor mouzavatkine, affecté à la brigade de maïkop (Fédération de
e
Russie), commandait jusqu’à récemment le 558 bataellon spécial
d’infanterie de la prestigieuse et hautement décorée 131 brigade spé-
ciale d’infanterie. Ces quelques dernières années, le 558 ebataillon,
sous le commandement de son chef de corps mouzavatkine, a assumé
des tâches de maintien de la paix en Abkhazie (géorgie), notamment

dans le district de gali. Après cette affectation, le leeutenant-colonel
mouzavatkine a été muté à la 19 brigade de la 58 armée, stationnée
à vladikavkaze (Fédération de Russie).
La partie géorgienne est profondément préoccupée par ce faitp, qui
prouve que les forces armées séparatistes illégales ne cessent pde

recevoir le soutien d’une partie censée participer au processus dep
règlement du conflit en tant que modérateur. Nous voyons malheu -
reusement ce genre de comportement depuis quatorze ans. Qui plus
est, les hauts dirigeants russes trouvent normal d’assurer appui et for -
mation aux unités soi-disant antiterroristes, qui sont en réalité foncière-

ment des formations militaires illégales du régime abkhaze de facto,
responsables de l’épuration ethnique menée en Abkhazie (Géor ▯ gie). »
(Observations écrites de la géorgie, vol. III, annexe 89; les italiques
sont de moi.)

147 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 214

Là encore, je ne parviens pas à saisir comment la Cour peut dire, pau
paragraphe 95 de son arrêt, que ce document « ne faisait [pas] état
de discrimination raciale ou de nettoyage ethnique … ou de la responsa-
bilité de la Fédération de Russie dans de tels actes », ou, en particulier,
que «la référence au nettoyage ethnique n’était pas formulée comme une
accusation, contre la Fédération de Russie, de ne pas respecter seps obli-

gations en vertu de la CIEdR ».
44. Le 19 avril 2008, le ministère des affaires étrangères de la géorgie
réagit à une déclaration faite la veille par le ministère deps affaires étran -
gères de la Fédération de Russie (arrêt, par. 97) :

«Le 18 avril 2008, le ministère russe des affaires étrangères a publié
un communiqué de presse sur l’approbation par le président de lpa
Fédération de Russie d’un train de mesures visant à normaliser les
relations avec la géorgie. A ce sujet, le ministère géorgien des affaires

étrangères déclare que, compte tenu des actions destructives répcem -
ment menées par moscou dans les régions séparatistes géorgiennes, il
ne saurait considérer que la levée des entraves au commerce, à pl’éco-
nomie et au transport que la Russie avait imposées de manière unilpa-
térale et à des fins politiques à la géorgie constitue en soi le point de

départ d’une coopération.
Toute mention par la partie russe de son intention de normaliser les
relations bilatérales et de sa volonté de coopérer vise — dans le contexte
de l’annexion de facto de régions de l’Abkhazie et de Tskhinvali qui
font partie intégrante de la Géorgie et le mépris des droits de▯ l’homme
d’une grande majorité de la population de ces régions, victimes▯ d’un

nettoyage ethnique — à créer l’illusion d’une coopération constructive
avec la Géorgie et est vue comme une manœuvre visant à attén▯uer la
forte réaction de la communauté internationale face à sa politi▯que
d’agression.» (Observations écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 177;
les italiques sont de moi.)

Ce document n’est là encore pas cité intégralement dans l’parrêt, qui ne
rend donc pas compte de la véritable position du ministère des affpaires
étrangères de la géorgie.

45. Compte tenu de cette série de communications concordantes adres-
sées par la géorgie à des organisations internationales dont la Fédératiopn
de Russie est membre, il est difficile de nier toute valeur juridique ou toute
force probante (que ce soit en tant que preuve directe, première, inpdirecte,
secondaire, ou que preuve concordante) à l’un quelconque des épléments
de preuve documentaires précités aux fins d’établir l’exipstence, bien avant

la période du 9 au 12 août 2008, d’un différend entre la géorgie et la
Fédération de Russie au sujet de questions liées à la CIEdR.

3. Les déclarations publiques faites par la Géorgie à d’autres ▯occasions

46. dans le cadre de sa pratique, la Cour n’a pas hésité à considpérer

des déclarations unilatérales (d’origine ministérielle ou pparlementaire, par

148 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 215

exemple) dans le cadre des éléments de preuve documentaires qui lpui
étaient soumis, fût-ce en leur accordant un degré variable de pertinence
ou de force probante (voir Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 1974, p. 269, par. 50 ; Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande
c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 474, par. 52 ; Licéité de la menace
ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I),

p. 249-252, par. 59 ; Compétence en matière de pêcheries (Espagne
c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 454,
par. 49). dès lors, je ne peux laisser de côté, aux fins d’établir lp’existence
d’un différend, plusieurs déclarations de la géorgie à la presse internatio -
nale, ainsi que d’autres documents officiels, en tant qu’ils font partie de la

somme des éléments de preuve documentaires qui pourraient corroborper
ou compléter les informations existantes sur les échanges bilatépraux et les
déclarations géorgiennes distribuées à des organisations intpernationales.
Il est difficile de savoir, au vu de leur contenu, si les documents ci-après
ont été distribués à des organisations internationales, maisp ils peuvent eux
aussi être pris en considération puisqu’ils peuvent corroborer pd’autres élé -

ments. La plupart d’entre eux soit ne sont pas mentionnés, soit nep sont
pas reproduits textuellement dans l’arrêt.
47. par exemple, dans une résolution adoptée le 11 octobre 2001 (arrêt,
par. 71), le parlement géorgien exprima certaines préoccupations quant au
comportement ou à l’inaction de la force russe de maintien de la ppaix face

au nettoyage ethnique qui avait été perpétré contre les géorgiens dès 1994:

«Depuis que la force russe de maintien de la paix, sous l’égide de ▯la
CEI, s’est déployée dans la zone de conflit en Abkhazie en juillet 1994,
la politique de nettoyage ethnique contre les Géorgiens n’a pas ce▯ssé. Il
est confirmé que, au cours de cette période, plus de mille sept cents
personnes ont été tuées dans la zone de sécurité. La forc▯e de maintien
de la paix a commis de nombreux crimes contre la population paci -

fique. L’Abkhazie est devenue un territoire incontrôlé, où les terro -
ristes, les trafiquants de drogue et d’armes, et d’autres membres p
d’organisations criminelles peuvent agir impunément.
L’absence d’approche constructive de la partie russe a conduit àp
une impasse et bloqué les discussions et l’adoption du projet relaptif

au statut de l’Abkhazie élaboré par les Nations Unies et les repprésen -
tants des pays amis de la géorgie.
Les déclarations anti-géorgiennes, partiales et agressives formulées
dans les cercles officiels russes sont un sujet de préoccupation. Elples
révèlent le double langage des autorités, qui poursuivent toujopurs des
opérations militaires à grande échelle en Tchétchénie en pvue de réta -

blir l’intégrité territoriale de la Russie.
Après les nombreux exemples récents de bombardement et de
violation de l’espace aérien géorgien, il est devenu évidentp que la
Russie apparaît comme une partie au conflit. Alors que la fonction de
la force de maintien de la paix se limite à tracer une « frontière» et à

faciliter le règlement du conflit, celle-ci a plutôt tendance à en être

149 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 216

l’instigatrice, comme le confirme le déploiement de renforts et d’par -
mements militaires supplémentaires en Abkhazie sans l’accord du
gouvernement géorgien. » (Observations écrites de la géorgie,
vol. Iv, annexe 145 ; les italiques sont de moi.)

48. Le parlement géorgien exprima à nouveau ces préoccupations
concernant le comportement ou l’inaction des soldats russes chargéps du
maintien de la paix dans une résolution adoptée le 20 mars 2002 (arrêt,
par. 74), dans laquelle il déclara, notamment :

«La force de maintien de la paix de la CEI, déployée sur le territo▯ire
de l’Abkhazie, remplit en réalité des fonctions de garde-frontière entre
l’Abkhazie et le reste de la Géorgie et n’assure pas les missio▯ns prévues

par son mandat, à savoir qu’elle ne peut assurer la protection de la
population ni créer les conditions d’un retour en toute sécurit▯é des
déplacés;
En Abkhazie, sur le territoire géorgien occupé, des violations
importantes des droits de l’homme et des libertés, sur des bases e▯th -
niques, ont été commises avec l’aide de forces militaires exter▯nes, telles

que la privation arbitraire de liberté, des actes de terrorisme, des p
meurtres, des prises d’otages, des enlèvements à des fins d’pextorsion,
des violations du statut officiel de la langue géorgienne, la destrupc -
tion et la spoliation de biens de l’Etat, de réfugiés et de dépplacés. Les
monuments de la culture et des établissements scientifiques et univerp -

sitaires géorgiens ont été détruits et des activités simiplaires ont lieu.
La communauté internationale n’a pas été dûment informépe de ces
actions. La politique des responsables séparatistes constitue une vépri -
table menace pour l’existence de l’ethnie abkhaze elle-même et pour
sa culture unique. » (Observations écrites de la géorgie, vol. Iv,
annexe 146; les italiques sont de moi.)

49. Le président Saakachvili n’était pas étranger lui non plus à ces pré -
occupations suscitées par les soldats russes chargés du maintien dpe la paix

à l’époque de son élection. dans un entretien accordé le 25 février 2004 à
BBC News (arrêt, par. 77), il déclara :
«Bien, la question porte avant tout sur nos relations avec la Rus -

sie. Les généraux russes sont à la tête de la région [l’pAbkhazie], ils
possèdent là-bas un contingent militaire qui a eu un effet très néfaste
durant les années de guerre. Au fond, ils ont déclenché la guerpre
là-bas et les séparatistes d’Abkhazie disposent d’un gigantesque
groupe de pression à moscou, car la région était comme la Riviera

pour l’ancienne Union soviétique. C’était le lieu de villégiature privi -
légié de la nomenklatura russe, y compris des généraux russeps.
Aussi, il a été très difficile pour eux de perdre non seulement la
géorgie — puisque, bien sûr, la géorgie est devenue indépendante
en 1991 —, mais aussi l’Abkhazie en même temps que la géorgie.
Toutefois, il s’agit bien évidemment d’un territoire géorgiepn, la plu -

part de sa population est, ou était, d’origine géorgienne. Ces per -

150 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 217

sonnes ont été chassées par les troupes russes et les sépara▯tistes locaux,
et nous devons changer la situation. Il va de soi que la manière de la
changer consiste avant tout à engager des pourparlers pacifiques, àp
leur offrir de meilleures perspectives de développement économiqpue
en géorgie et d’intégration de la géorgie à l’Europe. C’est foncière -
ment un lieu livré à l’anarchie. » (Observations écrites de la géorgie,

vol. Iv, annexe 198 ; les italiques sont de moi.)
50. Le 5 novembre 2005, le ministère des affaires étrangères de la géor -

gie publia une déclaration au sujet du comportement ou de l’inactipon des
soldats russes chargés du maintien de la paix face aux violations conpstantes
des droits de l’homme dont les civils géorgiens étaient victimeps dans les
zones placées sous leur responsabilité :

«Des atteintes aux droits de l’homme continuent d’être commises ▯en
Abkhazie, notamment dans le district de Gali, dans la zone sous le
contrôle de la force de maintien de la paix de la CEI. Ces derniers
temps, ces violations sont devenues massives et visent principalement la▯
population de souche géorgienne.

Le 2 novembre dernier, daniel Tsourtsoumia, âgé de 21 ans, rési -
dant dans le village de gagida, a été arrêté sans aucune raison par
un groupe armé de soixante Abkhazes et transféré à Soukhoumi, où
il a été forcé de rejoindre les rangs de la soi-disant armée abkhaze.
Il a été brutalement frappé parce qu’il n’a pas prêté pserment.

daniel Tsourtsoumia est décédé le 4 novembre des suites des coups
qu’il a reçus.
Le fait relaté confirme une fois de plus que la force de maintien de
la paix de la CEI est incapable de remplir ou ne remplit pas les obliga -
tions lui incombant au titre de son mandat afin de garantir la sécuri▯té
de la population locale, et témoigne de son inaction en cas de graves▯

atteintes aux droits de l’homme perpétrées devant elle. » (Observations
écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 159 ; les italiques sont de moi.)

51. Le 14 novembre 2005, le ministère des affaires étrangères de la
géorgie publia une déclaration qui faisait état d’un autre inpcident illus -
trant ce comportement ou cette inaction des soldats de la paix russes :

«En toute impunité, le gouvernement séparatiste abkhaze et ses
soi-disant forces de l’ordre ont recours à la terreur à l’égaprd de la
population géorgienne afin de l’expulser de la région et de mener à
bien et légitimer le nettoyage ethnique.
Cette situation totalement scandaleuse dans la zone du conflit se

déroule sous les yeux de la force de maintien de la paix et souvent
avec son assentiment tacite. Le 13 novembre, un nouveau fait tra -
gique s’est produit dans le district de gali, qui s’est malheureusement
soldé par un meurtre. plus précisément, pendant la matinée, des
personnes inconnues, semble-t-il des policiers de gali, ont attaqué à
Tchoubourkhindzi Kh. Arkania et g. Sitchinava, habitants de la

région. Kh. Arkania a été tué sur le coup par des tirs d’armes à feu.p

151 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 218

g. Sitchinava quant à lui a été blessé et transféré par la suite à l’hô -
pital du district de gali.» (Observations écrites de la géorgie, vol. Iv,
annexe 161; les italiques sont de moi.)

52. Le 20 janvier 2006, le ministère des affaires étrangères géorgien
publia une déclaration à l’intention de la presse pour réponpdre à des pro-
pos tenus par le ministère des affaires étrangères de la Fépdération de Rus-
sie (arrêt, par. 96) :

«Quant aux conflits sur le territoire géorgien et à l’activitép de la
force russe de maintien de la paix, il convient de noter que nous félpi -
citons m. Lavrov pour sa déclaration concernant la nécessité de res -

pecter pleinement les accords conclus. C’est exactement ce à quoi
nous aspirons. Toutefois, nous nous heurtons en fait bien souvent à une
position absolument inverse. C’est le cas notamment des allégations de
m. Lavrov selon lesquelles la partie géorgienne dispose de plusieurs
plans de règlement du conflit pour la région de Tskhinvali. Il epst bien

connu que le plan élaboré par la partie géorgienne sur la base des
initiatives du président a été approuvé par la communautép internatio -
nale et a reçu le soutien de l’OSCE lors du sommet de Ljubljana, y
compris la Fédération de Russie. Il est regrettable que le ministre des
affaires étrangères de la Fédération de Russie ait semblé▯ avoir oublié ce

fait lorsqu’il s’est exprimé à la réunion de la Commission ▯ de contrôle
conjointe tenue à Moscou en décembre. A cette occasion, les négocia -
tions ont débouché sur une impasse, pour une large part en raison d ▯ e la
position inflexible de la partie russe. Il est inquiétant que les hau▯ s res -
ponsables russes ne cessent de nous mettre en garde contre le risque de

provocations, d’escalade des opérations militaires et d’évent ▯ uels affron-
tements armés. Le fait de maintenir cette question au premier plan
indique d’une part que la menace des provocations existe réellement ;
d’autre part, cela démontre que le scénario d’un tel déropulement des
événements peut servir les intérêts de certaines forces. Cesp forces sont

à l’origine des faits survenus dans la région de Tskhinvali au cours de
l’été 2004, parmi lesquels le déploiement depuis la Fédération de Rusp -
sie de groupes armés de taille non négligeable et la concentrationp de
formations militaires russes près du tunnel de Roki, qui ont eu lieu
aux fins d’exécuter le scénario mentionné plus haut.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
L’inaction coupable de la force de maintien de la paix et, dans bien d ▯ es
cas, son soutien déclaré à l’égard des séparatistes peu ▯ vent être considérés
comme les causes de la militarisation des zones en conflit, des raids

incontrôlés des formations armées et des graves crimes et violat ▯ ions
flagrantes des droits de l’homme commis quotidiennement. Ce sont les
actions et attaques sauvages de criminels qui font obstacle à la réalisa-
tion de projets économiques, parmi lesquels les travaux de remise en
état de la centrale hydroélectrique de l’Ingouri.» (Observations écrites

de la géorgie, vol. Iv, annexe 162; les italiques sont de moi.)

152 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 219

53. Le 19 juin 2006, le vice-ministre des affaires étrangères de la géor -
gie répondit par l’intermédiaire de la presse à des déclaprations qui, elles,
avaient été faites à la presse par le ministre des affaires éptrangères de la
Fédération de Russie (arrêt, par. 96) :

« Question : Dans l’interview qu’il a accordée aux médias le
16 juin 2006, le ministre des affaires étrangères de la Fédération de ▯ Rus-
sie, M. Sergueï Lavrov, a rejeté la responsabilité de la détérioration des
relations russo-géorgiennes sur la partie géorgienne, citant en particulier

les déclarations et menaces formulées par celle-ci contre la force russe de
maintien de la paix au cours des dix-huit derniers mois. Il a également
fait observer que la force russe de maintien de la paix faisait face àp des
demandes infondées concernant leurs visas, qui n’étaient pas prpévus
par les accords respectifs. Quels sont vos commentaires à ce sujet?

Réponse :Sauf mon profond respect pour M. le Ministre, je ne peux
partager ses opinions et me vois forcé de contester ce qu’il affirm▯ e. Je vais
tâcher d’être cohérent en m’expliquant sur les questions pet accusations
infondées exprimées dans son interview et exposerai une nouvelle fpois la
position que nous avons soutenue à maintes reprises par le passé.
Tout d’abord, j’aimerais préciser que l’activité de la force russe de main
-
tien de la paix dans la zone de conflit qui dure depuis des années a m ▯ is en
évidence l’incapacité de celle-ci à s’acquitter des obligations lui incombant
dans le cadre de son mandat, et en particulier son incapacité à con ▯ tribuer
au règlement pacifique du conflit et à garantir les conditions néc ▯ essaires
au retour en toute sécurité des personnes déplacées. Cette fo ▯ rce n’est plus

à même d’agir de façon impartiale, comme l’attestent clairement les
déclarations officielles de la partie russe selon lesquelles le but pprincipal
de cette force serait de protéger les droits et les intérêts deps soi-disant
citoyens russes dans les régions touchées par le conflit. Une auptre source
de préoccupation est sa participation active au défilé militairpe pour célé -

brer le prétendu jour de l’indépendance de la région de Tskhpinvali
(Ossétie du Sud). De plus, soit à son insu, soit, dans bien des cas, avec sa
participation directe, l’une des parties au conflit commet des actes i▯ llicites
et criminels à l’encontre de la population pacifique de souche géo ▯ rgienne,
en introduisant des hommes et du matériel militaire via les postes dep

contrôle illégaux et en les concentrant dans la région, ce dont les obser -
vateurs internationaux font systématiquement état. Il s’agit d’pactes p -ou
vant être qualifiés de totalement inacceptables et provocateurs.
dans de telles conditions, il est de plus en plus clair que des opéra -
tions de paix de cet acabit, loin de conduire à un véritable rèpglement
des conflits, visent incontestablement à pérenniser la situation exis -

tante. Les soldats chargés du maintien de la paix jouent en fait le rpôle
de protecteurs des séparatistes et de gardes-frontières entre les régions
touchées par le conflit et le reste de la géorgie.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Nous proposons à la partie russe une coopération étroite, avec la

participation de représentants de la partie sud-ossète également, pré -

153 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 220

voyant l’extension du modèle de négociation et la participationp
d’Etats membres de l’OSCE et d’autres organisations internationpales
au processus de paix. Toutefois, la partie russe, qui cherche à conser -
ver son droit exclusif de médiateur, s’évertue systématiquem▯ent à main-
tenir ces mécanismes et accords désuets qui n’ont pas fait avan▯cer d’un
iota le processus de paix. Cela nous donne suffisamment de raisons de

mettre en doute la « sincérité» des revendications de la partie russe, qui
prétend que son objectif est d’aboutir au règlement des conflit▯s. La par -
tie géorgienne garde l’espoir que les collègues russes adopteropnt une
position plus constructive.
pour ce qui est de la signature du document relatif à l’interdictiopn
du recours à la force, notre position est sans équivoque. Cette inpter -

diction doit devenir l’un des éléments clés du processus, qupi doit ser-
vir l’objectif d’un règlement global et à grande échelle pdes conflits
existants. Cela consiste à doter les régions de Tskhinvali et d’Abkha -
zie du modèle européen de large autonomie au sein des frontièreps
internationalement reconnues. En outre, il doit y avoir de solides

garanties internationales afin d’assurer la sécurité de la popuplation et
la protection de ses droits. dans le cas contraire, les conséquences
qui pourraient en découler seront très graves. La Géorgie garde un
souvenir très vivace et amer de l’accord analogue qui n’avait é▯té signé
qu’en échange de certaines garanties de la Russie et qui est resté▯ lettre
morte, et de la terrible tragédie qui a frappé Gagra et Soukhoumi,▯

laquelle s’est soldée par le déplacement de centaines de millie▯rs de per -
sonnes de leur lieu de résidence et fut ensuite qualifiée par l’▯OSCE de
nettoyage ethnique. » (Observations écrites de la géorgie, vol. Iv,
annexe 164; les italiques sont de moi.)

54. Le président Saakachvili montra une nouvelle fois qu’il était
conscient des problèmes concernant le droit au retour des réfugiéps et des
personnes déplacées, ainsi que des problèmes auxquels continuaipent de
faire face les victimes du nettoyage ethnique, lorsqu’il s’exprimap devant le

parlement européen le 14 novembre 2006 (arrêt, par. 93) :
«malheureusement, trop de personnes souffrent encore de ces
conflits.

Au début des années 1990, plus de trois cent mille géorgiens d’Ab -
khazie ont été victimes d’un nettoyage ethnique en conséquenpce de la
guerre et de la violence des mouvements séparatistes — auxquels
s’ajoutent des centaines de milliers de personnes d’autres nationalités
qui ne peuvent pas rentrer chez elles aujourd’hui.

Aujourd’hui encore, nous voyons les propriétés des personnes ex▯pul -
sées habitées par d’autres ou, bien souvent, vendues illégal▯ement.
En fait, l’un des cinéastes franco-géorgiens les plus célèbres,
Otar Iosseliani, a tout récemment fait remarquer, alors qu’il com -
mentait la campagne anti-géorgienne menée actuellement en Russie,
que l’histoire semblait se répéter et qu’elle prenait les mêmes personnes

pour cible pour la deuxième fois. Voici ce qu’il a dit :

154 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 221

«L’administration russe a entrepris un premier nettoyage eth -
nique en Abkhazie ; cinq cent mille personnes sont alors devenues
des réfugiés. Celles qui n’ont pas pu s’échapper en traveprsant les
hautes montagnes de Svaneti, en géorgie, ont été massacrées par

les mercenaires, qui ont dévasté et détruit le pays. Là aussi, du
reste, tout le monde était demeuré silencieux. »

voici donc le lourd passé dont nous avons hérité. Tel est l’Eptat de
non-droit et l’injustice auxquels nous sommes confrontés.
Cette fois-ci, ne restons pas silencieux. » (Observations écrites de la
géorgie, vol. Iv, annexe 172 ; les italiques sont de moi.)

55. Le 2 mars 2007, le ministre d’Etat géorgien chargé de la résolution deps
conflits fit une déclaration (arrêt, par. 96) dans laquelle il cita des cas concrets
d’écarts de conduite ou d’inaction de la force russe de maintiepn de la pa:ix

« Le 1ermars de cette année, les soi-disant forces de l’ordre d’Ab -
khazie ont ouvert le feu sur un groupe local de jeunes gens de natio -

nalités géorgienne et abkhaze, dans la zone sous contrôle de lap force
russe de maintien de la paix entre les postes n o 202 et n o306 des
forces collectives de maintien de la paix.
Les jeunes gens ont exprimé publiquement leurs opinions person -

nelles au sujet des élections non légitimes du parlement de fait consti-
tué le 4 mars et de la violence qui caractérise la politique du régime
séparatiste. A la suite de cette attaque, trois citoyens pacifiques opnt
été enlevés : gatchava, Rogava et Korchia, qui font l’objet d’une
détention illégale et, selon les déclarations de la partie abkhpaze, ne

seront pas relâchés.
Les faits ci-dessus sont contraires au droit à la liberté de réunion
pacifique et à la liberté d’expression, et font obstacle au rappproche -
ment et au rétablissement de la confiance entre les communautés
abkhaze et géorgienne. L’événement relaté fait peser une pmenace

directe sur l’initiative de maintien de la paix proposée par la partie
géorgienne et témoigne là encore de manière très claire d’une volonté
de réduire à néant le processus de maintien de la paix.
Le bureau du ministère d’Etat chargé de la résolution des copnflits
a exprimé sa profonde préoccupation au sujet des provocations men -

ternnées. Les faits qui ont été commis par les autorités de pfait le
1 mars dans la zone inférieure du district de gali mettent une fois
encore en évidence la politique d’intimidation mise en œuvre à l’égard
de la population locale, qui consiste à perpétrer des violations f▯lagrantes
des droits de l’homme — avec le plus souvent, en arrière-plan, une inac -

tion criminelle des soldats de la paix russes. Les faits relatés plus haut
confirment le bien-fondé de notre position en ce qui concerne le
contingent des soldats russes de maintien de la paix. » (Observations
écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 174 ; les italiques sont de moi.)

56. Le ministère des affaires étrangères de la géorgie répéta ce qu’il
pensait du comportement ou de l’inaction des soldats de la paix russeps le

155 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 222

20 septembre 2007 (arrêt, par. 96), dans une déclaration exhortant la
Fédération de Russie à agir :
«En tant que pays œuvrant à rétablir son intégrité territopriale en

réglant les conflits de manière pacifique, la géorgie veut voir la Rus -
sie comme un partenaire qui donne la priorité à l’instauration pde la
paix et de la stabilité dans la région du Caucase — ce qui devrait être
dans l’intérêt de la Russie, nous semble-t-il.
Il est regrettable que cette position de la géorgie n’ait pas été com -

prise par la partie russe. Les efforts des autorités géorgiennesp pour
bâtir un Etat démocratique fondé sur la prééminence du drpoit, qui
doit devenir un membre démocratique à part entière de la commu -
nauté internationale, sont considérés par les instances gouvernemen -
tales russes comme une action dirigée contre les intérêts nationaux de
la Russie. Les régimes séparatistes sur le territoire de la Géorgie conti -

nuent de bénéficier du soutien évident et non dissimulé de la Russie,
soutien politique, économique et, ce qui est le plus alarmant, milita▯ire.
Face à cette situation, les « mises en garde» continuelles exprimées
par le ministère des affaires étrangères et par de hauts foncptionnaires
de la Fédération de Russie quant au risque élevé de provocatpions de
la part de la géorgie, d’aggravation de la situation et d’affrontement

armé sont particulièrement préoccupantes. Il convient de faire premar -
quer que ces déclarations semblent, par leur contenu et le moment de p
leur publication, coïncider parfaitement avec les déclarations anaplo -
gues faites par les régimes séparatistes. Cela laisse prévoir upne réelle
menace de provocations. Mais cette menace émane des séparatistes et
de ceux qui les soutiennent.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Dans le même temps, la militarisation des zones de conflit, les raids▯

de gangs armés, les atteintes aux droits fondamentaux de la personne ▯
humaine, les violations flagrantes du droit de propriété des perso▯nnes
déplacées et des réfugiés victimes du nettoyage ethnique — dont les
biens sont, en particulier, déjà saisis et vendus illicitement à grande
échelle —, et les atteintes graves et quotidiennes mettant en cause des
soldats chargés du maintien de la paix, ont lieu dans un contexte d’▯inac -

tion coupable de la part de la force de maintien de la paix, qui, bien
souvent, soutient ouvertement les séparatistes.
L’affrontement armé est évité principalement parce que le pgouver -
nement géorgien est fermement attaché par principe au règlementp
pacifique des conflits. dans le même temps, la partie géorgienne
considère qu’il est nécessaire que la communauté internationpale

adopte une position claire et sans équivoque à propos des actes dep
destruction commis par la Russie à l’encontre de la géorgie, ce qui
contribuera beaucoup à dissuader les forces enclines à la violencep.
Le ministère géorgien des affaires étrangères appelle la par▯tie russe
à cesser ses agissements destinés à favoriser une escalade de l▯a tension

dans la zone de conflit et à assumer les fonctions de médiateur ré▯elle -

156 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 223

ment impartial. pour notre part, nous aimerions souligner une fois de
plus que nous sommes disposés à coopérer dans ce sens de façpon
constructive avec la Russie. » (Observations écrites de la géorgie,
vol. Iv, annexe 175 ; les italiques sont de moi.)

57. La Fédération de Russie ayant manifestement gardé le silence oup
n’ayant pas répondu de manière appropriée ou suffisante àp ses déclara -
tions publiques, le ministère des affaires étrangères géorpgien conclut le
22 novembre 2007 (arrêt, par. 96) :

«Il convient de mentionner que les activités des soldats de la force
russe de maintien de la paix dans les zones de conflit en géorgie sont
absolument destructrices et négatives. Preuve en est le fait que pas

moins de deux mille habitants ont été tués dans la zone sous co▯ntrôle de
la soi-disant force de maintien de la paix. Les soldats de la force russe
de maintien de la paix ne respectent pas les engagements pour les -
quels ils ont reçu mandat et agissent comme les protecteurs des
régimes séparatistes. » (Observations écrites de la géorgie, vol. Iv,
annexe 176; les italiques sont de moi.)

C. Observations finales

58. Je tiens à souligner que, en rédigeant la présente opinion indipvi -

duelle, je n’entends point contredire d’une façon ou d’une aputre l’opinion
dissidente commune dont je suis l’un des auteurs. Le but des pages prpécé -
dentes était plutôt de livrer un récit des faits qui non seulempent permette
d’apprécier la première exception préliminaire de la Russie pen meilleure
connaissance de cause, mais qui éclaire aussi la deuxième exception préli -
minaire et qui étoffe le tableau factuel sur lequel notre opinion cpommune

est fondée. A mon sens, la manière dont la Cour a traité dans lpe présent
arrêt la question de la pertinence des faits et de leur valeur juridipque est
inacceptable. Elle a ainsi ajouté un nouveau chapitre à l’histopire de ses
errements dans l’administration des éléments de preuve. Son arrpêt traduit
de graves lacunes en la matière.

(Signé) Bruno Simma.

157

Bilingual Content

188

SEpARATE OpINION OF JUdgE SImmA

The Court is wrong in concluding that the “dispute” between Georgi▯a and the

Russian Federation arose only between 9 and 12 August 2008, as a result of its
rejection of all documentary evidence dated from 1992 to immediately bef▯ore the
filing of the Application in August 2008 — The Court assesses the documentary
evidence before it in a methodologically questionable manner — The legal
significance of documentary evidence ought to have been appreciated acco▯rding to
the degrees of probative value that this Court has long accepted in its

jurisprudence — Alleged defects of documentary evidence as to formal designation,
authorship, executive inaction, attribution, and notice have never been ▯recognized
in this Court’s jurisprudence as factors diminishing legal significance or probative
value — The Court’s problematic identification of alleged defects in its▯ assessment
of documentary evidence adversely affects the future ability of parties ▯to control

and select the presentation of their evidence, as well as the future abi▯lity of the
Court to discharge its fact-finding authority under the Statute — If the Court had
made a proper assessment of the documentary evidence produced by Georgia▯, it
would have had to reject not only the first but also the second of Russi▯a’s
preliminary objections.

*
table of contents

Paragraphs

A. The Rejection of Russiap’s First preliminary Objection :

The Right Result Obtainepd by Incorrect Reasoninpg 1-22

1. Alleged formal defects 9
2. Alleged defects relating to authorship 10-12
3. Alleged defects of inaction 13-17

4. Alleged defects relating to attribution 18
5. Alleged defects relating to matters of notice 19-22

B. Evidence Establishing pthe Existence of a CERd-related
dispute and of Negotiatpions Well before 2008 23-57

1. Bilateral exchanges between georgia and the Russian

Federation 25-33
2. georgian statements made in international organizations of
which the Russian Federation is a member 34-45

3. public statements of georgia on other occasions 46-57

C. Concluding Remarks 58

122 188

OpINION INdIvIdUELLE dE m. LE JUgE SImmA

[Traduction]

La Cour a tort de conclure que le « différend » entre la Géorgie et la Fédération

de Russie ne s’est fait jour qu’entre les 912 août 2008, ayant rejeté l’ensemble
des éléments de preuve documentaires datant de 1992 jusqu’au mo▯is d’août 2008,
immédiatement avant le dépôt de la requête — La manière dont la Cour a analysé
les éléments de preuve documentaires produits devant elle est cont▯estable sur le
plan méthodologique — La valeur juridique de ces documents aurait dû être
appréciée par rapport aux différents degrés de force probant▯e que la Cour a

reconnus depuis longtemps dans sa jurisprudence — Les prétendues déficiences
pour cause d’absence de mention formelle ou de désignation de l’▯auteur, d’inaction
des pouvoirs exécutifs, de défaut d’attribution ou de notificat▯ion n’ont jamais été
reconnues dans la jurisprudence de la Cour en tant que facteurs entamant▯ la valeur
juridique ou la force probante des éléments de preuve documentaire▯s — Les

prétendues déficiences identifiées par la Cour dans le cadre de▯ son examen des
éléments de preuve documentaires posent problème en tant qu’elles compromettent
la capacité future des parties de contrôler et de choisir leurs mo▯yens de preuve,
ainsi que sa propre capacité d’exercer à l’avenir le pouvoir▯ d’établir les faits qu’elle
tient de son Statut — Si la Cour avait apprécié les éléments de preuve docume▯ntaires
produits par la Géorgie à leur juste valeur, elle aurait dû rejeter non seulement la

première mais également la deuxième des exceptions prélimina▯ires de la Russie.

*
table des matières

Paragraphes

A. Le rejet de la premièrep exception préliminaipre de la Russi:e

le bon résultat obtenup au moyen d’un raisonpnement erroné 1-22

1. Les prétendues déficiences formelles 9
2. Les prétendues déficiences concernant l’identité de l’autpeur 10-12
3. Les prétendues déficiences pour cause d’inaction 13-17

4. Les prétendues déficiences en matière d’attribution 18
5. Les prétendues déficiences en matière de notification 19-22

B. Les éléments de preuvep démontrant l’existepnce d’un différend
lié à la CIEdR et une volonté de négpocier bien avant 2008 23-57

1. Les échanges bilatéraux entre la géorgie et la Fédération de

Russie 25-33
2. Les déclarations faites par la géorgie devant des organisations
internationales dont la Fédération de Russie est membre 34-45

3. Les déclarations publiques faites par la géorgie à d’autres
occasions 46-57

C. Observations finales 58

122189 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

A. The Rejection of Russiap’s First preliminary Objection:
The Right Result Obtainepd
by Incorrect Reasoningp

1. I agree with the conclusion reached in paragraph 113 of the Judg -
ment, according to which the first preliminary objection of the Russian

Federation is to be dismissed. However, what I cannot agree with is the p
reasoning provided for this conclusion particularly in paragraphs 64, 105
and 113 of the Judgment, according to which the legal “dispute” inp the
sense of Article 22 of CERd between georgia and the Russian Federa -
tion did not arise before 9 August 2008, that is, immediately before geor-
gia brought its Application.

2. In my opinion, the relevant dispute had been under way long before
the guns of August 2008. It commenced years before CERd entered into
force between the parties, as early as 1992, and concerned matters that
already then could have fallen under the Convention. From 1999 onwards

it continued as a dispute on subject-matters now actually governed by
CERd because existing between two parties to the Convention, even
though georgia framed its claims expressis verbis as claims under CERd
only at the last moment — a circumstance which cannot negate the fact
that the dispute had become a CERd-related dispute long before. This so
because the decisive criterion in this regard is not invocation eo nomine of

the Convention conferring jurisdiction but reliance on the subject-matter
of the dispute.
3. The Judgment reaches a different result, that is, the result preferredp
by the majority, through a very specific way of reviewing the documen -
tary evidence submitted by the Applicant : the Judgment regards as
irrelevant a vast amount of material submitted by georgia, and confers

legal significance to only two exchanges between georgia and the Rus -
sian Federation, and thus arrives at the conclusion that the dispute aropse
only between 9 and 12 August 2008. These documents are, first, the state -
ments of the two parties, that is, of the permanent Representative of
georgia to the United Nations and of his Russian counterpart, in the
Security Council debate on 10 August 2008, and, secondly, the statement

of 11 August 2008 of the president of georgia, mikhail Saakashvili, in a
CNN interview and the reply of 12 August 2008 of the Foreign minister
of the Russian Federation, Sergey Lavrov, in a Joint press Conference
with the minister for Foreign Affairs of Finland in the latter’s capacity
as Chairman-in-Office of the OSCE.

4. All documentary evidence dated earlier than 9-12 August 2008 is
characterized in the Judgment as not being “legally significant” fpor pur -
poses of showing the existence of a dispute. The Judgment reaches this
conclusion by finding specific faults or defects with each piece of docup -
mentary evidence which is then rejected. These faults or defects can be

grouped as follows : 1. Formal defects, like missing literal designations in

123 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 189

A. Le rejet de la premièrep exception préliminaipre de la Russi:e
le bon résultat obtenup
au moyen d’un raisonnpement erroné

1. Je souscris à la conclusion énoncée au paragraphe 113 de l’arrêt,
selon laquelle la première exception préliminaire de la Fédépration de Rus -

sie doit être rejetée. Toutefois, je ne puis adhérer au raisonnpement exposé
à l’appui de cette conclusion, en particulier aux paragraphes 64, 105
et 113 de l’arrêt, à savoir que le « différend» juridique, au sens de l’ar -
ticle 22 de la convention internationale sur l’élimination de toutes lesp
formes de discrimination raciale (CIEdR), qui oppose la géorgie et la
Fédération de Russie n’aurait pas vu le jour avant le 9 août 2008,

c’est-à-dire juste avant que la géorgie ne dépose sa requête.
2. de mon point de vue, le différend en question couvait déjà biepn
avant que les parties ne prennent les armes en août 2008. Il a vu le jour
dès 1992, soit des années avant l’entrée en vigueur de la CIpEdR entre les
parties, et concernait des questions qui, déjà à l’époque, pouvaient relever

de la Convention. A partir de 1999, il s’est poursuivi mais relevait alors
bel et bien de la CIEdR, puisqu’il opposait deux parties à la Convention,
même si la géorgie n’a expressément rattaché ses griefs à la CIEdR qu’au
tout dernier moment — une circonstance qui ne peut rien changer au fait
que le différend était lié à la CIEdR depuis longtemps déjà. Tel est le cas
parce que, en l’occurrence, le critère décisif est non pas l’pinvocation eo

nomine de la Convention en tant que base de compétence, mais l’objet du
différend dont il est fait état.
3. L’arrêt expose une conclusion différente — c’est-à-dire celle préférée
par la majorité —, qui découle d’une façon très singulière d’analysper les
éléments de preuve documentaires produits par le demandeur: la Cour n’a
accordé aucune pertinence à un très grand nombre des élémpents soumis

par la géorgie, et n’a attribué de valeur juridique qu’à deux échanges entre
la géorgie et la Fédération de Russie, d’où la conclusion selpon laquelle le
différend n’a vu le jour qu’entre le 9 et le 12 août 2008. Ces documents
sont, tout d’abord, les déclarations des deux parties, à savoir celles que
le représentant permanent de la géorgie auprès de l’Organisation des
Nations Unies et son homologue russe ont faites devant le Conseil de sécu -

rité au cours des débats du 10 août 2008 et, ensuite, la déclaration faite le
11 août 2008 par le président de la géorgie, mikhaïl Saakachvili, dans un
entretien accordé à CNN et la réponse faite le 12 août 2008 par le ministre
des affaires étrangères de la Fédération de Russie, Serguepï Lavrov, à l’oc -
casion d’une conférence de presse conjointe avec le ministre finlapndais des

affaires étrangères en sa qualité de président en exercicep de l’OSCE.
4. La totalité des éléments de preuve documentaires antérieurs pà la
période du 9 au 12 août 2008 est considérée dans l’arrêt comme étant sans
«valeur juridique» aux fins de démontrer l’existence d’un différend. La
Cour parvient à cette conclusion en décelant certains vices ou cerptaines défi-
ciences dans chaque élément de preuve documentaire, qui se trouve ensuite

rejeté. Ces vices ou déficiences peuvent être regroupés de lpa manière sui -

123190 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

the documents of “racial discrimination”, “ethnic cleansing”, or the Rus-
sian Federation’s specific CERd obligations, and in some instances,
circulation of documents to the United Nations under agenda item
headings other than “racial discrimination” (cf. paras. 53, 55-56, 59-60,
62, 65-66, 67-68, 70, 75-76, 78, 80-82, 84-87, 89, 91-103, 108) ; 2. Defects
relating to authorship, such as where the document does not appear to

show that the georgian Executive authored, endorsed, or approved the
document (cf. paras. 54-55, 71-73, 76, 80-81) ; 3. Defects due to inaction,
where the Judgment alleges that the georgian Executive did not act
after complaints were articulated against the conduct and impartiality of
Russian peacekeepers (more specifically, that the georgian Executive
failed to order the withdrawal of Russian peacekeeping troops from

georgian territory, or to reject or react to the contemporaneous passage
of Security Council resolutions that commended Russian peacekeepers)
(cf. paras. 55, 74, 77, 79, 83-84, 91) ; 4. Defects relating to attribution,
like a lack of categorical attribution of violations to the Russian Fedepra -
tion, with documents instead referring to incidental claims or vague

references of support for separatists in Abkhazia and South Ossetia
(cf. paras. 51-53, 57-61, 81) ; and 5. Defects relating to matters of notice,
or the lack of proof that Russia received, could have received, or had
the opportunity to receive or be informed of the allegations contained
in certain documentary evidence (cf. paras. 61, 104). In this manner,
the Judgment simply does not ascribe any degree of probative value

amounting to “legal significance” to the entirety of the documentary evi -
dence dated before 9 August 2008.

5. If one wondered why an operation of such kind, unprecedented in

the practice of this Court, was necessary even though Russia’s first ppre -
liminary objection was rejected, the answer is to be found in the Judg -
ment’s acceptance of the Respondent’s second preliminary objectionp: by
excluding the entire factual material submitted by georgia to prove the
existence of a CERd-related dispute long before August 2008 and limit -
ing the focus of the exercise to a few exchanges between the parties during

the chaos of a few days in August, communications understandably
limited to urgent concerns arising from the ongoing armed conflict, the
majority of the Court arrives at the conclusion that these communica -
tions, in the fog of war, as it were, did not amount to an attempt on thpe
part of georgia at negotiating a dispute on CERd-related matters with

Russia. As I will show in part B of my opinion, if the Judgment had
accepted pre-August 2008 facts as relevant (also) for the purposes of deal -
ing with Russia’s second preliminary objection, it could not have uphpeld
this objection. These pre-August 2008 facts clearly prove that a dispute
about CERd-related matters had arisen long before.

124 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 190

vante: 1) les déficiences d’ordre formel, par exemple lorsque les documents
ne font pas expressément mention de la «discrimination raciale», du « net-
toyage ethnique» ou d’obligations de la Fédération de Russie expressémenpt
prévues par la CIEdR, voire, dans certains cas, lorsqu’ils ont été distribués
à l’Organisation des Nations Unies au titre de points de l’ordre du
jour autres que la «discrimination raciale» (cf. par. 53, 55-56, 59-60, 62, 65-

66, 67-68, 70, 75-76, 78, 80-82, 84-87, 89, 91-103, 108) ; 2) les déficiences
concernant l’identité de l’auteur, par exemple lorsqu’il ne ressort pas claire -
ment du document que le pouvoir exécutif géorgien en est l’autepur, ou qu’il
l’a entériné ou approuvé (cf. par. 54-55, 71-73, 76, 80-81); 3) les déficiences
pour cause d’inaction, lorsque la Cour estime que l’exécutif géorgien n’a pas
donné suite aux griefs formulés contre le comportement et le manqupe d’im -

partialité des soldats russes chargés du maintien de la paix (et,p plus préci- sé
ment, qu’il n’a pas ordonné le retrait de la force russe de maipntien de la paix
du territoire géorgien, ou qu’il n’a pas opposé son refus oup réagi aux résolu -
tions adoptées à l’époque par le Conseil de sécurité dpans lesquelles l’action
des soldats russes était saluée) (cf. par. 55, 74, 77, 79, 83-84, 91) ; 4) les

défauts d’attribution, par exemple lorsque les violations ne sont pas attri -
buées de manière catégorique à la Fédération de Russie, les documents
contenant simplement des allégations incidentes ou de vagues réféprences
concernant un soutien accordé aux séparatistes d’Abkhazie et d’pOssétie du
Sud (cf. par. 51-53, 57-61, 81) ; et 5) les défauts de notification, ou lorsque
rien ne démontre que la Russie s’est vu, a pu se voir ou aurait pup se voir

communiquer certains documents ou être informée des allégationsp qu’ils
contenaient (cf. par. 61, 104). de cette manière, la Cour n’attribue tout sim -
plement aucun degré de force probante, et par conséquent aucune «p valeur
juridique», à l’intégralité des éléments de preuve documentapires antérieurs
au 9 août 2008.
5. Si une telle opération, sans précédent dans la pratique de la Cpour,

s’est révélée nécessaire alors même que la premièrep exception préliminaire
de la Russie a été rejetée, c’est parce que la deuxième epxception prélimi -
naire du défendeur a été accueillie : en excluant tout le dossier factuel que
la géorgie avait soumis pour démontrer qu’un différend lié pà la CIEdR
existait bien avant le mois d’août 2008 et en ne s’attachant qu’à un petit
nombre de communications qui furent échangées entre les parties au cours

de quelques journées chaotiques du mois d’août et qui bien entendu se
limitaient à des préoccupations urgentes découlant du conflitp armé qui fai -
saient rage, la majorité de la Cour parvient à la conclusion que cpes com -
munications, échangées pour ainsi dire dans le tumulte du combat, pne
constituaient pas de la part de la géorgie une tentative de négocier avec la

Russie au sujet d’un différend touchant à des questions liépes à la CIEdR.
Comme je le démontrerai dans la partie B de la présente opinion, si la
Cour avait considéré que les faits antérieurs au mois d’aoûpt 2008 étaient
pertinents (également) pour statuer sur la deuxième exception préliminaire
de la Russie, elle n’aurait pu accueillir cette dernière. Ces faitps antérieurs
au mois d’août 2008 prouvent clairement qu’un différend concernant des

questions liées à la CIEdR s’était fait jour depuis fort longtemps.

124191 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

6. I fully share — and base my more empirical approach to the problé -
matique raised by Russia’s first preliminary objection on — the views
expressed in the separate opinions of president Owada and Judges Abra -
ham and donoghue on the legal threshold used by the Court for deter -
mining the existence of a dispute, as settled in the Court’s Judgments in
Mavrommatis, South West Africa (Ethiopia v. South Africa ; Liberia v.

South Africa), Military and Paramilitary Activities in and against Nica▯-
ragua (Nicaragua v. United States of America), Oil Platforms (Islamic
Republic of Iran v. United States of America), Northern Cameroons
(Cameroon v. United Kingdom), and Land and Maritime Boundary
(Cameroonv. Nigeria). In addition, however, I find it necessary to scru -
tinize how the Court determined the “legal significance” of documepntary

evidence in this Judgment, and concomitantly, to subject to a critical
review the fact-finding methodology which the Court employed in order
to accept or reject the probative value of such evidence before it. Whatp
the Court appears to have done is to refer only to the tip of the iceberpg,
so to speak, of the bulk of documentary material submitted by georgia,

select a few examples and then dismiss these as “irrelevant” by thpe appli -
cation of criteria that are very problematic, to put it mildly. I note tphat a
recent study published by the British Institute of International and Com -
parative Law dealing with the treatment of evidence in the Internationalp
Court of Justice reported that the Court “has not always expressly nopted
in its judgments what items it has eliminated because of their limited

value as evidence” (A. Riddell and B. plant, Evidence before the Interna -
tional Court of Justice, 2009, p. 190). In the present case, the Court’s
assessment has led to the result that most of the evidence in the record
before the Court has been eliminated from the process of deciding on thep
jurisdictional objections.

7. I share my colleagues’ concern that the formalist approach adopted
in the present Judgment straitjackets future cases, due to rigid require -
ments imposed now as to the existence of a dispute and the conduct of

negotiations sufficient for the seisin of the Court. I find equally prop-
blematic the ways in which the Court discharged its fact-finding authority
under the Statute. The Judgment does not clarify the concept of “legapl
significance”, neither does it differentiate between degrees of sigpnificance
or probative value (direct, indirect, corroborative, cumulative, supplep -

mentary) that could be attached to documentary evidence. The Judg -
ment’s assessment of the evidence thus fails to capture possible diffperences
in the degrees of probative value that various documents may exem -
plify — some documentary evidence may indeed constitute the best, pri -
mary, and direct evidence, while other documents may still be taken intop
account as secondary, indirect, corroborative, or supplementary evidencep.

The Court has long acknowledged these differentiations when determin -

125 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 191

6. Je partage pleinement le point de vue exprimé par le président Owada
et par les juges Abraham et donoghue dans leurs opinions individuelles
quant au seuil juridique utilisé par la Cour pour déterminer l’pexistence
d’un différend, tel qu’établi dans les arrêts rendus dans les affaires
Mavrommatis, du Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria
c. Afrique du Sud), des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua

et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), des Plates-formes
pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), du
Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni) et de la Frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigé -
ria) — et c’est d’ailleurs ce point de vue qui sous-tend mon approche
plus empirique de la problématique soulevée par la première exception

préliminaire de la Russie. Toutefois, j’estime également nécpessaire d’exa -
miner la manière dont la Cour a déterminé la « valeur juridique» des élé-
ments de preuve documentaires dans le présent arrêt et, ce faisantp, de
procéder à un examen critique de la méthode d’établissemepnt des faits
qu’elle a utilisée pour reconnaître ou nier la force probante dpes docu -

ments qui lui étaient soumis. La Cour semble en quelque sorte ne s’pêtre
intéressée qu’au sommet de l’iceberg face à la masse de documents pro -
duite par la géorgie, en ne sélectionnant que quelques exemples pour les
écarter ensuite comme étant « dépourvus de pertinence» selon des critères
qui sont extrêmement problématiques, pour dire le moins. Je note qpue,
dans une récente étude publiée par le British Institute of International

and Comparative Law consacrée à l’administration des élémpents de
preuve à la Cour internationale de Justice, il est indiqué que celple-ci « ne
précise pas toujours expressément dans ses arrêts quels élépments elle a
écartés en raison de leur valeur probante insuffisante » (A. Riddell et
B. plant, Evidence before the International Court of Justice, 2009, p. 190).
dans la présente affaire, par suite de l’évaluation que la Coupr a faite

des éléments de preuve versés au dossier, la plupart de ces dernierps ont
été écartés du processus par lequel ont été tranchées les excpeptions à la
compétence.
7. Je crains, comme mes collègues, que l’approche formaliste adoptée
dans le présent arrêt ne constitue un carcan pour les affaires àp venir, du fait
des conditions très strictes qui se trouvent désormais imposées pour établir

l’existence d’un différend et la tenue de négociations suffipsantes pour pou -
voir saisir la Cour. Je suis également préoccupé par l’usagep que la Cour a
fait du pouvoir d’établissement des faits que lui confère son Sptatut. dans
son arrêt, elle n’a pas éclairci la notion de « valeur juridique», pas plus
qu’elle n’a fait la moindre nuance entre les différents degréps de pertinence

ou de valeur probante (selon qu’il s’agit de preuves directes, dep preuves
indirectes, de preuves concordantes, de preuves cumulatives ou de preuveps
supplémentaires) qui peuvent s’attacher aux éléments de prepuve documen -
taires. Son analyse des éléments de preuve ne rend donc pas compte des
degrés variables de valeur probante que divers documents peuvent présen -
ter — certains éléments de preuve documentaires peuvent effectivepment

constituer la meilleure preuve, la preuve première et une preuve direpcte,

125192 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

ing the weight of evidence (Corfu Channel (United Kingdom v. Albania),
Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1949, p. 18 ; Application of the Conven -
tion on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia
and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports
2007 (I), pp. 128-137, paras. 204-230; Land, Island and Maritime Frontier
Dispute (El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening), Judgment,

I.C.J. Reports 1992, p. 455, para. 153, and p. 550, para. 316; Frontier
Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986,
p. 583, para. 56). Thus, in the Nicaragua case, the Court did not
reject, but rather accepted, limited corroborative value even of press
reports :

“[T]he Court regards them not as evidence capable of proving facts,

but as material which can nevertheless contribute, in some circum -
stances, to corroborating the existence of a fact, i.e., as illustrative
material additional to other sources of evidence.” (Military and Para -
military Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States
of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 40, para. 62.)

The Court also held that “public knowledge of a fact may neverthelessp be
established by means of these sources of information, and the Court can
attach a certain amount of weight to such public knowledge” (ibid.,

para. 63). Similarly, in Tehran Hostages, the Court acknowledged the cor -
roborative value of media reports to establish matters of public know-
ledge, particularly where the respondent had not participated in the
proceedings (United States Diplomatic and Consular Staff in Tehran
(United States of America v. Iran), Judgment, I.C.J. Reports 1980, p. 10,
paras. 12-13). In contrast to these carefully differentiated approaches to

the probative weight of evidence, the present Judgment dismisses whole -
sale the entire corpus of years of documentary evidence before
9-12 August 2008 for being altogether devoid of any probative weight —
and thus “legally insignificant” to establish the existence of a dpispute.

8. more importantly, the factors which the Court considers to be

determinative of the absence of “legal significance” of all pre-August 2008
documentary evidence find no basis in the law. As I will show more
extensively in part B of my opinion, neither is their application justified
considering the actual content of the documents themselves, read either p
singly or in relation to other documentary evidence in the record beforep

the Court. In the Judgment before us, the presence of a single alleged
defect — whether pertaining to formal designation, authorship, executive
inaction, attribution, or notice — appears sufficient for the Court to deny
any legal significance whatsoever to all documentary evidence dated longp
before 9 August 2008 and the filing of the instant Application before this
Court.

126 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 192

tandis que d’autres peuvent toujours être pris en considérationp en tant que
preuves secondaires, indirectes, concordantes ou supplémentaires —, autant
de nuances que la Cour a reconnues depuis longtemps en appréciant le
poids des éléments de preuve (Détroit de Corfou (Royaume-Uni c.Albanie),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 18 ; Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Ser -

bie-et-Monténégro), arrêt,C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 128-137, par. 204-230;
Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras;
Nicaragua (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 455, par. 153, et
p. 550, par. 316 ; Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali),
arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 583, par. 56). Ainsi, dans l’affaire Nicaragua,
la Cour n’avait même pas rejeté des articles de presse, leur repconnaissant

une valeur limitée en tant qu’éléments concordants:
«Elle les considère non pas comme la preuve des faits, mais comme

des éléments qui peuvent contribuer, dans certaines conditions, à
corroborer leur existence, à titre d’indices venant s’ajouter àp d’autres
moyens de preuve. » (Activités militaires et paramilitaires au Nicara -
gua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond,
arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 40, par. 62.)

Et la Cour de conclure : «il reste que la notoriété publique d’un fait peut
être établie par de tels éléments et que la Cour peut en tenpir compte dans
une certaine mesure » (ibid., par. 63). de même, dans l’affaire des Otages

à Téhéran, la Cour avait reconnu aux informations relayées par les médias
une certaine valeur en tant qu’éléments corroborant des faits de notoriété
publique, d’autant plus que le défendeur n’avait pas participép à l’instance
(Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis
d’Amérique c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 10, par. 12-13). Or,
tranchant avec cette différenciation méthodique du poids des divers

éléments de preuve, la Cour rejette ici en bloc des années de ppreuves
documentaires accumulées jusqu’au 9-12 août 2008, au motif que
celles-ci seraient complètement dépourvues de force probante — et
n’auraient donc « aucune valeur juridique » pour établir l’existence d’un
différend.
8. Surtout, les critères sur lesquels la Cour fait fond pour conclure àp l’ab

sence de «valeur juridique» de la totalité des documents antérieurs au mois
d’août 2008 ne trouvent aucun appui dans le droit. Comme je l’exposerai plusp
amplement dans la partie B de la présente opinion, leur application n’était
pas non plus justifiée compte tenu du contenu réel des documents eux-mêmes,
qu’ils soient lus isolément ou à la lumière d’autres épléments de preuve docu -

mentaires versés au dossier.dans l’arrêt qui nous occupe, la présence d’une
seule prétendue déficience — que celle-ci ait trait à l’absence de mention
formelle, à l’identité de l’auteur, à l’inaction du popuvoir exécutif, à l’attri-
bution ou à la notification — semble suffire à la Cour pour n’accorder
aucune espèce de valeur juridique à tout un ensemble de preuves documen -
taires qui existait déjà bien avant le 9 août 2008 et le dépôt de la présente

requête.

126193 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

1. Alleged Formal Defects

9. There is little that needs explanation or refutation concerning the
alleged formal defects in various pieces of documentary evidence, such as
the absence of literal reference in a document to “racial discriminatpion”,
“ethnic cleansing”, the Russian Federation’s specific CERd obligations,
or even, in some circumstances, circulation of documents to the United

Nations under agenda items other than “racial discrimination”. I will not
belabour this point further, other than to reaffirm, as did the joint dpissent-
ing opinion, that it is sufficient for purposes of determining the existence
of a dispute in the present instance that the subject-matter of the dispute
is capable of falling within the subject-matter of CERd, without need of
invocation eo nomine of CERd or any of the specific provisions of this

treaty. As I will show in part B of my opinion, the documentary evidence
considered in the Judgment did very well contain unambiguous references p
to subject-matters capable of falling within CERd, such as to alleged
support, facilitation, or toleration by Russian peacekeepers of ethnic
cleansing being committed against georgian civilians within these peace-
keepers’ areas of responsibility in georgian territory ; Russian conduct in

relation to the right of return of refugees and Idps to georgian territory ;
and the failure of the Russian peacekeepers to prevent human rights vio -
lations being committed against georgian civilians. However, for the
reasons set out above, the Judgment makes use of only a miniscule
part of such relevant material.

2. Alleged Defects relating to Authorship

10. In particular, the Judgment denies legal significance to documents
such as resolutions and statements of the parliament of georgia, or state -
ments of the permanent Representative of georgia to the United Nations,
where these documents do not appear to show that the georgian Execu -
tive authored, endorsed, or approved of the document. Such a stringent

requirement of Executive approval, adoption, or endorsement of parlia -
mentary resolutions has hitherto never been applied by the Court. In thep
Genocide case, while the Court acknowledged that the “significance” of
official documents (such as the record of parliamentary bodies) whichp
appear to have been produced “so that the party may make use of its

content” could thereby be “in doubt”, the Court still did not spummarily
reject such documents by the mere fact of their provenance or authorship
(Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro),
Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I), p. 134, para. 225). Rather, the Court
was careful to stress that

127 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 193

1. Les prétendues déficiences formelles

9. Il n’est pas nécessaire de se livrer à un long exercice d’expplication ou
de réfutation en ce qui concerne les déficiences formelles prétpendues de
divers éléments de preuve documentaires, par exemple lorsque le dopcu -
ment ne fait pas expressément référence à la « discrimination raciale », au
«nettoyage ethnique » ou aux obligations spécifiques que la Fédération de

Russie tient de la CIEdR, voire, dans certaines circonstances, lorsque le
document a été distribué à l’Organisation des Nations Unies au titre de
points de l’ordre du jour autres que la « discrimination raciale ». Je ne
m’étendrai pas davantage sur cet aspect, si ce n’est pour répaffirmer,
comme dans l’opinion dissidente commune, que, pour déterminer si upn
différend existe dans la présente affaire, il suffit que son pobjet soit suscep-

tible d’entrer dans les prévisions de la CIEdR, sans qu’il soit besoin d’in -
voquer eo nomine la Convention ou l’une quelconque de ses dispositions
particulières. Ainsi qu’exposé dans la partie B de la présente opinion, les
éléments de preuve documentaires examinés dans l’arrêt copntenaient bel
et bien des références très claires à des questions pouvant prelever de la
CIEdR, telles que : les allégations selon lesquelles la force russe de main -

tien de la paix a appuyé, facilité ou toléré un nettoyage etphnique perpétré
à l’encontre des civils géorgiens dans les zones de géorgie qui étaient pla -
cées sous sa responsabilité ; le comportement de la Russie à l’égard du
droit au retour en territoire géorgien des réfugiés et des persponnes dépla -
cées ; et le fait que la force russe de maintien de la paix n’a pas empêché

les violations des droits de l’homme commises contre des civils géporgiens.
Cependant, pour les raisons exposées plus haut, la Cour ne s’est ipntéressée
qu’à une infime partie de ces éléments pertinents.

2. Les prétendues déficiences concernant l’identité de l’aut▯eur

10. En particulier, la Cour a nié toute valeur juridique à des documenpts
comme des résolutions et des déclarations du parlement de la géorgie, ou
des déclarations du représentant permanent de la géorgie auprès de l’Or -
ganisation des Nations Unies, lorsqu’il n’en ressortait pas clairement que
l’exécutif géorgien en était l’auteur ou qu’il les avapit entérinés ou approu -

vés. La Cour n’avait jamais exigé de manière si stricte que pdes résolutions
parlementaires aient été approuvées, adoptées ou entérinépes par le pou -
voir exécutif. Certes, dans l’affaire du Génocide, elle avait reconnu que la
«valeur » de documents officiels (tels que les comptes rendus d’organes
parlementaires) qui semblaient avoir été produits « [pour] qu’il [fût] pos -

sible d’en invoquer le contenu » pouvait, de ce fait, être mise « en cause »,
mais la Cour n’avait pas pour autant rejeté lesdits documents sansp autre
forme de procès du simple fait de leur provenance ou de la désignaption de
leur auteur (Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 134, par. 225). Au contraire, la Cour avait pris

soin de souligner que

127194 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

“[i]n some cases the account represents the speaker’s own knowledge
of the fact to be determined or evaluated. In other cases the account
may set out the speaker’s opinion or understanding of events after
they have occurred and in some cases the account will not be based
on direct observation but may be hearsay. In fact the parties rarely
disagreed about the authenticity of such material but rather about

whether it was being accurately presented . . . and what weight or
significance should be given to it.” (I.C.J. Reports 2007 (I), p. 135,
para. 226.)

11. The statements of the parliament of georgia and the permanent
Representative of georgia could have been admitted as “evidence of the
intentions of a litigating State” (A. Riddell and B. plant, Evidence before
the International Court of Justice, op. cit., p. 251). In the Anglo-Iranian Oil

Co. case, the United Kingdom opposed the admissibility of Iranian legis -
lation on the ground that this legislation was “a purely domestic insptru -
ment, unknown to other governments” (Anglo-Iranian Oil Co. (United
Kingdom v. Iran), Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports 1952,
p. 107). The Court rejected this view, stating that :

“The Court is unable to see why it should be prevented from taking
this piece of evidence into consideration. The law was published in

the Corpus of Iranian laws voted and ratified during the period from
January 15th, 1931, to January 15th, 1933. It has thus been available
for the examination of other governments during a period of about
twenty years. The law is not, and could not be, relied on as affordingp
a basis for the jurisdiction of the Court. It was filed for the sole purp

pose of throwing light on a disputed question of fact, namely, the
intention of the government of Iran at the time when it signed the
[optional clause] declaration.” (Ibid.)

12. In any case, as I will show in part B of my opinion, the resolutions,
decrees, and statements of the parliament of georgia were officially trans -
mitted to the United Nations Security Council or the general Assembly
by the permanent Representative of georgia. We cannot simply assume
that the permanent Representative of georgia acted ultra vires or without

the knowledge of the georgian Executive. There being no showing in the
record before the Court that the permanent Representative of georgia
acted contrary to authority or in contravention of any instructions fromp
the georgian Executive, it cannot be inferred that his official transmittal p
of the resolutions and decrees of the parliament of georgia to the United

Nations Security Council or general Assembly is not attributable to
georgia.

3. Alleged Defects of Inaction

13. The Judgment withholds legal significance from certain documen -

tary evidence for the reason that the georgian Executive did not act upon

128 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 194

«[d]ans certains cas, le contenu de ces propos représente ce que l’pau-
teur sait lui-même du fait devant être déterminé ou évalué. dans
d’autres cas, il peut refléter l’opinion ou l’appréciation a posteriori du
narrateur quant aux événements ; parfois, il peut ne pas être fondé
sur un témoignage direct, mais sur des ouï-dire. En fait, si les parties
n’ont que rarement été en désaccord sur l’authenticitép des preuves,

elles se sont en revanche opposées sur la question de savoir si celleps-ci
étaient présentées de manière fidèle … et quel poids ou valeur leur
accorder. » (C.I.J. Recueil 2007(I), p. 135, par. 226.)

11. Les déclarations du parlement de la géorgie et du représentant
permanent de cet Etat auraient pu être admises en tant qu’« indications
des intentions d’un Etat en litige » (A. Riddell et B. plant, Evidence before
the International Court of Justice, op. cit., p. 251). dans l’affaire de

l’Anglo-Iranian Oil Co., le Royaume-Uni contestait l’admissibilité d’une
loi iranienne au motif que celle-ci était «un texte purement interne, inconnu
des autres gouvernements» (Anglo-Iranian Oil Co. (Royaume-Uni c. Iran),
exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1952, p. 107). La Cour avait
rejeté ce point de vue, indiquant que :

«La Cour ne voit pas pour quelle raison elle serait empêchée de
retenir pareil élément de preuve. La loi a été publiée dapns le recueil

des lois iraniennes votées et ratifiées du 15 janvier 1931 au 15 jan -
vier 1933. Elle a donc été accessible à l’examen des autres gouveprne-
ments pendant environ vingt ans. Cette loi n’est pas invoquée, et ne
pouvait pas être invoquée, comme offrant une base pour la compé -
tence de la Cour. Elle a été produite simplement pour apporter la p

lumière sur un point de fait contesté, à savoir: l’intention du gouver -
nement de l’Iran lorsqu’il a signé la déclaration [d’acceptation de la
clause facultative]. »(Ibid.)

12. En tout état de cause, comme je le montrerai dans la partie B de
la présente opinion, le représentant permanent de la géorgie a transmis
officiellement au Conseil de sécurité ou à l’Assemblée gpénérale des
Nations Unies les résolutions, décrets et déclarations du parlement de la
géorgie. Il ne peut être simplement présumé avoir commis un apbus de

pouvoir ou agi sans que l’exécutif géorgien en fût informé. Le dopssier
soumis à la Cour ne permettant pas de conclure que le représentant per -
manent de la géorgie a excédé ses pouvoirs ou qu’il a contrevenu à une
quelconque directive de l’exécutif géorgien, on ne saurait inféprer que son
initiative de transmettre officiellement les résolutions et décrepts du parle -

ment géorgien au Conseil de sécurité ou à l’Assemblée pgénérale n’est pas
attribuable à la géorgie.

3. Les prétendues déficiences pour cause d’inaction

13. La Cour nie toute valeur juridique à certains éléments de preuvpe

documentaires au motif que l’exécutif géorgien n’a pas donnép suite aux

128195 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

or follow up complaints expressed in the parliamentary material. Specifip-
cally, the Judgment declares documents (such as resolutions, decrees, apnd
statements of the parliament of georgia ; statements of the permanent
Representative of georgia ; and press statements of the Foreign ministry
of georgia) to be legally insignificant because the georgian Executive did
not actually order the withdrawal of Russian peacekeeping forces from

georgian territory despite their alleged misconduct. Similarly, the Judg -
ment determines legal insignificance because the georgian Executive did
not call for the rejection of, or opposition to, the adoption of Security
Council resolutions that contained standard clauses commending Russian
peacekeepers or acknowledging Russia’s role as a facilitator or guarapntor

of security in the armed conflicts within georgia.

14. These speculations in the Judgment reach directly into the merits
of the dispute. Furthermore, these alleged defects of inaction cannot bep
accepted as “inferences of fact” in the sense discussed by the Court in

the Corfu Channel Judgment, where it stated that : “proof may be drawn
from inferences of fact, provided that they leave no room for reasonable
doubt” (Corfu Channel (United Kingdom v. Albania), Merits, Judgment,
I.C.J. Reports 1949, p. 18). In the present Judgment, there does appear
room for such reasonable doubt. As I will demonstrate in part B of my
opinion, some of the contested, respectively rejected, documentary evi -

dence such as resolutions of the parliament of georgia, adopted in 2005
and 2006, appear on their face to have envisaged a process of negotiation
on the conduct of Russian peacekeepers, and not their automatic with -
drawal. In any event, the underlying circumstances of Security Council
voting on the resolutions identified in the Judgment are not evidenced ipn

the record before the Court at this stage of the proceedings.

15. In my view, ascribing the above defects to documentary evidence
when such factual questions properly belong to the merits phase of the

proceedings is an unreasonable basis for the denial of any legal signifip -
cance to this evidence for the purposes of merely establishing the exis -
tence of a dispute. These speculations deprive either party of the oppor -
tunity to meet factual questions and lead the Court to rely on somewhat p
tenuous inferences.
16. Neither can the georgian Executive’s alleged inaction be seen as an

implicit admission against interest by high-ranking officials, of the nature
discussed by the Court in the Nicaragua Judgment. In the present Judg -
ment, there is no positive act of acknowledgment involved that might be p
constitutive of such admissions :

“[S]tatements of this kind, emanating from the high-ranking official
political figures, sometimes indeed of the highest rank, are of particu-
lar probative value when they acknowledge facts or conduct unfavour -

able to the State represented by the person who made them. They may

129 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 195

documents parlementaires concernés ou aux griefs qui y étaient forpmulés.
En particulier, elle déclare que certains documents (par exemple desp réso-
lutions, décrets et déclarations du parlement géorgien, des déclarations
du représentant permanent de la géorgie et des déclarations faites à la
presse par le ministère géorgien des affaires étrangères)p n’ont aucune
valeur juridique parce que l’exécutif géorgien n’a pas vépritablement

ordonné le retrait de la force russe de maintien de la paix du territpoire
géorgien en dépit de sa mauvaise conduite alléguée. de même, la Cour
conclut au défaut de valeur juridique parce que l’exécutif géporgien n’a pas
demandé le rejet ou contesté l’adoption de résolutions du Conseil de sécu-
rité qui contenaient des dispositions types saluant l’action des spoldats de

la paix russes ou reconnaissant le rôle de la Russie en tant que faciplitateur
ou garant de la sécurité dans le cadre des conflits armés en pgéorgie.
14. Ces conjectures formulées dans l’arrêt touchent directement au p
fond du différend. En outre, les prétendues déficiences pour pcause d’inac-
tion ne peuvent être considérées comme des « présomptions de fait » au

sens exposé par la Cour dans l’arrêt relatif au Détroit de Corfou, dans
lequel celle-ci a déclaré que : « La preuve pourra résulter de présomptions
de fait à condition que celles-ci ne laissent place à aucun doute rai-
sonnable » (Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 1949, p. 18). dans le présent arrêt, ce doute raisonnable
semble effectivement avoir sa place. Ainsi qu’indiqué dans la paprtie B de

la présente opinion, il semble d’après leur libellé que certpains des docu -
ments contestés et rejetés, comme les résolutions adoptées ppar le parle -
ment géorgien en 2005 et en 2006, laissaient envisager un processus de
négociation sur le comportement des soldats russes chargés du mainptien
de la paix, et non le retrait automatique de ceux-ci. Quoi qu’il en soit, les

circonstances qui ont entouré le vote du Conseil de sécurité enp ce qui
concerne les résolutions identifiées dans l’arrêt ne ressortpent pas claire -
ment du dossier à ce stade de l’instance.
15. A mes yeux, le fait de rejeter pour ce motif des éléments de preuve
documentaires alors que les questions factuelles en jeu relèvent du fpond

de l’affaire ne permet pas raisonnablement de nier toute valeur jurpidique
aux éléments en question à un stade où il s’agit simplemepnt d’établir
l’existence d’un différend. Ces conjectures privent chaque partie de la pos-
sibilité de répondre aux questions de fait et conduisent la Cour àp faire
fond sur des déductions quelque peu fragiles.
16. La prétendue inaction de l’exécutif géorgien ne peut pas davpantage

s’analyser comme un aveu implicite de la part de personnalités offipcielles
de haut rang, ainsi qu’envisagé par la Cour dans l’arrêt Nicaragua. dans
le présent arrêt, il n’y a pas d’acte concret de reconnaissapnce qui serait
susceptible de constituer un tel aveu :

«[d]es déclarations de cette nature, émanant de personnalités poli-
tiques officielles de haut rang, parfois même du rang le plus élepvé,
possèdent une valeur probante particulière lorsqu’elles reconnaissent

des faits ou des comportements défavorables à l’Etat que reprépsente

129196 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

then be construed as a form of admission.” (Military and Paramilitary
Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of
America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 41, para. 64 ;
emphasis added.)

17. Lacking a positive act, the mere silence or alleged inaction of the
georgian Executive is in itself equivocal in meaning. It is not for this
Court to supply such meaning to deprive documentary evidence of legal
significance.

4. Alleged Defects relating to Attribution

18. In its findings under consideration here, the Judgment holds that
certain documentary evidence does not categorically attribute violationsp
to the Russian Federation, but refers only to incidental claims or vaguep
references of support for separatists in Abkhazia and South Ossetia. In p
part B of my opinion, I will show that relevant documentary evidence

allows attribution to the Russian Federation through the conduct of Rus-
sian peacekeepers. The Russian peacekeepers were not troops placed at
the disposal of an international organization (such as United Nations
peacekeepers), whose conduct would then be attributable to this organi -
zation. In the present case, there is no such international organization
involved in the deployment of Russian troops to georgian territory, since

those troops acted as the Joint peacekeeping Forces (JpKF) and Law and
Order Keeping Forces (LOKF) on the basis of an agreement between
georgia and the Russian Federation concluded in 1992. The conduct of
these troops — particularly their failure to prevent, their support, tolera -
tion or facilitation of ethnic cleansing and other serious human rights p

violations against georgian civilians — is undeniably the conduct of a
State organ of the Russian Federation (see Armed Activities on the Terri -
tory of the Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda), Judg-
ment, I.C.J. Reports 2005, p. 242, para. 213).

5. Alleged Defects relating to Matters of Notice

19. Here I refer to the alleged lack of proof that Russia received, could
have received, or had the opportunity to receive or be informed of the
allegations contained in certain documentary evidence. I will not dwell pon

this point since our joint dissenting opinion already treats this issue pof
notice quite extensively, albeit in relation to the second preliminary opbje-
tion. For purposes of determining the existence of a dispute, however, lpet
me emphasize that this Court has never imposed a strict requirement of
actual notice received by the respondent State in comparable circum -
stances. In the Northern Cameroons case, clearly no bilateral discussions

were had between the parties. yet, and despite the United Kingdom’s

130 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 196

celui qui les a formulées. Elles s’analysent alors en une sorte d’paveu» .
(Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),fond, arrêt,C.I.J. Recueil 1986,
p. 41, par. 64 ; les italiques sont de moi.)

17. En l’absence d’un acte concret, le silence pur et simple ou la prépten -
due inaction de l’exécutif géorgien sont équivoques en eux-mêmes. Il
n’appartient pas à la Cour de les interpréter d’une manièpre qui prive les
éléments de preuve documentaires de toute valeur juridique.

4. Les prétendues déficiences en matière d’attribution

18. Sur ce chapitre, la Cour conclut dans son arrêt que certains élép -
ments de preuve documentaires n’attribuent aucune violation à la Fpédéra -
tion de Russie de manière catégorique, mais contiennent simplementp des
allégations incidentes ou de vagues références concernant un soutien prêté
aux séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. dans la partie B ci-après,

je montrerai que les documents en question permettent d’attribuer les vio-
lations incriminées à la Fédération de Russie par l’interpmédiaire du com-
portement de la force russe de maintien de la paix. Celle-ci n’était pas une
force mise à la disposition d’une organisation internationale (copmme la
force de maintien de la paix de l’Organisation des Nations Unies), dont le
comportement aurait ensuite été attribuable à cette organisation. dans la

présente affaire, aucune organisation internationale n’était pintervenue
dans le déploiement des troupes russes sur le sol géorgien, puisqupe celles-ci
agissaient dans le cadre de la force commune de maintien de la paix
(FCmp) et de la force de maintien de l’ordre public, sur la base d’un p
accord conclu par la géorgie et la Fédération de Russie en 1992. Le com -

portement de ces troupes — et, en particulier, le fait qu’elles ont manqué
d’empêcher, voire ont appuyé, toléré ou facilité le nepttoyage ethnique et
d’autres graves violations des droits de l’homme commises contre dpes
civils géorgiens — constitue à n’en pas douter le comportement d’un
organe étatique de la Fédération de Russie (voir Activités armées sur le
territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),

arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 242, par. 213).

5. Les prétendues déficiences en matière de notification

19. Je me réfère ici à la prétendue absence d’éléments démontrant que
la Russie s’est vu, a pu se voir ou aurait pu se voir communiquer cerptains
documents, ou être informée des allégations qu’ils contenaiepnt. Je ne

m’attarderai pas sur ce point puisque la question de la notification pest
déjà traitée assez abondamment dans notre opinion dissidente copmmune,
fût-ce sous l’angle de la deuxième exception préliminaire. Aux fins de
déterminer l’existence d’un différend, toutefois, qu’ilp me soit permis de
souligner que la Cour n’a jamais exigé de manière stricte qu’pune notifica-
tion soit concrètement adressée par l’Etat défendeur en parepilles circons-

tances. dans l’affaire du Cameroun septentrional, il était clair qu’aucune

130197 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

insistence that the Republic of Cameroon did not have a dispute with it p
but with the general Assembly, the Court relied upon unilateral state -
ments by the United Kingdom and Cameroon in multilateral fora such as
the United Nations Trusteeship Council, and reached the conclusion that p
a “dispute” existed (Northern Cameroons (Cameroon v. United Kingdom),
Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1963, pp. 32-34 ; see

also Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria
( Cameroon v. Nigeria), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports
1998, p. 315, para. 89).

20. I am afraid that, through its resort to an amorphous usage of

“legal significance” in the present Judgment, the Court disregardsp its own
settled jurisprudence on assessment of evidence. In Armed Activities on the
Territory of the Congo, the Court held that in examining the facts “rele -
vant to each of the component elements of the claims advanced by the
parties . . . it will identify the documents relied on and make its own clear

assessment of their weight, reliability and value” (see Armed Activities on
the Territory of the Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda),
Judgment, I.C.J. Reports 2005, p. 200, para. 59). In the same case, the
Court held that it “will also give weight to evidence that has not, even
before this litigation, been challenged by impartial persons for the corprect-
ness of what it contains” (ibid., p. 201, para. 61). In the present case, none

of the documentary evidence from 1992 up to immediately before
9 August 2008 appears to have been challenged by impartial persons for
correctness. Neither is there the slightest indication that this copiousp
record of documentary evidence was generated on purpose in anticipation p
of the filing of the present Application. The summary dismissal of pre-

August 2008 documentary evidence does not cohere with the rigour
ascribed to the Court in the recent British Institute study on the treatp -
ment of evidence, which summarizes the factors that the Court has long
clarified in assessing the relevance and probative value of documentary p
evidence, as follows :

“Sources : The Court will consider the number of sources available,
whether they are partisan or independent, and whether they are cor -
roborated by other evidence ;
Interest :The Court identifies whether the source of the evidence has
an interest in the conduct of proceedings, or is neutral and indifferepnt,

following which the Court assesses whether the evidence contains any
admissions against the interest of the party submitting it.
Relation to events : The Court notes whether the evidence records
direct observation or hearsay.
Method : Close examination is given to the means and methodology

by which the information presented has been collected.

131 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 197

discussion bilatérale n’avait eu lieu entre les parties. pourtant, et bien que
le Royaume-Uni eût soutenu avec insistance que la République du Came-
roun avait un différend non pas avec lui mais avec l’Assemblépe générale,
la Cour s’était fondée sur des déclarations unilatérales pfaites par ces deux
Etats au sein d’organes multilatéraux, tels que le Conseil de tutelle des
Nations Unies, et avait conclu à l’existence d’un « différend » (Cameroun

septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1963, p. 32-34 ; voir également Frontière terrestre et mari -
time entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 315, par. 89).
20. Je crains que, par son utilisation approximative de la notion de

«valeur juridique » dans le présent arrêt, la Cour ne s’écarte de sa propre
jurisprudence établie quant à l’appréciation des preuves. dans l’affaire
des Activités armées sur le territoire du Congo, elle avait déclaré que, en
examinant les faits « qui se rapport[ai]ent aux divers éléments constitutifs
des demandes formulées par les parties[…,] elle répertoriera[it] les docu -

ments invoqués et se prononcera[it] clairement sur le poids, la fiabiplité et
la valeur qu’elle juge[rait] devoir leur être reconnus » (voir Activités armées
sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 200, par. 59). dans la même affaire, la Cour
avait dit qu’elle « accordera[it] également du poids à des éléments de
preuve dont l’exactitude n’a[vait] pas, même avant le présenpt différend,

été contestée par des sources impartiales » (ibid., p. 201, par. 61). En l’es -
pèce, aucune source impartiale ne semble avoir contesté l’exactpitude de
l’un ou l’autre des éléments de preuve documentaires datant pde 1992 à la
veille du 9 août 2008. Il n’existe pas non plus la moindre indication qui
porterait à penser que ce volumineux dossier d’éléments de ppreuve docu-

mentaires a été établi sciemment en prévision du dépôtp de la présente
requête. En rejetant de manière si expéditive la totalité deps documents
antérieurs au mois d’août 2008, la Cour fait mentir la réputation de
rigueur qui lui est attribuée dans la récente étude sur l’adpministration des
éléments de preuve publiée par le British Institute of International and

Comparative Law, qui fait la synthèse des facteurs que la Cour a de
longue date explicités en examinant la pertinence et la force probante des
éléments de preuve documentaires, à savoir :

«Sources : la Cour considérera le nombre de sources disponibles, leur
caractère partisan ou indépendant, et cherchera à savoir si elles sont
corroborées par d’autres éléments de preuve.
Intérêt: la Cour détermine si la source de l’élément de preuve a un
intérêt dans le déroulement de la procédure, ou si elle est pneutre et

indifférente, avant de vérifier si l’élément considépré renferme une éve-
tuelle déclaration contraire aux intérêts de la partie dont ellpe émane.
Rapport aux événements : la Cour cherche à savoir si l’élément de
preuve traduit une observation directe ou reprend des ouï-dire.
Méthode : la Cour examine attentivement les moyens et la méthode

utilisés pour recueillir les informations présentées.

131198 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

Verification : Evidence will be considered to be more valuable if it
has been subject to cross-examination either during its compilation
or subsequently. Again, the Court notes whether the evidence is cor -
roborated by other sources.
Contemporaneity : The Court’s evaluation is influenced by the timing
of a document’s preparation, or of a statement. generally the Court

attaches less weight to evidence which was not prepared or given at
a time close to the facts it purports to prove. Equally, it is cautious
of documents which were prepared specifically for the purposes of ICJ
litigation.

Procedure : The Court assesses whether the evidence was correctly
submitted in accordance with the procedural requirements embodied
in the Rules.” (A. Riddell and B. plant, Evidence before the Interna -
tional Court of Justice, op. cit., p. 192.)

21. my discussion of the Court’s treatment of the “legal significance”
standard is by no means intended to convey mere sterile differences in the
application of facts and the evaluation of evidence between the majority

and the dissenting Judges. In my view, there are serious policy conse -
quences to the evidentiary assessment conducted by the Court in the
present Judgment. The Judgment expressly introduces factors/reasons of
formality, authorship, inaction, attribution, and notice that could be
invoked in future cases to deny legal significance or probative value top
documentary evidence. These reasons could also adversely affect the

future ability of States to control the presentation of their evidence apt the
threshold of proceedings, potentially leading them to self-censor the sub -
mission of evidence. more importantly, the factual inferences drawn by
the Court in the present Judgment undermine the Court’s responsibilitpy
to discharge its judicial function in a thorough manner by making full use

of its fact-finding powers under Articles 49 to 51 of the Statute to avoid
having to resort to such inferences in the first place. As the Court rigphtly
observed in Nicaragua, the Statute

“obliges the Court to employ whatever means and resources may
enable it to satisfy itself whether the submissions of the applicant State
are well-founded in fact and law, and simultaneously to safeguard the

essential principles of the sound administration of justice” (Military
and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v.
United States of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986,
p. 40, para. 59).

22. Turning now to the second half of my opinion (part B), I will set
out the facts which I consider relevant, and sufficient, in order to prpove
that the preconditions for recourse to the Court in accordance with Artip -

cle 22 CERd, that is, both the presence of a dispute and attempts at

132 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 198

Vérification : les éléments de preuve se verront accorder davantage de
poids s’ils ont fait l’objet d’un examen contradictoire soit aup moment
où ils ont été rassemblés soit par la suite. Là encore, lpa Cour cherche
à savoir si l’élément de preuve est corroboré par d’auptres sources.
Contemporanéité : l’appréciation de la Cour est influencée par la date
de l’élaboration d’un document ou d’une déclaration. d’une manière

générale, la Cour attache moins d’importance aux éléments de preuve
qui n’ont pas été établis ou fournis à une époque procphe des faits
qu’ils sont censés démontrer. de même, elle considère avec circons -
pection les documents qui ont été établis spécialement aux fipns de
l’instance portée devant elle.

Procédure : la Cour détermine si l’élément de preuve a été produipt
conformément aux exigences procédurales formulées dans le Règle -
ment.» (A. Riddell et B. plant, Evidence before the International
Court of Justice, op. cit., p. 192.)

21. Si j’analyse la manière dont la Cour a traité la notion de «p valeur
juridique», ce n’est certainement pas pour me faire l’écho de divergences
purement stériles pouvant exister entre la majorité et les juges dpissidents

quant à la façon d’appliquer les faits et d’apprécier les éléments de preuve.
A mes yeux, la manière dont la Cour a appréhendé ces élémpents dans le
présent arrêt aura de lourdes conséquences pratiques. En effept, la Cour a
expressément introduit des considérations ou des raisons liées pà la forme,
à l’identité de l’auteur, à l’inaction, à l’attrpibution et à la notification qui
pourront être invoquées dans de futures affaires en vue de nier ptoute

valeur juridique ou force probante à des éléments de preuve documen -
taires. Les Etats risquent également à l’avenir de se trouver epntravés dans
le choix des éléments de preuve à faire valoir dès le tout dpébut de l’ins -
tance, d’où un risque d’autocensure. pire encore, les déductions factuelles
tirées dans le présent arrêt desservent la Cour, qui a pour respponsabilité

de s’acquitter de sa fonction judiciaire de façon minutieuse en fapisant plei -
nement usage des pouvoirs que lui confèrent les articles 49 à 51 de son
Statut pour établir les faits et, ainsi, éviter d’emblée d’pavoir à faire fond
sur de telles déductions. Comme la Cour l’a fait observer à raipson dans
l’affaire Nicaragua, le Statut

«[lui] fait … obligation … d’employer tous les moyens et méthodes
susceptibles de lui permettre de s’assurer réellement du bien-fondé en
fait et en droit des conclusions de l’Etat demandeur et de sauvegar -

der du même coup les principes essentiels d’une bonne administra -
tion de la justice » (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 1986, p. 40, par. 59).

22. pour en venir à présent à la deuxième partie de mon opinion (par -
tie B), j’exposerai les faits que j’estime pertinents, et suffisants, pour
démontrer que les conditions préalables à la saisine de la Cour en vertu de

l’article 22 de la CIEdR, à savoir à la fois l’existence d’un différend et lesp

132199 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

negotiation undertaken by georgia, were fulfilled well before August 2008.
most of the documentary evidence that I will adduce here has either been p
totally neglected or has only been referred to in an extremely superficial
or in a selective way in the Judgment. I will take the opportunity to inpter-
sperse, on occasion, broader quotes or amplifications from the actual
documents that the Judgment rejects for allegedly lacking “legal signpifi -

cance”.

B. Evidence Establishingp the Existence

of a CERd-related dispute
and of Negotiations Wepll before 2008

23. For purposes of an organized presentation, I will discuss the docu -

mentary evidence establishing the existence of a dispute involving
subject-matters falling within CERd and of attempts at a negotiated
settlement before 9 August 2008 according to the following categories :
(1) bilateral exchanges between georgia and the Russian Federation ;
(2) georgian statements made before international organizations of which

the Russian Federation is a member ; and (3) public statements of geor -
gia on other occasions.
24. my intention is not to enumerate the documentary evidence in a
manner similar to that used in the Judgment, but rather to let the textsp of
these documents speak for themselves. The documentary evidence, taken
individually and as a whole, appears in my view sufficient to lend pro-

bative weight (whether in the direct, primary, indirect, secondary, or
corroborative degrees of proof) to georgia’s submission that a dispute
between georgia and Russia on CERd-related subject matters existed
long before 9 to 12 August 2008, specifically with respect to allegations
on: support or facilitation by Russian peacekeepers of ethnic cleansing orp

failure to prevent such acts ; Russia’s conduct in relation to the right of
return of refugees/Idps ; and the failure of Russian peacekeepers to pre -
vent human rights violations being committed against georgian civilians
within these troops’ areas of responsibility. In the present jurisdicptional
phase of the proceedings, the Court does not need to establish with ultip -

mate certainty that the violations complained of by georgia actually took
place.

1. Bilateral Exchanges between Georgia and the Russian Federation

25. paragraph 78 of the Judgment does not give legal significance to
the exchange of letters in July and August 2004 between the president of
georgia, mikhail Saakashvili, and the president of the Russian Federa -

tion, vladimir putin, on the ground that “[t]he letters do not mention the

133 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 199

tentatives de négociation de la géorgie, étaient remplies bien avant le
mois d’août 2008. La plupart des éléments de preuve documentaires que
je vais présenter ici soit ont été totalement négligés, spoit n’ont été utilisés
que d’une manière extrêmement superficielle ou sélective danps l’arrêt. Je
saisirai cette occasion pour entrecouper de temps à autre mon analysep de
citations plus longues ou de passages complémentaires des documents

mêmes que la Cour a rejetés pour leur prétendu défaut de « valeur juri -
dique ».

B. Les éléments de preuvep démontrant l’existepnce

d’un différend lié à pla CIEdR
et une volonté de négopcier bien avant 2008

23. Afin de structurer ma présentation, je rangerai dans trois catégories

les éléments de preuve documentaires qui attestent l’existence pd’un diffé -
rend sur des questions relevant de la CIEdR et les tentatives de parvenir
à un règlement négocié avant le 9 août 2008, à savoir : 1) les échanges
bilatéraux entre la géorgie et la Fédération de Russie ; 2) les déclarations
faites par la géorgie devant des organisations internationales dont la

Fédération de Russie est membre ; et 3) les déclarations publiques faites
par la géorgie à d’autres occasions.
24. mon intention n’est pas de recenser les éléments de preuve docu -
mentaires de la même manière que dans l’arrêt, mais de laissper le texte de
ces documents parler de lui-même. Ces éléments de preuve documen -
taires, qu’ils soient pris individuellement ou dans leur ensemble, mep

semblent suffisants pour qu’une certaine force probante soit accordée
(que ce soit en tant que preuve directe, première, indirecte, secondpaire, ou
que preuve concordante) à l’argument de la géorgie selon lequel il existait
déjà, bien avant la période du 9 au 12 août 2008, un différend entre la
Russie et elle sur des questions liées à la CIEdR, la géorgie accusant en

particulier la force russe de maintien de la paix d’avoir appuyé opu facilité
le nettoyage ethnique ou manqué de prévenir de tels actes ; mettant en
cause le comportement de la Russie à l’égard du droit au retourp des réfu -
giés et des personnes déplacées ; et reprochant aux soldats de la paix
russes de n’avoir pas empêché les violations des droits de l’phomme com -

mises contre des civils géorgiens dans les zones qui étaient placées sous
leur responsabilité. Au stade actuel de la procédure, consacré pà la compé -
tence, la Cour n’a pas besoin d’établir avec une certitude absoplue si les
violations dont la géorgie tire grief ont réellement eu lieu.

1. Les échanges bilatéraux entre la Géorgie et la Fédération▯ de Russie

25. Au paragraphe 78 de l’arrêt, la Cour n’attribue aucune valeur juri -
dique à l’échange de lettres de juillet-août 2004 entre le président de la
géorgie, mikhaïl Saakachvili, et son homologue russe, vladimir poutine,

au motif qu’« [i]l n’était pas question dans ces lettres du retour des réfu -

133200 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

return of refugees and Idps”. However, the relevant texts of both letters,
when juxtaposed, show that the two presidents did deal with complaints
brought against the conduct of Russian peacekeepers in the face of
attacks being committed against georgian civilians. Thus, the letter of
26 July 2004 of president Saakashvili stated, inter alia :

“I would like to draw your kind attention vladimer vladimirovich
to the fact that recently, from the beginning of the escalation of the
situation in the region, all cases of armed attacks were conducted by

the illegal units of South-Ossetian side in the direction of villages settled
with Georgian population. due to these gangster attacks, seven geor -
gian policemen were wounded. Neither international observers nor
Russian peacekeeping forces have reported any fact of attacks against
villages or compact settlements of Ossetian population. We are deter -
mined not to be a subject of provocations in order to avoid further

escalation of tension in the region and transformation of crisis into
armed conflict.
I would like to inform you about the comments made by Com -
mander of JpKF, the general Nabzdorov to a big number of jour -
nalists: ‘There is no border of Russia and georgia in the Roki tunnel’

and ‘very soon georgia will ask for the acceptance in the composition
of Russian Federation’. It is not difficult after such statements to esti-
mate the impartiality of Russian peacekeeping forces that are carrying
out missions in the region.” (memorial of georgia, vol. v, Ann. 309 ;
emphasis added.)

In his letter of 14 August 2004, president putin replied :

“The propaganda launched by Tbilisi, the main target of which in
the beginning was the Russian peacekeeping Force and then Russia
itself is regrettable. In February of the current year we said that overp-
coming of the prolonged crisis in our bilateral relations and their
gradual normalization is only possible in terms of showing mutual

restraint in public assessments.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
We believe that the following measures should be taken with the
view of stabilization of the situation and creation of conditions for
resumption of the political dialogue :

First : Immediate achievement of ceasefire.
Second : Starting without delay the realization of the arrangements

on the withdrawal of illegal armed formations from the conflict zone, p
reached within the framework of the Joint Control Commission in
June-July of this year and also during the meeting between the
ministers ofdefense ofgeorgia and Russia inmoscow on 10-11August
of this year. In short, all the necessary measures should be taken to

prevent this situation from growing into full-scale armed conflict.

134 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 200

giés et des personnes déplacées ». pourtant, lorsqu’on les met en regard,
les passages pertinents de ces lettres montrent que les deux présidenpts
avaient effectivement évoqué les griefs formulés contre le copmportement
des soldats de la paix russes face aux attaques commises contre des civipls
géorgiens. Ainsi, dans sa lettre du 26 juillet 2004, le président Saakachvili
indiquait notamment :

«Je souhaiterais attirer votre aimable attention, monsieur le pré -
sident, sur le fait que récemment, depuis le début de l’aggravaption de
la situation dans la région, toutes les attaques armées ont été perpé -

trées par les unités illégales de la partie sud-ossète contre des villages
habités par des Géorgiens. A la suite de ces attaques criminelles, sept
policiers géorgiens ont été blessés. Ni les observateurs intpernationaux
ni la force russe de maintien de la paix n’ont signalé d’attaqu▯e contre
les villages ou les zones densément peuplées d’habitants ossè▯tes. Nous
sommes résolus à ne subir aucune provocation pour éviter que leps

tensions dans la région ne s’exacerbent et que la crise ne dégépnère en
conflit armé.
Je souhaiterais vous faire part des commentaires formulés par le
commandant de la FCmp, le général Nabzdorov, à de nombreux
journalistes: «Il n’existe aucune frontière russe et géorgienne dans le

tunnel de Roki » et « la géorgie demandera très prochainement à
rejoindre la Fédération de Russie ». Il n’est pas difficile après de telles
déclarations d’apprécier l’impartialité de la force russe▯ de maintien de
la paix qui conduit la mission dans la région. » (mémoire de la géor -
gie, vol. v, annexe 309 ; les italiques sont de moi.)

dans sa lettre du 14 août 2004, le président poutine répondait :

«La propagande lancée par Tbilissi, dont la principale cible était p
d’abord la force russe de maintien de la paix et ensuite la Russie
elle-même, est regrettable. En février de cette année, nous avons dipt
que, pour surmonter la crise prolongée que connaissent nos relations p
bilatérales et normaliser progressivement ces dernières, il étapit indis -

pensable de faire preuve de retenue mutuelle dans nos déclarations
publiques.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Nous estimons que les mesures ci-après doivent être prises pour
stabiliser la situation et créer des conditions propices à la reprpise du
dialogue politique :

Premièrement: obtenir un cessez-le-feu immédiat.
Deuxièmement: engager sans délai la mise en œuvre des accords sur

le retrait des groupes armés illégaux de la zone de conflit, conpvenus
dans le cadre de la Commission de contrôle conjointe en juin-juillet
de cette année et lors de la réunion des ministres géorgien et prusse de
la défense à moscou les 10 et 11 août derniers. En résumé, toutes les
mesures nécessaires doivent être prises pour empêcher que la siptua -

tion actuelle ne dégénère en conflit armé généralisép.

134201 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

Third: Strict observance of the existing agreements on the conflict
resolution principles; formation and operation of Joint peacekeeping
Forces; obligation of sides not to apply the measures of coercive pres-
sure to solve any emerged problem ; ensuring unhindered delivery of
the humanitarian aid to the population of the region. Realization of
the proposal on holding high-level meetings during the Joint Control

Commission sessions would have positive reflection on the existing
situation.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
I would like to emphasize that the most important aspect of the
resolution of georgian-Ossetian conflict should be the ensuring of

protection of rights and interests of the population of South Ossetia
the majority of which are Russian citizens. Taking into consideration
the above-mentioned we will continue purposeful mediatory work for
a peaceful settlement of the conflict.” (memorial of georgia, vol. v,
Ann. 310; emphasis added.)

26. Two years after this exchange, on 24 July 2006, the permanent
Representative of georgia to the United Nations wrote to the Secretary-

general, requesting the circulation to the general Assembly of a resolu -
tion of 18 July 2006 adopted by the parliament of georgia (Judgment,
para. 86). This resolution stated :

“Instead of demilitarization, the drastic increase of military poten -
tial of those armed forces under subordination of de facto Autono -
mous district of South Ossetia, drastic activation of terrorist

and subversive actions, complete collapse of security guarantees for
peaceful population, permanent attempts to legalize the results of
ethnic cleansing the fact of which had been repeatedly recognized by the▯
international community, massive violation of fundamental human
rights and ever-increasing international criminal threats so characteris-
tic of uncontrolled territories — this is a reality brought about as a result

of peacekeeping operations.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Based on the above, it is clear that actions undertaken by the Russian
Federation’s armed forces in Abkhazia and in the former Autonomous

District of South Ossetia represent one of the major obstacles on the
way to solving these conflicts peacefully, which is a result of absence
of political will on the part of the Russian Federation to foster conflpict
resolution and to change the current status quo.” (Written Statementp
of georgia, vol. III, Ann. 82 ; emphasis added.)

27. The Russian Federation reacted to the resolution of 18 July 2006

of the parliament of georgia even before the permanent Representative

135 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 201

Troisièmement: respecter strictement les accords existants sur les
principes de résolution du conflit ; former et mettre en place la force
commune de maintien de la paix ; contraindre les parties à ne pas
appliquer des mesures de pression pour résoudre tout nouveau pro -
blème; permettre un acheminement sans entrave de l’aide humani -
taire à la population de la région. La mise en œuvre de la propposition

relative à la tenue de réunions de haut niveau au cours des sessiopns
de la Commission de contrôle conjointe aurait un effet positif sur pla
situation actuelle.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Je souhaite souligner que le plus important dans la résolution du
conflit osséto-géorgien doit être de veiller à la protection des droits et

des intérêts de la population sud-ossète, composée en majorité de
citoyens russes. C’est sur cette base que nous poursuivrons sans
relâche notre travail de médiation pour parvenir à un règlempent paci -
fique du conflit. » (mémoire de la géorgie, vol. v, annexe 310 ; les
italiques sont de moi.)

26. deux ans après cet échange, le 24 juillet 2006, le représentant per -
manent de la géorgie auprès de l’Organisation des Nations Unies écrivit

au Secrétaire général pour lui demander de distribuer à l’pAssemblée géné -
rale une résolution du 18 juillet 2006 adoptée par le parlement géorgien
(arrêt, par. 86). Cette résolution indiquait :

«Au lieu d’être démilitarisées, ces forces armées, subordopnnées de
fait aux autorités d’Abkhazie et de l’ancien district autonome pd’Os -
sétie du Sud, ont augmenté considérablement leur potentiel militaire,

les activités terroristes et subversives se sont considérablement pinten -
sifiées, les garanties de sécurité pour la population [pacifiqupe] ont
totalement disparu, on constate des tentatives permanentes de cher -
cher à légaliser les résultats du nettoyage ethnique reconnu co▯mme tel
à plusieurs reprises par la communauté internationale, et on assis▯te à
des violations massives des droits de l’homme fondamentaux et à l’▯ap -

parition d’une menace criminelle internationale de plus en plus impor▯ -
tante, caractéristique des territoires qui échappent à tout con▯trôle. Tel
est le résultat des opérations de maintien de la paix.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Au vu de ce qui précède, il est clair que les actions engagées par les
forces armées de la Fédération de Russie en Abkhazie et dans l’▯ancien

district autonome d’Ossétie du Sud constituent l’un des princip▯aux obs -
tacles au règlement pacifique de ces conflits et sont le résultat d’une
absence de volonté politique de la part de la Fédération de Ruspsie en
faveur d’un règlement desdits conflits et d’une modification du statu
quo actuel.» (Observations écrites de la géorgie, vol. III, annexe 82 ;
les italiques sont de moi.)

27. La Fédération de Russie avait réagi à la résolution du 18p juil -

let 2006 du parlement géorgien avant même que le représentant perma -

135202 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

of georgia requested its circulation (Judgment, para. 87). In a letter dated
19 July 2006 addressed to the United Nations Security Council, the perma -
nent Representative of the Russian Federation stated the following :

“On 18 July 2006, the Parliament of Georgia adopted a decision on
peacekeeping forces in conflict zones which obligates the Government

to initiate steps to end peacekeeping operations in Abkhazia and South
Ossetia as soon as possible, terminate the relevant agreements and
arrangements and bring about the immediate withdrawal from Georgia
of Russian peacekeeping contingents that are stationed there fully in
accordance with international agreements currently in force. The deci -
sion provides for commencement of a process to change peacekeeping

arrangements and deploy international police forces in Abkhazia and
South Ossetia.
during the discussion of the draft decision, some deputies went so
far as to say that, unless those conditions were accepted, the Russian
peacekeepers would be declared unlawful and treated as occupying

forces. The decision falsely claims that the actions of the Russian
peacekeepers in Abkhazia and South Ossetia present one of the main
obstacles to peaceful settlement of the conflicts.

The Russian Federation regards the decision as a provocative step
designed to aggravate tension, destroy the existing format of negotia -

tions and shatter the framework of legal agreements for the peaceful
settlement of the Georgian-Abkhaz and Georgian-Ossetian conflicts.
The accusations that the decision makes against the Russian Federation
constitute a disgraceful attempt to shift the blame to others.

We consider that the language of ultimatums that georgia is using
with respect to Russian peacekeepers is counter-productive. Unilat -
eral decisions cannot be allowed to lead to abrogation of the relevant
international agreements. Our position remains unchanged: the adop-
tion of parliamentary decisions on the withdrawal of Russian peace -
keepers can only entail a fresh crisis and a humanitarian catastrophe.

In recent years, Russia, in co-operation with foreign partners and
international organizations, has exerted considerable efforts to main-
tain a fragile balance that has now been shattered by the bellicose
rhetoric of georgian politicians and their attempts to use provocation
and military force to resolve the problems of Abkhazia and South

Ossetia. It is only through existing peacekeeping mechanisms that it
has been possible to keep the situation under control.
It should not be forgotten that the format of the negotiation pro -
cess, which, besides the Russian Federation, involves the United
Nations, the Organization for Security and Co-operation in Europe
and the member States of the group of Friends of the Secretary-

general on georgia, was agreed upon by all parties to the conflicts.

136 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 202

nent de la géorgie n’en demande la distribution (arrêt, par. 87). dans une
lettre en date du 19 juillet 2006 adressée au Conseil de sécurité de l’Orga -
nisation des Nations Unies, le représentant permanent de la Fédération
de Russie avait déclaré ce qui suit :

«Le 18 juillet 2006, le Parlement géorgien a pris une décision concer-
nant les forces de maintien de la paix dans les zones de conflit, qui

charge le gouvernement de lancer les procédures visant à mettre fin au
plus vite aux opérations de maintien de la paix en Abkhazie et en Oss▯é-
tie du Sud, à dénoncer les accords et dispositions correspondants ▯et à
exiger le retrait immédiat des contingents de paix russes déployé▯s en
Géorgie conformément aux accords internationaux en vigueur. Il
recommande qu’une autre formule soit envisagée pour le maintien de▯ la

paix et que des contingents de police internationaux soient déployé▯s en
Abkhazie et en Ossétie du Sud.
durant l’examen du projet de décision, certains députés ont dpéclaré
que, dans le cas où les mesures susmentionnées ne seraient pas suip -
vies d’effets, les contingents de paix russes devraient être dépclarés

hors la loi et considérés comme des troupes d’occupation. Le tepxte de
la décision affirme à tort que les activités de ces contingents en
Abkhazie et en Ossétie du Sud constituent l’un des principaux obstpa-
cles au règlement pacifique des conflits.
La Fédération de Russie considère cette décision comme une p▯rovo -
cation, qui vise à exacerber la tension, à éliminer les cadres ▯de la négo -

ciation et à saper la base juridique du règlement pacifique des co▯nflits
entre la Géorgie, d’une part, et l’Abkhazie et l’Ossétie ▯du Sud, d’autre
part. Les accusations qu’elle comporte à l’encontre de la Russi▯e tra -
duisent une manœuvre indigne ayant pour but de rejeter la faute sur
autrui.

Nous estimons que les ultimatums adressés par la géorgie aux
contingents de paix russes sont contre-productifs. On ne peut recourir
à des décisions unilatérales pour annuler des accords internatiponaux
existants. Notre position demeure inchangée, à savoir que la dépcision
du parlement géorgien d’exiger le retrait des contingents de paix
russes ne peut aboutir qu’à une nouvelle crise et à une catastrpophe

humanitaire. Ces dernières années, avec le concours de ses partenapires
étrangers et des organisations internationales, la Russie s’est effporcée
de maintenir un fragile équilibre face à la rhétorique belliquepuse des
politiciens géorgiens et à leurs tentatives de recourir aux provocpations
et à la force pour résoudre les problèmes en Abkhazie et en Osspétie du
Sud. En tout état de cause, seuls les mécanismes de maintien de lap

paix actuellement en place ont permis de maîtriser la situation.
Il ne faut pas oublier que les cadres de négociation auxquels parti -
cipent, outre la Russie, l’Organisation des Nations Unies, l’organisa -
tion pour la sécurité et la coopération en Europe, la Communautpé
d’Etats indépendants et les pays membres du groupe des amis du

Secrétaire général ont été établis avec l’accord de toutes les parties

136203 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

The irresponsible actions of Tbilisi are capable of ruling out any possi▯ -
bility of peaceful settlement of the conflicts.” (Written Statement of
georgia, vol. III, Ann. 81 ; emphasis added.)

28. Notably, in the above-mentioned letter of 19 July 2006, the Rus -
sian Federation acknowledged that the resolution adopted by the parlia -
ment of georgia on 18 July 2006 called for the “commencement of a
process to change peacekeeping arrangements”, and not, as the Judgmenpt
indicates, procedures to “immediately suspend . . . peacekeeping opera -
tions and to have the armed forces of the Russian Federation withdrawn”p

(Judgment, para. 86). As I will show subsequently, the texts of the 2005
and 2006 resolutions of the parliament of georgia directed the georgian
Executive to undertake negotiations with the Russian Federation on
the conduct and responsibilities of Russian peacekeeping forces, and not
necessarily to effect the immediate suspension, much less outright with -

drawal, of such forces.
29. Finally, in 2008, president Saakashvili and the new president
of the Russian Federation, dmitry Anatolyevich medvedev, continued
exchanges on the conduct of Russian peacekeepers as well as the issue ofp
the return of Idps and refugees to Abkhazia (ibid., para. 100). In his let -
ter of 24 June 2008, president Saakashvili stated :

“The essence of our proposals is the following :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
The peacekeeping operation under the aegis of CIS will be con-
tinued with the reviewed mandate. The peacekeepers will be with -
drawn from their current locations and will be stationed along the
river Kodori.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
I propose drafting, signing and entering into force the agreements
in which the above mentioned proposals are reflected. Along with
the Russian Federation, other interested parties could also serve as
guarantors of implementation of these agreements.
Consequently, the parties to the conflict could also conclude a

separate agreement about non-use of force and return of IDPs and
refugees to the entire territory of Abkhazia, Georgia.” (memorial of
georgia, vol. v, Ann. 308 ; emphasis added.)

In his letter dated 1 July 2008, president medvedev replied (Judgment,
para. 101) :

“In this situation, frankly speaking it is difficult to imagine, forp
example, creation of joint georgian-Abkhaz administration or law-
enforcement organs in any district of Abkhazia. It is also apparent-
ly untimely to put the question of return of refugees in such a cate -

gorical manner. Abkhazs perceive this as a threat to their national

137 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 203

aux conflits. Les agissements irresponsables de Tbilissi risquent de por-
ter irrémédiablement atteinte au règlement pacifique des diffé▯rends. »
(Observations écrites de la géorgie, vol. III, annexe 81 ; les italiques
sont de moi.)

28. En particulier, dans cette lettre du 19 juillet 2006, la Fédération de
Russie reconnaissait que, dans sa résolution adoptée le 18 juillet 2006, le
parlement géorgien demandait «qu’une autre formule soit envisagée pour
le maintien de la paix » et non, contrairement à ce qui est dit dans l’arrêt,

que des mesures soient prises pour « suspendre immédiatement les … opé -
rations de maintien de la paix et assurer le retrait des forces arméeps de la
Fédération de Russie » (arrêt, par. 86). Comme je le démontrerai par la
suite, dans ses résolutions de 2005 et de 2006, le parlement prescrivait à
l’exécutif géorgien d’engager des négociations avec la Fépdération de Rus -

sie au sujet du comportement et des responsabilités de la force russep de
maintien de la paix, et non pas nécessairement d’ordonner sa suspepnsion
immédiate, et encore moins son retrait pur et simple.
29. Enfin, en 2008, le président Saakachvili et le nouveau président de
la Fédération de Russie, dmitri Anatolievitch medvedev, poursuivirent

ces échanges sur le comportement des soldats de la paix russes ainsi pque
sur la question du retour des personnes déplacées et des réfugipés en
Abkhazie (ibid., par. 100). dans sa lettre du 24 juin 2008, le président Saa -
kachvili déclarait :

«Nous formulons essentiellement les propositions suivantes :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ▯ . . . . . . . . . . . . . .
L’opération de maintien de la paix menée sous l’égide de pla CEI

sera poursuivie avec le mandat révisé. La force russe de maintien pde
la paix se retirera de ses positions actuelles et stationnera le long dep
la rivière Kodori.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Je propose de rédiger, de signer et d’appliquer les accords qui

reprennent les propositions susmentionnées. Avec la Fédération pde
Russie, d’autres parties intéressées pourraient également sep porter
garantes de la mise en œuvre de ces accords.
En conséquence, les parties au conflit pourraient également
conclure un accord distinct sur le non-recours à la force et le retour
des personnes déplacées et des réfugiés dans tout le territo▯ire de l’Ab -

khazie (Géorgie). » (mémoire de la géorgie, vol. v, annexe 308 ; les
italiques sont de moi.)

voici ce que le président medvedev répondit dans sa lettre datée du
1 juillet 2008 (arrêt, par. 101) :

«dans un tel contexte, il est en toute franchise difficile d’imaginer,p
par exemple, la création d’administrations ou de forces de l’ordre
conjointes géorgiennes et abkhazes dans un district abkhaze. De plus,
il semble inopportun de poser la question du retour des réfugiés d▯e
manière aussi catégorique. Eu égard aux vives tensions actuelles, les

137204 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

survival in the current escalated situation and we have to understand
them.” (memorial of georgia, vol. v, Ann. 311 ; emphasis added.)

30. The foregoing exchanges did not take place in a historical vacuum,
but should be appreciated further in the context of the ongoing inter-
governmental exchanges between georgia and the Russian Federation
concerning the issue of the return of refugees and Idps. A series of meetings
conducted since 1997 on the return of ethnic georgians to their homes

had culminated, on 7 June 2002, with the announcement of an Inter-State
agreement entitled “Russian-georgian Interstate program for Return,
Accommodation, Integration and Reintegration of Refugees, Internally
displaced persons and Other persons that Suffered as a Result of the
georgian-Ossetian Conflict” (Written Statement of georgia, vol. Iv,
Ann. 149). Although at this juncture the Russian Federation was not

directly accused of actively denying the return of the ethnic georgians, it
is significant that it was treated as a party in resolving the issue.
31. moreover, georgia and the Russian Federation had already been
discussing the issue of the return of refugees for some time as parties.p In
a 1992 meeting held in moscow, the president of the Russian Federation,

Boris yeltsin, and the Chairman of the State Council of georgia, Eduard
Shevardnadze, had agreed on “the conditions for the return of refugeeps to
their places of permanent residence” (memorial of georgia, vol. III,
Ann. 102; Judgment, para. 40), and in October 1993 the Russian Federa -
tion had specifically “condemn[ed] the facts of genocide, rude violatpion of

human rights . . . from the zone of the georgian-Abkhazian conflict”
(memorial of georgia, vol. III, Ann. 107). This process continued with a
1993 protocol of Negotiations (ibid., vol. III, Ann. 105), culminating
with the 1994 Quadripartite Agreement on the voluntary Return of Refu-
gees, signed by the Russian Federation, georgia, South Ossetia and
Abkhazia as parties (ibid., vol. III, Ann. 110 ; Judgment, para. 46).

32. The concluding statement of the meetings between the president of
the Russian Federation, vladimir putin, and the president of georgia,
Eduard Shevardnadze, on 6-7 march 2003, was reported in a newspaper

account of Svobodnaya Gruzia, which indicates that, “during the negotia -
tions, the presidents of the two countries addressed the issues of . . . com -
prehensive settlement of the conflict in Abkhazia, georgia” (memorial of
georgia, vol. III, Ann. 136). moreover, the two States emphasized “the
importance of concrete steps to be taken aimed at the solution of the

most burning problem dignified and safely return of refugees and inter -
nally displaced persons to their homes and economic rehabilitation of thpe
conflict zone” (ibid.). An Abkhaz representative was present at these
meetings, but the text is clear that the agreement between the “partipes”
was one between georgia and the Russian Federation.

138 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 204

Abkhazes y voient une menace à leur survie nationale et nous devons
les comprendre ». (mémoire de la géorgie, vol. v, annexe 311 ; les
italiques sont de moi.)

30. Les échanges relatés ci-dessus ne sont pas coupés de tout contexte
historique, mais doivent aussi être resitués dans le cadre des épchanges inte-
gouvernementaux qui étaient alors en cours entre la géorgie et la Fédéra-
tion de Russie sur la question du retour des réfugiés et des persopnnes
déplacées. Une série de réunions tenues depuis 1997 sur le retour des géor -

giens de souche dans leurs foyers avait abouti, le 7 juin 2002, à l’annonce
d’un accord entre les deux Etats intitulé «programme interétatique de re-
tour, d’installation, d’intégration et de réintégration dpes réfugiés, personnes
déplacées et autres personnes ayant souffert du conflit ossépto-géorgien »
(observations écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 149). Si, à ce stade, la
Fédération de Russie n’était pas directement accusée de fpaire activement

obstacle au retour des géorgiens de souche, il importe de relever qu’elle
était traitée comme partie prenante au règlement de la questionp.
31. En outre, depuis quelque temps déjà, la géorgie et la Fédération de
Russie débattaient en tant que parties de la question du retour des rpéfu -
giés. Lors d’une réunion tenue en 1992 à moscou, le président de la Fédé -

ration de Russie, Boris Eltsine, et le président du Conseil d’Etat de la
géorgie, Edouard Chevardnadze, s’étaient entendus sur les « conditions
propres à assurer le retour des réfugiés sur leur lieu de répsidence perma -
nente» (mémoire de la géorgie, vol. III, annexe 102 ; arrêt, par. 40), et, en
octobre 1993, la Fédération de Russie avait expressément « condamné les

actes de génocide, qui constituent une violation grossière des dropits de
l’homme … dans la zone du conflit entre la géorgie et l’Abkhazie »
(mémoire de la géorgie, vol. III, annexe 107). Ce processus se poursuivit
avec un protocole de négociations de 1993 (ibid., vol. III, annexe 105),
aboutissant à la conclusion de l’accord quadripartite de 1994 sur le rapa -
triement librement consenti des réfugiés et des personnes déplapcées, qui

fut signé par la Fédération de Russie, la géorgie, l’Ossétie du Sud et
l’Abkhazie en tant que parties (ibid., vol. III, annexe 110 ; arrêt, par. 46).
32. La déclaration finale publiée à l’issue des réunions des p6
et 7 mars 2003 entre le président de la Fédération de Russie, vladi -
mir poutine, et son homologue géorgien, Edouard Chevardnadze, fut

relatée dans un article du journal Svobodnaïa Grouzia, qui indique que,
«[a]u cours des négociations, les présidents des deux pays ont aborpdé les
questions … du règlement complet du conflit en Abkhazie, géorgie »
(mémoire de la géorgie, vol. III, annexe 136). de plus, les deux Etats ont
souligné « l’importance des initiatives concrètes qu’il conv[enait] de

prendre pour résoudre le problème extrêmement préoccupant dup retour
dans la dignité et la sécurité des réfugiés et des personpnes déplacées à leur
lieu d’origine et de la reconstruction économique de la zone de copnflit »
(ibid.). Un représentant abkhaze était présent à ces réunions, mpais il res-
sort clairement du texte que les « parties» à un éventuel accord seraient la

géorgie et la Fédération de Russie.

138205 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

33. georgia’s treatment of the Russian Federation as a negotiating
party on the issue of the return of refugees/Idps persisted. For example,
on 20-23 January 2003, the Speaker of the parliament of georgia,
ms N. Burjanadze, spoke before the State duma of the Russian Federa -
tion, and mentioned “the hard situation of refugees and internally dips -
placed people” (Written Statement of georgia, vol. Iv, Ann. 153 ;

Judgment, para. 76). In relation to the Russian peacekeeping forces, the
georgian side noted that “a certain distrust was also observed, which pin
most cases is conditioned by the actions of ‘blue helmets’ in the conflict
zone” (ibid.). Thereafter, a meeting that was to be held on the matter of
the return of the Idps/refugees on 30-31 October 2003 had to be can -

celled due to the differences between the parties on the mode of negotpia -
tions. georgia insisted that it was necessary first to reach agreement
between the Russian Federation and georgia and that only after that
could the Abkhaz side intervene, while the Russian Federation insisted opn
the presence of Abkhazia from the very beginning, since the solution of p

return of Idps/refugees was to be based on the conditions presented by
the Abkhaz side (Written Statement of georgia, vol. Iv, Ann. 155).

2. Georgian Statements Made in International Organizations
of which the Russian Federation Is a Member

34. The foregoing exchanges between georgia and the Russian
Federation should be seen in connection with statements made by geor -
gia in international organizations of which the Russian Federation is a p
member. Thus, on 26 January 2005, the permanent Representative of

georgia wrote a letter to the president of the United Nations Security
Council (Judgment, para. 79), stating, inter alia :

“I have the honour to write to you and, through you, to draw the
attention of the Security Council to the recent developments in the
conflict-resolution process in Abkhazia, georgia.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
I still have to recall that there is a category of people whom we all

have to keep in our minds. These are refugees and IDPs — victims of
ethnic cleansing — who already for longer than a decade are waiting
for their basic right — the right to live at home — to materialize. They
still live in miserable conditions, totally insecure and vulnerable. Events
that took place in the gali region this month have demonstrated once

again the lawlessness that they face. I think that members of the Secu-
rity Council are aware of abductions that happened on ‘election’ dpay.
Actually, these excesses were committed in front of CIS peacekeepers,
who did nothing to protect peaceful civilian people — by the way, not
for the first time. In fact, after the ceasefire in 1994, over 2,000 Geo▯r -

gians were killed in the Gali security zone, which falls under the respo▯n-

139 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 205

33. La géorgie continua de traiter la Fédération de Russie comme une
partie aux négociations sur la question du retour des réfugiés pet des per -
sonnes déplacées. Les 20-23 janvier 2003, par exemple, la présidente du
parlement géorgien, m me N. Bourjanadze, s’exprima devant la douma de
la Fédération de Russie et évoqua « la situation difficile des réfugiés et des

déplacés» (observations écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 153; arrêt,
par. 76). Au sujet de la force russe de maintien de la paix, la partie gépor -
gienne nota qu’«une certaine méfiance a[vait] également été observée, duep
la plupart du temps aux actions des « Casques bleus » présents dans la

zone de conflit » (ibid.). par la suite, une réunion qui devait avoir lieu les
30 et 31 octobre 2003 sur la question du retour des réfugiés et des per -
sonnes déplacées dut être annulée faute d’accord entre leps parties quant
aux modalités des négociations. La géorgie s’obstinait à vouloir trouver
tout d’abord un accord avec la Fédération de Russie, la partie pabkhaze ne

pouvant intervenir qu’après, tandis que la Fédération de Ruspsie insistait
pour que l’Abkhazie fût présente dès le tout début, étpant donné que la
solution au problème du retour des personnes déplacées et des rpéfugiés
devait être basée sur les conditions présentées par la partipe abkhaze
(observations écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 155).

2. Les déclarations faites par la Géorgie devant des organisations
internationales dont la Fédération de Russie est membre

34. Les échanges examinés ci-dessus entre la géorgie et la Fédération
de Russie doivent être rattachés aux déclarations faites par la géorgie

au sein d’organisations internationales dont la Fédération de Russpie est
membre. Ainsi, le 26 janvier 2005, le représentant permanent de la
géorgie adressa une lettre au président du Conseil de sécuritép de l’Orga-
nisation des Nations Unies (arrêt, par. 79), dans laquelle il déclarait,

notamment :
«J’ai l’honneur de vous écrire et, par votre entremise, d’apppeler

l’attention du Conseil de sécurité sur l’évolution récpente du processus
de résolution du conflit en Abkhazie (géorgie).
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Je voudrais encore rappeler qu’il y a une catégorie de personnes àp
laquelle nous devons tous penser. Ce sont les réfugiés et les déplacés —

victimes du nettoyage ethnique — qui, depuis déjà plus d’une décennie,
attendent qu’un droit fondamental leur soit reconnu: celui de vivre chez
eux. Ils continuent de vivre dans des conditions très difficiles, ▯ la
moindre sécurité. Les événements qui ont eu lieu dans la région de gali
ce mois-ci ont bien montré qu’ils ont une fois de plus à faire face àp un

état de non-droit. Je pense que les membres du Conseil de sécurité sont
au courant des enlèvements qui ont eu lieu le jour des «élections». En
fait, ces actes ont été commis devant les soldats de la paix de la CEI, qui,
une fois de plus, n’ont rien fait pour protéger la population civil▯ e paci -
fique. En fait, après le cessez-le-feu de 1994, plus de deux mille Géor -

139206 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

sibility of the CIS peacekeeping force. I have to state once more that
the CIS peacekeeping force is rather far from being impartial and is
often backing Abkhaz separatist paramilitary structures. I think it is
high time to start thinking of a new form of peacekeeping operation,
as the activities of a Russian military contingent — which the CIS
peacekeeping force, in fact, is — could hardly be considered a ‘peace -

keeping operation’.” (Written Statement of georgia, vol. III, Ann. 71;
emphasis added.)

35. On 27 October 2005, the permanent Representative of georgia

again wrote to the president of the Security Council (Judgment, para. 81),
as follows :
“It is impossible to avoid commenting on the behaviour of the

facilitator — the Russian Federation, especially when several extreme-
ly alarming trends take place in Abkhazia, georgia :
— The Russian Federation continues to maintain illegally its military
base in gudauta, which operates without the consent of georgia

and against international commitments undertaken by Russia ;
— positions in the separatist governments are filled with people sent
directly from public jobs in the Russian Federation, from as far
away as Siberia ;
— Legal entities of the Russian Federation acquire property and
land in the secessionist regions ;

— military personnel of separatists are trained by the Russian mili -
tary schools, without shying away from openly providing them
quotas ;
— Russian citizenship is granted to 80 per cent of the current popu -
lation of those regions, as claimed by their leaders, who also vow
to accomplish 100 per cent of such passportization of the residents

in just a few months.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Nevertheless, these Russian military forces are still referred to as
peacekeepers or ‘blue helmets’, as the overall conflict-resolution in the
region is structured as a United Nations-led peace process.

As a matter of fact, the report indicates that the number of inter -
nally displaced persons from Abkhazia has decreased from around
250,000 to little more than 200,000. This decrease happened, mostly
because of the natural death of these people. Shall we suggest that

this is a positive trend and just wait until they are all gone before the
process of return starts?
What sort of ‘peacekeeping’ is the United Nations going to enhancep?
Whose rights will the Organization protect? Anybody but georgian
refugees and internally displaced persons?
In this regard I have to inform the Security Council of the resolution

of the Parliament of Georgia, adopted on 11 October 2005, regarding

140 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 206

giens ont été tués dans la zone de sécurité de Gali, qu▯ st du ressort de
la force de maintien de la paix de la CEI. Je dois dire une fois de plus▯ que
celle-ci est loin d’être impartiale et soutient souvent les structure▯ ra-
militaires séparatistes abkhazes. Je pense qu’il est grand temps de com -
mencer à penser à une nouvelle forme d’opération de maintien de la
paix, car les activités du contingent militaire russe — ce à quoi se réduit

en fait la force de maintien de la paix de la CEI — peuvent difficilement
être considérées comme telle ». (Observations écrites de la géorgie,
vol. III, annexe 71; les italiques sont de moi.)
35. Le 27 octobre 2005, le représentant permanent de la géorgie

adressa au président du Conseil de sécurité une nouvelle lettrep (arrêt,
par. 81) rédigée en ces termes :
«On ne sait trop comment qualifier le comportement du facilita -

teur — la Fédération de Russie —, en particulier quand on constate
plusieurs tendances alarmantes en Abkhazie (géorgie) :
— La Fédération de Russie continue à entretenir illégalement spa
base militaire à goudaouta, sans le consentement de la géorgie

et contre les engagements internationaux pris par la Russie ;
— Les postes de l’appareil administratif séparatiste sont pourvus
par des fonctionnaires détachés directement de postes qu’ils
occupent en Fédération de Russie, parfois même en Sibérie ;
— des personnes morales de la Fédération de Russie acquièrent des p
biens et des terres dans les régions qui font sécession ;

— du personnel militaire des séparatistes reçoit une formation dans
les écoles militaires russes, et on n’hésite pas, même, àp prévoir
ouvertement des quotas ;
— La citoyenneté russe est accordée à 80% de la population actuelle
de ces régions, comme le prétendent leurs dirigeants, qui veulent p
également délivrer en quelques mois des passeports à tous les

habitants.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Ces forces militaires russes sont toujours désignées comme forces p
de maintien de la paix ou «Casques bleus», et le processus général de
règlement du conflit dans la région est conçu comme un procespsus de

paix mené par les Nations Unies.
En fait, le rapport indique que le nombre des personnes déplacées
venant d’Abkhazie a diminué, de deux cent cinquante mille à envpiron
un peu plus de deux cent mille. Cette diminution s’est produite, pour
l’essentiel, en raison des décès courants. Faut-il voir là une tendance

positive, ou attendre que tous aient disparu avant que le retour des
réfugiés commence ?
A quelle sorte de maintien de la paix l’Organisation des Nations
Unies contribue-t-elle? de qui l’Organisation protège-t-elle les droits?
de n’importe qui, mais sûrement pas des réfugiés et déplacpés géorgiens.
A ce sujet, je tiens à informer le Conseil de sécurité de la résolution ▯

adoptée par le Parlement géorgien, le 11 octobre 2005, concernant les

140207 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

the Russian peacekeepers in Georgia, both in the Tskhinvali region/
former South Ossetia and Abkhazia. The resolution calls for them to
improve their performance and truly facilitate the peace process and
sets a deadline for the reassessment of their functioning, which in the p
case of Abkhazia is 1 July 2006. The resolution also envisages that, in
case of negative reassessment, georgia will oppose the peacekeeping

operation and withdraw from all relevant agreements and bodies.

What this resolution is about, in fact, is that it calls upon the Russia▯n
leadership to review its approach. Unfortunately, the response of the
Russian Foreign Ministry, calling the resolution of the Parliament of
Georgia ‘provocative’ and ‘counter-productive’ indicates that there is no

political will to ‘defreeze’ the conflict-resolution process. It seems that
the Russian-led peacekeeping operation has, in fact, exhausted its
potential and the only effective way is to have a full-scale interna -
tional, I would underline — truly international — United Nations-led
peacekeeping operation.” (Written Statement of georgia, vol. III,

Ann. 75; emphasis added.)

I have reproduced this document at such length because paragraph 81 of

the Judgment does not show the full text of this communication made by
the permanent Representative of georgia, before the Judgment concluded
that “[t]he Court is unable to see in this letter any claim against tphe
Russian Federation”.
36. A similar problem can be observed in paragraph 82 of the Judg -
ment, which this time does not refer to the actual text of the documentapry

evidence that it assesses. I refer to the letter dated 9 November 2005,
where the permanent Representative of georgia requested the United
Nations Secretary-general to transmit and circulate to the general
Assembly a resolution adopted by the parliament of georgia on 11 Octo -
ber 2005. This resolution states, inter alia, the following factual premises

and calls for the following actions :
“Under the criminal and clan-based governments of these regions
one can witness massive kidnapping of citizens — including children,

killings, unmitigated criminal gang activity, raids and robbery of the
civilian population, creation and backing of terrorist and subversive
groups with the help of the Russian special services, currency coun -
terfeiting, drug transit, trafficking of arms and people, smuggling,
appropriating of assets initially belonging to the refugees, denial of t▯he

right of instruction at schools in the native language as well as of the▯
right of IDPs and refugees to return to their homes. And all of the listed
above is an incomplete record of consequences resulting from the
activities of these regimes.

141 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 207

forces de maintien de la paix russes en Géorgie, aussi bien dans la
région de Tskhinvali qu’en ex-Ossétie du Sud et en Abkhazie. Le
parlement géorgien appelle de ses vœux une amélioration du fonc -
tionnement du processus de paix et pose une date limite pour la réép-
valuation de son fonctionnement, le 1 erjuillet 2006 dans le cas de

l’Abkhazie. La résolution envisage également que, en cas de conpclu -
sion négative, la géorgie s’oppose à l’opération de maintien de la
paix et se retire des accords et organes correspondants.
Cette résolution du Parlement géorgien appelle en fait les dirigea▯nts
russes à réexaminer leur démarche. Malheureusement, la répon▯se du

ministère russe des affaires étrangères, qui considère la ré▯solution du
Parlement géorgien comme « une provocation » et comme « contre-
productive», montre assez qu’il n’existe aucune volonté politique de
débloquer le processus de règlement du conflit. Il semble que l’opéra -
tion de maintien de la paix dirigée par la Russie ait atteint ses limpites

et que le seul moyen de régler le problème soit une opération dpe
maintien de la paix à grande échelle, réellement internationalep, mais
dirigée par l’Organisation des Nations Unies. » (Observations écrites
de la géorgie, vol. III, annexe 75 ; les italiques sont de moi.)

J’ai reproduit un aussi long passage de ce document parce que, au
paragraphe 81 de l’arrêt, la Cour ne cite pas le texte intégral de cette
communication du représentant permanent de la géorgie avant de
conclure qu’«[elle] ne peut discerner dans cette lettre aucune accusation …

contre la Fédération de Russie ».
36. Le même problème se retrouve au paragraphe 82 de l’arrêt, qui,
cette fois, ne renvoie pas au texte même du document analysé. Je sponge ici
à la lettre datée du 9 novembre 2005, dans laquelle le représentant perma -
nent de la géorgie priait le Secrétaire général de l’Organisation desp

Nations Unies de transmettre et de distribuer à l’Assemblée générale une
résolution adoptée par le parlement géorgien le 11 octobre 2005. dans
cette résolution, le parlement géorgien exposait notamment les prémisses
factuelles et demandait les mesures suivantes :

«depuis que ces gouvernements criminels, aux mains de clans,
règnent sur ces régions, on assiste à des enlèvements en maspse — y
compris d’enfants — ainsi qu’à des assassinats et, d’autre part, des

bandes criminelles donnent libre cours à leurs activités, la populpation
civile est victime d’attaques et de vols, des groupes terroristes et psub -
versifs se constituent avec l’appui de ces gouvernements et reçoivent
l’aide des services spéciaux russes. d’autres pratiques sont courantes,
telles que la fabrication de fausse monnaie, le transit des drogues, le p
trafic d’armes et la traite d’êtres humains, la contrebande, l’appro -

priation de biens qui appartenaient à des réfugiés, ou encore l▯e refus
d’honorer le droit à l’éducation dans la langue maternelle d▯ans les
écoles et le droit des personnes déplacées et des réfugié▯s de rentrer chez
eux. Et encore cet inventaire des répercussions des activités menépes
par ces régimes est-il incomplet.

141208 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

Furthermore, the separatist regimes continue their attempts to
legitimize the results of ethnic cleansing affirmed by the Budapest, Lis-
bon and Istanbul Summits of the OSCE — the latest illustration of
which is the en mass appropriation of homes of forcibly exiled geor-
gian population.
Clearly, the aforementioned actions have nothing in common with

the protection of the ethnic rights of the population residing today on p
the territories of Abkhazia and the former South Ossetian Autono -
mous district. The criminal dictatorships currently in place pose a
threat to everyone, including those they allegedly try to protect. In
this regard, it is enough to mention the repressive policy of the sepa -

ratist governments against those Abkhaz and Ossetian citizens
who have tried to move towards public diplomacy and confidence-
building — among the punished and arrested are underage children,
whose only ‘guilt’ was merely to get acquainted with georgian kids.

due to the existing information vacuum, repressions and anti-

georgian propaganda, the local population of both regions has no
opportunity to receive and assess the information regarding the peace
initiatives currently proposed by the central government of georgia.
The fundamental rights and freedoms on the territory of Abkhazia
and of the former South Ossetian Autonomous district are violated

not only against internally displaced persons, but also against the
remaining population. The separatist governments, manipulating
issues of ethnic origins, attempt to monopolize the process of conflicpt
regulation on behalf of their own clan-based interests, and against the
fundamental interests of their population.

The question then arises — with what or whose support do separa -
tist regimes manage to ignore the position of respectful international
organizations and violate the basic norms and principles of the interna -
tional law?

Regretfully, the answer to this question unambiguously indicates the
role of the Russian Federation in inspiring and maintaining these con -
flicts, notwithstanding the fact that this country officially bears a
heavy responsibility of facilitator for the conflict settlement.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

In view of the aforementioned, the parliament of georgia resolves:
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

2. To instruct the government of georgia to intensify negotiations
with the Russian Federation, international organizations and
interested countries on issues regarding the fulfilment of obligations
undertaken by the peacekeeping forces on the territory of the former
South Ossetian Autonomous district and report to the parliament on

the situation by 10 February 2006 ;

142 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 208

En outre, les régimes séparatistes poursuivent leurs tentatives de légi-
timer les résultats du nettoyage ethnique dénoncé lors des sommets de
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ptenus à
Budapest, à Lisbonne et à Istanbul — dont la dernière illustration est
l’appropriation en série de maisons de géorgiens contraints de s’exiler.
de toute évidence, les actes susmentionnés n’ont rien de commun

avec la protection des droits des groupes ethniques qui résident
aujourd’hui dans les territoires de l’Abkhazie et de l’anciennep région
autonome d’Ossétie du Sud. Les dictatures criminelles actuellementp en
place constituent une menace pour tout un chacun, y compris pour ceux
qu’elles prétendent essayer de protéger. A cet égard, il suffipt de mentio-

ner la politique répressive menée par les gouvernements séparatpistes à
l’encontre des citoyens abkhazes et ossètes qui ont essayé de pplaider la
cause de la diplomatie publique et celle des mesures de confianc :eparmi
les personnes punies et arrêtées figurent en effet des enfants dont le seul
«crime» a été de faire la connaissance d’enfants géorgiens.
En raison de l’absence totale d’information, de la répression ept de

la propagande anti-géorgienne, la population locale de ces deux
régions n’a aucune possibilité d’obtenir des renseignements quant
aux initiatives de paix récemment proposées par le gouvernement
central de la géorgie, ni de se forger une opinion à leur sujet.
dans les territoires de l’Abkhazie et de l’ancienne région auto -

nome d’Ossétie du Sud, les droits et libertés fondamentaux des
personnes déplacées sont violés, tout comme ceux du reste de lap
population. Les gouvernements séparatistes, qui manipulent les
questions touchant à l’appartenance ethnique, tentent d’asservipr le
processus de règlement du conflit à leurs propres intérêtsp claniques,
au mépris des intérêts fondamentaux de leurs populations.

La question se pose alors de savoir de quels soutiens bénéficient les
régimes séparatistes pour être en mesure de ne tenir aucun compte de
la position exprimée par des organisations internationales respectées et
d’enfreindre les normes et principes fondamentaux du droit internatio▯ -
nal.

malheureusement, la réponse à cette question est sans ambiguïté :
c’est la Fédération de Russie qui est l’instigatrice de ces conflits et qui
les entretient, indépendamment du fait que ce pays est officiellement
investi de la lourde responsabilité de faciliter leur règlement.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

Au vu de ce qui précède, le parlement géorgien décide de :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

2. demander au gouvernement géorgien d’intensifier les négocia -
tions avec la Fédération de Russie, les organisations internationales
et les pays intéressés en ce qui concerne le respect des obligatiopns
auxquelles ont souscrit les forces de maintien de la paix sur le terri -
toire de l’ancienne région autonome d’Ossétie du Sud et de rpendre

compte de la situation au parlement d’ici au 10 février 2006 ;

142209 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

3. To instruct the Government of Georgia to intensify negotiations
with the Russian Federation, international organizations and
interested countries on issues regarding the fulfilment of obligations
undertaken by peace-keeping forces on the territory of Abkhazia and
report to the parliament on the situation by 1 July 2006 . . .” (Written
Statement of georgia, vol. III, Ann. 76 ; emphasis added.)

37. Referring to this very resolution, on 27 October 2005, the perma -

nent Representative of georgia to the United Nations also wrote a letter
to the president of the Security Council (Judgment, para. 81), confirming
the Russian Federation’s response and reaction to this act of the geor -
gian parliament :

“In this regard, I have to inform the Security Council of the reso -
lution of the parliament of georgia, adopted on 11 October 2005,
regarding the Russian peacekeepers in georgia, both in the Tskhin -
vali region/former South Ossetia and Abkhazia. The resolution calls
for them to improve their performance and truly facilitate the peace

process and sets a deadline for the reassessment of their functioning,
which in the case of Abkhazia is 1 July 2006.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
What this resolution is about, in fact, is that it calls upon the Rus -

sian leadership to review its approach. Unfortunately, the response of
the Russian Foreign Ministry, calling the resolution of the Parliament
of Georgia ‘provocative’ and ‘counter-productive’, indicates that there
is no political will to ‘defreeze’ the conflict-resolution process . . .”
(Written Statement of georgia, vol. III, Ann. 75 ; emphasis added.)

38. On 26 January 2006, the Special Representative of the president of

georgia to the Security Council also referred to the resolution of 11 Octo -
ber 2005 of the parliament of georgia (Judgment, para. 84) and further
set out georgia’s concerns about the conduct of Russian peacekeepers
in relation to the endorsement of ethnic cleansing and inaction in the facep
of the killings of ethnic georgians in the peacekeepers’ zone of responsi -

bility :
“Today we are facing rather unexpected and worrisome develop -
ment of this very important question. One of the members of the

Security Council, member of the group of Friends and the facilitator
of the peace process — namely the Russian Federation —, suddenly
has decided to disassociate itself from supporting the basic princi -
ple — principle of territorial integrity of georgia within its interna -
tionally recognized borders. That disassociation extends also to
the so-called Boden paper “Basic principles for the distribution of

the Competences between Tbilisi and Sokhumi” — which is the key

143 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 209

3. Demander au Gouvernement géorgien d’intensifier les négocia -
tions avec la Fédération de Russie, les organisations internationales et
les pays intéressés en ce qui concerne le respect des obligations aux -
quelles ont souscrit les forces de maintien de la paix sur le territoire de
l’Abkhazie et de rendre compte de la situation au parlement d’ici au
er
1 juillet 2006. » (Observations écrites de la géorgie, vol. III,
annexe 76; les italiques sont de moi.)

37. Le 27 octobre 2005, se référant à cette même résolution, le repré -
sentant permanent de la géorgie auprès de l’Organisation des Nations
Unies écrivit encore au président du Conseil de sécurité (aprrêt, par. 81),
confirmant la réponse et la réaction de la Fédération de Ruspsie à cet acte
du parlement géorgien :

«A ce sujet, je tiens à informer le Conseil de sécurité de la répsolu -
tion adoptée par le parlement géorgien, le 11 octobre 2005, concer -
nant les forces de maintien de la paix russes en géorgie, aussi bien

dans la région de Tskhinvali qu’en ex-Ossétie du Sud et en Abkhazie.
Le parlement géorgien appelle de ses vœux une amélioration du
fonctionnement du processus de paix et pose une date limite pour la
réévaluation de son fonctionnement, le 1 er juillet 2006 dans le cas de
l’Abkhazie.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Cette résolution du parlement géorgien appelle en fait les diri -
geants russes à réexaminer leur démarche. Malheureusement, la
réponse du ministère russe des affaires étrangères, qui considère la

résolution du Parlement géorgien comme « une provocation» et comme
«contre-productive», montre assez qu’il n’existe aucune volonté poli -
tique de débloquer le processus de règlement du conflit. » (Observa -
tions écrites de la géorgie, vol. III, annexe 75 ; les italiques sont de
moi.)

38. Le 26 janvier 2006, le représentant spécial du président de la géor -
gie auprès du Conseil de sécurité, se référant lui aussi pà la résolution
adoptée le 11 octobre 2005 par le parlement géorgien (arrêt, par. 84),

exposa plus avant les préoccupations de la géorgie quant au comporte -
ment des soldats de la paix russes, qui cautionnaient le nettoyage eth -
nique et fermaient les yeux face au meurtre de géorgiens de souche dans
la zone placée sous leur responsabilité :

«Aujourd’hui, nous faisons face à une évolution plutôt inattepndue
et inquiétante de cette question éminemment importante. L’un deps
membres du Conseil de sécurité, membre du groupe des amis du
Secrétaire général et facilitateur du processus de paix — à savoir la

Fédération de Russie —, a soudainement décidé de cesser de soutenir
le principe fondamental — celui de l’intégrité territoriale de la géor -
gie à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues. Ce
désengagement concerne aussi ce qu’il est convenu d’appeler le pdocu -
ment de Boden, intitulé «principes fondamentaux de la répartition

143210 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

document for the political settlement of entire peace process. That is
why for the first time in the history of Security Council deliberations p
we have no draft resolution prepared by the group of Friends.

mr. president,
This change of position of the one of the prominent members of P5
is not just a slight shift or correction. Renouncement of the principle of

determining the status of Abkhazia within the State of Georgia does
mean the following : support of the secessionism as a phenomenon ;
endorsement of ethnic cleansing of more than 300,000 citizens of Geor -
gia; questioning the basic principle of the modern world architec -
ture — the principle of territorial integrity and inviolability of

internationally recognized borders.
mr. president,

I am representing the people who were forcefully expelled from
their homes and are not allowed to return. I am representing the
people who count every day of their exile and who look with a hope
to this Council for its work and resolutions. I am representing the
community which follows very closely every move in the peace pro -

cess in Abkhazia, georgia.
How can I explain to my fellow citizens that the facilitator of the
peace process, the conductor of the peace operation on the ground
stands on this very dangerous position?
By the way, [a] couple of words on the peacekeeping operation —
so-called CIS peacekeeping operation — which is in fact conducted

solely by the Russian Federation. In October 2005, the parliament of
georgia issued the special statement which assessed the performance
of CIS pKF rather negatively — and rightly so. yes, it is a burden
on the Russian Federation and its troops. But there is the other side
of the coin : little less than 2,000 georgians have been killed in the

zone of responsibility of CIS pKF since its deployment in 1994.

The mistrust of georgian population towards the pKF is widening,
especially in the region of their mandate. The population affected by p

the conflict does not see the peacekeepers as an impartial internationpal
force, but rather as a dividing wall between the two communities.”
(Written Statement of georgia, vol. Iv, Ann. 163 ; emphasis added.)

39. The permanent mission of georgia to the United Nations reflected
similar views on the conduct and inaction of Russian peacekeepers, in
identical letters dated 11 August 2006, addressed to the Secretary-general
and the president of the Security Council (Judgment, para. 90) :

144 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 210

des compétences entre Tbilissi et Soukhoumi» — qui est le document
essentiel pour le règlement politique de tout le processus de paix.
C’est la raison pour laquelle, pour la première fois dans l’hisptoire des
délibérations du Conseil de sécurité, nous n’avons pas dep projet de
résolution préparé par le groupe d’amis.

monsieur le président,
Ce changement de position de l’un des plus éminents membres du P5
n’a rien d’un simple infléchissement ou d’une réorientati▯on mineure.

Renoncer au principe de la détermination du statut de l’Abkhazie au
sein de la Géorgie équivaut bel et bien à soutenir le sécessionnisme, à
cautionner le nettoyage ethnique de plus de trois cent mille citoyens
géorgiens et à remettre en cause le principe fondamental de l’archi -
tecture du monde moderne, à savoir celui de l’intégrité terrpitoriale et

de l’inviolabilité des frontières internationalement reconnues.p
monsieur le président,

Je représente les populations qui ont été expulsées de forcep et ne
sont pas autorisées à retourner chez elles. Je représente les ppopula -
tions qui comptent chaque jour passé en exil et placent tant d’esppoir
dans le travail et les résolutions de ce conseil. Je représente lap com -
munauté qui suit de très près chaque évolution du processus pde paix

en Abkhazie, géorgie.
Comment puis-je expliquer à mes concitoyens que le facilitateur
du processus de paix, l’organisateur des opérations de paix sur lep
terrain, campe sur sa position très dangereuse ?
J’aimerais ajouter à cet égard quelques mots sur l’opératpion de
maintien de la paix — appelée opération de maintien de la paix de la

CEI —, qui est en réalité menée exclusivement par la Fédérpation de
Russie. En octobre 2005, le parlement géorgien a fait une déclaration
spéciale qui évaluait assez négativement — d’ailleurs à juste titre —
l’efficacité de la force russe de maintien de la paix de la CEI. pOui,
c’est une charge pour la Fédération de Russie et pour ses trouppes.

mais toute médaille a son revers : près de deux mille géorgiens ont
été tués dans la zone sous le contrôle de la force russe de pmaintien de
la paix de la CEI depuis son déploiement en 1994.
La population géorgienne est de plus en plus méfiante à l’épgard de la
force de maintien de la paix, en particulier dans la région pour laqupelle

cette dernière a été mandatée. La population touchée par ple conflit ne
considère pas cette force comme une force internationale impartiale,
mais plutôt comme un mur séparant les deux communauté» s.(Observa -
tions écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 16;les italiques sont de moi.)

39. La mission permanente de la géorgie auprès de l’Organisation des
Nations Unies exprima des vues similaires sur le comportement et l’inac -
tion des soldats de la paix russes, dans des lettres identiques en date pdu
11 août 2006 adressées au Secrétaire général et au président du Cponseil de

sécurité (arrêt, par. 90) :

144211 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

“Additional armed troops, which were deployed by the Abkhazian
side in the villages of the lower gali district, force local georgians to
dig trenches for separatist armed formations, following the instruc -
tions of the Abkhazian administration in the gali district.

It is a vivid example of forced labour banned unequivocally by all

international human rights documents, including Article 8 of the pact
on Civil and political Rights, Convention No. 105 of the International
Labour Organization and Article 4 of the Convention for the protec -
tion of Human Rights and Fundamental Freedoms.

All these international agreements represent an integral part of the

georgian legislation and are legally binding throughout the entire territpory
of georgia, including Abkhazia. Besides, the protocol under paragraph 4
of themoscow Agreement of 14 may 1994 stipulates that the CIS peace -
keeping forces, while performing their functions, are obliged to comply
with the requirements of georgia’s domestic laws and regulations.

However, Russian peacekeepers continue to act in defiance of their
mandated obligations, turning a blind eye to gross violation of law and
human rights taking place in their very presence.

We call upon the CIS peacekeeping forces and their leadership to
employ all means at their disposal in order to put an immediate end

to the use of forced labour on the territory of Abkhazia, georgia.”
(Written Statement of georgia, vol. III, Ann. 83 ; emphasis added.)

40. The permanent Representative of georgia repeated the findings
about the Russian peacekeeping forces in a statement on 3 October 2006
(Judgment, para. 92) :

“It is crystal clear, that the Russian peacekeeping force is not an
impartial, nor international contingency. It failed to carry out the mai▯n
responsibilities spelled out in its mandate — create favorable security
environment for the return of ethnically cleansed hundreds of thousands ▯
of Georgian citizens. It became the force that works to artificially

alienate the sides from one another.” (Written Statement of georgia,
vol. Iv, Ann. 171 ; emphasis added.)

41. In its Third periodic Report of 7 November 2006 to the Human
Rights Committee on its implementation of the International Covenant
on Civil and political Rights, georgia deplored the continuing occurrence
of torture and other grave human rights violations in areas of georgian
territory that were within the Russian Federation’s effective contrpol:

“22. The most flagrant human rights violations still take place in the

territory of Abkhazia and the Tskhinvali region/South Ossetia, Georgia, ▯

145 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 211

«de nouvelles troupes armées, déployées par la partie abkhaze
dans les villages de la partie inférieure du district de gali, ont forcé
les habitants géorgiens à creuser des tranchées pour des formations
armées séparatistes, sur instruction de l’administration abkhaze du
district de gali.

Il s’agit là d’un cas manifeste de travail forcé, totalementp interdit
par l’ensemble des documents internationaux relatifs aux droits de
l’homme, y compris l’article 8 du pacte relatif aux droits civils et
politiques, la convention n o 105 de l’Organisation internationale du
Travail et l’article 4 de la convention sur la protection des droits de

l’homme et des libertés fondamentales.
Tous ces accords internationaux font partie intégrante de la légisplation
géorgienne et ont force contraignante sur l’ensemble du territoirep de la
géorgie, y compris l’Abkhazie. En outre, le protocole visé au para -
graphe 4 de l’accord de moscou du 14 mai 1994 prévoit que les forces

de maintien de la paix de la CEI sont tenues dans le cadre de leurs foncp -
tions de respecter la législation et la réglementation internes géporgiennes.
Toutefois, les soldats russes chargés du maintien de la paix conti -
nuent de ne pas respecter leurs obligations et d’ignorer les violatio▯ns
flagrantes de la législation et des droits de l’homme qui se produ▯isent
en leur présence.

Nous demandons aux forces de maintien de la paix de la CEI et à
leurs responsables d’employer tous les moyens à leur disposition
pour mettre immédiatement fin au travail forcé sur le territoire dpe
l’Abkhazie (géorgie). » (Observations écrites de la géorgie, vol. III,
annexe 83; les italiques sont de moi.)

40. Le représentant permanent de la géorgie fit le même constat au
sujet de la force russe de maintien de la paix dans une déclaration du

3 octobre 2006 (arrêt, par. 92) :
«Il est tout à fait clair que la force russe de maintien de la paix n’est

ni impartiale, ni internationale. Elle s’est montrée incapable de ▯mener
à bien les principales tâches définies dans son mandat — créer des
conditions de sécurité favorables au retour de centaines de millie▯rs de
ressortissants géorgiens victimes du nettoyage ethnique. Elle est deve -
nue la force qui s’emploie à dresser artificiellement les parties ples unes

contre les autres. » (Observations écrites de la géorgie, vol. Iv,
annexe 171; les italiques sont de moi.)
41. dans son troisième rapport périodique du 7 novembre 2006 pré -

senté au Comité des droits de l’homme quant à la mise en œpuvre du pacte
international relatif aux droits civils et politiques, la géorgie déplora la
poursuite des actes de torture et d’autres violations graves des droipts de
l’homme dans des parties de son territoire sur lesquelles la Fédépration de
Russie exerçait un contrôle effectif :

« 22. Les violations les plus flagrantes des droits de l’homme per -
sistent dans le territoire d’Abkhazie et dans la région de Tskhinv▯ali/

145212 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

which are de facto out of the control of the Government of Georgia and
where the Russian Federation exercises effective control instead. Many
citizens of Georgia living there are subjected to torture and other
ill-treatment; they are victims of other numerous, grave human rights
violations. The government of georgia is doing its best to guarantee
their rights, but georgia is apparently in need of urgent and strong

assistance from the international community, in order to have their
rights protected. In the present report, within the framework of the
respective provisions of the Covenant, broader information in this
regard is provided.” (Written Statement ofgeorgia, vol. III, Ann.85;
emphasis added.)

In the light of this text, it escapes me how paragraph 68 of the Judgment
is able to state that the document “directed no criticism regarding rpacial

discrimination against the Russian Federation”.

42. When president Saakashvili addressed the United Nations general
Assembly on 26 September 2007 (Judgment, para. 94), he likewise com -
mented on the conduct and inaction of the Russian Federation’s peace -

keepers :
“And, while our most challenging relationship today remains with

our neighbours in the Russian Federation, my government is commit -
ted to addressing this subject through diplomatic means, in partner -
ship with the international community. I can say this with confidence,
because georgia is a nation that is rooted in justice, the rule of law
and democracy. This is an irreversible choice made by the people of
my country. For evidence of that, one merely has to look at how

Georgia has responded to the many provocations it has faced in the past ▯
year, which range from missile attacks to full-scale embargoes and
even destructive pogroms.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

Today, I regret to say that signs of hope are few and far between.
The story of Abkhazia, where up to 500,000 men, women, and chil -
dren were forced to flee in the 1990s, is of particular relevance — one
of the more abhorrent, horrible and yet forgotten ethnic cleansings of

the twentieth century. In the time since Russian peacekeepers were
deployed there, more than 2,000 Georgians have perished and a climate
of fear has persisted.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

The continued ignorance of the ethnic cleansing in Abkhazia, Georgia,
is a stain on the moral account book of the international community.
These disputes are no longer about ethnic grievances ; they are about
the manipulation of greed by a tiny minority of activists, militants,

militias and their foreign backers, at the expense of the local popula -

146 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 212

Ossétie du Sud en Géorgie, qui sont de facto hors du contrôle du
Gouvernement géorgien et sous le contrôle effectif de la Fédé▯ration de
Russie. Beaucoup de citoyens géorgiens qui y vivent sont soumis à ▯la
torture et à d’autres mauvais traitements, et ils sont victimes d’▯autres
violations nombreuses et graves des droits de l’homme. Le gouverne -

ment géorgien fait de son mieux pour garantir leurs droits, mais il
apparaît que la géorgie a besoin d’une assistance urgente et impor -
tante de la communauté internationale pour que ces droits soient
protégés. On trouvera dans le présent rapport, au regard des dipspo-
sitions correspondantes du pacte, des informations plus larges à ce

sujet.» (Observations écrites de la géorgie, vol. III, annexe 85 ; les
italiques sont de moi.)

A la lumière de cet extrait, je peine à comprendre comment la Courp peut
dire, au paragraphe 68 de son arrêt, que le document en question « n’a
pas non plus formulé à son encontre [de la Fédération de Ruspsie s’entend]
de critique concernant la discrimination raciale ».
42. Lorsque le président Saakachvili prit la parole devant l’Assemblée

générale des Nations Unies le 26 septembre 2007 (arrêt, par. 94), il criti -
qua également le comportement et l’inaction des soldats de la paixp de la
Fédération de Russie :

«Et même si notre relation avec nos voisins de la Fédération de Rus-
sie demeure on ne peut plus délicate, mon gouvernement est résolu à
régler cette question par des voies diplomatiques, en partenariat avepc

la communauté internationale. Je peux le dire en toute confiance, carp
la géorgie est une nation qui se nourrit de justice, de primauté du
droit et de démocratie. C’est un choix irréversible fait par mopn
peuple. pour en avoir la preuve, il suffit de voir comment la Géorgie
a répondu aux nombreuses provocations auxquelles elle a dû faire f▯ace

l’an dernier, des attaques de missiles aux embargos à grande échelle,
en passant même par des pogroms destructeurs.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

Aujourd’hui, j’ai le regret de dire que les signes d’espoir sonpt rares
et lointains. L’histoire de l’Abkhazie, où plus de cinq cent miplle
hommes, femmes et enfants ont été contraints de fuir dans les
années 1990, est particulièrement frappante, en cela qu’elle constitue
l’un des nettoyages ethniques les plus terrifiants du xx e siècle, et

pourtant oublié. Depuis que les soldats de la paix russes y ont été
déployés, plus de deux mille Géorgiens ont péri, et c’est un climat de
peur qui y règne.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

L’ignorance persistante du nettoyage ethnique perpétré en Abkha▯zie
(Géorgie) est une tache sur le Cv moral de la communauté interna -
tionale. Les différends ne relèvent plus de griefs ethniques, mapis de la
manipulation de l’avidité par une petite minorité d’activistpes, de mili -
tants, de milices et leurs soutiens étrangers, aux dépens de la popula -

146213 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

tion, the displaced and those who are deprived of their property and
fundamental rights — even the right to speak and study in their own
language.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
As I speak before you today, elements from Russia are actively and

illegally building a new, large military base in the small town of Java,
in South Ossetia, in the middle of georgia, on the other side the
Caucasian ridge, very far from Russian territory, hoping that arms
and violence will triumph over the will of the people. And this dan -
gerous escalation is taking place under the very noses of international p
monitors, whose job it is to demilitarize the territory.” (Written State-

ment of georgia, vol. III, Ann. 88 ; emphasis added.)

It is interesting to note that, while the Judgment refers to this documepnt in

paragraph 94, it only does so in a conspicuously selective manner. The
same paragraph is silent on the legal significance of this document.

43. In a letter dated 3 October 2007 to the president of the Security
Council (Judgment, para. 95), the permanent Representative of georgia

stated as follows :
“In reference to the attack on the georgian Interior ministry police
units that occurred on 6 September 2007, we would like to inform you
of the following.

georgian law enforcement agencies have acquired credible infor -
mation on the identity of one of the militants who were killed. Until
recently, vice-Colonel Igor muzavatkin, an officer assigned to the
maikop (Russian Federation) Brigade, was a commanding officer of
the 558th special infantry battalion, a segment of the highly regarded

and decorated 131st special infantry brigade. during the past few
years, the 558th battalion, under its commanding officer muzavatkin,
was fulfilling peacekeeping duties in Abkhazia, georgia, particularly
in the gali district. After that assignment, vice-Colonel muzavatkin
was transferred to the 19th brigade of the 58th Army, stationed in

vladikavkaz (Russian Federation).
The georgian side expresses its extreme concern about this fact,
proving that separatist illegitimate armed forces are constantly receiv -
ing support from a party which is supposed to be a facilitator of the
conflict resolution process. Regretfully, we have been witnessing suchp
a pattern of behaviour for 14 years. At the same time, high-ranking

Russian officials consider ordinary support and training to so-called
anti-terrorist units, which in reality by nature are illegitimate military
formations of the de facto Abkhaz regime, and are responsible for
ethnic cleansing that took place in Abkhazia, Georgia.” (Written State-
ment of georgia, vol. III, Ann. 89 ; emphasis added.)

147 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 213

tion locale, des personnes déplacées et de celles qui sont privépes de
leurs biens et de leurs droits fondamentaux — et même celui de s’ex -
primer et d’étudier dans leur propre langue.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

Au moment même où je m’exprime, des éléments russes s’▯activent à
construire, en toute illégalité, une nouvelle base militaire impor▯tante
dans la petite ville de Java, en Ossétie du Sud, dans le centre de lap
géorgie, de l’autre côté de la chaîne caucasienne, trèsp loin du terri -

toire russe, dans l’espoir que les armes et la violence l’emporterpont
sur la volonté du peuple. Or, cette dangereuse escalade a lieu au nezp
et à la barbe des contrôleurs internationaux, dont le travail consiste
justement à démilitariser le territoire. » (Observations écrites de la
géorgie, vol. III, annexe 88 ; les italiques sont de moi.)

Il est intéressant de noter que, bien que la Cour cite ce document aup
paragraphe 94 de son arrêt, elle ne le fait que d’une façon manifestement p

sélective. dans ce paragraphe, elle se garde de dire quoi que ce soit sur la
valeur juridique dudit document.
43. dans une lettre datée du 3 octobre 2007 au président du Conseil de
sécurité (arrêt, par. 95), le représentant permanent de la géorgie déclarait
ceci :

«Suite à l’attaque perpétrée par des militants séparatisteps abkhazes
contre une unité de police du ministère géorgien des affairesp inté -

rieures le 6 septembre 2007, nous souhaitons vous informer de ce qui
suit.
Les services de police géorgiens ont obtenu des renseignements
crédibles sur l’identité d’un des militants tués. Le lieuptenant-colonel
Igor mouzavatkine, affecté à la brigade de maïkop (Fédération de
e
Russie), commandait jusqu’à récemment le 558 bataellon spécial
d’infanterie de la prestigieuse et hautement décorée 131 brigade spé-
ciale d’infanterie. Ces quelques dernières années, le 558 ebataillon,
sous le commandement de son chef de corps mouzavatkine, a assumé
des tâches de maintien de la paix en Abkhazie (géorgie), notamment

dans le district de gali. Après cette affectation, le leeutenant-colonel
mouzavatkine a été muté à la 19 brigade de la 58 armée, stationnée
à vladikavkaze (Fédération de Russie).
La partie géorgienne est profondément préoccupée par ce faitp, qui
prouve que les forces armées séparatistes illégales ne cessent pde

recevoir le soutien d’une partie censée participer au processus dep
règlement du conflit en tant que modérateur. Nous voyons malheu -
reusement ce genre de comportement depuis quatorze ans. Qui plus
est, les hauts dirigeants russes trouvent normal d’assurer appui et for -
mation aux unités soi-disant antiterroristes, qui sont en réalité foncière-

ment des formations militaires illégales du régime abkhaze de facto,
responsables de l’épuration ethnique menée en Abkhazie (Géor ▯ gie). »
(Observations écrites de la géorgie, vol. III, annexe 89; les italiques
sont de moi.)

147214 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

Again, I cannot understand how paragraph 95 of the Judgment can say
that this document does not “make any reference to racial discriminatpion
or ethnic cleansing . . . or to the Russian Federation’s responsibility for
such actions”, more particularly that “the reference to ethnic clepansing is
not stated as a claim against the Russian Federation regarding compliance
with its obligations under CERd”.

44. On 19 April 2008, the ministry of Foreign Affairs of georgia
reacted to a statement of 18 April 2008 of the ministry of Foreign Affairs
of the Russian Federation (Judgment, para. 97) :

“On 18 April 2008, the Ministry of Foreign Affairs of the Russian
Federation posted a press release on the approval by the president of
the Russian Federation of a package of measures for the normaliza -
tion of relations with georgia. In this connection the ministry of

Foreign Affairs of georgia states that, given moscow’s recent destruc -
tive steps with respect to the separatist regions of georgia, it cannot
consider the removal of trade, economic and transport restrictions
that were unilaterally and out of political motivations imposed on
georgia by Russia itself as basis of any such co-operation.

Any reference by the Russian side to its intention of normalizing bila-t
eral relations and to its readiness for co-operation, against the back -
ground of de facto annexation of Georgia’s integral parts : Abkhazia
and the Tskhinvali region and violations and neglect of human rights of ▯
an absolute majority of the regions’ population — victims of ethnic

cleansing, aims at creating an illusion of constructive co-operation wit▯h
Georgia and is seen as an attempt to tone down the international com -
munity’s sharp reaction concerning Russia’s aggressive policy.” (Writ -
ten Statement of georgia, vol. Iv, Ann. 177 ; emphasis added.)

This document is again not quoted in full in the Judgment, thus failing pto
show the actual position of the ministry of Foreign Affairs of georgia.

45. The above thread of consistent communications from georgia to
international organizations of which the Russian Federation is a member
makes it hard to deny legal significance or probative weight (whether in
the direct, primary, indirect, secondary, or corroborative degrees of supch
weight) to any of the foregoing documentary evidence for purposes of
establishing the existence of a dispute between georgia and the Russian

Federation on CERd-related subject-matter well before 9-12 August 2008.

3. Public Statements of Georgia on other Occasions

46. In its practice, the Court has not hesitated to consider unilateral

(for instance, ministerial or parliamentary) statements as part of thep

148 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 214

Là encore, je ne parviens pas à saisir comment la Cour peut dire, pau
paragraphe 95 de son arrêt, que ce document « ne faisait [pas] état
de discrimination raciale ou de nettoyage ethnique … ou de la responsa-
bilité de la Fédération de Russie dans de tels actes », ou, en particulier,
que «la référence au nettoyage ethnique n’était pas formulée comme une
accusation, contre la Fédération de Russie, de ne pas respecter seps obli-

gations en vertu de la CIEdR ».
44. Le 19 avril 2008, le ministère des affaires étrangères de la géorgie
réagit à une déclaration faite la veille par le ministère deps affaires étran -
gères de la Fédération de Russie (arrêt, par. 97) :

«Le 18 avril 2008, le ministère russe des affaires étrangères a publié
un communiqué de presse sur l’approbation par le président de lpa
Fédération de Russie d’un train de mesures visant à normaliser les
relations avec la géorgie. A ce sujet, le ministère géorgien des affaires

étrangères déclare que, compte tenu des actions destructives répcem -
ment menées par moscou dans les régions séparatistes géorgiennes, il
ne saurait considérer que la levée des entraves au commerce, à pl’éco-
nomie et au transport que la Russie avait imposées de manière unilpa-
térale et à des fins politiques à la géorgie constitue en soi le point de

départ d’une coopération.
Toute mention par la partie russe de son intention de normaliser les
relations bilatérales et de sa volonté de coopérer vise — dans le contexte
de l’annexion de facto de régions de l’Abkhazie et de Tskhinvali qui
font partie intégrante de la Géorgie et le mépris des droits de▯ l’homme
d’une grande majorité de la population de ces régions, victimes▯ d’un

nettoyage ethnique — à créer l’illusion d’une coopération constructive
avec la Géorgie et est vue comme une manœuvre visant à attén▯uer la
forte réaction de la communauté internationale face à sa politi▯que
d’agression.» (Observations écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 177;
les italiques sont de moi.)

Ce document n’est là encore pas cité intégralement dans l’parrêt, qui ne
rend donc pas compte de la véritable position du ministère des affpaires
étrangères de la géorgie.

45. Compte tenu de cette série de communications concordantes adres-
sées par la géorgie à des organisations internationales dont la Fédératiopn
de Russie est membre, il est difficile de nier toute valeur juridique ou toute
force probante (que ce soit en tant que preuve directe, première, inpdirecte,
secondaire, ou que preuve concordante) à l’un quelconque des épléments
de preuve documentaires précités aux fins d’établir l’exipstence, bien avant

la période du 9 au 12 août 2008, d’un différend entre la géorgie et la
Fédération de Russie au sujet de questions liées à la CIEdR.

3. Les déclarations publiques faites par la Géorgie à d’autres ▯occasions

46. dans le cadre de sa pratique, la Cour n’a pas hésité à considpérer

des déclarations unilatérales (d’origine ministérielle ou pparlementaire, par

148215 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

documentary evidence before it, although it has attached different degprees
of significance or probative weight to such material (see Nuclear Tests (Aus -
tralia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 269, para. 50 ; Nuclear
Tests (New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 474,
para. 52 ; Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons, Advisory
Opinion, I.C.J. Reports 1996 (I), pp. 249-252, para. 59 ; Fisheries Jurisdic -

tion (Spain v. Canada), Jurisdiction of the Court, Judgment, I.C.J. Reports
1998, p. 454, para. 49). For this reason, I cannot disregard, for purposes
of determining the existence of a dispute, various georgian statements to
the international press, as well as other official documents as part ofp the
corpus of documentary evidence that could corroborate or supplement

the existing material on bilateral exchanges and georgian statements cir -
culated to international organizations. From the contents of the followipng
documents it is not clear whether they had been circulated to interna -
tional organizations, but they may likewise be considered for their cor -
roborative value. most of this material is either not mentioned, or the
actual texts are not reproduced, in the Judgment.

47. For example, in a resolution adopted on 11 October 2001 (Judg-
ment, para. 71), the parliament of georgia reflected concerns regarding
the conduct or inaction of Russian peacekeepers in relation to ethnic

cleansing being committed against georgians as early as 1994 :

“Since the deployment of Russian peacekeepers under the auspices of
the CIS to the conflict zone in Abkhazia in July 1994, the policy of
ethnic cleansing against Georgians has not stopped. It is confirmed that
during this period more than 1,700 persons were killed in the security
zone. Peacekeeping Forces committed numerous crimes against the
peaceful population. Abkhazia has become an uncontrolled territory,

where terrorists, drug and weapon smugglers and others involved in
organized crime may freely act.

An absence of constructive approach from the side of Russia
brought to the deadlock and blocked the adoption and discussion of

the project on Abkhazia’s status, worked out by the United Nations
and the representatives of georgia’s friend countries.
It has become a matter of concern that biased and aggressive
anti-georgian declarations are made in Russian official circles, clearly
showing the policy of dual standards of leadership still continuing
large-scale military operations in Chechnya with the view of restoring

the territorial integrity of Russia.
As a result of recent numerous instances of bombings and viola -
tions of georgia’s air space, it has become evident that Russia appears
as the party involved in the conflict ; that the function of peacekeeping
Forces is limited to drawing “the border” and, instead of facilitapting

conflict settlement, they rather instigate it, which is confirmed by

149 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 215

exemple) dans le cadre des éléments de preuve documentaires qui lpui
étaient soumis, fût-ce en leur accordant un degré variable de pertinence
ou de force probante (voir Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 1974, p. 269, par. 50 ; Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande
c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 474, par. 52 ; Licéité de la menace
ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I),

p. 249-252, par. 59 ; Compétence en matière de pêcheries (Espagne
c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 454,
par. 49). dès lors, je ne peux laisser de côté, aux fins d’établir lp’existence
d’un différend, plusieurs déclarations de la géorgie à la presse internatio -
nale, ainsi que d’autres documents officiels, en tant qu’ils font partie de la

somme des éléments de preuve documentaires qui pourraient corroborper
ou compléter les informations existantes sur les échanges bilatépraux et les
déclarations géorgiennes distribuées à des organisations intpernationales.
Il est difficile de savoir, au vu de leur contenu, si les documents ci-après
ont été distribués à des organisations internationales, maisp ils peuvent eux
aussi être pris en considération puisqu’ils peuvent corroborer pd’autres élé -

ments. La plupart d’entre eux soit ne sont pas mentionnés, soit nep sont
pas reproduits textuellement dans l’arrêt.
47. par exemple, dans une résolution adoptée le 11 octobre 2001 (arrêt,
par. 71), le parlement géorgien exprima certaines préoccupations quant au
comportement ou à l’inaction de la force russe de maintien de la ppaix face

au nettoyage ethnique qui avait été perpétré contre les géorgiens dès 1994:

«Depuis que la force russe de maintien de la paix, sous l’égide de ▯la
CEI, s’est déployée dans la zone de conflit en Abkhazie en juillet 1994,
la politique de nettoyage ethnique contre les Géorgiens n’a pas ce▯ssé. Il
est confirmé que, au cours de cette période, plus de mille sept cents
personnes ont été tuées dans la zone de sécurité. La forc▯e de maintien
de la paix a commis de nombreux crimes contre la population paci -

fique. L’Abkhazie est devenue un territoire incontrôlé, où les terro -
ristes, les trafiquants de drogue et d’armes, et d’autres membres p
d’organisations criminelles peuvent agir impunément.
L’absence d’approche constructive de la partie russe a conduit àp
une impasse et bloqué les discussions et l’adoption du projet relaptif

au statut de l’Abkhazie élaboré par les Nations Unies et les repprésen -
tants des pays amis de la géorgie.
Les déclarations anti-géorgiennes, partiales et agressives formulées
dans les cercles officiels russes sont un sujet de préoccupation. Elples
révèlent le double langage des autorités, qui poursuivent toujopurs des
opérations militaires à grande échelle en Tchétchénie en pvue de réta -

blir l’intégrité territoriale de la Russie.
Après les nombreux exemples récents de bombardement et de
violation de l’espace aérien géorgien, il est devenu évidentp que la
Russie apparaît comme une partie au conflit. Alors que la fonction de
la force de maintien de la paix se limite à tracer une « frontière» et à

faciliter le règlement du conflit, celle-ci a plutôt tendance à en être

149216 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

deployment of additional military contingent and armaments in
Abkhazia without the agreement of thegeorgiangovernment.” (Writ-
ten Statement of georgia, vol. Iv, Ann. 145 ; emphasis added.)

48. These concerns about the conduct or inaction of Russian peace -
keepers were again expressed in a resolution adopted on 20 march 2002
by the parliament of georgia (Judgment, para. 74), which stated, inter
alia :

“The CIS Peacekeeping Forces, deployed on the territory of Abkha -
zia, in reality fulfill the functions of border guards between Abkhazia ▯
and the rest of Georgia and fail to perform the duties, envisaged by the▯ir

mandate, namely, they cannot provide for the protection of population
and creation of conditions for the secure return of internally displaced▯
persons ;
In Abkhazia, on the occupied georgian territory, major human
rights and freedoms’ violation on the ethnic basis has been carried o▯n
-
by the assistance of external military force. Such as : arbitrary depri
vation of freedom, terror, murders, taking of hostages, kidnapping
for money extortion, violation of the official status of the georgian
language, destruction and misappropriation of state, refugees and
Idps’ properties. The monuments of georgian culture and scientific
and academic institutions have been destroyed and similar activities

have been going on. The world community has not been appropriately
informed of these actions. The policy of the separatists’ leaders havpe
posed a genuine threat to the existence of Abkhaz ethnos itself and
to its unique culture.” (Written Statement of georgia, vol. Iv,
Ann. 146; emphasis added.)

49. Neither was president Saakashvili unaware of such concerns
regarding the Russian peacekeepers when he was elected into office. In p

an interview conducted on 25 February 2004 by BBC News (Judgment,
para. 77), he declared :
“Well it is primarily the issue of our relations with Russia. The

Russian generals are in command there [Abkhazia], they have a mil -
itary contingent there which played a very negative role in the years ofp
the war. They basically stirred up the war there and the Abkhazia
separatists have a huge lobby inmoscow because it was like the Riviera
for the former Soviet Union. It was the favourite resort place for

Russian nomenklatura, including Russian generals.

So it was very painful for them to lose not only georgia, because
georgia became independent of course in 1991, but also Abkhazia
together with georgia. But of course it is a georgian territory,
most of the population there is ethnically georgian or was ethnically

georgian. Those people were thrown out by Russian troops and local

150 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 216

l’instigatrice, comme le confirme le déploiement de renforts et d’par -
mements militaires supplémentaires en Abkhazie sans l’accord du
gouvernement géorgien. » (Observations écrites de la géorgie,
vol. Iv, annexe 145 ; les italiques sont de moi.)

48. Le parlement géorgien exprima à nouveau ces préoccupations
concernant le comportement ou l’inaction des soldats russes chargéps du
maintien de la paix dans une résolution adoptée le 20 mars 2002 (arrêt,
par. 74), dans laquelle il déclara, notamment :

«La force de maintien de la paix de la CEI, déployée sur le territo▯ire
de l’Abkhazie, remplit en réalité des fonctions de garde-frontière entre
l’Abkhazie et le reste de la Géorgie et n’assure pas les missio▯ns prévues

par son mandat, à savoir qu’elle ne peut assurer la protection de la
population ni créer les conditions d’un retour en toute sécurit▯é des
déplacés;
En Abkhazie, sur le territoire géorgien occupé, des violations
importantes des droits de l’homme et des libertés, sur des bases e▯th -
niques, ont été commises avec l’aide de forces militaires exter▯nes, telles

que la privation arbitraire de liberté, des actes de terrorisme, des p
meurtres, des prises d’otages, des enlèvements à des fins d’pextorsion,
des violations du statut officiel de la langue géorgienne, la destrupc -
tion et la spoliation de biens de l’Etat, de réfugiés et de dépplacés. Les
monuments de la culture et des établissements scientifiques et univerp -

sitaires géorgiens ont été détruits et des activités simiplaires ont lieu.
La communauté internationale n’a pas été dûment informépe de ces
actions. La politique des responsables séparatistes constitue une vépri -
table menace pour l’existence de l’ethnie abkhaze elle-même et pour
sa culture unique. » (Observations écrites de la géorgie, vol. Iv,
annexe 146; les italiques sont de moi.)

49. Le président Saakachvili n’était pas étranger lui non plus à ces pré -
occupations suscitées par les soldats russes chargés du maintien dpe la paix

à l’époque de son élection. dans un entretien accordé le 25 février 2004 à
BBC News (arrêt, par. 77), il déclara :
«Bien, la question porte avant tout sur nos relations avec la Rus -

sie. Les généraux russes sont à la tête de la région [l’pAbkhazie], ils
possèdent là-bas un contingent militaire qui a eu un effet très néfaste
durant les années de guerre. Au fond, ils ont déclenché la guerpre
là-bas et les séparatistes d’Abkhazie disposent d’un gigantesque
groupe de pression à moscou, car la région était comme la Riviera

pour l’ancienne Union soviétique. C’était le lieu de villégiature privi -
légié de la nomenklatura russe, y compris des généraux russeps.
Aussi, il a été très difficile pour eux de perdre non seulement la
géorgie — puisque, bien sûr, la géorgie est devenue indépendante
en 1991 —, mais aussi l’Abkhazie en même temps que la géorgie.
Toutefois, il s’agit bien évidemment d’un territoire géorgiepn, la plu -

part de sa population est, ou était, d’origine géorgienne. Ces per -

150217 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

separatists and we need to change the situation. Of course primarily
the way to change that is peaceful talks, offering them better alternap-
tives in terms of georgian economic development, georgia’s integra-
tion into Europe. Basically that is a lawless place.” (Written Statepment
of georgia, vol. Iv, Ann. 198 ; emphasis added.)

50. On 5 November 2005, the ministry of Foreign Affairs of georgia

issued a statement regarding the conduct or inaction of Russian peace -
keepers in the face of ongoing human rights violations being perpetuatedp
against the georgian civilian populations within their areas of responsi -
bility :

“Human rights violations continue to be committed in Abkhazia,
especially Gali District, in the zone controlled by CIS peacekeeping
forces. These violations have recently become massive and are mainly
committed against ethnic Georgian population.

On 2 November of the current year, a 21-year-old resident of village
gagida daniel Tsurtsumia was arrested without any reason by the
armed group of 60 Abkhazians and transferred to Sokhumi, where
he was forced to join the so-called Abkhazian army. He was brutally
beaten as he did not make an oath. As a result, daniel Tsurtsumia

died on 4 November.

The abovementioned fact once again confirms that CIS peacekeep-
ing forces are unable to or do not fulfill their duties under the mandat▯e,
in order to ensure security of the local population, and show their inac▯
tion with respect to serious human rights violations that occur in front

of their eyes.” (Written Statement of georgia, vol. Iv, Ann. 159 ;
emphasis added.)

51. On 14 November 2005, the ministry of Foreign Affairs of georgia
issued a statement that reported another incident involving such conductp
or inaction by Russian peacekeepers :

“With the syndrome of impunity, the separatist government of
Abkhazia and its so-called law enforcement agencies are resorting to
terror towards the ethnic georgian population, in order to expel them
from the region and conclude and legitimize ethnic cleansing.
This totally outrageous situation in the conflict zone takes place in

front of the eyes of peacekeeping forces and often with their secret
consent. On November 13, there was another incident in gali district,
that unfortunately ended with murder. particularly, during the
morning hours in Chuburkhindzhi, unknown persons, allegedly gali
policemen, attacked the residents of this region, Kh. Arkania
and g. Sichinava. Kh. Arkania was killed with firearms on [the] spot.

g. Sichinava was wounded and was later transferred to the gali

151 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 217

sonnes ont été chassées par les troupes russes et les sépara▯tistes locaux,
et nous devons changer la situation. Il va de soi que la manière de la
changer consiste avant tout à engager des pourparlers pacifiques, àp
leur offrir de meilleures perspectives de développement économiqpue
en géorgie et d’intégration de la géorgie à l’Europe. C’est foncière -
ment un lieu livré à l’anarchie. » (Observations écrites de la géorgie,

vol. Iv, annexe 198 ; les italiques sont de moi.)
50. Le 5 novembre 2005, le ministère des affaires étrangères de la géor -

gie publia une déclaration au sujet du comportement ou de l’inactipon des
soldats russes chargés du maintien de la paix face aux violations conpstantes
des droits de l’homme dont les civils géorgiens étaient victimeps dans les
zones placées sous leur responsabilité :

«Des atteintes aux droits de l’homme continuent d’être commises ▯en
Abkhazie, notamment dans le district de Gali, dans la zone sous le
contrôle de la force de maintien de la paix de la CEI. Ces derniers
temps, ces violations sont devenues massives et visent principalement la▯
population de souche géorgienne.

Le 2 novembre dernier, daniel Tsourtsoumia, âgé de 21 ans, rési -
dant dans le village de gagida, a été arrêté sans aucune raison par
un groupe armé de soixante Abkhazes et transféré à Soukhoumi, où
il a été forcé de rejoindre les rangs de la soi-disant armée abkhaze.
Il a été brutalement frappé parce qu’il n’a pas prêté pserment.

daniel Tsourtsoumia est décédé le 4 novembre des suites des coups
qu’il a reçus.
Le fait relaté confirme une fois de plus que la force de maintien de
la paix de la CEI est incapable de remplir ou ne remplit pas les obliga -
tions lui incombant au titre de son mandat afin de garantir la sécuri▯té
de la population locale, et témoigne de son inaction en cas de graves▯

atteintes aux droits de l’homme perpétrées devant elle. » (Observations
écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 159 ; les italiques sont de moi.)

51. Le 14 novembre 2005, le ministère des affaires étrangères de la
géorgie publia une déclaration qui faisait état d’un autre inpcident illus -
trant ce comportement ou cette inaction des soldats de la paix russes :

«En toute impunité, le gouvernement séparatiste abkhaze et ses
soi-disant forces de l’ordre ont recours à la terreur à l’égaprd de la
population géorgienne afin de l’expulser de la région et de mener à
bien et légitimer le nettoyage ethnique.
Cette situation totalement scandaleuse dans la zone du conflit se

déroule sous les yeux de la force de maintien de la paix et souvent
avec son assentiment tacite. Le 13 novembre, un nouveau fait tra -
gique s’est produit dans le district de gali, qui s’est malheureusement
soldé par un meurtre. plus précisément, pendant la matinée, des
personnes inconnues, semble-t-il des policiers de gali, ont attaqué à
Tchoubourkhindzi Kh. Arkania et g. Sitchinava, habitants de la

région. Kh. Arkania a été tué sur le coup par des tirs d’armes à feu.p

151218 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

districtHospital.” (Written Statement ofgeorgia, vol.Iv, Ann.161;
emphasis added.)

52. On 20 January 2006, the ministry of Foreign Affairs of georgia
issued a statement to the press in reaction to statements of the minister of
Foreign Affairs of the Russian Federation (Judgment, para. 96) :

“As for the conflicts on the georgian territory and the activity of
the Russian peacekeeping forces, it should be noted that we commend
mr. Lavrov for stating that it is necessary to comply fully with the

reached agreements. This is exactly what we are aiming at. However,
what we often come across is in fact an absolutely reverse position. A
case in point is mr. Lavrov’s allegations that the georgian side has
several conflict settlement plans for the Tskhinvali region. It is a
well-known fact that the plan drafted by the georgian side on the

basis of the president’s initiatives was approved by the world com -
munity and supported by the OSCE Summit in Ljubljana, including
the Russian Federation. Regrettably, the Minister of Foreign Affairs
of the Russian Federation seems oblivious to this fact when speaking of ▯
the meeting of the Joint Control Commission held in Moscow in Decem-

ber, where the negotiations reached an impasse due in large measure to
the Russian side’s rigid position. It is a worrisome fact that the Ru▯ssian
high-ranking officials constantly keep us warning of the expected pro-
vocations, military escalation and possible armed confrontations. Keep-
ing this issue in the foreground of attention indicates on the one hand p

that the threat of provocations does really exist, on the other — it
shows that the scenario for such development of events may be suiting
the interests of certain forces. These very forces stand behind the inci-
dents in the Tskhinvali region in summer of 2004, including deploy -
ment from the Russian Federation of sizeable armed groups and

concentration of Russian military formations near the Roki tunnel,
which took place with the end of carrying out the abovementioned
scenario.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
The culpable inaction of the peacekeeping forces and in many cases
their overt support for separatists is what can be held responsible for ▯
the militarization of the conflict zones, uncontrolled raids of armed for-

mations, every day occurrence of grave crimes and gross violation of
human rights. It is the unrestrained actions and attacks of criminals
that come in the way of the realization of economic projects, includ -
ing Enguri power station rehabilitation works.” (Written Statement
of georgia, vol. Iv, Ann. 162 ; emphasis added.)

152 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 218

g. Sitchinava quant à lui a été blessé et transféré par la suite à l’hô -
pital du district de gali.» (Observations écrites de la géorgie, vol. Iv,
annexe 161; les italiques sont de moi.)

52. Le 20 janvier 2006, le ministère des affaires étrangères géorgien
publia une déclaration à l’intention de la presse pour réponpdre à des pro-
pos tenus par le ministère des affaires étrangères de la Fépdération de Rus-
sie (arrêt, par. 96) :

«Quant aux conflits sur le territoire géorgien et à l’activitép de la
force russe de maintien de la paix, il convient de noter que nous félpi -
citons m. Lavrov pour sa déclaration concernant la nécessité de res -

pecter pleinement les accords conclus. C’est exactement ce à quoi
nous aspirons. Toutefois, nous nous heurtons en fait bien souvent à une
position absolument inverse. C’est le cas notamment des allégations de
m. Lavrov selon lesquelles la partie géorgienne dispose de plusieurs
plans de règlement du conflit pour la région de Tskhinvali. Il epst bien

connu que le plan élaboré par la partie géorgienne sur la base des
initiatives du président a été approuvé par la communautép internatio -
nale et a reçu le soutien de l’OSCE lors du sommet de Ljubljana, y
compris la Fédération de Russie. Il est regrettable que le ministre des
affaires étrangères de la Fédération de Russie ait semblé▯ avoir oublié ce

fait lorsqu’il s’est exprimé à la réunion de la Commission ▯ de contrôle
conjointe tenue à Moscou en décembre. A cette occasion, les négocia -
tions ont débouché sur une impasse, pour une large part en raison d ▯ e la
position inflexible de la partie russe. Il est inquiétant que les hau▯ s res -
ponsables russes ne cessent de nous mettre en garde contre le risque de

provocations, d’escalade des opérations militaires et d’évent ▯ uels affron-
tements armés. Le fait de maintenir cette question au premier plan
indique d’une part que la menace des provocations existe réellement ;
d’autre part, cela démontre que le scénario d’un tel déropulement des
événements peut servir les intérêts de certaines forces. Cesp forces sont

à l’origine des faits survenus dans la région de Tskhinvali au cours de
l’été 2004, parmi lesquels le déploiement depuis la Fédération de Rusp -
sie de groupes armés de taille non négligeable et la concentrationp de
formations militaires russes près du tunnel de Roki, qui ont eu lieu
aux fins d’exécuter le scénario mentionné plus haut.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
L’inaction coupable de la force de maintien de la paix et, dans bien d ▯ es
cas, son soutien déclaré à l’égard des séparatistes peu ▯ vent être considérés
comme les causes de la militarisation des zones en conflit, des raids

incontrôlés des formations armées et des graves crimes et violat ▯ ions
flagrantes des droits de l’homme commis quotidiennement. Ce sont les
actions et attaques sauvages de criminels qui font obstacle à la réalisa-
tion de projets économiques, parmi lesquels les travaux de remise en
état de la centrale hydroélectrique de l’Ingouri.» (Observations écrites

de la géorgie, vol. Iv, annexe 162; les italiques sont de moi.)

152219 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

53. On 19 June 2006, the deputy minister of Foreign Affairs of geor-
gia responded through the press to statements that had, on their part,
been circulated to the press by the minister of Foreign Affairs of the Rus -
sian Federation (Judgment, para. 96) :

“Question : In his interview granted to the media outlets on
16 June 2006, Minister of Foreign Affairs of the Russian Federation
Sergey Lavrov shifted the whole blame for deterioration of Georgian-
Russian relations to the Georgian side, citing in particular the Georgia▯n

side’s statements and threats against Russian peacekeepers during the▯
last year and a half. He also noted that Russian peacekeepers are
faced with groundless claims concerning their visas, which are not
provided for by the respective agreements. What will be your com -
ments?
Answer :Notwithstanding my deep sense of respect for Mr. Minister, I

can not share his opinions and feel compelled to differ with him on his
assessments. I will try to be coherent in giving my explanations of the
issues and groundless accusations voiced in his interview and register
once again the position we have stated earlier on more than one occasion.
To start with, let me underline that the Russian peacekeepers’ activ -

ity in the conflict zone lasting for years has laid bare their inability▯ to
fulfill their mandated obligations, and in particular, their failure to ▯con
tribute to peaceful resolution of the conflict and to provide the necessary
conditions for the safe return of internally displaced persons. They are
no longer in a position to act with impartiality to which attest clearly

the Russian side’s official statements that the major goal of Russian
peacekeepers is to protect rights and interests of the so-called Russian
citizens in the conflict regions. Also causing concern is their activep
participation in the military parade to mark the so-called independ -
ence day of the Tskhinvali region/South Ossetia. Furthermore, secretly
from them and in many cases through their immediate involvement, one

of the parties to the conflict carries out illegal and criminal acts aga▯inst
the ethnically Georgian peaceful population, bringing in personnel and
military equipment and concentrating them in the region through the
illegal checkpoints, of which international observers report system-
atically. These are the acts that can be described as totally unaccept -

able and provocative.

Against such background, it is increasingly clear that the peace
operations of this style, rather than leading to a full-scale settlement
of conflicts, aim definitely at preserving the existing situation. peace -
keepers have in fact assumed the role as protectors of separatists and

border guards between the conflict regions and the rest of georgia.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
To the Russian side we suggest close co-operation, with the partici -

pation of representatives of the South Ossetian side as well, which

153 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 219

53. Le 19 juin 2006, le vice-ministre des affaires étrangères de la géor -
gie répondit par l’intermédiaire de la presse à des déclaprations qui, elles,
avaient été faites à la presse par le ministre des affaires éptrangères de la
Fédération de Russie (arrêt, par. 96) :

« Question : Dans l’interview qu’il a accordée aux médias le
16 juin 2006, le ministre des affaires étrangères de la Fédération de ▯ Rus-
sie, M. Sergueï Lavrov, a rejeté la responsabilité de la détérioration des
relations russo-géorgiennes sur la partie géorgienne, citant en particulier

les déclarations et menaces formulées par celle-ci contre la force russe de
maintien de la paix au cours des dix-huit derniers mois. Il a également
fait observer que la force russe de maintien de la paix faisait face àp des
demandes infondées concernant leurs visas, qui n’étaient pas prpévus
par les accords respectifs. Quels sont vos commentaires à ce sujet?

Réponse :Sauf mon profond respect pour M. le Ministre, je ne peux
partager ses opinions et me vois forcé de contester ce qu’il affirm▯ e. Je vais
tâcher d’être cohérent en m’expliquant sur les questions pet accusations
infondées exprimées dans son interview et exposerai une nouvelle fpois la
position que nous avons soutenue à maintes reprises par le passé.
Tout d’abord, j’aimerais préciser que l’activité de la force russe de main
-
tien de la paix dans la zone de conflit qui dure depuis des années a m ▯ is en
évidence l’incapacité de celle-ci à s’acquitter des obligations lui incombant
dans le cadre de son mandat, et en particulier son incapacité à con ▯ tribuer
au règlement pacifique du conflit et à garantir les conditions néc ▯ essaires
au retour en toute sécurité des personnes déplacées. Cette fo ▯ rce n’est plus

à même d’agir de façon impartiale, comme l’attestent clairement les
déclarations officielles de la partie russe selon lesquelles le but pprincipal
de cette force serait de protéger les droits et les intérêts deps soi-disant
citoyens russes dans les régions touchées par le conflit. Une auptre source
de préoccupation est sa participation active au défilé militairpe pour célé -

brer le prétendu jour de l’indépendance de la région de Tskhpinvali
(Ossétie du Sud). De plus, soit à son insu, soit, dans bien des cas, avec sa
participation directe, l’une des parties au conflit commet des actes i▯ llicites
et criminels à l’encontre de la population pacifique de souche géo ▯ rgienne,
en introduisant des hommes et du matériel militaire via les postes dep

contrôle illégaux et en les concentrant dans la région, ce dont les obser -
vateurs internationaux font systématiquement état. Il s’agit d’pactes p -ou
vant être qualifiés de totalement inacceptables et provocateurs.
dans de telles conditions, il est de plus en plus clair que des opéra -
tions de paix de cet acabit, loin de conduire à un véritable rèpglement
des conflits, visent incontestablement à pérenniser la situation exis -

tante. Les soldats chargés du maintien de la paix jouent en fait le rpôle
de protecteurs des séparatistes et de gardes-frontières entre les régions
touchées par le conflit et le reste de la géorgie.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Nous proposons à la partie russe une coopération étroite, avec la

participation de représentants de la partie sud-ossète également, pré -

153220 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

envisages extension of the negotiation format and involvement of
OSCE member states and other international organizations in the
peace process. However, all efforts of the Russian side, trying to hold
on to its exclusive right of mediator, are concentrated on maintaining
those outmoded mechanisms and agreements, which have not moved the
peace process forward an inch. It gives us sufficient grounds to call in▯to

question the ‘sincerity’ of the Russian side’s claims that its ▯goal is to
achieve the settlement of conflicts. The georgian side holds out hope
that the Russian colleagues will assume a more constructive position.

With respect to the signing of a document on the non-use of force,
our position is unequivocal. This obligation should become one of the

key elements of the process, which should advance the goal of a
full-scale and comprehensive settlement of the existing conflicts. It
means granting the European model of broad autonomy to the
Tskhinvali and Abkhazian regions within the internationally recog -
nized borders. Besides, there have to be firm international guarantees

to insure safety of the population and protection of their rights. In
other case, the consequences that may follow will be harsh. Georgia
remembers vividly the bitter experience when the analogous agreement
signed only under the guarantee of Russia remained on paper and the
terrible tragedy that struck Gagra and Sukhumi ended in dislodgement
of hundreds of thousands of people from their places of residence and

was later appraised by OSCE as ethnic cleansing.” (Written Statement
of georgia, vol. Iv, Ann. 164 ; emphasis added.)

54. president Saakashvili again demonstrated his awareness of the
problems regarding the right of return of refugees/Idps and the continu -
ing problems faced by victims of ethnic cleansing, when he addressed thep
(EU) European parliament in 14 November 2006 (Judgment, para. 93) :

“Unfortunately, there are many who continue to suffer from these
conflicts.

Over 300,000 georgians were ethnically cleansed from Abkhazia in
the early 1990s as a result of war and violent separatism — along with
hundreds of thousands of other nationalities who today cannot return
to their homes.

Even now, we witness how the property of those expelled peoples is
inhabited by others and in many cases sold illegally.
Indeed, just recently, one of the most famous georgian-French
film directors, mr. Otar Iosseliani, while commenting on the current
anti-georgian campaign in Russia remarked that history seems to be
repeating itself — targeting the same victims for a second time — had

this to say, and I quote :

154 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 220

voyant l’extension du modèle de négociation et la participationp
d’Etats membres de l’OSCE et d’autres organisations internationpales
au processus de paix. Toutefois, la partie russe, qui cherche à conser -
ver son droit exclusif de médiateur, s’évertue systématiquem▯ent à main-
tenir ces mécanismes et accords désuets qui n’ont pas fait avan▯cer d’un
iota le processus de paix. Cela nous donne suffisamment de raisons de

mettre en doute la « sincérité» des revendications de la partie russe, qui
prétend que son objectif est d’aboutir au règlement des conflit▯s. La par -
tie géorgienne garde l’espoir que les collègues russes adopteropnt une
position plus constructive.
pour ce qui est de la signature du document relatif à l’interdictiopn
du recours à la force, notre position est sans équivoque. Cette inpter -

diction doit devenir l’un des éléments clés du processus, qupi doit ser-
vir l’objectif d’un règlement global et à grande échelle pdes conflits
existants. Cela consiste à doter les régions de Tskhinvali et d’Abkha -
zie du modèle européen de large autonomie au sein des frontièreps
internationalement reconnues. En outre, il doit y avoir de solides

garanties internationales afin d’assurer la sécurité de la popuplation et
la protection de ses droits. dans le cas contraire, les conséquences
qui pourraient en découler seront très graves. La Géorgie garde un
souvenir très vivace et amer de l’accord analogue qui n’avait é▯té signé
qu’en échange de certaines garanties de la Russie et qui est resté▯ lettre
morte, et de la terrible tragédie qui a frappé Gagra et Soukhoumi,▯

laquelle s’est soldée par le déplacement de centaines de millie▯rs de per -
sonnes de leur lieu de résidence et fut ensuite qualifiée par l’▯OSCE de
nettoyage ethnique. » (Observations écrites de la géorgie, vol. Iv,
annexe 164; les italiques sont de moi.)

54. Le président Saakachvili montra une nouvelle fois qu’il était
conscient des problèmes concernant le droit au retour des réfugiéps et des
personnes déplacées, ainsi que des problèmes auxquels continuaipent de
faire face les victimes du nettoyage ethnique, lorsqu’il s’exprimap devant le

parlement européen le 14 novembre 2006 (arrêt, par. 93) :
«malheureusement, trop de personnes souffrent encore de ces
conflits.

Au début des années 1990, plus de trois cent mille géorgiens d’Ab -
khazie ont été victimes d’un nettoyage ethnique en conséquenpce de la
guerre et de la violence des mouvements séparatistes — auxquels
s’ajoutent des centaines de milliers de personnes d’autres nationalités
qui ne peuvent pas rentrer chez elles aujourd’hui.

Aujourd’hui encore, nous voyons les propriétés des personnes ex▯pul -
sées habitées par d’autres ou, bien souvent, vendues illégal▯ement.
En fait, l’un des cinéastes franco-géorgiens les plus célèbres,
Otar Iosseliani, a tout récemment fait remarquer, alors qu’il com -
mentait la campagne anti-géorgienne menée actuellement en Russie,
que l’histoire semblait se répéter et qu’elle prenait les mêmes personnes

pour cible pour la deuxième fois. Voici ce qu’il a dit :

154221 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

‘The Russian administration first undertook ethnic cleansing
in Abkhazia, from where 500,000 people became refugees. Those
who could not escape by walking through the high mountains of
Svaneti, georgia, were massacred by the hands of mercenaries.
They devastated and destroyed the country. And by the way, then
everybody was silent too.’

This is the painful legacy we have inherited. And this is the lawless -
ness and injustice that we confront.

And this time, let us not be silent.” (Written Statement of georgia,
vol. Iv, Ann. 172 ; emphasis added.)
55. On 2 march 2007, the georgian State minister on Conflict Regula -

tion Issues released a statement (Judgment, para. 96) that reported actual
incidents of conduct or inaction of Russian peacekeeping forces :

“On 1 march of the current year, the so-called law enforcement
authorities of Abkhazia opened fire at the local group of young peo -
ple of georgian and Abkhazian nationality, in the zone controlled by
Russian peacekeeping forces between the posts No. 202 and No. 306
of Collective peacekeeping Forces.
The young people publicly expressed their personal opinions

regarding the non-legitimate elections of de facto parliament appointed
on 4 march and violent politics of the separatist regime. As a result
of this attack three peaceful citizens were kidnapped : ghachava,
Rogava and Korshia, who are kept in illegal imprisonment and,
according to the statement of Abkhazian side, will not be released.

The above-mentioned acts are directed against the right of peaceful
assembly and freedom of expression and put obstacles to approach -
ment and restoration of confidence between Abkhazian andgeorgian
societies. The mentioned incident poses direct threat to the peacekeep -
ing initiative proposed by the georgian side and once again reveals

explicitly destructive approach towards the peacekeeping process.

The Office of State minister on Conflict Regulation Issues expressed
its deep concern over the mentioned provocations. The incident that
occurred in the lower zone of gali district on march 1, by the de
facto administration, once again underlines the policy of intimidation

of the local population that is established on the practice of gross hum▯an
rights violation. It is mostly done against the background of criminal
inaction of Russian peacekeepers. The above described fact confirms
the accuracy of our position with respect to the contingent of the
Russian peacekeepers.” (Written Statement of georgia, vol. Iv,
Ann. 174; emphasis added.)

56. The ministry of Foreign Affairs of georgia again confirmed its

assessment of the conduct or inaction of Russian peacekeepers on 20 Sep -

155 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 221

«L’administration russe a entrepris un premier nettoyage eth -
nique en Abkhazie ; cinq cent mille personnes sont alors devenues
des réfugiés. Celles qui n’ont pas pu s’échapper en traveprsant les
hautes montagnes de Svaneti, en géorgie, ont été massacrées par

les mercenaires, qui ont dévasté et détruit le pays. Là aussi, du
reste, tout le monde était demeuré silencieux. »

voici donc le lourd passé dont nous avons hérité. Tel est l’Eptat de
non-droit et l’injustice auxquels nous sommes confrontés.
Cette fois-ci, ne restons pas silencieux. » (Observations écrites de la
géorgie, vol. Iv, annexe 172 ; les italiques sont de moi.)

55. Le 2 mars 2007, le ministre d’Etat géorgien chargé de la résolution deps
conflits fit une déclaration (arrêt, par. 96) dans laquelle il cita des cas concrets
d’écarts de conduite ou d’inaction de la force russe de maintiepn de la pa:ix

« Le 1ermars de cette année, les soi-disant forces de l’ordre d’Ab -
khazie ont ouvert le feu sur un groupe local de jeunes gens de natio -

nalités géorgienne et abkhaze, dans la zone sous contrôle de lap force
russe de maintien de la paix entre les postes n o 202 et n o306 des
forces collectives de maintien de la paix.
Les jeunes gens ont exprimé publiquement leurs opinions person -

nelles au sujet des élections non légitimes du parlement de fait consti-
tué le 4 mars et de la violence qui caractérise la politique du régime
séparatiste. A la suite de cette attaque, trois citoyens pacifiques opnt
été enlevés : gatchava, Rogava et Korchia, qui font l’objet d’une
détention illégale et, selon les déclarations de la partie abkhpaze, ne

seront pas relâchés.
Les faits ci-dessus sont contraires au droit à la liberté de réunion
pacifique et à la liberté d’expression, et font obstacle au rappproche -
ment et au rétablissement de la confiance entre les communautés
abkhaze et géorgienne. L’événement relaté fait peser une pmenace

directe sur l’initiative de maintien de la paix proposée par la partie
géorgienne et témoigne là encore de manière très claire d’une volonté
de réduire à néant le processus de maintien de la paix.
Le bureau du ministère d’Etat chargé de la résolution des copnflits
a exprimé sa profonde préoccupation au sujet des provocations men -

ternnées. Les faits qui ont été commis par les autorités de pfait le
1 mars dans la zone inférieure du district de gali mettent une fois
encore en évidence la politique d’intimidation mise en œuvre à l’égard
de la population locale, qui consiste à perpétrer des violations f▯lagrantes
des droits de l’homme — avec le plus souvent, en arrière-plan, une inac -

tion criminelle des soldats de la paix russes. Les faits relatés plus haut
confirment le bien-fondé de notre position en ce qui concerne le
contingent des soldats russes de maintien de la paix. » (Observations
écrites de la géorgie, vol. Iv, annexe 174 ; les italiques sont de moi.)

56. Le ministère des affaires étrangères de la géorgie répéta ce qu’il
pensait du comportement ou de l’inaction des soldats de la paix russeps le

155222 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

tember 2007 (Judgment, para. 96), in a statement calling upon the Rus -
sian Federation for action :
“As a country whose efforts are directed at the restoration, througph

peaceful settlement of the conflicts, of its territorial integrity, georgia
wants to see Russia as a partner focused on the establishment of peace
and stability in the Caucasus region. We believe that should be in
Russia’s interests.
Regrettably, such position of georgia has not found understanding

from the Russian side. The efforts of the georgian authorities to build
a democratic state based on the rule of law, which is to become a
full-fledged democratic member of the international community, are
viewed by Russia’s governing circles as an action directed against the
national interests of Russia. The separatist regimes on the territory
of Georgia continue to be at the receiving end of Russia’s evident and

undisguised backing, political, economic and — what is most alarm -
ing — military support.
Of particular concern, against such background, are continuous
“warnings”, voiced by the ministry of Foreign Affairs and senior offi -
cials of the Russian Federation, concerning the allegedly high likeli -
hood of provocations by the georgian side, escalation of the situation

and armed confrontation. It deserves to be noted that the contents of
the statements and the time of their publication seem to synchronize
perfectly with the analogous statements of the separatist regimes. It
points to the real threat of provocations. But this threat emanates from
the separatists and their patrons.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
At the same time, militarisation of the conflict zones, raids of armed

gangs, violations of fundamental human rights, gross infringement on
the property right of IDPs/refugees, victims of ethnic cleansing, in
particular seizure and illegal sale of their assets that has already acq▯uired
a mass character, daily incidence of grave offences involving peacekeep -
ers take place amid the culpable inactivity of the peacekeeping forces
and in many cases their open support of the separatists.

Armed confrontation is avoided mainly because of the georgian
government’s strong and principled position on peaceful resolution
of the conflicts. At the same time, the georgian side considers it nec -
essary that the international community adopt a clear and unequivo-

cal position on Russia’s destructive actions against georgia that will
be an important deterrent factor for the aggressively disposed forces.

The Ministry of Foreign Affairs of Georgia calls on the Russian side
to discontinue its actions aimed at escalation of the tension in the con -

flict zone and undertake the functions of a truly unbiased facilitator. On

156 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 222

20 septembre 2007 (arrêt, par. 96), dans une déclaration exhortant la
Fédération de Russie à agir :
«En tant que pays œuvrant à rétablir son intégrité territopriale en

réglant les conflits de manière pacifique, la géorgie veut voir la Rus -
sie comme un partenaire qui donne la priorité à l’instauration pde la
paix et de la stabilité dans la région du Caucase — ce qui devrait être
dans l’intérêt de la Russie, nous semble-t-il.
Il est regrettable que cette position de la géorgie n’ait pas été com -

prise par la partie russe. Les efforts des autorités géorgiennesp pour
bâtir un Etat démocratique fondé sur la prééminence du drpoit, qui
doit devenir un membre démocratique à part entière de la commu -
nauté internationale, sont considérés par les instances gouvernemen -
tales russes comme une action dirigée contre les intérêts nationaux de
la Russie. Les régimes séparatistes sur le territoire de la Géorgie conti -

nuent de bénéficier du soutien évident et non dissimulé de la Russie,
soutien politique, économique et, ce qui est le plus alarmant, milita▯ire.
Face à cette situation, les « mises en garde» continuelles exprimées
par le ministère des affaires étrangères et par de hauts foncptionnaires
de la Fédération de Russie quant au risque élevé de provocatpions de
la part de la géorgie, d’aggravation de la situation et d’affrontement

armé sont particulièrement préoccupantes. Il convient de faire premar -
quer que ces déclarations semblent, par leur contenu et le moment de p
leur publication, coïncider parfaitement avec les déclarations anaplo -
gues faites par les régimes séparatistes. Cela laisse prévoir upne réelle
menace de provocations. Mais cette menace émane des séparatistes et
de ceux qui les soutiennent.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Dans le même temps, la militarisation des zones de conflit, les raids▯

de gangs armés, les atteintes aux droits fondamentaux de la personne ▯
humaine, les violations flagrantes du droit de propriété des perso▯nnes
déplacées et des réfugiés victimes du nettoyage ethnique — dont les
biens sont, en particulier, déjà saisis et vendus illicitement à grande
échelle —, et les atteintes graves et quotidiennes mettant en cause des
soldats chargés du maintien de la paix, ont lieu dans un contexte d’▯inac -

tion coupable de la part de la force de maintien de la paix, qui, bien
souvent, soutient ouvertement les séparatistes.
L’affrontement armé est évité principalement parce que le pgouver -
nement géorgien est fermement attaché par principe au règlementp
pacifique des conflits. dans le même temps, la partie géorgienne
considère qu’il est nécessaire que la communauté internationpale

adopte une position claire et sans équivoque à propos des actes dep
destruction commis par la Russie à l’encontre de la géorgie, ce qui
contribuera beaucoup à dissuader les forces enclines à la violencep.
Le ministère géorgien des affaires étrangères appelle la par▯tie russe
à cesser ses agissements destinés à favoriser une escalade de l▯a tension

dans la zone de conflit et à assumer les fonctions de médiateur ré▯elle -

156223 convention on racialp discrimination (sep. pop. simma)

our part, we would like to underline once again our readiness for
constructive co-operation with Russia in this direction.” (Written
Statement of georgia, vol. Iv, Ann. 175 ; emphasis added.)

57. In the face of apparent Russian silence or lack of an adequate or
sufficient response to its public statements, the ministry of Foreign Affairs
of georgia concluded on 22 November 2007 (Judgment, para. 96) :

“It should be noted that the activity of the Russian peacekeepers
in georgia’s conflict zones is absolutely destructive and negative. It
is further attested by the fact that up to two thousand local residents ▯

have been killed in the area controlled by the so-called peacekeepers.
Russian peacekeepers do not comply with their mandated commit -
ments and act as protectors of the separatist regimes . . ..” (Written
Statement of georgia, vol. Iv, Ann. 176 ; emphasis added.)

C. Concluding Remarks

58. I would like to emphasize that, with this separate opinion, I do not

intend to contradict in any way the joint dissenting opinion of which I pam
a co-author. Rather, the purpose of the preceding pages has been to
present an account of the facts allowing a more informed conclusion on
Russia’s first preliminary objection, but also extending into the reaplm of
the second preliminary objection and broadening the factual basis for oupr
joint dissent. In my view, the way in which the present Judgment handlesp

the issue of the relevance and legal significance of facts is unacceptable.
The Judgment thus adds another chapter to the story of the Court’s
unsatisfactory handling of evidence. It embodies serious deficiencies inp
this regard.

(Signed) Bruno Simma.

157 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. simma) 223

ment impartial. pour notre part, nous aimerions souligner une fois de
plus que nous sommes disposés à coopérer dans ce sens de façpon
constructive avec la Russie. » (Observations écrites de la géorgie,
vol. Iv, annexe 175 ; les italiques sont de moi.)

57. La Fédération de Russie ayant manifestement gardé le silence oup
n’ayant pas répondu de manière appropriée ou suffisante àp ses déclara -
tions publiques, le ministère des affaires étrangères géorpgien conclut le
22 novembre 2007 (arrêt, par. 96) :

«Il convient de mentionner que les activités des soldats de la force
russe de maintien de la paix dans les zones de conflit en géorgie sont
absolument destructrices et négatives. Preuve en est le fait que pas

moins de deux mille habitants ont été tués dans la zone sous co▯ntrôle de
la soi-disant force de maintien de la paix. Les soldats de la force russe
de maintien de la paix ne respectent pas les engagements pour les -
quels ils ont reçu mandat et agissent comme les protecteurs des
régimes séparatistes. » (Observations écrites de la géorgie, vol. Iv,
annexe 176; les italiques sont de moi.)

C. Observations finales

58. Je tiens à souligner que, en rédigeant la présente opinion indipvi -

duelle, je n’entends point contredire d’une façon ou d’une aputre l’opinion
dissidente commune dont je suis l’un des auteurs. Le but des pages prpécé -
dentes était plutôt de livrer un récit des faits qui non seulempent permette
d’apprécier la première exception préliminaire de la Russie pen meilleure
connaissance de cause, mais qui éclaire aussi la deuxième exception préli -
minaire et qui étoffe le tableau factuel sur lequel notre opinion cpommune

est fondée. A mon sens, la manière dont la Cour a traité dans lpe présent
arrêt la question de la pertinence des faits et de leur valeur juridipque est
inacceptable. Elle a ainsi ajouté un nouveau chapitre à l’histopire de ses
errements dans l’administration des éléments de preuve. Son arrpêt traduit
de graves lacunes en la matière.

(Signé) Bruno Simma.

157

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. le juge Simma

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